identifier
stringlengths
14
257
collection
stringclasses
5 values
open_type
stringclasses
1 value
license
stringclasses
4 values
date
float64
1.9k
2.02k
title
stringlengths
1
975
creator
stringclasses
774 values
language
stringclasses
1 value
language_type
stringclasses
1 value
word_count
int64
2
312k
token_count
int64
10
553k
text
stringlengths
23
2.08M
__index_level_0__
int64
0
57.3k
tel-04032612-these_jaskula_malgorzata.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Education plurilingue et élèves nouvellement arrivés : pratiques enseignantes contextualisées en Europe. Linguistique. Normandie Université, 2022. Français. ⟨NNT : 2022NORMR068⟩. ⟨tel-04032612⟩
None
French
Spoken
7,647
13,560
HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. THÈSE Pour obtenir le diplôme de doctorat Spécialité SCIENCES DU LANGAGE - LINGUISTIQUE Préparée au sein de l'Université de Rouen Normandie Εducatiοn plurilingue et élèves nοuvellement arrivés : pratiques enseignantes cοntextualisées en Εurοpe Présentée et soutenue par MALGORZATA JASKULA Thèse soutenue le 22/11/2022 devant le jury composé de M. PIERRE ESCUDE PROFESSEUR DES UNIVERSITES, UNIVERSITE DE BORDEAUX Rapporteur du jury MME GRETA KOMUR-THILLOY PROFESSEUR DES UNIVERSITES, UNIVERSIT E DE HAUTE ALSACE Rapporteur du jury MME MARISA CAVALLI EXPERT DE HAUT NIVEAU, Membre du jury MME DOMINIQUE GROUX PROFESSEUR DES UNIVERSITES, UNIVERSITE DES ANTILLES Membre du jury MME ANDREA YOUNG PROFESSEUR DES UNIVERSITES, UNIVERSITE STRASBOURG Président du jury M. MEHMET-ALI AKINCI PROFESSEUR DES UNIVERSITES, Université de Rouen Normandie Direct eur de thèse MME VERONIQUE MIGUEL ADDISU PROFESSEUR DES UNIVERSITES, Université de Rouen Normandie Co-directeur de thèse Thèse dirigée par MEHMET-ALI AKINCI ( DYNAMIQUE DU LANGAGE IN SITU ) et VERONIQUE MIGUEL ADDISU ( DYNAMIQUE DU LANGAGE IN SITU) THÈSE Pour obtenir le diplôme de doctorat Spécialité Sciences du Langage - Linguistique Préparée au sein de l’Université de Rouen – Normandie Université Education plurilingue et élèves nouvellement arrivés : pratiques enseignantes contextualisées en Europe Présentée et soutenue par Małgorzata JASKUŁA VOLUME 1 Thèse soutenue publiquement le 22 novembre 2022 devant le jury composé de Monsieur Mehmet-Ali AKINCI Professeur / Université de Rouen Normandie Madame Véronique MIGUEL ADDISU Professeure / INSPÉ A cadémi e de Rouen – Codirectrice de th Le Havre, Université de Rouen Normandie Madame Marisa CAVALLI Experte indépendante / Unité des Politiques Examinatrice Linguistiques, Conseil de l’Europe Monsieur Pierre ESCUDÉ Professeur / INSPÉ Académie de Bordeaux, Université de Bordeaux Directeur de thèse Rapporteur Madame Dominique GROUX Professeure honoraire / Université des Antilles – Examinatrice Martinique Madame Greta KOMUR-THILLOY Professeure / Université de Haute Alsace – Rapporteure Mulhouse Madame Andrea YOUNG Professeure / INSPÉ Académie de Strasbourg, Examinatrice Université de Strasbourg Thèse dirigée par Mehmet-Ali AKINCI et Véronique MIGUEL ADDISU, laboratoire DYLIS (UR7474) A mon père qui m’a donné ma première leçon d’éveil aux langues Mojemu tacie, który udzielił mi pierwszej lekcji odkrywania języków A ma mère qui soutient mon goût pour les voyages depuis toujours Mojej mamie, która od zawsze wspiera moje zamiłowanie do podróży 3 merci Ce projet de thèse n’aurait pas vu le jour sans l’aide, le soutien et la contribution de nombreuses personnes en France, en Italie et en Pologne. J’exprime ma plus grande reconnaissance à mes directeurs de thèse Mehmet-Ali Akinci, pour sa disponibilité, ses encouragements au quotidien, ses minutieuses corrections et remarques et pour l’accueil chaleureux au sein du laboratoire DyLIS ; Véronique Miguel Addisu, pour sa confiance, son soutien, ses précieuses suggestions qui m’ont poussée à réfléchir davantage et pour l’inclusion dans le projet de recherche PARLangues. Si j’ai pu avancer, apprendre et construire ma posture de formatrice et de chercheuse tout au long de ces années, c’est grâce à vous deux. Je remercie également tous les membres du jury de cette thèse, Marisa Cavalli, Pierre Escudé, Dominique Groux, Greta Komur-Thilloy et Andrea Young, d’avoir accepté la lecture et l’expertise de cette thèse. Vos recherches étaient particulièrement inspirantes et c’est un honneur de partager mon travail avec vous. J’adresse mes plus sincères remerciements à Sophie Briquet, enseignante-chercheuse à l’INSPE de l’académie de Rouen, d’avoir inclus ma recherche doctorale dans le cadre du projet GRR Didacfran, grâce auquel j’ai pu bénéficier d’une allocation doctorale de la Région Normandie. Je remercie tout particulièrement Sophie Briquet et Andrea Young d’avoir fait partie du comité de suivi de ma thèse. Votre regard extérieur, vos précieuses remarques et vos encouragements m’ont permis d’avancer sans crainte. Ma gratitude va également à Laurence Vignes pour ses précieux conseils et sa confiance en moi depuis mes études en Master FLE, ainsi qu’à tous les collègues et les amis doctorants et docteurs du laboratoire DyLIS, Aline, Carlo, Chloé, Cléo, Coralie, Déborah, Fadila, Francelino, Hayat, Julian, Léa, Nathalie, Oksana, Peter, Sébastien, Selda Thomas, Violaine avec qui j’ai partagé des moments enrichissants tout au long de ces années. J’envoie aussi mes remerciements aux collègues de l’université Paris-Est-Créteil et surtout Joëlle Aden, Vera Delorme Ricardo Torre et Stephen Scott Brewer pour l’accompagnement dans ma prise de poste d’ATER à l’INSPE de l’académie de Créteil et l’Université Paris-Est-Créteil. Je remercie également l’Association des Sciences du langage – ASL et l’Association pour le Développement de l’Education Bilingue – ADEB de m’avoir accueillie dans ses rangs autour des chercheurs éminents. Mes remerciements très sincères vont aux enseignants français, participants à mon enquête, avec qui j’ai pu échanger, partager des moments professionnels et amicaux. Merci de votre temps précieux! Je remercie tout particulièrement ma très chère amie Kasia Popczyk pour les transcriptions, les relectures, l’amour qu’elle m’a transmis pour l’Italie et sa présence depuis 19 ans de ma vie rouennaise. Dziękuję Ci droga Kasiu! Merci à toutes mes relectrices et correctrices Marion, Cécile, Claire et Virginie, mais aussi à mes amis Cécile, Jérémie, Ewelina, Simon, Claire, Loïc, Marion, François, Diackane, Ivan, Jenna, Étienne, Hélène, Joachim, Marjorie, Romain, Grand, Eli, Vincuś, Floflo, Hélènka, Dany, Marion, Gyorgyi, Mathilde, Sabrina, Emilie, Cécile, Christophe, Caroline, Gosia et Teddy, pour leur soutien, leur compréhension, leur bienveillance, leur bonne humeur, leurs bons mots, leur ouverture d’esprit. Je remercie toute la famille française et mamie Quiquine pour l’accueil, la bienveillance et les heures de causeries pleines de rires. Et enfin, et surtout, un merci tout spécial à Pierre, de m’apporter de la confiance, de l’énergie, de la motivation, du sourire et du plurilinguisme au quotidien... 5 6 Ringraziamenti Podziękowania Questo progetto di tesi non sarebbe stato possibile senza l’aiuto, il supporto e il contributo di molte persone in Francia, in Italia e in Polonia. Innanzitutto vorrei ringraziare i miei direttori di tesi, Mehmet-Ali Akinci, per la sua disponibilità, il suo incoraggiamento quotidiano, le sue meticolose correzioni e commenti e per la calorosa accoglienza all’interno del laboratorio DyLIS; Véronique Miguel Addisu, per la sua fiducia, il suo sostegno, i suoi preziosi suggerimenti e per avermi inclusa nel progetto di ricerca PARLangues. Se sono stata in grado di andare avanti e costruire la mia posizione di formatrice e ricercatrice in questi anni, è grazie a voi due. Vorrei inoltre ringraziare tutti i membri della commissione di tesi, Marisa Cavalli, Pierre Escudé, Dominique Groux, Greta Komur-Thilloy e Andrea Young, per aver accettato di leggere e fare la revisione della presente tesi. Le vostre ricerche sono state particolarmente stimolanti ed è un onore condividere il mio lavoro con voi. Innanzitutto ringrazio gli insegnanti delle scuole con cui sono entrata in contatto per la disponibilità e l’interesse. Un sentito grazie a Maria Teresa per i consigli e per le spiegazioni a proposito dell’organizzazione del sistema scolastico italiano. Ringrazio i miei amici Italiani: Silvia, Erika, Flavia per avermi aiutato a cercare la scuola e le persone interessate a questo studio, e soprattutto per il supporto, l’accoglienza e per le conoscenze che mi avete trasmesso. Vorrei infinitamente ringraziare Paola e la sua famiglia per l’ospitalità, l’amicizia e il supporto quotidiano che mi hanno dato quando ero a Udine.Senza di voi, questa ricerca udinese non avrebbe mai avuto successo! Realizacja niniejszej pracy doktorskiej nie byłaby możliwa bez pomocy, wsparcia i wkładu wielu osób we Francji, we Włoszech i w Polsce Moje najszczersze podziękowania kieruję do moich promotorów, Mehmeta-Aliego Akinci, za jego dyspozycyjność, codzienne zachęty, dokładne poprawki i uwagi oraz za ciepłe przyjęcie w laboratorium DyLIS; Véronique Miguel Addisu za jej zaufanie, cenne sugestie, które skłoniły mnie do dalszej refleksji, a także za pracę nad projektem badawczym PARLangues. Jeśli przez te lata mogłam rozwijać swoje kompetencje i budować swoją postawę badacza i trenera to przede wszystkim dzięki Wam obojgu. Pragnę podziękować wszystkim członkom komisji, Marisie Cavalli, Pierre’owi Escudé, Dominique Groux, Grecie Komur-Thilloy i Andrei Young, za zaakceptowanie lektury i ekspertyzy tej pracy. Wasze dokonania były dla mnie szczególnie inspirujące, to ogromny zaszczyt podzielić się z Wami moimi badaniami. Moje podziękowania płyną w stronę wszystkich nauczycieli biorących udział w tym badaniu, a w szczególności Dorocie, za dyspozycyjność, za ciepłe przyjęcie mnie w szkole i za zaufanie. Nieskończone podziękowania adresuję mojej drogiej przyjaciółce Kasi Popczyk za transkrypcje, za korekty, za przekazanie mi miłosci do Włoch i za obecność przez 19 lat mojego życia w Rouen. Wyrażam również moją dozgonną wdzięczność rodzinie i przyjaciołom w Polsce, kuzynowi Maćkowi i Agnieszce, a także Izie i Kubie za zakwaterowanie i pomoc w czasie badań w Warszawie i Ożarowie. Pragnę podziękować z całego serca moim rodzicom, rodzeństwu i babci za wyrazumiałość i wsparcie związane z moim oddaleniem. Dziękuję także smerfikom : Mai, Filipowi, Frankowi, Tadziowi, Jasiowi, Ani za ich uśmiechy, które nieustannie dają mi energii. Dziękuję bardzo serdecznie moim przyjaciołom z Polski i ze świata: Beacie, Tomkowi, Dorotce, Marcie, Asi, Gosi, Ewelinie, Jackowi, Natali, Monice, Hani, Joasi, Andusi, Yuxuan, za ich wsparcie i obecność od wielu lat. L’objectif de cette recherche est de réfléchir aux facteurs de mise en œuvre d’une éducation plurilingue et interculturelle auprès des élèves nouvellement arrivés (ENA) âgés de 11 à 15 ans en France, en Italie et en Pologne. La problématique de cette étude porte sur la valorisation du plurilinguisme de ces élèves comme appui pour l’apprentissage de la langue seconde et levier de l’inclusion socio-éducative (Goï, 2015 ; Mendonça Dias et al., 2020). L’accueil et l’inclusion des ENA plurilingues et pluriculturels dans les classes constituent un nouveau défi pour les acteurs et les systèmes éducatifs (OCDE, 2016). Si les préconisations européennes soulignent l’importance de la prise en compte des connaissances en langues-cultures premières des élèves dans le processus d’enseignementapprentissage (Cummins, 2011 ; Beacco et al., 2016), les recommandations officielles des pays ne les mentionnent pas systématiquement. Inscrite dans le champ de la didactique des langues-cultures (DDLC) et la perspective sociodidactique (Dabène & Rispail, 2008 ; Cortier, 2009 ; Miguel Addisu, 2012), cette recherche s’appuie sur une démarche ethnographique à partir de données qualitatives et quantitatives (Blanchet & Chardenet, 2011). La complexité du sujet est abordée sur trois niveaux (Bronfenbrenner, 1979 ; Desjeux, 2004 ; Eurydice, 2019) : macro – les enjeux des politiques linguistiques et éducatives des pays, méso – l’impact de l’environnement propre à l’établissement et micro – les poids des pratiques enseignantes en classe. L’approche comparative permet de relever les convergences et les divergences (Groux et al., 2002 ; Meuris, 2008) quant à l’enseignement de la langue de scolarisation en lien avec les approches plurilingues interculturelles (Candelier et al., 2012). Pour ce faire, notre corpus est constitué d’enquêtes (53 questionnaires et 18 entretiens) menées auprès des enseignants de trois établissements du second degré quant à leurs pratiques en classe, leurs biographies langagières (Huver & Molinié, 2009) et leurs formations. Les analyses des enquêtes montrent que les pratiques des enseignants n’ont pas de lien explicite avec les méthodes et approches plurilingues et interculturelles développées en DDLC (cf. Auger, 2005 ; Favaro, 2005 ; Hélot & Young, 2006 ; Kotarba-Kańczugowska, 2015 ; Pugliese, 2005 ; entre autres). Quel que soit le pays, tous les enseignants se réfèrent davantage aux cultures des élèves qu’à leurs langues, ce qui fait émerger le besoin de développer la conscience linguistique (Hawkins, 1984) chez eux. Néanmoins, les gestes professionnels (Bucheton & Soulé, 2009) qui s’appuient sur le tissage avec les connaissances plurilingues et pluriculturelles des ENA vont dans le sens de la mise en œuvre de l’éducation interculturelle, tout comme des projets transdisciplinaires présents dans l’établissement français. En outre, cette recherche met en évidence des pratiques enseignantes contextualisées, impactées par les histoires des pays, leurs didactiques des langues et les politiques linguistiques et éducatives, pratiques qui reflètent l’impact des formations et des orientations didactiques autour de l’enseignement de la langue du pays d’accueil. Elles sont également influencées par les doxas didactiques soit transmissives soit co-constructives des enseignants (cf. Vygotski, 1934). La démarche comparative choisie souligne la complexité du sujet étudié. Elle permet de réfléchir aux besoins contextualisés des enseignants et proposer des pistes pour la formation professionnelle sur le d de la langue de scolarisation, les représentations sur le plurilinguisme, les pratiques et les gestes en faveur de la construction d’une compétence plurilingue et interculturelle des élèves, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des formations mentionnés par les enseignants de notre recherche. Mots clés : pratiques enseignantes, plurilinguisme, élèves nouvellement arrivés, éducation comparée, formations contextualisées Abstract in italiano Educazione plurilingue e alunni neoarrivati – pratiche d’insegnamento contestualizzate in Europa L’obiettivo di questa ricerca è quello di riflettere sui fattori legati all’impostazione di un’educazione plurilingue e interculturale con alunni neoarrivati di età compresa tra 11 e 15 anni in Francia, in Italia e in Polonia. La problematica centrale del presente studio verte sulla valorizzazione del plurilinguismo dei neoarrivati come supporto per l’apprendimento della lingua seconda e come stimolo per una maggiore inclusione socio-educativa (Goï, 2015; Mendonça Dias et al., 2020). Accogliere e includere gli alunni neoarrivati plurilingue e pluriculturali nelle classi è una nuova sfida per le parti interessate e per i sistemi educativi (OCSE, 2016). Sebbene le raccomandazioni europee sottolineino l’importanza di tenere conto, nell’insegnamento, della conoscenza delle lingue madri e delle culture degli alunni (Cummins, 2011; Beacco et al., 2016), le raccomandazioni ufficiali dei paesi non lo indicano sistematicamente. Iscritta nel campo della glottodidattica e della prospettiva socio-didattica (Dabène & Rispail, 2008; Cortier, 2009; Miguel Addisu, 2012), questa ricerca si basa su un approccio etnografico e ricorre a criteri sia qualitativi che quantitativi (Blanchet & Chardenet, 2011). La complessità dell’argomento è affrontata su tre livelli (Bronfenbrenner, 1979; Desjeux, 2004; Eurydice, 2019): macro – le sfide che le politiche linguistiche ed educative dei diversi paesi devono affrontare, meso – l’influenza specifica di ogni ambiente scolastico e micro – l’impatto delle pratiche dei singoli insegnanti classe. L’approccio comparativo permette di rivelare convergenze e divergenze (Groux et al., 2002; Meuris, 2008) tra l’insegnamento della lingua usata a scuola e gli approcci plurilingui e interculturali (Candelier et al., 2012). A questo scopo, il nostro corpus è costituito da 53 questionari e 18 interviste con insegnanti di tre scuole secondarie di primo grado a proposito delle loro pratiche in classe, delle loro biografie linguistiche (Huver & Molinié, 2009) e delle loro formazioni. L’analisi di quest’indagine mostra che le pratiche d’insegnamento non hanno alcun collegamento esplicito con i metodi e gli approcci plurilingui e interculturali sviluppati in glottodidattica (cf. Auger, 2005; Favaro, 2005; Hélot & Young, 2006; Kotarba-Kańczugowska, 2015 ; Pugliese, 2005 ; tra gli altri). Qualsiasi sia il paese preso in considerazione, gli insegnanti tendono a riferirsi più alle culture degli alunni che alle loro lingue, il che fa emergere la necessità di sviluppare la loro consapevolezza linguistica (Hawkins, 1984). Tuttavia, i gesti professionali (Bucheton & Soulé, 2009) che si basano sulle conoscenze plurilingue e pluriculturali degli alunni vanno nella direzione dell’attuazione di un’educazione interculturale, così come i progetti transdisciplinari presenti nella scuola francese. Inoltre, questa ricerca mette in evidenza pratiche di insegnamento contestualizzate, influenzate dalle storie dei paesi, dalla loro glottodidattica e dalle loro politiche linguistiche ed educative. Queste pratiche riflettono l’impatto delle formazioni e degli orientamenti didattici che riguardano l’insegnamento della lingua del paese ospitante. Esse sono influenzate anche dalle doxa didattiche trasmissive o co-costruttive dei docenti (cf. Vygotski, 1934). L’approccio comparativo scelto mette in evidenza la complessità della materia studiata permettendo di riflettere sui bisogni contestualizzati degli insegnanti e di proporre percorsi di formazione continua . Formazioni di questo genere potrebbero trattare lo sviluppo della lingua di scolarizzazione, delle rappresentazioni del plurilinguismo, delle pratiche e dei gesti a favore della costruzione di una competenza plurilinguistica e interculturale degli studenti. Si tratta di approfondimenti che, per la maggior parte dei docenti citati dalla nostra ricerca, non hanno fatto parte della loro formazione. Streszczenie Edukacja różnojęzyczna i uczniowie nowo-przybyli – nauczycielkie praktyki, skontekstualizowane w Europie Celem niniejszej pracy badawczej jest odzwieciedlenie czynników realizacji dla edukacji różnojęzycznej i międzykulturowej wsród uczniów nowo-przybyłych (zwanych cudzoziemskimi) w wieku od 11 do 15 lat we Francji, we Włoszech i w Polsce. Problematyka studium dotyczy waloryzacji różnojęzyczności tych uczniów jako wsparcia w nauce języka drugiego i środka ku inkluzji społecznoedukacyjnej (Goï, 2015; Mendonça Dias i in., 2020). Przyjmowanie różnojęzycznych i różnokulturowych uczniów nowo-przybyłych do klas jest nowym wyzwaniem dla kadry pedagogicznej i dla systemów edukacyjnych (OECD, 2016). Podczas gdy zalecenia europejskie podkreślają znaczenie uwzględnienia znajomości języków i kultur tych uczniów w nauczaniu (Cummins, 2011; Beacco i in., 2016), w oficjalnych zaleceniach poszczególnych krajów nie wspomina się o nich systematycznie. Wpisane w obszar glottodydaktyki i perspektywy socjo-dydaktycznej (Dabène i Rispail, 2008; Cortier, 2009; Miguel Addisu, 2012), badanie to opiera się na podejściu etnograficznym łączącym zarówno dane jakościowe jak i ilościowe (Blanchet i Chardenet, 2011). Złożoność tematu ujęta jest na trzech poziomach (Bronfenbrenner, 1979; Desjeux, 2004; Eurydice, 2019): makro –wyzwania polityki językowej i edukacyjnej krajów, meso – wpływ środowiska socjalnego danej placówki edukacyjnej i mikro – znaczenie praktyk nauczycielskich w klasie. Metoda porównawcza pozwala ujawnić zbieżności i rozbieżności Groux i in., 2002; Meuris, 2008) w odniesieniu do nauczania języka edukacji szkolnej opartym na podejściach różnojęzycznych i międzykulturowych (Candelier i in., 2012 ). W tym celu nasz korpus składa się z ankiet (53 kwestionariusze i 18 wywiadów) przeprowadzonych z nauczycielami z trzech szkół średnich (poziom gimnazjalny). Dotyczą one praktyk nauczycielskich w klasie, biografii językowych nauczycieli (Huver i Molinié, 2009) oraz ich szkoleń. Z analiz ankiet wynika, że praktyki nauczycieli nie mają wyraźnego związku z różnojęcznymi i międzykulturowymi metodami i podejściami wypracowanymi w glottodydaktyce (por. Auger, 2005; Favaro, 2005; Hélot i Young, 2006; Kotarba-Kańczugowska, 2015; Pugliese, 2005; m.in.). Niezależnie od kraju, wszyscy nauczyciele odwołują się bardziej do kultury uczniów niż do ich języków, co uwidacznia potrzebę rozwijania ich świadomości językowej (Hawkins, 1984). Jednakże gesty zawodowe nauczycieli (Bucheton i Soulé, 2009) odwołujące się do wiedzy i kompetencji różnojęzycznych i różnokulturowych uczniów, jak i projekty międzyprzedmiotowe (zaobserwowane w szkole francuskiej) pozwalają iść w kierunku wdrażania edukacji międzykulturowej. Ponadto, niniejsza praca badawcza podkreśla kontekstowe praktyki nauczania, na które wpływ ma historia socjolingwistyczna krajów, rozwój ich glottodydaktyki oraz polityka językowa i edukacyjna. Praktyki te odzwierciedlają wpływ szkoleń i orientacji dydaktycznych wokół nauczania języka kraju przyjmującego uczniów nowo-przybyłych. Są one również pod wpływem dydaktycznych modeli nauczania, które mogą być albo transmisyjne (tradycyjne), albo współkonstruktywne (aktywizujące) (por. Vygotski, 1934). Metoda porównawcza tego badania podkreśla złożoność tematu. Umożliwia zarówno refleksję nad kontekstualizowanymi potrzebami nauczycieli, jak i proponowanie ścieżek szkoleń nauczycielskich, które według większości badanych nauczycieli jeszcze nie istnieją. Mogą one dotyczyć rozwoju języka edukacji szkolnej, wyobrażeń związanych z wielojęzycznością, praktyk i gestów nauczycielskich na rzecz budowania kompetencji wielojęzycznej i międzykulturowej uczniów. Słowa kluczowe : praktyki nauczycielskie, różnojęzyczność, uczniowie nowo-przybyli, edukacja porównawcza Abstract in English Plurilingual education and newly arrived students: a contextualised study of teachers’ practice in Europe The goal of this research is to reflect on the factors of implementation of plurilingual and intercultural education with newly arrived students aged 11 to 15 in France, Italy and Poland. The main question of this study concerns the valorisation of their plurilingualism as a resource for the learning of the second language and for socio-educational inclusion (Goï, 2015; Mendonça Dias et al., 2020). The arrival of plurilingual and pluricultural students in classes is a new challenge for educational stakeholders and school systems (OECD, 2016). While European recommendations emphasize the importance of considering pupils’ knowledge of first languages and cultures in the teaching-learning process (Cummins, 2011; Beacco et al., 2016), the official recommendations of the countries do not mention them systematically. Rooted in the field of language education and the socio-didactic perspective (Dabène & Rispail, 2008; Cortier, 2009; Miguel Addisu, 2012), this research adopts an ethnographic approach that calls for the collection of qualitative and quantitative data (Blanchet & Chardenet, 2011). The complexity of the subject is analysed on three distinct levels (Bronfenbrenner, 1979; Desjeux, 2004; Eurydice, 2019): macro, i.e., the level of national and institutional linguistic and educational policy; meso, i.e., the influence of specific school environments; and micro, i.e., the impact of teachers’ actual practice within the classroom. The comparative approach reveals convergences and divergences (Groux et al., 2002; Meuris, 2008) with regard to the teaching of the language of schooling (Beacco et al., 2016) in connection with plurilingual and intercultural approaches (Candelier et al., 2012). Our corpus includes 53 questionnaires and 18 interviews conducted with teachers from three secondary schools. These data-collection tools inquired into teachers’ classroom practice, their professional training, as well as their own language biographies (Huver & Molinié, 2009). The analysis shows that teachers’ practice has little, if any explicit link with the plurilingual and intercultural methods and approaches developed in the field of language education (cf. Auger, 2005; Favaro, 2005; Hélot & Young, 2006; Kotarba-Kańczugowska, 2015; Pugliese, 2005; among others). Regardless of the country, all teachers refer more to the students’ cultures than to their languages, thus revealing the need to develop their language awareness (Hawkins, 1984). Nevertheless, teaching skills (Bucheton & Soulé, 2009) that integrate the plurilingual and pluricultural knowledge of these students into interdisciplinary projects, such as those present in the French school, do foster the effective implementation of intercultural education. In addition, this research highlights the contextualised nature of teachers’ practice as influenced and shaped by the histories of these countries, notably in terms of language and educational policy. Teachers’ practice reflects the impact of training and didactic approaches around the teaching of language in the host country. They are influenced by the pedagogical doxas, ranging from traditional and transmissive methods to more co-constructive and collaborative styles of teaching (Vygotski, 1934). The comparative approach used in conducting this study emphasizes the complexity of the question at hand. It opens avenues for reflection on the needs of teachers-in-context and suggests a number of ways forward for teacher training: e.g., enhancing language-of-schooling education, working with teachers’ beliefs surrounding plurilingualism, and developing teachers’ ability to develop their students’ plurilingual and intercultural competence. Indeed, these skills are seldom targeted in the training courses mentioned by the teachers in our research. Key words: teachers’ practice, plurilingualism, newly arrived students, comparative education, contextualised training 12 Sommaire Remerciements........................................................................................................................................................ 5 Ringraziamenti Podziękowania............................................................................................................................. 7 Résumé.................................................................................................................................................................... 9 Abstract in italiano................................................................................................................................................ 10 Streszczenie........................................................................................................................................................... 11 Abstract in English................................................................................................................................................ 12 Sommaire.............................................................................................................................................................. 13 Index des figures................................................................................................................................................... 15 Index des tableaux................................................................................................................................................. 17 Index des abréviations et acronymes..................................................................................................................... 19 INTRODUCTION................................................................................................................................................ 21 Origine du projet............................................................................................................................................... 23 Hypothèses, objectifs et questions de recherche............................................................................................... 24 Plan de notre thèse............................................................................................ ................ ................ ................ 29 PREMIERE PARTIE............................................................................................................................................ 33 Le cadrage épistémologique, contextuel et théorique de la recherche................................................................. 33 Chapitre 1 : Positionnement épistémologique....................................................................................................... 35 1.1. Quels domaines de recherche?............................................................................................................ 35 1.2. La méthodologie de recherches basée sur quatre approches du terrain............................................... 39 1.3. La posture du chercheur : question d’éthique et d’objectivité............................................................. 58 1.4. Notre connaissance des langues........................................................................................................... 62 Conclusion du chapitre 1.................................................................................................................................. 63 Chapitre 2 : Performances des élèves issus de l’immigration selon PISA............................................................ 65 2.1. La présentation de l’enquête PISA............................................................................................................ 65 2.2. La méthode d’analyse de l’enquête PISA et notre étude........................................................................... 66 2.3. Les systèmes scolaires français, italien et polonais et les élèves issus de l ’immigration........................... 79 2.4. PISA et la comparaison des systèmes scolaires......................................................................................... 86 Conclusion du chapitre 2.................................................................................................................................. 88 Chapitre 3 : Scolarisation des ENA dans les contextes français, italien et polonais............................................. 89 3.1. Les repères historiques et statistiques sur les ENA dans les trois pays................................................ 89 3.2. Les dispositifs de la scolarisation des ENA......................................................................................... 97 3.3. La formation des enseignants face à l’ inclusion des ENA ................................................................. 119 3.4. Le rôle d’autres acteurs éducatifs dans les trois systèmes éducatifs.................................................. 128 Conclusion du chapitre 3................................................................................................................................ 129 Chapitre 4 : Enseignement des langues de scolarisation en France, en Italie et Pologne.................................... 133 4.1. Quelques précisions terminologiques de départ....................................................................................... 133 4.2. L’enseignement-apprentissage du français.............................................................................................. 139 4.3. L’enseignement-apprentissage de l’italien............................................................................................... 152 4.4. L’enseignement-apprentissage du polonais............................................................................................. 165 4.5. La comparaison des spécificités didactiques des trois contextes............................................................. 177 Conclusion du chapitre 4................................................................................................................................ 181 Chapitre 5 : Prise en compte du plurilinguisme des ENA conceptualisation...................................................... 183 5.1. La dimension sociale du plurilinguisme.................................................................................................. 184 5.2. Le développement de la compétence plurilingue..................................................................................... 192 5.3. L’éducation plurilingue et pluriculturelle et les ENA.............................................................................. 204 Conclusion du chapitre 5................................................................................................................................ 245 DEUXIEME PARTIE Le cadre méthodologique, l’analyse des données et la discussion des résultats........... 249 Chapitre 6 : Cadre méthodologique de la recherche........................................................................................... 251 6.1. Les terrains de recherche................................................................................................................... 251 6.2. La constitution du corpus : les questionnaires et les entretiens......................................................... 262 6.3. Les enseignants enquêtés................................................................................................................... 283 6.4. Les observations de classes............................................................................................................... 293 Conclusion du chapitre 6................................................................................................................................ 299 Chapitre 7 : Analyse des questionnaires.............................................................................................................. 301 13 7.1. Les principales caractéristiques des enseignants............................................................................... 302 7.2. Les biographies langagières et culturelles des enseignants............................................................... 306 7.3. Les langues et les cultures des élèves selon les enseignants.............................................................. 313 7.4. L’enseignement auprès des ENA....................................................................................................... 319 7.5. La prise en compte des langues-cultures des élèves.......................................................................... 327 Conclusion du chapitre 7................................................................................................................................ 338 Chapitre 8 : Analyse des entretiens..................................................................................................................... 343 8.1. Les enseignants en France................................................................................................................. 345 8.2 . Les enseignants en Italie.................................................................................................................... 413 8.3. Les enseignantes en Pologne............................................................................................................. 465 Conclusion du chapitre 8................................................................................................................................ 526 Chapitre 9 : Discussion et perspectives............................................................................................................... 527 9.1. La comparaison des pratiques enseignantes : niveau micro..................................................................... 527 9.2. La comparaison des projets inclusifs des établissements : niveau méso.................................................. 542 9.3. La comparaison des trois systèmes éducatifs concernant l’inclusion des ENA : niveau macro.............. 546 9.4. Les perspectives pour la formation des enseignants selon les contextes et les formats........................... 557 9.5. Les perspectives de recherche sur les formations enseignantes............................................................... 566 Conclusion du chapitre 9................................................................................................................................ 574 CONCLUSION................... ................ ................ ................................................ ................................................ 577 Les facteurs pour la réussite de l’éducation plurilingue : principaux résultats de la recherche...................... 577 Les limites de la méthodologie choisie et pistes d’approfondissement de notre recherche............................ 581 Les préconisations pour améliorer l’accueil des ENA.................................................................................... 582 Les perspectives de recherche sur les pratiques plurilingues contextualisées................................................. 584 Le mot de la fin............................................................................................................................................... 585 ....................... ................................................................................ des ières............... ................................ s Figure 1 : Le cadre conceptuel de l’analyse des politiques et des mesures de promotion de l’intégration des élèves issus de l’immigration dans les écoles (Eurydice, Commission européenne, 2019 : 11)...................................... 48 Figure 2 : Les facteurs associés à la performance en sciences selon les déclarations des élèves. Source : (OCDE, 2016b : 249).......................................................................................................................................................... 78 Figure 3 : L’évolution entre 2006 et 2015 des écarts du pourcentage d’élèves immigrés de la pre mière génération dont les parents sont instruits. Par parents instruits PISA entend les parents aussi instruits que le parent moyen dans le pays d’accueil. (Source : OCDE, 2016a : 260)......................................................................................... 81 Figure 4 : La différence de performance en sciences, selon le statut au regard de l’immigration (Source : OCDE, 2016a : 263).......................................................................................................................................................... 82 Figure 5: La résilience des élèves, selon le statut au regard de l’immigration. Les pays et économie sont classés par ordre décroissant du pourcentage d’élèves autochtones résilients. (Source : OCDE 2016a : 266)................. 84 Figure 6 : Les élèves exerçant une profession scientifique selon le statut au regard de l’immigration. (Source : OCDE, 2016a : 268).............................................................................................................................................. 85 Figure 7 : La variation de la performance en sciences entre les systèmes, les établissements et les élèves. Source : OCDE, 2016b : 247............................................................................................................................................... 87 Figure 8 : Le nombre d’ENA dans les écoles françaises entre 2002 et 2017. Warszawy, consulté le 15 août 2018).................................................................................................................... 95 Figure 11 : Le nombre d’élèves nouvellement arrivés dans les écoles publiques polonaises suivant des cours de rattrapage en polonais ou dans une autre discipline scolaire. Années 2010/2011 et 2013/2014. (Source, consultée le 15 août 2018 : Fihel, A., Biuletyn migracyjny nr 49/2014)............................................................................ 117 Figure 12 : Le schéma du double Iceberg pour représenter la compétence bilingue. Source : Cummins, 1981 : 36. Adapté par Mehmet-Ali Akinci........................................................................................................................... 200 Figure 13 : La carte des villes, marquées par les points rouges, où les données ont été collectées..................... 252 Figure 14 : La démarche sur les terrains de recherche. La démarche sur les terrains de recherche................... 261 Figure 15 : La démarche d’enquête sur le terrain................................................................................................ 263 Figure 16 : Les formations initiale (Q9 A) et continue (Q9 B) des enseignants quant à la question des ENA... 304 Figure 17 : Les formations initiale (Q10 A) et continue (Q10 B) quant à la question du bi-/plurilinguisme des élèves................................................................................................................................................................... 305 Figure 18 : Réponses à la Q 25 dans les trois établissements scolaires secondaires en France, en Italie et en Pologne............................................................................................................................................................................. 328 Figure 19 : Réponses à la Q 26 dans les trois établissements scolaires secondaires en France, en Italie et en Pologne. ................................................................ 329 Figure 20 : Deux continua des pratiques et gestes des enseignants français....................................................... 410 Figure 21 : Deux continua des pratiques et gestes des enseignants italiens........................................................ 463 Figure 22 : Deux continua des pratiques et gestes des enseignantes polonaises................................................. 524 Figure 23 : La construction du profil des enseignants. Malgorzata JASKULA (2017)..................................... 538 Figure 24 : Le cadre conceptuel de l’inclusion des ENA. Niveaux macro, méso, micro.................................... 556 16 Index des tableaux Tableau 1 : Les facteurs jouant sur les résultats des élèves issus de l’immigration selon l’enquête PISA, 2012 et 2015...................................................................................................................................................................... 68 Tableau 2 : La situation d’immigration des trois pays de notre recherche selon PISA. Tableau récapitulatif basé entre autres sur les données de l’OCDE (2016a : 257)......................................................................................... 80 Tableau 3 : Le nombre des classes d’initiation (CLIN) et d’accueil (CLAD). (Source : Klein & Sallé, 2009 : 9). ............................................................................................................................................................................ 102 Tableau 4 : La répartition des ENA en France, selon le mode de scolarisation lors de l’entrée dans le système éducatif (en %). (Source : MENESR-DEPP, enquête EANA 2014-2015).......................................................... 102 Tableau 5 : Les principaux travaux en DDL en France, en Italie et en Pologne................................................. 136 Tableau 6 : Les critères de définition de la langue maternelle. (Source : Sku tnabb-Kangas , 1988 : 16, in Moore, 2006 : 108).......................................................................................................................................................... 138 Tableau 7 : Les capacités, compétences et connaissances acquises dans différents contextes. (Source : Ferrari & Pallotti, 2005 : 51 ; traduit et adapté par nos soins)............................................................................................ 160 Tableau 8 : Le nombre d’enseignants et d’enquêtes effectuées, ainsi que le temps d’observation sur les trois terrains de recherche........................................................................................................................................................ 259 Tableau 9 : Les postures enseignantes et gestes professionnels selon Dominique Bucheton (Bucheton, 2009). 279 Tableau 10 : Les signes utilisés pour la transcription des entretiens................................................................... 282 Tableau 11 : Les profils des 16 enseignants français, répondants au questionnaire (en gris les 6 enseignants choisis pour l’analyse des entretiens, cf. chapitre 8.1).................................................................................................... 285 Tableau 12 : Les profils des 17 enseignants italiens, répondants au questionnaire (en gris les 6 enseignants choisis pour l’analyse des entretiens, cf. chapitre 8.2).................................................................................................... 287 Tableau 13 : Les profils des 20 enseignants polonais, répondants au questionnaire (en gris les 6 enseignants choisis pour l’analyse des entretiens, cf. chapitre 8.3).................................................................................................... 290 Tableau 14 : Le temps d ’observation dans les classes des enseignants choisis pour l’analyse (cf. chapitre 8)... 292 Tableau 15 : Le nombre de cours observés dans chaque pays (en nombre d’heures d’observation).................. 297 Tableau 16 : Le nombre d’enseignants et de questionnaires remplis dans les trois établissements des trois pays de la recherche (France, Italie, Pologne).................................................................................................................. 302 Tableau 17 : Les réponses aux questions 11A, B, C des enseignants français. (En gras, les quatre enseignants qui ont été interviewés et dont les propos seront analysés dans le chapitre suivant)................................................. 307 Tableau 18 : Les réponses aux questions 11A, B, C des enseignants italiens. (En gras, les trois enseignants qui ont été interviewés et dont les propos seront analysés dans le chapitre suivant)....................................................... 307 Tableau 19 : Les réponses aux questions 11 A, B, C des enseignants polonais. (En gras, les deux enseignants qui ont été interviewés et dont les propos seront analysés dans le chapitre suivant)................................................. Tableau 37 : Les modes de désignation des ENA au début du projet (septembre 2017) et à la fin du projet Parlangues 2 (juin 2018)..................................................................................................................................... 562 Index des abréviations et acronymes CARAP : Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures (CoE, 2012) CASNAV : Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage CECRL : Cadre européen commun de Références pour les langues CoE : Conseil de l’Europe CE : Commission européenne DALF : Diplôme approfondi en langue française (C1 et C2) DDLC : didactique des langue s -cultures DELF : Diplôme d’études en langue française (A1 à B2) EANA : Elève.s Allophone.s Nouvellement.s Arrivé.e.s (dénomination des élèves en France) ENA : élève.s nouvellement arrivé.e.s (notre appellation des élèves immigrés nouvellement arrivés dans les trois pays EILE : Enseignements internationaux de langues étrangères (anciennement ELCO) ELCO : Enseignement de langue et culture d’origine (jusqu’à 2016) EURYDICE : Le réseau d’information sur l’éducation en Europe FLE : Français Langue Etrangère FLM : Français langue maternelle FLS : Français langue seconde : FLSco : Français langue de scolarisation FL2 : notre dénomination du Français Langue 2 GISCEL : Gruppo di Intervento e Studio nel Campo dell’Educazione Linguistica (fr. Le Groupe d’intervention et d’étude dans le champ de l’éducation linguistique) ILE : notre dénomination de l’Italien Langue Etrangère ILM : notre dénomination de l’Italien Langue Maternelle IL2 : notre dénomination de l’Italien Langue 2 LC 1 : Langue.s Culture.s Pre mière. s NAI : it. Nuovo Arrivati in Italia (fr. nouvellement arrivés en Italie), dénomination des élèves immigrés nouvellement arrivés en Italie NSA : élèves Non Scolarisés Antérieurement OCDE : Organisation De Coopération Et De Développement Economiques 19 PAF : Plan Académique de Formation en France PISA : Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves PLE : notre dénomination du Polonais Langue Etrangère PLM : notre dénomination du Polonais Langue Maternelle PL2 : notre dénomination du Polonais Langue 2 REP/+ : Réseau d’Education Prioritaire (anciennement ZEP) UPE2A : Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants (en France) UPE2A-NSA : Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants Non Scolarisés Antérieurement (en France) 20 INTRODUCTION L’idée de comparer les pratiques des enseignants auprès des élèves nouvellement arrivés (désormais ENA) 1 a surgi lors de mes expériences en tant qu’enseignante en France, en Italie et en Pologne. En effet, les collègues me demandaient souvent : « comment accueille-t-on les élèves migrants à l’école française? » ou encore « comment fait-on en Italie pour enseigner la langue de l’école ». Il nous a semblé intéressant de trouver des réponses à leurs interrogations et de partager les solutions existantes dans d’autres pays. La comparaison des mesures mises en place dans ces trois systèmes scolaires européens nous a permis d’entrer dans une démarche réflexive sur leur fonctionnement. L’arrivée des ENA plurilingues et pluriculturels dans les classes devient un nouveau défi pour les enseignants de toutes disciplines, mais aussi pour les systèmes scolaires (OCDE, 2016a&b ; Eurydice, 2019). Car, aujourd’hui, l’inclusion scolaire est question vive en éducation, qui fait débat. Elle désigne « l’exigence faite au système éducatif d’assurer la réussite scolaire et l’inscription sociale de tout élève indépendamment de ses caractéristiques individuelles ou sociales » (Ebersold, 2009 : 82). Pourtant, elle émerge à des moments différents de l’histoire éducative des trois pays sur lesquels porte cette recherche : dans les textes ministériels italiens, elle voit le jour dès les années 1970 (Feyfant, 2016), en Pologne les premières classes d’intégration apparaissent dans les années 1990 (Baraniewicz, 2009), tandis qu’en France, l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers dans les classes ordinaires débute en 2013 avec la loi d’orientation et de programmation de l’école. Dans ces circonstances, surgissent différentes mesures à destination des ENA en matière d’enseignement de la langue d’accueil qui devient leur langue seconde (désormais L2) car la non-maitrise de celle-ci à leur arrivée est souvent considérée comme un handicap (Klein & Sallé, 2009 ; ArmagnagueRoucher et al., 2018). De ce fait, ces élèves sont considérés comme des « allophones » (en France) voire des « étrangers » (en Italie ou en Pologne) ce qui fait oublier qu’ils sont avant tout plurilingues en devenir. En effet, les textes officiels des pays ne mentionnent pas systématiquement les préconisations européennes qui soulignent à la fois l’importance de la prise en compte des savoirs et des savoir-faire des langues-cultures premières (désormai LC1) des élèves (Cummins, 2011 ; Candelier et al., 2012 ; Beacco et al., 2016 ; entre autres), et la 1 Dans les trois pays de notre recherche, différentes appellations de ces élèves existent. Nous utilisons tout au long de cette thèse le nom commun « élève.s nouvellement arrivé.e.s », (ENA). diversité de leurs ressources. Ainsi, les auteurs du Cadre des Références pour les Approches Plurielles des langues et des cultures (désormais CARAP, Candelier et al., 2012), qualifient d’ « hétérogène » le plurilinguisme pratiqué par les individus, et insistent sur la nécessité d’une standardisation des pratiques enseignantes en faveur du plurilinguisme, notamment par le biais des curricula (Beacco, Byram, et al., 2016 ; Candelier & Schröder-Sura, 2012). En effet, l’éducation plurilingue et interculturelle peut se comprendre très différemment selon les publics, les objectifs éducatifs et les représentations sociales des langues en présence (Moore, 2006 ; Castellotti, 2008). C’est la raison pour laquelle, la visée principale de cette thèse consiste à documenter, comparer, et partager, les pratiques enseignantes auprès des ENA plurilingues et pluriculturels. Par cette recherche, nous souhaitons apporter de nouvelles connaissances scientifiques en prenant en considération la parole et les savoirs des enseignants en tant qu’experts jusqu’à lors peu analysés (Beacco, 2011). Les questionnements des praticiens devront donc être contextualisés afin d’« attribuer des significations à des phénomènes sur lesquels on focalise l’observation, qu’on inscrit dans le continuum des pratiques sociales en mobilisant d’autres phénomènes qu’on choisit de faire entrer dans le champ » (Blanchet, 2000 [2012] : 5). Enfin, les enseignants sollicitent des réponses politiques concrètes, il semblerait qu’une approche comparée des systèmes éducatifs pourrait aider à les apporter (Groux et al., 2002 ; Meuris, 2008 ; entre autres). Ce projet de recherche doctorale a suscité l’intérêt des chercheurs, tout d’abord de mes deux directeurs : Mehmet-Ali Akinci et Véronique Miguel Addisu, puis, de la directrice du projet GRR Didacfran, Sophie Briquet-Duhazé 2. Par conséquent, nous avons pu bénéficier d’une allocation doctorale de la région Normandie pendant les trois premières années de notre thèse. Il est certain que sans cette subvention, une recherche de telle envergure avec une importante implication personnelle et financière n’aurait pas pu se faire. Ce projet de recherche, dirigé par Sophie Briquet-Duhazé, (HDR sciences de l’éducation, Inspé, Académie de Rouen) consistait à mobiliser le personnel de l’Éducation nationale afin de promouvoir le lien entre recherche et pratique de terrain en didactique du français, par la proposition de l’outil informatique contribuant à la formation. Il a été soutenu par la région Haute-Normandie et l’Inspé de l’académie de Rouen. A la suite d’une double enquête (questionnaires et entretiens) relevant les besoins des enseignants de l’école primaire en matière d’informations et d’outils pédagogiques issus des ressources sur Internet, l’équipe a coconstruit le site pédagogique (https://didacfran.univ-rouen.fr) auquel nous avons pu contribuer. Origine du projet3 Le plurilinguisme m’a toujours paru fascinant, extraordinaire, mais inatteignable. Je suis née en Pologne, pays dans lequel la majorité des enfants baignait dans une idéologie monolingue. Pourtant, en grandissant dans une région bilingue, la Kachoubie, j’ai toujours entendu des propos ambigus qui m’ont fait comprendre qu’il existait un conflit linguistique entre la langue polonaise et la langue kachoube. Très vite, j’ai également été influencée par les représentations sociales sur les langues et leurs statuts. En Pologne, l’allemand était la « langue de l’ennemi » comme disait ma grand-mère paternelle, mais c’était aussi la « langue de scolarisation » de ma grand-mère maternelle. Le russe était la langue des communistes et en même temps, la langue apprise à l’école par mes parents. C’était aussi celle qui permettait d’entrer dans l’intercompréhension avec les voisins slaves. Le kachoube était la langue régionale moquée, mais comprise par mes proches. Finalement, c’est par le biais du chant que j’ai commencé mon aventure avec le plurilinguisme : j’ai appris à chanter à l’école de musique avec le latin, l’allemand, l’anglais, le suédois, l’ukrainien, l’italien, le français, le kachoube. Ce travail musical était toujours accompagné d’exercices pointus sur la prononciation et sur la compréhension du texte chanté. A l’école, j’ai aussi pris le goût de l’apprentissage des langues grâce à des approches didactiques et des gestes professionnels propres à mes enseignants, que désormais je peux identifier et décrire en termes didactiques. Mon enseignante de polonais prenait toujours le temps m’expliquer les constituants des phrases complexes. Pendant mes cours particuliers d’anglais, l’enseignant savait me faire parler dans cette langue que je détestais au départ. Enfin, l’enseignante de français m’a fait aimer la langue de Molière en utilisant les gestes de pilotage souples et adaptés, en créant l’atmosphère propice dans sa classe et en étayant des savoirs et savoir-faire linguistiques sans jugement et avec beaucoup de patience. Mais surtout, les deux enseignants (d’anglais et de français) utilisaient des gestes de tissage qui consistaient à comparer les langues et les cultures que je découvrais. Ces expériences ont tout d’abord inspiré mon souhait de devenir enseignante de français langue étrangère dans plusieurs pays européens. A la suite d’un séjour de fille au pair en France (2003/2004), j’ai commencé mes études universitaires en Licence de Français Langue Etrangère (FLE) au Collège de formation des maitres à l’Université de Gdansk en Pologne (2004/2005). Cependant, le manque de pratique de la langue au quotidien m’a incité à poursuivre mes études en France, à l’université de Rouen en Licence de Lettres Modernes, puis en Master Diffusion Dans cette sous-partie plus personnelle de notre parcours, nous faisons le choix d’utiliser la première personne du singulier. du français (2008-2010). Pendant cette période, j’ai pu acquérir des expériences dans l’enseignement du FLE auprès des étudiants ERASMUS et dans le cadre des séjours linguistiques d’été pour les enfants néerlandophones en Belgique. J’ai aussi enseigné le FLE et le polonais langue étrangère dans une école d’ingénieurs. Cette dernière expérience m’a encouragé à effectuer une recherche en linguistique polonaise dans le cadre d’une maitrise en langues slaves à l’Université Paris-Sorbonne IV (2010/2011). A la suite, j’ai obtenu un poste d’assistante pédagogique pour les ENA dans un collège à Val-de-Reuil. Ce premier contact avec ce public m’a permis de constater que le plurilinguisme est hétérogène et que les représentations des langues des enseignants et des élèves influencent les apprentissages. Ensuite, je suis partie effectuer un an de stage en tant qu’assistante du FLE dans le cadre du projet européen Comenius dans deux collèges à Udine en Italie (2011/2012). Les ENA rencontrés sur place et les questions posées par les enseignants italiens m’ont fait réfléchir aux similitudes et différences concernant l’inclusion de ces élèves dans les systèmes scolaires, mais aussi leur appropriation de la L2. Pendant les trois ans qui ont suivi (2012-2015), j’ai enseigné en Espagne et en Pologne auprès d’étudiants et d’élèves motivés, issus de classes sociales dites favorisées où le plurilinguisme était valorisé. Et finalement, deux formations suivies à Varsovie, une sur l’inclusion des ENA et l’autre sur les approches plurielles, m’ont incité à entreprendre le projet de recherche sur les pratiques adaptées à ce public. In fine, ces expériences ont non seulement nourri ma réflexion de jeune chercheuse en didactique des langues, mais aussi de formatrice. En effet, pendant mon parcours de doctorante, j’ai eu la chance d’intervenir dans le cadre du Plan académique de formation (PAF) auprès de mes directeurs de thèse. Aujourd’hui, mon implication s’inscrit dans le cadre universitaire en tant qu’ATER à l’Inspé de l’académie de Créteil (Université Paris-Est-Créteil). Hypothèses, objectifs et questions de recherche Sur le plan scientifique, la diversité des enseignants et des expériences dans différents pays qui nous ont finalement rendue plurilingue a été à l’origine de ce projet doctoral. Par conséquent, notre souhait était d’étudier les convergences et les divergences entre les langues et ses didactiques dans l’objectif de réfléchir à des solutions permettant d’aller vers une éducation plus égalitaire, plus quitable et plus respectueuse des connaissances et des compétences linguistiques et culturelles de chacun. Nous avons choisi de nous concentrer sur les enseignants du second degré parce que nous avons observé leurs relations avec les jeunes adolescents lors de nos précédentes expériences. Relations qui sont parfois compliquées du fait qu’à l’adolescence, l’identité est en construction et en perpétuelle remise en question (Erikson, 1972), d’autant plus chez les jeunes venus d’ailleurs qui se construisent dans différentes langues-cultures (Moro, 2002, 2010). Notre première recherche sur le terrain français a été effectuée dans le cadre d’un Master recherche à l’université de Rouen-Normandie (2015/2016). Cette étude exploratoire menée auprès des enseignants du second degré travaillant avec les ENA en France avait pour objectif de savoir si les pratiques déclarées des enseignants étaient en adéquation avec les propositions du CARAP. Le cas échéant, en quoi ces pratiques ressemblaient-elles aux quatre approches plurielles4 (Candelier et al., 2012), et de quoi dépendait leur mise en place? Les résultats issus de cinq entretiens semi-directifs avec les enseignants français étaient étonnants : les pratiques enseignantes étaient pluriculturelles plutôt que plurilingues. De plus, leur grand défi des enseignants était l’enseignement de la langue de scolarisation : ils déploraient le manque d’outils didactiques, de formations et de concertation avec d’autres collègues à ce sujet. La conclusion de ce mémoire de master nous a permis de comprendre que la prise en compte des langues-cultures premières (désormais LC1) des élèves dépendait de trois facteurs complémentaires : premièrement les biographies langagières des enseignants, deuxièmement, leurs formations initiales et continues, et troisièmement, leurs expériences professionnelles (Jaskuła, 2016). Mais comment ces facteurs s’articulent-ils pour l’enseignant et dans la classe? Sont-ils propres à un contexte scolaire? à un pays? Cette recherche, menée jusqu’alors sur l’exemple français, a laissé présager qu’une étude comparative apporterait des connaissances fines utiles pour réfléchir à l’efficacité de pratiques enseignantes permettant le développement des compétences en L2 en appui des L 1. Ces intuitions rejoignaient nombre de travaux actuels en didactique des langues-cultures (Auger, 2005, 2010 ; Moore, 2006 ; Hélot et Young, 2006 ; Hélot, 2007 ; Clerc, 2008 ; Cummins, 2011 ; 2014 ; Pugliese, 2005 ; Favaro, 2008, Kotarba-Kańczugowska, 2015, entre autres).
21,038
30/hal.archives-ouvertes.fr-hal-01473529-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
6,330
10,118
La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance. Marco Araneda L'archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d'enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance1 Marco Araneda Docteur en psychopathologie et psychanalyse. Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité. Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société (CRPMS), EA 3522. [email protected] Résumé Cet article définit et analyse la notion de « mutualité traumatique » dans le contexte de l'onco-hématologie pédiatrique. L'auteur cherche à comprendre la coexistence et la persistance, chez des enfants ayant traversé un cancer, d'un ensemble d'états émotionnels liés aux différents moments de l'épreuve somatique. Il analyse comment cette diversité se déploie dans cette clinique singulière, mais se retrouve aussi dans d'autres cliniques de l'extrême. Enfin, il s'agit d'explorer la fonction de ce phénomène en tant que résistance contre les changements identitaires déclenchés par la maladie. Mots-clés: Mutualité traumatique - Traumatisme - Cancer - Enfant Oncologie 1 Ce travail réalisé dans le cadre du LABEX Who am I? portant la référence ANR-11- LABX0071 a bénéficié d'une aide de l'État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d'avenir portant la référence n° ANR-11-IDEX-0005-02 ». Araneda M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » La mutu alité traumati que. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance2 Marco Araneda Docteur en psychopathologie et psychanalyse. Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité. Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société (CRPMS), EA 3522. [email protected] « Et pourquoi donc – me dis-je – ne pas représenter cette situation, tout à fait originale, d 'un auteur qui refuse de faire vivre certains personnages, nés vivants de son imagination, et celle de ces personnages qui, ayant désormais la vie infuse en eux, ne se résignent pas à demeurer exclus du monde de l'art? Ils se sont déjà détachés de moi ; ils vivent une vie propre ; ils ont acquis la voix et le mouvement ; ils sont donc déjà devenus par eux-mêmes, dans cette lutte pour la vie qu'ils ont dû livrer contre moi, des personnages dramatiques, des personnages qui peuvent se mouvoir et parler tous seuls ; déjà eux-mêmes se considèrent comme tels ; ils ont appris à se défendre contre moi, ils sauront bien se défendre contre les autres. » Luigi Pirandello. Six personnages en quête d'auteur (1920, p. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » mutualité traumatique 3. J'entends par là une série de personnages, posés les uns à côté des autres, qui donnent corps à chacun des jalons émotionnels de l'expérience traversée par un enfant en particulier. Chacun de ces personnages est un personnage total, et non une partie de la personnalité. Ils ne correspondent pas à des parties clivées. Chacun constitue une totalité représentant la totalité diverse et complexe du sujet inclus à l'intérieur de la traversée de la maladie. Ils ne se résorbent pas les uns dans les autres, ils ne passent pas. Chacun est plein de sens, d'un sens mystérieux qui insiste pour être entendu, exploré et compris. Ils abritent des vérités multiples qui se sont faites évidentes lors du moment traumatique. Ces vérités ne s'épuisent pas, elles ne meurent pas, elles s'imposent jusqu'au moment où une vérité plus large peut venir les inclure. Orbach, Delage et Hilbert (2011) ont repéré trois formes de guérison chez de jeunes adultes de 18 à 31 ans, huit à vingt ans après la fin du traitement d'un cancer. Ces auteurs parlent d'une guérison possible quand le sujet considère la guérison comme acquise et comme un retour aux capacités de la période précédant l'apparition de la maladie. Une guérison incertaine est caractérisée par l'apparition de craintes discrètes qui viennent entacher un vécu précaire de tranquillité. Une guérison est dite inachevée quand la souffrance ou la crainte d'une rechute signe la présence de la maladie dans la vie psychique de l'enfant. À regarder cette distinction entre trois formes de guérison, nous pourrions croire à l'existence d' progression positive allant de la guérison inachevée à la guérison possible. Nous pourrions penser que les enfants et les adolescents sortant du traitement médical actif parcourront ces trois formes comme si elles étaient des stades d'un processus de guérison plus large. Il est certain qu'un tel parcours décrit effectivement le devenir de beaucoup de ces enfants. Mais un autre aspect de cette description est fondamental. Cette équipe a en effet constaté aussi une simultanéité des trois sentiments de guérison : « Si la présence réconfortante des parents et l'information dédramatisante du médecin sont dans le souvenir des patients leurs deux planches de salut, la mort refoulée affleure dans presque tous les entretiens. M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » empêche de penser les états de traumatisme et de guérison psychique comme distincts et s'excluant l'un l'autre. Nous nous éloignons alors d'une logique de guérison psychique réalisée à travers des stades indépendants. Plutôt qu'à se succéder, ces stades tendent à se surajouter. Ils décrivent une trajectoire, à la sortie du traitement actif, ou bien plus tard. De l'apparente absence de souffrance initiale, elle se dirige vers une souffrance qui paraît s'aggraver dans le temps. Nombreux sont les auteurs qui ont étudié les aggravations paradoxales qui se produisent sur le plan émotionnel au moment de la fin du traitement médical du cancer lors de l'enfance. Face à l'annonce d'entrée en rémission, ce sont des sentiments d'angoisse et de dépression qui font souvent irruption, à la place d'un sentiment de soulagement (Brun, 2001). Lors de cette décompensation, l'écoute de ces enfants dévoile une mise en attente qui opérait dès la période du traitement médical. Laurence Ravanel (2010) décrit très précisément comment des adolescents abordent après coup différents aspects de la période des traitements. Tout se passe comme si une pensée portant sur eux était envisageable seulement une fois les traitements finis. Qu'est devenue cette capacité de penser lors des traitements? A-t-elle été jugée incompatible avec la continuation de la traversée des traitements? Cette activité du psychisme qui se met à penser l'expérience traversée fait donc souvent son apparition dans un second temps. Pour certains enfants, elle est réveillée par l'apparition de séquelles somatiques de la maladie et/ou des traitements. Pour d'autres elle correspond à un essai pour construire une continuité qui donne du sens aux bouleversements tolérés. Certains paraissent aller volontairement à la recherche d'un espace pour penser cette expérience. D'autres y sont poussés par des circonstances contraignantes : séquelles, rechutes, mort d'êtres chers. Une jeune femme cherche à le soutenir : « Cette histoire n'est pas finie, je veux savoir ce qui m'est arrivé ; c'est bien que le pédiatre soit encore là : comme cela, ma maladie n'a pas disparu Ma vie n'est plus en jeu, mais c'est de mon existence qu'il s'agit. » (Ravanel, 2010, p. 247). Ce soulagement pourrait être mis en relation avec la coexistence des différents sentiments de guérison. La réassurance qu'un témoin du temps de la maladie est encore présent paraît jouer un rôle de liaison « possible » entre les différents sentiments de guérison coexistants. L'enjeu majeur de la rencontre thérapeutique sera donc d'ouvrir un espace dans lequel pourront se déployer les sentiments de guérison qui coexistent. Cela complexifie énormément un schéma simple où il y aurait d'un côté les sujets traumatisés et de l'autre ceux qui ne le sont pas. La construction d'une place pour accueillir et accompagner le processus psychique de sortie du cancer devra considérer aussi les mouvements psychiques de l'enfant qui cherchent à effacer l'expérience-limite de la maladie. Ce que Freud a appelé les « effets négatifs » du traumatisme, qui tendent à M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » empêcher l'inscription du traumatisme dans la vie psychique (tandis que les « effets positifs » tendent à son inscription) (S. Freud, 1939). Ce souhait d'effacement ne répond pas seulement à des forces internes. L'autre, et son rapport à cette traversée des limites, jouera un rôle fondamental dans ce processus. La reprise des affects suspendus tout au long du traitement médical peut ainsi rencontrer une disqualification de la part de l'autre (Ravanel, 2010). Pour beaucoup, le temps de l'après est censé être dépourvu d'angoisse, signant ainsi l'éloignement définitif du danger. Cela crée une situation paradoxale car, comme l'ont signalé A. Ferrant et V. Bonnet, le temps du traitement médical est souvent marqué par un basculement du psychique du principe de plaisir/réalité à un principe de souffrance. Le sujet se soumettrait ainsi, sans se plaindre, à une souffrance qui lui présentée comme nécessaire et comme un chemin vers la guérison (Ferrant et Bonnet, 2003). Ces auteurs invoquent la figure du « vaillant petit soldat », qui dans une solitude radicale est obligé de supporter l'épreuve en se pliant aux protocoles médicaux. Nous constatons à quel point est erronée l'idée selon laquelle la souffrance liée à l'expérience de la maladie est vécue seulement pendant le traitement. La disqualification ou la pitié que l'entourage peut manifester dans la période après traitement viennent confirmer, aux yeux du sujet, la « légitimité » de garder sa souffrance en état de silence et de clivage. La diversité d'états contenus dans la traversée de l'expérience-limite ne trouve pas toujours chez l'autre une écoute diverse permettant de se déployer. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » LE DÉPLOIEMENT DE LA MUTUALITÉ Une oeuvre d'art pourrait nous aider à mieux explorer cette figure. Le radeau de la Méduse (1819) de Théodore Géricault nous présente la cristallisation du moment où les survivants du naufrage, après plusieurs jours d'errance sur la mer déserte et agitée, aperçoivent au loin un bateau qui pourrait leur apporter le salut. Nous y voyons l'étalement des hommes survivants, des hommes qui malgré leur communauté de statut montrent pourtant des différences radicales face à la tragédie. Nous voyons en haut à droite un homme qui est soulevé par ses camarades afin de pouvoir faire des signes à un bateau qu'ils aperçoivent au loin sur l'horizon. Son corps est tendu, complètement adonné à la tâche de communiquer à travers les vagues qui se lèvent et risquent en permanence de retourner le radeau. Ses camarades les plus proches le soutiennent de leurs bras, formant une sorte de pyramide humaine cherchant à se hisser au-dessus des vagues. Simultanément nous voyons en bas à gauche un vieil homme, le plus âgé des survivants, qui soutient de son bras droit sa propre tête, qui paraît être devenue un poids, lourd de pensées. Cet homme est assis, le dos au bateau sauveteur, il ne s'est peut-être même pas aperçu de sa présence. Il tient de son bras gauche le corps sans vie de son fils. D'autres, morts ou mourants, l'entourent de partout, à moitié engloutis par l'eau qui de ce côté du radeau paraît les submerger de plus en plus. Le regard du vieil homme est absorbé dans la contemplation d'une scène qui nous est inaccessible. Non cette scène soit en dehors du cadre, mais elle appartient au passé ; nous pouvons seulement essayer de la deviner. S'agit-il de la reviviscence répétitive du moment du naufrage? Ou du moment où son fils s'est noyé? Se souvient-t-il de son fils vivant? Ce qui est clair est qu'il consacre son énergie à tenir le corps de son fils afin qu'il ne soit pas englouti à nouveau par l'eau, et que, ce faisant, il se retrouve complètement démuni face au danger qui s'approche à nouveau de lui sous la forme d'une grande vague venant de la gauche du tableau. Il ne participe pas non plus aux essais pour attirer l'attention du bateau qui pourrait les sauver. Il ne demande rien. Au milieu de ces deux pôles, d'autres hommes établissent une continuité des corps. Certains regardent avec espoir leur camarade faire des signes au bateau au loin, d'autres sont à bout de force et n'arrivent pas à se lever, d'autres encore paraissent moribonds. Parmi ces hommes intermédiaires, le plus proche du vieil homme représente peut-être une synthèse des deux pôles. Son corps est tourné vers le vieil homme, il le touche presque en restant à ses côtés, tandis que sa tête se tourne vers ces camarades, dans la direction du bateau. Son corps en torsion offre une transition entre les deux extrémités du radeau. De façon sommaire nous pourrions dire que ce tableau représente la diversité des réactions humaines face à la catastrophe. Mais ce tableau permet d'imaginer aussi une toute autre chose. J'émets l'hypothèse que ce tableau met en scène la La mutualité traumatique Une figure » métamorphose traumatique d'un seul homme. La diversité de personnages représente la diversité d'états d'abord successifs, mais simultanés dans l'aprèscoup de la catastrophe. Il pourrait s'agir du même homme à différents moments de sa traversée de l'horreur. Le tableau pourrait représenter la métamorphose qui mène de la mort à la survie. L'impression de série progressive vient probablement du fait que tous les personnages sont liés par le toucher, il n'y a pas de personnage vraiment isolé, malgré les écarts émotionnels qui les séparent. Ainsi, une chaîne d'états humains lie-t-elle le vieil homme entouré de cada à celui qui fait tout pour s'accrocher à la vie et être sauvé. Les sujets traversant des expériences-limites connaissent diachroniquement chacun de ces états humains. Ils ont été non seulement l'un de ces personnages, mais tous ces personnages. Ils peuvent certes rester plus longtemps à un endroit précis du radeau, mais ils ont potentiellement vocation à occuper chacune de ces places. Chacun de ces moments – représentés ici par des personnages différents – est un moment vrai, réel, existant, plein de sens et qui ne disparaît pas. Tous ces personnages sont des représentants des états divers traversés par un même sujet lors du parcours qui mène du risque de mort à la survie. Le naufragé sauvé abrite en réalité une cordée humaine constituée par l'ensemble de ces états humains. Le premier homme sauvé, l'homme qui demande à être sauvé, sera couramment reconnu par les sauveteurs comme l'homme qu'ils ont sauvé. Tandis qu'en réalité, une diversité de personnages se cache derrière cet homme survivant. Les sauveteurs ont hissé dans le bateau, à leur insu, la cordée humaine, la mutualité traumatique dont ce personnage n'est que l'aboutissement. Selon les conditions et les capacités d'écoute des sauveteurs, les autres personnages pourront faire leur apparition, se décalant du « personnage sauvé » qui fait office de paravent aux autres personnages de la cordée, telle l'Irma du rêve de Freud qui dans l'écoute du rêveur réveillé laisse la place à une multitude de personnages qui apparaissent à travers des gestes, des attitudes physiques, des paroles ou des traits. Ces autres personnages feront leur apparition au fur et à mesure que Freud laissera sa perception se décaler, pivoter pour aller voir les personnages qui se cachaient derrière la silhouette totalisante d'Irma. Freud a appelé personne composite ce phénomène du rêve (S. Freud, 1900). Fournir les conditions pour que cette cohabitation puisse se mettre en acte et se dire devient donc un enjeu fondamental de la psychothérapie. Ainsi, un enfant âgé de six ans met en scène un jeu où un oiseau est attaqué par des chasseurs. Il fait voir comment les balles du fusil frôlent l'oiseau, qui dans un mouvement d'esquive arrive à s'éloigner de la trajectoire des balles. L'enfant met en scène avec insistance le fait qu'il s'est « sauvé de justesse », et surtout, que le mouvement accompli est à une équivalente autant du danger que du salut. Tout semble se dérouler comme si le metteur en scène n'arrivait pas à se décider à représenter soit la mise à l'abri, soit la persistance du danger. Tandis que l'oiseau se dérobe face aux chasseurs, les deux alternatives face au risque M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » paraissent se défaire autant que s'affirmer dans une pérennité affolante. Le risque d'être tué et la possibilité d'être sauvé deviennent des sons persistants et inlassables, à la manière d'un acouphène. Un enfant âgé de huit ans raconte un cauchemar. Il fait partie d'une file d'enfants se tenant par l'épaule. Ils marchent les uns derrière les autres vers un labyrinthe. Il fait nuit, et il entend et perçoit par le toucher les autres enfants qui composent la file. À l'intérieur du labyrinthe, où l'obscurité est absolue, les enfants qui composent la file deviennent silencieux et se séparent. Il n'entend personne et ne réussit à retrouver personne par le toucher. L'angoisse de se trouver soudainement perdu et seul à l'intérieur du labyrinthe l'effraie. La disparition de la cordée humaine qui lui assurait la sortie du piège est décrite par l'enfant comme une évanescence soudaine, une perte de caractère matériel. Un langage elliptique s'impose dans le point de rencontre de ces différents états chez chaque enfant. Ce langage fait écho à la perception d'une précarité qui menace en permanence l'enfant d'effondrement. Ce dernier se devine particulièrement à chaque fois que l'enfant a affaire avec les séquelles somatiques, qu'elles se présentent dès la période de la maladie, ou qu'elles apparaissent plus tard. Lors de la rencontre psychothérapeutique, revenir sur ces vécus implique toujours une mise en évidence de cette fragilité sous-jacente. J.-M. Zucker rapporte les mots d'un jeune patient : « Jean, adolescent de 14 ans, s'exprime ainsi plusieurs années après la fin du traitement, avec retenue et sans oser approfondir : 'Tout va bien. Je n'ai pas de séquelles du tout, sauf de recevoir un coup dans le ventre quand je joue au foot. Je fais beaucoup de musculation. Je sais que je suis guéri, mais j'ai toujours une appréhension. Il ne faudrait pas retomber, retomber à l'hôpital à cause d'une éventration ou d'un sale truc'. » ( ucker, 2011, p. 292). La diversité d'états, que nous figurons comme des personnages, témoigne des transformations à répétition que ces enfants ont dû tolérer et même entreprendre afin de traverser l'expérience éprouvante. Cette multitude attend une écoute et un espace adéquats au déploiement des questions qui la soutiennent. D'un point de vue psychothérapeutique, les auteurs psychanalytiques paraissent s'accorder pour dire que la tâche principale de l'analyste consistera à créer les conditions pour un processus de symbolisation de l'expérience traumatique traversée, expérience en souffrance de représentation. Le déclenchement de ce travail d'élaboration sera possible grâce à un effet d'après-coup, inattendu et imprévisible, produit dans la vie du sujet et/ou à travers la rencontre psychanalytique elle-même, en tant que possibilité de remaniement psychique des traces perceptives que l'expérience violente aura laissées à l'intérieur de l'appareil psychique (Sibertin-Blanc et Vidailhet, 2003). À l'intérieur de ce modèle, les expériences de crainte, de hantise et de reviviscence qui rythment et empoisonnent la vie d'un nombre significatif de . « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du de l'enfance » sujets, seront très probablement considérées comme des traces non-élaborées de l'expérience violente traversée. Ces restes non-digérés gênent la vie de ces sujets « parce que » ils n'ont pas pu être élaborés, restant à l'état de perceptions brutes et résistant à l'appropriation psychique. Ils sont avant tout étrangers et ils ne réussissent pas à se concilier l'environnement à l'intérieur duquel ils ont été projetés (Lebigot, 1997). Ces restes constituent une erreur dans la chaîne productive de représentations. Leur refus de se laisser métamorphoser par le travail psychique les rend inaptes à l'oubli car pour cela il faudrait qu'ils puissent accéder à la forme de la représentation. Ils restent ainsi inoubliables, incapables de passer. Le fait est que ces « traces perceptives » sont souvent reléguées – dans le discours psychanalytique – au statut d'un élément minoritaire qui ne réussit pas à s'intégrer à un ensemble plus vaste (l'appareil psychique). Et cela, malgré le fait que ces « traces » finissent souvent par occup un territoire de plus en plus large du psychique, pouvant arriver à coloniser une grande partie de la vie psychique du sujet. Malgré cette capacité à devenir majoritaire et hégémonique, l'expérience traumatique demeurera, à l'intérieur d'un certain discours psychanalytique, un élément discret qui n'a pas réussi à être intégré à un ensemble plus vaste. Il semblerait que les termes de « trace », « image », « perception », « événement », servent indirectement à signifier cette place voulue minoritaire dans l'appréciation de la prépondérance des différents éléments en jeu. En revanche, quand il s'agit de parler des effets d'une telle expérience, ce discours n'hésite pas à souligner l'ampleur et la chronicité des effets pathologiques. M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » LA MUTUALITÉ COMME RÉSISTANCE À LA MÉTAMORPHOSE Décrivant les processus psychiques des personnes victimes de situations de violence totalitaire (torture, camps de concentration), Silvia Amati-Sas écrit : « Si nous observons la constellation de la survie psychique dans son ensemble par rapport à la violence extrême, nous voyons que le maintien de la continuité psychique est défendu en même temps de deux façons différentes. D'un côté, il y a une fusion mimétique et adaptative au contexte extrêmement projectif, violent et aliénant, où la personne est submergée et dont elle dépend totalement ; mais d'un autre côté, l'altérité est préservée en relation à cet objet interne à sauver. » (Amati-Sas, 2002, p. 929). La survie psychique est ainsi le résultat de l'action conjointe de deux processus en quelque sorte contradictoires. Le premier, nommé défense par l'ambiguïté, est à rapprocher de la vocation métamorphique de l'humain en tant que capacité autoplastique en réponse aux exigences auxquelles le sujet se voit confronté. Le deuxième, l'objet à sauver, témoigne de la préoccupation puissante et persistante pour soigner et protéger un objet dans ce contexte de violence inévitable ; il peut s'agir d'une personne, d'un objet, d'une valeur ou d'une limite (Amati-Sas, 2002). D'une part un consentement à s'adapter à « n'importe quoi » ; et d'une autre un arrêt secret et décalé à l'emprise de la violence (Amati-Sas, 2003). Cette acceptation de la modification de soi et l'empêchement corrélatif de la modification d'un objet sauver sont repérés avec fréquence dans la clinique d'enfants gravement malades. Nous allons étudier quelques-unes de ses particularités. Enfants en situation de maladie grave Chez les enfants survivant à la maladie cancéreuse, l'élaboration psychique de la série des modifications dont leur corps et leur vie psychique ont été le siège, est longue et complexe. Les modifications du corps, telles l'alopécie, les mucites, les affections cutanées, la défaillance du système immunitaire (Oppenheim, 2003), coexistent avec les prothèses que l'équipe soignante va installer afin de pallier ces changements : chambre stérile d'isolement, installation de cathéter pour l'injection des produits chimiques, prothèses construites pour localiser l'action de la radiothérapie évitant ainsi que son effet mortifère ne se répande, entre autres (Jeanteur, 2007). À cela, il faut ajouter les modifications psychiques induites par l'isolement hospitalier, la perte des routines familières, le fractionnement du temps partagé avec les parents, l'installation de procédures réglant le contact physique, le sentiment d'enfermement et d'étrangeté (Oppenheim, 1999). Nous ne pouvons dire que les enfants s'adaptent à cette série de transformations imposées, ni qu'ils y consentent. En tout cas, ils les vivent et ils les supportent comme ils le peuvent. À certains moments, ces transformations radicales sont poussées à une telle extrémité que l'enfant se voit dans l'impossibilité de soutenir un dialogue sur ce « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » qui lui arrive, ou de répondre aux essais de communication de ceux qui l'entourent à l'hôpital. Lors de ces passages troublants – le séjour en unité de soins intensifs ou en chambre d'isolement en sont particulièrement représentatifs – l'enfant garde en général le silence, et l'énergie psychique et corporelle paraît concentrée sur le maintien de ce qui est fondamental. Cette réduction au minimum, en mouvements, gestes et paroles, s'accompagne souvent de l'établissement d'un lien en quelque sorte infiniment petit, telle une fenêtre qui s'ouvre par périodes très courtes pour permettre un lien fragile mais suffisamment solide pour témoigner de sa présence au monde. À ces moments, summum de la transformation corporelle, psychique et d'appareillage médical prothétique, l'interaction avec l'enfant est réduite en termes de gestes et d'énergie (Magnenat, 2005). Or, il est surprenant que dans de telles conditions les enfants puissent garder une marge de manoeuvre pour contrôler la manifestation de la souffrance. Ils modulent souvent manifestation, guettant les réactions qu'elle produit chez leurs parents. La protection à l'égard des parents est un exemple frappant de ce mouvement psychique qu'Amati-Sas appelle « l'objet à sauver ». Les parents, et le soin qui leur est octroyé par l'enfant, deviennent ainsi une limite où se manifeste le non-consentement de l'enfant à la métamorphose radicale. Ils préservent (imaginairement) une partie de leur monde épargnée par la violence. Une fois la survie assurée, l'enfant devra forcément se pencher sur l'élaboration psychique de ces mécanismes. Il ne s'agira pas de « coller » le clivage entre une partie martyrisée et une partie qui fait office d'ange gardien (Ferenczi, 1932b), mais plutôt de comprendre le mouvement qui mène de l'une à l'autre, et le lien indissoluble entre les deux. L'objet à sauver n'a de sens que par rapport à la défense par l'ambiguïté, et inversement. C'est pourquoi la notion de clivage peut devenir trompeuse dans ce contexte. Il semble plutôt que les « clivages » proposés par Ferenczi et Winnicott (1963) gagneraient à être relus comme des paires inséparables à l'intérieur d'un mouvement de survie qui se manifeste sous la forme d'une fuite en deux sens opposés mais intimement liés : consentir à la métamorphose en soi en même temps qu'on la refuse chez un autre, ce qui permet d'abandonner le lieu inhabitable de la violence. Mais aussi, la multiplicité d'états intermédiaires entre ces deux extrêmes témoigne de l'existence d'une insoumission face à la violence subie. Garder le souvenir de la mutualité traumatique permet au sujet de se rendre témoin de la métamorphose subie. La mémoire opiniâtre du chemin de transformation constitue une preuve, aux yeux du sujet, de l'existence d'un acte de résistance, ou du moins, d'une perception non naïve des transformations qui adviennent (Ferenczi, 1932a). Enfin, nous trouvons une autre référence à l'établissement d'une série de moments qui ne se résorbent pas les uns dans les autres. Claude Janin postule l'existence d'un noyau froid (non considération des besoins de l'enfant), suivi d'un noyau chaud (sexualisation, dans un deuxième temps, du noyau froid). Mais mutualité aussi un troisième temps, après é, où se produit une « rencontre » des deux noyaux. Cette figure, qui s ée à Janin à la suite de la rencontre grand nombre de sujets és, lui fait dire que : « Compte tenu de l'aspect hétérogène du noyau traumatique, des difficultés techniques importantes se posent à l'analyste [] Le patient met en avant l'aspect traumatique 'chaud' dès que l'analyste intervient sur l'aspect 'froid' et met au premier plan l'aspect 'froid', dès lors que l'analyste souligne la dimension 'chaude' du traumatisme. » (Janin, 1999, p. 41-42). Ce que la duplicité vient signifier est que la survie comporte un vrai acte de résistance à la transformation extrême, tout en l'acceptant de façon provisoire. G. Vaudre et al. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » Une diversité d'interprétations peut être proposée pour cette « adhésivité » : angoisses de séparation du groupe de référence, revécu des séparations précédentes, angoisses de mort, entre autres. Il semble possible aussi de lire cette difficulté de s éparation comme une référence en fili grane à la diversité d'états affectifs dont ces enfants ont été le si ège . L'idée selon laquelle Ruth, dans l'extrait sélectionné, serait la dépositaire de quelque chose d'important pour chacun des autres enfants, semble plausible. Se séparer de Ruth signifie accepter de perdre en quelque sorte une partie de leur propre expérience, qui pourrait se trouver imaginairement logée dans la personne de cette camarade. Cette communauté d'enfants, indispensables les uns aux autres, inséparables, nous permet d'imaginer que chaque enfant survivant abrite une multitude d'états qui le représentent dans le processus de survie. Cette incapacité à laisser Ruth derrière eux semble être un refus de couper la cordée d'expériences que chacun de ces enfants personnifie. Aharon Appelfeld, enfant rescapé d'un camp de concentration, survivant seul dans les forêts ukrainiennes raconte – une fois devenu adulte – à quel point toutes ces expériences passées demeurent présentes pour lui : « Je n'ai jamais renoncé à cette identité, je n'ai jamais accepté de le faire, je suis toujours resté l'enfant de mes parents, l'enfant qui avait été au ghetto, l'enfant qui avait été dans le camp, l'enfant qui s'est enfui ensuite dans la forêt et c'est quelque chose que je n'ai jamais accepté de laisser derrière moi [] tout comme tous ceux qui sont arrivés avec moi ont conservé cela en eux [] tout comme j'ai amené avec moi les gens qui avaient disparu. » (Appelfeld, 2011, mn. 36). Laisser derrière lui ces existences précédentes équivaudrait à les trahir, à abandonner une partie significative de sa propre vie. On peut se demander pourquoi il faut qu'Appelfeld justifie la conservation de ces existences. Perçoit-il chez ses interlocuteurs le souhait, voire la demande, qu'il ne soit qu'un homme adulte sauvé de la mort? Perçoit-il chez l'autre le souhait qu'il tienne le rôle du naufragé du côté droit du radeau de Géricault? Le souvenir comme résistance à la métamorphose C'est la notion de survie qui est sans doute idéalisée. Cela nous rappelle à quel point les descriptions de Louis Crocq sont justes quand il compare le traumatisme psychique à une traversée éveillée et sans oubli de l'enfer (Crocq, 1993). L'ensemble de cette expérience, l'ensemble de ces états réclame une place désormais. Ils ne sont pas un effet collatéral ou une erreur du processus cognitif, ils sont les représentants légitimes d'une traversée de l'éprouvant effectivement réalisée. Cela va à l'encontre de la tendance à considérer ces états comme des éléments minoritaires qui n'arrivent pas à être intégrés. Ces états constituent la clef de la survie car, comme l'affirme François Villa : « Le mystère de notre capacité de survivre gît [] dans cette étrange aptitude vitale à nous nourrir physiquement et spirituellement des effondrements successifs des mondes que nous construisons à partir de nos investissements libidinaux et des 98 Araneda M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » empires éphémères que nous édifions au nom du principe de plaisir. » (Villa, 2004, p. 112). Or, une fois que la guérison est annoncée à l'enfant et à sa famille, on lui dit souvent entre les lignes que, ayant la vie sauve, il pourra désormais « reprendre sa vie comme avant » (Morisi et Ullmo, 1977). Cet acte de parole, qui vise à réinstaller l'enfant dans la vie, à l'extérieur du cadre des protocoles médicaux, a tendance à refouler le processus qui a permis cette survie – le mal auquel la vie a été arrachée – mais aussi tous les éléments que l'irruption du mal a rendus obsolètes. La parole du médecin vise l'avenir, la déprise de la maladie. Mais cette parole qui se veut libératrice, comporte parfois une abstraction et un essai de refoulement qui peuvent se révéler des empêchements dans cet essai libérateur. L'enfant devient « guéri », « en rémission », « sauvé », mais non « guéri d'un cancer ». Cela suppose que cette catégorie de « guéri » peut abriter toutes les personnes dont la vie a été un jour menacée, gommant au passage la description du danger dont elles ont été sauvées, les mécanismes qui ont permis leur sauvetage et les conséquences de ce processus sur le sujet. Ce qui ressort des rencontres cliniques avec les enfants en période de posttraitement, et de la présence de cette mutualité traumatique, est une mémoire obstinée qui ne se conforme pas au transfert vers la vie sauve. La conservation de la vie précédente, du souvenir du mal qui l'a habitée et des procédures utilisées pour la sauver est aussi revendiquée par l'enfant, de façon certes ambivalente et conflictuelle. La mutualité traumatique signe ainsi un refus du processus refoulant qui voudrait sauver l'enfant en le séparant de ce qui vient de se passer. La notion de mutualité traumatique met en tension ces deux pôles, celui de la vie sauve et rassurante, mais aussi celui de l'accroche aux existences précédentes. Jean-Claude Ameisen, analysant les processus d'imbrication de la mort comme nécessaire et sculptrice de la vie, affirme que sur un plan onto et phylogénétique, nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses (Ameisen, 2007). Il veut souligner ainsi l'ampleur des processus de changement et de renoncement qui ont été nécessaires à la prolongation de la vie, quitte à consentir au changement de ses formes. Or, sur un plan psychique, nous pourrions affirmer aujourd'hui que le traumatisme psychique comporte peutêtre une exception à cette règle. Le sujet dit « traumatisé » n'est-il pas un opposant à l'oubli de ses métamorphoses? Ne tient-il justement pas au rappel de tous les processus impliqués dans cette métamorphose subie? « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » CONCLUSION Nous avons analysé une hypothèse descriptive de la cohabitation d'états émotionnels divers, repérables chez des enfants traversant l'expérience du cancer. Permettre le déploiement de cette divers ité d'états psychiques produit un basculement du modèle le plus répandu qui considère ces manifestations comme des traces traumatiques – minoritaires – non encore élaborées. Donner la parole à chacun de ces jalons émotionnels permet d'être le receveur d'un témoignage polyphonique qui restitue les différentes transformations consenties/subies pendant la traversée de cette expérience éprouvante. Chacun de ces jalons est une totalité, et l'existence des uns à côté des autres constitue, à notre sens, une oeuvre de résistance à l'achèvement définitif de la transformation traumatique. La persistance de chacun de ces états correspondant à la traversée de la violence constitue paradoxalement une résistance aux effets de cette violence sur le sujet. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES AMATI-SAS, S., « Honte, ambiguïté et espaces de la subjectivité », Revue française de psychanalyse, 2003, 67 (5), p. 1771-5. AMATI-SAS, S., « Situations sociales traumatiques et processus de la cure », Revue Française de Psychanalyse, 2002, 66 (3), p. 923-33. AMEISEN, J.-C., « Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses », « La mort et la sculpture du vivant », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2007, 62 (6), p. 1253-83. APPELFELD, A., Interviewé par Laure Adler, Émission radio France Culture, du 22 septembre 2011. BRUN, D., L'enfant donné pour mort, Paris, Eshel, 2001. CROCQ, L., « Le trauma et ses mythes », Psychologie Médicale, 1993, 25 (10), p. 992-9. DELAGE, M., ZUCKER, J.-M., « Qu'en est-il du sentiment de guérison chez le jeune adulte atteint d'un cancer dans l'enfance ou dans l'adolescence? », PsychoOncologie, 2010, 3 (4), p. 226-231. FERENCZI, S., (1932a), Journal Clinique. Janvier-octobre 1932 (traduit par S. Achache et al.), Paris, Payot, 1985. 100 Araneda M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance » FERENCZI, S., (1932b), Stratégies de survie (p. 59-171), In Le traumatisme (traduit par l'équipe du Coq Héron), Paris, Payot & Rivages, 2006. FERRANT, A. BONNET, V., « Blessure narcissique et idéal du moi. La figure du « vaillant petit soldat » en psycho-oncologie », Rev Francoph Psycho-Oncologie, 2003, 3, p. 81-85. FREUD, A., Survie et développement d'un groupe d'enfants : une expérience bien particulière (p. 110-160), In L'enfant dans la psychanalyse, Paris, NRF-Gallimard, 1976. FREUD, S., (1939), L'homme Moïse et la religion monothéiste (traduit de l'allemand par C. Heim), Paris, Gallimard, 1986. FREUD, S., (1900), L'interprétation du rêve (traduit de l'allemand par J. Altounian et al.), Paris, PUF, 2010. JANIN, C., Figures et destins du traumatisme, Paris, PUF, 1999. JEANTEUR, Ph., De la découverte des oncogènes à la preuve de concept de l'efficacité des thérapies ciblées (p. 2-17), In A. Kahn, S. Gisselbrecht (dir.). Histoire de la thérapie ciblée en cancérologie, France, Amgen Oncologie et John Libbey Eurotext éditeurs, 2007. LEBIGOT, F., « La névrose traumatique, la mort réelle et la faute originelle », Annales Médico-psychologiques, 1997, 155 (8), p. 522-6. MAGNENAT, D., « Pédopsychiatrie de liaison en oncologie : du terrorisme sans nom au combat contre la boule », Psychothérapies, 2005, 25 (3), p. 145-154. MORISI, J., ULLMO, D. (BRUN D.), « Traitez-le normal », Psychanalyse à l' é, 1977, 2 (8), p. 699-705. comme un enfant OPPENHEIM, D., Ne jette pas mes dessins à la poubelle. Dialogues avec Daniel, traité pour cancer, entre sa 6e et sa 9e année, Paris, Seuil, 1999. OPPENHEIM, D., Grandir avec un cancer. l'adolescent, Bruxelles, De Boeck, 2003. L'expérience vécue par l'enfant et ORBACH, D., DELAGE, M., HILBERT, M., Ces interminables attentes en oncologie pédiatrique (p. 435-441), In D. Brun (dir.). Nouvelles formes de vie et de mort : une médecine entre rêve et réalité. 12e Colloque de Médecine et Psychanalyse, Paris, Études freudiennes, 2011. PIRANDELLO, L., Six personnages en quête d'auteur (et autres oeuvres), Paris, GF Flammarion, 1994. RAVANEL, L., « Les séquelles comme actualisation du trauma », Psycho-Oncologie, 2010, 3 (4), p. 246-247. REY, A., (dir.), Le Robert Micro. Dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaires Robert, 1998. ROBERT, P., Le Grand Robert. Dictionnaire de la Langue Française. 2e édition revue et enrichie par Alain Rey (1991), Paris, Dictionnaires Le Robert, 1990. SIBERTIN-BLANC, D., VIDAILHET, C., « De l'effraction corporelle à l'effraction psychique », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 2003, 51, p. 1-4. 101 Araneda M. « La mutualité traumatique. Une figure de la traversée du cancer lors de l'enfance ».
6,501
30/hal.univ-lorraine.fr-tel-01749254-document.txt_26
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
10,811
16,827
2. La désuétude, conséquence de la transformation des terroirs. Parce qu'il constitue un obstacle au progrès agricole et à l'amélioration des forêts, le pâturage des bestiaux a toujours été sous le feu des critiques depuis le XVIII e siècle. Le législateur révolutionnaire, qui entend libérer la propriété rurale du carcan des droits collectifs et des usages communautaires, fait naître beaucoup d'espoirs chez les propriétaires. Espoirs rapidement déçus, malheureusement, avec le décret des 28 septembre-6 octobre 1791, qui ne réussit pas à imposer les idées physiocratiques. Certes, le territoire national est reconnu libre de toute sujétion1650. Chaque propriétaire peut désormais jouir exclusivement du bénéfice des produits de son bien, qu'il peut clore à son gré et donc soustraire à l'usage collectif1651. Mais 1648 Délibération du conseil municipal de Mortagne du 8 février 1840. (A.D.V., 18 Q 7, v° Mortagne). L'administration forestière avance que la procédure étant la faculté exclusive du propriétaire, une commune usagère n'a aucune initiative à prendre en la matière. (Avis du conservateur des Forêts à Épinal du 19 juillet 1840, ibid.). Pourtant, en 1846, l'État accepte l'offre de la commune de Rouvres-la-Chétive de renoncer à son droit de vaine pâture sur un terrain enclavé dans la forêt domaniale de Neufeys en échange de l'abandon en pleine propriété de ce terrain (6,70 ha). (Ordonnance royale d'homologation du 17 octobre 1846, A.D.V. 18 Q 8 et 21 Q 2, v° Rouvres-la-Chétive). En réalité, la transaction met fin à un litige qui oppose les deux parties sur l'exercice du droit pâturage. (Neufchâteau 16 mai 1839 et 23 juil. 1841 (com. de Rouvres-la-Chétive c. préfet des Vosges), A.D.V. 22 U 240 – Nancy 4 juil. 1842 (préfet des Vosges c. com. de Rouvres-la-Chétive), A.D.V. 22 U 272 – Mirecourt 27 mars 1843 (com. de Rouvres-la-Chétive c. préfet des Vosges), A.D.V. 21 U 638). 1649 Il en est ainsi pour le cantonnements des usagers de la forêt domaniale de Mortagne (1806) et les opérations intéressant les communes de Frizon et Saint-Vallier (an VII), de Fraize et Plainfaing (1812), du ban de Vaudicourt (1820), d'Oncourt (1822), de Remiremont et Saint-Nabord (1853), du ban de Vagney (1856), de Gigney (1858), de Bellefontaine (1859), du ban de Ramonchamp (1861) et de Cornimont (1861). l'individualisme agraire consacré est imparfait, car le texte autorise les populations rurales à jouir « provisoirement » de leur droit de parcours* et de vaine pâture lorsqu'ils sont fondés sur un titre ou un usage local immémorial1652. Ainsi, le législateur de 1791 refuse de faire table rase du système agraire communautaire hérité de l'Ancien Régime, toujours indispensable à la production agricole1653. Aussi imparfaite soit-elle, la législation révolutionnaire est appliquée pendant près d'un siècle sans modification, au grand dam des propriétaires. Durant cette période, les paysans ne cessent de clamer que « le maintien des usages communautaires et des droits collectifs est la condition même de leur existence et le complément indispensable à leur propre exploitation. »1654 Chaque régime politique se risque à une réforme, mais rien n'y fait, comme si « une malédiction semble peser sur les nombreux projets de lois qui seront envisagés. »1655 Les échos de ces tentatives transparaissent dans les archives forestières des Vosges, mais les administrateurs vosgiens se déclarent toujours impuissants à mettre un terme à des servitudes anachroniques. En 1832, par exemple, alors que plusieurs communes du département réclament la restriction ou la suppression du droit de parcours et de vaine pâture, le préfet Henri Siméon déclare qu'« il ne dépend pas de l'autorité administrative d'accueillir de semblables réclamations, quelque puissant qu'en soient les motifs. »1656 C'est aux propriétaires à profiter des moyens que la loi leur offre pour s'affranchir des droits de pâturage, « qui [entravent] a un si haut degré le progrès de l'agriculture française »1657. Mais en attendant, il n'est pas permis de déroger à la réglementation en vigueur sur question aussi sensible. Dans une « circulaire confidentielle » du 7 mars 1836, le ministre de l'Intérieur, Adrien de Gasparin (1836-1837), appelle d'ailleurs les préfets à agir avec 1652 Idem, titre 1, section 4, art. 2. (Idem, p. 432). Parlant de la loi 1791, François de Neufchâteau constate laconiquement que, « en vain, notre code rural, a posé pour principe que le sol de la France est libre comme ceux qui l'habitent ; aujourd'hui même, les campagnes gardent encore en France, des restes de désordre et des marques de servitudes. » (NEUFCHÂTEAU (François de), Voyages agronomiques dans la sénatorerie de Dijon, Paris, Mme Huzard, 1806, p. 16). 1654 FORTUNET (Françoise), « La Code rural ou l'impossible codification », Ann. hist. de la Révolution française, 1982, t. 248, p. 97. 1655 COUDERT (Jean), « La vaine pâture dans les pays de la Meurthe au XIXe siècle (département de la Meurthe, puis département de la Meurthe-et-Moselle après 1871) », Mélanges Voirin, L.G.D.J., Paris, 1967, p. 153. 1656 Circulaire du préfet des Vosges aux maires des communes du département du 17 octobre 1832, dans Recueil des actes administratifs du département des Vosges, 1832, t. 12, bull. n°45, p. 389. Dans le même sens : Circulaire du préfet des Vosges aux maires des communes du département du 1 er juin 1841, dans Recueil des actes administratifs du département des Vosges, 1841, t. 21, bull. n°20, pp. 162-3. 1657 Circulaire n°24 du ministre du Commerce aux préfets du 4 septembre 1835. (A.D.V., 36 M 13). prudence, la logique du droit devant parfois fléchir face à des considérations d'ordre et de tranquillité publics1658. Le Code forestier de 1827 est la seule avancée notable de la législation rurale au XIX e siècle, mais ses effets restent toutefois limités en matière d'extinction de pâturage. Il faut attendre la Troisième République (1870-1940) pour voir la législation révolutionnaire profondément modifiée et la propriété privée enfin affranchie des servitudes de pâturage. La loi du 9 juillet 1889 abolit le droit de parcours* sans restriction, ni réserve 1659. Le droit de vaine pâture coutumière, établi au profit de tous les habitants sur la généralité du territoire communal en vertu d'un usage immémorial ou d'un titre, est également aboli, tout au moins dans son principe1660. En revanche, l'article 12 maintient « la vaine pâture établie à titre particulier sur un héritage* déterminé. 1661 L'expression laisse entendre que seules les servitudes personnelles, celles qui appartiennent à une personne privée ut singuli, reconnues par un titre sur un fonds déterminé, sont conservées à leur bénéficiaire. Cette interprétation restrictive fait craindre à un grand nombre de communes, titulaires de servitudes réelles établies au profit de tous les habitants, que leurs droits acquis, fondés sur des titres certains, puissent disparaître sans indemnité. Si le ministre de l'Agriculture, Léopold Faye (18891890), essaie d'apaiser leur inquiétude, il faut cependant une modification de la législation 1658 Pour le ministre, « lorsqu'un usage, lorsqu'un abus même, se trouve consacré par une longue suite d'années, et ici nous pourrions presque dire de siècles ; lorsque cet usage ou cet abus intéressent à un haut degré une classe nombreuse et peut-être la moins éclairée de la société ; détruire cet usage, déraciner cet abus, peut être éminemment désirable ; le projet peut en être présenté sous les formes du droit le plus incontestable, de la logique la plus rigoureuse, et cependant l'exécution peut en rencontrer des difficultés telles, que la logique, que le droit devront, pour triompher, appeler le temps à leur aide. » (Circulaire « confidentielle » du ministre de l'Intérieur aux préfets du 7 mars 1836, A.D.V. 36 M 13 – dans le même sens : Circulaire du ministre de l'Intérieur aux préfets du 20 juillet 1838, ibid.). 1659 Loi du 9 juillet 1889 sur le Code rural (titres 2 et 3 – Parcours, vaine pâture, ban des vendanges, vente des blés en vert – Durée du louage des domestiques et ouvriers ruraux), art. 1er. (Bulletin des lois de la République française, 1889, 12e sér., t. 39, bull. n°1260, p. 8). Sur la loi du 9 juillet 1889 : BOUCHEZ (A.), Pâture et vaine pâture, traité des biens et usages ruraux, lois des 9 juillet 1889-22 juin 1890, Bordeaux, A. Delagrange, 1907, 109 p. – BOURGUEIL (Edgard), La vaine pâture, commentaire théorique et pratique des lois du 9 juillet 1889 et 22 juin 1890, Charleville, Petit Ardennais, 1893, p. – DÉJAMME (Jean), La vaine pâture, commentaire des lois du 9 juillet 1889 et du 22 juin 1890, Paris, Berger-Levrault, 1890, 88 p. – DURAND (Adrien), La vaine pâture, suivant les coutumes de Chaumont-en-Bassigny, de Vitry-en-Perthois, de Troyes, Sens et Langres, lois des 18 juillet 1889-24 juin 1890, Chaumont, S. Dadant, 1891, 40 p. – GUERMEUR (Henri), Commentaire de la loi du 9 juillet 1889 relative au Code rural, Paris, P. Dupont, 1890, 137 p. 1660 Idem, art. 2. 551 pour désamorcer les tensions1662. La loi du 21 juin 1890 précise le champ d'application de l'article 12 de la loi de 1889, en indiquant que « la vaine pâture fondée sur un titre et établie sur un héritage déterminé, soit au profit d'un ou de plusieurs particuliers, soit au profit de la généralité des habitants d'une commune, est maintenue et continuera à s'exercer conformément aux droits acquis. »1663 Malgré cette sauvegarde, le législateur assure au propriétaire du fonds grevé les moyens de s'affranchir d'une telle servitude, soit par une indemnité pécuniaire, soit par voie de cantonnement*. La loi introduit donc ici une innovation majeure par rapport à l'article 64 du Code forestier et offre aux propriétaires une solution supplémentaire pour retrouver, par le cantonnement des droits de pâturage, la libre jouissance de ses bois1664. Cette disposition reste toutefois sans portée dans les Vosges, où l'État n'entend pas aliéner plus encore les forêts domaniales pour supprimer les droits de pâturage, alors que « l'hystérie pacagère » reflue1665. Pourtant, ces droits d'usage persistent. En 1877, la Statistique forestière du ministère de l'Agriculture indique que 36 % des forêts domaniales du département (20.351 ha) sont encore grevées de ces servitudes usagères 1666. Mais la situation n'est pas pour inquiétée le gouvernement en cette fin de XIX e siècle. En effet, dès les années 1850, les agents forestiers notent que, là où les droits de pâturage sont encore exercés, ils 1662 Dans sa circulaire aux préfets du 17 septembre 1889, le ministre indique que « [la loi de 1889] est considérée, dans certains départements, comme étant de nature à porter atteinte à des droits s sur des usages immémoriaux et à créer des entraves à l'élevage du bétail. Une semblable interprétation est absolument erronée et il importe [] de faire cesser au plus vite une émotion que rien ne saurait justifier. » (A.D.V., 36 M 238). 1663 Loi du 21 juin 1890 ayant pour but de modifier le titre 2 du Code rural (Vaine pâture), art. 12. (Bulletin des lois de la République française, 1890, 12e sér., t. 40, bull. n°1332, p. 1187 – Circulaire du ministre de l'Agriculture aux préfets du 7 août 1890, dans Recueil des actes administratifs du département des Vosges, 1891, t. 71, bull. n°31, pp. 367-71 – A.D.V., 36 M 238). 552 tendent à reculer. De toutes ces servitudes, la grasse pâture est celle qui présente le moins d'intérêt pour les usagers, alors que, jusqu'au XVIIe siècle, elle représente une part essentielle de revenus dans les forêts lorraines1667. Désormais, le panage* est devenu l'exception, puisqu'il est exercé uniquement dans les forêts domaniales de Rambervillers, du Ban de Nossoncourt, de Sainte-Hélène et de Saint-Gorgon, lorsque la fructification est suffisante pour permettre la paisson des porcs1668. Plus fréquent, le pâturage des bêtes à corne est tout aussi délaissé par les usagers vosgiens. Il est encore usité, dans le centre du département, entre le ban d'Escles et Épinal, ainsi que par quelques communes de la montagne, dans la région de Gérardmer (voir carte n°7). En 1877, seules 32 communes envoient encore, sinon régulièrement, tout au moins ponctuellement, des troupeaux paître dans les forêts vosgiennes, soit 15 % des 211 communes titulaires des droits de pâturage. Mais « après la Première Guerre mondiale, le bétail allant au bois est une survivance. »1669 Si les forêts grevées sont peu nombreuses, l'administration forestière souligne toujours les méfaits de la dent du bétail, qui nécessitent de nombreux repeuplements. Les « discussions continuelles » provoquées chaque année par la déclaration de défensabilité* conduisent parfois les agents locaux à s'interroger sur l'utilité du rachat 1670. Mais la déprise usagère invite au contraire les agents forestiers à la patience, car « il est permis de supposer que l'exercice de ce droit (d'usage) disparaîtra de lui-même dans un avenir plus ou moins proche, sans que l'État ait à se préoccuper d'en effectuer le ra . »1671 La position du 1667 HUSSON (Jean-Pierre), Les hommes et la forêt en Lorraine, op. cit., p. 65 et 164. Dans plusieurs forêts domaniales, les agents relèvent que « le droit de grasse pâture ne s'exerce plus depuis fort longtemps. » (Procèsverbal d'aménagement de la forêt domaniale du Ban d'Harol du 31 décembre 1907, p. 2, A.D.V. 49 M 53 – dans le même sens : Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale du Ban d'Harol du 16 octobre 1862, p. 58, A.D.V. 46 M 30 – Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale de Rambervillers du 31 décembre 1842, p. 4, A.D.V. 52 M 47). Jean-Pierre Husson attribue le déclin de la glandée, dès le début du XIX e siècle, au développement de la culture de la pomme de terre, qui « suffit pour nourrir et engraisser les porcs sur place. » (HUSSON (Jean-Pierre), Les hommes et la forêt en Lorraine, op. cit., p. 165). 1668 L'exercice de la grasse pâture est si peu préjudiciable aux forêts usagères que l'administration forestière n'hésite pas à assouplir les règlements en vigueur. Il est ouvert « sur toute la masse qui constituait l'ancien domaine de l'évêché de Metz, y compris le quart en réserve* et les sapinières », ainsi que « dans la forêt d'Autrey, malgré ses franchises de tous droits d'usage. » (Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale de Rambervillers du 22 mai 1872, p. 100, A.D.V. 52 M 48 – dans le même sens : Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale de Sainte-Hélène du 24 février 1877, p. 11, A.D.V. 48 M 21). 1669 HUSSON (Jean-Pierre), Les hommes et la forêt en Lorraine, op. cit., p. 164. 1670 Procès-verbal d'aménagement des forêts domaniales du Ban d'Uxegney et de Renauvoid du 1 er août 1863, pp. 87-8. (A.D.V., 49 M 54). Dans le même sens : Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale dite les Sapinières des Hauts Bois de la Mairie de Rambervillers du 31 décembre 1842, p. 11, A.D.V. 52 M 39 – Procèsverbal d'aménagement de la forêt domaniale de Champ du 1 er février 1867, A.D.V. 52 M 47. 1671 Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale du Ban d'Uxegney du 22 mars , p. 17. (A.D.V., 49 M 56). Dans le même sens : Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale de Champ du 29 avril 1844, A.D.V. 52 M 39 – Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale de Fraize du 10 février 1846, A.D.V. 51 M 5 – Procès-verbaux d'aménagement de la forêt domaniale de Souche des 18 novembre 1856 et 15 février 1889, A.D.V. 51 M 7 – Procès-verbal d'aménagement de la forêt domaniale du Bois-le-Comte du 20 mai 1861, p. 3, A.D.V. 46 M 30 – Rapport d'aménagement de la forêt domaniale du Fossard du 10 août 1861, p. 87, 553 gouvernement à l'égard des droits de pâturage est donc claire : attendre la désuétude de l'usage. 554 politiques d'aménagement forestier mises en place au XIX e siècle, notamment dans la montagne, qui concentre plus de la moitié des cas de désuétude (56,7 %). La mise en règle des forêts du massif vosgien, destinée à repeupler les vides et assurer la production des bois de futaie*, est très préjudiciable aux usagers. Comme l'illustre le procès Biétrix, le nombre des cantons défensables* se restreint, afin de protéger les semis*, et la nourriture autrefois abondante disparaît progressivement sous le couvert forestier1673. Dès lors, pour l'avocat nancéen d'Arbois de Jubainville, « le pâturage cessa d'être à la mode ; peu à peu les communes cessèrent de pâturer les forêts. Beaucoup d'usagers négligèrent leurs droits de pâture, que la sévérité des gardes rendait fort dangereux. »1674 L'explication vaut également pour les forêts de la vôge et de la plaine, qui n'échappent pas aux travaux d'amélioration des peuplements* destinés à faire régner en maître la futaie. Si la désuétude du pâturage des bestiaux dans les bois incombe – pour une part – à l'Administration des Forêts, elle s'explique également, « par l'amélioration des prairies et une connaissance plus approfondie des intérêts de l'agriculture. »1675 À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, en effet, l'agriculture française connaît des progrès importants, puisque c'est à cette époque que « la révolution agricole par les plantes fourragères se concrétise. »1676 Scellé dans la loi depuis la Révolution, l'individualisme agraire se manifeste par un changement progressif dans les techniques agricoles. L'assolement triennal pratiqué depuis le Moyen Âge, faisant la part belle céréales, laisse la place à une répartition des cultures sur quatre ans, qui permet l'introduction de plantes fourragères. Désormais mieux nourris dans les prairies et à l'étable, il devient inutile d'envoyer paître les bestiaux dans les bois. L'élevage du bétail, désormais plus facile, plus productif, ne justifie donc plus l'utilisation des ressources secondaires en forêt. La croissance démographique justifie alors 1673 Sur l'affaire Biétrix, voir partie 2, chapitre 2, section 2, § 2, A, 2. Jean-François Harnepon, l'un des trois judiciaires dans cette affaire, note que les droits de pâturage des censitaires* de Plainfaing dans la forêt des Hautes Limites ont été exercés « aussi complètement que possible » jusqu'en 1832, « époque à laquelle commencèrent les restrictions et vexations de tous genres, pour entraver et finalement supprimer l'exercice du droit de parcours. 555 l'abandon des communaux et leur partage au profit des habitants, libres désormais de mettre en valeur des terrains jusqu'alors peu productifs. Le développement industriel de la seconde moitié du siècle, en particulier le textile dans la montagne, déracine progressivement le paysan de sa terre, avant que l'exode rural, au siècle suivant, ne soulage définitivement la pression sur les forêts du département1677. Lente, mais constante tout au long du XIX e siècle, la désuétude du pâturage en forêt accompagne les progrès de l'agriculture vosgienne. Elle ne se justifie plus que lors de circonstances exceptionnelles, comme en 1892 et 1893, où le ministre de l'Agriculture décide d'ouvrir les forêts domaniales au parcours des bestiaux en raison de la sécheresse persistante et de la disette des fourrages. Toutefois, le gouvernement ne manque pas de préciser « que ces tolérances de parcours, justifiées par une situation exceptionnelle, ne seront considérées qu'à titre tout à fait exceptionnel, qu'elles prendront fin avec les circonstances qui l'ont fait naître et qu'elles ne sauraient en aucune façon être invoquées comme précédent par les bénéficiaires pour en réclamer plus tard le renouvellement. »1678 L'État et l'Administration des Forêts s'entourent de garanties juridiques afin que l'introduction des troupeaux ne porte pas à conséquence. Les droits d'usage ayant presque disparus, il serait en effet dommage qu'une commune puisse revendiquer l'acquisition d'un nouveau droit d'usage par l'effet de la prescription. Sage mais inutile précaution, puisque l'article 62 du Code forestier interdit toute nouvelle concession de droits d'usage dans les forêts domaniales1679. Surtout, le pâturage en 1677 Il est délicat de généraliser l'évolution du progrès agricole. Eugin Weber nous en garde contre toute tentative de systématiser ce processus, qui masque nécessairement la diversité des situations locales. La révolution agricole est un phénomène complexe, où « tout essai d'organisation théorique donne de ce qui est combinaison, interpénétration et complexité des faits, une représentation simpliste et artificielle. » (WEBER (Eugen), La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale (1870-1914), Paris, Fayard, éd. Recherches, 1992, p. 178). Le sujet doit encore être étudié pour le département des Vosges. Voir cependant : LAFITE (Charles), L'agriculture dans les Vosges, Reims, Matot-Braine, 1904, XI-509 p. – LE BEUF (Eugène), L'agriculture dans les Vosges. Fascicule qui complète le tome 5 de l'ouvrage « Le département des Vosges » publié par Léon Louis, Épinal, E. Busy, 1893, 56 p. *** Débutée avec le Code forestier de 1827, l'entreprise d'affranchissement des forêts vosgiennes est originale à plus d'un titre. Elle frappe tout d'abord par son ampleur. Au XIX e siècle, les Vosges sont le département de France possédant le plus grand nombre de ces droits d'usage. Néanmoins, en cinquante ans, le gouvernement parvient à mettre un terme à neuf dixièmes des droits de pâturage (91,5 %). Le coût de l'opération est d'ailleurs très minime, puisque ces usages sont supprimés par l'effet de la prescription extinctive dans les trois quarts des cas (72,5 %), le quart restant variant entre rachat pécuniaire ou, plus souvent, rachat en nature lors du cantonnement*. La situation est plus contrastée en ce qui concerne les usages au bois. Si les opérations de cantonnement se terminent un peu plus tôt, en 1869, elles contraignent cependant le Domaine et les particuliers à abandonner aux communes vosgiennes 22.500 ha de forêts en pleine propriété. Quoi qu'il en soit, l'État aura repris en un demi-siècle la pleine possession de son patrimoine forestier, accaparé jusque-là par les usagers. La suppression des usages forestiers interpelle également par la double stratégie suivie par l'Administration des Forêts dans les Vosges, à la fois passive et active. Passive, tout d'abord, à l'égard des droits de pâturage, considérés depuis toujours comme la servitude la plus dommageable pour la conservation des bois. Dans ces circonstances, l'attitude adoptée est étonnante, mais plus réfléchie qu'il y paraît 1681. En effet, l'administration forestière appréhende parfaitement les conséquences du progrès agricole sur les pratiques agraires traditionnelles. Elle n'a aucun intérêt à précipit la fin du pâturage par le rachat pécuniaire, dès lors que son avènement apparaît inéluctable à partir de la seconde moitié du XIX e siècle. Sa position est en revanche inverse à l'égard des droits de chauffage* ou de marronnage*, à S. 1858.1.351). L'article 112 du Code forestier étend le bénéfice de la prohibition de l'article 62 aux forêts communales. 1680 ROCHEL (Xavier), Gestion forestière et paysages dans les Vosges, op. cit., p. 204. 1681 Comme l'explicite sommairement Charles Guyot, « l'administration, qui a donné une si vive impulsion aux cantonnements, a bien plus rarement usé de son droit quant à l'extinction des usages au pâturage. 557 une époque où les alternatives au bois sont encore très limitées pour les populations rurales. Surtout, le gouvernement ne peut pas se permettre de manquer le virage de la Révolution industrielle. Le vaste réservoir forestier des Vosges, source de matières premières abondantes, doit lui permettre de remplir les caisses du Trésor. Ainsi, plus vite les usagers sont dépossédés de leurs doits forestiers, plus rapide est l'exploitation capitaliste des forêts domaniales et l'enrichissement de l'État. Voilà pourquoi « l'Administration des Forêts procéda d'abord au cantonnement des usages [au bois] et laissa au temps et au progrès agricole le soin de diminuer l'intensité des usages au pâturage, dont le rachat ne fut ordonné que dans des circonstances urgentes et exceptionnelles. »1682 Enfin, sur le plan juridique, les procédures de cantonnement et – dans une moindre mesure – de rachat permettent aux propriétaires et aux juges de réconcilier la propriété forestière avec les principes de l'article 544 du Code civil. Plus de cinquante ans après sa consécration, la fin des droits d'usage assoit le droit absolu du propriétaire sur ses forêts. Le voeu des libéraux est enfin exaucé : l'exploitation capitaliste de la forêt peut s'accélérer et, avec elle, des perspectives de bénéfices substantiels pour les propriétaires. Certes, les bois vosgiens ne sont pas à l'origine du libéralisme forestier en France. Il serait prétentieux de prétendre ou vouloir démontrer le contraire. En revanche, il est certain que le potentiel ligneux du département aiguise les appétits des commerçants et des industriels. Preuve en est l'acharnement des autorités centrales à vouloir mettre sur pied une procédure efficace de cantonnement. Tant que la forêt usagère persiste, 'exploitation vénale des bois demeure, sinon impossible, tout au moins limitée. Cette révolution économique ne peut se faire sans une révolution juridique préalable, avec la consécration du droit de propriété privée. Toutefois, ériger la propriété au rang des droits fondamentaux de l'individu ne suffit pas à garantir au propriétaire un pouvoir absolu sur son bien. Encore faut-il lui assurer les moyens de se libérer des entraves qui existent. Sur ce point, la législation forestière pèche grandement, alors que les chaînes de la tradition usagère contrarient le plein et entier exercice du droit de propriété. Le mal, profond, attend jusqu'aux années 1850 un remède qui ne vient pas. Les forêts vosgiennes fournissent la trame de cette entreprise d'affranchissement. 558 Louis Bourlon de Rouvre auprès de Napoléon III. Sans le décret du 19 mai 1857 et les concessions arrachées au gouvernement, les procédures de cantonnement se seraient probablement vidées devant les tribunaux, et non à l'amiable. Utilisant l'arme du droit, comme leurs détracteurs, les usagers plongent parfois les autorités dans l'embarras. En avril 1857, par exemple, les communes vosgiennes interpellent le ministre des Finances pour être indemnisées de leur droit de pâturage existant sur les portions de forêts abandonnées en cantonnement. S'il estime que cette servitude est éteinte par confusion, en vertu de l'article 705 du Code civil1683, Pierre Magne demande toutefois l'avis de la commission instituée pour l'examen des questions relatives au cantonnement. Du même avis que le ministre, la commission estime à juste titre que le propriétaire est dispensé de racheter ce droit d'usage. Néanmoins, il y a lieu d'en tenir compte lors du cantonnement, car « cette servitude, qui doit s'éteindre ultérieurement, n'en existe pas moins aujourd'hui et n'en altère pas moins la valeur du fonds qu'elle grève. »1684 L'évaluation de l'indemnité destinée à compenser la dépréciation du fonds abandonné aux usagers pose toutefois un problème. Faut-il, par exemple, leur donner une somme d'argent équivalente à la valeur du droit? La commission s'y refuse, en raison du coût financier de l'opération pour l'État. Faut-il plutôt ajouter au cantonnement une parcelle de forêt représentant cette somme? La solution présente alors des difficultés, puisque « dans la rédaction des articles 63 et 64 du Code forestier, la pensée du législateur paraît avoir été [] d'appliquer à l'extinction de chaque droit d'usage le mode de compensation le mieux approprié à la valeur de ce droit. » Le débat fait naître des dissensions au sein du collège d'experts. Pour certains, la prohibition de l'article 64 est absolue et interdit formellement de convertir en cantonnement tout autre droit que l'usage en bois. « S'écarter de cette règle, qu'il s'agisse d'une opération principale ou d'une opération accessoire, c'est toujours violer la loi. » D'autres considèrent, en revanche, que l'article 64 s'applique uniquement au cas où il s'agirait d'éteindre des droits de pâturage sur la totalité d'une forêt. « Tenir compte des dites servitudes par une augmentation proportionnelle de la contenance à abandonner, ce n'est point cantonner ces servitudes, puisque leur extinction n'est pas le but qu'on se propose. 559 contraire à l'ordre publique. »1685 Par une opération inverse, le pâturage peut donc aussi être éteint moyennant l'abandon d'une portion de forêt, « alors surtout que l'extinction de ce droit ne constitue qu'une opération partielle, qu'un accessoire du cantonnement de l'usage en bois.» Finalement, la commission se range à l'avis de son rapporteur et estime que la dépréciation que le pâturage fait peser sur le cantonnement peut être compensée par une portion de forêt supplémentaire1686. Cette concession, consacrée par l'article 11 du décret du 19 mai 1857, comme d'autres, montre toute l'habilité des communes vosgiennes à raisonner de façon pragmatique sur des concepts juridiques parfois obscurs. Surtout, elle illustre leur persévérance à vouloir être indemnisés au plus juste pour la suppression de leurs droits d'usage immémoriaux. Les communes vosgiennes monnayent âprement la fin de leurs privilèges. Elles offrent une nouvelle preuve de leur talent en développant à leur paroxysme les subtilités juridiques de l'opération de cantonnement1687. En 1859, les usagers de la commune d'Archettes, des bans d'Harol et Uxegney, ainsi que d'autres relevant également de l'Inspection d'Épinal, s'interrogent sur le montant de la redevance usagère pour l'exercice du droit de vaine pâture après un cantonnement. Ils considèrent en effet que, l'étendue du droit étant désormais retreinte, il y a lieu dès lors de réduire la redevance dans la même proportion, voir même de la supprimer dans le cadre de l'article 11 du décret de 1857. Saisi de la question, le conservateur La Bégassière estime qu'en acceptant l'opération, les usagers consentent également diminuer la quantité de bétail à envoyer au parcours dans la portion de forêt encore grevée de droits d'usage. Par suite, la redevance à payer au propriétaire est moindre, mais son taux est invariable, car « le cantonnement ne doit pas avoir pour résultat de faire diminuer la taxe due par tête de bétail admise au parcours. »1688 Toutefois, dans l'hypothèse où le titre porte une 1685 Procès-verbal de la séance de la commission d'examen des cantonnements des droits d'usage du 18 avril 1857, p. 36, op. cit. 1686 Rapport de la commission d'examen des cantonnements des droits d'usage du 22 avril 1857, p. 12, op. cit. La Cour de cassation estime que l'exercice du droit de cantonnement n'est pas subordonné au rachat préalable des servitudes qui grèvent la portion de forêt à abandonner à l'usager, sauf aux experts à tenir compte de ces servitudes dans l'estimation du cantonnement. (Cass. Civ. 16 juil. 1867 (com. de la Grande-Loye c. État), op. cit. – Cass. Civ. 11 janv. 1869 (com. d'Arc et a. c. État), op. cit.). 1687 Décret du 19 mai 1857 relatif à la marche à suivre dans les opérations de cantonnement, art. 11 : « Lorsque la forêt à affranchir de droits d'usage en bois sera grevée en outre de droits de parcours, pour tenir compte à l'usager de ses droits en tant que grevant la partie de forêt attribuée en cantonnement, il sera ajouté au capital de l'émolument usager une somme égale au produit de la capitalisation au denier vingt du revenu annuel qui pourrait être retiré du parcours sur ladite portion de forêt. » (Circulaire n°758 du directeur général des Forêts aux conservateurs du 6 juin 1857, p. 14, A.D.V. 80 P 35 – A.N., F/10/1658, « Décret du 19 mars 1857 »). 1688 Avis du conservateur des Forêts des Vosges du 26 mars 1859, sur le rapport de l'inspecteur des Forêts à Épinal du 1er mars 1859. (A.N., F/10/1659, « Droits de pâturage après cantonnement »). Dans le même sens : Avis du directeur général des Domaines à Épinal du 2 avril 1859, ibid. – Arrêté du préfet des Vosges du 5 avril 1859, ibid. Sur ce point, le ministre des Finances considère que « ce serait double emploi que de réduite les redevances à voir par chaque tête de bétail, proportionnellement à la surface affranchie du droit de 560 redevance collective pour la délivrance de bois et du pâturage, l'extinction de l'usage au bois affranchit la commune usagère de toute redevance pour l'avenir. En effet, lors du calcul de l'émolument usager, la redevance entière comprenant en bloc les deux droits a été défalquée du produit annuel brut, conformément à l'article 7-1° du décret du 19 mai 1857. « L'État a donc repris aux usagers le capital correspondant au revenu annuel produit par les taxes de parcours ou, ce qui est la même chose, les usagers ont racheté leurs redevances pour le parcours afin d'acquérir le droit de le pratiquer gratuitement. pâturage. Une réduction de l'espèce s'expliquerait d'ailleurs d'autant moins que la redevance par tête est le prix des avantages que procure à l'usager l'introduction en forêt de chaque pièce de bétail ; or, ces avantages restent les mêmes, qu'elle que soit l'étendue des cantons grevés, du moment où l'on n'introduit dans chaque canton que le nombre de bestiaux qui peuvent y trouver leur pâture. » (Décision du ministre des Finances du 6 août 1859 approuvant l'arrêté préfectoral du 5 avril précédent, ibid.). 561 CONCLUSION GÉNÉRALE 562 « Il est des mesures capitales qui font époque dans les pays où elles sont prises ; les cantonnements dans les Vosges doivent être classés dans ces mesures, car ils ouvrent une ère nouvelle aux forêts grevées de droits d'usage dans le département des Vosges. » Jules Dubouays de la Bégassière (conservateur des Forêts à Épinal), Rapport sur la situation des cantonnements des usagers dans les forêts domaniales du département des Vosges – 9e Conservation, du 4 juillet 1862, p. 111689. La forêt est le dernier bastion des traditions collectives héritées de l'Ancien Régime, l'espace privilégié où s'illustre la persistance de l'esprit communautaire au XIXe siècle. Depuis toujours, les droits d'usage constituent un patrimoine commun des habitants des Vosges. Un patrimoine d'autant plus précieux qu'il assure des moyens de subsistance à tous. Transmis de génération en génération, les usages appartiennent à tous, mais à personne en particulier. Ils n'ont pas de raison d'être en dehors de la collectivité, tout comme l'universitas ne peut exister sans ces droits collectifs. À une époque où l'individu isolé ne compte guère, la communauté seule est permanente. Un lien presque mystique unit le groupe à son patrimoine, qui se manifeste dans la solidarité villageoise lorsque les biens et les droits communs sont menacés. Les droits d'usage sont attaqués : la mobilisation est alors générale. La survie de chacun est en jeu. La politique de l'État, au XIX e siècle, contre ces servitudes collectives, est donc ambitieuse, et son issue incertaine. Les usages forestiers étant attachés à un collectif doté de la personnalité juridique, la commune, ils ne peuvent pas disparaître tant que celle-ci se perpétue. Désormais, le groupe protège son patrimoine. Mais la Révolution change la donne. Leur existence est maintenant mise à prix. Ils heurtent en effet la nouvelle théorie civiliste de la propriété, qui fait l'éloge de l'individualisme et du pouvoir absolu du maître sur son bien. Pour autant, les droits d'usage ne sont pas hors-la-loi, puisque le Code civil reconnaît les démembrements du droit de propriété1690. Ils constituent un démembrement si poussé qu'ils remettent en cause attributs mêmes de la propriété, en particulier ses caractères absolu et perpétuel. S'ils fournissent 1689 A.N., F/10/1711 Code civil, art. 543 : « On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre. » 1690 563 toujours un appoint essentiel de ressources vitales pour les populations rurales, ils appartiennent à un temps que les juristes, les politiques et les hommes d'affaire veulent voir disparaître. Que ce soit dans les Vosges ou ailleurs, l'individualisme condamne d'avance les droits d'usage. La disparition de la forêt usagère est planifiée. C'est un drame qui se joue en trois temps, trois actes au cours desquels un des protagonistes domine l'autre, mais où s'illustre toujours la résistance des communes vosgiennes face à la puissance de leurs adversaires. Acte 1 : l'identification des ayants droit (1804-1850). Le Consulat et l'Empire évoquent déjà la suppression des droits d'usage, qui sont une entrave à l'exploitation des forêts françaises. Mais une telle entreprise nécessite avant tout de connaître avec certitude les ayants droit, car leur droit d'usage est cet « usage qui a réussi. »1691 Malheureusement, les communes vosgiennes possèdent les droits les plus solides qui soient, fondés sur des titres légitimes et reconnus. Le Conseil de préfecture des Vosges est donc contraint de sanctionner le statu quo. Il satisfait les intérêts de tous, sans contenter personne. Certes, les usagers vosgiens conservent leur accès privilégié aux produits des forêts 1691 STURMEL (Philippe), « De quelques usages locaux et réflexions sur les droits d'usage au XIX e siècle », op. cit., p. 255. V. l'introduction générale, note 15. 564 domaniales. Mais ils estiment la reconnaissance incomplète, car le conseil consacre des droits révocables selon le bon vouloir du gouvernement. Ne pouvant supprimer les usages forestiers sans être taxé d'arbitraire, le conseil de préfecture fait ressortir leur précarité avec une récurrence étonnante dans son interprétation intéressée de la clause de bon plaisir et la violation du principe d'inaliénabilité* du Domaine. Cette jurisprudence laisse entrevoir un avenir radieux pour l'affranchissement de la forêt vosgienne. Voilà bien de quoi satisfaire l'État en apparence seulement, car la procédure initiée en 1804 se retourne contre lui. En effet, le juge administratif vosgien ne se contente pas de statuer sur la légitimité des droits d'usage. Très souvent, il se prononce sur le fond, usurpant ainsi les prérogatives du juge civil. Cette confusion jetée dans les principes juridictionnels ne pouvant perdurer, le législateur est contraint d'ordonner une nouvelle procédure de vérification, lors de la promulgation du Code forestier de 1827. Parallèlement, l'administration forestière entreprend l'aménagement* des forêts vosgiennes à partir des années 1820. Son but est simple : produire toujours plus de bois pour soutenir la demande de l'industrie et du commerce, et financer le Trésor. Cette logique capitaliste conduit l'administration à adopter une position systématiquement hostile aux usagers. Les vexations se multiplient à mesure que les délivrances diminuent, et cela d'autant plus vite que la croissance de la population s'accélère. Plutôt que d'employer la force, les communes vosgiennes préfèrent recourir à l'arme du droit, combat moins palpitant pour l'Histoire, mais plus remarquable pour l'historien des institutions. Dès qu'il en a l'opportunité, l'État fait valoir la clause de bon plaisir pour obtenir la révocation des droits d'usage, encouragé par la jurisprudence du conseil de préfecture. Pendant vingt ans, la portée de cette clause est débattue devant les tribunaux et alimente les controverses. C'est elle qui rythme la marche de la procédure de vérification des titres prévue par le Code forestier. En 1831, lorsque le ministre des Finances ordonne la poursuite des délivrances usagères « jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné », il prend en réalité une mesure grave de conséquences et fait un pari risqué. En reconnaissant immédiatement les usages concédés à bon plaisir, le gouvernement peut alors se concentrer sur leur suppression. Mais il n'en fait rien, préférant à un affranchissement rapide mais onéreux des forêts domaniales, une libération plus tardive mais sans contrepartie. Acte 2 : la fix ation de l'étendue des droits d'usage ( 1804- 1850). Dans le conflit entre p ropriétaire s et usagers pour la jouissance des produits forestiers intervient « un protagoniste inattendu : le juge. »1692 Son intervention est d'autant plus inévitable, d'ailleurs, que la législation ne définit pas le régime juridique des droits d'usage forestiers. Les parties exploitent cette brèche sans ménagement pour soutenir leurs prétentions. Extrêmement sollicités dans la première moitié du XIX e siècle, avec pas moins de 51 procès, les juges vosgiens et lorrains contribuent à l'élaboration du régime juridique du droit d'usage, basé sur sa nature hybride. Majoritairement acquise à l'assimilation des droits d'usage aux servitudes réelles, la jurisprudence est cependant contrainte d'admettre que ces droits participent également à l'usufruit et à l'usage personnel, puisque les usagers consomment une partie des fruits de la propriété. Le régime juridique est donc construit sur une application distributive des dispositions du Code civil, en empruntant successivement aux titres 3 et 4 du second livre. La dynamique des procès vosgiens est simple et s'inscrit dans le contexte de réduction des délivrances usagères. Les communes vosgiennes s'insurgent contre cette situation, qui transgresse leurs titres ; les propriétaires, de leur côté, protestent contre l'étendue des droits des usagers, qui trop souvent absorbent la possibilité* des forêts grevées, sans espoir pour eux d'en tirer profit. Chacun argumente alors à son profit sur la nature hybride des droits d'usage pour défendre ses intérêts. Dans la conclusion de sa thèse, Caroline Gau-Cabée prétend que, « d'une manière générale, le régime juridique élaboré par la jurisprudence [] a plutôt servi la condition de l'usager, favorisé l'allègement de la charge usagère et la libération des fonds. »1693 Force est de constater que cette affirmation ne se vérifie pas complètement dans le département des Vosges. Au contraire, les tribunaux vosgiens et la Cour d'appel de Nancy construisent un 1692 1693 GAU-CABÉE (Caroline), op. cit., p. 496. Idem, p. 503. régime protecteur des usagers dès lors que leurs prétentions répondent au but poursuivi par la concession des droits d'usage : attirer et fixer les populations. En effet, pour peupler durablement leurs territoires, les ducs de Lorraine et les seigneurs vosgiens, propriétaires des immenses forêts qui couvrent le territoire, accordent des avantages substantiels à ceux qui s'y établissent. Plus qu'ailleurs sans doute, la condition du peuplement du département est justifiée par la concession de droits d'usage1694. L'apparente erreur de Caroline Gau-Cabée n'en est pas une, il s'agit de sa part d'une position justifiée avec précaution1695. Et nous n'entendons en aucune manière contester ici l'autorité de ses travaux, d'autant plus que la présente étude se cantonne au seul département des Vosges. Les jugements des tribunaux démontrent ici tout leur intérêt. S'ils n'ont pas le même écho, ils n'en demeurent pas moins des décisions judiciaires à part entière, revêtue de force exécutoire, surtout lorsqu'elles ne sont pas remises en cause par les juridictions supérieures. Cette recherche entend seulement ouvrir une autre perspective d'investigation dans un domaine d'une très grande complexité. Jamais les juges vosgiens n'entendent assimiler les servitudes usagères à des droits permanents. Leur régime juridique démontre suffisamment leur précarité. Toutefois, ils estiment ce caractère insuffisant en lui-même pour permettre une révocation à la demande du propriétaire, étant donné « que ces usages ont eu évidemment pour cause et pour mesure l'étendue des besoins des habitants. »1696 Le régime de la clause de bon plaisir est construit autour de cette évidence. Cette certitude domine également le principe d'inalién * du domaine des ducs de Lorraine. Le duché ne connaît pas de texte de référence tel que l'édit de Moulins en vigueur dans le royaume de France. Les règles relatives au Domaine s'y construisent de façon empirique. Pourtant, l'ordonnance de René II de 1446 proclame les biens domaniaux inaliénables. Le principe est si souvent affirmé par la suite que le gouvernement le considère, au XIXe siècle, comme suffisant pour obtenir la révocation de plein droit des droits d'usage. Toutefois, la règle est si souvent bafouée par les ducs, toujours à la recherche de subsides, qu'aucun régime juridique cohérent ne prévaut. 1694 Comme l'exprime Albert Babeau, « la nécessité d'attirer et de retenir le vilain en lui donnant certains avantages » est une des raisons qui porte le seigneur à reconnaître aux habitants de leurs villages des droits d'usage ou de propriété. Pour les juges lorrains, l'inaliénabilité n'est pas un principe absolu en Lorraine, loin s'en faut. Il n'a réellement de force qu'à partir de l'année 1600. En conséquence, toutes les concessions de droits d'usage antérieures à cette époque sont à l'abri d'une révocation, et la législation française n'est pas en mesure de pallier à cette insuffisance. En outre, lorsque leurs titres sont postérieurs à cette date, les usagers sont à l'abri de la déchéance dès lors qu'ils se sont conformés à la procédure de vérification instituée par le duc Léopold en 1702. Le régime domanial lorrain est à ce point laxiste que les juges autorisent les usagers dépourvus de titres à prouver leurs droits au moyen d'une possession immémoriale. Quand bien même l'État cherche, en dernier recours, à les assimiler aux affectations*, pour lesquelles la jurisprudence lorraine retient une aliénation des fruits toujours révocable, la Cour de Nancy privilégie constamment la date de la concession pour sanctionner l'aliénation. À défaut, ce serait méconnaître l'objet de ces concessions particulières, « dont le but réel était d'attirer des habitants dans des contrées désertes et incultes ; d'enrichir ainsi les domaines du Prince, et d'augmenter, par conséquent, sa grandeur et ses revenus. »1697 Dans ces circonstances, impossible pour l'État d'obtenir la révocation d'un quelconque droit d'usage dans les Vosges pour violation du principe d'inaliénabilité du domaine ducal. Le soutien aux usagers est moins visible en matière de prescription extinctive, puisqu'ils exercent régulièrement leurs droits forest . Toutefois, il répond à la même logique. En Lorraine, comme ailleurs, les règles appliquées sont empruntées au régime des servitudes réelles (article 706 du Code civil), que ce soit pour le délai de trente ans ou pour le régime de la preuve. En revanche, la jurisprudence atténue la rigueur de ce régime « pour adapter le droit à la réalité collective des droits d'usage. »1698 Pour cela, « les juges [ont] recours au concept de servitude collective, un concept étranger au Code civil », qui dissocie la possession du droit, par une commune le plus souvent, de son exercice par les usagers. Ainsi, le paiement de la redevance par les usagers constitue une cause d'interruption de la prescription, de même que la délivrance des bois de marronnage* à l'un d'entre eux conserve le droit à l'égard de tous les autres. Sans être rigide, la haute juridiction réfrène les initiatives hasardeuses. Elle tolère l'adaptation du régime des servitudes au droit de la prescription, mais ne permet pas l'inverse. Elle le rappelle encore aux juges nancéens lorsqu'ils cherchent à appliquer aux droits d'usage la prescription abrégée de l'article 2265 du Code civil réservée aux tiers acquéreurs de bonne foi. Rigoureuse à l'égard de la révocation des droits d'usage, la jurisprudence lorraine l'est tout autant lorsque le propriétaire tente de restreindre l'étendue des servitudes par le précomptage des bois communaux ou la doctrine de l'arrêt des feux. Bien que l'usage soit une participation aux fruits de la propriété, c'est une participation limitée aux besoins des usagers, comme le prévoit l'article 630 du Code civil. En conséquence, l'État considère que la commune doit utiliser en priorité les produits des forêts qu'elle possède à titre de propriété pour satisfaire les besoins de ses habitants, avant de pouvoir prétendre exercer ses droits d'usage. Cette position est soutenue pendant très longtemps par la jurisprudence lorraine, qui reconnaît ici une juste application des règles relatives à l'usage personnel. Elle érige d'ailleurs la doctrine du précompte au rang de droit commun dans l'ancien duché de Lorraine, au grand dam des usagers, sans toutefois la consacrer comme une règle d'ordre public. En 1842, la Cour de cassation se porte toutefois au secours des communes vosgiennes, en estimant que le précomptage constitue un mode de libération illicite des obligations du propriétaire. Sans ignorer les dispositions du livre 2, titre 3 du Code civil, la Cour privilégie ici le droit des obligations, qui propose une liste exhaustive d'extinction obligations. Alors que, dans d'autres circonstances, elle résiste à la haute juridiction, la Cour de Nancy se soumet sans difficulté à ce revirement de jurisprudence, trop heureuse de ne plus avoir à établir de hiérarchie entre droits d'usage et droit de propriété. Au XIXe siècle, la situation des propriétaires forestiers est encore aggravée par la croissance de la population, qui les oblige à délivrer toujours plus de bois aux usagers. Or, l'article 702 du Code civil ne tolère pas que l'exercice d'une servitude réelle aggrave la condition du propriétaire du fonds servant*. Les propriétaires revendiquent donc le droit de limiter les délivrances aux maisons existantes soit au jour de la concession de l'usage, comme le préconise Merlin, soit au jour de l'abolition du régime féodal le 4 août 1789, comme le soutient Troplong. Ce système de l'arrêt des feux est cependant toujours condamné par les tribunaux vosgiens, qui lui préfèrent le système des feux croissants de Proudhon compte tenu de la politique des ducs de Lorraine en matière de concession d'usage. Comment en effet valoriser un territoire inhabité dès lors que ces concessions ne peuvent être étendues aux nouveaux venus? Parce qu'ils se rangent derrière la thèse de leur président, Raymond569 Théodore Troplong, les juges nancéens semblent plus réservés sur la question. Mais en réalité, il n'en est rien, car ils considèrent que les concessions faites par le duc de Lorraine, en qualité de souverain, confèrent aux droits d'usage un caractère foncier, et non féodal. Par conséquent, tous les usagers bénéficient des mêmes droits forestiers, quelle que soit l'époque de leur installation dans la commune usagère, dès lors qu'ils sont reconnus habitants d'une commune. Une seule fois les tribunaux lorrains sont condamnés par la Cour de cassation alors qu'ils soutiennent ouvertement la position des usagers contre le propriétaire. Ils contestent en effet à l'État la perception du droit de tiers denier* sur le prix des ventes de bois faites par les usagers, si la réserve n'est pas stipulée dans le titre primitif de concession, conformément à la loi du 28 août 1792. Or, dans un arrêt de principe de 1845, la Cour de cassation écarte l'exigence de cette réserve lorsque le droit de tiers denier est perçu par les ducs de Lorraine, à titre de souverain, en vertu de l'ordonnance de 1664. La haute juridiction considère en effet que le tiers denier est un droit domanial représentant la contrepartie de l'autorisation accordée pour le changement de destination des bois usagers. Si elle pénalise les communes vosgiennes, cette position préserve avant tout le régime juridique du droit d'usage, qui interdit à l'usager de vendre le produit de son droit. Mais la controverse soulevée par la législation révolutionnaire relative au droit de tiers denier jette toutefois le doute sur la portée de la décision. Protéger les droits des usagers ne signifie pas pour autant sacrifier ceux des propriétaires forestiers. Les ducs de Lorraine n'ont certainement pas imaginé que la concession des droits d'usage puisse nuire à la conservation des forêts. Les juges lorrains recourent donc au régime de l'usufruit et de l'usage personnel pour restreindre les délivrances aux besoins des usagers (article 630 du Code civil). De même, ils utilisent les dispositions du Code forestier (article 65), qui découlent du régime des servitudes, pour les proportionner à l'état et à la possibilité des forêts. Ainsi, en autorisant la mise en défens* de tout ou partie de la forêt ou la diminution de l'affouage annuel en raison de l'accroissement de la population, la jurisprudence adapte le droit à la réalité collective des usages au profit des propriétaires. En outre, le juge vosgien n'hésite pas à sanctionner les prétentions excessives et opportunistes des communes, qui cherchent à jouir de droits moins onéreux ou plus étendus. Ainsi, elles ne peuvent exciper de l'abolition des droits féodaux pour échapper au paiement de la redevance usagère, surtout lorsque la concession des droits d'usage est le fait du souverain lorrain. De même, les usagers sont tenus de payer les frais de façonnage de l'affouage, car le propriétaire est débiteur uniquement d'arbres sur pied. Mettre à la charge du propriétaire 570 forestier les dépenses engendrées par les adjudicataires des coupes destinées aux usagers, aggrave sa condition, ce que prohibe l'article 702 du Code civil. En matière d'usucapion, les juges lorrains n'accordent aucun régime de faveur aux communes vosgiennes. Certes, depuis la révocation du principe d'inaliénabilité des forêts domaniales en 1817, les usagers peuvent prescrire la propriété des forêts grevées. Mais, comme possesseur précaire, qui ne peut prescrire contre son titre (article 2240 du Code civil), ils doivent prouver une interversion de titre (article 2238). Chose presque impossible en raison des contraintes de cette preuve. La question de la prescription des futaies surnuméraires est plus controversée. Le Tribunal de Mirecourt estime que l'usager ne peut jamais prétendre à « un droit caractéristique de la propriété », sous peine d'intervertir son titre primitif. À l'inverse, le Tribunal d'Épinal et la Cour d'appel de Nancy estiment au contraire que, dans l'hypothèse d'un aménagement-règlement*, l'usager acquiert la maîtrise de la superficie* de la portion de forêt que le propriétaire lui abandonne. La Cour de cassation doit intervenir pour mettre un terme à ces divisions, en rappelant que cette opération consiste uniquement à resserrer les bornes de l'usage, sans en changer la nature. L'usager demeure donc détenteur précaire du bien sur lequel il exerce ses droits, et ne peut prescrire la futaie surnuméraire qu'en prouvant l'interversion régulière de son titre. Solution légitime, puisque, de toute ancienneté, le droit assure au souverain la haute main sur la jouissance des futaies*. Comme nous pouvons le constater, la jurisprudence lorraine élabore un régime protecteur des droits d'usage, sans être pour autant préjudiciable à la condition des propriétaires. Cela ne signifie pas que les tribunaux souhaitent que les droits acquis des communes vosgiennes persistent indéfiniment. Mais dans la première moitié du XIX e siècle, les juges sont encore imprégnés des « souvenirs tenaces de la propriété partagée. »1699 L'affaire de la commune de La Bresse illustre parfaitement cette situation, où la Cour de cassation consacre « la technique multiséculaire » des jouissances privatives distinctes des produits forestiers fondées sur l'indivision du sol. Après les années 1850, la rupture est plus marquée, l'individualisme agraire prédomine1700. Mais les droits d'usage sont alors au crépuscule de leur existence. 1699 PATAULT (Anne - Marie), « La propriété non exclusive au XIXe siècle : histoire de la dissociation juridique de l'immeuble », op. cit ., p . 228. 1700 Comme l'exprime Anne-Marie Patault, « à la fin du (XIXe) siècle, au terme d'une lente évolution de jurisprudence, la Cour de cassation va concevoir une propriété foncière complètement détachée du sol ; l'accessoire devient le support d'une propriété immobilière libérée de ses amar tréfoncières et une forme moderne de propriété partiaire s'organise sur la base de la dissociation juridique de l'immeuble. » (Idem, p. 230). En 1873, La cour de cassation déclare en effet que « le droit de superficie* forme un droit de propriété distincte et séparée de celle du fonds ; qu'il porte exclusivement sur les constructions, bois et autres produits du sol qui font l'objet du contrat par lequel il a été stipulé ;/ que le concours d'un droit de superficie avec la 571 Acte 3 : l'organisation de la procédure de cantonnement (1827-1857). Avec le Code forestier de 1827, le gouvernement se dote d'une arme juridique redoutable pour la maîtrise des ressources forestières. Il affiche clairement son ambition. Sous le prétexte de la conservation des forêts, son objectif premier est d'affranchir les forêts domaniales des droits d'usage. Ce n'est pas un hasard si les quatre premiers articles du code relatifs à ces servitudes concernent, soit la recherche des usagers illégitimes (article 61), soit la prohibition de toute nouvelle concession de droits d'usage (article 62), soit enfin la suppression des droits acquis (articles 63 et 64). Un seul mot d'ordre donc : la forêt usagère doit disparaître. Malheureusement, l'entreprise s'avère longue et difficile. Pourtant, la force des idées libérales est là pour appuyer les intérêts économiques en jeu. La monarchie veut promouvoir l'entreprise individuelle et l'ordre bourgeois en assurant aux commerçants et aux entrepreneurs les bois nécessaires pour soutenir la Révolution industrielle en marche. La production des forêts domaniales est donc réorientée dans une perspective de rentabilité. Tous les aménagements* sont revus afin de privilégier les futaies* tout en préservant les bois nécessaires au roulement des industries 1701. Les bénéfices réalisés permettent d'alimenter les caisses de l'État. Le capitalisme forestier précipite le passage de l'économie de subsistance à l'économie de marché. Alors pourquoi faut-il trente ans pour abattre la "forêt usagère"? L'État s'est pourtant assuré les moyens de réussir son projet en consacrant les procédures de cantonnement et de rachat des droits d'usage dans le Code forestier. Mais trois obstacles contrarient ses plans. Le premier est bien connu : la clause de bon plaisir. Longtemps, le gouvernement retarde les procédures de cantonnement, parce qu'il espère obtenir sans frais la suppression des droits d'usage. Malheureusement, la jurisprudence coupe court à ses espérances. Les usagers vosgiens sont à l'origine du second obstacle, bien relayés, il est vrai, par le Tribunal d'Épinal. Ils profitent en effet des paradoxes de la législation révolutionnaire pour échapper à la procédure de cantonnement. Si les décrets des 20 septembre 1790 et 28 août propriété du tréfonds ne crée un état d'indivision ni quant à la propriété du sol, ni quant à la jouissance. » (Cass. Civ. 16 déc. 1873 (Cart c. État), op. cit.). 1701 Raymond Viney souligne que le phénomène est plus accentué encore sous le Second Empire, sous l'impulsion d'Henry Vicaire, disciple de Bernard Lorentz, ancien directeur de l'École forestière de Nancy et directeur général des Forêts à partir de 1860. 572 1792 reconnaissent cette faculté au propriétaire forestier, ils lui imposent toutefois de se conformer au décret du 15 mars 1790 qui consacre le droit de tiers denier* sur la vente des produits de l'usage. Les usagers estiment, en conséquence, que le propriétaire possède un droit acquis au tiers denier auquel il ne peut renoncer, même pour affranchir ses bois des droits d'usage. Jusqu'en 1836, les juges spinaliens admettent que le droit de tiers denier est exclusif du droit de cantonnement, le propriétaire ayant lui-même l'utilité qu'il veut retirer de son bien. Ainsi, en récusant la plénitude du droit de propriété, le tribunal vosgien consacre le droit des usagers à ne pas être cantonné. Il faut attendre un "arrêt de principe" de la Cour d'appel de Nancy, en 1837, pour que soit finalement reconnue la liberté du propriétaire de pouvoir choisir entre la perception du tiers denier ou l'exercice du droit de cantonnement. Le principal obstacle juridique à l'affranchissement des forêts domaniales est cependant imputable au gouvernement lui-même, incapable d'assurer l'exécution efficace des procédures instituées dans le Code forestier, en particulier le cantonnement des droits d'usage. Le législateur du XIXe siècle n'est pas celui que nous connaissons aujourd'hui, soucieux de réglementer précisément chaque aspect de la vie en société. Aussi, en 1827, ne s'est-il pas soucié de détailler toutes les modalités du cantonnement. Or, aucun texte n'existe avant le Code forestier pour réglementer cette procédure, sinon deux décrets obscurs de 1808 et 1813, qui n'ont pas pour objectif premier de supprimer les droits d'usage. En revanche, les carences de la législation de 1827 sont plus ondamnables, puisque le but affiché est désormais l'affranchissement des forêts domaniales. Mais aucune disposition n'indique comment transformer des délivrances de bois faites chacune année en nature, en un terrain boisé d'une étendue déterminée dont les usagers deviennent propriétaires. Un consensus se dégage rapidement au profit du cantonnement par capitalisation, mais, pendant longtemps, il y a autant de manières d'opérer que de cantonnements réalisés. Seule la jurisprudence déterminera progressivement les règles à suivre, en ayant le souci de concilier les intérêts des parties, sans contenter personne. Les carences sont tellement évidentes qu'en septembre 1827, alors que le Code forestier a été promulgué un mois plus tôt, le ministre des Finances ordonne aux administrations des Forêts et des Domaines de s'atteler à un projet pour encadrer les expertises de cantonnement. 573 Néanmoins, le gouvernement est bien secondé par les administrateurs vosgiens, préfets, conservateurs ou simples agents forestiers, qui sont à l'origine de toutes les réformes significatives pour faciliter la suppression des servitudes collectives. Le premier d'entre eux, Louis Munschina, initie un changement important dans l'organisation du service forestier. Les opérations préliminaires de cantonnement sont dévolues aux agents forestiers, que leur hiérarchie charge également d'assurer l'aménagement* des forêts domaniales destiné à augmenter leur productivité. Malheureusement, ces grands travaux sont trop importants dans les Vosges pour le nombre d'agents en poste, qui doivent aussi assurer le service ordinaire. L'administration forestière vosgienne sature rapidement. Les cantonnements prennent du retard, les aménagements n'avancent pas, les tâches quotidiennes sont négligées. En 1837, Louis Munschina dénonce l'engorgement de ses services, phénomène que les gouvernants n'ont pas envisagé. Il propose donc d'instituer une commission spéciale en charge des opérations extraordinaires dans les Vosges. Approuvée l'année suivante, la mesure montre rapidement ses limites devant l'ampleur des tâches à accomplir. Le conservateur, qui dirige les travaux de la commission, est partisan de l'aménagement, mais sa hiérarchie, à l'unisson des préoccupations gouvernementales, privilégie au contraire les cantonnements. Desservie par une politique fluctuante, le système de la commission est un échec. Lorsque le ministre des Finances suspend les opérations de cantonnement, en 1849, en raison de la crise économique, aucune forêt domaniale vosgienne n'est encore affranchie des droits d'usage selon les dispositions du Code forestier. Les choses sont au point mort au début du Second Empire. En 1852, l'Administration des For s s'attelle à une réforme de la procédure de cantonnement. Trois pistes de réflexion sont ébauchées sur la base de rapports internes. Baptiste Mélot, administrateur parisien, propose de réserver les opérations préliminaires de cantonnement à des agents ayant les compétences requises pour réaliser un travail de qualité. Le conservateur vosgien, Jules Dubouays de la Bégassière, confronté à la surcharge de ses services, relance le système ébauché par Louis Munschina, en multipliant le nombre de commissions. Enfin, s'il partage le propos du conservateur, Louis Noirot-Bonnet, garde-général dans les Vosges, est plus ambitieux, puisqu'il évoque une réforme de fond, en fixant de façon claire et précise les règles à suivre lors de l'expertise de cantonnement. Toutes ces propositions sont débattues lors d'une réunion de travail à Paris le 2 janvier 1853, mais les solutions des administrateurs vosgiens n'emportent pas l'adhésion. Le décret du 12 avril 1854, qui consacre les mesures retenues lors cette réunion, est un nouveau rendezvous manqué pour le gouvernement, puisqu'il maintient l'incertitude sur les modalités à suivre par les experts. À partir de cette date, le préfet des Vosges, Louis Bourlon de Rouvre, se fait le porteparole des aspirations des communes du département, contraintes d'attendre depuis plusieurs années l'inexorable suppression de leurs droits d'usage. Il s'inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs, tel Henri Siméon, qui s'est vigoureusement battu contre le gouvernement, au début des années 1830, pour préserver les usagers vosgiens de l'effet révocatoire de la clause de bon plaisir ; ou encore Nicolas Rougier de la Bergerie qui, en 1842, se porte au secours des ouvriers du val de Senones auxquels l'Administration des Forêts refuse de fournir les délivrances usagères accoutumées. Entre 1854 et 1857, Louis Bourlon de Rouvre multiplie les contacts avec les autorités parisiennes pour obtenir des cantonnements réellement avantageux pour les usagers, seul moyen d'emporter leur adhésion à l'offre amiable de l'État. Par deux fois, en 1854, il interpelle le ministre des Finances en ce sens, fort du soutien de certains agents de l'administration forestière et du ministre de l'Intérieur, inquiet par les enjeux politiques de la question. Mais le ministre reste sourd à ses propositions. Sa rencontre avec l'Empereur en juillet 1856, à Plombières, est décisive : Napoléon III impose à son de trouver des réponses pertinentes à la lenteur des opérations de cantonnement. Le gouvernement se tourne alors vers les propositions émises quelques années plus tôt par les administrateurs vosgiens. En février 1857, trente commissions sont instituées pour s'occuper de l'affranchissement des forêts domaniales. Le mois suivant, après de nouveaux entretiens avec l'Empereur, Louis Bourlon de Rouvre obtient la réforme de fond qu'il sollicite. Le décret du 19 mai 1857 comble les voeux du préfet. L'État consent à faire des concessions aux usagers à hauteur de 25 % par rapport aux offres initiales, au moyen notamment d'une augmentation de l'émolument usager et d'une indemnité pour les charges futures de la propriété. À partir de ce moment, l'affranchissement des forêts domaniales commence réellement dans les Vosges. 575 Épilogue : l'affranchissement des forêts vosgiennes. À demi-mot, l'Administration des Forêts reconnaît le rôle joué par le préfet des Vosges auprès de Napoléon III. Dans son Rapport sur la situation des cantonnements écrit en 1862, La Bégassière reconnaît que, au milieu du XIX e siècle, l'extinction des droits d'usage dans le département est mal engagée pour l'État. « Le mécontentement et l'irritation croissaient, plusieurs instances judiciaires étaient déjà [en cours], il allait s'intenter de nouvelles actions, les agents forestiers cherchaient les moyens de porter remède à ce déplorable état des choses, lorsque l'Empereur vint aux eaux de Plombières en 1856. L'exposé exact de la situation lui en fit comprendre toute la gravité et bientôt parut le décret du 19 mai 1857. »1702 Les concessions octroyées aux usagers ont fait le reste. Depuis la promulgation du Code forestier en 1827 jusqu'au décret de 1857, le gouvernement réussit à affranchir seulement 25.935 ha de forêts domaniales en concédant aux usagers 14.217 ha de bois. Puis, jusqu'en 1868, grâce à ce texte et au travail considérable des commissions forestières, six fois plus de forêts (155.710 ha) sont dégrevées, en abandonnant aux usagers 44.461 ha. Au final, l'État renonce à son droit de propriété sur 58.678 ha, dont plus du tiers (36,3 %) pour les communes des Vosges, qui reçoivent à elles seules 21.322 ha de forêts domaniales. Ne nous y trompons pas. Si les usagers vosgiens sortent vainqueurs de cette « braderie nationale »1703, l'État est le réel bénéficiaire des cantonnements. Certes, les communes accroissent la superficie de leurs bois aux, parfois de façon significative, et acquièrent de nouvelles ressources financières pour faire face aux dépenses futures. Le gouvernement, pour sa part, peut désormais user à discrétion des forêts du Domaine, tout en tirant profit des portions abandonnées aux usagers. Dans son rapport de 1862, La Bégassière note que « l'émolument usager a été remboursé aux ayants-droit au denier 25, ou à 4 % en moyenne », en prenant en compte les avantages du décret de 18571704. Les droits des communes vosgiennes dans les forêts 1702 Rapport du conservateur des Forêts à Épinal au directeur général des Forêts du 4 juillet 1862, p. 3, op. cit.
35,282
03/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01620474-document.txt_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
2,755
5,018
Electrode de travail : Elle est constituée d'un fil métallique (tungstène, or ou molybdène) introduit dans un tube de Pyrex. Le tube de Pyrex sert de guide et n'est pas en contact avec le sel fondu. Contre électrode : Elle est constituée d'un barreau de carbone vitreux qui est introduit dans un tube de Pyrex de 8 mm de diamètre qui sert de guide et n'est pas en contact avec le sel. En haut de chaque tube ou gaine utilisées dans la réalisation des électrodes, l'étanchéité est assurée par un joint silicone (CAF4). A.4. Caractéristiques des appareils utilisés Le four Un four résistif tubulaire vertical réalisé sur mesure par "TANER" ou « THERMOLAB » de diamètre intérieur 80 mm, de hauteur 250 mm et d'une puissance de 1000 W avec des résistances en kanthal est utilisé pour la fusion des sels. La régulation de la température est assurée par un coffret électronique (West 6100) muni d'une rampe de variation de consigne selon le procédé PID. La température est mesurée à l'aide d'un thermocouple, THERMOCOAX de type K en Chromel-Alumel dont la gamme de température varie de 0 à 1200°C. Celui-ci est protégé de l'action corrosive du milieu par une gaine en Pyrex. Dispositif électrochimique et logiciels d'exploitation Les mesures électrochimiques ont été réalisées en utilisant un potentiostat – galvanostat EG&G-PAR modèle 263 relié à un micro-ordinateur PC. Le logiciel CorrWare est utilisé pour le pilotage des expériences. L'exploitation des courbes a été réalisée sur micro-ordinateur PC Windows à l'aide des logiciels CorrView, Excel et Kaleidagraph. Calculs thermodynamiques Les calculs thermodynamiques ont été effectués à l'aide du logiciel HSC Chemistry versions 5.1 et 7.1 [3]. 177 ICP-AES (Inductively Coupled Plasma - Atomic Emission Spectrometry). L'appareil utilisé est un Agilent 720-ES mis en fonctionnement au laboratoire au début de l'année 2014. La spectrométrie par torche à plasma est une technique analytique utilisée pour la détection de traces en solution. Le principe de l'ICP-AES repose sur l'ionisation des espèces présentes en solution couplée à un analyseur optique. Le cheminement des molécules est le suivant : la solution contenant les atomes à analyser est pompée et envoyée dans un nébuliseur. Celui-ci permet la transformation de la solution en un fin aérosol. Un plasmagène d'argon entraine l'aérosol au centre du plasma d'argon. Les atomes présents dans l'aérosol s'ionisent. Un détecteur sous forme d'une caméra CCD permet de différencier les atomes selon leur longueur d'onde d'émission lors du retour à l'état fondamental. L'intensité de la lumière reçue de l'échantillon est comparée à l'intensité de la lumière émise lors d'un étalonnage de l'atome. Avant d'analyser l'échantillon, il est nécessaire au préalable de calibrer l'appareil à l'aide d'une courbe de calibration pour chaque atome analysé. La calibration est réalisée dans un milieu identique à celui de l'échantillon. Pour diminuer l'incertitude sur le résultat en concentration de l'échantillon, la mesure s'effectue sur trois longueurs d'onde différentes pour chaque atome Diffraction des rayons X L'appareil utilisé en un D8-Advance BRUKER configuré en Bragg-Brentano. L'appareil permet de faire une analyse structurale non destructive. L'utilisation de la DRX a permis dans notre étude d'identifier les phases cristallisées du sel fondu refroidi à 'aide des fichiers JCPDS. La technique utilise un faisceau de rayons X qui rencontre le cristal provoquant la dispersion du faisceau lumineux dans des directions spécifiques. L'angle d'incidence du cristal permet d'obtenir la densité électronique en fonction des atomes rencontrés. Le détecteur qui collecte les angles incidents est de type NaI avec une fenêtre de Be. Spectrophotométrie UV-Visible Les spectres UV-visible des échantillons aqueux de sels fondus contenant KI ont été acquis sur un spectromètre Cary 60 UV-visible (LiF-NaF-KF) et Shimadzu UV-3150 (LiF-ThF4). Des cuvettes en quartz avec un chemin optique de 1 cm ont été utilisées. La gamme de longueur d'onde d'intérêt était de 500 – 190 nm avec un pas de 0,5 nm et une largeur de fente de 1 nm. 178 La spectrophotométrie UV-visible permet d'obtenir le spectre d'absorption de l'espèce étudiée en fonction de la longueur d'onde du faisceau incident. La relation entre l'intensité du rayon de lumière (I0) par rapport à l'intensité (I) du faisceau de lumière transmise par l'échantillon d'épaisseur (l) permet de calculer le spectre d'absorbance en fonction de la longueur d'onde du faisceau incident. Cette relation est exprimée par la formule suivante: La concentration de l'échantillon mesurée peut être déterminée par la loi de BeerLambert: Avec, Abs() l'absorbance pour une longueur d'onde,  le coefficient d'absorption molaire, le chemin optique et C la concentration de l'échantillon. A.5. Description de la méthode d'analyse et de la préparation d'échantillons. A.5.a. Spectrométrie à plasma à couplage inductif couplé à la spectrométrie d'émission atomique, ICP-AES (Inductively Coupled Plasma - Atomic Emission Spectrometry) La technique de ICP-AES est utilisé pour vérifier la concentration de l'uranium dans le milieu de fluorures fondu LiF-ThF4. Pour l'uranium les analyses sont faites à 264,547 ; 385,957 ; 409,013 nm. La Figure A.5 montre variation du courant de pic de réduction des ions uranium (III) en uranium métal enregistré à 3 vitesse de balayage du potentiel sur une électrode de Mo dans LiF-ThF4 à 650 °C. Les valeurs de concentration ont été corrigées par l'analyse ICP-AES du sel dissous. Cela a permis de valider l'introduction de trifluorure d'uranium dans LiF-ThF4 par électrolyse anodique d'un copeau d'uranium. 179 0,06 300 i (A) 150 0,04 80 0,02 0 0E+00 (mV/s) 3E-05 6E-05 9E-05 1E-04 [UF3] (mol.cm-3) Figure A.5. Analyse du courant en fonction de la concentration de [UF3] contenue dans LiF-ThF4 après des électrolyses faites sur une électrode d'uranium. Variation i-[UF3] obtenue en utilisant une électrode de molybdène. Préparation des échantillons La dissolution des échantillons refroidis après prélèvement du sel chaud est réalisée par la mise en contact d'environ 15 mg de sel (homogénéisé précédemment) avec 5 mL d'eau régal HCl:HNO3 (2:1) et 15 mL d'eau. Les échantillons sont chauffés à 80 °C et maintenus en agitation pour assurer la dissolution du sel. Après dissolution, les solutions sont refroidies à température ambiante (20 °C). Elles sont récupérées et transférées dans une fiole de 25 mL. Les solutions sont ensuite analysées par ICP-AES. A.5.b. Spectrophotométrie UV-Visible La technique de spectrophotométrie UV-Visible a été utilisée pour l'analyse qualitative et quantitative du comportement de l'iode en LiF-NaF-KF et LiF-ThF4. Une ligne de base de HCl (0,1 M) a été réalisée avant chaque mesure afin d'annuler toute contribution de la solution de HCl sur le spectre d'absorption des échantillons. éparation La détermination de l'efficacité d'extraction de l'iode par électrolyse a été réalisée par analyse du sel de fluorures fondu prélevé à chaud. Le sel chaud est prélevé en utilisant une seringue liée à un tuyau en verre qui est introduit par une des ouvertures du couvercle de la cellule. Après refroidissement, le verre est cassé, le sel est récupéré stocké sous vide jusqu'à la mise en solution et l'analyse. LiF-NaF-KF : La dissolution des échantillons refroidis du prélèvement du sel chaud est réalisée par la mise en contact d'environ 15 mg de sel (homogénéisé précédemment) avec 1 mL de HCl concentré et 15 mL d'eau. La préparation des échantillons se fait à température ambiante (20 °C). La solution après dissolution est récupérée et transféré dans une fiole de 25 mL. Les solutions obtenues sont introduites dans le spectromètre UV-Visible pour la mesure. LiF-ThF4 : La dissolution des échantillons refroidis après prélèvement du sel chaud est réalisée par la mise en contact d'environ 15 mg de sel (homogénéisé précédemment) avec 6 mL de HCl concentré et 15 mL d'eau. Les échantillons sont chauffés à 80 °C et maintenus sous agitation jusqu'à dissolution totale du sel. Après dissolution, les solutions sont refroidies à température ambiante (20 °C). Elles sont récupérées et transférés dans une fiole de 25 mL. Les solutions obtenues sont analysées par UVVisible. Courbe de Calibration La courbe de calibration est réalisée en utilisant une solution de NaI à différentes concentrations. La linéarité a été vérifiée dans un domaine de concentration de (1 – 17). 10-5 M. Les ions iodures émettent un spectre d'absorption dans l'UV, avec un maximum d'absorbance à une longueur d'onde de 226 nm [4]. Le spectre UV-visible caractéristique et la courbe de calibration sont montrés respectivement Figure A.6A et A.6B. La courbe de calibration est refaite avant chaque analyse. 181 A 2 B 226 nm 2 Abs Abs Abs = 10216*[I-] 1,6 1,6 1,2 1,2 0,8 0,8 0,4 0,4 0 190 290 390 490 R2 = 0,9994 0 0E+00 1E-04 2E-04 Figure A.6. Spectre UV-visible caractéris tique de la solution de NaI (1 – 17). 10-5 M (A). Courbe de calibration obtenue à 226 nm (B). Analyse de la solution contenue dans les flacons de garde. Le contenu des flacons de garde installés à la sortie de la cellule électrochimique ont été modifiés pour l'étude électrochimique de l'iode. La premier piège reste invariable (vide) pendant que les deux pièges suivants sont remplis de 100 mL d'une solution aqueuse de NaI (0,1 M). L'utilisation d'une solution de NaI permet d'augmenter la solubilité de l'iode (I2) dans la solution par la formation des ions triiodure dans la solution selon l'équilibre [5, 6]: I2 (g) + I- ↔ I3Les solutions aqueuses présentent des bande spectrales dans l'UV-visible à 288 et 352 nm [4]. Le spectre caractéristique d'une solution de NaI analysée après une électrolyse à potentiel anodique imposé est montré Figure A.7. 182 0,2 Banda d'absorption de I- Abs 288 nm 0,1 HCl 352 nm 0 190 240 290 340 390 440 longeur d'onde (nm) Figure A.7. Spectre UV-visible caractéristique de la solution de NaI (0,1 M) analysée après une électrolyse à potentiel anodique imposé (―). Le blanc correspond à une solution de HCl (0,1 M) (****). La solution d'étalonnage est obtenue par la réaction chimique entre le peroxodisulfate de sodium (Na2S2O8) et la solution de NaI. La réaction est la suivante : Na2S2O8 + 3 NaI → NaI 3 + 2Na2SO4 Des analyses quantitatives n'ont pas pu être faites en suivant cette méthodologie car l'iode (I2) n'a pas été extraite d'une manière efficace (~ 15 % de l'iode généré par électrolyse). Ce résultat a été observé aussi par l'ORNL [7]. Une faible récupération de l'iode est associée à la forte volatilité et la forte capacité d'adsorption d'un des différents types de matériaux avec lequel l'iode entre en contact. Par conséquent, les mesures de rendement d'extraction de l'iode par électrolyse ont été réalisées par l'analyse du sel de fluorures fondu prélevé à chaud. 184 Annexe B : Données Supplémentaires 185 186 Tableau B.1. Relations de Nernst et d'équilibre chimique des différents composés considérés pour la construction des diagrammes thermodynamiques de mélanges fondus LiF-NaF-KF et LiF-ThF4 à 500 et 650 °C. Systèmes électrochimiques et réactions chimiques Relations de Nernst et d'équilibre chimique G (kJ) ou log K 650 °C ThF4 + 4e- → Th + 4F- 1821,591 ThF4 → Th + 2F2 (g) ThOF2 + 2LiF + 4e- → Th + Li2O + 4F- 2018,483 ThOF2 + 2LiF → Th + Li2O + 2F2 (g) ThO2 + 4LiF + 4e- → Th + 2Li2O + 4F- 2212,329 ThO2 + 4LiF → Th + 2Li2O + 2F2 (g) ThOF2 + 2LiF → ThF4 + Li2O ThOF2 +Li2O → ThO2+ 2LiF 1⁄2O2 (g) + ThF4 + 2e- → ThOF2 + 2F- -11,142 -10,969 382,409 1⁄2O2 (g) + ThF4 → ThOF2 + F2 (g) O2 (g) + ThF4 + 4e- → ThO2 + 4F- 767,864 O2 (g) + ThF4 → ThO2 + 2F2 (g) UF3 + 3e- → U + 3F- 1303,399 UF3 → U -+ 3/2F2 (g) Systèmes électrochimiques et réactions chimiques Relations de Nernst et d'équilibre chimique G (kJ) ou log K 650 °C UO2 + 4LiF + 4e- → U + 2Li2O + 4F- 2083,318 UO2 + 4LiF → U + 2Li2O + 2F2 (g) UO2 + 4LiF + 1e- → UF3 + 2Li2O + F- 779,919 UO2 + 4LiF → UF3 + 2Li2O + 1⁄2F2 (g) UF4 + 1e- → UF3 + F- 346,276 UF4 → UF3 + 1⁄2F2 (g) UO2 + 4LiF → UF4 + 2Li2O UO2F2 + 4LiF + 2e- → 4 + 2Li2O + 2F- -24,539 872,075 UO2F2 + 4LiF → UF4 + 2Li2O + F2 (g) UO2F2 + 2e- → UO2 + 2F- 438,432 UO2F2 → UO2 + F2 (g) UF6 (g) + 2e- → UF4 + 2F- 242,640 UF6 (g) → UF4 + F2 (g) UO2F2 + 4LiF → UF6 (g) + 2Li2O -33,618 1⁄2I2 (g) + 1e- → I- Relations de Nernst et d'équilibre chimique G (kJ) ou log K 500 °C 650 °C 199,559 197,681 1⁄2I2 (g) + (Li)F1 → (Li)I + 1⁄2F2 (g) IO3- + 6LiF + 6e- → I- + 3Li2O + 6F- 286,246 2 1733,487 (Li)IO3 + 6LiF → (Li)I + 3Li2O + 3F2 (g) IO3- + 6LiF + 5e- → 1⁄2I2 (g) + 3Li2O + 6F- 1671,144 2 1533,928 (Li)IO3 + 5LiF → 1⁄2I2 (g) + 3Li2O + 5/2F2 (g) IO4- + 2LiF + 2e- → IO3- + Li2O + 2F- 1472,296 1382,110 2 494,184 KIO4 + 2LiF → KIO3 + Li2O + F2 (g) IO4- + 8LiF + 2e- → IF5 (g) + 4Li2O + 3F- 1669,977 474,903 500,458 2 1387,369 1349,624 123,695 124,364 KIO4 + 8LiF → IF5 (g) + 4Li2O + KF + F2 (g) IF (g) + 1e- → 1⁄2I2 (g) + FIF (g) → I2 (g) + 1⁄2F2 (g) Le cation du composé dépend de la composition du sel fondu et du composé thermodynamiquement le plus stable du sel fondu. Rodrigues, D. (2015). Solvatation du thorium par les fluorures en milieu sel fondu à haute température : application au procédé d'extraction réductrice pour le concept MSFR. Université Paris Sud - Université Paris Saclay. 2. Plambert, J. (1976). Encyclopedia of Electrochemistry of the Elements, vol. X: Fused Salt System. Marcel Dekker, New York. 3. Roine, A. (2001). HSC Chemistry, Outokumpu Research OY, Pori, Finland. 4. Kireev, S.V., Shnyrev, S.L. Study of molecular iodine, iodate ions, iodide ions, and triiodide ions solutions absorption in the UV and visible light spectral bands. Laser Physics, 25 (2015) 075602. 5. Gottardi, W. Redox-potentiometric/titrimetric analysis of aqueous iodine solutions. Fresenius' Journal of Analytical Chemistry, 362 (1998) 263–269. 6. Ramette, R.W., Sandford, R.W. Thermodynamics of Iodine Solubility and Triiodide Ion Formation in Water and in Deuterium Oxide. Journal of the American Chemical Society, 87 (1965) 5001–5005. 7. Baraka, A., Baraka, R.M. Effect of halides on the corrosion behaviour of nickel in molten (Na, K)NO3. Journal of Applied Electrochemistry, 14 (1984) 417–423. Titre : Étude du comportement de l'uranium et de l'iode dans le mélange de fluorures fondus LiF-ThF4 à 650 °C. Mot clés : Réacteur à sel fondu, électrochimie, fluoro-acidité , solvatation Résumé : Le Réacteur Nucléaire à sel fondu à spectre rapide (Molten Salt Fast Reactor, MSFR) est un concept innovant de quatrième génération développé par le CNRS depuis 2004 et actuellement étudié dans le cadre du projet européen SAMOFAR de H2020. Le MSFR fonctionne avec un combustible nucléaire liquide constitué d'un mélange de sels fluorures LiF-ThF4-(UF4/UF3) (77,5-202,5) mol % fondus à haute température (700900°C). Ce réacteur est particulièrement intéressant pour le cycle de combustible du thorium (232Th-233U). Ce concept propose un retraitement intégré du combustible nucléaire basé sur des méthodes pyrochimiques afin d'extraire la matière fissile et de séparer les actinides des produits de fission. Un schéma de traitement du sel combustible, proposé lors d'un précédent projet européen (EVOL, FP7), est basé sur les propriétés redox et acido-basiques des éléments produits par les réactions de fission et de capture ayant lieu dans le coeur du réacteur. La base d'évaluation de ce schéma a été dans un premier temps thermodynamique. Une validation expérimentale est actuellement en cours qui consiste à étudier le comportement chimique et électrochimique du sel fondu et des éléments qui y sont solubilisés. Les études précédentes sur les réacteurs sels fondus ne peuvent être utilisées que partiellement pour ce concept car la composition du sel du MSFR définie par le projet européen EVOL est différente en nature et composition des sels proposés jusqu'à présent pour ce type de réacteurs. Or, les coefficients diffusion et d'activité dépendent des propriétés physico-chimiques du sel fondu (en particulier de la solvatation) et nous avons, lors d'études précédentes, montré que les propriétés de solvatation des sels fondus dépendent fortement de leur nature et de leur composition. Les objectifs de ce travail de thèse sont l'étude du mélange fondu LiF-ThF4 et du comportement électrochimique de l'uranium et de l'iode dans ce mélange. L'étude électrochimique du comportement de l'uranium a montré la stabilité de deux espèces solubles (UF4 et UF3) de cet élément dans le milieu fondu et la possibilité de le réduire à l'état métallique.
55,952
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00711784-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,192
14,107
De plus, la continuité du fil téléonomique suppose qu'à chaque instant, le champ d'attention qui constitue la centration présente du sujet est déterminé par la coordination des champs d'assimilation partiels des schèmes activés au sein du réseau. Mais l'action comme la pensée supposent aussi des déplacements opératoires de la centration opérée par le « schème du but » vers les divers « schèmes du moyen », ceci impliquant des détours téléonomiques, c'est-à-dire un détournement passager de la centration vers un sous-but suivi d'un retour au but supérieur. Le cours de toute activité nécessite des opérations de transfert de contrôle et une réversibilité des déplacements de la centration, dans la mesure où l'exécution du schème supérieur est momentanément suspendue, interrompue où inhibée, puis il est réactivé et son exécution reprise. Le principe général est que « toute activité adaptative, finalisée par un besoin ou un but, repose sur la conservation obligée de cette valeur supérieure tout au long de la succession des actions composantes Si en un seul point de cet enchaînement, la conservation d'un but n'est pas assurée, la concentration (au sens littéral de subordination des centrations partielles à la centration sur le tout) sera rompue » (Cellérier, ibid., p. 284). Selon l'auteur, les transferts de contrôle de l'activité et de sa régulation ainsi que les détours téléonomiques sont nécessaires vu les contraintes de fonctionnement du système, qui "ne dispose que d'une seule machine d'exécution successive pour l'ensemble simultané de ses schèmes" (p. 279). C'est cette hypothèse qui détermine sa conception ; ce point crucial à mes yeux mérite confirmation, c'est pourquoi je reproduis les propos exacts de l'auteur. "On se trouve devant un ensemble de èmes conservés et constituant simultanément la mémoire, qui ne peuvent être évoqués et exécutés que successivement" (p. 280). L'ordre d'effectuation de l'action est « toujours linéaire, cela va de soi" (p. 283). Cette hypothèse apparaît clairement lorsqu'il évoque la linéarité de l'action motrice : l'exécution séquentielle des schèmes produit des configurations « aussi bien pluridimensionnelles (constructions matérielles et symboliques) que linéaires (procédés de transformation, courses et trajets spatiaux, mais aussi "mouvements" et "figures" des activités sportives, musicales, chorégraphiques, etc.) » (p. 289). - par une conception réductrice du schème, qui rompt avec le précepte piagétien du fonctionnement assimilateur global du schème, proposant qu'on ne peut dissocier le besoin de l'acte en sa totalité, y compris, donc, des mouvements nécessaires à sa satisfaction (Piaget, 1936). Cellérier ne dispose pas d'une conception du schème permettant de satisfaire et d'opérationaliser les relations inter-schèmes. On ne trouve rien en particulier qui précise les composantes du schème, a fortiori rien qui clarifie la façon dont procèdent les relations inter-schèmes. C'est peut-être ce que reconnaissent implicitement Inhelder et de Caprona, dans le même ouvrage : "il y a lieu de penser qu'une étude des fonctionnements cognitifs s'appuiera sur l'élaboration du concept de schème et prendra le sens d'une étude des rapports fonctionnels entre schèmes" (1992, p. 29). En effet, mes observations suggèrent que le schème de duel n'est jamais interrompu ni désactivé durant l'ensemble de l'action. Dès lors que le schème de duel assimile une situation critique (donc problématique pour le sujet), l'action a commencé, et ce schème reste activé, c'est-à-dire qu'il produit une activité synergique, dont on peut repérer les manifestations 30 comportementales, avec laquelle les autres schèmes doivent composer. En particulier, les règles d'activation de la synergie adaptative d'inscription dans le duel assurent la disponibilité du sujet tout au long de l'action (l'attitude de garde, la nécessité de focalisation de l'attention, la rapidité et la vigueur de l'ensemble des actes, etc.) et jusqu'à ce que la situation ne soit plus, pour diverses raisons, perçue comme problématique. Elles suggèrent également que dès que le schème de duel est activé, il active par ses attentes un (ou plusieurs) schème(s) de modélisation de la situation, lequel produit l'activité relevant de son registre assimilateur, manifestée en particulier par l'exercice de consultations visuelles spécialisées et par des ajustements de placements sur le terrain, tout en demeurant en attitude de garde. Deux schèmes au moins, relevant de deux premiers niveaux d'organisation de l'action, sont donc conjointement activés et « exécutés », ce qui dément l'affirmation du caractère successif postulé par Cellérier. C'est aussi le cas lors des moments où le joueur dévie la balle, les premier et quatrième niveaux de l'organisation de l'action sont conjointement impliqués. Mes observations ont donc validé le recours au concept de schème proposé par Vergnaud, et ont par ailleurs permis de préciser les modalités d'activation et de relations inter-schèmes non évoquées par cet auteur : tout schème d'un niveau donné instruit tous les schèmes de niveau subordonné en leur adressant ses attentes, mais en leur imposant également le produit de leur activité, qui ne se réduit pas seulement à des manifestations comportementales. « Chacun des schèmes impliqués, quel que soit le niveau auquel il est situé, est alimenté par des invariants opératoires constitués pour partie par les produits de sortie de l'un ou de la totalité des autres schèmes, et pour une autre partie par des contenus de connaissances spécifiques du niveau considéré » (Récopé, 1996, p. 377). Ces relations inter-schèmes permettent d'interpréter la continuité en temps réel du flux de l'action, et de manière indissociable, la spécification progressive de cette action qui résulte de l'activation des niveaux subordonnés. Le modèle des relations entre les différents niveaux d'organisation de l'action motrice d'opposition est la meilleure manière de rendre compte du caractère localement structurant du schème de duel : celui-ci produit des attentes en direction de la situation du jeu qui est assimilée comme problématique, mais adresse également ses propres attentes aux trois types de schèmes subordonnés. Ces schèmes sont complémentaires, ils contiennent chacun des connaissances qui sont plus spécifiques du volley-ball, mais qui portent sur différents registres. Ils ont chacun leur champ propre d'assimilation partiel des situations du jeu, c'est-àdire qu'ils organisent l'activité en fonction des aspects des situations qui sont pertinents pour chacun d'eux. Si l'état d'élaboration du schème de duel ne connaît pas d'évolution 31 développementale, les connaissances spécifiques des trois autres types de schèmes s'affinent et se précisent par apprentissage pour mieux servir les attentes inchangées du schème de duel. En cas d'évolution développementale du schème de duel, en revanche, les connaissances spécifiques du volley-ball relevant des niveaux 2, 3 et 4 se modifient de façon radicale, du fait de nouvelles attentes exprimées par ce schème. Ce modèle étend le processus de « concentration » évoqué par Cellérier, et réservé par celui-ci aux seuls aspects attentionnels et perceptifs, à la spécification progressive du but. Pour cet auteur, comme on l'a vu, la question du but renvoie à celle des relations entre un but supérieur gouvernant l'action et une pluralité de sous-buts qui le servent : mes observations accréditent plutôt, pour les environnements dynamiques évoluant en temps réel, un processus de spécification progressive du but à mesure que les sous-schèmes sont activés. J'ai donc conçu que le but supérieur initial, normatif mais relativement indéterminé se différencie dans le temps en se trouvant précisé et contextualisé à des aspects de plus en plus fins, tardivement apparus au cours de l'évolution de la situation, autant d'aspects non encore disponibles au moment où l'action est initiée. Le but supérieur est lui-même l'objet d'un processus de concentration (au sens que lui donne Cellérier, de « subordination des centrations partielle à la centration sur le tout »), plutôt qu'il ne donne lieu à des sous-buts discrets et successifs. Ceci signifie que chacun des schèmes activés assure une contextualisation du but supérieur, qui est de fait une spécification de ce dernier selon les aspects qui relèvent du registre assimilateur de ces schèmes. 32 III. Les insatisfactions à l'issue de la thèse qui ont généré une recherche supplémentaire Ces insatisfactions ne portent pas sur les résultats conduisant à la mise en évidence du caractère structurant du schème de duel au sein de l'organisation de l'action du volleyeur, qui ont confirmé par traitement quasi-expérimental mes observations antérieures et mes intuitions progressivement élaborées. Bien que non décisifs, ces résultats paraissent être suffisamment consistants, et sont confortés par de nombreux témoignages issus du terrain professionnel par divers praticiens. Je persiste aujourd'hui à penser que mon usage du concept de (caractère ou de statut) « structurant » était rigoureux et je n'ai pas évolué sur ce point. Elles relèvent de deux autres aspects, qui constituent aujourd'hui encore mes préoccupations majeures. Lors de mon audition par la Commission des Spécialistes d'Etablissement pour le poste de Maître de conférences de l'Université Blaise Pascal, à l'UFR STAPS, en 1997, soit quelques mois seulement après la soutenance de ma thèse, je tenais un discours valorisant certaines perspectives de recherche que je pressentais comme essentielles : l'intérêt d'une approche bio-logique (un logos non réducteur sur le bios, c'est-à-dire une approche s'intéressant à l'activité du vivant, d'où mon incompréhension majeure à l'égard de la distinction consacrée entre « sciences humaines » et « sciences de la vie », comme si l'homme n'était pas un vivant, comme si il y avait des sciences qui ne soient pas le fruit de vivants) pour mieux appréhender les fondements de l'action ; la nécessité d'un objet pourtant délaissé – la sensibilité –, pour étudier le fondement du sens et de la signification ; enfin, la visée d'une thé de l'action motrice et de son organisation, devenue aujourd'hui un thème de recherche majeur, mais qui ne me paraissait pas encore l'être à l'époque. Ces perspectives demeurent vivaces en moi, et me semblent relever aujourd'hui de perspectives partagées ou re-estimées, sans que j'y sois pour la moindre des choses Je reviendrai sur cette question. Mais j'ai rapidement, en revanche, été critique d'une part, à l'égard de mon interprétation du « schème de duel » et de ce que j'ai appelé la « Signification Fonctionnelle Adaptative Supérieure » qu'il est censé comporter. J'ai été également insatisfait de la formalisation opérée dans mon modèle d'organisation de l'action, qui me semblait partielle, inachevée. III. 1. Schème de duel et sensibilité à la rupture de l'échange L'adage selon lequel ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, le lecteur attentif l'aura remarqué, n'est pas satisfait par mon premier travail. Les notions de sensibilité, d'enjeu, de 33 SFAS, de normes, demeuraient obscures, énigmatiques à mes yeux et, par conséquence particulièrement délicates à formuler de manière simple et convaincante dans des communications. Comme si je manquais l'essentiel dans ma recherche d'un sens global structurant les conduites du volleyeur. Les quelques formulations suivantes, extraites de ma thèse, en témoignent, parmi beaucoup d'autres : - pour ce qui concerne la référence au « sensible » : un usage flottant et incertain, évoluant entre le diffus, le général et le particulier, en assimilant le « sensible » à ce qui est perçu par le sujet comme « critique », et au fait de se sentir « concerné ». « Elle [la SFAS] constitue le cadre le plus global de l'assimilation des situations du jeu, et instaure le rapport d'ordre supérieur du sujet aux situations du jeu, de l'ordre d'une sensibilité diffuse ». « Cela suffisait selon nous à valider le recours aux qualificatifs de « sensibilité » et d'« implication » : « la conception d'une connaissance « sensible » et « impliquante » s'est en effet progressivement confirmée à mesure que nous précisions nos perspectives théoriques : le sujet est en effet sensible ou pas à certains aspects de l'environnement ». « Les situations qui présentent pour lui [le sujet] un caractère « sensible » ou « critique », pour lesquelles il se sent concerné ». - pour ce qui concerne la référence au « normatif » : une incapacité à poser conceptuellement la norme, un usage intuitif de cette notion comme tenant au champ notionnel de ce qui gouverne et détermine les conduites. « [La SFAS] constitue la référence normant les relations que le sujet entretient avec les situations du jeu » « Elle contient des attentes normatives visant la production de certains effets particuliers » « Elle norme le fonctionnement cognitif et le traitement qu'il fait des situations ». « La SFAS génère une norme de contrôle évaluatif qui motive l'intérêt du sujet à diagnostiquer certaines situations ». « [La SFAS] gouverne la relation à l'ensemble des situations du jeu, en fonction de l'état de conceptualisation de l'opposition et de l'enjeu d'opposition que chaque pratiquant a construit. L'enjeu d'opposition conçu et poursuivi est indissociable du sens qu'il attribue à sa présence en tant qu'inter-acteur dans le jeu, et des fonctions qu'il est en mesure de concevoir et qu'il s'assigne parmi l'ensemble de celles qu'on peut concevoir en tant qu'adversaire, en tant que partenaire, au sein des situations qui les justifient en les rendant nécessaires. L'enjeu prend toujours le sens d'un projet spécifique d'utilisation du ballon (des raisons d'agir, ou des motifs d'action surgissent dès lors qu'une situation du jeu présente une nécessité ou une opportunité d'intervention conforme au contenu de son projet). De fait, ces insatisfactions convergent pour questionner ce qui est au fondement de ce que j'ai appelé le « schème de duel », ce qui requiert de nouvelles observations et de nouvelles interprétations. L'existence d'un mode de cohérence interne ou d'un sens structurant ne semblant pas en cause, mes recherches ont depuis conservé cette hypothèse de travail jusqu'à présent non remise en cause. Mais ce caractère cohérent des conduites est tout compte fait peu mis en évidence dans ma thèse, et reste abordé de manière superficielle. Plus précisément, les différents critères d'observations retenus pour décrire l'activité des pratiquants, bien que pertinents, paraissent en effet relativement isolables, et j'ai d'ailleurs privilégié celui de l'attitude de garde, comme en témoigne l'appellation de « schème de duel ». Si un sens global et totalisant est à l'oeuvre, on devrait pouvoir harmoniser ces critères, leur trouver un dénominateur, mieux, un fondement commun. en va de même pour les fonctions de pratiquant et les interactions d'opposition qu'elles servent : la proposition d'une construction de fonctions donne à voir une collection, voire une mosaïque de fonctions auxquelles une conceptualisation donne accès, mais elle ne renvoie pas à une logique d'ensemble. Tel état de construction du schème de duel est abruptement renvoyé, c'est-à-dire énigmatiquement renvoyé, à telles fonctions implicitement conceptualisées et dès lors autoassignées. Dans un premier temps, j'ai tenté de remédier à cette lacune, en cherchant à mieux définir et à qualifier le contenu d'ensemble des six projets d'opposant, pour disposer d'une référence susceptible de tout fédérer : les conduites, les observables et les fonctions. En voici le résultat : le projet prend la forme d'une proposition implicite (un théorème en acte dans le langage de Vergnaud) qui détermine la classe des « bonnes actions » selon ses propres critères de nécessité et de satisfaction (Maturana et Varela, 1994) : Tenir mon rôle de pratiquant pour ne pas perdre l'enjeu, c'est pour les pré-duellistes : - du type « intervenant sollicité » : « jouer le ballon quand il vient sur moi » - du type « intervenants délimités » : « jouer le ballon quand il vient vers la zone (spatiale) de responsabilité que j'occupe au moment considéré » pour les semi-duellistes : - du type « duelliste intermittent » : « réagir au danger (avéré) pour intervenir afin d'éviter la rupture au détriment de l'équipe » - du type « duelliste direct sélectif » : « me préparer à intervenir pour m'opposer au danger potentiel que présente un type d'attaques adverses, et réagir au danger (avéré) pour intervenir afin d'éviter la rupture au détriment de l'équipe » pour les pré-duellistes : - du type « duelliste direct généralisé » : « me préparer à intervenir pour m'opposer an danger potentiel que présente toutes les attaques adverses, et réagir au danger (avéré) pour intervenir afin d'éviter la rupture au détriment de l'équipe » - du type « duelliste permanent » : « anticiper tout risque de perte de l'échange au détriment de mon équipe, y compris lorsque mes partenaires jouent le ballon et quelle que soit la position que j'occupe sur le terrain » Cette tentative résulte d'une « mise en forme » demeurant « descriptive », ces termes devant être compris comme péjoratifs, car elle réfère d'une part au contenu d'un sens pratique unifié mais é é de l'extérieur par l'analyste, et d'autre part, elle persiste à laisser dans l'ombre, ce qui est sous-jacent, ce qui est à l'origine de ce sens pratique. Pourquoi tel contenu de projet pour tel type de pratiquants? Elle présentait en revanche l'intérêt de mettre l'accent, certes de manière implicite et partielle, sur ce qui peut apparaître comme un enjeu véritable, à savoir la rupture de l'échange, et sur ce qui peut instaurer le ressenti d'un danger de perte de l'échange. Il s'agissait des prémices de l'idée d'une sensibilité variable à la rupture de l'échange, susceptible de mieux rendre compte de la variété inter-individuelle de sensibilité et d'implication des pratiquants à l'égard des diverses situations du jeu et de la faible variabilité 36 intra-individuelle de cette sensibilité, une voie non évoquée y compris dans la partie conclusive de ma thèse. La conception naissante de pratiquants diversement sensibles à la rupture de l'échange, ressentant diversement l'impression d'un danger, et diversement engagés à le contrecarrer, m'a fait préférer pendant un temps le qualificatif de pratiquants plus ou moins combatifs à celui de plus ou moins duellistes. Est « combatif » celui qui met tout en oeuvre pour ne pas perdre un enjeu, ce qui correspondait bien à mes observations : le caractère défensif attaché à combatif, l'investissement énergétique consenti pour tenter de jouer les ballons lointains et difficiles. La distinction marquée à l'égard d'agressif (ce qui n'était sans doute pas assez le cas pour le duelliste) a sans doute renforcé ce choix. Mais, si ce terme « passe bien » auprès des praticiens, il n'a pas résisté longtemps, en raison du caractère psychologisant lié à sa connotation de trait de personnalité, comme caractéristique intrinsèque à la personne (comme le duelliste, d'ailleurs). Or mes observations laissent penser qu'il s'agit avant tout d'une question relationnelle, d'un rapport à un domaine d'activité particulier ; les pratiquants combatifs en situation de match en volley-ball paraissant ne pas être combatifs dans l'ensemble de leurs activités sociales, culturelles et professionnelles. Faute de mieux, l'appellation de schème de duel reste pour l'instant d'actualité, qu'il s'agisse désormais pour moi d'un schème caractérisé par une (et tout autant caractéristique d'une) sensibilité propre à l'enjeu de rupture. Cette question fera plus tard l'objet d'un développement. Dans la suite de cette partie, je ne mentionnerai que les aspects dont l'interprétation à été modifiée. Pour éviter de lourdes redites, je ne reprendrai donc pas certaines précisions déjà fournies. III. 2. Schème de duel et organisation de l'action du volleyeur Deux types de modifications ont été apportés. III. 2. 1. Un changement d'appellation des schèmes Des observations plus précises m'ont conduit à une reformulation partielle de l'appellation des types de schèmes impliqués dans l'organisation de l'action du volleyeur, en me permettant de mieux appréhender leur registre d'activité : Pour ce qui concerne le niveau du schème de duel : 37 L'appellation demeure (provisoirement?) inchangée, mais de nouvelles interprétations ont émergé. Le schème de duel discrimine l'ensemble des situations du jeu sur une dimension "situation critique" - "situation de repos", selon que le pratiquant ressent plus ou moins, ou pas, une impression de danger dans sa relation à la situation actuelle du jeu. La sensibilité du joueur à la rupture de l'échange (donc les conceptualisations sous-jacentes) détermine les ressentis de danger, et organise l'ensemble de ses conduites (ceci sera précisé par la suite). Tous les indicateurs (l'orientation du corps en relation avec les déplacements aériens permanents du ballon ; l'attitude de garde manifestée pour certaines situations du jeu ; l'engagement énergétique consenti pour assurer le contact avec le ballon lorsque celui-ci suppose un déplacement ; les manifestations évaluatives/affectives en relation avec l'issue des échanges de jeu) y sont désormais référés (j'indiquerai pourquoi), ce qui assure l'unité du fondement des conduites. Dès qu'une situation du jeu est assimilée comme critique (parce qu'il y perçoit un danger de perdre l'échange), le pratiquant est spontanément en "attitude de garde", parce qu'il cherche à pré-parer ce danger. Un sujet n'a aucune raison de se préparer s'il n'est pas affecté par un danger qu'il faut pré-parer. L'action a déjà débuté, elle est initiée, mais elle est largement indéterminée, car ce premier niveau d' organisation n'est pas en mesure d'en spécifier le cours pas plus que le cours de l'évolution de la situation actuelle du jeu. Le sujet éprouve le besoin d'un diagnostic sur l'évolution immédiate de la situation; or la satisfaction de ce besoin réclame des connaissances spécifiques relevant du second niveau d'organisation de l'action. Le schème de duel n'est pas un processeur central, il ne fournit pas un programme spécifiant ou déterminant l'ensemble du cours de l'action. En revanche, en tant que schème structurant, il circonscrit l'espace des actions possibles et nécessaires. Aussi longtemps que la situation actuelle est perçue comme critique, l'activation du schème de duel n'est jamais interrompue, ni suspendue : il détermine l'investissement fonctionnel tant qualitatif qu'énergétique auquel se livre le pratiquant pour l'ensemble de l'action, et il active au moins un schème du niveau subordonné (du second niveau) en l'instruisant par ses attentes (diagnostiquer plus finement l'évolution de la situation critique et spécifier le cours de l'action potentielle) et en lui déléguant les opérations d'organisation et de contrôle afférentes. Postuler ce niveau est indispensable pour rendre compte des transitions entre « attitude de garde » et « attitude de repos » (ou de relâchement), et de la variabilité interindividuelle de ces transitions durant le cours du jeu. Pour ce qui concerne le second niveau d'organisation de l'action : 38 J'ai modifié la dénomination du type de schèmes intervenant à ce niveau, en abandonnant les « schèmes de modélisation de la situation du jeu » au profit de « schèmes d'exploration des situations critiques ». Ce qualificatif est préféré car la fonction d'exploration, qui s'étend aux aspects moteurs et perceptifs, est apparue comme la meilleure voie d'interprétation unifiée des conduites organisées à ce niveau. Ces schèmes ont en effet pour fonction commune de spécifier l'évolution immédiate des situations critiques. Chacun est formé de connaissances organisant l'exploration perceptive d'une classe particulière de situations du jeu et, de manière indissociable, permettant de spécifier le pré-placement favorable à une possible intervention (ajustements de placement exploratoires sur le terrain). Ils sont plus ou moins nombreux et différenciés, selon les discriminations que peut assurer le sujet entre différents scénarios distincts (exemple sur attaque adverse : attaque ligne, attaque petite diagonale, etc. et plus ou moins évolués (la compétence à anticiper les attaques lobées peut être plus développée que les compétences permettant de prévoir d'autres types d'attaque). Les connaissances qu'ils contiennent aboutissent à spécifier en temps réel le pré-placement favorable sur le terrain (premiers ajustements exploratoires du placement) en fonction de la perception de l'événement probable. Elles assurent de manière dynamique, dans le flux temporel, la recherche d'indices permettant la prévision en réduisant l'incertitude événementielle et/ou spatio-temporelle. Elles réalisent des "hypothèses en acte", ou des "paris en acte" largement implicites, qui se révèlent plus ou moins opportuns. A tout moment, selon la perception des circonstances du jeu, le diagnostic est susceptible d'être corrigé, d'être affiné, préalablement à l'intervention proprement dite sur le ballon. Ces divers schèmes sont sélectivement préactivés par le schème de duel. Ceci signifie qu'ils ne sont activés que lorsque le schème de duel a assimilé une situation comme critique, et sont désactivés dès que la situation n'est plus critique pour le pratiquant. C'est le cas, par exemple, d'une situation critique, potentiellement dangereuse, pour tel pratiquant, lorsque le passeur adverse, s'il est joueur de la ligne avant, joue le ballon en suspension : si l'assimilation de la situation par son schème d'exploration spécialisé conduit à l'attente selon laquelle le passeur n'attaquera pas, le pratiquant abandonne spontanément l'état de garde et se relâche, se relève. Notre modèle de l'organisation interschèmes permet d'interpréter ces observations : les schèmes relevant du second niveau de l'organisation de l'action peuvent se désactiver et désactiver par-là même le schème de duel, et l'action cesse. Une autre action sera initiée lors de la prochaine situation critique. Notre modèle attribue un caractère récursif aux relations interschèmes. 39 Dans le cas où le diagnostic opéré par un schème d'exploration confirme la probabilité d'une intervention particulière, ce schème reste activé, et préactive lui-même un (ou plusieurs) schème(s) relevant du troisième niveau, en l'instruisant par ses attentes (spécifier le but de l'intervention défensive, préparer les modalités de l'intervention, et le placement terminal préalable à l'intervention) et en lui déléguant les opérations d'organisation et de contrôle afférentes. Et, si l'occurrence d'une intervention sur le ballon se confirme, il active aussi un (plusieurs) schème(s) du quatrième niveau. Postuler ce second niveau, et les schèmes d'exploration qui le composent, est indispensable pour interpréter la variabilité interindividuelle de pertinence des dé exploratoires sur le terrain, qui sont des pré-placements spatiaux, entre pratiquants présentant pourtant une sensibilité équivalente à la rupture de l'échange. Si l'on n'évoque pas des connaissances permettant d'effectuer des prévisions efficaces, il ne reste plus que la « chance » pour rendre compte des joueurs qui assurent plus souvent que les autres un placement favorable sur le terrain avant l'intervention. Pour ce qui concerne le troisième niveau d'organisation de l'action : Les « schèmes de planification de l'intervention » ont été finalement renommés « schèmes de préparation de l'intervention » car le terme de planification avait une connotation cognitiviste peu compatible avec mon approche. Ils contribuent à l'accomplissement du cours de l'action tout en étant instruits par le premier niveau (qui règle l'investissement émotionnel/énergétique du pratiquant et par le deuxième niveau (qui l'a activé sélectivement en raison du diagnostic opéré). Ces schèmes ont pour fonction commune de spécifier le type d'intervention que le pratiquant s'apprête à effectuer sur le ballon et de préparer l'exécution par un placement des différents segments corporels spécifique de la modalité d'intervention prévue. Postuler ce niveau est indispensable pour trois raisons. Premièrement, alors que le joueur n'a pas encore touché la balle, on peut déjà repérer chez lui certaines régularités comportementales (une préparation caractérisée par certaines particularités, voire certains défauts au regard de l'orthodoxie « technique », par exemple le bassin systématiquement trop élevé avant l'intervention). Deuxièmement, on observe souvent chez les débutants une difficulté à activer le schème pertinent au regard des circonstances : il semble qu'au moins deux schèmes préparatoires à l'intervention soient candidats à l'assimilation de la situation. Par exemple, le pratiquant se prépare manifestement à jouer le ballon en « manchette », mais il change au dernier moment en réagissant tardivement pour jouer finalement le ballon à deux mains, en étant souvent très mal préparé à le faire. Ce conflit entre deux modalités d'intervention relève 40 selon moi de difficultés à activer le schème « qui convient », et accrédite l'existence d'une opération de sélection entre plusieurs schèmes candidats à la spécification du type d'intervention le plus approprié au moment considéré. Enfin, on observe chez des joueurs confirmés, en cas d'incident (par exemple, un ballon « flottant », ou touchant le file , ou légèrement dévié par un partenaire au contre) une réorganisation tardive pour s'ajuster aux circonstances imprévues : le joueur se préparant à intervenir en « manchette » se prépare au dernier moment à jouer le ballon avec un seul bras. Dans le cas où les schèmes d'exploration constamment à l'oeuvre confirment l'actualité de l'intervention prévue, le schème de préparation sélectivement activé délègue le contrôle de l'activité à l'un des schèmes spécialisés de "déviation du ballon". Pour ce qui concerne le quatrième niveau d'organisation de l'action : J'ai en effet modifié l'appellation de « schèmes perceptivo-gestuels » qui opèrent au quatrième niveau, au profit de celle de « schèmes de déviation du ballon ». III. 2. 2. Une radicalisation du processus de concentration conduisant vers une théorie de l'organisation de l'action : la synthèse assimilatrice Si j'ai critiqué et amendé les propositions de Cellérier dans ma thèse, j'ai vite été conduit, en reprenant la question de l'organisation de l'action, à critiquer mes propres propositions, dont le caractère partiel m'est apparu évident (Récopé, 2002 ; Récopé, 2003/1998). Il s'est avéré que je n'avais pas tiré toute la richesse de l'élaboration par Vergnaud (1985) du concept de schème (tout schème est une totalité dynamique organisée qui ne peut fonctionner si elle est scindée) ni des propositions (par ailleurs évasives) de Piaget sur le fonctionnement assimilateur global du schème : on ne peut dissocier le besoin de l'acte en sa totalité, y compris, donc, des mouvements nécessaires à sa satisfaction (Piaget, 1936). Si l'on radicalise ces perspectives, on doit en effet étendre le fonctionnement assimilateur de n'importe quel schème aux aspects trivialement distingués, à savoir la signification, l'émotion, la perception, la motricité, l'action. La position invoquant un fonctionnement assimilateur global et multidimensionnel de tout schème implique de considérer le processus assimilateur à l'oeuvre dans les relations interschèmes comme un processus se déployant selon une modalité unique. En conséquence, cette position impose de considérer qu'un même processus de concentration est à l'oeuvre dans l'ensemble des aspects engagés dans le flux de l'action : - l'aspect perceptif qui est, comme on l'a vu, le seul à être évoquée par Cellérier ; - le but de l'action, comme je l'avais proposé lors de la thèse ; - mais également la signification, les ins, les attentes, et l'accomplissement des actes. Il en résulte en particulier que la signification ne peut échapper au processus de concentration, tel que je l'ai précisé : jusqu'à quatre types de signification (et les conceptualisations sous12 On trouvera en Annexe 2 un schéma résumant les quatre types de schèmes et leurs expressions comportementales. 42 jacentes) peuvent assurer la progressive spécification de la situation pour le sujet. Se pose donc le problème de la possibilité d'une discrimination des différents registres de signification pratique. Il en va nécessairement de même pour l'accomplissement des différents actes composant l'action et leur manifestation comportementale : une motricité de duel, non spécifique du volley-ball, est initialement engagée, puis se trouve progressivement spécifiée par trois autres registres de motricité spécialisée à mesure que les schèmes des niveaux subordonnés sont « actifs ». Est-ce à dire qu'un volleyeur fait quatre choses différentes à la fois, comme s'il était soumis à l'exercice d'une « quadruple tâche »? Loin de ça, nos observations suggèrent que des activités composantes se coordonnent en formant un acte d'ensemble (Janet, 1929). La contribution de quatre types de motricité rend compte de la complexité d'analyse (par le chercheur) et de la difficulté de réalisation (par le pratiquant) de l'action motrice du volleyeur : - une motricité de duel d'ordre relationnel, relevant du rapport au risque de perdre l'échange, générée par le schème de duel, dont on doit dissocier pour les besoins de l'analyse les aspects comportementaux suivants, pourtant non dissociables : o un risque qu'il faut prévenir ou dont il faut se prémunir (pré-parer), dont il faut se garder, se défendre (orientation face au ballon ; attitude de garde) ; o un risque déclenchant la nécessité de scruter pour connaître ou confirmer le caractère risqué de la situation ; o un risque auquel il faut faire face quand il devient danger, en investissant spontanément et intensément tous les moyens disponibles (promptitude, vitesse, énergie et persévérance des jaillissements Ces différents aspects comportementaux n'étant jamais suspendus ou interrompus pendant le cours de l'action. o un risque dont on a finalement triomphé ou pas (manifestations émotionnelles selon l'issue de l'action et/ou l'issue de l'échange). - une motricité exploratoire, traduite au plan comportemental par des consultations visuelles spécifiques et par des ajustements de placement spatio-temporel, visant la 43 meilleure base de placement avant une intervention potentielle, générée par les schèmes d'exploration. Ces ajustements ne sont pas non plus forcément interrompus, le joueur pouvant chercher à affiner son pré-placement jusqu'au dernier moment lors du contact avec le ballon. Cette motricité exploratoire est activée par le schème de duel, elle se greffe sur la motricité de duel, compose avec elle en se combinant à elle. - une motricité de préparation à l'intervention, susceptible de n'être jamais interrompue, mais elle-même régulée jusqu'au moment du contact avec le ballon. Cette motricité de préparation est activée par un schème d'exploration, elle se greffe sur la motricité résultante de la combinaison [schème de duel - schème d'exploration], compose avec elle en se combinant à elle. - une motricité de déviation du ballon, activée par un schème particulier de préparation, elle se greffe sur la motricité résultante de la combinaison [schème de duel - schème d'exploration - schème de préparation], compose avec elle en se combinant à elle. Ainsi, jusqu'à quatre registres de motricité peuvent fusionner en une motricité résultante du volleyeur, progressivement spécifiée par réduction d'une indétermination initiale. On retrouve ici les caractéristiques opérantes du processus de "concentration". Il apparaît alors comme la synthèse du fonctionnement simultané de schèmes situés à différents niveaux d'organisation de l'action : la concentration relève donc d'une « synthèse assimilatrice », une composition dynamique de l'activité assimilatrice de chacun des schèmes opérant au moment considéré. Il suffit pour cela d'admettre que les schèmes ont deux types d'entrées : leurs entrées propres, et celles qui leur sont adressées en tant que « sorties » d'autres schèmes. Cette hypothèse a été évoquée par Reed en 1982. Se référant aux travaux de Gibson et à ceux de Bernstein, cet auteur propose de rompre avec la dichotomie central-périphérique en matière de contrôle moteur : les nombreux résultats expérimentaux qu'il analyse établissent que le système nerveux intégré fonctionne comme une structure complexe de boucles entrées-sorties, ceci permettant l'exercice d'une variabilité des actes en fonction de la variabilité du contexte. Ses principales propositions sont que : - les composantes des actions ne sont pas des mécanismes, mais sont des actions : les actions sont des relations, et les composantes des actions sont elles-mêmes des 44 relations, qui doivent être analysées en tant que propriétés s'imbriquant les unes dans les autres : « les actions ne sont pas des chose , avec des unités discrètes hiérarchisées et disparates, mais sont des relations avec des propriétés strictement imbriquées » (notre traduction, p. 116). - lorsque plus d'un composant est impliqué dans une action (comme c'est presque toujours le cas), aucun d'eux n'apparaît individuellement de façon évidente. - comme l'ont proposé Luria (1973) puis Arbib (1981), le contrôle du mouvement est distribué verticalement et horizontalement dans le système nerveux. Les actes impliquent diverses boucles « entrées-sorties » interconnectées et emboîtées les unes avec les autres. Chaque boucle est elle-même ajustable par des modulations d'origine tant centrale que périphérique, et les diverses boucles sont mutuellement ajustables. Plus précisément, la seule voie d'interprétation consistante aux yeux de Reed est de conclure à l'existence de « sorties perceptives » et d'« entrées motrices », alors que les travaux antérieurs ne considéraient que des « entrées perceptives » et des « sorties motrices ». C'est précisément ce à quoi concluent nos observations : chaque schème est envisageable comme une boucle entrées-sorties13. Vergnaud (1985) caractérise d'ailleurs le schème comme une application (au sens mathématique) qui prend ses entrées et ses sorties dans des espaces multidimensionnels. Le nombre de dimensions de chacun de ces espaces est éventuellement très grand, et en outre cette application est dynamiquement organisée et contrôlée. La « synthèse assimilatrice », en tant que composition dynamique de l'activité assimilatrice de chacun des schèmes opérant simultanément au moment considéré, suppose que les sorties perceptives et motrices d'un schème surordonné deviennent une partie des entrées perceptives et motrices d'un schème subordonné. En d'autres termes, par exemple, les aspects moteurs (posturaux, énergétiques, comportementaux) du schème de duel sont les « entrées motrices » du schème d'exploration, qui doit composer avec – et à partir de – ces « données motrices » qui lui sont imposées. Les relations interschèmes supposent donc l'activation permanente d'un schème surordonné qui initie le cours de l'action et active des sous-schèmes en leur adressant ses attentes, sans leur transférer pour autant le contrôle de la suite de l'action. Il leur délègue le contrôle de la suite de l'action, car lorsque l'action débute, le pratiquant ne sait pas encore ce qui va se 13 On trouvera en Annexe 3 un schéma présentant les schèmes sous forme de telles boucles. passer, ni si il va avoir à intervenir : c'est l'évolution de la situation critique, telle que l'assimilent les divers sous-schèmes, qui permettront la contextualisation de l'action. Le schème subordonné sélectivement (pré)activé sera alors celui dont les invariants opératoires sont le mieux à même de traiter la situation, soit celui dont l'activité assimilatrice peut le mieux poursuivre et spécifier le cours de l'action du sujet, conformément aux attentes adressées par le schème surordonné. L'action en environnement dynamique trouve ainsi sa nécessaire capacité d'actualisation et de contextualisation dans la contribution de schèmes assimilant chacun les aspects de l'action et des situations qui sont spécifiques de son registre. Le cours de l'action dépend de la composition tant d'activités perceptives que d'activités motrices, opérées à différents niveaux d'organisation et simultanément coordonnées. La synthèse assimilatrice fonctionne selon une dynamique de spécification progressive, comme un processus de concentration. Ce modèle fournit des éléments d'interprétation du processus décrit par certains sociologues de l'action : « le but de l'action et son résultat recherché ne sont pas clairement définis quand l'agent commence à agir, pas plus que ses circonstances. Les uns et les autres prennent forme et acquièrent leur définition à travers l'accomplissement de l'action » (Quéré, 1998, p. 159). Mon modèle apparaît comme le prolongement d'observations de Revault d'Allonnes (1920) qui est le premier à avoir évoqué une organisation sous forme de schèmes formant une constellation, bien qu'il se restreigne, comme Cellérier plus tard, aux aspects perceptifs (Vergnaud et Récopé, 2000). Il propose que des schèmes plus particuliers pourraient s'enchâsser dans un schème générique, que des petits sch subordonnés pourraient s'incorporer à de grands schèmes. Il précise que « des schèmes sont simplement mélangés ou interférents quand ils se superposent chacun pour soi à un même objet, de manière à en fournir des lectures diverses, relativement indépendantes. Mais des schèmes sont, au contraire, combinés ou conjugués, lorsque leur action simultanée engendre un aperçu que ni l'un ni l'autre, isolément, n'amorcerait » (ibid., p. 200). Revault d'Allonnes anticipait ainsi l'hypothèse piagétienne de schèmes constituant « non pas seulement une somme d'éléments organisés, mais encore une organisation globale, un système d'opérations interdépendantes grâce au mécanisme de l'assimilation réciproque des schèmes en présence » (Piaget, 1936, p. 358). La question de l'organisation interschèmes est donc ancienne. Le modèle de la synthèse assimilatrice ne récuse pas les modèles séquentiels du fonctionnement cognitif (à caractère linéaire, sériel, successif, juxtaposé), ou les modèles en parallèle (caractère de concomitance stricte, de simultanéité non relationnelle), mais soutient en revanche que de tels modèles sont incapables de rendre compte de l'action motrice en environnement dynamique. C'est en ce sens qu'elle constitue une alternative. Pour paraphraser Revault d'Allonnes, l'opérativité simultanée de plusieurs schèmes engendre une activité qu'aucun ne pourrait satisfaire isolément : or le modèle séquentiel postule des isolements par succession, alors que le modèle parallèle postule des isolements par simultanéité14 Prenons l'exemple du mouvement : la conception de niveaux d'organisation contribuant simultanément à sa réalisation, par la voie musculaire, est compatible avec les résultats de la psychophysiologie (Paillard, 1976) et de l'anatomie fonctionnelle, car elle permet d'envisager la combinaison des différents aspects (tonique, postural, énergétique, phasique) qui se coordonnent dans la production d'un mouvement adaptatif intégré. Le mouvement réalisé n'est pas simplement une série de mouvements associés, il n'est pas non plus généré par une pluralité de voies musculaires opérant indépendamment l'un de l'autre. Il apparaît au vu de nos analyses comme la résultante (non exempte de perturbations, comme on l'a vu) de « sorties » et d'« entrées » motrices de schèmes qui spécifient le flux de l'action : il est l'expression de la réalisation motrice de la synthèse assimilatrice des actes qui composent l'action du volleyeur, loin de constituer une réponse à caractère linéaire et unidimensionnel. Il va de soi que la "synthèse perceptive" donne lieu à de tels flux au sein de la totalité organisée : si chaque schème a ses propres "entrées perceptives" spécifiques, il est aussi instruit par les "sorties perceptives" (ie les résultats des traitements perceptifs, ainsi que les attentes perceptives) d'au moins un autre schème activé au sein du réseau. L'organisation de l'action repose sur des relations de hiérarchie, de succession, de simultanéité et de spécification entre schèmes, caractéristique non paradoxale, mais bien fondatrice, de la synthèse assimilatrice Un tel modèle construit sur la base d'observation empirique se voit aujourd'hui conforté par certains travaux issus de la physiologie contemporaine qui, selon Berthoz (1997), doit relever le défi de rendre compte du caractère dynamique, flexible, adaptable, de ce qu'il nomme les mécanismes biologiques. 47 de feed-back ou de contrôle centrifuge. De plus des processus de sélection apparaissent à chaque embranchement du processus » (2004, p. 397). Notre modèle d'inspiration post-piagétienne propose que l'organisation et la réalisation de l'action motrice relèvent d'un fonctionnement auto-organisé à caractère hiérarchique. Il rend compte de l'existence d'une action déjà engagée, alors même que le cours de l'action reste largement indéterminé, et que son but n'est pas encore spécifié15. Une telle proposition renoue avec la conception du contrôle moteur de Bernstein (1967) : une entité organisatrice et anticipatrice attribuant à l'activité motrice sa finalité adaptative, tout en déléguant des opérations de régulation locale à des instances décentralisées, rend compte du remarquable caractère structural et unitaire de l'action motrice. Il affirmait qu'un mode invariant d'organisation de l'action n'est pas incompatible avec une modulation des conditions de sa réalisation, en raison d'une prise en compte des éléments de variabilité du contexte. Notre proposition est compatible avec l'analyse en termes de "systèmes d'action" portée par Reed (1982), par Kelso et Kay (1987), qui consiste pour l'essentiel à défendre que la motricité est un système auto-organisé, et non le résultat de commandes adressées par un système cognitif indépendant. La conception d'une activité organisée selon un emboîtement de schèmes de différents niveaux est actuellement confortée dans le champ des neurosciences (Jeannerod, 1994) et dans celui de la philosophie (Ben-Zeev, 1988). Les modèles de l'action motrice intentionnelle qui se dessinent actuellement (Livet, 1997) envisagent que son initiation, loin d'apparaître comme une représentation complète et déterministe de la totalité de l'action, fournit un modèle central let nécessitant des « complémentations » et des actualisations qui prennent effet dès que l'action s'enclenche. Je suis fondé à penser que l'action en volley-ball est loin de se circonscrire à l'intervention sur le ballon (qui, en toute rigueur, n'apparaît qu'au quatrième, soit au dernier, niveau d'organisation ; la plupart des actions sont initiées et cessées alors que le joueur n'a pas eu à intervenir sur le ballon ; les diverses formes de préparations, progressivement spécifiées, sont constitutives du cours de l'action ; ces diverses préparations, qui sont de type « s'apprêter à », sont conditionnée par l'avènement d'une nécessité à pré-parer un danger. C'est cet aspect, relevant de la sensibilité, qui retiendra maintenant mon attention. 15 On trouvera en Annexe 5 un schéma montrant les deux caractères non paradoxaux de la synthèse assimilatrice : l'action est une coordination par activation successive, elle est par là-même une concentration par spécification progressive. IV. L'amorce de l'étude de la sensibilité des pratiquants en situation L'intuition qu'une sensibilité à la rupture de l'échange variable selon les sujets est au fondement de la diversité de la mobilisation défensive des pratiquants devait être mise à l'épreuve. IV. 1. Le recours à l'entretien Lors de ma thèse, et pendant quelques temps encore, j'en suis resté, comme le dit si bien Vermersch à son propos « à une approche descriptive comportementale basée sur les observables et les traces du déroulement de l'action, ainsi que les inférences que l'on pouvait en tirer dans l'esprit de la méthode inductive propre à la logique de l'enquête policière » (2002, p. 95). J'ai ressenti par la suite la même insatisfaction que celle qu'il évoque : bien qu'intéressé à révéler ce qui se passe pour le pratiquant, ce qui fait sens pour lui, et par les connaissances immanentes aux propriétés de ses actions, donc à ce qui est de l'ordre de l'inobservable, je me cantonnais à des observables, certes les plus riches possibles. J'avais envisagé la possibilité de recourir au point de vue privé du pratiquant (le point de vue en première personne, relativement à sa propre expérience, c'est-à-dire auquel le sujet est le seul à avoir accès sur le mode expérientiel) mais, après quelques tentatives, j'avais été très déçu par la pauvreté des propos par rapport à mes interprétations. Sans doute aussi avais-je un a priori de sens commun, qui n'a pas échappé à Vermersch : inutile de prendre en compte le point de vue du sujet, parce que de toute façon il n'est pas au courant de ce qui se passe réellement. Une sorte d'inhibition aussi, que je suppose pour partie due à mon attachement à une pensée structurale et à la thèse de la conceptualisation largement implicite de Vergnaud, me conduisant à survaloriser l'ampleur des aspects « qui ne relèvent pas du point de vue privé parce qu'ils ne sont pas expérientiables et donc ne peuvent faire l'objet d'une saisie de conscience » (Vermersch, ibid., p. 93). Bref, j'introduisais un gouffre entre l'expérience subjective, vécue de façon pré-réfléchie, et sa conscientisation. Or Vermersch travaille précisément sur les conditions de possibilité (la psychologie phénoménologique) et de validité méthodologique (les aides à la verbalisation) de la réflexivité consciente : ce qui relève de l'expérience subjective ne demande aucun effort particulier, aucune compétence spéciale pour la vivre. IV. 2. 1. Mes observations préalables des conduites de X IV. 2. 1. 1. Une première observation comparative : D'ordre global, elle conclut qu'il se distingue fortement de ses coéquipiers17, eux-mêmes joueurs de niveau international, par les caractéristiques suivantes : - il a « un temps d'avance » sur ses coéquipiers : dans la plupart des cas, même si ce n'est pas à lui d'intervenir sur le ballon, son déplacement débute alors qu'ils sont encore immobiles ; il les incite à intervenir avant qu'ils n'aient agi lorsqu'il est trop loin du ballon ; il réclame instantanément qu'ils enchaînent lorsqu'il réussit une intervention défensive. 16 Sur la base des critères et indicateurs précédemment indiqués. 50 - il consent un investissement énergétique intense dans la quasi-totalité des situations de danger avéré, y compris lorsque le ballon n'est pas à sa portée : plongeons et tentatives le mettant parfois en danger physique de chute violente au sol, courses effrénées y compris vers les gradins ou les murs du gymnase. Dans ces cas, il se déplace immédiatement, et ne renonce à son déplacement que dans un second temps, après avoir constaté qu'un joueur est mieux placé que lui pour intervenir ou que le ballon lui est inaccessible. - il présente de nombreuses manifestations émotionnelles de frustration quand un ballon n'est pas défendu par lui, mais aussi par ses coéquipiers. Elles sont intériorisées, contenues, non exubérantes, et le coupent durant quelques secondes de ses coéquipiers. IV. 2. 1. 2. Une seconde observation, plus systématique18, de sa pratique in situ: Cette procédure d'observation, sur la base de ce même montage vidéo, a abouti à une modification de mes critères d'observation, ci-dessous exposés, qui restent à ce jour pour moi les plus représentatifs de la mobilisation défensive : a) L'orientation corporelle face au ballon, b) La fréquence de l'attitude de garde, c) Les jaillissements exercés sous forme d'efforts explosifs instantanés pour contacter le ballon, d) La poursuite de ces jaillissements malgré la proximité d'obstacles matériels (partenaires, mur, gradins, poteau, etc.), e) Les manifestations émotionnelles exprimées suite à un échec défensif. Si l'efficacité défensive de X est réputée, c'est parce qu'elle est littéralement mesurée à l'aide des outils statistiques usuels en Volley-ball, et comparée, à son bénéfice, à celle des autres joueurs. Mais, il faut bien noter ici qu'aucun de mes critères n'est relatif à la qualité ni à la précision des interventions proprement dites sur le ballon, c'est-à-dire à la 17 Considérer que tous les joueurs internationaux sont des duellistes permanents est une évidence non questionnée : de nombreuses observations concluent qu'on peut être joueur ou joueuse de haut niveau sans présenter les caractéristiques du duelliste permanent. 18 Il s'agit de documenter le plus finement possible ce qui est réalisé in situ pour tenter de repérer les régularités de la pratique effective : celle-ci prend alors un caractère d activité typique (Quéré, 1993). 51 précision des déviations du ballon qui résulte des interventions. Ils concernent les comportements du joueur en relation avec les déplacements du ballon, ce qu'on a parfois maladroitement appelé « jeu sans ballon » ; ils sont restreints à la mobilisation défensive et demeurent en ce sens étrangers au critère de l'efficacité. Les critères ne relèvent pas de savoir-faire techniques spécifiques du volley-ball, en ce qu'ils ne concernent pas le résultat des interventions proprement dites sur le ballon en terme d'efficacité. Ils se limitent strictement à l'implication défensive, en repérant les comportements émis en relation avec l'évolution des déplacements du ballon à différents moments : a) et b) sont représentatifs de la disponibilité pour une intervention défensive potentielle ; c) et d) de l'implication lors d'une intervention ; e) de la réaction à l'issue d'un échec défensif de l'équipe. IV. 2. 1. 3. Résultats : Présentation des matériaux issus de l'observation des comportements : X présente, relativement aux cinq indicateurs retenus, des comportements typiques qui le distinguent de ses partenaires : a) Une centration perceptive sur le ballon : alors que le jeu donne lieu à des déplacements aériens permanents du ballon (entre partenaires, et entre les adversaires situés de l'autre côté du filet), X fait constamment et instantanément face au ballon. Son corps est toujours orienté vers le ballon, excepté lorsque l'équipe adverse est en situation de crise, c'est-à-dire lorsqu'elle est confrontée à de gros incidents de réception de service ou de défense. Dans tous les autres cas, cette orientation est instantanée : X fait constamment face au ballon, quelle que soit l'évolution, plus ou moins prévisible, des déplacements de celui-ci. Lorsque, sur smash adverse, la v du ballon est très grande, seuls la tête et le haut du buste de X sont orientés vers le ballon, mais ils le sont toujours, quelle que soit la vitesse du ballon. Lorsque X « anticipe » une intervention (un plongeon vers l'avant ou un jaillissement vers l'avant) mais qu'il est surpris par la trajectoire réelle du ballon (qui arrive loin derrière lui, à sa droite, vers un de ses partenaires), tout en étant embarqué dans sa chute vers l'avant, il tourne la tête instantanément pour regarder le ballon sans regarder ses mains lors du contact avec le sol. 52 b) Une attitude de garde fréquemment manifestée, repérable par une posture : bras relevés, jambes (plus ou moins) fléchies, appuis dynamiques au sol. X n'est en « attitude de repos » que lorsque le ballon est en phase d'ascension quasi-verticale, vers le plafond, ou lorsque l'équipe adverse est en situation de construction de son jeu (lorsqu'elle connaît une « crise défensive »). Dans tous les autres cas, il est dans une posture intermédiaire. X est spécifiquement « en garde » dans certaines classes de situations du jeu : au moment où le serveur adverse contacte le ballon ; avant que le passeur adverse (si celui-ci n'est pas un arrière « pénétrant ») ne contacte le ballon ; avant que l'attaquant adverse ne contacte la balle ; lorsqu'un de ses partenaires s'apprêtant à jouer le ballon semble dans des conditions d'intervention peu favorables. c) Des actes défensifs synchrones aux déplacements du ballon : X ébauche de nombreux ajustements de placement et des déplacements instantanés et explosifs, alors que ses partenaires sont encore statiques. Ses déplacements débutent en même temps que le ballon lors des smashs adverses. Il jaillit ainsi intensément, quelles que soient : la position qu'il occupe sur le terrain ; la destination du ballon ; la distance qui le sépare du ballon. Une fois ce jaillissement opéré, alors qu'il est en pleine accélération, emporté par son élan, il décélère parfois, mais dans un second temps seulement, lorsqu'un partenaire est placé plus près du ballon ou lorsque le ballon est vraiment trop loin pour qu'il puisse le contacter. Il incite souvent ses partenaires à se placer (« allez!!!»), comme s'il avait un temps d'avance sur eux : au cours d'un même échange, par exemple, il le fait trois fois, pour leur demander de se placer à un endroit particulier, et d'aller jouer le ballon alors même qu'il vient de le toucher en défense. d) Une focalisation sur le contact avec le ballon : X poursuit sa tentative vers le ballon y compris lors qu'il est hors de sa portée, par des courses énergiques et des chutes qui donnent lieu à des contacts peu contrôlés avec le sol. Il est le seul à poursuivre une course effrénée le conduisant à proximité immédiate d'éléments matériels de l'environnement (poteau, mur, etc.). e) Des réactions de frustration : X se distingue de ses partenaires par sa réaction lorsque le ballon tombe dans son terrain suite à un service ou une attaque adverse. Les manifestations comportementales de ces frustrations prennent des expressions variables, mais sont contenues ou non exubérantes, et le coupent quelques instants de 53 ses partenaires. En revanche, lorsque son équipe remporte un point, ses manifestations de joie ne le distinguent pas de ses partenaires, dont elles ne sont ni plus fréquentes ni plus intenses. IV. 2. 2. L'entretien avec X : Il vise l'expression hors situation du ressenti de X lors de sa pratique. d'une durée de 2 heures, il a été intégralement enregistré sur cassettes audio, suite à l'accord de X. IV. 2. 2. 1. Avant l'enregistrement : le « contrat d'entretien » : Je signale mon admiration à X, pour ne pas me mettre en position de surplomb. Je l'informe que j'ai analysé son jeu, en particulier grâce au montage d'une bande vidéo (12 minutes d'extraits d'un match France-Cuba de Ligue Mondiale, où il a été très performant, qui constituera le support de l'entretien). Que je cherche à comprendre la combativité défensive des volleyeurs, et que j'ai déjà quelques interprétations, que je lui soumettrai, ayant observé des joueurs de différents niveaux de pratique, d'âges différents. Que je souhaite qu'il me livre son ressenti, ce qui est important pour lui, et que je ne le questionne pas directement sur les gestes, ni sur sa technique, ni sur le plan de la tactique. Que j'interviendrai parfois, pour lui faire préciser certains aspects, pour lui livrer mes impressions, mais je considèrerai que c'est lui, qui, in fine, a raison. Que je souhaite qu'il résiste, qu'il me contre e, sans complaisance, qu'il m'impose son point de vue. J'espère de sa part un retour sur son ressenti, comme s'il revivait ces moments, avec la plus grande sincérité/spontanéité possible, mais je l'informe que je n'étudie pas ces moments là en particulier, mais ce qu'il ressent en général en tant que défenseur. IV. 2. 2. 2. Conduite de l'entretien Il prend la forme d'un entretien compréhensif (Kaufmann, 1996) conduit selon une procédure d'autoconfrontation (Theureau, 1992) dont les verbatim sont intégralement transcrits.
50,955
06243ed94cb63975705f28eba54f4ced_11
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Jeunes dont le niveau d’études est plus élevé que celui de leurs parents
None
French
Spoken
7,730
13,040
Les seniors immigrés sont plus nombreux que leurs pairs natifs à avoir eu accès à des soins professionnels à domicile, un tiers seulement ayant reçu des soins informels à domicile (la plupart du temps non-dispensés par des membres de famille ou des amis). La plupart des seniors ayant besoin de soins professionnels à domicile n’y ont pas accès, qu’elles soient immigrées ou natives. D’après l’Enquête de l’UE sur le revenu et les conditions de vie, seuls 34 % en moyenne des ménages avec des immigrés âgés ayant besoin de soins professionnels à domicile bénéficient de tels services en 2016, contre 36 % des seniors nés dans le pays. La part varie de 60 % en France et aux Pays-Bas à 10 % dans les pays baltes, et est systématiquement plus faible pour les ménages avec des immigrés âgés. Dans la moitié des cas, les ménages n’ont pas bénéficié de soins professionnels à domicile pour leurs aînés, quel que soit le lieu de naissance, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens. Principaux résultats • La plupart des ménages avec des seniors ayant besoin de soins professionnels à domicile n’en bénéficient pas, qu’elles soient immigrées ou natives, les immigrés y accédant un peu moins. • En Suède, en Allemagne et dans la plupart des pays d’Europe Centrale et de l’Est, les ménages avec des immigrés âgés reçoivent autant de soins professionnels à domicile que ceux avec des natifs âgés, mais beaucoup moins dans la plupart des pays d’Europe du Sud et en Belgique. • Un ménage d’un seul immigré senior reçoit moins de soins professionnels à domicile qu’un ménage avec plusieurs immigrés, et l’inverse est vrai pour les personnes nées dans le pays. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  169 Graphique 6.9. Soins à domicile professionnels reçus Ménages comprenant une personne âgée de 65 ans et plus, 2016 Ménages comprenant uniquement des personnes âgées nées à l'étranger Ménages composés uniquement de personnes âgées nées dans le pays % 20 22 15 10 5 0 StatLink 2 https://stat.link/7f2swn Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  171 7 Intégration des jeunes de parents nés à l’étranger Les jeunes dont les parents sont nés à l’étranger et qui ont grandi et ont suivi leur scolarité dans le pays d’accueil se heurtent à des difficultés qui sont différentes de celles des immigrés arrivés à l’âge adulte. Le présent chapitre compare les résultats des descendants d’immigrés avec ceux des descendants de parents nés dans le pays et des immigrés arrivés pendant l’enfance. Il commence par examiner quelques caractéristiques générales qui permettent de situer les jeunes ayant des parents nés à l’étranger (indicateurs 7.1, 7.2 et 7.3), avant de s’intéresser à leur accès à l’éducation (7.4 et 7.5), à leur niveau scolaire (7.6 et 7.7), et à la façon dont ils vivent leur scolarité (7.8 et 7.9). Il dresse ensuite un état des lieux du niveau d’études des jeunes adultes (indicateur 3.1) et présente des indicateurs sur le passage de l’école à la vie active (7.11et 7.12), ainsi que sur la mobilité intergénérationnelle en termes d’éducation (7.13), le comportement sur le marché du travail (7.14 et 7.15) et les caractéristiques des emplois occupés (7.16 et 7.17). Il expose enfin des indicateurs sur les conditions de vie (indicateurs 7.18 et 7.19) et l’intégration sociale (7.20 et 7.21). LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 172  En bref La part des jeunes de parents nés à l’étranger augmente • Dans l’UE, 23 % des 15-34 ans sont eux-mêmes nés à l’étranger ou ont des parents qui sont nés à l’étranger. La part des jeunes nés dans le pays dont un parent au moins est né à l’étranger s’élève à 10 %. Dans l’OCDE, la part respective est de 28 %, dont la moitié est née dans le pays d’un parent au moins né à l’étranger. Parmi les enfants de moins de 15 ans, la part est légèrement plus élevée dans l’UE (25 %) et similaire dans l’OCDE (28 %). • Parmi les 15-34 ans, la part de jeunes ayant un parent né à l’étranger, ou les deux, a augmenté ces dix dernières années de 2.3 points de pourcentage dans l’UE, et de 2.6 points dans l’OCDE. • En Australie, en Nouvelle-Zélande, en Israël et dans la plupart des pays de l’UE à l’exception des pays germanophones, les jeunes (15-34 ans) d’ascendance mixte sont plus nombreux que ceux dont les deux parents sont nés à l’étranger. L’inverse est toutefois vrai pour les enfants de moins de 15 ans dans la plupart des pays d’immigration de longue date et des pays d’Europe du Sud, en Suède, en Norvège et au Canada. Les enfants d’immigrés continuent de rencontrer des difficultés à l’école mais il semble qu’ils soient en train de rattraper leur retard • Dans la plupart des pays, les enfants issus de ménages nés à l’étranger sont moins susceptibles que ceux issus de ménages nés dans le pays de fréquenter une structure d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE), mais leur taux de fréquentation a augmenté quasiment partout ces dix dernières années, venant combler l’écart avec les descendants de parents nés dans le pays. Dans l’UE, le bénéfice de l’enseignement préscolaire équivaut à quasiment une année de scolarité pour les enfants d’immigrés, soit bien plus que pour leurs camarades dont les parents sont nés dans le pays (moins d’un semestre). • Dans l’UE et l’OCDE, plus de la moitié des élèves dont les parents sont nés à l’étranger fréquentent des établissements scolaires à forte concentration d’enfants d’origine étrangère. Cette concentration s’est accentuée ces dix dernières années dans la quasi-totalité des pays, notamment au Royaume-Uni, en Italie et dans les pays nordiques. • En Amérique latine et en Europe, les compétences en compréhension de l’écrit des enfants d’immigrés sont plus faibles que celles de leurs camarades dont les parents sont nés dans le pays. L’inverse est vrai dans la plupart des autres pays non européens. • Dans l’UE, 29 % des élèves nés dans le pays de parents immigrés ne possèdent pas les compétences de base en compréhension de l’écrit, contre 38 % des élèves nés à l’étranger et 18 % des descendants de parents nés dans le pays. • Les descendants d’immigrés ont amélioré leurs résultats en compréhension de l’écrit dans l’OCDE comme dans l’UE, tandis que les descendants de parents nés dans le pays affichent des résultats relativement stables, venant ainsi combler en partie l’écart entre les deux groupes. • Cet écart persiste toutefois dans la plupart des pays, indépendamment du niveau socioéconomique des effectifs des établissements scolaires, sauf en Italie, en France, au Costa Rica, en Espagne et au Royaume-Uni, où les disparités s’estompent. • Si l’on ne tient compte que des élèves défavorisés, dans la plupart des pays la part des élèves très performants en compréhension de l’écrit est plus élevée chez les descendants d’immigrés que chez les descendants de parents nés dans le pays, bien que cela ne soit pas le cas dans les pays non européens, au Royaume-Uni et en France. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  173 • Dans l’UE, les jeunes adultes descendants d’immigrés sont moins susceptibles que ceux dont les parents sont nés dans le pays d’avoir un niveau d’études élevé (32 % contre 40 %) et plus susceptibles d’avoir un faible niveau d’études (21 % contre 14 %). L’inverse est vrai dans les pays non-membres de l’UE. La part des jeunes adultes très instruits dont les parents sont nés à l’étranger a augmenté dans l’UE et l’OCDE ces dix dernières années. • Dans l’UE, les jeunes nés dans le pays d’un parent au moins né à l’étranger sont plus susceptibles d’afficher un niveau d’études supérieur à celui de leurs parents que les descendants de parents nés dans le pays. • Le taux de décrochage des descendants d’immigrés est de 11 % dans l’UE, soit davantage que parmi les descendants de parents nés dans le pays dans la plupart des pays de l’UE, et de 8 % au Japon, soit bien plus aussi que parmi les descendants de parents nés dans le pays. Les taux sont généralement plus élevés chez les garçons. Ils ont diminué au cours des huit dernières années, quel que soit le pays d’origine des parents. Les descendants d’immigrés rattrapent leur retard sur le marché du travail • Environ 17 % des jeunes descendants d’immigrés dans l’OCDE comme dans l’UE sont sans emploi et sortis du système éducatif. Dans la quasi-totalité des pays de l’UE, ce taux est plus élevé que chez les descendants de parents nés dans le pays, bien que cela ne soit pas le cas partout en dehors de l’UE. • Dans la plupart des pays, les jeunes descendants d’immigrés sont moins susceptibles d’occuper un emploi que les descendants de parents nés dans le pays, et plus susceptibles d’être au chômage. L’écart d’emploi est le plus marqué en Belgique et en Espagne. Il est partiellement comblé parmi les personnes très instruites, sauf aux États-Unis et en France, entre autres. • Malgré la crise du COVID-19, les descendants d’immigrés ont enregistré de meilleurs résultats sur le plan professionnel en 2020 qu’en 2012. Avec des taux d’emploi plus élevés et des taux de chômage plus faibles, surtout dans les pays où l’on observe des résultats médiocres, l’écart s’est réduit avec les descendants de parents nés dans le pays. Aux États-Unis toutefois, le taux de chômage des descendants d’immigrés a augmenté. • Dans l’UE, les 25-34 ans très instruits de parents nés à l’étranger sont près d’un quart à être surdiplômés pour l’emploi qu’ils occupent. Dans la plupart des pays européens d’immigration de longue date, mais pas en dehors de l’Europe en général, les jeunes descendants d’immigrés sont plus susceptibles d’être déclassés que les descendants de parents nés dans le pays. • Ils sont en outre sous-représentés dans les services publics dans la plupart des pays, notamment dans l’UE, mais ce n’est pas le cas en Israël, au Royaume-Uni et en Suède. La discrimination intersectionnelle et les conditions de vie plus difficiles restent des défis majeurs • Dans la quasi-totalité des pays, les enfants de moins de 16 ans issus de ménages immigrés sont plus susceptibles de vivre dans une situation de pauvreté relative que ceux issus de ménages natifs. Leur taux de pauvreté relative est supérieur d’au moins 50 % dans la plupart des pays. • Dans l’UE, plus d’un tiers des enfants issus d’un ménage immigré vit dans un logement surpeuplé, par rapport à moins d’un enfant sur cinq issu d’un ménage natif. Cet écart disparaît à l’âge de 25 ans. • Dans l’UE, plus d’un descendant d’immigrés sur cinq a le sentiment d’appartenir à un groupe victime de discrimination sur la base de l’origine ethnique ou raciale, ou de la nationalité. Ils sont en effet plus susceptibles d’avoir ce sentiment que les adultes nés à l’étranger, sauf en Israël, en Autriche et aux États-Unis. Cette situation peut s’expliquer par une meilleure connaissance de leurs droits et une plus grande vigilance face aux pratiques discriminatoires. • La discrimination perçue a augmenté entre les périodes 2010-14 et 2016-20, sous l’effet de niveaux accrus parmi les groupes exposés à la discrimination intersectionnelle, notamment les femmes, les jeunes dont les parents ne sont pas originaires de l’UE et les individus élevés dans une langue étrangère. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 174  7.1. Jeunes de 15 à 34 ans de parents nés à l’étranger Contexte On distingue quatre catégories de jeunes de parents nés à l’étranger : a) les jeunes nés dans le pays de deux parents nés à l’étranger ; b) les jeunes nés dans le pays qui sont issus d’un couple mixte (un parent né dans le pays et l’autre à l’étranger) ; c) les jeunes nés à l’étranger qui ont immigré pendant l’enfance (ils sont arrivés dans le pays d’accueil avant l’âge de 15 ans) ; d) les jeunes nés à l’étranger qui ont immigré à l’âge adulte (15 ans ou plus, ils ne sont pas la cible du présent chapitre). Les descendants de parents nés dans le pays sont donc les jeunes nés dans le pays dont les deux parents sont nés dans le pays. Dans l’UE, 23 % des jeunes âgés de 15 à 34 ans sont eux-mêmes nés à l’étranger ou ont des parents qui sont nés à l’étranger. Ils sont 10 % à être nés dans le pays, parmi lesquels 4 % ont deux parents nés à l’étranger et 6 % sont issus d’un couple mixte. En outre, 3 % sont arrivés enfants, et 10 % à l’âge adulte. Dans les pays de l’OCDE, la part des jeunes de parents nés à l’étranger est plus élevée, s’établissant à 28 %. Parmi eux, 8 % sont des descendants d’immigrés, 6 % sont d’ascendance mixte, 5 % ont immigré enfants, et 10 % sont arrivés à l’âge adulte. Les jeunes (qu’ils soient nés dans le pays ou à l’étranger) dont au moins un parent est né à l’étranger représentent 22 millions de personnes dans l’UE et 60 millions dans l’OCDE ; 42 % vivent aux ÉtatsUnis, 10 % en Allemagne, 7 % en France et au Royaume-Uni, et 5 % au Canada et en Australie. Les pays qui accueillent au total les plus grandes parts de jeunes nés à l’étranger sont aussi ceux où la part des jeunes ayant des parents nés à l’étranger est la plus élevée. Plus de la moitié des jeunes au Luxembourg, en Australie et en Suisse sont d’origine immigrée, de même que 45 % en Nouvelle-Zélande et près de 40 % en Suède, au Canada et en Autriche. La part des jeunes nés dans le pays d’un parent au moins né à l’étranger reste supérieure à 15 % dans les autres pays d’immigration de longue date. Dans un certain nombre de pays, ce groupe est numériquement supérieur à celui des jeunes nés à l’étranger, comme par exemple en Israël, en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis. En Australie, en Nouvelle-Zélande, en Israël et dans la plupart des pays de l’UE, les jeunes d’ascendance mixte sont plus nombreux que ceux dont les deux parents sont nés à l’étranger, alors que l’inverse est vrai dans les pays germanophones, aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada. Dans la plupart des pays de l’UE et en Australie, les jeunes immigrés qui sont arrivés à l’âge adulte sont deux fois plus nombreux que ceux arrivés pendant l’enfance, tandis que les chiffres respectifs sont très similaires aux États-Unis et au Canada. Ces dix dernières années, dans les pays pour lesquels des données sont disponibles, la part des descendants d’immigrés dans le total des jeunes a augmenté de 2.3 points de pourcentage dans l’UE et de 2.6 points dans l’OCDE. Dans l’UE, la hausse a été analogue à celle des jeunes nés à l’étranger. En revanche, la part des jeunes immigrés a diminué aux États-Unis, en Israël et dans tous les pays européens extracommunautaires. La part des descendants avec au moins un parent né à l’étranger a augmenté dans la plupart des pays, les hausses les plus marquées étant observées aux États-Unis (3.4 points de pourcentage), en Espagne (3.5 points), en Finlande (4 points) et en Autriche (6 points). Toutefois, leur part a légèrement diminué en Australie et en France, et a chuté de 7 points de pourcentage en Israël. Principaux résultats • Dans l’UE, 23 % des 15-34 ans sont d’origine immigrée. Cette part est de 28 % dans l’OCDE, où la moitié a au moins un parent qui est né à l’étranger et l’autre moitié est née à l’étranger et a immigré dans le pays d’accueil. • En Australie, en Nouvelle-Zélande, en Israël et dans les pays de l’UE, à l’exception des pays germanophones, les jeunes nés dans le pays qui sont issus d’un couple mixte sont plus nombreux que ceux dont les deux parents sont nés à l’étranger. • La part des descendants d’immigrés a augmenté de 2.3 points de pourcentage dans l’UE et de 2.6 points dans l’OCDE, soit une progression analogue dans l’UE à celle des jeunes immigrés. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  175 Graphique 7.1. Part de jeunes de parents nés à l’étranger 15-34 ans, 2021 % 60 Nés dans le pays de deux parents immigrés Nés à l’étranger, arrivés pendant l’enfance Nés dans le pays avec des origines mixtes Nés à l’étranger, arrivés à l’âge adulte NE: 49 50 40 30 20 10 0 StatLink 2 https://stat.link/isp5vb Graphique 7.2. Évolution de la population de jeunes 15-34 ans, entre 2012 et 2021 Nés dans le pays d'un ou deux parents nés à l'étranger Nés à l’étranger Évolution en points de pourcentage 15 10 5 0 -5 -10 StatLink 2 https://stat.link/79yfes Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 176  7.2. Enfants de moins de 15 ans de parents nés à l’étranger Contexte On distingue trois catégories d’enfants de moins de 15 ans de parents nés à l’étranger : a) les enfants nés dans le pays de deux parents nés à l’étranger ; b) les enfants nés dans le pays qui sont issus d’un couple mixte (un parent est né dans le pays et l’autre à l’étranger) ; et c) les enfants nés à l’étranger. Dans l’UE, un enfant sur quatre (13.5 millions) est né à l’étranger ou a des parents qui sont nés à l’étranger : 12 % ont leurs deux parents qui sont nés à l’étranger, 8 % sont issus d’un couple mixte, et seulement 4 % sont eux-mêmes nés à l’étranger. Dans la zone OCDE, la part des enfants qui sont nés à l’étranger ou dont les parents sont nés à l’étranger est plus élevée (28 %), en raison de la part plus importante (15 %) d’enfants dont les deux parents sont nés à l’étranger. Sur les 37 millions d’enfants de parents nés à l’étranger dans l’OCDE, 43 % résident aux États-Unis, environ 10 % au Royaume-Uni et en Allemagne, et 8 % en France. Au Luxembourg, près de quatre enfants sur cinq (78 %) sont d’origine immigrée, soit de loin la proportion la plus élevée dans l’UE et l’OCDE. Leur part est également relativement élevée à Chypre, en Autriche et en Australie, avec plus de deux enfants sur cinq. En revanche, dans les pays d’Europe centrale et orientale, où la population immigrée est beaucoup moins nombreuse et vieillissante, seul un enfant sur cinq est d’origine immigrée, principalement d’ascendance mixte. En outre, les enfants dont les deux parents sont nés à l’étranger sont plus nombreux que ceux qui sont issus d’un couple mixte dans tous les pays d’immigration de longue date (à l’exception des Pays-Bas), dans la plupart des pays d’Europe du Sud, en Suède, en Norvège et au Canada. À l’inverse, les jeunes adultes d’origine étrangère en Europe sont majoritairement issus de couples mixtes, sauf dans les pays germanophones (voir l’indicateur 7.1). Ces dix dernières années, la part des enfants descendants d’immigrés a considérablement augmenté dans tous les pays, à l’exception de la Grèce et des pays d’Europe centrale et orientale. Dans l’UE, la hausse est de 4 points de pourcentage, soit deux fois plus que chez les 15-34 ans. C’est en Norvège (+9 points), en Finlande (+10 points) et à Chypre (+11 points) que la hausse a été la plus marquée. Le Danemark, l’Italie et l’Irlande ont également enregistré de fortes hausses, quoique dans une moindre mesure. En revanche, la part des enfants nés à l’étranger est restée relativement stable dans l’ensemble de l’UE, moins d’un quart des pays ayant enregistré une hausse significative. Les progressions les plus fortes, de 5 points de pourcentage environ, sont observées au Luxembourg, ainsi qu’en Suède et en Allemagne, qui ont accueilli en 2015‑16 des effectifs comparativement importants de migrants pour raisons humanitaires. En revanche, l’Irlande, l’Espagne et la Grèce sont parmi les rares pays enregistrant une baisse de la part d’enfants nés à l’étranger. Principaux résultats • Dans l’UE, un enfant sur quatre est né à l’étranger ou a des parents qui sont nés à l’étranger. La moitié d’entre eux ont leurs deux parents qui sont nés à l’étranger, un tiers sont issus d’un couple mixte et un sixième sont nés à l’étranger. Dans l’OCDE, la part des enfants de parents nés à l’étranger est encore plus élevée, s’établissant à 28 %. • À la différence des 15-34 ans, les enfants de moins de 15 ans dont les deux parents sont nés à l’étranger sont plus nombreux que ceux d’ascendance mixte dans tous les pays d’immigration de longue date (à l’exception des Pays-Bas), dans la plupart des pays d’Europe du Sud, ainsi qu’en Suède, en Norvège et au Canada. • La part des enfants descendants d’immigrés a augmenté de 4 points de pourcentage dans l’UE, tandis que celle des enfants nés à l’étranger est restée stable. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  177 Graphique 7.3. Enfants de parents nés à l’étranger 0-14 ans, 2020 Nés dans le pays de deux parents immigrés Nés dans le pays avec des origines mixtes Nés à l’étranger NE: 21 NP avec des origines mixtes: 16 % 50 40 30 20 10 0 StatLink 2 https://stat.link/c1f5ox Graphique 7.4. Évolution de la population d’enfants 0-14 ans, entre 2010 et 2020 Nés dans le pays d'un ou deux parents nés à l'étranger Nés à l’étranger Évolution en points de pourcentage 15 10 5 0 -5 -10 StatLink 2 https://stat.link/3nv18x Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 178  7.3. Régions d’origine des parents Contexte Dans le contexte de l’OCDE, une région d’origine correspond à un groupe de pays d’origine (voir le glossaire pour le détail des régions). La région d’origine des parents est la région de naissance du père pour les enfants nés dans le pays de deux parents nés à l’étranger (15-34 ans) et le pays de naissance pour les enfants nés à l’étranger qui sont arrivés dans le pays d’accueil pendant l’enfance (avant l’âge de 15 ans). Les descendants d’immigrés originaires de l’UE sont ceux dont au moins un parent est né dans un autre pays membre de la zone européenne de libre circulation. Dans l’ensemble de l’UE, 51 % des jeunes descendants de deux parents immigrés ont un père qui est né en Europe, 26 % en Afrique, 18 % en Asie et 5 % en Amérique latine. Au niveau des pays, les jeunes natifs dont le père est originaire d’Afrique constituent le groupe le plus important en France (65 %), au Portugal (55 %) et en Belgique (52 %), tandis que l’origine asiatique du père est la plus répandue au Danemark (45 %). L’Europe est la région d’origine la plus représentée dans les pays de l’UE, sauf en Espagne. En ce qui concerne les personnes nées à l’étranger qui sont arrivées dans l’UE alors qu’elles étaient enfants, 52 % viennent de régions non européennes, en particulier l’Asie (21 %), l’Amérique latine (16 %) et l’Afrique (14 %). Dans l’UE, le fait d’avoir un parent né dans un autre pays de l’UE est beaucoup plus fréquent parmi les jeunes nés dans le pays qui sont issus d’un couple mixte (un parent né dans le pays et l’autre à l’étranger) que chez ceux dont les deux parents sont nés à l’étranger. Si 48 % des enfants d’ascendance mixte qui sont nés dans le pays ont un parent qui est né dans l’UE- ou l’AELE-, c’est le cas de 18 % seulement des enfants nés dans le pays de deux parents nés à l’étranger. Aux États-Unis, environ neuf descendants de deux parents immigrés sur dix ont un père originaire d’Amérique latine (67 %) ou d’Asie (24 %), les autres venant d’Afrique et d’Europe (4 % dans les deux cas). Il en va de même pour les jeunes nés à l’étranger qui ont immigré aux États-Unis pendant l’enfance, huit sur dix étant originaires d’Amérique latine et d’Asie (54 % et 26 %, respectivement), les autres venant d’Europe (12 %) et d’Afrique (6 %). Au Canada et en Australie, environ 45 % des descendants d’immigrés ont un père qui est né en Asie. Pour ce qui est des régions d’origine des pères, la plus grande diversité est observée au Canada et aux Pays-Bas, tandis qu’au Luxembourg la plupart des descendants d’immigrés sont originaires de l’UE. Les données relatives à l’UE ne sont pas comparables dans le temps en raison de changements de définitions intervenus en Allemagne. Aux États-Unis, les régions d’origine des pères dont les enfants sont nés dans le pays sont restées globalement stables ces dix dernières années. Au Canada, en revanche, la part des descendants d’immigrés européens a diminué de 8 points de pourcentage entre 2011 et 2016, tandis que celle des descendants d’immigrés originaires de toutes les autres régions a augmenté, en particulier pour l’Asie. Principaux résultats • Dans l’UE, 65 % des jeunes nés dans le pays de deux parents immigrés ont leur père qui est né en dehors de l’Europe, tandis que 47 % des jeunes nés à l’étranger qui ont immigré enfants viennent de pays non européens. • Aux États-Unis, les deux tiers des descendants d’immigrés ont un père originaire d’Amérique latine. En Australie et au Canada, près d’un descendant d’immigrés sur deux a un père qui est né en Asie. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  179 Graphique 7.5. Régions d’origine du père, jeunes de parents nés à l’étranger 15-34 ans, 2020 Amérique du Nord & Océanie Asie 0% Amérique du Nord & Océanie Europe 5% 18% Afrique 1% 4% 4% Asie Europe Amérique latine Union européenne Nés dans le pays de deux parents immigrés 24% États-Unis Nés dans le pays de deux parents immigrés 51% 67% 26% Amérique latine Afrique Amérique du Nord & Océanie 1% Amérique du Nord & Océanie Europe Europe 2% 12% 16% Afrique 6% Amérique latine 21% Asie Union européenne Nés à l’étranger, arrivés pendant l’enfance 48% 54% 14% États-Unis Nés à l’étranger, arrivés pendant l’enfance 26% Amérique Asie Afrique StatLink 2 https://stat.link/ck92np Graphique 7.6. Régions d’origine du père, jeunes de parents nés à l’étranger, par pays 15-34 ans, 2020/21 Afrique Asie L'Amérique latine et les Caraïbes États-Unis, Canada et Océanie Europe dont UE États-Unis Portugal France Total OCDE (29) Canada Espagne Pays-Bas Australie Danemark Belgique Suède Italie Finlande Total UE (27) Irlande Allemagne Suisse République… Grèce Hongrie Autriche Luxembourg Lettonie Estonie % 0 100 0 100 0 100 0 100 0 100 StatLink 2 https://stat.link/01w48v Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 180  7.4. Éducation et accueil des jeunes enfants (EAJE) Contexte Les données montrent que les enfants, en particulier ceux défavorisés, qui fréquentent les structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, ont plus de chances de réussir, à l’école puis à l’âge adulte sur le marché du travail. L’EAJE joue un rôle encore plus important pour les enfants d’immigrés, qui ont des liens plus ténus avec la langue du pays d’accueil dans la petite enfance. Le taux de fréquentation des services formels d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, définis comme des services d’accueil payants pour les enfants de 2 à 5 ans et fournis soit dans le cadre de structures organisées (école maternelle et garderie, par exemple), soit en vertu d’un accord passé entre les parents et le prestataire, même si l’accueil se limite à quelques heures par semaine. Dans l’UE, la grande majorité (88 %) des enfants de ménages immigrés bénéficient de services d’éducation et d’accueil de la petite enfance, tandis que c’est le cas de moins des deux tiers d’entre eux aux États-Unis et en Australie. Dans la plupart des pays, le taux de fréquentation à l’EAJE parmi les enfants de ménages immigrés est inférieur à celui des enfants de ménages natifs. C’est particulièrement vrai à Chypre, aux Pays-Bas et en Italie. Dans les pays germanophones, en Espagne ou aux États-Unis, on n’observe toutefois pas de différence significative entre les deux groupes en termes d’accès à l’EAJE. Si la fréquentation à l’EAJE a augmenté ces dix dernières années dans deux tiers des pays, elle a augmenté parmi les enfants de ménages immigrés dans la quasi-totalité d’entre eux, réduisant, voire comblant, l’écart avec les enfants de ménages natifs. Dans l’UE (en Espagne notamment) et en Norvège, la hausse est plus de 2.5 fois supérieure à celle enregistrée parmi les enfants issus de ménages natifs. La fréquentation à l’EAJE de ces derniers a même baissé au Royaume-Uni, en Suisse, en Belgique et aux États-Unis, alors qu’elle a augmenté chez les ménages immigrés. L’accès à l’EAJE dépend de l’offre de services préscolaires (plus faible hors Europe) et de leur coût (généralement plus élevé hors Europe). Il se peut aussi que les normes de genre dans les pays d’origine limitent le recours des parents à l’EAJE, par exemple si l’éducation des enfants repose entièrement sur les mères, réduisant ainsi leur taux d’activité. Dans l’UE, la fréquentation à l’EAJE est inférieure de 3 points de pourcentage dans les ménages de pays tiers, par rapport aux ménages nés dans l’UE. Cette sous-représentation dans l’EAJE est particulièrement problématique parce que les enfants qui bénéficient d’un enseignement préscolaire obtiennent à l’âge de 15 ans de meilleurs résultats au PISA en compréhension de l’écrit, même après prise en compte du milieu socioéconomique. Dans l’UE, le bénéfice de l’enseignement préscolaire dans ce cadre correspond à près d’une année de scolarité (37 points) pour les enfants d’immigrés, beaucoup plus que pour leurs camarades dont les parents sont nés dans le pays (15 points seulement). C’est en Allemagne et en Italie que le bénéfice est le plus grand, avec près de 1.5 année de scolarité, ainsi qu’en Autriche et au Portugal (1 année), soit plus que pour les descendants de natifs. En Australie, en Amérique du Nord et aux Pays-Bas, le bénéfice de l’enseignement préscolaire est généralement moindre pour les deux groupes (environ 10 points dans les deux cas). Principaux résultats • Si la grande majorité des enfants de ménages immigrés fréquentent l’EAJE en Europe, dans la plupart des pays, leur taux de fréquentation est inférieur à celui des enfants de ménages natifs. • Si l’accès à l’EAJE augmente ces dix dernières années dans la moitié des pays, elle hausse dans presque tous chez les enfants de ménages immigrés, résorbant la plupart de l’écart. • Dans l’UE, le bénéfice de l’enseignement préscolaire équivaut à presque une année de scolarité à 15 ans pour les enfants d’immigrés, bien plus que pour leurs camarades de parents natifs (moins d’un semestre). Le bénéfice est moindre pour les deux aux Pays-Bas et hors l’Europe. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  181 Graphique 7.7. Taux de fréquentation des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants selon l’origine des parents ou tuteurs 2-5 ans, 2020 Les personnes responsables du ménage sont nées à l’étranger Les personnes responsables du ménage sont nées dans le pays % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 StatLink 2 https://stat.link/49ylts Graphique 7.8. Évolution du taux de fréquentation des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants 2-5 ans, entre 2010 et 2020 Les personnes responsables du ménage sont nées à l’étranger Les personnes responsables du ménage sont nées dans le pays Allemagne Chypre Belgique États-Unis Luxembourg Suisse Autriche Total OCDE (25) Royaume-Uni France Total UE (23) Italie Irlande Norvège Espagne Grèce -10 0 Évolution en points de pourcentage 10 20 StatLink 2 https://stat.link/8pwdag Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 182  7.5. Concentration dans les établissements scolaires d’élèves de parents nés à l’étranger Contexte La forte concentration dans les établissements scolaires d’élèves d’origine étrangère peut avoir un impact négatif sur les progrès d’apprentissage de ces élèves si elle s’accompagne d’une concentration de handicaps socioéconomiques. La présente section examine la part des élèves nés à l’étranger ou dont au moins l’un des parents est né à l’étranger qui fréquentent des établissements scolaires situés dans le quartile supérieur en termes de concentration d’élèves de parents nés à l’étranger. Dans l’UE et l’OCDE, plus de la moitié des élèves de 15 ans dont un parent au moins est né à l’étranger fréquentent des établissements scolaires situés dans le quartile supérieur en termes de proportion d’élèves de parents nés à l’étranger. Cette concentration est particulièrement élevée dans les pays comptant une faible population immigrée. En Türkiye et dans la plupart des pays de l’OCDE en Europe centrale, en Amérique latine et en Asie, au moins 60 % des enfants d’immigrés fréquentent des établissements scolaires à forte concentration d’élèves d’origine étrangère. Cette proportion dépasse 70 % au Japon, en Pologne et en Corée. La concentration des enfants d’immigrés dans les mêmes établissements scolaires est beaucoup moins forte dans les pays comptant une part élevée de personnes d’origine immigrée, comme dans les pays d’installation ou les pays d’immigration européens de longue date. Au Luxembourg, en Irlande, en Suisse et en Nouvelle-Zélande, moins de 40 % des élèves ayant des parents nés à l’étranger fréquentent des établissements scolaires à forte concentration d’enfants de parents nés à l’étranger. Toutefois, la concentration reste supérieure à la moyenne de l’OCDE au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans les pays baltes. À l’exception des pays baltes (hors Estonie), du Mexique et d’Israël, la part des élèves dont au moins un parent est né à l’étranger a augmenté dans l’OCDE et dans l’UE entre 2009 et 2018. Dans de nombreux pays, la hausse a été presque deux fois plus marquée dans les établissements à forte concentration d’élèves d’origine étrangère que dans les autres. Globalement, les plus fortes augmentations sont observées au Royaume-Uni, en Italie et dans les pays nordiques. En effet, dans la plupart des pays, la concentration des enfants de parents nés à l’étranger dans les établissements scolaires était plus forte en 2018 qu’en 2009 ; cela n’a cependant pas été le cas dans les pays où les populations d’origine étrangère sont plus dispersées, comme au Luxembourg et en Nouvelle-Zélande. Cette concentration a en réalité diminué ces dix dernières années en Grèce et n’a pas augmenté de manière significative aux Pays-Bas, en Suisse ou au Canada. Parmi les pays où la part des élèves dont les parents sont nés à l’étranger a diminué, c’est dans les établissements à très forte concentration d’élèves d’origine étrangère que la baisse a été la plus marquée, ce qui semble indiquer une diminution de la concentration de ces élèves dans les établissements scolaires. Principaux résultats • Dans l’OCDE et l’UE, plus de la moitié des élèves dont les parents sont nés à l’étranger fréquentent des établissements scolaires accueillant les plus fortes proportions d’enfants également d’origine étrangère. La concentration de ces enfants dans les établissements scolaires est en réalité plus forte dans les pays comptant une faible population immigrée. • La concentration des élèves de parents nés à l’étranger s’est accentuée ces dix dernières années dans la plupart des pays, notamment au Royaume-Uni, en Italie et dans les pays nordiques. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  183 Graphique 7.9. Concentration des enfants d’immigrés dans les établissements scolaires Élèves de 15 ans dont au moins un parent est né à l’étranger et qui fréquentent des établissements scolaires situés dans le quartile supérieur en termes de concentration d’enfants d’immigrés, 2018 % 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 StatLink 2 https://stat.link/v62nwc Graphique 7.10. Évolution de la concentration des enfants d’immigrés dans les établissements scolaires Élèves de 15 ans ayant au moins un parent né à l’étranger, entre 2009 et 2018 Augmentation dans des écoles du quartile supérieur en termes de concentration d’élèves issus de l’immigration Augmentation dans d'autres écoles Évolution en points de pourcentage 25 20 15 10 5 0 -5 -10 StatLink 2 https://stat.link/5vf3n8 Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 184  7.6. Compréhension de l’écrit Contexte Savoir lire et écrire est essentiel pour maximiser ses chances dans la vie. Les résultats en compréhension de l’écrit dans la langue du pays de résidence sont tirés des tests PISA de l’OCDE réalisés à 15 ans. Un écart de 40 points équivaut à une année de scolarité environ. Dans la quasi-totalité des pays d’Europe et d’Amérique latine, les descendants d’immigrés sont à la traîne par rapport aux descendants de parents nés dans le pays. Dans l’ensemble de l’UE, l’écart de résultats en compréhension de l’écrit atteint 34 points, soit près d’une année de scolarité, et dépasse une année par exemple dans tous les pays nordiques et les pays européens d’immigration de longue date (sauf au Royaume-Uni). Dans la plupart des pays non européens en dehors de l’Amérique latine, en revanche, les descendants d’immigrés obtiennent de meilleurs résultats que les descendants de parents nés dans le pays. En ce qui concerne les jeunes de 15 ans nés à l’étranger, ils accusent presque partout un retard par rapport aux deux groupes précédents. Ces dix dernières années, les résultats en compréhension de l’écrit des descendants d’immigrés se sont améliorés dans les deux tiers des pays. Dans l’UE, ils ont progressé de 8 points, tandis que ceux des descendants de parents nés dans le pays ont été relativement stables dans l’UE comme dans l’OCDE. Aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et au Canada, par exemple, où les élèves descendants d’immigrés ont amélioré leurs résultats en compréhension de l’écrit d’au moins 13 points, ces derniers sont désormais plus performants que les descendants de parents nés dans le pays. Dans certains pays de l’UE, en revanche, leurs résultats baissent plus fortement que ceux de leurs pairs dont les parents sont nés dans le pays ; c’est le cas en Finlande, aux Pays-Bas et en Grèce, où le recul est de plus de 35 points. Le milieu socioéconomique souvent moins favorisé des familles immigrées est un obstacle dans l’acquisition par les enfants de la lecture et de l’écriture. Dans l’OCDE, les élèves considérés comme les plus défavorisés selon l’indice PISA de statut économique, social et culturel (SESC, qui se fonde sur la situation familiale) ont un retard de plus de deux ans de scolarité par rapport aux élèves privilégiés, quelle que soit l’origine des parents. Hors UE, les élèves défavorisés descendants d’immigrés ont de meilleurs résultats en compréhension de l’écrit que les élèves défavorisés de parents natifs. Dans l’UE et au Royaume-Uni, leurs résultats sont similaires. Dans les pays non européens et au Luxembourg, si les élèves favorisés descendants d’immigrés ont de meilleurs résultats que leurs pairs de parents natifs, ce n’est pas le cas en Europe, où les enfants d’immigrés restent à la traîne. Une fois neutralisés les effets du SESC, l’écart en compréhension de l’écrit entre les descendants d’immigrés et de natifs disparaît en Espagne et au Royaume-Uni et diminue de moitié dans l’UE, même s’il reste de 19 points (un semestre de scolarité). Les élèves descendants d’immigrés qui parlent une langue étrangère à la maison ont plus de mal en compréhension de l’écrit. Hors Europe, ils accusent un retard d’un semestre par rapport à ceux qui parlent la langue du pays d’accueil à la maison. Dans l’UE, ce retard va jusqu’à une année de scolarité. Principaux résultats • En Amérique latine et en Europe, les descendants de parents nés dans le pays obtiennent de meilleurs résultats en compréhension de l’écrit que les descendants d’immigrés. L’inverse est vrai dans la plupart des autres pays non européens. • Les descendants d’immigrés ont amélioré leur compréhension de l’écrit dans l’OCDE et dans l’UE, tandis que les descendants de natifs affichent des résultats relativement stables. • Après neutralisation des effets du statut socioéconomique, l’écart de résultats en compréhension de l’écrit entre les descendants d’immigrés et les descendants de parents nés dans le pays diminue de moitié dans l’UE, même s’il est encore d’un semestre, principalement parce que les élèves privilégiés dont les parents sont nés à l’étranger restent à la traîne derrière leurs pairs dont les parents sont nés dans le pays. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  185 Graphique 7.11. Moyenne des résultats au test PISA en compréhension de l’écrit Élèves de 15 ans, 2018 Nés dans le pays de deux parents immigrés Nés dans le pays de deux parents nés dans le pays Nés à l’étranger Points 550 500 450 400 350 300 StatLink 2 https://stat.link/3da78r Graphique 7.12. Évolution des résultats moyens au test PISA en compréhension de l’écrit Élèves de 15 ans, entre 2009 et 2018 Nés dans le pays de deux parents immigrés Nés dans le pays de deux parents nés dans le pays Finlande Pays-Bas Grèce Suisse Hongrie Costa Rica Mexique Australie Lettonie Italie Norvège Danemark Irlande Royaume-Uni Espagne Belgique Israël Lituanie Portugal Croatie Total UE (26) Brésil Luxembourg République tchèque France Canada Slovénie Total OCDE (38) Suède Autriche Nouvelle-Zélande Allemagne Estonie États-Unis -40 -30 -20 -10 0 10 Évolution en points de pourcentage 20 30 StatLink 2 https://stat.link/lmqpox Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023 186  7.7. Élèves de 15 ans ne possédant pas les compétences de base en compréhension de l’écrit Contexte Les descendants d’immigrés ne possédant pas les compétences de base en compréhension de l’écrit ont du mal à s’insérer sur le marché du travail et à comprendre la société d’accueil. Ces élèves (peu performants), à l’âge de 15 ans, obtiennent aux évaluations du PISA en compréhension de l’écrit des résultats qui ne dépassent pas le niveau 1 (soit 407 points). La part des élèves résilients correspond au pourcentage d’élèves les plus défavorisés selon l’indice PISA de statut économique, social et cultuel (SESC, voir l’indicateur7.6) dont les résultats en compréhension de l’écrit se situent dans le quartile supérieur des élèves. Dans l’UE, 29 % des descendants d’immigrés ne possèdent pas les compétences de base en compréhension de l’écrit à 15 ans, une part plus élevée que chez les descendants de parents nés dans le pays (18 %), mais bien inférieure à celle des enfants immigrés (38 %). Dans les pays d’installation et en Türkiye, en revanche, les jeunes de 15 ans nés dans le pays de parents nés à l’étranger sont légèrement moins susceptibles d’obtenir de mauvais résultats scolaires que leurs pairs de parents natifs, ce qui va à rebours de tous les pays européens (sauf la Hongrie) et d’Amérique latine. Au Mexique et dans un tiers des pays européens, l’écart est supérieur à 15 points de pourcentage, notamment dans les pays nordiques et les pays d’immigration de longue date. Dans l’OCDE et l’UE, la part des élèves peu performants à l’école a légèrement diminué (d’environ 1 point de pourcentage) ces dix dernières années parmi les descendants d’immigrés, alors qu’elle a augmenté chez les élèves descendants de parents nés dans le pays. Les élèves de 15 ans du quartile inférieur du SESC ont plus souvent les compétences de base en compréhension de l’écrit, même si certains ont des résultats du quartile supérieur. Dans l’UE, la part de descendants d’immigrés résilients est de 10 %, un peu moins que parmi les enfants de natifs. Hors Europe, au Royaume-Uni et en France, les enfants défavorisés de parents immigrés ont de meilleurs résultats que ceux de parents natifs. Ils sont à la traîne dans les autres pays européens, avec des écarts atteignant 10 points de pourcentage dans les pays nordiques, en Estonie et au Luxembourg. La part des descendants d’immigrés résilients a augmenté d’environ 4 points dans l’OCDE et dans l’UE ces dix dernières années. Outre leur SESC, le retard des enfants d’immigrés par rapport aux enfants de natifs est souvent dû au fait que nombre d’entre eux fréquentent des établissements en zones défavorisées (selon le SESC des établissements, c’est-à-dire le SESC moyen des élèves dans chaque établissement). Dans la plupart des pays, toutefois, l’écart en compréhension de l’écrit entre descendants d’immigrés et de natifs persiste dans les établissements scolaires, quel que soit le SESC. L’écart se comble en grande partie en Italie, au Costa Rica, en Espagne, en France et au Royaume-Uni, après prise en compte du SESC des écoles. Principaux résultats • Dans l’UE, 29 % des descendants d’immigrés n’ont pas les compétences de base en compréhension de l’écrit, contre 38 % des élèves immigrés et 18 % des descendants de natifs. Les descendants d’immigrés sont également plus susceptibles d’obtenir de mauvais résultats en Amérique latine, mais moins susceptibles dans d’autres pays non européens. • Dans la plupart des pays, la part des élèves très performants en compréhension de l’écrit parmi les élèves défavorisés est plus forte chez les descendants de natifs que chez les descendants d’immigrés. Ça n’est pas le cas dans les pays non européens, au Royaume-Uni et en France. • L’écart en compréhension de l’écrit entre les élèves descendants d’immigrés et ceux dont les parents sont nés dans le pays persiste dans la plupart des pays après prise en compte de la situation socioéconomique des effectifs des établissements. L’écart se réduit toutefois en Italie, au Costa Rica, en Espagne, en France et au Royaume-Uni. LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023  187 Graphique 7.13. Élèves peu performants en compréhension de l’écrit Élèves de 15 ans, 2018 % Nés dans le pays de deux parents immigrés Nés dans le pays de deux parents nés dans le pays Nés à l’étranger 81 87 60 89 50 40 30 20 10 0 StatLink 2 https://stat.link/eg8vqi Graphique 7.14. Évolution de la part des élèves peu performants en compréhension de l’écrit Élèves de 15 ans, entre 2009 et 2018 Nés dans le pays de deux parents immigrés Nés dans le pays de deux parents nés dans le pays Autriche Slovénie Nouvelle-Zélande République tchèque France Estonie Croatie Suède États-Unis Allemagne Total OCDE (38) Lettonie Total UE (26) Luxembourg Royaume-Uni Belgique Canada Italie Lituanie Israël Espagne Brésil Hongrie Norvège Irlande Danemark Costa Rica Australie Suisse Mexique Portugal Finlande Grèce Pays-Bas -10 19 -5 0 Évolution en points de pourcentage 5 10 15 StatLink 2 https://stat.link/hn1otu Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs.
40,748
56/hal.archives-ouvertes.fr-hal-03390116-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
362
653
733 COPOCLÉPHILIE ET DÉFENSE DES FORÊTS CONTRE L'INCENDIE PAR L. CHAUTRAND Ingénieur en Chef G.R.E.F. à Draguignan Dans une fanfare insolite de trompes de chasse, la pimpante R 4 sable et orange de la Patrouille de Surveillance stoppe sur la place de l'ormeau du vieux village provençal ou dans l'allée ombragée du Camping écrasé de soleil. La Vignette adhesive. 734 FRANÇA ISE Les hauts parleurs de la petite voiture clament, avec l'accent du terroir, les conseils que le Service Forestier du Var adresse aux Touristes et Vacanciers: « Le Feu est l'ennemi des Forêts de Provence, soyez prudents. » L'Agent Forestier et le Sapeur Pompier qui forment l'équipage du véhicule mettent pied à terre, les mains pleines de prospectus. D'abord intrigués et méfiants, campeurs et promeneurs s'approchent. Les enfants, charmés par les dessins humoristiques de Spirou, attirent les adultes et la patrouille est vite entourée. On déchiffre les panonceaux de la voiture: « PROTECTION DES FORÊTS » « PRÉVENTION INCENDIE » Le Disque de stationnement. Les mains se tendent pour recevoir les dépliants et affichettes multicolores destinés à rappeler aux automobilistes, aux campeurs, aux promeneurs, aux propriétaires de jardins, les règles d'emploi du feu et les mesures élémentaires de prudence. Mais les visages s'éclairent et les sourires s'élargissent lorsqu'apparaissent les vignettes adhésives, les disques de stationnement et surtout LES PORTE-CLÉS qui, eux aussi, présentent sous la matière plastique l'image des grands pins verts menacés par les flammes rouges de l'incendie, COPOCLÉPHILIE ET DEFENSE DES FORETS 735 et l'éternel slogan: « Le Feu est l'ennemi des Forêts de P r o vence, soyez prudents » La confiance est alors complète ; on cherche à se documenter, on pose des questions, on propose des solutions. Le dépliant « statistiques » évite les longues explications. Alors que l'on retourne encore l'affichette et que l'on examine le nouveau petit trésor, la Patrouille repart, rompant, par ses hauts parleurs, le chant rythmé des cigales, pour remplir en d'autres points du pays varois sa mission d'ange gardien de la Forêt. Le Porte-clés. Puissent le citadin en manipulant son disque de stationnement et le collectionneur en contemplant son porte-clé devenir les amis et les défenseurs de la Forêt Provençale,.
22,126
2019REIMS049_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,019
Identification et caractérisation des acteurs protéiques de la membrane plasmique impliqués dans la perception des rhamnolipides chez Arabidopsis thaliana
None
French
Spoken
7,278
13,272
Les RL produits par P. aeruginosa induisent des réponses de défenses atypiques, LOREindépendantes, chez A. thaliana, telles que la production tardive de ROS ainsi que l’induction d’une résistance contre Pst. Néanmoins, ils sont incapables d’induire des influx calciques, la production précoce de ROS ou encore l’activation de MAPK. Ces résultats mettent en évidence que bien que la glycosylation des HAA abolisse leur perception par le RLK LORE, cela n’empêche pas les RL d’induire des réponses de défense chez A. thaliana. De plus, la signature atypique des réponses induites par les RL suggère qu’ils sont perçus via un mécanisme encore inconnu. Nous proposons notamment que ce mécanisme est basé sur l’interaction des RL avec les lipides de la membrane plasmique des cellules végétales. 102 P. aeruginosa HAA RL OH OH H3C n O O H3C H3C n O O O O HO OH OH O H3C O Production de biofilm Secretion de RL et de HAA H3C n HO OH PRR OH?? n O O? H3C ✓ LORE Production de ROS tardif Protection contre Pst et B. cinerea Influx de Ca2+ Production de ROS précoce Phosphorylation des MAPK3 et 6 Protection contre Pst Figure CI-1 | Modèle de perception du sécrétome enrichi en RL de P. aeruginosa par A. thaliana (publication n°1). Ainsi, le secretome de P. aeruginosa est perçu par A. thaliana via deux mécanismes de défense indépendants, tous deux menant à une augmentation de la protection locale de A. thaliana contre Pst (Fig. CI-1). II. Comparaison des capacités élicitrices des HAA et de leurs précurseurs chez A. thaliana Contexte En parallèle des recherches réalisées sur les RL et les HAA au sein de notre laboratoire, nous avons collaboré avec l’équipe allemande de S. Ranf (Université technique de Munich, Freising, Allemagne) pour l’étude des propriétés élicitrices de précurseurs des HAA. La biosynthèse des RL est divisée en trois étapes séquentielles, impliquant 3 gènes, rhlA, rhlB, et rhlC. La protéine codée par rhlA est impliquée dans la production des HAA à partir d’acides gras 3-hydroxy à chaîne moyenne (mc-3-HFA). La rhamnosyltransférase (RhlB) produit des mono-RL à partir de HAA et dTDP-L-rhamnose. Ces mono-RL sont ensuite utilisés comme substrat, avec du dTDP-L-rhamnose, par la rhamnosyltransférase RhlC pour produire des diRL (Abdel-Mawgoud et al., 2010). Il a été montré que le RLK LORE intervient dans la perception de lipide A (LA) / LPS de Pseudomonas (Ranf et al., 2015). En réalité, les expériences ont mis en évidence que les réponses immunitaires observées étaient dues à la perception de mc-3HFA, une sous unité des LA. Ainsi, il a été démontré que des mc-3-HFA synthétiques et bactériens, probablement dérivés du métabolisme des lipides, sont suffisants pour induire l’immunité de façon LORE-dépendante chez A. thaliana (annexe I). Les mc-3-HFA sont produits lors de la biosynthèse de LPS chez Pseudomonas et probablement par d'autres voies bactériennes encore inconnues. Ils entrent aussi dans la voie de biosynthèse des HAA et des RL. Les mc-3-HFA sont perçus d'une manière spécifique à longueur de leur chaîne et à l'hydroxylation. L'acide 3-hydroxydécanoïque libre (3-OH-10:0 FA) étant l’éliciteur induisant les réponses les plus fortes. Il est important de noter que les LA / LPS et plusieurs autres composés bactériens comprenant des mc-3-HFA comme structures partielles ne déclenchent pas de réponses dépendantes de LORE (annexe I). De notre côté, nous avons aussi détecté la présence de mc-3-HFA dans le sécrétome de RL. Ainsi, afin de déterminer les différences entre les mc-3-HFA et les HAA, la comparaison de leurs activités élicitrices a été réalisée dans nos conditions. 103 Figure CI-2 | les HAA et le 3-OH-10:0 FA 3-OH-10:0 FA HAA Control induisent des réponses 1.25 WT LORE-dépendantes lore 1.00 chez A. thaliana. (A) Concentration en Ca2+ 0.75 cytoplasmique de 0.50 plantule col0AEQ et loreAEQ suite à un 0.25 traitement avec 10 μM 0.00 de C10-C10, de 3-OH-10:0 FA, ou 0.5 % d’EtOH time (s) (Control). Les données B C 150 représentent la Control moyenne ± SD (n = 3). HAA 1000 3-OH-10:0 FA (B) Mesure de la 100 production de ROS après élicitation de 500 pétioles de plantes 50 sauvages (WT), et de mutants lore, et rbohD 0 avec 10 μM de C10-C10, 0 de 3-OH-10:0 FA, ou 10 20 30 40 time (min) 0.5 % d’EtOH (Control). 3-OH-10:0 FA HAA Les données D représentent la E moyenne ± SEM (n = 6). HAA 3-OH-10:0 FA 5 ( C ) Cin étique de la production de ROS 4 55 kDa p-MPK6 après élicitation de p-MPK3 3 WT pétioles de WT avec 10 Actin μM de C10-C10, de 3-OH2 55 kDa p-MPK6 10:0 FA, ou 0.5 % p-MPK3 lore 1 d’EtOH (Control). Les Actin données représentent la 0 moyenne ± SEM (n = 6). (D) Activation des F MAPK3 et MAPK6 chez 100 Control le WT et le mutant lore 3-OH-10:0 FA de disques foliaires 15 HAA 75 minutes après traitement avec 10 μM 50 de C10-C10, et de 3-OH10:0 FA. L’actine (Actin) 25 a été utilisée comme contrôle de charge. (E) 0 Niveau de transcrit PR1 0 400 200 600 mesuré par RT-qPCR time (min) dans des feuilles infiltrées avec 10 μM de 3-OH-10:0 FA ou 10 μM de HAA C10-C10. Le niveau de transcrit a été mesurée 9 heures post traitement (h.p.t) et normalisé par rapport à l’expression mesurée 0h.p.t. Les données représentent la moyenne ± SEM de deux réplicats biologiques indépendants (n = 2). (F) Production de ROS extracellulaire après un traitement de pétioles de WT avec 100 μM de HAA C 10-C10, de 3-OH-10:0 FA, ou 0.5 % d’EtOH (Control). La production de ROS a été monitorée pendant 720 minutes. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). Les expériences ont été réalisées 2 fois (F), ou 3 fois (A, B, C, D, E, G), avec des résultats similaires. RLU (Relative Light Unit ) PR1 relative expression  RLU RLU (Relative Light Unit) RLU (Relative Light Unit) A Résultats et discussion 1. Comparaison des réponses induites Afin de comprendre les différences entre les mc-3-HFA et les HAA, la comparaison des réponses qu’elles induisent a été réalisée au laboratoire. Pour cela, les molécules induisant les réponses les plus fortes, le 3-OH-10:0 FA et le C10-C10, ont été utilisées. Les résultats ont permis de mettre en évidence que ces deux molécules induisent des influx calciques (Fig. CI-2A). De même, elles induisent une production de ROS LORE et RBOHD-dépendantes chez A. thaliana (Fig. CI-2B, C), ainsi que la phosphorylation des MAPK3 et 6 (Fig. CI-2D), et la surexpression de PR1 de façon LORE-dépendante (Fig. CI-2E). Dans la publication n°1, nous avons mis en évidence que les RL induisent une production de ROS tardif contrairement aux HAA. Le 3-OH10:0 FA n’induit pas la production tardive de ROS (Fig. CI-2F). Finalement, ni le 3-OH-10:0 FA, ni les HAA, n’induisent la résistance d’A. thaliana contre B. cinerea à 10 μM (Fig. CI-3). Bien que le 3-OH-10:0 FA et les HAA induisent tous deux des réponses LOREdépendantes, ces réponses diffèrent par certains aspects. En effet, les études portant sur l’induction de la production de ROS ainsi que sur les influx calciques, ont mis en évidence une réponse plus tardive suite à un traitement avec des HAA comparativement à un traitement avec du 3-OH-10:0 FA (Fig. CI-2A, C). À des concentrations similaires, le 3-OH-10:0 FA induit des réponses plus fortes que les HAA. En effet, alors que la concentration minimale en 3-OH10:0 FA nécessaire à l’induction de la production de ROS est de 10 nM, le HAA C 10-C10, quant à lui, induit des réponses faibles à partir de 100 nM, et des réponses similaires à partir de 1 μM (Fig. CI-4A). Ainsi, de façon récurrente, la concentration en HAA nécessaire à l’induction de réponses similaires au 3-OH-10:0 FA est globalement 100 fois plus forte (Fig. CI-4). De telles différences de réponses immunitaires ont notamment été observées entre les éliciteurs flg22 et la chitine chez le tabac (Segonzac et al., 2011), ou entre flg22, Atpep1, et la chitine dans des racine d’A. thaliana (Poncini et al., 2017). Des différences ont aussi été observées entre un traitement avec flg22 et des LPS chez A. thaliana (Shang-Guan et al., 2018). Les différences observées pourraient découler de l’affinité du récepteur pour l’éliciteur. Des résultats portant sur l’utilisation de différentes doses de HAA a permis de mettre en évidence qu’une augmentation des concentrations mène à une production de ROS plus précoce (Fig. CI-4B). L’augmentation des concentrations pourrait accroître la quantité de molécules sous la forme de monomères, et ainsi induire une plus forte disponibilité de ces dernières pour leur récepteur. En effet, les éliciteurs amphiphiles, telles que les LPS, forment 104 lore Necrosis Area (cm2) WT 2.0 1.5 1.0 a a a a a a 0.5 0.0 Figure CI-3 | les HAA et le 3-OH-10:0 FA n’induisent pas la résistance locale d’A. thaliana contre B. cinerea. La résistance locale d’ A. thaliana contre B. cinerea a été mesurée après un prétraitement de feuilles avec 10 μM de HAA , de 3-OH-10:0 FA , ou 0.5% d’EtOH (Control). Les aires de né c roses ont été mesur ées 4 d.p.i avec B. cinerea . Les données représentent la moyenne ± SD d ’ une expérience représent ative avec n = 16. L’expériences a été réalisée 2 fois avec des résultats similaires. Les lettres représentent les résultats de test statistique par paire de Wilcoxon-MannWhitney avec P > 0.05 (lettres similaires) ou avec P < 0.05 (lettres différentes) A  RLU 2000 1000 0 3-OH-10:0 FA B RLU (Relative Light Unit ) 1 nM HAA 10 nM 100 nM 1 μM 300 3- OH -10:0 FA 200 100 0 100 nM 1 μM 10 μM 100 μM 300 200 HAA 100 0 10 20 30 40 10 20 30 40 10 20 30 40 10 20 30 40 time (min) Figure CI-4 | les HAA et le 3-OH-10:0 FA induisent des cinétique de production de ROS différentes chez A. thaliana. (A) Effet dose des HAA C10-C10 et du 3-OH-10:0 FA sur la production de ROS. Les résultats ont été obtenus suite au traitement de pétioles de WT avec 1 nM, 10 nM, 100 nM, 1 μM, 10 μM, ou 100 μM de C 10-C10, de 3-OH10:0 FA, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Cinétiques de la production de ROS induites par différentes dose de HAA C10-C10 et de 3-OH-10:0 FA. Les résultats ont été obtenus suite au traitement de pétioles de WT avec 1 nM, 10 nM, 100 nM, 1 μM, 10 μM, ou 100 μM de C10-C10, ou de 3OH-10:0 FA. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). des agrégats en solution. Au-dessus de leur concentration micellaire critique (CMC), les molécules amphiphiles en solution vont à la fois être sous la forme d’agrégats et de monomères. Donc, en fonction de leur conformation et de leur concentration, ce genre d’éliciteur va potentiellement diffuser plus facilement dans la paroi végétale et être disponible pour se fixer à la membrane (Aslam et al., 2009), résultant dans des réponses plus ou moins précoces. Ainsi, les HAA et les mc-3-HFA sont des molécules amphiphiles et seront probablement différentiellement disponibles pour le récepteur LORE. De manière intéressante, pour ces 2 molécules, les effets dose ont mis en évidence un plateau de production de ROS à partir de 10 nM pour le 3-OH-10:0 FA et 1 μM pour les HAA (Fig. CI-4A). De plus, à réponse équivalente, les HAA semblent induire des réponses plus tardives. Ces molécules présentent donc des similarités vis-à-vis de leur perception. Néanmoins, le 3-OH10:0 FA induit de façon récurrente des réponses plus précoces, plus fortes, et à des concentrations plus faibles. 2. Expériences de synergie/compétition Un des problèmes soulevés dans le cadre de cette thèse a été la détection par un de nos collaborateur (équipe de S. Ranf) de mc-3-HFA dans les stocks d’éliciteurs utilisés (tableau n°4). En effet, les HAA induisent des réponses similaires au 3-OH-10:0 FA à des concentrations 100 fois plus forte, pouvant potentiellement être la résultante de la présence au 1/100ème de mc-3-HFA (Fig. CI-2, 3, 4). Le dosage en mc-3-HFA de nos stocks a donc été réalisé (tableau n°4). Ainsi, pour un traitement avec 50 μg.mL-1 (environ 100 μM) de RLsec, 26.33 nM de mc3-HFA sont apportés (tableau n°4). Ces concentrations sont notamment inductrices de réponses dans nos conditions (Fig. CI-4A). De même, un traitement avec 100 μM de Rha-C10C10 revient à éliciter les plantes avec 5.6 nM de mc-3-HFA (tableau n°4). Or, bien que ces concentrations en 3-OH-10:0 FA soient inductrice de réponses (annexe I), aucune production précoce de ROS n’a été observée suite à un traitement avec 100 μM de Rha-C10-C10 (publication n°1). Ainsi, les mc-3-HFA, bien que présents, ne sont pas en assez forte dose pour induire les réponses LORE-dépendantes. Concernant les HAA, l’utilisation de 1 μM de HAA C10C10 et C10-C12 purifié, conduit à traiter les plantes avec 161 et 268 pM de mc-3-HFA, respectivement (tableau n°4). Nous avons mis en évidence que dans nos conditions un traitement avec 1 nM de 3-OH-10:0 FA n’induit pas de réponse de défense (Fig CI-4A). Néanmoins, il est envisageable que les mc-3-HFA et les HAA fonctionnent en synergie. Ainsi, nous avons étudié l’effet que ces molécules avaient l’une sur l’autre. Pour cela, nous avons monitoré la production de ROS après un traitement simultané avec ces deux molécules. 105 A 1000  RLU 750 500 250 0 EtOH C10-C10 HAA 3-OH-10:0 FA 0.5 % 1 μM 30 nM 1 μM 1 μM 100 nM 100 nM RLU (Relative Light Unit) B 3-OH-10:0 FA 100nM C10-C10 HAA 1μM C10-C10 HAA 1μM + 3-OH-10:0 FA 30nM C10-C10 HAA 1μM + 3-OH-10:0 FA 100nM 90 Figure CI-5 | Un traitement simultané avec des HAA et du 3OH-10:0 FA induit une réduction de la production de ROS chez A. thaliana. (A) Etude de la production de ROS suite à un traitement avec 1 μM de HAA C10C10, 100 nM de 3-OH-10:0 FA, 1 μM de HAA C10-C10 et 100 nM de 3-OH10:0 FA, 1 μM de HAA C10-C10 et 30 nM de 3-OH-10:0 FA, ou 0.5 % d’EtOH de pétioles de WT. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Cinétiques de la production de ROS suite à un traitement avec 1 μM de HAA C10C10, 100 nM de 3-OH-10:0 FA, 1 μM de HAA C10-C10 et 100 nM de 3-OH10:0 FA, 1 μM de HAA C10-C10 et 30 nM de 3-OH-10:0 FA de pétioles de WT. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). 60 30 10 20 30 40 time (min) Tableau n°4 | Concentration en 3-OH-10:0 FA des échantillons utilisés. [C]° = concentration échantillon [C]° du stock [C]° mc-3-HFA [C]° de traitement [C]° mc-3-HFA 3-OH-10:0 FA 4 μM 2,49 μM 100 nM 62,25 nM RL mix 10 mg.mL-1 4,62 μM 57 μg.mL-1 26,33 nM C10-C10 2,79 mM 0,451 1 μM 161 pM C10-C12 2,79 mM 0,748 1 μM 268 pM C14-C14 1,06 mM <LOQ 1 μM - Rha-C10-C10 5 mM 0,28 μM 100 μM 5,6 nM Rha-Rha-C10C10 Massetolide A 5 mM 0,05 μM 100 μM 1 nM 1 mM 0,03 μM 100 μM 3 nM Contrairement à une induction synergétique des réponses, nous avons observé une réduction de la production de ROS (Fig. CI-5A). Ces résultats pourraient être dus à une compétition de ces deux molécules pour le récepteur LORE. Nous avions préalablement mis en évidence des différences entre les cinétiques des réponses induites par ces molécules. Pour rappel, le 3-OH-10:0 FA induit des réponses plus précoces que les HAA (Fig. CI-2, 4). L’observation des cinétiques obtenues dans le cadre d’un co-traitement a souligné des différences similaires. En effet, alors qu’un traitement avec 100 nM de 3-OH-10:0 FA aboutit à un maximum de production de ROS 15 minutes après élicitation, un traitement avec 1 μM de HAA atteint son maximum 28 minutes après élicitation (Fig. CI5B). Concernant un co-traitement avec 1 μM de HAA et 100 nM de 3-OH-10:0 FA, le maximum de production de ROS est atteint 20 minutes après traitement. Finalement, un co-traitement avec 1 μM de HAA et 30 nM de 3-OH-10:0 FA aboutit à un maximum de production de ROS 22 minutes après traitement (Fig. CI-5B). Ainsi, l’ajout de 3-OH-10:0 FA à tendance à aboutir à un maximum de production de ROS plus précoce, et à une réduction de la réponse. Il est envisageable que les mc-3-HFA soient plus rapidement disponibles et/ou fixés par LORE, induisant une production de ROS plus précoce. Néanmoins, en présence de HAA les mc3-HFA entrent en compétition pour leur fixation à LORE. Une partie des récepteurs LORE de la membrane plasmique interragirait alors avec des mc-3-HFA, et une autre partie avec des HAA. Le profil des réponses induites par ces molécules étant différent, une partie des réponses seront induites par les mc-3-HFA et une partie par les HAA, aboutissant ainsi à des réponses intermédiaires. De plus, ces molécules étant hydrophobes, en milieu aqueux elles vont avoir tendance à interagir entre elles et ainsi être différentiellement disponibles pour le récepteur, menant à une réduction des réponses. L’effet d’un traitement simultané avec différents éliciteurs varie en fonction des éliciteurs utilisés. En effet, un traitement simultané avec flg22 et des LPS, avec flg22 et de la chitine, ou avec des LPS et de la chitine induit une augmentation des réponses dans des cultures cellulaire de riz (Desaki et al., 2012). Chez A. thaliana, un traitement simultané avec flg22 et elf18, et flg22 et des LOS induit des influx de calcium ainsi qu’une production de ROS plus importante que si ces éliciteurs sont utilisés seuls. Il est surprenant de voir que 2 éliciteurs nécessitant le co-récepteur BAK1 n’aboutit pas à une réduction des réponses. Dans ce cas, le co-récepteur n’est pas limitant pour la réponse. Un traitement avec flg22 et de la cellobiose est connu pour induire une augmentation des influx calciques. Comparativement, un traitement simultané avec de la cellobiose et de la chitine, ou des oligogalacturonides (OG) n’a pas d’effet sur les influx calciques (Souza et al., 2017). À 106 A 1000  RLU 750 500 250 0 B  RLU 600 400 200 0 C  RLU 2000 1000 0 Tableau n°5 | Composition des échantillons de HAA utilisés. Eliciteur Composition C10-C10 99.9% C10-C10 C10-C12 92.2% C10-C12 7.8% C10- 10 C12-C12 75% C12-C12 25% C12-C14 C14-C14 99.9% C14-C14 Figure CI-6 | la structure des HAA et des mc-3HFA influence leur perception par A. thaliana. (A) Etude de la production de ROS suite à un traitement avec 1 μM de 3-OH-10:0 FA, de 3OH-12:0 FA, de 3-OH-14:0 FA, ou 0.5 % d’EtOH (Control) de pétioles de WT. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Etude de la production de ROS suite à un traitement avec 1 μM de HAA C10-C10, C10-C12, C12-C12, C14-C14, ou 0.5 % d’EtOH de pétioles de WT. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (C) Etude de la production de ROS suite à un traitement avec 1 μM de 3-OH-10:0 FA, de Ac-3-OH-10:0 FA, et 10 μM de HAA C10C10,et de HAA Ac-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control) de pétioles de WT. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). l’opposé, pour certains couples d’éliciteurs, une réduction des réponses a été observée. En effet, une élicitation simultanée avec des PGN et flg22, ou des OG et flg22 ou elf18 induit une réduction des influx calciques et de la production de ROS (Aslam et al., 2009). 3. Etude structure-fonction Concernant la variabilité structurale de ces molécules et leurs impacts sur l’induction des défenses, des tendances similaires sont observables. En effet, l’équipe de S. Ranf a observé que les mc-3-HFA de longueur de chaine allant de 9 à 12 carbones sont perçus (annexe I, Fig. CI-6A). Concernant les HAA, nous avons observé que seuls les HAA C10-C10 et C10-C12 induisent des réponses immunitaires (Fig. CI-6B). Néanmoins, nos stocks en HAA C10-C12 contiennent 7.8% de C10-C10 (tableaux n°5). Ainsi les réponses induites par un traitement avec ce stock pourraient résulter de la perception du C10-C10 et non du C10-C12. De manière surprenante, le HAA C12-C12 n’induit pas de réponse significative. L’équipe de S. Ranf a aussi mis en évidence l’impact de la modification de la fonction 3-OH des mc-3HFA sur leur perception (annexe I). Un traitement avec du C10-C10 acétylé (annexe II) de synthèse n’induit pas de réponse (Fig. CI6C). Ainsi, l’acétylation des HAA, tout comme l’acétylation des mc-3-HFA (Fig. CI-6C, annexe I), bloque la perception de ces molécules par A. thaliana. Ces résultats mettent en évidence l’importance de la fonction 3-OH et de la longueur des chaînes carbonées pour la perception de ces molécules. 4. Caractérisation de la réponse induite par des éliciteurs contenant le motif moléculaire des HAA En collaboration avec l’équipe de S. Ranf, nous avons observé que plusieurs éliciteurs contenant un motif moléculaire mc-3-HFA ne sont pas perçus via le RLK LORE. En effet, différents LP possédant un motif mc-3-HFA de longueur de chaine variable (annexe II) ne sont pas perçus par le RLK LORE (Fig. CI-7). Ainsi, comme les RL, pour lesquels la glycosylation masque le motif moléculaire mc-3-HFA à LORE, l’ajout d’une tête peptidique aboutit au même résultat. Il est intéressant de noter que malgré le masquage du motif moléculaire mc-3-HFA, ces molécules ont toutes la capacité d’induire une production précoce de ROS chez A. thaliana de façon LORE-indépendante. Conclusion Les HAA et les mc-3-HFA induisent tous deux l’immunité d’A. thaliana via le RLK LORE. De façon récurrente, le 3-OH-10:0 FA induit des réponses plus précoces et plus fortes que le HAA C10-C10. Ce dernier induit des réponses similaires au 3-OH-10:0 FA à des concentrations 107 Figure CI-7 | Des éliciteurs contenant un mc-3-HFA induisent des réponses LOREindépendantes chez A. thaliana. Etude de la production de ROS suite à un traitement avec 1 μM de HAA C10-C10, 100 μM de massetolide A, de fengycine, de mycosubstiline, ou 0.5 % d’EtOH de pétioles de WT et du mutant lore. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6).  RLU 1500 1000 500 0 HAA massetolide fengycine mycosubtiline 100 fois plus fortes. Bien que des mc-3-HFA aient été détectés dans nos stocks de HAA , ceuxci sont présent s en dose trop faible pour induire l’immunité . De plus, ces deux molécules ont un effet négatif l’une sur l’autre vis-à-vis de leurs capacités élicitrices. En termes de structure, nous avons démontré que la longueur des chaînes carbonées ainsi que l’hydroxylation impactent la perception des HAA. Finalement, nous avons mis en évidence que plusieurs éliciteurs possédant un motif moléculaire mc-3-HFA, sont perçus de manière LOREindépendante. Ainsi, l’ajout d’une tête peptidique, ou la glycosylation de mc-3-HFA masque ce motif moléculaire à LORE. 108 Chapitre II : Caractérisation de l’immunité LORE-indépendante induite par les RL et des molécules amphiphiles chez A. thaliana 109 I. Des RL bolaformes synthétiques, bioinspirés des rhamnolipides, stimulent l’immunité innée chez A. thaliana (publication n°2) Contexte Les molécules amphiphiles bolaformes sont connues pour leur biocompatibilité, leur biodégradabilité, et leur faible toxicité (Akong et Bouquillon, 2015). Au laboratoire, en collaboration avec l’ICMR (Institut de Chimie Moléculaire de Reims UMR 7312 CNRS), nous avons étudié les capacités élicitrices de molécules synthétiques bolaformes bioinspirées des RL (SRB). Ces molécules consistent en une chaîne carbonnée hydrophobe connectant deux groupements hydrophiles composés d’un rhamnose (Van Bogaert, 2016). Leur synthèse est basée sur les principes de la chimie verte, et réalisée à partir de matériaux biosourcés. En tant que surfactant, les SRB pourraient permettre d'améliorer l'efficacité d’autres stimulateurs de défenses, en servant d'adjuvant, et en augmentant la pénétration foliaire des molécules actives dans les feuilles (Sachdev et Cameotra, 2013). Dans cette publication, nous avons analysé si des molécules SRB étaient capables de stimuler l’immunité innée d’A. thaliana. Pour cela, différentes SRB de structures variables ont été utilisées. Plusieurs mécanismes reliés à la défense des plantes ont été étudiés tel que la production de ROS apoplastique, l’activation de MAPK, et l’induction de la mort cellulaire. Des tests de protection ont aussi été réalisés afin de déterminer la capacité des SRB à induire une augmentation de la résistance d’A. thaliana contre Pst. Finalement, la capacité de ces molécules à interagir avec des membranes biomimétiques a été étudiée. 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 Conclusion Dans cette publication, nous avons mis en évidence que des SRB produits par chimie verte, induisent l’immunité innée chez A. thaliana. Nous démontrons que ces molécules, en fonction de la longueur de leur chaîne carbonée, activent différentiellement la réponse immune. SRB14i est notamment le SRB qui induit les réponses les plus fortes. Il a aussi été mis en évidence que la présence d’une insaturation permettait d’augmenter l’ampleur des réponses induites par les SRB. L’utilisation d’un panel de mutants d’A. thaliana a permis de démontrer que cette production de ROS est RBOHD-dépendante et n’implique pas les protéines RLK, RLP, et RLCK testées dans cette étude. Aucune induction de la phosphorylation de MAPK n’a été observée après élicitation avec des SRB. Il a aussi été mis en évidence qu’un traitement avec les SRB impacte la transcription de certains gènes de défense. Les SRB sont également capables d’induire la mort cellulaire à forte concentration. Parmi les SRB seul SRB14i est capable d’induire une augmentation de la protection d’A. thaliana contre Pst via la voie du SA. Finalement, les résultats biophysiques montrent notamment que SRB14i interagit avec les lipides membranaires, suggérant une potentielle induction de l’immunité via une destabilisation de la membrane plasmique. Pour conclure, comme pour les rhamnolipides naturels Rha-C10-C10 et Rha-Rha-C10-C10, les SRB induisent des réponses non canoniques de l’immunité. Ainsi les molécules amphiphiles pourraient induire une « signature amphiphile » des réponses de défense chez les plantes permettant l activation de résistance. 130 A HAA Rha-Rha-C10-C10 WT lore RLU (Relative Light Unit) Control 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 time (s) B  RLU 2000 Figure CII-1 | les RL Rha-Rha-C10-C10 n’induisent pas de réponses canon iques de l’immunité chez A. thaliana. (A) Concentration en Ca2+ cytoplasmique de plantule col0AEQ et loreAEQ suite à un traitement avec 10 μM de C10-C10, de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SD (n = 3). (B) Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT, et des mutants lore, et rbohD avec 10 μM de C10-C10, 100 μM de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (C) Activation des MAPK3 et MAPK6 chez le WT et le mutant lore de disques foliaires 15 minutes après traitement avec 10 μM de C10-C10, ou 100 μM de Rha-Rha-C10-C10. L’actine (Actin) a été utilisée comme contrôle de charge. 1000 0 C Control HAA Rha-Rha-C10-C10 A WT lore 55 kDa p-MPK6p-MPK 3Act in - Figure CII-2 | les RL Rha-Rha-C10-C10 induisent la résistance locale d’A. thaliana contre Pst et B. cinerea. La résistance locale d’A. thaliana a été mesurée après un prétraitement de feuilles avec 10 μM de Rha-Rha-C10-C10 (A), 350 μM de Rha-RhaC10-C10 (B), ou 0.5% d’EtOH (Control). (A) La croissan de Pst a été mesuré 3 d.p.i. les résultats sont les moyennes ± SD d’une expérience représentative (n = 27, 30, 31, 26 (de gauche à droite)). Les données sont représentatives de 3 expériences. (B) Les aires de nécroses ont été mesurée 4 d.p.i avec B. cinerea. Les données représentent la moyenne ± SD d’une expérience représentative avec n = 16. L’expérience a été réalisée 2 fois avec des résultats similaires. Les lettres représentent les résultats du test statistique par paire de Wilcoxon-MannWhitney avec P > 0.05 (lettres similaires) ou avec P < 0.05 (lettres différentes ). 5 6 a 5 b 4 3 lore a b 4 3 B Percent of necrosis Area (%) WT Log10 CFU.mg-1 6 WT 40 lore a 30 a 20 10 b 0 b II. Les RL et d’autres molécules amphiphiles (lipopeptides et sophorolipides) induisent des mécanismes non canoniques de l’immunité Contexte Précédemment, nous avons mis en évidence que, des RL naturels purifiés provenant de P. aeruginosa n’induisent aucun événement de signalisation classiquement relié à l’immunité (publication n°1). Dans cette partie, nous nous sommes intéressés à la caractérisation des réponses induites par les RL et d’autres molécules amphiphiles structurellement proches des RL. Les résultats nous suggèrent notamment que comme les RL, ces dernières sont potentiellement perçues via leur interaction directe avec les lipides de la membrane plasmique. Résultats 1. Caractérisation des mécanismes non canoniques de l’immunité induits par les RL L’immunité végétale est caractérisée par plusieurs évènements de signalisation précoce généralement induits par la perception d’éliciteurs. Nous avons déjà mis en évidence que des RL Rha-Rha-C10-C10 purifiés n’induisent pas la production précoce de ROS, l’activation des MAPK3 et MAPK6 (Publication n°1, Fig. CII-1), ainsi que l’influx de calcium (Fig. CII-1A). Néanmoins, nous avons mis en évidence que ces mol cules sont capables d’induire une production tardive de ROS (Fig. CII-3A, publication n°1), et une résistance à des microorganismes pathogènes (Fig. CII-2, publication n°1). En effet, un traitement avec 10 μM de Rha-Rha-C10-C10 induit une augmentation significative de la protection d’A. thaliana contre Pst de façon LORE-indépendante (Fig. CII2A). De plus, des tests de protection réalisés sur A. thaliana avec l’organisme phytopathogène nécrotrophe B. cinerea, mettent en évidence que les Rha-Rha-C10-C10 induisent une augmentation de la protection locale de A. thaliana contre ce pathogène (Fig. CII-2B). Afin de préciser la signature de la réponse immune induite par les RL, l’impact du RhaRha-C10-C10 sur l’augmentation de la conductivité extracellulaire a aussi été observée. La fuite d’ions est généralement utilisée comme indicateur de la mort cellulaire (Li et al., 2013). Les résultats indiquent que les Rha-Rha-C10-C10 induisent une fuite d’ions 48h après traitement, contrairement aux HAA (Figure CII-3B). La perception d’éliciteurs est connue pour entrainer une réduction de la croissance des plantes (van Hulten et al., 2006). La réalisation de tels expériences avec du Rha-Rha-C10-C10 nous a permis de mettre en évidence une forte 131 A RLU ( Relative Light Unit) 80 Control Rha-Rha-C10-C10 HAA 60 40 20 0 0 200 400 time (min) 600 B 24h 48h 200 100 A 0  RLU 4000 2000 C 6 0 a 4 B Control 2 b 0 Conductivity (μS/cm) Fresh weight (mg/plant) WT rbohD 400 300 200 100 0 Figure CII-4 | les réponses induites par les Rha-Rha-C10C C10 n’impliquent pas de protéines connues pour jouer un rôle dans l’induction de l’immunité chez A. thaliana. (A) 4000 Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT, et de mutants cerk1-2, sobir1-12, sobir13000 13, bak1-5-bkk1-1, bik1-pbl1 et rbohD avec 100 μM de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données 2000 représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Mesure de la conductivité suite à un traitement de disques foliaires de 1000 WT et de mutant rboHD avec 100 μM de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d EtOH (Control). Les mesures ont été réalisées 0 24h et 48h après traitement. Les résultats représentent la moyenne ± SEM de trois réplicas indépendant (n ≥ 3). (C) Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT, et de mutant mca1-2, ou msl1-4-5-6-8-9-10 (msl) avec 100 μM de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6).  RLU Conductivity ( μS/cm ) 300 Figure CII-3 | les RL Rha-Rha-C10-C10 induisent des réponses non canoniques de l’immunité chez A. thaliana. (A) Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT avec 100 μM de C10-C10, 100 μM de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Mesure de l’augmentation de la conductivité suite à un traitement de disques foliaires de WT avec 100 μM de Rha-Rha-C10-C10, de 100 μM de HAA, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les mesures ont été réalisées 24h et 48h après traitement. Les résultats représentent la moyenne ± SEM de trois réplicas indépendants (n ≥ 3). (C) Mesure de l’inhibition de croissance de plantule d’A. thaliana cultivées en présence de 10 μM de Rha-Rha-C10-C10 ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les résultats représentent la moyenne ± SEM d’un réplica représentatif. Les lettres représentent les résultats du test statistique de Wilcoxon-Mann-Whitney avec P > 0.05 (lettres similaires) ou avec P < 0.05 (lettres différentes). diminution de croissance chez des plantes d’A. thaliana cultivées en présence de ces molécules (Fig. CII-3C). Afin d’étudier les mécanismes de perception des RL purifiés, une étude portant sur des mutants de RLK, RLP et RLCK a été initiée. La production de ROS a ainsi été suivie chez les mutants bak1-5-bkk1-1 (Roux et al., 2011), bik1-pbl1 (Li et al., 2014), sobir1-12, sobir1-13 (Zhang et al., 2013), cerk1-2 (Miya et al., 2007), et dorn1-1 (Choi et al., 2014) suite à une élicitation du Rha-Rha-C10-C10. Les résultats ne mettent en évidence aucune différence entre les plantes sauvages (WT) et les mutants (Fig. CII-4A). Les ROS sont connus pour être impliqués dans l’induction de la mort cellulaire (Van Breusegem et Dat, 2006). Afin de vérifier cette hypothèse dans le cas des RL, la fuite d’ions suite à un traitement avec du Rha-Rha-C10-C10 a été monitorée chez le mutant rbohD. Les résultats indiquent que la production de ROS n’est pas nécessaire à l’induction de la mort cellulaire par le Rha-Rha-C10-C10 (Fig. CII-4B). A. thaliana est connue pour posséder des canaux mécanosensibles MSL et MCA impliqués dans la surveillance du maintient de l’intégrité de la membrane plasmique (Hamilton et al., 2015). Les canaux MSL (mecanosensitive-like channel) sont au nombre de 10 chez A. thaliana mais restent peu caractérisés. Les MCA quant à eux forment une autre famille de canaux mécanosensibles potentiellement impliqués dans les réponses aux chocs hypoosmotiques ainsi qu’aux stimuli mécaniques. De manière intéressante, MSL4 participe à l’immunité végétale (Basu et Haswell, 2017). Ainsi, afin de déterminer si la perception des RL médiée par ces protéines suite à leur interaction avec la membrane plasmique, des mutants msl1-45-6-8-9-10 et mca1-2 ont été traités avec le Rha-Rha-C10-C10 et la production de ROS a été monitorée pendant 12h. Aucune différence dans la production de ROS n’a été observée comparativement au WT (Fig. CII-4C). Afin de vérifier si une modification de la composition lipidique membranaire pouvait impacter la production de ROS induite par les RL, des plantes mutées pour des LOH et FAH ont été utilisées. En effet, les sphingolipides GIPC agissent comme des récepteurs pour certains NLP chez les dicotylédones (Lenarčič et al., 2017 ; Ackerveken, 2017). Les mutants loh1 2 et 3 sont mutés pour des céramides synthases. Alors que LOH1 et LOH3 sont connues pour être nécessaire à la synthèse de VLCFA (very long chain fatty acid) (20 à 26 carbones) / trihydroxy LCB ceramide, LOH2 est impliqué dans la production de C16 (16 carbones) FA / dihydroxy LCB ceramide (Luttgeharm et al., 2015). Ces céramides vont ensuite être utilisées afin de synthétiser des sphingolipides. Ainsi, une mutation de ces enzymes va mener à une plus forte proportion de sphingolipides C16 dihydroxy pour le mutant loh1 ou loh3 et une plus forte 132 Figure CII-5 | Les réponses induites par un traitement avec des RL Rha-C10-C10 sont influencées par la composition lipidique des membranes plasmique. (A) Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT, et de mutants loh1, loh1 IF, loh2, loh3, et fah1/2 avec 100 μM de Rha-C10-C10. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Mesure de la conductivité suite à un traitement de disques foliaires de WT, et de mutants loh1, loh1 IF, loh2, loh3, et fah1/2, avec 100 μM de Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les mesures ont été réalisées 24h et 48h après traitement. Les sultats représentent la moyenne ± SEM de trois réplicas indépendants (n ≥ 3). A 12000  RLU 8000 4000 0 B 48h 300 200 100 0 A 20000  RLU 15000 10000 5000 0 B Control Rha-C10-C10 300 Figure CII-6 | La structure des RL influence leur perception par A. thaliana. (A) Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT avec 100 μM de Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C14-C14 ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Mesure de la conductivité suite à un traitement de disques foliaires de WT avec 100 μM de Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C14-C14, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les mesures ont été réalisées 24h et 48h après traitement. Les résultats représentent la moyenne ± SEM de trois réplicas indépendants (n ≥ 3). Conductivity ( μ S/ cm ) Conductivity (μS/cm) 24h 200 100 0 Rha-Rha-C10-C10 300 200 100 0 Rha-Rha-C14-C14 proportion de sphingolipides VLCFA trihydroxy pour le mutant loh2 (Michaelson et al., 2016). Comparativement, FAH1 et FAH2 sont des hydroxylases de FA. Leur mutation mène notamment à la réduction de sphingolipides présentant une Δ-hydroxylation. L’hydroxylation des sphingolipides va permettre d’augmenter la rigidité membranaire et pourrait être impliquée dans la formation de microdomaines dans la membrane plasmique (González-Solís et al., 2014). De manière intéressante, nous avons montré que le mutant fah1-fah2 présente une diminution récurrente de la production de ROS et de l’augmentation de la conductivité comparativement au WT suite à un traitement avec du Rha-C10-C10 (Fig. CII-5). Le mutant loh2, quant à lui, bien qu’il ne présente qu’une légère diminution de la production de ROS, montre une forte diminution de la conductivité par rapport au WT (Fig. CII-5) 2. La structure des RL impacte leur perception par A. thaliana La structure des éliciteurs, notamment ceux suspectés pour interagir avec la membrane, est connue pour impacter leur perception. Par exemple, alors que les bolaformes SRB14i induisent des réactions fortes, les bolaformes SRB10i et SRB18i induisent des réponses plus faibles (Luzuriaga-Loiza et al., 2018). De plus, des Alk-RL s’insèrent plus favorablement dans les membranes biomimétiques et induisent des réponses plus fortes que des Ac-RL, suggérant que l’activité biologique de ces molécules peut être corrélée avec leur capacité à interagir avec les membranes (Nasir et al., 2017). L’impact de la structure des RL sur leur perception par A. thaliana a déjà été introduit précédemment (Publication n°1). Il a notamment été mis en évidence que les Rha-C10-C10 induisent des réponses plus fortes et plus précoces que les RhaRha-C10-C10. De plus, alors que les Rha-Rha-C10-C10 induisent des réponses, les Rha-Rha-C14-C14 en sont incapables (Fig. CII-6). Dans cette partie, nous avons approfondi cette étude en utilisant différentes doses de RL et en comparant la production de ROS à l’augmentation de la conductivité. De plus, la capacité de ces molécules à induire un dépôt de callose, et provoquer une inhibition de croissance a été étudiée. Les résultats confirment que comparativement aux Rha-Rha-C10-C10, les Rha-C10-C10 induisent une production de ROS plus forte et plus précoce, une plus forte inhibition de croissance, un dépôt de callose plus important, ainsi qu’une fuite d’ions plus précoce (Fig. CII-7). De plus, la production de ROS induite par les Rha-C10-C10 atteint un plateau à 50 μM et donc à des concentrations plus faibles que les Rha-Rha-C10-C10 (Fig. CII7A). L’ensemble de ces résultats suggèrent qu’un domaine hydrophile plus important peut réduire l’impact des RL sur les cellules végétales. De manière intéressante, des études de biophysiques ont notamment mis en évidence que les Rha-C10-C10 avaient une plus forte affinité pour les membranes biomimétiques que les Rha-Rha-C10-C10 (résultats non publiés, 133 B A 0.008 Callose area (μm2/μm2) 20000  RLU 15000 10000 5000 0 0.006 0.004 0.002 0.000 Rha-Rha-C10-C10 Rha-C10-C10 C Conductivity (μ /cm) 24h 48h 300 200 100 0 Rha-C10-C10 Rha-Rha-C10-C10 Rha-C10-C10 Rha-Rha-C10-C10 Fresh weight (mg/plant) D 8 6 4 a a a a b 2 c nc 0 Rha-C10-C10 Rha-Rha-C10-C10 Figure CII-7 | La structure des RL influence leur perception par A. thaliana. (A) Mesure de la production de ROS après élicitation de pétioles de WT avec 10 μM, 50 μM, ou 100 μM de Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Mesure de l’aire de callose 24 h après traitement avec 100 μM de Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les mesures représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (C) Mesure de la conductivité suite à un traitement de disques foliaires de WT avec 10 μM, 50 μM, ou 100 μM de Rha-C10-C10, de Rha-Rha-C10-C10, ou 0.5 % d’EtOH (Control). Les mesures ont été réalisées 24h et 48h après traitement. collaboration avec l'équipe de M. Deleu et M. Ongena, TERRA, Gembloux). Ces résultats concordent avec nos observations et confortent l'hypothèse concernant l’interaction des RL avec les lipides de la membrane plasmique des plantes. Les modifications engendrées par ce phénomène pourraient alors impacter l'homéostasie cellulaire pour mener à l'activation des défenses si les modifications ne sont pas trop drastiques. 3. Les RL sont perçus par différentes plantes dicotylédones La perception de nombreux éliciteurs est conservée au sein du règne végétal. Pour exemple, il a récemment été mis en évidence que la production de ROS induite par les LPS était conservée chez le tabac, la tomate, le soja, le riz, et l’orge (Shang-Guan et al., 2018). Comparativement, la perception de mc-3-HFA est spécifique aux brassicacées (S. Ranf, communication personnelle), ou encore la perception de csp22 est spécifique des solanacées (Wang et al., 2016, Wei et al., 2018). Afin de déterminer la capacité des RL à induire des réponses immunes chez différentes plantes, la production de ROS a été étudiée suite à une élicitation avec du Rha-C10-C10 chez la tomate, le tabac, le colza, le blé, et l’orge. Alors que le Rha-C10-C10 induit une production tardive de ROS chez les dicotylédones testées dans notre étude, il n’induit pas de réponse chez les monocotylédones (Fig. CII-8A). L’étude de l’augmentation de la conductivité suite à un traitement avec du Rha-C10-C10 a aussi été réalisée chez ces espèces. Comparativement à la production de ROS les Rha-C10-C10 induisent une augmentation de mort cellulaire chez toutes ces espèces sans distinction (Fig. CII-8B). Néanmoins, l’augmentation de la perméabilité membranaire est plus lente chez les monocotylédones par rapport aux dicotylédones (Fig. CII-8B). 4. Les molécules amphiphiles ont une signature immunitaire conservée Afin de vérifier si d’autres molécules amphiphiles sont capables d’induire des mécanismes similaires aux RL, des plantes d’A. thaliana ont été traitées avec plusieurs LP, tels que la surfactine, des massetolides, la fengycine, et la mycosubtiline. Ces molécules sont notamment connues pour induire l’immunité des plantes, néanmoins leur mécanisme de perception reste inconnu (Tran et al., 2007 ; Ongena et al., 2007 ; Farace et al., 2015). Les expériences ont mis en évidence que ces LP sont aussi capables d’induire une production tardive de ROS. Les cinétiques de production de ROS sont variables en fonction du LP utilisé. Alors que la mycosubtiline induit des réponses similaires aux RL, la fengycine et la surfactine induisent une production erratique de ROS chez A. thaliana. Le massetolide quant à lui induit une production biphasique de ROS (Fig. CII-9A). Des tests de conductimétrie ont aussi mis en évidence que la surfactine et le massetolide sont capables d’induire une forte augmentation 134 A Figure CII-8 | les RL Rha-C10-C10 induisent une production tardive de ROS chez différentes espèces dicotylédones. (A) Mesure de la production de ROS après élicitation de disques foliaire d’A. thaliana, de colza, de tabac, de tomate, de blé, ou d’orge avec 100 μM de Rha-C10-C10. Les données représentent la moyenne ± SEM (n = 6). (B) Mesure de la conductivité suite à un traitement de disques foliaires d’A. thaliana, de colza, de tabac, de tomate, de blé, ou d’orge avec 100 μM de Rha-C10-C10.ou 0.5 % d’EtOH Control). Les mesures ont été réalisées 24h et 48h après traitement. Les résultats représentent la moyenne ± SEM de deux réplicas indépendants (n ≥ 3).
24,310
tel-03860030-2022UPASG033_BOYER_archivage.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,022
Optimisation des ressources dans un système énergétique complexe au moyen de modèles fonctionnels. Automatique / Robotique. Université Paris-Saclay, 2022. Français. &#x27E8;NNT : 2022UPASG033&#x27E9;. &#x27E8;tel-03860030&#x27E9;
None
French
Spoken
5,618
9,109
Optimisation des ressources dans un système énergétique complexe au moyen de modèles fonctionnels HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Optimisation des ressources dans un système énergétique complexe au moyen de modèles fonctionnels Resources optimization in a complex energy system based on functional models Thèse de doctorat de l ’université Paris- Sa clay É cole doctor ale n◦ 580, sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC) Spécialité de doctorat : Automatique Graduate School : Informatique et Science du Numérique Référent : CentraleSup é lec Thèse préparée dans l’un ité de recherche Laboratoire des signaux et systèmes (Université Paris-Saclay, CNRS, CentraleSupélec), sous la direction de Guillaume SANDOU, professeur, le co-encadrement d’Emmanuel GODOY, professeur, le co-encadrement de Cristina VLAD, maîtresse de conférences et la co-supervision de Philippe FIANI, responsable R&D de Sherpa Engineering Thèse soutenue à Paris-Saclay, le 11 juillet 2022, par Composition du Jury NNT : 2022UPASG033 THESE DE DOCTORAT Baptiste Boyer Marc PETIT Professeur, CentraleSupélec Michel BASSET Professeur, Université de Haute Alsace Frédéric KRATZ Professeur, INSA Centre Val de Loire Claude BARON Professeure, INSA Toulouse Claude-Gilles DUSSAP Professeur, Université Clermont Auvergne Guillaume SANDOU Professeur, CentraleSupélec/L2S Cristina VLAD Maîtresse de conférences, CentraleSupélec/L2S Emmanuel GODOY Professeur, CentraleSupélec/L2S Président Rapporteur & Examinateur Rapporteur & Examinateur Examinatrice Examinateur Directeur de thèse Co-encadrante Co-encadrant Remerciements Après plus de trois années plongé dans la préparation de cette thèse, c’est avec un sentiment de satisfaction mais aussi un certain soulagement que j’écris les dernières phrases de ce manuscrit. C’est l’occasion pour moi de prendre du recul et d’apprécier le chemin parcouru. Ce dernier a été long et souvent sinueux mais je retiens surtout son côté enrichissant et formateur, autant d’un point de vue technique et professionnel qu’humain. Il n’a été rendu possible qu’avec l’aide, le soutien et les encouragements de nombreuses personnes que je souhaite remercier. Mes premières pensées vont naturellement à mon équipe d’encadrement. Côté laboratoire, je remercie sincèrement mon directeur de thèse Guillaume Sandou et mes encadrants Cristina Vlad et Emmanuel Godoy pour la confiance qu’ils m’ont témoignée tout au long de cette aventure. Leurs conseils et leurs encouragements m’ont permis de faire progresser ce projet de la manière la plus judicieuse possible. Côté entreprise, un grand merci à mon encadrant Philippe Fiani pour m’avoir permis de réaliser cette thèse. Son expertise, ses idées et nos longues discussions m’ont beaucoup apporté d’un point de vue technique et ont largement contribué à l’orientation et l’avancement de ma thèse. Je voudrais aussi remercier les membres de mon jury de thèse, notamment les professeurs Frédéric Kratz et Michel Basset pour avoir pris le temps d’examiner mon manuscrit et de rapporter ces travaux de thèse. Je remercie également Marc Petit pour avoir accepté de présider le jury, ainsi que Claude Baron et Claude-Gilles Dussap pour avoir accepté d’en faire partie. Je tiens à remercier tous mes collègues de Sherpa Engineering, autant pour les discussions techniques ou leur aide sur certains aspects de mes travaux, que pour tous les moments de convivialité partagés autour de pauses café, d’afterworks ou de parties de babyfoot endiablées. Un merci tout particulier à Mert pour m’avoir accompagné dans les premières étapes de ma thèse et permis de comprendre plusieurs concepts à la base de ces travaux. Je souhaite remercier également tous les membres du laboratoire L2S que j’ai côtoyés au cours de ces trois années et plus particulièrement les doctorants, qui ont rendu cette aventure particulièrement agréable. Merci à Vincent, Dario, Thomas, Martin, Joy, Matthieu, Geoffray, Jérémy, Maxime, Miguel, Jean, Kodjo, Antonello, Ali, Benjamin, Nihed, Hung pour les parties de tarot de volley, de Mölkky ou de jeux de société et tous les moments de détente passés en votre compagnie. Je remercie également mes amis pour avoir parsemé ces années de joyeux moments. Une mention spéciales à mes voisins Aurélien, Charlotte, Maxime et Marion i ii qui ont égayé les soirées du confinement. Un merci particulier à ma famille, mes parents, mes sœurs et ma grand-mère qui m’ont fourni un cadre de vie privilégié et qui m’ont toujours soutenu dans mes choix et projets. Enfin, je remercie profondément Mélanie, pour sa présence et son soutien constant tout au long de cette aventure et dans tous les moments de la vie. Sa joie de vivre communicative a illuminé ces trois années. Table des matières Remerciements i Table des figures vii Liste des tableaux xi Liste des acronymes xiii 1 Introduction 1.1 Contexte.................................... 1.1.1 Qu’est-ce qu’un système complexe?............... 1.1.2 L’ingénierie système face au défi de la complexité....... 1.1.3 La nécessité de modélisation.................... 1.2 Motivations et contributions........ ................ 1.2.1 Motivations........................ 1.2.2 Publications.............................. 1.3 Structure du document........................... Références bibliographiques du chapitre 1.................... 1 1 1 3 5 6 6 7 8 11 2 Modélisation fonctionnelle 2.1 Approche de modélisation à trois niveaux d’ abstraction........ 2.1.1 Motivations.............................. 2.1.2 Niveau téléologique......................... 2.1.3 Modélisation multiphysique.................... 2.2 Modélisation fonctionnelle......................... 2.2.1 Formalisme de la modélisation................... 2.2.2 Éléments fonctionnels........... ............. 2.2.3 Intégration logicielle......................... 2.2.4 Interactions avec les niveaux téléologique et multiphysique.. 2.3 Application de la méthodologie pour un véhicule électrique ...... 2.3.1 Modèle téléologique........................ 2.3.2 Modélisation fonctionnelle..................... 2.3.3 Stratégies d’arbitrage........................ 2.3.4 Modélisation multiphysique.................... 2.4 Résultats de simulation............................ 2.4.1 Arbitrages thermiques........................ 2.4.2 Arbitrages entre besoins mécaniques et thermiques...... 2.5 Conclusions partielles............................ Références bibliographiques du chapitre 2................... 18 19 20 22 25 26 28 28 30 33 41 44 44 50 53 55 iii iv Table des matières 3 Commande prédictive au niveau fonctionnel 3.1 Commande prédictive............................ 3.1.1 Principe général........................... 3.1.2 Principales méthodes de commande prédictive......... 3.2 Mise en place d’une approche PFC dans la modélisation fonctionnelle 3.2.1 Formalisme de la méthode PFC.................. 3.2.2 Résolution et implémentation de la commande prédictive dans les blocs fonctionnels........................ 3.3 Application à un système de production électrique........... 3.3.1 Contexte............................... 3.3.2 Présentation du cas d’étude.................... 3.3.3 Simulation du modèle.................... 3.4 Extension à un système MIMO avec prise en compte de retards de commande et de contraintes sur le réseau................ 3.4.1 Présentation du cas d’étude.................... 3.4.2 Répartition des besoins au sein du distributeur......... 3.4.3 Prise en compte du retard de commande............ 3.4.4 Résultats de simulation....................... 3.5 Conclusions partielles............................ Références bibliographiques du chapitre 3................... 2.2 Architecture d’un élément fonctionnel................... 2.3 Exemple d’ensemble organico-fonctionnel................. 2.4 Schéma fonctionnel simplifié d’un véhicule électrique (Boyer et al., 2020)....................................... 2.5 Interactions entre les modèles téléologique et fonctionnel........ 2.6 Modèle téléologique d’un VE......................... 2.7 Modèle fonctionnel du sous-système électromécanique d’un VE.... 2.8 Modèle fonctionnel du sous-système thermique du VE (Boyer et al., 2020)....................................... 2.9 Détail du circuit d’air cabine (Boyer et al., 2020).............. 2.10 Couplage entre les sous-systèmes électromécanique et thermique... 2.11 Introduction d’un superviseur global pour le contrôle du véhicule électrique.................. 2.12 Principe de la stratégie d’arbitrage entre les besoins de mobilité et de confort thermique............................... 2.13 Schéma de l’architecture physique des circuits de refroidissement et de chauffage du VE.............................. 2.14 Détail des deux modes de fonctionnement principaux du sous-système thermique.................................... 2.15 Capture d’écran du modèle multiphysique du sous-système thermique du VE réalisé sur PhiSim............................ 2.16 Résultats de la simulation du modèle fonctionnel selon le scénario S0. 2.17 Résultats de la simulation du modèle fonctionnel selon le scénario S1. 2.18 Profils de température de la cabine et de la batterie selon les scénario S2a, S2b et S2c................................. 2.19 Résultats de la simulation du modèle multiphysique contrôlé par le modèle fonctionnel selon le scénario S2a. ................. 2.20 Cycle de conduite en milieu rural ARTEMIS étendu (CCRAE)....... 2.21 Comparaison des différentes stratégies d’arbitrage entre les besoins électromécaniques et thermiques...................... 3.1 3.2 3.3 17 20 25 26 27 29 31 32 32 33 34 40 42 42 43 46 47 49 50 51 52 Schéma du principe général de la commande prédictive. 59 Schéma du principe du PFC. 64 Introduction d’une approche PFC dans le modèle d’un système composé d’une source et d’un consommateur. 69 vii viii Table des figures 3.4 Décomposition de la méthode P FC dans un distributeur connecté à deux sources et un consommateur . 69 3.5 Représentation schématique du système étudié. 71 3.6 Influence de l’angle de rotation des pales sur le coefficient de puissance. 73 3.7 Profils de production maximale réel (Source : RTE) et estimé. 74 3.8 Résultats de simulation . 76 3.9 Influence de la valeur de γBat sur le taux d’exploitation et l’état de charge de la batterie. 77 3.10 Schéma du système étudié. 78 3.11 Modèle fonctionnel du s ystème étudié. 80 3.12 Résultats de la simulation de référence. 86 3.13 Profils de prédiction utilisés dans le modèle des parc s . 88 3.14 Puissances demandées et reçues par les consommateurs selon le profil de prédiction utilisé . 89 3.15 Puissances demandées et reçues par les consommateurs en fonction du temps d’échan tillon nage de la mesure de pu issance de sortie des parcs. 90 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 Schéma d’un système multi-énergies. 99 Energy and matter flows in Kalundborg industrial symbiosis (Kal, 2021). 101 Différentes représentations d’un profil de charge annuel. 115 Schéma de la méthodologie d’optimisation d’un SME. 129 Monotone de puissance de consommation de la région Normandie discrétisée en vingt périodes. 132 4.6 Répartition de charge entre les moyens de production et de stockage dans la configuration 1. 133 4.7 Répartition de charge entre les moyens de production et de stockage dans la configuration 2. 135 4.8 Plannings de démar rages, d ’ arrêt s et de charge des installations du système pendant un . 136 4.9 Plannings de démarrages, d’arrêts et de charge des installations du système pendant un an avec maintenance annuelle des centrales nucléaires. 138 4.10 Plannings de démarrages, d’arrêts et de charge des installations du système pendant une semaine hivernale. 139 4.11 Modèle fonctionnel du système. 139 4.12 Simulation de l’allocation de ressources en temps réel au moyen d’un modèle fonctionnel. 140 4.13 Simulation de l’allocation de ressources en temps réel au moyen d’un modèle fonctionnel avec prise en compte d’une erreur de prédiction gaussienne. Tableau récapitulatif des éléments fonctionnels.............. Caractéristiques du véhicule électrique................... Paramètres du scénario S0.......................... Paramètres du superviseur.......................... Caractéristiques du cycle de conduite en milieu rural ARTEMIS étendu. Paramètres des scénarios S3......................... Résultats des simulations S3a, S3b et S3c.................. 19 24 45 46 48 51 52 53 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 Caractéristiques de la batterie et du parc éolien.............. Paramètres de simulation........................... Paramètres de la simulation de référence.................. Performances du système en fonction du modèle de prédiction utilisé. Performances du système en fonction du temps d’échantillonnage de la me sure de puissance de sortie des parcs................ Comparaison des performances du système avec des limitations de la puissance transitant sur les lignes fixes ou déterminées à partir d’un modèle de température............................ CCUSC CE CEE CGN CHP COP CTP Centrale à Charbon Ultra SuperCritique. Chaudière électrique. Certificat d’Économie d’Énergie. Chaudière au Gaz Naturel. Combined Heat and Power (Cogénération de Chaleur et d’Électricité). Coefficient de Performance. Coefficient de Température Positive. DMC Dynamic Matrix Control. EMI EOF EXV Énergie, Matière ou Information. Ensemble Organico-Fonctionnel. Vanne d’expansion électronique. GES GN GPC Gaz à Effet de Serre. Gaz Naturel. Generalized Predictive Control. IS Ingénierie Système. LPM Linéaire Par Morceaux. MAC MBSE MCI MDE MEL MISO MPC Model Algorithmic Control. Model-Based System Engineering (Ingénierie Système Guidée par les Modèles). Moteur à Combustion Interne. Maîtrise et Demande en Énergie. Machine Électrique. Multi Input Single Output. Model Predictive Control. OPF Optimal Power Flow. PAC PC Pompe À Chaleur. Pile à Combustible. xiii xiv Liste des acronymes PFC PI PL PLNE PQ PSC PTDF Predictive Functional Control. (régulateur) à action Proportionnelle Intégrale. Programmation Linéaire. Programmation Linéaire en Nombre Entier. Programmation Quadratique. Puissance Sur Chaleur. Power Transfer Distribution Ratio. QDMC Quadratic Dynamic Matrix Control. RTE RUME Réseau de Transport d’Électricité. Réseau Urbain Multi-Énergies. SISO SME SOC SSE STEP STS Single Input Single Output. Système Multi-Énergies. État de Charge. Système de Stockage Électrique. Station de Transfert d’Énergie par Pompage. Stockage Thermique Sensible. TGC TGCC TGCO TVCP TVEC Turbine à Gaz en Cogénération. Turbine à Gaz en Cycle Combiné. Turbine à Gaz en Cycle Ouvert. Turbine à Vapeur à Contre-Pression. Turbine à Vapeur à Extraction Condensation. VE Véhicule Électrique. WPP Wind Power Plant (Parc de production éolienne). Chapitre 1 Introduction Sommaire 1.1 Context e ............................... 1.1 1 1.1.1 Qu’est-ce qu’un système complexe?............. 1 1.1.2 L’ingéni erie système face au défi de la complexité..... 3 1.1.3 La nécessité de modél isation .................. 5 1.2 Motivations et contributions................... 6 1.2.1 Motivations............................ 6 1.2.2 Publications............................ 7 1.3 Structure du document...................... 8 Références bibliographiques du chapitre 1.............. 11 Context e 1.1.1 Qu’est-ce qu’un système complexe? Afin de répondre à cette question, il convient dans un premier temps de définir ce qu’est un système. Ce terme provient du grec sustēma qui signifie “organisation, ensemble” et a donné lieu à de nombreuses définitions, dont les principales sont citées ci-dessous : • van Bertalanffy (1968) est l’un des premiers à théoriser cette notion : “Un système peut être défini comme un ensemble d ’éléments qui interagissent”. Ce système est dit ouvert ou fermé selon que ses éléments interagissent également avec son environnement ou non. • de Rosnay (1977) complète cette première définition en ajoutant la notion de finalité : “un système est un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but”. • Les membres du Conseil International de l’Ingénierie Système (INCOSE) se sont mis d’accord sur la définition donnée par Maier et al. (2000) qui insiste sur l’émergence de nouvelles propriétés inhérentes au système par rapport à la somme des propriétés des éléments qui le composent : “Un système est une construction ou une collection de différents éléments qui, ensemble, produisent des résultats qui ne peuvent être obtenus par les éléments seuls. Chapitre 1. Introduction La valeur ajoutée par le système dans son ensemble, au-delà de celle apportée indépendamment par les parties, est principalement créée par la relation entre les parties, c’est-à-dire la façon dont elles sont interconnectées.” L’INCOSE précise, dans cette définition, ce qu’il faut entendre par “éléments” et “résultats” : “Les éléments, ou parties, peuvent comprendre des personnes, du matériel, des logiciels, des installations, des politiques et des documents. Les résultats comprennent les qualités, les propriétés, les caractéristiques, les fonctions, le comportement et les performances au niveau du système.” (Bahill, 2001) Une petite nuance pourrait être apportée à la dernière partie de la définition de Maier et al. (2000) en précisant que la valeur ajoutée par les relations entre les parties peut être également négative du fait d’inhibitions, d’empêchements ou de propriétés antagonistes. • Enfin, Le Moigne (1984) propose, plutôt qu’une définition au sens propre, une description générale et synthétique qui semble englober toutes les caractéristiques communes à tous les systèmes : ”un objet qui, dans un environnement, doté de finalités, exerce une activité et voit sa structure interne évoluer au fil du temps, sans qu’il perde pourtant son identité unique.” Cette dernière description donne les composantes essentielles d’un système en restant le plus générique possible – indépendant de la nature du système : physique, biologique, technologique, sociologique, etc. – et tous les systèmes étudiés dans ces travaux respectent cette description. De la même manière que le concept de “système”, sa “complexité” fait référence à différents concepts ou idées. Sillitto (2009) fait la distinction entre la complexité subjective, qui est liée à la représentation mentale du système par un individu – et donc son incapacité totale ou partielle à comprendre le comportement du système et anticiper son évolution –, et la complexité objective, inhérente au système et à ses caractéristiques “quantifiables”. Les causes entraînant l’augmentation de la complexité objective d’un système sont diverses, les principales sont données ci-dessous (Sheard et Mostashari, 2011, 2009 ; Ladyman et al., 2012 ; Shalizi, 2006) : • Le nombre d’éléments constituant le système. • Le nombre et la densité des interactions entre les différents éléments et avec l’environnement, ainsi que la diversité de leur nature. • La variété des domaines (physiques, énergétiques, sociaux, biologiques, etc.) auxquels appartiennent les différents éléments. • La non-linéarité du comportement de certains éléments. • Le comportement non-déterministe (perturbations internes et sensibilité à celles de l’environnement) système. • L’émergence de nouvelles propriétés liées aux interactions internes et externes. • La dynamique d’évolution de la structure interne du système. Le niveau de complexité objective amené par ces différentes causes peut mener à des difficultés de compréhension ou de prédiction du système (causalité entre entrées et sorties) – et donc une complexité subjective accrue –, un niveau d’incertitudes important et, surtout dans le cas d’un système artificiel (créé par l’humain), un contrôle délicat à élaborer et des modifications, maintenances ou réparations difficiles à effectuer (et souvent coûteuses). Chapitre 1. Introduction 3 Ces travaux de thèse s’appliquent à des systèmes complexes pilotables, c’est-àdire sur lesquels des actions peuvent être réalisées pour en modifier le comportement. Cette catégorie regroupe principalement des systèmes technologiques artificiels, mais peut englober certains systèmes naturels (par exemple un écosystème dans lequel certaines espèces sont protégées ou réintroduites) ou hybrides (le cycle du carbone ou de l’eau sur Terre par exemple). 1.1.2 L’ingénierie système face au défi de la complexité Avant le développement de l’approche systémique, la compréhension des systèmes, leur représentation ou leur conception se fondaient principalement sur la méthode cartésienne détaillée par Descartes (1637) dans son célèbre “Discours de la méthode”. Cette dernière est fondée sur quatre préceptes que l’on pourrait résumer ainsi : 1. Le précepte d’évidence : ne considérer vrai que ce qui est certain et évident. 2. Le précepte de division : décomposer un système en autant d’éléments que nécessaire pour réduire sa complexité. 3. Le précepte de synthèse : ordonner la pensée en commençant par expliquer les éléments les plus simples. 4. Le précepte d’exhaustivité ou de dénombrement : vérifier qu’aucun élément de déduction n’a été dans le raisonnement. Ces quatre principes sont puissants et ils sont suffisants pour analyser une large diversité de systèmes, avec une grande rigueur scientifique, en se focalisant sur les éléments qui le composent. Le système et son analyse sont objectifs et indépendants de l’observateur. Toutefois, le problème doit être bien posé, délimité et fini, sans quoi au moins un précepte ne peut être respecté. Un autre inconvénient de la méthode cartésienne est qu’elle coupe des liens qui sont importants et crée des disciplines qui s’ignorent, rendant difficile ou impossible l’émergence d’une cohérence globale (Brunet, 2020). Enfin, la complexité accrue des systèmes mentionnée dans la section précédente soulève les limites de la méthode cartésienne. C’est dans ce contexte que la démarche systémique a été développée dans la seconde moitié du XXe siècle, non pas par opposition à la méthode cartésienne mais en lui étant complémentaire. Selon Le Moigne (1984), on peut définir quatre nouveaux préceptes autour desquels cette approche s’articule : 1. Le précepte de pertinence : convenir que tout objet que nous considérons se définit par rapport aux intentions implicites ou explicites du modélisateur. 2. Le précepte de globalisme : considérer l’objet à connaître comme une partie immergée et active au sein d’un plus grand tout. 3. Le précepte téléologique : interpréter l’objet non pas en lui-même, mais par son comportement, sans chercher à expliquer a priori ce comportement. 4. Le précepte de l’agrégativité : convenir que toute représentation est partisane, non pas par oubli du modélisateur, mais délibérément. Ainsi, la démarche systémique propose une vision globale du système, dans laquelle les interactions jouent un rôle essentiel en créant du lien entre les es disciplines techniques, auxquelles se réfèrent les éléments du système. Chapitre 1. Introduction L’application de cette démarche à l’ingénierie des systèmes industriels, puis naturels est regroupée sous le terme d’ingénierie système (IS) et a donné lieu à la création de l’INCOSE en 1991, qui est l’association de référence dans ce domaine. L’Agence Française d’Ingénierie Système (AFIS, 2012), affiliée à l’INCOSE, définit l’IS comme “une approche collaborative et interdisciplinaire, fondée sur la science et l’expérience, qui englobe les activités pour concevoir, développer, faire évoluer et vérifier un ensemble de processus, produits et compétences humaines apportant une solution globalement optimisée à des besoins identifiés et acceptable par l’environnement.” L’IS englobe toutes les activités liées aux différentes étapes du cycle de vie du système, détaillées ci-dessous, qui forment le processus qui permet de passer de l’idée à la réalisation d’un système et à sa fin de vie (INCOSE, 2015 ; Voirin, 2018 ; Forsberg et al., 2005 ; Lightsey, 2001) : 1. Analyse préliminaire ou opérationnelle : cette première phase débute le plus souvent par la formulation d’un besoin par un opérateur. Elle consiste à analyser les problématiques liées à ce besoin, identifier les parties prenantes et les activités concernées, effectuer une première estimation des impacts et des bénéfices (financiers, environnementaux, liés à la sécurité, etc.) associés à ce concept. 2. La définition des exigences : cette phase consiste à recueillir toutes les exigences des utilisateurs, sélectionner celles qui pourront être prises en compte dans le projet pour établir le cahier des charges, et étudier la faisabilité technique de la satisfaction de ces exigences. 3. La conception du système : au cours de cette étape, les différentes solutions techniques permettant de répondre au cahier des charges sont évaluées pour retenir la meilleure d’entre elles. L’architecture fonctionnelle du système, c’està-dire le choix des différentes fonctions à réaliser et à assembler pour satisfaire les exigences, est élaborée et les coûts du cycle de développement et le planning prévisionnel sont précisés. Enfin, une architecture plus détaillée du système est élaborée, dans laquelle sont sélectionnés les composants technologiques qui réaliseront les fonctions précédemment définies. 4. La fabrication du système : lors de cette étape, tous les composants du système conçu dans les phases précédentes sont produits (dans certaines approches, leur conformité est testée séparément) et sont assemblés pour former le système final. Certaines contraintes de production peuvent amener à modifier les solutions retenues dans les étapes précédentes, ce qui nécessite de nouvelles vérifications/validations. 5. L’intégration et la validation du système : cette étape consiste à intégrer le système final dans son environnement et à vérifier que son fonctionnement est conforme à sa conception générale et aux exigences. 6. Le déploiement, l’utilisation et le support : une fois le système validé, il peut être déployé auprès des utilisateurs ciblés dans la première étape. Le système est ensuite opéré par ces derniers pour répondre au besoin initial. De légères modifications peuvent être implémentées au cours de cette phase pour améliorer les performances du système, sa durée de vie ou assurer sa portabilité par exemple. 7. La fin de vie : cette dernière phase correspond au processus de mise hors Chapitre 1. service du produit et du traitement de tous les composants du système (recyclage, destruction, stock , etc.). Les phases présentées ci-dessus ne sont pas indépendantes les unes des autres : des informations peuvent être échangées et des allers-retours effectués entre les étapes. Parmi les différentes approches qui ont été élaborées pour articuler ces étapes, nous pouvons en citer deux principales. Le modèle en cascade, le plus simple, consiste à suivre les étapes dans l’ordre proposé ci-dessus (des variantes proposent un retour vers l’étape précédente en cas de détection de défauts ou la réalisation préalable d’un prototype). Le cycle en V décompose les étapes en un flux descendant au cours duquel le système est défini jusqu’à sa production et un flux ascendant de validation et vérification. Chaque étape du flux ascendant permet de valider une étape du flux descendant et de revenir à lui en cas de défauts, ce qui confère à cette approche une plus grande souplesse que le modèle en cascade. 1.1.3 La nécessité de modélisation Dans l’approche traditionnelle de l’ingénierie système, les différentes étapes du cycle de développement du système présentées dans la partie précédente utilisent comme supports des documents écrits, dont le nombre et la diversité de formats peuvent, selon la complexité du système et du cahier des charges, être conséquents. Pour assurer la validité, la traçabilité et la mise à jour de toutes les informations, la gestion de cet ensemble de documents peut vite devenir chronophage, coûteuse (Delligatti, 2014) et source d’erreurs (Fernández et Hernández, 2019). De plus, la multiplicité de documents rend également difficile la maintenance du système ou la réutilisation des informations de conception pour un projet similaire. Afin de pallier ces difficultés, Wymore (1993) introduit en 1993 un formalisme mathématique du concept d’ingénierie système guidée par les modèles (MBSE pour Model-Based System Engineering en anglais), dans lequel le support de toutes les étapes du cycle de développement du système est généré sous forme d’un “modèle systémique”. Ce dernier est une entité multi-vues partageable entre les différentes parties prenantes du projet pour servir d’élément de communication et structurée en différents niveaux selon trois dimensions principales (Brunet, 2020) : • Une dimension systémique composée de trois niveaux de représentation qui seront présentés de manière détaillée dans le chapitre 2. Le premier niveau est focalisé sur les finalités ou missions du système, tandis que le second définit les grands ensembles fonctionnels du système et le dernier niveau est centré sur la solution technique finale. Ainsi, il est à noter que chaque niveau représente le système dans son ensemble mais selon un point de vue qui lui est propre. • Une dimension de décomposition hiérarchique dans laquelle la structure du système peut être divisée en plusieurs sous-systèmes, eux-mêmes décomposables en modules. • Une dimension temporelle qui décompose les différentes phases du cycle de vie du système. Le MBSE a deux objectifs principaux. Le premier est de favoriser la communication entre les différentes parties prenantes du projet lors des phases de conception. L’utilisation d’un langage de modélisation commun ainsi que la représentation du système sous différents points de vue permet une meilleure compréhension et col Chapitre 1. Introduction laboration entre les équipes. Parmi les nombreux langages de modélisation système qui ont été élaborés pour assister les premières phases de conception d’un système, le plus utilisé aujourd’hui est SysML (Systems Modeling Language). Ce dernier a servi de support au développement de nombreux outils de modélisation système tels que Papyrus (Atos Origin), PhiSystem (SherpaEngineering), Rhapsody (IBM Rational). Le second objectif est le développement d’un modèle de simulation du système (à partir des modèles établis lors des phases de conception) pour effectuer certaines étapes de test et validation du comportement du système. Ces étapes peuvent être coûteuses et chronophages lorsqu’elles sont réalisées sur le système réel et la simulation permet de réduire ces impacts. De plus, elle peut également permettre la détection de certains défauts de comportement (et ainsi leur résolution) avant même la production du système. Des modèles purement mathématiques peuvent être utilisés pour la simulation mais ils peuvent être difficiles à interpréter dans le cas de systèmes complexes. De nombreux formalismes de modélisation graphique ont été développés et sont aujourd’hui largement utilisés. Nous pouvons citer, parmi les principaux, les schémas blocs (Graybeal, 1951), l’approche par Bond Graph ou graphes de liaisons (Paynter, 1961) sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre 2, le graphe informationnel causal (GIC) (Hautier et Faucher, 1996) ou encore la représentation énergétique macroscopique (REM) (Bouscayrol et al., 2000). Outre les avantages mentionnés précédemment, le MBSE permet également de réduire les risques de développement (meilleure estimation des coûts en amont), d’améliorer la qualité (rigueur de traçabilité) mais aussi d’accroître l’efficacité et la productivité (nombre d’erreurs réduit dans les phases de validation et réutilisation possible du modèle pour son support, son évolution ou pour un projet similaire) (Friedenthal et al., 2015). 1.2 Motivations et contributions 1.2.1 Motivations Afin de satisfaire un nombre d’objectifs et de contraintes toujours plus important (d’un point de vue économique, environnemental, social, technique, etc.) pour répondre à une problématique, les ingénieurs sont amenés à concevoir des systèmes de complexité croissante et comportant de multiples finalités. Dans ces travaux, nous nous intéressons particulièrement aux réseaux énergétiques multi-sources (écoquartier, réseau électrique, bâtiment, etc.), dont la gestion des flux entre les sources et les consommateurs peut être optimisée selon un critère défini. Les stratégies d’optimisation du fonctionnement de tels systèmes peuvent être élaborées et testées dès les phases de conception du système à partir d’un modèle de simulation du système. Ce dernier fait souvent intervenir différents domaines de la physique et il peut se révéler difficile à manipuler pour l’élaboration des outils d’optimisation et de supervision. De précédents travaux (Mokukcu et al., 2016) ont posé les bases d’une approche méthodologique, permettant de développer une modélisation énergétique fonctionnelle décrivant, de façon modulaire et au moyen de modèles mathématiques “juste nécessaires” (relations énergétiques), les différents éléments d’un système complexe et leurs interconnexions. Cette approche, fondée sur les concepts de la modélisation fonctionnelle (Le Moigne, 1984 ; Krob, 2009 ; Pe- Chapitre 1. Introduction 7 nalva et Page, 1994), est détaillée dans le chapitre 2 et constitue la base des travaux réalisés. Cette approche peut être utilisée à la fois dans les phases de développement pour l’élaboration de l’architecture fonctionnelle du système et le dimensionnement de certains ensembles fonctionnels et dans les phases de test, validation et utilisation pour la simulation du comportement du système selon certains scénarios et le pilotage du système réel. Afin de pouvoir modéliser une large diversité de systèmes par cette approche et notamment les systèmes multi-énergies (SME), le premier objectif de ces travaux est d’accroître la généricité et la modularité de cette approche avec : • L’extension des concepts existants et la modification d’éléments pour permettre la prise en compte des problématiques liées d’une part aux transferts thermiques et d’autre part au couplage entre plusieurs domaines énergétiques (cogénération par exemple). La prise en compte de la dynamique de réponse des éléments du système, de leurs contraintes et des perturbations afin d’améliorer le pilotage des variables manipulables du système. Ce second point est traité avec le développement et l’implémentation d’algorithmes de commande prédictive au sein des éléments de la modélisation fonctionnelle. Ces algorithmes serviront également de support pour un second objectif : l’optimisation du processus d’allocation des ressources dans un système multi-sources selon un critère choisi. Afin de ne pas affecter la modularité de la modélisation fonctionnelle, un découpage spécifique du problème d’optimisation et la modification de la nature des informations transmises par les liens fonctionnels s’imposent et sont décrits dans ces travaux. Un troisième objectif consiste à développer un niveau d’arbitrage entre les différentes missions du système. Ce niveau, assez proche de la notion de superviseur, possède une vision globale du système et une abstraction élevée et a pour but, entre autres, d’optimiser une fonction objectif multicritère en temps réel. Dans ces travaux, ce niveau d’arbitrage est illustré notamment sur le véhicule électrique qui doit satisfaire plusieurs objectifs (confort thermique, vitesse, intégrité de la batterie, etc.) pour un trajet et une autonomie imposés. L’optimisation introduite dans la modélisation fonctionnelle présente cependant quelques limitations, notamment la prise en compte délicate de variables manipulables discrètes et la difficulté d’optimisation à la fois sur un horizon de prédiction élevé et avec une résolution temporelle fine. C’est une problématique qui intervient notamment dans le problème d’engagement des unités de productions (Unit Commitment Problem) dans les SME. Ainsi, un dernier objectif consiste à résoudre un problème d’optimisation supérieur (avec variables discrètes sur un horizon élevé avec une résolution temporelle peu raffinée) dans le superviseur et à introduire les résultats obtenus dans le contrôle des éléments fonctionnels par le biais d’une fonction de coût. 1.2.2 Publications Cette thèse a été réalisée en convention CIFRE entre le département de recherche et développement de Sherpa Engineering et le Laboratoire des Signaux et Système (L2S) de CentraleSupelec. Les méthodes développées et les résultats obtenus au cours de ces travaux de thèse ont donné lieu à la production de plusieurs articles, ré - 8 Chapitre 1. Introduction pertoriés ci-dessous, qui ont été publiés dans une revue ou présentés lors de conférences. Chapitre de livre international • Boyer, B., Fiani, P., Sandou, G., Godoy, E., et Vlad, C. Functional Model-Based Arbitration Strategies Between System Missions : An Application to the Electric Vehicle. In Gusikhin, O., Madani, K., et Zaytoon, J., editors, Informatics in Control, Automation and Robotics, volume 793, pages 519–543. Springer International Publishing, Cham, 2022 Conférences internationales avec actes • Boyer, B., Fiani, P., Sandou, G., Godoy, E., et Vlad, C. Functional Model-Based Resource Management : An Application to the Electric Vehicle Thermal Control. • Boyer, B., Fiani, P., Sandou, G., Godoy, E., et Vlad, C. Model Predictive Control Modular Approach for Multi-Source System Management. In 2021 IEEE 9th International Conference on Smart Energy Grid Engineering (SEGE), pages 88–93, August 2021 Conférence nationale avec actes • Fiani, P., Boyer, B., Brunet, C., et Bruniquel, G. Utilisation de la modélisation énergétique fonctionnelle pour la synthèse thermique des véhicules hybrides et électriques. In SIA Simulation Numérique : La Simulation Numérique Au Sein de l’innovation Automobile., Saint-Quentin en Yvelines, France, 2019 Conférences internationales sans actes • Thiron, B., Boyer, B., Fiani, P., et Gerbi, O. Global Control Loop the MELiSSA Life Support System. In MELiSSA Conference 2020, 2020 • Guarato, P., Erkman, S., Boyer, B., et Fiani, P. A model for the global carbon cycle. In MELiSSA Conference 2020, 2020 1.3 Structure du document La suite de ce manuscrit est structurée en cinq chapitres, dont les idées principales sont présentées dans les paragraphes suivants. Le chapitre 2 présente une méthodologie pour représenter, concevoir un système complexe et valider son comportement. Cette approche repose sur une modélisation du système avec trois niveaux d’abstraction différents, qui sont explicités avec une Chapitre 1. Introduction 9 attention particulière pour la modélisation fonctionnelle qui est au centre de ces travaux. Bien que les trois niveaux soient tous autonomes avec leurs propres langage et point de vue du système, nous montrons comment, grâce à leurs interactions, ils peuvent s’enrichir et se compléter tuellement pour former un tout cohérent.
56,400
2013AIXM4339_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,013
Transfert de chiralité dans les réarrangements en cascade d'ènediynes
None
French
Spoken
7,917
15,155
Figure 20 Des résultats similaires à ceux de la réaction de (S)-54 avec 58a ont été obtenus quand (S)54 a été mis à réagir avec le diazoester 58b (Tableau 6, Entrée 1). A 80 °C, le rendement global est faible à cause de la formation compétitive du tetrayne 61 résultant de la réaction d’homocouplage de Glaser-Hay (Figure 21).80 Figure 21 En abaissant la température à 50 °C (Entrée 2), on isole le produit tétracyclique 60b (Figure 20) avec un rendement global de 65% en seulement 30 min. Il n’y a aucune diastéréosélectivité, puisqu’on isole le produit 60b sous la forme d’un mélange 1:1 de deux diastéréomères. A température ambiante la réaction reste efficace, et le rendement global augmente jusqu’à 70%. De plus, on observe une conservation presque totale de la chiralité (94% et 95% d’excès énantiomérique, respectivement pour les isomères trans et cis de 60b). 80 Balaraman, K.; Kesavan, V. S ynthesis 2010, 3461. 92 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Tableau 6 : Réactivité des composés 54 Température Entrée Substrat 58a Temps [h] 1 (S)-54 58b 0.5 80 2 (S)-54 58b 0.5 50 3 (S)-54 58b 2 T.A. 4 (S)-54 58c 2 Produit [°C] (ee [%]) Cis-60b (94) Trans-60b (92) Cis-60b (94) Trans-60b (92) (S)-54 58d 2 80 6 (±)-54' 58d 2 80 Rendement Rendement [%] global - 41c - 65 Cis-60b (95) 35 Trans-60b (94) 35 Trans-60c (91) 30 Cis-60c (93) 13d (S)-62 (93) 30 Cis-60d (91) 28 Trans-60d (79) 35 (±)-Cis-60'd 37 (± -Trans-60'd 37 80 5 b 70 73 63 74 1,4 équivalent b L’excès énantiomérique est déterminé par HPLC chirale. c A 80 °C le produit d’homocouplage de Glayser-Hay 61 est formé à hauteur de 40%. d Rendement RMN (cis-60c ne peut pas être isolé pur, il est contaminé par l’alcène 62). a Le composé tétracyclique trans-60c (Figure 20) a été isolé avec un rendement de 30% et un excès énantiomérique de 91% (Tableau 6, Entrée 4) lors de la réaction de (S)-54 avec 58c. Au cours de cette même réaction l’oléfine (S)-62 (Figure 22) qui résulte, comme nous le verrons dans la discussion du mécanisme, d’une réaction compétitive de dismutation a été isolée avec un rendement de 30%. Il est intéressant de noter que son excès énantiomérique reste élevé (93%). Ce résultat démontre que même le transfert d’atome d’hydrogène lors du processus de dismutation s’effectue avec mémoire de chiralité. Figure 22 Dans le but d’augmenter la diastéréosélectivité de cette réaction, nous avons remplacé l’ester éthylique de 58a par un ester tert-butylique (58d). Malheureusement, ceci n’a pas donné lieu à l’effet attendu. Aucune influence significative n’a pu être observée sur la diastéréosélectivité et l’énantiosélectivité (Tableau 6, Entrée 5). De même, l’introduction simultanée de deux groupements encombrants de type tert-butyl ester dans le diazoester 58d 93 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux et dans l’ènediyne 54' n’a pas eu d’impact sur la diastéréoselectivité de la réaction qui conduit au produit tétracyclique 60'd (Tableau 6, Entrée 6). La réaction avec [Rh(OAc)2]2 comme catalyseur n’a pas permis d’aboutir au produit de cyclisation , le substrat 54 a été récuperé inchangé. Il en a été de même quand la 2diazodimédone ou la 2-diazodiméthylcétone ont été mises à ré avec le substrat 54 dans les conditions optimales. Cette dernière observation est en accord avec les conclusions de la littérature quant à plus faible réactivité de ces espéces à cause d’une stabilisation par effet électroattracteur.81 La Figure 23 représente les produits obtenus à partir du substrat 55. Les bilans des réactions sont répertoriés dans le Tableau 7. Figure 23 La réaction avec l’ènediyne dérivé de la phényl-oxazolidin-2-one (S)-55 avec le diazoester 58b conduit à la formation du produit tétracyclique 63b avec un rendement global de 78% (Tableau 7, Entrée 1). On observe un haut niveau de mémoire de chiralité . Un résultat similaire est observé avec l’énantiomère (R)-55 (Tableau 7, Entrée 2) . L’obtention des produits images des précédents démontre la stéréospécificité du processus. Comme on l’a vu précéd emment, pour la réaction de (S)-54 avec 58c, la transformation de (S)-55 conduit à la formation d’ un produit ol é fini que 64 (Figure 23 ) avec un rendement de 9% (Tableau 7, Entrée 4) . Le produit majoritaire de cette réaction est le tétracycle (S, R)-56c, qui est isolé sous la forme d’un seul diastéréomère avec un rendement de 34% et un excès énantiomérique de 97%. L’autre diastéréomère n’est visible que sous forme de traces dans le mélange réactionnel. 81 Davies, H . M . L.; Beck with , R . E. J. Chem. Rev. 2003 , 103, 2861 . 94 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Tableau 7 : Réactivité du composé 55 Température Entrée Substrat 58a Temps [h] 1 (S)-55 58b 2 T.A. 2 (R)-55 58b 2 T.A. 3 (S)-55 58b 2 T.A. 4 (S)-55 58c 2 80 Produit [°C] (ee [%]) b Rendement Rendement [%] global cis-63b (95) 32 trans-63b (91) 46 ent-cis-63b (97) 39 ent-trans-63b (89) 45 cis-63b (95) 28 trans-63b (91) 40 (S, R)-63c (97) 34d 64 9e 78 83 68c 44 1,4 équivalent b L excès énantiomérique est déterminé par HPLC chirale. c 1 équivalent de 58b est utilisé. d Le second diastéréomère est détecté sous forme de traces dans la RMN du mélange réactionnel brut. e 64 ne peut pas être isolé pur, il est contaminé par 10% de 63c. a Dans le cas de l’ènediyne (S)-56, dérivé de l’alanine, les résultats sont similaires aux précédents. Comme le montre le Schéma 86, la réaction de (S)-56 avec le diazoester 58a dans l’acétonitrile conduit à la formation du tétracycle 65a sous la forme d’un mélange de deux diastéréomères. Le rendement de l’isomère cis est de 30% et son excès énantiomérique est de 80%. Quant à l’isomère trans son rendement est de 24% et son excès énantiomérique est de 88%. On observe, comme dans le réarrangement du dérivé de l’alanine 8c (Schéma 57, la formation d’un produit oléfinique résultant de la réaction parasite de dismutation. L’oléfine 66a est isolée avec un rendement de 9%. Schéma 86 La réaction de (S)-56 avec le diazoester 58b à température ambiante dans l’acétonitrile conduit à la formation du produit tétracyclique 65b, sous la forme d’un mélange de deux diastéréomères. Le rendement est de 30% pour l’isomère cis et de 30% pour l’isomère trans. Les excès énantiomériques sont de 94% et 92% pour les isomères cis et trans, respectivement. Comme précédemment, on isole un produit oléfinique , le composé 66b, avec un rendement de 13%. 95 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Schéma 87 L’intervention du phénomène de mémoire de chiralité permet de préparer les diastéréomères de 65b avec un contrôle quasi-total d’un des deux stéréogènes centres. Cette stratégie présente un intérêt pour la synthèse des tétrahydrobenzoisoquinolines qui possèdent comme 65b deux centres stéréogènes tétrasubstitués contigus. La construction de tels enchaînements constitue toujours un défi le chimiste organicien. L’idée d’adapter l’homologation des alcynes terminaux avec des diazocétones cycliques telle que 58e nous a paru très séduisante car elle permettrait l’accès à des composés spiraniques tel que 60e (Schéma 88). Schéma 88 Dans les mêmes conditions, à 50 °C, le substrat 54 a été consommé après 4 heures de réaction. L’analyse par CCM du mélange réactionnel brut montre la formation de trois produits. Une colonne sur alumine neutre a permis d’isoler un seul diastéréomère du produit spiranique 60e avec un rendement de 30%. L’excès énantiomérique de ce dernier n’a pas été mesuré. Malgré un rendement modeste, ce résultat préliminaire mériterait une étude appronfondie car l’accès au motif spiranique chiral et la diastéréosélectivité observée sont à valoriser. 1.3. Etude mécanistique : isomérisation alkynoate/allénoate, étape clé de la cyclisation L’intervention de la cyclisation de Saito-Myers dans la cascade réactionnelle implique qu’en présence d’iodure cuivreux en quantité catalytique et du diazoester, et en l’absence de base, un équilibre s’établit spontanément entre le butynoate et l’allénoate isomère. L’isomérisation en catalyse basique du 3-butynoate en allénoate est connue pour être 96 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux réversible.82 Par ailleurs tout phénomène de complexation peut augmenter, soit l’acidité du proton propargylique, soit la stabilité de l’allénoate.83 Le fait que les réarrangements impliquant le diazoester 58b se produisent spontanément à température ambiante est en accord avec ces deux phénomènes. Dans le cas d’un substrat de type ènediyne, l’équilibre peut être totalement déplacé vers l’allénoate qui est consommé par la cyclisation de Saito-Myers au cours de la réaction. Quand strictement 1 équivalent de diazoester est utilisé, le rendement global diminue de seulement 10% (voir substrat (S)-55, Tableau 7, Entrée 3). Ce qui conduit à proposer que l’intermédiaire carbénoïde de cuivre peut jouer un double rôle, celui de réactif et celui de médiateur de la formation du motif allénique. Ceci est confirmé par les expériences suivantes : 1) le composé 59a, isolé à 25 °C, est connu pour être un intermédiaire dans la cascade réactionnelle. Quand on fait réagir ce composé avec la silice mésoporeuse greffée GA-SBA15 comme base, on forme le produit tétracyclique 60a. 2) Aucune réaction n’est observée quand 59a est mis à réagir avec CuI seul ou avec le diazoester seul (Schéma 89). Le substrat est récupéré inchangé. Schéma 89 Il faut obligatoirement la présence de ces deux réactifs (quantité catalytiques) pour que la réaction ait lieu (Schéma 90). Schéma 90 82 a) Kitagaki, S.; Teramoto, S.; Mukai, C. Org. Lett. 2007, 9, 2549. b) Kitagaki, S.; Teramoto, S.; Ohta, Y.; Kobayashi, H.; Takabe, M.; Mukai, C. Tetrahedron 2010, 66, 3687. 83 Lepore, S. D.; Khoram, A.; Bromfield, D. C.; Cohn, P.; Jairaj, V.; Silvestri, M. A. J. Org. Chem. 2005, 70, 7443. 97 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Ainsi dans la réaction, le carbénoïde de cuivre peut jouer en même temps le rôle de réactif et celui de catalyseur de la migration-1,3 du proton. Dans le but de valider cette hypothèse, nous avons appliqué le même procédé au composé 67. Tan a récemment montré que des allénoates possédant une fonction nucléophile pouvaient être piégés intramoléculairement.84 Nous avons alors entrepris un essai de cyclisation de 68 pour former le 2-alkylidènetétrahydrofurane 69, via une addition de Michael. De manière surprenante, quand le 3-butyn-1-ol est mis à réagir dans nos conditions de réaction, avec 1,4 équivalent de 58a à 80 °C, le composé cyclique 69 qui résulterait d’une addition conjuguée sur l’allénoate 61 n’est pas observé (Schéma 91). Seul le 3-hexynoate 67 est formé. Ce qui indique que l’allènoate isomère 68 ne se forme pas à partir du monoalcyne 67. Ce résultat est en bon accord avec les résultats sus-mentionnés de Fu (Schéma 79). Schéma 91 Sur la base de ces informations nous avons postulé que la chélation du carbénoïde de cuivre par l’ortho-diyne est requise pour activer l’isomérisation de l’alcyne en allène par migration-1,3 de proton. Le mécanisme proposé pour le réarrangement est détaillé dans le Schéma 92. Il met en jeu l’ènediyne 54 choisi comme substrat type. La nécessité de l’ajout d’un ligand du cuivre corrobore les observations faites par Wang.75 Comme on peut le voir dans le Schéma 92, une fois formé l’ényne-allène 71 évolue rapidement par une cyclisation de Saito-Myers pour donner le biradical 72. La suite du réarrangement est un transfert-1,5 d’atome d’hydrogène suivie de la recombinaison du biradical 73 qui conduit aux produits hétérocycliques 60 attendus. Comme précédemment, la recombinaison fait intervenir une rotation rapide autour de la liaison γ. Ce mode de recombinaison est plus rapide que la rotation auto de la liaison β qui entraînerait une racémisation (Schéma 92). Toutefois, l’absence de contrôle de la chiralité allénique pourrait être responsable de la faible diastéréosélectivité de la réaction. 84 a) Liu, H.; Feng, W.; Kee, C . W.; Leo w, D. ; Loh , W .-T.; Tan, C.-H. Adv. Synth. Catal. 2010 , 352 , 3373 . b ) Kumaraswamy, G .; Jayaprakash, N .; Balakishan, G. Org. Biomol. Chem. 2011 , 9, 7913. 98 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Schéma 92 La réaction compétitive de dismutation intervient quand un groupement méthyle est présent sur le centre radicalaire benzylique dans l’intermédiaire 73. Il est intéressant de noter que le composé (S)-62 (Figure 22), qui est formé par une réaction de dismutation, résulte formellement d’un transfert-1,7 d’atome d’hydrogène qui s’effectue avec mémoire de chiralité ((S)-62 est isolé avec un excès énantiomérique de 93%). 1.4. Extension aux diazoesters vinyliques Parmi les extensions envisageables de cette réaction, nous nous sommes intéressés à la possibilité d’accéder à des cycles à 8 chaînons en jouant sur la vinylogie du radical benzylique. Cela implique l’emploi d’un vinyl-diazoester. Comme on peut le voir dans le Schéma 93, nous souhaitions faire réagir un ènediyne possédant une triple liaison terminale avec le diazoester 75 pour obtenir le biradical 76. Ce dernier est susceptible de se recombiner pour conduire à un tétracyclique possédant soit un cycle à 6 chaînons, soit à 8 chaînons. 99 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Schéma 93 La synthèse du vinyl-diazoester 75 selon le protocole décrit par Davies a été réalisée (Schéma 94).85 Elle fait appel à des conditions classiques avec l’emploi de l’acétoacétate de méthyle de TsN3 en présence de triéthylamine pour conduire au diazoester correspondant. La réduction de la cétone en alcool, suivie d’une élimination a conduit à la formation de 75 avec un rendement global de 17%. Schéma 94 La première tentative de cyclisation de l’ènediyne 57 avec le diazoester 75 s’est malheureusement montrée infructueuse. Le substrat est récupéré sans aucune altération. Nous avons alors opté pour l’emploi du diazoester 84 connu pour être stable. La synthèse de ce dernier a été réalisée, avec un bon rendement, selon le protocole décrit dans le Schéma 95.86 Schéma 95 85 Schwartz, B. D.; Denton, J. R.; Lian, Y.; Davies, H. M. L.; Williams, C. M. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 8329. 86 Hammond, M. L.; Zambias, R. A.; Chang, M. N.; Jensen, N. P.; McDonald, J.; Thompson, K.; Boulton, D. A.; Kopka, I. E.; Hand, K. M.; Opas, E. E.; Luell, S.; Bach, T.; Davies, P.; MacIntyre, D. E.; Bonney, R. J.; Humes, J. L. J. Med. Chem. 1990, 33, 908. 100 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux Quand l’ènediyne 57 est mis à réagir avec le diazoester 84 dans les conditions de Fu à température ambiante, seul le produit 85 est mis en évidence (Schéma 96). Aucune trace du produit cyclique à 8 chaînons n’a été detecté. Schéma 96 Un seul diastéréomère (85b) a pu être isolé (46%) et caractérisé. Le diastéréomère minoritaire 85a n’a pas pu être isolé pur il se trouve en mélange avec le produit d’homocouplage de l’alcyne 57. La diastéréosélectivité est de 2/1 en faveur de 85b ( ratio calculé à partir de la RMN du mélange réactionnel brut). Il est difficile d’attribuer une stéréochimie relative à ces deux isomères. Il est intéressant de noter que le proton du goupe méthyne en α du carboxylate est plus blindé dans 85a (δ s 5.69 ppm dans 85a/ δ s 5.87 ppm dans 85b). Les signaux des protons du méthylène de l’un des groupes éthoxyle sont complètement éclatés (structure de type ABX3) dans 85a. Un de ces protons est fortement blindé (2.77 ppm) probablement par un effet anisotrope du noyau aromatique. Une simple modélisation en 3D ne nous a toutefois pas aidés dans l’attribution des structures relatives. Au vu de ce résultat, nous avons renoncé à poursuivre dans cette voie. En effet, en raison de la fermeture plus lente d’un cycle à 8 chainons, les chances d’aboutir à une recombinaison vinylogue étaient très faibles. Néanmoins, la cascade s’est révélée efficace pour accéder à l’hétérocycle 85 possédant un centre quaternaire. 2. Homologation de Crabbé En dépit de l’originalité des résultats qui précèdent, la méthodologie que nous avons développée souffre d’un manque de diastéréosélectivité. Pour pallier ce problème, nous avons cherché à mettre au point la cyclisation d’allènes terminaux pouvant conduire à des produits possédant un seul centre stéréogène. Pour atteindre cet objectif, nous avons choisi l’homologation de Crabbé qui fait appel à des alcynes terminaux.87 La stratégie présente l’avantage d’utiliser les substrats 54-57 déjà disponibles. Cette méthodologie consiste en une 87 a) Rona, P .; Crabbé, P. J. Am . Chem . Soc. 1969 , 91, 3289. b) Dollat, J. M.; Luche, J. L.; Crabbé, P. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1977, 761. c) Crabbé, P.; Fillion, H.; André, D.; Luche, J. L. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1979, 860. d) Crabbé, P.; André, D.; Fillion, H. Tetrahedron Lett., 1979, 873. e) Searles, S.; Li, Y.; Nassim, B.; Lopes, M.-T. R.; Tran, P. T.; Crabbé, P. J. Chem. Soc., Perkin Trans. 1, 1984, 747. 101 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux réaction de type Mannich réalisée à partir de paraformaldéhyde, de diisopropylamine et d’un alcyne terminal, le tout catalysé par CuBr. Nous avons sélectionné les conditions décrites par Ma en 2009 qui a apporté une amélioration à la méthode en remplaçant la diisopropylamine par la dicyclohexylamine, et CuBr par CuI (Schéma 97).88 Schéma 97 Ce travail a été ué par un post-doctorant en parallèle à mon travail de thèse et a fait l’objet d’une note.70 L’utilisation de cette méthodologie a déjà été évoquée dans le chapitre 2 lors de l’étude mécanistique. Nous allons détailler succinctement quelques résultats pour expliquer le principe de la réaction. La réaction d’homologation de Crabbé dans les conditions optimisées de Ma permet d’obtenir exclusivement le produit tétracyclique (R)-89 avec un rendement de 81% et un excès énantiomérique de 95% à partir de l’ènediyne dérivé de l’acide pyroglutamique (S)-54 (Schéma 98). Schéma 98 La formation de l’amine propargylique 86 conduit à l’allène 87 qui n’est pas isolé, et qui se cyclise spontanément via la réaction de Saito-Myers. Après le transfert-1,5 d’atome d’hydrogène du centre stéréogénique vers le radicale aryle, l’intermédiaire biradicalaire 88 est obtenu et celui-ci se recombine pour conduire au produit (R)-89 avec un bon rendement et un 88 Kuang, J.; Ma, S. J. Org. Chem. 2009, 74, 1763. 102 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux transfert de chiralité total. La retention de configuration a été confirmée par l’analyse au Rayon X des cristaux de (R)-89 (Figure 24). ( R )-89 Figure 24 Un résultat intéressant est obtenu à partir de (S)-90, dérivé de la proline. Sa synthèse a été réalisée selon la procédure habituelle décrite dans le Schéma 84. Dans les conditions de Ma, le substrat (S)-90 conduit exclusivement au produit 91 avec un rendement de 67% et un excès énantiomérique de 97%. On peut remarquer que le transfert-1,5 d’atome d’hydrogène ne s’effectue qu’à partir de la position capto-dative (position 1). On n’observe aucun arrachement compétitif des hydrogènes de la position 2 et cela malgré des facteurs statistique et stérique favorables à la formation de l’autre régioisomère (arrachement de l’atome d’hydrogène en position 2). effet enthalpique lié à la stabilisation capto-dative peut être à l’origine de cette régiosélectivité.89 Schéma 99 Cette stratégie nous a permis de synthétiser des tétracycles possédant un centre tétrasubstitué de manière énantiospécifique. La synthèse d’un allène monosubstitué permet de se libérer totalement du problème de la diastéréosélectivité. A la suite de cette étude, nous nous sommes intéressés à la synthèse d’allènes chiraux de manière énantiosélective. Ceci devait potentiellement nous permettre de mettre en évidence 89 Wood, M. E.; Bissiriou, S.; Lowe, C.; Windatt, K. M. Org. Biomol. Chem . 2013 , 11, 2712. 103 Chapitre 3 : Réarrangement d’ényne-allènes obtenus par homologation d’alcynes terminaux une double mémoire de chiralité dans le réarrangement des ényne-allènes. Dans le chapitre suivant, nous allons rappeler brièvement la littérature concernant la synthèse d’allènes chiraux, puis nous décrirons les résultats que nous avons obtenus. 104 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes 105 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes 106 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Dans les deux parties précédentes, nous nous sommes attelés à réaliser une cascade qui avait comme pierre angulaire la formation d’un allène déclencheur de la réaction de SaitoMyers. Les résultats de ces études ont mis en évidence un problème récurrent, à savoir, l’observation d’une diastéréosélectivité modeste. Nous avons alors cherché à supprimer cette difficulté grâce à l’homologation de Crabbé qui permet la synthèse d’allènes terminaux et par conséquent la formation de produits possédant un seul centre chiral. Conscients qu’un contrôle du deuxième centre stéréogène serait une vraie valeur ajoutée pour la méthodologie, nous avons alors cherché à évaluer le potentiel d’un relai de chiralité assuré par le biais d’un allène chiral qui transmettrait l’information chirale au carbone benzylique du biradical issu du réarrangement de Saito-Myers. Dans cette éventualité, la recombinaison pourrait permettre de contrôler deux centres stéréogènes (Schéma 100), et cette stratégie s’assimilerait à de la double mémoire de chiralité. Il est évident que le défi était de taille pour plusieurs raisons : a) d’abord en raison de la difficulté de la synthèse d’un allène judicieusement substitué (idéalement tétrasubstitué) de façon énantiopure ; b) ensuite parce que la transformation de la chiralité axiale de l’allène en chiralité centrique, par le relai d’un radical possédant une chiralité axiale transitoire, était inédit. Schéma 100 Avant de présenter les résultats que nous avons obtenus, il nous paraît important de faire un rapide tour d’horizon des différentes méthodes de synthèse des allènes chiraux. 1. Méthodes de synthèse d’allènes chiraux L’allène est un squelette carboné possédant le motif 1,2-diène dans lequel le carbone central est hybridé sp.90,91 Cette géométrie donne une caractéristique intéressante aux allènes . 90 Modern Allene Chemistry 2004, eds. Krause, N.; Hasmi, A. S. K., Wiley-VCH publishing. Pour des méthodes générales de synthèse, voir : a) Krause, N.; Hoffmann-Röder, A. Tetrahedron 2004, 60, 11671. b) Brummond, K. M.; DeForrest, J. E. Synthesis 2007, 795. c) Yua, S.; Ma, S. Chem. Commun. 2011, 47, 5384. 91 107 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Du fait de l’orthogonalité des deux systèmes , ils présentent une chiralité axiale quand ils sont différemment substitués, R1R2 et R3R4 (Figure 25). R3 R1 R1 • R2 R3 C R4 C C R4 R2 Systèmes- orthogonaux Figure 25 Le transfert de cette chiralité axiale vers une chiralité centrique a démontré tout son intérêt dans la synthèse de molécules complexes chirales.92 Les réactions permettant l’accès à des allènes énantio-enrichis peuvent être classées en plusieurs catégories et un nombre conséquent d’articles a été publié ces dernières années. 93,91 Nous limiterons l’état des lieux à cinq méthodes comptant parmi les plus utilisées : la réaction d’un organométallique sur un alcyne portant un groupe libérable en position propargylique qui s’accompagne d’une transformation de la chiralité centrique en chiralité axiale et d’excellents excès énantiomériques sont généralement observés; les migrations-1,3 de protons; les réarrangements sigmatropiques-[3,3] d’espèces propargyliques; les réactions de métallation suivies de couplage; les réactions d’homologation. 1.1. Synthèse d’allènes par substitution SN2′ de substrats propargyliques L’action d’une espèce organométallique (magnésien, cuprate, lithien) sur un composé propargylique portant un groupement partant (halogénure, mésylate, tosylate, carbonate, acétate, phosphate...) constitue une méthode très répandue pour la préparation d’allènes substitués.91a Les nucléophiles mous sont des réactifs de choix dans la mesure où ils permettent d’éviter la substitution directe de la position propargylique. Nous focaliserons notre attention sur l’utilisation des organocuivres qui présentent une très grande souplesse et cette voie reste l’une des meilleures méthodes pour accéder aux allènes énantiopurs. Cette réaction de substitution peut être résumée par le Schéma . Le déplacement SN2′ d’un 92 Pour une revue, voir : Campolo, D.; Gastaldi, S.; Roussel, C.; Bertrand, M. P.; Nechab, M. Chem.Soc Rev. 2013, 42, 8434. 93 Pour des revues récentes voir : a) Ohno, H.; Nagaoka, Y.; Tomioka K. in Mordern Allene Chemistry, Krause, N.; Hashmi, A. S. K., Eds., Wiley-VCH, Weinheim, 2004 Vol. 1, Ch. 4, pp.141-181. b) Ogasawara, M. Tetrahedron: Asymmetry 2009, 20, 259. 108 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes carbonate (ou acétate) par un réactif de Gilman (Me2CuLi) a été postulé par Roma et Crabbé.94 L’attaque du nucléophile s’effectue de manière anti par rapport au groupement libérable, ce qui confère à cette réaction une très bonne stéréospécificité.95 Le métalla-allène résultant évolue par élimination réductrice pour conduire à l’allène 94 sans racémisation. Il peut se former un produit secondaire, l’allène disubstitué 94', issu de la protonation de l’intermédiaire 93 lors de l’hydrolyse. Schéma 101 La stratégie présente l’avantage d’utiliser de nombreux groupements partants. De plus, différents groupements fonctionnels sont tolérés dans les conditions de la réaction. Ainsi, malgré la présence de différents groupements fonctionnels sur le substrat 95, la synthèse du 6-alkylidènepénam 96, qui est un dérivé allénique de la pénicilline présentant un intérêt pharmaceutique, a été effectuée par Buynak (Schéma 102).96 Un seul diastéréomère est formé lors de cette transformation. Schéma 102 L’emploi d’un organocuprate est également compatible avec la présence de groupes fonctionnels tels la fonction ester sur l’enchaînement carboné porté par le métal. Goodin a décrit la synthèse énantiosélective de l’alcool allénique 98 à partir du dérivé du mannitol 97 94 a) Roma, P.; Crabbé, P. J. Am. Chem. Soc. 1968, 90, 4733. b) Roma, P.; Crabbé, P. J. Am. Chem. Soc. 1969, 91, 3289. c) Luche, J.-L.; Barreiro, E.; Dollat, J.-M.;. Crabbé, P. Tetrahedron Lett. 1975, 4615. ) Dollat, J.-M.; Luche, J.-L.; Crabbé, P. J. Chem. Soc., Chem. Comm. 1977, 761. 95 a) Corey, E. J.; Boaz, N. W. Tetrahedron Lett. 1984, 25, 3063. b) Elsevier, C. J.; Vermeer, P. J. Org. Chem. 1989, 54, 3726. c) Alexakis, A. Pure & Appl. Chem. 1992, 64, 387. 96 a) Buynak, J. D.; Borate, H. B.; Lamb, G. W.; Hurd, T.; Vallabh, J.; Matthew, J.; Lambert, J.; Siriwardane, U. Tetrahedron Lett. 1988, 29, 5053. b) Buynak, J. D.; Borate, H. B.; Lamb, G. W.; Khasnis, D. D.; Husting, C.; Isom, H.; Siriwardane, U. J. Org. Chem. 1993, 58, 1325. 109 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes (Schéma 103).97 L’allène est obtenu avec un très bon rendement et un très bon transfert de chiralité. Schéma 103 Grâce à un excellent contrôle de la réaction SN2′ réalisée avec un organocuprate dérivé de MeMgBr, Malacria a réussi une cycloaddition [2+2+2] élégante où un transfert total de la chiralité allénique vers le produit tricyclique 102 a été observé (Schéma 104).98 Schéma 104 Le sel cuivreux peut aussi être aussi utilisé en quantité catalytique en présence d’une quantité stœchiométrique de magnésien. Ainsi, Brummond a synthétisé l’allène 104 en utilisant une quantité catalytique de cuivre (10 mol%) et 1,3 équivalent d’organomagnésien (Schéma 105).99 Un excellent rendement et un transfert total de la chiralité ont été observés dans cette séquence. L’allène ainsi obtenu a permis de réaliser une cycloaddition de PausonKhand avec un bon transfert de la chiralité axiale de l’allène vers la chiralité centrique de la cyclopenténone formée. Schéma 105 97 Gooding, O . W .; Beard, C. C.; Jackson, D. Y.; Wren, D. L.; Cooper, G. F. J. Org. Chem. 1991, 56, 1083 . Buisine O.; Aubert, C.; Malacria, M. Synthesis 2000, 985. 99 Brummond, K. M.; Kerekes, A. D.; Wan, H. J. Org. Chem. 2002, 67, 5156. 98 110 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Il est intéressant de mentionner qu’un contrôle à plus longue distance de la stéréochimie est possible. En effet, Krause a décrit la synthèse de vinyl allènes chiraux, tels que 107, grâce à un transfert de chiralité lors de la substitution-1,5 de l’acétate 106. Il faut signaler que l’utilisation de n-Bu3P est cruciale pour observer d’excellents excès énantiomériques. En l’absence de ligand phosphine, on observe une racémisation partielle du vinyl allène résultant.100 Schéma 106 Nous avons illustré ci-dessus quelques exemples intéressants de création de liaisons C-C. Il est aussi possible de créer des liaisons Si-C grâce à l’emploi de silyl cuprates. En effet, Jin et Weinreb ont préparé par cette voie le synthon allénique 109 précurseur de la (-)-coccinine (Schéma 107).101 Sch éma 107 Alexakis a montré récemment qu’il était possible de préparer des chloroallènes énantiomériquement enrichis (111) à partir de dichlorures propargyliques prochiraux (110), d’une quantité catalytique de cuivre, d’un magnésien et d’un ligand chiral (Schéma 108).102 Schéma 108 Ces chloroallènes peuvent être couplés ensuite avec des cyanocuprates pour conduire aux allènes trisubstitués correspondants avec inversion de configuration . 100 Krau se, N.; Purpura, M. Angew. Chem., Int. Ed. 2000, 39, 4355. Jin, J.; Weinreb, S. M. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 2050. 102 Li, H.; Müller, D.; Guénée, L.; Alexakis, A. Org. Lett. 2012, 14, 5880. 101 111 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes 1.2. Méthodes impliquant des isomérisations  Par prototropie L’isomérisation du motif propargylique en allène est une des plus vieilles méthodes décrites.103 Cette prototropie est favorisée lorsque le proton est acide. C’est les cas des alcynes portant un groupement électro-attracteur en position propargylique. Si l’on utilise une base chirale, alors il est possible de discriminer les protons énantiotopes (Schéma 109). Schéma 109 Ainsi, Shiori et coll. ont validé cette approche en réalisant, dans des conditions de transfert de phase (présence d’un équivalent de potasse et 10 mol% du dérivé de la quinine 114), une catalyse asymétrique qui permet de préparer l’allène 113 par migration-1,3 de proton avec une pureté optique de 35% (Schéma 110).104 Il faut signaler que les racines de cette stratégie remontent aux essais de Jacobs et Dankner qui ont obtenu des allènes possédant des pouvoirs rotatoires non nuls par adsorption de composés acétyléniques sur de l’alumine imprégnée de brucine ou de quinine.105 Schéma 110 Cette stratégie a été améliorée récemment par Tan qui a utilisé comme catalyseur la base chirale 116 dérivée de la guanidine (Schéma 111).106 L’isomérisation des 3-alkynoates 115 encombrés par la présence d’un groupe tertio-butyle conduit aux allénoates disubstitués isomères 117 avec d’excellents excès énantiomériques. 103 Jacobs, T. L.; Akawie, R.; Cooper, R. G.; J. Am. Chem. Soc. 1951, 73, 1273. Oku, M.; Arai, S.; Katayama, K.; Shioiri, T. Synlett 2000, 493. 105 Jacobs, T. L.; Dankner, D. J. Org Chem. 1957, 22, 1424. 106 Liu, H.; Leow, D.; Huang, K.-W.; Tan, C.-H. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 7212. 104 112 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Sch éma 111 Une variante de cette réaction a été développée récemment par Takemoto. Elle met en jeu la résolution cinétique dynamique de 3-alkynoates α-substitués par des guanidines chirales pour conduire à des allénoates trisubstitués avec une haute pureté optique.107  Par réarrangement sigmatropique Le réarrangement de Claisen de composés propargyliques permet l’obtention de squelettes alléniques hautement fonctionnalisés.14 Un transfert de chiralité peut avoir lieu lorsque le substrat propargylique est chiral. A titre d’exemple, le réarrangement du vinyl éther 118 catalysé par Au(I) permet de transformer la chiralité centrique en chiralité axiale avec obtention de l’allène 119 sans érosion importante de l’excès énantiomérique (Schéma 112).108 Schéma 112 Le réarrangement de Johnson-Claisen mettant en jeu l’orthoacétate d’éthyle et un alcool propargylique chiral a pour consequence la transformation de la chiralité centrique initiale en chiralité axiale allénique. Hsung et coll. ont réalisé les synthèses d’allènes trisubstitués à partir d’alcools propargyliques halogénés avec de bons rendements et de hauts excès énantiomériques (Schéma 113).109 Schéma 113 107 Inokuma, T.; Furukawa, M.; Suzuki, Y.; Kimachi, T.; Kobayashi, Y.; Takemoto, Y. Chem. Cat. Chem. 2012, 4, 983. 108 Sherry, B. D.; Toste, F. D. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126,15978. 109 Tang, Y.; Shen, L.; Dellaria, B. J.; Hsung, R. P. Tetrahedron Lett. 2008, 48, 6404. 113 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Comme le montre le Schéma 114, le réarrangement-[2,3] de Wittig des éthers propargyliques conduit aussi à un transfert total de la chiralité centrique vers l’allène et un contrôle de la diastéréosélectivité supérieur à 90%.110 Schéma 114 La méthode de Myers fait appel quant à elle au réarrangement oxydant d’une hydrazine propargylique engendrée par réaction de Mitsonobu. Cette transformation passe par un intermédiaire de type diazène (Schéma 115).72 Schéma 115  Par métallation suivie de coup lage Il est connu que l’addition oxydante du Pd0 dans liaison une C-X propargylique (halogénure, acétate, carbonate, mésylate...) conduit à la formation de complexes de type allényl palladium(II), qui ont été isolés et caractérisés.111 Le couplage croisé de cette espèce conduit sélectivement à l’allène 131 (Schéma 116). Cette réaction a été mis en évidence dans un premier temps en série racémique par Leffery-Luong et Linstrumelle en 1980.112 Schéma 116 110 a) Marshall, J. A.; Robinson, E. D.; Zapata, A. J. Org. Chem. 1989, 54, 5854. b) Marshall, J. A.; Wang, X.-J. J. Org. Chem. 1990, 55, 2995. c) Marshall, J. A.; Wang, X.-J. J. Org. Chem. 1991, 56, 4913. 111 Elsevier, C. J.; Kleijn, H.; Ruitenberg, K.; Vermeer, P. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1983, 1529. 112 Jeffery-Luong, T.; Linstrumelle, G. Tetrahedron Lett. 1980, 21, 5019. 114 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Elsevier a été le premier à observer un transfert de chiralité lors du couplage, catalysé par le palladium, d’acétates, de triflates et de tosylates propargyliques chiraux avec un organozincique (PhZnCl). La stéréosélectivité est majoritairement anti.113 Ogoshi et coll. ont démontré qu’il est possible d’isoler, à partir d’un chlorure propargylique non racémique, un complexe allenyl palladium chiral. Un transfert de la chiralité a lieu au cours de la formation de la liaison C-Pd, assimilable à une réaction de type SN2′. Cependant, la stabilité configurationnelle de ce complexe peut poser problème sous certaines conditions (en milieu aérobie par exemple).114 En 1997 Dixneuf a rapporté, les synthèses de 133 et 134 à partir du carbonate mixte 132 utilisant cette stratégie (Schéma 117). Les réactions s’effectuent avec de bons rendements et un taux de transfert de chiralité voisin de 90%. Schéma 117 Ihara et coll. ont mis en évidence la réaction de couplage, catalysée par le palladium, de l’alcool propargylique 135a avec un acide arylboronique qui conduit à l’allène 136a (Schéma 118).115 Cependant, l’excès énantiomérique observé dans ce cas est faible. Les auteurs proposent un passage par le carbocation 137 pour expliquer ce résultat. L’utilisation d’un carbonate comme groupement partant dans 135b permet d’augmenter l’excès énantiomérique de l’allène. Schéma 118 113 a) Ruitenberg, K.; Kleijn, H.; Elsevier, C. J.; Meijer, J.; Vermeer, P. Tetrahedron Lett. 1981, 22, 1451. b) Elsevier, C. J.; Stehouwer, . M.; Westmijze, H.; Vermeer, P. J. Org. Chem. 1983, 48, 1103. 114 Ogoshi, S.; Nishida, T.; Shinagawa, T.; Kurosawa, H. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 7164. 115 Yoshida, M.; Gotou, T.; Ihara, M. Tetrahedron Lett. 2004, 45, 5573. 115 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes 1.3. Synthèse d’allènes par homologation L’homologation de Crabbé décrite dans le chapitre précédant conduit aux allènes terminaux à partir d’alcyne terminaux et de formaldéhyde. L’emploi d’aldéhydes ou de cétones pourrait alors permettre d’obtenir des allènes diou trisubstitués. Malheureusement, dans les conditions standards il n’est possible de réaliser cette réaction qu’en présence d’activation micro-ondes.116 Le groupe de Che a réussi à réaliser ces transformations en deux étapes, une première étape conduisant au produit de la réaction de Mannich entre un alcyne terminal, le benzaldéhyde et le prolinol. Cette condensation diastéréoselective permet ensuite, dans une deuxième étape, de former l’allène énantiopur grâce à un transfert d’hydrure catalysé par Au(III).117 Le marquage isotopique a validé le mécanisme de migration de l’hydrure qui s’effectue à partir du méthylène en α de l’atome d’azote et non pas du centre stéréogène du motif prolinol (Schéma 119). Cette information appuie donc l’hypothèse d’un contrôle diastéréosélectif où la copule chirale est éliminée sous forme d’imine (140). Une amélioration de cette méthodologie a été proposée par Ma qui utilise la pyrrolidine (1,1 équivalent), un ligand chiral et CuBr en quantités catalytiques.118 Schéma 119 Che et coll. ont développé une deuxième méthodologie, où le sel d’or a été remplacé par un sel d’argent (Schéma 120).119 Schéma 120 116 Kitagaki, S.; Komizu, M.; Mukai, C. Synlett 2011, 1129. Lo, V.K.-Y.; Wong M.-K.; Che, C.-M. Org. Lett. 2008, 10, 517. 118 Ye, J.; Li, S.; Chen, B.; Fan, W.; Kuang, J.; Liu, J.; Liu, Y.; Miao, B.; Wan, B.; Wang, Y.; Xie, X.; Yu, Q.; Yuan, W.; Ma, S. Org. Lett. 2012, 14, 2254. 119 Lo, V. K.-Y.; Zhou, C.-Y.; Wong, M.-K.; Che, C.-M. Chem. Commun. 2010, 46, 213. 117 116 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes 2. Chiralité transitoire dans les réarrangements d’ényne-allenes chiraux Comme cela vient d’être rappelé dans l’introduction bibliographique de ce dernier chapitre, de multiples stratégies pouvaient être envisagées pour la synthèse d’ényne-allènes comportant un motif allénique chiral. Dans un premier temps nous nous sommes intéressés à la réaction décrite par Wong et Che (Schéma 120) qui utilisent des précurseurs de type amine propargylique issus d’amines chirales telles que le prolinol.117,119 Dans le but de tester cette homologation nous avons synthétisé l’éther 146 selon une voie de synthèse déjà décrite dans le chapitre précédent (voir Schéma 84). Ainsi nous avons obtenu ce substrat avec un rendement global de 28% (Schéma 121). Schéma 121 Nous avons préparé le composé 147 à partir de l’éther 146 dans les conditions proches de celles décrites par Che et coll. Le composé 147, précurseur potentiel de l’ényne-allène, a été isolé avec un rendement de seulement 21%, le substrat non transformé est récupéré à concurrence de 23% (Schéma 122). Schéma 122 Le composé 147 donne lieu à l’évolution souhaitée lorsqu’il est soumis aux conditions réactionnelles de la réaction de Mannich (50 mol % d’AgNO3, 40 °C pendant 24 h). Toutefois, comme on peut le voir dans le Schéma 123, le produit 150 résultant de la cascade réactionnelle impliquant une cyclisation de Saito-Myers n’est détecté qu’à l’état de trace (3%) et avec un excès énantiomérique faible (10%). Le produit majoritaire 151 résulte vraisemblablement d’une cycloisomérisation de l’ényne-allène 148 catalysée par Ag+. Curieusement, cette réaction réalisée dans l’acétonitrile ne conduit à aucun produit résultant 117 Chap itre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes d’une réaction de Ritter. Aucun signal singulet correspondant au groupe méthyle d’un acétamide (~ 2 ppm) n’est détecté dans le spectre de RMN 1H du mélange réactionnel brut. Schéma 123 Devant la faiblesse des excès énantiomériques et des rendements observés, nous avons abandonné cette voie. Nous avons alors tenté de nous inspirer de l’extension de la réaction d’homologation de Crabbé catalysée par le cuivre(I).87 Cette stratégie conduit également au composé 150 mais avec un rendement très faible de seulement 8%. L’excès énantiomérique ne dépasse pas 6% (Schéma 124). Le faible excès énantiomérique, inférieur à celui du Schéma 123 peut-être expliqué par la température élevée. Il conforte néanmoins l’hypothèse d’un passage par un intermédiaire de type radicalaire possédant une chiralité transitoire. Ceci met en évidence, aussi faible soit-il, un double transfert de chiralité dans cette cascade. Schéma 124 Même si le choix d’un éther propargylique n’était sans doute pas le plus approprié pour tester ces réactions (voir Schéma 56, composé 8b), il semblait clair que la présence d’un atome d’hydrogène sur le carbone de l’allène lié au noyau benzénique de l’enchaînement ènediyne (R3 = H, Schéma 125), n’était pas judicieuse. La création d’un motif allénique chiral, indispensable à l’étude du transfert de la chiralité axiale,92 n’est pas en soi une condition suffisante pour contrôler par cette , la création d’un centre stéréogène. 118 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Schéma 125 Pour atteindre cet objectif, il faut de plus que le centre benzylique du biradical issu de la cycloaromatisation de Saito-Myers soit un intermédiaire possédant une chiralité dynamique transitoire avec une durée de vie suffisante pour relayer l’information chirale. Il semble donc que l’introduction d’un substituant additionnel sur le motif allénique soit une condition préalable à l’augmentation de cette durée de vie de la conformation native, orthogonale au système  aromatique, du centre radicalaire benzylique issu du réarrangement de Saito-Myers (Schéma 125). 3. Double transfert de chiralité dans les cycloisomérisations induites par les dialkylcuprates Pour engendrer l’allène, nous avons donc choisi d’utiliser la méthode développée par Crabbé94 qui depuis a été abondamment utilisée, et dont la stéréosélectivité anti à fait l’objet de nombreuses études mécanistiques.95 En effet, la substitution d’un carbonate propargylique énantiopur par un composé organométallique présente l’avantage d’être hautement stéréospécifique. De plus, elle permet de moduler la nature du groupement introduit sur le carbone acétylénique, substituant qui devrait contrôler par ses effets stériques la durée de vie de la conformation chirale du centre benzylique du radical issu d’une éventuelle cyclisation de Saito-Myers. 3.1. Synthèse des substrats Avant de montrer les résultats de cette étude, nous allons aborder la synthèse des substrats que nous avons ciblés. Le schéma général est présenté ci-dessous. Les iodures de type 4 sont couplés, via une réaction de Sonogashira, avec le 1-phényl-2-propyn-1-ol. Cette réaction conduit à l’alcool 152. ’introduction du groupement libérable a été rendue possible par l’action du chloroformiate conduisant au carbonate 153. 119 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes Schéma 126 Pour la synthèse des produits énantiopurs, l’emploi du 1-phényl-2-propyn-1-ol énantiopur est requis. Nous avons pour cela effectué la résolution cinétique enzymatique avec CAL-B (Novozyme 435) selon un protocole déjà décrit dans la littérature (Schéma 127).120 Schéma 127 Les structures de l’ensemble des substrats préparés sont représentées sur la Figure 26. Figure 26 La synthèse du substrat (R)-153k quant à lui a nécessité une modification de l’ordre dans lequel les réactions de Sonogashira sont réalisées (Schéma 128). En effet, nous avons préféré effectuer en premier lieu, le couplage du diiodobenzène avec l’alcool propargylique pour 120 Raminelli, C.; da Silva, N. C.; Dos Santos, A. A.; Porto, A. L. M.; Andrade, L. H.; Comasseto, J. V. Tetrahedron 2005, 61, 409. 120 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes faciliter la purification des produits grâce à leur polarité. Le deuxième couplage de Sonogashira est effectué avec le 1-hexyne. Schéma 128 La synthèse du substrat 153n a été réalisée à partir de 152m, par déprotection du TMS acétylénique suivie de carbonatation (Schéma 129). Schéma 129 3.2. Optimisation des conditions de réaction Un fois ces substrats en notre possession, nous avons procédé à un premier essai de réarrangement. Lorsque l’ényne-allène (1S, 4S)-153d, a été traité par Me2CuLi, LiI, aucun allène n’a été isolé. Ce substrat dérivé de la phényl-3-oxazolidin-2-one devait permettre de tester rapidement la possibilité de réaliser une action avec double mémoire de chiralité. Comme dans les réactions détaillées dans les précédents chapitres, l’allène intermédiaire se réarrange spontanément (Schéma 130). Schéma 130 Toutefois aucun produit issu d’une cyclisation de type Saito-Myers n’a été mis en évidence. Un produit tout à fait innatendu, le fulvène (1S, 4S)-156d, est issu de la réaction. Il 121 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes a été isolé sous la forme d’un unique diastéréomère avec un rendement de 55% et un excès énantiomérique de 92%. Il se forme également des traces de l’alcène 157 Le produit 156d ne résulte pas non plus d’une simple cyclisation de type Schmittel, bien connue pour conduire à des fulvènes et pour être l’évolution privilégiée des ényne-allènes encombrés,2,17,19 puisque comme le montre sa structure, deux groupes méthyle ont été introduits au cours de la réaction avec le diméthylcuprate. Cette réactivité originale a d’autant plus stimulé notre intérêt que les fulvènes constituent une famille d’oléfines à conjugaison croisée dont les propriétés trouvent des applications dans des domaines tels que la chimie médicinale.121 De plus ces molécules sont intéressantes de par leurs propriétés électroniques.122 Ils sont également prisés comme précurseurs de ligands cyclopentadiényle en chimie organométallique.123 Les réactions de cycloisomérisation présentent une haute valeur ajoutée parce qu’elles permettent d’élaborer en une seule étape des squelettes cycliques ou polycycliques complexes. Ces réactions sont appréciées du fait de la possibilité de réaliser, avec une économie d’atomes, plusieurs étapes en cascade.124 Elles sont généralement induites par réaction avec des sels métalliques ou des composés organo-métalliques qui peuvent être utilisés en quantité stoechiométrique ou catalytique. S’il existe des exemples d’ électrophiles de cycloisomérisation sous l’action de sels de cuivre,125 à notre connaissance très peu d’exemples ont été décrits mettant en jeu un organocuivre comme réactifs.126 L’obtention d’un fulvène par cycloisomérisation dans des processus organométalliques a 121 Strohfeldt, K.; Tacke, M. Chem. Soc. Rev. 2008, 37, 1174. Pour un exemple voir, Finke, A. D.; Dumele, O.; Zalibera, M.; Confortin, D.; Cias, P.; Jayamurugan, G.; Gisselbrecht, J.-P.; Boudon, C.; Schweizer, W. B.; Gescheidt, G.; Diederich, F. J. Am. Chem. Soc. 2012, 134, 18139. 123 a) Paradies, J.; Erker, G.; Frohlich, R. Angew. Chem., Int. Ed. 2006, 45, 3079. b) Rogers, J. S.; Lachicotte, R. J.; Bazan, G. C. Organometallics 1999, 18, 3976. 124 a) Aubert, C.; Buisine, O.; Malacria, M. Chem. Rev., 2002, 102, 813. b) Michelet, V.; Toullec, P. Y.; Genet, J.-P. Angew. Chem., Int. Ed. 2008, 47, 4268. c) Marinetti, A.; Jullien, H.; Voituriez, A. Chem. Soc. Rev., 2012, 41, 4884. d) Jimenez-Nunez, E.; Echavarren, A. M. Chem. Rev. 2008, 108, 3326. e) Aubert, C.; Fensterbank, L.; Garcia, P.; Malacria, M.; Simonneau, A. Chem. Rev. 2011, 111, 1954. 125 Pour une selection d’exemple, voir : a) Patil, N. T.; Wu, H.; Yamamoto, Y. J. Org. Chem. 2005, 70, 4531. b) Coia, N.; Bouyssi, D.; Balme, G. Eur. J. Org. Chem. 2007, 3158. c) Schwier, T.; Sromek, A. W.; yap, D. A. L.; Chernyak, D.; Gevrogyan, V. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 9868. d) Rauniyar, V.; Wang, Z. J.; Burks, H. E.; Toste, F. D J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 8486. e) Gronnier, C.; Kramer, S.; Odabachiann, Y.; Gagosz, F. J. Am. Chem. Soc. 2012, 134, 828. f) Yoshimatsu, M.; Sasaki, H.; Sugimoto, Y.; Nagase, Tanabe, G.; Muraoka, O. Org. Lett. 2012, 14, 3190. 126 a) Rao, S. A.; Knochel, P. J. Am. Chem. Soc. 1991, 113, 5735. b) Chernyak, D.; Gadamsetty, S. B.; Gevorgyan, V. Org. Lett. 2008, 10, 2307. 122 122 Chapitre 4 : Double transfert de chiralité dans le réarrangement en cascade d’ènediynes été rapportée dans la littérature récente mais sans transfert de chiralité.127,128 Dans le processus que nous avons développé, le fulvène (1S, 4S)-156d a été isolé diastéréomériquement et énantiomériquement pur, ce qui démontre que la réaction a lieu avec un transfert quasi-total de la chiralité initiale. De plus, la géométrie de la double liaison exocyclique est parfaitement contrôlée. La configuration Z de cette dernière a été démontrée en RMN 1H grâce à une séquence NOESY qui met en évidence la proximité spatiale du proton vinylique triplet à 5,88 ppm et des protons doublet du groupe méthyle porté par le centre stéréogène à 1,63 ppm. Comme nous le discuterons plus loin la configuration absolue (1S, 4S) a pu être attribuée par analogie, grâce à l’analyse aux rayons X du composé 159i issu du substrat 153i. Une analyse en cours des spectres VCD et ECD129 pour déterminer la configuration absolue du centre crée du composé 156d devrait nous aider à mieux comprendre l’incidence du centre stéréogène présent sur la copule chirale sur le transfert de la chiralité. La réaction est stéréospécifique puisque lorsqu’on fait réagir le diméthylcuprate de lithium avec l’énantiomère (1R, 4R)-153d (99% ee) le fulvène (1R, 4R)-156, image du précédent, est isolé avec un rendement de 57%, un excès énantiomérique de 98%, une diastéréosélectivité de 95/5 et toujours avec un ratio Z:E>99%. Différentes conditions expérimentales ont été testées dans le but d’optimiser la réaction et surtout de mieux comprendre son mécanisme. Les ré les plus significatifs sont rapportés dans le Tableau 8.
14,993
dumas-04456670-Re%CC%81dac%20finale%20Towa%20%2B.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
La gamification en éducation à la santé bucco-dentaire : développement et évaluation d'un jeu. Médecine humaine et pathologie. 2021. &#x27E8;dumas-04456670&#x27E9;
None
French
Spoken
5,635
8,571
3 PHASE PILOTE D’EVALUATION 3.1 METHODOLOGIE Le jeu a été testé sur une population d’enfants âgés de 5 à 12 ans, venant consulter au service d’odontologie du CHU Estaing de Clermont Ferrand ainsi qu’au Cabinet des Bénédictins à Limoges. Mais aussi, le jeu a été testé dans deux classes différentes de deux écoles de deux villes différentes : - la classe de CP de l’école Albert Camus à Nevers, - et la classe de CM1 de l’école Jean Jaurès à Villiers-le-Bel. 24 Le but de cette phase pilote est de tester le jeu de manière à mesurer l’amusement et la satisfaction des joueurs en premier lieu et donc le côté ludique. En effet, si ce côté est bien perçu par le joueur alors les informations seront acquises de manière facilitée. L’évaluation est qualitative avec une prise de note réalisée par l’étudiant qui partage le jeu avec l’enfant L’évaluation est aussi quantitative avec un questionnaire (annexe 2) intégré à la fin du jeu qui permet de relever l’avis de l’enfant concernant celui-ci. A la suite de chaque niveau, une fois que l’enfant a réussi à répondre correctement à toutes les questions, un questionnaire est proposé pour juger et relever le point de vue des enfants concernant cet outil. Le joueur a bien sûr le choix de répondre ou non à ce questionnaire. Pour rester dans la même optique de divertissement, pour certaines questions, les réponses sont sous forme de petite image pour exprimer une émotion (,,, ). Pour rester dans l’optique de divertissement, le questionnaire est court, rapide à réaliser et facile avec seulement six questions. trois questions peuvent être répondu avec les emojis, une questions sous forme d’un qcm et deux questions ouvertes permettant au participant de donner ses impressions. Ce questionnaire est effectué sur la plateforme Google forms, un lien redirige le joueur directement de la plateforme Genially à Google forms si le joueur souhaite répondre au questionnaire. 3.2 RESULTATS DE L’EVALUATION QUALITATIVE Points positifs L’évaluation qualitative a permis de mettre en évidence plusieurs points de différence avec les autres moyens ludo-éducatifs déjà existants. Premièrement, pour le second et le troisième niveau, en plus du quizz pour apporter l’information de manière ludique, le participant doit guider le personnage principal jusqu’à destination. En effet, comme dit précédemment, il ne suffit pas de créer un jeu pour avoir un amusement, une acquisition de nouvelles connaissances et une modification de comportement. Cet élément est très important pour une meilleure immersion du joueur dans le jeu. Ensuite, en plus d’avoir créé un outil numérique en adéquation avec les demandes des nouvelles générations, nous avons pu intégrer des illustrations sous forme de photos mais surtout de vidéos courtes (GIF). Ces vidéos sont très répandues que ce soit dans les messages ou sur les réseaux sociaux, ce qui permet aux joueurs de s’identifier au jeu et donc d’augmenter l’amusement des enfants. 25 Enfin, nous avons cherché à apporter une touche humoristique avec certaines propositions de réponse mais aussi avec les GIF mis en place. Ainsi la partie éducative du jeu ne prend pas le dessus sur la partie ludique et donc le participant s’amuse tout en acquérant de nouvelles connaissances ou en complétant les connaissances déjà acquises. Points négatifs Pour les plus jeunes, la lecture n’est pas encore totalement acquise. Même si nous avons essayé de miser sur du visuel pour pallier à cela, tous les participants du premier niveau ont dû être aidé pour la lecture. Les enfants ne sont donc pas autonomes pour participer au jeu. Mais aussi pour les autres niveaux, les participants ont trouvé qu’il y avait beaucoup de lecture, même si ces derniers la maitrisaient. Peut-être qu’il faudrait rajouter un son à tous les niveaux, ce qui permet d’améliorer l’expérience des joueurs. Concernant les plus grands, même si ceux-ci ont apprécié aider Léo, ils auraient préféré que le jeu soit plus animé (mouvement du personnage et mettre des enjeux supplémentaires). 3.3 RESULTATS DE L’EVALUATION QUANTITATIVE 3.3.1 Niveau 1 Chez les 5-6 ans, nous avons pu évaluer le jeu auprès de vingt-cinq participants. Nous comptons dix-neuf enfants qui se sont énormément amusés, quatre qui se sont beaucoup amusé, un participant s’est peu amusé et un qui ne s’est pas du tout amusé en jouant (fig.8). Très peu 19% Pas du tout 0% Enormément 45% Beaucoup 36% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 8 : Quantification de l'amusement auprès des enfants âgés de 5 à 6 ans Concernant la deuxième question qui concerne l’apport de nouvelles connaissances, huit des participants ont dit que le jeu leur a apporté énormément de nouvelles connaissances, sept ont répondu « beaucoup », trois ont pensé que le jeu leur a apporté très peu de nouvelles 26 connaissances et six ont pensé que le jeu ne leur a apporté aucune connaissance. Cependant, un des participants n’a pas répondu à cette question (fig.9). Très peu 19% Pas du tout 0% Enormément 45% Beaucoup 36% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 9 : Quantification de l'apport de connaissances auprès des enfants âgés de 5 à 6 ans Nous avons aussi remarqué à travers la 3ème question que les enfants sont plutôt favorables au fait de rejouer, en effet seize des participants ont répondu « oui bien sûr » et huit ont répondu « oui peut-être » à la question « Voudras-tu rejouer? ». A noter que seulement une personne a répondu « peut-être pas » et qu’aucun des participants n’a répondu « non » à cette question (fig.10). Non 3% Peut-être pas 13% Oui bien s ûr 36% Oui peut-être 48% Oui bien s ûr Oui peut-être Peut-être pas Non Figure 10 : Evaluation de l’envie de rejouer chez les enfants âgés de 5 à 6 ans Enfin, onze participants ont trouvé que les questions étaient faciles, huit ont trouvé que les questions de ce niveau étaient très faciles et six ont répondu « ni faciles ni difficiles ». Aucun n’a trouv é les questions difficiles ( fig. 11). 27 Difficile 0% Ni facil es ni difficiles 24% Très faciles 32% Facil es 44% Diff icile Ni faciles ni difficiles Faciles Très faciles Figure 11 : Appréciation du niveau de difficulté du niveau 5-6 ans Concernant les questions à réponses libres, les participants ont surtout apprécié les animations et ce surtout quand ils ont pu donner les bonnes réponses, le fait que des images soient associées au texte, le fait que le jeu soit sous une forme numérique et le fait que le questionnaire soit ludique avec l’utilisation d’émoticônes. Cependant, même certains enfants ont trouvé le jeu facile, ils ne modifieraient pas le jeu pour l’améliorer. Ainsi nous avons pu conclure que pour ce niveau, les objectifs d’amusement et d’apport de nouvelles connaissances sont atteints. En effet, plus de 90% des participants se sont amusés, plus de 60% ont reçu de nouvelles connaissances et plus de 90% des participants souhaitent rejouer. Cependant, pour cet âge, il faudrait peut-être rendre le jeu un peu plus complexe car plus de 70% des participants l’ont trouvé plutôt facile alors que seulement 24% ont trouvé la difficulté adaptée. 3.3.2 Niveau 2 Chez les 7-9 ans, nous avons observé l’utilisation du jeu auprès de trente-huit participants. Il apparait que dix-neuf enfants se sont énormément amusés en jouant, onze se sont beaucoup amusés contre seulement trois participants qui se sont très peu amusé ainsi que cinq qui ne se sont pas du tout amusés (fig. 12). 28 Très peu 19% Pas du tout 0% Enormément 45% Beaucoup 36% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 12 : Quantification de l’amusement auprès des enfants âgés de 7 à 9 ans Concernant l’apport de nouvelles connaissances aux enfants, douze participants ont répondu que le jeu leur a apporté énormément de nouvelles connaissances, treize ont répondu « beaucoup » et neuf ont pensé que le jeu leur a apporté peu de nouvelles connaissances. Enfin trois des participants ont trouvé que le jeu ne leur a apporté aucune connaissance (fig.13). Très peu 19% Pas du tout 0% Enormément 45% Beaucoup 36% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 13 : Quatification de l'apport de connaissances auprès des enfants âgés de 7 à 9 ans Nous avons aussi remarqué à travers la 3ème question que les enfants sont plutôt favorables au fait de rejouer, avec en effet vingt-et-un participants qui ont répondu « oui bien sûr », huit ont répondu « oui peut-être » à la question et seulement cinq personnes ont répondu « peut-être pas » et quatre personnes ont répondu « non » à la question « Voudras-tu rejouer? » (fig.14). 29 Non Peut-être pas 3% 13% Oui bien sûr 36% Oui peut-être 48% Oui bien sûr Oui peut-être Peut-être pas Non Figure 14 : Evaluation de l'envie de rejouer chez les enfants âgés de 7 à 9 ans En fin, dix-sept enfants ont trouvé les questions du jeu « ni faciles ni difficiles », quinze ont trouvé les question « faciles », cinq participants ont trouvé les questions « très faciles » et un seul « difficiles » ( fig . 15) . Difficile 0% Ni faciles ni difficiles 24% Très faciles 32% Faciles 44% Difficile Ni faciles ni difficiles Faciles Très facil es Figure 15 : Appréciation du niveau de difficulté du niveau 7-9 ans Concernant les questions à réponses libres, les participants ont surtout apprécié le fait d’aider Léo, le fait d’apprendre de nouvelles connaissances et les animations sous forme de GIF. Cependant, ils auraient préféré que le jeu soit animé, avec plus de questions et une touche d’humour. Ainsi nous avons pu conclure que pour ce niveau, les objectifs d’amusement et d’apport de nouvelles connaissances avec un niveau de difficulté plutôt adapté. En effet, près de 80% des participants se sont « plutôt » amusés et près de 70% disent avoir appris quelque chose. Enfin, plus de 75% des participants souhaitent rejouer. Enfin, près de la 30 moitié (45%) des participants ont trouvé les questions « ni faciles ni difficiles », ce qui témoigne d’un niveau de difficulté adapté à cet âge. 3.3.3 Niveau 3 Chez les 10-12 ans, nous avons observé l’utilisation du jeu auprès de trente-et-un participants. Nous comptons dix-neuf enfants qui disent s’être énormément amusés et onze qui se sont beaucoup amusé contre seulement un participant s’est très peu amusé. Aucun des participants n’a choisi « pas du tout » pour cette question (fig. 16). Pas du tout 0% Très peu 19% Enormément 45% Beaucoup 36% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 16 : Quantification de l'apport de connaissances auprès des enfants âgés de 10 à 12 ans Concernant l’apport de nouvelles connaissances, quatorze des participants ont estimé que le jeu leur avait apporté énormément de nouvelles connaissances, onze ont répondu « beaucoup » et six ont pensé que le jeu leur avait apporté très peu de nouvelles connaissances. Aucun des participants n’a considéré que le jeu ne leur avait apporté aucune connaissance (fig.17). 31 Pas du tout 0% Très peu 19% Enormément 45% Beaucoup 36% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 17 : Quantification de l'apport de connaissances auprès des enfants âgés de 10 à 12 ans Nous avons aussi remarqué que les enfants sont plutôt favorables au fait de rejouer, en effet onze participants ont répondu « oui bien sûr », quinze ont répondu « oui peut-être » à la question contre seulement cinq personnes qui ont répondu « peut-être pas » ou « non » à la question « Voudras-tu rejouer? » (fig.18). Non Peut-être pas 3% 13% Oui bien sûr 36% Oui peut-être 48% Oui bien sûr Oui peut-être Peut-être pas Non Figure 18 : Quantification de l'envie de rejouer chez les enfants âgés de 10 à 12 ans Enfin, quatorze participants ont trouvé que les questions étaient difficiles, onze ont répondu « ni faciles ni difficiles », cinq ont trouvé les question « faciles » et un seul participant a trouvé les questions « très faciles » (fig.19). 32 Diff icile 0% Ni faciles ni difficiles 24% Très faciles 32% Faciles 44% Difficile Ni faciles ni difficiles Faciles Très faciles Figure 19 : Appréciation du niveau de difficulté du niveau 10-12 ans Concernant les questions à réponses libres, les participants ont surtout apprécié le fait d’aider Léo, le fait d’apprendre de nouvelles connaissances et les animations sous forme de GIF. Cependant, ils ont trouvé qu’il y avait beaucoup de texte. Ainsi nous avons pu conclure que pour ce niveau, les objectifs d’amusement et d’apport de nouvelles connaissances sont atteints. En effet, plus de 95% des participants se sont amusés, plus de 80% ont reçu de nouvelles connaissances et plus de 80% des participants souhaitent rejouer Pour ce niveau, il faudrait peut-être revoir le niveau de difficulté car plus de 45% des participants l’ont trouvé plutôt difficile alors que 35,5% ont trouvé que la difficulté était adaptée. 3.3.4 Tous niveaux Nous avons ainsi observé quatre-vingt-quatorze participations au jeu pour les trois niveaux d’âge Cinquante-sept enfants se sont énormément amusés en jouant et vingt-six se sont beaucoup amusés contre cinq qui se sont très peu amusés et seulement six ne se sont pas du tout amusés (fig.20). Ces résultats montrent donc que 90% des participants sont satisfaits. 33 6% 5% 28% Enormément 61% Beaucoup Très peu Pas du tout Figure 20 : Quantification de l'amusement de manière globale Concernant l’apport de nouvelles connaissances, trente-quatre participants ont considéré que le jeu leur avait apporté énormément de connaissance, trente-et-un ont trouvé que le jeu apportait beaucoup de connaissances, dix-huit très peu et neuf aucune connaissances supplémentaires (fig.21). Là aussi, globalement nous pouvons déduire de ces résultats que plus de 70% des participants acquièrent de nouvelles connaissances leur permettant de mieux prendre en charge leur santé bucco-dentaire. 10% 37% 19% Enormément Beaucoup Très peu Pas du tout 34% Figure 21 : Quantification de l'apport de connaissances globalement Les enfants sont plutôt favorables à l’idée de rejouer, en effet 48 participants ont répondu « oui bien sûr » et trente-et-un ont répondu « oui peut-être » à la question « Voudras-tu rejouer? » 34 (plus de 80%). L’objectif de réactualisation des connaissances pourrait ainsi être atteint si les participants rejouent (fig.22). 5% 11% 51% Oui biensûr Oui peut-être 33% Peut-être pas Non Figure 22 : Quantification de l'envie de rejouer globalement Enfin, globalement nous voyons que trente-quatre participants ont pensé que le jeu n’était ni facile ni difficile, 31 ont pensé qu’il était facile, quinze qu’il était difficile et enfin quatorze qu’il était très facile (fig.23). 15% 16% Difficiles 33% 36% Ni difficiles ni faciles Faciles Très faciles Figure 23 : Appréciation du niveau de difficulté globalement Cependant, vu que dès le départ il y avait un parti-pris de créer un niveau très facile pour les enfants de 5-6 ans et un niveau plus compliqué pour les enfants de 11-12 ans, nous ne pouvons pas faire de conclusion globale. Il est important de noter que les enfants dès leur plus jeune âge (5-6 ans) savent utiliser l’outil sous son format numérique. Nous pouvons donc conclure sur le 35 fait que la mise en place du jeu sous ce format est bien adaptée pour les enfants dès l’âge de 5-6 ans. 3.4 LIMITES DE L’EVALUATION Les mesures de la satisfaction sont totalement joueur dépendant et donc totalement subjectives. En effet, nous mesurons le ressenti de chaque participant concernant leur acquisition de connaissances. Cependant, nous n’avons pas évalué de façon objective l’apport de nouvelles connaissances auprès des participants, ni apprécié par un suivi l’évolution de ces connaissances. Ensuite, durant cette phase pilote, aucune mesure d’indicateurs d’hygiène ou des habitudes alimentaires n’a été relevée. Nous ne pouvons donc pas conclure sur l’influence du jeu sur la modification des habitudes d’hygiène et des habitudes alimentaires des participants. Cette phase pilote nous a permis surtout de valider le niveau de difficulté des questions posées, l’amusement et l’adhésion des participants au jeu. En effet, nous sommes partis de l’hypothèse que plus le participant adhère au jeu, plus par la suite le jeu pourra influencer ses choix concernant sa santé bucco-dentaire. Mais aussi, dans le premier niveau, nous avons remarqué que certains enfants avaient répondu à toutes les questions sans faire de fautes, mais en même temps avoir pensé que le jeu leur a apporté beaucoup de connaissances. Nous pouvons donc penser que le questionnaire n’était pas forcément adapté à leur âge. Une autre phase d’évaluation devra donc être menée par la suite pour valider de manière plus approfondie le jeu, après une phase d’adaptation et d’amélioration de celui-ci Une autre limite est l’accessibilité au jeux vidéo par les enfants. En effet, les enfants dont la situation est précaire sont les plus touchés par la maladie carieuse mais aussi ce sont les enfants pour qui l’accès aux jeux vidéo peut être discutée. Certains enfants peuvent avoir des difficultés d’accès aux jeux sous format numérique pour raison financière. Il est possible aussi que l’addiction aux écrans soit aussi un problème de santé potentiel qui serait renforcé avec le développement d’un jeu d’éducation à la santé sous format numérique. Cela montre l’importance d’une part de fournir la tablette nécessaire au jeu et d’autre part de limiter le temps du jeu en fonction de l’âge de l’enfant. CONCLUSION La maladie carieuse est une maladie chronique, inégalement répartie dans la population, qui se manifeste très tôt, ce notamment dans les populations les plus vulnérables socialement. La prévention de la carie dentaire et l’éducation à la santé dans le domaine de la santé orale (buccodentaire) a besoin d’être développée auprès des enfants. Étant de plus en plus amené à côtoyer le monde du numérique dès leur plus jeune âge, les enfants peuvent être plus facilement sensibilisés à la prévention bucco-dentaire en utilisant le jeu sur support numérique. La revue de littérature réalisée dans cette thèse montre qu’il existe un intérêt réel au jeu sérieux pour favoriser l’éducation à la santé bucco-dentaire chez l’enfant. Cependant, il semble qu’il existe peu de jeu dans ce domaine. Nous avons donc développé un outil supplémentaire basé sur la gamification en prévention bucco-dentaire pour des enfants de 5 à 12 ans, consultant au cabinet dentaire. Nous avons évalué la satisfaction et l’acceptation de cet outil auprès d’un échantillon d’enfants ainsi que l’apport de nouvelles connaissances. En effet, les études montrent qu’il ne suffit de créer un jeu pour remarquer un changement de comportement, mais qu’il fallait l’adhésion du joueur au jeu. Plus l’adhésion à un jeu est grande, plus le changement de comportement sera important. Il est donc primordial de vérifier l’amusement des participants. A travers notre travail de thèse, nous avons remarqué qu’aucune étude de la revue de littérature n’a pris en compte ce facteur. Les études étaient focalisées sur le changement de comportement en concluant que le jeu apporte un changement de comportement, mais que celui-ci s’estompe avec le temps. Nous avons donc entrepris la tâche de créer notre propre jeu pour pouvoir le tester et essayer d’enrichir le peu de littérature sur ce sujet. Suite aux phases de conception et réalisation du jeu, nous avons été amenés à le tester dans différents environnements (écoles, centre de soins dentaires et cabinet dentaire) pour toucher des enfants à profils variés. Nous avons émis l’hypothèse qu’en créant un jeu qui prend en compte le facteur de l’amusement, nous pouvons avoir un effet plus important tant pour l’acquisition de connaissances que pour le changement de comportement Le jeu développé ici semble être innovant dans son format. En effet, avant de créer la version finalisée de notre outil, nous avons pris le temps de passer par une version test sous format papier. Ceci nous a permis de relever ce que désiraient les participants, tout ceci pour permettre encore une fois une meilleure adhésion et donc un changement de comportement plus marqué. Les résultats de l’évaluation montrent que les enfants ont très largement apprécié le jeu et que l’objectif d’amusement a été atteint. De même, les enfants témoignent qu’ils ont appris de nouvelles connaissances et disent souhaiter rejouer. Nous pouvons donc conclure que les enfants en plus de s’amuser, ont acquis des connaissances pour prendre en charge leur santé buccodentaire. Mais aussi, en rejouant l’objectif de réactualisation de ces connaissances pourrait être atteint. Les enfants savaient déjà bien utiliser les outils numériques ce dès l’âge de 5-6 ans. Nous avons supposé que l’adhésion des participants au jeu était un élément majeur ce qui n’est pas en opposition avec les méthodes d’apprentissage et de transmission des connaissances conventionnelles. En effet, nous pensons que ce projet doit s’inscrire dans une démarche globale au côté d’une méthode conventionnelle pour pallier les manques de connaissance. Ainsi, une autre phase d’évaluation avec une étape préalable de prévention et un suivi sur le long terme serait nécessaire pour permettre de valider plus complètement cet outil. Mais nous pouvons conclure sur le fait qu’aujourd’hui l’introduction des serious games dans notre arsenal thérapeutique et surtout dans la prévention est nécessaire pour améliorer la prise en charge de nos jeunes patients. 38 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Rapport HAS Haute Autorité de Santé : Recomandations en santé publique : Stratégies de prévention de la carie dentaire - Mars 2010. 2. Rapport du HCSP Haut Conseil de la Santé publique sur les Objectifs de santé publique -Évaluation des objectifs de la loi du 9 août 2004. 3. Mona Hamdi. Manifestations buccales des maladies auto immunes : microbiote, immunité, et nouvelles thérapeutiques. Sciences pharmaceutiques. 2018 Aug. 4. Organisation Mondiale de la Santé. Etiologie et prévention de la carie dentaire. Rapport d'un groupe scientifique de l'OMS. Genève : OMS ; 1972 5. Organisation Mondiale de la Santé. Plan d’action pour la promotion de la santé buccodentaire et pour la prévention intégrée des affections. 2007 Mar 6. World Health Organisation. Measuring Change in Nutritional Status. 1983 7. Sebastien Deterding, Dan Dixon, Rilla Khaled et Lennart Nacke. Du game design au gamefulness : définir la gamification. Sciences du jeu. 2014 s 8. https://eduscol.education.fr/numerique/dossier/apprendre/jeuxserieux/notion/definition 9. Aljafari A, Gallagher JE, Hosey MT. Can oral health education be delivered to highcaries-risk children and their parents using a computer game? - A randomised controlled trial. Int J Paediatr Dent. 2017 Nov ;27(6) :476-485. 10. Malik A, Sabharwal S, Kumar A, Singh Samant P, Singh A, Kumar Pandey V. Implementation of Game-based Oral Health Education vsConventional Oral Health Education on Children's Oral Health-related Knowledge and Oral Hygiene Status. Int J Clin Pediatr Dent. 2017 Jul-Sep ;10(3):257-260. 11. Yogesh Kumar, Sharath Asokan, Baby John, Thiruvenkadam Gopalan. Effect of Conventional and Game-based Teaching on Oral Health Status of Children: A Randomized Controlled Trial. Int J Paediatr Dent. 2015 May-August (2) :123-126 12. Uma N. Maheswari, Sharath Asokan, Sureetha Asokan, S. T. Kumaran. Effects of conventional vs game-based oral health education on children's oral health-related knowledge and oral hygiene status - a prospective study. Oral Health Prev Dent. 2013 Feb (12):331-336 13. Ahmad Aljafari, Colm Rice, Jennifer Elizabeth Gallagher, Marie Therese Hosey. An oral health education video game for high caries risk children: study protocol for a randomized controlled trial. Trials. 2015 May (16) :237. 39 14. María-Luisa Martín-Ruiz, Nuria Máximo-Bocanegra, Laura Luna-Oliva. A Virtual Environment to Improve the Detection of Oral-Facial Malfunction in Children with Cerebral Palsy. Sensors. 2016 Mar (4) :444. 15. Campos LFXA, Cavalcante JP, Machado DP, Marçal E, Silva PGB, Rolim JPML. Development and Evaluation of a Mobile Oral Health Application for Preschoolers. Telemed J E Health. 2019 Jun ;25(6) :492-498. 16. R D Udin, C G Kuster. A board game for sensitizing dental students to children with special needs. J Dent Educ. 1985 Feb (2) :111-114. 17. J Hugo. Developing a research strategy for child accident prevention via a cross-cultural picture card game. J Audiov Media Med. 1995 Mar (1) :11-5. 18. Castillo Lizardo JM, Rodríguez-Morán M, Guerrero-Romero F. El juego como alternativa para la enseñanza de conceptos básicos de salud [Games as an alternative for teaching basic health concepts]. Rev Panam Salud Publica. 2001 May;9(5):311-4. 19. https://www.ameli.fr/nievre/assure/sante/themes/carie-dentaire/mt-dents 20. https://eduscol.education.fr/2231/le-parcours-educatif-de-sante 21. https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-de-santevos-droits/bonnes-pratiques-en-region/grand-est/article/jeu-educatif-pas-mal-les-dents 22. https://kit-pedagogique-fr.elmex.com 23. Fanny Barnabé. Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo. Open Edition Journals. 2011 Jun 24. Mathieu Triclot. Philosophie des jeux vidéo. Zones 2011 May 25. Sebastien Deterding, Dan Dixon, Rilla Khaled et Lennart Nacke. Du game design au gamefulness : définir la gamification. Sciences du jeu. 2014 26. Haydée Silva. La « gamification » de la vie : sous couleur de jour? Sciences du jeu. 2013 Oct. ANNEXE Annexe 1 : Questions intégrées dans le jeu Pour le niveau 1, 1. Avec quoi dois tu te brosser les dents? • Une brosse à dent en bon état + dentifrice au fluor • Uniquement une brosse à dent • Une brosse à cheveux 2- Que peux-tu faire le soir après avoir brossé tes dents? • Boire un verre de soda • Manger un gâteau • Boire un verre d’eau 3- Combien de dents vois-tu sur cette photo? • 6 • 8 • 10 4- Choisis ce qui est bon pour ta santé et tes dents • Des fruits • Des bonbons • Des chips 5- A quel âge pousse la première dent définitive (dent d’adulte)? • A l’âge d’1 ou 2 ans • A l’âge de 5 ou 6 ans • A l’âge de 11 ou 12 ans 41 Pour le niveau 2 : 1- A quoi correspond les chiffres? • 1 - L'émail, 2- La dentine, 3- La pulpe • 1- La pulpe, 2- La dentine, 3- L'émail • 1- L'émail, 2- La pulpe, 3- La dentine Explication : Une dent est recouverte par l’émail qui est un tissu très dur qui sert à protéger la dent, c'est le tissu le plus externe de la dent. Puis il y a la dentine qui est un tissu dur qui se trouve entre l'émail et la pulpe. Et enfin à l’intérieur, se trouve la pulpe qui est un tissu vivant avec des nerfs et des vaisseaux sanguins. 2- A quel âge pousse la première dent définitive (dent d’adulte)? • A 1 ou 2 ans • A l’âge de 5 ou 6 ans • A l’âge de 11 ou 12 ans 3- Comment s’appellent les dents définitives qui poussent au fond de la bouche? • Des molaires • Des canines • Des incisives 4- La carie dentaire peut toucher : • Les dents de lait et les dents définitives • Les gencives autour des dents • Uniquement les dents définitives Explication : La carie dentaire est une maladie qui atteint les dents, que ce soient des dents de lait ou les dents définitives. Il faut donc prendre soin de toutes les dents, les dents de lait et aussi les dents définitives. 5- La carie dentaire progresse quand il y a beaucoup? • De bactéries sur les dents • De fluor dans le dentifrice • De salive dans la bouche 42 Explication : Quand les dents ne sont pas nettoyées, les bactéries (microbes) restent accrochées aux dents. Elles utilisent les débris de sucre que tu as mangé ou qui se trouvent dans les boissons et produisent un produit acide qui abime les dents petit à petit. La salive, le brossage des dents et le fluor des dentifrices vont aider à lutter contre cette acidité. 6- Pour protéger tes dents, quand est-ce conseillé de les brosser? • Certains jours chaque semaine • Une fois par jour, le soir • Une fois par jour, le matin • Le matin et le soir, chaque jour 7- Combien de temps doit durer le brossage des dents? • Quelques secondes, le temps de de compter jusqu’à 20 • 2 à 3 minutes, le temps d’une chanson • 10 minutes, le temps d’une récréation 8- Le matin, il faut se brosser les dents avant de prendre son petit déjeuner : • Vrai • Faux Explication : Il est recommandé de se brosser les dents après avoir mangé, de cette manière tu pourras éliminer les bactéries mais aussi les petits débris de sucre de ton repas. 9- Le soir après avoir brossé tes dents, tu peux : • Boire de l'eau • Boire un jus de fruit • Boire un soda • Manger une glace • Manger des chips Explication : Il y a du sucre dans de nombreux aliments ou boissons, et certains sucres sont cachés car ils n’ont pas le gout de sucré. Par exemple les chips contiennent beaucoup de sucres mais ont un goût salé.. 10- Qu’est-ce que le dentiste utilise pour examiner tes dents? • Un petit miroir • Un cure-dent • Une sonde spatiale 43 Pour le niveau 3 1- Dans quelle partie de la dent, se trouvent les vaisseaux sanguins? • Dans la pulpe • Dans la dentine • Dans l’émail Explication : Une dent est recouverte par l’émail qui est un tissu très dur qui sert à protéger la dent puis il y a la dentine et à l’intérieur la pulpe qui est un tissu vivant avec des vaisseaux sanguins et des nerfs. 2- La carie dentaire est une maladie qui • Détruit peu à peu l’émail et la dentine • Touche uniquement les dents définitives • Est visible très facilement Explication : La carie dentaire est une maladie qui atteint les dents, que ce soient des dents de lait ou les dents définitives. C’est une maladie qui peut détruire peu à peu une dent (émail puis dentine) sil elle n’est pas traitée ou prévenue. Elle est souvent invisible au début de sa progression. 3- Combien de temps est ce recommandé de se brosser les dents? • 20 à 30 secondes • 2 à 3 minutes • 5 à 10 minutes Explication : 2 à 3 minutes représentent le temps nécessaire pour nettoyer toutes les dents (devant et au fond de la bouche) et sur toutes les surfaces (intérieure et extérieure) 4- Le matin, il faut se brosser les dents avant de prendre son petit déjeuner : • Vrai • Faux Explication : Il est recommandé de se brosser les dents une demi-heure après avoir mangé, de cette manière tu pourras éliminer les bactéries mais aussi les petits débris de sucre de ton repas. C’est pour la même raison qu’il faut se brosser les dents le soir après avoir mangé et avant de dormir. Il faut 30 minutes à la salive pour arrêter l’acidité de ta bouche après avoir mangé ou bu quelque chose qui contient du sucre. Pour protéger tes dents, il est donc recommandé de brosser tes dents après le repas, quand l’acidité a été arrêtée par la salive. 5- Quel est l’intervalle de temps idéal entre le repas et le brossage des dents? • Environ 30 minutes • 1 à 2 heures • 3 ou 4 heures Il faut 30 minutes à la salive pour arrêter l’acidité de ta bouche après avoir mangé ou bu quelque chose qui contient du sucre. Pour protéger tes dents, il est donc recommandé de brosser tes dents après le repas, quand l’acidité a été arrêtée par la salive. 6- Les sucres contenus dans les jus de fuit sont moins dangereux pour les dents que ceux des sodas • Vrai • Faux Explication : Certaines bactéries (microbes) qui sont accrochées sur les dents utilisent les débris de sucre que tu as mangé ou qui se trouvent dans les boissons (jus, sodas,...) et produisent un produit acide qui abime les dents petit à petit. 7- Grignoter des gâteaux salés entre les repas, c’est sans risque pour mes dents • Vrai • Faux Explication : Après un repas, tu te brosses les dents ce qui permet d’éliminer les débris alimentaires, alors qu’après un grignotage, tu le fais rarement. Les aliments et le sucre stagnent dans la bouche et la bouche devient acide. Si tu grignotes souvent, la bouche reste acide sur de longues périodes et donc la carie dentaire peut se développer. Mais aussi, il y a du sucre dans de nombreux aliments ou boissons, et certains sucres sont cachés car ils n’ont pas le gout de sucré. Par exemple les chips contiennent beaucoup de sucres mais ont un goût salé. 8- Lequel de ces aliments contient le plus de sucre? • Une bouteille de Ketchup • Une tablette de Kit-Kat • Une bouteille d’eau plate • 3 biscuits BN Explication : Le classement est : une bouteille de Ketchup (26 morceaux de sucre!), une tablette deKit-Kat (4 morceaux de sucre), 3 biscuits BN (3,5 morceaux de sucre) puis une bouteille d’eau plate (0 morceaux de sucre). Il faut donc faire attention au sucres cachés (source : openfoodfacts). 9- Il faut aller visiter le dentiste au moins : • Tous les mois pour un détartrage • Tous les ans pour une visite de contrôle • Uniquement quand mes dents me font mal 10- Si je n’ai pas mal aux dents, pourquoi consulter un dentiste? • Pour mieux connaitre le cabinet dentaire et le dentiste • Pour détecter des problèmes qui ne sont pas visibles facilement • Pour recevoir des conseils afin de mieux prendre soin de mes dents Explication : Les 3 réponses sont justes : Plus la carie dentaire est détectée tôt, plus rapidement le dentiste pourra la soigner facilement. Plus tu iras chez le dentiste et plus il pourra te donner des conseils pour garder tes dents en bonne santé, et aussi tu pourras te familiariser avec le cabinet dentaire 46 Annexe 2 : Questions d’évaluation du jeu 1- Est-ce que tu t'es amusé en jouant? • Énormément • Beaucoup • Très peu • Pas du tout 2- Est-ce que le jeu t’a apporté de nouvelles connaissances? • Énormément • Beaucoup • Très peu • Pas du tout 3- Voudras-tu rejouer au jeu? • Oui bien sûr • Oui peut être • Peut-être pas • Non 4- Les questions du jeu étaient : • Très difficiles • Difficiles • Ni difficiles ni faciles • Faciles • Très faciles 5- Qu’est-ce que tu as aimé dans le jeu? 6- Que faudrait-il changer pour que le jeu soit meilleur? 47.
4,227
hal-03105228-Lexis%2C%2013%202019%20-%20lexis-3443_introduction.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,022
Introduction. Lexis. Journal in English Lexicology, 2019, Lexicon, Sensations, Perceptins and Emotions, 13, &#x27E8;10.4000/lexis.3443&#x27E9;. &#x27E8;hal-03105228&#x27E9;
None
French
Spoken
1,932
3,119
y archive and et Introduction Introduction Stéphanie Béligon, Valérie Bourdier, Rémi Digonnet et Christelle Lacassain-Lagoin 1 Sensations, perceptions et émotions ont déjà donné lieu à un certain nombre d’études, portant sur les verbes de perception (voir notamment C. Paulin [2003] ; J.-J. Franckel [2004] ; C. Lacassain-Lagoin [2007], [2012] ; P. Miller [2008] ; N. Gisborne [2010] ; J.C. Khalifa & P. Miller [2010] ; A. Wierzbicka [2010] ; C. Mérillou [2013]), sur les noms et adjectifs de sentiments (voir J.-C. Anscombre [1995], [1996] ; I. Novakova & A. Tutin [2009] ; A. Wierzbicka [1999] ; R. Whitt [2010]) ou encore sur les métaphores relatives à l’un ou l’autre de ces domaines (M. Augustyn & E. Bouchoueva [2009] ; R. Digonnet [2016]). Cependant, peu d’auteurs se sont intéressés aux procédés linguistiques susceptibles de mettre en évidence les liens entre sensations, perceptions et émotions. 2 « Phénomène par lequel une stimulation physiologique (externe ou interne) provoque, chez un être vivant et conscient, une réaction spécifique » (TLFi), la sensation dépend de l’environnement du sujet et peut donner lieu à une perception, « [o]pération psychologique complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel » (TLFi). De ce traitement cognitif que fait l’individu des stimuli qu’il reçoit (ex. une sensation de faim, une odeur de rose) peuvent alors découler des affects (ex. une sensation / odeur agréable / désagréable). Ainsi, la sensation n’est pas sans rappeler l’émotion, définie comme une « [c]onduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément au niveau du corps d’une manière plus ou moins violente et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur » (TLFi). Les deux types de phénomène mettent en jeu le corps de l’expérient et répondent apparemment à une même finalité, la survie de l’individu et son adaptation à l’environnement. Il en va de même pour la perception, qui permet de connaître notre environnement par la détection d’informations utiles à nos gestes, à nos déplacements et aux interactions avec nos semblables. Cette connaissance de l’environnement assure nos besoins adaptatifs. [...] Les capteurs sensoriels portés par les systèmes perceptifs (organes sensoriels, appareil locomoteur, cortex), à l’interface entre le corps et l’environnement permettent de capter les énergies. Dans ces énergies, les systèmes perceptifs doués de mouvement vont saisir l’information, c’est-à-dire les propriétés de l’environnement qui sont pertinentes par rapport à nos intentions. (M. Luyat [2014 : 21]) Introduction 3 Quant aux émotions, A. Damasio [1999 : 71] considère que ce sont des ensembles compliqués de réponses chimiques et neuronales, qui forment une configuration ; toutes les émotions ont telle ou telle sorte de rôle régulateur à jouer, contribuant d’une manière ou d’une autre à la création de circonstances avantageuses pour l’organisme qui manifeste le phénomène ; les émotions ont trait à la vue d’un organisme, à son corps pour être précis, et leur rôle est d’aider l’organisme à se maintenir en vie. 4 Les liens entre ces phénomènes indissociables se reflètent dans le lexique qui exprime sensations, perceptions et émotions. On peut penser, par exemple, au verbe sentir en français, qui renvoie au sens de l’olfaction tandis que ses dérivés se sentir ou ressentir expriment notamment des sensations et des émotions ; la racine même du nom sensation est semblable à celle de sentiment. En anglais, le verbe feel peut se rapporter aux sensations, à la perception tactile et proprioceptive, ainsi qu’aux émotions. Les métaphores exprimant les émotions ont souvent trait aux perceptions et à l’état corporel : voir rouge, avoir le cœur léger, avoir la moutarde qui vous monte au nez, avoir des sueurs froides. Quant aux métaphores exprimant les sensations, elles font parfois appel aux émotions : une couleur triste, une mélodie joyeuse. L. Talmy [2000 : 139-140] met d’ailleurs en évidence l’intrication de ces phénomènes dans son concept de « ception » : [...] we adopt the notion of ception here to cover all the cognitive phenomena, conscious and unconscious, understood by the conjunction of perception and conception. While perhaps best limited to the phenomena of current processing, ception would include the processing of sensory stimulation, mental imagery, and currently experienced thought and affect. 5 L’étude de la ception pose de nombreuses questions, telles que les suivantes : • Quelle porosité peut-on observer entre les lexiques dédiés aux sensations, aux perceptions et aux émotions? Certains lexèmes renvoient-ils à ces trois phénomènes à la fois? Quelle(s) représentation(s) sémantique(s) en proposer? • Est-il possible de déceler des récurrences dans la polysémie des lexèmes renvoyant aux sensations, aux perceptions et aux émotions, notamment dans une perspective contrastive? • D’un point de vue méthodologique, comment étudier le lexique des sensations, perceptions et émotions? À quels types de corpus est-il possible de faire appel? Quelles techniques d’investigation peuvent ou doivent être développées? • Dans quelle mesure les études linguistiques peuvent-elles se fonder sur la recherche en neurosciences? À l’inverse, que peuvent-elles apporter aux neurosciences? 6 C’est notamment à ces questions que cherchent à répondre les contributions de ce numéro. 7 Plusieurs articles ont pour fil conducteur commun le passage de l’expérience intime, éminemment subjective de la perception et des affects, à celui d’une expérience partagée et sociale. 8 Ainsi, Catherine Paulin analyse les relations entre l’expérience de la douleur mentale, les sensations et les émotions qu’elle entraîne, et les représentations qui en sont faites dans des écrits autobiographiques. L’étude du verbe lexical feel dans les constructions feel like + GN, feel like / as if + contenu propositionnel montre que la douleur mentale est conceptualisée comme ce qu’elle n’est pas, dans l’irréel. En mobilisant un élément de comparaison, l’expérient rend saillant un aspect important de la douleur mentale. Cette verbalisation façonne le vécu, tout en le rendant accessible à l Introduction biais de la comparaison avec des sensations, l’expérience personnelle prend forme et est convertie en expérience partageable. 9 À partir de l’analyse d’un corpus général d’anglais américain (COCA), Stéphanie Béligon interroge l’expression de la perception et du ressentir en anglais au moyen de la distinction entre l’emploi copule du verbe feel (it feels ADJECTIVE) et le nom feel (X has a(n) ADJECTIVE feel). L’analyse en contexte de ces deux constructions linguistiques apparemment proches sémantiquement révèle en réalité deux orientations bien différentes. La première retranscrit une expérience directe et subjective du monde environnant alors que la seconde correspond à une perception qui émane de catégories préétablies. Outre cette différence, qui fait d’ailleurs écho à l’évolution diachronique de feel, une troisième construction plus récente (X has a(n) ADJECTIVE feel to it) constitue un dernier stade dans l’objectification du ressenti. 10 Julie Neveux étudie les exclamatives en what et how dans deux recueils de nouvelles de Katherine Mansfield selon plusieurs paramètres (régime énonciatif des énoncés concernés, caractéristiques syntaxiques, lexique) et montre que ces propositions obéissent à des logiques distinctes : les exclamatives en what apparaissent dans des contextes sociaux, traduisent une faible intensité émotionnelle et mettent en œuvre une catégorisation, tandis que celles en how correspondent à la volonté de restituer le vécu expérientiel dans toute sa richesse et sa complexité, et expriment une forte intensité émotionnelle. Ces différences tiennent notamment à la partie du discours (nom ou adjectif) dont relèvent les lexèmes modifiés dans ces structures. 11 Les contributions de Sarah Bourse et de Cathy Parc portent sur les stratégies utilisées respectivement dans la presse anglophone et dans des débats du Congrès américain pour susciter la peur et l’empathie, et soulignent le rôle-clef des méta s employées. 12 Sarah Bourse examine le lexique utilisé dans les discours politiques relatifs aux projets de réforme des lois sur les stupéfiants. Elle montre comment la rhétorique employée en politique est davantage fondée sur le recours aux émotions que sur l’utilisation d’arguments qui font appel à la raison. À travers l’étude minutieuse des métaphores utilisées au cours des débats, on voit comment le registre des émotions permet de soutenir des choix législatifs adverses. 13 Cathy Parc se fonde sur un corpus composé d’articles de la presse anglo-saxonne relatant la menace de l’ouragan Florence au sud-est des États-Unis en septembre 2018 et soulève à la fois la question de la perception d’un tel phénomène climatique et le problème du sensationnalisme dans la presse. Avec pour cadre la théorie de la métaphore conceptuelle, l’étude avance que la catastrophe naturelle est perçue comme un objet mouvant empreint d’une spatialisation et d’une trajectoire bien définies avant d’être personnifié, que ce soit par les parties qui le composent (l’œil du cyclone) ou par le fait même de le baptiser (Florence). L’analyse lexicale des gros titres, tant synchronique que diachronique, révèle un recours constant à la sensation visuelle pour décrire un phénomène qui suscite une émotion prédominante, la peur. On assiste alors à la mise en place d’une véritable rhétorique de la dramatisation propice au catastrophisme et à la recherche du sensationnel. 14 Lucile Bordet étudie les manifestations de l’émotion dans deux extraits du Late Show with Conan O’Brien diffusés peu après la mort de l’acteur Robin Williams. Dans une perspective multimodale, elle s’intéresse aux divers procédés d’intensification auxquels ont recours les locuteurs pour exprimer leur tristesse et leur affection à l’égard de s, Introduction l’acteur décédé. Elle montre que le lexique utilisé, les marqueurs vocaux et le langage corporel s’associent pour montrer l’émotion. 15 Si les deux dernières contributions semblent, de prime abord, axées sur une modalité sensorielle spécifique, l’étude menée par leurs auteurs respectifs montrent qu’il n’en est rien. Aude Grezka et Aï Kijima, qui s’intéressent aux figements auxquels donnent lieu les verbes de perception visuelle en français et en japonais, étudient la polysémie de ces verbes. En raison des phénomènes perceptifs qu’ils expriment, ces lexèmes (ex. voir, regarder ; miru, mieru) sont très courants et répandus dans le langage ; en effet, d’un point de vue extralinguistique, la vue est considérée comme la source primaire d’information – réputée pour être objective – sur la réalité perçue car la majorité des informations reçues passent par les yeux. On comprend ainsi l’intérêt que présente la perception visuelle du point de vue linguistique, dont le champ lexical est significativement plus abondant que celui des autres sens. Cette représentation fréquente se retrouve accrue dans les unités polylexicales, issues d’un phénomène de figement qui ne se restreint pas au lexique : celui-ci touche à la fois les domaines de la syntaxe, de la sémantique, du lexique et de la pragmatique. L’étude fait apparaître que les expressions figées, d’ part, peuvent véhiculer des sens variés (fondamental, dérivé par interprétation, métaphorique ou métonymique) et, d’autre part, expriment des phénomènes autres que la vue (représentation, intellection). 16 Enfin, Audrey Moutat s’intéresse au lexique du commentaire œnologique dans des revues francophones et part du constat que les néophytes, bien qu’ils ne maîtrisent pas ce lexique, le comprennent. Elle analyse les descripteurs du vin relevant de diverses isotopies (celles de l’être humain, du volume, du bâtiment) et démontre que celles-ci peuvent s’appliquer à l’œnologie en vertu d’un noyau de traits de signification commun. Cette étude la conduit à formuler l’hypothèse de « micro-structures expérientielles » communes à de nombreuses modalités sensorielles. 17 L’un des points forts de ce numéro réside dans la variété des objets d’étude, des cadres théoriques représentés, des corpus employés (textes littéraires, autobiographiques, presse, débats politiques, talk shows, revues spécialisées), et des langues analysées (anglais, français, japonais), qui témoignent bien de la richesse des phénomènes dont il est ici question et des nombreuses pistes de recherches qui s’ouvrent aux linguistes. AUTEURS STÉPHANIE BÉLIGON Université Paris-Sorbonne [email protected] VALÉRIE BOURDIER Université Paris-Est Créteil [email protected] Introduction RÉMI DIGONNET Université Jean Monnet – Saint-Etienne [email protected] CHRISTELLE LACASSAIN-LAGOIN Université de Pau et des Pays de l’Adour [email protected] Lexis
29,148
30/hal.archives-ouvertes.fr-hal-02530200-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
7,389
11,355
Christophe TRAÏNI, « Les protecteurs des animaux et le droit. Refoulement ou formalisation des émotions? » ; Droit et Société, n° 87, 2014, p. 465-481. Les protecteurs des anima ux et le droit. Refoulement ou formalisation des émotions? Cet article interroge la diversité des rapports au droit qui se nouent au cours des processus d'engagement en faveur de la protection animale. Ce faisant, il relève les diverses manières dont le droit se combine aussi bien aux modes d'action que les protecteurs des animaux privilégient afin de défendre leur cause qu'aux sensibilités préalables à leur engagement. Loin d'apparaître dénué de tout ressort affectif, le recours au droit implique une formalisation des émotions grâce à laquelle les griefs des militants apparaissent plus aisément légitimes au sein de l'espace public. Ainsi, la juridicisation des griefs favorise grandement l'accès des protecteurs des animaux aux sphères politico-administratives. Le propos de ce texte s'appuie sur une enquête de plusieurs années qui a donné lieu à la constitution d'un corpus empirique composé d'observations ethnographiques, d'entretiens réalisés auprès de protecteurs des animaux et des documents d'archives offrant un recul historique sur plus d'un siècle1. Pour un spécialiste des engagements militants et des mobilisations collectives, ce terrain d'enquête s'est avéré d'autant plus heuristique que son caractère composite permet de nombreuses comparaisons entre des modes d'action et des revendications très variés : refuges et soins aux chiens et chats abandonnés ; assistance aux bêtes d'abattoir ou aux animaux de ferme ; protections des espèces sauvages menacées ; protestations contre la chasse, la corrida, le cirque ou le foie gras ; critiques des expériences scientifiques et des tests sur les animaux ; promotion d'une « éthique animale » ou bien encore de l'alimentation végétalienne2 Multiplicité de ses formes, mais encore ancienneté historique et hétérogénéité sociale des bases militantes, font de la protection animale un poste d'observation privilégié des procédures et processus qui sous-tendent les mobilisations collectives. L'enquête menée au plus près des militant(e)s permet de relever les similitudes et contrastes qui résultent de la diversité des expériences sociales, des ressources propres à certaines trajectoires professionnelles, ou bien encore des registres émotionnels et modes d'action différemment privilégiés au sein de telle ou telle autre organisation. Cette pluralité s'avère des plus éclairantes dès lors qu'il s'agit d'examiner les modalités selon lesquelles le droit peut étayer un activisme voué à la défense d'animaux que les militant(e)s perçoivent comme les êtres parmi les plus vulnérables et sans défense qui soient. Cet article 'appliquera 1 Voir Christophe TRAÏNI, La cause animale (1820-1980). Essai de sociologie historique, Paris, Presses Universitaires de France, 2011. 2 Le végétalien refuse la consommation de tout produit issu de l'exploitation animale, non seulement la viande, mais aussi les oeufs, le lait, le fromage et le miel. à montrer dans quelle mesure l'étude de la protection animale peut contribuer à éclairer certains questionnements cruciaux aussi bien de la sociologie du droit que de la sociologie des engagements militants. Ce faisant, il prolongera les travaux qui ont interrogé les modes d'insertion du droit dans le répertoire de l'action collective3. Dans le même temps, les processus d'engagements observés auprès des militants de la protection animale offriront également l'occasion d'expliciter certains principes de la sociologie de Norbert Elias. La juridicisation des griefs ou la formalisation des émotions Les travaux de Norbert Elias nous invitent à bien prendre la mesure de l'interdépendance de phénomènes longtemps pensés comme relevant de deux ordres de réalités distinctes. D'une part, dans le prolongement de l'oeuvre de Max Weber, les effets de la centralisation croissante du pouvoir et de la monopolisation de la violence légitime par des administrations étatiques fortement spécialisées4. À ce propos, il est évident que les institutions juridiques et judiciaires ont rempli une fonction déterminante dans ce processus pluriséculaire de subordination des affrontements guerriers à des modes de règlement légalrationnel des conflits. D'autre part, la « civilisation des moeurs », autrement dit l'évolution historique des conduites que l'on pourrait indûment réduire à une dimension exclusivement psychologique : rapport à soi et à autrui, sensibilités aux contacts des corps et à la violence, normes relatives à l'expression des émotions, modes spontanés ou réflexifs des conduites Par ses constants va-et-vient entre les niveaux macro et microsociologique, Norbert Elias s'applique à analyser simultanément l'institutionnalisation des contraintes externes étatiques et l'incorporation des contrôles mués en autocontraintes individuelles. Certes, de nombreux malentendus peuvent résulter de cette thèse dès lors que l'on persiste à s'en remettre aux visions dichotomiques que le sociologue allemand a dénoncées dans plusieurs de ses textes. Un lecteur pressé pourrait aisément imaginer que deux éléments distincts s'articulent d'une manière toute mécanique. D'une part, les institutions de l'Etat - notamment policières et judiciaires - développeraient leur capacité à discipliner les corps et à faire plier les volontés individuelles afin qu'elles s'ajustent sans ré à l'ordre légal-rationnel. D'autre part, les individus tendraient à refouler leurs pulsions, leurs désirs, leurs états affectifs les plus spontanés afin de s'adapter aux exigences d'une société civilisée sans cesse plus 3 Voir notamment, Eric AGRIKOLIANSKY, « Les usages protestataires du droit », in Olivier FILLEULE, Eric AGRIKOLIANSKY et Isabelle SOMMIER (dir.), Penser les mouvements sociaux. Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, Paris, La Découverte, 2010, pp. 225-243 ; Liora ISRAËL, L'arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, 2009 ; Brigitte GAÏTI, Liora ISRAËL, « Sur l'engagement du droit dans la construction des causes », Politix, 2003, Vol. 16, n° 62. 4 Norbert Élias, La dynamique de l'Occident, Calmann-Lévy, 1975. 2 bureaucratisée. D'un côté, les contraintes externes imposées par les institutions étatiques, le règne des obligations, des procédures rationnalisées et froides et plus particulièrement pour la suite de notre propos, le droit. De l'autre, l'affectivité bridée des individus, le refoulement des pulsions, et plus généralement de tout ce qui pourrait être vécu sur le mode de la passion, de l'inclination et du désir individuel. Il ne peut être question d'indiquer ici à quel point les textes de Norbert Elias s'inscrivent en faux contre une lecture aussi stéréotypée. De La civilisation des moeurs à Sport et civilisation, le sociologue allemand n'a eu de cesse de nous inviter à penser l'évolution de l'économie psychique des individus en termes, non de simple refoulement des pulsions, mais bien plutôt de formalisation et même de quest for excitement trouvant de puissants points d'appui dans la sophistication croissante des contraintes5. Par formalisation, il faut entendre plus précisément ici que l'expression des émotions et les caractéristiques des conduites sont soumises au respect de règles qui dessinent, au sein de collectifs plus ou moins élargis, un consensus sur ce qui apparaît convenable ou non. Nous verrons ici dans quelle mesure cette perspective d'inspiration éliasienne s'avère la plus appropriée pour interroger les processus qui conduisent certains individus à combiner leur soucis d'oeuvrer à l'amélioration du sort des animaux et l'investissement de formes juridiques. Nous verrons que loin d'apparaître dénué de tout ressort affectif, le recours au droit implique plutôt une retranscription des sensibilités à l'origine de l'engagement dans les formes reconnues par les institutions du droit. Toutefois, les forts contrastes observés au sein de notre échantillon de militants nous invitent à er d'abord la diversité des conduites observées. Il serait, en effet, bien peu suffisant d'affirmer que les protecteurs des animaux s'efforcent parfois de mettre le droit au service de leur détermination à défendre les animaux maltraités par les hommes. Et ce d'autant moins que la question des rapports entre le droit et l'action politique a souvent suscité des notions multiples et équivoques6. De fait, la définition précise de catégories permettant de distinguer des phénomènes qui, ici ou là, s'opposent ou s'entremêlent plus ou moins étroitement s'impose. D'une part, les militants observés peuvent oeuvrer à la juridicisation des griefs qui justifient leur engagement. Par-là, il faut entendre qu'ils s'appliquent à faire valoir que leurs revendications sont d'autant plus légitimes qu'elles apparaissent indissociablement liées à un problème de nature juridique : violation d'un principe édicté par une tradition juridique, un traité international, une législation en vigueur ; contradictions entre divers textes ; 5 Norbert ÉLIAS, Eric DUNNING, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Arthème Fayard, 1994. Jacques COMMAILLE & Laurence DUMOULIN, « Heurs et malheurs de la légalité dans les sociétés contemporaines. Une sociologie politique de la "judiciarisation" », L'Année sociologique, 2009/1, Vol. 59. 6 3 manquement à la bonne hiérarchie des normes, etc Ce travail implique, par conséquent, de savoir retranscrire dans le langage du droit des motifs d'engagement qui, le plus souvent, sont préalablement vécus sur un mode bien plus infra-argumentatif. L'indignation centrée sur la souffrance animale doit être réorientée - sous une forme nouvelle bien plus réflexive et intellectualisée - vers des textes de droit afin d'y déceler les manquements dignes d'être relevés. Ainsi, ce qui pourrait être simplement perçu comme un traitement scandaleux infligé à des animaux est décrit comme une atteinte à des normes juridiques auxquelles les contrevenants se doivent d'être rappelés. Un savoir-faire tout particulier consiste « à aboutir à cette "qualification juridique" des faits qui permet à ces derniers de faire enfin sens, libérés de leur factualité insignifiante ; travail qui s'opère en mobilisant la technique même de l'exposition juridique savante avec sa stratification de références ou sa recherche du précédent » 7. Par exemple, l'importation de 5000 poils d'éléphants par un bijoutier de luxe parisien sera décrite comme une violation de la convention Washington qui reconnaît le pachyderme comme une espèce protégée. Certes, précise l'avocate des cinq associations de défense des animaux qui se sont portées parties civiles, le commerce incriminé n'était pas encore, à l'époque des faits, totalement interdit. Cependant, des certificats d'importation étaient déjà obligatoires afin d'indiquer l'origine des produits. Attaqué sur ce point, le bijoutier de luxe sera condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 2000 euros avec sursis pour défaut de justificatifs prouvant la légalité de l'importation. En l'occurrence, la juridicisation des griefs se confond ici presque simultanément avec la judiciarisation des conflits qui opposent les protecteurs des animaux à ceux qui les maltraitent. 4 Processus d'engagement et rapports différentiels au droit Au cours de mon enquête, il m'est apparu essentiel de collecter pas moins de soixantehuit entretiens auprès de militant(e)s appartenant à trente-quatre organisations différentes8. Le principal intérêt de cet échantillon est de pouvoir saisir à quelle point la protection animale se distingue par la grande diversité de ses militants. Un grand nombre d'entre eux, parmi lesquels une majorité de femmes, se focalisent sur le sort des chiens et des chats abandonnés et se rallient aux organisations qui leur offrent refuge et soin. D'autres militants, se préoccupent plutôt du devenir des espèces sauvages, parfois à l'autre bout du monde, et entretiennent des rapports étroits avec les spécialistes des sciences de la nature : ornithologues, zoologues, primatologues, etc. D'autres, enfin, adhèrent à des organisations vouées à protester contre des pratiques jugées scandaleuses et immorales : élevage industriel, corrida, cirque, production du foie gras ou de la fourrure, expérimentation scientifique et tests sur des cobayes On imagine sans mal à quel point les militant(e)s qui investissent ces différentes formes de protection animale peuvent se distinguer par de multiples traits attenants à leur origine et à leur trajectoire sociale, à leur capital scolaire, ou bien encore à leur genre. En ce qui concerne le recours au droit, un premier constat s'impose inéluctablement. La minorité des militants experts en droit présentent des capitaux scolaires et universitaires, mais encore des statuts professionnels, qui tendent à les faire apparaître comme appartenant à des catégories socioprofessionnelles tendanciellement supérieures à celles des autres protecteurs des animaux. Cependant, un tel constat ne peut être suffisant sauf à se contenter de ce truisme selon lequel les pratiques du nécessitent des apprentissages, des investissements coûteux, bref des moyens inégalement distribués dans l'espace social. A l'encontre d'une lecture qui tendrait à rabattre l'explication sur des effets d'inégalité sociale, l'analyse processuelle adoptée ici s'efforce de dégager des éléments utiles à une compréhension plus fine de la manière dont des rapports différentiels aux droits peuvent se nouer au cours des divers cheminements d'adhésion à la cause. Pourquoi et comment, en d'autres termes, certains militants en sont effectivement venus à investir des pratiques juridiques? Ainsi, l'analyse des données de l'enquête a consisté à interroger les dimensions affectives aussi bien des processus d'adhésion individuelle à la cause que des procédures de mobilisation des soutiens. 5 des mobilisations en faveur de la protection des animaux, il paraissait indispensable d'expliciter pourquoi, comment et avec quelles conséquences, les militants tendent à recourir à des dispositifs de sensibilisation. Par cette expression, il s'agit de désigner les multiples supports matériels, les agencements d'objets, les mises en scènes que les entrepreneurs de mobilisation déploient afin de susciter des réactions affectives qui prédisposent ceux qui les éprouvent à s'engager ou à soutenir la cause défendue. Pour autant, il convenait de bien relever le fait que les entrepreneurs de la cause animale peuvent également recourir, de manière conjointe ou alternative, à des dispositifs experts. L'expression experts désigne ici tous ceux qui font valoir un point de vue déterminé en s'appuyant sur la maîtrise d'un savoir échappant au profane : disciplines scientifiques, techniques professionnelles et, plus encore pour le propos qui va suivre, connaissances juridiques. D'une manière générale, l'expertise implique la maîtrise de compétences reconnues comme spécifiques, souvent, mais pas obligatoirement, sanctionnées par des diplômes et des titres professionnels. Loin de se réduire exclusivement à des formulations discursives et terminologies spécifiques, l'expertise implique des savoir-faire en matière de mise en oeuvre d'agencements d'objets - graphiques, courbes, diagrammes, sceaux, blouses ou toges, etc. - ainsi que d'adoption de postures, protocoles et procédures obéissant à certaines conventions. Les dispositifs experts se déploient plus particulièrement dans des lieux socialement tenus pour appropriés, tels les laboratoires ou les tribunaux et se réclament le plus souvent d'une neutralisation des affects permettant la maîtrise de connaissances « froides ». Ici, c'est plus particulièrement les connaissances techniques et sa -faire juridiques dont s'emparent les protecteurs des animaux qui retiendront notre attention. Si d'un point de vue analytique, cette focalisation se justifie ici pleinement, il importe toutefois de noter que le recours au droit ne constitue qu'une des formes de déclinaisons de ce registre d'action plus général que constitue la mobilisation de dispositifs experts. A partir des entretiens réalisés au cours de l'enquête, il est possible d'examiner dans quelle mesure l'engagement des protecteurs des animaux prolonge des sensibilités forgées au cours d'expériences sociales qui ont marqué les toutes premières phases de leur socialisation9. 6 militant(e)s à privilégier le recours à tel type de dispositif plutôt qu'à tel autre10. S'agissant, plus précisément, de la propension à s'emparer des dispositifs experts du droit, plusieurs constats s'imposent. En tout premier lieu, on l'a dit, seule une infime minorité de militants - le plus souvent parmi les mieux dotés en capital social et scolaire - envisagent les compétences juridiques comme une dimension essentielle de leur engagement. En second lieu, ce trait relativement singulier ne signifie pas que lesdits militants se distinguent en tout point de la majorité des protecteurs des animaux. Bien au contraire, ils partagent avec eux le fait d'avoir été précocement dotés de sensibilités qui les prédisposaient à s'engager, un jour ou l'autre, au profit de la protection animale. En fait, l'expérience la plus communément répandue parmi l'ensemble des militant(e)s a trait aux tendres sentiments que leur cercle familial préconisait à l'endroit des bêtes11. Cette expérience affective ayant marqué l'enfance des futurs militants résulte bien de facteurs sociologiques. D'une part, elle n'a été possible qu'à l'issue des lentes évolutions sociales qui permirent à des animaux d'affection, tel le chien ou le chat, d'être considérés comme des membres à part entière de la famille, et jouant un rôle déterminant au cours de la socialisation enfantine. Elle doit, en outre, beaucoup aux représentations induites par le développement de ce que j'ai proposé d'appelé le bestiaire imaginaire de l'enfance12. Autant dire qu'elle ne peut être dissociée de la très grande distance sociale qui sépare les familles des futurs militants des milieux ruraux et agricoles au sein desquelles un rapport bien plus fonctionnel animaux prévaut encore. Si la grande majorité des militant(e)s doivent aux conditions de leur socialisation un rapport d'affection privilégié aux bêtes, seule une minorité d'entre eux seront conduits à y adjoindre des compétences expertes empruntées au droit. Autant dire qu'il convient alors de préciser les évènements et processus qui ont incité ces individus soucieux d'améliorer le sort des animaux à se rapprocher des institutions du droit. Dans cette optique, deux manières d'investir le droit à partir d'une sensibilité favorable à la protection animale méritent d'être distinguées. 10 Christophe TRAÏNI, « Les émotions de la cause animale. Histoires affectives et travail militant », Politix. Revue des sciences sociales du politique, 2011/1 (n° 93). 11 A l'échelle de l'ensemble de l'échantillon, il apparaît que d'autres types d'expériences affectives ont doté les militant(e)s d'autres sensibilités plus ou moins bien partagées. Ce n'est cependant pas le lieu de les inventorier car elles concernent rarement les militants juristes sur lesquels l'analyse se focalisera ici. 12 Par bestiaire imaginaire, j'entends désigner les multiples personnages animaliers dotés de parole et censés directement s'adresser à des enfants qui les comprennent bien mieux que les adultes. Entamé au XIXe siècle, à travers la littérature enfantine et l'apparition des premières peluches, le phénomène s'amplifie considérablement, dans la seconde moitié du XXe siècle, grâce notamment à l'invention du dessin animé et la diffusion télévisuelle. 7 Sensibilité pour les animaux et appétence pour le droit Une première modalité renvoie à des cas dont l'analyse recoupe la question des logiques de professionnalisation qui portent certains individus à investir les métiers du droit afin d'en vivre durablement. Comment - dès lors que l'on est déjà engagé dans le droit - s'accommoder de la technicité froide qui pourrait sembler le caractériser? Telle est la question à laquelle semblent avoir été confrontés certains juristes experts oeuvrant pour la protection des animaux. Lors de phases décisives de leur cursus universitaire ou professionnel, les futurs militants semblent avoir été soucieux de concilier la technicité aride du droit et leur passion de jeunesse pour les animaux. C'est le cas, par exemple, de Julien Freund, 37 ans, directeur de l'OABA, l'OEuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs, au sein de laquelle il fut embauché en tant que juriste en 2005. Longtemps responsable juridique à la Fondation Brigitte Bardot, puis à la Société Protectrice des animaux, celui-ci se définit comme un « vachophile », au point d'ailleurs de remplir son bureau de figurines à l'effigie de ce sympathique ruminant. C'est au cours de son enfance, à proximité de la ferme de ses grands-parents, que le petit Julien se découvre une affection toute particulière pour cette espèce animale. D'ailleurs, vers l'âge de dix-sept ans, il s'imposera de devenir végétarien au nom de la cohérence dictée par cette tendresse particulière qu'il porte aux bovins. A l'âge adulte, alors qu'il est engagé dans sa cinquième année d'étude de droit, Julien Freund dit avoir éprouvé « le déclic qui fait qu'aujourd'hui je suis là où je suis, ce qui explique également les huit dernières années de ma vie » : On avait créé une petite association avec mes camarades, l'Association des étudiants privatistes, pour mater le pion aux publicistes. Son but c'était d'être le lien entre les nouveaux et les anciens, et on avait également une petite activité de recherche On se préparait déjà à notre bac plus 6, 7, 8! (). Moi, j'ai fait des chroniques sur la reconduction du bail, sur le refus de vente Et puis un coup, j'ai dit : "Tiens! Je vais regarder le droit de la protection animale" J'ai fait une petite chronique, une recherche de jurisprudence sur les mauvais traitements et les actes de cruauté. 8 matière d'engagement, cet amalgame subtil entre sensibilités primordiales et compétences juridiques institue une logique d'engrenage à laquelle les experts du droit de l'animal peinent évidemment à résister. Ainsi, lorsque des déconvenues au sein de la Fondation Brigitte Bardot conduisirent Julien Freund à se dédier à un autre domaine du droit, un irrésistible appel ne tarde pas à se faire entendre J'ai voulu tourner la page complètement, et je me suis retrouvé chez un courtier en assurances qui travaille avec les Mutuelles du Mans, où nous étions spécialisés dans le droit de la protection routière C'est très intéressant, j'ai découvert plein de trucs (). C'est très intéressant sauf qu'au bout de deux mois on en a fait le tour! C'est très routinier et ça ne me plaisait pas trop En faisant mes veilles juridiques, je ne pouvais pas m'empêcher d'envoyer mes emails à mes anciens collègues en leur disant "Tiens? J'ai vu la circulaire qui concerne l'Aïd! J'ai vu un décret qui passe pour modifier le code pénal qui protège les animaux", etc Et je me suis rendu compte qu'il me manquait un truc, c'était le contact avec les animaux!14 Et c'est vrai que je voulais quand même retourner dans la protection animale J'avais gardé de bons contacts, je suis retourné à la Société Protectrice des Animaux pendant un peu plus de six mois. J'y ai rédigé ce qu'ils ont appelé "le manuel de gendarmerie", qui est une sorte de code de la protection animale. La carrière professionnelle et militante d'Eva Díaz, 40 ans, magistrat à Barcelone, et membre du comité exécutif d'ADDA, l'Asociación Defensa Derechos Animal, paraît également riche en enseignement15. Ici, les sentiments enfantins ont incontestablement pesé dans l'engagement dans des études puis dans une carrière de juriste : « quand j'étais petite et que je jouais avec mes poupées, je leur prononçais des sentences Être juge a toujours été le rêve de ma vie J'ai toujours aimé les films d'avocats, de procès, de juges Je suis passionnée par le monde du droit! ». Élevée dans une famille modeste, d'origine ouvrière, et politiquement orientée à gauche, Eva suit des études de droit qui la conduisent à diriger, en tant qu'avocate spécialiste en droit du travail, le service des ressources humaines d'une entreprise. Ce poste ne semble pas totalement lui convenir puisqu'elle convoite et obtient un poste de juge. Son engagement parallèle dans la protection animale est clairement décrit comme ayant été dicté par une fidélité aux tendres sentiments que sa famille portait aux animaux : « mon père aimait beaucoup les animaux. Quand j'étais petite, il amenait toujours de chatons abandonnés à la maison Peut-être c'est aussi quelque chose que j'ai hérité de ma grand-mère paternelle ». Le père d'Eva décède alors qu'elle n'a pas encore terminé ses études de droit. Très affectée, celle qui se destine à une carrière juridique se promet alors d'entretenir une sensibilité que son père lui a inculquée dès son plus jeune âge : « j'ai juré, juré et juré que 14 Soulignons que l'expérience évoquée ici - « le contact avec les animaux » - se distingue clairement de ce contact physique direct avec les bêtes que, par exemple, les refuges tenus par bon nombre d'organisations de la protection animale permettent. Il est plutôt question ici d'une opération intellectuelle consistant à appliquer les raisonnements logiques du droit à cet objet de préoccupation affective que constitue le traitement des animaux. 15 Avant de l'élargir à d'autres thématiques, j'ai entamé mon enquête auprès des opposants à la corrida en France. Compte tenu des nombreuses mobilisations anti-corrida en Catalogne, il m'est apparu pertinent d'inclure des militants barcelonais à mon échantillon. L'entretien avec Eva Diaz a été réalisé le 3 juillet 2010, à Barcelone, puis retranscrit et traduit en français, par Montserrat Emperador Badimon,. 9 j'allais mettre mes connaissances légales au service de la défense des animaux. La sensibilité auprès des animaux a toujours été présente dans la famille Peut-être pas de cette manière extrême que j'ai développée Mais le respect a toujours été là. Je me souviens, quand j'étais petite, à la maison on voyait TV1, et à chaque fois qu'on passait les taureaux, mon père changeait rapidement de chaîne ». Ainsi, au regard d'Eva, l'engagement militant au sein d'ADDA, la contribution à la création en 2003 d'une commission de protection des droits des animaux auprès de l'Ordre des Avocats de Barcelone, constituent le moyen de concilier, là encore, les sensibilités à l'égard des animaux acquises durant l'enfance, et les compétences spécifiquement juridiques accumulées au cours de son cursus universitaire et professionnel. L'histoire de Julien Freund et d'Eva Diaz ne constituent certainement pas des cas isolés parmi ces juristes qui oeuvrent avec d'autant plus de constance au sein des organisations dédiées à la protection animale que leur attachement aux animaux est manifeste depuis l'enfance16. Ainsi, l'engagement des militants les plus enclins à endosser la figure de l'expert en droit doit beaucoup à des ressorts affectifs dont on pourrait aisément négliger l'importance. A l'instar de l'ensemble des protecteurs des animaux, les juristes de la cause s'efforcent, à travers leurs pratiques militantes et professionnelles, d'alimenter l'affection pour les animaux forgée au cours de leur enfance. Ils se distinguent, en revanche, par une inclination qui est loin d'être aussi bien partagée par l'ensemble des militants de la cause. Leur apprentissage du droit, en effet ne semble jamais s'être limité à l'acquisition des compétences cognitives et techniques qui caractérisent cette pratique sociale spécifique. Comme l'attestent les témoignages cités ci-dessus, leur rencontre avec le droit s'est accompagnée d'une découverte, plus ou moins progressive, d'une appétence, d'un goût, qui les porte à vivre les pratiques juridiques sur le mode de la passion, du désir ou de l'envie17. De fait, leur engagement en faveur de la cause leur permet de concilier des dispositions aussi bien affectives que cognitives auxquelles ils se sont attachés au cours de leur histoire sociale. Nous allons voir, cependant, que ce rapport au droit n'est ni le seul ni le plus fréquent parmi les militants de la cause animale. 16 A l'instar de maître Patrice Grillon, Avocat de l'association Stéphane Lamart, qui à la page « espace juridique » du site web de l'association, pose en présence de son chat Blue-Moon. http://www.associationstephanelamart.com/index.php?page=juridique&n=1 Consulté le 20 avril 2012. 17 Sur la nécessité de distinguer c ompét ences et appét ences dans le cadre d'une sociologi e dispositionnelle, voir voir Bernard Lahire, « De la théorie de l'habitus à une sociologie psychologique », in Bernard Lahire (dir.), Le travail sociologique de Pierre Bourdieu, Paris, La Découverte, 2001, pp. 121-152. 10 Sensibilité pour les animaux et rapport instrumental au droit Des études dans les facultés de droit ne constituent pas le seul type d'expériences susceptibles de conduire des individus - dotés d'une grande sensibilité concernant le sort des bêtes - à se doter de compétences juridiques envisagées comme un levier indispensable à la protection animale. Une seconde modalité implique un rapport à la matière juridique bien moins approfondi que celui que nous venons d'observer auprès des professionnels du droit. Certains militants, en effet, se caractérisent par une formation juridique d'autodidacte, par des connaissances parfois très pointues en ce qui concerne la législation et les procédures sanctionnant la cruauté envers les animaux. Ces connaissances ont été acquises, pour ainsi dire sur le tard et sur le tas, dès lors qu'il s'agissait de secourir des animaux, en prise à des propriétaires indélicats. Tant et si bien que c'est un rapport au droit bien plus limité et instrumental dont font preuve ici lesdits militants. A cet égard, le témoignage de Stéphane Lamart illustre remarquablement ce type de cheminement. A l'âge de seulement dix ans, celui-ci assiste au calvaire d'un petit rat pourchassé par les hommes et qui éveille en lui tant de compassion et d'indignation qu'il se promet de consacrer sa vie à la défense des animaux. A dix-neuf ans, en 2000, il fondera l'association Stéphane Lamart après avoir préalablement milité à la Société Protectrice des Oiseaux des Villes et à la Société Nationale de Défense des Animaux. Sorti précocement du système scolaire, il a occupé temporairement des emplois qui lui ont permis de gagner sa vie - assistant vétérinaire, caissier, employé municipal affecté à la voirie - avant que son savoir-faire militant décide finalement de sa vocation professionnelle : Je commençais à m'impliquer davantage pour les animaux, et je me suis interrogé sur la profession de policier. Je me suis dit : « en fait, à l'association Stéphane Lamart qu'est-ce qu'on fait? Les dépôts de plaintes, le commissariat de police, les procureurs, c'est eux qui appuient notre démarche ». Et ce métier me plaisait (). D'une manière bien plus générale, il n'est pas rare que l'engagement dans la protection animale conduise ainsi les militant(e)s à acquérir les rudiments de droit nécessaires pour pouvoir mobiliser des forces de police et institutions judiciaires utiles à leur cause. Certaines organisations, à l'instar de la Société Protectrice des Animaux, la Fondation Brigitte Bardot ou l'association Stéphane Lamart, proposent d'ailleurs à leurs membres les plus motivés de devenir « inspecteur » ou « délégué-enquêteur bénévole ». L'une des missions qui leur sont alors confiées consistent à vérifier le bien-fondé des dénonciations relatives à des 11 mauvais traitements, à des actes de cruauté ou de sévices graves, ou à des atteintes volontaires à la vie d'un animal18. Ici, l'empressement et la volonté de bien faire des militant(e)s ne peuvent suffire, car de nombreuses dénonciations adressées aux associations s'avèrent exagérées ou infondées au regard des experts du droit. De fait, les enquêteurs bénévoles, avant de s'engager, sont invités à prendre connaissance d'un document précisant « les Missions des Délégués et Enquêteurs bénévoles, auquel sont annexés les principaux textes législatifs et réglementaires relatifs à la protection animale ainsi que la charte définissant les droits et obligations des délégués ou enquêteurs »19. Ce travail de veille, pour ne pas dire de police privée, assuré par les bénévoles, alimente les sièges nationaux de ces organisations qui, dans les cas d'actes de cruauté avérés, saisissent les tribunaux afin que les coupables soient punis conformément à la législation en vigueur. Ainsi, dans de nombreuses affaires, des associations telles la Société Protectrice des Animaux, la Société Nationale de Défense des Animaux, Fondation 30 Millions d'Amis se constituent partie civile dans des procès présentés comme autant de victoires pour la cause des bêtes : des hommes sont condamnés par la Justice pour s'être acharnés à coups de sabre sur un chien, pour avoir laissé mourir de faim deux poneys, pour avoir importé cinq mille poils d'éléphant, etc. À titre d'exemple, en 2010, la Fondation Brigitte Bardot déclare avoir mené plus de 3000 enquêtes et s'être constituée partie civile dans près de 200 affaires tant et si bien que 11 % des fonds collectés aurait été affecté à des démarches visant à faire condamner les auteurs de maltraitance. 12 viennent ici au droit comme d'autres en viennent aux mains. Loin de toute appétence pour les logiques procédurales propres aux raisonnements juridiques, il s'agit ici de se saisir d'un moyen permettant de dévoiler et punir ceux qui, en maltraitant les bêtes, soulèvent l'indignation de leurs protecteurs. Certes, cette manière d'envisager le recours au droit alimente un registre émotionnel du dévoilement qui étaye très efficacement les processus d'enrôlement et de consolidation des soutiens (notamment auprès des publics les moins bien dotés en capital scolaire)21. Cependant, et dans le même temps, elle induit un rapport superficiel au droit qui peut aisément indisposer ceux qui investissent la cause afin d'y trouver un débouché satisfaisant pour leurs compétences et savoir-faire juridiques. Ceci est d'autant plus vrai que les profanes en matière de droit tendent à survaloriser la judiciarisation des conflits là où les experts l'envisagent comme une alternative à laquelle il convient de recourir seulement si certaines conditions s'avèrent réunies. Parfaitement au fait des probabilités d'être déboutés par la justice, les juristes savent que le recours aux arènes judiciaires ne peut prétendre s'imposer à chaque fois que les militants éprouvent le besoin d'user d'une arme vengeresse22. De fait, comme nous le verrons plus loin, les rapports différenciés au droit ne font que refléter les divergences qui opposent des types de militants qui peinent parfois à cohabiter au sein des mêmes associations. Si leurs compétences juridiques offrent aux experts l'opportunité de trouver des débouchés professionnels au sein d'associations de protection animale plutôt bien dotées en ressources financières, elles les conduisent également à se différencier de militants, et parfois même 'employeurs, qui manifestent des émotions qu'ils jugent inconvenantes. Juridicisation des griefs et légitimation des acteurs Alors même que leur engagement en faveur de la protection animale résulte des sensibilités acquises au cours de leur histoire sociale, les juristes oeuvrant pour la cause se distinguent de la plupart des militants par leur habileté à s'écarter des formes d'expression des émotions généralement jugées excessives et déplacées. La juridicisation des griefs, en effet, ne se résume pas seulement à retranscrire la sympathie et la compassion pour les animaux maltraités par les hommes dans le langage formel et procédural du droit. Elle permet également aux préoccupations affectives à l'origine de l'engagement de s'exprimer sous des 21 Sur ce qui permet de distinguer les trois registres émotionnels qui caractérisent la protection animale depuis le XIXe siècle jusqu'à nos jours (registre démopédique, attendrissement, dévoilement), voir La cause animale (1820-1980), op. cit. 22 Sur la méfiance des juristes militants à l'égard des stratégies judiciaires, voir Éric AGRIKOLIANSKY, « Usages choisis du droit : le service juridique de la ligue des droits de l'homme (1970-1990) », op. cit., pp. 6769. 13 formes d'expression, non seulement bien plus intellectualisées, contrôlées et circonstanciées, mais encore socialement légitimes. Ce travail de retranscription apparaît d'autant plus nécessaire que, depuis la fin du XIXe siècle, l'évolution sociologique des bases militantes de la protection animale s'est accompagnée d'une forte délégitimation aux yeux des élites intellectuelles. De fait, de nos jours, les protecteurs des animaux les mieux dotés en capital social et scolaire travaillent souvent à se présenter comme des hommes et des femmes responsables, modéré(e)s, déjouant cette « sensiblerie » excessive qui condamnerait à l'inefficacité un trop grand nombre d'ami(e)s des bêtes. Dans cette optique, se subordonner aux formes juridiques revient à s'arracher aux intempérances affectives qui entraveraient le progrès aussi bien de la cause que de ses promoteurs. « J'ai vécu une époque, quand j'étais jeune, [se rappelle Eva Diaz] où je me suis battue contre tout le monde, contre tout. Mais j'ai grandi. Je suis dans la cause animale, mais depuis une autre perspective La meilleure des perspectives, parce que c'est celle qui m'a donné les meilleurs résultats Parce qu'une perspective trop émotionnelle, trop radicale, ça ne mène nulle part! ». La judiciarisation des conflits, plus particulièrement, exige des militants qu'ils connaissent les procédures propres aux tribunaux, mais encore qu'ils se soumettent à un intense travail réflexif et tactique ayant pour préalable la qualification juridique des souffrances animales dénoncées. Autant dire que le recours aux tribunaux requiert une capacité peu commune à dépasser les réactions affectives les plus immédiates afin d'accéder à des moyens d'action apparaissant plus efficaces : Quand on fait un procès, [ remarque la présidente de la Société Nationale pour la Défense des Animaux] on sauve des animaux La plupart du temps, on a un récit à faire pleurer dans les chaumières Je n'ai rien contre, c'est vrai que c'est dramatique Mais si on veut faire avancer le schmilblick, il faut dire qui est-ce qui a dénoncé le truc Comment est-ce qu'on a eu l'information Comment a réagi la gendarmerie. Comment a réagi la police Vous voyez? Il faut décomposer tout le système. Parce qu'à ce moment-là, une fois qu'on en a une vingtaine de cas réunis, on est capable d'énoncer clairement là où le bât blesse23. Ce qui est affirmé ici c'est la supériorité de l'expertise juridique sur des dispositifs de sensibilisation pourtant bien plus aptes à mobiliser un large public de profanes. On comprend mieux alors que la faible ou forte valorisation du droit au sein des organisations de la protection animale puisse présider aux processus de sélection et de façonnement des militants ajustés au style émotionnel et modes d'action privilégiés par leurs leaders24. Là où le secours immédiat aux bêtes souffrantes prévaut, là où les registres émotionnels de l'attendrissement ou de dévoilement l'emportent, la technicité et le langage formel du juriste peut vite 23 Entretien n° 31, Femme, 69 ans, Société Nationale pour la Défense des Animaux, Paris, avril 2009. Sur le façonnage organisationnel du militantisme voir Frédéric SAWICKI, Johanna SIMEANT, « Décloisonner la sociologie de l'engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, vol 51/1, 2009, pp. 97-125. 24 14 apparaître inapproprié. Ainsi, au sein même des organisations qui - bien plus par pragmatisme que pour une haute estime prêtée au droit - font place aux juristes, des désajustements et désaccords peuvent aisément s'insinuer entre lesdits juristes, les responsables et/ou la base militante. À ce propos, les raisons qui incitèrent Julien Freund à quitter le tout premier poste qui lui avait permis de concilier, d'une part sa sympathie précoce pour les bêtes, d'autre part la vocation de juriste découverte à l'université, apparaissent des plus éloquentes : La Fondation Bardot, c'est très connoté "chien et chat", c'est très passionnel Il y a un moment où on en a marre Et franchement au moment du livre de Brigitte, je recevais en tant responsable juridique, plus d'un appel qui disait « Elle a raison Brigitte Il y a trop de pédés, il y a trop d'arabes en France! » Je considère que ce n'est pas le lieu Je disais aux gens « vous vous êtes trompés, on n'est pas l'annexe du Front National ». Tout aussi significative est la manière dont le professeur de médecine Jean-Claude Nouët - l'un des fondateurs de la ligue française des droits de l'animal (LFDA) - relate les efforts nécessaires à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'animal proclamée, en 1978, à la Maison de l'UNESCO à Paris25. Cohérence logique, rationalité froide, dénonciation de la focalisation excessive sur les chiens et chats qui résulterait d'affects insuffisamment contrôlés, constituent autant de leitmotivs valorisés depuis par les membres de cette organisation : On décide d'affiner les choses et de se diriger vraiment vers une déclaration universelle des droits de l'animal Celle de 1972 ne me plaisait pas On a eu des réunions, on a réécrit une autre déclaration. On décide d'adopter un texte en 1977. On se réunit alors à Londres Le rédacteur initial, me passe le texte Je le redécoupe complètement parce que ça ne me plaisait pas du tout, il était surtout : « on doit aimer les animaux » Je m'en fiche qu'on les aime, ce n'est pas ça le problème! C'était surtout « chien, chat »! Et dans la nuit qui a précédé la réunion, dans notre chambre d'hôtel à Londres, je l'ai complètement redécoupé, simplement avec une paire de ciseaux, simplement pour réécrire les articles, pour replacer ça un peu dans un ordre naturaliste26. Ainsi, le recours aux formulations discursives reconnues du droit équivaut souvent à conjurer « l'excès de sensiblerie ». Certes, on l'a vu, l'engagement des juristes de la protection animale doit également beaucoup aux sensibilités primordiales acquises au cours de leur histoire sociale. Cependant, à la différence de bien d'autres militant(e)s de base, leur 25 Créée en 1977, déclarée d'utilité publique en 1985, la LFDA devient, en 1999, une fondation « Droit Animal, éthique et sciences ». 26 Entretien avec Jean-Claude Nouët, professeur, médecin biologiste, Paris, septembre 2008. A bien y regarder, la Déclaration Universelle des Droits de l'animal se présente comme un dispositif expert composite. Loin de se limiter à une reconduction du modèle de la proclamation solennelles des droits, ce texte est présenté comme dicté par une « base scientifique » mobilisant les connaissances d'un grand nombre de disciplines : « les concepts éthiques de la Déclaration Universelle des Droits de l'Animal s'appuient sur trois données essentielles fournies par les progrès les plus récents des sciences biologiques modernes : la génétique moléculaire, la génétique des populations, l'écologie, la neurophysiologie, et l'éthologie ». http://www.fondation-droitanimal.org/rubriques/connaitr_fond/connaitr_declar_univ_base.htm. Consulté le 20 mai 2012. 15 maîtrise des formulations juridiques leur a appris à circonscrire les indignations trop immédiates, voire à les retranscrire en requêtes argumentées, précises et circonstanciées au regard de ce corpus de textes auquel se référent les institutions légale-rationnelles. Les réactions mêlant des sentiments frustes et brusques, ambigües et embrouillés - s'agit-il effectivement de faire progresser la protection des animaux, ou d'aduler son chien d'appartement, voire d'haïr les « pédés et les arabes »? - s'effacent devant la nécessité de formuler des griefs dans les formes précises, explicites et légitimes, reconnues par le droit. Le savoir-faire juridique, loin d'exiger seulement ces compétences cognitives nécessaires à l'intertextualité et à la cohérence des plaidoyers, implique donc tout autant la modération et le contrôle de ces réactions affectives fondamentales sans lesquelles le désir de réclamer que Justice soit faite ne pourrait simplement être ébauché. La juridicisation des griefs apparaît bien, en définitive, comme une manière d'exprimer des émotions selon des conventions qui assurent leur légitimité sociale et donc leur chance d'être prises en compte par les institutions judiciaires de l'État. Dans de telles conditions, on ne s'étonnera pas de constater que les organisations les plus enclines à la juridicisation de la cause animale soient également les plus proches des institutions judiciaires, administratives et politiques. « Le recours au droit est un mode d'accès privilégié à l'État principalement parce que le droit reste encore le langage dans lequel se dit et se pense l'État et ses agents (). Ainsi ce qui se joue dans le recours au droit est de pouvoir à la fois se ménager un accès aux autorités politiques et faire valoir une relation privilégi ée avec elles. Il s'agit par conséquent de se positionner comme un interlocuteur inévitable et valable auprès de l'État »27. Ainsi, alors que la LFDA est loin de pouvoir revendiquer un nombre de sympathisants supérieur à d'autres organisations dédiées à la cause, la technicité et l'honorabilité de son langage juridique lui ouvre un accès privilégié à plusieurs commissions ou comités consultatifs dont dépend l'évolution des politiques publiques relatives au traitement des animaux. La LFDA revendique ainsi « plusieurs avancées importantes sur les plans juridiques » telles la modification du code civil en vue de la distinction entre l'animal et la chose en 1999; ou bien encore du code pénal afin d'ajouter les sévices sexuels sur les animaux aux actes de cruauté en 200428. 16 Comité national de réflexion éthique sur l'expérimentation animale, la Plateforme nationale pour le développement de méthodes alternatives à l'expérimentation animale. Le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche a également consulté la LFDA au sein du Comité consultatif de la santé et de la protection animale ou de la commission nationale de suivi des Rencontres « Animal et société ». Le langage du droit semble ainsi fortement favoriser la possibilité d'être considéré, par le législateur et les administrations, comme un interlocuteur digne d'écoute. Ici, on notera d'ailleurs que si la LFDA se distingue par une juridicisation étayant son travail de lobbying auprès des autorités, elle est loin d'être parmi les organisations de protection animale les plus portées à la judiciarisation. Tandis qu'elle accorde une place de choix aux discours sur les droits, et alors même que son site web présente des pages « connaître les textes juridiques », ou bien encore « conseils juridiques », la LFDA recourt bien moins souvent à la saisine des tribunaux que les organisations manifestant ce rapport instrumental au droit que nous avons relevé plus haut. L'analyse de la diversité des rapports au droit qui caractérisent les protecteurs des animaux permet ainsi de mettre en exergue des processus dont on pourrait négliger l'importance. En tout premier lieu, elle confirme que l'engagement pour une cause doit être envisagé, non pas comme l'effet mécanique de variables sociologiques, mais comme un travail continu mis en oeuvre par les militants. Loin de se limiter à la mobilisation de ressources et à l'élaboration de tactiques visant à rallier le public et le pouvoir, ce travail militant implique avant tout un incessant travail sur soi. À travers les pratiques qu'ils dédient à la cause, les militants s'emploient à actualiser et amender certaines des dispositions qu'ils ont acquis au cours de leurs expériences sociales successives. Le point important ici est de souligner que ces dispositions peuvent tout aussi bien s'apparenter à des compétences - impliquant un important contrôle réflexif- que des appétences, des (dé)goûts, qui orientent ce que Norbert Elias appelait la quest for excitment29. Dans une telle perspective, le droit ne peut être systématiquement réduit au statut de simple expédient, de ressource neutre, de logique procédurale sans rapport avec les efforts que les militants déploient afin de trouver « le bonheur à "se réaliser" en agissant »30.
25,306
60/tel.archives-ouvertes.fr-tel-03269984-document.txt_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,901
15,778
288 Le Livre des rites (礼记) fait partie des ouvrages classiques confucéens. Compilé par Dai Sheng (戴圣), officier et savant de la dynastie Han Occidentaux (202-8 avant J.-C.), il traite des rites avant la dynastie Qin (221-207 avant J.-C.), en encadrant les pensées philosophiques, éducatives, politiques et esthétiques. 289 Le Livre des rite s, tradu it et annoté par Yang Tianyu, Shanghai, Éditions des Classiques de Shanghai , 2004 , p. 481 . 290 Cf. Gao Ming, Histoire du luth, Acte III, op.cit., p. 111-112. 291 Cf. Meng Chengshun, La Maîtresse et la Servante, Acte XX, op.cit., p. 399-400. Yan ZHANG 天 章 : " 莫 道 我 念 亡 女与她 灭 罪 消 愆, 也 只 可 怜 见 楚 州 jùndàhànsānnián xī yú gōngcéngbiǎobáidōnghǎixiào fù guǒránshìgǎnzhàodélíng yǔ 郡 大 旱 三 年 。 昔于 公 曾 表 白 东 海 孝 妇, 果 然 是 感 召 得 灵 雨 rú quán qǐ kě biàntuīwěidàotiānzāidàiyǒu jìngbùxiǎngrénzhī yì gǎnyìngtōngtiān jīn 如 泉 。岂可 便 推 诿 道 天 灾 代 有, 竟 不 想 人 之 意 感 应 通 天 。今 rì gèjiāngwénjuànchóngxīngǎizhèng fāngxiǎndewáng jiā fǎ bùshǐmínyuān 日个 将 文 卷 重 新 改 正, 方 显 得 王 家法不 使 民 冤 。"292 Dou Tianzhang : « Ne dites pas que je ne pense qu'à ma fille morte pour éliminer sa culpabilité et dissimuler sa faute, c'est aussi dommage de voir que le comté de Chuzhou a subi une grande sécheresse pendant trois ans. Autrefois, Yu Gong a justifié la femme pieuse de Donghai, le résultat est qu'il a ému le Ciel en inspirant une pluie comme l'eau de source. Comment pouvons-nous ainsi traiter témérairement cette sécheresse comme un désastre naturel normal? Jamais personne n'a cru que la volonté humaine avait fait répondre le Ciel. Aujourd'hui, je révise le procès et redresse le jugement, tout en témoignant que la loi impériale ne permet pas que la fausse accusation tombe sur la population innocente. » D'autres fois, la destinée est représentée par des dieux, comme à la fin du Palais de la longévité, où la déesse tisserande déclare le jugement de l'Empereur de Jade sur le sort des héros. Le destin ici s'associe au karma et à la volonté divine. 163 ainsi que sa concubine favorite Yang Yuhuan : vous deux, êtes d'origine l'homme vrai Kongsheng de l'Origine Première et l'immortelle de Penglai. À la suite d'une punition légère, vous avez été condamnés à descendre dans le monde temporairement. Maintenant, votre échéance de bannissement est arrivée. La sollicitation de la déesse tisserande approuvée, vu votre affection profonde, l'Empereur de Jade vous ordonne d'habiter au Palais de Trayastrimsha, et de rester époux éternels. Obéissez à l'édit à partir de maintenant. Comme l'ont montré les exemples ci-dessus, ce déterminisme puissant s'intègre d'une part à la justice divine en récompensant les bons et les méchants, d'autre part à la transmigration en reliant les expériences de la vie présente des héros à leurs actes dans une vie antérieure. Cette disposition peut susciter principalement la pitié et la colère des spectateurs, pour les divertir, les encourager et les éduquer à la fois, ce qui est conforme à la fonction sociale que le théâtre assume souvent, laquelle est dans une certaine mesure semblable à la fonction de la catharsis de la tragédie grecque.294 De plus, la dépendance du public à l'égard de la destinée révèle aussi l'optimisme national du peuple chinois. En d'autres termes, l'incorporation de la notion de destin souvent présentée à la fin de la tragédie peut servir mon seulement à exalter les bonnes qualités des personnages telles que la bonté, la droiture et la bravoure, mais également à montrer à des degrés différents leur esprit de résistance contre la méchanceté ou l'adversité, ainsi que la détermination et l'aspiration à une vie he La « grande réunion », soit la fin compensatrice, est surtout présente dans les tragédies qui sont spécialement destinées aux gouvernants ou qui servent les classes dirigeantes. Car en préconisant la loi céleste ou la justice divine souvent réalisée par des empereurs ou des officiers intègres, elle peut favoriser la consolidation de la stabilité sociale et du régime politique de la société féodale. L'Histoire du luth de Gao Ming et La Pagode du Pic du Tonnerre de Fang Chengpei en sont des exemples. Chapitre III. Le développement de la conception du destin dans des tragédies classiques et ses raisons 3.1. L'évolution de la conception du destin Dans L'Évolution du pathétique d'Eschyle à Euripide, Jacqueline de Romilly a indiqué l'affaiblissement évident de l'importance des dieux dans la tragédie euripidéenne, ce qu'elle a attribué en particulier à l'influence de la pensée des sophistes. Ce recul des dieux apparaît, avant tout, chez les sophistes, avec l'habitude de la discussion et du libre examen, ainsi que le goût de considérer l'homme luimême, fort de ses seules armes. Et assurément, Euripide est, à bien des égards, imprégné de ce tour d'esprit qui est le leur, et qui se définit comme un rationalisme.295 Effectivement, de même que la création des autres genres littéraires, celle de la tragédie peut rarement éviter les influences des facteurs externes. En raison des changements sociétaux et des différences des expériences personnelles, les pièces tragiques portent souvent l'empreinte de leurs temps et de leurs dramaturges, qui expriment des conceptions du destin différentes. Après avoir donné un aperçu des éléments qui sont liés à l'interprétation du dans les tragédies grecque et chinoise, nous pouvons remarquer d'une manière plus concrète les dissemblances de ces deux homologues dramatiques ainsi que de leurs expressions de la destinée. Ensuite, avec l'analyse détaillée de six pièces représentatives créées par des dramaturges issus des époques différentes, nous essayerons de découvrir comment la conception du destin a évolué dans des tragédies classiques grecques et chinoises. 3.1.1. L'évolution du destin dans la tragédie grecque Chacun des trois grands poètes, plus ou moins influencé par l'époque où il se 295 Jacqueline de Romilly, L'Évolution du pathétique d'Eschyle à Euripide, Paris, Les Belles Lettres, 1980, p. 136. Yan ZHANG | Thèse de doctorat | Université Limoges | 165 trouvait, a conçu ses propres idées sur le thème du destin. Mais par quel moyen précis les ont-ils exprimées dans leurs oeuvres? Est-ce qu'il y a un lien entre leurs pensées? Au fur et à mesure des recherches sur la tragédie grecque, il n'est pas étonnant d'y trouver une évolution de la conception du destin. Dans cette partie, nous choisirons trois pièces qui nous paraissent les plus représentatives à analyser sous cet angle, tout en essayant de découvrir le développement de ce point. 3.1.1.1. Prométhée enchaîné d'Eschyle La fatalité est une idée archaïque, liée à la religion primitive et dont la Grèce classique se libère peu à peu ; c'est aussi une idée qui joue un grand rôle dans la tragédie antique, car les Grecs, se refusant au « suspense » trop facile qui viendrait de l'ignorance des faits à venir, préfèrent, en reprenant des légendes connues de tous, représenter la lutte inégale entre l'homme et son destin.296 Dans son article intitulé « La fatalité dans le théâtre d'Eschyle », Edmond Lévy a utilisé le terme « fatalité » au lieu de « destin ». En effet, si le « destin » est « une puissance qui, selon certaines croyances, fixerait de façon irrévocable le cours des événements »297, la « fatalité » est plutôt « une force surnaturelle par laquelle tout ce qui arrive (surtout ce qui est désagréable) est déterminé d'avance d'une manière inévitable »298, et « une force aveugle qui s'impose aux dieux comme aux hommes »299 dans la Grèce antique. Dans une certaine optique, par rapport au « destin » qui représente une notion générale et neutre, la « fatalité » semble mettre plus d'accent sur la nécessité et l'effet ou le résultat négatifs de cette force occulte, correspondant bien aux idées d'Eschyle sur ce point. Laissons de côté la contestation de l'authenticité du Prométhée enchaîné d'Eschyle, qui, d'après certains commentateurs300, semble montrer une figure de Zeus 296 Edmond Lévy, « La fatalité dans le théâtre d' Eschyle », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, décembre 1969, no 28, p. 409. 297 Josette Rey - Debov e , Alain Rey, Le Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue , op.cit., p. 713. 298 Ibid., p. 1016. 299 Edmond Lévy, « La fatalité dans le théâtre d'Eschyle », op.cit., p. 409. 300 Certains critiques ont émis des doutes sur l'authenticité de cette tragédie en tant qu'oeuvre différente de celle qui apparaît dans Les Perses ou Les Suppliantes. Cette première pièce par laquelle s'ouvre la Prométhéide touche de façon évidente au sujet de la destinée ainsi qu'à sa relation avec les divinités et les êtres humains. 3.1.1.1.1. Zeus et Destin 3.1.1.1.1.1. La tyrannie de Zeus Avant de traiter de la représentation du destin, examinons d'abord la puissance de Zeus dans cette tragédie. Absent tout au long de la pièce, Zeus y occupe toutefois une place cruciale. C'est lui qui règne sur tous les dieux et accable Prométhée de ce supplice sur les monts du Caucase. Sa force se manifeste principalement par les personnages présents, à travers les paroles desquels nous pouvons construire la figure globale de ce rôle et, en conséquence, sentir sa puissance. Premièrement apparaissent les serviteurs aveugles et impudents de Zeus, à savoir Pouvoir, Force et Hermès. Au service du roi des dieux, ils exécutent les ordres de Zeus sans hésitation. Négligeant l'expérience amère de Prométhée, ils n'éprouvent aucune compassion pour le Titan. À leurs yeux, Prométhée est tout à fait coupable de son larcin. La situation malheureuse dans laquelle il est placé est bien ce qu'un désobéissant mérite, puisque la suprématie de Zeus est incontestable. Ils sont convaincus que cette pénalité féroce peut effrayer le Titan et dès lors le soumettre. ΚΡΑΤΟΣ : Ἥφαιστε, σοὶ δὲ χρὴ μέλειν ἐπιστολάς ἅς σοι πατὴρ ἐφεῖτο, τόνδε πρὸς πέτραις ὑψηλοκρήμνοις τὸν λεωργὸν ὀχμάσαι ἀδαμαντίνων δεσμῶν ἐν ἀρρήκτοις πέδαις. Τὸ σὸν γὰρ ἄνθος, παντέχνον πυρὸς σέλας, θνητοῖσι κλέψας ὤπασεν· τοιᾶσδέ τοι ἁμαρτίας σφὲ δεῖ θεοῖς δοῦναι δίκην, ὡς ἂν διδαχθῇ τὴν Διὸς τυραννίδα d'Eschyle par exemple, A. Gercke, W. Porzig et notamment W. Schmid. Ce dernier, dans son Untersuchungen zum Gefesselten Prometheus (Recherches sur Prométhée enchaîné), essaie de légitimer son point de vue. στέργειν, φιλανθρώπου δὲ παύεσθαι τρόπου : Héphaïstos, à toi de songer aux ordres que t'a dictés ton père, et, sur ces rochers aux cimes abruptes, d'enchaîner ce bandit dans l'infrangible entrave de liens de bon acier. Car de ton apanage, du feu brillant d'où naissent tous les arts, il a fait larcin pour l'offrir aux mortels. Pareille faute doit se payer aux dieux. Qu'il apprenne donc à se résigner au règne de Zeus et à cesser ce rôle de bienfaiteur des hommes. Le ton froid et la surveillance impitoyable de Pouvoir nous esquissent déjà le profil de Zeus : « que peut-on attendre d'un maître qui emploie des serviteurs comme Pouvoir et Force, sinon la démesure et la plus inflexible dureté? »302 La réponse peut facilement être trouvée dans le dialogue. Face à la sympathie d'Héphaïstos pour Prométhée, Pouvoir n'est point touché. Il ne change pas sa position, peu importe si c'est plutôt à cause du respect ou de l'effroi qu'il se résigne à Zeus ; selon lui, il est impossible d'enfreindre l'ordre paternel. La transgression du maître céleste est insensée et irraisonnable. Puisqu'à l'époque, les dieux s'étaient partagé le monde, chacun d'eux dispose du domaine qui lui a été attribué et ne peut en sortir, sauf Zeus dont le lot n'est pas défini ; ce dernier est par conséquent le seul à être libre ainsi que le plus puissant sur l'Olympe. Messager des dieux, Hermès se présente dans l'exodos de la pièce. Il critique le crime de Prométhée et lui enjoint de livrer le secret de Zeus, lequel pourrait priver ce dernier de son pouvoir. La présence d'Hermès dans la dernière scène accentue indirectement la présence de Zeus dans la tragédie. Malgré son absence physique, il est toujours là, surveillant tout ce qui est en train de se dérouler. L'interrogation d'Hermès prouve qu'il s'agit de vains efforts. Ni ses menaces ni ses conseils ne concourent à persuader le Titan opiniâtre. Finalement, il avertit Prométhée des lames de malheurs qui vont bientôt l'assaillir : son corps sera enfoui sous le roc fendu par le tonnerre et la flamme de Zeus, et l'aigle fauve taillera son foie sans relâche. Ce châtiment atroce réaffirme les caractéristiques despotiques du nouveau maître céleste. En plus des serviteurs fidèles de Zeus, la cour de celui-ci se compose aussi de 301 Eschyle, Prométhée enchaîné, v. 3-11, op.cit., p. 161. Raymond Trousson, Le Thème de Prométhée dans la littérature européenne, Genève, Librairie Droz S.A., 2001, p. 45. 302 168 ceux qui obéissent avec réticence, tel qu'Héphaïstos. Également dans la première scène, surveillé par Pouvoir, le dieu forgeron accomplit sa tâche en attachant Prométhée au rocher du Caucase dans des noeuds inextricables d'acier, mais à contrecoeur. Il n'a pourtant pas du tout le courage de désobéir au commandement de Zeus, car négliger l'ordre de son père exigerait de payer un prix très lourd. Le choeur : (Zeus) Lui, dans son courroux, s'étant fait une âme inflexible, entend dompter la race d'Ouranos et ne s'arrêtera qu'il n'ait assouvi son coeur ou que, d'un coup heureux, quelque autre n'ait conquis ce trône ardu à conquérir. Plus tard, quand elles admirent la hardiesse du Titan de ne pas céder à l'arbitraire et en même temps s'inquiètent de son expression trop libre, les Océanides évoquent de nouveau la férocité de Zeus, dont le coeur est inaccessible et l'âme inflexible. Et en parlant de la durée de ces peines humiliantes, la réponse de Prométhée exprime encore la force puissante et capricieuse du tyran. ΧΟΡΟΣ : Οὐδ ̓ ἔστιν ἄθλου τέρμα σοι προκείμενον ; ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Οὐκ ἄλλο γ ̓ οὐδέν, πλὴν ὅταν κείνῳ δοκῇ.305 Le coryphée : Et nul terme n'est proposé à ton épreuve? Prométhée : Nul autre que son bon plaisir. L'entrée en scène d'Océan n'adoucit pas vraiment l'ambiance accablante. En apparence, ce vieux dieu marin accourt aider son neveu Prométhée ; en réalité, il ne vient que pour feindre la bonté, puisqu'« il sait d'avance que le Titan refusera son secours, mais il veut faire figure d'homme de bien »306. Ayant probablement participé aux entreprises de Prométhée, ce vieillard cauteleux fait semblant de lui donner des conseils pertinents. Il lui rappelle la situation actuelle et lui propose de s'adapter aux faits, c'est-à-dire de ne pas s'opposer à ce nouveau commandant des dieux. Sinon, le résultat de son irritation serait bien pire que maintenant : ΩΚΕΑΝΟΣ : εἰ δ ̓ ὧδε τραχεῖς καὶ τεθηγμένους λόγους ῥίψεις, τάχ ̓ ἄν σου καὶ μακρὰν ἀνωτέρω θακῶν κλύοι Ζεύς, ὥστε σοι τὸν νῦν χόλον παρόντα μόχθων παιδιὰν εἶναι δοκεῖν·307 Océan : Si tu te mets à lancer de la sorte des mots rudes et acérés, Zeus pourrait bien t'entendre, si loin et si haut qu'il trône, et le courroux dont tu souffres à cette heure ne plus te paraître un jour qu'un simple jeu d'enfant. Si Prométhée est puni pour avoir contrevenu aux ordres de Zeus, Io ne 305 Ibid., v. 257-258, p. 170. Raymond Trousson, Le Thème de Prométhée dans la littérature européenne, op.cit., p. 49. 307 Eschyle, Prométhée enchaîné, v. 311-314, op.cit., p. 170. 306 170 représente qu'une pure victime de ce dernier. La seule erreur qu'elle a commise est d'avoir provoqué la passion au fond du coeur de Zeus. 3.1.1.1.1.2. L'affrontement entre Zeus et le destin Des serviteurs fidèles à des victimes innocentes en passant par des personnages obéissant avec réticence, tous dans la pièce contribuent à éclairer l'image de Zeus – c'est un jeune roi qui vient d'accéder au trône. Tyrannique et brutal, il est doté d'une « âme inflexible ». Il paraît qu'il ne s'habitue pas encore à se modérer, sa violence et sa dureté sont continuellement dénoncées par ses « sujets ». Ces derniers mettent en question la tyrannie de leur nouveau maître, cependant, personne n'a ni la volonté ni le courage de contester son autorité, surtout face à face, sauf Prométhée, le seul qui a l'audace de s'y opposer. Prométhée n'est pas une personne imprudente, il a un atout dans ses mains, lequel suffit à menacer la souveraineté de Zeus. Autrement dit, en dépit de son pouvoir exceptionnel, Zeus n'est pas le tout-puissant dans le cosmos. Comme les autres créatures divines sur l'Olympe, lui-même est également soumis à la destinée. Sa puissance incomparable et son exigence d'obéissance mettent d'autant plus en relief sa faiblesse devant le destin. Chez Eschyle, le poète perpétue la conception archaïque, en personnifiant cette force extraordinaire par les Moires et les Érinyes. Ces dernières sous son calame sont toutes filles de Nyx, déesse primordiale de la Nuit. Elles contrôlent ensemble la destinée de tous les êtres, à laquelle aucun ne peut échapper, y compris Zeus. ΧΟΡΟΣ : Τίς οὖν ἀνάγκης ἐστὶν οἰακοστρόφος ; Yan ZHANG ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Μοῖραι τρίμορφοι μνήμονές τ ̓ Ἐρινύες. ΧΟΡΟΣ : Τούτων ἄρα Ζεύς ἐστιν ἀσθενέστερος ; ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Οὔκουν ἂν ἐκφύγοι γε τὴν πεπρωμένην.308 Le coryphée : Et qui donc gouverne la Nécessité? Prométhée : Les trois [Moires] et les Érinyes à l'implacable mémoire. Le coryphée : Leur pouvoir dépasse donc celui de Zeus? Prométhée : Il ne saurait échapper à son destin. Auparavant, avec l'aide de Prométhée, Zeus a réussi à triompher de son père et à monter sur le trône de l'Olympe. Mais en exécutant la punition des Titans, il s'est souillé aussi de ce crime héréditaire. Quand il ne se tient pas aux bornes de son pouvoir, et ne s'empêche pas d'étaler sa nouvelle force, son hybris fait de lui un tyran : il opprime ses « sujets » et torture ceux qui lui désobéissent. Et « après avoir été l'instrument des Moires pour châtier Cronos et établir l'ordre du monde, il menace maintenant cet ordre lui-même »309. La contrainte du destin à l'égard de Zeus est soulignée par Prométhée à plusieurs reprises. Avant de confier le grief pour lequel Zeus lui impose cet outrage, Prométhée sous-entend pour la première fois le sort du roi des dieux : ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : ἔτ ̓ ἐμοῦ καίπερ κρατεραῖς ἐν γυιοπέδαις αἰκιζομένου χρείαν ἕξει μακάρων πρύτανις δεῖξαι τὸ νέον βούλευμ ̓ ὑφ ̓ ὅτου σκῆπτρον τιμάς τ ̓ ἀποσυλᾶται·310 Prométhée : Un jour viendra où de moi, pour outragé que je sois dans ces brutales entraves, de moi il aura besoin, le monarque des Bienheureux, s'il veut apprendre quel dessein hasardeux doit le dépouiller de son sceptre et de ses honneurs. La malédiction de Cronos ne perd toujours pas ses effets. En d'autres termes, comme son père, Zeus serait également détrôné par un de ses descendants, ce qui est anticipé dans sa destinée. À la fin de la parodos, le Titan évoque de nouveau cette 308 Eschyle, Prométhée enchaîné, v. 515-518, op.cit., p. 179. Francis Vian, « Le conflit entre Zeus et la destinée dans Eschyle », op.cit., p. 199-200. 310 Eschyle, Prométhée enchaîné, v. 167-171, op.cit., p. 167. 309 172 pro tie et songe que le coeur de Zeus serait fléchi à l'arrivée de son jour fatal. Plus loin, lors de l'explication du sort d'Io, Prométhée non seulement dénonce son traitement injuste infligé par Zeus, mais aussi signale plus en détail le secret de celui-ci. Il indique directement qu'à la suite d'un mariage, le tyran serait chassé de son trône par un de ses fils plus fort que lui. Et au début de l'exodos, le Titan réitère le présage contenu dans la malédiction de Cronos, laquelle s'accomplirait tôt ou tard et forcerait Zeus à tomber de son trône antique. Ces indications du prophète Prométhée confirment la puissance du destin, hors de la portée de ce nouveau despote. Et en tant qu'organisatrice suprême de l'ordre de l'univers, cette force, largement supérieure à celle de Zeus, menace sans aucun doute le statut et l'autorité de ce dernier. 173 manière évidente la situation défavorable où se trouve Zeus devant cet unique adversaire dans le cosmos, toutes les descriptions de la soumission des personnages à Zeus mentionnées plus haut contribueront à former un contraste encore plus remarquable avec les contraintes incontestables qu'il est obligé de connaître. Plus cruel et plus tyrannique s'avère le gouvernant des dieux à l'égard de ses inférieurs, plus faible et plus paniqué se montre-il envers la destinée indépendante de sa volonté, ce qui confirme davantage la position suprême de cette force universelle et mystique. 3.1.1.1.2. Prométhée et Destin 3.1.1.1.2.1. Le conflit entre Prométhée et Zeus Tout au long de la tragédie, le personnage de Prométhée se trouve dans une place à l'antipode de celle de Zeus. L'histoire dérive du célèbre vol du feu. Dans son monologue du prologue, Prométhée se lamente sur la situation misérable où il se situe. Son don du feu céleste offert aux êtres humains leur permet de sortir d'un état de vie sauvage et d'améliorer totalement leur manière de vivre. Mais cet acte irrite Zeus qui avait l'intention de détruire l'homme et d'inventer une nouvelle créature. La punition arrive immédiatement. Sur l'ordre du roi des dieux, Pouvoir surveille Héphaïstos chargé de clouer Prométhée sur l'âpre roc du désert Caucase. Du point de vue des autres dieux, Prométhée est coupable. Sa faute réside tout d'abord dans son acte de vol. Pouvoir, serviteur de Zeus, ne doute certainement pas de la culpabilité du Titan en tant que voleur du feu, et du bien-fondé de la condamnation qui lui a été imposée : les façons de Prométhée méritent ainsi ce châtiment. Le dieu forgeron éprouve de la pitié pour Prométhée, mais il ne conteste pas non plus son crime de vol qui a « en livrant leurs honneurs aux hommes, transgressé le droit » (βροτοῖσι τιμᾶς ὤπασας πέρα δίκης)313, et pense que ce bienfait n'est pas digne d'un tel sacrifice. Même le choeur des Océanides, filles compatissantes et consolantes, quand elles sont informées de la cause de la pénalisation de Prométhée, ont tendance à le juger coupable : « Ne vois-tu pas que tu as fait erreur? » (οὐχ ὁ ρᾷς ὅτι ἥμαρτες)314. 313 314 Ibid., v. 30, p. 162. Ibid., v. 259-260, p. 170. Le vol du feu est un crime, mais ce n'est pas le crime proprement dit qui compte le plus pour prendre des sanctions contre Prométhée, puisqu'Héphaïstos n'éprouve pour le Titan aucun sentiment d'indignation ni de haine, mais bien au contraire, de compassion. Si la rapine de Prométhée porte atteinte non seulement à l'intérêt du dieu forgeron, mais également à celui des autres divinités, c'est qu'« il remet en cause l'équilibre qui existait entre les hommes et les dieux et le partage dont Zeus lui-même était l'auteur. »315 Par son vol, Prométhée brise ce prétendu équilibre. Il fournit aux êtres humains le feu privilégié des dieux, tout en outrepassant son pouvoir, ce qui prend d'une certaine manière une dimension politique. La faute de Prométhée ne consiste certainement pas qu'en son acte de vol ; l'autre facteur qui marque davantage la culpabilité du héros est sa démesure, son hybris. Après être condamné à une punition sévère, Prométhée n'exprime point la volonté de se soumettre au roi de l'Olympe. Au contraire, il s'obstine dans sa dignité et prononce même des discours acérés et excessifs d'un air insolent. Ainsi, « la faute du héros se confond aussi avec son 'obstination' orgueilleuse dans la révolte, comme le souligne fortement Hermès dans la scène finale »316. Hermès, en plus de son vol, juge le héros trop hargneux. Le dieu messager critique son opiniâtreté et sa démesure, lesquelles l'ont conduit à ce paroxysme de douleur. Océan met aussi l'accent sur l'attitude du Titan, dont l'orgueil et le mépris langagiers constituent une grave faute. Dès que proposition cauteleuse est repoussée par Prométhée, ce vil courtisan de Zeus dévoile son vrai visage hypocrite et dit que le malheur de celui-là est pour lui un enseignement. Également, le choeur des Océanides, avant de prendre connaissance de la cause de la punition de Prométhée, taxe le Titan de parler trop librement, d'une langue trop indomptable. Les réactions de tous ces personnages envers le « crime » de Prométhée et la situation où il est pris se forment en un miroir, à travers lequel nous sommes en mesure de regarder le monde sous le règne de Zeus : un espace étouffant dominé par la violence et la cruauté, où l'insoumission et la démesure ne sont pas tolérées. « C'est dire que le monde ancien, tel qu'il apparaît encore chez Eschyle, est un monde sombre, sans espoir »317. Se trouvant dans une telle situation, Prométhée est sans aucun doute un 315 Suzanne Saïd, La faute tragique, Paris, Librairie François Maspero, 1978, p. 320. Ibid., p. 321. 317 Edmond Lévy, « La fatalité dans le théâtre d'Eschyle », op.cit., p. 410. 316 175 étranger. Il brise ce silence et lance le défi au dominateur, sans tenir compte des conséquences éventuelles à l'avance. Bien que Prométhée lui-même, en se lamentant sur son adversité à la fin du prologue, se rende également compte de sa démesure et de son audace pour avoir trop aimé les hommes, les conseils ou les avertissements des autres n'exercent aucune influence sur lui, qui ne doute jamais de la légitimité de ses actions. Le héros est bien conscient qu'il a enfreint la volonté de Zeus, il ne conteste pas son erreur, mais il ne se croit pas coupable au niveau de la morale ou de l'impiété. De son plein gré, il fournit aux hommes le feu brillant d'où naissent tous les arts, et leur apprend des techniques dans divers domaines tels que l'architecture, l'astrologie, la science, les mathématiques, l'art, l'agriculture, l'herboristerie et la divination. Il les aide à former leur propre civilisation, leur permettant ainsi d'échapper à la destruction de Zeus, puisqu'à ses yeux, la condamnation à mort formulée par le fils de Cronos est injuste envers ces mortels malheureux, et ce n'est que par pur caprice qu'il prend cette décision. C'est ainsi que, sous le règne de Zeus qui ne représente pas la justice, le vol du Titan est marqué d'ambiguïté, parce qu'il est un don pour l'homme. L'injustice ne s'exprim pas que par le dessein capricieux de Zeus de détruire les êtres humains. En outre, vu sa contribution décisive à l'égard de l'avènement de ce nouveau roi des dieux, il est encore plus injuste que Zeus inflige au Titan cette peine misérable : les bons services qu'il lui a rendus ne doivent pas être rétribués par une récompense tellement cruelle. D'ailleurs, ce n'est pas seulement un châtiment atroce, c'est aussi une humiliation : avec des chaînes d'acier infrangibles, Prométhée est cloué sur le précipice rocheux du Caucase isolé. Son corps et sa douleur sont exposés entre le ciel et la terre, devant tout le monde, sans aucune dignité. Loin d'être une simple pénalité, c'est une punition à titre d'exemple, qui peut servir à la fois à montrer la souveraineté de Zeus et à avertir les autres des conséquences effrayantes de la désobéissance. Prométhée souffre de ce traitement injuste. Au lieu d'être outragé en plein air, sous les yeux de ses ennemis, il préfère se voir entravé dans le domaine d'Hadès sous la terre. Mais le Titan n'est point un pleutre. Il se montre furieux et orgueilleux envers les sujets obéissants et effrontés de Zeus, qui sont ses obligés mais le récompensent d'un traitement inique. Quand il s'aperçoit de l'hypocrisie d'Océan qui prétend vouloir l'aider, il lui répond avec une ironie cinglante : ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : μάτην γὰρ οὐδὲν ὠφελῶν ἐμοὶ πονήσεις, εἴ τι καὶ πονεῖν θέλοις·318 Prométhée : Ta peine serait vaine à vouloir me servir – si vraiment cette peine était dans tes projets. En refusant de livrer le secret de Zeus, il dédaigne l'assujettissement d'Hermès : ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Τῆς σῆς λατρείας τὴν ἐμὴν δυσπραξίαν, σαφῶς ἐπίστασ ̓, οὐκ ἂν ἀλλάξαιμ ̓ ἐγώ·319 Prométhée : Contre une servitude pareille à la tienne, sache-le nettement, je n'échangerais pas mon malheur. Pourtant, il est charitable envers l'autre victime du tyran, laquelle est plus innocente et plus attendrissante que lui. À la prière d'Io af ée par le taon, Prométhée lui indique son futur chemin à suivre pour se dégager de la torture actuelle, et lui révèle sa propre délivrance par un de ses descendants. « Il fallait que cette prédiction fût faite à Io, car c'est par un caprice semblable à celui qui le poussa vers la fille d'Inachos que Zeus ruinera sa puissance »320. Néanmoins, l'importance de la scène d'Io ne réside pas seulement dans la révélation de la cruauté et des caprices de Zeus ; le secret de la libération de Prométhée signifie la possibilité d'un conflit à force égale entre le Titan et le tyran, il « ouvrira la voie à l'accord final entre les deux antagonistes, en sorte que le secret de Thémis est le ressort capital, non seulement du Prométhée enchaîné, mais de toute la trilogie eschyléenne »321. Au cours de ce conflit avec Zeus, la connaissance du destin devient ainsi un atout de Prométhée pour traiter d'égal à égal avec le tyran, une arme qui pourrait lui permettre de s'affranchir. ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Ἄλλου λόγου μέμνησθε, τόνδε δ ̓ οὐδαμῶς καιρὸς γεγωνεῖν, ἀ λλὰ συγκαλυπτέος ὅσον μάλιστα· τόνδε γὰρ σῴζων ἐγώ 318 Esch yle , Prom é thée en cha îné, v. 342-343, op.cit ., p. 173. Ibid., v. 966-967, p. 195. 320 Raymond Trousson, Le Thème de Prométhée dans la littérature européenne, op.cit., p. 52. 321 Louis Séchan, Le mythe de Prométhée, Paris, Presses Universitaires de France, p. 24. 319 177 δεσμοὺς ἀεικεῖς καὶ δύας ἐκφυγγάνω.322 Prométhée : Parlez d'autre chose : ce secret, il n'est pas temps de le proclamer ; il faut le cacher dans l'ombre la plus épaisse : c'est en le conservant que j'échapperai un jour à ces liens et à ces tourments infâmes. Vexé par le nouveau roi qui l'afflige, Prométhée, comme son adversaire, reste inflexible. Bien qu'il souffre beaucoup, il n'appréhende pas ces afflictions et ne cède jamais. Car il sait bien ce dont Zeus se soucie, et est assez convaincu que celui-ci viendra tôt ou tard négocier avec lui, tant qu'il veut maintenir et consolider son pouvoir. Et à l'aide de cette prédiction, il demande à Zeus de le libérer, et en même temps de lui rendre justice. ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Και μ ̓ οὔτε μελιγλώσσοις πειθοῦς ἐπαοιδαῖσιν θέλξει, σ άς τ ̓ οὔποτ ̓ ἀπειλὰς πτήξας τόδ ̓ ἐγὼ καταμηνύσω, πρὶν ἂν ἐξ ἀγρίων δεσμῶν χαλάσῃ ποινάς τε τίνειν τῆσδ ̓ αἰκίας ἐθελήσῃ.323 Prométhée : Alors, je le jure, ni les sortilèges d'une éloquence aux mots de miel n'auront pouvoir de me charmer, ni l'effroi des plus dures menaces ne me fera révéler ce secret, à moins qu'il n'ait d'abord desserré ces liens farouches et consenti à payer le prix dû à pareil outrage. Du début à la fin de la pièce, la tension entre Prométhée et Zeus ne se relâche jamais, mais tend à s'intensifier. Nul parti ne veut faire de concessions. 178 les deux antagonistes est précisément le destin. De l'avènement passé jusqu'au futur règne de Zeus, celui-ci a toujours besoin de la divination de Prométhée afin de l'aider à consolider son pouvoir, ce qui justifie la demande d'égalité et la détermination de la résistance du Titan au roi olympien. 3.1.1.1.2.2. La conviction de Prométhée sur le destin La croyance de Prométhée en le destin s'exprime déjà partiellement dans l'analyse sur la contrainte infligée à Zeus par la destinée que nous avons faite dans la partie précédente. Le Titan par le biais de ses paroles montre parfaitement son attitude incontestable envers cette force surnaturelle à plusieurs reprises. En ce qui concerne sa relation avec le destin, son identité en tant que dieu prophète lui confère tout d'abord le titre de porte-parole du destin. Mais bien qu'il possède la capacité de prédire l'avenir, Prométhée n'est pas omniscient, il existe sans doute des domaines qu'il ignore ou sont hors de la portée des dispositions des Moires. Par exemple, il ne présage pas ce qu'il lui advient. Est-ce que le châtiment pénible ordonné par Zeus fait partie du sort de Prométhée? Il n'y a aucun détail qui peut nous donner la réponse à cette question. Mais après la condamnation, comme nous l'avons démontré à l'égard du conflit entre le héros et le maître des dieux, malgré l'accusation furieuse de Prométhée portée contre la tyrannie et l'injustice de Zeus, celui-là ne se défie toujours pas du destin. En d'autres termes, cette adversité n'influe pas du tout sur sa conviction, et c'est bien le destin, non pas la dictature de Zeus, que Prométhée subit avec résignation. ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : τὴν πεπρωμένην δὲ χρή αἶσαν φέρειν ὡς ῥᾷστα, γιγνώσκονθ ̓ ὅτι τὸ τῆς ἀνάγκης ἔστ ̓ ἀδήριτον σθένος.324 Prométhée : Il faut porter d'un coeur léger le sort qui vous est fait et comprendre qu'on ne lutte pas contre la force du Destin. Il est vain de contester la suprématie de cet arrangement, la meilleure façon est de l'accepter et de le tolérer avec patience. Cette phrase montre clairement l'attitude du protagoniste envers la destinée, et implique en même temps le caractère irrésistible de 324 Ibid., v. 103-105, p. 164. cette puissance occulte. Est-ce que le vol du feu appartient également aux événements qui lui étaient prédestinés? Nous n'en savons rien. De toute manière, le Titan ne regrette pas son larcin, en plus il est au courant que sa punition ne sera pas éternelle. Orgueilleux devant la menace de Zeus qui semble l'affaiblir, Prométhée compte sur la disposition du destin en faisant allusion à sa délivrance dans le futur. ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : Οὐ ταῦτα ταύτῃ Μοῖρά πω τελεσφόρος κρᾶναι πέπρωται, μυρίαις δὲ πημοναῖς δύαις τε καμφθείς, ὧδε δεσμὰ φυγγάνω· τέχνη δ ̓ ἀνάγκης ἀσθενεστέρα μακρῷ.325 Prométhée : Pour cela, l'heure fixée par la Moire qui tout achève n'est pas encore arrivée : ce n'est qu'après avoir ployé sous mille douleurs, sous mille calamités, que je m'évaderai de mes liens. L'adresse est de beaucoup la plus faible en face de la Nécessité. Cette déclaration manifeste de nouveau l'identité du dieu prophète. Prométhée est capable de prévoir son futur délivreur. Il aspire à s'affranchir de l'oppression de Zeus, mais il ne lance aucune tentative ni éprouve aucune volonté de résister à la destinée. Il est peut-être déjà au courant que tout cela est destiné depuis le début, et qu'il est impossible de faire des changements, il ne peut qu'attendre sa libération par un des descendants d'Io, planifiée dans son sort. En attendant, Prométhée n'a pas d'appréhension envers Zeus, et insiste sur la justice, tout en y résistant avec obstination et orgueil. À part sa puissance irrésistible, les expressions du héros décèlent une autre caractéristique de la destinée dans le Prométhée enchaîné. ΠΡΟΜΗΘΕΥΣ : πατρὸς δ ̓ ἀρά Κρόνου τότ ̓ ἤδη παντελῶς κρανθήσεται, ἣν ἐκπίτνων ἠρᾶτο δηναιῶν θρόνων. Τοιῶνδε μόχθων ἐκτροπὴν οὐδεὶς θεῶν δύναιτ ̓ ἂν αὐτῷ πλὴν ἐμοῦ δεῖξαι σαφῶς· 325 Ibid., v. 511-514, p. 179. ἐγὼ οἶδα τρόπῳ.326 Prométhée : Elle sera dès lors de tout point accomplie, la malédiction dont l'a maudit Cronos, son père, le jour où il tomba de son trône antique. Et le moyen d'éloigner tel revers, nul dieu, si ce n'est moi, ne le lui saurait révéler clairement. Seul, je sais l'avenir et comment il se peut conjurer. En plus de la prophétie de la réalisation de l'imprécation paternelle de Zeus, Prométhée indique également la façon unique pour le tyran d'empêcher l'arrivée de ce jour fatal. Autrement dit, il n'est pas impossible de changer son destin, si nous connaissons comment recourir au moyen correct. C'est-à-dire que « la culpabilité implique la liberté de ne pas commettre la faute »327. Et la destinée, associant ainsi la nécessité au hasard, est hypothétique dans ce sens. Ce point de vue semble s'opposer à la suprématie du destin, qui est considéré depuis l'époque archaïque comme une convention irréversible et inchangeable. En revanche, au lieu de renverser les caractéristiques fondamentales du destin, cette « contradiction » permet d'approfondir son mystère et son caractère incontrôlable. Effectivement, dans le monde tragique d'Eschyle, nous ne sommes pas tout le temps en mesure de distinguer la frontière du destin, et il n'est pas facile de discerner l'arrangement prédestiné dans la réalité. La prétendue possibilité de faire des modifications serait au contraire une disposition du sort. À l'exemple de l'avènement de Zeus, lequel a réussi à s'emparer du pouvoir de son père avec l'aide de Prométhée. Il paraît à première vue que cette usurpation enfreint le déroulement du cosmos, puisque c'est grâce au présage du fils de Thémis que Zeus a gagné le combat contre les Titans. En réalité, la victoire du nouveau roi olympien n'est pas un événement occasionnel, mais inexorable, parce que par rapport à la ruse représentée par Zeus, la violence incarnée par les Titans disparaîtrait sûrement de la scène historique, constituant une tendance universelle. Le recours apparemment imprévisible de Prométhée n'est donc qu'une action favorisant la réalisation de cet arrangement prévisible. Quant à l'oracle de Thémis, il paraissait laisser l'avenir indéterminé, puisqu'il ne précisait pas qui, de Zeus et des Titans, l'emporterait. Mais était-il possible aux Titans de préférer la ruse à la pure violence? Les vains efforts de 326 327 Ibid., v. 910-915, p. 193. Edmond Lévy, « La fatalité dans le théâtre d'Eschyle », op.cit., p. 412. 181 Prométhée montrent bien que non : prisonniers de leur nature, les Titans devaient être vaincus.328 En résumé, dans le Prométhée enchaîné, le destin est doté d'une existence manifeste, il est pris en compte par Prométhée depuis le début jusqu'à la fin de la pièce. D'une part, héritée des caractéristiques de la pensée archaïque, la destinée se révèle puissante et inéluctable autant que l'unique organisatrice de l'ordre de l'univers. Sa force est supérieure à celle de Zeus, le nouveau roi et le seul dieu censé libre du monde divin. L'intervention de l'affaire de Prométhée met au jour la concurrence entre Zeus et le destin, dont le résultat est pourtant certain. Par rapport aux autres oeuvres d'Eschyle où Zeus joue le rôle d'un tyran juste et intériorise la justice, le dieu suprême d'ici dépend tout de même du destin. D'autre part, la conception de la destinée montre une certaine liberté, c'est-à-dire, la possibilité de se modifier. Cette prétendue éventualité demeure exactement en Prométhée, grâce auquel Zeus pourrait éviter la voie fatale. Il semble que la clé du sort du tyran est ainsi placée dans la main du Titan. En fait, personne n'a la capacité de disposer du destin, pas même le dieu prophète. Aucun d'entre les deux adversaires ne peut maîtriser sa propre vie. Quant au conflit entre ces derniers, il résulte de la contradiction entre l'exigence d'obéissance et la demande de justice, lesquelles sont toutes étroitement associées à la destinée. En tout cas, tant Prométhée que Zeus se trouvent dans une situation assez passive devant le destin, bien qu'ils essaient de lutter contre le sort de leur propre manière. 3.1.1.2. OEdipe roi de Sophocle Tout comme son prédécesseur dans le genre tragique, Eschyle, Sophocle a montré un grand intérêt pour le sujet du destin, mais il n'a pas partagé la même opinion que celui-là. Par rapport à la tragédie d'Eschyle, aucune oeuvre de Sophocle n'a opposé les dieux et le destin, lequel jouait un rôle essentiel chez lui. Comme Pindare, Sophocle n'a jamais cru à une rivalité entre Zeus et les Moires. Sans doute le Destin est-il l'acteur principal de ses drames, mais il apparaît 328 Ibid., p. 413. 182 toujours comme l'émanation de la volonté divine, sans laquelle il ne pourrait être ni conçu ni achevé.329 En effet, sous le calame de Sophocle, aucune autre pièce n'est meilleure que l'OEdipe roi sur le plan de l'interprétation de la relation entre l'homme et sa destinée. Il est connu que, dans son célèbre traité sur la poésie, Aristote a tenu en grande estime OEdipe roi de Sophocle. Il a considéré la pièce comme l'un des modèles tragiques, à partir desquels il a extrait certaines de ses règles dramatiques. Aristote a fait notamment l'apologie de la structure d'OEdipe roi, il a jugé que l'intrigue de la reconnaissance dans cette pièce était la plus belle, puisqu'elle était accompagnée d'une péripétie impressionnante330. Cette intrigue appréciée par Aristote est adaptée parfaitement à la démonstration du destin. En d'autres termes, non seulement ce chef-d'oeuvre de Sophocle est reconnu pour son intrigue subtile, mais cette pièce est également un classique au sujet du destin dans la tragédie grecque et une oeuvre représentative nous permettant de connaître la conception de la destinée phocléenne. Et le bel agencement de l'intrigue apporte de fait une bonne contribution pour mieux exprimer l'idée du dramaturge sur ce thème archaïque. 3.1.1.2.1. La prédestination ancestrale Le destin tragique peut se manifester sous diverses formes. Dans la tragédie grecque, le mauvais sort du protagoniste découle souvent d'une imprécation, qui entraîne l'obligation de la vengeance ou de l'expiation d'un acte répréhensible. L'imprécation dérive normalement d'une faute criminelle, d'une hamartia. En Grèce antique, l'hamartia est considérée comme un égarement mental, un acte par lequel l'agent perd le sens ou est la proie d'un délire. Cette folie de la faute, attribuée en général aux dieux ou aux châtiments vengeurs, est en mesure d'exercer de mauvaises conséquences tant pour le criminel que pour son entourage, sa famille, sa lignée et 329 Francis Vian, « Le conflit entre Zeus et la destinée dans Eschyle », op.cit., p. 208-209. En arrivant pour annoncer la véritable identité d'OEdipe, le messager pense pouvoir délivrer le roi de ses craintes et inquiétudes, et produit en revanche des effets contraires. 330 183 même son pays, tout comme Jean-Pierre Vernant le décrit dans l'« Ébauche de la volonté dans la tragédie grecque » : Une même puissance de malheur incarne, dans le criminel et hors de lui, le crime, ses principes les plus lointains, ses conséquences dernières, son châtiment qui rebondit tout au long des générations successives.331 L'histoire d'OEdipe roi de Sophocle appartient bel et bien à ce cas. Le noeud du malheur réside en Laïos, fils de Labdacos et père d'OEdipe. Sophocle est discret en la matière. Mais ses spectateurs savaient sans doute que Laïos avait perdu son père à l'âge de deux ans, que la régence de Thèbes était donc confiée à son grand-oncle Lycos. Cependant, il devient adulte, Lycos refuse de lui céder le trône et le chasse de son pays. Laïos trouve alors refuge auprès de Pélops, roi de Mycènes. Ce dernier lui demande d'enseigner à son fils Chrysippe l'art de conduire le char. Mais épris du fils de son hôte, Laïos enlève Chrysippe pendant une course de chars à Némée. Par l'intermédiaire d'une guerre, Pélops reprend son fils. Mais Chrysippe finit sa vie malheureusement. Il existe plusieurs versions à propos de son décès : soit qu'il se pend de honte, soit qu'il est tué sur l'ordre de sa mère Hippodamie par ses demi-frères Atrée et Thyeste, soit qu'il est directement assassiné par Hippodamie. En tout cas, la violation du devoir d'hospitalité de Laïos exaspère Pélops, qui accable ainsi celui-là de la malédiction d'Apollon. Et à cause de Laïos, la race des Labdacides est dès lors maudite, des meurtres se succèdent génération après génération. L'anathème a rapidement ses conséquences. Après son avènement sur le trône de Thèbes et son mariage avec Jocaste, Laïos est prévenu de la fatalité par l'oracle de Delphes qui l'informe qu'il sera tué par son fils. Dans le deuxième épisode de la pièce, Jocaste mentionne cette prophétie dans le but de consoler OEdipe, accusé du meurtre de l'ancien roi thébain par le présage du devin Tirésias. ΙΟΚΑΣΤΗ : Φανῶ δέ σοι σημεῖα τῶνδε σύντομα* χρησμὸς γαρ ἦλθε Λαΐῳ ποτ ̓ , οὐκ ἐρῶ Φοίβου γ ̓ ἀπ ̓ αὐτοῦ, τῶν δ ̓ ὑπηρετῶν ἄπο, ὡς αὐτὸν ἥ ξ οι μοῖρα πρὸ ς παιδὸ ς θαν εῖν 331 Jean-Pierre Vernant, « Ébauche de la volonté dans la tragédie grecque », dans Mythe et tragédie en Grèce ancienne – Tome I, Paris, La Découverte, 2001, p. 55. Jocaste : Et je vais t'en donner la preuve en peu de mots. Un oracle arriva jadis à Laïos, non d'Apollon lui-même, mais de ses serviteurs. Le sort qu'il avait à attendre était de périr sous le bras d'un fils qui naîtrait de lui et de moi. Croyant que l'oracle autrefois apporté par le serviteur d'Apollon ne s'est pas accompli, Jocaste essaie de rassurer OEdipe de ne pas prendre au sérieux les parole de Tirésias. En revanche, cette tentative de consolation s'avère contre-productive, puisqu'elle rappelle à OEdipe le meurtre qu'il a commis avant de venir à Thèbes, au croisement de deux chemins conduisant respectivement à Delphes et à Daulia, ce qui fait avancer l'enquête. Effectivement, le destin fatal de Laïos et de Jocaste entraîne tout à fait le sort de l'infortuné OEdipe, lequel est aussi averti sous forme d'oracle, mais cette fois-ci, la prédiction est prononcée directement par le dieu Apollon, lorsqu'OEdipe se rend à Delphes pour vérifier l'origine de son identité. 185 n'est point responsable, son destin est déjà fixé avant sa naissance, et il n'a aucun autre choix à faire que de l'accepter, bon gré mal gré. Comme les générations suivantes, il n'est qu'une victime expiatoire de la faute de son père biologique, étouffée par la force insondable au nom de la loi universelle. 3.1.1.2.2. La tentative d'échapper au destin À la différence des personnages d'Eschyle, qui face au destin ne font que suivre le chemin indiqué par les dieux, telle la famille des Atrides, les héros, sous le calame de Sophocle, se mettent déjà à suspecter la justice de la destinée et à tenter de modifier leur « fatum » en prenant quelques mesures. Laïos connaît bien sa faute à l'égard de Chrysippe, il ne doute donc pas de l'oracle d'Apollon. Ayant appris son destin néfaste selon lequel il trépassera par les mains de son enfant, Laïos habite séparément de son épouse Jocaste pour éviter tout engendrement. Toutefois, le couple ne parvient finalement pas à résister à la passion amoureuse, et Jocaste accouche d'un garçon, à savoir OEdipe. En tout cas, ces détails ne figurent pas chez Sophocle, qui ne mentionne que l'histoire après la naissance du héros. Hantés par l'ombre de la prophétie funeste, le couple ordonne à un berger de jeter l'enfant sur le mont Cithéron, tout en perçant ses talons pour l'accrocher à un arbre, afin de se préserver du malheur prédit. ΙΟΚΑΣΤΗ : παιδὸς δὲ βλάστας οὐ διέσχον ἡμέραι τρεῖς, καί νιν ἄρθρα κεῖνος ἐνζεύξας ποδοῖν ἔρριψεν ἄλλων χερσὶν εἰς ἄβατον ὄρος.334 Jocaste : et d'autre part, l'enfant une fois né, trois jours ne s'étaient pas écoulés, que déjà Laïos, lui liant les talons, l'avait fait jeter sur un mont désert. La description de Jocaste rappelle l'abandon d'OEdipe juste après sa naissance, ce qui constitue la première t des personnages pour échapper à l'agencement du destin. Mais au lieu de mettre fin à la vie de l'enfant, Laïos et Jocaste choisissent de faire exposer leur fils dans un lieu désert en assignant cette tâche importante à un serviteur. Nous pourrions dire que ce traitement des parents manque à proprement 334 Ibid., v. 717-719, p. 98. parler de prudence et donne au destin la possibilité de se réaliser. C'est ainsi que le berger thébain transmet OEdipe à un corinthien. OEdipe est ensuite adopté par le roi et la reine de Corinthe, à savoir Polybe et Mérope, qui n'arrivent pas à avoir des enfants à ce moment-là. Du côté d'OEdipe, il fait également des tentatives pour s'éloigner de la voie de sa destinée. Quand le héros est encore à Corinthe, pendant un repas, un homme ivre le traite d'« enfant supposé de son père » (πλαστὸς πατρί). L'idée l'obsède et le stimule à se rendre à Pythô pour vérifier sa vraie identité auprès du dieu. Apollon ne répond pas directement à sa question ; en revanche, il lui dévoile son futur destin de parricide et d'inceste. OEdipe est stupéfait de cette annonce terrifiante, mais comme Laïos et Jocaste, il ne veut pas se laisser mener par la destinée, et s'efforce de se sauver lui-même. ΟΙΔΙΠΟΥΣ : Κἀγὼ ̓πακούσας ταῦτα τὴν Κορινθίαν ἄστροις τὸ λοιπὸν ἐκμετρούμενος χθόνα ἔφευγον, ἔνθα μήποτ ̓ ὀψοίμην κακῶν χρησμῶν ὀνείδη τῶν ἐμῶν τελούμενα.335 OEdipe : Si bien qu'après l'avoir entendu, à jamais, sans plus de façons, je laisse là Corinthe et son territoire, je m'enfuis vers des lieux où je ne pusse voir se réaliser les ignominies que me prédisait l'effroyable oracle. OEdipe quitte Corinthe à l'insu de Polybe et de Mérope qu'il croit toujours être ses parents biologiques. Mais au bout du compte, la situation se développe à l'encontre de sa volont . Tous les efforts restent vains, la calamité prophétisée par Apollon arrive comme prévu : en s'éloignant de Corinthe, OEdipe se rapproche en réalité de sa famille d'origine, et finalement il tue son père et épouse sa mère. Le sort de la famille d'OEdipe affirme le caractère irrésistible du destin ; cette puissance inéluctable ne se modifie pas selon les actions des hommes. Bien qu'elle n'intervienne pas forcément dans la conduite des personnages, toutes les tentatives pour la contourner ou la changer sont vaines. En fait, comme le héros s'en défend dans OEdipe à Colone, en ce qui concerne le parricide de son père et l'inceste de sa mère, il ne commit pas ces crimes consciemment, mais a été obligé de subir ces malheurs. Autrement dit, face au combat avec le cortège de Laïos, OEdipe croit tuer ses adversaires 335 Ibid., v. 794-797, p. 101. 187 par légitime défense ; quant à l'hymen avec Jocaste, il l'accepte non par initiative mais comme condition pour monter sur le trône offert par Thèbes. Le héros se trouve toujours dans un état relativement passif, puisque ce n'est pas lui qui déclenche ces affaires. ΟΙΔΙΠΟΥΣ : ὅστις φόνους μοι καὶ γάμους καὶ συμφορὰς τοῦ σοῦ διῆκας στόματος, ἅς ἐγὼ τάλας ἤνεγκον ἄκων* θεοῖς γὰρ ἦν οὕτω φίλον, τάχ ̓ ἄν τι μηνίουσιν εἰς γένος πάλαι.336 OEdipe : Ta bouche déverse pour nous meurtres, mariages, malheurs de toute sorte, malheurs que j'ai subis, hélas! bien malgré moi ; mais tel était le bon plaisir des dieux, qui en voulaient à ma race sans doute depuis bien longtemps. 3.1.1.2.3. La révélation du destin La pièce débute par la supplication du choeur composé du prêtre de Zeus et des citoyens de Thèbes. À travers le discours du vieillard, les spectateurs sont au courant du contexte de l'histoire : après avoir réussi à libérer la ville de la Sphinge en résolvant l'énigme du monstre, OEdipe, considéré par les Thébains comme sauveur de la ville, a épousé la reine Jocaste et est devenu le nouveau roi. La paix est bientôt brisée par un autre désastre, une peste qui s'épand sur Thèbes, s'abat sur le peuple et cause de nombreuses morts. Tout cela n'est certes pas une coïncidence, mais prépare à l'intrigue suivante. En réalité, avant l'imploration des citoyens, OEdipe a déjà envoyé son beaufrère Créon pour demander les instructions d'Apollon à Pythô en vue de sauvegarder le pays. Créon revient avec la réponse d'Apollon : afin de dégager Thèbes des misères, il faut « chasser la souillure que nourrit ce pays et ne pas l'y laisser croître jusqu'à ce qu'elle soit incurable » (μίασμα χῶρας ὡς τεθραμμένον χθονὶ ἐν τῇδ ̓ ἐλαύνειν μηδ ̓ ἀνήκεστον τρέφειν)337, c'est-à-dire, trouver et punir le meurtrier de Laïos. En tant que nouveau roi, OEdipe n'hésite pas un seul instant à assumer la responsabilité de cette recherche. Ainsi s'amorce l'enquête sur le meurtrier de l'ancien roi thébain, ce qui signifie également l'annonce de la révélation du destin d'OEdipe. Ces deux processus 336 337 Sophocle, OEdipe à Colone, v. 962-964, op.cit. p. 118-119. Sophocle, OEdipe roi, v. 97-98, op.cit., p. 75. 188 avancent parallèlement, et se croiseront au moment où la vérité verra le jour. Si l'ordre d'Apollon, qui indique que le meurtrier de Laïos est justement à Thèbes, constitue la première étape de la révélation du sort du héros, l'interprétation de Tirésias en est la deuxième. Selon le conseil de Créon, OEdipe fait venir le devin aveugle pour éclairer l'oracle d'Apollon. Devant le défi et la menace du nouveau roi, Tirésias est obligé de confier la vérité. ΤΕΙΡΕΣΙΑΣ : ἐννέπω, σὲ τῷ κηρύγματι ᾧπερ προεῖπας ἐμμένειν, κἀφ ̓ ἡμέρας τῆς νῦν προσαυδᾶν μήτε τούσδε μήτ ̓ ἐμέ, ὡς ὄντι γ ῆς τῆ σδ ̓ ἀνοσίῳ μιάστορι.338 Tirésias : Eh bien, je te somme, moi, de t'en tenir à l'ordre que tu as proclamé toi-même, et donc de ne plus parler de ce jour à qui que ce soit, ni à moi, ni à ces gens ; car, sache-le, c'est toi, c'est toi, le criminel qui souille ce pays! Pourtant, face à l'accusation du devin, OEdipe refuse d'y croire, il la prend au contraire comme un complot conjuré avec Créon, lequel, aux yeux du roi, est jaloux de son pouvoir et envisage de le détrôner. Le dialogue devient ainsi une dispute qui se termine par le dévoilement de Tirésias. Malgré l'intimidation et les insultes d'OEdipe, le vieux serviteur d'Apollon indique de manière explicite que l'assassin de Laïos est le roi actuel, ainsi que les crimes de parricide et d'inceste que celui-ci a commis ; il prédit aussi la déchéance et la cécité d'OEdipe dans un proche avenir. ΤΕΙΡΕΣΙΑΣ : τὸν ἄνδρα τοῦτον ὅν πάλαι ζητεῖς ἀπειλῶν κἀνακηρύσσων φόνον τὸν Λαΐειον, οὗτός ἐστιν ἐνθάδε, ξένος λόγῳ μέτοικος, εἶτα δ ̓ ἐγγενὴς φανήσεται Θηβαῖος, οὐδ ̓ ἡσθήσεται τῇ ξυμφορᾷ Φανήσεται δὲ παισὶ τοῖς αὑτοῦ ξυνὼν ἀδελφὸς αὑτὸς καὶ πατήρ, κἀξ ἧς ἔφυ γυναικὸς υἱὸς καὶ πόσις, καὶ τοῦ πατρὸς 338 Ibid., v. 350-353, p. 85.
51,571
56/hal-hceres.archives-ouvertes.fr-hceres-02027670-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
1,917
2,723
Licence professionnelle Administration des collectivités territoriales Licence professionnelle Administration des collectivités territoriales Champ(s) de formations : Sciences juridiques, économiques et de gestion (SJEG) Établissement déposant : Université de Poitiers Établissement(s) cohabilité(s) : / Présentation de la formation La licence professionnelle Administration des collectivités territoriales est gérée par la faculté de Droit de Poitiers et fonctionne depuis le 1er septembre 2008. Les enseignements sont dispensés à Angoulême. Il s'agit d'offrir une formation initiale et continue axée sur une connaissance théorique et pratique du droit applicable aux collectivités territoriales afin de préparer les étudiants aux concours de recrutement de la fonction publique territoriale et à l'exercice des fonctions de juriste au sein de l'administration locale. L'accès à la formation se fait sur dossier pour les candidats ayant au moins un niveau bac + 2. Les titulaires de la licence professionnelle pourront accéder à des emplois d'assistant de gestion, d'assistant de direction, de contrôleur administratif des services au public, de secrétaire de direction de service administratif ou encore de chargé de missions auprès des collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des politiques locales. Analyse Objectifs La formation répond à des besoins avérés des collectivités territoriales qui doivent pouvoir s'adapter aux évolutions des règles de droit, ce qui est un point positif. Son objectif premier est d'offrir une formation, initiale et continue, axée sur une connaissance théorique et pratique du droit applicable aux collectivités territoriales afin de répondre aux besoins des collectivités territoriales et de leurs groupements qui souhaitent recruter des collaborateurs qualifiés et opérationnels. Son second objectif est de compléter l'offre de formation dans le domaine des sciences juridiques par une formation également ouverte à des étudiants non juristes. Pour ce faire, la licence professionnelle Administration des collectivités territoriales prépare les étudiants aux concours de recrutement de la fonction publique territoriale et à l'exercice des fonctions de juriste au sein de l'administration locale. Organisation Les enseignements se répartissent de la façon suivante : droit public (quatre unités d'enseignement (UE)) ; techniques d'expression écrite et orale (deux UE) ; projet tuteuré (un UE) ; stage d'une durée minimale de 12 semaines (un UE). Cette répartition des enseignements ne soulève pas de remarques particulières. On note avec intérêt l'existence d'un enseignement de 15 heures au premier semestre en matière de documentation juridique numérique. De même les techniques d'expression écrite et orale sont parfaitement en adéquation avec l'objectif de la formation de préparer les étudiants aux concours de la fonction publique territoriale. Le découpage en UE est clair, avec quatre UE autour de l'environnement juridique, et les activités professionnalisantes attendues d'une licence professionnelle sont présentes. Un autre point positif est constitué par les enseignements autour des techniques d'expression dont l'objet est en cohérence avec l'objectif de préparation à des épreuves de concours. Un point est plutôt négatif : il a beaucoup de matières, mais du coup certains volumes horaires sont très faibles (10 heures – 11 heures pour plusieurs cours) et il est difficile de se dire que les étudiants auront une bonne maîtrise des contenus surtout s'ils n'ont jamais fait de droit avant. Positionnement dans l'environnement Le dossier d'autoévaluation fait état d'une convention de partenariat avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Charente et du soutien d'un laboratoire de l'université (l'institut de droit public). On ne dispose pas de renseignements précis sur la teneur de la convention de partenariat. Il semblerait, qu'en application de celle-ci, un agent du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Charente présente chaque année aux étudiants les emplois publics locaux. Par ailleurs, le dossier fait état de la préparation d'une convention de partenariat avec la commune d'Angoulême. Enfin, cette licence professionnelle est la seule de ce type au niveau régional et intervient en complément des formations dispensées par l'institut de préparation à l'administration générale (IPAG). L'existence d'une telle licence professionnelle se justifie par le gisement d'emplois que constitue la fonction publique territoriale. La justification additionnelle donnée dans le dossier, à savoir parfaire les connaissances pour une poursuite d'études en master, ne peut en revanche guère être retenue, même si elle ne concerne qu'une minorité d'étudiants, compte tenu de la vocation directement professionnalisante de ce diplôme. Equipe pédagogique L'équipe pédagogique est clairement présentée au moyen d'une liste nominative. Elle est diversifiée et comprend un professeur des universités (PR), plusieurs maîtres de conférences (MCF) et un professeur agrégé (PRAG) ainsi que neuf professionnels dont deux magistrats administratifs. Les professionnels assurent pratiquement 50 % du volume horaire des enseignements. D'autre part, la répartition des enseignements entre les universitaires et les professionnels est cohérente par rapport aux objectifs de la formation, les premiers assurant les enseignements théoriques, les seconds intervenant soit sur les enseignements en lien avec la préparation des concours (technique d'expression), soit sur les enseignements pratiques. Effectifs, insertion professionnelle et poursuite d'études Les effectifs sont relativement faibles, de l'ordre de 16 étudiants par an, et le plus fort contingent est issu de brevets de technicien supérieur (BTS). Le taux de réussite moyen est de 94,64 %. Il s'agit d'un taux satisfaisant. L'insertion professionnelle est moins satisfaisante que ce que l'on serait en droit d'attendre. A 30 mois, 66,66 % des diplômés ont un emploi, 19,44 % sont à la recherche d'un emploi et 8,33 % sont en poursuite d'études. Parmi les diplômés ayant trouvé un emploi, 78 % bénéficiaient d'un emploi stable et 22 % étaient en contrat à durée déterminée. 89 % travaillaient dans la fonction publique au sens large et occupaient, pour la plupart, des emplois de catégorie B ou C. Place de la recherche La place de la recherche est limitée et s'exprime à travers une forte implication des enseignants-chercheurs dans l'équipe pédagogique qui assure les enseignements juridiques et dans le soutien apporté par le laboratoire institut de droit public. On doit également relever que la rédaction des projets tuteurés et des rapports de stage est réalisée selon les modalités retenues au niveau des mémoires de master. S'agissant d'une licence professionnelle, il s'agit d'une place suffisante accordée à la recherche. Place de la professionnalisation La place de la professionnalisation est satisfaisante. La moitié des enseignements est assurée par des agents des collectivités territoriales. Chaque année un agent du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Charente présente aux étudiants les métiers relevant de l'emploi public local et des modes d'accès. Chaque étudiant doit réaliser un projet tuteuré consistant en l'étude d'une question juridique sous un angle pratique et un stage de trois mois en collectivité. Enfin, on doit noter (UE 3) l'apprentissage des techniques d'expression écrite et orale utilisées dans un cadre professionnel. Place des projets et des stages Il existe une convention type pour les stages. La recherche du stage est laissée à la libre initiative de l'étudiant. La mission confiée au stagiaire doit être validée par le directeur de la licence. Le stage doit être effectué dans une collectivité territoriale et dure 12 semaines. Il est effectué au semestre 2. Le stage donne lieu à la rédaction d'un rapport de stage soutenu devant un jury composé du tuteur professionnel et d'un enseignant-chercheur. L'évaluation porte à la fois sur le rapport et le déroulement de la soutenance. A côté du stage, les étudiants ont l obligation de participer à un projet tuteuré portant sur une question juridique. Il s'agit d'un travail réalisé en équipe par un groupe de deux ou trois étudiants sous la direction d'un enseignantchercheur. Le projet tuteuré donne lieu à la rédaction d'un document écrit et à une soutenance. Participent à celle-ci le tuteur et un professionnel. Ce projet tuteuré oblige les étudiants à travailler en équipe, ce qui est pertinent au regard de la finalité professionnelle du diplôme. La place accordée aux projets et aux stages est très satisfaisante. Place de l'international Aucune place n'est faite à l'international au motif qu'il s'agit d'une licence professionnelle destinée à former de futurs fonctionnaires territoriaux. L'absence totale de considération internationale paraît discutable. En effet, les collectivités territoriales sont très largement engagées dans ce que l'on appelle la coopération décentralisée. On doit relever un enseignement obligatoire d'une langue au cours des deux semestres. Recrutement, passerelles et dispositifs d'aide à la réussite La licence professionnelle s'inscrit dans le prolongement de trois types de parcours d'études : parcours généraliste (deuxième ou troisième année de licence – L2 ou L3) en Droit ou en Administration économique et sociale (AES), Diplôme universitaire de technologie (DUT) et BTS. Les étudiants issus de la L2 représentent 13,88 % des effectifs, les titulaires d'un DUT 8,33 %, les titulaires d'un BTS 54,16 % et 23,61 % sont issus d'autres formations La sélection des étudiants se fait sur dossier. Cette sélection est réalisée par le directeur de la formation et un enseignant-chercheur qui se fondent principalement sur l'existence de connaissances juridiques de base, la précision du projet professionnel et les résultats universitaires antérieurs. Le recrutement s'effectue principalement auprès d'étudiants titulaires d'un BTS ou d'étudiants issus d'autres formations. Or, des prérequis de droit semblent exigés pour intégrer cette formation (institutions administratives, droit constitutionnel, droit administratif, finances publiques). Ces prérequis sont généralement validés par les étudiants au cours des deux premières années de la licence Droit. En revanche, il parait douteux que des étudiants de BTS possèdent de tels prérequis. Modalités d'enseignement et place du numérique L'université de Poitiers a mis place les structures nécessaires pour que les enseignants recourent au numérique dans leur enseignement (centre de ressources numériques, environnement ou espace numérique de travail (ENT)). Il est à noter l'existence dans la maquette d'un enseignement destiné à fournir aux étudiants les méthodes d'utilisation des données juridiques numériques. Il n'en demeure pas moins que l'organisation reste classique autour des cours magistraux et des travaux dirigés. Le poids du numérique est insuffisant car il se limite à 15 heures d'enseignement au premier semestre. Evaluation des étudiants L'évaluation des étudiants est réalisée dans des conditions satisfaisantes. Le jury est composé de cinq membres et de trois suppléants choisis parmi les membres de l'équipe pédagogique. S'agissant d'une licence professionnelle, ce jury comprend au moins un quart et au plus la moitié de professionnels du secteur concerné. Une licence professionnelle bien intégrée dans son environnement local. ● Une dimension professionnalisante importante. ● Une équipe pédagogique en phase avec les besoins de la formation. Points faibles : ● Absence de Conseil de perfectionnement. ● Recrutement insuffisant au niveau L2 et DUT. ● Insuffisance des enseignements en lien avec le numérique. ● Absence d'un annuaire des anciens. Avis global et recommandations : Cette licence professionnelle a toute sa place dans l'offre de formation juridique et assure des débouchés sur des emplois dans les collectivités territoriales. Dans les recommandations, il convient de mettre en place un vrai Conseil de perfectionnement impliquant équipe pédagogique, professionnels et étudiants, et de constituer un annuaire des anciens. Par ailleurs, il convient d'être vigilant au recrutement des étudiants et promouvoir des actions qui permettent d'attirer des étudiants de L2 ou bien de DUT vers la licence professionnelle. Enfin, il serait utile de renforcer les partenariats avec les acteurs locaux. Observations de l'établissement Poitiers, le 31/05/2017 Objet : Rapport d'évaluation HCERES - DEF-LP180013613 - licence professionnelle « administration des collectivités territoriales ». Madame, Monsieur, L'équipe pédagogique de la licence professionnelle « administration des collectivités territoriales », ne souhaite pas formuler d'observations sur le rapport transmis par le HCERES. Les recommandations sont globalement conformes à notre analyse, et la majorité d'entre elles, dans la mesure du possible, seront prises en compte dans la mise en place nouvelle offre de formation. Je vous prie de croire en l'assurance de ma considération..
41,855
01/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00331419-document.txt_12
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
7,474
11,337
§1 – Les premières formes de coopération intercommunale Les premières formes de coopération intercommunale se distinguent suivant le fait qu'elles bénéficient de la personnalité juridique (commissions syndicales et 3 D'après BODINEAU (P) et VERPEAUX (M), La coopération locale et régionale, Coll. Que sais-je?, P.U.F, 1998, pp. 12-13. François Burdeau explique les craintes du pouvoir central à l'occasion de la présentation des lois du 21 mars 1831 sur les communes et du 22 juin 1833 sur l'organisation des départements : « Pour parer à tout danger d'abus de pouvoir, ou aux velléités d'indépendances d'autorités qui échappent désormais à la désignation départementale, le législateur a multiplié interdits et sanctions. Toute correspondance des conseils municipaux entre eux et des conseils généraux de divers départements sont, par crainte du fédéralisme, prohibées » (BURDEAU (F), Histoire de l'administration française du 18ème au 20ème siècle, Coll. Domat droit public, Montchrestien, 2ème éd., 1994, p. 195). ment de nature de la syndicats de communes), ou non (ententes et conférences intercommunales). Nous les distinguerons cependant, pour conserver la logique du raisonnement, suivant les objectifs poursuivis par la coopération. Ainsi, nous verrons d'une part les ententes et commissions syndicales, qui restent des outils juridiques au service des communes ; d'autre part, les syndicats de communes, qui, bien qu'ils en préservent la liberté, ont été la « première génération » de remèdes aux difficultés des communes. A- Les ententes et les commissions syndicales Nous allons ici étudier deux régimes juridiques différents : les ententes et conférences intercommunales et les commissions syndicales pour la gestion de biens et de droits indivis. Avec la loi du 18 juillet 1837, « le législateur avait timidement organisé une certaine coopération intercommunale pour les travaux intéressant plusieurs communes (). Mais le mécanisme créé était très sommaire puisqu'il reposait uniquement sur des délibérations distinctes des conseils municipaux dont le désaccord éventuel sur le partage des dépenses était tranché par le préfet (auquel le conseil général a été ultérieurement substitué par la loi du 18 août 1871). Il fallut attendre la loi du 5 avril 1884 pour que le législateur précise les dispositions de 1837 (). Désormais les accords entre communes sur les objets communs d'utilité communale peuvent faire l'objet d'ententes » 5. Ainsi, « deux ou plusieurs conseils municipaux peuvent provoquer entre eux, par l'entremise de leurs présidents et après en avoir averti les préfets, une entente sur les objets d'utilité communale compris dans leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs communes respectives (). Les questions d'intérêt commun seront débattues dans des conférences où chaque conseil municipal sera représenté par une commission spéciale nommée à cet effet et composée de trois membres nommés au scrutin secret. Les préfets et les sous-préfets des départements et arrondissements comprenant les communes intéressées, pourront toujours assister à ces conférences. Les décisions qui seront prises ne seront exécutoires qu'après avoir été ratifiées par tous les conseils municipaux intéressés et sous réserve des approbations budgétaires. Si des questions autres que celles que prévoit la loi étaient mises en , le préfet du département où la conférence a lieu déclarerait la réunion dissoute »6. 5 DEBOUY (C), Ententes et commissions syndicales, Juris-Classeur collectivités territoriales, Fasc. 210, §§ 6-7. 6 HAURIOU (M), Précis de droit administratif et de droit public général, Librairie de la Société du recueil général des lois et arrêts du Journal du Palais, 3ème éd., 1897, pp. 508-509. 192 Le changement de nature de la coopération locale Aujourd'hui, les ententes et conférences intercommunales sont régies par les articles L 5221-1 et L 5221-2 du code général des collectivités territoriales. Selon Christian Debouy, en raison de leurs compétences limitées et de l'absence d'institutions propres, « les ententes et les conférences intercommunales ne présentent aujourd'hui qu'un intérêt très limité. () La création ultérieure d'autres formes plus élaborées de coopération intercommunale () a définitivement relégué cette forme archaïque de coopération à un rôle pratiquement nul »7. Cependant, en 2004, l'article 192 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales8 modifie le code général des collectivités territoriales en ajoutant la possibilité d'ententes à l'initiative d'organes délibérants d'établissements publics de coopération intercommunale ou de syndicats mixte. Les débats ne sont pas très éclairants sur les motifs ayant conduit à élargir le champ d'application de ces ententes. La disposition est issue d'un amendement voté en première lecture à l'Assemblée nationale, approuvé de manière laconique par le rapporteur du projet de loi et le gouvernement et non discuté par la suite. Selon son auteur, il s'agit de « confirmer expressément la faculté pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats mixtes de passer des ententes entre eux » et de permettre « une forme de coopération souple non institutionnelle. En levant l'ambiguïté, on permettrait aux EPCI et aux syndicats mixtes de gérer en commun des équipements importants tels qu'un stade, une salle de spectacle ou une zone d'activités »9. « L'existence de biens indivis et les problèmes de gestion qu'ils posent remontent au XVIème siècle. Mais ce n'est que par la loi sur 'administration municipale du 18 juillet 1837 que fut pour la première fois institué un régime juridique cohérent »10. Les principaux traits du régime juridique institué sont les suivants : « si des biens ou des droits sont indivis entre plusieurs communes, une commission syndicale est instituée par décret du pouvoir exécutif et composée de délégués de conseils municipaux : la commission est renouvelée tous les trois ans ; elle est présidée par un syndic que le préfet choisit parmi les membres qui la composent. Les attributions de la commission syndicale et du syndic, en ce qui touche les biens et les droits indivis, sont les mêmes que celles des conseils 7 DEBOUY (C), op. cit., § 5. Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JO 17 août 2004, p. 14545. 8 9 J. Pélissard, JO Débats A.N, séance du 5 mars 2004, p. 2565. 10 DEBOUY (C), op. cit., § 28. Le changement de nature de la coopération locale municipaux et des maires pour l'administration des propriétés communales : toutefois les délibérations prises par la commission ne sont exécutoires que sur l'approbation du préfet, sans aucune distinction. Lorsque des travaux intéressent diverses communes, les conseils municipaux sont appelés à délibérer sur leurs intérêts respectifs et sur la part de dépense que chaque commune devra supporter »11. Aujourd'hui, le régime juridique de ces commissions est prévu aux articles L 5222-1 à L 5222-6 du Code général des collectivités territoriales. La commission syndicale est composée des délégués des conseils municipaux des communes intéressées et présidée par un syndic élu par les délégués parmi eux. Les délibérations de la commission et les actes du syndic sont soumis aux règles établies pour les délibérations des conseils municipaux et les décisions des maires. La commission et le syndic assurent la gestion des biens en suivant la répartition des compétences entre le conseil municipal et le maire. Les transactions les plus importantes (ventes, partages, acquisitions de biens) sont réservées aux conseils municipaux qui peuvent autoriser le président de la commission à passer les actes nécessaires, les décisions doivent être prises à la majorité des deux tiers au moins des communes intéressées. Enfin, la répartition des excédents de recettes et de dépenses est décidée par les conseils municipaux et en cas de désaccord par le représentant de l'Etat dans le département. S'il faut bien les distinguer avec les commissions syndicales des sections de communes, elles ont cependant en commun d'avoir subi une « modernisation » de leur régime juridique par la loi du 9 janvier 1985 dite « loi montagne »12. Celle-ci procède principalement pour les commissions syndicales à une amélioration des textes existants13, comme le passage de la règle de l'unanimité à la é des deux tiers pour faciliter la gestion14, même si des réticences à tout changement se font sentir15. 11 LAFERRIERE (F), Cours théorique et pratique de droit administratif (tome 2), Cotillon éditeur, 4ème éd., 1854, pp. 675-676. Elles se caractérisent également par une localisation différente. Les débats parlementaires de la « loi montagne » montrent que la question des biens sectionaux se rencontre davantage dans le Massif Central et celle des commissions syndicales dans les Pyrénées (JO Débats A.N, séance du 8 juin 1984, p. 3177 et pp. 3185-3189 ). 12 13 M. Inchauspé, JO Débats A.N séance du 8 juin 1984, p. 3185. 14 R. de Caumont, rapporteur, JO Débats A.N, séance du 8 juin 1984, p. 3185. « Ne serait-il pas plus sage et plus efficace de tenir compte des réalités et de ne pas changer à tout prix ce qui existe, lorsque la gestion des biens en indivision ne suscite aucune difficulté, et ce depuis Le changement de nature de la coopération locale B- Les syndicats de communes La loi du 22 mars 1890 complétait la loi municipale du 5 avril 1884 en établissant une nouvelle institution, le syndicat de communes ; plusieurs communes d'un même département ou de départements limitrophes pouvaient se rapprocher en vue d'une oeuvre d'utilité intercommunale. La limitation de l'objet du syndicat a conduit à la qualification de syndicat à vocation unique. En effet, selon les termes de l'exposé des motifs : « nous ne pensons pas qu'il y ait utilité à créer entre le département et la commune un groupe qui leur soit comparable, qui ait comme eux toute la charge d'une administration générale, et qui puisse prétendre à l'existence politique. Nous considérons, non comme un inconvénient mais comme un avantage l'hypothèse d'associations intercommunales ayant, suivant les régions et les départements, des objets très divers (). C'est à ces expériences diverses que se formera le plus rapidement l'esprit public, et c'est en s'appliquant à des entreprises limitées que les initiatives locales se développeront »16. « En 1890, on espérait que la nouvelle organisation allait prendre un grand développement »17. Il n'en sera rien, du moins dans un premier temps : « le nouvel instrument était souple et facilement maniable. () Pourtant on s'en servit peu. Dans le quart de siècle qui s'est écoulé de 1890 à 1915 il n'a pas été constitué 40 syndicats de communes »18. Ce n'est qu'après la première guerre mondiale que la formule du syndicat de communes a connu un essor significatif, permettant notamment de mener à bien des travaux d'assainissement, d'électrification ou d'organiser le ramassage des ordures ménagères. Le syndicat intercommunal, tel que prévu par la loi de 1890, est une structure laissant toute sa place à la volonté des communes ; ce qui permet d'ailleurs à Maurice Hauriou de le considérer comme un établissement public communal : « le syndicat de communes n'est qu'un établissement public subordonné aux communes qui l'ont des décennies, voire des siècles? () Certaines libertés communales () ont été acquises dès le XIIème siècle. Une gestion collective des espaces montagnards a toujours donné satisfaction. 17 JEZE (G), Chronique administrative (syndicat des communes suburbaines de Paris), R.D.P, 1904, p. 165. 18 BERTHELEMY (H), Traité élémentaire de droit administratif, Rousseau et Cie éditeurs, 9ème éd., 1920, p. 230. Le changement de nature de la coopération locale constitué, que ce n'est pas du tout une circonscription administrative qui se superposerait aux communes »19. En effet, le syndicat est créé à la suite de délibérations concordantes des conseils municipaux concernés sur sa formation, son objet et ses ressources. Il ne sera dissous qu'à la demande de l'ensemble des conseils municipaux concernés ou à l'expiration de la durée fixée initialement. Un comité est élu à raison, en principe, de deux délégués par commune ; celui-ci élisant un président et un bureau. Enfin, les règles applicables aux délibérations des conseils municipaux s'appliquent aux syndicats de communes sous quelques réserves : les séances du comité ne sont pas publiques et les préfets et sous-préfets peuvent y assister. Le principal défaut des syndicats de communes était lié à la règle de l'unanimité qui paralysait leur action. De plus, la limitation de l'objet du syndicat conduisait à reproduire en quelque sorte l'émiettement communal : afin de remédier à la multiplicité des communes et à l'insuffisance de leurs moyens, on en vient créer de multiples structures, au fonctionnement parfois laborieux20. C'est notamment pour ces raisons que le régime des syndicats de communes a été modifié par un décret du 20 mai 1955. Outre la création des syndicats mixtes, ce décret a notamment pour objet de faciliter l'adhésion de communes nouvelles à un syndicat, de permettre à des communes de plusieurs départements de s'associer et de donner aux syndicats la possibilité de recourir à l'emprunt21. L'amélioration de l'organisation des syndicats de communes a été poursuivie par l'ordonnance du 5 janvier 1959, généralement retenue pour avoir crée la possibilité de s à vocation multiple22. C'est en effet la principale modification apportée au régime juridique des syndicats de communes, même si d'autres retouches concernent l'admission et le retrait des communes d'un syndicat, l'extension de ses attributions et son financement. « Moins ambitieuse que l'ordonnance sur les districts urbains la réforme de la législation sur les syndicats de communes ne prétend qu'à des mises au point. Sa présentation même contribue à 19 HAURIOU (M) et HAURIOU (A), Précis de droit administratif et de droit public, Sirey, 12ème éd., 1933, p. 296. 20 Voir par exemple CHARRIER (M), Témoignage sur les syndicats de communes, les déficiences, quelques remèdes, Revue administrative, n° 13, 1950, pp. 82-88. 21 Voir le décret et l'exposé des motifs (Gaz. Pal., 1955, pp. Le changement de nature de la coopération locale son effacement : une série de retouches, dont plusieurs de pure forme, à huit articles du Code de l'administration communale qui en comprend 630 »23. Les syndicats de communes, qu'ils soient à vocation unique ou multiple, sont aujourd'hui régis par les dispositions du code général des collectivités territoriales. La création peut se faire avec l'accord soit d'une majorité qualifiée, soit de l'unanimité des communes concernées24. La plupart des dispositions relatives à leurs organes sont communes à l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale et organisées en référence aux règles applicables aux communes25. Malgré l'assouplissement (dans un sens favorisant l'intercommunalité) des règles initiales de création et d'organisation des syndicats de communes, on peut néanmoins considérer que ces structures restent soumises à la volonté des communes, même si, dès l'origine, la volonté du législateur était de pallier les défauts de l'organisation communale26. Cette volonté initiale a été ultérieurement remise en cause avec l'adoption de dispositions favorisant, à l'inverse, le retrait des communes27 et la possibilité de constituer des « syndicats à la carte »28. Ces dispositions sont issues de la loi d'amélioration de la décentralisation de 198829 et visent à une amélioration de la coopération intercommunale, passant par l'assouplissement de certaines règles30. 23 HOURTICQ (J), Districts urbains et syndicats de communes, E.D.C.E, 1961, pp. 31-46, pp. 43-44. 24 Article L 5212-2 du C.G.C.T. Si la création se fait à l'initiative de l'unanimité des communes intéressées, le représentant de l'Etat ne peut inclure une commune contre son gré. Si la création se fait à l'initiative d'une majorité qualifiée de communes, il établit une liste des communes intéressées qui peut donc inclure une commune contre son gré (voir les observations sous l'article L 5212-2 in MOREAU (J), ss dir., Code général des collectivités territoriales, Litec, 4ème éd., 2005). 25 Articles L 5211-7 à L 5211-10 du C.G.C.T. 26 « La loi du 22 mars 1890 () permet la création entre communes, de véritables associations pourvues de la personnalité morale, et grâce auxquelles les communes pourront désormais gérer commodément les services communs. Grâce à elle, les petites communes qui sont si nombreuses, vont pouvoir échapper aux fâcheux effets de leur faiblesse et de leur isolement. Trop faibles pour agir, trop pauvres pour créer des services sérieux, trop ignorantes de leurs véritables intérêts, elles ne peuvent que gagner à s'associer entre elles » (BAUDOT (E), Recherche sur les rapports entre administrations publiques en droit administratif français, Thèse, Faculté de droit de Nancy, 1913, p. 118). 27 Article L 5212-29 du C.G.C.T. 28 Article L 5212-16 du C.G.C.T. 29 Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, JO 6 janvier 1988, p. 208 « La promotion de la coopération intercommunale suppose () un assouplissement des conditions dans lesquelles une collectivité pourrait se retirer des structures coopératives auxquelles elle appartient. La rigidité actuelle de ces règles a conduit de trop nombreuses communes à refuser, contre leurs intérêts, de s'associer à des structures dans lesquelles elles redoutaient de perdre, sans espoir de retour, une part de leur autonomie » (C. Pasqua, ministre de l'intérieur, JO Débats Sénat, séance du 20 octobre 1987, p. 3251). Le changement de nature de la coopération locale Reste à évoquer la question du rôle de l'Etat, notamment dans la création de ces syndicats. Dans les années soixante-dix, la difficulté était de savoir, entre les délibérations concordantes des communes demandant la création du syndicat et l'arrêté préfectoral l'autorisant, quelle était la décision emportant création de la personnalité morale des syndicats. Le débat a surgi à la suite d'un arrêt dans lequel le Conseil d'Etat a considéré qu'une demande d'autorisation d'installer une usine d'incinération présentée par un maire au nom d'un syndicat intercommunal, avant que le préfet n'approuve la création de celui-ci, était valable. La création du syndicat avait régularisé la demande31. Certains tirent de cet arrêt et de la jurisprudence ultérieure une volonté du juge administratif de privilégier « l'aspect contractuel du syndicat de communes » face aux pouvoirs du représentant de l'Etat32. Cette position est néanmoins contredite par deux éléments. D'une part, même la jurisprudence de 1972, tendant à régulariser situation du syndicat de communes, ne revient pas sur le fait que l'arrêté préfectoral est une condition nécessaire à la création du syndicat de communes, personnalité morale. D'autre part, le respect des règles relatives au consentement des communes lors de la demande de création du syndicat n'enlève pas au préfet le pouvoir de disposer d'un contrôle de l'opportunité sur la création de celui-ci33. Les syndicats de communes, y compris après 1959, restent une manifestation de la coopération de superposition, malgré cette présence importante de l'Etat, conditionnant éventuellement l'existence du syndicat de communes. L'ensemble des règles applicables aux syndicats (création, compétences, fonctionnement ) montre que, pour l'essentiel, les compétences et la volonté des communes sont préservées. §2 – La coopération interdépartementale Revenant sur les préventions antérieures à l'égard de la coopération entre départements, la loi du 10 août 1871 organisait la possibilité d'ententes et de conférences interdépartementales. Les conseils généraux pouvaient constituer une entente sur des objets d'utilité départementale, faire des conventions portant sur des ouvrages ou institutions d'utilité commune et se réunir dans des conférences. A ces conférences, les conseils généraux étaient représentés par leurs commissions 31 CE 16 juin 1972 Ministre du développement industriel et scientifique c/ Dame Bret et autres, rec., p. 450. 32 Voir notamment ZOL LER (E ), La création des syndicats de communes : une décision des communes ou de l'Etat? (CE 23 juillet 1974 Commune de Cayeux sur Mer), R.D.P, 1976, pp. 985-994. 33 CE 13 mars 1985 Ville de Cayenne, rec., p. 76. Le changement de nature de la coopération locale départementales ou par une commission spéciale. Le préfet pouvait assister à ces conférences et exerce ses pouvoirs de tutelle dans les mêmes conditions que pour les conseils généraux. Ils pouvaient, en outre, dissoudre la réunion si elle venait à porter sur des questions sortant de son objet34. Un décret du 5 novembre 1926 en a précisé le fonctionnement mais sans revenir sur les éléments essentiels : présence du préfet et faculté de dissolution, absence de personnalité morale35. A l'image de ce qui avait été fait pour les syndicats de communes en 1890, une loi du 8 janvier 1930 a reconnu la possibilité pour les institutions interdépartementales de bénéficier de la personnalité civile et de l'autonomie financière36. Même si, en 1933, André Hauriou y voit un premier pas vers l'affirmation de régions37, la coopération interdépartementale est restée, par Article 89 : Deux ou plusieurs conseils généraux peuvent provoquer entre eux et par l'entremise de leurs présidents et après en avoir averti les préfets, une entente sur les objets d'utilité départementale compris dans leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs départements respectifs. Ils peuvent faire des conventions, à l'effet d'entreprendre ou de conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d'utilité commune. 34 Article 90 : Les questions d'intérêt commun seront débattues dans des conférences où chaque conseil général sera représenté soit par sa commission départementale, soit par une commission spéciale nommée à cet effet. Les préfets des départements intéressés pourront toujours assister à ces conférences. Les décisions qui y seront prises ne seront exécutoires qu'après avoir été ratifiées par tous les conseils généraux intéressés et sous les réserves énoncées aux articles 47 et 49 de la présente . (N.B : exercice de la tutelle). Article 91 : Si des questions autres que celles que prévoit l'article 89 étaient mises en discussion, le préfet du département où la conférence a lieu déclarerait la réunion dissoute. Toute délibération prise après cette déclaration donnerait lieu à l'application des dispositions et pénalités énoncées à l'article 34 de la présente loi. (N.B : condamnation à trois ans d'inéligibilité). 35 D'après BODINEAU (P) et VERPEAUX (M), op. cit., p. 15. 36 « Les syndicats interdépartementaux sont créés après délibérations concordantes des conseils généraux. Ils sont formés soit à perpétuité, soit pour une durée déterminée. () Le syndicat est administré par un comité composé, sauf disposition contraire des délibérations créatrices, de membres élus pour six ans par les conseils intéressés, parmi les citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques. Le comité élit son bureau auquel il a faculté de déléguer certaines affaires. () Les règles concernant ses délibérations et leur force exécutoire sont identiques à celles relatives aux conseils généraux. () Les syndicats interdépartementaux ont compétence pour s'occuper des services prévus à la délibération les instituant. La liste de ces services peut être étendue par délibération concordante. Il y a lieu de décider, par analogie avec ce qui existe pour les syndicats de communes, que les syndicats interdépartementaux ne peuvent s'occuper que des questions rentrant dans la sphère d'attribution du conseil général. » (ROLLAND (L), Précis de droit administratif, Dalloz, 3ème éd., 1930, pp. 144145). 37 « Les grands travaux et l'organisation des services relatifs aux intérêts économiques régionaux débordent les cadres des départements et que ces matières seraient mieux réglées par des administrations locales à circonscription plus vaste s'étendant à des régions économiques naturelles et qui seraient dénommées régions. Pour l'organisation de ces régions, plusieurs solutions peuvent être proposées : Il y en a une d'abord, qu'il convient d'écarter, c'est celle qui tendrait à créer des assemblées régionales délibérantes ayant des pouvoirs de décision et constituées exclusivement sur la base de la représentation des intérêts économiques. () solution écartée, il en reste deux autres. Ou bien la création d'assemblées régionales délibérantes sans représentation des intérêts qui ne seraient que de grands conseils généraux avec, à coté d'eux, des préfets régionaux ; Ou bien la création d'organismes départementaux permettant aux départements de se grouper suivant 199 Le changement de nature de la coopération locale excellence, une coopération se limitant à la mise en commun ponctuelle de moyens et non une tentative de dépassement du cadre départemental en vue de son éventuelle suppression. Le régime juridique de la coopération interdépartementale reste fondé sur les principes posés par les lois de 1871 et 1930 et a connu quelques applications, dans des domaines très spécifiques. Gustave Peiser cite trois cas : l'entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen, l'entente interdépartementale pour l'aménagement du bassin de la Vilaine et l'entente régionale de la Savoie, créée en 198338. D'autres exemples peuvent être également relevés : l'entente interdépartementale en vue de la protection de la forêt et de l'environnement contre l'incendie (créée en 1963, regroupe aujourd'hui 14 départements du sud de la France), l'entente interdépartementale pour la protection contre les inondations de l'Oise, de l'Aisne, de l'Aire et de leurs affluents (créée en 1968, regroupe aujourd'hui 6 départements), l'atelier départemental de restauration de mosaïques et de peintures murales de Saint-Romain-en Gal (entente interdépartementale créée en 1981), l'entente interdépartementale de lutte contre la rage et autres zoonoses (créée en 1973, elle regroupe aujourd'hui 35 départements, principalement de la moitié Est de la France) ou l'entente interdépartementale Ain, Isère, Rhône, Savoie pour la démoustication (créée en 1965). On peut enfin noter que plusieurs institutions créées sous l'intitulé d'ententes interdépartementales sont en réalité des associations39. En 1992, la loi « ATR » en a précisé certains éléments en lui étendant le dispositif applicable aux départements en matière de publicité et de communication des délibérations et autres documents administratifs et budgétaires les concernant40. Elle ouvre également la possibilité d'associer des conseils régionaux et des conseils municipaux aux travaux des institutions et organismes interdépartementaux. Cette disposition trouve sa source dans un amendement socialiste, repoussé au Sénat en leurs affinités naturelles pour la réalisation d'objectifs dépassant leur cadre propre. 'est la solution qui a été adoptée avec un large libéralisme par la loi du 9 janvier 1930 (). Elle permettra, sans doute, au bout de quelques années, de voir ce qu'il y a de positif dans le régionalisme en favorisant la création de régions de fait qui pourraient ensuite être organisées par le législateur ». (HAURIOU (M) et HAURIOU (A), op. cit., pp. 8889). PEISER (G), Les activités du département, Encyclopédie Dalloz Collectivités locales, Fasc. 1693 (2000), § 332. 38 Exemples : entente interdépartementale du bassin du Lot, entente interdépartementale de la vallée du Blavet. 39 40 Articles L 5421-4 à L 5421-6 du C.G.C.T. Le changement de nature de la coopération locale première lecture (y compris par le gouvernement41), tendant à faire siéger au conseil d'administration d'ententes interdépartementales des « représentants d'autres collectivités territoriales »42. Même si l'objectif était de « renforcer les ententes » et de les mettre en mesure de « répondre mieux encore aux besoins »43, l'amendement a été rejeté au nom du principe de libre administration et en invoquant les risques de tutelle d'une collectivité sur une autre44. La disposition finalement adoptée est issue d'un amendement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale45, même si, le Sénat voulait à nouveau la supprimer deuxième lecture46. Le rapporteur de la loi voulait faire le parallèle avec d'autres dispositions relatives à la coopération interrégionale, en rappelant l'intérêt des formules de coopération interdépartementale et permettre d'associer aux travaux les régions et les communes, avec une participation réelle et non un statut « de simple membre associé ne leur conférant qu'une voix consultative »47. Enfin, le rapport de la « Commission Mauroy » appelle à « favoriser les coopérations interdépartementales ». Il est d'ailleurs paradoxal de constater que l'amélioration souhaitée de cette coopération ne passe pas forcément par un renforcement des structures interdépartementales : « les coopérations interdépartementales, trop embryonnaires, doivent être favorisées car elles sont extrêmement utiles pour la création et la gestion en commun d'équipement particulièrement lourd et coûteux. Mais la commission pense que des formules plus souples que la création d'établissements publics pourraient être recherchées, et notamment en ouvrant à plusieurs départements la possibilité de confier la conduite ou la réalisation d'un projet, à l'un d'entre eux. Le suivi du projet pourrait s' uer de manière régulière par une émanation des départements ainsi associés »48. Cette 41 J-P.Sueur, secrétaire d'Etat, JO Débats Sénat, séance du 2 juillet 1991, p. 2377. Amendement n° 362 présenté par MM. Estier, Régnault, Allouche, Autain, Courteau, Delfauet Saunier, JO Débats A.N, séance du 2 juillet 1991, p. 2376. 42 43 R. Régnault, JO Débats Sénat, séance du 2 juillet 1991, p. 2376. « Il n'est pas souhaitable d'introduire des représentants du conseil régional au sein du conseil d'administration d'une entente interdépartementale. Il y aurait là incontestablement un risque de tutelle, surtout si le conseil régional devait au surplus disposer d'une voix délibérative » (P. Graziani, rapporteur, JO Débats Sénat, séance du 2 juillet 1991, pp. 2376-2377). 44 45 Amendement n° 274 de M G. Saumade, JO Débats A.N, séance du 29 novembre 1991, p. 6853. 46 JO Débats Sénat, séance du 14 janvier 1992, p. 140. 47 C. Pierret, rapporteur, JO Débats A.N, séance du 29 novembre 1991, p. 6854. 48 MAUROY (P), ss dir., Refonder l'action publique locale, Coll. des rapports officiels, La documentation française, 2000, pp. 44-45. 201 Le changement de nature de la coopération locale dernière proposition est d'ailleurs à rapprocher des propositions similaires formulées pour les régions 49 et de celle de l'instauration de collectivités « chef de file »50. § 3- La coopération interrégionale Comme nous l'avons vu51, avant même d'être instituées comme collectivités territoriales, les régions encouraient déjà la critique d'une taille insuffisante, tant du point de vue de l'ampleur de leur assise territoriale que de la comparaison avec les autres pays européens. A l'instar de la coopération intercommunale, la coopération interrégionale pourrait être conçue comme impliquant, à terme, l'apparition d'un niveau d'administration décentralisée correspondant à des collectivités régionales plus vastes, se substituant aux actuelles régions. Pour autant, nous verrons qu'elle demeure l'expression d'une coopération de superposition. Dès la loi de 1972 instituant les établissements publics régionaux, trois formules de coopération étaient mises en place : la conférence interrégionale (décidée par délibérations concordantes des conseils régionaux), la convention interrégionale et les institutions d'utilité commune52. Des débats parlementaires, il ressortait l'utilité et l'opportunité du renforcement de la coopération entre régions53, remède au problème de la dimension des régions54. Cependant, les diverses formules offertes par la loi « ne furent pas utilisées par des conseils régionaux qui ne disposaient ni du temps ni de la volonté de construire des relations de partenariat entre des régions 49 Ibid., p. 42. Ibid., p. 59 (Nous traiterons ultérieurement la question des collectivités « chef de file : cf. 2ème partie, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, § 2, C- La collectivité « chef de file »). 50 51 Voir supra 1ère partie, Titre 1, Chapitre 1, Section 3, § 1, B- La difficulté d'un choix politique. 52 On peut noter ici que les débats parlementaires ont conduit à développer les dispositions relatives à la coopération interrégionale par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi (pour le texte du projet de loi voir A.J.D.A, 1972, pp. 103-105). Les termes du débat se situaient davantage dans l'amélioration des moyens et des compétences des régions (voir J. Valleix, JO Débats A.N, séance du 25 avril 1972, p. 1016 et R. Frey, JO Débats Sénat, séance du 31 mai 1972, p. 597) que dans l'évocation, plus rare, d'une coopération interrégionale visant à terme à une révision du cadre régional (Voir P. Bernard-Reymond, JO Débats A.N, séance du 25 avril 1972, p. 1010). 53 J. Valleix, JO Débats A.N, séance du 25 avril 1972, p. 1016. « La dimension actuelle de la région ne me paraît pas constituer le meilleur outil économique possible. () Ne devrait-on pas favoriser le rapprochement de certaines d'entre elles en autorisant, par exemple, la réunion commune de deux ou, au maximum, trois conseils régionaux. Cette mesure pourrait constituer l'un des cadres à l'intérieur desquels la région doit se transformer. Telles sont les suggestions qui me paraissent de nature à faire évoluer le problème régional dans le sens des intérêts de la nation » (P. Bernard-Reymond, JO Débats A.N, séance du 25 avril 1972, p. 1010). Le changement de nature de la coopération locale sans pouvoirs aux moyens limités »55. La convention régionale et l'institution d'utilité commune sont des formules reprises dans la loi du 2 mars 1982 ; une réelle évolution des formes de coopération interrégionale n'interviendra qu'à partir de la loi ATR de 1992 avec l'entente interrégionale. Le régime juridique de la coopération interrégionale est aujourd'hui prévu aux articles L 5611-1 à L 5622-4 du C.G.C.T. L'article L 5611-1 reprend les termes de la loi de 1972 : « deux ou plusieurs régions peuvent, pour l'exercice de leurs compétences, conclure entre elles des conventions ou créer des institutions d'utilité commune ». L'ensemble des autres dispositions concerne les ententes interrégionales créées par la loi du 6 février 1992 et modifiées par la loi du 4 février 1995. Comme l'entente interdépartementale de 1930, l'entente interrégionale est un établissement public. Elle est créée par décret en Conseil d'Etat à la suite des délibérations concordantes de conseils régionaux. Ses organes se composent d'un conseil (composés de délégués des conseils régionaux désignés au scrutin nel), d'une commission permanente et d'un président, organe exécutif de l'entente. Elles exercent les compétences des régions membres telles que la décision institutive le prévoit, y compris en ce qui concerne, pour les matières relevant de sa compétence, la signature des contrats de plan avec l'Etat. Ces dispositions montrent que la coopération interrégionale reste dans le cadre d'une coopération de superposition. On peut distinguer, à l'instar de JeanMarie Pontier, les expressions de l'interrégionalité « respectueuses du cadre régional » et celles qui le dépassent56. Les premières regroupent les ententes interrégionales, figures institutionnelles, tout comme les modalités contractuelles de l'interrégionalité. Celles-ci présentent le paradoxe d'être à la fois les formules juridiques les plus « abouties » et les moins courantes. 55 BODINEAU (P) et VERPEAUX (M), op. cit., p. 84. 56 PONTIER (J-M), L'émergence de l'interrégionalité, L.P.A, n° 114, 1998, pp. 4-12. 57 Voir sur ces deux points les exemples donnés par Jean-Marie Pontier et par Pierre Bodineau et Michel Verpeaux (La coopération locale, op. cit.). 203 Le changement de nature de la coopération locale Signalons enfin que le rapport Mauroy appelle à un développement de la coopération interrégionale58, justifié par la taille trop limitée des régions françaises par rapport aux autres régions européennes59 ; « l'évolution vers des régions plus puissantes est donc retenue () comme une perspective de long terme »60. Même si l'objectif visé est donc celui de la recomposition de la carte régionale, les moyens proposés sont assez hétérogènes, faits d'encouragements financiers et de diversification des formules juridiques61. L'organisation de structures de coopération interrégionale peut, dans certains cas, être une étape vers une procédure de fusion. Le seul exemple de remise en cause des circonscriptions régionales existantes est aujourd'hui celui de l'accroissement de la coopération entre la Haute-Normandie et la Basse-Normandie. Les deux régions ont créé une entente interrégionale pour contracter avec l'Etat dans le cadre du prochain contrat de projet et un aéroport interrégional. Elles ont même en projet une consultation sur une « réunification »62. Section 2 : Les procédés de coopération particuliers Le législateur a créé, plus particulièrement sous la Cinquième République, des procédés de coopération multiples, associant différentes catégories de collectivités territoriales ou celles-ci avec d'autres personnes morales. Nous verrons la multiplication de ces procédés, qu'ils soient de nature institutionnelle ou contractuelle, avant de nous attacher étudier la portée de deux cas originaux : le pays et la coopération décentralisée. 58 Proposition n° 10 : Encourager un développement vigoureux de la coopération interrégionale pour la réalisation d'un projet ou d'une action. 59 MAUROY (P), op. cit., p. 41. 60 Ibid., p. 42. 61 « Les solutions retenues doivent s'inspirer du formidable succès de l'intercommunalité. Elles reposent donc sur le partenariat et sur des projets partagés à l'intérieur d'un espace cohérent. L'évolution vers des régions plus puissantes est donc reten ue par la commission comme une perspective de long terme que les modification s institutionnelles devront fortement encourage r . Les formules juridiques de co opération inter régionale devront être souples et diversifi ées . Il ne para ît pas nécessaire d'imposer uniquement le recours à un établissement public . Mais plusieurs régions pourraient se regrouper pour confi er à l'une d'elles la condu ite d'un projet, la ré alisation d'une action ou la mise en oeuvre d'une programmation ou d'une planification inter région ale . Cette opération s'effectuerait sous le contrôle d'une émanation des commissions permanentes des régions parties prenantes . Par ailleurs, l'interrégion alité pourrait bénéficier comme l'intercommunalité d'in citations financi ères de l'Etat et d'a ttributions priorit aires des crédit s des fonds européens ». (Ibidem). BOTTOIS (P), Normandie, les deux régions multiplient les partenariats, La Gazette des communes, 13 mars 2006, p. 14. 62 Le changement de nature de la coopération locale §1 – La multiplication des procédés L'administration décentralisée du territoire sous la Cinquième République se caractérise par la multiplication de structures de coopération particulières dont nous verrons à chaque fois les caractéristiques, les raisons ayant poussé à leur adoption et leur mise en oeuvre. Nous nous intéresserons successivement aux syndicats mixtes (A), aux groupements d intérêt public (B) ainsi qu'aux autres structures de coopération (C), avant de consacrer des développements spécifiques aux formules contractuelles (D). A- Les syndicats mixtes Les syndicats mixtes ont été créés en 1955 pour permettre à des collectivités territoriales et plus généralement des collectivités publiques de nature différente de gérer ensemble certaines activités d'intérêt commun. « Il s'agissait d'élargir la formule des syndicats de communes traditionnels, dont la composition était légalement limitée aux seules communes (). Ce besoin d'associer des collectivités et des partenaires différents s'est d'abord traduit par une longue évolution jurisprudentielle et législative avec des dispositions ponctuelles, autorisant successivement : le groupement de communes, départements, chambres de commerce et établissements publics sous la forme de syndicats pour l'exploitation de services publics présentant un intérêt pour chacune des personnes morales membres (décret-loi du 30 octobre 1935 avec une extension des possibilités ainsi prévues en 1938 et 1953 pour les travaux contre l'inondation puis l'exploitation de transports publics locaux) ; l'institution d'associations mixtes constituées entre des ententes départementales, des départements, des communes et leur association ainsi que des établissements publics, pour la gestion de services publics présentant un intérêt pour chacun des membres (loi du 28 février 1942 abrogée à la Libération par l'ordonnance du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine) » 63. La formule du syndicat mixte a été finalement consacrée par un décret du 20 mai 195564 : « des syndicats mixtes peuvent être constitués par accord entre des ententes interdépartementales, des départements, des syndicats de communes, des communes, des chambres de commerce, d'agriculture, de métiers et autres établissements publics, en vue d'une oeuvre ou d'un service présentant une utilité (E syndicats mix tes La Découverte Syros, 1998, p. 20. 64 Décret n° 55-606 du 20 mai 1955 relatif aux syndicats de communes, JO 22 mai 1955, p. 5141. Le changement de nature de la coopération locale pour chacune des personnes morales en cause. » Comme pour le syndicat de communes, le législateur a entériné ultérieurement le passage du syndicat mixte à vocation unique au syndicat mixte à vocation multiple, dans la loi du 31 décembre 197065. La loi distingue deux sortes de syndicats mixtes, généralement qualifiés d'« ouverts » ou « fermés ». Les seconds associent exclusivement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)66 alors que les premiers associent « des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales et d'autres personnes morales de droit public »67. Quant à leur régime juridique, le C.G.C.T renvoie aux dispositions générales régissant les établissements publics de coopération intercommunale pour les syndicats « fermés »68, tandis qu'il prévoit des règles spécifiques d'organisation, de fonctionnement et de financement des syndicats « ouverts »69. On peut en particulier noter que si les règles applicables sont finalement les mêmes, les dispositions qui régissent le contrôle de légalité des actes des syndicats mixtes ouverts sont celles applicables aux départements70 alors que celles qui régissent le contrôle de légalité des syndicats mixtes fermés sont celles applicables, en général, aux établissements publics de coopération intercommunale et donc aux communes (par renvois successifs)71. Les syndicats mixtes ont connu, en trente ans, une progression importante : 153 en 1972, 542 en 1981, 1107 en 1995 et 1454 en 199972. Selon Jean-Pierre Lebreton, cela répond « à deux besoins importants, mais distincts de l'action publique locale ». Le premier correspond à leur vocation initiale : organiser « un partenariat entre les collectivités territoriales de statut différent, et entre des collectivités territoriales et des établissements publics ». Le second décou des caractéristiques actuelles de 65 « Des syndicats mixtes peuvent être constitués () en vue d'oeuvres ou de services présentant une utilité pour chacune des personnes morales en cause ». (article 31 de la loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970 sur la gestion municipale et les libertés communales, JO 1er janvier 1971, p. 6). 66 Article 5711-1 du C.G.C.T. 67 Article 5721-2 du C.G.C.T. 68 Articles L 5211-1 à L 5212-34 du C.G.C.T. 69 Règles de majorité pour les modifications statutaires, organisation des services publics, transferts de compétences, dissolution, finances et fiscalité (articles L 5721-2 à L 5722-7 du C.G.C.T). 70 Article L 5721-4 alinéa 1 du C.G.C.T. 71 Articles L 5711-1 alinéa 1 et L 5211-3 du C.G.C.T. D'après HOEFFEL (D), Rapport sur le projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, Sénat, n° 281, 1998-1999. 72 206 Le changement de nature de la coopération locale l'intercommunalité : « il ne s'agit plus seulement de regrouper des communes, mais des communes et des EPCI »73. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs eu à se prononcer en 2005 sur la question de l'enchevêtrement des structures et des périmètres au niveau local et les conséquences qui s'ensuivent pour le régime juridique des syndicats mixtes en particulier. La question inédite qui se posait était de savoir si un syndicat mixte pouvait adhérer à un autre syndicat mixte. Le Conseil d'Etat a posé le principe selon lequel le législateur n'a pas permis à un syndicat mixte de transférer des compétences à un autre syndicat mixte, ne serait-ce qu'en l'absence de procédure permettant de recueillir l'accord ou même l'avis des membres74. D'après les conclusions du commissaire du gouvernement, cette solution repose sur trois arguments. D'une part, elle est justifiée par la lettre des dispositions du C.G.C.T : les syndicats mixtes fermés regroupent communes et EPCI et les syndicats mixtes ouverts peuvent regrouper les « institutions d'utilité commune interrégionales, régions, ententes ou institutions interdépartementales, départements, établissements publics de coopération intercommunale, communes, chambres de commerce et d'industrie, d'agriculture, de métiers et autres établissements publics »75. Ainsi, il n'y a aucune disposition expresse incluant les syndicats mixtes dans l'une ou l'autre des catégories. D'autre part, les syndicats mixtes sont des établissements publics mais ne font pas des EPCI. Cela est démontré à la fois par la construction du C.G.C.T et par sa rédaction : « l'article L 5711-1 du CGCT dispose que les syndicats mixtes sont soumis aux dispositions du code régissant tous les EPCI () une telle assimilation montre bien que les syndicats mixtes ne sont pas des EPCI, sans quoi aucune assimilation ne serait nécessaire »76. En outre, le commissaire du gouvernement considère que les syndicats mixtes ne peuvent être D'après LEBRETON (J-P), Syndicats mixtes et politiques intercommunales, A.J.D.A, 2004, pp. 910915, pp. 911-912. 73 « Bien que les syndicats mixtes fermés créés en application de l'article L 5711-1 () soient soumis, en vertu de cet article, aux règles d'organisation et de fonctionnement applicables aux établissements publics de coopération intercommunale, il ne résulte ni des dispositions ci-dessus rappelées ni d'aucune autre disposition du code général des collectivités territoriales que le législateur, qui n'a pas organisé de procédure permettant de recueillir l'accord ou même simplement l'avis des communes ou établissements publics de coopération intercommunale intéressés, ait entendu donner à ces syndicats la faculté de transférer à nouveau les compétences qui leur ont été dévolues par leurs membres, à d'autres syndicats mixtes » (CE 5 janvier 2005 Société des eaux du Nord, Syndicat professionnel des entreprises de services d'eau et d'assainissement, rec., p. 6 ; R.G.C.T, 2005, pp. 205-210, Concl. E. Glaser ; A.J.D.A, 2005, pp. 770-774, note M. Degoffe). 74 75 Article L 5721-2 alinéa 1. 76 Conclusions E.Glaser, op. cit., p. 207. Le changement de nature de la coopération locale compris dans la formule « et autres établissements publics » employée par l'article L 5721-2 alinéa 1 du C.G.C.T77. Enfin, l'organisation administrative locale présente déjà un caractère suffisamment complexe, sans y ajouter cette possibilité78. Le commissaire du gouvernement rejoint ici l'étude de Jean-Pierre Lebreton qui posait, en ce qui concerne le régime des syndicats mixtes, la question de la représentativité : « c'est peu de dire que le lien entre le citoyen électeur et l'organe délibérant du syndicat mixte est distendu » 79. Il est possible que cette jurisprudence soit prochainement mise en échec. En effet, un amendement a été adopté, avec l'accord du gouvernement, à l'occasion de l'examen en première lecture d'un projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. L'idée de permettre l'adhésion d'un syndicat mixte à un autre syndicat mixte est destinée à « sécuriser une pratique dans certains cas très pertinente »80. Puisque le Conseil d'Etat a considéré que cette faculté n'a pas été ouverte explicitement par le législateur, l'amendement entend « réparer ce vide juridique »81, cet « oubli »82. Cette faculté est néanmoins limitée à certaines matières comme la gestion de l'eau, l'alimentation en eau potable, l'assainissement collectif ou non collectif, la collecte ou l'élimination des déchets ménagers et assimilés83.
55,854
9bcd5d926968cc9c21e90ce12af10111_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,011
Citoyens et délateurs
None
French
Spoken
7,282
12,330
L'institution de l'hypocrisie. Depuis le début du nouveau millénaire, le monde des affaires a été secoué par des scandales qui se sont produits à une échelle inconnue jusqu'ici. On pense aux faillites d'Enron, de WorldCorn et, en France, de Vivendi. Pour rétablir leur crédibilité, les grandes entreprises américaines ont établi des canaux - comme des lignes téléphoniques d'assistance - que les employés peuvent utiliser pour dénoncer des malversations dont ils seraient témoins. Ces grandes entreprises étant mondiales, comme l'américaine Kodak, elles exportent leurs pratiques dans leurs succursales 13 . D'autre part, les organes de l'État, en particulier les services policiers, ont commis des bavures à répétition au cours des 12 13 La NSA fait partie d'une alliance avec divers pays anglo-saxons (UKUSA) et mène le programme « Échelon » dont on a fait grand cas au Parlement européen. En relation avec cette institutionnalisation de la délation, Le Monde citait un associé français d'une grande firme américaine qui déclarait que « la France ne pourra pas résister longtemps au mouvement » (11 février 2005, p. 17). Au minimum, les nombreuses succursales de ces firmes en France seront soumises aux règles de la maison mère. C'est déjà le cas au Canada. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 24 deux dernières décennies. En Amérique du Nord, une refonte des lois de police a créé l'obligation pour les policiers de dénoncer les exactions dont leurs collègues se rendraient coupables. Quelles que soient les protections légales accordées aux lanceurs d'alerte, nous savons bien que l'institutionnalisation d'un dispositif de délation n'est qu'une manoeuvre cosmétique destinée à faire taire la critique. Rendre les faillites commerciales « honnêtes » est aussi [19] dérisoire que faire de chaque policier l'accusateur potentiel de son collègue. Les nouvelles normes exigent des comportements qui transgressent les cultures professionnelles et qui, dans cette mesure, ne seront pas appliquées. Ces nouvelles règles n'en produiront pas moins en surface des effets de normalisation dont on ne saurait prévoir la direction. L'élargissement du contentieux de la vie intime. En France, la délinquance sexuelle est la cible la plus récurrente des peines d'incarcération. De l'affaire Dutroux en Belgique au grand procès d'Angers où 66 personnes ont été accusées en 2005 de pédophilie, la justice pénale pénètre jusqu'au cœur de la vie privée des contribuables. Bien qu'il s'étende très au-delà du cercle des familles et des relations incestueuses, ce contentieux de la vie intime brouille le jeu des rôles que nous avons décrit au début de ce texte. Un grand nombre des personnes impliquées dans des affaires d'agression sexuelle - épouses, enfants, parents et beauxparents - ne décident de se plaindre à la justice qu'après plusieurs années de victimation (et, dans certains cas, de chantage). D'où le cumul par des proches des rôles de victime, de témoin et de délateur. Par exemple, une enfant agressée par son beau-père jusqu'à l'adolescence ne le dénoncera que lorsqu'elle sera parvenue à l'âge adulte, assumant dès lors aux yeux de plusieurs le rôle de la victime et celui de délatrice (pourquoi parler si tard ?). Ces exemples de surdétermination des rôles pourraient être multipliés. Ils témoignent tous d'une même évolution : l'élargissement du contentieux des comportements issus de la vie intime provoque l'érosion des contours de la figure de la délation. La téléréalité. L'une des espèces les plus prisées de téléréalité est dans de nombreux pays la reconstitution de crimes, à laquelle participent certains des acteurs réels de l'événement (victimes, témoins, policiers). Ces émissions à préten- CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 25 tion documentaire sont immanquablement suivies d'un appel à la délation et proclament à intervalles réguliers leurs résultats au plan des arrestations. Elles sont plus populaires en Amérique du Nord que partout ailleurs. Toutefois, de la même façon que les reality shows ont conquis les télévisions du monde entier, il faut s'interroger sur la prolifération potentielle des émissions de télévision qui incitent à la délation. L'autodélation. De tous les phénomènes favorisant une normalisation de la délation, il n'en est aucun qui soit plus porteur que l'autodélation, comportement selon lequel on fait soi-même le travail de renseignement que ferait un délateur nous dénonçant de l'extérieur. Les [20] illustrations sont en l'occurrence plus parlantes que les définitions. Dans les pays anglo-saxons, on peut de moins en moins communiquer par téléphone avec un service public ou une entreprise (même de taille modeste) sans être soumis à une période d'attente, pendant laquelle on est averti que notre communication sera enregistrée pour les exigences du « contrôle de la qualité » des communications du service ou de l'entreprise. En Amérique du Nord, ce sont des firmes privées spécialisées qui procèdent à l'enregistrement de ces communications. Certains de leurs employés ont révélé que la vie la plus intime des personnes mises en attente était enregistrée - conversations, altercations, cris - pendant les minutes où elles attendaient la communication. Toutefois, aucune illustration de l'autodélation n'est plus significative que celle qu'on peut tirer de l'usage du téléphone portable : les gens tiennent bruyamment des conversations relatives à leur vie intime pendant qu'ils traversent des lieux publics (la rue, le métro, le restaurant). Ces échanges privés dans l'espace public, qui tiennent parfois du hurlement s'efforçant d'attirer l'attention, conduisent à se demander si la somme des combats menés pour protéger la vie privée n'a pas été livrée à rebours du désir d'exhiber celle-ci en échange d'une quelconque écoute. Le téléphone portable a affranchi l'espèce humaine de cette vieille pathologie qu'était le parler seul (toute personne inclinée à parler toute seule dans la rue n'a qu'à montrer le semblant d'un portable pour faire immédiatement l'objet d'une guérison miraculeuse). C'est toutefois l'Internet qui est le grand aspirateur du renseignement personnel, dont la communication est le plus souvent librement consentie. Comme les cartes bancaires, le commerce Internet disqualifie l'idée même de consentement puisqu'il repose sur des transactions à distance qui exigent, à la différence de l'achat direct CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 26 en magasin, des renseignements sur l'acheteur, afin qu'on lui fasse parvenir sa marchandise (bien naïf qui croit que ces renseignements se limitent à la prise en note de l'adresse). Acheter à distance, c'est forcément « se donner ». Au-delà de la normalisation La délation s'accroît et elle est normalisée, on vient de le voir, à plusieurs égards. D'abord, elle est tenue pour un instrument incontournable contre la délinquance de réseau et ses vertus font l'objet d'une [21] redécouverte particulière dans la prévention du terrorisme. Elle est ensuite valorisée dans le cas des lanceurs d'alerte. De plus, la télévision réalité a trouvé un exutoire irrésistible dans l'incitation à la délation. Enfin, la tendance à la contractualisation pérennise sa normalisation. Cette tendance à la contractualisation est une retombée inflationniste du juridisme qui subjugue toutes les démocraties occidentales. De toutes les tendances actuelles, l'autodélation apparaît potentiellement comme la plus fructueuse parce qu'elle échappe de façon de plus en plus complète au contrôle du sujet parlant de soi. Pour satisfaire initialement aux contrôles du fisc, les entreprises américaines se sont mises au cours des dernières décennies à accumuler une masse considérable de données de toute nature sur leurs transactions et, par conséquent, sur leurs clients (Greening, 2000). Le développement de logiciels de traitement de données de plus en plus puissants a donné naissance à cette nouvelle pratique de l'« exploration des données » (data mining). L'exploration des données se définit par la découverte au sein d'un amas de données de certaines relations signifiantes qui resteraient inaperçues de toute forme d'analyse n'utilisant pas ces nouveaux instruments informatiques. Il en résulte que, en fournissant des informations en apparence banales sur lui-même, le client révèle non seulement ses habitudes personnelles de consommation mais aussi, au travers de celles-ci, ses inclinations sociales et politiques. Le groupe américain Nielsen, qui mesure les cotes d'écoute des émissions de télévision, vient d'adopter le « compteur personnel portable » (people portable meter ou PPM), qui sera testé sur 70 000 personnes. Le sujet de l'expérience porte sur lui un compteur qui non seulement mesure le temps qu'il passe à regarder une émission de télévision mais qui peut également identifier quelles sont les publicités qu'il visionne le plus souvent, CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 27 permettant ainsi de le cibler de manière plus précise dans le futur et sur d'autres médias (comme l'Internet). On pourrait être porté à soutenir que toutes ces tendances recensées ne sont en réalité qu'autant de résultantes de la société de l'information et de l'économie du savoir. C'est en grande partie vrai, mais insuffisamment précis. Comme la philosophie grecque nous l'a appris, il n'y a pas de science de l'individu. Or la normalisation de la délation vise à produire un répertoire de traces à partir desquelles on peut remonter vers l'individu qui les a laissées. Cet amoncellement de traces [22] vise moins à instaurer un état de transparence qu'un potentiel infini de recouvrement (d'un dossier, d'une fiche ou d'un profil). Distinguer entre le vieux cauchemar utopique d'une société transparente à l'État et la réalisation effective d'une société du recouvrement des traces, où de multiples agents du recouvrement sont en compétition entre eux et avec l'État, nous amène à poser les termes du débat sur la vie privée de façon plus complexe. Le recouvrement utilitaire des identités dessine en effet une nouvelle forme d'invasion de la vie privée. Avant, on pénétrait clandestinement dans l'intimité de quelqu'un pour lui arracher ses secrets et les disséminer dans le mouvement centrifuge de la délation (de moi à toi et de toi à eux). Maintenant, on peut aussi s'insinuer dans la vie privée d'une personne pour lui imposer à répétition une sollicitation qu'elle n'a pas demandée, selon une orientation qui est cette fois centripète (d'eux à moi, en passant par toi). Ce double mouvement s'intègre dans un circuit vicieux où l'on capte d'abord de l'intimité pour lui substituer ensuite de la publicité. Aspirer pour inspirer. L'espion et le publicitaire se relaient l'un l'autre, dans un parcours en boucle où ils s'alimentent mutuellement. Jean-Paul Brodeur CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 28 Bibliographie Boltanski, Luc, Yann Darré et Marie-Anger Schlitz, « La dénonciation », in Actes de la recherche en Sciences sociales, no 51, mars 1984, p. 3-40. Breitel, Judge Charles D., Final Report of Special Master, The Political Rights Defense Fund, New York, 1980. Brodeur, Jean-Paul, « L'enquête criminelle », in Criminologie, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 2005. Chateauraynaud Francis et Didier Torny, Les Sombres Précurseurs. Une sociologie pragmatique de l'alerte et du risque, Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, 1999. Czechowski, Nicole et Jacques Hassoun (dir.), La Délation, Paris, Autrement, o n 94, novembre 1987. Dewerpe, Alain, Espion. Une anthropologie historique du secret d'État contemporain, Paris, Gallimard, 1994. Greening, Dan R., « Data mining on the Web. There's gold in that mountain of data », in The New Architect, 2000. Marcus, Michel, « Points de vue », dans La Délation, Paris, Autrement, no 94, novembre 1987, p. 74-75. [23] Marcus, Michel, « Comme tu as de grandes oreilles... C'est pour mieux t'écouter mon enfant ! », dans La Délation, Paris, Autrement, no 94, novembre 1987, p. 142-151. Skogan, Wesley, « La police communautaire aux États-Unis », in Systèmes de police comparés et coopération (1). Les Cahiers de la sécurité intérieure, 1993. Time Magazine, « Persons of the year », 30 décembre 2002, 6 janvier 2003. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) [25] CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? Première partie Histoire et cas de figure : Régimes politiques et organisations sociales Retour à la table des matières 29 CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 30 [26] Première partie. Histoire et cas de figure : Régimes politiques et organisations sociales 1 “Rome impériale : les délateurs, le prince, le tribunal.” Yann Rivière Retour à la table des matières Comment permettre à un magistrat d'engager une poursuite judiciaire, sinon en portant à sa connaissance l'existence du délit ou la perpétration du crime ? En l'absence de services de police et de ministère public, dans la Rome républicaine, cette tâche incombait essentiellement aux personnes privées 14 . L'instance était introduite par le lésé ou par un tiers « issu du corps civique » (quiuis ex populo) auquel était reconnu ce droit. La démarche de l'accusateur consistait à obtenir du 14 Après l'exclusion du dernier roi, Tarquin le Superbe, en 509 av. J.-C. (suivant la tradition littéraire), et le rejet du modèle monarchique, les Romains instaurèrent une République (509-27 av. J.-C.) dont le gouvernement était assuré par un conseil, le sénat, sur lequel reposait l'autorité principale, des assemblées populaires, les comices, dont le fonctionnement, pour l'essentiel, assurait la domination d'une oligarchie, et des magistrats chargés de l'exécution des décisions prises par « le sénat et le peuple romain ». À l'issue des guerres civiles, en 31 av. J.-C., et sous couvert d'une « restauration » des institutions, s'établit un gouvernement autocratique, le régime impérial. En Occident, celui-ci dura jusqu'aux invasions barbares de la fin du Ve siècle. L'on découpe généralement les premiers siècles de la période impériale en séquences dynastiques, quoique le modèle d'une transmission héréditaire du pouvoir n'ait jamais été, en principe, assumé : les Julio-Claudiens (27-69), les Flaviens (7096), les Antonins (96-192), les Sévères (193-235) auxquels succéda une longue période de troubles, suivie de la dynastie constantinienne à partir de 337, etc. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 31 juge l'autorisation de « porter le nom » (deferre nomen) de l'accusé devant un [27] tribunal. Lorsque le détenteur de l'autorité publique avait accepté de « recevoir » (recipere) cette « déposition du nom » (delatio nominis), le jugement proprement dit était alors soumis à un jury. La production de témoins et la démonstration de la preuve revenaient aux parties. À l'issue du débat, les jurés votaient la sentence qui serait appliquée par le magistrat. Ce modèle antique est bien la preuve, selon Montesquieu, que le principe de gouvernement où puisent les institutions républicaines est celui de la vertu : « À Rome, il était permis à un citoyen d'en accuser un autre. Cela était établi selon l'esprit de la république, où chaque citoyen doit avoir, pour le bien public, un zèle sans bornes, où chaque citoyen est censé tenir tous les droits de la patrie dans ses mains. » Inversement, selon le même auteur, lorsque le gouvernement devient despotique, la crainte est son principe d'action, l'âme des sujets se corrompt. Et l'histoire romaine en apporterait encore la preuve : « On suivit, sous les empereurs, les maximes de la république; et d'abord on vit paraître un genre d'hommes funestes, une troupe de délateurs. Quiconque avait bien des vices et bien des talents, une âme bien basse et un esprit ambitieux, cherchait un criminel, dont la condamnation pût plaire au prince : c'était la voie pour aller aux honneurs et à la fortune, chose que nous ne voyons point parmi nous. » Est-il nécessaire de souligner les impasses d'une approche psychologique et l'idéalisation dont procède, par contraste avec l'Empire, le tableau de la République romaine ? Rappelons seulement que, à cette dernière époque, la généralisation de la procédure accusatoire dans le domaine criminel a coïncidé avec le siècle sanglant des guerres civiles. Les proscriptions 15 , par exemple, ont généralisé l'usage de la délation récompensée, accordée même aux esclaves, sur le modèle ancien de l'état d'urgence, en vertu duquel les garanties procédurales offertes aux prévenus étaient levées. Quant aux tribunaux réguliers, la composition des jurys, la désignation de l'accusateur, l'issue même des procès y ont [28] été l'enjeu de 15 À deux reprises au cours des guerres civiles, des généraux, Sylla en 82 av. J.-C., les triumvirs octave, Marc-Antoine et Lépide en 43 av. J.-C., prirent la décision d'éliminer leurs ennemis politiques en faisant afficher (proscribere) des listes où étaient portés les noms de ces derniers. Des récompenses étaient promises à leurs dénonciateurs ou à ceux qui les assassineraient. Au cours des secondes proscriptions, la tête de l'orateur Cicéron fut exposée sur le forum. Cf. F. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome, Collection de l'École française de Rome, 83, 1985. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 32 conflits politiques violents 16 . Le clientélisme et la concussion n'étaient jamais absents. Mais peu importent les embellissements de cette leçon de morale et de politique puisque, sur le fond, cette page de L'Esprit des lois saisit l'essentiel des traits qui caractérisent la genèse de l'information judiciaire. Les contradictions qu'elle recèle dans ses principes sont mises en lumière : le même geste peut apparaître tantôt comme un service rendu à la communauté, tantôt comme la poursuite d'un intérêt personnel ou la manifestation d'une servilité à l'égard du pouvoir. Si l'étymologie et l'histoire des mots ont un sens, on ne manquera pas d'observer que le terme delator, avec sa connotation dépréciative, est devenu d'un emploi courant lors de la mise en place à Rome d'un régime autocratique, peu avant le commencement de notre ère. Naissance de l'inquisition impériale (Ier-IIIe siècles) Le métier de délateur Peut-on parvenir à identifier ces individus stigmatisés par la littérature antique et comment caractériser leur conduite ? Le nom de délateur, donné à certains personnages par les auteurs anciens, ne refléterait-il que l'hostilité de ces derniers à l'égard de leurs adversaires ? Existe-t-il quelque critère objectif qui distingue ces accusateurs « mal intentionnés », au-delà de la mauvaise réputation qui leur est faite ? Oui, à l'évidence, en dépit du relativisme suggéré par certains Modernes. La soumission aux tyrans - il y en eut - ou à leur entourage a conduit des indivi- 16 Dès le milieu du IIe siècle av. J.-C., la procédure criminelle romaine fut réformée. Les grands procès, autrefois conduits par les magistrats devant le peuple, furent confiés à des jurys recrutés parmi les membres des deux premiers ordres de l'État (les sénateurs et les chevaliers), en concurrence avec la compétence judiciaire du peuple. Dans ces cours d'enquête (quaestiones), la procédure était accusatoire : lorsque le juge avait admis la licéité de la plainte déposée par l'accusateur, au cours d'une première phase du procès (apud iudicem), les parties et leurs avocats comparaissaient devant le tribunal (in iudicio). À l'issue des plaidoiries, les jurés votaient une sentence, en se prononçant sur la nature des faits et non sur la peine requise, puisqu'elle était déjà fixée par les lois suivant le délit. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 33 dus de haut rang à se porter accusateurs lors de grands procès politiques, souvent grâce à la collaboration d'un réseau de dénonciateurs [29] infiltrés à la cour. Ces actions commanditées visaient l'obtention de récompenses honorifiques ou matérielles occasionnées par l'exécution ou le suicide de l'accusé dont les biens étaient confisqués. C'est ainsi que, sous couvert de défendre l'autorité du droit, se serait construit un service du prince fondé sur une activité rémunératrice. Qu'adviendrait-il, en effet, observait un jour l'empereur Tibère (14-37 ap. J.-C.) devant le sénat tout entier, si l'on supprimait les récompenses versées à ces gardiens des lois (custodes legum) ? La marche des tribunaux criminels et l'application des sanctions fiscales en pâtiraient aussitôt. « Ainsi les délateurs, se plaint Tacite, cette engeance inventée pour la ruine de l'État, que les châtiments même n'ont jamais suffi à contenir, étaient attirés par des récompenses. » Le lucre n'était pourtant pas le seul signe de reconnaissance de ces « traqueurs » (uestigatores), selon le mot de Sénèque. Ils s'affranchissaient des règles définissant la conduite aristocratique : trahison des liens de l'amitié (amicitia), rupture de l'équilibre social (concordia), outrage aux relations intrafamiliales (pietas). Les délateurs n'agissaient plus pour se venger ou réparer l'offense faite à un proche, comme le préconisait la tradition aristocratique, mais pour protéger la majesté ou la sécurité de l'empereur. Dès lors le moindre geste d'offense envers une image du prince, le moindre propos critique donnait prétexte à une poursuite. Les delatores allaient rechercher jusque dans les demeures privées les indiscrétions obtenues sous le sceau de l'intimité. Après la poursuite et l'exécution d'un sénateur qui avait été piégé dans sa propre maison en l'an 24 par quelques-uns de ses pairs, l'élite romaine fut en proie à la panique : « On dissimule devant ses proches, écrit Tacite, on fuit les réunions, les conversations, les oreilles connues et inconnues; même les objets muets et inanimés, les toits et les murs, étaient scrutés avec circonspection. » Habiles à recueillir l'information par tous les moyens, les delatores l'étaient tout autant à prendre la parole lors des procès. Lorsqu'ils endossaient les habits de l'accusateur, c'était pour s'affranchir des normes du plaidoyer, bousculer les règles de la rhétorique. Spectateur de leur audace, l'un de leurs contempteurs, Pline le jeune, clôt le portrait qu'il fait d'un délateur célèbre par cette maxime : « Le sentiment des convenances est la faiblesse des esprits droits, l'effronterie la force des âmes dépravées. » Ainsi naquit « cette éloquence de lucre et de sang ». CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 34 [30] Les arcanes du Palatin À partir du règne de Tibère (14-37 ap. J.-C.), dans les premières décennies de l'époque impériale, l'aristocratie fut en proie à la « rage d'accuser » (Sénèque). Sous les Julio-Claudiens et leurs successeurs, bien des sénateurs eurent recours à ce levier pour s'enrichir ou gravir les degrés du cursus honorum. Beaucoup chutèrent, victimes des manœuvres de leurs adversaires ou de la disgrâce impériale, comme le suggère le portrait archétypal de l'un d'entre eux dans les Annales : « Pauvre, obscur, remuant, il réussit, en s'insinuant par des fiches secrètes dans la cruauté du prince, puis en exposant au péril les plus illustres citoyens, à se rendre puissant auprès d'un seul, odieux auprès de tous, et il donna l'exemple de ces gens qui, de pauvres devenus riches, de méprisés redoutables, causèrent la perte d'autrui et à la fin se perdirent eux-mêmes. » Quels parcours individuels le récit de ces luttes aristocratiques permet-il de reconstituer ? Au travers des carrières de délateurs - la biographie de plusieurs dizaines d'entre eux peut être reconstituée assez précisément -, c'est une histoire sociale du pouvoir qui se dessine, celle de l'arbitrage par le prince d'une compétition héritée des guerres civiles. Pour accéder aux honneurs, alors que ceux-ci étaient désormais octroyés par l'empereur (non plus par un vote du peuple), ne pouvait-on pas « briser la concurrence » en recourant aux accusations de lèse-majesté ? L'enceinte de la curie où se réunissait le sénat était la scène publique où se jouaient ces affrontements. Les grands procès de lèse-majesté ou de concussion s'y déroulaient entre pairs, selon une continuité apparente de la procédure avec celle des tribunaux de jurys d'époque républicaine. Le prévenu était confronté à son accusateur et aurait pu ainsi assurer sa défense, tandis que l'assistance votait la sentence à l'issue des débats. Cependant, derrière le respect affiché de cette joute accusatoire, autorisant en principe l'équilibre entre les parties, se mit en place une mécanique inquisitoire (instruction conduite par le juge, secret de l'enquête, défense soumise à un interrogatoire, recherche de l'aveu...) commandée par l'empereur. Celui-ci imposait souvent sa présence, perturbant l'équilibre des par- CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 35 ties. Il recevait surtout, avant même l'ouverture de l'instance, les dossiers qui lui avaient été remis secrètement par les délateurs. Ces documents étaient alors communiqués aux sénateurs, auxquels il ne restait plus qu'à se conformer à la décision de l'empereur. Voici l'affaire : « Donc, lorsqu'on nous lut les rapports de torture établis au sujet de l'inculpé, nous y trouvâmes consigné qui avait présidé aux informations, qui avait raconté le songe, qui l'avait entendu, et, de plus, qu'une des personnes interrogées avait répondu entre autres choses : "J'ai vu un sénateur chauve qui se penchait pour regarder." À ces mots, nous fûmes dans une terrible inquiétude car ce dernier n'avait prononcé le nom de personne et l'empereur n'en avait écrit aucun. » Les juges découvrent donc les pièces à conviction contre un accusé absent, auquel aucun moyen de défense n'est accordé. Mieux encore, ils apprennent que l'un d'eux est complice. L'épisode s'acheva bientôt, lorsque ce second prévenu « fut emmené hors du sénat, déplorant son malheur. Après avoir traversé le forum, il refusa d'aller plus loin... C'est ainsi qu'il eut la tête tranchée, avant que l'empereur fût instruit de sa condamnation ». L'efficacité de ces pièces écrites, archivées dans les bureaux du Palatin, recopiées lorsqu'on feignait de les brûler sur le forum, jamais portées à la connaissance de l'accusé, a donc fini par l'emporter sur le débat (altercatio), réduisant le rôle de la défense à l'énumération de réponses brèves, en forme d'aveux livrés au juge (interrogatio). Le fonctionnement bureaucratique du pouvoir impérial se perfectionnait, le régime de la preuve se matérialisait, la procédure d'enquête était née. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 36 Le fisc, la délation, les patrimoines (ler-Ve siècles) La délation fiscale Parallèlement à l'activité des délateurs de haut rang impliqués dans des poursuites criminelles, les sources littéraires et juridiques font très fréquemment allusion à des personnages anonymes qui renseignent le fisc impérial contre rémunération. C'est Auguste qui aurait introduit ces « gardiens des lois » initialement chargés de veiller au respect des règles matrimoniales instaurées sous son règne et restées en vigueur durant trois siècles, jusqu'à leur abolition par Constantin. Afin d’encourager les [32] mariages et la reproduction des élites, cette législation sanctionnait les célibataires et les couples sans enfants par l'annulation de leurs dispositions testamentaires. Leurs biens étaient alors saisis par le fisc, qui reversait un quart de ce montant aux delatores. Progressivement, ceux-ci ont défendu les intérêts du Trésor impérial dans un grand nombre de domaines, partout où pouvaient naître des contestations concernant un droit de propriété. Sous certains règnes, tel celui de Domitien (81-96), durant lesquels sévit une véritable inquisition fiscale, destinée parfois à financer les opérations militaires, aucune source de revenus n'était négligée. Un pêcheur avait-il attrapé un turbot d'une taille extraordinaire que sans délai le gros poisson devait être livré aux viviers impériaux : « Mettre en vente ou acheter une telle pièce, qui l'oserait ? Les rivages même sont peuplés de délateurs. Postés ici et là, les inspecteurs de plage feraient une méchante affaire au pauvre marin, et n'hésiteraient pas à proclamer qu'il s'agit d'un poisson fugitif, longtemps nourri dans les viviers de César et qui, s'en étant échappé, doit revenir à son ancien propriétaire. » L'incident est imaginé par Juvénal, au lendemain du règne de Domitien, et la prudence la plus élémentaire incite à en relativiser l'exactitude, puisqu'elle vise à dénigrer certains contemporains du poète autant que le gouvernement du tyran. Pourtant, ce trait satirique exploite peut-être une anecdote familière au lecteur de l'époque flavienne. Il témoigne des abus des délateurs du Trésor impérial autant bien que les règlements CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 37 de droit fiscal conservés dans la jurisprudence. Ces textes de droit, recueillis à l'époque byzantine dans le Digeste, confirment les efforts intermittents de la législation impériale pour restreindre les prétentions démesurées du fisc. Répression légale, épurations, interrègnes L'existence des délateurs du fisc témoigne des contradictions inhérentes à la genèse de l'État impérial. D'un côté, en l'absence ou en raison de l'absorption des ressources de l'État pour la protection des frontières, l'application des lois requiert le zèle des personnes privées nécessairement intéressées à la récompense de leurs efforts. De l'autre, un tel système engendre des débordements, la pression fiscale étant accrue par la curiositas des délateurs les pratiques calomnieuses et la corruption. C'est pourquoi certains empereurs ont pu procéder à des remises de dettes en ordonnant de brûler publiquement toutes les créances de [33] l'État : « Un prince qui ne châtie pas les délateurs les encourage », proclamait hautement Domitien au commencement de son règne, avant de recourir, sans mesure, à cette forme de parafiscalité. Avec plus de constance dans la magnanimité, son successeur presque immédiat, Trajan, se fit aussi représenter sur un bas-relief offrant aux débiteurs la remise de leurs dettes. Il avait réprimé de même, avec la plus grande fermeté, les serviteurs zélés du fisc impérial, comme en témoigne un témoin oculaire, Pline le jeune : « Nous avons vu les délateurs poussés dans l'amphithéâtre comme des rôdeurs, comme des brigands. » Au vrai, l'on connaît mal l'impact de ces sanctions collectives dont on suit pourtant la trace jusqu'au règne d'Aurélien (270-274). Dans certains cas, de telles initiatives ont entraîné à leur tour bien des violences arbitraires et des règlements de comptes. « Les délateurs et les accusateurs professionnels prirent la fuite ou furent massacrés par leurs victimes... On ne tua pas peu de monde, et même des gens innocents de tout forfait : en effet on assaillit chez eux des créanciers, des adversaires en justice, et tous ceux contre qui on avait les motifs de haine les plus anodins. » Ces troubles de l'année 238 décrits par Hérodien éclairent les mesures spectaculaires décidées en d'autres circonstances : le châtiment public, accompli sur la place publique ou dans l'amphithéâtre, visait assurément à canaliser les débordements de la plèbe de Rome au lendemain de certains règnes tyranniques. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 38 À partir de Constantin, lorsque les lois matrimoniales d'Auguste furent supprimées, les délateurs n'en continuèrent pas moins de défendre les intérêts du Trésor dans d'autres domaines. Régulièrement menacés de la peine de mort, ils furent tout aussi régulièrement encouragés dans leur activité par l'attribution de récompenses, jusqu'à ce qu'un empereur de la fin du IVe siècle adopte cette mesure bien révélatrice des contradictions suscitées par l'emploi de la délation : « En outre nous ajoutons ceci à la profession de haine par laquelle nous exécrons toutes les délations dans leur ensemble : si le même individu a été reconnu malgré tout pour la troisième fois comme un délateur, même dans les bonnes causes, après la victoire de la troisième dénonciation, qu'il soit châtié par une punition capitale »... Une économie prédatrice Sous l'Empire, une part importante des dépenses du gouvernement était assurée par les héritages, les biens vacants (en raison de la législation [34] matrimoniale sanctionnant les célibataires et les couples sans enfants), les propriétés enlevées aux condamnés. Ainsi, les délateurs agissant devant les tribunaux criminels et ceux qui servaient le fisc ont-ils pourvu ensemble aux ressources de l'État. Certaines périodes ont été marquées simultanément par une recrudescence de la délation fiscale et par la multiplication des confiscations dans les rangs de la noblesse sénatoriale. D'énormes patrimoines ont été saisis, comme sous le règne de Néron lorsque la condamnation à mort de trois sénateurs, coupables de lèse-majesté, fit entrer dans le domaine, selon Pline l'Ancien, « la moitié de l'Afrique proconsulaire » (la Tunisie actuelle). Aucune histoire quantitative, aucune approche statistique n'est ici possible, mais l'analyse de situations de crise permet de définir des conjonctures que l'on pourrait mettre en rapport avec les fluctuations des profits de guerre. Les usurpations ont souvent aussi nécessité la mobilisation de tous les moyens dans de brefs délais afin de l'emporter dans des guerres civiles qui se déroulaient à l'échelle de la Méditerranée. Que l'on songe aux manœuvres de Vespasien en Orient, en 70 ap. J.-C. - « ce n'était partout que délations, et les plus riches étaient saisis comme une proie ». Deux siècles et demi plus tard, en 312, les abus de Maxence en Italie ou en Afrique ont servi la propagande de son adversaire CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 39 vainqueur, Constantin : « Qu'un terme soit mis au plus grand des maux de la vie humaine, l'exécrable fléau des délateurs »... Autocratie et contrôle bureaucratique (IIe-Ve siècles) Épanouissement de la procédure d'enquête L'activité des délateurs impliqués dans les grands procès politiques sous les Julio-Claudiens (14-69 ap. J.-C.) dépassait rarement le cercle des élites et de la cour impériale. Étaient en jeu le gouvernement de l'Empire et la sécurité du prince dont la position, en l'absence de principe dynastique clairement défini, demeurait fragile. Or le modèle de procédure inquisitoriale forgé dans ce cadre étroit où les tensions étaient les plus fortes, très vite, s'est aussi développé devant les tribunaux provinciaux et à tous les niveaux de la société. Alors que la référence au principe de l'accusatio, laissant l'initiative de la poursuite à une personne privée, subsistait théoriquement, peu à peu, le déploiement des bureaux des gouverneurs a généré le développement de la [35] poursuite d'office (ex officio) conduite par des représentants des pouvoirs publics. Elle est attestée, notamment, par le dossier des persécutions contre les chrétiens (IIe,-IIIe, siècles), puis contre les hérétiques (IV-V, siècles), ou encore dans plusieurs domaines touchant au maintien de l'ordre dans les provinces. Au milieu du IVe siècle, la fonte ou le transport d'espèces monétaires étaient ainsi surveillés : « Nous ordonnons que les ports et les différents points de la côte où l'accès a été rendu par la coutume très facile aux navires, et que les voies de passage terrestres soient gardés par des appariteurs appropriés [...] afin que, la vérité ayant été mise au jour, les gouverneurs des provinces punissent les coupables en appliquant les lois. » Désormais, la justice se saisissait aussi « elle-même » par le biais des représentants de l'ordre. Encore fallait-il que ces derniers fussent « informés » des crimes perpétrés dans leur circonscription. Dans bien des domaines, tels que le crime contre l'État (fausse monnaie, désertion), la religion (haruspicine, hérésie) ou l'ordre familial (rapt, adultère), les empereurs menaçaient les contrevenants ou leurs CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 40 complices des pires supplices. Ils promettaient des récompenses aux dénonciateurs et accordaient même toute latitude aux esclaves. Encore fallait-il rassurer les auteurs de dénonciations sur le fait qu'ils ne couraient aucun risque, de la part des pouvoirs publics, à convoiter la rémunération promise : « Nous estimons, annonce la chancellerie constantinienne en 319, que l'accusateur de ce crime n'est pas un délateur, mais qu'il mérite plutôt une récompense. Ce dernier était d'ailleurs contraint, sous peine d'encourir le grief de neglegentia, de poursuivre son enquête afin de saisir les intentions du calomniateur ou de l'auteur du libelle, de vérifier que rien de plus grave ne se tramait dans l'ombre, qu'aucune complicité ne demeurait inconnue. Les mêmes lois qui fulminent la crémation des libelles et ordonnent l'oubli de leur contenu prescrivent non seulement de punir leurs auteurs, de vérifier leurs motifs, mais aussi d'authentifier l'innocence des personnes visées. Par conséquent, la lutte affichée contre la délation informelle n'entravait jamais la recherche de l'information, quitte à contredire les principes qui présidaient au déroulement de la procédure criminelle. Le refus de l'anonymat se nourrissait d'exigences morales. Il contribuait surtout à économiser les moyens du tribunal en offrant au juge le plus court chemin dans son enquête et un contrôle immédiat du dénonciateur. Inquisiteurs et délateurs Les rouages de l'inquisition, tels qu'ils s'épanouiront en Occident à partir de l'époque médiévale ou tels qu'on peut les identifier encore dans le droit pénal contemporain, sont en place. Pour l'époque [37] envisagée, en raison de la nature autocratique de l'État romain, ils expliquent aussi le déroulement de procès en chaîne. Une première dénonciation provoque l'arrestation d'un ou de plusieurs prévenus, des aveux sont obtenus par la torture, faisant rebondir l'enquête et découvrir d'autres crimes, jusqu'à ce que les investigations s'éteignent, parfois seulement lorsque le juge est promu, déplacé, ou tombe... victime lui-même d'une dénonciation. Le récit des procès de Rome (368-376) ou d'Antioche (371-372) montre aussi que, à la différence de ce qui se produisait encore au début de l'Empire, les poursuites se déroulent entièrement à huis clos, et que le secret a envahi la procédure de bout en bout. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 42 Bien des dénonciations ponctuent le récit de l'historien Ammien Marcellin, qui compose son histoire dans la deuxième moitié du IVe siècle. Elles émanent souvent des membres de l'administration contre leurs supérieurs. Lorsqu'elles aboutissent, le dénonciateur est aussi récompensé par une promotion dans l'échelle de cette administration ou... une rallonge de service : alors qu'il assistait à un banquet offert par le gouverneur de Pannonie en 355, un agent de renseignements (agens in rebus) devint le témoin de propos hostiles à l'empereur Constance. Il en informa aussitôt un haut fonctionnaire. Ce dernier négocia auprès du prince sa récompense : « Cela fait, ce funeste délateur, désirant plus vivement ce qui était défendu - tel est l'usage des hommes - reçut l'ordre, comme il l'avait demandé, de continuer pendant deux années le service qu'il assurait. » Or des épisodes de ce type illustrent une dynamique propre au fonctionnement bureaucratique de l'Empire tardif, comme le révèle l'examen de la législation. Selon les exigences de l'inquisitio, ce n'est plus l'accusateur qui tente de l'emporter sur la partie adverse par l'exposé des griefs. La défense est contrainte de répondre à l'interrogatio d'un juge, devenu responsable de l'issue de l'enquête. En dernière instance, l'échec de la poursuite lui incombe, comme elle incombait autrefois à l'accusateur. il est donc tenu de manifester assez de zèle pour ne laisser aucun délit impuni. Aussi, ces juges - entendons les gouverneurs placés à la tête des circonscriptions provinciales - se trouvent-ils exposés aux dénonciations des membres de leurs bureaux (officia). Ces derniers sont incités à faire connaître aux organes centraux de la chancellerie impériale ou à la tête des services (les préfets du prétoire) toute forme [38] d'impéritie, de déni de justice ou de corruption qui caractériserait l'activité de leur supérieur immédiat. Chaque bureau provincial encourt une sanction collective au cas où une faute serait découverte (sur la dénonciation d'un particulier) qui n'aurait pas été révélée à temps. L'autorité du gouverneur est ainsi en quelque sorte court-circuitée par le pouvoir central. Mieux encore, les bureaux des gouverneurs ont bientôt accueilli à leur tête des « agents de mission » (agentes in rebus) relevant directement d'un haut fonctionnaire (le maître des offices). Or ces surveillants de la vie administrative et judiciaire des provinces étaient aussi tenus par la responsabilité collective qui pesait sur tous les membres du bureau. Le but de ce dispositif était double, puisqu'il permettait à la fois de lutter contre la force d'inertie et le repli de la collectivité formée par l'officium, et d'assurer une circulation verticale de l'information en recourant à un CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 43 agent indépendant du gouverneur, qui était en même temps son plus proche collaborateur. Quelle était la sanction encourue ? Une lourde amende, le plus souvent, d'une valeur double pour l'ensemble du bureau à celle infligée au juge. Mais l'on ne s'étonnera pas de voir, ici aussi, le trouble à l'ordre impérial désigné comme un sacrilegium, une atteinte au prince, représentant de Dieu sur terre. Dès lors la seule punition possible était l'exécution capitale, ordonnée par le souverain et explicitement désignée dans ses lois comme la manifestation d'une « vengeance divine ». Au dernier siècle de l'Empire, la délation se trouva donc en quelque sorte étatisée. Étatisée, bureaucratisée, soumise à un contrôle totalitaire ? Appliqué à l'Empire romain tardif, autrefois déprécié par les Modernes, ce dernier terme est certainement anachronique. Dans la longue durée, cependant, l'effort du souverain romain illustre, en dépit des nombreux obstacles matériels qu'il rencontre, la dynamique institutionnelle suggérée par Michel Foucault, selon laquelle « la vocation de l'État c'est d'être totalitaire, c'est-à-dire finalement de faire un contrôle précis de tout ». Yann Rivière CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 44 [39] Première partie. Histoire et cas de figure : Régimes politiques et organisations sociales 2 “Délation, dénonciation et dénonciateurs en URSS.” François-Xavier Nérard 17 Retour à la table des matières S'il est un phénomène qui tient une place particulière dans l'imaginaire russe et dans la perception du passé soviétique par nos contemporains, c'est bien celui de la délation. « Gène 18 » russe pour certains, pandémie pour d'autres, la délation est au cœur des descriptions de la Russie soviétique. Les évocations du phénomène abondent dans la littérature, dans les Mémoires aussi bien que dans les ouvrages scientifiques. Acte en théorie secret, longtemps protégé par des archives hermétiquement fermées, la délation s'impose pourtant comme une « évidence » à ceux qui parlent de l'URSS. La réalité de la dénonciation est cependant longtemps restée mal connue : la rareté des sources disponibles rendait en effet impossible toute étude approfondie. 17 18 Pour une présentation plus précise du phénomène dans les années 1930, on consultera François-Xavier Nérard, Cinq pour cent de vérité, Paris, Tallandier, 2004. Voir Sergueï Korolev, Donos v Rossii. Social'no-filosofskie ocerki (La dénonciation en Russie. Essais d'analyse sociale et philosophique), Moscou, Progress-Mul'timedia, 1996, 238 p. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 45 Les nouveaux fonds d'archives accessibles aux chercheurs depuis une quinzaine d'années permettent de reprendre cette étude. La situation est certes encore imparfaite : la Russie n'a pas procédé sur ces questions à une vaste ouverture comme cela a pu être le cas en Allemagne [40] par exemple. L'inaccessibilité des archives de la police politique empêche notamment pour longtemps encore de saisir le phénomène dans toute sa complexité. Les sources dont nous disposons permettent cependant de mieux le comprendre. Cette étude se centre sur 1'URSS d'avant-guerre, où se mettent en place les grands traits d'une pratique qui perdurera, tout en connaissant de nombreuses inflexions. Si délation et dénonciation se retrouvent tout au long XXe siècle russe et soviétique, les années 1930 jouent cependant un rôle particulier : la pratique de la délation y connaît son acmé. Devient-elle pour autant « un trait organique et indissociable du système totalitaire en formation dans le pays 19 » ? La première leçon des archives peut paraître surprenante : la délation est en effet à la fois partout et nulle part. Il serait vain de chercher quantité de lettres anonymes, courtes et violentes. En revanche, de nombreuses lettres de plainte, longues et signées, contiennent quelques lignes qui tiennent de la délation. Les pages des journaux sont remplies d'articles qui mettent en cause des individus, parfois de façon extrêmement violente. Les journaux muraux dans les usines livrent à la vindicte des ouvriers les noms de ceux qui ne respectent pas la discipline du travail ou sont accusés de sabotage... 19 Nikolaï Tepsov, « Tajnyj agent Iosifa Stalina » (Agent secret de Joseph Staline), in Neizvestnaja Rossija (Russie Inconnue), Moscou, p. 58. CITOYENS ET DÉLATEURS. La délation peut-elle être civique ? (2005) 46 Enraciner 20 une pratique sociale La délation en Russie n'est pas qu'un phénomène du XXe siècle communiste. Sans pour autant tomber dans l'excès inverse d'une singularité russe de la dénonciation, il importe de souligner que la révélation au pouvoir est bien une pratique récurrente et installée de la société russe depuis le Moyen Âge. Dès le XIVe siècle, des princes s'engagent par serment à partager toutes les informations en leur possession. Progressivement [41] ces obligations réciproques deviennent l'une des clauses des serments que les souverains moscovites exigent de leurs sujets les plus importants. L'obligation de dénoncer « parole, trahison ou désordres collectifs 21 » qui porteraient atteinte au souverain devient une loi du royaume en 1649. En 1711, Pierre le Grand institue les fiskaly, des fonctionnaires chargés de lutter contre les abus de pouvoir dans l'administration et qui dans leurs activités ont largement recours à la délation. Sans multiplier les exemples 22 , on voit bien que le phénomène plonge ses racines dans la longue durée de l'histoire russe. Lorsque les bolcheviks prennent le pouvoir, ils n'inventent pas la délation. Elle est l'un des moyens auxquels le pouvoir russe a traditionnellement recours pour s'informer, pour contrôler.
8,400
26/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01812622-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,500
12,442
25 LE MEDECIN GENERALISTE FACE A LA SANTE DE SES PROPRES PARENTS, PERE ET MERE: SON POSITIONNEMENT, SES DIFFICULTES, SON RESSENTI. THESE POUR LE DOCTORAT DE MEDECINE GENERALE (DIPLOME D'ETAT) PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT Le 30 mars 2017 Par Anne-Charlotte LEFRANC née le 22/11/1989 Président du jury : Monsieur le Professeur Bernard BOUDAILLIEZ Juges : Monsieur le Professeur Henri SEVESTRE Madame le Professeur Claire ANDREJAK Monsieur le Docteur Maxime GIGNON Mon sieur le Do cteur Charles SABBAGH Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Patrice NOUGEIN 2 A mon président de jury , Monsieur le Professeur Bernard BOUDAILLIEZ , Profess eur des Universités-Praticien Hospitalier (Pédiatrie) Pôle "Femme - Couple - Enfant" Officier dans l'Ordre des Palmes Académiques Vous me faites l'honneur de présider le jury de ma thèse, et vous avez manifesté un intérêt certain au sujet de cette thèse. C'est pour moi et mes parents, qui vous estiment beaucoup, avec beaucoup de sincérité que je vous adresse mes remerciements et mon profond respect. 3 A mon juge, Monsieur le Professeur Henri SEVESTRE, Professeur d'Anatomie et de Cytologie Pathologiques à l'UFR de Médecine d'Amiens Chef de Service d'Anatomie et Cytologie Pathologiques du CHU d'Amiens Picardie Adjoint au chef de l'Oncopôle, Vous me faites l'honneur d'examiner ce travail, recevez à cette occasion mes sincères remerciements. 4 A mon juge, Madame le Professeur Claire ANDREJAK, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier (Pneumologie) J'ai eu l'occasion de vous connaitre en stage, en cours, et aussi lors des consultations où j'accompagnais ma mère. Vous avez manifesté un intérêt certain devant mon travail, justement peut être puisque je m'étais investie à l'époque dans l'arrêt du tabac de ma mère en l'accompagnant à votre consultation. J'ai toujours été admirative de votre parcours et de votre écoute concernant les patients. Je vous remercie d'avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse malgré votre congé maternité. Veuillez trouver ici le témoignage de ma plus grande reconnaissance. 5 A mon juge, Monsieur le Docteur Maxime GIGNON, Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier Epidémiologie, économie de la santé et prévention Vous avez accepté de juger aujourd'hui mon travail, et je vous exprime ici toute ma gratitude. 6 A mon juge, Monsieur le Docteur Charles SABBAGH, Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier (Chirurgie digestive) Vous m'avez fait l'honneur d'accepter d'être membre de mon jury, et je vous en remercie sincèrement. 7 A mon directeur de thèse, Monsieur le Docteur Patrice NOUGEIN, Docteur en médecine, enseignant. Vous avez été le premier médecin généraliste chez qui j'effectuais mon stage de premier niveau lors du DES de Médecine Générale; vous m'avez montré à travers ce stage que la médecine générale était passionnante et que sa pratique pouvait être réellement diversifiée à travers différents DU, DESC qui complètent nos connaissances sans cesse. Vous m'avez alors confortée dans l'idée que la médecine générale était spécialité qui me convenait le mieux et dans laquelle je m'épanouirais dans mon travail au quotidien. Merci d'avoir accepté d'être mon directeur de thèse, et de m'avoir aidée dans ce travail. 8 A Madame le Professeur Boulnois, J'ai réalisé chez vous aussi un de mes premiers stages de médecine générale, et vous m'avez alors mis devant le fait accompli en me laissant d'ores et déjà lors de mon second semestre d'internat, seule devant des patients à devoir les gérer, cela m'a permis d'être face à mes responsabilités, et aussi de confirmer mon intérêt pour ce métier. A Monsieur le Docteur Albert Toussé, Chez vous aussi, j'ai réalisé un de mes premiers stages de médecine générale, et vous m'avez vous aussi montré la diversité de notre pratique de médecin généraliste grâce à vos différentes spécialisations, que vous n'utilisez qu'à bon escient. Merci de m'avoir aussi montré que la médecine générale était la spécialité qui me convenait. A Monsieur le Docteur Jean-Daniel Barraud de Lagerie, J'ai passé à Friaucourt un excellent stage de médecine générale de niveau 2, vous m'avez appris ce qu'était le médecin de campagne et de famille, vous m'avez fait confiance pour mes premiers remplacements, vous m'avez redonné confiance en moi après un stage en pédiatrie qui m'avait décontenancée, vous m'avez montré que je serais un bon médecin généraliste, pour tout ça je vous dis un grand merci. Et merci aussi pour la découverte de Ault et de ses magnifiques falaises! Mille mercis! A Monsieur le Docteur Gilles Dussart, Merci pour cet excellent stage de médecine générale de niveau 2, merci pour nos longues discussions sur la vie et la médecine. Merci pour la découverte plus profonde du Crotoy et de ses habitants. Merci de m'avoir vous aussi donné confiance en moi, de m'avoir fait confiance lors de mes quelques remplacements. Merci de m'avoir appris cette phrase qui reste maintenant pour moi l'une des plus importantes que je me répète presque chaque jour « ce n'est pas parce que les choses sont difficiles qu'on n'ose pas, c'est parce qu'on n'ose pas qu'elles sont difficiles ». Mille mercis pour tout! Et merci à votre épouse, Marie-Josephe avec qui j'ai pris plaisir de partager tous nos repas du midi. A Monsieur le Docteur Christophe Devos, Merci pour ce dernier stage en médecine générale, et des moments passés au cabinet. Merci à tous les médecins que j'ai rencontrés au cours de mes stages hospitaliers, qui m'ont motivée, m'ont appris, m'ont aidée. Merci à tous les médecins qui ont pris du temps pour répondre à mes entretiens sans qui mon travail n'aurait jamais pu avoir lieu. A mes , Mama , Papa là de m avoir soutenue tout au long de mes études, et d'avoir été là à chaque fois, d'avoir supporté mes sautes d'humeur pendant les périodes d'examens! Merci d'être là chaque jour, je vous aime. Et merci d'avoir été la source d'inspiration de cette thèse, ce n'était pas facile de trouver un sujet attrayant et travailler sur ce thème m'a beaucoup plu. Merci maman pour tes précieuses relectures de mon travail et tous tes bons conseils. A mon frère jumeau Thomas , Mon Tchouchou, sans toi, je ne serais pas ce que je suis aujourd'hui, tu nous as appris à tous dans la famille l'amour de l'autre, dans sa différence. Tu m'as permis je pense d'être à l'écoute de mes patients, d'avoir l'empathie souvent dont on me qualifie. Je ne serais pas la même si nous n'étions pas sortis du ventre de maman le même jour, si tu n'avais pas été la surprise que personne n'attendait. Pour rien au monde, je n'aurais changé mon frère jumeau et tu restes et resteras la personne la plus importante de ma vie. Oui nous avon s ce lien indescriptible qui nous unit nous les jum eaux! Je te souhaite aussi bon vent où Dieu t'enverra, et sache que je serai toujours là pour toi quoiqu'il en soit. A ma soeur Marie , Merci Marie de m'avoir fait découvrir ton métier lors de mon stage en gynécologie, de m'avoir invitée chez vous pour que je puisse remplacer dans votre magnifique région qu'est la Baie de Somme. Merci d'être là et de me faire aussi découvrir une médecine un peu moins scientifique! Même si je n'en suis pas toujours convaincue, je ne suis pas hostile à des pratiques dites naturelles. Merci aussi pour tous les bons moments partagés ensemble. A ma soeur Emmanuelle, Merci pour tout, merci d'avoir toujours été là, lors des examens, de mes études, pour tes ondes magiques, tes grigris porte-bonheur sur mes trousses, pour nos tea-time, nos sessions shopping ou bien m'apprendre comment me mettre en valeur avec mes premiers maquillages. Merci d'avoir été là et de m'avoir soutenue tout au long de mes études, et merci de m'avoir aidée dans la relecture de cette thèse. Ton avis m'est toujours précieux. A mes autres frères, Pierre, Michel, Matthieu, Merci pour tous les moments passés ensemble, que ça soit, en mer avec les sessions kitesurf pour certains ou lors de parties de jeux de société endiablées. Merci d'avoir partagé tous ces bons moments ensemble, et merci pour les prochains à venir! 10 Merci Michel de m'avoir fait partager ta passion du métier de médecin, tu restes pour moi un modèle puisque malgré tous tes titres et premières mondiales, tu restes d'une humilité sans pareille. A mes beaux-frères, Maxime, Nicolas, et mes belles-soeurs, Ségolène, Lucie, Merci d'être là et de rendre mes frères et soeurs heureux au sein de leur famille. A mes petits neveux, Elouan, Henri, Martin, Baptiste, Théophile, Gaspard et à ma nièce Louise, Merci de nous avoir mis de la joie et de la bonne humeur pendant les réunions de famille. A Nathan, Mon Rondoudou d'amour, toi qui partages ma vie depuis presque 5 ans avec qui nous allons commencer notre nouvelle vie à la mer dans très peu de temps et avec qui nous allons fonder dans quelques mois une famille avec notre petit « baby » qui pousse dans mon ventre. Merci pour tous ces moments de bonheur que nous passons ensemble, désolée parfois d'être chiante (mais il faut dire aussi que tu n'es pas facile tous les jours!). Merci d'être là, de m'aimer comme je suis et maintenant plein de beaux projets arrivent en même temps, what' else? A mes presque beaux parents (Nathan on se marie quand?), Véronique et Dominique, Merci d'être là, de m'avoir acceptée parmi les vôtres, de m'accueillir chez vous pendant cette période de transition Somme - Pas de Calais. Merci pour votre relecture à quatre yeux. Au reste de ma belle famille, Hélène, Julien, Lison, Pia, Félix et Marion Merci de m'avoir acceptée au sein de votre famille, merci pour tous les bons moments partagés ensemble. A mes oncles et tantes, Merci à Jean-Michel et Fédérico qui avez toujours été là et chez qui j'ai pu réviser ma première année de médecine au bon air des Flandres et du Mont Noir. Merci à Brigitte et « mon Oncle Luc » d'avoir toujours cru en moi, merci à Babar, Nicole et tous les autres d'avoir toujours été là pour nous et notre famille. A mon parrain et sa femme, Bernard et Claude, Merci d'avoir toujours été là depuis ma naissance, et d'avoir veillé sur moi. Aux amis de mes parents, Merci à Marie-Brigitte et Bertrand qui m' ont accueil lie chez eux pour me faire ré viser au bon air de la campagne de Welles -Per ennes pendant ma première année de médecine, aux deux MarieChristine, à Bri gitte et Daniel qui avez été des amis fidèles de mes parents depuis notre naissance. A mon amie d'en fance, Flore Merci Bobylou d 'être là depuis toujours , même si nous nous voy ons peu, je sais que je p eux toujours compter sur toi , et c'est toujours un plaisir de vous retrouver toi et ta petite famille . A mes amis du lycée, Alix, Justine, Luc, Claire, Merci pour tous ces bons moments passés ensemble au Sacré-Coeur, je prends toujours plaisir à vous retrouver dès que possible à Paris, à Lille, ou bientôt chez nous à la mer! A mon amie du lycée, Coline Merci Coline, pour toutes ces années passées ensemble, à papoter, à manger des kinder surprise, à refaire nos vies autour d'un bon cocktail au rétroviseur ou ailleurs, que tout cela continue encore et encore! A tous mes amis de médecine, Flore, Eva, Clément, Alice, Ludo, Anaïs, Maxime, Hélène, Clément, Ophélie, Nicolas, Marion, Mahaut, Noémie, Margot, Clara, Suzanne Merci pour toutes les soirées, et les moments passés ensemble, que ce soit au Niger, en Ecosse, à Budapest, au ski, à Amiens, à l'île de ré, à Nantes, à Lille et j'en passe, merci pour tous ces moments qui ont rendu agréables les études médicales. Merci à mes co-internes grâce à qui j'ai pu passer de très bons stages hospitaliers, je pense notamment à Camille, Soumaya, Ornella, Marine, sans oublier Elodie mon externe de pharmacie préférée. INTRODUCTION 15 17 A. Choix de la méthode 17 B. Constitution de l'échantillon 1. Population étudiée 2. Recrutements des participants 17 17 17 C. Mode recueil des données 1. Les entretiens 2. Le script d'entretien 3. La retranscription des entretiens 18 18 18 19 D. 1. 2. 3. 19 19 19 19 Méthodes d'analyse des résultats Analyse descriptive-interprétative Triangulation des données Saturation des données RESULTATS 20 A. Présentation des participants de l'étude 20 B. Les médecins ayant fait le choix d'être médecin traitant de leurs parents 22 Pourquoi? Les différents degrés d' implication Les limites et difficultés rencontrées dans la prise en charge médicale de leurs parents Les avantages d'être leur médecin traitant Les inconvénients d'être leur médecin traitant La prise en charge du reste de la famille Leurs conseils 23 25 26 27 29 32 33 C. Les médecins ayant fait le choix de ne pas être médecin traitant de leurs parents 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 34 Pourquoi? 34 Les avantages de ne pas être leur médecin traitant 40 Les inconvénients de ne pas être leur médecin traitant 41 Les différents degrés d'implication dans la prise en charge médicale de leurs parents malgré tout 41 Les limites ressenties s'ils devaient prendre en charge leurs parents 45 Leur regard par rapport à la santé du reste de leur famille 45 Leurs conseils 47 13 DISCUSSION 48 A. Méthode de l'étude: intérêts et limites 48 1. Forces de l'étude 2. Biais 48 48 B. Les résultats 49 1. 2. 49 49 C. Les résultats qui se recoupent Les autres idées qui ressortent Comparaison avec les données de la littérature 51 1. Les études concernant les médecins 2. Les études concernant la famille du généraliste 3. Les études étrangères 51 53 54 D. Textes de loi et cadre réglementaire 55 E. CONCLUSION ANNEXE 57 BIBLIOGRAPHIE INTRODUCTION: Durant mes études de médecine, et encore aujourd'hui, je me suis posé plusieurs fois la question de la santé de mes proches. Faut-il s'impliquer, dans quelles mesures et quel est notre rôle en tant que médecin et proche auprès des siens? A l'occasion d'un cours de DES de médecine générale, un médecin généraliste faisait écho à une interrogation d'un étudiant et nous avait conseillés de ne pas soigner nos proches, que ce soit la famille ou les amis. Il argumentait par le fait que la situation était ambiguë et nous conseillait de bien cadrer les choses si nous étions amenés à le faire pour éviter des situations délicates. Or, au fur et à mesure du temps, je me rends compte que je suis de plus en plus sollicitée par mes proches, pour un conseil, ou un dépannage d'ordonnance. J'ai moi-même essayé de m'impliquer dans la santé de mes parents, mais je me suis rendue compte que ce n'était pas si facile et que la tâche de leur médecin généraliste n'était pas aisée. Je ne souhaitais pas forcément les soigner pourtant j'aurais bien voulu leur faire bénéficier de mes connaissances en médecine. Cependant j'ai toujours craint que ma perception ne soit un peu altérée, et cela quelque soit le membre de ma famille. C'est ainsi que j'ai été amenée à faire cette thèse et que j'ai décidé d'interroger mes confrères pour savoir quelle était leur attitude face à la santé de leurs propres parents, quels étaient leur positionnement, leur implication, et voir ainsi leur ressenti, leurs difficultés face à la situation. L'objectif principal de cette thèse est d'étudier la position qu'occupe le médecin généraliste face à la santé de son propre parent. Est-il le médecin traitant de ses parents, quelle place occupe-t-il dans leur santé? Les objectifs secondaires sont d'évoquer le ressenti, les difficultés et les limites à prendre en charge médicalement soi-même ses propres parents (père et mère). Rappelons avant de commencer quelques définitions de base. D'après la WONCA [1], le médecin généraliste a la responsabilité de fournir des soins complets à toute personne qui en fait la demande et d'organiser l'accès aux soins auprès d'autres professionnels si besoin. Il doit accepter tous ceux qui cherchent à obtenir des soins quelque soit leur âge, leur sexe et leurs pathologies. MATERIEL ET METHODE A. Choix de la Méthode: Ce travail repose sur une étude qualitative menée auprès de médecins généralistes, grâce à la réalisation d'entretiens semi dirigés. La recherche qualitative a pour objectif d'étudier les représentations, comportements des fournisseurs et consommateurs de soins, elle permet également d'explorer l'expérience vécue par les acteurs du système de soins (soignants, patients, aidants). C'est cette méthode qu'on utilise pour aider à comprendre les phénomènes sociaux et ainsi de saisir le sens que les individus attribuent à leurs actions. [6] En effet, l'étude qualitative est le type d'étude de choix dans l'évaluation des comportements psycho-sociaux et ainsi d'accéder à la sphère privée de l'interviewé. La recherche qualitative est une démarche déductive et interprétative puisqu'elle génère une hypothèse à partir de faits observés. Le chercheur transforme alors le monde empirique, brut et désordonné de l'expérience en un monde organisé d'idées et de concepts. [7] Cette méthode nous paraissait la plus appropriée pour recueillir les informations portant sur le ressenti, le positionnement, les avis et expériences des médecins généralistes face à la santé de leurs propres parents. B. Constitution de l'échantillon 1. Population étudiée L'étude a été menée auprès de 14 médecins généralistes, et nous avons tenté de diversifier les participants selon leur sexe, leur âge, leur mode d'exercice (urbain, semi rural ou rural) et par leur situation d'être médecin traitant ou non de leurs propres parents. Chaque médecin généraliste était diplômé d'un doctorat de médecine générale et exerçait la médecine générale en cabinet. 2. Recrutement des participants Par un souci pratique et pour optimiser le nombre de réponses favorables, j'ai d'abord interrogé des médecins généralistes que je connaissais, que ce soit personnellement, ou bien par les différents stages ou remplacements effectués, et ensuite, l'échantillonnage s'est réalisé au hasard, et par effet boule de neige. Les médecins ont alors été contactés par téléphone et le thème du sujet leur a été confié, à savoir « le médecin généraliste face à la santé de ses propres parents: père et mère ». Les médecins répondaient alors favorablement ou non pour qu'un rendez vous soit prévu pour réaliser l'entretien. 17 Les différents médecins généralistes avaient été contactés par téléphone et un rendez-vous sur le lieu et l'heure de leur choix avait été convenu. C. Mode de recueil des données: 1. Les entretiens Dans ce cadre de l'étude qualitative, il existe deux types de recueil de données, soit l'observation indirecte ou directe, soit l'entretien qui peut alors soit être individuel ou en focus groupe. Devant le thème personnel abordé, il est paru évident que chaque médecin interrogé devait s'exprimer le plus librement possible sans que sa pensée soit perturbée par un autre intervenant. C'est donc par entretien individuel dit « semi-dirigé » que les données ont été recueillies. Dans l'entretien semi-dirigé, le chercheur utilise une grille pré-établie de questions ouvertes, appelée, canevas ou script d'entretien. [8] Chaque question du script était posée une à une, et le but était de laisser parler l'enquêté, de l'encourager à développer ses idées et à citer des exemples. Chaque « blanc » était respecté, et parfois une reformulation était réalisée pour vérifier la bonne compréhension du discours. Les entretiens se sont déroulés entre juin 2016 et novembre 2016. Les entretiens avaient une durée moyenne de 30minutes, au minimum, un entretien avait duré 20min, au maximum, 49minutes. Chaque entretien était enregistré à l'aide d'un dictaphone et était anonymisé. Enfin, à la fin de chaque entretien était proposé aux participants un envoi par email de la thèse. 2. Le script d'entretien Un script d'entretien avait été rédigé au mois d'avril 2016, validé par le DES de médecine générale d'Amiens. (annexe) Ensuite, le script avait été testé auprès de deux volontaires, un médecin généraliste installé et un remplaçant en médecine générale pour évaluer la fluidité du script et la durée approximative d'un entretien. Le script d'entretien était composé de 13 questions avec des questions de relance. Le script tenait compte du fait que le généraliste soit médecin traitant ou non de son parent et comprenait différentes parties: les caractéristiques du médecin généraliste et de sa relation avec ses parents, les choix qui l'avaient poussé ou non à être le médecin traitant de son parent, les degrés d'implication selon le contexte et son ressenti. 3. La retranscription des entretiens L'auteur a réalisé sur ordinateur une retranscription des données de type verbatim, c'est à dire mot à mot, sur le logiciel Pages de Mac avec retranscription des aspects non verbaux (rires, pleurs, attitude mal à l'aise si besoin), et des silences; ce qui est l'élément constituant la donnée-même pour l'analyse. D. Méthode d'analyse des résultats 1. Analyse descriptive-interprétative, méthode phénoménologique [9][10] Les entretiens ont été analysés au fur et à mesure, permettant alors de revoir si le script d'entretien était correct ou s'il fallait modifier la façon de poser certaines questions. Chaque entretien a été transcrit mot à mot, puis lu et relu afin d'y mettre des annotations et au fur et à mesure faire ressortir les idées ou thèmes saillants puis de classer les idées par thématique. Par choix personnel, l'analyse a été réalisée de façon manuelle, après impression papier de tous les entretiens, à l'aide de schéma colorisé, c'est ce qu'on appelle le codage ouvert [11][12]. On prend alors des fragments de phrase qui ont un sens et on regroupe ces fragments de phrase par catégorie. Chaque catégorie doit contenir des éléments pertinents, exhaustifs (tout le texte doit être codé), exclusifs (un même élément du contenu ne peut pas appartenir à 2 catégories) et objectifs. Le codage s'intéresse donc aux mots, à leur contexte, à leur fréquence d'utilisation, à leur intensité. [6] La démarche même avec les logiciels reste identique, le chercheur doit identifier le début et la fin des passages pertinents, les coder et les classer par thématique. Les thèmes dégagés de l'analyse des verbatims ont servi de structure pour élaborer le plan de présentation des résultats. 2. Triangulation des données [13] Enfin, afin d'assurer la validité de l'étude, une triangulation a été réalisée sur les trois premiers entretiens afin de vérifier si l'interprétation des données des entretiens était la même. Pour cela, il fallait que deux personnes analysent indépendamment les entretien et confrontent ensuite leurs analyses, c'est ce qu'on appelle la triangulation des chercheurs. Malheureusement, nous n'avons pu le faire que pour les trois premiers entretiens. 3. Saturation des données Un autre critère de validité de l'étude qualitative est la saturation des données. En effet, après réalisation et analyse des derniers entretiens, il est apparu qu'il n'y avait pas de nouveau concept supplémentaire à ceux qui avaient été recueillis lors des entretiens précédents. Il a donc été décidé d'arrêter les entretiens après le quatorzième. RESULTATS A. Présentation des participants de l'étude J'ai interrogé 8 hommes âgés de 29 à 61 ans et 6 femmes âgées de 28 à 56 ans. Voici deux tableaux récapitulatifs concernant les caractéristiques des médecins interrogés et des caractéristiques des relations enfant-médecin-parent. Caractéristiques de médecins interrogés : sexe type d'exercice âge autre médecin dans la famille entretien 1 homme rural 55 ans marié, 5 enfants non entretien 2 homme urbain cabinet de groupe + samu 58 ans marié, 4 enfants non entretien 3 homme urbain 50 ans marié, 3 enfants non entretien 5 homme urbain cabinet seul 61 ans marié, 3 enfants non entretien 6 homme rural 45 ans marié, 2 enfants oui, frère en rééducation entretien 4 homme rural cabinet seul 51 ans marié, 3 enfants non, fille interne entretien 7 homme semi rural 31 ans marié, 1 enfant non entretien 8 homme semi rural 29 ans marié, pas d'enfants non entretien 9 femme semi-rural 28 ans mariée, 1 enfant marraine radiologue entretien 10 femme rural 31 ans dans belle famille uniquement entretien 11 femme semi rural 38 ans belle famille uniquement, mère ancienne puér entretien 12 femme semi rural 56 ans un neveu entretien 13 femme semi rural 54 ans mariée 4 enfants non 20 entretien 14 femme semi rural cabinet seul 47 ans non Caractéristiques de la relation enfant-médecin-parents : médecin traitant des parents? distance géographiqu e fréquence des entretiens et type influence sur la carrière médicale âge des parents métiers des parents entretien 1 non 130 km tél 1-2/sem visu 1/mois aucune 87 et 87 ans chef entreprise / Prof entretien 2 oui 0-5 km, même ville très fréquent, visu 1 jour / semaine, 1 weekend sur 3 plutôt oui Père décédé à 82ans / mère 83 ans ouvrier / secrétaire entretien 3 non 0-10km même ville 2-3 fois par mois visu, rarement tel non mère décédée à 84 ans / père 87 ans mère au foyer / chef d'entreprise entretien 5 oui même ville 2-3 fois en visu/sem appel 1 fois/ sem non mère décédée à 64 ans / père 92 ans mère au foyer/ comptable entretien 6 non mais pourrait le devenir 120km tous les 3 mois en visu / min 1/ sem au tel non mère 67 ans / père 68 ans ouvriers * 2 entretien 4 oui 10 km village visu 2-3 fois/ voisin mois tel 1 voire + /sem non mère 75 ans/ père 80 ans nourrice / chef de culture entretien 7 non 150km, 2h tél 1-2/sem visu 1-2/mois non mère 50ans/ père 56 ans responsable logistique/ chef de chantier entretien 8 non 60km, 1h tél 1/sem visu 1/mois non mère 56 ans / père 63 ans secrétaire / technicien retraité entretien 9 non 400km tél 1/j visu 1/15 jours non 56 ans *2 mère prof / père ingénieur entretien 10 non 60km, une heure 1-2/mois tél journalier non, soutient 66 et 67 ans agriculteurs* 2 entretien 11 non mais oui 150km, 1h30 1-2 fois/sem, non visu 1/mois 67 ans * 2 puéricultrice et ingénieur 21 entretien 12 oui même ville min 1/sem en non visu entretien 13 non 45 km, 45min tél 1/sem de route visu 2/mois non mère agriculteurs * décédée 2 quand fille avait 21 ans / père 83 ans entretien 14 non mais oui 100km, 1h voiture non mère 70ans / père 67 ans tél 2/sem visu 1/mois père décédé à 72 ans, mère décédée à 77 ans mère travaillait en cuisine dans hôpital / père ouvrier secrétaire / représentant Tableau des durées de chaque entretiens et des durées de retranscription sur ordinateur mot à mot. - spontanément / naturellement: « j'ai pris en charge pour x raisons et petit à petit en fait, leur médecin vieillissait, et plutôt que d'avoir à faire à d'autres médecins du coin avec qui ils n'étaient pas habitués, bah c'est moi qui ai pris la relève en fait, ça s'est fait naturellement » MG 4 « ça me parait normal d'intervenir dans la santé de ses proches parce que c'est un service rendu, parce qu'on donne à ses proches ce qu'on est capable de faire et puis parce qu'on leur veut du bien donc on veut qu'ils aient les meilleurs conseils » « la situation s'est imposée d'elle même » « c'est à dire que c'est beaucoup plus pratique quand on a une fille médecin de me demander au début une ampoule de vitamine D puis de dire « ah j'ai mal là » et soulever mon inquiétude et mon questionnement de médecin au point de m'impliquer à un moment et de dire « on va quand même faire un bilan de débrouillage », et au fur et à mesure d'être investie dans la tache sans l'avoir voulu spécialement » MG 11 « ça s'est fait tout seul, hmmm, quand ils ont un problème c'est moi qui le gère, après ça a dû commencer comme ça, je ne sais plus » MG 14 - désir / demande des parents / fierté des parents : « ma mère quand j'ai fait ces études de médecine, elle a repris son travail et moi je leur ai rendu la pareille » « dès que j'étais médecin mon père m'a dit « de toutes façons tu es médecin donc tu es mon médecin » de fil en aiguille ça s'est passé comme ça » MG 2 « non c'est à leur demande en fait, comme ils me demandaient d'intervenir pour ceci ou cela, natur j'ai glissé médecin traitant » 23 « si leur médecin traitant était très bien, moi je n'aurai pas insisté pour être leur médecin traitant, c'est eux qui ont choisi » MG 4 « ça s'est fait naturellement, ma mère elle y tenait je crois » « c'est plus eux que moi qui l'ont souhaité » MG 5 « parce qu'ils me l'ont demandé je pense » « c'est plutôt eux qui l'ont voulu » « à l'époque, j'ai dit oui (ndlr d'être leur médecin traitant), mais à posteriori je dirais non, mais c'est difficile de dire non à ses parents » « ça aurait été difficile de leur dire non en même temps, en étant juste à coté, ils l'auraient mal vécu et ils n'auraient pas compris du tout » MG 13 - relai de l'ancien médecin traitant, départ à la retraite ancien MT « ils avaient un médecin traitant auparavant quand je n'étais pas encore médecin et puis j'ai remplacé leur médecin traitant et petit à petit ils ont glissé vers moi, c'est moi qui les ai pris en charge naturellement » MG 4 « leur médecin généraliste a arrêté quand je me suis installé alors c'est pour ça ça s'est fait comme ça » MG 5 « je ne sais plus, leur médecin traitant était mon prédécesseur donc je pense que j'ai pris le relai puisque je suis revenue à ce moment là, je suis donc devenue naturellement leur médecin » MG 13 - du fait de la relation de confiance entre parents-enfants « je crois qu'elle a du respect, de l'estime sur mes compétences et ma façon de juger les choses, elle me fait confiance » « je pense qu'il n'y a pas de médecin qui connait aussi bien mes parents et leurs convictions que moi donc oui j'aurai plus confiance en moi » MG 11 « ça se passait bien en fait parce qu'ils me faisaient confiance » MG 13 - pour jouer son rôle d'enfant-médecin « peut être qu'à l'époque j'avais l'impression que y'avait que moi qui savait bien faire, peut être aussi, un espèce d'ego surdimentionné, peut être, je ne sais pas, j'étais plutôt fier qu'ils me demandent » MG 2 « moi j'aime autant que ce soit moi qui le fasse qu'un autre » MG 3 « ça leur rend service donc pfff, rendre service à ses parents c'est normal » 24 « ça me parait normal d'intervenir dans la santé de ses proches parce que c'est un service rendu, parce qu'on donne à ses proches ce qu'on est capable de faire » MG 11 - vouloir le meilleur pour ses parents « forcément il y a des échecs, tu ne souhaites pas avoir d'échecs avec tes parents mais bon ça peut arriver, mais tu ne peux pas te le reprocher, si tu fais le maximum, tu ne pourras jamais te reprocher de n'avoir pas fait ce qu'il fallait et à la limite je préfère être en première et faire mon travail du mieux que je peux et si ça passe pas, ça passe pas, mais un jour de toutes façons ça ne passera pas, c'est fort possible » MG 4 « et parce qu'on leur veut du bien et donc on veut qu'ils aient les meilleurs conseils » MG 11 « vous savez qu'un médecin ne fait confiance à personne (rires) () j'aime bien quand je connais les intervenants, j'ai besoin de voir le médecin, le spé » MG 14 - désir de ne pas interférer avec un autre médecin « il y a des médecins qui n'aimeraient pas qu'on interfère avec leur prise en charge et toujours au détriment du patient parce que ça fait un intervenant de plus » « « il faut que les choses soient claires, il y a un médecin référent c'est le médecin référent, tu le fais tu assumes, tu veux pas y être tu te dégages et puis tu laisses faire les choses, moi je ne me voyais pas me dégager et qu'on me demande sans arrêt mon avis pour ceci ou cela et puis d'interférer auprès d'un autre médecin » MG 4 « mais j'aime pas quand y'a un patient qui a un enfant médecin, ça me dérange un peu quoi (rires ) » MG 14 2. Les différents degrés d'implication Les médecins généralistes du groupe 1 avaient la même implication qu'avec un patient lambda, c'est à dire qu'ils prenaient en charge leurs parents de façon globale, telle que décrit par les critères de WONCA dans l'introduction. Certains médecins trouvaient ça normal alors de s'impliquer quelque soit la pathologie (pathologie aigüe, chronique, renouvellement, orientation vers un confrère), et d'être présent du début à la fin (prise en charge de fin de vie). « même à la limite, à la fin, en fin de vie, je préférais le faire, je m'en sentais capable, c'était mieux, je faisais mon travail jusqu'au bout, que je sois le médecin ou le fils » MG 5 « si je devais prendre en charge leur fin de vie, je prendrai en charge leur fin de vie, je le ferai » « oui ça sera difficile mais je serai capable de l'assumer, je suis capable de dire à un médecin « arrêtez la réanimation » » MG Les limites et difficultés rencontrées lors de la prise en charge médicale de leurs parents - les pathologies touchant les parties intimes « d'abord y'a beaucoup de clivages, par exemple, tout ce qui est gynécologue, c'est vrai que là tout de suite, devant un mur, donc ça moi j'ai délégué () oui parce que bon je pense qu'ils ne sont pas à l'aise » MG 2 « gynéco pour ma mère, je m'en suis jamais occupée () pour mon père, tout ce qui était problème de prostate, j'ai du gérer, enfin ça s'est fait avec l'urologue » MG 5 « si c'était la sphère uro-génital, hors de question que je prenne en charge des pathologies de prostate, contrôle de prostate ou examen gynéco, c'est niet, ou alors tout ce qui a trop de rapport à l'intimité » MG 11 « ça j'ai jamais examiné ma maman sur le plan gynécologique quoi, je l'envoyais chez le gynéco et mon père chez l'urologue » MG 13 - les pathologies psychiatriques « s'il y avait eu un problème psychiatrique par exemple, je n'aurais pas pu gérer » MG 5 - annonce de pathologies grave, prise en charge de pathologies « lourdes » « c'est facile de dire oui, mais après il faut assumer derrière, c'est dans le vécu qu'on s'aperçoit après que ce n'est pas si simple () pour tous les proches, ça a quand même rendu difficile la fin » Concernant l'annonce de pathologie grave : « souvent j'ai la plupart botté en touche, c'est à dire, j'ai fait une jolie lettre, j'appelle le spé je lui explique et en général il me dit « t'inquiète pas on va prendre en charge » c'est un peu trop difficile je pense qu'il faut se ménager un peu, sauf si on est piégé » MG 2 « quand ça va mal, c'est pas marrant, mais de toutes façons c'est pas marrant pour n'importe quel patient donc faut se dire que tu fais le maximum » « c'est quand tu as de grosses pathologies que tu es mis à l'épreuve, mais que ce soit avec n'importe qui, un oncle, une tante, un parent, un patient () c'est plus difficile de soigner n'importe qui quand tu as de gros soucis de santé que quand c'est un traitement chronique, relativement stable » MG 4 « de toutes façons, tout ce qui était pathologie lourde, je ne m'en occupais pas vraiment () que ce soit cancero ou autre, on confie à un spécialiste; après oui les petites pathologies chroniques, ça c'était facile à gérer, c'est comme pour les autres patients » « ça a été difficile peut être au moment où j'ai dit à ma mère qu'elle avait son cancer du sein, là, peut être un peu plus » MG 5 « bah oui un cancer j'aimerai pas () oui démence, oui () mais là, je deviendrai plus une fille dans ce cas là, on n'est pas soignant, on est enfant » MG 11 26 « parce que là oui, cancer du poumon c'est pas facile, une fin de vie qui n'est pas facile () oui voilà, un rhume c'est pas gênant ça » « c'était dur à vivre parce qu'il y avait eu des pathologies lourdes » « oui c'est difficile d'avoir tout le poids du diagnostic, de l'annonce, du suivi, voilà, de devoir épauler tout le monde c'est difficile » « tant qu'il n'y a pas de grosses pathologies, ça ne pose pas de difficultés, et je pense que plus l'âge avance, plus c'est compliqué, et il y aussi le restant de la famille qui compte beaucoup sur vous » MG 13 « on prend tout de plein fouet et c'est à nous de traduire, de faire l'annonce, donc ça c'est dur, et il y a les autres, les frères et soeurs, il faut tout expliquer, et vous pouvez pas dire le premier jour « bon de toutes façons elle est foutue » c'est un peu compliqué, par contre, je ne donnerai pas ma place, mais c'est pas facile quand même (larmes) et dire que ça va aller, et arriver tous les matins en souriant parce que voilà, ils sont là, ça c'est le plus dur je pense, l'annonce » MG 14 4. Les avantages d'être leur médecin traitant « quand tout va bien c'est un avantage () les bons côtés c'est quand tu arrives à les soigner et que tout va bien » MG 4 - aucun « non il y a pas d'avantage » MG 2 « pour moi? alors là, je ne sais pas, je n'en vois pas, je pense que s'ils avaient pris quelqu'un d'autre, j'aurais fait confiance aussi, c'est vrai que j'aurais supervisé aussi, je pense qu'on a tendance à s'impliquer un peu je pense » MG 13 - côté pratique: au domicile du patient, n'importe quand, facilité d'accès aux soins « ça avait quand même ce coté pratique pour eux puisqu'ils pouvaient m'appeler n'importe quand et j'y passais souvent » MG 5 « l'avantage ça serait lui rendre service, que ce soit plus facile pour elle (sa mère) » MG 11 « pour eux c'était pratique et plus simple » MG 13 - faire une prise en charge plus rapide, utiliser son réseau de professionnels, son carnet d'adresses, les orienter vers les spécialistes souhaités « t'as un carnet d'adresses, tu peux faire jouer tes correspondants, comme avec tout patient, mais quand tu dis à une secrétaire que tu envoies ton père, elle se débrouille en général pour avoir un rendez vous rapidement () et ça peut éviter une hospitalisation » « le bon côté des choses c'est que tu as un réseau » MG 4 27 « et puis pour eux c'est un avantage, je téléphone, je débrouille tout quoi » « comme je téléphonais, ça permettait d'aller plus vite » MG 5 « de pouvoir avoir la personne que vous voulez aller voir rapidement et d'avoir les examens rapidement » MG 14 - développement du relationnel avec les parents, de la relation de confiance « il y avait une relation de confiance, je dirai d'un coté comme de l'autre, on se faisait confiance () on s'écoute et puis s'ils sont pas d'accord, à la limite, ils le disent et on en discute » « elle (la mère) était plus sereine puisque j'étais là et parce que c'est moi qui régissais tout ça » MG 5 « je pense que c'est un contrat de confiance, eux ça doit les rassurer un peu aussi je pense » MG 14 - sortir des recommandations « je me permets avec eux de sortir des recommandations parfaitement officielles pour plus de bon sens et plus critique vis à vis de la médecine, chose que je ne me permets pas trop de faire avec mes patients » MG 11 - s'investir lors d'une pathologie grave ou lourde « il n'y a pas de maladies qui m'empêcheraient de les soigner au contraire, plus ils sont malades, plus je m'en occuperai, comme pour n'importe quel patient, tu vas pas jeter un patient parce qu'il a une maladie que tu n'aimes pas, tu vois, donc t'es leur médecin, t'es leur médecin, t'assumes quoiqu'il se passe » MG 4 « je vois même à la fin, au moment de son décès, elle est restée à la maison en phase terminale du cancer, je m'occupais de lui prescrire les perfusions tout ça, d'y être » « à la fin elle était vraiment mal, on était soulagé quand ça s'est terminé, je l'ai mise sous morphinique () ça paraissait logique » « non limite, même à la fin, en fin de vie, je préférais le faire () je m'en sentais capable () c'était mieux je faisais mon travail jusqu'au bout que je sois le médecin ou le fils » « je vois pour ma mère, à la limite, d'avoir été comme ça, à la fin de vie, d'avoir tout fait et bien ça m'a plutôt enrichi qu'autre chose et je pense qu'elle était sereine puisque j'étais là parce que c'était moi qui régissais tout ça » MG 5 « si je devais prendre en charge leur fin de vie () oui c'est dur, mais oui je le ferai » MG 11 « je serai là surtout pour une pathologie grave, s'ils sont enrhumés, ils achètent une boite de kleenex et voilà, j'en ai un peu rien à faire, mais par contre, s'ils me disent pas ils savent que je vais râler, je ne peux pas m'empêcher » « c'est quand ils ont besoin de nous qu'il faut être là, je pense que je ne laisserai pas ma place » « je prendrai le rôle de fille, de médecin, d'infirmier et d'aide-soignante » MG 14 Les inconvénients d'être leur médecin traitant - manque d'objectivité, minimiser ou en faire trop « c'est à dire que quand c'est les siens, moi j'ai vécu ça avec mes enfants, ils font de la fièvre, c'est forcément une appendicite ou une méningite, donc à un moment donné on perd ses repères puisqu'on est trop impliqués dedans et je pense que le cerveau ne réagit pas de la même façon » « par exemple, quand j'ai à traiter un truc banal, une angine, mes patients je ne me pose jamais la question, ça vient d'un jet () avec mon petit fils je n'ai pas la même spontanéité, il y'a quelque chose qui est freinateur » MG 2 « parce que c'est difficile de soigner ses parents, on n'est pas aussi objectif qu'avec un patient lambda » « l'inconvénient c'est surtout l'affect quoi, le manque d'objectivité, on a tendance à toujours voir tout en noir, plus que pour ses propres patients je pense, à imaginer le pire » « on va s'imaginer tout de suite des trucs plus graves qui pourraient leur arriver » MG 13 « je pense que c'est les deux, c'est à dire que « jai mal à l'épaule, j'ai pas dormi de la nuit » on regarde vite fait entre deux portes mais à partir du moment où on a un truc qui nous parait un peu plus grave alors moi c'est plan orsec, c'est à dire qu'on fait une batterie, de toutes façons on ne peut pas être juge et partie donc on a beaucoup de mal à faire la part des choses, on perd de l'objectivité c'est sûr » « je pense qu'on n'est pas objectif, parce que c'est tout ou rien, soit c'est pas grave, tu le feras () et puis quand y'a une maladie grave on n'est plus du tout objectif parce qu'on ne voit que le pire » MG 14 - émotionnellement difficile « non j'ai toujours senti qu'il y avait une grande ambiguïté, que ce n'était pas si simple que ça, et que moralement c'est difficile notamment quand ça se passe mal » « les inconvénients c'est qu'on est trop impliqué, pfff, c'est difficile, c'est compliqué et c'est douloureux en fait, émotionnellement c'est une charge » « c'est plus le coté humain, peine, diagnostic, la lourdeur de ce qui se passe, je pense que quand c'est nos parents, notre oncle avec lequel on a passé des tonnes de moments, on rajoute une peine, on n'a pas cette espèce de neutralité, c'est pas qu'on n'a pas d'empathie pour les autres, mais il y a quelque chose de plus » « c'est dans le vécu qu'on s'aperçoit après que ce n'est pas si simple » MG 2 « il y a un peu plus d'affectif quand c'est la famille mais bon il faut rester à ta place () parce que tu les connais davantage, forcément tu connais vraiment leur parcours, un patient tu le vois mais tu ne connais pas sa vie privée » MG 3 « j'en fais moins parce que j'ai dit que j'étais moins carrée () minimiser oui pour mon père mais parce que je pense qu'il faut le faire parce qu'il est hypochondriaque et pour ma mère non, je m'inquiète à juste titre quand il faut, pas plus » MG 11 29 « il y a quand même l'affect qui est présent, c'est difficile, très difficile de soigner ses parents je trouve, même ses proches en général à cause de l'affect et de l'implication » « je pense qu'il y a trop d'affect, trop la peur de trouver quelque chose de grave, c'est difficile je pense » « au niveau émotif, parce que c'est une implication 24h/24 » MG 13 « l'inconvénient c'est que vous prenez tout de plein fouet, et puis j'ai été confrontée à ça cet hiver, et vous voyez c'est encore un peu difficile (larmes) » « affectivement c'est un peu lourd parfois » « des fois on n'a pas la même patience avec quelqu'un de sa famille qu'avec un patient, parce que quand vous avez quelqu'un de malade chez vous, la première réaction c'est la colère, parce qu'ils n'ont pas besoin d'être malades, c'est chez les autres les malades () c'est que j'ai pas envie qu'ils soient malades () parce qu'on a peur pour ses proches » MG 14 - prise en charge moins carrée, formelle, examen de moins bonne qualité « mon père était très embêtant la dessus parce qu'il voulait pas que je le vois au cabinet, par contre ma mère, mon beau-père venaient au cabinet, je pense qu'on fait du meilleur travail au cabinet que quand on va chez soi ou chez eux c'est un lieu qui n'est pas assez neutre, en tout cas qui n'a pas une connotation médicale suffisante » MG 2 « je pense que je ne les suivrai pas comme mes patients, de façon hyper carrée () plus carrée avec mes patients, pour lesquels j'ai un dossier et pour lesquels je veille à ce que ça soit comme ça alors que pour eux bon « ça sert à rien l'hémoccult je fais pas ça » « je vais les relancer, tenter de les convaincre alors que tenter de convaincre ma mère c'est cuit d'avance » « je pense qu'il y a des failles dans ce système là et que si c'était un médecin attitré qui les suit de A à Z, je pense que ça serait plus carré comme moi je le suis avec mes patients () là, oui ce ne l'est pas, c'est un coin de table » MG 11 « c'est pour ça que c'est mieux de les voir au cabinet, ou chez eux à la limite que chez soi le dimanche, c'est toujours un truc vite fait entre deux portes « bah t'as qu'à prendre ça » ça prend 3 minutes, c'est entre le café et le dessert et voilà, ça ça ne va pas » « je les examine mais pas à 100%, à 80%, des fois faut forcer un peu parce qu'ils ne sont pas toujours, eux ils voudraient bien venir « oh donne moi un cachet et ne me déshabille pas » et voilà, ils sont un peu sur la défensive et des fois nous, à cette seconde là, on n'a pas forcément le temps ou c'est pas l'endroit et on fait aussi vite fait » MG 14 - spécialisation de la prise en charge « il y a un autre inconvénient, du moins c'est comme ça que je l'ai vu, dès l'instant où les choses ont été un peu graves, j'ai totalement spécialisé les choses » MG 2 « je m'en occupais mais en réalité avec d'autres médecins () il y avait tout ce qui était spécialiste et il y avait régulièrement des consultations » 30 « ça n'a jamais été compliqué et de toutes façons, quand il y avait quelque chose de compliqué, en réalité je passais par un spécialiste, je passais la main quand même » « son problème cardiaque je faisais les renouvellements de traitement, et puis il a eu son cancer de prostate, ça ça a été vu par l'urologue, et puis il a eu de la gonarthrose, il a eu des prothèses de genoux, ça ça a été fait par le chirurgien » MG 5 « bah quand c'est chez nous, on ne sait plus grand chose, c'est un peu panique à bord, il faut concentrer ses idées, on va chez le spé, on va plus chez le spé que madame tout le monde je pense » MG 14 - se rassurer en demandant un 2ème avis « j'ai tendance à spécialiser un peu plus les choses, quand je sais que c'est un peu limite, je m'entoure de quelque sorte d'un conseil autre () c'est comme si je demandais un 2ème avis conforter le mien » « ça fait un peu doublon je trouve, doublon pas de façon négative mais on essaie de se réassurer par l'autre, c'est le spé qui donne le « ok Jean-Luc tu avais raison » » « je trouve qu'on se réassure plus peut-être en disant « tu es un peu limite, je vais quand même demander un avis » en fait je demande plus d'avis spécialisé parce que je soigne ma famille que je ne le ferai ailleurs, pour les autres, je me contente du protocole » MG 2 « je l'oriente plutôt vers un spécialiste, plutôt pour ne pas prendre seule la décision de prendre en charge et de traiter et d'avoir aussi un autre avis » MG 11 « parce que le diagnostic on le fait mais on a besoin d'un avis extérieur au cas où on ne se serait pas trompé alors qu'on sait pertinemment qu'on ne s'est pas trompé » MG 13 « oui je pense, je vais avec eux chez le spé en général, mais je pense que c'est une façon de se protéger effectivement » MG 14 - morcellement de la prise en
30,663
dumas-03736449-2021GRAL7035_dugelay_camille_dif.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,022
Sécurisation de la prise en charge médicamenteuse à l'échelle du territoire d'un GHT : diagnostic et proposition de méthodologie d'accompagnement au déploiement du projet OCTOPUS. Sciences pharmaceutiques. 2021. &#x27E8;dumas-03736449&#x27E9;
None
French
Spoken
8,259
11,814
Concernant les indicateurs RH retenus par l’Agence nationale d’appui à la performance33 (ANAP) les résultats du CHUGA sont les suivants : Taux d’ absent é isme pour motif médical du personnel non médical : Figure 10: Taux d'absentéisme pour motif médicale des PNM du CHUGA comparé aux autres établissements en 2018 (37). Le taux d’absentéisme pour motif médical du personnel non médical (PNM) s’établissait à 7,4 en 2018 contre 7,0 en 2015. Cette évolution du taux d’absentéisme est comparable aux établissements de la même région, mais, plus important, aux 33 Instituée par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, « l’ANAP a pour objet d’aider les établissements de santé et médico-sociaux à améliorer le service rendu aux patients et aux usagers, en élaborant et en diffusant des recommandations et des outils dont elle assure le suivi de la mise en œuvre, leur permettant de moderniser leur gestion, d’optimiser leur patrimoine immobilier et de suivre et d’accroître leur performance, afin de maîtriser leurs dépenses. » (Extrait de la LOI n°2009-879 du 21 juillet 2009 - art. 18. 65 établissements de la même catégorie (CHU) et aux établissements de même typologie. Cependant, le taux d’absentéisme pour motif médical des PNM du CHUGA ne fait pas partie des taux les plus bas. Ainsi, des établissements comme le CHU de Montpellier ou de Rennes ont des taux inférieurs à 6,4. Ce taux d’absentéisme élevé peut-être un frein au bon fonctionnement des services et donc à la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients de l’établissement. Turn-over global du personnel non médical Figure 11: Turn-over global du personnel non médical du CHUGA en 2018 comparé aux autres établissements Le turn-over global des PNM du CHUGA apparaît comme relativement élevé. En effet, ce dernier est largement supérieur à la moyenne des établissements de même catégorie et des établissements de même typologie. Comme l’indicateur précédent, un mauvais résultat à cet indicateur peut-être signe de difficultés organisationnelles pour les services et avoir un impact sur la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse du patient. 66 3) Les outils déployés au sein du Groupement Hospitalier de Territoire constituent une base solide à la mise en œuvre d’un projet de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse. Outils de communication ayant un impact sur la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse ZEPRA, facilitateur de correspondance entre professionnels de santé trop peu déployé Le projet ZEPRA (Zéro Echange de Papier en Rhône Alpes) lancé en 2010 en collaboration avec l’ARS est un projet dont l’objectif est d’améliorer la transmission des informations entre les professionnels de santé et notamment les informations entre le secteur hospitalier et le secteur dit de ville. Ainsi, le projet ZEPRA propose différents outils à destination des professionnels de santé dont un service de messagerie sécurisée de santé (MSS) et la plateforme MonSisra, outil permettant d’échanger en toute sécurité entre professionnels de santé. En Isère, l’ensemble des médecins généralistes, des pharmaciens et des sagesfemmes sont équipés d’une MSS. Les chirurgiens-dentistes sont la profession au sein de laquelle le moins de professionnels ont une MSS. De plus, comme le montre le graphique ci-dessous, les professionnels isérois exerçant en ville sont majoritairement reliés à une MSS Sisra (94% des généralistes, 98% des pharmaciens). 67 Figure 12: Part des professionnels de santé équipés d'une MSS en Isère selon leur profession et le type de MSS. Cependant, si la grande majorité des professionnels de ville est reliée à une MSS, ce n’est pas le cas dans l’ensemble des établissements du GHT. 68 Tableau 4: Déploiement de la MSS SISRA au sein des établissements du GHT - Source SARA. Déploiement MSS en établissement – Octobre 2020 ES Comptes médecins rattachés Comptes autres PS rattachés Comptes administratifs rattachés Documents envoyés Delta documents envoyés n-1 CHUGA 623 231 468 50 242 10 250 CH Alpes Isère 0 2 33 0 0 CH Voiron 72 37 52 392 -938 CH Rives 0 0 3 0 0 CH StGeoires-enValdaine 2 1 0 5 3 CH Tullins 0 0 4 0 0 CH St Laurent du Pont 0 2 6 0 0 CH Uriage 7 1 2 385 275 CH La Mure 1 1 9 1 1 L’état des lieux du déploiement des MSS MonSisra au sein des différents établissements du GHT montre la faible présence de comptes MSS ouverts par les professionnels hormis au sein du CHUGA et du CH de Voiron. La stratégie de communication interprofessionnels de santé du territoire isérois reposant majoritairement sur le déploiement des outils ZEPRA, le faible déploiement de MonSisra au sein des établissements du GHT est un point faible conséquent. Outils de formation concernant la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse Dans le cadre du déploiement du projet OCTOPUS au sein des différents établissements du GHT, un dispositif de formation a été mis en place. 69 Ce dispositif, adapté aux différentes professions, a pour objectifs de former les professionnels au sujet de la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse. Le programme de formation est majoritairement proposé en e-learning mais des formations en présentiel sont également proposées. A date, seuls 2 des 9 modules de formation sont actifs et 2 autres sont en construction. Il n’existe pas de référentiel de formations de l’ensemble des établissements du GHT ainsi, si d’autres formations sont proposées aux professionnels, elles ne sont pas répertoriées dans cet état des lieux. En vue du déploiement d’un modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse au sein d’un territoire, le dispositif de formation doit pouvoir être proposé à l’ensemble des professionnels de santé des établissements. De plus, les professionnels exerçant en ville doivent pouvoir avoir accès si ce n’est au dispositif de formation, a minima, à une présentation du modèle de sécurisation mis en œuvre. Cette présentation peut être assurée en présentiel à l’occasion de journées d’information ou en e-learning. 4) Certification des établissements (i) Cartographie générale Les établissements du GHT ont, comme prévu par la loi, été audités par la HAS. Cet audit a fait suite à une certification des établissements du groupement. Ainsi, 4 établissements sur les 9 ont une certification globale de niveau A tandis que 5 ont une certification de niveau B. Un niveau A correspond à une certification, un niveau B a une certification avec recommandation d’amélioration et un niveau C a une certification avec obligation d’amélioration. 70 En comparaison avec les établissements de même type, le CHUGA fait partie des 12% de CHU atteignant un niveau de certification A. Aucun établissement du groupement n’a été sanctionné par une obligation d’amélioration. Figure 13: Répartition nationale des niveaux de certifications des établissements de santé selon le type d'établissements. Outre le niveau de certification globale, des sous-catégories sont spécifiquement évaluées. Ainsi, pour l’ensemble des sous-catégories, aucun établissement n’a de niveau de certification inférieur à B hormis le CHUGA, le CH de La Mure et celui de Voiron dans le cas de la qualité de la lettre de liaison à la sortie d’un séjour MCO. 71 Tableau 5: Niveau de certification des différent s établissements de santé du GHT – Source : HAS. Niveau de certification ES Certification globale Parcours patient Dossier Patient Médicaments Qualité lettre de liaison à la sortie en MCO CHUGA A A A A C CH Alpes Isère B B A B NC CH Voiron B B B B C CH Rives A A A A B CH StGeoiresenValdaine B B B A NC CH Tullins A A A A NC CH St Laurent du Pont A A A A NC CH Uriage B A A A B CH La Mure B A NC NC C La thématique « médicament » est notée A pour 6 des 9 établissements du GHT. Il en est de même pour les thématiques « parcours patient » et « dossier patient ». Les établissements du GHT font partie, comme illustré ci-dessous, de la grande majorité des établissements français bénéficiant d’un niveau de certification au moins égal à B. Concernant l’évaluation de la qualité de la lettre de liaison, les établissements du GHT s’inscrivent dans la dynamique nationale avec des niveaux de certification inférieurs. 72 Figure 14: Répartition des niveaux de certification des établissements selon la thématique. Les niveaux de certification obtenus par les établissements du GHT sont le témoin des travaux engagés en réponse aux enjeux de qualité auxquels font face les établissements. En effet, lors de la précédente évaluation du CHUGA, ce dernier avait obtenu un niveau de certification B. Cependant, sur les 9 établissements, 3 dont le CHUGA ont un niveau de certification C dans le cadre de l’évaluation de la qualité de la lettre de liaison à la sortie d’un séjour MCO et les résultats pour 4 établissements ne sont pas connus. Basé notamment sur la lettre de liaison, le projet OCTOPUS devra prendre en compte cette disparité. (i) Focus – Certification de l’ établissement support (38) Le niveau de certification obtenu par le CHUGA en 2019 est le niveau A (4). En comparaison, la répartition des autres établissements de santé en France est la suivante : 42% des établissements sont certifiés de niveau A, 53% de niveau B, 4% de niveau C et 1% de niveau D (5). Sanctionné par un niveau de certification A, l’ensemble des sous-thématiques de certification ont-elles aussi obtenues un niveau A. Les sous-thématiques sont les suivantes : droit des patients, parcours des patients, médicaments, urgences, bloc opératoire, radiothérapie, endoscopie, médecine nucléaire, imagerie interventionnelle, management de la qualité et des risques, risques infectieux, dossier patient, 73 identification du patient, don d’organes et de tissus, système d’information, processus logistiques. Focus thème « Parcours des patients » Les résultats de l’établissement, scindés en 4 parties reprenant la roue de Deming (Plan, Do, Check, Act), montrent que l’ensemble du processus est défini, si ce n’est maitrisé et que des actions d’amélioration mises en œuvre pour donner suite à la précédente certification ont permis d’atteindre ce niveau. i. Plan La politique d’amélioration du parcours des patients est présente dans la stratégie de l’établissement et est inscrite dans son projet d’établissement 2016 – 2020. ii. Do Concernant la mobilisation des équipes pour la mise en œuvre opérationnelle, les cadres des sont pleinement impliqués dans la démarche qualité du CHU. De plus, des journées thématiques sont régulièrement organisées par le CHU. La mise en œuvre effective du plan d’amélioration des parcours patients au sein du CHU passe par des actions à forte plus-value. Par exemple, afin de simplifier accueil et orientation des patients et de leurs accompagnants, des agents, identifiables grâce à leur « gilet bleu » sont présents sur le site. Conscients des spécificités de chaque parcours et des différences de besoins qui en découlent, des modalités spécifiques d’accueil sont également proposées pour certaines activités comme l’ambulatoire ou la chirurgie colo-rectale. Concernant plus spécifiquement la prise en charge médicamenteuse des patients, le CHUGA propose et développe 17 programmes d’éducation thérapeutique dont 7 sont en collaboration avec la ville. Enfin, pour simplifier le lien hôpital-ville à la sortie des patients, des check-lists reprenant l’ensemble des documents nécessaires sont utilisées par les professionnels de santé. 74 iii. Check Le CHUGA développe, depuis 2017, la méthode d’évaluation dite du « Patient Traceur34 » pour chacun des parcours. Des questionnaires de sortie ainsi que des enquêtes de satisfaction sont également proposés dans certains secteurs spécifiques. iv. Act Les actions d’amélioration sont intégrées au Compte Qualité de l’établissement. Focus thème « Dossier Patients » Comme pour l’item « Parcours des patients » l’ensemble du processus est considéré comme défini ou maitrisé par l’évaluation de la HAS. i. Plan La stratégie de gestion des dossiers des patients a été définie dans le Projet d’Etablissement 2016-2020. Cette stratégie est notamment basée sur le déploiement d’un système d’informations permettant un dossier patient unique commun aux deux sites mais également à l’ensemble des secteurs d’activité du CHUGA. Afin de faciliter le lien hôpital – ville mais également le lien entre les différents établissements de santé du GHT, la convergence vers le Dossier Patient Informatisé (DPI) du CHUGA pour les autres établissements du GHT ainsi que l’ouverture du DPI aux patients et aux professionnels exerçant en ville sont des mesures inscrites dans le Schéma directeur du Système d’information CHUGA-GHT 34 Selon la HAS « Le patient traceur est une méthode d’évaluation et d’amélioration des pratiques. La méthode du patient traceur permet d’analyser collectivement et a posteriori le parcours d’un patient. Elle vise à analyser la prise en charge pluridisciplinaire et/ou pluri professionnelle de patients en comparant la pratique réelle aux pratiques de référence (réglementation, manuel de certification pour les établissements de santé, référentiels de bonnes pratiques, référentiels spécifiques à l’équipe, etc.). Elle prend en compte les perceptions du patient et de ses proches et les croise avec l’analyse de la prise en charge par les professionnels pour évaluer notamment les organisations, les interfaces entre secteurs et la coordination entre professionnels. Elle implique la participation d’une équipe de soins définie à l’article L. 1110-12 du CSP, composée des différents professionnels qui contribuent à la prise en charge du patient. En établissement de santé, l’analyse porte sur l’hospitalisation du patient, de l’entrée à la sortie (parcours intrahospitalier incluant les interfaces ville-hôpital). En ville, la démarche porte sur l’analyse du parcours de santé dans son ensemble ou d’une partie de ce parcours en incluant les secteurs sanitaire, médico-social et social » 75 2017-2021. Cette mesure a un impact fort sur la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients au sein du GHT. ii. Do La mobilisation sur la thématique est effective tant concernant la communication autour du DPI que sa mise en œuvre dans les services. A ce jour, par exemple, le taux d’informatisation des dossiers patients est de 98%. Afin d’améliorer ce DPI, des groupes de travail étudient la possibilité de déployer des modules complémentaires spécifiques à certaines activités. Concernant la disponibilité des ressources, l’adaptation des pratiques professionnelles au nouveau DPI est identifiée par le CHUGA comme un facteur de risque de non-réalisation des objectifs fixés. Pour pallier cette vulnérabilité des actions d’accompagnement des professionnels sont proposées régulièrement par la Direction des Systèmes d’Information. iii. Check L’évaluation du fonctionnement du processus est gérée par l’instance de pilotage, la CIM-CME et s’appuie sur différents indicateurs et modalités d’évaluation. Lors de la certification par la HAS, l’évaluation des délais de communication des dossiers aux usagers n’était pas généralisée faute d’outils de mesure définis. La nécessaire évolution du CHUGA afin de limiter le risque de non-respect des délais de communication des dossiers aux patients a été initiée à la fin de l’année 2018. iv. Act Concernant les actions d’amélioration, ces dernières sont mises en place et réévaluées régulièrement en fonction des nouvelles contraintes pesant sur l’organisation. Focus thème « Médicaments » Comme précédemment, les résultats de l’établissement montrent que l’ensemble du processus est défini, si ce n’est maitrisé et que des actions d’amélioration mises en œuvre pour donner suite à la précédente certification ont permis d’atteindre ce niveau. 76 i. Plan Le CHUGA est actuellement engagé dans une démarche d’amélioration tant de la qualité que de la sécurisation alliant sécurité de la prise en charge médica use (PECM) et bon usage des produits pharmaceutiques. Un programme d’amélioration continue de la PECM définissant des objectifs opérationnels ainsi que des actions concrètes est mis en place au sein du CHU. Il s’articule avec les objectifs définis dans le contrat du pôle Pharmacie de l’établissement. Ce programme s’enrichit d’actions régulièrement à la suite des différentes évaluations et audit menés intra-établissement. Concernant le pilotage, la coordination et le développement de la démarche de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse, un groupe de travail pluridisciplinaire a été constitué. Un pharmacien responsable du système de management de la qualité PECM a également été nommé en septembre 2018. Enfin, afin de déployer l’ensemble des actions du programme, les compétences et ressources du pôle pharmacie sont régulièrement mobilisées. Des actions de formation, de sensibilisation et d’information sont régulièrement proposées aux différents professionnels œuvrant au sein de l’établissement. Néanmoins, la formation aux risques médicamenteux n’était, lors de la certification par la HAS, pas intégrée dans le plan de formation. Il y a depuis eu la création d’IDE référents médicament dans les unités et des séances de sensibilisation et de formation à la sécurisation du circuit du médicament. La formation des nouveaux arrivants est une action identifiée comme prioritaire par le CHUGA et des ressources documentaires sont à disposition des employés. ii. Do La mobilisation des équipes pour la mise en œuvre opérationnelle est réalisée par les encadrants de proximité. Les pharmaciens séniors, assistants, internes et externes en pharmacie travaillent au développement de la pharmacie clinique dans les unités de soins. Plusieurs secteurs dit « à risque » bénéficient d’une permanence pharmaceutique notamment la pédiatrie, la HAD, l’infectiologie, la pneumologie ainsi que la gériatrie. La sensibilisation et le rappel des enjeux et des bonnes pratiques sont organisés par la présidente de la Commission du Médicament et des Dispositifs Médicaux Stériles (COMEDIMS) et le pharmacien en charge du Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins (CAQES) en lien avec les chefs de pôles. Le pôle pharmacie développe également des actions pour renforcer la sécurité de ses propres activités et notamment au sein de la PUI. Néanmoins, malgré de nombreuses actions et efforts mis en œuvre la sensibilisation des professionnels aux risques liés à la prise en charge médicamenteuse et plus généralement au circuit du médicament est parfois limitée. Les ressources à disposition ont été jugées par la HAS adaptées au pôle Pharmacie ainsi qu’aux secteurs de soins tant en termes de compétences qu’en termes d’effectifs. Les outils à disposition sont, eux, jugés perfectibles. En effet, ils ne permettent pas toujours le respect des bonnes pratiques d’administration des médicaments dans l’ensemble des secteurs. Aux urgences adultes par exemple, les infirmiers retranscrivent les prescriptions sur un dossier papier car le logiciel ne permet pas les plans de soins. Le déploiement en cours du logiciel Easily au sein du CHU devrait permettre l’amélioration de la situation. Concernant la mise en œuvre effective des différentes actions, il est considéré par la HAS que les professionnels connaissent, adaptent et mettent en œuvre les règles de prescription, dispensation et administration du médicament prévues. iii. Check Un suivi de l’analyse du processus est réalisé. Il se base sur le recensement de différents indicateurs qui couvrent les différentes activités de management de la PECM. Les erreurs médicamenteuses doivent être déclarées et sont analysées lors de la réunion hebdomadaire sur les évènements indésirables. Cependant, malgré ces analyses, la procédure de gestion des erreurs médicamenteuse actuelle ne permet pas suffisamment le retour d’expérience. De plus, les erreurs médicamenteuses apparaissent comme étant sous-déclarées. Cette 78 sous-déclaration ainsi que l’absence de démarche de retour d’expérience ne favorise pas la capitalisation des acquis et des actions d’amélioration au sein du CHUGA. iv. Act Une revue de direction organisée en février 2019 a permis de faire le bilan des actions inscrites dans le Compte Qualité. Il en ressort que de nombreuses actions ont atteint leur cible. Ainsi, le programme d’actions PECM a pu être actualisé en conséquence. Focus « Qualité de la lettre de liaison » La lettre de liaison est un élément clé de la communication entre professionnels de santé hospitalier, patients et professionnels de santé exerçant en ville. Evaluée en 2018 par la HAS, la qualité de la lettre de liaison a été sanctionnée par un niveau C. Cette évaluation comprend deux sous-évaluations : la qualité de la lettre de liaison à la sortie après une chirurgie ambulatoire et la qualité de la lettre de liaison à la sortie d’un séjour MCO. Ainsi, concernant la qualité de la lettre de liaison à la sortie d’une chirurgie ambulatoire, comme 75% des établissements français, le CHUGA obtient un niveau de certification C avec 61% des lettres de liaison réalisées. Seul 12% des établissements sont certifiés niveau A et 13% de niveau B. Concernant la qualité de la lettre de liaison à la sortie d’un séjour MCO, bien que certifié de niveau C également, les résultats sont moins satisfaisants. Seul 28% des lettres de liaisons sont réalisées à la sortie d’un séjour MCO. En comparaison, 76% des établissements sont certifiés niveau C, 15% niveau B et 9% niveau A. La cartographie du GHT montre que le GHT Alpes Dauphiné fait partie des GHT français où des modèles de coopération inter-établissements préexistent et où la communication entre les pharmaciens en charge des activités de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse également. Ces points sont 2 atouts majeurs. Par ailleurs, la cartographie montre que le déploiement de projets s’appuie sur des établissements ayant des bons niveaux de certification dans la majorité des items 79 retenus. Les efforts sont néanmoins à poursuivre notamment sur la qualité de la lettre de liaison, pilier de la communication avec le secteur de ville. Concernant les ressources humaines, comme de nombreux GHT, le GHT Alpes Dauphiné est constitué d’établissements ayant des ressources disparates. Si cette hétérogénéité peut être perçue comme un frein à la mise en œuvre d’un modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse, il apparait surtout nécessaire de la prendre en compte dans la définition et dans la mise en œuvre du modèle pour permettre à l’ensemble des établissements de déployer le modèle. Enfin, concernant les outils facilitant la mise en œuvre d’un tel projet, la région Auvergne Rhône Alpes a mis à disposition des soignants un outils de communication entre professionnels intéressant. Cependant, cet outil est très peu utilisé dans les autres établissements que le CHU et cet outil n’est pas nationalisé. Concernant les outils de formation, un plan de formation permettant la montée en compétences et l’adhésion des équipes au projet a été défini. Aujourd’hui, les modules de formation ne sont pas tous disponibles. Le déploiement du plan de formation a été largement freiné par la crise sanitaire. Il sera donc nécessaire de déployer ce plan de formation une fois la crise sanitaire terminée. Ce plan de formation est un des facteurs clé de succès de la mise en œuvre du modèle et son non-déploiement pourrait mettre en péril le projet. IV. Les établissements du GHT Alpes Dauphiné, des établissements motivés mais regrettant un projet OCTOPUS designé majoritairement à l’échelle du CHU. IV.1.1. Le projet OCTOPUS, une étude clinique multicentrique à l’échelle d’un territoire – Description de l’étude clinique 1) Une gouvernance de l’étude prenant en compte l’ensemble des établissements ainsi que le secteur de ville L’étude clinique OCTOPUS est un protocole de recherche impliquant la personne humaine, de catégorie 2, à savoir à risques et contraintes minimes. Le promoteur de l’étude est le CHU Grenoble Alpes, établissement support du GHT Alpes Dauphiné. L’investigateur principal est un Professeur des universités – Praticien hospitalier (PU-PH) du CHU et le projet compte 8 investigateurs associés, tous pharmaciens, chacun responsable d’un des sites du GHT. Dans le cadre de la gouvernance du projet, un comité pilotage (COPIL) a été créé. Ce dernier est constitué de représentants de différentes organisations et notamment : le GHT, le CHUGA, le département universitaire de médecine générale ainsi que celui de pharmacie d’officine, le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de l’Isère, l’Union Régionale des Professionnels de é Pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes, l’OMéDIT, la plateforme e-santé ZEPRA (Zéro Papier en Rhône-Alpes) ainsi que le Centre Régional de Pharmacovigilance. La gouvernance du projet de recherche OCTOPUS prend en compte une majorité des acteurs du système de santé du territoire. Cette représentativité des différents acteurs est un facteur clé de succès de la mise en œuvre d’un projet répondant aux enjeux de chacun au regard des contraintes spécifiques. Néanmoins, les infirmiers ne sont pas représentés au sein de la gouvernance. On peut également déplorer le fait qu’aucune structure de soins coordonnés (CPTS par exemple) n’est présente au sein du COPIL mais ces dernières ont été créées après 81 le début du projet. Bénéficier de l’expérience d’acteurs exerçant déjà de manière coordonnée au sein du territoire est une piste d’amélioration intéressante pour de tels projets. De plus, les investigateurs associés regrettent pour certains d’avoir été associé tardivement au projet et n’avoir ainsi pas pu exposer les difficultés de leurs établissements en amont du design général de l’étude. Pour que l’ambition du projet et ses modalités de mises en œuvre soient partagés par la majorité, il est préconisé d’inclure des différentes parties prenantes au plus tôt. 2) Le projet OCTOPUS s’appuie sur une méthodologie robuste L’étude proposée est une étude expérimentale dite prospective, contrôlée, randomisée en cluster, multicentrique, ouverte, régionale. Pour évaluer l’impact de la mise en œuvre d’un modèle territorial de prise en charge médicamenteuse pluri professionnelle sur l’iatrogénie médicamenteuse au cours du parcours de soins des patients, il est prévu que 1080 patients soient inclus dans l’étude. Cette dernière sera menée au sein de 2 unités de soins dans chacun des établissements du GHT. Elle ne concernera que les patients identifiés comme étant à haut risque iatrogène médicamenteux (référentiel français Med-APP ISE). IV.1.2. La mise en œuvre du projet OCTOPUS repose sur l’amélioration de la communication entre professionnels et la formation de ces derniers - Description de la mise en œuvre du projet L’étude OCTOPUS compare le taux de taux de résolution (définie ici comme disparition) des erreurs médicamenteuses à 30 jours de la sortie d’hospitalisation des patients entre le groupe expérimental et le groupe contrôle. Ainsi, chaque patient inclus dans le groupe expérimental bénéficiera d’un protocole de sécurisation de sa prise en charge médicamenteuse à travers la conciliation de ses traitements lors de son admission, l’analyse et l’optimisation de ses prescriptions en cas de besoin, l’éducation thérapeutique ainsi que la mise en place d’une fiche de liaison exhaustive et un suivi collaboratif pluri professionnel. 82 Parallèlement, les patients du groupe dit contrôle bénéficieront de soins courants usuels. Afin de réaliser les différentes actions de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients du groupe expérimental, un programme de formation obligatoire à destination des différents professionnels de santé est réalisé. Ce programme de formation s’articule autour d’une formation en e-learning ainsi que d’une formation en présentiel. Il est adapté aux différents publics et concerne les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les préparateurs en pharmacie ainsi que les internes et externes de pharmacie et de médecine. Par ailleurs, l’étude a vocation à pallier le manque de communication entre professionnels de santé ainsi, les étapes de sortie et de suivi du patient s’appuieront sur la fiche de liaison dite renforcée ainsi que la plateforme de communication déployée au sein du territoire : la plateforme e-santé ZEPRA. Réalisée dans l’ensemble des établissements du groupement, l’étude OCTOPUS a su prendre en compte l’ ce de ressources pharmaceutiques suffisantes au sein des plus petits établissements en incluant l’ensemble des professionnels de santé à la démarche. A ce titre, un dispositif de formation permettant aux professionnels concernés de réaliser les différentes actions du protocole de recherche a été conçu. De plus, une formalisation des modalités de communication entre les professionnels ainsi qu’avec le patient et des modalités de suivi a été réalisée. Basée sur l’utilisation de la plateforme e-santé ZEPRA déployée dans l’ensemble de la zone d’attractivité du GHT (cf. partie sur le déploiement des outils au sein du GHT), la communication entre les différentes parties prenantes devrait être facilitée. Cependant, comme vu précédemment, la messagerie sécurisée MonSisra, bien que très utilisée par les professionnels de santé en ville, est déployée de manière hétérogène dans les établissements des GHT. Si les professionnels des services concernés ont bien un compte MonSisra, ce n’est pas le cas de l’ensemble des professionnels et une généralisation du déploiement d’un outil de communication 83 devra être pensée en cas de généralisation du modèle à l’ensemble des services des établissements. IV.1.3. Analyse SWOT du projet OCTOPUS Le projet OCTOPUS est un premier modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients à l’échelle d’un territoire. Si l’étude des résultats de l’étude clinique permettra de définir le bénéfice clinique et économique dudit modèle, l’état des lieux précédent, lui, permet d’ores et déjà d’identifier les forces et faiblesses du projet en vue d’un déploiement à l’ensemble des services des établissements du groupement. De plus, l’état des lieux a été complété par des entretiens individuels avec les pharmaciens de 6 des 8 sites (hors CHUGA) constituant le GHT35. Ces résultats sont présentés au format SWOT. Forces Faiblesses Contexte x Contexte Répond à un enjeu identifié de longue x Repose date ; intrinsèquement liées aux porteurs de Gouvernance x Ambition inscrite dans le x x Pilotage dédié professionnel ; 35 Sentiment de non prise en compte des spécificités des établissements Pilotage x Investigateurs associés non associés à la définition du projet. Portage du projet par l’ensemble des Comité volontés plan Définition du projet établissements ; x des projet ; stratégique du GHT ; x sur par certains. pluri Gouvernance Majorité des parties prenantes inclues x Pas de culture GHT dans la pratique dans le COPIL ; actuelle ; Le guide d’entretien est disponible en annexe. 84 x Prise en compte des disparités entre x 1er projet aussi ambitieux mené sur le les établissements ; GHT ; Ressources humaines Pilotage x Un pharmacien investigateur par site ; x Certaines professions du secteur de x Prise en compte de la disparité des ville non prises en compte dans le RH pilotage ; à disposition dans les x établissements ; Pas d’appui sur les structures pluri Outils professionnelles de ville (mais non x Plan de formation dédié ; existantes lors de la création du x Outils permettant la mise en œuvre du projet) ; Ressources humaines projet déjà éprouvés ; x Outils clés en main pour les x secteur de ville ; professionnels ; x Plus-value : x Bénéfices clinique s supposés ; x Valorisation x Pas d’investigateur associé pour le Répartition des ressources humaines inhomogène sur le GHT ; scientifique x Problème de ressources humaines (publications) ; préexistant Mise en avant l’intérêt d’une politique établissements. de coopération territoriale dans plusieurs Outils x Plan de formation non finalisé ; x Plan de formation ne permet pas d’accompagner le secteur de ville au même niveau que le secteur hospitalier ; x Dispositif d’information hospitalo- centré. x Outils faiblement utilisés par certains professionnels et dans certains établissements ; Opportunités Menaces Context e x x x Contexte Contexte politique et législatif x favorable ; moteur Æ le projet tel quel est donc Valorisation des activités ayant un potentiellement impact positif sur la qualité de vie des déployable dans les GHT moins patients ; avancé ; Bénéfices médico-économiques x Fédérer les équipes du GHT pour x x créer une dynamique commune Outils Développement Crise COVID Æ projet en pause Gouvernance Gouvernance x difficilement depuis un an ; supposés ; x Projet déployé dans un GHT dit Crise COVID ; 1 modèle à adapter à 9 organisations hospitalières différentes ; d’outils de Outils sécurisation de la prise en charge x Ressources mises en œuvre parfois médicamenteuse testés en vie réelle inadaptées aux besoins des équipes ; Ressources humaines Ressources humaines x x RAS ; Crise COVID – Essoufflement des équipes ; x Coordination efficace des équipes pour une homogénéité de la mise en œuvre ; x Temps disponible à mettre en œuvre dans des nouvelles pratiques ; 86 V. Résultats : Propositions d’accompagnement de la mise en œuvre du modèle. V.1. Le projet OCTOPUS, une v1 d’un modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients – Présentation du modèle. Le projet OCTOPUS est un premier modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients à l’échelle d’un GHT. Du fait du cadre juridique auquel il répond (étude clinique), le projet comporte des contraintes supplémentaires qui s’appliquent en plus du déploiement du modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse (inclusion des patients, suivi etc...). Pour autant le projet de recherche constitue une base intéressante de travail à travers l’identifications des freins et les irritants qui ressortent des entretiens avec les pharmaciens concernés. OCTOPUS permet en effet d’identifier facilement les prérequis à la mise en place d’un modèle de sécurisation territoriale de la prise en charge médicamenteuse, ainsi que les facteurs clés de succès. V.1.1. Pré requis à la mise en place du modèle. 1) Une volonté forte nécessaire tant de la part de la direction du GHT et des établissements que des ressources impactées au sein des établissements et du secteur de ville. Le déploiement d’un projet à l’ensemble des établissements d’un GHT nécessite un portage fort de la part de l’ensemble des directions d’établissement. Le risque iatrogène et sa sécurisation, au cœur du projet OCTOPUS est une thématique soignante transversale et fédératrice sur laquelle le projet OCTOPUS peut capitaliser. L’ensemble des établissements doit se sentir concerné et investi de la volonté de déployer un tel modèle. Notons que pour que l’ensemble des établissements travaille conjointement, il est nécessaire que le projet ne soit pas porté uniquement par l’établissement support. Outre le nécessaire investissement de l’ensemble des directions dans le projet, il est également important que les équipes impactées soient embarquées dans 87 l’ensemble du projet et aient la volonté de le voir se déployer. Ainsi, pour que les équipes portent des modèles ambitieux nécessitant de l’investissement, il est nécessaire : - De les consulter lors de la définition du projet ; - De les tenir informées de l’avancement du projet et des étapes à venir ; - De lever les freins identifiés lors des rencontres avec les équipes ; - De valoriser leur investissement ; Enfin, comme l’a montré l’état des lieux de la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients, il ne s’agit pas simplement d’une problématique hospitalo-centrée et le secteur de ville a un rôle important à jouer. Ainsi, afin que le modèle se déploie complètement, il est préconisé : - D’inclure les représentants des professionnels exerçant en ville lors de la définition du modèle et de les tenir informés des avancées ; - De trouver des relais au sein du secteur de ville (URPS par exemple) pour faire connaitre le projet et obtenir l’adhésion du maximum de professionnels. 2) Des établissements du GHT où la coopération inter-établissements préexiste. L’état des lieux du niveau de maturité des GHT a montré que seuls les GHT où les coopérations inter-établissements préexistaient réussissent aujourd’hui à mettre en place des modèles ambitieux au sein du groupement. Pour OCTOPUS cette coopération existait et a servi d’assise pour la formalisation du projet. La mise en œ uvre de tels modèles nécessite une montée en charge graduelle de la coopération entre les établissements et il apparait très difficile de mettre en place de tels projets des GHT partant de zéro. Pour autant, ces GHT ne doivent pas considérer la mise en œuvre de tels projets comme étant impossible. La mise en œuvre du modèle doit simplement être adaptée. Ainsi, pour les GHT où aucune coopération entre les services concernés ne préexiste, il est préconisé d’ajouter au calendrier de mise en œuvre du projet une phase amont de développement de la coopération. Il est nécessaire notamment 88 que les pharmaciens responsables des activités pharmaceutiques se connaissent, partagent leurs pratiques et aient conscience des différences d’avancée des établissements sur la question de la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse. 3) Des ressources humaines allouées au déploiement du modèle. La mise en œuvre de projets ambitieux nécessite un temps humain considérable. En effet, pour chaque projet il est nécessaire de définir un chef de projet ainsi que des chefs de chantiers (formation, informatique, évaluation etc.). Ces personnes peuvent être des personnels des établissements ayant des compétences dans les sujets traités mais il est nécessaire qu’elles aient du temps à accorder à ces activités. Pour le projet OCTOPUS des ressources ont été mobilisées mais leurs responsabilités propres sont peu identifiées par les acteurs de terrain. Une organisation comme suit peut-être proposée : - Le Comité Pilotage : en charge de la prise des décisions, il regroupe les directeurs des établissements ainsi que le chef de projet. Le comité pilotage se réunit une fois par mois et il permet aux directeurs d’être informés de l’avancée du sujet et au chef de projet de faire acter des décisions en cas de besoins. - Le Comité Projet : sous la responsabilité du chef de projet, il regroupe l’ensemble des chefs de chantier. Il se réunit bimensuellement et fait le point sur l’avancée des différents chantiers et les difficult rencontrées par les équipes terrains. o Le chef de projet : personne responsable du bon déploiement de l’ensemble du projet, le chef de projet est l’interface prioritaire de l’ensemble des autres acteurs. Il a pour rôle de faire converger l’ensemble des chantiers vers l’objectif commun final qu’est le bon déploiement du projet. C’est lui qui porte les retours de terrain auprès des instances de pilotage et vice-versa. o Les chefs de chantier : en lien direct avec le chef de projet, ils ont la charge du bon déploiement des actions concernant leur thématique. Par 89 exemple, pour un projet comme OCTOPUS avec un chantier formation conséquent, le responsable de chantier a la responsabilité de construire un plan de formation, de veiller à ce que les outils de formation soient disponibles, que les personnels concernés soient bien inscrits. Il a également la charge de récolter les évaluations des formations. Il est la personne ressources en cas de question ou de difficulté concernant ce chantier. Il a la responsabilité d’identifier et d’anticiper les risques pesant sur son chantier. - Les responsables du projet au sein des établissements : les responsables du projet des établissements sont des personnes qualifiées et motivées par le projet. Elles sont identifiées par les membres du Comité Projet ainsi que par les équipes de l’établissement dans lequel elles travaillent. Ces personnes sont le garant des échanges d’information entre le terrain et le comité projet. Une réunion mensuelle regroupant l’ensemble des responsables du projet au sein des établissements ainsi que le chef de projet est réalisée. 90 Figure 15: Exemple de comitologie du projet 4) Un modèle prenant en compte les disparités au sein du GHT. La cartographie du GHT a montré que les typologies d’établissements qui le composent sont très hétérogènes. Ainsi, les différents établissements ont des capacités de mise en œuvre du projet disparates. Parallèlement au CHU où les ressources humaines semblent conséquentes notamment grâce à l’appui des nombreux étudiants en santé, certains établissements ne peuvent s’appuyer que sur le seul pharmacien du site et les soignants présents dans les services. Ainsi, le modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse, pour qu’il puisse être déployé dans l’ensemble des établissements doit tenir compte de ces disparités et être adaptable : 91 (i) Dans le temps : si une cinétique générale du projet doit être définie en amont de son déploiement, cette cinétique doit prendre en compte la difficulté pour certains sites de mettre en œuvre le projet et s’adapter. (ii) Dans la déclinaison du modèle : les actions de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse sont nombreuses et il peut être décidé dans le modèle que certaines actions soient des actions dites « socles » qui doivent impérativement être déployées et des actions soient dites « complémentaires », les établissements choisissent celles qu’ils souhaitent déployer en fonction de leurs moyens. 5) Un modèle qui permette une coopération simple avec le secteur de ville Comme développé supra, la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse concerne tant le secteur hospitalier que le secteur de ville. Ainsi, un modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse circonscrit au secteur hospitalier est un modèle qui ne répondra que partiellement à la problématique. Un des prérequis est donc que le modèle inclut le secteur de ville et que la coopération ville-hôpital soit facilitée pour les soignants. Dans le projet OCTOPUS, le renforcement du lien ville-hôpital est notamment prévu via le déploiement massif de MonSisra, outils déjà bien connus des professionnels de santé isérois. Pour inclure le secteur de ville au mieux, plusieurs leviers sont activables : (i) Inclure des représentants du secteur de ville dès la définition et la construction du projet afin de prendre en compte au mieux les contraintes qui pèsent sur le secteur de ville ; (ii) Inclure des représentants du secteur de ville dans l’ensemble des instances de pilotage du projet ; 92 (iii) Développer des outils de communication (ou s’appuyer sur les dispositifs existants en en faisant la promotion) permettant la coopération entre professionnels ; (iv) Communiquer largement au sujet de la mise en œuvre du projet auprès des professionnels du secteur de ville via leurs représentants inclus dans le projet ; V.1.2. Facteurs clés de succès 1) Un pilotage du projet permettant l’accompagnement du déploiement du modèle au sein des établissements. Les entretiens avec les pharmaciens des différents établissements concernant OCTOPUS ont mis en avant le manque de connaissance du projet de leur part concernant notamment les modalités de mise en œuvre. Si les objectifs et les enjeux sont compris et partagés par tous, aujourd’hui, les pharmaciens ne sont pour la majorité pas capables de dire comment le projet va être mis en œuvre dans les établissements. Si cette absence d’information est exacerbée par la crise sanitaire que traverse l’ensemble du pays et l’arrêt de déploiement du projet, l’absence d’information plonge l’ensemble des responsables opérationnels dans le doute. Afin d’éviter ces écueils et pour qu’un modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse soit déployé dans l’ensemble des établissements d’un GHT, il est recommandé de définir dans chaque établissement un responsable opérationnel qui soit en lien direct avec le chef de projet (cf. modèle de pilotage). 2) Une mise en œuvre graduelle et différenciée des différentes actions de sécuri ation de la prise en charge médicamenteuse. Les actions de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse sont plurielles et ont des impacts organisationnels différents. De plus, certaines actions sont déjà mises en œuvre au sein des différents établissements. 93 Ainsi, la mise en œuvre des différentes actions doit prendre en compte l’impact de ces dernières sur l’organisation et notamment la charge de travail des équipes. L’ensemble des actions ne peuvent être mises en œuvre toutes en même temps, en partant de zéro. De plus, la feuille de route de mise en œuvre des actions de sécurisation doit être adaptée à chaque établissement : les établissements ont pour certains déjà mis en place certaines actions, les établissements ont chacun des contraintes qui leurs sont propres et donc des facilités / difficultés propres à la mise en œuvre de chaque action. Si l’objectif final doit être partagé par tous, le mode opératoire pour arriver à cet objectif doit être adapté aux contraintes de chacun. 3) Un accompagnement au changement des équipes impactées à travers notamment un plan de formation adapté. La mise en place d’un projet de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse nécessite une montée en compétences des personnels concernés. En effet, certaines actions de sécurisation sont actuellement totalement inconnues pour certaines catégories de personnels. Il est conseillé en amont du déploiement du projet de : - Faire une cartographie des personnels impactés par le projet en définissant leur niveau d’impact selon les thématiques (cf. Figure 20) ; - Définir un plan de conduite du changement des personnels au regard de leur impact par le projet : formations adaptées selon les besoins. - Définir des modalités de suivi du plan de conduite du changement permettant de s’assurer que les équipes sur site soient capables d’assurer la montée en charge du Non prévu à date dans le projet OCTOPUS, il pourrait également être intéressant, une fois le projet déployé dans l’ensemble des établissements, de fédérer les équipes à travers des sessions de retours d’expérience permettant de capitaliser sur les succès de chacun et de mieux identifier les difficultés récurrentes. 94 Figure 16: Exemple de cartographie d'impact 4) Un déploiement massif des outils facilitant la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse. Le quatrième facteur clé de succès de la mise en œuvre d’un tel projet est l’outillage des équipes. En effet, la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse passe par la réalisation de tâches complexes qu’il est aisé de faciliter via la mise à disposition d’outils efficaces comme : - Système informatisé de détection des ordonnances dites à risques ; - Canvas d’entretiens thérapeutiques, de conciliations médicamenteuses ; - Outils d’éducation thérapeutique ; - Modèle de lettre de liaison ; Si ces outils existent déjà pour la majorité, ils ne sont pas tous connus des personnels et encore moins déployés à l’ensemble des services des établissements. Une 95 formation aux outils déployés sera également nécessaire. Sans formation, les outils ne seront pas pris en main par les équipes. De plus, des outils de communication tels que MonSisra doivent être développés largement. En effet, les parties précédentes ont montré la nécessaire communication entre les professionnels de santé et il est urgent de simplifier les modalités de cette communication. La mise en œuvre d’un projet à l’échelle d’un GHT pose des questions organisationnelles conséquentes. La mise en œuvre d’un modèle commun à l’ensemble des établissements ne pourra se faire que si l’objectif est partagé de tous et si la feuille de route est adaptée à chacun. Si la mise en œuvre du projet met en difficulté les services des établissements alors il est certain que le projet ne se déploiera pas. Afin de faciliter la mise en œuvre d’un tel projet, il est donc nécessaire d’accompagner les équipes impactées et de leur faciliter la tâche en les outillant correctement. VI. Discussion VI.1. Concernant le modèle d’étude choisi L’étude OCTOPUS est un premier modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse à l’échelle du GHT et il apparait donc pertinent de baser la proposition de modèle sur ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien dans ce projet. Cependant, l’étude OCTOPUS est menée dans un GHT qui est, comme démontré supra, un GHT dit « moteur » concernant la question de la prise en charge médicamenteuse. En effet, les collaborations entre établissements préexistaient et les équipes pharmaceutiques des différents sites étaient de fait, habituées à échanger et travailler ensemble. Le modèle pourrait être plus compliqué à mettre en œuvre au sein de GHT où la coopération ne préexiste pas et nécessite donc d’être adapté. De plus, le GHT Alpes Dauphiné s’appuie sur un établissement support de type Centre Hospitalier Universitaire ce qui n’est pas le cas de l’ensemble des GHT. Les CHU bénéficient d’une force d’action conséquente notamment grâce à leur ancrage auprès des facultés de santé. Cette articulation avec un CHU peut-être à double tranchant à savoir : - Impact positif : Faciliter la mise en œuvre du projet en mettant à disposition des ressources dont ne bénéficient pas les autres établissements ; - Impact négatif : o Avoir une asymétrie franche dans la capacité à mettre en œuvre le projet entre le CHU et ou centre support et les plus petits établissements engendrant des difficultés de mise en œuvre générale du projet. o Créer des tensions entre les établissements et notamment faire naitre des craintes autour des thématiques de la perte de responsabilité et la perte d’autonomie des plus petits établissements ; 97 Enfin, le projet OCTOPUS est une étude clinique à laquelle s’impose l’ensemble des contraintes liées à la recherche médicale. Un projet ne revêtant pas de dimension recherche serait certainement moins complexe à déployer. VI.2. Concernant le contexte sanitaire Ce travail d’analyse a été mené d’avril 2020 à avril 2021, à savoir durant les 3 vagues de la crise sanitaire liée au coronavirus. Le projet OCTOPUS a été totalement mis à l’arrêt durant cette période pendant laquelle les établissements de santé étaient tous sur-mobilisés dans la gestion de la crise. Ainsi, lors des entretiens individuels par exemple, les acteurs de terrain avaient d’autant plus de difficultés à visualiser le protocole de mise en œuvre du projet que celui-ci n’était plus d’actualité. Mené durant la mise en œuvre du projet, ce travail d’analyse aurait certainement permis d’évaluer plus finement les difficultés inhérentes à chaque site et proposer une feuille de route plus complète. Il serait intéressant que ce travail soit continué lors de la mise en œuvre du projet OCTOPUS. VII. Conclusion Face aux enjeux de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients, la mise en œuvre d’un modèle à l’échelle du territoire couvert par chaque GHT apparait comme une stratégie pertinente. Cependant la mise en œuvre d’un tel projet se heurte à des difficultés notamment liées à l’organisation du système de santé français : articulation entre les soins de ville et les soins en établissement, coopération parfois balbutiante entre les établissements de santé, hétérogénéité des établissements de santé tant en termes d’activité, que de ressources ou de modes de fonctionnement. Ainsi, la mise en œuvre d’un modèle de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse est un projet au long terme qui doit prendre en compte l’ensemble des acteurs du système de santé, leurs spécificités et leurs contraintes. Pour se faire, il apparait nécessaire de s’appuyer sur une volonté forte de la part des acteurs du territoire ainsi que sur les collaborations préexistantes au déploiement du projet. Il est également primordial que le projet soit piloté finement et que chaque acteur du projet soit identifié par chacun. De plus, l’ambition, les objectifs et la feuille de route du projet doivent être partagés par l’ensemble des équipes de soignants impactées. Enfin ce type de projet nécessite la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement au changement des équipes basées sur des formations aux enjeux de la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse et aux actions mises en œuvre dans les services.
22,492
2012LIL30006_43
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,012
L’utopie en héritage. La Société du Familistère de Guise, de la mort de Jean-Baptiste Godin à la dissolution de l’association (1888-1968)
None
French
Spoken
7,522
11,229
Les conséquences de la diversification syndicale La période qui suit la Libération rompt avec l’entre-deux-guerres par le développement de plusieurs syndicats qui contestent, sans pour autant parvenir à la remettre en cause, la suprématie de la CGT au sein de l’usine. La CFTC, qui avait fait son apparition à Guise au lendemain du Front populaire, survit à la guerre sans pour autant réussir à se développer. Comme dans les années 1930, ses militants semblent demeurer peu nombreux, insuffisants en tout cas pour lui permettre de présenter des candidats aux élections professionnelles (délégués du personnel comme comité d’entreprise). En revanche, lorsqu’en 1948 une section FO est constituée, les autorités locales s’attendent à voir fondre les effectifs de la CGT que devraient rapidement quitter les membres non communistes qui l’avaient rejointe en 1936. En réalité, si la scission provoque effectivement le départ de militants importants, menés par le socialiste André Gauchet, on ne peut constater pour autant de désaffection massive de la part des ouvriers. En l’absence de données concernant le nombre d’adhérents ou de sympathisants de chaque syndicat, il nous faut mesurer leur représentativité en fonction de leurs résultats lors des élections professionnelles : ceux-ci peuvent être reconstitués grâce aux archives municipales qui se révèlent 220 ADA, 7938, Courrier du commissaire de police de Guise au sous-préfet de Vervins, 26 mars 1952. 221 La Liberté de l’Aisne, 6 juin 1953. 222 Le Démocrate de l’Aisne, 12 mai et 30 juin 1968. 603 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social cependant très lacunaires, puisqu’on dispose essentiellement de données pour les années 19501953, puis à partir 1958 jusqu’en 1968. Suffrages obtenus par la liste CGT 1951 1958 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 En % des votes exprimés 83,5 80,4 90 88,5 84,1 87,6 86,6 85,6 85,3 75,4 87,7 En % des inscrits? 45,3 48,6 53,3 51,7 59,4 56,5 59,7 53,3 46,1 54,6 Tableau 20. Résultats de la liste CGT aux élections de délégués du personnel, 1er collège (19511968)223 Lors des élections des délégués du personnel de 1951, première élection professionnelle dont les résultats nous soient connus, la liste FO obtient chez les employés et ouvriers un peu plus de 16,5% des voix exprimées, contre 83,5% à la liste CGT. Jusqu’en 1968, le rapport de forces reste dans l’ensemble le même, la CGT obtenant à chaque élection entre 75 et 90% des voix. Cette suprématie semble cependant favorisée par un fort désintérêt du personnel pour ces élections, pour lesquelles le taux de participation reste relativement bas. D’après les données disponibles, le syndicat FO présente des candidats pour les élections du second collège (agents de maîtrise et techniciens) à une seule occasion, au début des années 1950 : ces candidats obtiennent respectivement 40 et 35% aux élections du comité d’entreprise (mai 1950) et des délégués du personnel (juillet 1951). Le rapport de forces est un peu plus serré, mais donne encore une large majorité à la CGT. Par la suite, après 1958, la CGT reste la seule à présenter des candidats. En ce qui concerne le troisième collège, à l’existence assez surprenante à cette date 224, la situation est différente : un seul candidat se présente aux suffrages de ses collègues (ils sont 17 en 1950) et il n’a pas d’étiquette syndicale jusqu’en 1964, date à laquelle apparaît une liste CGC qui semble fédérer l’ensemble des cadres. En 1968, la CGC présent e également un candidat pour représenter le second collège au comité d’entreprise, candidat qui est élu faute d’adversaire. Pendant toute la période documentée, la représentation du personnel reste dominée par la CGT, à deux exceptions près : grâce au mode de scrutin, FO obtient systématiquement un siège, quels que soient ses résultats, et on trouve un élu « indépendant », c’est-à-dire non syndiqué, qui représente les cadres au CE et parmi les délégués du personnel. Cette suprématie persistante de la CGT n’est pas sans soulever des contestations : en octobre 1953, après les élections professionnelles, un rapport de police signale la création dans l’usine d’un syndicat « indépendant », qui « semble destiné à neutraliser l’action politique menée par les autres formations syndicales, et notamment par la CGT »225. Les membres du bureau de ce nouveau syndicat sont presque exclusivement des contremaîtres ou des chefs d’équipes, dont certains anciens militants FO. On ne dispose malheureusement pas des résultats des élections de la période 223 Source : AM de Gui se , 1 S 41. 224 Jusqu’en 1966, les comités d’entreprise des sociétés de plus de 500 salariés ne comportent pas de troisième collège pour les cadres, qui doivent voter avec les agents de maîtrise et assimilés du second collège. Cf infra p. 78. 225 ADA, 7938, Courrier du commissaire de police de Guise au sous-préfet de Vervins, 16 octobre 1953. 604 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social 1952-1958, qui nous auraient permis de savoir quel écho ce syndicat indépendant a reçu auprès du personnel : on ne peut que constater qu’aucun de ses membres en 1953 ne fait partie des élus après 1958. Si la naissance de ces différentes formations syndicales ne remet pas en cause la confiance obtenue par la CGT au sein du personnel, ses militants ne voient pas d’un bon œil émerger une telle concurrence. Les premières années de coexistence de la CGT et de FO sont marquées par une certaine hostilité, qui s’exprime lors de réunions publiques de la CGT où les orateurs n’hésitent pas à critiquer la nouvelle formation. En 1948, un rapport de police souligne l’incapacité des deux syndicats à s’entendre sur leurs revendications ou sur l’organisation d’actions communes226. Cependant, cette rivalité laisse assez rapidement place à un accord partiel, puisqu’en 1951 l’Association voit, pour la première fois de son histoire, se former une intersyndicale regroupant les représentants de la CGT, de FO et de la CFTC dans le but d’obtenir une hausse de salaires. Cette entente entre syndicats, indépendamment du positionnement des centrales nationales, se manifeste pendant toute la période : ainsi, on constate que, pour les élections de délégués du personnel du second collège, la CGT et FO semblent déposer une liste commune, puisqu’il y a toujours un unique candidat CGT pour le poste de titulaire et un seul candidat FO pour le poste de suppléant. Enfin, si l’on manque de sources pour la fin des années 1950 et le début des années 1960, le conflit qui se forme à partir de mars 1968 autour de la question des licenciements voit réapparaître une intersyndicale unifiant cette fois la CGT, FO et la CGC, la CFTC ayant visiblement disparu entre-temps. Cette modification de la représentation syndicale entraîne-t-elle une évolution des pratiques? Les archives semblent indiquer une moindre virulence dans l’expression des revendications, par rapport à la période de l’entre-deux-guerres227. Celles-ci se concentrent essentiellement sur la question des salaires, qui peinent parfois à suivre l’inflation, et surtout sur celle des licenciements, notamment en 1953-1954 et en 1968228. Cependant, les représentants syndicaux en appellent de moins en moins à la grève pour soutenir leurs demandes, pas même pour participer à un mouvement national. Les premières années qui suivent la Libération sont marquées par des mouvements de grève assez fréquents, mais souvent partiels, soit par leur mobilisation (certains ateliers seulement) soit par leur durée (entre une demi-heure et une journée). Certaines d’entre elles semblent spontanées et concernent des problèmes internes à l’usine : c’est le cas en novembre 1945, lorsque les mouleurs s’opposent à la mise en place d’un salaire au rendement229. En 1948, se produit à nouveau un bref conflit dans l’atelier de moulage, touchant encore une fois la question du montant des primes de rendement : cette fois aussi, le 226 ADA, 970 W 64, Rapport du commissaire de police de Guise, 24 septembre 1948. 227 Voir la chronologie des conflits sociaux en annexe n° 43. 228 Cf infra p. 78. 229 ADA, 11 455, Rapport des renseignements généraux, 8 novembre 1945. 605 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social mouvement est de faible portée et de courte durée. Quant aux appels nationaux à la grève, qu’ils émanent des centrales syndicales ou des partis politiques, ils sont assez peu suivis, à quelques exceptions près : les rapports de police signalent une grève d’une demi-journée en septembre 1947, d’une demi-heure un an plus tard, voire d’un quart d’heure en avril 1949, sous la forme d’une « manifestation symbolique de solidarité » avec la revendication cégétiste d’une convention collective nationale230. En revanche, certains appels ne sont absolument pas suivis, comme en décembre 1947 ou en novembre 1949 (appel de FO). Par la suite, les mouvements de grève se font de plus en plus rares, les représentants syndicaux semblant privilégier la négociation avec la gérance par le biais du CE et des délégués du personnel. Ainsi, le mouvement qui s’organise en 1951 pour revendiquer une hausse de salaires et qui voit apparaître pour la première fois une intersyndicale ne repose sur aucun arrêt de travail. Après le départ de René Rabaux, Anstell évoque à deux occasions des mouvements de grève sur des questions de salaires, en juin 1956 et 1957, qu’il qualifie lui-même de limités à quelques ateliers. D’après les archives, certes lacunaires, les ouvriers de l’Association tendent de moins en moins à recourir à la grève : même lors du conflit social du printemps 1968, les arrêts de travail sont brefs, sauf lorsqu’il s’agira d’accompagner la grève générale, à la fin du mois de mai231. Malgré l’intensité des conflits qui opposent une partie du personnel à la gérance au moment de la Libération, la période qui suit la guerre semble marquée par un apaisement progressif pour lequel on peut mobiliser de nombreux éléments d’explication : diminution de l’influence du parti communiste, appropriation par les représentants syndicaux de pratiques de démocratie sociale favorisées par l’instauration du comité d’entreprise, mais aussi crainte vis-à-vis de la stratégie autoritaire suivie par René Rabaux qui n’hésite pas à menacer de sanctions les grévistes 232. Cependant, ce phénomène s’accompagne dans le même temps d’un accroissement des tensions qui opposent les associés et la gérance au sein de l’assemblée générale : si René Rabaux se félicite que les membres du CE possèdent l’ « esprit d’association » nécessaire pour éviter tout conflit233, les associés, de leur côté, semblent profiter de la moindre virulence syndicale pour retrouver un rôle plus actif, voire conflictuel, vis-à-vis de la gérance. C. L’assemblée générale, à nouveau lieu de débats Des interventions révélatrices de nouvelles fractures sociales Au lendemain de la Libération, le fossé qui s’était progressivement creusé entre les Familistériens et les ouvriers « du dehors » semble se réduire. C’est le résultat de la politique 230 ADA, 10 605, Rapport mensuel du sous-préfet de Vervins, avril 1949. 231 Cf infra p. 78. 232 Cf supra p . 78. 233 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés , 9 novembre 1947. 606 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social sociale adoptée par René Rabaux après 1945 : l’extension de certains avantages sociaux aux familles des ouvriers non-familistériens et surtout la généralisation du travail au rendement, qui contribue à une nette élévation des salaires234, permettent de faire disparaître en partie le profond sentiment d’in justice si souvent exprimé au cours de l’entre-deux-guerre s et rela yé par les militant s communistes. Malgré son caractère extrêmement partial, le journal communiste local révélait les tensions et les inégalités qui fracturaient l’Association : l’hostilité envers les associés y apparaissait en toutes lettres, exacerbée par la volonté des rédacteurs de prouver que la lutte des classes existait aussi au Familistère. Après 1945, on constate que ce type d’attaques à l’encontre des associés disparaît des colonnes de la Liberté de l’Aisne, ce qui peut être attribué à une évolution de la représentation que les ouvriers « du dehors » se font de leurs collègues familistériens. En revanche, le journal contient encore des articles très virulents qui visent, non plus seulement les associés, mais plus précisément les cadres et surtout les directeurs de l’entreprise, accusés notamment de tirer un profit personnel de leur situation au sein de l’Association235. La critique n’est pas nouvelle : on se souvient des articles de L’Exploité qui, avant 1939, dénonçaient l’acquisition d’une voiture par les conseillers de gérance ou évoquaient les vacances de l’administrateur-gérant, ou encore de cette lettre anonyme de 1937 qui dénonçait la fortune accumulée par Louis Colin grâce à son salaire et surtout à sa part de bénéfices. Cependant, il semble que désormais cette accusation reçoive un écho croissant au sein du personnel ouvrier, ce qui donne lieu à des conflits plus ou moins ouverts. Ainsi, il est frappant de noter l’apparition d’un nouveau leitmotiv dans les discours de René Rabaux : l’idée selon laquelle il n’existe pas de divergence d’intérêts entre la gérance et le personnel. Dès 1942, il affirme que « l’administration n’a d’autre but que la prospérité de l’Association ». En 1945, l’argumentation devient plus précise et révèle le cœur du problème : « Il y a un sentiment dont je vous demande de ne jamais vous départir, c’est qu’il n’y a pas ici d’intérêts patronaux qui s’opposent aux vôtres. [...] Ne perdez donc jamais de vue qu’il n’y a pas entre vous et votre administration d’intérêts divergents et, si souvent je suis obligé de résister à certaines demandes, soyez bien convaincus que je n’y cherche et n’y trouverai aucun intérêt personnel. »236 Dans les années qui suivent, ce thème est à nouveau repris par le gérant, qui souligne également une certaine ingratitude du personnel vis-à-vis des « cadres et techniciens », dont le travail n’est pas assez reconnu237. Cette insistance semble indiquer le d au lendemain de la guerre de critiques visant les cadres, la direction et la gérance. Apparemment, ce sont essentiellement les écarts de 234 Voir le graphique présenté annexe n° 44a. 235 La Liberté de l’Aisne, 8 septembre 1951. 236 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 18 novembre 1945. Le passage est souligné dans le texte. 237 Id., 9 novembre 1947. 607 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social rémunération qui sont en cause, comme l’indique par exemple un tract de la CGT qui, en 1952, appelle les associés à « compter [leur] part [de bénéfices] à côté de celle de Rabaux »238. Sur ce point, il nous est difficile de nous prononcer, étant donnée l’absence d’archives indiquant les salaires des directeurs ou du gérant. Selon les rares données disponibles, le salaire de René Rabaux est, au cours de la guerre, l’équivalent de sept fois le salaire moyen au sein de l’usine 239. Mais c’est moins le salaire élevé de l’administrateur-gérant qui est dénoncé que l’accumulation des sources de revenus pour lui et les autres conseillers de gérance. En effet, son salaire lui donne droit, en tant qu’associé, à une part des bénéfices proportionnelle, à laquelle s’ajoutent les 4% des bénéfices (1% pour les conseillers de gérance) auxquels sa fonction lui donne droit et qui sont, eux aussi, distribués sous forme de parts de capital. De plus, le gérant reçoit chaque année en espèces 5% d’intérêts sur les titres qu’il possède, somme garantie même lorsque la faiblesse des bénéfices oblige l’Association à annuler la répartition annuelle. À titre de comparaison, Delabre et Gauthier estiment qu’en 1930 Louis Colin touchait un total de 300 000 F (toutes sources de revenus comprises) contre 16 000 F pour un associé, soit près de vingt fois moins240. D’après la lettre anonyme envoyée au préfet en 1937, la veuve de l’ancien gérant détenait encore 900 000 F de titres quatre ans après la démission de son mari, alors que chaque distribution de bénéfices entraîne un remboursement d’une partie de ces titres anciens241. Cette fortune qui garantit à la famille de Colin une longue rente s’explique par la stratégie suivie au cours des années 1920, qui avait entrainé de très fortes répartitions de bénéfices. Cependant, on constate qu’en 1968, c'est-àdire après une période de bénéfices restreints, Anstell a accumulé 400 000 F de parts de capital242, dont les intérêts seuls lui garantissent chaque année l’équivalent de deux fois le salaire annuel moyen du personnel. Son salaire lui-même est estimé en 1968 entre 1,5 et 2 millions de francs an, ce qui représenterait plus de cent fois le salaire moyen d’un associé (un peu plus de 13 000 francs annuels en 1964, dernière date connue), tandis qu’un directeur toucherait 500 000 francs par an243. Mais au-delà de la situation particulière de l’administrateur-gérant, c’est la différence de situation entre les cadres et le reste du personnel qui est montrée du doigt : ainsi, en 1951, les trois syndicats ouvriers (CGT, FO et CFTC) s’unissent pour revendiquer communément une hausse de salaires afin de suivre celle obtenue par les cadres de l’usine en application de la convention collective nationale qui vient d’être signée244. Le sous-préfet de Vervins note tout particulièrement 238 ADA, 7 938, Tract CGT, sd. (1952). 239 ADA, 83 J 1906, Salaires mensuels de l’administrateur-gérant, 1942-1943. Rappelons que le salaire moyen est calculé en faisant le rapport entre la masse salariale de chaque catégorie sociale (utilisée pour le calcul de la répartition des bénéfices) et le nombre d’actifs au sein de cette catégorie. 240 Guy Delabre et Jean-Marie Gauthier , La régénération..., op. cit., p. 1299. 241 ADA , 10 M 12, Courrier anonyme au préfet de l’Aisne, 20 mai 1937. 242 Guy Delabre et Jean-Marie Gauthier, La régénération..., op. cit., pp. 1182-1183. 243 François Livache, « Les Familistériens. Les vices de la vertu. », in Thierry Paquot et Marc Bédarida (dir.), op. cit., p. 100. L’écart énorme entre cette somme et le salaire moyen permet d’envisager une surestimation . 244 ADA , 10 593, Courrier du sous- préfet de Ver vins au préfet de l’ Aisne , 5 juin 1951. 608 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social le caractère très substantiel de cette augmentation accordée aux cadres qui représente selon lui une hausse plus importante en pourcentages que la prime revendiquée par les salariés, obtenue après plusieurs jours de négociations, sans réelle satisfaction de part et d’autre. Au cours des dernières années de l’Association, les représentants syndicaux des ouvriers et employés dénoncent régulièrement un taux d’encadrement excessif245 et l’existence d’un trop grand nombre de directeurs (neuf directeurs et dix sous-directeurs), chiffre qui serait, selon la Préfecture, parfaitement normal pour une « affaire capitaliste »246. Cependant, on peut remarquer que, si la gérance nie l’existence d’intérêts particuliers à la direction, ceux des cadres sont particulièrement représentés et défendus au sein de l’Association. En effet, à partir au moins de 1950 (les archives des années précédentes n’ayant pas été conservées), on constate l’existence d’un « troisième collège » permettant aux cadres (ingénieurs et chefs de service) d’élire séparément leur délégué du personnel et leur représentant au comité d’entreprise : comme nous l’avons vu, cette élection se fait systématiquement sur candidature unique, le candidat-élu se définissant comme « indépendant » puis, à partir de 1964, comme membre de la CGC. La législation prévoit cependant que les entreprises de plus de 500 salariés ne comportent que deux collèges, les cadres votant avec les agents de maîtrise et techniciens247. Cette disposition ne sera modifiée que par la loi du 18 juin 1966, et seulement à la condition que ces cadres représentent plus de 5% de l’effectif total, soit au minimum 25 personnes. Or, si l’on observe les élections au CE de mai 1950, pour la nous disposons du nombre de votants, il apparaît que le troisième collège comporte 17 inscrits, soit 1,3% des salariés248. L’unique délégué cadre représente donc une grosse quinzaine de personnes, tandis que les agents de maîtrise et assimilés, qui sont un peu moins d’une centaine, n’ont eux aussi qu’un seul représentant. Les autorités, informées de cette anomalie, ne semblent pas s’en formaliser, ce qui indique que la Société du Familistère a vraisemblablement profité de la possibilité offerte par la loi de modifier le nombre des collèges, soit par le biais de la convention collective départementale, soit par un accord avec les syndicats de l’entreprise249. Enfin, le mécontentement des associés semble se cristalliser sur un dernier point : le sort réservé aux retraités dont le niveau de vie suit difficilement le cours de l’inflation. Dès 1944, un associé prend la parole en assemblée générale pour demander une amélioration du sort des veuves 245 AM de Guise, 1 S 53, Tract du Comité intersyndical d’action Godin, sd. (mars 1968). 246 La Voix du Nord, 29 mars 1968. 247 Jean-Pierre Le Crom, L’introuvable démocratie salariale, op. cit., p. 125. 248 ADA, 7 938, Elections du comité d’entreprise du 17 mai 1950. 249 Philippe Suet, Comités d'entreprise, délégués du personnel et délégués syndicaux : désignation, fonctionnement pratique, Paris, Li- brairies techniques, 1979, pp. 207-208. 609 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social du Familistère, ce qui est refusé par le gérant en raison de la situation difficile de la caisse des retraites250. L’année suivante, plusieurs associés interviennent à leur tour pour proposer d’améliorer la situation des retraités ou d’une partie d’entre eux : l’un d’eux évoque la création d’une cotisation payée par l’ensemble des salariés, un autre propose d’augmenter les subventions exceptionnelles à la caisse des retraites (ce qui diminuerait d’autant les bénéfices à répartir), un troisième envisage la constitution d’un fonds de secours alimenté par une subvention proportionnelle aux salaires, un dernier enfin demande un élargissement de l’aide aux veuves vers celles dont les maris n’avaient pas quinze ans d’ancienneté à l’usine 251. En 1952, à nouveau, un associé intervient en assemblée, cette fois pour défendre le droit des veuves non associées à conserver leur logement au Familistère252. Ce souci vis-à-vis des retraités explique que cette question devienne à la fin des années 1940 une cause de conflits entre les associés et la gérance. En effet, les pensions versées par l’Association et qui représentent l’essentiel des revenus des retraités sont fixées de façon forfaitaire selon des conditions qui tiennent compte du temps d’ancienneté à l’usine (plafonné à 15 ans pour les associés et à 30 ans pour les autres) et non de l’ancien salaire du pensionné. Ce système, on s’en souvient, avait été voté par les associés en 1888 dans un souci de limiter les dépenses de l’assurance des pensions, au détriment des hauts salaires (directeurs et contremaîtres) qui sont les plus pénalisés. Or, en 1947, la signature d’une convention collective nationale pour les cadres vient remettre en cause ce principe. En imposant à toutes les entreprises l’adhésion à une caisse de retraite complémentaire pour leurs cadres relevant de l’AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres), ce texte offre aux directeurs, ingénieurs et agents de maîtrise une pension supplémentaire dont le montant est désormais calculé en fonction des salaires perçus. En novembre de cette même année, l’assemblée générale des associés se déroule dans une ambiance houleuse : de « multiples interventions » se produisent et aboutissent à un vote à bulletin secret, rejetant à plus de 80% le rapport de la gérance, ce qu’un conseiller de surveillance (lui-même employé au service comptable) analyse comme un « mouvement irraisonné » visant à « assouvir une basse vengeance »253. Le contenu des discussions ayant été coupé des procès-verbaux, il est nécessaire d’émettre des hypothèses pour comprendre ce mouvement de protestation. Le lien avec la création d’une retraite com uniquement pour les cadres est d’autant plus facile à faire qu’en 1949 l’assemblée générale aboutit une seconde fois à un mouvement similaire, dans lequel la retraite des cadres est, cette fois, explicitement évoquée. 250 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 6 novembre 1954. 251 Id., 8 novembre 1952. 252 Id. 253 Id., 9 novembre et 12 décembre 1947. 610 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social En effet, le vote négatif se produit après qu’un associé, par ailleurs élu familistérien au comité des pensions, ait pris la parole pour « apporter des critiques concernant la retraite des cadres, l’utilisation des voitures, les aménagements des appartements de direction et le montant des retraites »254. Cette accumulation hétéroclite de sujets de mécontentement semble avoir comme point commun la volonté de dénoncer des privilèges que se seraient arrogés les directeurs. C’est en tout cas ce qui ressort de la réaction de René Rabaux après ce vote : le gérant évoque des « attaques » visant les conseillers de gérance et affirme que les avantages statutaires dont ces derniers jouissent sont bien moindres qu’à l’époque de Godin. Cette affirmation repose sur une comparaison entre la somme représentée par le 1% des bénéfices obtenu par chaque conseiller de gérance et le montant total des dépenses sociales de l’Association. Cette dernière somme comprend les dépenses statutaires et bénévoles, mais aussi les charges sociales légales créées depuis les années 1930255, de sorte que la part des bénéfices touchée par les directeurs apparaît en effet en comparaison bien moindre. En réalité, ce rejet du rapport de la gérance – voté à une voix près par un tiers des présents, alors que les deux tiers sont nécessaires pour constituer une majorité – représente avant tout une protestation contre une décision qui, comme le souligne le comité des pensions, a « force de loi » et ne peut être contestée par l’Association. Ces épisodes sont révélateurs d’une divergence d’opinions qui oppose, au sein de l’usine, les cadres et le personnel de direction au reste des salariés. Pour René Rabaux, la décision prise en 1888 par les associés vis-à-vis des retraites relevait d’un « égalitarisme non conforme à la volonté du Fondateur »256. Pour le gérant, la justice serait de différencier les retraites en fonction des responsabilités assumées par chacun. On retrouve cette même attitude lorsqu’il s’agit des salaires : nous avons vu à de nombreuses reprises comment la gérance s’attache à différencier les situations, préférant toujours accorder une hausse de salaire relative, qui tend à accroître les écarts de rémunération, plutôt qu’une prime forfaitaire. Ainsi, lorsqu’en 1951 les syndicats revendiquent une prime de 5 000 F pour tous, René Rabaux préfère proposer une hausse de 10%, exprimant sa désapprobation vis-à-vis de « l’octroi d’une somme identique pour tous, non hiérarchisée », soutenu en cela par les agents de maîtrise qui, de leur côté, contestent également cette « absence de hiérarchisation »257. Finalement, la hausse accordée sera de 8% auxquels s’ajoute une prime de 9 francs par heure258, de façon à satisfaire à la fois les revendications ouvrières et le principe de la différenciation des salaires. 254 Id., 13 novembre 1949. 255 Mais pas la cotisation à la caisse de retraite complémentaire des cadres, qui n’apparaît pas dans les rapports aux assemblées générales, peut-être par souci de ne pas souligner devant les associés le coût d’une obligation légale qui leur semble injuste. 256 René Rabaux, « Causerie du Centenaire », 1980, in Thierry Paquot et Marc Bédarida, op. cit., p . 216. 257 ADA , 593, Courrier du sous-préfet de Vervins au préfet de l’Aisne, 5 juin 1951. 258 Id., Courrier du commissaire de police de Guise au sous-préfet de Vervins, 22 septembre 1951. 611 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social Lorsqu’en 1954 se présente pour le gérant l’occasion de « porter un dernier coup »259 à cet égalitarisme et, en même temps, de diminuer les charges représentées par les retraites, celui-ci n’hésite pas. En effet, à cette date, est créée une caisse de retraite complémentaire destinée à tous les salariés de la métallurgie, l’IRPSIMMEC 260 : en est à l’origine le groupe Malakoff, qui a déjà en charge l’ensemble de la protection sociale des industries syndiquées à l’UIMM. Cette caisse de retraite interprofessionnelle présente aux yeux de Rabaux deux avantages : d’une part, elle devrait permettre de garantir aux retraités le versement d’une pension complémentaire de façon beaucoup plus pérenne que l’assurance des pensions, dont l’équilibre n’est à cette date assuré que grâce à d’importantes subventions « exceptionnelles »261. D’autre part, elle permet de « moduler le montant des pensions en fonction des salaires acquis, combinant ainsi l’ancienneté et l’importance des fonctions assurées »262. L’un des objectifs poursuivis est donc bien de mettre fin au plafonnement des pensions des cadres, ce qui n’aurait pu être réalisé par la seule assurance des pensions, en raison de ses finances trop faibles et surtout du veto que les associés non-cadres y auraient opposé. Cette adhésion est proposée aux associés au printemps 1954, au cours d’une assemblée extraordinaire dont aucune archive n’a été conservée. Rabaux signale qu’une opposition s’y manifeste, mais de façon trop minoritaire pour empêcher le vote de cette décision. Deux éléments peuvent expliquer cette opposition : d’une part le fait que cette adhésion profite avant tout aux très hauts salaires, qui étaient les plus pénalisés par le plafonnement statutaire des pensions, et d’autre part le fait qu’elle entraîne une dépense pour les ouvriers qui doivent, semblet-il, prendre à leur charge une part de la cotisation. En effet, René Rabaux évoque l’existence d’une « participation ouvrière légale »263, l’Association n’assumant que la « cotisation patronale à la caisse paritaire »264. Malgré ces sujets de contestation, l’assemblée générale vote sans problèmes une adhésion qui doit avoir pour conséquence une augmentation des pensions, limitées jusque-là par les difficultés financières de la caisse de retraites. Cependant, René Rabaux luimême considère que l’opposition née à cette occasion marqua « le début du mouvement qui devait amener [son] départ »265. Les associés, dans les mois qui suivent, vont en effet chercher à obtenir de nouveaux avantages pour eux-mêmes, en une sorte de compensation de celui obtenu par les cadres grâce à cette caisse de retraite complémentaire, ce qui entraîne entre l’assemblée générale et la gérance un conflit qui peut apparaître comme le plus grave qu’ait connu l’Association. 259 René Rabaux, Un socialisme d’entreprise..., op. cit., 1978, p. 151. 260 Institution de répartition et de prévoyance pour les salariés des industries mécaniques, métallurgiques, électriques et connexes. 261 Cf infra p. 78. 262 René Rabaux, « Causerie du Centenaire », 1980, in Thierry Paquot et Marc Bédarida, op. cit., p. 216. 263 René Rabaux, Un socialisme d’entreprise..., op. cit., 1978, p. 211 264 René Rabaux, « Causerie du Centenaire », 1980, in Thierry Paquot et Marc Bédarida, op. cit., p. 217. 265 René Rabaux, Un socialisme d’entreprise..., op. cit., 1978, p. 151. 612 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social La démission de René Rabaux : l’apogée des tensions Lorsqu’on envisage cet épisode de la vie de l’Association, c’est l’expression de « conflit censuré » qui semble la plus appropriée, tant on constate les efforts déployés par tous pour que les difficultés sans précédent qui secouent la Société ne reçoivent pas d’écho à l’extérieur : la presse locale résume l’événement à l’annonce du changement d’administrateur-gérant, avec les félicitations d’usage au nouvel élu. Les seules sources qui évoquent directement ce conflit sont les multiples discours ou écrits de René Rabaux qui présente volontiers son point de vue, évidemment peu objectif, ce qui rend d’autant plus difficile l’analyse des faits. Avant de se pencher directement sur les événements de 1954, il nous faut d’abord noter que, depuis 1945, les rapports entre les associés, habituellement favorables à la gérance, et René Rabaux ont continué à se dégrader. L’administrateur-gérant oscille en effet entre un discours qui vise à flatter les associés en soulignant leur supériorité au sein de l’Association et la volonté d’affirmer son autorité personnelle qu’il juge atteinte par l’activité croissante de l’assemblée générale. D’une part, on retrouve ce discours traditionnel qui présente les associés comme les soutiens naturels de la gérance qui ne serait qu’une « émanation » de l’assemblée générale266 : les associés, « fidèles gardiens de l’idée d’Association », sont appelés à jouer le rôle de « propagandistes »267 auprès du reste du personnel. En 1951, l’opposition entre les associés et les non-Familistériens est tout particulièrement mise en avant, en raison « des nombreux embauchages [ayant] introduit dans l’usine une forte minorité de personnes qui n’ont pas encore l’esprit d’association » 268. Tandis que les associés sont ainsi présentés comme les principaux alliés de la gérance, les auxiliaires et participants font l’objet d’une méfiance croissante, qui s’exprime par l’instauration d’une sorte de « période d’essai » de deux ans au cours de laquelle la gérance pourra plus facilement retirer son titre – mais sans le licencier – à un participant qui n’aurait pas respecté l’esprit des statuts. Mais, dans le même temps, ces mêmes associés sont parfois sévèrement rappelés à l’ordre par la gérance qui attend d’eux une discipline d’autant plus ferme en vertu de la place supérieure qu’ils occupent au sein de l’Association. Les multiples interventions des associés dans les assemblées générales sont parfois peu appréciées par l’administrateur-gérant qui y apporte quelquefois une fin de non-recevoir269, mais qui surtout en conteste la légitimité. Après les vifs débats et le vote massivement négatif de l’assemblée générale de 1947, René Rabaux décide de modifier les règles de déroulement de ces réunions annuelles : 266 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 23 octobre 1942. 267 Id. 9 novembre 1947. 268 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 10 novembre 1951. 269 Id., 31 décembre 1944. 613 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social « Contrairement à l’usage de ces dernières années, j’éviterai de m’étendre sur les questions qu’il n’est pas nécessaire de faire figurer dans un tel rapport. [...]A aucun prix je ne peux admettre que l’assemblée s’érige en tribunal pour passer au crible des actes de simple gestion. [...] Il n’est pas normal non plus qu’on puisse assaillir l’administrateur-gérant de questions dont il n’a pu préparer la réponse. C’est pourquoi je m’abstiendrai systématiquement de répondre à toutes les questions, même se rapportant à l’ordre du jour, dont il ne m’aura pas été fait part avant le mercredi précédent l’assemblée. [...] J’estime en contrepartie de [mon dévouement] avoir le droit à toute la considération qui s’attache à mon rôle de chef et je ne crois pas devoir permettre que l’assemblée devienne une occasion de saper mon autorité. »270 Par cette prise de position, René Rabaux interdit aux associés toute réaction à ses propres déclarations ainsi que toute initiative, puisqu’il devient impossible d’évoquer une question ne figurant pas à l’ordre du jour. Les associés sont donc invités à se contenter du rôle de soutien et d’approbation de la gérance. L’année suivante, en 1949, l’administrateur-gérant exprime à nouveau son mécontentement : faisant référence à un article de presse « aux intentions sympathiques », mais à la forme insatisfaisante271, Rabaux appelle le personnel à « ne donner que des renseignements rigoureusement exacts et [à] laisser à la direction le soin de fournir des documents officiels ». Puis il ajoute : « Si j’insiste sur ce point, c’est que j’ai les meilleures raisons de croire que des documents comptables ont été divulgués, divulgations qui constituent pour leurs auteurs des fautes graves. L’intervention directe des associés dans la gestion est réalisée par les assemblées générales dont les pouvoirs sont définis par les statuts. [...] [ Mais l’assemblée] ne doit pas être un épouvantail à agiter aux yeux du gérant [...] pour obtenir quelque satisfaction personnel le. [...] J’aimerais que vous vous demandiez, lorsqu’on discute de la gestion, [...] si le mobile est bien toujours l’intérêt général ou si, à la base, il n’y a pas une rancœur, une animosité personnelle. »272 Le conflit qui oppose en 1954 la gérance aux associés n’est donc pas soudain. Il fait suite à une dégradation progressive de l’atmosphère des assemblées générales. Cette tension donne l’occasion au gérant de développer à nouveau ses thèmes essentiels : la démocratie interne à l’Association doit fonctionner dans le respect de l’autorité de la gérance, qui tire sa légitimité des statuts, mais aussi et surtout de son dévouement pour l’intérêt général, par opposition aux ouvriers dont les revendications sont « personnelles » et pourraient nuire à l’Association. Cette idée, qui apparaît fondamentale dans la pensée de Rabaux, se retrouve au cœur du conflit qui éclate en 1954. Dans les mois qui suivent l’adhésion de l’Association à l’IRPSIMMEC, un petit groupe d’associés s’organise pour revendiquer de nouveaux droits. Ils forment alors, conformément aux statuts, un comité d’études libres destiné à étudier une question et à proposer à 270 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 14 novembre 1948. 271 Il nous a été impossible de trouver l’article en question : le seul datant de cette époque que nous avons pu découvrir est un article du Monde de mars 1948, qui n’émet aucune critique contre la gérance. 272 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 13 novembre 1949. 614 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social la gérance un projet de réforme de l’Association. Aucune de nos recherches ne nous a malheureusement permis de découvrir qui composait ce comité : d’après René Rabaux, il n’était formé que d’associés, ce qui lui semble par ailleurs non conforme à la définition que Godin donnait du comité d’études273. On peut supposer qu’André Gauchet, délégué du personnel extrêmement actif depuis les années 1930 et désormais membre de FO, en faisait partie puisque c’est lui qui prend la parole au cours de l’assemblée générale pour « critiquer la gestion et les termes du rapport du gérant »274 (la suite étant coupée). D’après les témoignages de René Rabaux, le but de ce comité est de revendiquer la garantie d’une part de bénéfices minimale pour les six associés élus chaque année conseillers de gérance et de surveillance. En effet, nous avons vu que, très rapidement après la mort de Godin, il était devenu traditionnel d’élire comme conseillers les associés les plus anciens, naturellement désignés par leurs camarades comme les plus méritants et les plus expérimentés. La part de bénéfices qui leur revient (1% pour les conseillers de gérance, 0,67% pour les conseillers de surveillance) avait donc fini par être considérée comme une prime de fin de carrière. Or, cette « prime » peut représenter des sommes très variables selon les années, en fonction des résultats. Graphique 15. Evolution des revenus des associés et des conseillers de gérance élus (1891-1967) Dans les années 1920, qui sont caractérisées par des bénéfices élevés et un faible réinvestissement dans l’entreprise, la somme perçue par ces associés (et par ailleurs par tous les 273 Cf infra p. 78. 274 Procès- verbal de l’ assembl ée générale associés, 6 novembre 1954. 615 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social conseillers de gérance, l’administrateur touchant quant à lui quatre fois plus) atteint des montants considérables, représentant jusqu’à dix fois le salaire annuel moyen au sein de l’usine. Mais, à l’inverse, lorsque les résultats chutent, la « prime » tend à diminuer rapidement voire à disparaître, lorsqu’il n’y a aucune répartition des bénéfices275 : dans ce cas, la gérance cherche à compenser le manque à gagner en accordant un complément financier aux conseillers. Après 1945, la situation apparaît cependant très différente de ce qu’elle était dans les années 1920. Malgré la forte prospérité de l’usine, la marge bénéficiaire plus faible et les efforts faits par la gérance pour réinvestir ces résultats dans l’entreprise (notamment en remboursant ses dettes envers les banques) entraînent des distributions beaucoup moins importantes que les associés ne pourraient s’y attendre. Or, cette récompense accordée aux conseillers élus représente plus qu’une simple prime : étant distribuée sous forme de titres d’épargne, c’est-à-dire d’actions de la Société, elle assure aux associés qui partent à la retraite un complément de revenus non négligeable qui peut s’étendre sur une demi-douzaine d’années. En effet, ces parts du capital vont leur être progressivement remboursées, en fonction des bénéfices des années suivantes. Mais, tant que ces titres n’ont pas été remboursés, ils apportent à leurs propriétaires un revenu supplémentaire, puisque le capital est rémunéré à hauteur de 5%, auxquels s’ajoutent des dividendes proportionnels aux bénéfices. L’élection au conseil de gérance représente donc une véritable rente pour les associ retraités, limitée dans le temps, mais au montant important en comparaison des retraites perçues. Cela explique l’importance que cette élection aux conseils de gérance et de surveillance revêt aux yeux des associés. René Rabaux raconte dans ses mémoires les calculs qu’entrainait l’approche de ce scrutin, certains associés tenant un compte extrêmement rigoureux, au jour près, de leur ancienneté dans l’usine : si cette stratégie est dénoncée par Rabaux comme « cynique » voire « indécente »276, on comprend l’enjeu énorme que cela représente pour des salariés proches de la retraite. En 1947 déjà, les conseillers de surveillance avaient glissé dans leur rapport une dénonciation polie de l’injustice que représentait la différence faite entre les élus des deux conseils (les conseillers de gérance élus se partagent 3% des bénéfices, contre 2% seulement pour les conseillers de surveillance) et évoqué la possibilité de « prendre sur les fonds disponibles [...] la somme nécessaire pour combler cette lacune »277. En 1954, les bénéfices ne sont pas nuls, mais représentent une somme extrêmement faible, surtout en comparaison du chiffre d’affaires : la part des bénéfices qui doit revenir aux conseillers de gérance représente un peu plus de deux mois du salaire moyen d’un associé. C’est dans ce contexte que naissent le comité d’études et sa proposition. Nous ne disposons pas du contenu exact de leurs conclusions qui sont résumées par René Rabaux : le comité demande une modification des statuts de façon à garantir aux associés élus, en cas de mauvais bénéfices, un 275 C ’est le cas en 1939, 1944 et 1960. 276 René Rabaux, Un socialisme d’entreprise..., op. cit., 1978, p. 149. 277 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 9 novembre 1947. 616 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social minimum de 500 000 francs (300 000 F pour les conseillers de surveillance ) 278 . Cette somme correspond, en valeur constante, à la somme perçue en 1949 et se révèle inférieure à celles obtenues par les élus du début des années 1950. Pour l’exercice de 1954, elle dépasserait légèrement la somme que le gérant lui-même perçoit au titre de ses 4% des bénéfices. Au total, la somme que toucheraient les six conseillers élus correspondrait environ à ce que perçoit l’ensemble du conseil de gérance, administrateur-gérant compris. Puisqu’il ne peut s’agir de prélever cette somme sur la part qui doit revenir au personnel, ni d’exiger une dépense de l’Association, on peut supposer que l’idée du comité d’études était de la prendre sur la part des directeurs eux-mêmes. Si René Rabaux se déclare favorable à l’idée d’une compensation financière accordée en cas de mauvais résultats, il considère son inscription dans le marbre statutaire comme « incompatible avec l’esprit des statuts » et décide d’entrer en « lutte ouverte » avec le comité d’études. Est-ce là la seule cause qui le mène à la démission? Si c’est l’explication que lui-même donne des événements, on peut s’interroger sur la présence de critiques plus graves. Lors de cette assemblée tumultueuse de 1954, le gérant évoque en effet « une pétition au caractère discourtois » signée par les associés et « la tentative de faire remettre par le conseil de surveillance un rapport qui, s’il eût été maintenu, devrait entraîner parallèlement une demande de révocation du gérant »279. Dans son ouvrage de 1978, Rabaux affirme que c’est « sur [son] injonction »280 que le conseil de surveillance présente un rapport sous la forme traditionnelle, ce qui sous-entend que c’est sur son intervention que le précédent rapport n’a pas été « maintenu ». Or, si celui-ci pouvait entraîner sa révocation, cela ne pouvait être que pour certains motifs prévus par les statuts : absence de bénéfices, pertes provoquées par des opérations faites contre l’avis du conseil de gérance, non-respect des statuts pour les réunions ou les nominations de directeurs et enfin détournement de fonds ou prise d’intérêts. Dans cette liste, seules les pertes peuvent avoir été utilisées par le comité d’études : si l’exercice ne se termine pas sur un déficit, il est vrai que, d’une part, l’endettement provoqué par la modernisation de l’usine et, d’autre part, la diversification de la production vers l’électroménager ont coûté cher à l’entreprise pour des résultats encore peu visibles. Il est donc possible que l’assemblée de 1954, au-delà des revendications des associés, ait été l’occasion d’une critique plus profonde de la stratégie de René Rabaux. L’hypothèse semble d’autant plus crédible que le comité d’études et, de façon générale, les associés hostiles à l’administrateur-gérant sont soutenus par une partie du conseil de gérance. Cette révolte, que René Rabaux qualifie de « cabale »281, est attribuée par le gérant aux « ambitions déçues » de certains directeurs. Paul Anstell est désigné à mots couverts comme le 278 René Rabaux, Un socialisme d’entreprise..., op. cit., 1978, p. 232. 279 Procès-verbal de l’assemblée générale des associés, 6 novembre 1954. 280 René Rabaux, Un socialisme d’entreprise..., op. cit., 1978, loc. cit. 281 Id.. Il est frappant de noter que les anciens Familistériens tendent, aujourd’hui encore, à utiliser ce même terme lorsqu’ils racontent ces événements. 617 Chapitre 8 : L’échec d’un modèle social principal instigateur, même si son fils Raymond, que Rabaux avait commencé à préparer pour lui succéder, est quant à lui dédouané de toute implication dans le complot. C’est donc parce qu’il sait ne pas pouvoir imposer son autorité à la fois aux associés et au conseil de gérance que René Rabaux décide unilatéralement de démissionner, ce qu’il annonce le jour même de l’assemblée générale. Si Rabaux considère que sa démission était l’objectif premier du comité d’études et des conseillers de gérance, il est évident que son départ n’était pas souhaité par l’assemblée générale, qui vote immédiatement le recours au comité de conciliation282 pour rechercher un compromis.
21,282
61/hal.parisnanterre.fr--hal-01640917-document.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
2,218
3,923
Pré 3 Avant propos 11 Table des abréviations 15 PARTIE I. ORGANES ET VALEUR DE LA CONVENTION CHAPITRE 1 SPLENDEUR ET MISÈRE DE LA CONVENTION SUR L'ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES Section I. Le prodige d'une acceptation universelle 25 §1. UNE PROTECTION CATÉGORIELLE ET GÉNÉRALISTE MODERNE 26 I. La lutte contre les discriminations à l'égard des femmes. 26 II. L'égale jouissance des droits fondamentaux dans tous les domaines 28 §2. UN MÉCANISME INDÉPENDANT DE SURVEILLANCE 30 I. Un comité conventionnel 31 II. Un mécanisme quasi-juridictionnel précurseur34 Section II. Le constat d'un universalisme de convenance 35 §1. LES LACUNES DE L'OBJECTIF D'ÉGALE JOUISSANCE DES DROITS FONDAMENTAUX 36 I. L'oubli du libre épanouissement des femmes 36 II. La reproduction des insuffisances des mécanismes de communication existants 39 §2. LE PI ÈGE DES RÉ SERVE S AUX DIS POSITIONS DE LA CONVENTION 41 I. Des réserves difficilement compatibles avec l'objet et le but de la Convention 41 II. Les incertitudes quant au sort d'une réserve invalide 44 CHAPITRE 2 LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES : TRENTE ANS D'ACTIVITÉS EN FAVEUR DES FEMMES Section I. L'organisation et le fonctionnement du Comité : une rationalisation progressive 50 § 1. UN COMITÉ AU FÉMININ 50 I. La surreprésentation des femmes 50 II. L'engagement en faveur des droits des femmes 51 TABLE DES MATIÈRES III. Une répartition géographique encore inégale 52 IV. Une indépendance et impartialité parfois discutée 53 § 2. UNE ORGANISATION INTERNE STRUCTURÉE 54 . Le règlement intérieur du Comité 54 II. Le Bureau du Comité 54 III. Le secrétariat du Comité55 § 3. UN FONCTIONNEMENT ENTRAVÉ PAR DES DISPOSITIONS INADAPTÉES 55 I. Des sessions rationnées 56 II. La faiblesse des moyens mis à disposition du Comité 57 Section II. Les mécanismes et procédures de mise en oeuvre de la Convention : vers une effectivité accrue 58 § 1. LES MÉCANISMES PRÉVUS PAR LA CONVENTION 58 I. L'examen des rapports étatiques 58 II. La formulation de suggestions, de recommandations générales et de décisions 62 § 2. LES MÉCANISMES INTRODUITS PAR LE PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION 63 I. L'enquête : une procédure encore peu utilisée 64 II. Les communications individuelles : un mécanisme aux effets mitigés65 A. Les auteurs de la plainte : une saisine largement ouverte 65 B. L'épuisement des voies de recours interne : un principe assoupli 67 C. La compétence ratione temporis : une appréciation complexe 68 D. La compétence ratione loci : une reconnaissance de la responsabilité extraterritoriale des Etats parties 69 E. L'irrecevabilité d'une communication manifestement mal fondée ou insuffisamment motivée 70 F. Les conditions de forme : un formalisme assoupli 71 G. Le déroulement de la procédure de communication : une rationalisation du travail du Comité 71 §3. LA VALEUR JURIDIQUE DES ACTES ADOPTÉS PAR LE COMITÉ : L'AUTORITÉ EN QUES TION 73 I. La portée juridique des observations finales et des recommandations générales 73 II. La portée juridique des constatations du Comité 74 Section III . Le Comité : un organe en réseau 77 §1. LES RAPPORTS PRIVILÉGIÉS DU COMITÉ AVEC LES ONG 77 §2. LA MULTIPLICATION DES RAPPORTS DU COMITÉ AVEC LES ORGANES ONUSIENS 79 364 LA CONVENTION SUR L'ÉLIMINATION DES DISCRIMINATIONS À L'ÉGARD DES FEMMES CHAPITRE 3 L'AUTORITÉ JURIDIQUE DE LA CONVENTION DANS LES ORDRES NATIONAUX : UNE INTÉGRATION EN DEMI-TEINTE Section I. Le faible statut reconnu à la Convention par les Etats 82 § 1. LE STATUT DE LA CONVENTION LIBREMENT DÉTERMINÉ PAR CHAQUE ETAT 82 I. Des modalités d'intégration variables de la Convention 82 II. Des modes différenciés d'articulation de la Convention avec le droit interne 86 § 2. LA SPÉCIFICITÉ DU STATUT DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DES FEMMES ET DES HOMMES 88 I. L'obligation d'inscrire le principe dans une norme nationale 98 II. L'interprétation dynamique du Comité 90 Section II. La justiciabilité naissante des droits conventionnels devant les juges internes 91 § 1. L' ABSENCE D'UNE PLEINE JUSTICIABILITÉ DES DROITS CONVENTIONNELS 92 I. L'effet direct marginal de la Convention 92 II. Des réticences judiciaires insurmontables? 95 § 2. VERS UN RENFORCEMENT DE LA JUSTICIABILITÉ INDIRECTE DES DROITS CONVENTIONNELS 98 I. le droit national interprété à la lumière de la Convention 98 II. Le juge international : une influence propice ou nuisible à la Convention? 101 PARTIE II. LES PRINCIPES FONDATEURS DE LA CONVENTION CHAPITRE 4 LA CONVENTION, UN OUTIL POUR L'ÉGALITÉ Section I. Une conception exigeante de l'égalité 108 §1. UNE DEFINITION ORIGINALE DE LA DISCRIMINATION 108 I. Une définition englobante 108 II. Une définition dépassant l'égalité formelle 110 III. Une définition asymétrique 113 § 2. UNE APP RÉHENSION DE LA DISCRIMINATION DANS SES DIFFÉRENTES FORMES 115 I. Les discriminations directes 116 II. Les discriminations indirectes 117 Section II. Un encadrement précis des obligations étatiques 120 §1. DES OBLIGATIONS GÉNÉRALES ESSENTIELLES À L'OBJECTIF D'ÉGALITE 120 I. Un cadre général d'interprétation 120 II. L'incompatibilité des reserves faites à l'article 2 122 §2. DES OBLIGATIONS DÉTAILLÉES 123 I. Les articles 2 et 3, ou l'élimination des discriminations à l'égard des femmes 124 II. L'article 4, ou l'adoption de mesures temporaires spéciales 129 TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE 5 STÉRÉOTYPES DE GENRE ET RÔLES TRADITIONNELS : LA DIMENSION ÉMANCIPATOIRE DE LA CONVENTION Section I. Une dimension émancipatoire : la lutte contre les stéréotypes de genre 135 § 1. L'IDENTIFICATION PAR LE COMITÉ DES STÉRÉOTYPES DE GENRE 136 § 2. MODIFIER LE CADRE CULTUREL ET ASSURER L'ÉGALITÉ 139 Section II. Les outils de l'égalité transformative144 § 1. LA PROMOTION DE L'ÉGALITÉ ET DE LA DIVERSITÉ 145 § 2. L'ACTION CONTRE LES DISCRIMINATIONS FONDÉES SUR DES STÉRÉOTYPES SEXISTES 147 I. Représentation des femmes dans les médias 148 II. Représentation des femmes dans les discours judiciaires 150 CHAPITRE 6 A L'INTERSECTION DES DISCRIMINATIONS STRUCTURELLES : LA CONVENTION ET LA PROTECTION DES GROUPES VULNÉRABLES Section I. L'intersectionnalité : un outil pour dévoiler les discriminations structurelles 159 §1. L'IMPORTANCE DE LA MISE EN CONTEXTE DANS L'IDENTIFICATION DES DISCRIMINATIONS STRUCTURELLES 159 §2. LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER LES FEMMES LES PLUS VULNÉRABLES FACE À L'INTERSECTION DES DISCRIMINATIONS 163 Section II. L'intersectionnalité : un outil pour l'égalité transformative des groupes vulnérables 167 § 1. L'OBLIGATION ÉTATIQUE DE METTRE EN PLACE DES MESURES À CARACTÈRE TEMPO AIRE 167 § 2. L'OBLIGATION ÉTATIQUE DE METTRE EN PLACE DES MESURES À CARACTÈRE STRUCTUREL 175 PARTIE III. LES DROITS CONSACRES CHAPITRE 7 LE CORPS DES FEMMES. AUTONOMIE ET INTÉGRITÉ CORPORELLES DANS LA CONVENTION Section I. Droits reproductifs et accès aux services de santé 185 § 1. OBLIGATION DE RESPECTER : L'EXEMPLE DE LA STÉRILISATION 188 § 2. OBLIGATION DE PROTÉGER : L'EXEMPLE DE L'INTERRUPTION DE GROSSESSE 190 § 3. OBLIGATION DE RÉALISER : L'EXEMPLE DE L'ACCES EFFECTIF AUX SERVICES DE SANTÉ 194 I. Education sexuelle et information contraceptionnelle 194 II. Accès aux services de santé 195 366 LA CONVENTION SUR L'ÉLIMINATION DES DISCRIMINATIONS À L'ÉGARD DES FEMMES Section II. Violences de genre et pratiques préjudiciables 197 § 1. VIOLENCES DE GENRE ET PRATIQUES PRÉJUDICIABLES : DES NOTIONS GLOBALES 198 I. Des violences de genre ancrées dans un cadre culturel défavorable aux femmes 198 II. Les féminicides comme cas emblématiques de violences discriminatoires 200 III. La lutte contre les violences de genre, une obligation déduite de la Convention 201 § 2. VIOLENCES DE GENRE ET PRATIQUES PRÉJUDICIABLES : ANALYSES ET EXEMPLES 203 I. Les violences domestiques 203 A. Mesures pénales et crimes d'honneur 204 B. Mesures protectrices et contrôle du comité 205 II. Traite et prostitution 208 III. Viols et agressions sexuelles 212 IV. Mutilations sexuelles féminines 215 CHAPITRE 8 LA FAMILLE : « UNITÉ FONDAMENTALE » DE DISCRIMINATIONS? Section I. Les droits des femmes dans la sphère familiale 222 § 1. LES DROITS DES FEMMES EN TANT QU'ÉPOUSES 222 I. Les droits des femmes à l'entrée du mariage 223 II. Les droits des femmes durant le mariage 225 A. Droit au nom 226 B. Droit à la nationalité 227 C. Droit à l'égalité en matière patrimoniale 229 III. Les droits des femmes lors de la dissolution et après le mariage 230 § 2. LES DROITS DES FEMMES EN TANT QUE MÈRES 232 Section II. Les limites aux droits des femmes dans la sphère familiale 236 § 1. UNE DÉFINITION À GÉOMÉTRIE VARIABLE DE LA NOTION DE FAMILLE 236 I. Les familles non-traditionnelles 237 II. Les familles 'ultra-traditionnelles' 239 § 2. LE POIDS DES PRA TIQUES RELIGIEUSES, TRADITIONNELLES, COUTUMIÈRES ET DES STÉRÉOTYPES CULTURELS 241 I. Les réserves à l'article 16 241 II. La protection étatique des pratiques religieuses, traditionnelles, coutumières dans la famille 242 367 TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE 9 EGALITÉ PROFESSIONNELLE ET SÉCURITÉ ÉCONOMIQUE, LES DROITS SOCIAUX DANS LA CONVENTION Section I. Egalité 250 § 1. L'ÉGALITÉ FORMELLE ENTRE HOMMES ET FEMMES AU TRAVAIL 250 I. L'égal accès au travail 251 II. L'égale ré munération 254 A. A travail égal, salaire égal 254 B. L'égal accès à la protection sociale : sécurité sociale, chômage et retraite 256 III. La protection de la santé au travail 258 A. La protection de la maternité au travail 258 B. La protection contre le harcèlement sexuel 260 § 2. L'É GALITÉ RÉELLE : LA PROTE CTION DE LA MATERNITÉ 261 I. L'interdiction des discriminations fondées sur la maternité 261 II. Le droit à un congé maternité indemnisé 262 Section II. Précarité 264 § 1. LA PRISE EN COMPTE DE L'ACTIVITÉ DOMESTIQUE, OU LA QUESTION DU CARE 265 I. Travail domestique et non rémunéré 265 A. La non-reconnaissance du travail domestique, une atteinte aux droits humains 267 B. La reconnaissance du travail domestique, une obligation étatique 268 II. La conciliation des temps de vie 270 A. La redistribution des rôles sociaux de sexe 270 B. La redistribution entre familles et pouvoirs publics 272 § 2. LA PROTECTION CONTRE LA PAUVRETÉ 274 I. La réduction du travail informel 275 II. La critique des conséquences de la crise économique et de la globalisation 277 CHAPITRE 10 LA TRANSFIGURATION DE L'ESPACE PUBLIC Section I. Une éducation réellement inclusive en ligne de mire 282 §1. LU TTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS L'ACCÈS AU SYSTÈME ÉDUCATIF 283 I. Respecter le droit d'accès à l'éducation sans discrimination 283 A. L'interdiction des discriminations directes 283 1. Un accès aux différents niveaux d'éducation 284 2. Des conditions d'enseignement similaires au sein d'établissements non-mixtes 285 B. L'interdiction des discriminations indirectes 286 II. Protéger et réaliser le droit d'accès à l'éducation sans discrimination 287 A. Affronter les pratiques patriarcales anti-émancipatoires 287 B. Combattre les causes structurelles de la discrimination 289 368 LA CONVENTION SUR L'ÉLIMINATION DES DISCRIMINATIONS À L'ÉGARD DES FEMMES §2. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS PAR L'INTERMÉDIAIRE DU SYSTÈME ÉDUCATIF 290 I. Des institutions éducatives à consolider 291 A. Le manque d'infrastructures physiques 291 B. Le manque d'enseignants formés et qualifiés 291 II. Des programmes scolaires à réformer 292 A. Des programmes scolaires renforcés 293 1. Des programmes spéciaux 293 2. L'éducation à la santé sexuelle et reproductive 294 B. L'éducation, vecteur d'égalité des sexes 295 1. Intégrer l'égalité des sexes dans les programmes scolaires 295 2. Garantir la mixité au sein des différentes formations 296 Section II. Une transformation tangible des représentations du pouvoir 298 §1. REPRÉSENTER LE PEUPLE 299 I. La citoyenne votante A. Respecter le droit de vote sans discrimination 299 1. L'interdiction des discriminations directes 300 2. L'interdiction des discriminations indirectes 300 B. Protéger et réaliser l'exercice du droit de vote sans discrimination 301 1. Affronter les pratiques patriarcales antidémocratiques 301 2. Combattre les causes structurelles de la discrimination 302 II. La citoyenne représentante 303 A. Le droit d'être éligible 303 1. Respecter le droit de candidater sans discrimination 303 2. Protéger et réaliser le droit de candidater sans discrimination 304 a. Affronter les pratiques patriarcales antidémocratiques 304 b. Combattre les causes structurelles de la discrimination 306 B. Le droit d'être élue 307 1. La représentation bisexuée 307 a. Une démocratie authentique 308 b. Les quotas électoraux 308 2. Une représentation hétérogène 301 a. Une exigence ambiguë 310 b. C E D E F Couverture : Peinture de Jennie Desrutins, L'équilibriste. L a Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979 est paradoxalement un des traités internationaux parmi les plus ratifiés et peut-être un des plus méconnus. Ses stipulations couvrent pourtant de nombreux pans de la vie des femmes: santé et contrôle des naissances; famille et état civil, travail et égalité professionnelle, éducation et participation politique Plus encore, en 25 ans, la CEDEF a fait l'objet d'une interprétation dynamique, qui intègre désormais la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la nécessité de combattre les stéréotypes de genre. Parité, égalité salariale, statut personnel, droits reproductifs ou prostitution: les sujets abordés par la convention sont d'une actualité certaine. Cet ouvrage, le premier en langue française, retrace l'histoire de la CEDEF et analyse le contenu et la portée de cette convention, outil indispensable pour atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, à la fois sur la scène internationale et en droit interne. LA CONVENTION POUR L'ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS A L'EGARD DES FEMMES Commande soit aux Editions A. PEDONE - 13 Rue Soufflot - 75005 PARIS, soit par télécopie: + 33 (0)1.46.34.07.60 ou sur [email protected] - 32 € l'ouvrage - 36 € par la poste. Le montant peut être envoyé par : ❏ Carte Visa ❏ Chèque bancaire N°/// ❏ Règlement sur facture Cryptogramme ISBN 978-2-233-00727-8 Date de validité.
28,413
61/pastel.archives-ouvertes.fr-pastel-00002224-document.txt_8
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
7,229
13,101
(6.9) La condition sur les moments peut être approximée en utilisant la moyenne empirique gN (Θ) = N 1 X f (YΘ0 [k], Θ). N (6.10) k=1 Définition 6.2 L'estimateur GMM est défini par ¡ T ¢ b = argmin gN Θ WN gN, (6.11) Θ où WN est une suite de matrices de pondération qui converge vers une matrice W∞ symétrique définie positive lorsque N tend vers +∞. Théorème 6.3 (Hansen) Si les propriétés suivantes sont vérifiées – le processus {Y [k]}k est ergodique, – la série {f (YΘ0 [k], Θ)}k vérifie le théorème central limite, c'est-à-dire N 1 X √ f (YΘ0 [k], Θ) → N (0, VΘ ), N k=1 (6.12) où la matrice VΘ est définie par VΘ = lim K X K→+∞ £ ¤ E f (YΘ0 [k], Θ)f (YΘ0 [k], Θ)T. (6.13) k=−K – la matrice (r × p)-dimensionnelle DgN = ∂gN ∂Θ a un rang p et elle converge vers * ̧ ∂f (YΘ0 [k], Θ) Df = E, ∂Θ (6.14)  Chapitre 6 b est consistent et alors l'estimateur GMM Θ √ ¡ ¢ b − Θ → N (0, Σ), N Θ où ¡ ¢−1 T ¡ ¢−1. Σ = Df T W∞ Df Df W∞ VΘ0 W∞ Df Df T W∞ Df Preuve - 6.3 La démonstration est détaillée dans [Han82]. (6.15) (6.16) ¥ Proposition 6.4 L'estimateur GMM est optimal si la limite W∞ des matrices de pondération WN (6.11) est égale à VΘ−1, définie par l'équation (6.13). Dans ce cas la matrice de variance-covariance 0 de l 'estimateur GMM est donnée par ¡ ¢−1 Σopt = Df T VΘ−1 Df. (6.17) 0 Preuve - 6.4 La démonstration est détaillée dans [Han82]. ¥ En pratique, il est bien évidemment impossible d'utiliser la matrice de pondération optimale VΘ−1, puisque le vecteur Θ0 est inconnu. On suit donc généralement la procédure 0 récursive suivante : 1. On choisit la matrice de pondération WN quelconque, on peut prendre par exemple b est un estimateur a priori de Θ0, la matrice IdN ou encore la matrice V b−1, où Θ Θ b en utilisant la matrice de pondération WN, 2. On calcule (6.11) l'estimateur GMM Θ b est l'estimateur GMM obtenu 3. On fixe la matrice de pondération WN = V b−1, où Θ Θ à l'étape 2, b soient 4. On répète les étapes 2 et 3 jusqu'à ce que les valeurs successives de Θ suffisamment proches l'une de l'autre. b peuvent être déterminés à l'aide de l'équaLes intervalles de confiance de l'estimation Θ tion (6.15). Sous condition que le régime asymptotique est atteint. Si ce n'est pas le cas, seule une méthode de Monte Carlo permet d'obtenir ces intervalles de confiance. 6.2.2 Estimation des paramètres du modèle MRW log-normal Soit {Zτ [k]}k=1,,N la suite de logarithmes des accroissements absolus du processus MRW log-normale à l'échelle d'échantillonnage τ. Considérons le vecteur de paramètres Θ = {ln(σ), λ2, ln(T )}.  (6.18) Estimation des paramètres par la méthode GMM Section 6.2 Pour les conditions sur les moments (6.9), il paraı̂t naturel de choisir la variance du processus {e2Zτ [k] }k, pour l'estimation de σ 2, et la fonction d'autocovariance empirique du processus {Zτ [k]}k à différents décalages, pour l'estimation de λ2 et de T (cf. section 6.1). Ainsi nous considérons    N  1 X  gN (Θ) =  N k=1   où et exp(2Zτ [k]) ¢¡ ¢ ¡ Zτ [k] − μτ Zτ [k − h1 ] − μτ. ¡ ¢¡ ¢ Zτ [k] − μτ |Zτ [k − hK ] − μτ  σ2τ       Ch1 −    .   ChK (6.19) * ̧ £ ¤ 1 £ ¤ δτ Ω(kτ ) μτ = E Zτ [k] = ln(τ ) + E ln(|2[k]|) + λE 2 τ (6.20) £ ¤ Ch = Cov Zτ [k], Zτ [k − h], (6.21) et h1,..., hK sont K différents décalages positifs et {Ω(t)}t est la magnitude renormalisée (cf. section 5.3). Notons que les expressions analytiques de μ et Ch en fonction de σ, λ2 et T sont données par la proposition 5.19. 6.2.3 Application aux données journalières Dans cette section, nous présentons les résultats d'estimation par la méthode GMM des paramètres du modèle MRW log-normal pour les séries financières journalières. Notons que pour unifier la procédure d'estimation des paramètres, les rendements journaliers ont été multipliés par un facteur 100, comme dans le cadre du modèle GARCH (cf. section 1.3.3). L'application de la méthode GMM aux données financières pose le problème de traitement des accroissements nuls. Il arrive en effet que le prix de clôture du marché soit le même d'un jour sur l'autre. Il n'est pas alors possible de calculer le logarithme de tels accroissements. Pour éviter ce problème, nous utilisons la valeur du tick (cf. section 1.2.1) pour remplacer les accroissements du prix égaux à zéro. La valeur du tick peut être estimée par la valeur minimale d'accroissement absolu de prix observée. Dans les tableaux 6.1 et 6.2 nous avons représenté les résultats de l'estimation des paramètres du modèle MRW log-normal par la méthode GMM. Pour l'estimation, nous avons utilisé les décalages hk = k jours, pour 1 6 k 6 100. Nous pouvons remarquer que, très souvent, les estimations des temps intégrals T conduisent à des valeurs d'un ordre comparable à la taille de l'échantillon (29 ans, soit'7200 points, pour les taux de change et 15 ans, soit'3770 points, pour les composants de l'indice CAC 40). Le régime asymptotique "historique infini" n'est donc pas atteint. L'échelle d'observation des séries n'est pas suffisamment grande. Les intervalles théoriques prévus par GMM ne sont donc ) T (jours) CAD USD -1.121 0.0254 8. 593 0.3260 5394 JPY/USD -0.381 0.0224 5.579 0.6832 265 CHF/USD -0.278 0.0186 5.074 0.7574 160 GBP/USD -0.473 0.0193 6.975 0.6234 1070 Tab. 6.1 – Forex. Résultats de l'estimation des paramètres du modèle MRW log-normal. Les trois premières colonnes présentent les estimations par la méthode GMM. Les deux colonnes suivantes présentent les valeurs calculées à partir des trois premières. Pour l'estimation nous avons utilisé les décalages hk = k jours, pour 1 6 k 6 100. pas utilisables. Seul une méthode de Monte Carlo permet donc d'obtenir ces intervalles de confiance. Une expérience de Monte Carlo avec 15000 tirages du processus MRW log-normal de λ2 égal à 0.02 et de temps intégral égal à l'échelle d'observation des données journalières, montre que les intervalles de confiance pour l'estimateur du coefficient d'intermittence λ2 sont de l'ordre ±35% et les intervalles de confiance pour l'estimateur du logarithme du temps intégral ln(T ) sont de l'ordre ±40%. En d'autres termes, l'estimation du coefficient d'intermittence par la méthode GMM vérifie la propriété suivante : c2 ∈ [0.013, 0.027], – si le coefficient d'intermittence λ2 = 0.02 alors son estimateur λ et l'estimation du temps intégral par la méthode GMM vérifie les propriétés suivantes : – si le temps intégral T = 3770 (' 15 ans) alors son estimateur Tb ∈ [140, 100000], – si le temps intégral T = 7200 (' 29 ans) alors son estimateur Tb ∈ [200, 250000]. Ces résultats montrent que l'on peut considérer que, pour tous les taux de change et pour toutes les composantes du CAC 40, le temps intégral est de l'ordre de l'échelle d'observation. Il est donc important de bien comprendre les problèmes d'estimation lorsque le temps intégral T est du même ordre que (voire supérieur à) l'échelle d'observation. 6.3 Estimation des paramètres lorsque le temps intégral est grand Il faut noter que rien n'assure, en pratique, que l'échelle d'observation L est supérieure au temps intégral T. Ainsi, si le temps intégral T est supérieur à l'échelle d'observation L, d'après le théorème 3.17, le processus MRW log-normal {XT (t)}t6L vérifie l'égalité en loi suivante a © a L © (6.22) XT (t) t6L = WL/T XL (t) t6L, où WL/T est une variable aléatoire log-normale dont la loi de probabilité est précisée dans le théorème 3.17 et qui est indépendante du processus MRW log-normal {XL (t)}t6L de  Estimation des paramètres lorsque le temps intégral est grand Section 6.3 GMM ln(σ) λ2 ln(T ) σ T (jours) Accor 0.711 0.0327 6.792 2.0363 891 Air Liquide 0.533 0.0157 8.183 1.7039 3580 Alcatel 1.122 0.0157 19.817 3.0718 404145504 Axa 0.812 0.0303 7.796 2.2529 2430 Bouygues 0.823 0.0228 8.341 2.2774 4193 Capgemini 1.093 0.0283 8.936 2.9834 7605 Carrefour 0.624 0.0183 8.220 1.8665 3716 Casino Guichard 0.626 0.0338 5.340 1.8707 209 Danone 0.420 0.0126 8.808 1.5218 6687 0.684 0.0266 6.384 1.9822 592 L'Oréal 0.675 0.0108 9.265 1.9641 10561 Lafarge 0.692 0.0156 7.343 1.9968 1546 Lagardere 0.908 0.0613 6.186 2.4800 486 LVMH 0.715 0.0275 7.602 2.0440 2003 Michelin 0.739 0.0174 6.579 2.0934 720 Pernod Ricard 0.639 0.0169 6.546 1.8945 697 0.643 0.0251 5.737 1.9015 310 Pinault Printemps 0.761 0.0555 6.380 2.1411 590 Publicis 0.895 0.0473 8.317 2.4484 4092 Saint Gobain 0.720 0.0231 7.153 2.0554 1278 Sanofi-Aventis 0.709 0.0219 6.983 2.0326 1078 0.821 0.02 16 6.874 2.2719 967 0.757 0.0219 7.993 2.1324 2959 Suez 0.719 0.0290 6.774 2.0518 875 TF1 0.920 0.0294 8.865 2.5094 7079 Thales 0.875 0.0272 6.250 2.3995 518 Total 0.594 0.0181 8.930 1.8116 7553 Vinci 0.727 0.0197 7.103 2.0688 1215 0.888 0.0233 10.491 2.4294 35983 Tab. 6.2 – CAC 40. Résultats de l'estimation des paramètres du modèle MRW log-normal. Les trois premières colonnes présentent les estimations par la méthode GMM. Les deux colonnes suivantes présentent les valeurs calculées à partir des trois premières. Et la dernière colonne contient les résultats de la régression de la fonction d'autocovariance empirique non centrée. Pour les deux méthodes nous avons utilisé les décalages hk = k jours, pour 1 6 k 6 100 .  Chapitre 6 temps intégral égal à l'échelle d'observation L. Etant donné une réalisation de taille L du processus MRW, la variable WL/T prend donc une valeur unique pour cette réalisation, et elle peut être considérée comme un simple facteur multiplicatif qui ne fait que modifier la variance du processus. En conséquence, il n'existe pas de possibilité d'estimer, dans ce cas, ni le temps intégral T, ni la variance σ 2, sans information a priori sur ces valeurs. Il est donc important, dans un premier temps, de comprendre à quelles estimations la méthode de régression de la fonction d'autocovariance empirique des magnitudes (cf. section 6.1) ou la méthode GMM (cf. section 6.2) conduisent. 6.3.1 Estimation du temps intégral Afin d'alléger les calculs, nous considérons le régime asymptotique "haute fréquence", introduit dans la section 4.2.2, qui correspond au cas limite où l'échelle d'échantillonnage τ tend vers zéro, alors que l'échelle d'observation L = N τ inférieure au temps intégral T, reste fixée. Proposition 6.5 Fixons L = N τ l'échelle d'observation, où τ est l'échelle d'échantillonnage et N est le nombre d'observations. Supposons que L < T. Fixons un réel positif h et considérons le régime asymptotique "haute fréquence" (de telle façon que h/τ prend des valeurs entières), alors l'espérance de la fonction d'autocovariance empirique (6.2) est donnée par ¶ ¶ ̧ μ * μ £ ¤ h L L 2 − ln E γ bτ [h/τ ] = λ ln L he3/2 he3/2 * 2 μ ¶ ¶ ̧ μ ¶ μ (L − h)2 h π2 h h 2 h +λ ln + ln 1 − − 1− + o(λ2 ), (6.23) L2 L 2L2 L L 8L où o(λ2 ) ne dépend que de λ2. Preuve - 6.5 Dans le régime asymptotique "haute fréquence", sous condition de grand temps intégral, L 6 T, la fonction d'autocovariance γτ [h/τ ] est donnée par μ ¶ T γτ [h/τ ] = λ ln + o(λ2 ), h 2 où o(λ2 ) ne dépend que de λ2 (cf. proposition 5.15).  (6.24) Estimation des paramètres lorsque le temps intégral est grand Section 6.3 En utilisant la définition 6.3 de la moyenne empirique et la proposition 5.19, il est simple de voir que les approximation intégrales suivantes sont valides £ ¤ Var μ bτ,N = λ2 ZL 0 ZL du L 0 dv ln L μ T |u − v| ¶ + π2 + o(λ2 ) 8L à 2 = λ ln T e3/2 L! + π2 + o(λ2 ), (6.25) 8L et £ Zh ¤ 2 Cov μ bτ,h/τ, μ bτ,N = λ à = λ2 ln T e3/2 L! 0 du h − λ2 ZL 0 dv ln L h ln 2L μ T |u − v| ¶ + π 2 + o(λ2 ) 8L ¶ μ ¶ μ h (L − h)2 h π2 + λ2 ln 1 − + + o(λ2 ) ( 6.26) L 2Lh L 8L Ce qui conduit au résultat annoncé (6.23), d'après le lemme 6.1. ¥ L'espérance de la fonction d'autocovariance empirique des magnitudes (6.23) ne dépend pas du temps intégral. Le terme dominant de l'équation (6.23) est £ ¤ E γ bτ [h]'λ2 ln μ N he3/2 ¶ μ 2 = λ ln Le−3/2, h (6.27) ce qui signifie que les valeurs de l'estimation du temps intégral obtenue par la régression de la fonction d'autocovariance empirique des magnitudes sont de l'ordre de Le−3/2 indépendamment de la vraie valeur du temps intégral. En d'autres termes, nous pouvons faire confiance au résultat de l'estimation de T seulement si cette estimation est beaucoup plus petite que l'échelle d'observation. A l'inverse, les estimations qui sont du même ordre de grandeur3 que l'échelle d'observation peuvent être considérées comme l'indication d'un grand temps intégral, ce qui est le cas de beaucoup données financières (cf. tableaux 6.1 et 6.2). 6.3.2 Comme nous l'avons vu (introduction de la section 6.3), il n'est pas possible d'estimer le paramètre de variance σ 2, lorsque l'échelle d'observation L est inférieure au temps intégral T, à partir d'une seule réalisation. En effet, une seule réalisation du processus MRW lognormal de grand temps intégral peut être vue comme une réalisation du processus MRW 3 Voir l'ordre de grandeur des intervalles de confiance dans la section 6.2.3.  Chapitre 6 log-normal de temps intégral égal à l'échelle d'observation multiplié par un facteur WL/T constant, que l'on ne peut pas estimer. Si nous fixons arbitrairement le paramètre du temps intégral T égal à l'échelle d'observation L alors il est possible d'estimer le produit σ 2 WL/T , qui joue le rôle d'une variance "locale" du processus MRW log-normal, par la variance empirique (6.1). 6.3.3 Estimation du coefficient d'intermittence L'équation (6.23) montre que le comportement de la fonction d'autocovariance empirique des magnitudes en fonction du décalage h reste correcte, même si le temps intégral est supérieur à l'échelle d'observation. Ainsi, seul le coefficient d'intermittence λ2 semble pouvoir être estimé de façon robuste à partir d'une seule réalisation du processus MRW log-normal. Dans la section 6.4 nous démontrons que l'estimateur du coefficient d'intermittence λ2 correspondant à la régression de la fonction d'autocovariance empirique des magnitudes est consistent. 6.3.4 Modèle MRW log-normal n'a que deux paramètres effectifs Comme nous l'avons vu si l'on fixe arbitrairement le paramètre du temps intégral T à l'échelle d'observation L il ne reste que deux paramètres du modèle : la variance locale σ 2 WL/T, que l'on peut estimer à partir de la variance empirique, et le coefficient d'intermittence λ2, que l'on peut estimer à partir de la fonction d'autocovariance empirique, comme nous le verrons dans la section suivante. Pour effectuer les prédictions de volatilité et de la Valeur à Risque (cf. chapitres 7, 8 et 9) nous fixerons, en pratique, le temps intégral T à l'échelle d'observation L. 6.4 Estimation du coefficient d'intermittence Tout au long de cette section nous supposons que l'échelle d'observation L est inférieure au temps intégral T. Dans la section précédente nous avons montré qu'il n'est pas possible d'estimer le temps intégral T et la variance σ 2 à partir d'une seule réalisation. Rien n'empêche par contre d'estimer le coefficient d'intermittence λ2. La figure 6.2 représente le comportement de la fonction d'autocovariance empirique lorsque l'échelle d'observation est inférieure au temps intégral. Il est simple de voir que l'écart entre les traits empirique et théorique change peu en fonction du décalage h. Cette observation donne à penser qu'il est possible d'estimer le coefficient d'intermittence λ2 par la régression de la fonction d'autocovariance empirique.  Estimation du coefficient d'intermittence Section 6.4 Fonction d'autocorrélation empirique des logarithmes des accroissements absolus du processus MRW log−normal 0.3 0.28 0.26 γτ[h] 0.24 0.22 0.2 0.18 0.16 0.14 0 10 1 2 10 10 3 10 h −0.035 τ ∆γ [h] −0.03 −0.04 −0.045 0 10 1 2 10 10 3 10 h Fig. 6.2 – En haut, la fonction d'autocovariance empirique des magnitudes obtenue à partir d'une réalisation du processus MRW log-normal (N = 219 points et τ = 1) de paramètres T = 222, λ2 = 0.02 et σ 2 = 1. Le trait tireté correspond aux valeurs théoriques. En bas, l'écart entre les fonctions d'autocovariance empirique et théorique qui semble peu varier en fonction du décalage h. Pour effectuer un calcul formel, nous fixons deux différents décalages h et h0 tels que les intervalles de temps hτ et h0 τ, où τ est l'échelle d'échantillonnage, sont inférieurs à l'échelle d'observation L, et en conséquence, ils sont inférieurs au temps intégral T. Considérons la suite {Zτ [k]}k=1,,N, qui peut représenter, dans cette section, soit la série des logarithmes de la mesure MRM log-normale soit la série des logarithmes des accroissements absolus du processus MRW log-normal. D'après les théorèmes 5.16 et 5.17, pour h entier différent de zéro, nous avons μ μ 3/2 £ ¤ Te 2 Cov Zτ [k], Zτ [k + h] = λ ln − f [h] + o(λ2 ), τ (6.28) où o(λ2 ) dépend du coefficient d'intermittence λ2 et ne dépend ni du temps intégral T, ni de l'échelle d'échantillonnage τ, et la fonction f [h] est donnée par la proposition 5.11. En conséquence, il est simple de voir que la différence entre les covariances (6.28) pour deux décalages h et h0 ne dépend ni du temps intégral T, ni de l'échelle d'échantillonnage τ. Ce qui nous conduit naturellement à l'estimation du coefficient d'intermittence λ2 par la régression.  Chapitre 6 Définition 6.3 L'estimateur du coefficient d'intermittence est donné par 0 [h] − γ 0 [h0 ] γ bτ,N bτ,N c 2 λ =, f [h] − f [h0 ] (6.29) 0 [h] est donnée par où la fonction d'autocovariance empirique non centrée γ bτ,N 0 γ bτ,N [h] = N −k 1 X Yτ [k]Yτ [k + h]. N (6.30) k=1 Le but de cette section est d'étudier les propriétés statistiques de l'estimateur (6.29) dans le régime asymptotique "données à haute fréquence". 6.4.1 Représentation matricielle de la fonction d'autocovariance empirique Définition 6.4 Nous définissons la matrice de décalage de dimension N × N       S=      0 1 0 *** 0   0 0 1 *** 0  .. .. ,...   0 0 0 *** 1   0 0 0 *** 0 dont la nième puissance est donnée par ses éléments ( ¡ n¢ 1, si k − j = n, S jk = 0, sinon. (6. 31) (6.32) Lemme 6.6 0 [h], définie par l 'é quation ( 6.30 ), La fonction d ' autocovariance empir ique non c entrée γ bτ,N admet la représentation matricielle suivante 0 γ bτ,N [h] = N 1 X ¡ h¢ S jk Yτ [j]Yτ [k]. N (6.33) j,k=1 Preuve - 6.6 ¡ ¢ Notons que la multiplication du vecteur d'observations Yτ [1],..., Yτ [N ] par la matrice  Estimation du coefficient d'intermittence de décalage S effectue  0    0   .    0  0 Section 6.4 le décalage des indices  1 0 *** 0 Yτ [1]   0 1 *** 0  Y τ [2] ..  .. ...    0 0 *** 1    Yτ [ N − 1] 0 0 *** 0 Yτ [ N ]    Y τ [2]         Yτ [3]        = ..         Yτ [N ]     0 (6.34) 0 [h]. bτ,N Ce qui con duit direct ement à la représent ation (6.33) de la fonction γ ¥ Définition 6.5 Nous définissons la différence des fonctions d'autocovariance empirique (6.30) 0 0 0 γ bτ,N [h, h0 ] = γ bτ,N [h] − γ bτ,N [h0 ]. (6.35) 0 [h, h0 ] s'écrit sous forme matricielle Notons que, d'après le lemme 6.6, γ bτ,N 0 γ bτ,N [h, h0 ] N 1 X ¡ h 0¢ S − S h jk Y τ [j]Yτ [k]. = N (6.36) j,k=1 6.4.2 Propriétés de la différence des fonctions d'autocovariance empiriques Proposition 6.7 Si la suite {Yτ [k]}k est d'espérance μ, alors la différence des fonctions d'autocovariance empiriques non centrées (6.35) est asymptotiquement non biaisée μ £ 0 ¤ 1 0 0 E γ bτ, N [h , h ] = γτ [h] − γτ [h ] + O, (6.37) N et sa vari ance est donnée par la représentation matricielle suivante £ 0 ¤ 1 Var γ bτ,N [h, h0 ] = 2 N N X ¡ ¡ £ ¤ 0¢ 0¢ DS hh jk DS hh lm Cov Yτ [j]Yτ [k], Yτ [l]Yτ [m], (6.38) j,k,l,m=1 0 où DS hh désigne la différence 0 0 DS hh = S h − S h. (6.39) Preuve - 6.7 0 [h, h0 ] est donnée au premier ordre en 1 par Il est simple de voir que l' espér ance de γ bτ,N N μ £ 0 ¤ N − h¡ ¢ 1 E γ bτ,N [h] = γτ [h] + μ2 = γτ [h] + μ2 + O. (6.40) N N  Chapitre 6 0 [h, h0 ] est asymptotiquement non biaisée En conséquence, γ bτ,N £ 0 ¤ £ 0 ¤ £ 0 ¤ E γ bτ,N [h, h0 ] = E γ bτ,N [h] − E γ bτ,N [h0 ] = γτ [h] − γτ [h0 ] + O μ 1. N La variance s'exprime en terme de covariance comme £ 0 ¤ £ 0 ¤ 0 Var γ bτ,N [h, h0 ] = Cov γ bτ,N [h, h0 ], γ bτ,N [h, h0 ], et la représentation (6.36) nous conduit au résultat souhaité. 6.4.3 (6.41) (6 .42) ¥ Application au logarithme de la mesure MRM log-normale Dans cette section, appliquons la proposition 6.7 au cas où μ ¶ 1 M ([ (k − 1)τ , kτ ]) Zτ [k] = ln. 2 τ (6.43) Théorème 6.8 Dans le régime asymptotique "données à haute fréquence", l'estimateur (6.29) est un estimateur asymptotiquement non biaisé dont la variance est de l'ordre de ¶ μ £c¤ ln(N ) 4 2 + o(λ4 ). (6.44) Var λ = λ O N Preuve - 6.8 En utilisant la proposition 6.7, il est simple de voir que l'espérance de l'estimateur est asymptotiquement non biaisée μ ¶ μ ¶ £c¤ γτ [h] − γτ [h0 ] 1 1 2 2 = + O = λ + O + o(λ2 ). (6.45) E λ f [h] − f [h0 ] N N ¡ ¢ Dans le régime asymptotique "données à haute fréquence" le terme O N1 devient nulle. Pour majorer la variance de l'estimateur, nous utilisons la représentation (6.38) et l'identité ¡ ¢¡ ¢ ¡ ¢ Zτ [ j]Zτ [k] = Zτ [j] − μτ Zτ [k] − μτ + μτ Zτ [j] − μτ + Zτ [k] − μτ + μ2τ. (6.46) Comme nous l'avons vu (cf. théorème 5.16) les moments généralisés des variables {Zτ [k]}k=1,,N sont égaux au premier ordre non trivial en λ2 aux moments généralisés de variables gaussiennes, d'après le théorème de Wick [Wic50], nous avons £¡ ¢¡ ¢ ¡ ¢¡ ¢¤ Cov Zτ [j] − μτ Z [k] − μτ, Zτ [l] − μτ Zτ [m] − μτ = γτ [j − l]γτ [k − m] + γτ [j − m]γτ [k − l] + o(λ4 ). (6.47)  Estimation du coefficient d'intermittence Section 6.4 ¡ 0¢ En effectuant le contrôle des éléments DS hh jk non nuls, d'après la proposition 5.15 nous avons N −h N −h £ 0 ¤ ¢ 1 X X¡ 0 γτ [j − k]2 + γτ [j − k + h]γτ [j − k − h] Var γ bτ,N [h, h ] = 2 N j=1 k=1 N −h0 − N −h ¢ 2 X X ¡ γτ [j − k]γτ [j − k + h − h0 ] + γτ [j − k + h]γτ [j − k − h0 ] 2 N j=1 k=1 0 0 N −h N −h ¢ 2 X X ¡ + 2 γτ [j − k]2 + γτ [j − k + h0 ]γτ [j − k − h0 ] + o(λ4 ), (6.48) N j=1 k=1 où nous avons utilisé le fait que μτ = O(λ2 ). En prenant les limites de sommation (6.48) de 0 à N, nous introduisons une erreur de 0 [h, h0 ] s'écrit bτ,N l'ordre de N1. Dans ce cas la variance de γ £ 0 ¤ 1 X Var γ bτ,N [h, h0 ] = 2 (N − |k|)(γτ [k + h] − γτ [k + h0 ])(γτ [k − h] − γτ [k − h0 ]) N |k|<N μ ¶ X 2 1 0 + o(λ4 ). (6.49) + 2 (N − |k|)γτ [k](γτ [k] − γτ [k + h − h ]) + O N N |k|<N Dans le régime asymptotique "données à haute fréquence" le premier terme de (6.49) se comporte comme ¢ 1 X (1) 1 0 0 (N − |k|)(γ [k + h] − γ [k + h ] )(γ [k − h] − γ [k − h ]) ∼ λ4 Khh0 3, (6.50) τ τ τ τ 2 N N |k|<N (1) où Khh0 est une constante qui ne dépend que des décalages h et h0. Le deuxième terme de (6.49) se comporte comme 2 X (2) ln(N ) (N − |k|)γτ [k](γτ [k] − γτ [k + h − h0 ]) ∼ λ4 Khh0. 2 N N (6.51) |k|<N (2) où Khh0 est une constante qui ne dépend que des décalages h et h0. En conséquence, le premier terme de l'équation (6.49) est d'un ordre plus petit que le deuxième , et nous pouvons donc le négliger . 6.4.5 Application aux données journalières En effectuant une simple régression de la fonction d'autocovariance empirique (cf. section 6.1) ou en appliquant la méthode GMM (cf. section 6.2), nous nous sommes aperçus que, pour la plupart des séries financières, la valeur du temps intégral T peut être considérée comme étant de l'ordre de (voire supérieur à) l'échelle d'observation L. Ainsi, par exemple, la figure 2.6 représente le comportement de la fonction d'autocovariance empirique des rendements logarithmiques journaliers du taux de change GBP/USD. Dans ce cas, le temps intégral obtenu par la régression est égal à Tb = 1000 jours qui appartient à l'intervalle de confiance (à 95%) dans le cas où T = L = 29 ans (cf. section 6.2.3). Ce qui signifie que le régime asymptotique "historique infini" n'est pas atteint.  Estimation du coefficient d'intermittence Section 6.4 Il est simple de voir que les données journalières que nous disposons vérifient les conditions du régime asymptotique "haute fréquence" τ ¿ T'L, alors le résultat théorique sur la convergence de l'estimateur du coefficient d'intermittence, donné par le théorème 6.9 est valide. En d'autres termes, les estimations du coefficient d'intermittence obtenues par la méthode GMM (cf. tableaux 6.1 et 6.2) sont correctes. Cela nous permet, d'un côte, de justifier a posteriori la validité de l'utilisation de l'approximation limite de petite intermittence pour l'étude des propriétés des estimateurs des paramètres du modèle MRW log-normal. De l'autre côté, ces résultats montrent qu'il est aussi possible d'utiliser cette approximation limite pour les prédictions de risques, que nous étudierons dans la partie III.  Troisième partie Prédiction des risques  Chapitre 7 Prédiction de volatilité La mesure du risque joue un rôle clé dans la recherche du prix des produits financiers. Une caractérisation précise et une prédiction des mouvements des prix des marchés financiers et des niveaux des taux d'intérêts permet de quantifier efficacement les risques de management. Le plus souvent, la notion de risque se résume à la variabilité des rendements. L'indicateur le plus courant est la volatilité. De nombreuses modélisations de la volatilité des rendements ont été effectuées pour représenter sa dynamique et tenter de la prévoir. Parmi celles-ci, on trouve très fréquemment des modèles de type ARCH [BCK92] et, en particulier, le modèle le plus populaire GARCH introduit par Bollerslev en 1996 [Bol86] (cf. section 1.3.3). Après la position du problème de prédiction de volatilité (cf. section 7.1), nous effectuons l'étude des différentes méthodes de prédiction de volatilité, qui sont toutes basées sur une prédiction linéaire. Nous utiliserons comme les modèles de référence les modèles GARCH(1,1) gaussien et Student dont les prédictions sont étudiées dans la section 7.2. Dans le cadre du modèle MRW log-normal, nous proposons trois méthodes (cf. section 7.3), qui sont basées sur les résultats théoriques du chapitre 5 et notamment sur les approximations log-normales données par le théorème 5.17, pour les méthodes linéaire et quadratique, et le théorème 5.18 et la proposition 5.19, pour la méthode logarithmique. Suivant les résultats du chapitre 6, nous allons choisir arbitrairement le temps intégral T égal à l'échelle d'observation L, qui est égale à la taille de la série pour les données journalières. Nous allons choisir pour le coefficient d'intermittence λ2 une valeur typique 0.02 (cf. tableaux 6.1 et 6.2). Seule la variance σ 2 sera donc réellement estimée. Afin de favoriser les prédictions obtenues dans le cadre des modèles GARCH(1,1), nous avons choisi d'effectuer les prédictions pour ces modèles en in-sample et celles pour le modèle MRW log-normal en out-of-sample. Comme nous le verrons dans la section 7.5, les méthodes de prédiction de volatilité, proposées dans le cadre du modèle MRW log-normal, sont systématiquement plus performantes que celles des modèles GARCH(1,1).  Chapitre 7 7.1 Prédiction de volatilité Position du problème de prédiction de volatilité Néanmoins, il est important de souligner que la notion de volatilité dépend du modèle. Par exemple, dans le cadre du modèle GARCH, étudié dans la section 1.3.3, la volatilité conditionnelle au passé est déterministe (1.27) mais n'est pas directement observée, tandis que dans le cadre des modèles à volatilité stochastique, étudiés dans la section 1.3.4, ou dans le cadre du modèle MRW, étudier dans la section 3.4, la volatilité (non conditionnelle et conditionnelle au passé) est une variable aléatoire. En conséquence, le problème de prédiction de volatilité est a priori mal posé puisqu'il dépend du modèle. Ainsi, afin de comparer les différents modèles nous devons tout d'abord poser un problème commun. La problématique naturelle consiste à prédire la volatilité réalisée, voir la section 1.2.6, sur la période considérée. Pour simplifier le problème, nous supposons que les données financières sont espacées régulièrement dans le temps, ce qui nous permet d'introduire le processus des rendements logarithmiques d'un actif financier {δ1 X[t]; t = 1, 2,...} à temps discret δ1 X[k] = X(kτ ) − X((k − 1)τ ), avec k=1,2,..., (7.1) où X(t) est le logarithme du prix à l'instant t et τ est le pas d'échantillonage. De même façon, nous notons la mesure MRM log-normale de l'intervalle [t + hτ − mτ, t + hτ ] δm M [t + h] = δmτ M (t + hτ ) (7.2) et l'accroissement de la magnitude renormalisée sur l'intervalle [t + hτ − mτ, t + hτ ] δm Ω[t + h] = δmτ Ω(t + hτ ). (7.3) En supposant l'absence de corrélation des rendements logarithmiques (cf. section 1.2.4), et la présence de structures de dépendance non linéaires (cf. section 1.2.5), nous considérons un modèle générique, dans lequel les rendements logarithmiques δ1 X[t] s'écrivent comme le produit de deux variables aléatoires δ1 X[t] = σ[t]2[t], (7.4) où le processus {2[t]}t est un bruit blanc indépendant du processus de volatilité {σ[t]}t et où la volatilité σ[t] conditionnellement au passé peut être déterministe, comme dans le cas du modèle GARCH (cf. section 1.3.3), ou stochastique, comme dans le cadre du modèle MRW (cf. section 3.4). L'indépendance entre le bruit blanc {2[t]}t et le processus de volatilité {σ[t]}t nous permet d'introduire la représentation du rendement logarithmique à l'échelle m et à l'horizon h δm X[t + h] = σ[t, m, h]2[t, m, h], où l'innovation 2[t, m, h] est indépendante de la volatilité σ[t, m, h].  ( 7.5 ) Prédiction de volatilité dans le cadre du modèle GARCH Section 7.3 Définition 7.1 Le problème de prédiction de volatilité consiste à déterminer (prévoir) à l'instant t la volatilité réalisée à l'échelle m et à l'horizon h m X ¡ ¢2 RV [t, m, h] = δ1 X[t + h − m + j], pour m 6 h, (7.6) j=1 c2 [t, m, h] le sachant toute l'information disponible {δ1 X[t − j]}j>0 à l'instant t. On note σ prédicteur correspondant. 7.2 7.2.1 Prédiction de volatilité dans le cadre du modèle GARCH Prédiction La prédiction de la volatilité correspondant à l'échelle 1 et à l'horizon 1 est donnée, grâce à la représentation (1.29) du modèle GARCH(1,1) comme le modèle ARCH(∞), par c2 [t, 1, 1] = σ Lf X ω β1k (δ1 X[t − k])2. + α1 1 − β1 (7.7) k=0 où Lf est une longueur du filtre linéaire. En appliquant un raisonnement par récurrence, il est possible de déduire que la prédiction de volatilité correspondante à l'horizon h s'écrit comme [ABCD05] ́ 3 c2 [t, 1, 1] − σ 2, c2 [t, 1, h] = σ 2 + (α1 + β1 )h−1 σ (7.8) σ où σ 2 représente la variance non conditionnelle donnée par l'équation (1.30). De plus, grâce à la non corrélation d'accroissements, la variance conditionnelle correspondant à l'échelle m est égale à la somme des variances conditionnelles intermédiaires m ́ 3 X c2 [t, 1, 1] − σ 2. c2 [t, m, h] = mσ 2 + (7.9) (α1 + β1 ) h − k σ σ k=1 7.2.2 Il est très important de noter que dans le cadre du modèle GARCH(1,1), nous effectuons la prédiction de volatilité en utilisant les paramètres obtenus par la méthode de quasi-maximum de vraisemblance, appliquée à toutes les données disponibles. En d'autres termes, la prédiction que nous effectuons correspond donc à une prédiction in-sample. Ce choix permet d'améliorer (par rapport à une prédiction out-of-sample) très notablement les prédictions et d'avoir ainsi un modèle de référence plus exigeant. Les paramètres des modèles GARCH(1,1) gaus sien et Student sont rapportés dans les tableaux 1.3 et 1.4.  Chapitre 7 7.3 Prédiction de volatilité Prédiction de volatilité dans le cadre du modèle MRW Les résultats de cette section sont basés sur les propriétés théoriques du modèle MRW log-normale sous condition de faible intermittence λ2 ¿ 1, étudiées dans le chapitre 5. Nous considérons l'approximation log-normale de la mesure MRM log-normale, (cf. équation (5.80)), ce qui permet de représenter la volatilité stochastique σ[t, h, m] par une dynamique log-normale à l'aide de la magnitude renormalisée (cf. section 5.3) λ 2 2λ σ [t, h, m]'mτ e £ δm Ω[t+h] δ Ω[t+h] −2λ2 Var m mτ mτ ¤. (7.10) où Ωm [t + h] est une variable gaussienne centrée dont la fonction d'autocovariance est donnée par les équations (5.56) et (5.57). L'approximation log-normale du processus MRW, introduite par l'équation (5.84), permet de représenter les rendements logarithmiques δm X[t + h] de la façon suivante λ δm X[t + h]'2[t + h](mτ )1/2 eλ £ Ωm [t+h] δ Ω[t+h] −λ2 Var m mτ mτ ¤, (7.11) où 2[t+h] est une variable gaussienne centrée de variance σ 2 et Ωm [t+h] est définie comme ci-dessus. Dans le cadre du modèle MRW log-normal nous présentons trois méthodes de prédiction de volatilité fondées sur la régression linéaire stationnaire1, ce qui consiste à prédire une certaine fonction f de la volatilité σ[t, m, h] par une combinaison linéaire des valeurs de la fonction f appliquée aux valeurs passées des rendements logarithmiques Lf −1 3 £ ¤ ́ £ ¤ X d αk f (δ1 X[t − k]) − E f (δ1 X[t − k]), f (σ)[t, m, h] = E f (σ[t, m, h]) + (7.12) k=0 où Lf est la taille du filtre linéaire donné par les coefficients {αk }k=0,,Lf −1 qui peuvent être déterminés à l'aide de la fonction d'autocovariance du processus {f (δ1 X[t])}t. A priori dans le cas de processus à mémoire longue (cf. section 1.2.5) il est préférable d'utiliser un long historique pour réaliser une prédiction performante. Des expériences numériques montrent que, en pratique, pour le cas des processus MRW, l'utilisation de filtres de taille Lf égale à 100 jours est suffisante. Chacune des deux premières méthodes de prédiction de volatilité, linéaire et quadratique, décrites dans la section suivante 7.3.1, fournit une valeur de la prédiction. La troisième méthode, décrite dans la section 7.3.2, fournit une prédiction de la loi conditionnelle de distribution de la volatilité σ[t, m, h], ce que nous utiliserons, dans le chapitre 8, pour l'évaluation de la Valeur à Risque. 1  Dans l'appendice A nous faisons un rappel sur la régression linéaire. f Pour déterminer les coefficients du filtre linéaire {αk }k=0,,Lf −1, on utilise : ¡ ¢2 – la variance de δ1 X[s] μ ¶ £ δ Ω[s] ¤ h¡ ¢2 i λ 4λ2 Var 1 τ Var δ1 X[s]'3e − 1 σ4τ 2, (7.16) ¡ ¢2 ¡ ¢2 – la covariance entre δ1 X[s] et δ1 X[s0 ], où s 6= s0 μ ¶ £ δ Ω[s] δ Ω[s0 ] ¤ h¡ ¢2 ¡ ¢ i 4λ2 Cov 1 τ, 1 τ 0 2 λ Cov δ1 X[s], δ1 X[s ]'e − 1 σ4τ 2, (7.17) ¡ ¢2 – la covariance entre σ 2 [t, m, h] et δ1 X[s], où s 6 t μ ¶ £ δ Ω[t+h] δ Ω[s] ¤ h ¡ ¢2 i λ 4λ2 Cov m mτ, 1τ 2 Cov σ [t, m, h], δ1 X[s]'e − 1 σ 2 mτ 2.  Chapitre 7 7.3.2 Prédiction de volatilité Prédiction de volatilité logarithmique La dernière méthode de prédiction que nous étudions ici est celle de prédiction de volatilité [ m, h]. Elle consiste à utiliser la combinaison linéaire des logarithmes logarithmique ln(σ)[t, ̄¢a © ¡ ̄ des rendements logarithmiques absolus ln ̄δ1 X[t − k] ̄ k=0,,L −1, ce cas correspond f au choix de la fonction f (x) = ln(|x|) dans l'équation (7.12). Pour déterminer les coefficients ̄¢ du filtre linéaire {αk }k=0,,Lf −1, on utilise : ¡ ̄ – la variance de ln ̄δ1 X[s] ̄ ̧ * h ¡ ̄ ̄¢i λ π 2 δ1 Ω[s] 2 ̄ ̄'Var ln δ1 X[s], + λ Var 8 τ ̄¢ ̄¢ ¡ ̄ ¡ ̄ – la covariance entre ln ̄δ1 X[s] ̄ et ln ̄δ1 X[s0 ] ̄, où s 6= s0 * ̧ h ¡ ̄ ̄¢ ¡ ̄ ̄¢i λ 2 δ1 Ω[s] δ1 Ω[s0 ] 0 ̄ ̄ ̄ ̄'λ Cov Cov ln δ1 X[s], ln δ1 X[s ],, τ τ ̄¢ ¡ ̄ – la covariance entre ln(σ)[t, m, h] et ln ̄δ1 X[s] ̄, où s 6 t (7.19) (7.20) h ̄¢i ¡ ̄ Cov ln(σ)[t, m, h], ln ̄δ1 X[s] ̄ h i ¡ ̄ ̄ ¢ £ ¤'Cov ln(mτ ) + Ωm [t + h], ln ̄2[s] ̄τ 1/2 + Ω1 [s] = Cov Ωm [t + h], Ω1 [s]. (7.21) Puisque la variable Ωm [t + h] est gaussienne sa loi de distribution est entièrement définie par sa moyenne, qui peut être approximée par la prédiction σ b[t, m, h], et par sa variance, qui peut être approximée par la variance des résidus de la régression linéaire £ ¤ [ m, h] Var ln(σ)[t, m, h] − ln(σ)[t, Lf −1 h i ̄ ¡ ̄ £ ¤ X ¢ αk Cov Ωm [t + h], ln ̄2[t − k] ̄τ 1/2 + Ω1 [t − k] (7.22) = Var Ωm [t + h] − k=0 7.3.3 Notons que, en suivant les résultats du chapitre 6, nous effectuons la prédiction de volatilité en utilisant le temps intégral T fixé arbitrairement à l'échelle d'observation L (cf. section 6.3). 7.4 Evaluation des méthodes de prédiction de volatilité Dans cette section nous allons décrire les critères d'évaluation de prédiction de volatilité au sens de la définition 7.1 qui fait intervenir la volatilité réalisée. Il faut noter que pour les petites échelles de prédiction m la volatilité réalisée donne une approximation très bruitée de la volatilité théorique (GARCH ou MRW) qui est non observée. En conséquence, l'utilisation de la volatilité réalisée comme valeur de référence peut donner une vision erronée des performances de prédiction. La majorité des évaluations de prédiction de volatilité qui sont proposées dans la littérature reposent sur un critère d'erreur quadratique moyenne mettant en jeu des rendements logarithmiques au carré, ou en valeur absolue, calculés sur l'horizon de prédiction. 7.4.1 Mesures MAE, MSE, R2 Commençons par citer les critère classiques de pertinence de prévisions de volatilité : – l'erreur en moyenne absolue MAE (de l'anglais Mean Absolute Error ) M AE[t, m, h] = n ̄ 1 X ̄ ̄ c2 [t, m, h] ̄ ̄, ̄RV [t, m, h] − σ n (7.24) t=1 – l'erreur en moyenne quadratique MSE (de l'anglais Mean Squared Error ) n ́2 1 X3 c2 [t, m, h], M SE[t, m, h] = RV [t, m, h] − σ n (7.25) t=1 – le coefficient de détermination R2 [t, m, h] R2 [t, m, h] = 1 − M SE[t, m, h], T SS[t, m, h] (7.26) où T SS[t, m, h] (de l'anglais Total Sum of Squares) est une variance empirique de la volatilité réalisée [CFA04] T SS[t, m, h] = n n ́2 1 X3 1X RV [s, m, h]. RV [t, m, h] − n n t=1 (7.27) s=1 Notons que l'erreur MSE est plus sensible aux événement extrêmes que l'erreur MAE. Chapitre 7 7.4.2 Prédiction de volatilité Régression de Mincer-Zarnowitz Une évaluation particulièrement populaire est obtenue par la régression de la série de volatilité réalisée sur la série de la volatilité prédite. c2 [t, m, h] + η[t], RV [t, m, h] = γ0 + γ1 σ (7.28) où {η[t]}t sont les résidus de la régression linéaire. Cette équation de régression est l'analogue d'une procédure courante pour évaluer les prédictions d'une moyenne conditionnelle, appelée régression de Mincer-Zarnowitz à la suite de [MZ69]. L'évaluation typique d'efficience des marchés consiste à vérifier que le coefficient γ1 n'est pas significativement différent de 1 et la constante γ0 de 0 pour démontrer l'absence de biais dans les anticipations. Puisque les erreurs de prévision doivent être nulles en espérance, c'est-à-dire orthogonales à n'importe quelle prévision formé rationnellement. La méthode de la régression de Mincer-Zarnowitz est devenue couramment utilisée dans la littérature économétrique [PS90, WC95, ABM02]. Les intervalles de confiance des coefficients γ0 et γ1 sont étudiés dans [NW87, NW94, WM98]. Cependant, ces études ont été effectuées pour le régime asymptotique "historique infini" qui n'est pas atteint, en pratique (voir le chapitre 6 sur l'estimation des paramètres du modèle MRW log-normale). Par conséquent, nous n'utilisons cette régression pour évaluation de différentes méthodes de prédiction de volatilité qu'à titre indicatif.
56,912
tel-04062429-CHANTRENNE_Isaac.txt_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Découverte de nouveaux clusters thermoélectriques assistée par machine learning. Autre. Université de Rennes, 2022. Français. &#x27E8;NNT : 2022REN1S089&#x27E9;. &#x27E8;tel-04062429&#x27E9;
None
French
Spoken
7,057
11,048
Les avantages des algorithmes de type Random Forest sont qu'en utilisant de nombreux arbres décisionnels, on réduit le risque de surajustement, comme toutes les méthodes d'apprentissage ensemblistes. De plus, il est moins sensible aux valeurs aberrantes (outliers) que les méthodes de régression linéaires ou polynomiales. Enfin, il présente l'avantage de pouvoir interpréter des descripteurs aux valeurs continues (par exemple la valeur de bande interdite) et discrètes (comme le type de ligands). Notons cependant que cette méthode présente l'inconvénient de ne pas pouvoir prédire de valeurs qui sortent de la fenêtre initiale. 173 Nous allons maintenant discuter de comment évaluer les performances de l'algorithme Random Forest pour la prédiction de la propriété ciblée. 1.2.4. Évaluation du modèle Différents indicateurs statistiques permettent d'évaluer la précision d'un modèle de régression. Tout d'abord, l'erreur moyenne absolue, ou MAE (pour Mean Absolute Error), permet de quantifier la valeur absolue de l'erreur moyenne sur une prédiction, qu'elle soit positive ou négative. Elle est définie comme suit : MAE = ∑ )(*+|'( | n, avec n la taille de l'échantillon considéré, et l'erreur absolue , |e| = | y– x|, y la valeur prédite, et x la valeur réelle (calculée, dans notre cas). Nous utiliserons également la MAPE (Mean Root Percentage Error), qui correspond à la MAE rapportée à la moyenne de la valeur sur la série, permettant d'estimer un pourcentage moyen d'écart à la valeur moyenne. Un autre indicateur fréquemment utilisé est le coefficient de détermination, R2, défini comme suit : R 2 = ∑)(*+(-( – /̅ )2 ∑)(*+(/( – /̅ )2, avec /̅ la moyenne des valeurs réelles. On peut voir R2, compris entre 0 et 1, comme la proportion de variation par rapport à la ligne de régression linéaire du modèle évalué. Enfin, il est possible de calculer la racine de l'erreur quadratique, ou RMSE (pour Root Mean-Square Error), définie comme suit : ∑) | ' ( |2 RMSE = 3 (*+ n Si toutes les erreurs individuelles sont égales, la RMSE est strictement égale à la MAE. Cependant, la RMSE est plus grande s'il y a plus d'erreurs très éloignées de la valeur calculée. 174 Autrement dit, la RMSE est plus élevée que la MAE si, à somme des erreurs égale, un jeu de données comporte plus de valeurs aberrantes (outliers). Ces trois indicateurs sont les principaux utilisés pour évaluer la précision d'un modèle de régression. Dans le cadre de notre étude, nous avons tout d'abord étudié la MAE et la MAPE. Nous n'avons pas considéré la RMSE ni le R2 dans un premier temps, et ne l'avons pas fait ensuite par manque de temps, mais il s'agit de l'une des perspectives à considérer pour la suite. 2. Création d'une base de données calculées Dans le chapitre 2, une méthode de calcul pour estimer le coefficient de Seebeck, S, au sein d'un intervalle de concentration de porteurs de charges a été décrite, et il a été établi que la famille de composés la plus intéressante à étudier était celle des composés à motifs Mo9X11. Ensuite, deux méthodes permettant de trouver de nouvelles formules de composés semiconducteurs ont été décrites et comparées pour conclure que, dans le cadre d'une étude réalisée par des calculs de DFT, la substitution cationique était la plus simple à mettre en place. Ces considérations suffisent à envisager la création d'une base de données initiale composée de formules hypothétiques semi-conductrices à motifs Mo9X dont les détails sont donnés ciaprès. 2.1. Choix des formules à calculer Dans un premier temps, nous avons cherché à trouver de nouvelles formules ternaires dérivant du modèle Ag4Mo9Se11 (voir chapitre 1). Ce modèle a lui-même été créé à partir de la structure cristalline de Ag3,90Mo9Se11 [30], qui est le composé possédant les meilleures propriétés thermoélectriques parmi les phases à clusters condensés. Pour ce faire, nous avons listé les cations univalents que l'on peut envisager de trouver dans des composés à clusters condensés de molybdène, conduisant à des formules [A4]4+[Mo9X11]4– possédant un VEC « idéal » de 36. Dans les composés à motifs Mo9X11 sont retrouvés les métaux alcalins Na, K et Rb, les métaux du groupe 11 Cu et Ag, ainsi que Tl du groupe 13 et qui est, ici, univalent. Nous avons donc choisi d'étendre la sélection à A = Na, K, Rb et Cs (Li étant exclu, car trop petit pour minimiser la conductivité thermique de réseau 4latt) pour les alcalins, Cu, Ag et Au pour les 175 métaux du groupe 11, et Ga, In et Tl pour les métaux du groupe 13 (B étant exclu, car trop petit), soit 10 cations. Rappelons que les métaux du groupe 13 sont ici considérés univalents car In et Tl le sont dans les composés expérimentaux. Nous avons également choisi d'étudier des formules ternaires hypothétiques avec des cations divalents, de formule générale [A2]4+[Mo9X11]4–. Nous avons choisi neuf cations divalents, à savoir A = Mg, Ca, Sr et Ba pour les métaux alcalino-terreux (Be étant exclu du fait de sa taille), Zn et Cd dans le groupe 12 (Hg étant exclu, car il forme des liaisons covalentes dans les phases à clusters condensés (voir chapitre 1)), et Ge, Sn et Pb dans le groupe 14 (C et Si étant exclus, car trop petit et attendu tétravalent, respectivement). Nous avons cependant choisi de ne pas étudier les modèles [A]4+[Mo9X11]4– avec un cation tétravalent, car au regard des types structuraux existants, il semble difficilement envisageable qu'un cation n'occupant qu'un site puisse échanger ses électrons équitablement entre tous les motifs Mo9X11. En considérant les trois ligands X = S, Se et Te, cela donne un total de 30 formules A4Mo9X11 et 27 formules A2Mo9X11 avec un VEC de 36. Au total, nous avons donc 57 formules de composés ternaires attendus semi-conducteurs. Certains des meilleurs composés thermoélectriques de notre étude sont des composés quaternaires possédant deux types de cations différents [31, 32]. Le fait d'inclure deux cations présente le double avantage d'augmenter considérablement le nombre de formules hypothétiques envisageables, et d'aider à réduire la conductivité thermique de réseau, 4latt, du fait de l'apparition de nouveaux modes de vibration. De ce fait, en plus des composés ternaires, quelques formules quaternaires ont également été calculées. Leurs formules ont été dérivées des composés Ag3RbMo9Se11 [31] et Ag2Tl2Mo9Se11 [32]. Dans le premier cas, nous avons substitué Ag, Rb ou les deux par des éléments univalents de rayon ionique similaire : Na et Cu dans le cas de Ag, et K, Tl et Cs dans le cas de Rb. 13 formules hypothétiques ont ainsi été calculées, dont Ag3RbMo9Se11. Dans le cas de Ag2Tl2Mo9Se11, nous avons repris une étude réalisée par Huguenot [33], dans laquelle Cu peut substituer Ag et In peut substituer Tl dans le composé de départ, soit, par combinaison, 12 formules en comptant le composé expérimental et en considérant les trois types de ligands. 176 Au total, la base de données initiale comprend donc 57 formules ternaires basées sur Ag4Mo9Se11, et 25 formules quaternaires dont 13 sont basées sur Ag3RbMo9Se11 et les 12 autres sur Ag2Tl2Mo9Se11. Les coefficients de Seebeck de ces 82 formules (calculés en suivant le protocole défini dans le chapitre 2) sont reportés dans la partie annexe 1, de même que le choix du modèle de type structural pour le calcul des formules hypothétiques (en annexe 2). 2.2. Coefficient de Seebeck des 82 formules de la base initiale Pour rappel, le choix de se concentrer sur le coefficient de Seebeck, S, se justifie par le fait que la conductivité thermique, 4, de ces composés est faible (autour de 1 W.m-1.k-1) et difficile à calculer, et que déterminer leur conductivité électrique 5 nécessite de faire une approximation de la valeur du temps de relaxation, 6, pour lequel nous n'avons aucune donnée expérimentale. En revanche, il existe quelques données concernant la concentration de porteurs de charges, n, pour laquelle il est possible de fixer deux bornes afin de prédire S dans un intervalle. Enfin, contrairement aux conductivités thermiques et électriques, le coefficient de Seebeck est peu dépendant des propriétés micro/nanostructurales tels que les défauts ponctuels, les impuretés, ou les joints de grain [34, 35]. De ce fait, la reproductibilité expérimentale de S est plus fiable, et il est donc plus intéressant de chercher à optimiser cette propriété à l'aide d'un modèle de machine learning si les résultats fournis par ce dernier sont suivis d'une application expérimentale. Les coefficients de Seebeck de ces 82 formules sont ici représentés à 800 K et à 300 K pour les deux valeurs de n = 1020 et 1021 charges.cm-3, que nous allons appeler respectivement n1 et n2. Ils sont reportés sur les figures 3.3 (800 K) et 3.4 (300 K). La valeur moyenne de S entre n1 et n2 (qui est différente de la valeur de S pour un n moyen), qui sera notée nmoy par la suite, a été calculée et les formules triées selon elle. Cette valeur à nmoy ne correspond pas à une réalité physique, mais permet de commenter plus facilement les tendances de la base de données que l'on se propose d'étudier par la suite. La figure 3.4 indique l'évolution du classement entre 800 et 300 K. L'évolution de ce classement montre que quelques formules sont comparativement bien mieux classées à T = 300 qu'à 800 K, comme les trois ternaires avec A = Sn, ainsi que Cu2Tl2Mo9Te11, Cu2Tl2Mo9S11, Cu2In2Mo9Se11 et Cu2Tl2Mo9Se11, ces deux derniers possédant les valeurs de S les plus élevées à cette température. Il semblerait ainsi que le coefficient de Seebeck des formules contenant Sn et Cu se dégrade quand T augmente. À l'inverse, les formules avec A = In, Ag et Cd sont comparativement mieux classés à 800 qu'à 300 K. Il doit s'agir de différences de structure de bandes. Le niveau de Fermi étant dépendant de T (l'énergie cinétique des électrons étant dépendante du produit kB x T), il est par exemple possible que des bandes dégénérées à 300 K dans les formules avec Cu ne le soient plus à 800 K, diminuant comparativement le coefficient de Seebeck, et on peut imaginer la situation inverse avec In ou Cd. Cependant, cette hypothèse est difficile à vérifier, car les structures de bandes de nos composés sont calculées à 0 K. De plus, nous savons que les clusters à phases condensées ne possèdent pas de bonnes propriétés thermoélectriques à température ambiante (voir chapitre 2, partie 2). De ce fait, nous allons nous contenter de commenter les premières tendances à 800 K au sein de cette base de données initiale. Concernant les composés expérimentaux, Ag3RbMo9Se11 et Ag2Tl2Mo9Se11 font partie des formules avec les valeurs de S calculées les plus élevées. Or, expérimentalement, ils sont légèrement moins bons que Ag3,90/Ag4Mo9Se11, dont valeur de S calculée est classée autour de la moyenne. Cependant, cela peut s'expliquer par la dégradation du S mesuré quand T augmente dans le cas des deux composés quaternaires, comme expliqué dans le chapitre 2. Figure 3.3 : Coefficients de Seebeck calculés des 82 formules hypothétiques constituant la base de données initiale, à T = 800 K, à n1 (bleu), n2 (jaune) et nmoy (orange), classés dans l'ordre croissant de nmoy.. Les valeurs expérimentales sont également reportées (vert). 179 Figure 3.4 : Coefficients de Seebeck calculés des 82 formules hypothétiques constituant la base de données initiale, à T = 300 K, à n1 (bleu), n2 (jaune) et nmoy (orange), classés dans l'ordre croissant de nmoy.. Les valeurs expérimentales sont également reportées (vert). 180 2.3. Premières tendances observées sur la base initiale 2.3.1. Influence du type de ligand Il semble pertinent de commencer par étudier l'influence du type de ligand sur le coefficient de Seebeck. Sur les 82 formules, 27 possèdent des ligands S, contre 29 pour Se et 26 pour Te. Les trois séries ont été triées dans l'ordre croissant de leur valeur de S à nmoy, dont les valeurs à T = 800 K sont représentées sur la figure 3.5. Figure 3.5 : Coefficients de Seebeck classés dans leur ordre croissant à T = 800 K et nmoy des 82 formules hypothétiques, triées selon chaque type de ligand (S en jaune, Se en bleu, Te en rouge). Ces figures montrent que pour les valeurs de S les plus faibles de chaque type de ligand, les courbes X = S et X = Se sont proches, tandis que X = Te présente des valeurs plus basses. En revanche, pour les valeurs de coefficient de Seebeck les plus élevées, Te est légèrement supérieur à S. Mais les huit coefficients de Seebeck les plus élevés pour X = Se sont nettement plus élevés que tous les autres. D'après les données existantes, Se est donc le meilleur choix de ligand pour obtenir de nouvelles formules maximisant S. Notons qu'expérimentalement, les meilleures phases à clusters condensés pour la thermoélectricité sont avec X = Se (voir chapitre 2). 181 L'une des hypothèses permettant d'expliquer cette tendance est la valeur de la bande interdite, que l'on attend telle que ΔEi (S) > ΔEi (Se) > ΔEi (Te), du fait de leur différence d'électronégativité. On s'intéresse tout d'abord aux huit formules possédant le coefficient de Seebeck le plus élevé pour chaque type de ligands (puisque c'est là que les différences sont les plus notables entre les ligands ; voir ci-dessus), soit 24 formules au total. Les valeurs moyennes de ΔEi des séries X = S, X = Se et X = Te valent respectivement 0,91, 0,80 et 0,65 eV, suivant la tendance attendue. Le coefficient de Seebeck à 800 K et nmoy des 82 formules, avec les 24 discutées ci-dessus mises en valeur, est représenté en fonction de la valeur de la bande interdite sur la figure 3.6. Figure 3.6 : Coefficient de Seebeck à T = 800 K et nmoy en fonction de la valeur de la bande interdite des 82 formules hypothétiques. Les huit valeurs de S les plus élevées de chaque type de ligand sont représentées en jaune (S), bleu (Se) et rouge (Te). Les autres formules sont représentées en gris. Sur cette étude, on voit tout d'abord que les coefficients de Seebeck des 24 composés retenus sont compris entre 0,5 et 1,1 eV. Cependant, même si les moyennes diffèrent, les valeurs de chaque série sont dispersées. Les formules avec un S maximal ne semblent pas appartenir à une gamme de ΔEi particulière. Au regard de ces données, la valeur de bande interdite n'explique pas pourquoi Se semble être le meilleur ligand pour maximiser S, bien que 182 ce soit difficilement comparable, car les cations sont différents dans chaque cas. Cette tendance générale pourrait s'expliquer par une différence dans la structure de bandes de ces composés. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons calculé la structure de bandes de Cd2Mo9S11, Cd2Mo9Se11 et Cd2Mo9Te11 (de symétrie Cmcm) choisis car possédant des valeurs de S dispersées (voir figures 3.7, b, c et d, respectivement pour Cd2Mo9S11, Cd2Mo9Se11 et Cd2Mo9Te11). Figure 3.7 : Structures de bandes des modèles hypothétiques Cd2Mo9S11 (b), Cd2Mo9Se11 (c) et Cd2Mo9Te11 (d) de symétrie Cmcm. Les coordonnées des points de haute symétrie sont : Γ (0, 0, 0), Z (0, 0, 1/2), T (1/2, 1/2, 1/2), Y (1/2, 1/2, 0), S (0, 1/2, 0) et R (0, 1/2, 1/2) (voir zone de Brillouin correspondante en (a)). L'énergie de Fermi, décalée à 0 eV, est en pointillés. Ces structures de bandes présentent d'importantes différences entre elles, notamment dans le haut de la bande de valence. En effet, Cd2Mo9S11 et Cd2Mo9Se11 possèdent la même valeur de bande interdite (0,58 eV, avec un gap direct à Γ). Cependant, le composé au sélénium possède un coefficient de Seebeck un peu plus élevé : 219 μV/K contre 181 μV/K pour le composé au soufre (valeurs à T = 800 K et nmoy.). Cela peut s'expliquer par le fait qu'au point Γ, Cd2Mo9Se11 présente une multiplicité de bandes plus importante près du haut de la bande de valence, avec notamment trois bandes dans un intervalle de 0,1 eV environ, contre seulement deux dans Cd2Mo9S11. Cet effet de nidification (voir chapitre 2) peut expliquer la valeur de S plus importante pour le composé au sélénium. Cd2Mo9Te11, quant à lui, présente un coefficient de Seebeck de 122 μV/K (mêmes conditions de n et T). Cette valeur plus faible peut s'expliquer par la plus faible valeur de bande interdite (gap indirect de 0,18 eV seulement, entre Y et Γ) qui n'est pas dans l'intervalle optimal compris entre 0,4 et 0,7 eV à 800 K [36], et par la faible multiplicité des bandes près du haut de la bande de valence. Ces observations confirment que les différences dans les valeurs de S en fonction du type de ligand peuvent être dues à la valeur de la bande interdite, mais aussi à des effets d'ingénierie des bandes tels que la nidification. Afin de confirmer ou d'infirmer ces hypothèses, il conviendrait d'étendre cette étude à d'autres exemples. 2.3.2. Influence du type structural Par la suite, nous avons étudié l'influence du type structural sur le coefficient de Seebeck. Quatre types structuraux existent dans la base initiale : A2Mo9X11 et A4Mo9X11, dont les modèles ont été créés, là encore, à partir de la structure d'un composé de groupe d'espace Cmcm, A3BMo9X11 dont le modèle de départ est un composé de symétrie P63/m, et A2B2Mo9X11, dont le modèle est un composé appartenant au groupe spatial R3! c. Leurs coefficients de Seebeck à T = 800 K et nmoy. sont représentés sur la figure 3.8. 184 Figure 3.8 : Coefficients de Seebeck classés dans l'ordre croissant à T = 800 K et nmoy des 82 formules hypothétiques, triées selon leur type structural. D'une manière générale, la première observation est que les formules quaternaires possèdent des valeurs de S plus élevées que les formules ternaires. En effet, les 16 valeurs de S les plus élevées sont pour des formules quaternaires, et les 46 formules avec le S le plus faible sont ternaires. Si on compare les deux types structuraux ternaires entre eux, on observe que leurs valeurs de S sont assez similaires, avec des coefficients de Seebeck moyens de 166 "V/K pour A4Mo9X11 contre 169 "V/K pour A2Mo9X11. Quant aux formules quaternaires, les coefficients de Seebeck les plus élevés appartiennent au type structural A2B2Mo9X11. Cependant, comparer les types structuraux quaternaires entre eux est peu pertinent du fait de la faible variété chimique présente dans ces formules hypothétiques. 2.3.3. Influence du contre-cation Enfin, nous avons cherché à dégager les premières tendances concernant le choix des cations . Pour ce faire, nous n'avons considéré que les formules ternaires, que nous avons triées selon leur groupe dans le table au périodique, à savoir 1, 2, 11, 12, 13 et 14. Leurs co efficient s de Seebeck moyens à 800 K sont représentés sur la figure 3.9. 185 Figure 3.9 : Coefficients de Seebeck à T = 800 K et nmoy des 57 formules hypothétiques ternaires en fonction du groupe du contre-cation. La moyenne de chaque groupe est représentée par un tiret noir, et la médiane par un point blanc cerclé de la couleur correspondant à sa série. Ces figures montrent que les formules ternaires avec un métal d (groupes 11 et 12) possèdent, en moyenne, les coefficients de Seebeck les plus bas. C'est assez surprenant dans la mesure où Ag3,90Mo9Se11 est le composé possédant la meilleure valeur de S mesurée à 800 K [e] (190 μV/K). Cependant, la dispersion est très élevée au sein des groupes 11 et 12 : l'écarttype y vaut respectivement 42 et 61 μV/K. Ces écarts-types ne sont comparables qu'avec ceux observés dans le groupe 1, et sont dus aux minimas très faibles attribués aux formules avec Cu et Zn. Les faibles coefficients de Seebeck de ces formules sont probablement attribués à leur faible valeur de bande interdite. Au regard des valeurs moyennes et médianes, les groupes 2 et 13 possèdent les valeurs de S les plus élevées. En valeur absolue, le groupe 1 possède les deux S les plus élevés. Notons également que la nature univalente ou divalente du cation joue peu sur la valeur de S. Pour conclure, il est difficile de dégager une tendance concernant l'influence de la nature du cation sur le coefficient de Seebeck. Cette étude est également à mettre en perspective par le nombre de formules considérées : 12 pour les groupes 1 et 2, neuf pour les groupes 11, 13 et 14 et seulement six pour le groupe 12. 186 Pour conclure cette étude préliminaire permettant de dégager quelques tendances de notre base de données initiale, nous pouvons dire que pour maximiser le coefficient de Seebeck, un composé à motifs Mo9X11 doit être quaternaire avec pour ligand le sélénium et pour contre-cation, des métaux s et p (selon l'étude sur les ternaires). 3. Génération de descripteurs intrinsèques Maintenant que nous avons une base de données initiale qui permet d'envisager l'utilisation du machine learning à plus grande échelle, il faut lui attribuer des descripteurs, qui sont des paramètres intrinsèques calculés ou déterminés de façon homogène pour chaque formule de la base de données, et ne dépendant que de cette dernière. Nous n'allons pas créer de descripteurs basés sur des données dépendant du calcul ou de l'expérience, puisque le but est de prédire les propriétés de formules hypothétiques. Le machine learning a pour but de trouver des corrélations entre ces descripteurs et le paramètre que l'on veut optimiser – ici, le coefficient de Seebeck – afin de prédire ce dernier sans passer par l'expérience ou le calcul. 3.1. Génération de descripteurs à l'aide de Matminer Nous utilisons Matminer [26], une bibliothèque développée sous Python, pour générer des descripteurs intrinsèques décrivant certaines propriétés physiques de nos formules à partir de celles des éléments les constituant, de manière homogène, et en tenant compte de la stœchiométrie. 150 descripteurs intrinsèques ont été retenus dans cette optique, dont la plupart proviennent de Magpie (Materials AGnostic Platfom for Informatics and Exploration), une bibliothèque conçue pour l'étude des matériaux inorganiques [37]. La moyenne, l'écart-type, le mode (la valeur la plus souvent retrouvée), le minimum, le maximum et l'étendue (la différence entre min. et max.) sont considérés pour chacune des 22 propriétés décrites ci-après, à l'exception des normes stœchiométriques, de l'occupation des orbitales de valence, de l'énergie du centre des bandes et des attributs ioniques. Les 22 propriétés reportées pour chaque élément isolé d'une formule sont : - le numéro atomique - le nombre de Mendeleïev : une numérotation du tableau périodique ordonnée par colonne et non par ligne, tel que décrit dans [38] - la masse atomique - la température de fusion - la ligne du tableau périodique - la colonne du tableau périodique - le rayon de covalence - l'électronégativité (selon Pauling) - le nombre d'électrons de valence dans les couches s, p, d et f et leur somme cumulée - le nombre de niveaux s, p, d et f vides dans les orbitales de valence et leur somme cumulée - le volume spécifique (l'inverse de la masse volumique), calculé en DFT à l'état fondamental à 0 K (extrait de la base de données en ligne OQMD [21]) - la valeur de la bande interdite, calculée en DFT à l'état fondamental à 0 K (extrait de la base de données en ligne OQMD) - le moment magnétique, calculé en DFT à l'état fondamental à 0 K (extrait de la base de données en ligne OQMD) - le groupe d'espace à l'état fondamental à 0 K (extrait de la base de données en ligne OQMD) Les normes stœchiométriques ne dépendent pas de la nature des éléments constituant une formule donnée, mais de leurs proportions respectives. Les normes LP de Ag3RbMo9Se11 sont par exemple formulées comme suit : + 3 @ 1 @ 9 @ 11 @ @ ‖x‖P = :;? + ;? + ;? + ;? D 24 24 24 24 les normes considérées étant P = 0, 2, 3, 5, 7 et 10, soit six descripteurs supplémentaires. L'occupation des orbitales de valence comprend la fraction et le nombre moyen d'électrons s, p, d ou f d'une formule, soit huit descripteurs différents. Par exemple, la fraction d'électrons de valence d dans Ag3RbMo9Se11 est définie comme : 188 3 1 9 11 (10) + (0) + (5) + 24 24 24 (10) ≈ 0,714. Fd = 24 3 1 9 11 24 (11) + 24 (1) + 24 (6) + 24 (16) soit la somme du nombre d'électrons de valence d de chaque élément pondéré par sa fraction dans la formule, divisé par le nombre total d'électrons de valence. Pour obtenir le nombre moyen d'électrons de valence d dans cette composition, il suffit de diviser le nombre total d'électrons d (ici, 25) par la stœchiométrie totale (24). Les attributs ioniques regroupent trois descripteurs. Le premier est un booléen (variable à deux états : vrai ou faux) qui détermine s'il est possible ou non de former un composé de charge neutre à partir des degrés d'oxydation communément adoptés par les éléments d'une formule – Ward et al. ne précisent pas lesquels [37]. Les deux autres concernent le caractère ionique d'une paire d'éléments, défini par la formule suivante : I (cA,cB ) = 1 – exp (–0,25(cA – cB )2 ) le premier descripteur étant la valeur maximale de I entre n'importe quelle paire d'éléments de la formule, et le second la valeur moyenne de I entre toutes les paires d'éléments considérées. Enfin, l'énergie du centre des bandes est extrapolée en utilisant la moyenne de l'électronégativité. 3.2. Création de descripteurs spécifiques à nos systèmes Les 150 descripteurs décrits ci-dessus sont supposés décrire les propriétés physiques moyennes d'une formule donnée, pondérées par la stœchiométrie. Cependant, par définition, ils ne sont pas spécifiques : ils ne tiennent par exemple pas compte de la structure des composés ni de la coordination particulière présente au sein des clusters. Pour y remédier, nous avons imaginé des descripteurs spécifiques, permettant d'espérer une meilleure description des propriétés particulières de nos systèmes. 189 Nous avons sélectionné trois propriétés calculables à la main dans nos systèmes, qui sont en lien avec les premières tendances exposées dans la partie 2.3 : le type de ligand (S = 1, Se = 2, Te = 3), la stœchiométrie (A4Mo9X11 = 1, A2Mo9X11 = 2, A3BMo9X11 = 3, A2B2Mo9X11 = 4, ABMo9X11 = 5, A2BMo9X11 = 6), ainsi que le rayon ionique des cations A et B, divisés en quatre valeurs, un pour chaque site. Les minimum, maximum, moyenne, écart-type et étendue du rayon ionique des quatre sites sont calculés, formant six nouveaux descripteurs. Le mode est exclu, car il adopte plusieurs valeurs dans nos formules de stœchiométrie A2B2Mo9X11. Nous avons donc, en tout, sept nouveaux descripteurs permettant de décrire nos systèmes. Les rayons ioniques pris en compte sont tels que définis par Shannon [39], reportés dans le tableau 3.1. Les types structuraux 5 et 6 et les rayons ioniques des cations trivalents ne correspondent à aucune des 82 formules de la base initiale, mais ils sont définis à cet endroit pour être utilisés dans partie 4 de ce même chapitre. Tableau 3.1 : Rayons ioniques de Shannon des cations considérés dans nos formules hypothétiques. Les valeurs extrapolées sont indiquées en bleu. Cations univalents Cations divalents Cations trivalents Élément Rayon ionique (Å) Élément Rayon ionique (Å) Élément Rayon ionique (Å) Na 1,02 Mg 0,72 Sc 0,75 K 1,38 Ca 1,00 Y 0,90 Rb 1,52 Sr 1,18 Al 0,54 Cs 1,67 Ba 1,35 Ga 0,62 Cu 0,77 Zn 0,74 Sb 0,76 Ag 1,15 Cd 0,95 Bi 1,03 Au 1,37 Ge 0,73 Ga 1,03 Sn 0,96 In 1,22 Pb 1,19 Tl 1,50 Les rayons ioniques de Ga+, In+ et Sn2+, indiqués en bleu dans le tableau, sont extrapolés. Le rayon ionique de Sn2+ est égal à la moyenne des rayons ioniques de Ge2+ et Pb2+ qui l'entourent dans le groupe 14 du tableau périodique, soit r (Sn2+) = (0,73 + 1,19) / 2 = 0,96 Å. Cette approximation est renforcée par le fait que le rayon atomique de Sn (1,45 Å) est proche de la moyenne de ceux de Ge et Pb (1,52 Å). Quant à Ga+ et In+, ils sont approximés à partir de la contraction M / M3+ dans la série Ga–In–Tl (égale à 1 – rayon covalent/rayon ionique), qui vaut 52% pour Ga, 48% pour In et 53% pour Tl. Cette contraction étant du même ordre de 190 grandeur, on peut estimer que la contraction M / M+ l'est également. Elle vaut 21% pour Tl, ce qui nous conduit à r (Ga+) = 0,79 x r (Ga) = 1,03 Å, et r (In+) = 0,79 x r (In) = 1,22 Å. Nous avons donc, au total, 157 descripteurs, dont 150 ont été générés par Matminer et 7 sont spécifiques à nos systèmes et calculés « à la main ». 4. Première extension de la base initiale par débiaisage Après avoir créé une base de données initiale de composés à clusters condensés de molybdène, il faut étendre le champ de recherches à toutes les formules à motifs Mo9X11 possédant un VEC de 36 et dont la composition est envisageable. Si l'intégralité des formules ternaires a été explorée dans la base préliminaire, il existe beaucoup de possibilités de formules quaternaires, et le choix de se restreindre aux cations présents dans les formules déjà connues biaise les conclusions tirées de la base de données préliminaires, à laquelle il faut apporter plus de variété chimique. Pour cela, il faut commencer par énumérer toutes les formules quaternaires hypothétiques dans un espace chimique défini. 4.1. Génération de nouvelles formules quaternaires Pour ce faire, nous utilisons SMACT [40] (Semiconducting Materials from Analogy and Chemical Theory), un outil développé sous Python permettant de générer des formules chimiques, filtrées selon deux critères : - ∑)(* + L. M. (N( ) + ∑Q P*+ L. M. (OP ) = 0, avec D.O. le degré d'oxydation des cations c et anions a, permettant de générer des formules électriquement neutres. - R (anions) > R (cations), selon l'échelle d'électronégativité R de Pauling, avec une tolérance de ±0,10 (car cMo > cTe). Nous avons intégré cet outil dans un script Python, auquel nous avons ajouté trois autres filtres. Le premier permet de ne générer que des formules quaternaires, puisque toutes les formules ternaires sont calculées dans la base initiale. Le second impose la présence de 191 [Mo9X11]4– ; de ce fait, les deux éléments restants doivent être tels que [AxBy]4+. On peut alors envisager quatre stœchiométries différentes pour les formules quaternaires : les deux rapportées expérimentalement, A2B2Mo9X11 et A3BMo9X11, ainsi que deux stœchiométries hypothétiques, A2BMo9X11 et ABMo9X11, cette dernière pouvant inclure deux cations divalents ou bien un cation univalent et un cation trivalent. La sélection des types structuraux des stœchiométries hypothétiques est détaillée dans la partie annexe 2. Le dernier filtre concerne le choix des éléments A et B. Les éléments univalents et divalents ont été sélectionnés précédemment, mais la stœchiométrie ABMo9X11 peut inclure des cations trivalents. Nous avons donc choisi les cations ternaires Sc, Y, Al, Ga, In, Tl, Sb et Bi. Les éléments du bloc f ont été volontairement exclus ; en effet, bien qu'on en retrouve dans certaines phases de Chevrel, ils sont absents des phases à clusters condensés étudiés dans cette thèse. En plus de cela, certains éléments ont été exclus du fait de leur radioactivité ou toxicité, de leur taille, du fait qu'ils soient trop riches en électrons, ou à caractère anionique. Le détail des éléments inclus et exclus se trouve sur la figure 3.10. Figure 3.10 : Tableau périodique des éléments représentant l'espace chimique choisi Les éléments exclus sont coloriés en fonction de la raison de leur exclusion. Les éléments retenus pour la génération de nouvelles formules quaternaires hypothétiques figurent dans les cases laissées blanches. Quant aux degrés d'oxydation, les éléments des groupes 1 et 11 sont [A]+, ceux des groupes 2, 12 et 14 sont [A]2+, et ceux des groupes 3 et 15 sont [A]3+. Enfin, les éléments du groupe 13 peuvent être [A]+ ou [A]3+, à l'exception de l'aluminium qui est exclusivement [Al]3+. En prenant en compte tous ces filtres, SMACT génère un total de 918 formules hypothétiques, dont 320 avec X = S, 320 avec X = Se et 278 avec X = Te. Cette différence s'explique par le fait que Au, bien plus électronégatif que Te, est donc exclu dans ce cas. Ces 918 formules hypothétiques sont reportées dans la partie annexe 3. 4.2. Enrichissement informationnel de la base de données Pour faciliter la sélection de quelques formules à calculer parmi les 918 formules précédemment générées, nous utilisons UMAP (Uniform Manifold Approximation Projection for Dimension Reduction [41]), un outil de réduction de dimensionnalité projetant les 150 descripteurs intrinsèques définis précédemment sur un espace à 2 dimensions (cette étude a été réalisée avant la création des descripteurs spécifiques). Il s'agit d'un algorithme basé sur la construction de graphes pondérés reliant les descripteurs entre eux, la pondération étant indexée sur la méthode des k plus proches voisins [42] permettant de reproduire au mieux les propriétés locales des formules considérées dans un espace de représentation réduit. Autrement dit, c'est une méthode pertinente pour faciliter le regroupement de formules chimiques possédant des propriétés similaires. En effet, il est ensuite possible de diviser la projection bidimensionnelle obtenue en plusieurs « îlots » regroupant des formules aux propriétés similaires. Effectuer des calculs sur des formules de chaque « îlot » permet d'assurer une meilleure représentativité de la diversité chimique dans la base de données, et doit améliorer la qualité des prédictions effectuées par la suite. Nous avons choisi de scinder cet espace en 10 îlots (une contrainte computationnelle) et de déterminer la formule la plus proche du barycentre de chacun d'entre eux. Ce sont ces 10 formules que nous avons choisi de calculer par DFT afin d'enrichir la diversité chimique de la base de données au mieux tout en limitant le nombre de composés à calculer. L'espace bidimensionnel généré à partir de la combinaison des 150 descripteurs de chacune des 918 formules hypothétiques est représenté sur la figure 3.11. Les 10 barycentres 193 et les 25 formules calculées dans la base de données initiale sont également représentés. Notons que la projection est sans unité, et que la distance relative entre les îlots, ainsi que leur forme, n'a pas de sens physique, la géodésie de l’espace de représentation n’étant pas connue. Figure 3.11 : Espace bidimensionnel généré par UMAP représentant la projection des 150 descripteurs pour les 918 formules hypothétiques générées. Les 10 îlots sont représentés par des couleurs différentes. Sont également représentés les barycentres de ces îlots (blanc cerclé de rouge) et les 25 formules déjà calculées dans la base initiale (blanc cerclé de bleu). Les barycentres des îlots, numérotés sur la figure 3.11, correspondent aux 10 formules suivantes : Cu3CsMo9Se11 (1), Ag2Cu2Mo9Se11 (2), AuYMo9Se11 (3), Na3AuMo9S11 (4), KYMo9S11 (5), Ag3NaMo9S11 (6), Na3GaMo9Te11 (7), K3RbMo9Te11 (8), PbSnMo9Te11 (9) et CaZnMo9Te11 (10). Il est intéressant de noter que certains îlots ne comportent aucune formule préalablement calculée dans la base initiale (îlots 7 et 10). De plus, les cations Au, Ga, Y, Pb, Sn, Ca et Zn n'étaient pas représentés dans les formules quaternaires calculées au préalable, dans la base initiale. Cela laisse espérer un enrichissement efficace de la base initiale à partir de ces 10 nouvelles formules. Enfin, les ligands jouent un rôle important dans la séparation des îlots. En effet, les îlots 1, 2 et 3 contiennent toutes les formules avec X = Se, les îlots 4, 5 194 et 6 les formules avec X = S et les îlots 7, 8, 9 et 10 les formules avec X = Te. Ce résultat était néanmoins prévisible, étant donné que les descripteurs intrinsèques sont pondérés par la stœchiométrie et que les ligands X ont toujours le poids le plus important dans celle-ci. Pour chacune d'entre elles, nous avons créé un modèle dont nous avons optimisé la géométrie et calculé le coefficient de Seebeck, selon la procédure décrite dans le chapitre 2. Les valeurs de S et de la bande interdite de ces modèles sont reportées dans le tableau 3.2. Tableau 3.2 : Coefficient de Seebeck à T = 800 K et valeur de bande interdite calculés des 10 nouvelles formules correspondant aux barycentres des î générés par UMAP. Formule Cu3CsMo9Se11 (1) Ag2Cu2Mo9Se11 (2) AuYMo9Se11 (3) Na3AuMo9S11 (4) KYMo9S11 (5) Ag3NaMo9S11 (6) Na3GaMo9Te11 (7) K3RbMo9Te11 (8) PbSnMo9Te11 (9) CaZnMo9Te11 (10) S, 800 K, n1 ("V/K) 367 243 278 315 313 276 326 359 225 240 Classement (n1) 8/92 71/92 50/92 27/92 29/92 54/92 17/92 11/92 77/92 72/92 S, 800 K, n2 ("V/K) 171 78 97 123 105 98 139 152 63 103 Classement (n2) 10/92 68/92 53/92 30/92 40/92 51/92 18/92 14/92 78/92 45/92 ΔEi (eV) 0,74 0,56 0,61 0,77 0,82 0,68 0,70 0,95 0,43 0,24 Ce tableau montre que ces nouvelles formules sont bien distribuées dans le classement des meilleures valeurs de S, avec trois représentants dans les 20 valeurs les plus élevées et deux dans les 20 valeurs les plus faibles. De manière intéressante, les quatre formules les mieux classées sont de stœchiométrie AB3Mo9X11. Quant aux ligands, dans ce cas, les composés avec X = Se ou Te semblent présenter un meilleur coefficient de Seebeck, bien que toutes ces tendances ne soient pas significatives, car observées sur un échantillon de 10 points. Notons enfin que ces 10 formules sont toutes calculées « semi-conductrices » comme prévu, avec une valeur de bande interdite ΔEi elle aussi bien distribuée, entre 0,24 et 0,95 eV. 5. Modèles de machine learning sur la base étendue 5.1. Évaluation des modèles prédictifs Des modèles de machine learning utilisant un algorithme de régression de type Random Forest [27] ont été créés à partir de la base de données étendue constituée des 92 formules hypothétiques et les 157 descripteurs précédemment décrits. Pour le moment il s'agit donc de modèles d'entraînement sur un jeu de données étiquetées (la valeur de S étant connue), visant à reproduire au mieux les valeurs calculées. L'algorithme Random Forest que nous utilisons correspond à la combinaison de 100 arbres décisionnels, et nous utilisons une méthode de validation croisée à k blocs (avec k = 10). Ces deux hyperparamètres sont expliqués en détail dans l'introduction. Nous avons choisi de prédire la valeur de S à n1 et n2, et à T = 300 et 800 K, soit quatre modèles au total. Ces modèles sont représentés sur la figure 3.12 ci-dessous. La qualité de la prédiction est évaluée grâce à l'erreur absolue moyenne (ou MAE, pour mean absolute error), et l'erreur absolue moyenne en pourcentage (ou MAPE, pour mean absolute percentage error), toutes deux définies plus en détail dans l'introduction de ce chapitre. 196 Figure 3.12 : Comparaison des coefficients de Seebeck calculés par DFT et prédits par Random Forest pour les quatre modèles prédictifs. La MAE, son écart-type et la MAPE sont indiqués. Commençons par comparer les prédictions en fonction de la température. À n constant, les MAE sont proches, pour les deux valeurs de T. Cependant, la MAPE des modèles à 300 K est beaucoup plus importante que celles de leurs équivalents à 800 K. En particulier, le modèle à 300 K et n2 présente une MAPE de 39%, une valeur largement supérieure aux trois autres modèles. Bien qu'il soit difficile de comparer les modèles entre eux puisque les valeurs de S sont très différentes dans chaque cas, les modèles à 800 K semblent plus fiables. Enfin, à température égale, la MAE est plus élevée à n1 qu'à n2 en valeur absolue, mais la MAPE est plus faible, du fait de l'écart des moyennes respectives. Nous observons la présence de quelques « outliers », ou valeurs aberrantes, c'est-à-dire des points isolés dont les valeurs calculées et prédites sont très éloignées. Nous avons choisi les points dont l'erreur sur la prédiction est à la fois supérieure à 30% de la valeur calculée et à deux fois la MAPE. Ils sont représentés sur la figure 3.13, et le détail des formules dans le tableau 3.3. Cela nous donne un total de 32 points : sept sur le modèle à 300 K et n1, 14 sur le modèle à 300 K et n2, quatre sur le modèle à 800 K et n1, et sept sur le modèle à 800 K et n2. Tout d'abord, un certain nombre de formules sont communes à plusieurs modèles, telles que Ag2Cu2Mo9Se11 qui est outlier dans les quatre modèles, ou encore Au4Mo9Te11 et Zn2Mo9Te11, 197 qui le sont dans trois modèles. La formule Zn2Mo9Te11 est la seule des 92 formules de la base de données à être prédite métallique (bande interdite = 0 eV, voir Annexes 1), ce qui explique que sa prédiction soit mauvaise, car cela dégrade beaucoup la valeur de S. Ces formules communes font qu'en réalité, les 32 points ne correspondent qu'à 20 formules uniques. Parmi ces 20 formules, sept sont quaternaires, et dans les modèles à 800 K, il n'y en a même qu'une seule. Il semblerait que les formules quaternaires soient mieux prédites que les ternaires. Quant aux ligands, les formules avec X = S sont quasi absentes des valeurs aberrantes : Ba2Mo9S11, dans le modèle à 300 K et n2, en est le seul représentant. Enfin, il est intéressant de noter que la plupart des prédictions aberrantes surestiment la valeur du coefficient de Seebeck : c'est le cas de 28 de ces 32 points. De plus, la plupart des prédictions absurdes concernent des composés dont la valeur de S est en dessous de la moyenne de leur série : c'est également le cas de 28 points sur 32. Ces observations montrent que le modèle prédit plus difficilement les formules aux valeurs de S les plus faibles, en ayant tendance à surestimer leur coefficient de Seebeck, en particulier pour les composés avec X = Se, Te. Cependant, le fait que les valeurs aberrantes concernent les valeurs faibles veut dire que les formules possédant les valeurs de S les plus élevées sont mieux prédites, et ce sont ces dernières que nous recherchons. Maintenant que nous avons évalué la qualité des modèles prédictifs, nous allons essayer de comprendre quels descripteurs régissent ces prédictions, et voir s'il est possible de fournir une explication physique aux tendances observées. Figure 3.13 : Comparaison des coefficients de Seebeck calculés par DFT et prédits par Random Forest pour les quatre modèles prédictifs, en ne représentant que les points outliers. Tableau 3.3 : Détail des formules et coefficients de Seebeck calculés des points outliers. Les formules en bleu sont des outliers dans plusieurs des quatre modèles prédictifs. La valeur moyenne de S dans chaque série est indiquée.
13,346
tel-04315046-114059_JERRO_2023_archivage.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Spintronique moléculaire à base de molécules photocommutables de diaryléthènes. Science des matériaux [cond-mat.mtrl-sci]. Université Paris-Saclay, 2023. Français. &#x27E8;NNT : 2023UPASP050&#x27E9;. &#x27E8;tel-04315046&#x27E9;
None
French
Spoken
6,508
10,780
Spintronique moléculaire à base de molécules photocommutables de diaryléthènes Laurette-Apolline Jerro HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Spintronique moléculaire à base de molécules photocommutables de diaryléthènes Molecular spintronics based on photoswitchable molecules of diarylethenes Thèse de doctorat de l'Université Paris-Saclay École doctorale n°564, Physique en Île-de-France (PIF) Spécialité de doctorat : Physique Graduate School : Physique. Référent : Faculté des Sciences d’Orsay Thèse préparée à l’Unité Mixte de Physique CNRS/Thales (Université Paris-Saclay, CNRS, Thales), sous la direction de Richard MATTANA, chargé de recherche au CNRS et la codirection de Pierre SENEOR, professeur à l’Université Paris-Saclay Thèse soutenue à Paris-Saclay, le 23 Mai 2023, par Laurette-Apolline JERRO Composition du Jury NNT : 2023UPASP050 THÈSE DE DOCTORAT Membres du jury avec voix dé libérative Stéphane LENFANT Directeur de recherche, CNRS (IEMN) Pascal TURBAN Professeur, Université de Rennes (IPR) Florence VOLATRON Maîtresse de Conférences, Sorbonne Université (IPCM) Antonio TEJEDA Directeur de recherche, CNRS (LPS) Président Rapporteur & Examinateur HDR, Rapporteure & Examinatrice Examinateur Titre: Spintronique moléculaire à base de molécules photocommutables de diaryléthènes Mots clés: spintronique, diaryléthènes, jonctions tunnel magnétiques Rés umé: Ces travaux de thèse ont porté sur le transport dépendant du spin dans des monocouches auto-assemblées (SAMs) de molécules photocommutables de diaryléthènes. Dans ce cadre, des jonctions tunnel magnétiques (MTJs) de NiFe/diaryléthènes/Co ont été fabriquées et l’impact de la commutation des molécules sur les propriétés de transport dépendantes du spin de ces jonctions a été étudié. Dans ce manuscrit nous introduirons d’abord les procédures de upération d’une surface ferromagnétique oxydée, la fonctionnalisation de cette surface par une SAM de diaryléthènes, ainsi que le développement d’une méthode de lithographie pour illuminer in-situ la couche de molécules. Par la suite, nous présenterons des mesures de caractérisation électrique de ces jonctions afin de montrer que les diaryléthènes constituent une barrière tunnel efficace pour le transport électronique. Enfin, nous aborderons des mesures de magnétotransport permettant de démontrer un transport dépendant du spin à température ambiante à travers la monocouche moléculaire. Nous présenterons également comment il a été possible de mettre en évidence une contribution de magnétorésistance tunnel anisotrope à basse température. Enfin nous présenterons nos études sur l’impact de la lumière sur ces jonctions tunnel magnétiques, démontrant que la commutation des molécules permet de moduler à la fois la résistance et la magnétorésistance de ces dispositifs. Title: Molecular spintronics based on photoswitchable molecules of diarylethenes Keywords: spintronics, diarylethenes, magnetic tunnel junctions Abstract: This thesis work focused on spin-dependent transport in self-assembled monolayers (SAMs) of photocommutable diarylethene molecules. In this framework, magnetic tunnel junctions (MTJs) of NiFe/diarylethenes/Co have been fabricated and the impact of molecule switching on the spin-dependent transport properties of these junctions has been studied. In this manuscript we will first introduce the procedures for the recovery of an oxidized ferromagnetic surface, the functionalization of this surface with a diarylethene SAM, as well as the development of a lithography method for in-situ illumination of the molecule layer. Subsequently, we will present electrical character- ization measurements of these junctions to show that diarylethenes are an efficient tunneling barrier for electronic transport. Finally, we will discuss magnetotransport measurements to demonstrate spin-dependent transport at room temperature through the molecular monolayer. We will also present how it was possible to demonstrate an anisotropic tunneling magnetoresistance contribution at low temperature. Finally we will present our studies on the impact of light on these magnetic tunnel junctions, demonstrating that switching molecules allows to modulate both the resistance and the magnetoresistance of these devices. Université Paris-Saclay Espace Technologique / Immeuble Discovery Route de l’Orme aux Merisiers RD 128 / 91190 Saint-Aubin, France Remerciements C’est avec beaucoup d’émotion qu’on finalise une thèse et plus encore lorsqu’elle est parsemée de très belles rencontres et d’un environnement accueillant et sympathique comme l’est l’Unité Mixte de Physique! Pour commencer, des remerciements particuliers aux membres du jury : Florence Volatron, Pascal Turban, Antonio Tejeda et Stéphane Lenfant qui ont accepté d’évaluer ce travail et avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à échanger lors de la soutenance. Un grand merci également à Pei Yu et Talal Mallah qui ont permis de synthétiser les molécules de diaryléthènes utilisées pendant ma thèse. Ma profonde gratitude va ensuite vers Pierre et Richard qui m’ont fait confiance pour prendre le relais sur le travail en spintronique moléculaire. Merci de m’avoir accompagnée durant ces quatre années de thèse, depuis mes premiers pas jusqu’aux derniers instants de préparation de la soutenance, toujours avec une bienveillance sans limite. Richard: un sourire contagieux et on se sent tout de suite rassurés, une présence toujours accueillante et sereine sur laquelle on peut compter en toutes circonstances. Je te remercie du fond du cœur d’avoir été toujours là pour répondre à des questionnaires sans fin à la « inspecteur Columbo » comme tu les appelais et toujours avec une patience admirable. Quant à Pierre, ta sympathie et ton énergie que tout le monde connaît font de toi une personne exceptionnelle autant sur le plan scientifique qu’humain, je te remercie pour ton soutien et pour nous montrer tous les jours que faire des sciences dans la joie peut devenir la norme! Suit directement un grand merci un Benoît, tout droit sorti d’un roman fitzgeraldien qui est aussi à l’aise dans un bar que dans une salle blanche. Merci de m’avoir tant transmis avec tant de bienveillance, en allant de tes astuces fabrication où le zèle se mélange beaucoup à la sorcellerie à ton ironie atypique pour faire face à toute situation inattendue. Je remercie ensuite la team 2D/mol qui compte de sacrés personnages! Bruno, au rire qui traverse les murs et qui se caractérise par une bonne humeur constante et contagieuse avec ses "chaaaaauuuud" à tue-tête, MB au rire communicatif, qui sait toujours prêter une oreille tendre et attentive, et qui a toujours des histoires rocambolesques à raconter à toutes les heures de la journée. Florian, qui maîtrise techniques et machines mieux que quiconque et qui peut régler n’importe quel problème en un claquement de doigts tout en chantant du Michel Sardou accompagné en duo par Etienne. Julian, au déhanché inimitable, à l’humour piquant et toujours prêt à vous faire décrocher un rire dans les bonnes comme dans les pires situations. Ensuite, on retrouve Fredy, our favorite german in town that can transform Haut-Champ to the dancefloor of the Berghain with his DJying skills! I cannot count the number of laughs that we had, thanks for adding so much fun everyday and always, so many memories to remember... Hao, à la sérénité et au chill absolus qui nous impressionne toujours par ses 1000 aventures à travers le monde! Bonne chance à Emma que j’ai eu la chance de côtoyer durant son stage et qui est probablement la seule personne que je connaisse à avoir réussi un câblage dès la première fois! Julie, c’était un plaisir de connaître ta personnalité flamboyante et haute en couleurs, tes petits thés au miel de rhododendron, et ta passion disney, font de toi une personne unique en son genre! Ensuite pour parler des plus anciens, on trouve Marta San, la big boss, qui a une capacité de travail folle et qui a le grand cœur d’une mama italienne attentive et dévouée. Victor, notre show man qui a plusieurs arcs à ses flèches et qui sait manier la magie aussi bien que des remplissage d’HC en opération sauvetage à 8h du matin. Enfin, les stagiaires, Samuel, Jérémie, Jesus, je vous souhaite de profiter de votre passage au labo, que ça vous apporte de très bons moments et des amitiés fortes! Et en parlant d’amitiés fortes. Une pensée spéciale à l’équipe de choc qui comprend Pauline, Diane et Yanis, avec qui l’aventure a commencé! Combien de souvenirs nous avons partagé, combien de rires, de moments plus difficiles qui nous ont lié durant cette thèse et j’en suis sûre encore pour la suite! Paupau, l’élégance parisienne incarnée et à la légèreté et la finesse caractéristiques, qui sont fortes utiles pour la récupérer perchée à un arbre en plein cœur de Paris ou pour parcourir les 4 coins du monde sur le volant de son vélo! Dianou ou lady D, pas moins fofolle puisqu’elle n’a pas hésité à partir en vadrouille toute seule en pleine vallée de la Mort, je me souviendrai toujours de nos discussions côte à côte dans les salles de manip et de toutes tes coupes de cheveux, tu es la seule à qui tout peut aller si bien! Sassou, ou l’homme qui s’intéresse à tout qui est toujours prêt prêter main forte à tout le monde, à qui je dois la quasi entièreté de mes séances câbleuse. Merci pour la générosité que tu diffuses autour de toi. Et bien sûr un grand merci à ceux qu’on appelle les non-permanents mais qui assurent une bonne ambiance permanente au labo! La liste est longue, merci à Aya qui organise avec Sarah de super social events et avec qui on a de longues discussions nostalgico-libanaises ensemble. Merci à Ralph, Anke, William, Raphaël et Victor Haspot que j’ai connus au début de la thèse et qui ont été des personnes qui ont beaucoup compté, Carol, Srijani, Sachin, NicolaS., Ping, Pankaj, Benjamin, Amr, Hadi... with whom it’s always very fun to discuss whenever you meet them in the corridor. Je ne pourrais malheureusement pas tous les énoncer, mais chaque personne que j’ai eu la chance de connaître dans ce labo m’a apportée quelque chose de spécial qui me marquera beaucoup pour toujours. J’adresse ensuite de tendres remerciements à Alex qui m’a accompagnée depuis les premiers bancs du M2 avec qui on a partagé tant de moments inoubliables. Je te remercie d’être la personne que tu es, si compréhensive et généreuse et avec qui il est si bon de discuter de tout! Je te remercie du fond du cœur et j’espère de ses profondeurs que tu trouveras ta voie dans un avenir qui ne pourra que t’être meilleur. Mes dernières pensées vont vers toute la famille, Clem, Auré et Fab et à nos parents si exceptionnels qui nous inspirent tous les jours et nous donnent des ailes pour aller de l’avant. Un amour infini pour vous... Sommaire 1 Introduction aux jonctions tunnel magnétiques 1.1 L’émergence de la spintronique............................. 1.2 Propriétés des matériaux ferromagnétiques....................... 1.3 Transport tunnel dépendant du spin........................... 1.3.1 La jonction tunnel magnétique.......................... 1.4 MTJs: Le modèle de Jullière............................... 1.4.1 Introduction au modèle.............................. 1.4.2 Au-delà du modèle de Jullière.......................... 1.4.3 Le rôle primordial des interfaces dans les signaux de TMR.......... 3 3 4 6 6 8 8 10 12 2 Spintronique moléculaire: pourquoi intégrer des molécules dans des MTJs? 2.1 Pourquoi mêler électronique/spintronique à la chimie?................ 2.1.1 Les débuts de l’électronique moléculaire et organique ............. 2.1.2 Les débuts de la spintronique organique.................... 2.2 Hybridation et contrôle du spin: la spinterface..................... 2.2.1 La spinterface, quelles en sont les preuves expérimentales?.......... 2.2.2 Effets de la spinterface dans des dispositifs................... 2.3 Pourquoi des monocouches auto-assemblées de molécules? (SAMs)......... 2.3.1 Introduction aux SAMs.............................. 2.3.2 Les systèmes passifs en spintronque: état de l’art de dispositifs solides utilisant des SAMs..................................... 2.4 Vers des molécules "actives"............................... 2.4.1 Les spin crossovers (SCO)............................ 2.4.2 Les molécules redox ou push-pull...... 2.4.3 Les mol écules photochrome s........... ................ 2.5 Les diaryléthènes (DAE) comme molécules photochromes............... 2.5.1 Propriétés générales................................ 2.5.2 Mécanisme de photocommutation........................ 2.5.3 Les diaryléthènes comme composants actifs: exemples de la littérature... 2.5.4 Jonctions moléculaires à base de SAMs de diaryléthènes (DAE)....... 15 15 15 17 19 24 26 28 28 3 Fabrication et caractérisation de MTJs à base de diaryléthènes 3.1 Comment contacter des molécules?........................... 3.1.1 Quelles sont les principales techniques employées?............... 3.1.2 Problématiques additionnelles liées à la spintronique.............. 3.2 Fabrication des jonctions tunnel magnétiques............ .......... 53 55 55 55 56 1 33 37 37 39 40 43 43 45 47 48 3.2.1 3.2.2 3.2.3 3.2.4 3.2.5 3.2. 6 3.2.7 3.2.8 Croissance de l’électrode inférieure de Permalloy (NiFe) (Etape a)...... Formation des nanocontacts: lithographie laser (Etape b)........... Fonctionnalisation des trous (Etape c)..................... Croissance de l’électrode supérieure de cobalt (Etape d)............ Vérification de l’absence d’oxydation de l’électrode supérieure de cobalt ... Définition des contacts ( Etape e ) ........................ Câblage de l’échantillon sur la puce (Etape f)................. Conclusion..................................... 57 57 59 66 67 69 70 71 4 Magnéto-transport sur des MTJs de diaryléthènes 4.1 Instrumentation et méthode de mesure......................... 4.2 Ré sultats de caractérisation électrique.......................... 4.2.1 Caractéristiques courant-tension....... .................. 4.2.2 Quelle est l’origine des structures fines?.................... 4.3 Transport dépendant du spin.............................. 4.3.1 Mesure de magnétorésistance dans les MTJs à base de DAE......... 4.3.2 Une variété de signaux magnétorésistifs....................... 4.3.3 Statistiques sur nos jonctions.......................... 4.4 Etude angulaire de la TMR............................... 4.4.1 Magnétorésistance tunnel anisotrope (TAMR)................. 4.5 Conclusion......................................... 1.1 L’émergence de la spintronique En 1988 Albert Fert et Peter Grünberg firent une découverte qui leur vaudra des années plus tard un prix Nobel en 2007 1;2. Disjointement, ils découvrent que lorsque deux couches magnétiques séparées par un métal non magnétique sont soumises à un champ magnétique variable, des résistances électriques différentes sont mesurées (cf. Figure 1.1). Ce phénomène est désigné par le terme de magnétorésistance géante (ou GMR) qui s’explique par le fait que les aimantations des électrodes peuvent être soit parallèles (généralement état de résistance minimale) soit antiparallèles (état de résistance maximale). En d’autres termes, cette découverte montre que le passage du courant est contrôlé par l’orientation relative des aimantations des électrodes ferromagnétiques. A l’image d’un polariseur et analyseur en optique, dans ce cas ce n’est pas la lumière, mais les électrons qui passent plus ou moins bien en fonction de la configuration magnétique des électrodes ferromagnétiques. Ainsi, on peut jouer sur deux états de résistances différents assimilables aux états binaires (0 ou 1) et s’en servir pour de nombreuses applications telles que les têtes de lecture de disques durs ou les mémoires non volatiles. Environ dix ans avant la découverte de la GMR, M. Jullière publie un article clé en 1975, dans lequel il montre l’influence du champ magnétique sur la conductance mesurée à 4K aux bornes d’une jonction tunnel magnétique Fe/Ge/Co 3. Au lieu d’utiliser une barrière métallique comme le feront A. Fert et P. Grünberg en 1988, il utilise une barrière semi-conductrice de germanium. La mesure des propriétés d’une telle jonction Fe/Ge/Co a permis de mettre en évidence l’effet tunnel qui dépend de l’orientation relative des deux électrodes. Sa découverte sera ranimée deux décennies plus tard en 1995, par la première mesure de magnétorésistance obtenue à température ambiante dans des systèmes à barrière isolante. Cette découverte se fit disjointement par les équipes de J. Moodera 4 et T. Miyazaki 5 sur des jonctions à barrière amorphe de Al2 O3. Suivirent ensuite différentes publications où la fabrication de dispositifs permettra d’entrevoir un vaste choix de matériaux, que ce soit pour les électrodes ferromagnétiques ou pour la 3 Figure 1.1: (a) Multicouche magnétique de fer/chrome et (b) courbe de magnétorésistance relative en fonction du champ magnétique obtenue par A. Fert en 1988, reproduit de 1. barrière tunnel. Ces dispositifs prennent le nom de jonctions tunnel magnétiques (MTJs); des pourcentages toujours plus élevés de magnétorésistance se succèdent alors, les hissant comme candidats idéaux pour des utilisations en technologie de l’information. On cite par exemple la fabrication de têtes de lecture magnétorésistives pour les disques durs, de dispositifs à porte-logique ou encore de MRAM (Magnetic Random Access Memory). Ces deux découvertes majeures que sont la TMR et la GMR, marquent les jalons d’une discipline à la frontière entre nanomagnétisme et électronique: la spintronique. En plus de s’intéresser à la charge de l’électron comme en électronique classique, c’est le spin (ou moment magnétique intrinsèque) de l’électron qui est considéré pour être injecté, manipulé et détecté dans des dispositifs. 1.2 Propriétés des matériaux ferromagnétiques Dans cette partie nous décrirons l’élément de base d’une jonction tunnel magnétique: le matériau ferromagnétique. Les matériaux ferromagnétiques ont la capacité de s’aimanter en présence d’un champ magnétique appliqué et de conserver une partie de leur aimantation une fois le champ relâché (cf. Figure 1.2). Ce sont des matériaux dans lesquels tous les moments magnétiques atomiques sont orientés dans le même sens. De plus, ils maintiennent leurs propriétés magnétiques jusqu’à une certaine température caractéristique, dite température de Curie, au-delà de laquelle le matériau devient paramagnétique. Un métal ferromagnétique se distingue d’un métal non ferromagnétique par les densités d’états différentes pour les spins up et down au niveau de Fermi (cf. Figure 1.3). Tandis que dans le cas d’un métal non ferromagnétique, les densités d’états pour les spins up et down sont équivalentes, dans un métal ferromagnétique, c’est justement cette différence qui donne au ferromagnétique sa capacité à s’aimanter en présence d’un champ magnétique extérieur. On s’aperçoit à la Figure 1.3 que le cobalt présente un décalage dans les densités d’états des spin up et down alors que dans le cas du platine, les deux densités d’états sont équivalentes. 4 Figure 1.2: A gauche, schéma représentant le cas d’un métal non ferromagnétique pour lequel l’alignement des moments magnétiques est aléatoire. A droite, schéma représentant le cas d’un métal ferromagnétique pour lequel tous les moments magnétiques sont alignés. Figure 1.3: Représentation des densités d’états associées aux spin up et down pour un métal non ferromagnétique en haut en prenant l’exemple du platine (reproduit de 6 ) et pour un métal ferromagnétique en bas en prenant l’exemple du cobalt (reproduit de 7 ) 5 Ce déséquilibre entre les populations électroniques de spin up (N↑ ) et down (N↓ ) au niveau de Fermi donne lieu à la définition de la polarisation en spin (P) du ferromagnétique qui s’exprime comme: P = N↑ − N↓ N↑ + N↓ (1.1) La polarisation en spin de métaux ferromagnétiques est mesurée notamment grâce aux expériences de Meservey et Tedrow qui utilisent des jonctions tunnel de structure métal ferromagnétique/barrière tunnel (Al2 O3 )/supraconducteur (Al). Les polarisations en spin des métaux de transition "3-d" qu’ils extraient sont de 34% pour le cobalt, 44% pour le fer et 11% pour le nickel 8. Dans notre cas, les matériaux ferromagnétiques nous serviront pour polariser et analyser des courants polarisés en spin dans un dispositif que nous décrivons à présent: la jonction tunnel magnétique (MTJ). 1.3 Transport tunnel dépendant du spin 1.3.1 La jonction tunnel magnétique Figure 1.4: (Gauche) Représentation d’une jonction tunnel magnétique (MTJ) formée de deux électrodes ferromagnétiques séparées par une barrière tunnel. Un courant polarisé en spin est transmis d’une électrode à l’autre en passant à travers la barrière. (Droite) Courbe de résistance en fonction du champ magnétique. Deux états de résistance peuvent être atteints en fonction du champ magnétique: l’état de basse résistance lorsque les aimantations sont parallèles (P) et l’état de haute résistance lorsque les aimantations sont antiparallèles (AP). Les jonctions tunnel magnétiques sont des dispositifs formés de deux électrodes ferromagnétiques séparées par un matériau isolant sous la forme de couche mince (épaisseur généralement inférieure à 3nm). Cette couche joue le rôle de barrière tunnel isolante à travers laquelle les électrons transitent par effet tunnel (cf. Figure 1.4 (gauche)). Par l’application d’une tension aux bornes de la jonction, les électrons vont passer d’une électrode à l’autre à travers la barrière isolante de molécules. 6 Suivons l’évolution de la courbe de magnétorésistance schématisée à la Figure 1.4(droite). La résistance du dispositif dépend de l’orientation relative des deux électrodes, pilotée par le champ magnétique. Lorsqu’un fort champ magnétique est appliqué, les aimantations des deux électrodes ferromagnétiques s’alignent, l’état parallèle (P) est alors atteint. En diminuant le champ magnétique, l’électrode dotée du plus faible champ coercitif va commencer par se retourner: l’état antiparallèle (AP) caractérisé par une augmentation de la résistance est alors atteint. Ce retournement sera suivi par celui de la deuxième électrode qui ramènera le système dans son état parallèle avec un retour à une valeur de résistance minimale. Ces deux états de résistances peuvent s’assimiler aux bit "0" et "1" qui servent au codage de l’information. On nomme la magnétorésistance tunnel (TMR) la différence de résistance entre les états d’aimantations parallèles et antiparallèles. Elle est définie comme suit: T MR = RAP − RP RP (1.2) où RAP et RP sont les résistances dans les configurations magnétiques antiparallèle et parallèle respectivement. Dans la suite, nous retracerons les avancées fondatrices dans la mesure des propriétés des jonctions tunnel magnétiques. En chemin, nous pour constater les différentes implications du choix de la barrière tunnel sur les propriétés de transport dans des jonctions. Figure 1.5: (a) Courbe de conductance relative obtenue par M. Jullière sur des jonctions de Fe/Ge/Co à 4K en fonction de la tension. ∆G représente la variation de conductance entre l’état parallèle et antiparallèle. Reproduit de 3 (b) Courbe de magnétorésistance obtenue par Moodera et al. sur des jonctions de CoF e/Al2 O3 (1.2 − 1.4nm)/Co à 300K. Reproduit de 4. (c) Courbe de magnétorésistance obtenue par Miyazaki et al. sur des jonctions de F e/Al2 O3 (5 − 10nm)/F e. Reproduit de 5 7 Tel que nous l ’ évoqui ons en a mont, la première mesure de magnétorésistance a été réalisée par M. Jullière. Celle-ci a abouti à l’obtention d’une magnétorésistance de 14% à 4K dans des jonctions de Fe/Ge/Co pour une épaisseur de germanium comprise entre 10 et 15nm (cf. Figure 1.5a). Ce n’est qu’en 1995 que sont conjointement obtenus les premiers résultats de magnétorésistance tunnel à température ambiante. Les premiers résultats ont été obtenus par J. Moodera et al. sur des jonctions de CoF e/Al2 O3 /Co 4 (Figure 1.5b) et Miyazaki et Tezyka sur des jonctions de F e/Al2 O3 /F e 5 (Figure 1.5c). Leurs deux dispositifs sont fabriqués par évaporation et en oxydant l’aluminium in situ afin obtenir des couches d’alumine (Al2 O3 ) amorphes isolantes. Ainsi, la technique de croissance de l’alumine amorphe se montre très prometteuse pour la fabrication de barrières tunnel assez fines et homogènes (sans pinholes) sur de larges surfaces (de l’ordre de 300μm de côté). 1.4 MTJs: Le modèle de Jullière 1.4.1 Introduction au modèle Figure 1.6: Schéma représentant les densités d’états de spins up et down de deux électrodes ferromagnétiques en configuration parallèle (à gauche) et antiparallèle (à droite). Le spin étant conservé lors de l’effet tunnel, un courant plus important est mesuré dans l’état parallèle. 8 Afin d’expliquer la différence de conductance entre les configurations parallèle et antiparallèle, M. Jullière propose un modèle qui porte aujourd’hui son nom. Pour ce faire, il se base sur l’hypothèse que le spin se conserve au passage de la barrière et que le courant tunnel dépend de la densité d’états relative des deux matériaux ferromagnétiques. Afin d’illustrer ce modèle, attardons-nous sur ce qui se passe lors du transport de spins d’une électrode à l’autre dans les états parallèle et antiparallèle dans la Figure 1.6. Nous représentons une situation dans laquelle deux canaux de spins indépendants (spin up et down) sont impliqués dans le transport du spin. Considérons le fait que les deux populations de spins sont présentes au niveau de Fermi et que les spins up sont majoritaires. Dans l’état parallèle, les états de spins up sont plus nombreux pour l’électrode de gauche et trouvent en vis à vis autant d’états accessibles de même spin. Le courant de spin up est supérieur au courant de spin down. L’état de résistance minimale est alors atteint. Dans l’état antiparallèle, c’est comme si les densités d’états des spins up et down s’inversaient avec l’aimantation de l’électrode. Pour l’électrode de droite dont l’aimantation s’est inversée, ce sont les spin down qui deviennent alors majoritaires. Les spins up plus nombreux pour la première électode trouverons peu d’états accessibles de même spin en vis à vis. Inversement pour les spin down, comme il existe de toute façon peu d’états de départ, le passage des électrons dans ce canal ne sera pas optimal. Les deux canaux de spin bloquent donc relativement le passage du courant pour des aimantations antiparallèles débouchant alors sur un état de résistance maximal Dans une approximation avec la règle de d’or de Fermi, le courant tunnel est proportionnel aux ↑ ↓ densités d’états up NG(D) et down NG(D) au niveau de Fermi (cf. Equations 1.3 et 1.4). Les courants associés à l’état parallèle IP et antiparallèle IAP s’expriment comme suit: IP ∝ NG ↑ .ND↑ + NG↓.ND ↓ (1.3) IAP ∝ NG↑.ND↓ + NG↓.ND↑ (1.4) G et D réfèrent aux électrodes de gauche et de droite respectivement. A partir de ces équations, M. Jullière définit la magnétorésistance tunnel (ou TMR) comme suit: T MR = IP − IAP 2PD PG RAP − RP = = RP IAP 1 − PD PG (1.5) où PG et PD sont les polarisations en spin des électrodes de gauche et de droite qui peuvent prendre des valeurs allant de -1 à 1. L’expression de la TMR dans l’équation 1.5, nous indique que l’amplitude du signal de magnétorésistance dépend de la polarisation en spin des deux électrodes; les signes de ces dernières déterminent celui de la TMR. Ainsi, pour obtenir un fort signal de TMR, il est nécessaire d’avoir une forte polarisation en spin des électrodes. En ce qui concerne le signe du signal, il suffit que les polarisations des deux électrodes soient de même signe pour avoir un signal positif et de signes opposés pour avoir un signal négatif (cf. Figure 1.7). 9 Figure 1.7: D’après le modèle de Jullière, le signe de la TMR est déterminé par le signe des polarisations en spin des deux électrodes. 1.4.2 Au-delà du modèle de Jullière Dans la partie suivante, nous allons décrire des phénomènes qui ne sont pas prévus par le modèle de Jullière. Dans la plupart des jonctions tunnel magnétiques, on s’aperçoit que la magnétorésistance décroît à mesure que la température ou la tension augmentent. Concernant la tension, bien que les causes qui expliquent ce phénomène ne fassent pas encore l’unanimité, l’hypothèse principalement considérée est l’excitation de magnons à l’interface métal ferromagnétique/barrière qui provoque une diminution de la polarisation des matériaux ferromagnétiques 9;10. L’hypothèse pour expliquer la décroissance de la TMR avec l’augmentation de la température est quelque peu similaire à celle précédemment évoquée. Il est considéré que des interactions entre électrons et magnons à l’interface soient responsables de cette chute. Le modèle de Jullière est très utile en tant que première approximation pour l’interprétation des formes et des amplitudes des signaux de magnétorésistance obtenus. Cependant, ce modèle ne prend en compte ni la nature du matériau servant de barrière tunnel ni les différents effets qui pourraient découler de l’introduction de ce matériau sur les propriétés des interfaces. En effet, lorsqu’un matériau isolant est placé à l’interface avec un matériau ferromagnétique, des effets d’hybridation des orbitales ou de filtrage en spin peuvent conduire à une variation de la polarisation du matériau de base (cf. Partie 2.2). Dans cette partie, nous allons montrer que le choix de la barrière peut avoir un effet déterminant sur les signaux de magnétorésistance obtenus. Lorsqu’en 1999, De Teresa et al. s’intéressent aux effets de couplage des matériaux isolants entre le cobalt et le LSMO ((La, Sr)M nO3 ), ils montrent que les signaux de magnétorésistance peuvent être modifiés par le choix de la couche isolante 11. Ils utilisent le fait que LSMO peut jouer le rôle d’analyseur de spin avec uniquement des électrons "d" ayant une même direction de spin au niveau de Fermi (cf. Figure 1.9). En observant la Figure 1.8, on s’aperçoit que les signes de TMR sont différents bien que les électrodes ferromagnétiques soient identiques. En effet, une inversion de la magnétorésistance s’observe avec une barrière isolante de STO (SrT iO3 ). A l’inverse, une barrière d’Al2 O3 ou de STO/Al2 O3 ne conduit qu’à des signaux de magnétorésistances positifs. Si nous avions considéré uniquement le modèle de Jullière, nous nous serions attendus à obtenir exactement les mêmes signaux dans les trois cas puisque la TMR ne dépend dans ce modèle que des polarisations des électrodes ferromagnétiques. La différence observée ne peut donc s’expliquer que par le fait que c’est le matériau isolant qui agit sur la polarisation en spin du courant tunnel et de ce fait sur le signe de la TMR. Pour expliquer cette inversion, les auteurs ont conclu que dans un cas comme dans l’autre, ce ne sont pas les mêmes états électroniques dans la barrière qui sont sélectionnés. Lorsque les signaux de magnétorésistance sont positifs, les états "s" du cobalt seraient sélectionnés, alors que lorsque les signaux de magnétorésistance sont négatifs, il s’agirait alors des états "d" (cf. Figure 1.9). Ainsi, en s’appuyant sur le signe du signal de magnétorésistance, il serait possible de prédire quelle est la polarisation du courant tunnel traversant chaque jonction. Les résultats de De Teresa et al. reflètent bien l’importance du choix de la barrière tunnel dans sa façon d’agir sur le transport dépendant du spin. D’autres matériaux permettent également l’apparition d’effets surprenants qui ne peuvent pas être expliqués par la modèle de Jullière. Nous évoquons dans la partie suivante le cas du MgO et ses propriétés de filtrage de spin efficaces avant d’aborder les matériaux bidimensionnels et molécules récemment introduits pour un contrôle plus fin des propriétés aux interfaces. Figure 1.8: Courbes de TMR obtenues pour des MTJs à barrières de (a) Al2 O3, (b) ST O (SrT iO3 ) et (c) ST O/Al2 O3. Ces trois résultats sont obtenus pour des dispositifs avec les mêmes électrodes ferromagnétiques de LSMO ((La, Sr)M nO3 ) et de cobalt, mais présentent des signaux de signes opposés. Reproduit de 11 11 Figure 1.9: Transport tunnel via les électrons (a) "d" du cobalt dans le cas du LSMO/STO/Co et (b) des électrons "s" du cobalt dans le cas des jonctions de LSMO/Al2 O3 /Co et LSMO/STOAl2 O3 /Co. Reproduit de 11 1.4.3 Le rôle primordial des interfaces dans les signaux de TMR Barrières cristal lines de MgO Figure 1.10: Progression des pourcentages de magnétorésistance obtenus dans le temps. (a) En 2003 100% à 80K et 67% à 293K pour des jonctions de Fe/MgO/Fe/Co. Reproduit de 12 (b) En 2004, 300% à 4K et près de 200% à température ambiante avec des jonctions de CoFe/MgO/CoFe ayant subit un recuit sous vide à 360◦ C à 0.1T pour cristalliser les électrodes et la barrière de MgO. Reproduit de 13 (c) En 2007, 1010% à 5K et 500% à temp é rature ambiante avec des jon ctions de CoFeB/MgO/CoFeB ayant subit un recuit sous vide à 475◦ C à 0.4T. Reprodu it de La quête aux matériaux pouvant être employés en guise de barrière tunnel isolante place le MgO en tant que deuxième candidat après l’alumine dès le début des années 2000. Cependant, sa croissance nécessite des techniques permettant d’obtenir des électrodes cristallines. L’évaporation qui était la technique de dépôt employée pour l’alumine est alors remplacée par des techniques plus contrôlées telles que la pulvérisation et l’épitaxie par jets moléculaires (ou MBE). Des pourcentages de TMR sans cesse croissants ont été obtenus par ces techniques. En 2003, des pourcentages de TMR de 100% à basses températures et 67% à l’ambiante ont été obtenus par Faure-Vincent et al. dans des MTJs Fe/MgO/Fe élaborées par MBE (épitaxie par jets moléculaires) 12. En 2004, de la TMR à 200% est mesurée dans des structures CoFe/MgO/CoFe élaborées par pulvérisation 13. Le record actuel atteint 1010% à basse température et 500% à température ambiante 14. Ces résultats ont donc permis de hisser le MgO au sommet pour la fabrication de dispositifs à l’échelle industrielle. Afin d’expliquer ces résultats de TMR spectaculaires, il est intéressant de noter que le mécanisme de transport tunnel dans le cas du MgO diffère de celui à travers une barrière d’alumine amorphe. De par sa croissance sous forme de structure cristalline, il permet le filtrage de certains états de symétrie dans la barrière, favorisant ainsi la conduction électrique des électrons présents dans ces états 15. Barrières de matériaux bidimensionnels et de molécules Dans ce premier chapitre introductif, nous avons énoncé les principaux concepts en spintronique allant de la jonction tunnel magnétique à la description du transport tunnel dépendant du spin par le modèle de Jullière. Après avoir décrit les résultats fondateurs de cette discipline, nous avons donné quelques exemples de systèmes allant au-delà de ce modèle. Nous avons parcouru les principales évolutions connues dans l’intégration de barrières tunnel d’alumine et de MgO. Dans la quête de nouveaux matériaux, les matériaux bidimensionnels tels que le graphène 16;17;18, le h-BN 19 (nitrure de bore hexgonal) ou encore le W S2 20 (disélénure de tungstène) se présentent comme des candidats de choix pour le contrôle des interfaces. Comme le MgO, ils peuvent induire un filtrage de spin et conduire à une modification des signaux de TMR attendus. Ainsi, par le choix de la barrière tunnel utilisée, il est possible de modifier différemment le transport du spin à l’intérieur d’une jonction. Ceci invite donc à penser que c’est l’unicité de chaque barrière qui produit les différents effets attendus. Ainsi se dessine l’importance du rôle des interfaces dans le transport dépendant de spin dans une jonction. Les molécules permettent par l’intermédiaire d’autres mécanismes de modifier l’injection et le transport des spins et ouvrent de nouvelles perspectives pour la spintronique. Nous nous intéresserons au chapitre suivant à cette discipline récente qui porte le nom de spintronique moléculaire. Chapitre 2 Spintronique moléculaire: pourquoi intégrer des molécules dans des MTJs? Dans cette partie, nous allons présenter les raisons qui ont motivé l’intégration de matériaux organiques en tant que barrière tunnel. Nous présenterons les spécificités de ces systèmes, évoquerons le modèle de l’hybridation dépendante du spin (dit modèle de la spinterface) propre aux molécules, et illustrerons des exemples phares de l’intégration de molécules sous forme de monocouches autoassemblées dans des jonctions tunnel magnétiques. 2.1 Pourquoi mêler électronique/spintronique à la chimie? 2.1.1 Les débuts de l’électronique moléculaire et organique Considérées comme deux disciplines indépendantes, la chimie et l’électronique n’ont vu leurs chemins se croiser que vers le début des années 1970. C’est à cette prériode qu’on s’intéresse à inclure des molécules en électronique afin d’en mesurer les propriétés. En 1971, Mann et Kuhn ont été les premiers à démontrer qu’un transport tunnel avait lieu à travers une monocouche de chaîne aliphatique isolante 21. Trois années plus tard, le premier article évoquant la possibilité d’utiliser des molécules de la chimie organique en tant que composant électronique est publié en 1974 par Aviram et Ratner 22. Ils présentent l’idée d’une molécule unique jouant le rôle d’un redresseur de courant (cf. Figure 2.1a) qui se comporte comme une simple jonction p-n avec deux groupes: un groupe donneur d’électrons (type n) et un groupe accepteur d’électrons (type p). Ce qui ne s’avère encore que théorique, sera mesuré près d’une vingtaine d’année plus tard. En 2009, Diez-Perez et al. mesurent les caractéristiques I-V d’un rectificateur moléculaire formé par une molécule dissymétrique de dipyrimidinyl-diphenyl dans une jonction à cassure entre un substrat d’or et une pointe de STM en or (cf. Figure 2.1b). Ils s’aperçoivent que le courant est 5 fois supérieur pour les tensions positives par rapport aux tensions négatives rappelant exactement le système de fonctionnement d’une diode. La découverte de Aviram et Ratner ouvre ainsi une perspective nouvelle: de par leurs différentes fonctions, les molécules peuvent être utilisées comme le pendant d’un dispositi f électronique de l’électronique dite "classique" (ou inorganique). Parallèlement, les chimistes cherchent à doter les matériaux organiques de certaines caractéristiques électriques qui jusqu’alors étaient propres aux matériaux inorganiques. Un pan de ces découvertes concernent la conception de semi-conducteurs à base de matériaux organiques. C’est le cas en 1977 15 quand Shirakawa et al. réussissent à doper un polymère organique (le polyacetylène) pour en faire un semi-conducteur 23, découverte qui sera récompensée par le prix Nobel de Chimie en 2000. Ce sont ces principales découvertes qui marquent les premières avancées en électronique organique et moléculaire. Figure 2.1: (a) Caractéristique I-V d’un rectificateur moléculaire prédite en 1974 par Avriam et Ratner. Reproduit de 22 (b) Caractéristique I-V d’un rectificateur moléculaire formé par une molécule dissymétrique de dipyrimidinyl-diphenyl mesurée dans une jonction à cassure entre un substrat d’or et une pointe de STM en or (courbe rouge). Reproduit de 24. Certains aspects font de l’utilisation des molécules un levier important en électronique. En 1975, la loi de Moore prévoit un doublement du nombre de transistors tous les 18 mois environ rendant les dispositifs de plus en plus petits, rapides et puissants. Fabriquer des dispositifs depuis lors engage donc à les rendre de plus en plus réduits et questionne sur les limites accessibles à la réduction de tailles des dispositifs dans l’industrie des semi-conducteurs. Or que pourrait-on trouver de plus petit qu’une molécule ou qu’un ensemble de quelques molécules? La réduction est dans ce cas ultime puisque les tailles atteintes vont de 1nm à quelques nanomètres. Outre ceci, l’utilisation de molécules présente l’avantage d’offrir un vaste choix accessible à la synthèse permettant d’élargir le champ de l’électronique inorganique. En effet, il est possible de structurer des molécules à dessin par l’ajout de fonctionnalités spécifiques afin d’en faire des composants adaptables. En choisissant telle ou telle fonctionnalité, on peut ainsi jouer sur les propriétés électroniques, optiques, mécaniques, magnétiques... D’autre part, il existe un vaste choix de techniques de dépôt des molécules; la plus simple étant le dépôt de molécules en solution pouvant être réalisé à pression et température ambiantes. Ainsi, l’intégration de molécules dans des dispositifs est grandement facilité tout en limitant l’impact environnemental. 16 De plus, les composés organiques présentent l’avantage d’être des matériaux flexibles. Ils se prêtent donc bien à la fabrication de dispositifs tels que les écrans OLED qui sont de plus en plus vendus dans le commerce de nos jours ou encore les OFETs et les OPVs pour les cellules photovoltaïques. 2.1.2 Les débuts de la spintronique organique Figure 2.2: Graphe représentant le temps de vie du spin τs et sa longueur de diffusion ls pour divers matériaux. Les métaux sont représentés en noirs, les semi-conducteurs inorganiques en rouge, les semi-conducteurs organiques en bleu et les différentes formes carbonées en vert. Reproduit de 25 Il a fallu attendre jusque dans les années 2002, pour que soit combinée électronique organique et spintronique. Parmi les premiers travaux réalisés dans ce domaine, on peut citer les travaux de Dediu et al. en 2002. Leur étude porte sur des jonctions latérales de 200nm à base de semi-conducteur organique (sexithienyl T6 ) aux bornes desquelles est mesurée la conductivité en fonction du champ magnétique. Ainsi, en variant le champ magnétique appliqué, les deux électrodes ferromagnétiques passent d’une orientation non-colinéaire à une orientation parallèle; une différence de conductivité électrique est alors constatée par la mesure d’une chute de la résistance électrique aux bornes de ces jonctions. Cette observation révèle le fait que le courant traversant la jonction est polarisé en spin puisqu’il dépend de l’orientation magnétique relative des deux électrodes. Cet article montre qu’un courant polarisé en spin peut être injecté entre deux électrodes ferromagnétiques via une couche de molécules sur des distances assez importantes (200nm environ).
33,385
26/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01711060-document.txt_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
10,541
16,633
59 FICHET Lucien, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72AJ/296, AN 60 GELIOT Nicolas, Mémoire d'un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg et Odessa 1940-1945, 1991, p.13 61 DERREMAUX Antoine, « Les aspis du Service Action et le réseau lyonnais de faux papiers », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 148 62 MILLE Jean, BARBIER Henri, BRUNET Jean, « Ce que fut l'Organisation d'évasion de Stablack », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 146-147 63 SILBERT Albert, « Le camp des aspirants » op.cit., p.67 163 B – Une organisation de grande envergure Les évasions individuelles, réalisées généralement au début de la captivité, demandaient de la préparation mais étaient plutôt insignifiantes à grande échelle. Au contraire, les réseaux d'évasion sont un phénomène majeur pendant la guerre et mettent en cause une quantité non négligeable de personnes, prisonniers de guerre ou hautes autorités. Tout d'abord, ces réseaux nécessitent une certaine quantité de matériel, ce qui entraine une longue préparation avant même de pouvoir lancer une évasion. En effet, pour être véritablement efficace, il est nécessaire de créer différents plans et méthodes pour pouvoir acheminer l'évadé jusqu'à la France, sans être repéré ou arrêté, et sans qu'au fur et à mesure des évasions, les techniques soient démasquées 64. Pour ces réseaux, le plus important est d'avoir à disposition des faux papiers, pour pouvoir transporter l'évadé sans qu'il soit arrêté. Comme on a déjà pu le voir, l'aspirant Brunet était reconnu comme le ussaire officiel à Stablack65 et pour l'Organisation d'évasions de Stablack, ces faux papiers venaient généralement de France, par le biais du service d'évasion du BCRA basé à Lyon et étaient assez diversifiés : « travailleur civil réformé, travailleur volontaire en fin de contrat, accompagnateur de convois de déportés retournant en France, sa mission remplie, séminariste renvoyé en France par ordre de la police allemande. Nous pouvons ainsi avec tous ces papiers inventer toutes sortes de situations pour nos évadés66 ». Il a également été possible pour le réseau, d'obtenir une grosse quantité de papiers nécessaires à l'évasion, grâce à l'action d'un aspirant évadé, Antoine Derremaux, qui repart vers Königsberg pour apporter deux valises contenant ces fameux papiers 67 : « En mai, un épisode assez sensationnel se produisit. Un Aspirant évadé, trois semaines après son arrivée, repartit pour Königsberg avec deux valises en bois dont les parois truquées contenaient des passeports. Il accomplit sa mission sans encombre et regagne Lyon68 ». On peut ainsi observer que la 64 DURAND Yves, La captivitéop.cit., p.169-174 GELIOT Nicolas, Mémoire d'un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg et Odessa 1940-1945, 1991, p.13 66 MILLE Jean, BARBIER Henri, BRUNET Jean, « Ce que fut l'Organisation d'évasion de Stablack », Le camp des Aspirants op.cit., p. 147 67 MILLE Jean, BARBIER Henri, BRUNET Jean, « Ce que fut l'Organisation d'évasion de Stablack », Le camp des Aspirants op.cit., p. 147 BARBIER Henri, « La valise du revenant », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 19391945, volume 1, Paris, 1991, p. 150-152 68 SILBERT Albert, « Le camp des aspirants » op.cit., p.68 65 164 plupart des aspirants ralliés à ces réseaux sont très dévoués à leur cause et se dédient complètement à leur tâche. Si l'action des membres des réseaux d'évasions demandent généralement une longue période de préparation, la période qui suit, avec les évadés, demandent cette fois-ci une longue période d'attente. En effet, l'évasion est une opération discrète, réfléchie et patiente, pour empêcher d'être repris, à cause d'un manque d'attention ou d'une volonté de trop accélérer le processus. En plus de préparer des papiers pour les évadés, les membres des réseaux doivent également trouver des cachettes, de tous types, dans le camp ou dans les villes voisines, pour se dissimuler, avant que le train, transport majoritairement utilisé, arrive pour le ra ement : « À cause de la fréquence des appels à la 29, les évadés étaient signalé deux ou trois heures après leur départ. Il fallait donc les cacher dans le camp et plusieurs cachettes furent utilisées, dont les plus usitées furent les toits des lavabos de la baraque 5 et les piliers en isorel de la chapelle [] La sortie du camp, quelques jours après, était généralement facile69 », « en général, ils allaient tout simplement au kommando voisin d'Eylau, où existait une cachette qui ne fut jamais découverte70 ». L'attente peut même durer plusieurs années, comme ce fut le cas d'un aspirant, évadé car condamné dans un tribunal pour une attaque contre un garde allemand et qui dut se cacher dans un maquis à Königsberg, car il avait été signalé dans toutes les gares par les Allemands. Il ne put sortir de sa cachette que deux ans plus tard, au moment de la libération71. On peut ainsi observer, notamment grâce à ce dernier cas, un esprit de révolte et de résistance chez les aspirants, contre les Allemands, qui a d'ailleurs permis la réalisation d'un grand nombre d'évasions, mais qui a également été dangereux à de nombreuses reprises, avec la présence de la Gestapo. En effet, si les gardes et sentinelles allemandes s'occupent des évasions à l'intérieur du camp, la Gestapo est en charge de démanteler les réseaux d'évasions et d'arrêter, voire tuer, ses responsables. Les différents réseaux d'évasion de Königsberg et Stablack ont connu, à plusieurs reprises, des dysfonctionnements dans leur système, des arrestations, quelques fois violentes et même des morts : « Par suite d'une imprudence d'un camarade de théâtre nommé CORVAISIER (mort en prison des suites d'interrogatoire), je suis moi-même arrêté en mars 1944 [] Au bout de 15 jours, je suis 69 MILLE Jean, BARBIER Henri, BRUNET Jean, « Ce que fut l'Organisation d'évasion de Stablack », Le camp des Aspirants op.cit., p. 146 70 SILBERT Albert, « Le camp des aspirants » op.cit., p.67 71 SILBERT Albert, « Le camp des aspirants » op.cit., p.68 165 libéré faute de preuve [] certain "passage à tabac" m'a laissé un avant-goût de ce qui m'attendait si j'étais repris72 », « Ce fut seulement en mai 44 que cette organisation fut bouleversée par suite de la dénonciation d'un PG que nous avions fait évader. Repris en Belgique, malmené par la Gestapo, il avait cru sauver sa vie en donnant le nom de ses complices [] Il s'était mal rappelé les noms des autres intermédiaires, mais avait donné des renseignements tels que toute la chaîne était compromise 73 ». La Gestapo n'a donc majoritairement pas réussi à emprisonner ou condamner les aspirants en charge des réseaux d'évasions, ce qui est une bonne démonstration du développement conséquent de ce réseau, tout en conservant le secret de son fonctionnement. Les évasions apparaissent donc de manière continue dans la captivité des aspirants : elles s'exécutent avant même l'arrivée au camp, elles continuent une fois les conditions de vie de l'Aspilag découvertes, elles sont le symbole d'une solidarité et d'une confiance entre eux, par une absence de dénonciation, de la détermination des aspirants et elles sont même l'exemple d'une poursuite de la guerre après la captivité, avec le développement des réseaux d'évasions pour aider les prisonniers de guerre encore internés. L'Aspilag a donc été le lieu de nombreuses évasions, qui ont de plus eu un impact sur le déroulement de la captivité. Elles jouent sur le rapport entre le commandant du camp et les aspirants prisonniers de guerre, avec, en plus, une influence sur les conditions de vie du camp au début de la captivité. Elles semblent également motiver des aspirants pourtant libérés, qui décident de continuer à se battre, même depuis la France. L'éloignement de la frontière française ne semble même pas avoir été un obstacle vu le nombre considérable d'évasions réussies : 72 FICHET Lucien, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72AJ/296, AN 73 MILLE Jean, BARBIER Henri, BRUNET Jean, « Ce que fut l'Organisation d'évasion de Stablack », Le camp des Aspirants op.cit., p. 147 166 « Le service BCRA estime à 300 environ le nombre de prisonniers qui réussit à rentrer par ses soins. La majorité des évadés venaient du IA [] Quant au nombre des Aspirants ayant, depuis 1941, réussi, il doit atteindre la centaine. Nous en avons, en tout cas, identifiés cinquante-trois [] Ce qui est très remarquable, c'est quinze de ces cinquante-trois évasions réussis eurent lieu dans le second semestre de 1943 et vingt de 74 janvier à août 1944. » Les évasions ont dont été une occupation à part entière dans la captivité des aspirants et elles démontrent à nouveau la solidarité et la communauté qui se sont créées entre ces aspirants, et même après la guerre. En effet, selon un témoignage, les membres des groupes d'évasions de Stablack, Königsberg, Paris et Lyon furent l'objet de citations pour la croix de guerre à la Libération pour leurs activités75 ; même si on ne peut attester que de l'attribution de cette croix à Michel Menu, avec également, dans son cas, la légion d'honneur et la médaille des évadés. SILBERT Albert, « Le camp des aspirants » op.cit., p.68 DERREMAUX Antoine, « Les aspis du Service Action et le réseau lyonnais de faux papiers », Le camp des Aspirants op.cit., p. 148 75 TITRE VII : La libération des aspirants du stalag IA De multiples retours de captivité La libération est une des étapes les plus importantes pour le prisonnier de guerre, puisqu'elle marque la fin de la longue captivité subie par le prisonnier. Cependant, elle représente également une des étapes les plus fastidieuses car elle n'est pas immédiate et s'étend majoritairement sur une longue période dans des conditions plutôt difficiles. Cette libération a d'ailleurs été assez différente en fonction de la localisation des stalags et oflags, et plusieurs des armées alliées ont permis la libération, à savoir les armées américaines et soviétiques principalement, la première plutôt à l'ouest et la seconde plutôt à l'est, mais aussi les armées britanniques et françaises1. Cette période est un évènement spécial de la vie des prisonniers de guerre et ils ont ainsi laissé de nombreux témoignages : des journaux de bord détaillés et écrits en temps réel. Cela permet d'obtenir de nombreuses informations sur les périples de ces prisonniers, qui ont été nombreux et très différents. Les aspirants sont un bon exemple de cela, puisqu'ils ont connu de nombreuses formes de libération, découpés en plusieurs périodes, par différents moyens et avec un retour en France à des temporalités différentes. Ainsi, il est intéressant de se demander de quelles manières les aspirants ont vécu la libération et quels moyens ont été utilisés pour permettre le retour en France. I – Le bataillon d'aspirants : un premier temps de libération Dans un premier temps, un groupe de prisonniers aspirants quitte stalag IA pour connaître une libération par l'Ouest, la seule pour les aspirants, qui se fait en plusieurs étapes, avec de multiples obstacles et difficultés et sur une durée assez longue. A – Le cheminement des aspirants vers l'Ouest L'année 1944 représente un tournant majeur dans le déroulement de la Seconde Guerre mondiale. Le débarquement des Américains et des Anglais sur les plages françaises occupe le front de l'Ouest et les victoires successives des Soviétiques depuis plusieurs mois 1 DURAND Yves, La Captivité : histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM, 1982, p.492 169 permettent une avancée importante de l'Armée rouge vers l'Ouest et marque donc leur domination sur le front de l'Est2. Ainsi, au regard de cette situation, les Allemands sentent leur défaite imminente et décident de commencer l'évacuation de camps de prisonniers. Le camp IA des aspirants de Stablack est le camp situé le plus à l'est des frontières du Reich, avec également le stalag IB. Ils sont tous deux établis en Prusse Orientale, à la périphérie du Reich et dans une des régions les plus menacées par l'Armée Rouge, justifiant donc l'évacuation plutôt précoce de Stablack3. En effet, dès le mois d'août 1944, les Allemands lancent une évacuation partielle du stalag IA, partielle puisqu'un certain nombre de prisonniers de guerre, et notamment d'aspirants, n'y prend pas part. On compte notamment des prisonniers blessés ou malades, se trouvant à l'hôpital, et ne pouvant donc pas faire le déplacement à ce moment-là et les responsables de cet hôpital. Il y a également un certain nombre d'autres prisonniers qui ne participent pas à l'évacuation, comme ceux encore en kommando et quelques-uns connaissent même une libération sans aucun lien avec celles de l'Aspilag, tel que l'Aspirant Grisvard4. L'é ation se fait en septembre 1944 et les Allemands décident de déplacer ces prisonniers vers plusieurs stalags du Wehrkreis III beaucoup plus à l'Ouest, comme le raconte l'aspirant Fanon : « À la fin d'août 1944 lors de l'avancée des blindés soviétiques vers Memel et Tilsitt, un premier convoi de 875 aspirants du camp de Stablack, fut évacué par voie ferrée, en wagon à bestiaux, sur le Stalag III-C à Küstrin, puis le 10 octobre sur le Stalag III-B à Fürstenberg-sur-Oder5. B – Une longue attente avant la véritable libération a) L'arrivée vers Luckenwalde Le groupe d'aspirants prisonniers de guerre arrive donc dans la région de Luckenwalde, située à une soixantaine de kilomètres au sud de Berlin, zone où se situe le stalag IIIA, où se trouvent divers prisonniers. C'est la fin du mois de février pour les prisonniers de guerre et ils ont commencé cette marche au début du mois, sous les ordres du médecin capitaine Lartigue, qu'ils ont eux-mêmes choisis, notamment pour ses actions. En effet, il aurait déjà fait preuve d'actes de résistance avant la captivité, avec un réseau de passeurs en Espagne pour des jeunes du STO9 et dès sa nomination et son arrivée comme médecin-chef de l'infirmerie du stalag IA, il recommence avec la mise en place d'un réseau de renseignements et d'évasions. Il serait d'ailleurs reconnu comme l'« auteur de 180 évasions », dont Louis Fages, qui relate cet évènement dans son ouvrage Journal de marche d'un aspirant d'infanterie10. Le capitaine Lartigue prend ainsi la tête du groupe de 850 aspirants en février 1945, les séparent en huit compagnies, auxquelles ils assignent un commandant, similaire aux chefs de baraque au début de la captivité et ils les laissent ensuite s'autogérer11. Selon Lartigue, ces chefs de compagnies auraient eu un comportement exemplaire et méritent une récompense, ce dont il aurait posé la demande, par le biais de multiples lettres12, mais 7 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.9, 72AJ/2634, AS, AN LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, 72AJ/2634, AS, AN 9 FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue Le camp des Aspirants op.cit., p. 167 10 FAGES Louis, Journal de marche d'un Aspirant d'Infanterie, campagne de France 1939-1940, 1996, p. 96 11 FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p. 168 12 LARTIGUE Médecin Commandant, Lettre au Ministère de la Guerre, Sans Date., Lieu inconnu, 72AJ/2634, AS, AN 8 171 l'absence de réponse ou de récompense sur ce sujet empêche de véritablement connaître le dénouement de cette affaire. La mise en place de ces groupes a donc été très utile puisque Lartigue connaît plusieurs problèmes pendant la longue marche amenant à Luckenwalde. 13 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.14, 72AJ/2634, AS, AN FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p. 168 15 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.10, 72AJ/2634, AS, AN 16 FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p. 168 14 172 b) L'emprisonnement d'une partie du Bataillon Après les difficultés qui se sont présentées à Lartigue et au bataillon d'aspirants, l'arrivée à Luckenwalde amène une nouvelle épreuve. Lartigue ainsi que d'autres prisonniers, notamment des membres importants du bataillon, sont emprisonnés dans une baraque disciplinaire, sans qu'aucune véritable justification ne soit donnée et cela durera cinq semaines17. Leurs conditions de vie sont très mauvaises, pires que pendant l'évacuation, puisqu'il y a ici une violation de la Convention de Genève. Tout d'abord, l'espace dans lequel ils sont confinés est extrêmement petit et ne permet pas une hygiène de vie convenable18. L'accès aux soins dentaires est supprimé pendant les trois premières semaines, même pour les cas graves, et enfin, le ravitaillement est considérablement baissé. Il n'est pas possible de dire, avec certitude, si cela est dû aux conditions mêmes d'emprisonnement ou à la diminution des denrées que possèdent les Allemands, puisque la zone est devenue une zone de guerre active et que la population elle-même voit ses conditions de vie s'aggraver, dans le domaine médical ou celui du logement 19. Cependant, selon le témoignage de Lartigue, certains des aspirants réussirent à passer clandestinement un peu plus de nourriture aux 150 prisonniers, bien que la é ne soit pas énorme, ce qui est de nouveau une observation de la grande solidarité qui existe entre les aspirants, même lorsqu'ils ne sont plus dans leurs camps. Les deux hypothèses sont donc possibles, puisque les Allemands peuvent manquer de rations et décider d'en garder certaines en baissant celles des prisonniers. Quel que soit le cas, ce manque de ravitaillement a un effet négatif sur les prisonniers : « Une pesée faite un mois après l'arrivée indiqua un amaigrissement moyen de 6 kilos20. » Ces conditions de vie violent plusieurs articles de la Convention de Genève sur les punitions disciplinaires, tels que l'article 56, sur les conditions d'hygiène du logement21 et l'article 58, sur la possibilité pour les prisonniers de guerre de passer, quand ils le demandent, une visite médicale22. Selon le capitaine Lartigue, ces mesures furent mises en place pour punir un certain groupe de prisonniers, comme celui lui aurait été confirmé par la suite par certains renseignements 17 FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p. 168 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.19, 72AJ/2634, AS, AN 19 KERSHAW Ian, La Fin, Allemagne 1944-1945, Paris, Éditions du Seuil, 2012, p.147 20 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.20, 72AJ/2634, AS, AN 21 Article 56, Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, 27 juillet 1929, Site internet du Comité International de la Croix Rouge (CICR) 22 Article 58, Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, 27 juillet 1929, Site internet du Comité International de la Croix Rouge (CICR) 18 173 officiels23. Il est également possible que cela soit dû au contexte général de fin de guerre, auquel furent confrontés un certain nombre de prisonniers de guerre24. Les Allemands veillent à ce que la surveillance de ces prisonniers soit toujours assurée, pour empêcher tout contact avec les autres membres du bataillon d'aspirants, ce qui n'empêche pas, selon certains témoignages, l'établissement de liaisons clandestines et la conservation d'un moral excellent pour les aspirants25. Pendant toute cette période, le Capitaine Lartigue continue à penser à ses prisonniers et tente d'améliorer leurs conditions et les siennes, en rédigeant plusieurs rapports pointant les violations de la Convention de Genève, et mentionnant les moyens qui pourraient être déployés pour améliorer le traitement des prisonniers. Si ces demandes ne sont pas prises en compte, la situation semble s'améliorer, grâce à l'action du führer Wensch. Il relaie plusieurs réclamations, comme la libération de Lartigue et l'amélioration de ses conditions, pour qu'il puisse aider les aspirants. Au bout d'un mois, il obtient satisfaction. Libérés, le Capitaine Lartigue et l'Aspirant Billebault peuvent alors reprendre leurs fonctions. c) La vie des aspirants à Luckenwald Pendant qu'une partie des prisonniers étaient mis en isolement, les autres, répartis en plusieurs groupes, furent envoyés dans différents kommandos pour se remettre au travail, la captivité n'étant pas encore finie. Selon le Journal de marche, cela se déroula de manière assez similaire aux moissons en Prusse Orientale : certains n'obligent pas un vrai travail, la plupart des aspirants n'étant pas formés pour cela et d'autres rencontrent une discipline plutôt dure et une contrainte au travail26. Par la suite, un certain nombre d'aspirants sont renvoyés au camp de Luckenwalde, pour refus de travailler, ou pour le cas par exemple, d'un travail agricole dans certains kommandos, où les aspirants sont si peu productifs qu'ils sont expulsés du kommandos27. Après sa libération, Lartigue, accompagné de l'aspirant Billebault, rend visite à tous ses aspirants, répartis dans les différents kommandos28 et le bataillon se reforme peu à peu à l'approche des combats et de la fin de la guerre. En effet, les bombardements sont de plus 23 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.20, 72AJ/2634, AS, AN DURAND Yves, La captivité op.cit., p.472 25 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.19, 72AJ/2634, AS, AN 26 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.19, 72AJ/2634, AS, AN 27 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.19, 72AJ/2634, AS, AN. 28 FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p.168 24 174 en plus fréquents et surtout de plus en plus proches. Ils touchent même certains prisonniers ; fin mars, une bombe explose dans une aile d'hôpital, ce qui cause son effondrement et la mort de deux aspirants, Bouve et Sabatier, en traitement à cet hôpital29. Cela entraine à la fois le rapatriement de certains aspirants dans le camp de Luckenwalde mais aussi l'ordre de rester en kommando pour certains, où ils seraient plus en sécurité. À la mi-avril, la libération, par les Soviétiques tout proches, semble imminente et dans la nuit du 20 au 21 avril, les s groupes reçoivent l'ordre d'évacuer leurs zones, et Lartigue tente de convaincre les autorités du camp de laisser entrer ceux qui arriveront30. Parmi ces tentatives, une d'elles représente ce qui fut considéré comme « un des évènements marquants dans l'histoire des Aspis 31 ». Une des compagnies se trouve prise entre des échanges de feu, dans un combat violent et seulement un des aspirants semble blessé. Cependant, le lendemain, en retournant sur le lieu des combats, ils découvrent le corps de l'aspirant Frayssinet, mort pendant les échanges32. C – L'arrivée des Soviétiques : une libération officielle a) Les préparatifs pour la libération Le 21 avril, les Allemands, connaissant la proximité des Soviétiques et l'imminence de leur arrivée dans le camp, partent précipitamment en abandonnant le camp. Certains groupes allemands restent cependant à proximité du camp, avec une artillerie prête à faire feu sur les Soviétiques. À partir de là, il est du ressort des personnes en présence de 29 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.22, 72AJ/2634, AS, AN LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.27-28, 72AJ/2634, AS, AN 31 AUDRAIN Émile, Mort d'Antoine Frayssinet, 24/04/1945, Luckenwald, 72AJ/2634, AS, 32 , , enwald, , AS, AN 33 AND Yves, La captivité op.cit., p.492 175 s'occuper de la mise en place d'une organisation du camp et de désigner une autorité compétente, comme cela s'effectue dans de nombreux camps à cette période. Des cadres de chaque autorité militaire sont désignés et prennent contact avec ceux des autres nationalités34. Le commandement français est remis au Capitaine Henri Leymarie35 et la veille de la Libération, il prend contact avec les autres états-majors, soit les américains, les britanniques, les yougoslaves et les norvégiens et ce groupe est sous le commandement général de l'officier le plus gradé du camp, à savoir le général norvégien Rugge 36. Les Soviétiques laissent aux commandes le général jusqu'à son départ, puis il est remplacé, par la suite, par le général anglais Collard, commandant de la RAF37. Sous les ordres de Leymarie se forme un « Régiment français » : « total, ce sont 12.000 de nos compatriotes que regroupera cet éphémère « régiment » : des militaires libérés sur place ou venus des Kommandos [] mais aussi des civils qui, par milliers, affluent en désordre des villes voisines pour retrouver la protection du drapeau national38. » Les aspirants sont plutôt productifs dans cette organisation, puisqu'ils aident à de nombreuses tâches, comme notamment l'aide au ravitaillement et la supervision de personnel dans la ville de Luckenwalde même39, mettant ainsi en avant la responsabilité qu'ils avaient déjà pour la plupart assumé dans les stalags, avant la captivité à Stablack, ainsi que dans certains de leurs postes en Prusse Orientale. b) La libération du camp par les troupes soviétiques La libération a lieu le 22 avril 1945 pour les aspirants et les autres prisonniers de guerre présents à Luckenwalde. Elle commence très tôt dans la journée et se fait en plusieurs étapes, en fonction des arrivées russes : « La première voiture blindée russe entre à 5 heures dans le camp qu'elle quitte une demi-heure plus tard avec le général RUGGE qu'elle emmène à Luckenwalde. [] À 10 heures, des tanks et des voitures blindées russes pénètrent dans le camp. Entre 10 heures et 11 heures, la ville fut occupée par les troupes russes en nombre important mais la majorité ne fit cependant que la traverser. Mise à part quelques coups de fusils et 34 DURAND Yves, La captivité op .cit., p.497 LAUZANNE Bertrand, « Le capitaine LEYMARIE et le « Régiment français » de Luckenwalde », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 171 36 LAUZANNE Bertrand, « Le capitaine LEYMARIE et le « Régiment français » de Luckenwalde », Le camp des Aspirants op.cit., p. 171 37 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.41, 72AJ/2634, AS, AN 38 LAUZANNE Bertrand, « Le capitaine LEYMARIE et le « Régiment français » de Luckenwalde », Le camp des Aspirants op.cit., p. 171 39 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.41, 72AJ/2634, AS, AN 35 176 une légère résistance l'usine de Nord deutsche qui fut rapidement maitrisée, l'occupation se fit rapidement et efficacement. Deux sources d'informations indépendantes et sérieuses déclarèrent que la discipline et le 40 maintien des troupes russes furent – au grand étonnement des Allemands – corrects à tout point de vue » libération permet aux aspirants donc de tous se regrouper, puisque 550 sont déjà au camp ou dans les environs, à partir du 22 avril, 9h30 et les 271 autres sont dans de petits villages à moins de 20 km41. Comme on a déjà pu le voir, avec la libération, une certaine organisation se met en place et elle occupe pleinement les aspirants, qui sont chargés de s'occuper des Français présents. Les premiers temps de la Libération ne marquent cependant pas la fin des combats. Ainsi, une grande partie des troupes soviétiques ayant libéré le camp se battent pour faire plier les Allemands qui ne se rendent pas, ce qui peut expliquer que le commandement du camp et sa gestion aient été remis à d'anciens prisonniers d'autres nationalités, les Soviétiques ne disposant pas du temps nécessaire pour s'en occuper. Plusieurs témoignages recueillis mentionnent effectivement une poursuite des combats, pendant la libération42 ou quelques jours après43. Après cette Libération, les habitants de Luckenwalde, prisonniers de guerre et civils tentent de reprendre une vie normale. Les aspirants profitent par exemple du retour au calme pour enterrer et rendre hommage à l'Aspirant Frayssinet, mort le 21 avril : « Le lundi 23 avril, à 14h ont lieu les obsèques de Frayssinet. Une nombreuse délégation d'aspirants, conduite par le Médecin capitaine LARTIGUE, assiste au service religieux célébré par le pasteur WALLET à l'hôpital ; le cercueil recouvert du drapeau retrouvé à Janickendorf, est porté au cimetière par ses amis CRUARD, DULAC, DUCHEMIN, LUCAS, RASPI et d'autres camarades. Après la cérémonie, le drapeau est ramené au bureau 44 du bataillon. » La situation reste cependant compliquée, notamment pour les civils allemands, qui sont maintenant dans une situation plutôt difficile, comme le montrent plusieurs témoignages. Ainsi, certains Allemands profitent, par exemple, de la libération de Luckenwalde, pour piller45. On peut supposer par le contenu des denrées et autres produits subtilisés que c'est une réaction de nécessité pour les Allemands, et cela peut ainsi permettre d'observer l'ampleur de la détresse du peuple allemand, et du régime de fin de guerre qu'ils ont pu 40 X – Amicale de Stablack, « La Libération du IIIA », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 173-174 AS, AN, 72AJ/2632 41 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.34, 72AJ/2634, AS, AN 42 FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p. 169 43 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.41, 72AJ/2634, AS, AN 44 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.43, 72AJ/2634, AS, AN 45 X – Amicale de Stablack, « La Libération du IIIA », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. D – L'organisation du retour et sa réalisation : le rapatriement a) La préparation d'un rapatriement pour les aspirants La mise en place du rapatriement pour les prisonniers à l'Ouest est souvent assez rapide, les moyens à disposition étant plus facilement atteignables48 et pourtant, la préparation du rapatriement des aspirants semble avoir présenté quelques difficultés. Très tôt, le Capitaine Lartigue tente d'entreprendre des négociations ou même de discuter avec les Soviétiques pour opérer un rapatriement en France. De nombreuses idées et rumeurs courent dans le camp, laissant croire à plusieurs types possibles de rapatriement49 et au début du mois de mai, les Américains en organise un. Lartigue et les autres aspirants tentent de négocier pour trouver une place dans les camions mis à disposition pour l'occasion, mais ils font face à de nombreux refus de la part des autorités russes, qui finissent même par recevoir, le 7 mai, des instructions leur interdisant de laisser passer qui que ce soit en zone américaine50. Par la suite, l'ordre est donné aux aspirants de tous se regrouper à Forst-Zinna pour limiter l'encombrement important à Luckenwalde51. 46 DE SOUZA José, « Dans les rues de Luckenwalde », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 174-175 47 KERSHAW Ian, La Fin, Allemagne 1944-1945, Paris, Éditions du Seuil, 2012, p.455 NAIMARK Norman, « Russes et Allemands : viols de guerre et mémoires postsoviétiques », Viols en temps de guerre, Paris, Éditions Payot, 2011, p.207-227 48 DURAND Yves, La captivité op.cit., p. 502 49 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.41-43, 72AJ/2634, AS, AN 50 LARTIGUE Médecin Capita , Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.48, 72AJ/2634 AS, AN 51 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.43-44, 72AJ/2634, AS, AN 178 Les aspirants continuent à suivre l'organisation administrative mise en place depuis les débuts, et s'occupent de préparer leurs retours, par l'inscription sur des listes de rapatriements. Une première étape à cet évènement tant attendu à lieu à partir du 20 mai 1945, où plusieurs informations sont communiquées, sur un possible départ, se répartissant sur plusieurs jours52. 52 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.43-44, 72AJ/2634, AS, AN LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.55-57, 72AJ/2634, AS, AN 54 LARTIGUE Médecin Capitaine, Note de Service, 28/05/1945, Wittemberg, AS, AN, 72AJ/2634 55 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.55, AS, AN, 72AJ/2634 53 Finalement, après quinze jours à Wittemberg, plusieurs missions de reconnaissance à bicyclette et la rencontre avec plusieurs hautes autorités, le passage en zone américaine est définitivement prêt, malgré quelques nouveaux contretemps : « Ordre de départ pour 15h, à pied, en direction de Dessau ; la nouvelle fait immédiatement le tour du camp. La joie est grande, bien que l'étape comporte une trentaine de kilomètres sans aucune voiture pour les malades et les blessés qui doivent rester sur place. À 16h40, les huit compagnies d'aspirants sortent de la caserne. [] La longue colonne traverse Wittemberg. Rencontre du Lieutenant VILMORIN qui annonce que le retour en France, à partir de la zone américaine, se fera en avion : cette nouvelle provoque un vif enthousiasme. [] Le Commandant du camp de Wittemberg revenant de Dessau transmet l'ordre de faire immédiatement demi-tour et de revenir à Coswig en raison de l'encombrement au bureau de contrôle. Le Capitaine LARTIGUE refuse formellement [] ; après le départ du Commandant il fait continuer la marche. L'Elbe est franchie à 56 23h40. » Le 10 juin, à 14h20, « Le Bataillon franchit la Mulde sur un pont de bateau, entre en zone américaine 57 et défile en rangs et en ordre impeccable, drapeau en tête, dans les ruines de Dessau. » A un retard dû au mauvais temps, les aspirants sont affrétés dans un avion le 14 juin à 12h et dans l'après-midi, ils arrivent au Bourget58 marquant ainsi la fin de leur captivité. c) Un rapatriement alternatif pour un groupe de prisonniers Tous les aspirants n'ont cependant pas décidé de suivre la majorité des aspirants et ont préféré faire comme certains autres prisonniers de guerre, qui ont choisis de rentrer en France par leurs propres moyens59. Selon Yves Durand, la majorité de ces groupes semblent échouer avant la fin, mais cela ne semble pas le cas pour ce groupe d'aspirants : « Une colonne dénommée avec optimisme « détachement précurseur », composé d'aspirants et d'hommes de troupes qui, après leur libération par l'armée soviétique, a tenté de gagner l'Elbe par ses propres moyens et gagner la zone d'occupation américaine. [] Cette colonne, non seulement atteignit l'Elbe, mais la traversa, et sur sa lancée, finit par aboutir sur les rives de la Seine. Elle mit pour se faire un certain temps, mais donna le 60 plaisir à ses participants de pouvoir attendre leurs camarades rapatriés à leur descente d'avion. » Ce retour, assez extraordinaire, a été l'objet de coups de chance et d'une grande débrouille de la part des prisonniers de guerre, qui ont su dépasser les obstacles qui se présentaient et poursuivre leur chemin jusqu'au bout. Ils sont 74 à partir, dont 27 aspirants, et ils sont équipés au départ, de trois tracteurs, six remorques, six fûts de gasoil de 170 kg, 56 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.57, 72AJ/2634, AS, AN FANON Jean, « L'odyssée du bataillon Lartigue », Le camp des Aspirants op.cit., p. 170 58 LARTIGUE Médecin Capitaine, Journal de marche du Bataillon Lartigue, 1945, p.62, 72AJ/2634, AS, AN 59 DURAND Yves, La captivité op.cit., p. 494 60 MOIGNARD John, « Par les moyens du bord », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 176 57 180 ainsi que d'un ravitaillement alimentaire. Au fur et à mesure du chemin, s perdent une partie de leur équipement, ainsi que des hommes, certains n'ayant plus la force de continuer le voyage61. Leur trajet se fait sans trop d'obstacles, notamment grâce aux faux papiers en leur possession, leur permettant de passer les points de contrôle sans problème. Cette colonne fit d'ailleurs quelques rencontres particulières. Début mai, Moignard raconte que l'équipage a été doublé par un tracteur qui, après l'arrêt, a laissé voir qu'il transportait Scapini et des proches qui tentaient de fuir vers le Sud de l'Allemagne, suivi de près par un convoi de Français en uniforme qui le recherchait, ce qui semble correspondre à la fuite de Berlin au début de l'année 1945. A – À Stablack, en attente de la libération Après le départ des 850 aspirants en août-septembre 1944, il reste un certain nombre d'aspirants prisonniers au camp de Stablack, généralement blessés ou malades et placés à l'hôpital ou certains restés pour les aider. Pour eux, la captivité continue dans les 61 MOIGNARD John, « Par les moyens du bord », Le camp des Aspirants op.cit., p. 176 MOIGNARD John, « Par les moyens du bord », Le camp des Aspirants op.cit., p. 178 63 MOIGNARD John, « Par les moyens du bord », Le camp des Aspirants op.cit., p. 179 62 181 mêmes conditions que pendant les années précédentes64 et selon certains témoignages, la région devient une zone de combat assez rapidement et il est possible de supposer que cela continua, s'accentuant au fur et à mesure de l'approche de plus en plus imminente des Soviétiques. La fin du mois de janvier est le déclencheur de la libération, notamment à cause de l'encerclement de Stablack par les Soviétiques 65, bien qu'elle ne se réalise pas immédiatement et les Allemands sont quelques peu perdus : « Le 25 janvier, profondément surpris par l'évacuation et la défaite rendue à leurs portes, les Allemands perdaient la face, le bel ordre allemand agonisait. La distribution des vivres de la Croix-Rouge donna lieu à des scènes de pillage par des prisonniers de toutes nationalités sans aucun essai de répression de la part de nos gardiens 66. » La situation semble donc complètement aux mains des Soviétiques. Les Allemands décident alors d'agir et de lancer une évacuation partielle, comme cela avait été fait avec le départ du bataillon d'aspirants et depuis le 21 janvier, pour le stalag IB67. Il se produit alors une nouvelle séparation pour les aspirants, scindés en deux groupes : les « aptes à la marche » partent avec une majorité des gardes allemands vers le camp de Lübeck ; les autres, trop malades pour bouger et ceux qui s'occupent d'eux, restent au camp. Une fois les deux groupes créés, la libération se réalise à des périodes différentes pour chacun des deux et dans des conditions toujours particulières. B – Les « aptes à la marche » : un long exode avant la libération par les Anglais Le groupe d'aspirants qui part, dès la fin janvier 1945, de Stablack connaît un parcours assez similaire à celui du bataillon Lartigue, puisqu'ils partent avec un groupe de gardes allemands, vers l'ouest, pour échapper à l'avancée des Soviétiques. Ils subissent une longue marche et arrivés à destination, ils doivent encore patienter avant d'être enfin libérés par l'armée anglaise. BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 19391945, volume 1, Paris, 1991, p. 192 66 PHILLIPE Abbé Michel, « Les derniers jours du IA », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 186 67 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 188 182 Le groupe qui prend le départ le 26 janvier 1945 à 4 heures du matin est qualifié de groupe des « aptes à la marche », soit les membres du camp des aspirants de Stablack restés au départ du premier groupe en septembre 1945, car blessés et donc confinés à l'hôpital, mais désormais assez rétablis pour pouvoir entreprendre un voyage pour échapper à l'avancée russe68. Le départ du groupe se fait dans le froid et dans des conditions assez misérables et cela ne s'améliore pas, transformant l'exode en un long calvaire : on peut observer cela en janvier : « Les malades, des blessés aux pieds gelés sont obligés de rester à l'infirmerie du camp69 », puis en février : « Nous installons l'infirmerie dans un local assez minable où quelques Anglais essaient de s'agiter sur leurs pieds gelés et où les médecins font des quantités de pansements 70. ». La situation semble s'améliorer le 7 février : « Belle chaussée. On marcherait maintenant presque facilement, n'étaient les blessures aux pieds. Les traineaux ont complètement disparus71 », le beau temps est revenu, et les eaux, jusqu'alors un des éléments indispensables dans l'attirail des prisonniers, ne semblent plus être d'aucune utilité. Le repos n'est cependant que de courte durée pour les prisonniers puisqu'il retrouve la neige le 12 février, puis la pluie le 14, et enfin la boue en fin de mois72. Ce n'est que vers la fin de mars que le temps tourne en leur faveur, ce qui les accompagne ensuite jusqu'à leur arrivée à l'oflag de Lübeck, le mercredi 11 avril 194573. Les difficultés météorologiques ne sont pas les seules complications rencontrées par le groupe pendant cet exode, puisque les gardes allemands qui les accompagnent et les surveillent sont source de contrariété, comme cela put déjà être le cas pendant la captivité. Ils sont assez rudes et brutaux et font preuve la plupart du temps d'un comportement assez hostile, notamment avec les prisonniers soviétiques 74. On remarque d'ailleurs qu'il y a toujours une haine profonde observée contre ces Soviétiques, représentative de l'aversion de l'Allemagne nazie pour l'Union Soviétique, fruit d'une importante propagande nazie75. Cette haine existait déjà lors de la captivité, puisque les Soviétiques étaient, comme on a pu le voir, traités plus durement que les prisonniers d'autres nationalités. Il est également 68 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 192 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 192 70 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 193 71 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 193 72 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 194 73 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 195-196 74 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p. 194 75 KERSHAW Ian, La Fin, Allemagne 1944-1945, Paris, Éditions du Seuil, 2012, 665 pages 69 possible d'avancer l'idée que cette haine se manifeste plus intensément à ce moment, à cause de l'évacuation, rendue nécessaire par l arrivée de l'armée soviétique. Le parcours de cette colonne n'est cependant pas seulement marqué par des difficultés ; des rencontres faites au fil du voyage remontent le moral des prisonniers. Ainsi, cela a pu être le cas au contact de civils chez qui les prisonniers ont pris refuge pendant un arrêt. C – Les prisonniers à l'Aspilag : une libération russe suivie d'une longue attente En parall èle du groupe des « aptes à la marches » partant pour Lubeck, le reste des aspirants encore présents à Stablack demeurent au camp, avec les prisonniers trop bless és pour bo uger et les personnes désignées comme responsables et qui considèrent comme leur 76 BOUZEAU René, « De Stablack à Lü beck », Le camp des Aspirants op.cit., p.195 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p.194 78 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p.195 79 BOUZEAU René, « De Stablack à Lübeck », Le camp des Aspirants op.cit., p.196 77 184 devoir de rester80. À la suite du départ du groupe le 25 janvier, le camp se vide et il reste alors 1 200 prisonniers, dont seulement 200 Français et de plus, les prisonniers restent seuls, puisque la garde allemande ne sera pas relevée 81. Cette absence de relève pourrait s'expliquer par l'arrivée des libérateurs et des ennemis aux portes du camp, faisant peur aux Allemands, qui ont décidé de ne plus s'occuper du camp, la majeure partie des prisonniers étant partis pour Lubeck. Cette peur des Allemands est très présente en cette fin de guerre, comme le remarque Saint-Chamand: « Les Allemands du camp sont graves et inquiets, au demeurant assez plats, ils ont peur : le revers de la médaille d'une propagande qui n'est plus là pour les soutenir82. » Les prisonniers du IA se trouvant alors seuls, ils s'organisent, notamment vis-à-vis de l'hôpital, qu'ils cherchent à protéger, en plaçant des gardes à ses , ainsi qu'à celles des baraques et des magasins 83. Les aspirants et les autres prisonniers de guerre tentent également de s'accommoder avec les conditions de vie qui leur sont imposées, notamment le ravitaillement toujours aussi faible 84, bien qu'ils trouvent certains méthodes pour améliorer leur quotidien85. D'autres difficultés se présentent également : outre le manque de nourriture, les réserves d'eau du camp arrivent à leur fin et il faut aller la puiser dans un ruisseau à proximité. L'électricité finit également par être coupée, ce qui pose problème, à l'hôpital notamment et les prisonniers se débrouillent alors en installant un éclairage de fortune86. Jusqu'à l'arrivée des Soviétiques, le quotidien des résidents de Stablack est rythmé par un élément en particulier, la guerre et ses affrontements. Ils se multiplient et deviennent quelques fois dangereux, puisque plusieurs bombardements touchent le camp et surtout la 80 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.188 81 PHILIPPE Abbé Michel, « Les derniers jours du IA », Le camp des Aspirants op.cit., p.186 82 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.188 83 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.188 84 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.188 85 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.189 86 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.189 Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., 185 périphérie de l'hôpital, bien qu'il ne soit jamais touché 87. Plusieurs bâtiments sont cependant atteints, telle que la baraque des Belges le 31 janvier, ou la baraque de la pharmacie, le 8 février et de nombreuses douilles tombent dans le camp ainsi que dans l'hôpital. Il y a également des blessés, comme avec le cas du capitaine Saint-Hilaire, militaire français en charge dans le camp et qui est blessé dans une attaque, qui fait également de nombreuses victimes88. Le camp subit aussi des pertes parmi ses prisonniers, lors d'une attaque le 9 février : « Quelques projectiles tombent dans l'enceinte de l'hôpital ; l'un d'eux heurte une cheminée de la baraque 5 et explose dans une pièce occupée par un groupe de prisonniers valides qui avaient voulu lier leur sort à celui de l'hôpital. Les cinq ants sont tués : 2 français et 3 Belges, évacués de la compagnie d'Angerapp ; le 6 ème membre de ce petit groupe était sorti quelques instants auparavant pour aller visiter un ami légèrement blessé 89 quelques jours plus tôt. » Les Soviétiques continuent alors leur avancée et le samedi 10 février 1945, au matin, c'est la libération de Stablack90 et elle est ressentie avec une joie plus forte encore par les prisonniers russes, qui souffraient toujours d'un traitement hostile de la part des allemands91. À partir de la libération, une cohabitation se met en place, les Soviétiques prennent le contrôle du camp et de l'hôpital et le régime des Soviétiques est tout de suite observé comme étant meilleur que celui des allemands, notamment pour la nourriture : « Les Russes nous apportent 600 grammes de pain par jour en s'excusant de ne pouvoir faire plus, trois fois ce que nous donnaient les Allemands dans les derniers temps92 ». Pour les Français, la situation est assez spéciale et quelques fois difficile, puisque les Soviétiques ont un comportement assez brutal avec lequel ils ont du mal à s'accommoder ; l'un des aspects qui ressort le plus des témoignages est le fait que les Soviétiques ont tendance à piller les montres, comme cela arrive à Sant-Chamand à deux reprises93. L'ivresse semble également assez courante chez les Soviétiques, avec notamment l'organisation de célébration, comme pour l'anniversaire de l'Armée Rouge fêtée au camp avec certains 87 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.189 88 PHILIPPE Abbé Michel, « Les derniers jours du IA », Le camp des Aspirants op.cit., p.187 89 PHILIPPE Abbé Michel, « Les derniers jours du IA », Le camp des Aspirants op.cit., p. 187 90 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.189 91 PHILIPPE Abbé Michel, « Les derniers jours du IA », Le camp des Aspirants op.cit., p. 187 92 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.190 93 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des p.190 186 Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., Aspirants op.cit., Aspirants op cit., aspirant s 94. Cette attitude de la part des Soviétiques semble être assez commune, et elle se retrouve notamment dans les témoignages de la population allemande vivant à l'Est95. En parallèle, les suites de la libération s'organisent, et au fur et à mesure des jours, plusieurs groupes de prisonniers partent du camp pour lancer leurs futurs rapatriements, en fonction de leurs situations médicales (s'ils sont aptes ou non pour le transport ). 94 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des Aspirants op.cit., p. 191 95 KERSHAW Ian, La Fin, Allemagne 1944-1945, Paris, Éditions du Seuil, 2012, p. 456 96 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des Aspirants op.cit., p.190 97 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des Aspirants op.cit., p. 191 98 SAINT-CHAMAND Henri (de), « La Libération de Stablack par les Russes », Le camp des Aspirants op.cit., p.191 187 Tous ces sentiment s contradictoires, dans notre milieu de souffrants, font qu'il faudra un certain temps 99 pour réaliser toute la signification pour les captifs de Stablack de ce 10 février 1945. » III – Une étape longue et compliquée : le rapatriement des aspirants venant du stalag IA Une dernière étape se met en place pour les prisonniers encore à l'Est : le rapatriement. Pour ces aspirants encore dans la zone proche de Stablack ou plutôt à l'Est du territoire du IIIème Reich, ainsi que d'autres prisonniers présents également avec eux, la libération est organisée par les Soviétiques, à deux endroits principaux : Odessa (Sud de l'Ukraine) ou Mourmansk (Nord-Ouest de la Russie). A – Un rapatriement par le Sud : le retour d'Odessa Le premier lieu de rapatriement le plus important et le plus utilisé par les Soviétiques est Odessa. La ville se situe sur la mer Noire et aurait accueilli environ 19 000 prisonniers de guerre français, venus de différents pays de l'Est100. Les groupes de prisonniers rapatriés par Odessa ont pour point commun d'avoir été libérés par les Soviétiques. Cependant, la plupart s'arrêtèrent d'abord à des camps de rassemblement et de transit, qui servaient d'arrêt avant le retour, comme le fut le camp de Wittenberg pour le bataillon Lartigue. Le camp mentionné dans le plus de témoignages est celui de Bialystok, à l'est de la Pologne, du côté de la frontière biélorusse et à 1 000 km au Nord d'Odessa. Selon l'aspirant Geliot, le premier convoi de prisonniers qui quitta le stalag IB partit pour Bialystok le 15 janvier 1945 ; le second, dont il faisait partie, devait aussi y être acheminé mais continua finalement jusqu'à Odessa101. Selon le témoignage de l'aspirant Persin, le camp aurait également été un lieu de captivité pour des prisonniers de guerre allemands102. Il est envoyé pour Odessa, avec 6 autres aspirants et 1500 hommes, ce qui leur prit cinq jours et le train alla vers l'est, puis au sud, ce qui laisse à supposer qu'aucun trajet direct n'existait entre les deux points, mais également que la guerre avait pu détruire certaines voies ferroviaires notamment par les nombreux bombardements 103. Les deux 99 PHILIPPE Abbé Michel, « Les derniers jours du IA », Le camp des Aspirants op.cit., p.187 DURAND Yves, La captivité op.cit., p. 502 101 GELIOT Nicolas, « Par Odessa et la Mer Noire », Le camp des Aspirants pendant la Seconde volume 1, , 1991 102 PERSIN Louis, Questionnaire concernant la captivité, X, 72AJ/296, Papiers du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, AN 103 DURAND Yves, La captivité op.cit., p. 500 100 188 autres témoignages disponibles sur le rapatriement à Odessa peuvent également appuyer cette idée, puisque les deux aspirants, chacun de leur côté, semblent avoir pris un chemin différent avec leur convoi, les descriptions qu'ils font du paysage extérieur étant plutôt distinctes l'une de l'autre, bien que cela puisse également être dû à un état d'esprit différent pour les prisonniers104. De manière comparable, le chemin du retour depuis Odessa a également tendance à ne jamais être le même. En effet, on retrouve plusieurs témoignages différents de groupes d'aspirants ayant été rapatrié par Odessa, mais qui connaissent chacun des itinéraires distincts. On peut alors supposer que cela est dû à des déroutements causés par des attaques de forces ennemies ou à des complications pendant le trajet. Le témoignage de l'aspirant Geliot mentionne le cas de deux convois, bien qu'il y ait pu en avoir eu plus, mais l'auteur fait lui-même partie du deuxième, ce qui lui permet d'être de retour en France le 21 avril, par Marseille, après avoir traversé : « le Bosphore, le long des côtes sud de la Crête et des côtes nord-est de la Sicile, dominé par le ''Stromboli''105. » L'aspirant Janody, de son côté, a pu monté dans un bateau assez vite, mais son trajet a connu des complications, obligeant une escale en Égypte. Ils arrivent finalement à Naples, où il aurait été retenu quelques temps en tant que représentant des prisonniers de guerre français en Italie, avant de pouvoir repartir pour la France en avril106. Si les chemins de la libération vers Odessa et d'Odessa au retour en France diffèrent en fonction des prisonniers, les témoignages s'accordent sur un point : le traitement à Odessa où ils expérimentent une sorte de nouvelle captivité. En effet, les Soviétiques ne laissèrent pas une grande liberté aux prisonniers ; cela aurait été comme un nouvel internement107, avec une interdiction de sortie108, mais avec des conditions de vie tout de même bonnes, semblables à la captivité, comme par exemple l'accès à la messe109 et le contact avec un curé110. Selon certains chiffres transmis par les s qui témoignent, 104 GELIOT Nicolas, « Par Odessa et la Mer Noire », Le camp des Aspirants op.cit., p. 180 JANODY Jean, « Par le chemin le plus long », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 19391945, volume 1, Paris, 1991, p. 181 105 GELIOT Nicolas, « Par Odessa et la Mer Noire », Le camp des Aspirants op.cit., p.181 106 JANODY Jean, « Par le chemin le plus long », Le camp des Aspirants op.cit., p. B – Un rapatriement tardif : un retour de Mourmansk et Kandalakcha Après les rapatriements par Odessa, les Soviétiques utilisent Mourmansk comme point de rapatriement. Cela concerne surtout le cas des prisonniers de guerre qui étaient retenus captifs dans des camps plutôt à l'est et donc libérés par l'Armée Rouge, qui les achemine vers Mourmansk et Kandalakcha. Ce lieu de rapatriement concerne notamment les aspirants prisonniers de guerre restés à Stablack après le départ du groupe du 25 janvier libéré plus tard à Lubeck. Tout d'abord, un nombre important de prisonniers de guerre captifs en Prusse Orientale ont été acheminés dans un camp de transit, Gumbinnen. La ville se situe au nordest de Stablack, à environ 200 km et a servi de camp de rassemblement par l'Armée rouge pour les prisonniers de guerre115, avec environ 10 000 prisonniers de guerre présents116 et notamment ceux des camps IA et IB. Le départ pour le Nord s'est fait en deux groupes : « Le premier d'un effectif de 11 officiers et 1 495 hommes dont 150 civils, et le second groupant 2 111 JANODY Jean, « Par le chemin le plus long », Le camp des Aspirants op.cit., p.181-182 PERSIN Louis, Questionnaire concernant la captivité, X, 72AJ/296, Papiers du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, AN 113 GELIOT Nicolas, « Par Odessa et la Mer Noire », Le camp des Aspirants op.cit., p.181 114 JANODY Jean, « Par le chemin le plus long », Le camp des Aspirants op.cit., p.182 115 FOUIN Bernard, « Par Mourmansk et la Mer Blanche », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945, volume 1, Paris, 1991, p. 182 116 MOINEAU Bertrand, « Rapport sur la formation et l'organisation du camp de transit de Kandalakcha URSS) », Date et lieu inconnu, AS, AN, 72AJ/2632 112 190 officiers et 502 hommes, sont partis du centre de rassemblement de Gumbinnen, respectivement aux dates du 28 et 30 mars et arrivés à Kandalakcha les 5 et 7 avril 1945117. » Les deux convois semblent avoir eu un trajet similaire, marqué notamment par un manque de confort118, avec un arrêt à Leningrad pour déposer des prisonniers trop malades pour le transport et un s'arrête à Kandalakcha, alors que l'autre continue jusqu'à Mourmansk119. Après cette arrivée, une nouvelle vie de camp s'installe, dans des conditions plutôt bonnes. Tout d'abord, ils ont reçu un nouvel uniforme, aux couleurs soviétiques120, puis ils passent par une visite médicale121 et les Soviétiques les font soigner dans un hôpital où ils sont emmenés si nécessaire, comme c'est le cas pour l'aspirant Fouin qui y reste un mois pour faire soigner sa sciatique122. Le ravitaillement est également bon, avec une ration plutôt importante donnée par l'Armée Rouge et l'état sanitaire est satisfaisant, bien que le climat puisse causer quelques problèmes123, comme cela fut le cas à Stablack. Au camp, les activités se résument surtout à des séances de cinéma et à quelques corvées, ce qui permet donc d'observer que les aspirants, pendant cette attente à Mourmansk ou Kandalakcha, semblent retrouver la vie de captivité qu'ils avaient à l'Aspilag. L'attente est assez longue avant leur rapatriement, puisqu'ils arrivent début avril et ne partent qu'au début du mois d'août et cela est en partie dû à une action des Soviétiques qui semblent aller à l'encontre de la volonté des Français. Tout d'abord, l'existence de ce camp ne semble pas avoir été dévoilé aux autorités françaises en charge des prisonniers à cette période124, ce qui suppose le peu de préparations dont ont fait preuve les Soviétiques à propos de ces rapatriements. Il est aussi possible d'avancer l'idée qu'ils n'ont pas été informés, car les Soviétiques veulent retarder le départ des Français, sentiment qui a été ressenti par certains des aspirants à Mourmansk125. Cela amena même à une atmosphère de , , « Par Mourmansk et la Mer Blanche », Le camp des Aspirants op.cit., p.183 119 MOINEAU Bertrand, « Rapport sur la formation et l'organisation du camp de transit de Kandalakcha (URSS) », Date et lieu inconnu, AS, AN, 72AJ/2632 120 FOUIN Bernard, « Par Mourmansk et la Mer Blanche », Le camp des Aspirants op.cit., p. 126 FOUIN Bernard, « Par Mourmansk et la Mer Blanche », Le camp des Aspirants op.cit., p.184 MOINEAU Bertrand, Télégramme à l'ambassadeur de France à Moscou, 30 avril 1945, Kandalakcha, AS, AN, 72AJ/2632 128 FOUIN Bernard, « Par Mourmansk et la Mer Blanche », Le camp des Aspirants op.cit., p.184 129 MOINEAU Bertrand, Télégramme à l'ambassadeur de France à Moscou, 30 avril 1945, Kandalakcha, AS, AN, 72AJ/2632 130 MOINEAU Bertrand, Télégramme à l'ambassadeur de France à Moscou, 30 avril 1945, Kandalakcha, AS, AN, 72AJ/2632 131 FOUIN Bernard, « Par Mourmansk et la Mer Blanche », Le camp des Aspirants op.cit., P.184 127 192 Les différents chemins du retour par l'Est des aspirants encore au stalag IA lors de la libération du camp par les Soviétiques L'année 1945 marque donc le temps de la libération pour les prisonniers de guerre, mettant fin à cinq années de captivité, dans des conditions souvent difficiles et laissant les prisonniers généralement heureux car cela signifie un retour chez eux. Mais ce sentiment a pu se transformer vite, puisque l'attente est l'élément principal de cette libération, ce qui a pesé sur les nerfs d'un certain nombre de prisonniers. Les aspirants ont cependant fait preuve, pendant cette période, d'organisation et de solidarité, comme ils l'ont démontré pendant toute leur captivité. Le retour en France est un temps de joie, comme les différents témoignages le montrent dès l'arrivée marquant généralement la fin de la captivité et le retour, en théorie, à la vie d'avant. 193 Cette libération pose tout de même un problème du point de vue des informations transmises. Si la captivité a été une période régulée par de nombreux changes, courriers et rapports entre différentes autorités français et allemandes, la libération est une période beaucoup plus désordonnée et beaucoup moins documentée. Les cas pertinent pour l'étude de ces retours sont des témoignages personnels de prisonniers et si certains ont été écrits pendant la période vécue, la plupart sont postérieurs à la guerre et il est donc difficile de vérifier l'authenticité des propos. De plus, ces récits ne sont pas toujours très nombreux, ce qui empêche de véritablement obtenir une image sous différents angles d'une même situation, comme cela a pu s'observer pour les aspirants pendant les différentes périodes de libération. CONCLUSION L'aspirant a été un élément problématique pour les autorités allemandes et pour la mission Scapini pendant une longue période au début de la captivité ; il a donné lieu à de nombreux échanges entre les diverses autorités pour trouver une solution à leur situation et répondre à la question de leur place dans la hiérarchie, tout en satisfaisant et en respectant les nécessités de ces prisonniers. En mars 1941, les aspirants sont envoyés dans un camp mis en place spécialement pour eux, le stalag IA, renommé Aspilag, ce qui conduit à une captivité unique, au regard de l'expérience commune des prisonniers de guerre, bien que certains aspects contredissent ce sentiment particulier. Les aspirants ont été envoyés à Stablack, en Prusse Orientale, dans une zone plutôt difficile vis-à-vis du climat et des conditions de vie, en représailles, pour le comportement supposément révoltant dont ils auraient fait preuve. C'est leur statut unique qui les amène dans ce stalag et qui apporte donc les premiers éléments d'une spécificité de leur captivité, c'est-à-dire la localisation et la grande distance jusqu'à la France, qui jouent un rôle dans leur internement bien que minime face à l'élément le plus important : les avantages de la condition d'aspirant. Si les conditions de vie de Stablack ont pu poser un problème pendant un temps pour les aspirants, notamment à cause du régime de représailles imposé par le commandant Hartmann, ces prisonniers de guerre développent rapidement, par la suite, un régime qui s'assimile en grande partie à un oflag, bien qu'il n'en soit pas un. Ainsi, ces aspirants développent une activité au sein du camp pouvant être qualifiée d'omniprésente et d'intense : du théâtre, du cinéma, du sport, des études, de la , de la politique, de la propagande et de la religion. Tous les sujets qui avaient pu être observés un par un dans divers camps sont organisés au sein de l'Aspilag et les aspirants y participent en masse. De nombreux étudiants s'inscrivent à l'université, de multiples équipes sportives, théâtrales ou musicales se forment et plusieurs membres des aspirants prennent la tête du mouvement Pétain et de ses cercles d'études. Cette captivité est encore plus unique par l'expansion qu'elle connaît à l'intérieur du camp, avec l'arrivée de plusieurs prisonniers de guerre non aspirants pour l'université qui a été développée mais également hors de ses barbelés, évènement plutôt rare, à cause de la méfiance des Allemands.
1,859
02/hal.inria.fr-hal-00848673-document.txt_5
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
6,209
9,498
La sensibilité de p à un ajustement positif d'ampleur d est donné par : ( ( ( ) ( ) )) ( ( )) ( ) ( ) De même ( )  Le niveau d'erreur initial e est celui de l'idéal il est donc « faible » : e peut donc être considérer petit par rapport à d(2a+k) de même si on considère que d est petit par rapport à (2a+k) alors une bonne approximation de ( ) est ), cette sensibilité augmente donc avec le niveau k des facteur considéré ( (rappelons que a et k évolue dans le même sens : voir chapitre précédent) (2 ) (2 ) ou  Le niveau d'erreur (2 ) (2 ) va donc diminuer/augmenter régulièrement jusqu'à atteindre le niveau minimal p'/2 et entrainer une augmentation/diminution du niveau k qui passera à k' k 1 ou k' k-1 Intéressons-nous maintenant à ce qui se passe lorsque l'ajustement devient suffisamment grand pour qu'une variation d'une unité entraine un passage du facteur au niveau suivant : ( )( ( )( [( ) ( )( (  ) )( ) ( ) 1][( ) ) (3 1 1))( 2( ) ( 1) ( 1)) 1] ( ) 2 ( ( 3 2 ) 2) 99 Cette variation de niveau d'erreur est minimale pour : 0 3 initiale x 2 ou 0 est le niveau d'erreur de la factorisation r^2 On en déduit : ( )( 3 2) 0 2 (2 4 ) ( 2 ) 0 La résolution de cette équation de second degré nous donne ) √( [ ( )] et son considère son arrondi a :=[a] à partir (autour) de cet instant toute variation de a va entrainer une variation de k, c'est donc le niveau maximal d'ajustement qui pourra être traiter par factorisation approximative. Lemme 6.4 (calcul de la sensibilité de x au niveau changement de niveau) : Soit x un entier et P := r-a un facteur de niveau k de x. si a est suffisamment grand pour que P' r-(a 1) soit un facteur de niveau k 1 alors, la variation d'erreur du à se passage est donné par. FACTEUR COMMUN Dans la première partie de cet article nous avons vu comment déterminer pour différent niveau k la factorisation approximative idéal d'un entier x. dans cette seconde partie nous verrons comment en déduire une facteur comme idéal, notre approche sera similaire à celle développé dans la première partie pour construire le diviseur commun en partant de la notion de diviseur idéal. Les notions de relation d'ordre sont les même que ceux définit dans la première partie. Soit :,., un ensemble d'entier distinct et ordonnés i.e., 100 Pour chacun de xi on considéré la factorisation initiale sous la forme [√ ] On pose :,, l'ensemble des racines des xi et l'ensemble des niveaux d'erreur initiaux. :,, Lemme 6.1 (construction de la structure de niveau k) : Soit :,, et P un facteur de niveau k de x0 ie il existe a tel que ( ) et. On appel structure Naturelle de niveau k de X, l'ensemble :,, Pour chaque xi  calculer  Calculer  En déduire – [ ] –( )  On peut en déduire l'ensemble des facteurs idéaux associé à la structure,, et on pose ainsi,  Nous pouvons aussi en déduire l'ensemble des générateurs de cette structure qui n'est rien d'autre que l'intersection de l'ensemble des générateurs de niveau ki (voir lemme 6.3) de chacun de xi. Notons que cet ensemble est non nul car il contient au moins P0. Nous allons maintenant essayer de déduire de cet ensemble des facteurs idéaux le facteur commun idéal tout comme nous l'avons fait dans le cadre du diviseur idéal. Notons premièrement que dans le cas simple ou tous les diviseurs sont identique, le facteur commun idéal est trivial et est égal à ce facteur consensuel. Notons ensuite que dans le cas où il n'ya pas consensus il faudra forcer chacun des idéaux à un certain ajustement, la difficulté est que dans le cas présent (contrairement au cas du diviseur idéal) l'impact d'un ajustement unitaire ne produit pas une variation en terme d'erreur identique pour tous les idéaux, il y'en à qui sont plus sensible que d'autre a ces ajustement. Def : soit,, et,, une structure stable compatible avec X, on considéré l'ensemble,, des facteurs idéaux de X pour la structure K. On appel générateur idéal de la structure K, l'élément P tel X' (PQ') soit le plus proche possible de X au sens de la relation d'ordre choisi. Avec Q' donné par qi' [xi/P] 101 du idéal d'une structure K de X Soit,, un ensemble d'entier, on pose {,, [√ ] } Soit,, une structure compatible avec X et des facteurs idéaux associé à la structure K (voir lemme 6.4) et les ajustements associé à chacun de facteurs. ,, On pose l'ensemble,, ( ) Def : Soit P un générateur de K on définit l'approximation X' de X par P comme la quantité'' avec,, L'erreur d'approximation de X par X' est donné par ( ) { }  Nous recherchons le générateur idéal de la structure K i.e. un facteur commun P des xi qui soit générateur de K qui minimise le niveau d'erreur δ d'approximation de X par X'. Soit P un générateur de X, on pose ajustements,, l'ensemble des Alors (,   ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ou est le niveau d'erreur minimal de niveau ki i.e celui de la factorisation par l'idéal :  ( )  ( ) ( | ( | ) ) | | ( ) | |  De même (, (   ( ) | ) ) ( ( ) ( ) ) ( ) | Si on analyse le niveau d'erreur δ : 102  Etant donné que ε est l'erreur sur l'idéal on peut supposer ε petit par rapport à ( ) si c'est le cas, le niveau d'erreur sur l'approximation de xi dépend du rapport entre et la quantité. De façon générale n sera petit devant P – Q, se sera donc le rapport à x de cette distance entre les facteurs qui va porter l niveau d'erreur final. Ce niveau d'erreur va augmenter d'autant plus rapidement que cette distance sera grande. Par ailleurs k étant petit devant a on en déduit que c'est essentiellement la quantité 2a/x qui va définir la sensibilité au déplacement  Plus c'est deux quantité serons éloigné l'une de l'autre plus le taux d'erreur d'approximation de xi sera important.  Sach ant que la distance p-q augmente avec le niveau, lorsque le niveau k deviendra important c'est essentiellement cette distance qui va déterminer le niveau d'erreur.  Les point pour l'lesquels l'ajustement n est négatif sont plus sensible au déplacement car le niveau d'erreur augment plus rapidement????? Autre formulation du niveau d'erreur ( ) 1 ( ) ( )  L'impact du déplacement est d'autant plus/moins important que x l'est, il vaut donc mieux déplacer les idéaux des point de plus petite/grande valeur.  Def : On définit le taux de dégradation maximale potentiel du point x par : ( )( )  Soit la factorisation idéale de niveau k de x alors la quantité ( ) ou (, ) ou Pmin et Pmax sont les bornes maximale et minimale de l'ensemble des facteurs idéaux.  Ou plus simplement ( ) Cas d'une structure à deux points : Nous commençons par construire le facteur idéal dans le cas d'une structure à deux points, le cas plus général d'une structure à n points s'en déduit facilement en prenant comme points de référence les deux « extrémité » de l'ensemble de facteurs idéaux. Soit,,, associés à cette structure. Avec,,, Les facteurs idéaux on cherche le point tel que 103 ( ) ( ) ou ( ): ( ) ( ) 1 or [ ] pour un certain ajustement a'. ( ) ( ) Par ailleurs on a si on suppose par exemple P0 < P1 (sinon il suffit d'inverser les rôles):, Les quantités di représente le déplacement imposé à chacun des idéaux pour atteindre le consensus, qui survient lorsque les deux niveaux d'erreur sont identique (voir première partie pour les explications). ( ) ( ) 0 Si on pose On en déduit On peut donc construire le facteur idéal P en déplaçant P0 d'une distance égale à [d0] : [ ]  Si P n'est pas contenu dans l'ensemble de générateur de la structure alors le facteur idéal est égal à la borne des générateurs qui est la plus proche de P. Cas d'un ensemble X quelconque Rappelons que l'enjeu dans la recherche du facteur commun de minimiser le taux d'erreur maximale. Par ailleurs le niveau d'erreur induit en déplaçant le facteur idéal est directement proportionnel à la distance sur laquelle est déplacé cet idéal pour arriver au consensus. Aussi une première approximation consisterait en d'appliquer la démarche précédente aux deux bornes de l'ensemble des facteurs idéaux (qui sont les éléments les plus éloigné l'un de l'autre et qui de ce fait subirons le plus important déplacement de leur idéal). Mais il peut arriver que ce choix ne soit pas optimal en raison du fait que la dégradation des niveaux d'erreur par déplacement de l'idéal n'est pas identique pour l'ensemble des xi. Nous allons donc discuter ici d'une méthode plus fine de choix des deux éléments auquel on doit appliquer la méthode précédente. 104 (Intuitivement on peut penser au point dont la dégradation potentielle est la plus élevé, couplé avec le point qui lui est le plus éloigné) L'ensemble des facteurs idéaux de : ou,,,, et pour [ : √,, ( ) ] Autre structure de niveau k Une structure est dite de niveau k si son générateur est un facteur de niveau k de xo. La structure naturelle construite précédemment n'est bien évidement pas l'unique structure de niveau k. en effet une modification du générateur peu entrainé une modification du niveau d'un des xi sans toutefois modifié le niveau de x0, les structures ainsi obtenu (par translation du générateur initiale) sont dite structure de second ordre. Soit :,, une structure de niveau k = ko et l'ensemble des facteurs idéaux qui lui sont rattachés. :,, RQ1 Toutes les structures de niveau k ont en commun ko (le niveau du pivot xo est fixe, par définition du niveau de la structure) et par conséquent P0 est fait partie de l'ensemble des facteurs rattaché à toutes structure de niveau k. c'est donc un point fixe pour les structures de niveau k, nous en déduisons les conséquences pour la construction du facteur idéal de niveau k. Lemme : Si K est la structure naturelle, alors les distance de chacun des point au facteur du pivot sont incompressible et induisent donc un taux d'erreur minimale sur les structure de ce niveau s = min{si | si s(Pi, P0)} 105 Point fixe Quel que soit la structure de niveau k choisit, le facteur idéal Po de xo fera partie de l'ensemble des facteurs idéaux.  La distance de chaque facteur à ce point fixe doit donc être tel que le niveau d'erreur implicite (si le point en question ainsi que le point fixe étaient le deux extrémité de l'ensemble des facteurs) soit inférieur au seuil toléré.  Le générateur idéal de la structure est construit en considérant le point dont le potentiel de dégradation potentiel maximale ( et le facteur idéal qui lui est le plus éloigné) et en lui appliquant le lemme Facteur idéal de niveau k Lemme (construction du générateur idéal d'une structure donné) Soit X et K      Construire l'ensemble P pi des facteurs idéaux associé à chacun des couples (xi,ki). Poser ri = R(xi). Calculer ai = f(xi, ki) en déduire Pi = ri-ai. On considère l'ensemble des niveaux d'erreur ei associé à chacun de ces facteurs (ei = xi – pi*[xi/pi]). Ordonné l'ensemble des pi du plus petit au plus grand. En déduire Pi -Min et Pimax les facteurs minimaux et maximaux de cet ensemble. Construire l'ensemble D des taux d'erreur maximaux associé à chacun des élément. Di est donné par : pour le point Pi, poser di la distance qui le sépare du point qui lui est le plus éloigné. (du moins le min entre cette distance et la distance maximale permettant de conserver le niveau k) On considère l'ensemble des pas des Theoreme (construction du générateur idéal de niveau k) 106 P0 p1 pn Intervalle de centre Intervalle de gauche Intervalle de droite Rq Pour un x fixé, Plus k est grand, plus De est grand. En fait l'erreur accumule un delta de second niveau qui est quasi constantil es tres lentement perturbé par un second niveau d'erre de signe opposé qui apparait a chaque changement de k, ceux-ci étant de plus en plus fréquent, le mouvement fini par s'inverser et la seconde perturbation prend le control ALGORITHME DE CALCUL DU FACTEUR IDEAL DE NIVEAU K Algo : construction du générateur ideal de niveau k Soit X un ensemble d'entier distinct et ordonné x0 x1 xn Soit k un entier fixé.  Construction du générateur naturelle P d'ordre k qui n'est rien d'autre que le diviseur idéal de niveau k du pivot xo.  Déduire la structure naturelle implicite de niveau k : o Construire l'ajustement de l'élément xi pour le facteur P : ai = P-ri o Construire le cofacteur qi de P pour xi : qi = [xi/P] o Déduire le niveau ki de Pi : ki = qi-(ri+ai)  Déduire l'ensemble de facteur idéaux des xi pour la structure K ={ki} Pi = f(xi,ki)  Construire la générateur idéal de la structure k. o Ordonné l'ensemble P des facteurs idéaux 107      o Pour chacun des pi, calculer le niveau d'ajustement maximale compatible : ai+ = f(xi, ki+1) et ai- = f(xi, ki-1) o En déduire l'ensemble des facteurs compatibles avec la structure k : ie l'intersection de [Pi-ai- ;Pi +ai+] o Considérer les deux « extrémité » de l'ensemble des facteurs ie les points les plus éloigné en prenant en compte leur erreur par unité ei. o Calculer la facteur idéal de la structure P = f(P-, P+, ei) o En dé ire le niveau d'erreur de la structure naturelle d . Explorer les structures de second ordre : o Ordonné l'ensemble A des ajustement de la structure. o Pour chacun des points ajouter le tag ajustable ou non : Un point est non ajustable si le niveau d'erreur incompressible consécutif à son ajustement est supérieur au niveau initial d de la structure naturelle. On appel que le point Po étant un point fixe pour toutes les structures de niveau k ; chaque ajustement a provoqué un déplacement de même ampleur sur cet idéal et induit donc un niveau d'erreur aussi tout ajustement supérieur au niveau d'ajustement provoquant une erreur supérieur à l'ajustement max, est un ajustement qui ne peut être envisagé. On pose R = {} et E = {} On définit la fonction (, ) qui pour un entier x et un niveau k donné associe le facteur idéal de x au niveau k, définit comme suit. (Calculer par le lemme 6.4) (, ) ou [ ( √ ) ] ou ( ) On définit aussi la fonction inverse de fi qui à un couple x, P associe le niveau k du facteur p. (, ) (2 ) [ ] 108 Poser x = pivot(X) := min{xi} = xo Pour k : 0 jusqu'à k kmax faire : 1. Poser ko :=k et Déterminer le facteur idéal P0 de niveau ko de xo (lemme 6.4): (, ) 2. Construire la structure naturelle (, :,, générée par P0 ) 3. Déduire l'ensemble :,, des facteurs idéaux associé à K. (, ) 4. En déduire le générateur idéal PI de la structure K. (voir algo plus loin) 5. Déterminer le générateur idéal des structures de niveau k. (voir algo plus loin) 6. Mettre à jour le Pgcd Courant PC Si niveau d'erreur de PI inférieur à niveau d'erreur de PC alors PC := PI ; Sinon conserver PC et continuer. 7. Tester les critères d'interruption et retourner le pgcd.  Niveau de fractionnement maximale atteint k =kcible  Ou taux d'erreur cible atteint : δ δcible  Retourner PC. Et interrompre la recherche. 8. Déterminer le niveau d'analyse suivant K := k+1 et recommencer à l'étape 1 Calcul de Kmax Comme on peut le constater l'apport marginal de chaque itération est dégressif et deviendra quasi nul au-delà d'une certaine valeur. Il s'agit ici de calculer la valeur ka audelà de laquelle l'apport marginal de chaque itération devient trop faible 109 Algorithme de construction du générateur idéal d'une structure donnée 1. Déterminer le borne de l'ensemble de facteurs idéaux Pmin = Pmax = 2. Calculer la taux d'erreur maximal de chacun des points 3. Considérer le point d'erreur max et sont opposé calculer le point optimal 110 Partie 3 DIVISION EQIVALENTE ET PGCD APPROXIMATIF 111 DIVISION EQUIVALENTE (recherche en cours) Dans cette dernière partie nous nous intéressons au calcul du Pgcd lorsque celui-ci est très inférieur à la racine du plus petit élément. En effet dans la première partie nous avons utilisé la division approximative pour rechercher le pgcd lorsque celui-ci était très supérieur à la racine du pivot, la seconde partie en s'appuyant sur le concept de factorisation approximative à construit un procédé de recherche du pgcd autour de la racine du pivot, il nous reste donc à traiter le cas ou celui-ci est significativement inférieur à la racine du pivot. AUTRE APPROCHE La méthode de factorisation décrite dans la première partie de cet article permettait de rechercher les facteurs d'un nombre au voisinage de sa racine, la structure stable sur l'laquelle repose cet algorithme n'apparait qu'au voisinage de cette racine, plus loin le cout k de la factorisation évolue plus rapidement que le facteur p, ce qui rend la méthode totalement inefficace Dans cette seconde parie nous nous intéressons au cas ou on s'éloigne de la racine, cette partie se caractérise par le fait que p et q ne sont plus de taille relativement proche, mais q deviens un multiple de p i.e, Notre but ici est pour un n enter fixé d'analyser la zone de recherche des facteurs ou on peut écrire q sous la forme précédente. Soit on cherche les points On en déduit la factorisation au point P' ( [ ) ] 2 ( (2 On en déduit la factorisation de x sous la forme ) ) ( ) avec : On pose : ( ) [ ( ) ] ( ) 2 ( ) [ ( ) ] ( ) ( ) ( ) P' est un facteur exact de x ssi 0.. 112 ( ) ( ) ( ).le point b ou le niveau d'erreur est minimale est donc donné par : ( ) 4 ( ) [ ( ) √ ( ) ( ) ] Si on itère sur les valeurs de on obtient les points d'erreur minimal pour q nP. STRUCTURE Soit x et p tel que q = np+a On déduit pour chacun des xi de X un niveau ni = xi/ p ^2 La structure N = {ni} est notre structure stable La difficulté ici est de déterminer le niveau générateur idéal d'une telle structure t même déjà le facteur idéal pour chacun des xi au niveau ni, ceci viens du fait que si la structure est stable les quantités a et e ne le sont pas et l'évolution de a influence directement le niveau d'erreur, et même si on sait que pour n fixé, la quantité a e est strictement croissante, il n'est pas simple d'isoler la composante purement erreur de cette somme. Partie 3 ALGORITHME ET COMPLEXITE 114 Chapitre 9 ALGORITHME ET ANALYSE DE LA COMPLEXITE Dans ce dernier chapitre nous allons nous pencher de façon plus détaillé sur l'analyse de l'algorithme de calcul des Pgcd. Le but est donc d'utiliser les résultats des chapitres précédents pour construire un algorithme efficace de calcul. Nous rappelons que l'ensemble des données d'entrée est un ensemble X x0,. L'algorithme commence par une phase d'initialisation dans laquelle on procède aux opérations suivantes.  Arrondir les données et supprimer les doublons.  Fixer le pivot égal au plus petit élément de X. Dans notre étude nous avons choisi le plus petit élément mais notons qu'il est envisageable de choisir d'autre éléments que celui-ci, par exemple pour le calcul Comme nous l'avons établi, du moment que nous connaissons l'ordre du Pgcd rechercher, nous pouvons en déduire de façon certaine le Pgcd. Il n'est donc pas étonnant que pour notre recherche de Pgcd, la boucle principal consiste en une itération sur les différents ordres, en partant de l'ordre 1, jusqu'à un maximum. Algorithme Soit,,, l'ensemble des données dont on recherche le PGCD approximatif. On suppose que tous les éléments de X sont différents (sinon on supprime les doublons) On note P0 le pivot de X (, recherchons est un élément de l'ensemble S ) Alors le PGCD approximatif que nous [1, P0]. De nombreuse optimisations peuvent être ajouté à la méthode présenté ici les détails sont disponible dans FOT2012. 1. Ensemble des solutions et Pivot La fonction GetPivot(X) retourne le pivot qui sera utilisé pour la construction du PGCD, ici elle est tout simplement égale au plus petit élément de X. 115 Entier P0 = GetPivot( Vecteur X) {Retourne P0 = Min(X) } 2. Construction de la structure naturelle d'ordre n Construction du pivot d'ordre n : Reel Pn := P0/n. Construction de la structure naturelle d'ordre n : Vecteur Qn = BuildStructure(Vecteur X_input, Reel P_gen) {Pour chacun des éléments de X calculer Entier qi := Arrondi(xi/P_gen) Retourne Qn := {qi} } 3. Déterminer l'ensemble des points de rupture Construction des points de rupture à droite du pivot d'ordre n Vecteur G+ = ComputeRigthBreakPoints(Vecteur X_input, Vecteur Q_struc) {Pour chacun des éléments de X calculer Réel Pi = xi/qi Réel bi := Pi *(1-1/(2* qi -1)) Retourne G+ := {bi} } Construction des points de rupture à gauche du pivot d'ordre n Vecteur G-= ComputeLeftBreakPoints(Vecteur X_input, Vecteur Q_struc) {Pour chacun des éléments de X calculer Réel Pi = xi/qi Réel bi := Pi *(1-1/(2* qi +1)) Retourne G- := {bi} } Fixation des limites de l'ordre et de la structure naturelle Reel OrderGenMin = (x0/q0)*(1-1/(2* q0-1)) Reel OrderGenMax = (x0/q0)*(1-1/(2* q0+1)) Reel StrucGenMin = Min{G+} Reel StrucGenMax = Max{G-} 116 4. Calculer le générateur idéal de la structure Construire l'ensemble des diviseurs idéaux de la structure Vecteur Pn = BuildStructureIdeals(Vecteur X_input, Vecteur Q_structure) {Pour chacun des éléments de X calculer Réel Pi := xi/qi Retourne Pn := {Pi} } Calculer le générateur idéal. Entier Gn = ComputeIdeal(Vecteur P_ideal) {Reel Pmin = Min{ P_ideal} Reel Pmax = Max{ P_ideal} Reel Gn = (2* Pmax* Pmin)/ (Pmax+ Pmin) el AjustGn = Gn Si (Gn > StrucGenMax) Alors AjustGn = StrucGenMax Si (Gn < StrucGenMin) Alors AjustGn = StrucGenMin Retourne Arrondi(AjustGn)} Calculer le taux d'erreur induit par Gn Réel δn ComputeErrorRate(Vecteur X_input, Entier G_gene) { Pour chacun des éléments de X calculer, δi = 1 – (G_gene/x)*Arrondi(x/G_gene) Δ: Vecteur( δi ) Retourne Max(Δ) 5. Constru ire les structures secondaires de droit e /gauche Déterminer les générateurs des structures secondaires d'ordre n Vecteur G = GetSndStrucGen(Vecteur G-_Breaks, Vecteur G-_Breaks) {Pour chacun des éléments de G+ et G- faire Si (G+(i) < OrderGenMax) Ajouter G+(i) G. Si (G-(i) < OrderGenMin) Ajouter G-(i) G. 117 Retourne G } NB : de nombreuses structures secondaires peuvent être exclu de facto de l'analyse, voir plus haut pour l'étude des méthodes de rejet. 6. Déterminer les idéaux et niveau d'erreur des structures secondaire Pour chacun des éléments de G reprendre l'étape 4. Algorithme : DETAIL CONSTRUCTION Initialisation :  Sélectionner et préparer les données  Introduire un simplificateur (élément neutre) Boucle : Pour ordre        1 jusqu'à ordre maxOrdre faire Déterminer le générateur Initialiser la description des points Initialiser la description de l'ordre Calculer le Diviseur commun de l'ordre Mettre à jour les résultats Tester la condition d'arrêt Recommencer à l'étape 1 ou déterminer l'ordre suivant. Préparation des donnée    Supprimer les doublons Supprimer les éléments non significatifs (égal à 0 ou inférieur à un seuil donné) Arrondir les éléments à l'entier le plus proche et prendre leur valeur absolue. Introduire un « fragilisateur » Nous pouvons commencer notre algorithme par une étape préalable. Il s'agit ici de rajouter un élément qui n'aura aucun impact sur le choix du PGCD, mais permettra de réduire de façon significative la zone de recherche. Dans le cas du PGCD classique, nous avons construit (Lemme 3.5) nous avons construit l'élément T à partir des résidus issue de la structure d'ordre 1. Dans le cas des PGCD approximatif, 118 Déterminer le générateur initial Le générateur est donné par le rapport du pivot sur l'ordre, arrondi à l'entier le plus proche. OrderGen = [Pivot/order] Initialisation de la description des points Une fois le générateur construit, nous pouvons entamer la description des points sur laquelle s'appuiera la construction du générateur idéal. Nous regroupons ces données sur un objet PointDescription, identifié par la valeur xi (PointValue) du point. Ses champs sont les suivants :  Quotient : = [ PointValue/OrderGen]  Approximation := OrderGen*Quotient  Error : = PointValue – Approximation  NegAjust : = ((OrderGen - 2* Error )/(2* Quotient +1)) + 1  PosAjust : = ((OrderGen + 2* Error )/(2* Quotient -1)) + 1  Ideal := [PointValue/Quotient]  MinErrorRate := (PointValue - Ideal *Quotient)/ PointValue  IsKo Cout : la construction de la description d'un point implique 15 Opération arithmétique de bases. Si donc notre ensemble X compte N entrées, l'initialisation se fera pour chaque ordre étudier en maximum 15N opération. Le coup est linéaire et fonction du nombre d'entrée. Initialiser la Description de l'ordre Pour construire le générateur idéal de l'ordre nous allons exploiter un vecteur contenant la description des points présenté précédemment. L'objet OrderDescription permet de regrouper l'ensemble des données utile au traitement d'un ordre. Nous disposons ici d'un vecteur contenant l'ensemble des objets PointDescription construit précédemment.  GenMin = OrderGen - Min{ NegAjust}  GenMin = OrderGen - Min{ PosAjust}  DivMin = Min{ Ideal } 119  DivMax = Max{ Ideal }  DivMed = [(2.*DivMin*DivMax)/( DivMin + DivMax)]  ErrRateMax := Max{(PointValue - DivMed *Quotient)/ PointValue } Cout : l'initialisation de la description d'un ordre nécessite : 5 + 3N opérations. 1 recherche double de MinMax pour fixer les MinMax des générateurs et idéaux : cette opération nécessite un parcourt des N description des points et 4 comparaison et éventuelles assignations pour chacun des tours de boucle. Bien sur l'initialisation de chaque ordre implique au préalable la description des points présentée précédemment. Le cout est linéaire en fonction du nombre N d'entrées. Calculer le diviseur commun de l'ordre Le calcul du diviseur commun de l'ordre consiste en la recherche de la structure offrant l'intervalle des diviseurs commun le plus compact. Notons que dans le cadre du diviseur commun, il n'est pas nécessaire de procéder à cette optimisation. Plusieurs autres caractéristiques peuvent permettre de passer outre cette étape.  Ordonner le vecteur de points par ordre croissant des ajustements (Positif/négatif suivant le type de compression)  Parcourir le vecteur ordonné, et calculer le diviseur idéal final : IdealFinal := [PointValue/[ PointValue/(OrderGen+Ajust)]]} Ssi le remplacement de l' al précèdent par ce nouvel idéal entraine un resserrement de l'intervalle des idéaux. Sinon conserver l'idéal précédent pour cet élément et pour tous les suivant. Critères d'interruption précoce de la construction Rappelons que la construction de la description d'un ordre n'as d'intérêt que tan que nous pensons qu'il peut améliorer le niveau d'erreur courant. Aussi devons-nous interrompre cette construction dès que nous avons suffisamment d'éléments montrant que le générateur idéal qui en résultera ne nous permettra pas d'atteindre le niveau d'erreur cible ou d'améliorer le niveau d'erreur courant (dans le cas du δ-PGCD) dans cette partie nous allons nous pencher sur les différents tests permettant de décider de cette interruption.  Niveau d'erreur du diviseur idéal : Nous avons vu (lemme ) que le niveau d'erreur du générateur final était toujours supérieur au niveau d'erreur de chacun de diviseurs idéaux. Aussi si le niveau d'erreur d'un des diviseurs idéaux est supérieur au niveau d'erreur cible ou au niveau d'erreur courant, et qu'en plus aucun ajustement du quotient associé n'est 120 possible alors on peut directement interrompre la construction de la description de l'ordre et passé à l'ordre suivant.  Impossibilité d'ajustement des MinMax des diviseurs. Lorsque les quotients rattachés aux diviseurs minimaux et maximaux ne sont pas ré-ajustable, le générateur idéal est le générateur idéal initial, il n'est donc pas nécessaire d'exécuter l'étape précédente de recherche de l'intervalle des diviseurs le plus compact. Mise à jour des résultats L'algorithme consiste en une recherche du diviseur idéal produisant le niveau d'erreur minimale. Ainsi le générateur courant ne pourra remplacer le précèdent que si le niveau d'erreur résultant est inférieur au niveau courant. Une fois les étapes précédentes terminées, nous disposons d'un nouveau couple de candidat (DivMed, Err Med) pour le Pgcd, celui si sera évalué par rapport au précédent et le pgcd mis à jour.  Comparer ErrRateMed avec CurrErr, CurrGcd.  Si ErrRateMed < CurrErr : remplacer l'ancien couple par le nouveau. Cout : cette mise à jour est effectuée au maximum une fois pour chaque Ordre et implique une comparaison et éventuellement deux assignations. Le coup est donc constant pour chacun des ordres traités. Décision de poursuite Les conditions d'arrêt de l'algorithme dépendent du type de Pgcd rechercher.  Dans le cas du PGCD classique, l'algorithme se termine lorsque ordre =  Dans le cas du PGCD d'ordre α, l'algorithme se termine lorsqu'es atteint l'ordre maximal fixé. la condition d'arrêt est : ordre α. Dans le cas du δ-PGCD, l'algorithme s'interrompt lorsque le taux d'erreur cible est franchi. La condition d'arrêt est δ δ-cible. Dans le cas du PGCD d'ordre α ou de précision δ, les deux conditions précédentes (sur l'ordre et sur la précision) sont vérifiées la première qui est remplie interrompt l'algorithme.   Racine(pivot). Cout : cette décision qui est prise à la fin de la construction de la description de chaque ordre implique un test afin de vérifier si les conditions d'arrêt sont remplies, il s'agit soit de comparer l'ordre à un maximum soit de comparer le taux d'erreur à une cible ou les deux éventuellement. Soit maximum deux opérations pour chacun des ordres étudier. Le coup est donc constant pour chacun des ordres traités. Détermination de l'ordre suivant Lorsque la décision de poursuite est prise, il faut déterminer l'ordre suivant avant de relancer la construction. Les ordres ne sont pas toujours parcourus de façon linéaire de 1 jusqu'au maximum. La suite des ordres sur lesquels on itère dépends essentiellement du type de PGCD auquel on s'intéresse. Nous avons vu jusqu'ici que le coup de construction du générateur idéal pour un ordre donnée était assez faible (linéaire en fonction du nombre d'entrée). Le cout final de notre algorithme dépendra donc essentiellement de notre capacité à réduire au minimum possible le nombre d'ordre qui seront étudiés afin de calculer le PGCD, et donc notre capacité à déterminer avec un coup minimal l'ordre suivant ayant un potentiel d'amélioration du niveau d'erreur courant. PGCD classique Ici on ne s'intéresse qu'aux ordres qui sont diviseurs du Pivot. L'ordre suivant (NextOrder) est donc le prochain diviseur du Pivot entre l'ordre courant et la racine du pivot. Si la racine du pivot est franchi l'ordre suivant est le pivot lui-même et le PGCD vaut 1. Un ordre est jugé utilisable si :  Le rapport (Pivot/Ordre) est entier. Cette approche rend le coup de l'algorithme très important dans le cadre du PGCD, nous pouvons l'améliorer en exploitant les résultats sur le fractionnement afin de déterminer le prochain ordre à envisager. PGCD d'ordre α L'un des grands intérêts du PGCD d'ordre α est que le cout est maitrisé, et le nombre d'itération maximal qui vaut α est connu à l'avance. La recherche de l'ordre suivant (NextOrder) se fait entre l'ordre courant et l'ordre maximal (Alpha) Un ordre est jugé utilisable si : Il garantit un taux d'erreur sur le pivot inférieur au taux d'erreur courant. Le δ-PGCD 122 Contrairement au PGCD d'ordre α, le cout ici ne peut être anticipé, il est intrinsèquement lié au niveau de précision que l'on souhaite obtenir et à l'ordre permettant de corriger les données pour obtenir un PGCD d'une telle précision. La recherche de l'ordre suivant (NextOrder) se fait entre l'ordre courant et l'ordre maximal ici égal au Pivot. Un ordre est jugé utilisable si :  Il garantit un taux d'erreur sur le pivot inférieur au taux d'erreur cible. PGCD d'ordre α ou de précision δ Le problème posé sous cette forme permet de mieux maitriser le coup lié à une recherche de δ-PGCD, en rajoutant un ordre maximal. On a alors une double condition portant à la fois sur l'ordre et sur la précision. La recherche de l'ordre suivant (NextOrder) se fait entre l'ordre courant et l'ordre maximal (Alpha) PARALLELISATION De nos jours la parallélisassions es devenu un des principaux enjeux en algorithmique. Les principaux centres de calcul disposant désormais de grille de calcul importante, la capacité à utiliser de façon optimale cette ressource est un critère de plus en plus important dans le choix de l'algorithme à utiliser pour résoudre un problème donné. L'un des grands intérêts de notre approche pour la résolution des problèmes de calcul des PGCD est que sa parallélisassions est quasi trivial. En effet nous pouvons tirer parti du fait que l'évaluation des diviseurs commun des différents ordres est quasi indépendante des autres. Aussi avons-nous la possibilité d'exécuter en parallèle ces recherches de diviseur commun. La parallélisassions de l'algorithme se réduit donc quasiment à la transformation de sa boucle principale (sur les ordres), en une boucle distribué, partageant les calculs sur les processeurs disponible. (Avec la nouvelle norme C++, ou des outils de parallélisassions tel Intel parallèle studio, cette mise en parallèle de boucle, ne demande rien plus que l'ajout d'un mot clé). La seule difficulté sera pour la question des PGCD approximatif, de tirer parti de la précision déjà atteinte par les éléments d'ordre supérieur, et de vérifier la condition d'arrêt. Les différents calculs qui s'exécutent en parallèle doivent pouvoir mettre à jour une variable commune contenant le niveau de précision atteint. Cependant l'accès à cette variable doit être quelque peu réglementé. En effet étant donné que le PGCD est définit comme le générateur idéal d'ordre maximal vérifiant certaine conditions, il est important que la mise à jour de cette variable se fasse suivant les ordres i.e. l'élément 123 d'ordre 1 dois mettre à jour la variable avant que l'élément d'ordre 2 le fasse,ect. Si un tel ordonnanceur est construit pour régler l'accès à cette ressource, il suffira après chaque mise à jour de vérifier le seuil attient et de le comparer à la cible. CONCLUSION ET PISTES DE RECHERCHE Nous avons construit dans cet article les bases de la δ-arithmétique. Dans cette généralisation de l'arithmétique classique, les propriétés ne sont plus envisagées comme des caractéristiques figées apparaissant de façon spontanée. Au contraire la δarithmétique s'emploie à démontrer qu'en général, elles émergent d'un processus continu qui trouve son aboutissement dans l'émergence de la propriété recherché (coïncidence de l'idéal de la δ-arithmétique, avec la propriété correspondante en arithmétique classique). Par ailleurs la δ-arithmétique envisage toujours un élément et son voisinage comme un tout solidaire. Afin de prendre en compte cette vision intégrant les éléments dans leur voisinage, l'un de nos principaux outils a été l'identification des structures stables. Celles – ci représentent des sorte d'invariant partagé entre un élément et ses voisins et permettant donc d'analyser le voisinage comme un tout dont on peut directement extraire les informations nécessaire au calcul des quantités recherchés. La suite de notre recherche portera sur la recherche et l'exploitation de nouvelle structure stables. Nous nous intéresserons aussi au structure quasi stable, celles-ci contrairement au première ne restent pas quasiment inchangé pour un plage de valeur considéré, mais leur évolution est suffisamment lente pour que leur valeur initiale puisse servir d'approximation de la valeur sur des plages d'une certaine taille. Le premier succès de cette nouvelle approche a été de permettre une clarification de certain problème d'arithmétiques tel qu'ils se posent dans les environnements réel. Contrairement au monde mathématique abstrait et idéal fait dans lequel émerge les concepts fondamentaux d'arithmétique, monde fait de certitudes, d'exactitude, de précisions, de rigueur, environnements réel aux quels se confrontent les ingénieurs sont fait de d'incertitude, d'imprécision, et marqué par une certaine flexibilité, dont on use souvent pour simplifier ou adapter les données aux problèmes à résoudre. La δ-arithmétique se veut donc dans ce sens, une sorte d'arithmétique de l'ingénieur, s'adaptant aux problématiques quotidiennes rencontrées par ces derniers. Cette nouvelle approche à démontré son efficacité en nous proposant de nouveaux algorithme pour la résolution de grand problèmes d'arithmétique Nos prochains travaux porteront donc sur les renforcements des bases de cette nouvelle extension de l'arithmétique. Nous continuerons d'exploité ce nouveau framework pour résoudre les problèmes d'arithmétique rencontrée au quotidien par les ingénieurs..
25,483
0335a76eedd62ce29b15f16e4893bcc1_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,017
Satisfaction des citoyens à l'égard du système éducatif et des établissements d'enseignement (2007 et 2016)
None
French
Spoken
7,117
13,147
En moyenne, la rémunération des spécialistes « senior » s’élève à 88 667 USD à parité de pouvoir d’achat (PPA) dans la zone OCDE, dont 16 103 USD à PPA correspondent aux cotisations de l’employeur et 15 461 USD à PPA à l’ajustement lié au temps de travail. La rémunération des spécialistes « junior » s’établit à 68 453 USD à PPA. Ces derniers gagnent donc en moyenne 23 % de moins que les spécialistes senior. Cet écart s’explique avant tout par des différences d’ancienneté et d’expérience. C’est au Chili, au Danemark et au Mexique ainsi qu’en Colombie que l’écart de rémunération entre spécialistes senior et junior est le plus important, et en Corée qu’il est le plus faible. Les cadres supérieurs de niveau D1 gagnent en moyenne 2.6 fois plus que les spécialistes senior, ce qui tend à montrer que l’avantage financier lié aux responsabilités de gestionnaire est nettement plus important que celui qui est associé à la spécialisation technique. L’écart de rémunération entre les cadres supérieurs D1 et les spécialistes senior est maximal au Mexique, en Italie et au Royaume-Uni, et minimal en Islande, en Slovénie, aux Pays-Bas et en Espagne. Après ajustement au regard du produit intérieur brut (PIB) par habitant, on constate que les spécialistes chiliens et colombiens perçoivent la rémunération la plus élevée, tandis que la Norvège et la Lituanie affichent le plus bas niveau de rémunération des spécialistes. ou fédérales. Des représentants de ministères et d’organismes de l’administration centrale y ont répondu par l’intermédiaire du Groupe de travail de l’OCDE sur l’emploi et la gestion publics. Les données portent sur six ministères ou directions de l’administration centrale (Intérieur, Finances, Justice, Éducation, Santé et Environnement, ou leurs équivalents). La nomenclature et les définitions des activités professionnelles sont tirées de la Classification internationale type des professions de 2008 (CITP-08) établie par l’Organisation internationale du travail (OIT). Les niveaux de rémunération correspondent à la moyenne des rémunérations du personnel en fonction. La rémunération totale comprend le traitement ou salaire brut et les cotisations sociales de l’employeur, que le régime soit capitalisé ou non. Les seules cotisations sociales prises en compte sont les cotisations aux régimes d’assurance maladie et de retraite, de sorte que l’on dispose de données cohérentes à l’échelle de l’ensemble des pays. On a converti les rémunérations en USD en utilisant les parités de pouvoir d’achat (PPA) de la consommation privée issues de la base de données des Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux. L’ajustement lié au temps de travail compense les écarts en la matière, compte tenu à la fois du nombre moyen d’heures de travail et du nombre moyen de jours de congé. Les résultats de la comparaison avec les données recueillies précédemment ont une portée limitée car la méthodologie a légèrement évolué. Voir l’annexe D pour de plus amples informations sur la méthodologie. Pour en savoir plus OCDE (2012), Public Sector Compensation in Times of Austerity, Éditions OCDE, Paris. Notes relatives aux graphiques Informations sur les données concernant Israël : http://dx.doi.org/ 10.1787/888932315602. Méthodologie et définitions Les notes relatives aux graphiques sont accessibles dans les statslinks. Les données se rapportent à 2015 et ont été rassemblées dans le cadre de l’Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales 112 PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION La rémunération des spécialistes dans l’administration centrale 3.20. Rémunération annuelle moyenne des spécialistes senior et junior dans l’administration centrale (2015) Ajustée par rapport aux différences en matière d’heures de travail et de jours de congé Traitement ou salaire Cotisations sociales de l’employeur Ajustement lié au temps de travail 2015 USD à PPA 180 000 150 000 120 000 90 000 60 000 30 000 CO Specialiste senior Specialiste junior LT U Specialiste senior Specialiste junior Specialiste senior Specialiste junior DE L Specialiste senior Specialiste junior R OC Specialiste senior Specialiste junior GB ES E Specialiste senior Specialiste junior Specialiste senior Specialiste junior N P Specialiste senior Specialiste junior T SW Specialiste senior Specialiste junior R NO SV Specialiste senior Specialiste junior D NL PR Specialiste senior Specialiste junior EX Specialiste senior Specialiste junior M LV A Specialiste senior Specialiste junior R KO Specialiste senior Specialiste junior L Specialiste senior Specialiste junior Specialiste senior Specialiste junior C IS Specialiste senior Specialiste junior U GR Specialiste senior Specialiste junior A DE Specialiste senior Specialiste junior N FR Specialiste senior Specialiste junior T FI Specialiste senior Specialiste junior K ES Specialiste senior Specialiste junior L DN Specialiste senior Specialiste junior N CH Specialiste senior Specialiste junior L BE CA Specialiste senior Specialiste junior T AU IT A 0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538299 3.21. Rémunération annuelle moyenne des économistes senior et junior de l’administration centrale, rapportée au PIB par habitant Specialiste senior Specialiste junior Ratio en 2015 6.0 5.0 4.0 3.0 2.0 1.0 LT U L CO R DE OC GB E SW P ES T N SV R NO PR D NL EX M LV A R KO IT A L IS C GR U DE A FR N FI T ES K DN L CH N L BE CA T AU 0.0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538318 PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 113 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION La rémunération du personnel de secrétariat Les emplois de secrétariat correspondent au niveau le plus bas de la hiérarchie des professions pour lesquelles l’OCDE recueille des données en matière de rémunération. Il s’agit généralement d’emplois qui nécessitent un niveau de compétence et d’instruction moins élevé que les postes de cadre ou de spécialiste, et qui sont plus souvent occupés par des femmes. En moyenne, la rémunération des secrétaires s’élève à 52 748 USD à PPA, dont 9 823 USD à PPA de cotisations sociales versées par l’employeur et 9 445 USD à PPA d’ajustement lié au temps de travail. La part de ces cotisations et de cet ajustement dans la rémunération totale est la même, soit environ 18 %. La rémunération est susceptible de varier en fonction des conditions de travail et du contexte local, mais aussi des heures de travail. Les données présentées ici ont été corrigées des différences liées au temps de travail et aux congés. C’est au Chili que le nombre d’heures de travail est le plus élevé. Comme pour les autres catégories professionnelles examinées ici, la part des cotisations sociales de l’employeur dans la rémunération totale des emplois de secrétariat est très variable à l’échelle de la zone OCDE. Les écarts peuvent s’expliquer par l’influence de facteurs historiques, culturels ou politiques sur l’ampleur des prestations de sécurité sociale à servir et sur le mode de financement du système de sécurité sociale, et par l’expression de préférences nationales sur ces deux aspects. Les cotisations sociales de l’employeur peuvent être considérées comme des contributions, financées par l’organisation dans son ensemble, au versement différé d’un salaire (la pension) et de prestations d’assurance (maladie). Pour rendre compte du montant total des cotisations aux régimes de sécurité sociale, il faut intégrer les cotisations de l’agent comprises dans son salaire brut. Par ailleurs, il n’existe pas forcément de corrélation entre le montant des cotisations sociales et la qualité du système de sécurité sociale. Comme pour les autres catégories professionnelles, la part de l’employeur dans les cotisations sociales est minime au Mexique et en Colombie et particulièrement importante en Suède et en France. Une fois rapportée au produit intérieur brut (PIB) par habitant, la rémunération des secrétaires s’avère la plus élevée en Grèce et en Colombie, et la plus faible en Slovénie et en Islande. Le bonheur et la motivation des employés reposent en grande partie sur la relativité des salaires, qui joue un rôle déterminant à l’égard du sentiment d’équité qu’ils éprouvent, et influe par conséquent sur leur motivation. La dispersion de la rémunération au sein du personnel a également des répercussions sur les inégalités sociales et la confiance dans les pouvoirs publics. Les secrétaires gagnent en moyenne quatre fois moins que les cadres supérieurs (D1). Cet écart de rémunération est particulièrement prononcé dans les cas du Mexique, du Chili et de l’Australie, ainsi que de la Colombie, où la rémunération des cadres supérieurs est plus de huit fois supérieure à celle des secrétaires, et il est le plus faible en Grèce, en Norvège, en Finlande, en Islande et aux Pays-Bas, où les cadres supérieurs gagnent moins de trois fois et demi ce que perçoivent les secrétaires. 114 Méthodologie et définitions Les données se rapportent à 2015 et ont été rassemblées dans le cadre de l’Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales. Des représentants de ministères et d’organismes de l’administration centrale y ont répondu par l’intermédiaire du Groupe de travail de l’OCDE sur l’emploi et la gestion publics. Les données portent sur six ministères ou directions de l’administration centrale (Intérieur, Finances, Justice, Éducation, Santé et Environnement, ou leurs équivalents). La nomenclature et les définitions des activités professionnelles sont tirées de la Classification internationale type des professions de 2008 (CITP-08) établie par l’Organisation internationale du travail (OIT). Les niveaux de rémunération correspondent à la moyenne des rémunérations du personnel en fonction. La rémunération totale comprend le traitement ou salaire brut et les cotisations sociales de l’employeur, que le régime soit capitalisé ou non. Les seules cotisations sociales prises en compte sont les cotisations aux régimes d’assurance maladie et de retraite, de sorte que l’on dispose de données cohérentes à l’échelle de l’ensemble des pays. On a converti les rémunérations en USD en utilisant les parités de pouvoir d’achat (PPA) de la consommation privée issues de la base de données des Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux. L’ajustement lié au temps de travail compense les écarts en la matière, compte tenu à la fois du nombre moyen d’heures de travail et du nombre moyen de jours de congé. Les résultats de la comparaison avec les données recueillies précédemment ont une portée limitée car la méthodologie a légèrement évolué. Voir l’annexe D pour de plus amples informations sur la méthodologie. Pour en savoir plus OCDE (2012), Public Sector Compensation in Times of Austerity, Éditions OCDE, Paris. Notes relatives aux graphiques Informations sur les données concernant Israël : http://dx.doi. org/10.1787/888932315602. Les notes relatives aux graphiques sont accessibles dans les statslinks. PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION La rémunération du personnel de secrétariat 3.22. Rémunération annuelle moyenne des agents publics assurant des fonctions de secrétariat (2015) Ajustée par rapport aux différences en matière d’heures de travail et de jours de congé Traitement ou salaire Cotisations sociales de l’employeur Ajustement lié au temps de travail 2015 USD à PPA 90 000 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 L LT U CO DE R OC GB E SW P ES N SV T PR D R NO NL R EX M KO IT A L IS C GR U DE A FR N FI L K DN CH N L BE CA T S AU AU 0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538337 3.23. Rémunération annuelle moyenne des agents publics assurant des fonctions de secrétariat, rapportée au PIB par habitant Ratio en 2015 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 LT U L CO R DE OC GB E P SW ES N SV T R NO PR D NL EX M R KO IT A L IS C GR U DE A FR N FI K DN L CH N L BE CA T AU AU S 0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538356 PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 115 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION La rémunération dans certaines professions de service public Les agents de service public qui travaillent au contact des usagers représentent le visage de l’administration publique pour la majorité des citoyens, en conséquence de quoi leur comportement et leur compétence ont une influence directe sur la perception des institutions publiques par la population. Les agents et les inspecteurs de police travaillent en relation avec les usagers afin d’assurer conjointement la prestation au moindre coût de services publics offrant satisfaction. Leur dévouement et leur motivation jouent donc un rôle primordial dans la double perspective d’une amélioration de la qualité de la prestation des services publics et d’un renforcement de la confiance des agents publics et des usagers dans leurs administrations. On trouvera ici des données relatives à des professions liées au maintien de l’ordre et à l’administration fiscale, c’est-àdire des données concernant : les inspecteurs et enquêteurs de police, les agents de police, les agents de l’immigration, les inspecteurs des douanes et les inspecteurs des impôts. Si ces professions existent dans tous les pays, les fonctions correspondantes peuvent toutefois être assurées, dans certains cas, par des administrations infranationales au titre desquelles nous ne recueillons pas de données. La rémunération des inspecteurs de police s’élève en moyenne à 81 952 USD à parité de pouvoir d’achat (PPA) dans la zone OCDE, et celle des agents de police à environ 64 795 USD à PPA, ce qui signifie que les premiers gagnent 26.5 % de plus que les seconds en moyenne. Cet écart donne la mesure de l’avantage financier dont s’accompagne l’exercice de plus lourdes responsabilités. Les écarts de rémunération entre les cinq professions énumérées plus haut sont relativement faibles, ce qui pourrait laisser entendre que les qualifications requises pour les exercer sont pratiquement semblables. Le rapport entre la rémunération d’un spécialiste et celle d’un agent dont la fonction est plus générale constitue un indicateur de l’attractivité relative des emplois de spécialiste. En outre, ces professions étant exposées à un risque de corruption mineure, le fait de bien rémunérer les fonctionnaires de police et les fonctionnaires des impôts pourrait contribuer à l’atténuation de ce risque. Les inspecteurs des impôts gagnent en moyenne 19 % de moins que les inspecteurs de police et seulement 2 % de plus que les agents de police. L’écart de rémunération entre inspecteurs des impôts et inspecteurs de police est maximal en Australie, en France et en Islande, où les derniers sont avantagés de plus de 30 % par rapport aux premiers. Quant à l’écart de rémunération entre inspecteurs des impôts et agents de police, c’est en Slovénie, en Espagne et au Portugal qu’il est le plus important. Les inspecteurs de police gagnent en moyenne 33 % de plus que les inspecteurs des douanes, un écart qui enregistre son plus haut en Australie et en Norvège et son plus bas au POrugal, en Suède et en Corée. En moyenne, dans la zone OCDE, les agents de l’immigration gagnent à peine 5 % de moins que les agents de police. Une fois la rémunération rapportée au produit intérieur brut (PIB) par habitant, le tableau n’est plus le même : c’est au 116 Chili et au Portugal que les agents dans certaines de ces cinq fonctions sont les mieux rémunérés ; à l’inverse, la Lettonie ainsi que la Lituanie affichent le niveau de rémunération le plus bas concernant ces professions. Méthodologie et définitions Les données se rapportent à 2015 et ont été rassemblées dans le cadre de l’Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales. Des représentants de ministères et d’organismes de l’administration centrale y ont répondu par l’intermédiaire du Groupe de travail de l’OCDE sur l’emploi et la gestion publics. Les données portent sur certains agents de service public travaillant au contact des usagers (inspecteurs et enquêteurs de police, agents de police, agents de l’immigration, inspecteurs des douanes et inspecteurs des impôts). La nomenclature et les définitions des activités professionnelles sont tirées de la Classification internationale type des professions de 2008 (CITP-08) établie par l’Organisation internationale du travail (OIT). Bien que tous les pays emploient des agents chargés d’accomplir ces missions de maintien de l’ordre et d’administration fiscale, les données fournies par plusieurs d’entre eux ne permettent pas de dissocier certaines fonctions. La rémunération totale comprend le traitement ou salaire brut et les cotisations sociales de l’employeur, que le régime soit capitalisé ou non, y compris les cotisations de retraite versées par l’intermédiaire du budget de l’État plutôt que de cotisations sociales émanant de l’employeur (cas de certains régimes par répartition, principalement). Les seules cotisations sociales prises en compte sont les cotisations aux régimes d’assurance maladie et de retraite, de sorte que l’on dispose de données cohérentes à l’échelle de l’ensemble des pays. On a converti les rémunérations en USD en utilisant les parités de pouvoir d’achat (PPA) de la consommation privée issues de la base de données des Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux. L’ajustement lié au temps de travail compense les écarts en la matière, compte tenu à la fois du nombre moyen d’heures de travail et du nombre moyen de jours de congé. Voir l’annexe D pour de plus amples informations sur la méthodologie. Notes relatives aux graphiques Les notes relatives aux graphiques sont accessibles dans les statslinks. PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION La rémunération dans certaines professions de service public 3.24. Rémunération annuelle moyenne des agents de service public travaillant au contact des usagers (2015) Ajustée par rapport aux différences en matière d’heures de travail et de jours de congé Inspecteurs et enquêteurs de police Agents de police Agents de l’immigration Inspecteurs des impôts Agents de l’immigration 2015 USD à PPA 160 000 140 000 120 000 100 000 80 000 60 000 40 000 20 000 LT U L CO OC GB DE R E P SW ES N SV T PR R NO LV A R KO IT A L C GR IS A N FI FR T DN ES K L CH N L BE CA T AU AU S 0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538375 3.25. Rémunération annuelle moyenne des inspecteurs, des enquêteurs et des agents de police de l’administration centrale, rapportée au PIB par habitant Inspecteurs et enquêteurs de police Agents de police Ratio en 2015 3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 LT U DE OC GB R E SW P ES N SV T PR R NO LV A R KO IT A L C GR IS A FI FR N T ES K L BE DN T AU AU S 0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538394 3.26. Rémunération annuelle moyenne des agents de l’immigration, des inspecteurs des douanes et des inspecteurs des impôts de l’administration centrale, rapportée au PIB par habitant Agents de l’immigration Inspecteurs des douanes Inspecteurs des impôts Ratio en 2015 5.0 4.5 4.0 3.5 3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 LT U L CO R DE OC GB E SW P ES N SV T PR R NO LV A R KO IT A L C GR IS A FR N T ES FI L CH N L BE CA T AU AU S 0 Sources : Enquête 2016 de l’OCDE sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales ; Base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE/Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538413 PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 117 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION Les salaires des enseignants Les salaires des enseignants représentent l’essentiel des dépenses et investissements réalisés dans l’enseignement scolaire, et peuvent avoir d’importantes répercussions sur la structure du corps enseignant et sur la qualité de l’enseignement. Le secteur de l’éducation entre en concurrence avec d’autres secteurs pour se doter des agents les mieux qualifiés. Les salaires des enseignants peuvent influencer fortement le choix des diplômés de devenir enseignants, et le choix des enseignants de rester dans la profession. inférieurs au salaire moyen de ces travailleurs diplômés dans 21 pays de l’OCDE. Par exemple, en République slovaque et en République tchèque, les enseignants gagnent moins de la moitié de la rémunération des employés titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Afin de comparer les salaires des enseignants, il faut prendre en compte dans l’analyse les effets du type et du niveau d’enseignement, qu’il s’agisse du primaire ou du premier ou deuxième cycle du secondaire. Les données présentées ici permettent de comparer les salaires statutaires bruts en début de carrière, en milieu de carrière et à l’échelon maximum des enseignants du premier cycle du secondaire possédant les qualifications typiques et exerçant dans un établissement public. Cette comparaison s’accompagne d’une mise en garde car pour effectuer des comparaisons de portée internationale, il faut tenir compte du fait que les salaires statutaires ne sont qu’une composante, certes importante, de la rémunération des enseignants. Des écarts entre les pays en matière d’avantages sociaux, de cotisations sociales acquittées par l’employeur et par l’employé, de fiscalité, et de primes et indemnités peuvent induire des différences dans la rémunération totale. De plus, les salaires des enseignants n’ont pas été corrigés des différences en termes d’heures de travail et de jours de congé contractuels, qui peuvent être pertinentes pour des comparaisons nationales et internationales. Il n’en reste pas moins que ces données peuvent fournir des indications sur les différences qui existent entre les pays de l’OCDE en matière de rendement de l’enseignement. Les salaires statutaires correspondent aux salaires prévus dans les barèmes de rémunération officiels. Les salaires indiqués sont exprimés en montant brut (somme totale versée par l’employeur, avant impôts) diminué des cotisations de l’employeur aux régimes de sécurité sociale et de retraite (en fonction des barèmes de salaire existants). Ils sont donnés ici pour un enseignant exerçant à temps plein et possédant les qualifications typiques, en début de carrière, au bout de 15 ans d’ancienneté et au niveau de salaire annuel maximum (dernier échelon). Il convient de distinguer les salaires statutaires présentés dans cet indicateur des dépenses salariales réelles des administrations, d’une part, et des salaires moyens des enseignants, d’autre part. De plus, cet indicateur n’est pas directement comparable avec les données sur la rémunération des agents des administrations centrales ou fédérales qui sont présentées dans ce chapitre. Les salaires des enseignants augmentent avec leur ancienneté, le montant du salaire annuel statutaire moyen atteignant 44 407 USD dans la zone OCDE en 2014 pour un enseignant qui possède 15 ans d’ancienneté. On relève d’énormes écarts de salaire entre les pays : les enseignants gagnent environ 113 000 USD par an au Luxembourg, mais moins de 20 000 USD par an en Hongrie, en République tchèque et en République slovaque. Les augmentations réglementaires du salaire des enseignants tout au long de leur carrière varient considérablement elles aussi. Si l’écart entre les montants minimum et maximum du barème des salaires s’élève à 58 000 USD environ au Luxembourg, le salaire des enseignants peut évoluer à la hausse dans une fourchette de moins de 10 000 USD en Norvège, au Danemark, en République slovaque, en Turquie et en République tchèque. Dans les pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, les enseignants gagnent en moyenne 91 % de la rémunération des employés diplômés de l’enseignement supérieur. Dans sept pays de l’OCDE, les salaires des enseignants dépassent la rémunération de ces derniers, les enseignants mexicains étant les mieux lotis avec un écart de 74 % en leur faveur. Les salaires des enseignants sont quasiment identiques à ceux des travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur en Grèce, en Allemagne et en Suisse. En revanche, ils sont 118 Méthodologie et définitions On a converti les salaires bruts des enseignants en USD en utilisant les parités de pouvoir d’achat (PPA) de la consommation privée issues de la base de données des Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux. L’indicateur de relativité des salaires est tiré du tableau D3.2b (disponible en ligne) des « Regards sur l’éducation 2016 ». Les salaires des enseignants correspondent aux salaires statutaires au bout de 15 ans d’ancienneté. La rémunération des travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur est la rémunération moyenne des travailleurs à temps plein et en année pleine, âgés de 25 à 64 ans, dont le niveau de formation se situe au niveau 5, 6, 7 ou 8 de la Classification internationale type de l’éducation (CITE). Pour de plus amples détails, veuillez vous reporter à l’encadré D3.2 des « Regards sur l’éducation 2016 ». Pour en savoir plus OCDE (2016), Regards sur l’éducation 2016 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris (http://dx.doi.org/10.1787/eag2016-fr). Notes relatives aux graphiques Informations sur les données concernant Israël : http://dx.doi.org/ 10.1787/888932315602. Les notes relatives aux graphiques sont accessibles dans les statslinks. PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 3. EMPLOI PUBLIC ET REMUNERATION Les salaires des enseignants 3.27. Salaires statutaires des enseignants du premier cycle du secondaire possédant les qualifications typiques et exerçant dans un établissement public (2014) Salaire au bout de 15 ans d’ancienneté Salaire au bout de 15 ans d’ancienneté Salaire au dernier échelon du barème USD à PPA 160 000 140 000 120 000 100 000 80 000 60 000 40 000 20 000 IT A IS R TU R CH L PO L GR C HU N CZ E SV K CH E An gl et er re ES FR A M EX P AU T (G BR ) NZ L OC DE Ec os NO se R (G BR ) FI N PR T SW E SV N BE N L ( B E F l.) L (F r.) KO R K JP DN N US A IR L AU S CA U D NL LU DE X 0 Source : OCDE (2016), Regards sur l’éducation 2016 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris (http://dx.doi.org/10.1787/eag-2016-fr). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538432 3.28. Rapport entre le salaire des enseignants et la rémunération des travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur (2014) 2 1 IT A CH L PO L NO R AU T HU N SV K CZ E R US A FR A IS N BR ) IR BE L L (F r.) DN K Ec os se (G FI L l.) NZ (F L BE D DE NL OC N SV N R GR C DE An U gl et er CH re E (G BR ) AU S TU CA T P ES PR X LU R KO M EX 0 Source : OCDE (2016), Regards sur l’éducation 2016 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris (http://dx.doi.org/10.1787/eag-2016-fr). 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538451 PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2017 © OCDE 2017 119 4. LES INSTITUTIONS Éclairage : les institutions et les pratiques visant à préserver les régulateurs de toute influence indue Éclairage : mécanismes consultatifs indépendants des administrations publiques Éclairage : Capacité du centre de gouvernement à mettre en œuvre les objectifs de développement durable des nations unies Éclairage : le rôle des organisations internationales dans la coopération réglementaire internationale Panorama des administrations Publiques 2017 © oCde 2017 121 4. LES INSTITUTIONS Éclairage : les Institutions et les pratiques visant à préserver les régulateurs de toute influence indue les régulateurs assurent l’accès aux grands marchés et secteurs qui fournissent des services essentiels aux particuliers et aux entreprises. ils effectuent un suivi de la qualité, facilitent la gestion des infrastructures et renforcent l’efficience des marchés, à l’interface entre les pouvoirs publics, le secteur privé et les usagers. tous les acteurs précités ont de bonnes raisons de chercher à influer sur les politiques menées en matière de réglementation. la question fondamentale est de savoir comment contenir les tentatives d’influence indue afin de permettre aux régulateurs d’agir avec objectivité, impartialité et cohérence, sans conflits d’intérêts ni parti pris. Les dispositifs de gouvernance formels ou de jure sont importants pour préserver les régulateurs de toute influence indue. dans le cadre de la base de données de l’oCde sur la réglementation des marchés de produits (rmP), on a recueilli des données sur l’indépendance des régulateurs au sein des secteurs de services aux collectivités. l’indicateur est fondé sur les structures formelles qui isolent le régulateur de toute influence indue, et montre notamment si le régulateur peut recevoir des instructions du pouvoir exécutif ; si son indépendance est proclamée dans un texte ; quels organes peuvent annuler ses décisions ; et comment ses agents sont recrutés et congédiés. les scores s’échelonnent entre 0 (pour les structures de gouvernance les plus indépendantes) et 6 (pour les structures de gouvernance les moins indépendantes). les données montrent que, bien que les régulateurs bénéficient, pour la plupart, d’une indépendance formelle, on constate un certain degré de variété dans leurs modalités d’organisation institutionnelle. malgré l’indépendance formelle des régulateurs, il est courant que les pouvoirs publics exercent sur eux une « fonction de correction et de contrôle » et leur donnent des orientations et des instructions. C’est l’agence fédérale des réseaux allemande (bnetza) qui présente le plus haut degré d’indépendance, puisqu’elle ne reçoit d’instructions officielles qu’à titre exceptionnel, et puisque ses décisions ne peuvent être contestées que devant les tribunaux en dernière instance. la traduction concrète des dispositifs formels peut avoir une forte incidence sur l’indépendance du régulateur. les données relatives à ces pratiques concrètes ont été recueillies par le truchement d’une enquête abordant les aspects qui influent sur le comportement effectif des organismes de régulation. il en ressort qu’il y a, au cours de l’existence d’un régulateur, un certain nombre de périodes charnières où une notion de proximité ou de dépendance peut entraver son aptitude à agir en toute indépendance. l’une de ces périodes charnières est le choix des candidats à des sièges au conseil d’administration ou à la présidence de l’organisme. Pour la plupart des régulateurs, c’est le pouvoir exécutif qui propose les candidatures au conseil d’administration. Cette proposition peut émaner du Conseil des ministres, du Premier ministre 122 ou de ministères sectoriels. il n’y a que pour six régulateurs qu’il y ait un comité de sélection – pleinement indépendant ou composé à la fois de représentants des autorités et de membres indépendants – chargé de proposer les candidatures au conseil d’administration. le processus de désignation paraît plus transparent. Pour neuf régulateurs, dont la Commission de régulation de l’énergie, en France, le candidat doit se prêter à une audition parlementaire et à un vote formel en commission parlementaire. Méthodologie et définitions les données rmP sur l’indépendance des régulateurs dans six secteurs de services aux collectivités (électricité, gaz, télécommunications, infrastructures routières, aéroports et ports) ont été rassemblées en 2013 par le truchement d’un questionnaire comportant environ 300 questions sur les pratiques en matière de gestion de la réglementation. on trouvera un complément d’information sur la base de données rmP à l’adresse suivante : www.oecd.org/eco/pmr. les données relatives aux aspects concrets de l’indépendance des régulateurs ont été recueillies en 2015, par le truchement d’un questionnaire portant sur les dispositifs de facto existant en la matière. les résultats sont ici présentés pour 44 régulateurs issus de 23 pays, dont 19 pays de l’oCde (allemagne, australie, autriche, Canada, espagne, estonie, France, Hongrie, irlande, italie, lettonie, mexique, norvège, Pays-bas, Portugal, royaume-uni, suède, suisse et turquie), 3 pays candidats à l’adhésion (Colombie, Fédération de russie et lituanie) et l’afrique du sud. les secteurs de services aux collectivités couverts sont l’énergie (33 %), le transport (13 %), les télécommunications (15 %), l’eau (6 %) et les services de paiement (2 %). Pour en savoir plus Koske, i., naru F. et al. (2016), « regulatory management practices in oeCd countries », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1296, Éditions oCde, Paris. Notes relatives aux graphiques les notes relatives aux graphiques sont accessibles dans les statslinks. informations sur les données org/10.1787/888932315602. pour israël: http://dx.doi. Panorama des administrations Publiques 2017 © oCde 2017 4. LES INSTITUTIONS Éclairage : les Institutions et les pratiques visant à préserver les régulateurs de toute influence indue 4.1. Indépendance des régulateurs au sein de six secteurs de services aux collectivités (2013) Indépendance minimale 6 5 4 3 2 1 DE U IT A TU R KO R GR C HU N SV K IR L CA N ES P CZ E IS R FR A CH E DN K OC DE PO L ES T PR T LU X JP N SV N NZ L AU T NL D FI N BE L SW E M EX CH L GB R IS L AU S NO R 0 Indépendance maximale Source : base de données de l’oCde (2013) sur la réglementation des marchés de produits, www.oecd.org/eco/pmr. 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538470 4.2. Autorité chargée de proposer les candidatures pour les membres du conseil d’administration/le dirigeant du régulateur (2015) 25 20 15 10 5 0 Exécutif Comité de sélection paritaire Experts indépendants uniquement Exécutif et parlement Parlement Au choix des pouvoirs publics Source : enquête de l’oCde (2015) sur l’indépendance des régulateurs économiques 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538489 4.3. Autorité chargée de désigner les membres du conseil d’administration/le dirigeant du régulateur (2015) 30 25 20 15 10 5 0 Exécutif Chef de l’État dépourvu de pouvoirs exécutifs Parlement Exécutif et parlement Autre régulateur Source : enquête de l’oCde (2015) sur l’indépendance des régulateurs économiques 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538508 Panorama des administrations Publiques 2017 © oCde 2017 123 4. LES INSTITUTIONS Éclairage : mécanismes consultatifs indépendants des administrations publiques les administrations et décideurs publics se heurtent à des problèmes de plus en plus complexes et imbriqués qui requièrent des solutions sur mesure. Pour les résoudre et pour mettre fin aux approches cloisonnées, l’élaboration des politiques publiques doit s’appuyer sur une infrastructure de la connaissance fiable et fondée sur les faits. les mécanismes consultatifs, qui prennent la forme de réseaux ou de groupements d’organismes, sont un pilier essentiel de cette infrastructure de la connaissance. ils fournissent aux administrations les analyses approfondies et fondées sur des faits qui éclairent chaque phase du cycle de l’action publique, en particulier celles de la conception et du lancement des mesures. Ces mécanismes comprennent parfois des organes consultatifs permanents ou ad hoc dont la durée de vie, la structure et le mandat varient ; tantôt ils sont placés sous l’autorité directe des pouvoirs publics, tantôt ils en sont distincts, voire indépendants. l’enquête 2016 de l’oCde sur les mécanismes consultatifs porte principalement sur les organismes consultatifs indépendants des administrations publiques. bien qu’ils ne soient pas placés au sein des ministères, ces organismes consultatifs ont un lien avec l’activité d’élaboration des politiques. ils sont souvent assez proches des pouvoirs publics pour se tenir à jour des problèmes auxquels ces derniers sont confrontés. ils peuvent faire office de « courtiers » de la connaissance à qui l’on demande de fournir des analyses et des avis stratégiques neutres et indépendants susceptibles de servir dans le cycle de l’action publique et de contribuer à entretenir la confiance envers les institutions publiques. la palette de ces organismes s’étend des organismes permanents qui, dans certains pays, conseillent les pouvoirs publics depuis des décennies, aux conseils ad hoc qui formulent des avis sur des problématiques particulières pour des périodes plus courtes. les résultats de l’enquête montrent que les organismes consultatifs ad hoc sur l’élaboration des politiques publiques peuvent, dans les pays étudiés, avoir un impact important puisqu’il est jugé élevé dans un tiers des pays de l’échantillon, et moyen dans la moitié. du fait de leur influence et de leur liens étroits avec les interventions des pouvoirs publics, ces organismes consultatifs doivent fonctionner dans un cadre clair et transparent. l’enquête de l’oCde apporte des éléments attestant que les pays prennent un certain nombre de mesures pour affronter cet enjeu. dans 60% des pays étudiés (9), les organismes consultatifs qui sont indépendants des pouvoirs publics sont régis par des règles formelles qui établissent des mandats clairs, définissent la durée de leur activité et fixent les critères de sélection de leur personnel. dans 15 pays (94% de ceux qui ont répondu à l’enquête), les avis des organismes consultatifs permanents sont toujours ou souvent rendus publics, le contrôle exercé par le public empêchant les pouvoirs publics de choisir à leur discrétion les avis qu’ils retiennent. les avis ne sont pas seulement publiés via des canaux officiels comme les sites des administrations publiques et des messages officiels ; souvent, ils sont aussi diffusés sur les médias sociaux et dans la presse. des mécanismes de transparence et de responsabilité existent dans de nombreux pays mais peuvent encore être améliorés. ainsi, près de 62% des pays interrogés (8) permettent aux responsables 124 des politiques de demander des avis oraux. la transparence du processus consultatif peut en pâtir car l’absence de documents écrits empêche de retracer pourquoi un avis a été donné, sur quel sujet et par quel organisme consultatif. dans le même temps, près de 87% des pays interrogés (13) indiquent que les organismes consultatifs permanents peuvent produire et publier des avis de leur propre initiative, ce qui témoigne généralement d’un écosystème des données fluide et réactif qui permet aux pouvoirs publics de ces pays de disposer d’un éventail de propositions d’action inclusives. de même, il est important de veiller que les organismes consultatifs indépendants ne donnent pas de conseils biaisés afin d'éviter tout risque d'influence indue des politiques. environ 78% des pays (7) n’ont pris aucune mesure pour éviter les conflits d’intérêts dans les organismes consultatifs permanents qui existent, tandis que 54% des pays seulement (7) ont pris des mesures de cet ordre concernant les organismes ad hoc. Cependant, certaines règles générales n’existent pas, dans certains pays, une partie des organismes consultatifs permanents peuvent être soumises à des lois spécifiques sur la transparence dans la vie publique, comme en France. les résultats complétent de précédentes conclusions démontrant que dans la grande majorité des pays de l'oCde il n'est pas obligatoire de garantir une composition équilibrée des intérêts au sein des organismes consultatifs indépendants (oCde, 2014). empêcher le risque de captation par des intérêts particuliers demande un système complet, qui encourage une culture d'intégrité et de responsabilité dans la prise de décisions (oCde, 2017). Méthodologie et définitions les données ont été recueillies au moyen de l’enquête 2016 de l’oCde sur les mécanismes consultatifs portant sur 15 pays de l’oCde et la lituanie et complétées par des entretiens qualitatifs (à l’exception de l’autriche, de la Grèce, de l’irlande et de la république tchèque). Pour en savoir plus oCde (2017), Preventing Policy Capture: integrity in Public decision making, oeCd Public Governance reviews oCde (2014), lobbyists, Governments and Public trust, implementing the oeCd Principles for transparency and integrity in lobbying. Vol. 3. oeCd Publishing Paris. oCde (à paraître), shaping policy advisory systems for strategic advice a comparative public governance perspective. Notes relatives aux graphiques les notes relatives aux graphiques sont accessibles dans les statslinks. informations sur les données org/10.1787/888932315602. pour israël: http://dx.doi. Panorama des administrations Publiques 2017 © oCde 2017 4. LES INSTITUTIONS Éclairage : mécanismes consultatifs indépendants des administrations publiques 4.4. Publicité des avis (organismes consultatifs permanents) (2016) 4.5. Impact des organismes consultatifs ad hoc sur l’élaboration des politiques publiques (2016) Bas P a y s- qu et ch èq ue Lit ua nie t to Le lie Au triche e nc e e Austr a gn ch gn pa tri pa e Es lie Au nie Es èd Moyen (50 %) Source : enquête de l’oCde (2016) sur les mécanismes consultatifs. 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538527 e Suède Su Souvent (50 %) de Bas de de P a y s- bli an Norvèg F inlan an inl pu Fr a e èc Ré Isl l Grèce e Fr a n c Gr Portuga e e F e Mex iqu e nd ue Island e Élevé (31 %) tchèq l Lettonie nd ue ga Ir l a ge lique x iq ie r tu r vè Ir l a Répub Toujours (44 %) Me Lituan Po No Non applicable (19 %) Austr a Rarement (6 %) Source : enquête de l’oCde (2016) sur les mécanismes consultatifs. 12 http://dx.doi.org/10.1787/888933538546 4.6. Éviter le risque des influences indues dans les organismes consultatifs indépendants des administrations publiques (2016) Les règles incluent des dispositions sur: Règles formelles Type d’organismes consultatifs Permanent Conflits d’intérêts Acceptation de cadeaux par les membres de l’organisme Divulgation des contacts avec les groupes d’intérêts Divulgation des contacts avec les lobbyistes Format des Possibilité de publier demandes d’avis les avis non sollicités (organismes consultatifs (organismes consultatifs permanents) permanents) Ad hoc Permanent Ad hoc Permanent Ad hoc Permanent Ad hoc Permanent Ad hoc Écrit Oral Australie l l l l l l l l l l l x l Autriche   x x x x x x x x l l  Espagne l l l l l l     l l l Finlande   x  x  x  x  l l l France l  l        l  l Grèce  l x l x  x  x  l l l Irlande  l x l x l x l x l l l  Islande   x  x  x  x  l  l Lettonie l l         l l l Mexique l x  x  x  x  x l  l Norvège l l l  l  l    l l l Pays-Bas l l l  l l     l  l Portugal   x l x l x  x    l République tchèque l l l l l l  l  l x x l Suède l l l l l l     l l l Total OCDE l Oui 9 9 7 7 6 7 2 3 1 3 13 8 13  Non 6 5 2 6 3 6 7 10 8 10 1 5 2 X Non applicable - 1 6 2 6 2 6 2 6 2 1 2 - Lituanie l  l l l l l l   l l l Source : enquête de l’oCde (2016) sur les mécanismes consultatifs.
5,453
dumas-01653194-SCHMITT%20Julien_rapport.txt_5
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,022
Construction d'un modèle visant à optimiser la gestion des voies d'eau de la Direction territoriale VNF de Strasbourg. Sciences de l'ingénieur [physics]. 2013. &#x27E8;dumas-01653194&#x27E9;
None
French
Spoken
923
1,689
Le tableau ci-dessous donne la nouvelle géométrie de ces biefs : Bief 5S bief de partage 3N 6N 9N 10N 11N 16N 17N 18N 20N 22N 23N 24N 28N 29N surface au miroir (VNF) en 2 m Surface au miroir avant calage en 2 m Variation de largeur à appliquer au bief surface au miroir calée (modèle) 2 en m écart en % 47048 52569 - 2.57m 47001 -0.1% 117397 136947 -3.61m 117604 0.2% 3509 2896 3083 3283 6475 7203 12532 9138 11261 7277 15349 34979 30270 12964 3831 2556 3281 3809 6070 6592 15800 10031 12149 9226 22328 32075 32251 13983 -2.62m +2.86m -1.55m -2.64m +1.23m +1.35m -9.05m -1.79m -1.44m -4.12m -8.13m +1.87m -1.3m -1.54m 3510 2804 3082 3286 6473 7352 12553 9153 11262 7288 15425 34965 30299 12988 0.0% -3.2% 0.0% 0.1% 0.0% 2.1% 0.2% 0.2% 0.0% 0.2% 0.5% 0.0% 0.1% 0.2% moire de TFE Julien SCHMITT, Promotion Hérault Page Juin 2013 32N 36N 37N 38N 13295 31955 15402 24393 Mémoire de TFE Julien SCHMITT, Promotion Hérault 14716 38884 19669 28242 -2.36m -4.04m -4.83m -3.02m 13298 31987 15398 24328 0.0% 0.1% 0.0% -0.3% Juin 2013 Annexe 11 : Test de sensibilité du modèle Le test de sensibilité a été appliqué selon le scénario hydrologique 3, c'est-à-dire pour des apports en eau du CRRBS équivalents à leur QMNA10.Nous avons également supposé un trafic de 7 bassinées par écluse. Le principe de ce test a été de comparer les marnages de chaque bief en considérant les co s de seuils appliqués à tous les scénarios et des nouveaux coefficients choisis pour la réalisation du test de sensibilité. Le tableau ci-dessous reprend les valeurs de ces coefficients : Déversoir 7S Déversoir 6S mobile Déversoir 6S fixe Déversoir 5S Déversoir 4S Déversoir bief de partage Déversoirs 24N Déversoir 28N Déversoir 29N Déversoirs 33N Déversoirs 38N Aqueduc de contournement Coefficients de seuil appliqué pour tous les scénarios (situation de référence) 0.4 0.6 0.6 0.6 0.4 0.6 0.4 0.4 0.4 0.4 0.6 0.6 Nouveau coefficient de seuil appliqué pour le test de sensibilité 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.4 Pour résumer ce tableau, toutes les valeurs des coefficients sur les déversoirs ont été modifiées à 0.3 (au lieu de 0.6 ou 0.4) et tous ceux des aqueducs de contournement ont été diminués à 0.4 (au lieu de 0.6). Nous avons alors comparé les marnages de chaque bief du CRRBS entre ces deux scénarios. Les valeurs dans les tableaux suivants sont données au millimètre, même si cela ne correspond à aucune réalité physique. Cela permet simplement de calculer des différences précises entre les deux simulations. Le tableau suivant donne les valeurs de l’écart entre les marnages de ces deux scénarios pour le cas des déversoirs, qui a ensuite été calculé en pourcentage par rapport au marnage observé dans la situation de référence. Marnage dans la situation de référence Bief 7S Bief 6S Bief 5S Bief 4S Bief de partage Bief 24N Bief 28N Mémoire de TFE Julien SCHMITT, Promotion Hérault 2.6 cm 8.1 cm 2.8 cm 2.9 cm 7 cm 6.8 cm 9.8 cm Ecart au marnage de référence avec l’application des nouveaux coefficients 0 cm 2.7 cm 0 cm 0 cm 0 cm 2.5 cm 1.2 cm Pourcentage d’écart par rapport au marnage de référence 0% 33% 0% 0% 0% 37% 12% 2013 Bief 29N Bief 33N Bief 38N Moyenne sur ces biefs 9.9 cm 0.1 cm 1% 14.5 cm 0 cm 0% 6.3 cm 1.6 cm 25% 11% de différence entre les deux marnages, par rapport à la situation de référence Ce tableau nous montre qu’en modifiant les coefficients des déversoirs latéraux, nous obtenons une différence de 11% en termes de marnage. Si on considère cette différence par rapport à la hauteur totale d’eau (1.8m en moyenne), ces différences sont négligeables (de l’ordre de 1 à 2% en moyenne). Le tableau suivant reprend les résultats pour les biefs concernés par un aqueduc de contournement. Bief 17N Bief 18N Bief 19N Bief 20N Bief 21N Bief 22N Bief 23N Bief 25N Bief 26N Bief 27N Bief 30N Bief 31N Bief 39N Bief 41N Moyenne sur ces biefs Ecart au marnage de Pourcentage d’écart Marnage dans la référence avec par rapport au situation de référence l’application des marnage de référence nouveaux coefficients 12,1 cm 1.3 cm 11% 16.3 cm 0.4 cm 2% 10.3cm 0.7 cm 7% 10.1cm 1.1 cm 11% 17.9cm 0.1 cm 1% 19.2 cm 0.2 cm 1% 11.9 cm 0.4 cm 3% 19.6 cm 0 cm 0% 7.8 cm 0.2 cm 3% 9.7 cm 0 cm 0% 10.5 cm 0.3 cm 3% 5.7 cm 0.2 cm 4% 5.7 cm 0.4 cm 7% 7.1 cm 1.8 cm 25% 6% de différence entre les deux marnages, par rapport à la situation de r éférence Globalement, les écarts observés sur les marnages entre les deux situations observés sont de 6% pour les biefs possédant un aqueduc de contournement. Pour tous les autres biefs pour lesquels il n’y a ni aqueduc, ni déversoir latéral, aucune différence de marnage n’est observée. A noter qu’entre ces deux situations, les différences de marnage s’expliquent par le fait qu’en diminuant le coefficient de déversement des seuils et aqueducs, la hauteur d’eau va augmenter dans les biefs concernés. Concrètement, les déversements sur toute la voie d’eau passent de 21 500 m3 à 16 600 m3 en diminuant les coefficients de seuil, ce qui représente 77% des déversements initiaux. Tout le volume qui n’est pas déversé est surstocké dans les biefs, sous forme d’une hauteur de lame déversante plus élevé.
34,733
2014LORR0125_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,014
L'enseignement de l'entrepreneuriat au sein de l'Université : la contribution de la méthode des cas
None
French
Spoken
7,457
11,600
L’espace de problématisation, dans le domaine entrepreneurial, peut être considéré comme une construction du sens par l’entrepreneur par rapport à un futur souhaité (Schmitt, Gallais, & Bourguiba, 2008). De ce constat, la situation entrepreneuriale peut donc être envisagée comme un problème dit ouvert et ne comportant de solution prédéterminée (Schmitt et al., 2012). Les solutions possibles dépendent de la construction de sens2 de la part de l'entrepreneur. C’est-à-dire, du sens donné autour de la situation et de la cohérence de la vision qu'il a de son projet. En effet, rien n’est fait, c’est le sujet qui construit le projet et va peu à peu donner du sens et de forme à la situation (Fabre, 2009). Pour Dewey, construire la situation n’est pas seulement une question intellectuelle, c’est aussi une question d’indétermination et de l’activité du sujet qui problématise la situation. Ici la notion « d’enquête » semble avoir un espace d’application. Elle favorise la « transformation contrôlée et dirigée d’une situation indéterminée en une situation qui est si déterminée en ses distinctions et relations constitutives qu’elle convertit les éléments de la situation originale » (Dewey J., 1993, p. 11). Cela nous amène à la relation entre ordre et désordre de Morin3. La situation apparait comme un processus consistant à chercher, à organiser les choses par rapport au désordre. Ici, la conception devient une activité de structuration des problèmes chemin faisant (Bayad & Schmitt, 2006) car c'est au fil des événements, des questionnements en cours d'action que le problème à traiter évolue de manière non entièrement prévisible (Fleurance, 2012). La résolution du problème consiste plutôt à bien le structurer en découvrant des termes « intermédiaires » s’intercalent entre la fin éloignée et les moyens dont on dispose (Dewey J., 2004). L’intérêt de ces « intermédiaires » porte sur la construction 1 Traduit de l’original : “The problem space should include the interaction of strategic behavior with the configuration and dynamics of the organization” (Ansoff, 1987, p. 514). 2 Cela renvoie à la notion d’interprétation à laquelle Montaigne s’est intéressé : « c’est l’activité qui consiste à produire du sens à partir de signes donnés, ou le résultat de cette activité de l’esprit...l’interprétation se présente comme un premier acte de connaissance, conçu comme déchiffrement. » (Foglia, 2011, p. 13). 3 Traités dans le premier chapitre. 124 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat d’un processus de conception en intégrant un réseau d’acteurs organisés (Boujut & Jeantet, 2001). Ce sont des éléments et des modes d’interaction permettant d’expliciter ce que le concepteur souhaite. La représentation agit comme un objet « produisant une médiation entre le sujet et le monde » (Teulier-Bourgine, 1997, p. 98). Et la situation, en tant que représentation de ce monde, agit comme un intermédiaire qui « combine des niveaux très macroscopiques, tels celui de la société ou de la grande organisation, et des niveaux microscopiques tels celui des individus singuliers et de leurs interactions. Elle se situe également entre une perspective de détermination par des « lois générales » », et une perspective où l’on accorderait la place prépondérante à l’idée de libre arbitre des acteurs. Elle ne postule aucune prééminence d’un ordre de faits sur les autres... » (Girin J ., 1990, p. 148). Figure 22 : La place de la problématisation dans la situation entrepreneuriale Source : (Schmitt et al., 2012, p. 110) Situation entrepreneuriale Fins/Moyens Contexte actuel Espace de problématisation Contexte futur Fins/Moyens 3.3.3. Partager la vision au travers de la traduction Si comme nous l’avons exprimé le processus de conception amène à générer des artefacts permettant d’adapter les moyens aux environnements, nous pouvons dire que la qualité de cette conception dépend également de la fiabilité autour de sa communication (Schön, 1997). Nous pouvons voir que, tout au long du développement de l’opportunité, l’entrepreneur rencontre différentes personnes avec lesquelles il sera amené à partager la vision du projet qu’il a conçu. Néanmoins, l’acte de partager la vision devient parfois plus difficile qu’on ne l’avait imaginé. En fait, « on voit la 125 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat difficulté de définir une représentation partageable par tous, en d'autres termes la difficulté de problématiser » (Schmitt & Bayad, 2008, p. 7). Le but de la traduction n’est pas seulement de faire adhérer les parties prenantes (Bares & Cornolti, 2005). Le but est aussi de permettre à ces personnes, qui ont des logiques différentes, de parvenir à se comprendre pour travailler ensemble (Callon & Latour, 1991) autour de l’opportunité. La vision devient, dans le sens de l’intermédiation, cet objet favorisant le dialogue et l’interaction entre ces logiques. Figure 23 : La vision comme objet d’intermédiation dans le processus de traduction Source : adapté du système de représentation de Le Moigne (1977, p. 84). Acteurs internes et externes Vision partageable Vision Système de représentation de l'entrepreneur En paraphrasant Roy (2000), la traduction peut conduire dans certains cas, à déplacer l’analyse de la vision envisagée vers un approfondissement de la problématisation. Il est possible également de susciter un débat autour de questions sur le projet entrepreneurial. Par exemple : quel est le but ce projet? Quelles sont les activités liées au projet (information, ressources, processus...)? Quels sont les environnements liés au projet?. Dans cette perspective, l'entrepreneur, selon (Schmitt & Bayad, 2008), se trouve plus souvent dans une situation de « co-conception » que simplement en situation de conception. Pour ces auteurs, le préfixe « co » permet d'insister sur la dynamique du 126 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat processus de conception, mais aussi sur les multiples acteurs directs et indirects qui y participent. La vraie différence porte, selon les termes de Martinet (1993), « moins en la résolution d'un problème qu'en la mise en forme d'un monde partageable » (p. 62). Ce travail de communication de la vision « se trouve fréquemment entravé par des confusions engendrées par un vocabulaire peu rigoureux [dont] les termes n’ont pas la même signification pour tous » (Roy, 2000, p. 147). En fait, nous pouvons nous étonner que cette vision, essentielle pour l’entrepreneur, « soit si tacite, si peu explicite, si aliénée par une culture ancienne » (Le Moigne J.-L., 1977, p. 83). Pour surmonter ces faiblesses, il est nécessaire de favoriser le dialogue entre la vision et la mise en acte de cette vision. Pour cela, celui qui agit en tant que concepteur doit précisément expliciter comment la vision à laquelle il est parvenu peut être réalisée (Simon, 1995 (a ) ). Dans cette perspective la traduction de la vision est susceptible d’être considérée comme une sorte de processus d’externalisation (Bonnardel, 2009) facilitant la transmission d’informations et d’idées à d’autres personnes. Cela passe au niveau du projet entrepreneurial par le développement d'un langage commun. C’est-à-dire, « un langage dont chaque participant affiche la maîtrise » (Goffman, 1991, p. 490). La création et le développement de ce discours commun dépendent de la capacité à créer et à mobiliser des connaissances. Il s’agit, en reprenant les concepts de Vygotski, d’une activité médiatisée par le langage1. Or, la difficulté, selon Schmitt et Bayad (2008), repose sur la création et le développement de ce langage, qu'on pourrait appeler le langage « projet entrepreneurial ». Et c’est le l’entrepreneur qui est en capacité de le favoriser en apportant de la cohérence entre la structure du projet entrepreneurial et la vision de ce projet. À la lumière de ces notions de vision et de traduction, il peut être intéressant de réfléchir autour des démarches mises en place dans l’enseignement de l'entrepreneuriat. Comme l’énonce Foglia (2011), « la rencontre d’autrui est destinée à enrichir et donc à modifier notre compréhension de l’homme, non à confirmer ce que nous savons déjà » 1 « Ce ne sont... pas des outils servant à agir sur la nature extérieure qui assurent le rôle de médiateur, mais des signes, stimuli artificiels créés par l’homme pour contrôler l’activité son activité ou celle des autres...Le langage est sans doute le moyen de contrôle le plus puissant de l’activité » (Schneuwly & Bronckart, 1985, p. 172). 127 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat (2011, p. 11). Il convient de souligner que les problèmes ne sont pas liés uniquement à la conception mais aussi à la problématisation et à la traduction de cette vision. 3.3.4. L’interaction entre Action et apprentissage : les apports à l’enseignement de l’entrepreneuriat Evoquer la relation entre le futur souhaité et les moyens mis en place au présent pour y arriver, demande forcément de fixer l’attention sur l’action entrepreneuriale. Ainsi, mettre le processus au cœur des programmes d’enseignement de l’entrepreneuriat demande de fixer des objectifs autour des pratiques entrepreneuriales. Cela nous rappelle l’importance de l’approche humaine autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat. Elle évoque en effet le besoin de promouvoir des programmes contribuant à l’appréhension des expériences entrepreneuriales. L’action peut, comme le manifeste Mintzberg, aider autant à la réflexion que la réflexion peut aider à mettre en marche les actions pertinentes1. Les objectifs d’apprentissage peuvent donc chercher à aider l’entrepreneur à favoriser ses actions2 en liant les représentations avec les pratiques à développer. Il émerge donc un lien entre apprentissage et expériences entrepreneuriales. À l’intérieur, l’apprentissage est envisagé comme un processus dont la connaissance est créée à travers la transformation des expériences (Kolb, 1984; Dewey J., 1968)3. Cette théorie d’apprentissage expérientiel, traitée auparavant, propose une perspective holistique de l’apprentissage en intégrant la perception, la cognition, le comportement de l’individu et les expériences préalables (activités et connaissances). Sous cette notion expérientielle, l ́apprentissage entrepreneurial intègre non seulement les processus cognitifs, mais aussi l ́engagement affectif et l ́action (Fayolle, Lassas-Clerc, & Tounes, 2009). On trouve quelques travaux allant dans ce sens. C’est le cas de la littérature autour des cartes cognitives (Cossette, 2003), la valorisation de l’expérience comme favorisant la cognition entrepreneuriale (Bourion, 2008; Cope J., 2005; Gibb A., 1987; Politis D., 2005; Rae & Carswell, 2000; Rae, 2005), l’influence de 1 Traduit de l’original : “ This means it is as much about doing in order to think as thinking in order to do ”. (Mintzberg, 2009, p. 6). 2 Certains utilisent la dénomination « activités ». 3 À propos de la notion d’expérience, Kolb souligne que : “ The transactional relationship between the person and the environment is symbolized in the dual meanings of the term experience-one subjective an personal.... This two forms of experience interpenetrate and interrelate in very complex ways, as, for example, in the old saw, “He doesn’t have 20 years of experience, but one year repeated 20 times” ” (1984, p. 35). 128 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat la cognition sur la génération d’idées (Gemmell, Boland, & Kolb, 2011) et les approches et méthodes de recherche cognitives pour l’entrepreneuriat (Filion & Bourion, 2011; Katz & Sheperd, 2003; Schmitt C., 2012 (a)). Ces approches démontrent ainsi que l’apprentissage expérientiel porte sur le processus cognitif de transformation des connaissances et, dans le sens piagétien, sur le processus d’adaptation1 aux situations. Ainsi, en l’envisageant du point de vue de la relation cognition-situation, l’apprentissage se focalise sur la création et recréation plutôt que sur la transmission de contenus, le résultat prédéfini ou la connaissance acquise ou transmise. Il possible d’identifier une « différence cognitive », chez l’entrepreneur, caractérisée par la différence entre les facteurs précédant l’action et les résultats obtenus grâce à une expérience entrepreneuriale (Grégoire, Corbett, & McMullen, 2011). À travers cette différence cognitive, il peut être possible d’évaluer si la connaissance obtenue peut être adaptée à l’expérience humaine, et si cette connaissance fournit des moyens permettant d’avancer dans les buts envisagés (Aveni er & S chmitt, 2010). Dans le domaine de l’entrepreneuriat, nombreux sont les ouvrages qui suggèrent que l’apprentissage développé à l’intérieur du contexte entrepreneurial est expérientiel par nature (Sarasvathy, 2001; Collins & Moore, 1970; Deakins & Freel, 1998; Reuber & Fischer, 1993). D’autres auteurs soulignent que l’expérience de démarrage d’une entreprise est proche de l’apprentissage entrepreneurial (Sapienza & Grimm, 1997; Ronstadt R., 1988). Pour Politis (2005), l’étude de l’apprentissage entrepreneurial s’est souvent focalisée sur l’analyse des différences entre les expériences cumulées dans un instant déterminé, et le rapport de ce stock d’expériences avec les changements au moment de se lancer dans une nouvelle expérience entrepreneuriale. Au niveau de la recherche, ces changements introduits délibérément constituent un moyen de développer de nouvelles connaissances dans le domaine entrepreneurial (Avenier & Schmitt, 2010). Ces réflexions mettent en évidence l’intérêt des chercheurs à comprendre le processus d’apprentissage de l’entrepreneur à partir de ses expériences. Nous trouvons par exemple les études de (Grégoire, Corbett, & McMullen, 2011, p. 1456) encourageant les chercheurs à envisager simultanément le rôle et les interactions entre les différentes variables d'intérêt cognitif. Le but est de mieux saisir les relations dynamiques entre l'esprit, l'environnement et l'action entrepreneuriale. Par 1 L’adaptation concerne « l’assimilation de l’expérience aux structures déductives et l’accommodation de ces structures aux données de l’expérience ». (Piaget, 1969, p. 208). 129 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneur iat ailleurs, les travaux de Gibb (1989) insistent sur l’utilité de l ́apprentissage par l ́action pour la formation entrepreneuriale. Selon lui, il convient d’envisager l’apprentissage par l’action dans la formation afin de favoriser le développement de compétences individuelles nécessaires pour la gestion. Les recherches autour des interactions entre les variables influençant le processus d’apprentissage pourraient donc favoriser l’identification de leurs apports à la formation entrepreneuriale et à la conception des politiques, des stages et des stratégies au sein des établissements éducatifs. Or, même si ces propositions soulignent la pertinence de la cognition afin de rendre l’action entrepreneuriale plus efficace, elles montrent aussi qu’il convient approfondir sur la participation du binôme cognition-expérience dans la formation entrepreneuriale et sur les mécanismes permettant de le favoriser. Il ne s’agit pas de nier les approches, les outils ou les études de recherche existant, mais plutôt de les complémenter. C’est précisément ce que nous souhaitons proposer dans la deuxième partie de cette thèse. 130 De nouvelles approches autour de l’enseignement de l’entrepreneuriat Conclusion Approfondir sur le rôle du processus entrepreneurial dans l’enseignement de l’entrepreneuriat demande de mettre en évidence certains éléments. Cette mise en évidence permet notamment d’élargir la conception de l'entrepreneur autour de sa globalité et de ses interactions. Dans ce troisième chapitre, nous avons exposé le cadrage autour de l’importance du caractère humain dans l’enseignement de l’entrepreneuriat. À partir de ces réflexions, il a été possible de constater que les acteurs liés à l’enseignement de l’entrepreneuriat ont le choix de se positionner par rapport à une notion l’entrepreneuriat est manifeste. Cela signifie que la notion d’entrepreneuriat retenue conditionne fortement la façon de l’enseigner. Dans cette perspective, nous considérons pertinent d’insister sur le besoin de donner une place aux représentations dans l’enseignement de l’entrepreneuriat. La notion de représentation favorise la construction d’apprentissages en fonction dont les processus entrepreneuriaux sont interprétés par les acteurs liés à l’entrepreneuriat. Si l’on considère approprié d’ajouter la notion de représentation, il est également recommandé de considérer la notion de futur. La capacité de se projeter dans le futur amène à reconsidérer les expériences entrepreneuriales grâce aux processus mis en marche entre l’idée et l’opportunité. Or, comme l’affirme Schmitt (2012 (b)), envisager l’opportunité n’est pas suffisant, il est pertinent de mobiliser des méthodes pour concevoir un scénario autour de cette opportunité. Dans cette perspective, il convient de continuer à valoriser les processus entrepreneuriaux en les liant aux différents approches adoptées dans les programmes de formation, ainsi que de générer des outils favorisant la manière d'agir de l’entrepreneur. Dans ce cadrage nous avons proposé un modèle autour de trois piliers faisant partie du processus entrepreneurial : la conception, la problématisation et la traduction. Nous avons insisté sur l’importance d’inclure le lien entre action et apprentissage dans les objectifs de programmes de formation entrepreneuriale. Il s’agit de valoriser les expériences entrepreneuriales dans le but de générer des connaissances favorisant en retour l’action entrepreneuriale. 131 Conclusion de la première partie Conclusion de la première partie Tout au long de cette première partie nous avons présenté une revue générale des aspects théoriques de la recherche et de l’enseignement de l’entrepreneuriat. Nous avons ainsi analysé le concept de l’entrepreneuriat et ses diverses manifestations. Deux principaux éléments pour notre recherche ont été retenus : 1. Le caractère processuel l’entrepreneuriat dans lequel l’entrepreneur est un visionnaire. 2. Le besoin de construire des programmes de formation entrepreneuriale en alliant les propositions des différentes communautés scientifiques. Après avoir fait les choix théoriques de base, le regard historique sur l’évolution de l’entrepreneuriat nous a permis d’apprécier l’intérêt des établissements d’éducation et des gouvernements pour la recherche sur de nouvelles expériences. Cet intérêt a, d’une part, suscité l’émergence de multiples débats autour de la conception de l’enseignement de l’entrepreneuriat et d’autre part, l’émergence d’une diversité d’actions mises en place au sein des Universités. C’est le cas des pratiques pédagogiques utilisées et qui pivotent principalement autour des angles suivants: les programmes de formation, les contenus, les méthodes pédagogiques adoptées, les systèmes d’évaluation et l’accompagnement entrepreneurial. Sur ce point nous avons retenu les éléments suivants : Envisager les programmes de formation du point de vue du processus entrepreneurial. Dans ce sens, des techniques comme le plan d’affaires peuvent devenir des outils complémentaires1. Retenir la Méthode des Cas comme pratique mobilisable dans notre travail. Ce qui sera traité en profondeur dans la deuxième partie de notre travail de thèse. Adopter le type d’évaluation formative qui porte sur le processus d’apprentissage et se complémente avec l’acquisition de connaissances précises. La notion d’accompagnement entrepreneurial devient un moyen facilitant l’autonomie de l’entrepreneur ainsi qu’un soutien dans les démarches nécessaires pour la construction du projet entrepreneurial. 1 En fait, Carrier (2009) cite certains auteurs considérant que « qu’il est difficile d’établir un lien ou une relation de cause à effet entre la réussite effective d’un entrepreneur et la réalisation d’un bon plan d’affaires. » (2009, p.17). 132 Conclusion de la première partie La conception de l’enseignement de l’entrepreneuriat s’est notamment, comme le montre la littérature, faite à partir de la notion de création d’entreprise. De ce fait, les programmes de formation cherchent spécialement à impartir des connaissances en croyant savoir ce qui se passera postérieurement dans l’entourage professionnel de l’étudiant1. Autrement dit, les programmes traditionnels de formation entrepreneuriale se focalisent particulièrement sur la logique d’« enseigner pour l’expérience ». Ce qui correspond, dans le sens de Simon (1995 (b)), à une conception rationnelle, limitée et idéalisée des pédagogies de formation. Figure 24 : Illustration de la logique traditionnelle de l’enseignement de l’entrepreneuriat Source : notre recherche Formation entrepreneuriale (Impartir des connaissances) Expérience (Vie professionnelle de l'étudiant porteur de projet) Nous pouvons conclure également, que l’expérience entrepreneuriale acquiert une place importante dans les programmes de formation entrepreneuriale. En effet, elle est de plus en plus valorisée en tant que source d’apprentissage. Au-delà de la création d’entreprise, cette notion comporte le contexte d’entreprise come cadre pour l’enseignement de l’entrepreneurial. L’analyse de Carrier (2009) montre d’ailleurs le progrès, dans les dernières années, en matière d’approches pédagogiques nouvelles ou moins traditionnellement utilisées en éducation entrepreneuriale (Simulations, jeux, vidéos, récits de vie...). Nous considérons ainsi que les programmes de formation entrepreneuriale doivent continuer à adopter des outils se complémentant et favorisant l’aller-retour entre la réflexion et l’action entrepreneuriale. Or, « au-delà des cours magistraux et du plan d’affaires, quels outils ou approches pédagogiques peuvent être mobilisées en matière de formation en entrepreneuriat à l’Université? » (Carrier, 2009 : 18). Pour cela, nous expliciterons, dans la deuxième partie de cette thèse, notre proposition de recherche. Celle-ci envisage la Méthode des cas sous l’angle de la notion de processus pour l’enseignement de l’entrepreneuriat. 1 Nous revenons sur la logique divinatoire et la logique de transposition exposées dans le troisième chapitre. 133 Deuxième partie : Proposition d’une nouvelle approche en matière d'enseignement de l'entrepreneuriat : La Méthode des cas comme méthodologie favorisant l’enseignement de l’entrepreneuriat Proposition d’une nouvelle approche en matière d’enseignement de l’entrepreneuriat Introduction de la deuxième partie La notion processuelle de l’entrepreneuriat évoquée dans la conclusion précédente, suppose de considérer l’individu comme partie intégrante d’un contexte plus global. Dans ce sens, l’individu initie et développe des actions pour conduire des ressources faisant partie de ce contexte1. Cette notion de processus, demande donc la mise en situation des individus afin qu’ils développent les caractéristiques nécessaires pour l’action entrepreneuriale. Comme le souligne (Gartner, 1990), l'important n'est pas de savoir qui est l’entrepreneur mais plutôt comment on devient entrepreneur. Dans ce sens, cette partie, composée des chapitres 4, 5 et 6, est consacrée à la description de notre proposition de recherche, à sa mise en place ainsi qu’à la présentation des résultats obtenus. Pour ce faire, le quatrième chapitre permettra de faire une revue littéraire autour de la définition, des caractéristiques et des limites de la Méthode des cas. Nous décrirons également les éléments faisant partie de sa mise en place. Cela concerne l’entreprise, la problématique, le Cas, le rôle de l’étudiant, le rôle de l’enseignant et la Note pédagogique. Postérieurement, nous examinerons certains des champs disciplinaires dans lesquels la Méthode des cas est surtout utilisée. L’objet général de ce chapitre est de faire le point sur les aspects généraux afin de mieux aborder, dans le chapitre suivant, la Méthode des cas en tant que partie du sujet central de notre travail de thèse. Le cinquième chapitre présentera nos réflexions autour d’une nouvelle façon d’envisager l’enseignement de l’entrepreneuriat sous la notion de processus. Pour cela, nous aborderons la Méthode des cas du point de vue de la valorisation des expériences entrepreneuriales. Ce qui nous amènera à adopter un cadre conceptuel autour de la démarche de recherche-intervention et à établir quelques repères méthodologiques facilitant la mise en place de notre proposition. Finalement, le sixième et dernier chapitre sera consacré à la présentation de la démarche ainsi que les résultats obtenus. Nous décrirons le champ d’étude dans le but d’approfondir le terrain de notre intervention. Il s’agit du Pôle entrepreneuriat étudiant de Lorrain (PeeL). Certains éléments constituant les points d’appui de notre conception seront présentés en les intégrant dans trois dimensions : l’apprentissage expérientiel, le 1 Le processus, le contexte et le contenu, selon Koenig (1990), sont des éléments à distinguer quand on parle de changement. 135 Proposition d’une nouvelle approche en matière d’enseignement de l’entrepreneuriat processus entrepreneurial et la Méthode de cas. Puis, nous expliquerons les étapes du déroulement de l’enquête, le choix des instruments d’analyse et la collecte de donnée s. Quant aux résultats obtenus , notre analyse se focalisera d’abord sur les aspects déclenchant l’intérêt des étudiants pour l ’ entrepreneuriat. Ensuite, nous reviendrons sur trois éléments spécifiques : la problématisation, la conception et la communication. Figure 25 : Organisation de la partie 2 Chapitre 4 : Les généralités autour de la Méthode des cas Deuxième partie Proposition d’une nouvelle approche en matière d'enseignement de l'entrepreneuriat: La Méthode des cas comme méthodologie favorisant l'enseignement de l'entrepreneuriat Chapitre 5 : L’enseignement de l’entrepreneuriat sous le paradigme du processus : Pour une nouvelle conception de la Méthode des cas Chapitre 6 : La Méthode des cas comme méthodologie d’apprentissage par le processus : Expérimentations et résultats 136 Chapitre 4 : Les généralités autour de la Méthode des cas Les généralités autour de la Méthode des cas Introduction Ce chapitre est consacré à la description de la Méthode des Cas. Pour cela, nous présenterons sa définition et ses caractéristiques ainsi que son utilité selon les expériences trouvées dans la littérature. Le but est de mieux comprendre cette notion afin de pouvoir proposer une nouvelle contribution de son usage et démontrer son intérêt. Nous présenterons d’abord les notions de Méthode des cas, méthodologie de cas et étude de cas. Il s’agit d’analyser les différences entre les trois concepts, spécialement de niveau étymologique, pour d’éclaircir des confusions communément trouvées dans leur adoption. Faire le point sur ces termes nous permettra de mieux aborder la définition de la Méthode des cas comme sujet central de notre travail de thèse. À ce sujet, la révision autour des quelques définitions trouvées dans la littérature, nous aidera à identifier des aspects caractéristiques de cette pédagogie d’enseignement. Dans une deuxième section, nous montrerons la convergence des éléments faisant partie de la mise en place de la Méthode des cas. Pour ce faire, nous décrirons ses composants en nous appuyant sur les travaux de Juarrero (2008). D’abord, l’entreprise, la problématique et le cas, ensuite, le rôle de l’étudiant, le rôle de l’enseignant et la Note pédagogique. Ces derniers éléments seront illustrés à travers le processus d’application de la Méthode des cas. Postérieurement, nous examinerons les champs dont la Méthode des Cas est adoptée. Cette troisième section se focalisera sur la présentation des aspects concernant l’application de la Méthode dont le but est de souligner le croissant intérêt porté par des établissements d’enseignement en management et en entrepreneuriat. Ces conclusions, nous amèneront à faire, dans la dernière section du chapitre, une exposition des limites. Nous ferons référence plus précisément à deux sortes de limites: celles liées à la nature des cas et celles liées au fonctionnement de la méthode. 138 Les généralités autour de la Méthode des cas Figure 26 : Organisation du chapitre 4 4.1. La notion de Méthode des cas 4.2. Composants de la Méthode des cas Les notions de méthode, de méthodologie et d'étude Définition de la Méthode des cas Le rôle de l’entreprise, la problématique et le cas Processus d'application de la Méthode des cas Chapitre 4 : Généralités autour de la Méthode des cas 4.3. Des champs d’application de la Méthode des cas Des applications au management Des applications à l'entrepreneuriat 4.4. Les limites de la Méthode des cas Limites liées à la nature du Cas Limites liées à la Méthode Conclusion du quatrième chapitre 139 Les généralités autour de la Méthode des cas 4.1. La notion de Méthode des cas Depuis son début à la fin du XIXe siècle, le concept de méthode des cas a largement été adopté par diverses disciplines. De nombreuses publications, font en effet preuve de cela1. En plus, il est possible d’identifier une variété de concepts rapportés qui provoquent parfois de la confusion. Dans cette première partie, nous allons présenter les différences entre les notions de Méthode des Cas, de Méthodologie des Cas et d’Étude de Cas. Faire le point sur ces concepts nous permettra par la suite, de mieux aborder la définition de la Méthode des Cas comme sujet central de notre travail de thèse. 4.1.1. Les notions de Méthode des cas, de Méthodologie des cas et d’Étude de cas En consultant la littérature, nous nous apercevons du manque de consensus autour des concepts rapportés à la Méthode des cas. Cependant, bien qu’elle n’ait néanmoins jamais fait l’unanimité nulle part, la Méthode des cas est considérée comme un ingrédient pédagogique clé de l’enseignement (Mesny, 2005). Certains auteurs utilisant le terme « Méthode des cas », d’autres le terme « Méthodologie des Cas» et d’autres le terme « Étude de Cas » tous eux adoptés souvent dans l’enseignement des sciences de gestion. (Chetty, 1996; Hamel, Dufour, & Fortin, 1993; Patton, « Méthode des cas » 1990; Juarrero, 2008; Hlady Rispal, 2002; Vázquez Villaseñor, López Monsalvo, & Schmitt, 2011; Rialp, 1998; Barnes, Christensen, & Hansen, 1994) « Méthodologie des (Ruiz, 1996; Perry & Coote, 1994; Amaratunga & Baldry, cas» 2001) « Étude de Cas » (Platt, 1992; Stake, 1994; Stoeker, 1991; Tellis, 1997; 1 Parmi elles : Academy of Management Journal, Academy of Management Review, Administrative Science Quarterly, European Journal of Marketing, International Business Review, Industrial Marketing Management, International Small Business Journal, Journal of Business Research, Journal of Business Venturing, Journal of Management Studies, Journal of Marketing, Journal of Marketing Research, Journal of Operations Management, Journal of World Business, Long Range Planning, Management Research News, Marketing in a Global Economy Proceedings , Organization s Science , Personnel Review , Qualitative Methods in Organization al Research , Qualitative Report , Revista Europea de Dirección, Economía de la Empresa, Cuadernos de Economía y Dirección de la Empresa y Cuadernos de Gestión, Revue de l’entrepreneuriat, Revue Internationale PME. 140 Les généralités autour de la Méthode des cas Eisenhardt, 1989; Yin, 1984; Bonache, 1999) Avant d’approfondir la définition de chacun de ces concepts, il nous semble approprié de clarifier la signification des termes Méthode et Méthodologie. À ce sujet, le dictionnaire propose comme définitions : « Ensemble de démarches que suit l'esprit pour découvrir et « Méthode » démontrer la vérité »... « Ensemble des règles, des principes normatifs sur lesquels reposent l'enseignement, la pratique d'un art » (Rey, 2013, p. 1586) « Méthodologie » « Étude des méthodes scientifiques, techniques » (Rey, 2013, p. 1586) Dans le sens Cartésien, cité par (Morin E., 1977, p. 15-16), la Méthode permet de bien conduire la raison et de chercher la vérité mais également d’exercer le doute. Cela implique, continue Morin, de mettre en doute la disjonction des objets, la disjonction des idées, la disjonction absolue de l’objet et du sujet. La Méthode doit permettre « d’articuler ce qui est séparé et de relier ce qui est disjoint » (Morin E., 1977, p. 15). La méthodologie par contre, est considérée par Piaget (1967) comme l’étude de la constitution de la connaissance et est insérée entre la logique et l’épistémologie. Alors que la Méthode fait référence à une manière de procéder, particulièrement à la façon d'accomplir quelque chose, la Méthodologie peut bien se référer à l'analyse théorique des méthodes appropriées pour un domaine de connaissance. Or, l’utilisation erronée de ces termes semble affecter la distinction conceptuelle entre les outils d'investigation scientifique (les méthodes) et les principes qui déterminent la façon dont ces outils sont déployés et interprétés (la méthodologie). Nous trouvons que les publications en espagnol sont celles qui utilisent le plus souvent les notions de « Méthode des cas » et de « Méthodologie des cas ». Par contre, d’autres publications, notamment en anglais, les termes « method » ou « methodology » sont plutôt utilisés pour définir, caractériser ou appliquer les cas. C’est pour cela que l’on trouve des publications faisant référence au « study case method » (Chetty, 1996; Hamel, Dufour, & Fortin, 1993) ou « study case methodology » (Amaratunga & Baldry, 2001; Perry & Coote, 1994). 141 Les généralités autour de la Méthode des cas Quant à la notion d’« étude de cas », Stake (1994), manifeste que l’Étude de cas se focalise sur les cas plutôt que sur les méthodes de recherche utilisées. De son côté, Yin indique que « l’Étude de cas est une enquête empirique qui fait des recherches autour d’un phénomène contemporain au sein d’un contexte réel, notamment lorsque les frontières entre le phénomène et le contexte ne sont pas clairement évidentes »1. Cela concerne l’inclusion de multiples variables d'intérêt et de sources d’évidence. L’étude de cas, selon lui, est illustrative ou probatoire au plan théorique, visant à tester et à corroborer une hypothèse ou un résultat préalable. Toutefois, Yin précise qu’ « à des fins d'enseignement, une étude de cas ne doit pas contenir une interprétation complète ou précise des événements réels: son but est plutôt d'établir un cadre de discussion et de débat entre les élèves. Les critères pour l'élaboration d’un bon cas pour l'enseignement... sont bien différents de ceux adoptés dans la construction d’études de cas pour la recherche »2. Dans ce constat, l’Étude de cas est plutôt rapportée à la recherche alors que la méthode des cas est adoptée pour l’enseignement (Heath, 2002, p. 11). 4.1.2. Définition de la Méthode des cas La Méthode des cas trouve ses origines à la fin du XIXe siècle dans le cadre de formation au sein de l’école de lois de l’Université de Harvard. Cette pratique consistait en l’analyse, en alternant des questions et des réponses, d’un procès juridique déjà solutionné. Le but était d’examiner l’information et d’aider l’étudiant à « accoucher » de nouvelles hypothèses et de possibles solutions aux procès. Ses racines se trouvent dans la maïeutique de Socrate : « l’art d’accoucher les esprits des pensées qu'ils contiennent sans le savoir. La dialectique » (Rey, 2013, p. 1504). C’est une Méthode pédagogique fondée sur l’interrogation suscitant la réflexion intellectuelle. Cette approche a été mise en place quelques années plus tard dans l’école de management de la même Université (Cova & De la Baume, 1991) comme méthode d’enseignement de la théorie de l’entreprise. 1 Traduit de l’original : “ A case study is an empirical inquiry that...investigates a contemporary phenomenon within its real-life contest, especially when... the boundaries between phenomenon and contest are not clearly evident. ” (Yin R., 2003, p. 13). 2 Traduit de l ’original : “ For teaching purposes, a case study need not contain a complete or accurate rendition of actual events; rather, its purpose is to establish a framework for discussion and debate among students. The criteria for developing good cases for teaching... are far different from those for doing case study research ”. (Yin R., 2003, p. 2). 142 Les généralités autour de la Méthode des cas En ce qui concerne sa définition, de nombreuses références littéraires sont possibles d’être consultées. Nous citons quelques-unes d’entre elles : (Lundberg, Rainsford, La Méthode des cas implique une situation réelle d’une Shay, & Young, 2001) entreprise contenant une description détaillée d'un problème confronté par une organisation ainsi que les aspects et les évènements rapportés. (Lapierre, 2006, p. 2) « La Méthode des cas dont il est question ici est une approche inductive des apprentissages, basée idéalement sur l'expérience concrète et directe ou, à défaut, sur un matériel empirique et expérienciel ». (Juarrero, 2008, p. 1) La Méthode des cas : « est une pédagogie active fondée sur l’analyse rationnelle de vraies situations d’entreprise. Elle consiste à faire étudier et discuter de façon argumentée, par un groupe d’apprenants, des « situations-dilemmes » concrètes à partir d’informations fournies par les acteurs de l’entreprise étudiée. Ces informations donnent lieu à l’écriture, par un enseignant expert du domaine abordé, d’un support de formation spécifique : le « cas » ». (Cranston, 2008) L’application de la Méthode des cas (dans le cadre du processus d’apprentissage) implique une analyse des données qualitatives et quantitatives, des prises de décisions axées sur les actions et recommandations les plus pertinentes, tout comme le partage et la discussion de ces décisions avec d’autres étudiants. (Škudienė, 2012) La Méthode des cas est de nature multidimensionnelle caractérisée par un système composé de multiples parties en interaction en vue de produire un phénomène émergent. 143 Les généralités autour de la Méthode des cas Ces définitions présentant certaines similitudes par rapport aux paradigmes sur lesquels elles se nt. Selon (Škudienė, 2012), le paradigme fondamental sur lequel repose cette méthode est le constructivisme, un constructivisme social, réaliste, interactif, contingent, critique, déductif et inductif. - Constructivisme: Cette méthode vise à encourager les étudiants à co-construire des connaissances et à mettre en place le « learning by doing » au travers d’activités dynamiques focalisées sur le processus et l’« enquête ».1 Réaliste : Cela permet d’introduire un morceau de la réalité dans la salle de cours afin que les participants puissent confronter une « vie réelle » avec toutes ses complexités et problèmes. La Méthode des cas permet de déployer un phénomène dans toute sa complexité (Christensen & Carlile, 2009). L’interactif : La perspective interactionniste de la Méthode des cas indique que les événements se produisent indépendamment de l'observateur et ont de la valeur à condition que l'observateur fasse partie de ce contexte. Contingent: les jugements évaluatifs s'articulent sur des arguments qui ont tendance à dépendre du contexte, de l'évolution d'un ensemble de circonstances ou du temps, de la culture, du cadre de la situation ou de la singularité d’un groupe d’étudiants. Ainsi, les apprentissages acquis à travers la Méthode des cas, portent sur la compréhension et le comportement dans des situations particulières. La méthode des cas n'est donc pas conçue pour fournir la bonne réponse applicable à des situations similaires. Critique : La Méthode des cas met l’accent sur le fait d’enseigner aux élèves COMMENT penser plutôt que QUOI penser. Les étudiants apprennent à penser de façon critique, à évaluer, à argumenter de manière constructive en mettant en question leurs propres arguments. Les objectifs de la Méthode des cas visés comportent donc l'analyse, les avis divergents, l’organisation d’idées et le jugement de valeur. Inductive : La Méthode des cas est fondée sur l'observation, l'analyse et l'expérience. La méthode des cas porte sur une approche heuristique permettant de conduire les 1 Dans le cadre de la pensée de John Dewey, le concept du « Learning by doing » concerne un processus d’apprentissage par la pratique permettant à l’étudiant d’apporter son imagination et d’identifier ce qui est significatif pour la vie. L’« enquête », ou « Inquiry » en anglais, part d’une « situation indéterminée » dont l’incertitude ne porte pas sur un élément unique. En fait, l’incertitude s’inscrit dans un ensemble d ́éléments qui font partie d ́un contexte global non évident aux yeux de l’individu (Dewey, 1968). 144 Les généralités autour de la Méthode des cas étudiants à découvrir les concepts et les connaissances par eux-mêmes. Ce qui est découvert par soi-même est mieux appris, compris et rappelé que ce qui est dit. La Méthode de cas selon Morin (2004), cité par (Laflamme, 2005, p. 8), repose principalement sur trois pôles : L’analyse d’une problématique La Méthode des Cas Un exercice pratique de jugement La communication d’idées L’analyse d’une problématique concerne la compréhension de données présentées dans le cas de façon à identifier les forces et les contraintes. Ce qui amène par la suite à la recherche d’information supplémentaire, sur le terrain ou dans des références bibliographiques, permettant de complémenter ces données. En ce qui concerne le jugement, il convient d’envisager toutes les conséquences possibles des jugements ainsi que d’être capable de proposer de nouveaux jugements à partir d’un « premier jugement » (Laflamme, 2005). Finalement, la communication favorise l’interaction avec les autres. D’une part l’exposition des idées personnelles, et d’une autre, la compréhension des idées exposées par les interlocuteurs. La communication est clé pour convaincre la qualité des propositions ou de réfuter d’autres propositions avec de solides arguments. En tant que pédagogie, Mesny (2005), manifeste que la Méthode des cas possède certaines caractéristiques la différenciant d’autres pédagogies employées dans l’enseignement comme le cours magistral, les exercices ou le travail sur le terrain. À savoir : La capacité à reproduire le plus fidèlement possible les faits, la problématique ou la situation, tels qu’ils se sont passés à l’intérieur de l’entreprise. 145 Les généralités autour de la Méthode des cas Elle favorise la discussion dans la salle de cours, parmi les étudiants ainsi qu’entre ceux-ci et les enseignants La Méthode des cas repose sur le principe que les problématiques soulevées dans les cas n’ont pas de solution ou de réponse unique mais sont matière à discussion. L’accent est mis sur le « savoir-faire » et le « savoir-être » permettant de stimuler les comportements intellectuels et émotionnels de l’étudiant. Elle permet de réfléchir et d’enquêter sur les éléments du contexte, de trouver des pistes pour donner des solutions. Par ailleurs, (Van Stappen, 1989) souligne comme avantages : L’acquisition d’expérience, l’intégration des apprentissages et le transfert d’apprentissages théoriques-pratiques. Le développement d’habiletés d’apprentissage et de la motivation à apprendre en favorisant la créativité. La confrontation de points de vue et la clarification et la relativisation des idées en favorisant l’autonomie des étudiants. Dans cette perspective, la Méthode des cas, d’après Hlady-Rispal (2002), relève du constructivisme au sens qu’elle conduit l’étudiant à se concentrer sur les phénomènes pour construire une interprétation individuelle à partir des données observées. L’étudiant est donc amené à remettre en cause les faits et les bases théoriques de référence. 146 Les généralités autour de la Méthode des cas 4.2. Composants de la Méthode des cas Comme nous l’avons décrit auparavant, la Méthode des Cas permet d’articuler la situation réelle d’une entreprise et les objectifs des programmes de formation. Afin de mieux illustrer cette relation, nous prenons en référence la figure 27 illustrant l’interaction entre ses composants. D’abord nous analysons le rôle de l’entreprise, la problématique et le Cas. Ensuite, nous traiterons le rôle de l’étudiant, de l’enseignant et la Note pédagogique ou Teaching Note (TN) à travers la description du processus d’application du cas. Figure 27 : Composants de la Méthode des Cas Source : adaptée de (Juarrero, 2008, p. 4) Entreprise Problématique Intentionnalité formative Ecriture du cas+TN Situation dilemme Enseignant Animation du cas en formation Étudiant 4.2.1. Le rôle de l’entreprise, la problématique et le cas Dans un premier temps l’entreprise fournit l’information réelle nécessaire pour l’écriture et le support pédagogique du cas. Selon HladyRispal (2002), compte tenu de la multiplicité de tâches et de responsabilités à accomplir par leurs dirigeants, les petites et moyennes entreprises sont notamment sujet et objet d’étude. L’intérêt croissant de la part des institutions d’enseignement autour des expériences de ce type d’entreprises est évident (Marchesnay & Messeghem, 2011). 147 Les généralités autour de la Méthode des cas Le Cas peut être défini comme : « La description d’une situation dans le domaine des affaires affrontée par les dirigeants d'entreprises, ainsi que les faits rapportés, les opinions et les préjugés sur lesquels les décisions des dirigeants se sont appuyées » (Gragg, 1954, p. 6) 1. « La description d'une situation réelle, impliquant souvent une décision, un défi, une opportunité...un problème à affronter par une ou plusieurs personnes dans une organisation » (Leenders, Mauffet, & Erskine, , p. 3) 2. « Les cas... permettent de présenter sous de multiples angles une synthèse de situations organisationnelles complexes à acteurs multiples » (Filion L.-J., 2002, p. 20) Selon ces définitions, le Cas présente l’information facilitant la compréhension et l’analyse d’une situation vécue par une personne rapportée à une entreprise. Il dit être rédigé de façon claire et montre les éléments nécessaires pour que l’étudiant puisse se mettre dans la position du dirigeant de l’entreprise (ou de l’acteur principal du cas) 3. Le Cas présente la problématique sous forme de « situation-dilemme » (Juarrero, 2008). Celle-ci permet de faire le lien entre la situation réelle de l’entreprise et les objectifs d’apprentissage fixés. C’est pour cela que la Méthode des cas « n’est productrice de sens que dans la mesure où elle teste une problématique et dans le cadre d’une définition explicite de situations de gestion » (Hlady Rispal, 2002, p. 50). Dans ce sens, le Cas permet de reconnaître la complexité et l’incertitude autour des pratiques de gestion (Schon, 1994, p. 400). À la différence d’autres types de rédaction présentant des expériences de dirigeants d’entreprise, il est pertinent d’avoir l’autorisation de la personne concernée. Celle-ci confirme la véracité de l’information et 1 Traduit de l’original : “ A case typically is a record of a business issue which actually has been faced by business executives, together with surrounding facts, opinions, and prejudices upon which executive decisions had to depend.” (Gragg, 1954, p. 6). 2 Traduit de l’original : “ a description of an actual situation, commonly involving a decision , a challenge , an opportunity , a problem ... faced by a person or persons in an organization ” (Leenders, Mauffet, & Erskine, 2001, p. 3). 3 À la différence du récit de vie, celui-ci « est un discours narratif qui s’efforce de raconter une histoire réelle et qui est...improvisé au sein d’une relation dialogique avec un chercheur qui...oriente l’entretien vers la description d’expériences pertinentes pour l’étude de son objet » (Bertaux, 2001, p. 65). « Le récit de vie concentre son attention sur les situations où il y a eu une action qui a mal tourné...l ́approche par les récits est d ́abord généralisée pour approcher une population particulière... [exemple] savoir comment ça se passe ne prison » (Bourion, 2007, p. 244). 148 Les généralités autour de la Méthode des cas autorise l’utilisation du Cas à des fins pédagogiques. C’est l’autorisation formelle « qui distingue vraiment les cas d’autres types de matériel pédagogique1 ». La Méthode des cas est pourtant indissociable du Cas et ne peut être mise en œuvre qu’à partir d’un Cas (Cova & De la Baume, 1991). 4.2.2. Le processus d’application de la Méthode des cas L’application de la Méthode des cas est un processus (Ellet W., 2007) mis en place généralement en quatre phases. D’abord, les étudiants font l’analyse du cas de façon individuelle puis en sous-groupes. Ensuite, ils participent à une séance plénière organisée et animée par l’enseignant pour en revenir finalement à faire une réflexion individuelle. Selon Ellet (2007), l’analyse du cas concerne: La lecture active, interrogative et utile. Cela consiste à poser des questions et à chercher des réponses. Le but de l'analyse est de tirer une conclusion autour de la problématique principale supportée par cas. Le lecteur doit essayer de se mettre dans la peau du protagoniste du cas et de comprendre son dilemme et pourquoi il est dans ce dilemme. La formulation ’une hypothèse aidant à résoudre le dilemme du protagoniste.
37,245
12/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01953137-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,251
12,777
1.3.3. Une accélération de la dynamique d'érosion sur le littoral Aquitain, un phénomène diffusé à l'échelle national A partir de 2017, le mouvement s'accélère. Les articles traitant de l'érosion marine et du recul du trait de côte sont de plus en plus nombreux. Les titres se veulent aussi un peu plus alarmants : « 5 800 propriétaires du Sud-Ouest pris au piège de l'érosion » (SUD OUEST, 2017) « Le début de l'hiver est rude pour la zone littorale » (SUD OUEST, 2018) « Littoral : avant les grandes marées du week-end, des plages déjà fragilisées » (SUD OUEST, 2018) « Au bord de l'alerte » (LE CHOIX DE LA VIE, 2017) « Face à l'érosion, Lacanau envisage de déménager les logements et commerces du front de mer » (FRANCE 2, 2018) Malgré une multitude de sujets évoqués, une certaine crainte se fait sentir. Que ce soit pour les articles annonçant simplement un plan plage, que pour ceux qui exposent la situation du littoral aquitain, ou encore ceux qui évoquent une sensibilisation du public vis-à-vis des dunes. Les journalistes annoncent qu'il est actuellement difficile pour les plages de survivre aux différents phénomènes climatiques comme à Mimizan ou Montalivet-les-Bains (SUD OUEST, 2018). La conséquence qui apparaît comme la plus désastreuse est la menace d'une destruction imminente des logements et commerces de bord de mer. La population est assez peu évoquée au sein des articles, cependant un climat de crainte et même de peur est palpable. Les articles sur Lacanau sont plus nombreux aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a une dizaine d'années. Cela s'explique par une prise de conscience des citoyens en règle générale vis-à-vis des problématiques environnementales, comme peu partout sur le littoral aquitain, mais aussi par une remise en question des Canaulais par rapport au mode de construction de la commune (SUD - 40 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK OUEST, 2018). Au vu des derniers événements climatiques ravageurs et la perte de la quasi-totalité de la plage centrale, les habitants s'inquiètent pour les constructions déjà existantes et surtout pour la nouvelle construction sur le front de mer. En effet, un nouvel immeuble est en cours de construction aujourd'hui même dans une zone où l'érosion bat son plein. Le promoteur de l'opération se décharge en annonçant : « Dans le cadre du programme de commercialisation, tous nos clients ont bien évidemment reçu une information sur le risque érosion. Ils ont acheté en connaissance de cause. À ce jour, il ne reste plus que deux appartements à acquérir. Les ventes sont un succès. » SUD OUEST, 2018 Cet événement provoque des vagues de contestations justifiées de la part des habitants. Le reste des articles utilise la commune de Lacanau comme l'exemple d'une situation catastrophique et actuelle où il semble ne pas y avoir de solution convenable. Contrairement à la majorité des articles utilisés dans cette revue de presse, ces derniers ne sont pas uniquement publiés par le journal quotidien régional Sud Ouest, mais aussi par des médias nationaux comme Le Monde, Challenge, BFM TV ou France 2. Autre fait marquant, aucun d'entre eux ne traite du futur plan plage du Lion, alors qu'un article et même un court passage au sein d'une émission télévisé évoque le plan plage du Gressier (Ce dernier étant encore en phase de travaux, peut-être que cette étape intéresse plus les populations). C'est un point de vue à étudier lors des enquêtes semi-directives réalisées en seconde partie de ce mémoire (cf. Partie 2, 3. p. 105). Ainsi, les sujets sur Lacanau sont recentrés sur l'érosion et le recul du trait de côte qui entraînent, comme évoqué précédemment, des craintes foncières et immobilières. Finalement, les articles parus dans la presse autour du sujet de mémoire sont assez peu nombreux et peu diversifiés dans leur thématique. Cependant, il est notable une certaine évolution dans la pensée populaire. La presse qui n'était pas trop alarmée dans les années 2010 change de comportement quelques années plus tard. Les interrogations et craintes se de plus en plus intenses. Les journalistes qui traitaient sobrement les plans plages réalisés en préventions de l'érosion publient des sujets plus renseignés et plus pessimistes quant au devenir des plages du littoral aquitain. Le tableau n°15, ci-contre, synthétise l'ensemble des informations de la revue de presse de manière très succincte et évolutive au cours du temps. Il semblerait que ce soit vraiment la succession de tempête durant l'hiver 2013-2014 qui ait porté sur la scène nationale les phénomènes de l'érosion marine et du recul du trait de côte en Aquitaine. Figure 15 : Synthèse de la revue de presse, juin 2018, L.D 2. Institutionnalisation des schémas Plan Plage Pour parer aux scénarios catastrophiques évoqués dans cette revue de presse, la stratégie de gestion des dunes et des dynamiques qui en découlent privilégie un mode de gestion respectueux de l'environnement tout en prenant en compte les enjeux humains. Aujourd'hui, outre les stratégies de développement territorial établies à l'échelle des communes ou communauté de commune, le Plan plage est la directive aménagiste favorisée par les institutions. 2.1. La naissance des plans plages avec la MIACA Le tourisme en Aquitaine est né assez tardivement comme dans l'ensemble des communes françaises39. Afin de dynamiser le territoire et de répartir de façon plus homogène la croissance, le Comité Interministériel de l'Aménagement du Territoire (CIAT) est créé, de même que la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR). Dans ce sens et à échelle plus locale, la Mission Interministérielle pour l'Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA) est officiellement créée par décret le 20 octobre 1967, son rôle est de : « Définir les conditions générales d'aménagement touristique du littoral, le programme général d'aménagement de la Côte Aquitaine, d'en déterminer les moyens d'exécution et d'en suivre la réalisation par l'État, les collectivités publiques, les collectivités locales et par tout organisme public ou privé agissant avec l'aide de l'État ou sous son contrôle » GIP LITTORAL AQUITAIN, La miaca, première politique d'aménagement touristique du littoral aquitain 1967/1988, 2016 Dans l'histoire de cette structure, deux approches se succèdent et avec elles, deux présidents. Le premier, Philipe Saint-Marc, entre octobre 1967 et janvier 1970. Souvent critiqué pour sa vision trop idéaliste et peu effective, il est obligé de démissionner en janvier 197040. Son plan était axé sur la nature et en refuser toute destruction. Ainsi, son plan d'aménagement mettait au premier plan la sauvegarde et la conservation de la forêt dunaire et des dunes. Le président souhaite doubler la capacité d'accueil touristique de la Côte Aquitaine, invoquant ainsi la construction de 4,6% par an de nouveaux logements. Ce rythme et cet objectif d'augmentation de la population touristique est jugé trop faible pour les opposants Entre 1970 et 1988, le second président de la MIACA, Emile Biasini, entre en jeu. Son aménagement réside en la création de deux grandes zones aménagées différemment, les UPA (Unités Principales d'Aménagement) et les SEN (Secteurs 39 GRAVIER, J.F, Paris et le désert français, 1947 Ses opposants s'appuient sur Jacques Chaban-Delmas, élus premier ministre à l'époque pour provoquer cette démission, P. Saint-Marc aurait été jugé trop peu actif 40 - 43 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK d'Equilibre Naturels). Il existera 9 UPA et 7 SEN qui seront intégrés alternativement dans les différents documents d'urbanisme et schémas d'aménagement. A cette époque, sont aussi créées des Zone d'Aménagement Différée (ZAD) sur plus de 40 000 ha. Cette grosse opération permet de limiter la spéculation foncière sur ce secteur, de réaliser des opérations d'aménagement par les organismes publics (communes, départements, région, Etat), de constituer un patrimoine foncier, et de protéger des espaces naturels tout en permettant les extensions d'urbanisation au sein des documents d'urbanisme si besoin. Pour s'attaquer aux problèmes de gestion des dunes et non plus seulement à l'aménagement touristique « urbain », la MIACA a impulsé la création des premiers plans plage en Aquitaine. Ils sont nés du constat commun entre la MIACA et l'ONF, que de nombreux sites naturels notamment les SEN, étaient totalement laissés à l'état de nature. Cependant ils subissaient tout de même, en période estivale ou durant les week-ends, une fréquentation intensive. Celle-ci engendrait des dégradations importantes sur le milieu dunaire et forestier avec des piétinements et des dépôts de détritus. Les premiers plans plage sont donc adoptés par les départements de la Gironde et des Landes en octobre 1983. Ils se veulent garants de l'accueil et de la sécurité du public tout en permettant la protection des milieux naturels dunaires et forestiers. Les règles étaient précises :  Les parkings de 3 000 véhicules soit 12 000 à 15 000 personnes  Le revêtement des aires de stationnement recouvert d'aiguilles de pin  Les équipements d'accueil et de guidage du public légers de type caillebotis  La circulation se réalise en sens unique  Le public doit être sensibilisé à la préservation de l'environnement  Les dunes : re-nivelées, plantées en oyats et protégées par des filets pour fixer le sable Plusieurs générations de plan plage ont été entreprises : Figure 16 : Les différentes générations de plans plages, 2016, GIP littoral De 1980 au début des années 2000, 31 sites ont bénéficié de la politique des plans plages (figure 17) : - 44 - Figure 17 : Schéma Plan Plage littoral Aquitain « années 1980 », 2010, GIP littoral DE SPACE CCU DU : LE CAS DE LA FORET DUN La MIACA disparaître le 31 décembre 1992, après sa . Ses programmes et instructions seront reprises pendant un certain temps par la Délégation Régionale au Tourisme. 2.2. Le renouveau des plans plages impulsé par le GIP Littoral Trente ans après la mise en place du programme plan plage, les aménagements envisagés s'essoufflent à cause d'une faiblesse des financements, une diversification des activités sur les sites et des attentes des usagers et des acteurs qui évoluent42. Pour répondre aux difficultés de financement, l'Union Européenne met en place le Programme Régional-FEDER 2007-2013 (par l'intermédiaire du Fond Européen de Développement Régional), qui a identifié la Côte Aquitaine comme un des « territoires spécifiques à développer durablement » (objectif 4.1 du Programme Régional-FEDER 2007-2013). Pour cela, il prévoit le financement des plans plage : « Destiné à concilier l'accueil du public et la préservation des milieux naturels. Il s'agit aujourd'hui de réhabiliter certains sites, de décliner et de réactualiser ce concept en l'étendant à l'ensemble du linéaire côtier, en fonction des nouvelles exigences en matière de pratiques éco touristiques, mais aussi au regard des nouvelles attentes des néo- résidents et de la multifonctionnalité de ces espaces ». Régional-FEDER 2007-2013 C'est dans ce contexte qu'un troisième acteur intervient : le GIP Littoral Aquitain, en tant que groupement réunissant les services de l'Etat et des collectivités territoriales de la Côte Aquitaine. Le GIP a lancé en 2010 une étude confiée aux bureaux d'études ICABE, Cemagref et ONF qui avait pour finalité la mise en place d'un guide d'action local avec la création d'un cahier des chargestypes des plans plage. Cela a permis d'entreprendre un état des lieux de la situation du programme, les plans déjà réalisés, ceux qui étaient vétustes ou encore ceux qui dev être mis en place. Mais cela a aussi permis de créer une trame du plan plage répondant aux attentes actuelles. En ce sens, il a été déterminé au sortir de cette longue enquête, que les fondements du programme plan plage étaient toujours d'actualité :  Contrôler et maîtriser la fréquentation en milieu naturel  Mettre en place des équipements d'accueil du public 41 Source de l'ensemble de la partie sur la MIACA : GIP LITTORAL AQUITAIN, La miaca, première politique d'a ménagement touristique du litt oral aquitain 1967/1988, 2016 42 F ONDATION DE FRANCE. Les plages de la Côte Aquitaine ont été classées en cinq catégories différentes, comme le présente le tableau ci-dessous (figure 18): Figure 18 : Les catégories de plage, 2010, GIP Litt oral Les schémas Plan plage aquitain pourraient s'orienter à moyen terme vers 111 sites en façade océanique et 25 plages lacustres Figure 19 : Schéma objectif 2030 à l'échelle des départements, 2010, GIP littoral - 48 - Figure 20 : Les plans plage littoral Aquitain, projet 2030, 2010, GIP littoral 2.3. L'appropriation du programme par l'ONF La démarche d'élaboration des schémas plans plage s'effectue en trois étapes : 1) 2) 3)      La phase de diagnostic La définition des objectifs et des zonages La mise en place des objectifs sous forme d'action : Plan d'intervention sur le milieu Restructuration des aménagements existants Création d'équipements et aménagements (parking, cheminements piétons, voies cyclables, aires de pique-nique, Drop Zone, sanitaire, etc.) Plan de financement Planning des travaux Figure 21 : Schéma de base, ONF, 1980 Un schéma d'aménagement de base a été créé en 1980 par l'ONF, il est toujours en vigueur puisque les principes fondamentaux du plan plage n'ont pas chang , les spécificités de chaque territoire sont cependant précisées (figure 21): Il présente les cinq habitats principaux d'un site plan plage que sont la dune blanche, la dune grise, la frange forestière, son confortement et la forêt de production d'arrière dune. Ces grands ensembles doivent être préservés au maximum pour permettre une continuité des dynamiques naturelles et des interactions entre ces milieux. Sont aussi précisés les différents cheminements permettant une cohabitation entre tous les flux : piétons, cyclistes et automobilistes. « A l'arrivée sur le site, le visiteur laisse son véhicule dans l'aire de stationnement ombragée réalisées sous couvert forestier en arrière de la frange forestière de protection. Pour améliorer l'intégration paysagère et minorer les atteintes au milieu forestier, les places de stationnement sont simplement stabilisées par épandages d'écorces de pin et les voies en sens unique respectent le relief naturel. A partir du parking, le public est guidé vers la plage surveillée, par des sentiers stabilisés qui convergent vers un caillebotis de franchissement de la dune vive. La sécurité des baigneurs est assurée par une surveillance de plage (poste de secours, aire d'hélicoptère). () Le dispositif d'accès est complété par une jonction cyclable qui raccorde souvent plusieurs site entre eux, un pôle d'accueil, () comprend les informations générales sur le milieu () La protection du milieu est prévu par une orientation des visiteurs vers un itinéraire confortable () L'intégration paysagère est assuré par un traitement homogène sur l'ensemble des sites Aquitain avec utilisation de mobilier de bois (tablebanc, support de panneaux,), dont la ligne a été définit en concertation avec des architectes paysagistes. L'objectif est de rendre ces sites et leurs équipements peu visibles en dehors de la saison touristique » ONF. L'ONF et l'espace littoral. Avril 1996, 59p. Si l'initiative a été menée à l'échelle nationale et régionale, les plans plage sont très souvent mis en oeuvre par l'ONF à l'échelle d'une forêt. Cela s'explique simplement par la situation de ces plages en territoire domanial et dunaire. Ainsi, cet organisme public disposant d'équipes pluridisciplinaires (paysagistes, forestiers, urbanistes, géomaticiens, etc.) semble le plus à même de réaliser ces schémas. 3. L'ONF : un gestionnaire majeur de la forêt dunaire Au du 3.1. La place prépondérante de l'accueil du public en forêt 3.1.1. La naissance de l'Office National des forêts à la suite des grandes réformes L'histoire de l'ONF commence en 1964 sous l'impulsion du ministre de l'agriculture de l'époque, Edgar Pisani. Il engage une grande réforme de l'administration centrale. Concernant le monde forestier, il souhaite le redynamiser en séparant la gestion de l'eau de celle des forêts en supprimant l'administration des eaux et forêts. Après un premier refus de Charles de Gaulle, ce sera George Pompidou qui engagera la reforme en 1966. Doté de la personnalité civile et d'une autonomie financière, Philipe Lacroix devient le premier directeur général de l'ONF, un poste qu'il quittera 9 années plus tard. En 2015, l'Office national des forêts a fêté ses 50 ans.44 Avant même l'ONF, la conservation et préservation des forêts était importante au sein de l'administration française. La première institution française de gestion forestière a été créée en 1281 par Philippe IV le Bel, elle se nommait l'administration forestière des eaux et de la pêche. A cette époque, le bois était encore plus précieux qu'aujourd'hui puisqu'il était absolument nécessaire à la vie économique et sociale. Il était utile au chauffage, à la construction autant militaire que pour les châteaux ou des habitations modestes ; tout était construit dans ce matériel, les cages, les piquets, le mobilier, etc. Ce mode de consommation engendre une surexploitation de cette ressource qui pourrait disparaître si elle n'est pas gérée durablement. Pour exploiter le bois tout en permettant la plantation constante de nouveaux arbres, une diversité d'ordonnances royales ont été publiées siècles après siècles. L'aménagement forestier devient l'ancêtre du éveloppement durable : « Les Maîtres des Forêts enquerront et visiteront toutes les forêts et bois qui y sont et feront les ventes qui y sont à faire, eu regard à ce que lesdites forêts et bois se puissent perpétuellement soutenir en bon état. » Ordonnance forestière de Brunoy, 1346 45 Un autre grand réformateur du monde forestier apparaît en 1661, Colbert, nommé contrôleur des finances. Sous le règne de Louis XIV, il souhaite rétablir les finances du roi et réorganiser la gestion du bois français, notamment le bois de marine. Il lance alors un inventaire général des forêts royales et ordonne aux communautés ecclésiastiques et propriétaires de gérer leur patrimoine forestier de manière à anticiper son renouvellement et le besoin en bois, c'est l'ordonnance de 1669 qui sera réutilisée dans le Code Forestier de 1847. Un document toujours en vigueur actuellement, bien que quelque peu modifié par diverses ordonnances puis décrets. Il divise l'ensemble des forêts françaises en trois catégories :  Les forêts domaniales, anciennes forêts royales, appartenant à l'Etat  Les forêts communales  Les forêts privées Autre point clé à cette époque, la création de l'école Nationale des eaux et forêts de Nancy en 1824, l'ancienne AgroParis Tech qui forme encore aujourd'hui une partie des forestiers de l'ONF. En 2001, le Code Forestier reste inchangé mais est adoptée la loi d'Orientation sur la forêt communément appelée la Loi LOF de 2001. Elle présente les nouveaux fondamentaux de la politique forestière. Entre autres, sont reconnu d'intérêt général diverses actions : 1) La protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d'une gestion durable ; 2) La conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestières ; 3) La protection de la ressource en eau et de la qualité de l'air par la forêt dans le cadre d'une gestion durable ; 4) La protection ainsi que la fixation des sols par la forêt 5) La fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. 6) La loi forestière vise plusieurs objectifs principaux : 7) Conserver la surface forestière, CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK 8) Promouvoir la gestion durable des forêts pour un approvisionnement durable de la filière, 9) Promouvoir la hiérarchie des usages dans le bois : bois d'oeuvre en priorité, puis bois d'industrie et enfin bois énergie. CODE FORESTIER. Loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt. NOR: AGRX0000026L. 3.1.2. Une gestion tripartite et la spécificité de l'accueil du public en forêt L'Office National des Forêts a pour mission principale d'assurer la gestion des 1 300 forêts domaniales françaises et les 15 600 forêts de collectivités ; soit de 25% du domaine forestier français et 11 millions d'hectares de territoire (4,7 millions d'hectares en métropole et 6 millions en outre-mer). L'établissement public s'articule autour d'une gestion multifonctionnelle permettant à la fois la production de bois tout en garantissant la protection de l'environnement et l'accueil du public en forêt. Il dispose aussi de missions de service public de préservation et gestion des risques naturels (La défense des forêts contre les incendies - DFCI, la restauration des terrains en montagne-RTM, la stabilisation des dunes littorales, la surveillance phytosanitaire des forêts) et propose ses services en matière de gestion forestière aux collectivités publiques et entreprises privées. Les trois piliers de l'ONF : La production de bois : En 2017, l'ONF commercialisait 40% des bois mis sur le marché français. Un matériel utile dans les filières du bois d'oeuvre majoritairement, mais aussi du bois d'industrie et - 54 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK du bois énergie. La totalité des bois issus des forêts do maniales est certifié PEFC (Promouvoir la Gestion Durable des Forêts)46 La protection de l'environnement : L'établissement gère 151 000 hectares de réserves biologiques mais protège aussi les milieux, habitats, essences et espèces végétales et animales. Dans le respect des engagements pris avec l'Etat et la Fédération Nationale des Communes Forestières, ainsi que dans le cadre des normes PEFC, l'ONF s'est fixé 4 axes stratégiques en Sud Ouest :  Contribuer au maintien et à la valorisation de la biodiversité,  Contribuer à la qualité de l'eau,  Maintenir un état des sols favorable au milieu forestier,  Préserver et valoriser les paysages. Cette gestion durable des forêts est encadrée par le Régime Forestier qui apporte un ensemble de garanties permettant de préserver les forêts publiques sur le long terme. Cela permet le développement des sites Natura 2000 et des réserves biologiques mais surtout d'assurer une gestion raisonnée, productrice de bois, en adéquation avec les espaces naturels et les paysages. L'accueil du public. Il se base sur l'organisation des différents flux usagers sur le site et leur sensibilisation au milieu qui les entoure. Ce dernier point est celui qui nous intéresse particulièrement pour ce mémoire, bien que tous aient aussi un rôle nécessaire et influant. L'accueil du public en forêt est essentiel, non pas uniquement pour sa fonction sociale, mais aussi comme partie intégrante de la gestion durable des forêts. Une fréquentation importante de l'Homme sur cet espace naturel engendre des dégradations. Les piétinements, les cheminements sauvages, le stationnement sauvage, la destruction des habitats naturels, le rejet de déchets (organiques ou non-dégradables) ou encore le bruit génèrent de graves conséquences sur la faune, la flore et les sols. Certaines fois, ce sont des milieux sensibles qui sont impactés par les activités humaines, des impacts dont le visiteur n'a pas toujours conscience. L'espace forestier doit répondre aux exigences du public qui le pratique et à celles des forestiers, naturalistes, membres de la commune sur laquelle il est implanté, qui le protègent et l'aménagent. « Le schéma d'accueil du public en forêt constitue ici une démarche concertée d'aménagement d'un espace forestier pour accueillir les publics. Elle est 46 PEFC est une ONG internationale qui se veut protectrice des forêts dans le respect de ceux qui y vivent, y travaillent, s'y promènent, tout en permettant la pérennisation de la ressource forestière pour répondre aux besoins en bois de l'Homme d'aujourd'hui et de demain : PEFC. Promouvoir la gestion durable de la forêt [en ligne] Disponible sur : https://www.pefc-france.org (consulté en août 2018) CONCILIER GES DURABLE DU : DE Laura DECROCK menée à l'échelle d'un territoire. Basée sur un diagnostic de l'espace forestier et ses compos locales, elle formule une stratégie d'accueil à l'échelle de la forêt considérée et de ses sites. » ONF, 2011 En ce sens de nombreuses circulaires ministérielles depuis les années 1970 ont intégré dans leur écrit cette notion d'accueil du public. Elles précisent l'importance du piéton en forêt publique et l'intérêt de réduire au maximum le déplacement motorisé : « Le mouvement d'évasion des citadins vers les espaces verts forestiers périurbains a été beaucoup plus important qu'on pouvait le prévoie en 1964 et la pression exercée est devenue dans certaines zones difficilement supportable par la forêt () En outre le développement de certaines formes de tourisme ou de sport pose des problèmes nouveaux. 3.2. Le rôle de l'ONF dans la gestion des forêts dunaire L'ONF gère une part importante du linéaire côtier de la façade atlantique puisque les forêts dunaires qui y sont implantées sont à 88% domaniales47. Le reste des domaines forestiers dunaire est géré par des établissements publics. 3.2.1. D'une gestion économique à une préservation environnementale La gestion forestière est rapidement devenue une stratégie de contrôle royal du territoire national. Il en est de même pour la gestion dunaire. Entre la fin du XIIIe siècle et la fin du XIXe siècle, d'importants travaux de fixation des dunes ont été mis en place afin de stopper l'avancée des sables vers les villes et villages. 88 000 hectares de dunes vont être végétalisés par l'Oyat et le pin maritime donnant naissance à la forêt des landes et de Gascogne connue aujourd'hui. A cette époque le pin était essentiellement exploité pour sa résine qui permettait de fabriquer de l'huile et de l'essence de térébenthine nécessaire à la fabrication de vernis48. Au XXe siècle, l'exploitation des résines décline à cause d'un faible rendement économique en comparaison au travail fournit. Les dunes étant difficilement praticables par des machines, le travail manuel devait être favorisé mais il est assez peu rentable. Après un souci de rentabilisation économique de la forêt dunaire, le souci de préservation environnementale apparaît avec la notion de « forêt de protection » en 1922. Sont reconnus des 47 48 SARDIN, Thierry. Guide des sylvicultures, 2009 CHEVALIER, Le Pin maritime des Landes, 1925 - 57 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK qualités de préservations et de lutte contre l'érosion et l'ensevelissement par le sable et les eaux de ces espaces dunaires. C'est le début de la gestion environnementale des dunes atlantiques. En 1985, le caractère naturel et paysager des dunes est confirmé par la qualification de ces espaces d'« espaces naturels sensibles » (ENS)49. ujourd'hui, la gestion dunaire passe aussi par une prise de conscience des aléas naturels qui bouleversent les modes d'ingénierie à l'origine très radicaux et durs pour un modèle plus souple et dynamique. 3.2.2. De la stratégie la plus souple à la plus restrictive : les quatre stratégies de gestion des dunes littorales Loïc Gouguet, chef de projet naturaliste à l'ONF, dans son « guide de la gestion des dunes et des plages associés » (2018) expose les nouvelles stratégies de gestion des dunes entreprises notamment par l'ONF. D'abord une typologie de dunes est proposée . Elles comprennent aussi bien la dune boisée que la dune non-boisée :     La dune naturelle Les dunes gérées de façon souples en général Les dunes gérées de façon souples à risque de submersion Les dunes urbaines Ces catégories s'échelonnent entre la moins influencée par l'action anthropique autant historique qu'actuelle à la plus impactée. Puis quatre stratégies de gestion ont été mises en place : 1) 2) 3) 4) La dynamique libre Le contrôle souple Le contrôle renforcé Les interventions lourdes 49 Les ENS : « ont pour objectif de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels ; mais également d'aménager ces espaces pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel. » Conservation Nature, 2018 Ces catégories s'échelonnent ici aussi de la moins dirigée par l'action anthropique à la plus accompagnée. La première stratégie respecte les processus naturels de la dune et n'implique aucune action humaine ou de génie écologique dunaire sur l'espace. La « non-intervention » est privilégiée, ce qui favorise la création des dunes naturelles. Souvent, ces espaces sont soumis à réglementation très stricte pouvant aller jusqu'à la « mise sous cloche ». Ce sont les sites Natura 2000, les réserves naturelles ou biologiques ou encore les sites du conservatoire du littoral. L'enjeu humain est inexistant, c'est à dire qu'il n'y a pas d'habitations à proximité et le « laisser aller » envisagé par la stratégie n'impacte pas le public du site. La seconde stratégie est favorisée par les aménageurs de l'ONF. Quelques actions de génies écologiques sont envisagées en suivant les dynamiques naturelles et les relations dunes-plageocéan. Choix stratégiques de gestion selon les types de dunes Type de stratégie Type de dunes Dynamique libre Contrôle souple Dunes naturelles Dunes gestion souple (cas général) Dunes gestion souple à risque de submersion Dunes urbaines A privilégier Concevable Interventions lourdes Contrôle renforcé A privilégier Concevable A privilégié Concevable Souvent inévitable Figure 22 : Représentation des choix stratégiques de gestion selon les types de dunes, 2018, Gouguet 3.2.3. Une gestion raisonnée des cordons dunaires en quatre étapes L'organisation de la gestion des dunes du littoral s'établit en quatre étapes : 1) 2) 3) 4) Connaissance et diagnostic du territoire Surveillance et évaluation Entretiens Travaux d'aménagement La gestion des dunes du littoral doit commencer par une connaissance et un diagnostic approfondi du cordon dunaire dans son environnement hydro-sédimentaire et sa région biogéographique. L'enjeu sera de comprendre le fonctionnement de cet espace et sa végétation sur le long terme. Cela permettra d'éviter les réactions immédiates mais inadaptées en cas de catastrophe par exemple. La seconde étape suit la même direction que la première puisqu'elle repose sur la surveillance du site et son évaluation. Cette démarche permettra d'entreprendre des actions en cas de changement ou de rendre compte d'un changement, après un aménagement par exemple, qu'il soit négatif ou positif. L'étape suivante est celle de l'entretien de la dune. Cela est permis par le nettoyage des plages mais aussi par la maintenance des aménagements en place. Si des ganivelles ont été installées pour limiter l'avancée des sables par exemple, il sera nécessaire, au vu des phénomènes naturels qui l'entoure (vent, embruns, eau, sable de la changer régulièrement pour qu'elle soit toujours aussi efficace. Le nettoyage des plages est absolument nécessaire. Aussi, une plage remplie de déchets est néfaste pour la création de dune mais aussi et surtout pour l'environnement marin et terrestre. Enfin, la dernière étape est celle de la mise en place d'aménagements sur le site. Sur certains espaces naturels, un aménagement réfléchi un peu plus amplement est nécessaire parce que le site est très touristique et donc fréquenté, ou parce que l'enjeu naturel est plus conséquent que sur d'autres sites. Lorsque le site est touristique, l'enjeu sera essentiellement de canaliser le public pour limiter son impact négatif sur la dune et la forêt. Des cheminements précis seront créés, par exemple pour éviter le piétinement de la dune grise ou de la forêt de protection ; des poubelles pourraient être installées pour limiter les déchets sur la plage ; des aires de stationnements pourraient être créées et encadrées pour supprimer le stationnement sauvage, etc. Lorsque le site est soumis à de forts phénomènes naturels qui menacent sa préservation (une tempête à venir ou une érosion trop importante et imprévue par exemple), les aménagements seront différents puisqu'ils devront s'adapter à la nature qui est difficilement contrôlable comparativement à l'Homme. Ces dispositifs seront plus ou moins imposants en fonction de l'aléa et de la vulnérabilité, ce qui amènera à suivre l'une au l'autre des stratégies évoquées précédemment. Certaines fois, le site sera soumis aux deux risques, l'Homme et la nature. Dans ce cas-ci, les aménagements devront être adaptés. Cette étape se compose de deux sous-étapes : 1) La phase d'étude, qui mettra en exergue les besoins 2) La mise en oeuvre des travaux, qui appliquera les analyses et remarques énoncées dans la phase précédente. Après avoir présenté le territoire étudié dans ce mémoire par ses caractéristiques, ses institutions et modalités de gestion pour répondre aux enjeux environnementaux et anthropiques, il apparaît intéressant d'étudier le phénomène à l'échelle d'un cas concret. Pour ce faire, l'étude du plan plage du Lion à Lacanau qui est en cours de réalisation permettra d'illustrer les résultats exposés en première partie. DEC PARTIE 2 : LA REHABILITATION DU PLAN PLAGE DU LION COMME SOLUTION APPORTEE A LA HAUSSE DES FREQUENTATIONS ET AUX PROBLEMES ENVIRONNEMENTAUX 1. Lacanau Océan, entre urbanisation et espace de nature préservé La commune de Lacanau est une station balnéaire soumise à de nombreux bouleversements. Son étude permettra d'entrevoir une mise en situation des constats évoqués au sein de la partie précédente. 1.1. Lacanau, une station balnéaire très fréquentée 1.1.1. La naissance d'une station balnéaire Le début du XIXe siècle marque le début de l'ère des stations balnéaires et de montagne. Vantées pour leurs vertus curatives et ressourçantes par le cercle médical de l'époque, les communes situées sur le littoral français se développent. Que ce soit à Biarritz, Saint-Jean-Piedde-Port ou Lacanau, le constat est le même : les touristes affluent pour profiter des bienfaits du climat océanique, se prélasser sur les plages et participer à des cures thermales. Lacanau Océan a ainsi très tôt aménagé son territoire en rapport avec cette pratique de l'espace en conservant sa caractéristique de ville-nature : « M. Pierre Ortal propriétaire à Lacanau Bourg et chef de service aux Chemins de fer des Landes fait connaître par écrit à la municipalité de Lacanau son intention de créer une station balnéaire sur les dunes littorales de la commune. » Mairie de Lacanau, 1884 Un an après cette intention, la commune inaugure la ligne de chemin de fer reliant Bordeaux à Lacanau. De nouveaux habitants viennent s'installer à Lacanau, ce qui induit la construction d'habitations. Ce développement n'a jamais cessé depuis, malgré la suppression de la ligne de train, de nouvelles constructions ont été créées en continuité du coeur urbain existant. Photographie aérienne de Lacanau Océan entre 1950 et aujourd'hui Figure 23 : Photographie aérienne de Lacanau Océan entre 1950 et aujourd'hui, 1950 - 2016, IGN 1.1.2. L'offre de loisirs marins de Lacanau Océan L'ère des cures thermales révolues, la proximité de Lacanau Océan avec la métropole girondine lui confère encore aujourd'hui une attractivité touristique très importante50. Elle est même de plus en plus intense puisqu'il est d'autant plus simple pour les Bordelais de se rendre sur les plages girondines avec les moyens de locomotion que l'on connaît aujourd'hui. La commune plaît notamment pour ses plages. En ce sens, elle propose aujourd'hui 4 plages aménagées : 50 51  La plage Nord, qui dispose d'un plan plage en secteur naturel en limite Nord du front de mer urbanisé. Cette plage est fréquentée par le public local et les campings situés plus en retrait du front de mer. Elle propose un parking aménagé et payant. La baignade y est surveillée en période estivale51.  La plage Centrale est la plage la plus fréquentée de la commune puisqu'elle se situe sur le front urbain. De par sa situation et ses fréquentations, cette plage est fortement aménagée autant d'un point de vue foncier qu'en terme d'équipement de loisirs, de repos, de propreté ou en terme d'infrastructures de transports, touristiques ou urbaines. En effet, GIP LITTORAL, 2016 ONF, 2018 - 63 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK des parkings payants sont présents, tout comme de nombreuses poubelles ou sanitaires. Au niveau des infrastructures, un réseau de dessertes routières approvisionne l'espace. Sont aussi notables des logements, des résidences et hôtels de tourisme ainsi que de nombreux commerces. Cette plage est souvent sur-fréquentée en période estivale. La baignade y est surveillée durant cette période52.  La plage Sud est située en limite Sud du front urbanisé. Elle draine essentiellement un public de proximité issu des grandes résidences de vacances avoisinantes et de la zone résidentielle. Elle possède une capacité de stationnement très faible qui entraîne des désordres importants dans les rues et un stationnement anarchique. Elle n'a pas de parking aménagé et les places de stationnement disponibles sont communes aux habitants et touristes vivant à proximité. La baignade y est surveillée en période estivale 53.  Les plages Super Sud du site du Lion, située le plus au sud du littoral communal, elles font parties d'un vaste plan plage en secteur naturel comme le secteur Nord. Ce site dispose d'une forte capacité de stationnement gratuite (2200 places). Aujourd'hui, ce plan plage va être repensé, c'est pourquoi il est envisagé de l'analyser dans ce mémoire. La plage du Lion/Super Sud est la seule plage surveillée du site54. 24 : Plages océaniques, Lacanau, 2018, ONF : DEC 1.1.3. Lutte contre l'érosion marine et protection du front de mer Figure 25 : Analyse prospective de l'évolution du trait de côte sur la plage centrale de Lacanau, avril 2018, L.D La plage la plus fréquentée de la commune est fortement soumise à l'érosion marine. En effet, selon l'Observatoire de la Côte Aquitaine, le trait de côte aurait reculé d'une vingtaine de mètres ces dernières années, conséquence de l'hiver 2013-2014 et de sa succession de tempêtes Face à l'ampleur du risque, une projection à 2050 a été calculée ; le trait de côte gagnerait en moyenne une cinquantaine de mètre voir plus, ce qui absorberait totalement la plage et les premiers mètres du front urbain55. Aujourd'hui, cette dynamique marine entraîne des abaissements de plage conséquents. Lorsque la marée monte, la capacité d'accueil du public sur la plage est fortement réduite, elle est même nulle certaines fois. Figure 26 : La plage centrale de Lacanau à marée haute, mars 2018, L.D Pour contrer ce problème, la Mairie de Lacanau accompagnée du GIP Littoral a réfléchi à plusieurs scénarios envisageables pour tenter de protéger ses constructions, son économie, son cadre de vie et ses habitants. Le 22 juin 2016, une « Stratégie locale de gestion de la bande côtière » a été mise en place. Elle propose un programme d'actions sur la période 2016-2018. Au vu du coût de financement du programme assez élevé (2 millions d'euros) et de l'enjeu d'un tel projet, le FEDER participera financièrement à hauteur de 54%, la Région Nouvelle Aquitaine de 15%, la FNADT de 11% et la Ville de Lacanau de 20%56. Le département de Gironde et la métropole bordelaise ne participent pas au projet, ce qui peut poser question puisque tous deux sont très largement impliqués dans la problématique d'aménagement de leur territoire, Lacanau en faisant partie, d'autant plus qu'une grande majorité des touristes Canaulais sont des girondins. Ainsi, il paraît étonnant que la métropole ne participe pas à la préservation de ce site. Deux directions ont à ce jour été envisagées par la commune de Lacanau pour préserver au maximum ce front de mer57 :  La lutte active  La relocalisation 56 57 MAIRIE DE LACANAU et GIP LITTORAL, 2017 Commune de Lacanau, Sauvegarde de Lacanau face à l'érosion du littoral, 2017 - 67 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK Chacune de ces directions sont elles-mêmes divisées en plusieurs scénarios possibles de « Lacanau Océan 2100 ». Le tableau ci-contre résume ces différents scénarios, il fait du rapport technique retraçant l'ensemble des résultats concernant les scénarios de Lacanau. Il a été rédigé par le GIP littoral notamment, mais aussi par la commune de Lacanau (figure 27): Figure 27 : Les scénarios, la relocalisation des activités et des biens en Aquitaine, 2015, GIP littoral et commune de Lacanau Le premier scénario repose sur l'implantation d'ouvrages artificiels dit de « protection dure ». Deux types d'ouvrages pourraient être implantés :  Les ouvrages agissant sur la diminution de l'énergie marine comme le rechargement en sable, les brises-lames ou les épis longs  Les ouvrages qui confortent le front de mer comme les digues, les enrochements, les blocs en béton ou les boudins géotextiles Ce scénario semble être tout à fait réalisable puisqu'il a déjà été mis en place sur certaines communes du littoral Aquitain, comme à Capbreton par exemple. Le coût qu'il représente est élevé (20 millions d'euros selon estimation) mais moins que le second scénario. Le gros problème de la mise en place de cette « protection dure » repose dans sa durabilité. En effet, la mise en place d'ouvrage artificiel dans un contexte de dynamique naturel en mouvement constant pourrait entrainer une accélération de sa détérioration, d'autant plus en situation d'érosion marine. Si l'ouvrage est installé en 2050, il sera nécessaire de réimplanter un nouvel ouvrage de lutte artificiel d'ici quelques dizaines d'années ou de trouver une autre solution. Le second scénario repose sur la relocalisation des biens et des activités en dehors de la zone d'érosion et la renaturation de l'espace dunaire. Une surface de vulnérabilité à l'érosion a été déterminée. Elle imposerait le déplacement de 1 194 logements, soit 14% des logements communaux, dont la majorité des résidences secondaires (94% de celles-ci) et de 109 locaux commerciaux ou industriels. La valeur totale de ces logements et commerces s'élèverait à plus de 500 millions d'euros, sans prise en compte du risque58. Ce scénario est lui-même é en trois possibilités de scénarios :  Le premier « A : un cadre de vie préservée », ne recherche pas la réappropriation d'une population touristique mais une préservation du cadre de vie naturel de Lacanau Océan. Pour cela, la plage sera recréée et la dune laissée naturelle. Le surf sera mis en exergue sur le front de mer.  Le second « B : glisse et famille » favorisera l'attractivité touristique, notamment en rapport avec les sports de glisse, en installant plus d'hébergements touristiques de type « camping » sur la commune.  Enfin, le dernier « C : Le grand Bordeaux » favoriserait d'avantage le tourisme sur la commune avec la création de nouveaux campings, nouveaux hôtels et d'un grand parking en amont de la station. En attendant la mise en place de l'un ou l'autre de ces scénarios, la Mairie de Lacanau a déjà mis en oeuvre des dispositifs de rechargement de la plage pour la saison estivale. Cela consiste en l'apport de sable provenant d'un stockage terrestre ou maritime par l'intermédiaire de machines pour compenser le déséquilibre du littoral. Ce système ne peut être mis en place que si un ouvrage de défense a déjà été réalisé et c'est le cas pour la plage centrale. Des épis courts sont en place sur le sable. Ils permettent de limiter le mouvement des sables par la houle en favorisant l'engraissement de la zone de plage. Leur construction est réalisée perpendiculairement au trait de côte, comme cela est visible sur la photographie précédente de la plage à marée haute.59 1.1.4. Le report de fréquentation vers la forêt dunaire La disparition de la zone de farniente60 durant certains moments de la journée oblige les utilisateurs de la plage à se déporter sur d'autres plages de Lacanau ou sur d'autres communes. Ainsi, la plage Nord et Sud qui sont les plus proches géographiquement sont régulièrement très fréquentées, ce qui entraîne en période de haute-fréquentation des difficultés de stationnement, notamment sur la plage Sud qui ne dispose pas de parking dédié. La plage Nord (comme la plage Centrale et les quelques places de la plage Sud) dispose d'un parking payant. Ainsi, de nombreux plagistes préfèreront se rendre sur les plages du Lion qui disposent d'un parking gratuit. Le report de fréquentation sur les plages Super Sud est visible aussi les usagers du Gressier de la commune du Porge. En effet, la commune du Porge est située à quelques dizaines de 58 GIP littoral, commune de Lacanau, la relocalisation des activités et des biens en Aquitaine, 2015 GIP littoral, commune de Lacanau, livret littoral, 2015 60 la plage, l'espace de sable entre l'océan et l'urbain 59 - 69 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK kilomètres de celle de Lacanau. Figure 28 : Relevé des écocompteurs du parking du Lion, avril 2017-octobre 2017, ONF Figure 29 : Relevé des écocompteurs du parking du Gressier, avril 2017-octobre 2017, ONF - 70 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK Après avoir détaillé la nécessité de mettre en place un aménagement efficient sur le site du Lion vis-à-vis des interactions extérieures au site (plages canaulaises ou du Gressier) et des stratégies à l'échelle communale, il apparaît nécessaire de s'intéresser au site du Lion en luimême. 1.2. Un espace de nature sauvage et préservé 1.2.1. Le premier rideau entre océan et espace terrestre Figure 30 : La situation géographique du site du Lion, Avril 2018, L.D Le site du Lion est situé en plein coeur de la forêt domaniale de Lacanau en contact direct avec la zone urbaine Sud de Lacanau - 71 - CONC ILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK La forêt domaniale de Lacanau se compose en grande majorité de pins maritimes et d'un sous étage de feuillus, essentiellement des arbousiers, ce qui ne diffère pas des autres forêts girondines. Figure 31 : Sous étage d'arbousiers au Lion, juillet 2018, HB/LD De par sa caractéristique de forêt domaniale, elle est entièrement gérée par l'Office National des Forêts. Cet organisme assure la gestion, dans le cadre du régime forestier, de 500 km de forêts dunaires et rocheuses, soit 40% de la zone dunaire atlantique, directement au contact avec le Domaine Public Maritime (DPM). Les forêts du littoral atlantique sont notamment constituées d'une frange de protection qui lutte contre les embruns et l'érosion éolienne, elle se nomme la forêt de protection. Plus précisément, le site du Lion se trouve à la confluence entre un espace forestier et le littoral Atlantique. Il assure le premier rideau entre océan et l'interface terrestre. Ceci induit une géomorphologie très particulière comme il est précisé sur l'illustration suivante : - 72 - Figure 32 : Composition géomorphologique du site du Lion, avril/juillet 2018, L.D CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET ACCUEIL DU PUBLIC : LE CAS DE LA FORET DUNAIRE DE LACANAU Laura DECROCK - 73 - CONCILIER GESTION DURABLE DE L'ESPACE FORESTIER ET CCUEIL DU : LE CAS DE LA ROCK Le milieu dunaire est menacé par une déstabilisation localisée du sol, comme sur l'ensemble du littoral atlantique. Ce phénomène est notamment visible à l'intersection entre la dune blanche mobile, qui s'étend de plus en plus sur la dune grise semi-fixée, et la forêt dunaire. La végétation s'installant sur le milieu dunaire contribue à la fixation des sables. Sur la dune blanche mobile, la végétation est psammophile61 dominée par l'Oyat. Elle limite quelque peu le transport éolien des sables. Sur la dune grise, la tation est abritée des embruns, ce qui entraîne un transit sableux moins important, l'installation d'espèces plus sédentaires et la stabilisation de la dune. Cependant, sur un espace aussi fréquenté que le littoral aquitain la dune blanche empiète régulièrement sur la dune grise. Ce phénomène est accentué par des cheminements sauvages et des piétinements qui accélèrent le transport éolien sur la dune mobile et déstabilisent la fixation de la dune grise, contribuant à la stabilité dunaire et donc à la maîtrise de l'érosion du trait de côte. Sur les plages du site, l'érosion éolienne reste limitée mais présente dans un contexte de milieu non anthropisé contrairement à la plage centrale de Lacanau. 33 Analyse prospective du trait de côte sur le site du Lion, avril 2018, L.D Après la dune et la plage, la forêt de protection est visible sur le site. Elle représente la première frange forestière après l'ourlet pré-forestier composée de pins anémomorphosés63. Le peuplement y est naturel et généralement dense. Aucune intervention humaine n'est effectuée sur ces milieux forestiers qui évoluent naturellement et présentent régulièrement des signes de dépérissement dus aux agressions salines et éoliennes des entrées maritimes. Cette bande est relativement limitée puisqu'elle s'insère entre les accès plages qui la traversent et la forêt littorale. Sur la photo (n°34), la forêt de protection est visible sur la gauche. La photo a été prise sur le cheminement piéton d'un accès plage à Lacanau Figure 34 : La forêt de protection, juillet 2018, L.D En continuité, la forêt littorale du Lion, qui représente à elle seule le plus grand périmètre du site, se situe en arrière dune et se compose des aménagements et équipements installés pour l'accueil du public, mais aussi de la forêt de production qui n'est que très peu fréquentée (sauf par les techniciens ONF). Figure 35 : La forêt dunaire, juillet 2018, LD Pins déformés par l'action du vent, ils sont souvent couchés et présentent des formes étranges et tordues 1.2.2. Une diversité de statut de protection sur le site Le site du Lion dispose de plusieurs statuts de protection64. Figure 36 : Les statuts de protection paysagers et environnementaux, avril 2018, L.D D'abord paysager, puisque le site se situe au plein coeur des sites inscrits des Etangs Girondins. Le site Inscrit des étangs girondins s'étend sur près de 39 500 ha répartis entre Carcans, Hourtin, Lacanau et Le Porge. Il englobe les paysages et milieux remarquables des étangs littoraux aquitains ainsi que de la frange littorale. Il présente cinq unités paysagères si particulières à la Côte Aquitaine :  Le littoral (1)  Les dunes boisées entre océan et lacs littoraux (2) 64 L'ensemble des informations de cette partie 1.2.2 proviennent de l'étude paysagère et des fiches actions réalisées dans le cadre du stage de master 2. Les sources proviennent principalement de l'Inventaire National du Patrimoine Naturel – Muséum National d'Histoire Naturelle .
46,433
43/hal.archives-ouvertes.fr-tel-01207477-document.txt_7
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
6,667
11,755
ette étude, la raideur du ressort a été a ordée à l'ex itation de houle, e qui a permis d'obtenir de grandes réponses en mouvement et puissan e, pour des houles régulières. Dans le as d'une houle irrégulière, la raideur du ressort ne peut être a ordée qu'à la fréquen e d'ex itation prépondérante. Une étude sur les réponses du système houlomoteur soumis à des houles irrégulières permettraient également de mieux quantier l'apport de l'appro he WS sur le modèle linéaire. Chapitre 6 Con lusions 6.1 Développements et validations du ode L'obje tif de tion de ette thèse de fournir un outil numérique fon tionnel pour la modélisa- orps en grands mouvements a été atteint. Le domaine d'appli ation de est déni à l'étude d'un Ce ode Weak-S atterer a été validé su et outil orps immergé en mouvement libre soumis à une houle régulière. a été développé essivement ave su ex-nihilo, sous forme de modules. Cha ès au ours du développement du Les validations les plus pertinentes ont été présentées dans un d'eux ode WS. e mémoire. Elles ont également permis d'illustrer le fon tionnement des prin ipaux modules asso iés. Parmi eux- i gurent notamment le module de al ul des oe ients d'inuen e et elui de dénition et résolution du problème aux limites. Réalisés en début de thèse, ils s'appuient sur le développement des expressions analytiques des équations intégrales. La validation de es modules a été réalisée onjointement à l'aide d'une solution analytique simple. Diérentes fon tionnalités, ayant pour but de ré ire les temps de modules, ont été implémentées, validées et présentées : prises en domaine ouvert et Le module de al ul partiel des al ul de es deux ompte de symétries, oe ients d'inuen e. al ul des dérivées lo ales a été développé par la suite. Il est basé sur des approximations par fon tions d'interpolation b-splines, d'ordre élevé. Une méthode basée sur la dis rétisation linéaire est également implémentée. Les dérivées lo ales, premières et se ondes, des grandeurs peuvent alors être déterminées sur toute surfa e paramétrée : surfa e libre ou analytique orps. La validation de e module s'est également appuyée sur une solution onnue, pro he d'une solution que le méthodes de al ul des dérivées ont pu être ode serait amené à modéliser. Diérentes omparées, en terme de pré ision et rapidité. Le module développé ensuite permet l'avan e en temps de la solution, au travers d'une bou le temporelle basée sur un s héma de Rung-Kutta d'ordre 4. Les diérentes quantités à avan er en temps sont le potentiel et l'élévation de surfa e libre, mais également la vitesse et la position du la véri ation de la PTO. Des orps et diverses puissan es instantanées à intégrer en temps pour onservation énergétique ou le as de validation sans al ul de l'énergie absorbée par un orps sont réalisées dans un premier temps pour s'assurer des équations de surfa e libre : l'établissement d'une onde stationnaire et la modélisation CONCLUSIONS d'un batteur de houle. Ces deux validations s'appuient sur deux solutions analytiques : respe tivement elle d'une onde stationnaire en théorie linéaire et une solution d'un batteur de houle donnée par Kennard [26. Enn le dernier module d'intera tion uide/stru ture a été implémenté, donnant les eorts hydrodynamique s'appliquant sur le orps, ainsi que les mouvements de elui- i. Ce module est basé sur la résolution d'un problème aux limites sur la dérivée temporelle du potentiel, pour déterminer sur le ette grandeur sur le orps a été développée, uniant orps. Une expression pour la problèmes en radiation et en dira tion ont été validés su en onditions linéaires ave utilisées pour ondition elles données par Cointe [9 et Tanizawa [43. Les essivement. Des omparaisons des résultats en appro he linaire, donnés par Nemoh, ont été ela. La validation du problème en radiation d'une sphère immergée a fait l'objet d'une publi ation en Numeri al Wave Tank L'étude des omparaison ave un ode omplètement non-linéaire, un (NWT) initié par Grilli et développé par Harris [22. onservations énergétique et volumique dans le domaine uide a égale- ment permis d'a réditer les as de validations présentés. 6.2 Appli ation à l'étude d'un ré upérateur d'énergie des vagues de type Ceto Un système houlomoteur simple de type Ceto a été étudié à l'aide du résultats des omparés à eux d'une appro he potentiel linéaire, donnés par Nemoh. Dans onditions linéaires, les deux modèles présentent un bon a faibles é arts, au maximum de 1% ord, omme attendu. Les pour la réponse en pilonnement, proviennent sans doute de la dis rétisation plus pré ises du En ode WS et les orps en WS qu'en linéaire. onditions non-linéaires, des é arts non négligeables entre les deux appro hes ap- paraissent. Considérer de grandes amplitudes de mouvement du ompte de non-linéarités du orps dans le orps entraine la prise en ode WS pour la résolution du problème en ra- diation. Le modèle linéaire tend alors à donner des performan es énergétiques supérieures à elles du modèle WS. Au brure, sont imposées, ave ontraire, lorsque des houles non-linéaires, de grande de faible amplitude de mouvement dur donne des performan es énergétiques supérieures à am- orps, l'appro he WS elles du modèle linéaire. Ces é arts sont ainsi liés aux non-linéarités de modélisation de la surfa e libre dans la résolution du problème en dira tion. Dans les deux as, il faut faire attention au domaine de validité de l'appro he WS. Obtenir de grandes réponses en mouvement ou imposer des houles de grandes amplitude et ambrure génère des perturbations qui peuvent mettre en défaut les hypothèses fondatri es de la méthode WS. Une omparaison ave un ode omplètement non-linéaire pourrait permettre de dé- nir plus pré isément le domaine d'appli ation du modèle WS. L'inuen e de la perturbation générée par le orps sur lui-même n'est en eet pas prise en modèle. Cette étude quantierait ainsi l'importan e de ompte dans notre es perturbations sur le orps. CHAPITRE 6. 129 CONCLUSIONS 6.3 Développements futurs Ce ode a été développé ex-nihilo. Seule la stru ture de gestion des données et quelques fon tions ont été reprises de travaux pré édents. Le les as de validation et d'appli ation présentés dans tion est ependant restreint à des Te hniquement, des e mé . Son domaine d'appli a- orps immergé soumis à des houles régulières. orps perçant la surfa e libre verti alement peuvent être traités. Cependant pour rester dans la le ode obtenu est fon tionnel pour tous onguration d'interse tion orps/surfa e libre verti ale, orps doit être xe ou en mouvement de pilonnement seul. Un travail sur la gestion de l'interse tion du pouvoir onsidérer des orps ave la surfa e libre est don onséquent né essaire, pour orps ottants librement. Une thèse portant sur le sujet et mené par Camille Chauvigné est a tuellement en ours. La gestion de l'interse tion regroupe notamment l'étude de la dénition et du suivi de l'interse tion entre le orps et la sur- fa e libre, de la déformation du maillage de surfa e libre pour suivre le orps dans son mouvement, voire de son remaillage, La prise en omplet ou partiel, selon les déformations. ompte d'une houle irrégulière né essite également une attention par- ti ulière. Le prin ipe de superposition de plusieurs houles régulières n'est en eet valable qu'en théorie linéaire. Un modèle de propagation de houle irrégulière d'ordre élevé, basé sur une méthode High Order Spe tral LHEEA [12. Un futur développement du (HOS), est de plus développé au laboratoire ode WS serait don un ouplage ave e mo- dèle. La modélisation de plusieurs orps n'est pas omplètement opérationnelle dans tous les modules. Il fait défaut notamment dans le module d'intera tion uide/stru ture, permettant de déterminer les mouvements de pouvoir étudier l'intera tion de plusieurs orps. Ce travail serait don orps entre eux. Un à naliser pour ouplage à un simulateur multi- orps permettrait de plus de pouvoir étudier des systèmes à mobilité et tiples, ave des ouplages d'eorts et mouvements entre es orps mul- orps. Il est déjà possible de dégrader simplement la formulation WS pour traiter des problèmes selon l'approximation linéaire, sur la surfa e libre, le deux. Diérentes versions du Body Exa t ) orps ( ode temporelle pourraient alors être non-linéarités modélisées. De même, il serait possible d'implémenter une version tement non-linéaire mais toujours basée sur la dé omposition du in identes et de perturbation. Il surait juste de hamp en onsidérer les ou les onsidérées selon les omplè- omposantes onditions de surfa e libre exa tes, ainsi que la dérivée temporelle totale (in ident plus perturbation) dans la dénition de la dérivée parti ulaire asso iée à la vitesse de dépla ement des n÷uds sur la surfa e libre. La position de la surfa e libre devrait ependant être onsidérée omme in onnue du problème aux limites, rendant sa résolution légèrement moins stable. Une optimisation de l'e a ité du ode, voire une parallélisation de raient lui permettre de diminuer les temps de mènes en des temps de al ul plus Enn de nombreux ajouts au elui- i, pour- al ul an de pouvoir simuler des phéno- ourts, voire en temps réel. ode seront né essaires avant une éventuelle ommer- ialisation ou mise à disposition plus large au publi, à plus long terme : interfa e, import de maillages de orps omplexes, ajout de modèles d'an rages, et. Annexe A Développement de la ondition limite sur le orps pour le problème aux limites sur la dérivée temporelle du potentiel Le problème aux limites pour la dérivée temporelle du potentiel est donné par  ∂φ   △ =0   ∂t   D0z φ ∂φ0 ∂φ ∂φ   = − ∂t2 Dt ∂z ∂z ∂ φ ̈  ̈ ~  = ~ x (B) * ~ n + θ(B) ∧ ~ r * ~n + q   ∂n∂t   2   ∂ φ =0 ∂n∂t La ondition limite sur le Une expression de dans tout le domaine uide sur la surfa e libre (A.1) sur un orps en mouvement sur les surfa es xes orps fait apparaitre le terme e terme est présentée dans q, ette annexe, a qu'il s'agit d'expli iter. ompagnée de son déve- loppement. A.1 Méthode de Cointe La méthode développée par Cointe[9 repose sur la dérivée temporelle de la de glissement sur le oordonnées ~x orps. Si l'on onsidère le dépla ement d'un point dans le repère global et une vitesse de rotation du 130 orps, P du θ dans ondition orps, de le repère ANNEXE A. 131 global, Cointe[9 a exprimé l'équation pré édente en 2D omme : 2 2φ ∂ φ ∂φ ∂φ ∂φ 1 ∂ 1 ∂2φ ̈.~n + θ̇. ~x ̇.~s − ~x ̇.~s + ~x ̇ * ~n = ~x + − − ∂n∂t ∂s R ∂s ∂n∂s ∂s2 R ∂n ~s orrespond au ve teur tangent lo al au point P. (A.2) Elle a été ensuite développée par Van Dalen[45 en 3D ∂φ ~ ∂2φ ∂φ ~ẋ.~s1 − ∂φ.~ ~ − θ̇ * ~s2 − ẋ.~s2 −.θ̇ * ~s1 − k1..~ẋ * ~s1 ∂s1 ∂s2 ∂s1 ∂s1 ∂n 2 ∂φ ∂2φ ∂ φ ∂2φ ∂φ ~ ~ − k2. −.ẋ * ~s2 +.ẋ * ~n (A.3) + 2 − (k1 + k2 ). ∂s2 ∂s2 ∂n ∂n ∂s21 ∂s2 ∂2φ ̈.~n + = ~x ∂n∂t A.1.1 Développements 2D (O, s, n), déni à partir des s = constante sont don des droites portées par les ve teurs normaux lo aux. Les ourbes n = constante sont des ontours homothétiques du prol de la arène, tandis que n = n0 orrespond à elui- i. Soit un orps muni d'un repère lo al urviligne dire t ve teurs tangent (~ s) et normal (~n) lo aux. Les Figure A.1 Si , en ourbes S héma de la base artésien , le ve teur position s'é rit urviligne ~r = x.~ex + y.~ey , les ve teurs de la base s, ~n), sont dénis par urviligne, (~ ~n = ∂~r ∂n ∂~r ∂s et ~s = et hs = |~s| (A.4) Les fa teurs d 'é helle sont dénis par hn = |~n| (A.5) ANNEXE A. Les tout 132 n est déni unitaire pour tout s ourbes s = cst sont des droites et ~ (s, n, t), les variations du fa teur d'é helle suivant la normale sont hn = 1 Le ve teur tangent ~s ∂hn =0 ∂s,, ∂hn =0 ∂n est également déni unitaire sur le Il varie néanmoins pour toutes les autres valeurs de du rayon de ourbure et R n. et t. Alors pour ∂hn =0 ∂t ontour (A.6) (n = n0 ) pour tout s. Cette variation s'exprime à l'aide par ∂hs hs = ∂n R et ∂hs =0 ∂s (A.7) Les équations de dérivation des ve teurs unitaires de la base, en base dire te, sont X 1 ∂hi 1 ∂hj ~ ∂~hi ~hk = hj − δij ∂wj hi ∂wi h k ∂wk (A.8) k,k6=i Les dérivées spatiales des ve teurs de la base sont alors  ∂~s      ∂s   ∂~s   ∂n ∂~n     ∂s    ∂~ n   ∂n = = = = 1 ∂hs 1 ∂hs ∂ hs ~ s − ~ n = − ~n hs ∂s hn ∂n ∂n 1 ∂hn ~n = ~0 hs ∂s 1 ∂hs ∂hs ~s = ~s hn ∂n ∂n 1 ∂hn 1 ∂hn ~n − ~s = ~0 hn ∂n hs ∂s Les opérateurs dérivatifs peuvent alors être exprimés − → ∇φ           △φ 1 ∂φ ∂φ 1 ∂φ i b =.~s +.~n hi ∂qi hs ∂s ∂n ~ * ~s ~ * ~n 1 1 ∂V 1 ∂hs.V ∂ Q = Q + Vi j6=i hj = hs ∂s hs ∂n j hj ∂qi ~ ~ 1 ∂ V * ~s ∂ V * ~n 1 ~ = + +.(V * ~n) hs ∂s ∂n R → − − → 1 ∂hs ∂φ ∂ 2 φ 1 ∂2φ + =0 = ∇ * ∇φ = 2 2 + hs ∂s hs ∂n ∂n ∂n2 La dérivée temporelle de mouvement du omme = − ~ → ∇ *V est dénie par (A.9) δφ. δt φ lorsque l'on Cette dérivée orps, don suit le orps dans son mouvement de orps rigide orrespond à une dérivée parti ulaire par rapport au asso ié à la vitesse du point du orps onsidéré, ~x ̇. Elle peut alors être exprimée en fon tion de la dérivée partielle par → − ∂φ ∂φ 1 ∂φ ∂φ δφ = + ~x ̇ * ∇φ = + (~x ̇ * ~s) + (~x ̇ * ~n) δt ∂t ∂t hs ∂s ∂n (A.10) ANNEXE A. 133 Les ve teurs tangents et normaux lo aux varient en suivant le mouvement du orps. Leurs dérivées temporelles parti ulaires peuvent alors être exprimées par δ~s = θ̇~n δt et δ~n = −θ̇~s δt (A.11) Et leurs dérivées partielles par  ∂~s  ∂t ∂~  n ∂t L'a δ~s 1 ∂~s ∂~s 1 ∂hs − (~x ̇ * ~s) − (~x ̇ * ~n) = θ̇.~n + (~x ̇ * ~s).~n ∂t hs ∂s ∂n hs ∂n δ~n 1 ∂~n ∂~n 1 ∂hs − (~x ̇ * ~s) − (~x ̇ * ~n) = −θ̇.~s − (~x ̇ * ~s).~s ∂t hs ∂s ∂n hs ∂n = = élération d'un point du dérivée parti ulaire orps de oordonnées ~x (A.12) peut être exprimée à l'aide de la omme δ~x ̇ δ ̇ (~x * ~s)~s + (~x ̇ * ~n)~n = δt δt δ ̇ δ ̇ ̇ ̇ (~x * ~s) − θ̇(~x * ~n) ~s + (~x * ~n) + θ̇(~x * ~s) ~n = δt δt ̈ = ~x Soit La ̈ * ~n = δ (~x ̇ * ~n) + θ̇(~x ̇ * ~s) ~x δt ondition de glissement sur le de la = (A.14) orps permet d'exprimer la vitesse normale en fon tion omposante normale du gradient du potentiel ̈ * ~n = ~x (A.13) → − ~x ̇ * ~n = ∇φ * ~n. Ainsi → δ − → → δ~n − δ − ( ∇φ * ~n) + θ̇(~x ̇ * ~s) = ( ∇φ) * ~n + ∇φ * + θ̇(~x ̇ * ~s) δt δt δt ∂2φ →− − → 1 ∂φ + (~x ̇ * ∇) ∇φ * ~n + θ̇ (~x ̇ * ~s) − ∂n∂t hs ∂s (A.15) Le terme d'adve tion peut se développer sous la forme suivante →− − → 1 ∂ (~x ̇ * ∇) ∇φ = (~x ̇ *~s) hs ∂s 1 ∂φ 1 ∂ 1 ∂φ 1 ∂φ 1 ∂φ ̇ ~s + ~n +(~x*~n) ~s + ~n hs ∂s hn ∂n hn ∂n hs ∂s hn ∂n (A.16) →− − → 1 1 ∂2φ 1 ∂hs ∂φ 1 ∂2φ ̇ ̇ (~x * ∇) ∇φ * ~n = (~x * ~s) + − + (~x ̇ * ~n) 2 hs hs ∂n ∂s hn ∂s∂n hn ∂n2 1 ∂2φ 1 ∂hs ∂φ 1 ∂hs ∂φ 1 ∂2φ 1 ̇ ̇ + − + (~x * ~n) − 2 2 − = (~x * ~s) hs hs ∂n ∂s hn ∂s∂n hs ∂s hs ∂n ∂n en utilisant l'expression du Lapla ien du potentiel nul, pour rempla er la dérivée normale double du potentiel. 1 ∂2φ 1 ∂hs ∂φ 1 ∂2φ = − − h2n ∂n2 h2s ∂s2 hs ∂n ∂n (A.17) ANNEXE A. L'équation A.15 peut alors s'é rire ̈ * ~n = ~x 1 ∂φ 1 ∂2φ 1 ∂hs ∂φ 1 ∂2φ ̇ ̇ + θ̇ (~x * ~s) − + − + (~x * ~s) ∂n∂t hs ∂s hs hs ∂n ∂s hn ∂s∂n 2 1 ∂ φ 1 ∂hs ∂φ +(~x ̇ * ~n) − 2 2 − hs ∂s hs ∂n ∂n Soit ∂2φ ∂n∂t 1 ∂φ 1 ∂hs ∂φ 1 ∂2φ − (~x ̇ * ~s) + (~x ̇ * ~s) − hs ∂s h2s ∂n ∂s hs hn ∂s∂n 2 1 ∂hs ∂φ 1 ∂ φ + (A.18) +(~x ̇ * ~n ) 2 hs ∂s hs ∂n ∂n ̈ * ~n + θ̇ = ~x En remplaçant nalement ∂2φ ̈ *~n + θ̇ = ~x ∂n∂t Pour omparer ave hs = 1 = hn 1 1 ∂hs =, hs ∂n R et l'équation pré édente devient 2 ∂φ 1 ∂φ ∂2φ 1 ∂φ ∂ φ ̇ ̇ ̇ − (~x * ~s) +(~x *~s) − + +(~x *~n) ∂s R ∂s ∂s∂n ∂s2 R ∂n (A.19) la formule donnée par Cointe, il faut se ramener dans la base indire te utilisée par Cointe, où la normale est de sens inversé (~ n ∂ ∂ =− ′ ∂n ∂n, ′ = −~n). Cela a pour onséquen e : ~′ = −~x ̇ * ~n ~x ̇ * n (A.20) La formule donnée par Cointe est alors retrouvée ∂ 2φ ̈ *~n − θ̇ = ~x ∂n∂t 2 ∂φ 1 ∂φ ∂2φ 1 ∂φ ∂ φ − (~x ̇ * ~s) −(~x ̇ *~s) + − +(~x ̇ *~n) ∂s R ∂s ∂s∂n ∂s2 R ∂n (A.21) A.1.2 Développements 3D Une base urviligne similaire est introduite mais en 3D. La dérivation des ve teurs unitaires de la base s'é rit X 1 ∂hi 1 ∂hj ~ ∂~hi ~hk = hj − δij ∂wj hi ∂wi hk ∂wk k6=i (A.22) ANNEXE A. Ce qui donne pour les ve teurs de notre base.                                                          Ave ∂~s1 ∂s1 ∂~s1 ∂s2 ∂~s1 ∂n ∂~s2 ∂s1 ∂~s2 ∂s2 ∂~s2 ∂n ∂~n ∂s1 ∂~n ∂s2 ∂~n ∂n 1 ∂hs1 1 ∂hs1 ~n ~s2 − hs2 ∂s2 hn ∂n 1 ∂hs2 ~s2 hs1 ∂s1 1 ∂hn ~n hs1 ∂s1 1 ∂hs1 ~s1 hs2 ∂s2 1 ∂hs2 1 ∂hs2 − ~s1 − ~n hs1 ∂s1 hn ∂n 1 ∂hn ~n hs2 ∂s2 1 ∂hs1 s~1 hn ∂n 1 ∂hs2 s~2 hn ∂n 1 ∂hn 1 ∂hn − ~s1 − ~s2 hs1 ∂s1 hs2 ∂s2 = − = = = = = = = = h2k = 3 X m=1 Ainsi pour un ve teur que Figure A.2 des fa teurs d'é helle dénis par hn est ~x hs1 ompris dans la surfa e du et hs2 orps,  ∂hn  ∂s1 ∂hn  ∂s2  γ2 = (A.23) = 0 onstants sur la surfa e du orps est donnée par la 1 1 = R1 hs1 1 1 = R2 hs2 = orps. Mais ourbure lo ale. ∂hs1 ∂n ∂hs2 ∂n Les opérateurs dérivatifs spatiaux peuvent alors être é rits   △φ e qui implique = 0 sont également   γ1 = 1 hs1 1 h2s1 ~x = ~x(s1, s2 ), orps. leur variation selon la dire tion normale au  → −   ∇φ = ur- viligne 3D ∂xm 2 ∂sk onstant sur la surfa e du Les fa teurs d'é helle S héma de la base (A.24) omme 1 ∂ φ 1 ∂φ ∂φ ~s1 + ~s2 + ~n ∂s1 hs2 ∂s2 hn ∂n 1 ∂2φ 1 ∂2φ 1 ∂hs1 ∂2φ 1 1 ∂hs2 ∂φ + 2 + 2 + + hs2 ∂s22 hn ∂n2 h2n hs1 ∂n hs2 ∂n ∂n ∂s21 (A.25) ANNEXE A. 2 →− − → 1 1 ∂ φ 1 ∂hs1 ∂φ (~x ̇ * ∇) ∇φ * ~n = (~x ̇ * ~s1 ) − hs1 hn ∂s1 ∂n hs1 ∂n ∂s1 2 ∂ φ 1 ∂hs2 ∂φ 1 1 ̇ − +(~x * ~s2 ) hs2 hn ∂s2 ∂n hs2 ∂n ∂s2 1 ∂2φ +(~x ̇ * ~n) 2 hn ∂n2 La dérivée normale double peut être rempla ée à l'aide de l'expression du Lapla ien de φ nul. 1 ∂2φ 1 ∂2φ 1 ∂2φ 1 = − − − 2 2 h2n ∂n2 h2s1 ∂s1 h2s2 ∂s22 hn 1 ∂hs1 1 ∂hs2 + hs1 ∂n hs2 ∂n ∂φ ∂n Soit ̈ * ~n = ~x ∂2φ 1 ∂φ 1 ∂φ ̇ ̇ ̇ ̇ ~ + (~x * ~s2 ) − (θ * ~s1 ) − (~x * ~s1 ) − (~θ * ~s2 ) ∂n∂t hs ∂s2 hs1 ∂s1 22 2 ∂ φ ∂ φ 1 ∂hs1 ∂φ 1 ∂hs2 ∂φ 1 1 1 1 ̇ ̇ − − + (~x * ~s2 ) +(~x * ~s1 ) hs1 hn ∂s1 ∂n hs1 ∂n ∂s1 hs2 hn ∂s2 ∂n hs2 ∂n ∂s2 2φ 2φ 1 1 ∂φ 1 1 ∂ ∂ ∂h ∂h 1 1 s s 1 2 +(~x ̇ * ~n) 2 − 2 + − 2 − 2 hn hs1 ∂s21 hs2 ∂s22 hn hs1 ∂n hs2 ∂n ∂n En remplaçant nalement les fa teurs d'é helle et leurs variations, omme en 2D, l'équa- tion pré édente devient ∂ 2φ ∂n∂ t ∂φ ∂φ ̇ ̇ ̈ ̇ ̇ ~ ~ = ~x * ~n + (θ * ~s2 ) (~x * ~s1 ) − − (θ * ~s1 ) (~x * ~s2 ) − ∂s1 ∂s2 2 1 ∂φ 1 ∂φ ∂ φ ∂2φ +(~x ̇ * ~s1 ) − − + (~x ̇ * ~s2 ) R1 ∂s1 ∂s1 ∂n R2 ∂s2 ∂s2 ∂n 2 2 1 ∂ φ ∂ φ 1 ∂φ + 2 + +(~x ̇ * ~n) + 2 R1 R2 ∂n ∂s1 ∂s2 (A.27) A. 2 Méthode de Tan izawa Tanizawa a ensuite introduit en 2D une méthode alternative basée sur le potentiel d'a élération, donnant une expression légèrement diérent e . La omposante normale de 138 ette équation est − → − → − → ∂2φ = ~a * ~n − ∇φ * ∇ ∇φ * ~n ∂n∂ t (A.30) Le se ond terme du membre de gau he a été expli ité par Tanizawa [43 en 2D. − → − → − → 1 ∂φ 2 ∂φ 2 ∂φ ∂ 2 φ ∂φ ∂ 2 φ ∇φ * ∇ ∇φ = − − + + R ∂s ∂n ∂s ∂s∂n ∂n ∂s2 puis par Berkvens [3 en 3D dans les mêmes (A.31) onditions. 2 − → − → − → ∂ φ ∂ 2 φ ∂φ 1 ∂φ2 1 ∂φ2 1 ∂φ2 1 − + − − ∇φ * ∇ ∇φ = − + R1 R2 ∂n R1 ∂s1 R2 ∂s2 ∂s21 ∂s22 ∂n ∂φ ∂ 2 φ ∂φ ∂ 2 φ + + (A.32) ∂s1 ∂s1 ∂n ∂s2 ∂s2 ∂n A.2.1 Développements 2D L'expression ontentant le gradient du potentiel est tout d'abord expli itée, en se plaçant dans la même base urviligne que pré édemment. ANNEXE A. 139 A.2.2 Développements 3D La base urviligne dénie en 3D est de nouveau utilisée pour exprimer le gradient 1 ∂φ 1 ∂φ − → 1 ∂φ ~s1 + ~s 2 + ~n ∇φ = hs1 ∂s1 hs2 ∂s2 hn ∂n Ainsi l'expression suivante s'é rit − → − → − → ∇φ * ∇ ∇φ = et la 1 ∂φ 1 ∂φ 1 ∂φ 1 ∂φ ∂ ~n ~s1 + ~s2 + hs1 ∂s1 ∂s1 hs1 ∂s1 hs2 ∂s2 hn ∂n 1 ∂φ ∂ 1 ∂φ 1 ∂φ 1 ∂φ + ~s1 + ~s2 + ~n hs2 ∂s2 ∂s2 hs1 ∂s1 hs2 ∂s2 hn ∂n 1 ∂φ ∂ 1 ∂φ 1 ∂φ 1 ∂φ + ~s1 + ~s2 + ~n hn ∂n ∂n hs1 ∂s1 hs2 ∂s2 hn ∂n omposante normale est − → − → − → ∇φ * ∇ ∇φ * ~n = 2 ∂ φ 1 ∂hs1 ∂φ 1 1 ∂φ − hs1 hn ∂s1 ∂s1 ∂n hs1 ∂n ∂s1 2 ∂ φ 1 ∂hs1 ∂φ 1 1 ∂φ − + hs2 hn ∂s2 ∂s2 ∂n hs2 ∂n ∂s1 1 ∂φ ∂ 2 φ + 2 hn ∂n ∂n2 En remplaçant les fa teurs d'é helle et leurs variations, ainsi que la dérivée normale double à l'aide du Lapla ien, l'expression donnée par Berkvens apparaît. 2 2 ∂ φ ∂ φ 1 ∂φ 1 ∂φ ∂φ ∂ φ − − + ∂s1 ∂s1 ∂n R1 ∂s1 ∂s2 ∂s2 ∂n R2 ∂s 2 2 1 ∂φ 1 ∂φ ∂ φ ∂2φ + + − 2 − 2 − ∂n R1 R2 ∂n ∂s1 ∂s2 1 ∂φ 2 1 ∂φ 2 ∂φ ∂ 2 φ ∂ 2 φ 1 ∂φ 2 1 + − − − = − + R1 R2 ∂n R1 ∂s1 R2 ∂s2 ∂n ∂s21 ∂s22 ∂φ ∂ 2 φ ∂φ ∂ 2 φ (A.35) + + ∂s1 ∂s1 ∂n ∂s2 ∂s2 ∂n − → → −− → ∇φ * ∇ ∇φ * ~n = A.3 Équivalen e des expressions A . 3.1 Développements 2D Pour faire le parallèle entre Cointe et Tanizawa, il nous faut alors exprimer l'a élé- ration, ~ a, de la parti ule uide glissant sur le orps en fon tion de l'a élération, ~x ̇, du x dans point du orps asso ié à la parti ule uide. Ces deux points ont pour oordonnées ~ ANNEXE A. le repère global et et a Les ~r dans le repère lo al asso ié au élération du point sur le Ces orps. Les ve teurs position, vitesse orps sont   ~x = ~xB + ~r ̇ ~x ̇ = ~x ̇ B + θ~ ∧ ~r  ̈ ̈B + θ~ ̈ ∧ ~r + ~θ ̇ ∧ θ~ ̇ ∧ ~r ~x = ~x ours du temps orps ne se déforme pas, puisque le repère lo al suit le orps dans son mouvement. oordonnées du point du si le 140 oordonnées ne sont uide glissant sur le orps dans le repère lo al, ependant plus onstantes au ~r, (A.36) sont xes au ours du temps pour un point du orps.   ~x = ~xB + ~r ̇ ~v = ~x ̇ B + ~ θ ∧ ~r + ~r ̇ = ~x ̇ + ~r ̇  ̈ ̇ ̇ ̇ ̈B + ~ ̈ + 2~θ ̇ ∧ ~r ̇ + ~r ̈ ~a = ~x θ ∧ ~r + ~ θ ∧ ~θ ∧ ~r + 2~θ ∧ ~r ̇ + ~r ̈ = ~x (A.37) Soit la diéren e des deux vitesses → − ~r ̇ = ~v − ~x ̇ = ∇φ − ~x ̇ = Tanizawa a donné une expression de ~r ̈ * ~n En eet, une parti ule uide glissant sur le (A.38) 2 ∂φ ̇ − (~x * ~s) ∂n orps va rester au (A.39) ours du temps sur le orps ourbe paramétrable. Figure A.3 La position de (x(s, t), y(s, t)). ∂φ − (~x ̇ * ~s) ~s ∂s basée sur la dérivation en repère de Frenet. 1 ~r ̈ * ~n = k|~r ̇ |2 = R et par ourir une ette parti ule au Repère de Frenet Les ve teurs tangent et normal sont dénis pour tout −−→ ∂ OM (s, t) ∂x ∂y ~ T = =, ∂s ∂s ∂s La vitesse de dépla ement de la parti ule sur la de la vitesse s alaire ∂s v= ∂t ~r ̇ (s, t) = ~r(s, t) = (s, t) par ours du temps peut être donnée par ∂x ∂s ∂y ∂s.,. ∂s ∂t ∂s ∂t et ~ ~ = R ∂T N ∂s ouple (A.40) ourbe peut alors être exprimée à l'aide = v T~ = |~r ̇ (s, t)|T~ (A.41) ANNEXE A. Soit θ̇ − En substituant ∂2φ 1 − (~x ̇ * ~s) = 0 ∂s∂n R ette égalité dans la ondition sur le orps (A.45) i-dessus, l'expression donnée par Cointe apparait alors. A.3.2 Développements 3D De la même façon qu'en 2D, l'a fon tion de elle du point du élération de la parti ule uide peut s'é rire en orps asso ié. ̈ * ~n + (2~θ ̇ ∧ ~r ̇ ) * ~n + ~r ̈ * ~n ~a * ~n = ~x Ave ̇ ̇ (~ θ ∧ ~r ̇ ) * ~n = (~ θ * ~s1 ) ∂φ ∂φ ̇ ̇ ̇ ~ − ~x * ~s2 − (θ * ~s2 ) − ~x * ~s1 ∂s2 ∂s1 et 1 ~r ̈ * ~n = R1 (A.46) ∂φ − ~x ̇ * ~s1 ∂s1 2 1 + R2 ∂φ − ~x ̇ * ~s2 ∂s2 2 (A.47) (A.48) L'expression de la dérivée normale de la dérivée temporelle du potentiel est alors ∂2φ ∂n∂t − → − → − → ∇φ * ∇ ∇φ * ~n ∂φ ∂φ ̇ ̇ ̇ ̇ ̈ ~ ~ − ~x * ~s2 − 2(θ * ~s2 ) − ~x * ~s1 = ~x * ~n + 2(θ * ~s1 ) ∂s2 ∂s1 2 2 ∂φ ∂φ 1 ∂φ 2 1 1 1 ̇ ̇ − ~x * ~s1 + − ~x * ~s2 − + + R1 ∂s1 R2 ∂s2 R1 R2 ∂n ∂φ ∂ 2 φ 1 ∂φ 2 ∂φ ∂ 2 φ ∂ 2 φ 1 ∂φ 2 ∂φ ∂ 2 φ − − + − + − 2 2 R1 ∂s1 R1 ∂s2 ∂n ∂s1 ∂s1 ∂s1 ∂n ∂s2 ∂s2 ∂n ∂s2 ∂φ ∂φ 1 ̇ ̇ ̇ ̈ ̇ ̇ ~ ~ = ~x * ~n + 2(θ * ~s1 ) − ~x ~s2 − 2(θ * ~s2 ) − ~x * ~s1 + (~x * ~s1 )2 ∂s2 ∂s1 R1 ∂φ 1 ̇ 2 ̇ ∂φ 2 + (~x * ~s2 )2 + (~x * ~s2 ) + (~x ̇ * ~s1 ) R1 ∂s1 R2 R2 ∂s2 2 ∂ φ ∂2φ 1 ∂φ ∂φ ∂ 2 φ ∂φ ∂ 2 φ 1 ̇ +(~x * ~n) + − − + − R1 R2 ∂n ∂s1 ∂s1 ∂n ∂s2 ∂s2 ∂n ∂s21 ∂s22 = ~a * ~n − ANNEXE A. ∂2φ ∂n∂t ∂φ ∂φ ̇ ̇ ̈ ̇ ̇ ~ ~ = ~x * ~n + (θ * ~s1 ) − ~x * ~s2 − (θ * ~s2 ) − ~x * ~s1 ∂s2 ∂s1 2 2 ∂ φ ∂ φ 1 1 ∂φ ∂φ −(~x ̇ * ~s1 ) + + − (~x ̇ * ~s2 ) ∂s1 ∂n R1 ∂s1 ∂s2 ∂n R2 ∂s2 2 1 ∂ φ ∂2φ 1 ∂φ ̇ + 2 − +(~x * ~n) + R1 R2 ∂n ∂s21 ∂s2 ∂φ ∂2φ 1 ̇ ̇ ̇ ~ + − (~x * ~s2 ) (θ * ~s1 ) − − (~x * ~s2 ) ∂s2 ∂s2 ∂n R2 1 ̇ ∂2φ ∂φ ̇ ̇ ~ + − (~x * ~s1 ) (θ * ~s2 ) + (~x * ~s1 ) − ∂s1 ∂s1 ∂n R1 De même qu'en 2D, les variations surfa iques de la dérivée normale du potentiel peuvent être exprimées en fon tion de la vitesse normale, pour obtenir les relations suivantes ∂2φ ∂s1 ∂n 2   ∂ φ ∂s2 ∂n    1 ̇ ̇ = −(~θ * s~2 ) − (~x * ~s1 ) R1 1 ̇ ̇ = (~θ * s~1 ) − (~x * ~s2 ) R2 (A.49) Ces deux dernières égalités nous permettent d'annuler les deux derniers termes et ainsi de retrouver l'expression donnée par Van Dalen. A.4 Expression uniée Une nouvelle expression, issue de l'uni ation de proposée i-dessous et utilisée dans le ode de elles de Cointe et Tanizawa, est al ul. L'équation (A.49) permet en ef- fet d'é rire simplement les variations surfa iques de la dérivée normale du potentiel en fon tion de termes déjà présents dans l'expression de Cointe. ∂2φ ∂n∂t ∂φ ∂φ ̇ ̇ ̈ ̇ ̇ ~ ~ = ~x * ~n + (θ * ~s2 ) 2(~x * ~s1 ) − − (θ * ~s1 ) 2(~x * ~s2 ) − ∂s1 ∂s2 ̇ ̇ (~x * ~s2 ) ∂φ (~x * ~s1 ) ∂φ − (~x ̇ * ~s1 ) + − (~x ̇ * ~s2 ) + R1 ∂s1 R2 ∂s2 2 1 ∂ φ ∂2φ 1 ∂φ + + +(~x ̇ * ~n) + R1 R2 ∂n ∂s21 ∂s22 (A.50) Bibliographie [1 URL http://www.eme.org.uk/marine-energy/wave-developers/. [2 Babarit, A., Mouslim, H., et al. (2009). On the Numeri al Modelling of the Non Linear Behaviour of a Wave Energy Converter. In ASME 2009 28th International Conferen e on O ean, Oshore and Ar ti Engineering, pp. 10451053. Ameri an So iety of Me hani al Engineers, Honolulu, Hawaii, USA. Floating bodies intera ting with water waves : Development of a time-domain panel method. Ph.D. thesis, Universiteit Twente (The [3 Berkvens, P. P. J. F. (1998). Netherlands). [4 Bernstein, L., Bos h, P., et al. (2007). Climate hange 2007 : Synthesis report. ontribution of working groups i, ii and iii to the fourth assessment report of the intergovernmental panel on limate hange. In IPCC : Geneva, Switzerland. [5 Bhinder, M. A., Mingham, C. G., et al. (2009). A joint numeri al and experimental study of a surging point absorbing wave energy onverter (WRASPA). In ASME 2009 28th International Conferen e on O ean, Oshore and Ar ti Engineering, pp. 17. Ameri an So iety of Me hani al Engineers, Honolulu, Hawaii, USA. [6 Bonnet, M. (1995). Équations intégrales et éléments frontières. CNRS Editions / Eyrolles. A time domain model for wave indu ed motions oupled to [7 Bretl, J. J. G. (2009). energy extra tion. Ph.D. thesis, University of Mi higan. [8 Clément, A., M Cullen, P., et al. (2002). Wave energy in Europe : Current status and perspe tives. In Renewable and Sustainable Energy Reviews, vol. 6(5) :pp. 405431. [9 Cointe, R. (1989). Quelques aspe ts de la simulation numérique d'un anal à houle. Ph.D. thesis, É ole Nationale des Ponts et Chaussées. [10 Cruz, J. a. (2007). Springer S ien e \& O ean wave energy : urrent status and future prespe tives. Business Media, illustrate edn. Les problèmes de dira tion-radiation et de résistan e de vagues : étude théorique et résolution numérique par la méthode des singularités. [11 Delhommeau, G. (1987). Ph.D. thesis, É ole Centrale de Nantes (ex ENSM). [12 Du rozet, G., Bingham, H. B., et al. (2010). High-order nite dieren e solution for 3D nonlinear wave-stru ture intera tion. In vol. 22(5) :pp. 225230. BIBLIOGRAPHIE [13 Durand, M., Babarit, A., et al. (2007). Experimental validation of the performan es of the SEAREV Wave Energy Converter with real time lat hing ontrol. In 7th European Wave and Tidal Energy Conferen e, Porto, Portugal. [14 Fal ão, A. F. D. O. (2010). Wave energy utilization : A review of the te hnologies. Renewable and Sustainable Energy Reviews, vol. 14(3) :pp. 899918. Falnes, J. (2002). O ean Waves and Os illating Systems : Linear intera tion in luding wave energy extra tion Cambridge University Press. Ferrant, P. (1988). Radiation d'ondes de gravité par les mouvements de grande amplitude d'un orps immergé. Ph.D. thesis, E ole Nationale de Mé anique (ex In [15 [16 E ole Centrale de Nantes). [17 Ferrant, P. (1993). Three-dimensional unsteady wave-body intera tions by a Ran- Ship Te hnology Resear h, vol. 40 :p. 165. Gilloteaux, J. (2007). Mouvements de grande amplitude d'un orps ottant en uide parfait. Appli ation à la ré upération de l'énergie des vagues. Ph.D. thesis, É ole kine boundary element method. In [18 Centrale de Nantes. [19 Grilli, S., Guyenne, P., et al. (2001). A fully non-linear model for three-dimensional overturning waves over an arbitrary bottom. In Methods in Fluids. International Journal for Numeri al Modélisation numérique des intéra tions non-linéaires entre vagues et stru tures immergées, appliquée à la simulation de systèmes houlomoteurs. [20 Guerber, E. (2011). Ph.D. thesis, Unversité Paris-Est. [21 Guevel, P. (1976). Corps solide animé d'un mouvement quel onque dans un uide illimit é. [22 Harris, J. C., Dombre, E., et al. (2014). Fast Integral Equation Methods for Fully Nonlinear Water Wave Modeling. In Twenty-fourth (2014) International O ean and Polar Engineering Conferen e, vol. 3, pp. 583590. Busan, Korea. [23 Huang, Y. (1997). Nonlinear ship motions by a Rankine panel method. Ph.D. thesis, Massa hussets Institute of Te hnology. [24 IEA (2007). CO2 emmissions from fossil fuel [25 IRENA (2014). ombustion. O ean energy, te hnology readiness, patents, deployment status and outlook. [26 Kennard, E. (1949). Appl. Math. Generation of surfa e waves by a moving partition. In Q. [27 Kim, K.-H. and Kim, Y. (2009). Time-Domain Analysis of Nonlinear Ship Motion Responses Based on Weak-s atterer Hypothesis. In 19th International Oshore and Polar Engineering Conferen e, vol. 1, pp. 583589. Osaka, Japan. Appli ation de l'interpolation polynmiale au dépouillement graphique de valeurs de R3. Ph.D. thesis. [28 Lafran he, Y. (1984). 146 BIBLIOGRAPHIE [29 Letournel, L., Ferrant, P., et al. (2012). Expression Analytique des Équations Intérgales pour une dis rétisation linéaire de la géométrie. In 13èmes Journées de l'Hydrodynamique, Chatou, Fran e. [30 Letournel, L., Harris, J. C., et al. (2014). Comparison of fully nonlinear and weakly nonlinear potential ow solvers. In ASME 2014 33rd International Conferen e on O ean, Oshore and Ar ti Engineering, Ameri an So iety of Me hani al Engineers, San Fran is o, California, USA. [31 Li, Y. and Yu, Y.-H. (2012). A synthesis of numeri al methods for modeling wave energy onverter-point absorbers. In Renewable and Sustainable Energy Reviews, vol. 16(6) :pp. 43524364. [32 Lin, W., Meinhold, M., et al. (1994). Large-amplitude ship motions and wave loads for ship design. In 20th Symposium on Naval Hydrodynami s, California, USA. Simulation numérique de l'é oulement visqueux autour d'un navire soumis à une houle quel onque. Ph.D. thesis, É ole Centrale de Nantes.
54,843
49/hal.archives-ouvertes.fr-hal-01406106-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
5,641
8,395
Moteur décisionnel reposant sur un modèle de confiance pour des agents autonomes L Callebert, Domitile Lourdeaux, Jean-Paul Barthès Moteur décisionnel repos ant sur un modèle de confiance pour des agents autonomes L. Callebert1 D. Lourdeaux1 J.P. Barthès1 1 Sorbonne universités, Université de technologie de Compiègne, CNRS, Heudiasyc UMR 7253, CS 60 319, 60 203 Compiègne, France {lucile.callebert, domitile.lourdeaux, jean-paul.barthes}@hds.utc.fr Résumé Dans les environnements virtuels collaboratifs, la prise en compte des facteurs humains tels que la confiance sont indispensables à la modélisation des comportements des personnages virtuels autonomes qui réalisent une activité collective. Nous proposons un moteur décisionnel pour des agents autonomes qui repose sur un modèle de confiance. Trois facteurs de confiance sont considérés : la confiance en l'intégrité, en la bienveillance et en les compétences de chacun des autres agents. Le moteur décisionnel proposé permet aux agents de calculer l'importance de leurs buts personnel et collectif, puis, pour sélectionner une tâche, de calculer l'utilité de chaque tâche. Une évaluation préliminaire montre notamment que la confiance d'un agent en les compétences d'un autre est correctement évaluée par des observateurs en fonction des comportements des agents produits avec notre modèle. Mots Clef Moteur décisionnel, modèle de confiance, agents autonomes Abstract In collaborative virtual environments, human factors such as trust are essential to consider for the creation of autonomous virtual characters. We propose a decision-making system for autonomous agents that relies on a trust model. Three factors of trust are considered : the trust in the trustee's integrity, benevolence and abilities. The proposed decision-making system allows agents to compute, taking into account other agents, the importance of their personal and collective goals. Then the utility of the tasks is computed and a task is selected, also taking others into account. We conducted a preliminary evaluation that shows that the trust an agent has in another's abilities is rightly assessed by subjects when observing agents behaviors generated with our model. Keywords Decision-making system, trust model, autonomous agents. 1 Introduction Dans les environnements virtuels collaboratifs pour l'apprentissage, l'apprenant est bien souvent entouré de personnages virtuels avec lesquels il forme une petite équipe et avec lesquels il doit réaliser une tâche collaborative. C'est le cas par exemple dans le projet S ECU R E V I [Querrec et al., 2003] où l'apprenant et les personnages virtuels forment une équipe de pompiers ; ou dans le projet 3D Virtual Operating Room [Sanselone et al., 2014] où l'apprenant fait partie d'une équipe médicale. Les personnages virtuels dans ce type d'environnement sont souvent autonomes, et leur moteur décisionnel leur permet de choisir dynamiquement quelle action faire pour mener à bien l'activité collective. Pour prendre leurs décisions, les personnages s'appuient généralement sur un modèle d'activité représentant l'activité collective qu'ils ont à réaliser, de manière à ce que leurs comportements soient représentatifs des comportements humains observés en situation réelle. Les actions des personnages sont alors bien souvent déterminées par les rôles qu'ils jouent et qui sont décrits dans le modèle d'activité. Cependant un problème se pose lorsque plusieurs agents jouent le même rôle ou lorsque l'activité collective ne peut pas se découper sous forme de rôles : par exemple, comment trois agents se répartiraient les tâches ménagères pour l'entretien d'une maison? Ces situations sont aussi rencontrées dans le monde professionnel : dans une équipe de pompiers ayant tous les mêmes qualifications, comment s'organiser pour le sauvetage d'une victime? Par ailleurs, les facteurs humains sont souvent oubliés : chaque personnage est supposé être compétent et disposé à agir pour l'intérêt de l'équipe, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas dans la réalité. Dans un contexte collectif, chaque personnage devrait se poser des questions comme Mon coéquipier va-t-il vraiment agir dans l'intérêt de l'équipe? ou Est-t-il compétent pour réaliser cette tâche? avant de prendre une décision. Ces questions reposent sur un facteur essentiel : celui de la confiance. La question Est-t-il compétent pour réaliser cette tâche? se traduit pas exemple par Ai-je confiance en la compétence de mon coéquipier? Nous ne cherchons pas à reproduire les processus cognitifs humains, mais à proposer un moteur décisionnel qui permette de reproduire des comportements humains : nous n'argumentons pas que chaque personne se pose ces questions en réalité, mais que répondre à ces questions permettra aux agents d'adopter des comportements cohérents et sembles à ceux des humains. Nous présentons dans cette section des travaux sur des modèles d'activité utilisés pour générer le comportement d'agents autonomes en environnement virtuel, ainsi que des travaux portant sur des modèles de confiance. 2.1 Dans les projets S ECURE V I [Querrec et al., 2003] et 3D Virtual Operating Room [Sanselone et al., 2014], l'activité des personnages virtuels est décrite respectivement grâce au méta-modèle d'activité H AVE et à des diagrammes Business Process Notation Model. Dans ces deux projets, un rôle est assigné aux agents, qui ont des tâches spécifiques à réaliser et pour lesquelles ils doivent être synchronisés. Or nous souhaitons que les agents autonomes puissent choisir dynamiquement quelle tâche faire en tenant compte des autres et sans être limités à un rôle particulier. De plus ce type de modèle d'activité ne permet pas de spécifier des actions collectives. Le langage de description de scénario LORA (Language for Object-Relation Application) [Gerbaud et al., 2007] permet de décrire des activités collectives sous forme d'automates hiérarchiques à états finis et dans lesquels il est possible de spécifier des actions collectives. Cependant ce langage est difficile d'accès pour des non-informaticiens ; or nous souhaitons que l'activité puisse être décrite par des experts du domaine ou des ergonomes. Le langage de description d'activité ACTIVITY-DL [Barot, 2014] permet une description hiérarchique des activités sous forme d'arbre de tâches, qui sont logiquement et temporellement ordonnées. Ce langage est inspiré de travaux en ergonomie cognitive, et est donc accessible aux non-informaticiens. Nous choisissons ce méta-modèle pour la description des activités collectives qui seront réalisées par les agents. 2.2 Modèles de Confiance Un modèle de confiance dyadique permettra aux agents de prendre en compte les caractéristiques individuelles de chacun des autres membres de l'équipe pour prendre une décision. Dans les paragraphes qui suivent, nous utilisons "trustor" pour désigner la personne qui fait confiance et "trustee" pour désigner la personne objet de la confiance du trustor. [Marsh, 1994] proposent un moteur décisionnel s'appuyant sur un modèle de confiance computationnel permettant à des agents de décider de coopérer avec d'autres. La décision de coopérer est prise lorsque la confiance situationnelle, qui représente combien le trustor fait confiance au trustee dans une situation donnée, est supérieure à un seuil de coopération représentant combien le trustor a besoin de faire confiance au trustee dans cette situation. Il n'y a cependant pas de notion d'équipe dans ce modèle, et bien que nous nous intéressons à des relations de confiance dyadiques, nous pensons que l'équipe en soi et les engagements de personnes vis-à-vis de leur équipe jouent un rôle dans la décision de coopérer ou non. [Castelfranchi and Falcone, 2001] proposent un moteur décisionnel permettant à des agents de décider de déléguer des tâches. Ce moteur décisionnel s'appuie sur un modèle computationnel de la confiance sociale. Dans ce modèle, le trustor a des croyances sur la motivation et les capacités du trustee à faire une tâche. La croyance liée à la motivation est cependant difficile à évaluer. Elle est par exemple déduite de la profession du trustee (e.g. un médecin est supposé vouloir soigner ses patients) ou d'une relation liant le trustee au trustor (e.g. des amis sont supposés s'entreaider). Pour pouvoir l'expliquer, il faudrait donc s'appuyer un modèle de relations sociales ou de rôles entretenus par les agents. [Mayer et al., 1995] proposent un modèle de la confiance interpersonnelle, qui regroupe les facteurs liés à la confiance les plus souvent cités dans la littérature. Trois dimensions de confiance sont identifées : l'intégrité, la bienveillance et les capacités. Le trustor a confiance en l'intégrité du trustee s'il pense que le trustee tiendra parole et agira honnêtement. Dans notre contexte, l'intégrité peut être interprétée comme le fait de respecter les engagements par rapport à l'équipe et privilégier le but collectif. Avoir confiance en la bienveillance du trustee signifie, pour le trustor, penser que le trustee a de bonnes intentions à son égard, et tiendrait compte de ses intérêts. F IGURE 1 – Arbre de tâches ACTIVITY-DL pour sauver une victime 3.2 Description d'activité collective ACTIVITY-DL était jusqu'à présent utilisé pour décrire l'activité d'un seul opérateur. De manière à pouvoir supporter la description d'une activité collective et le raisonnement des agents, nous avons ajouté les éléments suivants : Compétence : Pour une tâche correspondant à une action (tâche feuille de l'arbre), il peut être précisé la ou les compétences que l'opérateur doit avoir pour pouvoir réaliser la tâche. Par exemple, la compétence savoir utiliser un tensiomètre est nécessaire pour faire la tâche prendre la tension. Nombre d'opérateurs : De manière similaire, il est nécessaire de préciser pour chaque tâche correspondant à une action combien d'opérateurs sont nécessaires. Par exemple, pour transporter la victime, il est nécessaire d'être au moins deux, et il peut y avoir jusqu'à quatre personnes qui portent le brancard. 3.3 Les éléments (compétences et nombre d'opérateurs) spécifiés sur les tâches feuilles doivent être propagés aux tâches composées, de manière à permettre aux agents autonomes de raisonner sur ces dernières. En effet, raisonner sur des tâches abstraites plutôt que sur l'ensemble des tâches feuilles permet d'optimiser le fonctionnement des agents, puisqu'un nombre réduit de tâches est pris en compte (voir section 5.3). Pour supporter le raisonnement des agents tout au long de la réalisation de l'activité collective, des contraintes sont donc générées à partir des éléments de compétence et de nombre d'opérateurs, et propagées depuis les tâches feuilles aux tâches composées jusqu'à la racine de l'arbre. Ces contraintes sont de deux types : La contrainte de faisabilité est statique et servira à chaque agent, avant de s'engager dans la réalisation de l'activité collective, à déterminer si l'ensemble de l'équipe peut réaliser cette activité. Pour cela, l'agent utilisera ce qu'il sait de ses propres compétences, du nombre d'agents de l'équipe, et des compétences des autres agents (voir Section 4). La contrainte de faisabilité associée à l'exemple développé dans la Section 3.1 est, textuellement, la suivante : l'équipe doit être composée au minimum de deux agents ET au moins l'un d'eux doit savoir utiliser un tensiomètre. La contrainte représentative de l'avancement est dynamique et servira à chaque agent pour déterminer s'il peut, personnellement, prendre part à la réalisation de la tâche. Pour raisonner sur cette contrainte, l'agent ne prendra en compte que ses propres compétences. Dans l'exemple développé dans la Section 3.1, la contrainte représentative de l'avancement à t0 (i.e. avant que les agents n'aient commencé à réaliser l'activité collective) est T rue. En effet, un agent ne sachant pas utiliser un tensiomètre peut tout de même participer en exécutant l'action poser une attelle. Cette contrainte est dite représentative de l'avancement puisqu'elle ne tient compte que des tâches qu'il reste à faire : si la première tâche effectuée est poser une attelle, alors la contrainte représentative de l'avancement deviendra savoir utiliser un tensiomètre. Les agents ne sachant pas utiliser un tensiomètre ne pourront alors pas, à ce moment, participer à l'activité sauver la victime. 4 Modèle d'agent Pour répondre à notre problématique, nous avons choisi d'opérationnaliser le modèle de confiance de [Mayer et al., 1995] en définissant les dimensions propres des agents et les croyances qu'ils ont sur les autres. Le modèle proposé permettra aux agents de raisonner sur leurs buts et de sélectionner une tâche à réaliser pour atteindre ces buts. Les choix des agents seront influencés par leurs caractéristiques personnelles, ainsi que par leurs croyances sur les autres agents, qui décrivent la confiance qu'ils ont en ces autres agents. 4.1 Buts Nous souhaitons que les agents puissent avoir deux buts de types différents : un but lié à l'équipe et partagé par les autres membres de l'équipe, et un but qui leur est personnel. Pour l'agent x, le but personnel est noté γx,self alors que le but collectif est noté γx,team. Ces buts sont définis par le formateur avant le début de la simulation et sont statiques. [Mayer et al., 1995] mais n'en n'est pas une opérationnalisation directe. En effet, bien que stipulant que les relations de confiance ont une forte influence sur la prise de décision d'une personne, les auteurs ne développent pas quels sont exactement les processus décisionnels en jeu. Nous proposons donc un moteur décisionnel inspiré de ces travaux qui réponde à notre problématique particulière comme décrite en introduction. 4.2 5.1 Dimensions Nous avons défini les dimensions des agents de manière à ce qu'elles correspondent au modèle de confiance développé par [Mayer et al., 1995]. Intégrité : Chaque agent x a une valeur d'intégrité ix ∈ [0; 1] qui indique à quel point cet agent va respecter ses engagements vis-à-vis de l'équipe. Bienveillance : Chaque agent x a un niveau de bienveillance spécifique à l'égard de chacun des autres membres de l'équipe. La bienveillance de x à l'égard de l'agent y est décrite par la valeur bx,y ∈ [0, 1]. Capacité : Chaque agent x a un niveau de capacité différent pour chacune des compétences présentes dans la description des activités pouvant être réalisées. Le niveau de capacité de x sur la compétence i est décrit par la valeur ax,i ∈ [0, 1] (a pour ability). Chacune de ces valeurs doit varier dynamiquement en fonction des comportements des autres agents et des événements se produisant dans l'environnement virtuel. Le mécanisme de mise à jour de ces valeurs ne sera cependant pas développé dans ce papier qui a trait au système décisionnel des agents permettant la sélection d'une action. 4.3 Croyances L'agent x a des croyances sur chacun des autres agents. Les croyances de x sur y décrivent la confiance que x a en y : nous avons donc défini ces croyances en nous appuyant sur le modèle de confiance de [Mayer et al., 1995]. Les croyances de l'agent x sur l'agent y sont décrites par les valeurs suivantes : Croyance sur l'intégrité : ixy ∈ [0; 1] représente la confiance qu'a x en l'intégrité de y. Croyances sur la bienveillance : bxy,z ∈ [0; 1] représente la confiance qu'a x en la bienveillance de y vis-à-vis de z, z pouvant représenter n'importe quel agent de l'équipe hormis y lui-même. Croyances sur les capacités : axy,i ∈ [0; 1] représente la confiance de x en la capacité de y à réaliser une tâche nécessitant la compétence i. De même que pour les dimensions des agents, ces croyances sont dynamiques mais le mécanisme de mise à jour des croyances ne sera pas détaillé dans ce papier. 5 Moteur décisionnel Nous proposons ici un nouveau moteur décisionnel pour des agents autonomes qui forment une équipe. Ce moteur décisionnel est fortement lié au modèle de confiance de Les agents suivent un cycle perception, décision, action : en fonction de l'état du monde qu'ils perçoivent, les agents pourront décider d'une tâche à accomplir puis agir en réalisant cette tâche. Dans la phase de décision, les agents doivent dans un premier temps choisir sur lequel de leurs deux buts (individuel et collectif) concentrer leurs efforts avant de se lancer dans toute activité. Cette distinction est complexe et ne doit pas se faire de manière unilatérale et systématique (e.g. tous les agents privilégieraient le but collectif), car cela ne serait pas représentatif des comportements observés en réalité. Comment les agents doivent-ils alors choisir entre un but personnel et un but collectif? Comment la perception des autres influence-t-elle l'importance qu'un agent accorde à ses buts? La perception des autres est en effet très importante : un agent perdra sûrement sa motivation à réaliser la tâche collective s'il pense que les autres privilégieront leur objectif personnel. Nous proposons pour répondre à cette problématique un mécanisme de calcul de l'importance d'un but développé dans la Section 5.2. Dans un second temps, les agents doivent identifier quelles tâches il serait le plus utile d'accomplir par rapport à leurs buts : les agents vont calculer l'utilité de chaque tâche. Encore une fois ce processus est complexe : les agents ne doivent pas seulement prendre en compte la contribution des tâches à leurs buts, mais aussi leur capacité à effectuer les tâches. Le mécanisme de calcul de l'utilité des tâches que nous proposons est développé dans la Section 5.3. Enfin, pour sélectionner une tâche, il est nécessaire pour les agents de prendre en compte les autres : quelles sont leurs capacités et leurs envies? Dans notre exemple, soit une équipe de deux agents x et y qui accordent de l'importance au but sauver la victime. 5.2 Importance d'un but L'importance que l'agent x accorde à l'un de ses buts γ est notée Impx (γ) et est comprise dans l'intervalle [0; 1]. Si les deux buts sont identiques ou réaliser un but contribue à la réalisation de l'autre, alors il n'y a pas à choisir de privilégier l'un des deux, et leur importance est 1. Dans le cas contraire, calculer l'importance qu'il accorde à chacun de ses buts permettra à l'agent x de privilégier la réalisation de l'un d'eux. Dans un premier temps, seules les caractéristiques propres à l'agent x sont prises en compte pour le calcul de l'importance d'un but. Selon le modèle de confiance de [Mayer et al., 1995], le respect de ses engagements par une personne est liée à son intégrité (honnêteté). Nous considérons donc qu'une personne plutôt intègre privilégiera le but collectif sur lequel elle est engagée, alors qu'une personne peu intègre privilégiera son but personnel. Nous définissons donc Impx (γx,team ) = ix et Impx (γx,self ) = 1−ix. Pour tous les autres buts (e.g. but personnel de l'agent y par exemple), l'importance pour x est initialement nulle. Dans un second temps, l'agent x prend en compte les autres : il calcule alors Impxy (γ) ∈ [0; 1], valeur qu'il imagine être l'importance du but γ pour un autre agent y. Pour le but collectif de y, x calcule Impxy (γy,team ) = ixy ; pour le but personnel de y, x calcule Impxy (γy,self ) = 1 − ixy. Pour moduler l'importance qu'il accorde à ses buts en fonction des autres l'agent x considère ensuite sa bienveillance à l'égard des autres. En effet, si x est bienveillant à l'égard de y, alors il aura envie d'aider y et l'importance pour x d'un but important pour y augmentera. x calcule donc dx,y (γ) sa désidérabilité par rapport à y de voir le but γ accompli avec la Formule 1. dx,y (γ) est proportionnel à Impxy (γ) et est positif si x apprécie y, et négatif dans le cas contraire. dx,y (γ) = Impxy (γ) × (bx,y − 0.5) (1) Lorsque x a calculé, pour chaque autre agent yi et pour chaque but γ, sa désidérabilité de voir yi réaliser son but γ, alors x met à jour l'importance qu'il accorde à ses buts. Utilité d'une tâche. Les agents cherchent à déterminer quelle tâche il serait le plus judicieux de réaliser en fonction de l'importance qu'ils accordent à leurs buts. Pour cela, chaque agent x calcule l'utilité des tâches, en commençant par les tâches racines des arbres. Deux facteurs sont à prendre en compte pour ce calcul. D'une part pour une tâche τ, x doit se demander si elle contribue à un but auquel il accorde de l'importance. Si τ contribue effectivement à un but γ important pour x, alors l'utilité de τ est proportionnelle à l'importance accordée par x à γ (voir Formule 4). Sinon, l'utilité de τ pour x est nulle. x raisonne d'autre part sur les compétences requises par τ et sur ses valeurs de capacités sur ses compétences. Les compétences requises par τ sont listées dans la contrainte représentative de l'avancement associée à τ. x calcule alors ax (τ ) sa capacité à réaliser τ. L'utilité de τ sera proportionnelle à la capacité de x à réaliser τ, de manière à ce que x privilégie les tâches pour lesquelles il est doué. L'utilité Ux (τ ) ∈ [0; 1] de la tâche τ pour l'agent x est donc donnée par la Formule 4. Ux (τ ) = f Impx (γ) × ax,j (4) Sélection d'une tâche. Une fois que les agents ont calculé l'utilité de chacune des tâches, il est nécessaire qu'ils prennent en compte les autres membres de l'équipe, comme expliqué dans la Section 5.1. La prise en compte des autres se fait tout d'abord par le calcul de l'utilité des tâches pour chacun des autres agents. L'agent x calcule donc, pour chaque autre agent y et pour chaque tâche τ, Uyx (τ ) ce qu'il pense être l'utilité de τ pour y. L'agent x applique le même processus que pour lui même en utilisant axy (τ ) et Impxy (γ) i.e. respectivement ce qu'il croit être la capacité de y à réaliser la tâche τ et ce qu'il croit être l'importance pour y du but γ auquel contribue τ. Enfin, x génère toutes les répartitions possibles de tâches entre les agents de l'équipe. Pour générer ces répartitions, x prend en compte le nombre d'agents nécessaires à la réalisation de chaque tâche. Cette information est exprimée dans la contrainte représentative de l'avancement liée à la tâche. x calcule également l'utilité associée à chaque répartition de tâches comme une moyenne des utilités de chaque tâche de la répartition. Finalement, l'agent x sélectionne la tâche correspondant à la répartition ayant la plus grande utilité. Il est important de noter qu'en sélectionnant une tâche correspondant à une répartition que l'agent x estime la meilleure, x n'ordonne pas aux autres agents de réaliser les tâches correspondant à cette répartition. En effet, par ce processus, l'agent x imagine quelle serait, selon lui, la meilleure répartition, et ce compte tenu de ce qu'il pense être les envies et les capacités des autres membres de l'équipe. Si l'agent x connait bien les autres membres de l'équipe, i.e. si les croyances qu'a x sur les autres agents correspondent à la réalité, alors ce que feront les autres agents correspondra sûrement à ce qu'a imaginé x. Cependant, si les croyances de x sont fausses, ses prédictions sur les choix des autres agents le seront aussi. Cela peut mener à deux situations problématiques : – Un trop grand nombre d'agents décident de réaliser la même action. Dans ce cas, il faudrait ajouter un processus de négociation entre les agents de manière à trouver un accord. Nous n'avons pas intégré pour le moment un tel processus, et lorsque ce cas de figure se produit, nous appliquons le principe "premier arrivé, premier servi". – Trop peu d'agent décident de réaliser la même action. Dans ce cas, les agents attendent d'être suffisamment nombreux. Si l'attente est trop longue, les agents abandonnent cette action et le processus décisionnel est relancé. Processus récursif. Nous avons précisé au début du paragraphe concernant le calcul de l'utilité 'une tâche que l'agent x raisonne dans un premier temps sur les tâches correspondant aux racines des arbres de tâches. Lorsque x sélectionne une tâche τ, celle-ci ne correspond donc pas forcément à une action mais peut être une tâche abstraite. Le processus de sélection d'une tâche est un processus récursif, et à chaque étape de ce processus, seules les tâches pertinentes et seuls les agents pertinents pour le raisonnement de x sont pris en compte. Nous présentons dans la Figure 2 une illustration des ensembles de tâches et d'agents sur lesquel(le)s x raisonne aux étapes n et n + 1 de son raisonnement récursif, et nous expliquons dans les paragraphes suivants comment l'agent x constitue ces ensembles. 6 Nous présentons dans cette section des résultats préliminaires obtenus, d'une part sur le fonctionnement d'agents dotés du modèle décisionnel proposé, et d'autre part sur la perception et l'interprétation du comportement des agents par des observateurs humains. 6.1 Tests de fonctionnement Nous avons implémenté le modèle d'agent et le moteur décisionnel proposés en Python. Chaque agent fonctionne dans un thread différent, ce qui permet aux agents de fonctionner parallèlement. Nous avons dans un premier temps testé le bon fonctionnement des agents utilisant le moteur décisionnel proposé en faisant varier le nombre d'agents considérés et la taille de l'arbre de tâches considéré. Pour cela nous avons généré aléatoirement des arbres abstraits de tâches comportant d'une dizaine à plus d'un millier de tâches, et observé, avec différents nombres d'agents, si les agents pouvaient mener à bien l'activité décrite dans l'arbre. Nous avons pu constater que les agents fonctionnent quand : – Les agents sont peu nombreux dans l'environnement : cinq agents peuvent raisonner en temps interactif sur des arbres de tâches de taille conséquente (allant jusqu'à 1000 tâches environ). – Les agents sont un peu plus nombreux, mais les arbres d'activité sont de taille réduite : sept agents peuvent raisonner en temps interactif sur des arbres ayant une vingtaine de tâches. Au delà de sept agents, le moteur décisionnel de chaque agent ne fonctionne plus en temps interactif. Cependant cela correspond à nos objectifs : proposer un moteur décisionnel pour un agent autonome faisant partie d'une équipe de travail de petite taille et dont l'agent connait tous les membres. 6.2 Évaluation Préliminaire Nous avons également conduit une évaluation préliminaire portant sur la perception des comportements des agents par des observateurs humains. Efficacité des agents. Nous avons d'abord voulu vérifier avec cette évaluation préliminaire que le modèle proposé permet de produire des agents aux comportements considérés comme appropriés en équipe aussi bien que des agents dont les comportements font d'eux des mauvais équipiers. 'intégrité étant le principal facteur d'influence sur l'importance qu'un agent accorde à son but collectif, nous avons fait les hypothèses suivantes : H1 : une équipe d'agents intègres sera perçue comme efficace par les observateurs, alors qu'une équipe d'agents non-intègres sera perçue comme inefficace. H2 : un agent intègre sera jugé par les observateurs comme participant au bon fonctionnement de l'équipe, ce qui ne sera pas le cas pour un agent non intègre. Nous avons pour cela présenté à douze observateurs trois déclinaisons d'un même scénario où trois agents x, y et z doivent ranger leur bureau avant que leur chef n'arrive. La tâche collective ranger le bureau est décomposée en plusieurs sous-tâches : accrocher le tableau, laver le sol, monter le bureau, cacher la machine à café et réparer l'ordinateur. Les agents ont également la possibilité de boire du café, tâche qui correspond à un but personnel. Dans ce scénario, aucune compétence spécifique n'est requise. Dans une équipes où les relations entre agents sont neutres (∀i et ∀j, bi,j = 0.5) nous avons fait varier l'intégrité des agents. Les trois déclinaisons du scénario sont les suivantes : Variante 1 : tous les agents sont intègres (i.e. ix = iy = iz = 1) ; et participent donc tous à la tâche collective. Variante 2 : un seul agent x n'est pas intègre (i.e. ix = 0, iy = iz = 1) et boit du café alors que les deux autres rangent le bureau. Variante 3 : tous les agents ne sont pas intègres (i.e. ix = iy = iz = 0) et boivent du café. Pour chaque variante, la répartition des tâches entre les agents et leur enchainement étaient présentés aux observateurs sous forme de graphe. Puis deux affirmations étaient présentées aux observateurs, qui devaient indiquer à quel degré ils étaient d'accord avec ces affirmations sur une échelle de Likert à cinq niveaux (de 1 = pas du tout d'accord à 5 = tout à fait d'accord. La première affirmation concerne l'efficacité de l'équipe (A1 : les agents forment une équipe efficace ; et la seconde concerne le comportement d'un agent particulier dans l'équipe (A2 : l'agent x contribue au bon fonctionnement de l'équipe). Les résultats obten sont présentés dans le Tableau 1. Pour tester nos hypothèses H1 et H2 nous avons appliqué deux tests ANOVA à un facteur sur (i) l'efficacité perçue de l'équipe (affirmation A1) et (ii) sur la participation au de l'agent x au bon fonctionnement de l'équipe (affirmation A2). Le facteur intra-sujet testé est dans les deux cas (i) et (ii) l'intégrité de l'ensemble des agents de Variante 1 2 3 (i) A1 m = 4.92 , σ = 0.29 m = 3.17, σ = 1.19 m = 1.00, σ = 0.00 (ii) A2 m = 4.83, σ = 0.39 m = 1.00, σ = 0.00 m = 1.17, σ = 0.58 TABLE 1 – Moyennes m et écarts types σ obtenus pour chacune des affirmations et chacune des variantes de rangement de bureau Variantes 1 et 2 1 et 3 2 et 3 (i) A1 t = 6.05 t = 13.53 t = 7.49 (ii) A2 t = 23.36 t = 22.34 t = 1.0167 TABLE 2 – Valeurs t obtenues par les tests de Bonferroni sur chaque combinaison de variantes et sur (i) l'affirmation A1 et (ii) l'affimation A2. l'équipe. Les résultats obtenus ((i) F(2,33) = 62, p < 0.05 et (ii) F(2,33) = 349, p < 0.05) montrent que les sujets ont une appréciation significativement différente de (i) l 'efficacité de l' équipe et (ii) la participation de x au bon fonctionnement de l'équipe dans les trois variant es du scénario proposées . Pour vér ifier que les sujets distinguent bien les variations des comportements des agents dans chacune de ses variant es, nous avons ensuite appliqué plusieurs comparaisons paire par paire avec le test de Bonferroni dont les résultats sont présentés dans le Tableau 2. Les différences dans l'évaluation (i) du comportement de l'équipe par les sujets sont donc fortement significatives pour toutes les variantes proposées. Les différences dans l'appréciation (ii) de comportement de l'agent x sont significatives dans les variantes 1 et 2, et 1 3 ; mais non significatives dans les variantes 2 et 3, ce qui était attendu puisque l'agent x a la même intégrité et se comporte de manière identique dans les deux variantes. Nos deux hypothèses H1 et H2 sont donc supportées. On peut néanmoins constater que l'efficacité perçue de l'équipe diminue significativement dès que l'un des agents n'est pas intègre. Confiance. Nous avons ensuite cherché à vérifier que les observateurs pouvaient percevoir les relations de confiance entretenues entre les agents de par les comportements des agents. Nous nous sommes intéressés à la confiance en les compétences des autres, paramètre qui est essentiel dans le travail d'équipe. Notre formulons l'hypothèse suivante : H3 : les sujets seront capables d'identifier le niveau de confiance d'un agent en les compétences d'un autre de par le comportement des agents. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons présenté un second scénario portant sur le sauvetage d'une victime par une équipe médicale formée par trois agents devant réaliser les tâches τ1 = préparer l'ambulance, τ2 = faire les premiers soins et τ3 = rassembler et transmettre les informations sur la victime au centre médical. Leurs compétences sont les suivantes : – Un agent ambulancier (agent a) est compétent pour faire τ1, mais pas pour τ2 et τ3, i.e : aa,τ1 = 1, aa,τ2 = aa,τ3 = 0. Variante (iii) A3 (iv) A4 1 m = 4.92, σ = 0.29 m = 4.92, σ = 0.29 2 m = 1.5, σ = 0.91 m = 3.08, σ = 1.73 TABLE 3 – Moyennes m et écarts types σ obtenus pour chacune des affirmations et chacune des variantes du scénario de sauvetage de victime – Un agent infirmier (agent i) est compétent pour la tâche τ2, mais pas τ1 ni τ3, i.e : ai,τ2 = 1, ai,τ1 = ai,τ3 = 0. – Un agent médecin (agent m) est compétent pour toutes les tâches, i.e : am,τ1 = am,τ2 = am,τ3 = 1. Dans ce scénario, tous les agents sont intègres et ont des relations de bienveillance neutres. Les croyances des agents à propos de l'intégrité et la bienveillance des autres correspondent à la réalité (i.e. ∀x, ∀y, ∀z, ix = 1, bx,y = 0.5, ixy = 1 et bxy,z = 0.5). Seule la confiance qu'a le médecin en les compétences de ses équipiers varie : Variante 1 : le médecin a confiance en les compétences de m l'ambulancier et de l'infirmier (i.e. am a,τ1 = ai,τ1 = 1) et les laisse respectivement préparer l'ambulance et faire les premiers soins pendant qu'il s'occupe de rassembler et transmettre les informations. Variante 2 : le médecin n'a pas confiance en les compém tences de ses équipiers (i.e. am a,τ1 = ai,τ1 = 0), et commence par aider l'ambulancier pour préparer l'ambulance, puis aide l'infirmier à faire les premiers soins avant de rassembler et transmettre les informations. 7 Conclusions Nous avons proposé un modèle d'agent s'appuyant sur le modèle de confiance de [Mayer et al., 1995]. En s'inspirant de ce modèle, nous avons défini un moteur décision- nel qui permet aux agents de tenir compte de la confiance qu'ils ont en chacun des autres agents tout en raisonnant sur un arbre de tâches spécifié en ACTIVITY-DL et décrivant une activité collective. Dans un premier temps les agents calculent l'importance qu'ils accordent aux buts ; puis raisonnent récursivement sur un arbre de tâches ACTIVITYDL pour calculer l'utilité des tâches et en choisir une. Nous avons implémenté le modèle proposé et vérifié son bon fonctionnement pour des petites équipes d'agents et sur des arbres de tâches de taille conséquente. Nous avons conduit une évaluation préliminaire qui nous a permis de vérifier que les sujets apprécient différemment les comportements des agents produits avec notre modèle ; notamment, les sujets évaluent différemment la confiance d'un agent en les compétences d'un autre selon le comportement du premier. Remerciements Ces travaux sont menés dans le cadre d'une thèse financée par la Direction Générale de l'Armement (DGA) et le Labex MS2T, lui même financé par le gouvernement français au travers du programme Investissements d'avenir géré par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR - référence ANR-11-IDEX-0004-02). Les auteurs ont égal bénéficié du soutient du projet VICTEAMS (ANR-14-CE240027), financé par l'ANR et la DGA..
9,754
tel-03998492-thesecomplete_BIGNON.txt_8
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Approvisionnements alimentaires et société dans les campagnes du nord-ouest du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Histoire. Université d'Angers, 2022. Français. &#x27E8;NNT : 2022ANGE0046&#x27E9;. &#x27E8;tel-03998492&#x27E9;
None
French
Spoken
7,338
11,470
439 « Brunet à vendu le 15 juillet un genisson d’un an à un boucher de S[ain]t Mars onze livres dont j’ai eü ma part », arch. dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774, 12 juillet 1755. « Brunet à vendu deux autres petits veaux à des bouchers dans le courant de may 1758 cent dix sols dont j’ai eü ma part », ibid., mai 1758 ; « Brunet à vendu au Favre boucher de S[ain]t Mars le 8 août 1761 une vieille vache et un bouvard d’un an trente livres savoir la vache dix sept livres et le bouvard treize livres dont j’ai eü ma part », ibid., 8 août 1761. 440 « J’ai pris chez Brunet un veau pour tuer à la fin de juillet 1756 sur le pied de huict livres dix sols dont je dois lui tenir compte de la moitié cet article est porté sur mon livre de faisances », arch. dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774, juillet 1757 ; « j’ai pris un veau de laict à la my juin 1760 chez Brunet pour tuer sur le pied de six francs dont je dois lui denir compte d’un écu pour la moitié », ibid., 1760. 441 « Merienne à vendu la foire S[ain]t Laurent 11e aoust 1762 à Montaudin un genisson d’un an douze livres », ibid., 11 août 1762. 442 « Merienne à vendu à la foire S[ain]t Pierre à Montaudain 30e juin 1762 deux bouvards de deux ans quaranteet deux livres, ibid., 30 juin 1762. 443 « [à Désertines] il y a a peu près 300 veaux dont la plupart est destinés à la boucherie dès l’âge de 8 à 10 jours. [...] Ce qui n’est pas tué et consommés dans le pays, est élevé jusqu’à l’âge de deux ans pour être vendu dans les environs, comme génisses ou vaches », arch. dépt. 53, 7 M 277, enquête du préfet de la Mayenne auprès des maires pour produire une statistique des bêtes à cornes, commune de Désertines. 106 taureau et une génisse qu’il vend au bout d’un an quinze ou 16 francs pièce aux bouchers du pays pour battre les grains ou pour la consommation des plus riches particuliers444 ». Ceux de trois ans445, peuvent commencer à travailler au labourage ; ces jeunes bœufs constituent souvent le deuxième couple de l’attelage quand le premier est formé par des animaux qui ont 4 ans et plus. Les veaux de lait sélectionnés grandissent sur l’exploitation et deviennent au bout d’un an des génisses ou des génissons puis après deux ans des taures, bouvards ou taureaux et enfin vers trois, ils atteignent leur maturité pour devenir des taureaux, des vaches ou des bœufs prêts à travailler. Spéculation et vente de bestiaux Les statistiques de 1756 sur l’élection de Mayenne, confirment « qu’on y éleve de jeunes bestes principalement des genissons [qui] sont vendus a des marchands de l’Isle de France du Gatinois et de la Picardie446 ». Plus précisément, sur les foires de Mayenne, Ernée, Gorron, Montaudin, SaintDenis-de-Gastines ou Juvigné, s’échangent des « bœufs ou vaches maigres pour mettre a l’herbe [et] des jeunes bestes et principalement genissons et jeunes vaches447 ». « Les herbagers du pays d’Auge, département du Calvados ou sont situées les prairies les plus fertiles, dans une étendue qui se prolonge de Caen à Lisieux et Pont Leveque448 » achètent les bœufs et les vaches. Une grande partie des transactions concernent des bêtes à cornes qui « se tirent du pays » et qui sont « destinés pour l’usage des environs449 ». Même si les herbagers normands ou du Haut-Maine constituent des débouchés importants pour les éleveurs, les échanges sont finalement plutôt locaux. L’étude de deux comptabilités va permettre de repérer les revenus réels dégagés avant de les traduire en capacité à nourrir. Le colon de l’Epinay (rappel 20 hectares) débute son exploitation en 1729 avec un fonds de prisée évalué à 422 l.t. Il réalise pendant sa première année d’activité un certain nombre d’opérations qui permet de présenter l’état de son cheptel à la fin de la saison. 444 Ibid., commune de Fougerolles. 445 « Merienne à vendu à la foire S[ain]t Joseph à Montaudain 14e mars 1763 deux bœufs cent quatorze livres et en à achepté quelques jours après deux petits de trois ans soixante et six livres, . dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774, 14 mars 1763. 446 Arch. dépt. 37, C 337, statistiques sur l’élection de Mayenne, 1756. 447 Ibid. 448 Arch. dépt. 53, 6 M 661, observations et renseignements sur les produits en bestiaux du département de la Mayenne, an 13, (1804-1805). 449 Arch. dépt. 37, C 337, statistiques sur l’élection de Mayenne, 1756. 107 Cheptel Grands bœufs Début 1729 2 Petits bœufs 2 Bouvards 2 Vaches 6 Génissons 3 Génisses Veau 1 1 Chevaux 3 Opérations de l’année 1729 Au mois de mars 1729, le colon a vendu ses 2 grands bœufs à Domfront et en a acheté 2 autres au Teilleul. • A la fin août, il revend les 2 bœufs qu’il avait acheté au Teilleul et en rachète deux autres le même jour. • Au mois d’août, il revend ses deux grands bœufs (les petits qui ont grandi) et rachète 2 grands bœufs Au mois d’août, il vend les 2 bouvards Nous pouvons considérer que les 3 génissons ci-après (début 1729) deviennent 3 bouvards Pas de vente, nous pouvons considérer que la génisse (début 1729) devient une vache Ils sont devenus bouvards Le veau devient génisson La génisse est devenue vache Le veau devient génisson. Nous ne savons pas s’il y a de nouveaux veaux Plus tard, il vend une jument, une pouliche, une autre jument, une autre pouliche et rachète un cheval • Fin 1729 2 2 0+3 6+1 +1? 1 Figure n° 33 : Mouvements des bestiaux de l’Epinay sur l’année 1729450 Après toutes ces transactions, le colon de l’Epinay a toujours le même nombre de bœufs, mais ce ne sont pas les mêmes que ceux de la prisée. Le troupeau de vaches reste stable et il s’accroît même légèrement avec la génisse élevée sur l’exploitation. Il a sans doute 3 bouvards qui sont les génissons du début de l’année. Il y a probablement entre 1 et 6 veaux. Les juments et pouliches (dont une, est sans doute née dans le cours de l’année) sont remplacées par un cheval. En fin d’année, les plusvalues, partagées équitablement451 entre le propriétaire et le colon, se montent à 78 livres et 10 sols ce qui représente 18,5 % de la valeur du fonds de prisée initial. Mis à part la vente des 2 bouvards, l’essentiel des revenus tirés du cheptel de cette exploitation est fourni par les transactions sur les bœufs. Ceux-ci sont vendus et immédiatement remplacés, car ils sont nécessaires au bon fonctionnement de l’exploitation. À chaque fois, le colon rachète des bœufs plus petits et donc moins chers et réalise par là même une plus-value. Ce jeu spéculatif est parfois reproduit plusieurs fois sur la saison comme nous pouvons le voir avec les grands bœufs de l’Epinay. Ainsi, des bêtes qui sont vendues aux herbagers normands vers l’âge de 6 à 8 ans452 ont fait l’objet de plusieurs échanges durant leur vie. Pour approfondir cet aspect, et mesurer avec plus de fiabilité les revenus de l’élevage et leur contribution aux approvisionnements alimentaires, nous 450 Arch. dépt. 53, 6 J 212, chartrier de Goué, livre des fermes 1703-1786 451 « Le 11 mars Rogue a vandus a Domphron les grands bœuf de la prisée 123 l.t. et le 18 du meme mois il en a racheté deux autre au Teilleul de 106 l . t . inssy nous avons eü chacun 8 l.t. 10 s. [...]. Le 20 aoust Rogue à vendu a Fougerolles deux bœufs qu’il avoit achepté cent six livres au Teilleul le dix huit mars qu’il a vendus cent vingt quatre livres dix sols et en a racepté deux autres le mesme jour qui lui coute cent onze livres ainsi cest a chacun six livres quinze sols de profit que je recu », ibid. 452 Annie Antoine, « L’élevage en France,... », op. cit., p. 32. 108 allons nous servir du corpus réuni autour des propriétés du sieur Chappedelaine chevalier d’Emnard. Lors de la succession de ce dernier, le notaire fait l’inventaire de ses dettes actives et notamment des sommes qu’il a investies en fonds de prisée chez ses différents colons. Ce dénombrement453 permet de présenter le cheptel présent sur six exploitations [annexe n° 24]. Trois d’entre elles sont des métairies dont la force motrice est conduite par 6 bœufs, deux autres sont moins bien pourvues avec seulement 4 bœufs et enfin une seule n’en possède que deux. La variation de la valeur du fonds de prisée correspond au bénéfice net réalisé pendant la durée du bail. Ici, les baux sont signés pour 7 ans et le taux de profitabilité est calculé exceptionnellement au bout de 6 ans en raison du décès du propriétaire. Ce ratio est à l’évidence meilleur dans les trois exploitations les mieux pourvues en bœufs. À l’appui de ces relevés, la comptabilité454 tenue par le propriétaire des lieux va mettre en évidence les encaissements nets réalisés sur le bétail. Le registre qui retrace les différentes opérations sur les bestiaux est relativement bien tenu même s’il est incomplet puisque la métairie d’Emnard est absente du document. Les premiers échanges enregistrés commencent en 1736 et se terminent en 1775 avec le décès du sieur Chappedelaine. Le total des revenus est constitué par la différence entre les encaissements et les décaissements. Ceux-ci sont systématiquement partagés après chaque transaction. Pour ce qui concerne les élèves, les vaches, les porcins et les équidés, les revenus correspondent le plus souvent aux encaissements sur les ventes de bêtes élevés sur l’exploitation défalqués des décaissements liés aux achats de jeunes bêtes s’il n’a pas été possible de les faire naître sur place. Pour les bœufs, les revenus peuvent aussi être constitués par les ventes d’animaux élevés sur l’exploitation ou achetés les années précédentes à un âge avancé (génissons ou bouvards). Ils sont alors vendus en tant que produit finis. Cependant, la majeure partie des revenus de ce poste relève plutôt de la spéculation. Par ailleurs, il leur arrive de revendre des vieilles bêtes, vaches ou chevaux. Les encaissements les plus importants sont ceux qui proviennent du commerce de bovins. Toutefois l’élevage porcin constitue une part non-négligeable des revenus notamment sur Montigny [annexe n° 27]. Seule la Chevalerie [annexe n° 25] vend des bœufs en produit fini, pour le reste les revenus tirés de ce poste consistent essentiellement dans la constitution de marges spéculatives. Le lieu de Montigny [annexe n° 27] qui n’a que deux bœufs en 1775455 est aussi celui qui réalise le moins de recettes nettes sur les bœufs même si la valeur finale de son fonds de prisée 453 Arch. dépt. 53, 3 E 47 158, inventaire après décès du chevalier d’Emnard, 7 novembre 1775. 454 Arch. dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774. 455 Il n’est pas sûr, toutefois, que ce soit la structure de base ; peut-être que le colon vient de vendre deux bœufs et qu’il se prépare à en racheter deux nouveaux à la prochaine foire. 109 est meilleure que celles des exploitations à 4 bœufs. Le colon spécule avec autant de célérité que les autres et il lui arrive aussi de pratiquer plusieurs échanges par saison. En 1756, le colon « Mérienne à vendu à la foire S[ain]te Anne à Ernée 26 juillet 1756 deux bœufs cent quatre vingt livres et en à achepté deux autres à la même foire cent soixante et une livre il reste dixneuf livres de bon à partager456 » et à la fin de la même année, il « à vendu à la foire S[ain]t Denis 11e [octo]bre deux bœufs centsoixante et dix livres et en à achepté deux à la même foire cent cinquante livres, il reste vingt livres à partager 457». Ces deux opérations à partir d’un seul couple de bœufs ont permis de dégager une trésorerie nette de 39 livres. Ce que le colon de Montigny est capable de réaliser avec ses bœufs, celui de la Girardière [annexe n° 26] le fait encore plus aisément grâce à ses quatre bœufs. Ainsi, en 1773, il réalise 6 transactions : Fournier a vendu deux bœufs a la foire S[ain]t Denis 15e avril 1773 cent vingt livres et en a acheté deux le meme jour cent cinq livres les quels il revendit quelques jours apres cent onze livre et en a acheté deux a la foire de l’Assension 21 may quatre vingt huit livres, il reste donc sur la vente et achat des bœufs trente huit livres a partager [...] Fournier a vendu à la foire S[ain]t Denis a Fougerolles [mot illisible] juin 1773 deux bœufs deux cent vingt cinq livres et [...] acheté a la foire S[ain]t Pierre a Montaudin 30e dudit mois deux bœufs cent quatre vingt livres il reste donc soixante six livres de bon a partager [...] Fournier a vendu deux petits bœufs a la foire S[ain]t Laurent a Montaudain 11e aout 1773. qui lui permettent d’encaisser 108 livres. En moyenne, sur 10 ans, c’est près de 3 échanges annuels qu’il parvient à réaliser même si quelques fois, il doit se contenter d’un seul (1771, 1770 et 1765). Le colon de la Chevalerie qui est celui qui obtient les meilleurs résultats, améliore ses gains sur les bœufs parce qu’il en vend une partie en produit fini459 et qu’il réalise également des marges sur ses échanges de bêtes. En 1769, Brunet à vendu à la foire de l’Assencion à Montaudain 4e may 1769 deux bœufs deux cent quinze livres [...] et à acheté à la meme foire deux bœufs cent quatre vingt dix sept livres il reste [2 mots illisibles] cinq livres à partager [...] Brunet à vendu à la foire de la Nativité à Fougerolles 9e [septem]bre 1769 deux petits bœufs de deux ans cent six livres460. Il vend des bœufs en produits finis 8 années sur 10 : il n’en vend aucun en 1770 et connaît une année blanche en 1767. Peu de fermiers ont les moyens de vendre des bœufs gras, « on en engraisse tout au plus cinq à six couples par an dans la commune461 » de Désertines. En général, « quand les 456 Arch. dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774, 1756. 457 Ibid. 458 Ibid., 1773. 459 C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’achat de bœufs consécutifs à la vente. 460 Arch. dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774, année 1769. 461 Arch. dépt. 53, 7 M 277, enquête du préfet de la enne auprès des maires pour produire une statistique des bêtes à cornes, commune de Désertines. 110 bœufs ont fait leur cru on les vend ordinairement pour en acheter des jeunes, parcequ’on manque de nourriture pour les engraisser462». En effet, « il faut pour engraisser les bœufs et autres bestiaux de bons pâturages ou de bon foin avec de l’avoine moulue ou des motte d’huile » 463, ou « du grain quand il est en abondance464 ». Et c’est justement là que le bât blesse, car lorsque les fermiers « sont tout obligés d’acheter du grain pour vivre eux-mêmes465 », ils ne peuvent en consacrer aucune partie à finaliser l’élevage de leurs bœufs. Et comme les foins ne sont pas de bonne qualité466 à cause de mauvais pâturages467, il est préférable de vendre aux Normands « nos bons bœufs pour finir de les graisser468 ». En définitive, les exploitations du seigneur d’Emnard engrangent des revenus significatifs sur l’activité d’élevage, favorisés par la spéculation sur les bœufs. Le maire de Colombiers estime que cette pratique permet de donner « communement par an un bénéfice de 60 F. à 100 F. par couple469 ». L’articulation des échanges réalisés sur ces exploitations va dans le sens d’un schéma « d’élevage bovin intermédiaire entre un pays naisseur et un pays d’embouche470 ». Il est remarquable aussi que toutes ces exploitations « changent leurs bœufs chaque année 471» en réalisant une plus-value qui leur permet de dégager des liquidités plutôt que de garder les bestiaux 6 à 8 ans, âge auquel les herbagers normands les achètent pour graisser472. Le maire de Colombiers atteste en 1819, que « l’uzage est que l’on change ses bœufs tous les ans même quelque fois plusieurs fois lan473 ». Ces activités spécul sont menées par les fermiers et suivies de près par le propriétaire ; le partage des profits se fait immédiatement474. Les bœufs ont donc une double utilité : ils constituent la force de travail pour les charrois et les harnois tout en participant à la formation des engrais nécessaires et ils permettent de constituer des marges spéculatives qui améliorent les revenus de l’exploitation. Même si deux ou quatre bœufs ne sont sans doute pas suffisants pour dépt. 463 Ibid., commune de Saint-Berthevin-la-Tannière, « on se sert de foin et on achette de la tourte ou marc d’huille qu’on se procure chez les fabricants », ibid., commune de Montaudin. 464 I bid ., commune de Larchamp . 465 Ibid., commune de La Dorée. 466 Ibid., commune de Désertines. 467 « La plus part de nos paturages sont de chien dent, roseau commun roseau plumeux, yvraie vivace », ibid., commune de La Dorée . 468 Ibid., commune de Saint-Berthevin-la-Tannière. 469 Ibid., commune de Colombiers. 470 Annie Antoine, « La sélection des bovins de l’Ouest... », art. cit., p. 81. 471 « L’usage est que les fermiers changent leurs bœufs chaque année, disent la plupart des maires en 1819 », ibid. 472 Ibid. 473 Arch. dépt. 53, 7 M 277, enquête du préfet de la Mayenne auprès des maires pour produire une statistique des bêtes à cornes, commune de Colombiers. 474 « Helber à vendu à la foire de l’Assension à Montaudain deux bœufs quatre vingt treize livres et en à achepté deux qu’elques jours après à Goron quatre vingt quatre livres, il reste neuf francs de bon dont j’ai eü ma part », arch . dépt. 53, 8 J 40 , comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mou vements de bétail, 1736-1774, 1750. 111 assurer les charrois, nous avons vu que le rédacteur du Rapport sur les conditions économiques du marché de la viande dans le département de la Mayenne, an XIII conclut que « dans beaucoup de communes les closiers [qui] élèvent deux bœufs se réunissent pour former un harnois de 4, 6 bœufs, qu’ils revendent après leurs travaux475 ». C’est sans doute ce que font les closiers du chevalier d’Emnard, même s’il semble que leur habitude soit de vendre et d’acheter plutôt qu’acheter et vendre ce qui fait qu’ils ont toujours leurs 2 ou 4 bœufs toute l’année. Ainsi, une exploitation qui a deux bœufs ou quatre bœufs ne les utilisent pas exclusivement au travail476. Les petites métairies ou closeries à deux ou quatre bœufs peuvent également participer à un élevage spéculatif ce qui renforce l’idée que l’élevage est un bon moyen de compléter les ressources de l’exploitation. Pour les petites closeries qui ne possèdent pas de bœufs, l’essentiel des revenus de l’élevage reste concentré sur la vente des élèves qui leur permet, bon an mal an, de réaliser des encaissements. Malheureusement, l’indigence de source sur les revenus des exploitations sans bœuf ne permet pas une approche très précise ; même les inventaires après décès n’ont pas permis de faire émerger une masse documentaire très importante. Tout au plus connaît-on, parfois, le profit dégagé lors du décès du closier quand l’évaluation du bétail est comparée au fonds de prisé initial. Toutefois, cette marge ne nous dit rien sur les différentes plus-values encaissées chaque année lors des transactions, qui constituent finalement la ressource espérée par le propriétaire et le fermier pour améliorer les revenus de ’exploitation. Tout comme les revenus de l’élevage des exploitations du chevalier d’Emnard sont corrélés au nombre de bœufs possédés, il est probable que les closeries sans bœuf réalisent des résultats plus faibles. Elles ont sans doute aussi des revenus irréguliers avec des années sans encaissement voire avec des décaissements nets. De l’élevage à la capacité à nourrir Pour estimer la capacité à nourrir les hommes à partir des revenus de l’élevage, il a fallu retrouver le prix des grains sur la période 1765 à 1774. Grâce aux évaluations du marché collectées sur les inventaires après décès dont les grains ont été mesurés au boisseau de Gorron (utilisé sur les exploitations du chevalier d’Emnard : rappel 88,048 litres), il a été possible de calculer les ratios suivants pour la Chevalerie et la Girardière pour les cinq années suivantes477 : 475 Arch. dépt. 53, 6 M 661, rapport sur les conditions économiques du marché de la viande dans le département de la Mayenne, an XIII, (1804-1805). 476 « Une exploitation qui a deux bœufs les utilise exclusivement au travail, une autre qui en a six ou huit se livre probablement à un élevage spéculatif », Annie Antoine, « L’élevage en France,... », op. cit., p. 16 ; « On est là très loin des exploitations à deux ou quatre bœufs exclusivement utilisés comme force de travail », ibid., p. 33 ; « Les zones où les bœufs ne servent qu’au travail sont celles où dominent les exploitations à deux ou quatre bœufs [...] en revanche, quand le cheptel d’une métairie moyenne dépasse 4 bœufs, on peut penser qu’une activité spéculative accompagne le travail des animaux », ibid., p. 31. 477 Pour ces deux exploitations, nous avons recherché le prix d’un litre de seigle et d’un litre de sarrasin ce qui a permis en tenant compte des consommations individuelles moyennes annuelles (plus importantes pour le sarrasin, 500 livres 112 En achetant que du seigle 1765 1769 Revenus tirés de l’élevage en l.t. 262 257 161 442 272 Revenus tirés de l’élevage en sols 5240 5140 3220 8840 5440 Prix du boisseau de seigle (88 litres) en l.t. 4 l.t. 6s. 6 l.t. 10 s. 6 l.t. 4 s. 8 l.t. 10 l.t. Prix d’un litre de seigle en sols 0,98 (1) 1,48 1,41 1,82 2,27 Dépense annuelle pour nourrir une personne (450 litres) en sols 440 (2) 665 634 818 1023 Nombre de personnes nourries grâce aux revenus d'élevage 12 (3) 8 5 11 5 Moyenne quinquennale du nombre de personnes nourries 8 (1) ((4X20)+6)/88 = 0,98 (2) Selon l’annexe 21, il faut 4,5 hectolitres, de seigle par an et par personne, soit 450 litres. 450 litres X 0,98 = 440 sols. (3) 5240 / 440 En achetant que du sarrasin 1765 Revenus tirés de l’élevage en l.t. Revenus tirés de l’élevage en sols Prix du boisseau de seigle (88 litres) en l.t. Prix d’un litre de seigle en sols Dépense annuelle pour nourrir une personne (500 litres) en sols Nombre de personnes nourries grâce aux revenus d'élevage Moyenne quinquennale du nombre de personnes nourries 1766 262 257 5240 5140 3 l.t 4 l.t. 10 s. 0,68 1,02 341 511 15 10 1767 1768 1769 161 3220 3 l.t. 0,68 341 9 12 442 8840 5 l.t. 1,14 568 16 272 5440 6 l.t. 1,36 682 8 1767 1768 1769 208 4160 6 l.t. 4 s. 1,41 634 7 6 188 3760 310 6200 8 l.t. 1,82 818 5 10 l.t. 2,27 1023 6 1767 1768 1769 208 4160 3 l.t. 0,68 341 12 10 188 760 5 l.t. 1,14 568 7 310 6200 6 l.t. Figure n° 34 : Estimation de la capacité à nourrir dégagée par les revenus de l’élevage de la Chevalerie, (6 bœufs) En achetant que du seigle 1765 Revenus tirés de l’élevage en l.t. Revenus tirés de l’élevage en sols 217 4340 Prix du boisseau de seigle (88 litres) en l.t. Prix d’un litre de seigle en sols Dépense annuelle pour nourrir une personne (450 litres) en sols Nombre de personnes nourries grâce aux revenus d'élevage Moyenne quinquennale du nombre de personnes nourries En achetant que du sarrasin 176 3520 4 l.t. 6s. 6 l.t. 10 s. 0,98 1,48 440 665 10 5 1765 Revenus tirés de l’élevage en l.t. Revenus tirés de l’élevage en sols Prix du boisseau de seigle (88 litres) en l.t. Prix d’un litre de seigle en sols Dépense annuelle pour nourrir une personne (500 litres) en sols Nombre de personnes nourries grâce aux revenus d'élevage Moyenne quinquennale du nombre de personnes nourries 1766 1766 217 176 4340 3520 3 l.t 4 l.t. 10 s. 0,68 1,02 341 511 13 7 Figure n° 35 : Estimation de la capacité à nourrir dégagée par les revenus de l’élevage de la Girardière, (4 bœufs) que pour le seigle, 450 livres) d’estimer le nombre de personnes, dans tel ou tel type de grain, que les revenus de l’élevage peuvent nourrir. Pour analyser cette estimation, il est possible de la rapprocher au seul acte de mesurée disponible, celui de 1775. Cette année-là, la Chevalerie a pu nourrir, grâce à ses récoltes, 31 personnes et la Girardière 18 personnes. En moyenne sur les 5 années observées, la Chevalerie a pu nourrir, grâce aux revenus de l’élevage 8 personnes avec du seigle ou 12 personnes avec du sarrasin ce qui représente par rapport à la mesurée de 1775, la possibilité de multiplier par 2 le nombre de personnes nourries avec du seigle ou de multiplier par 1,5 le nombre de personnes nourries avec du sarrasin. De la même façon, la Girardière multiplie par 2,2 sa capacité à nourrir à base de seigle et par 1,8 avec du sarrasin. Les revenus de l’élevage de ces deux exploitations permettent effectivement d’acheter des grains pour compléter les approvisionnements, sauf s’ils doivent être orientés vers d’autres postes de dépenses. Souvent, le colon trouve dans la vente des bestiaux un expédient pour payer la taille aux collecteurs478 et peut-être parfois pour s’acquitter de sa ferme. Mais si, comme en 1765, la récolte des grains s’annonce mal et que sous l’effet de la sécheresse les vendeurs de bestiaux sont obligés « d’en faire de folles ventes479 », il ne reste plus comme ressource subsidiaire que la vente des fils et des toiles. De la culture des lanfers au filage des ménagères L’élément fédérateur qui a permis de dessiner les contours du département de la Mayenne est le lin. En effet, cette division territoriale est composée de « toutes les communes où on cultivait le lin, où on le manœuvrait, on l’apprêtait, on le filait, on le convertissait en toile480 ». Il semble en effet que « la vaste manufacture de toile de lin dont tous les éléments étaient disséminés dans les 285 communes qui la composent » constitue bien ce qui unit les populations de l’ancien Bas-Maine et d’une partie de l’Anjou481. Le commerce des toiles dont l’épicentre se trouve à Laval même si les 478 « Mérienne à vendu à la foire S[ain]t Laurent à Montaudain 11e aoust 1761 une génisse d’un an douze livres dix sols dont il me doit ma part ayant gardé cet argent pour donner aux collecteurs [...] il a vendu à la foire S[ain]t Denis un genisson d’un an quatorze livres dont il me doit ma moitié ayant gardé l’argent pour paier les collecteurs », arch. dépt. 53, 8 J 40, comptabilité du seigneur de Chappedelaine concernant les mouvements de bétail, 1736-1774. 479 « les seigles sont remplis de jarseau qui les a couché et les a fait pourir avant de murir. La secheresse a arresté les avoines et a été la cause quelles rendront peu. [...] si les carabins reussissent ce sera un objet de resource mais ils ne promettent pas cependant ils font une des p[rinci]palles recoltes du canton et les bestiaux une resource ils ne se vendent pas et on presume dans ce pays où on nourit nayant pas eu une grande quantité de foins et pailles les bestiaux diminueront encore de prix et que les vendeurs seront necessités d’en faire de folles ventes [...] les fils et toilles vont bien et sans cette resource le pays seroit tres aplaindre », arch. dépt 37, C 83, observations sur les récoltes de 1765. 480 Ernest Laurain, « La culture du lin et du chanvre dans la Mayenne en 1811 », Bulletin de la commission historique et archéologique de la Mayenne, deuxième série tome vingt-sixième, 1910, p. 246. 481 « D’après ces nouvelles dispositions, la province du Maine forma deux départements : 1° celui de la Sarthe, cheflieu : le Mans ; comprenant le Haut-Maine, avec acquisition sur l’Anjou, de la Flèche, de ses environs ; cession d’une partie du Vendômois, etc. ; 2° celui de la Mayenne, chef-lieu : Laval, comprenant le Bas-Maine, avec cession du Passais voisin au département de l’Orne ; acquisition des villes de Craon, Château-Gontier, et de leur territoire sur le HautAnjou, etc. », Almire Lepelletier de la Sarthe , Histoire complète de la Province du Maine, tome second, Paris, Victor Palmé, 1861, p. 162. 114 villes de Mayenne et Château-Gontier y participent également, dynamise un territoire sous l’impulsion de négociants entreprenants qui exportent ces marchandises vers l’Espagne, le Portugal, via les ports de Saint-Malo, Nantes ou Bordeaux482. « Les manufactures de toile de Laval et Mayenne réunies a celle de Chateaugontier, consomment tous les lins du Basmaine483 ». Cette matière première trouve donc très facilement ses débouchés. Parmi les autres plantes textiles, appelées communément lanfers, le chanvre, même s’il est plutôt l’apanage des territoires du Haut-Maine484, est aussi cultivé. Le subdélégué de Mayenne, Hochet de la Terrie, admet ne pas bien connaître le poids de cette culture dans l’économie de l’élection, et après une enquête sans doute sommaire, énonce « qu’on s’occupe peu de la culture du chanvre dans l’étendüe de [sa] subdélégation » et qu’on « n’en recuille jamais plus de deux à trois cent livres par an, et d’une qualité très mediocre485 ». Il précise qu’il en est produit en petites quantités486 qui semblent destinées à un usage domestique « pour des cordages servants [...] pour atteler les beufs, et les cheveaux ala charrette ; on en fait encore de grosse toille qui sert de vettements tant en linge qu’en habits aux pauvres gens de la campagne : il ne s’en fait aucunne exportation487 ». René Musset va dans le sens des conclusions de Hochet de la Terrie quand il présente sa carte de « culture du lin et du chanvre dans l’Ouest de la France au XVIIIe siècle 488». 482 Jocelyne Dloussky, « Négoce et négociants à Laval au XVIIIe siècle. Le commerce des toiles », Dossiers d’Histoire de la Mayenne. Laval, Service éducatif des Archives départementales de la Mayenne, 2001, p. 10-11. 483 Arch. dépt. 37, C 82, réponses de messieurs les subdélégués de la province du Maine à monsieur Joly de Fleury, 23 décembre 1781. 484 « il y a cette distinction a faire entre le haut et basmaine, que le hautmaine produit des chanvres en très grande quantité, et que le bas maine en donne peu, mais beaucoup de lins », ibid. 485 « je m’empresse de répondre à la lettre qui vous a été adressé par m[onsieur] le controlleur général des finances, et dont vous m’avés envoyé copie relativement a la culture du chanvre, quoique j’eusse pas moi-même une idée de cette production dans le bas Maine, j’ai cependant voullu prendre des éclaircissements plus amples pour vous en instruire plainement », arch. dépt. 37, C 82, lettre du subdélégué de Mayenne à l’intendant de la généralité de Tours relative à l’enquête sur la culture du chanvre dans la généralité de Tours, le 18 novembre 1781. 486 « Chacun a soin d’en faire pour son utilité particulière, et peu au-delà », ibid. 487 Ibid. 488 René Musset, Le Bas-Maine..., op. cit., p. 261. 115 Carte n° 7 : Culture de Lin et de Chanvre dans l’Ouest de la France au XVIIIe siècle Il apparaît clairement que la culture du lin est l’apanage du Bas-Maine tandis que le chanvre est plutôt cultivé dans le Haut-Maine. Pourtant, le dépouillement des inventaires après décès du nordouest du territoire étudié fait ressortir des quantités de chanvre récoltées plus significatives que celles de lin. Cette dernière plante textile commence à apparaître de façon plus éloquente sur les actes de Juvigné, Bourgon et la Croixille, notamment sur les baux489. Cette tendance est confirmée par Annie Antoine sur sa carte n° 32, « La culture des plantes textiles dans le Bas-Maine d’après l’enquête de 1747-56 490». 489 « La moitié de tous les grains secs et nets cueillis a leur maturité et même que la moitié de tous les fruits aussi a leur maturité de quelques especes quils soient a l’exception des chateignes donneront aussi la moitié des lanfoirs qui seronts pris et partagés sur le champ cest-a-dire en coque », arch. dépt. 53, E 36 7, bail de la closerie de la Rougerie à la Croixille, le 19 août 1784. 490 Annie Antoine, Fiefs et villages du Bas-Maine..., op. cit., p. 318. Carte n° 8 : Culture de Lin et de Chanvre dans le Bas-Maine au XVIIIe siècle Même si la culture de chanvre est moins importante que sur certaines paroisses du nord-est du BasMaine, elle représente quand même un poids important dans l’économie locale. Toutefois cette carte apparaît univoque, il est probable que certaines localités produisent ces deux types de plantes textiles conjointement. En effet, plusieurs d’entre elles sont réputées produire des lins de bonnes qualités comme Montenay, Larchamp, Saint-Denis-de-Gastines, Gorron, Hercé, Colombiers, Brecé, Le Pas, [...]491. D’ailleurs, la Buftière qui est située à Saint-Denis-de-Gastines cultive en 1820, 2.000 m2 de chanvre dans son friche et près de 8.000 m2 de lin. En conséquence, il est tout à fait 491 Ernest Laurain, « La culture du lin et du chanvre dans la Mayenne... », art. cit., p. 324. 117 compréhensible que les inventaires après décès regorgent de ces poignées, ou serfs, de chanvre mâle ou femelle492, de paquets de lin en coque493, de lins non broyés494, de bottes de chanvre495, de graines de lin496 ou de chanvre497. Ces cultures réclament des terres bien engraissées498 ; le chanvre de la Buftière est semé dans le friche499 qui est une petite surface, sans doute plus facile à amender, et le lin est cultivé sur une parcelle conjointement à du sarrasin (illustration n° 3), qui était donc au repos depuis plusieurs années. Ainsi, nous pouvons considérer, d’après cet exemple, que le lin s’insère dans l’assolement, à la même place que le sarrasin500. D’après Paul Bois, 1 journal de terre fournirait 220 kg de chanvre501 « sans compter la graine et, après le passage du décimateur, encore au moins 200 kg 502». Sur les 2.000 m2 du friche de la Buftière, il est donc possible de recueillir environ 80 kg de filasse de chanvre 492 « Troi s cents serfs de chan vre male estimés quinze livres deux cents ser f s de chanvre femelles estimé dix livres treize livres de filasse estimé trois livres deux broye à bro yer de la fi lasse et une pille a piller trois livres », arch . dépt. 53, 3 E 54 141, inventaire après décès de Thomas Johan et Marie Rouzeau, 27 novembre 1753. 493 Arch. dépt. 53, 3 E 36 7, inventaire après décès de Jean Bricier à Bourgon, 2 décembre 1784 ; ibid., 3 E 13 9, inventaire après décès de Jean Coulais à Chailland, 24 septembre 1736. 494 Arch. dépt. 53, 3 E 36 103, inventaire après décès de Jean Filipot, à Montenay, 4 décembre 1786. 495 Arch. dépt. 53, 3 E 75 254, inventaire après décès de Pierre Le Cornu, à Saint-Denis-de-Gastines, 3 décembre 1767. 496 Arch. dépt. 53, 3 E 36 7, inventaire après décès de Jean Bricier à Bourgon, 2 décembre 1784. 497 « 1 demmeau de chennevis », arch. dépt. 53, 3 E 32 4, inventaire après décès de Pierre Lambert, prêtre, Colombiers, 12 février 1731. « Je puis donc vous marquer, monseigne ur, en plaine connoissance de cause qu’on s’occupe peu de la culture du chanvre dans l’étendue de ma subdélégation que dans les plus fortes terres on n’en recueille jamais plus de deux à trois cent livres par an, et d’une qualité très mediocre ; celui qui engraisse le mieux a la meilleure qualité, parcequelle depend d’une terre bien ou mal engraissée », arch. dépt. 37, C 82, lettre du subdélégué de Mayenne à l’intendant de la généralité de Tours relative à l’enquête sur la culture du chanvre dans la généralité de Tours, le 18 novembre 1781 ; « il ne pouront enlever de fumier passé le jour de S[ain]t André de la dernière année de sortie, a la rezerve de ce quil en faudra raisonnablement pour leurs chanvres », arch. dépt. 53, 79 383, bail du lieu de la Mazuries à Colombiers, 24 octobre 1764. Le friche est en principe dévolue à la culture du chanvre sur le lieu de la Marcandière à Larchamp où le propriétaire prévoit la livraison de « trente livres de chanvre broyé [...] moitié mâle et moitié femelle parce qu’ils auront le friche de l’aire pour y faire ce que bon leur semblera, dans lequel cependant ils feront leur chanvre », arch. dépt. 53, 3 E 47 99, bail du lieu de la Foliette, 25 novembre 1767 ; « parce qu’ils jouissent seul du friche ou on fait ordinairement le chanvre sur le[dit] lieu du Haut Verger », ibid., 3 E 47 99, bail du Haut Verger à Larchamp, 2 décembre 1767 ; « pourront iceux preneurs faire du chanvre dans la moitié du friche proche le village dont lautre moitié appartient au nommé Lepennetier, qu’ils auront à leur seul profit », ibid., 3 E 79 392, bail de la Chevallerie, 14 septembre 1769 ; « lequel carabin sera fait dans l’écot de bled et de carabin qui sont dans le grand champ, et dans les deux petits champs qui sont en genets seullement, et son avoine dans l’écot de carabin qui se trouve dans le champ sur le chemin qui conduit a la Potterie, comme aussy fera du carabin dans le friche qui se trouve au haut du friche a chanvre », ibid., 3 E 79 388, bail de la Sinardière à Hercé, 21 décembre 1767 ; « scavoir est le lieu et closerie de la Servelle en cette paroisse ainsi quil se poursuit et comporte qu’il appartient a la[dite] d[emoiselle] bailleresse [...] et qu’il est presentement occupé par le preneur sans rezervation, a l’exception d’un friche a chanvre nommé la Perche que la[dite] d[emoiselle] se retient », ibid., 383, bail de la closerie de la Servelle à Levaré, 6 mars 1764. « Malgré l’importance dont était cette culture pour le département, le lin n’entrait point dans la rotation des assolements ; l’usage variait dans les divers arrondissements. Dans les uns, le lin se semait au lieu du froment et du seigle ; dans un autre ce n’était qu’en retour de l’une et l’autre graine ; souvent ceux qui avaient semé le lin en place du froment ou du seigle ne reprenaient plus les mêmes champs, mais différaient d’une année, d’une seconde, d’après la nécessité de reposer la terre que le lin épuise plus que les autres céréales », Ernest Laurain, « La culture du lin et du chanvre dans la Mayenne... », art. cit., p. 323. 501 Sur une paroisse de l’élection du Mans. 502 Paul Bois, Paysans de l’Ouest, Paris, Flammarion, 1971, p. 228. 118 et sur les 8.000 m2, il est également possible de recueillir environ503 350 kg de filasse de lin ce qui fait en tout 430 kg de filasses. Les quantités de lanfers ensemencées se réfèrent à des usages. Le propriétaire le rappelle de façon plus ou moins précise dans les baux : « pour le chanvre [...] ils n’en feront que dans la façon ordinaire ; si ils en font ailleurs ils en donneront la moitié504 ». Certains baux à colonie partiaires prévoient que les preneurs auront seuls les chanvres505. Toutefois, afin d’éviter que le colon ne sème une trop grande quantité de filasses au détriment des blés, tant pour la surface cultivée que pour les engrais importants qu’elle nécessite, le propriétaire pose des limites : a l’égard des cochons, chanvres et fruits d’arbres ils les auront seuls a condition qu’ils ne pouront ensemencer plus de trois demeaux mesure de Goron de es de chanvre 506. La production de lanfers est sans doute rarement vendue en l’état. Les closiers savent leur apporter la valeur ajoutée qui leur permet d’en tirer un meilleur profit d’autant que les différents façonnages sont faits dans l’arrière-saison, à un moment où les travaux dans les champs sont à l’arrêt. Après avoir roui, séché, broyé et sérancé les tiges des plantes, les poupées sont prêtes à être filées507. Illustration n° 4 : Braie à broyer du chanvre. Musée des tisserands à Ambrières-les-Vallées, (cliché, auteur) 503 Sachant qu’en 1839, le rendement du lin est à l’hectare de 375 kilogramme de filasses et celui du chanvre de 383 kilogrammes, nous appliquerons le même ratio de rendement pour les deux plantes textiles, J.H. Schnitzler, Statistique générale méthodique et complète de la France, tome troisième, Paris, Lebrun, 1846, p. 58-59. 504 Arch. dépt. 53, 3 E 47 99, bail du lieu de la Foliette à Larchamp, 19 novembre 1767. 505 Arch. dépt. 53, 3 E 79 392, bail de la Megrettière à Désertines, 11 décembre 1769. 506 Arch. dépt. 53, 3 E 79 392, bail de la closerie du Bois Cordier à Carelles, 28 octobre 1769 ; « parcequ’ils auront seul les chanvres qu’ils feront sur la[dite] retenüe et sur la metairie qu’ils occupent a condition qu’ils nen feront que jusqu’à concurrance de quatre demeaux mesure de Goron de semense seullement », ibid., bail de la retenue d’Emnard, 14 septembre 1769 ; « leurs chanvres qu’ils feront dans le friche de derière la boullangerie sans qu’ils puissent en faire ailleurs », ibid., 79 383, bail du de la Mazuries à Colombiers, 24 octobre 1764. 507 Laurent Filoche, « Le chanvre », Cahiers du Musée des Tisserands Mayennais. Association Recherche et Sauvegarde des Coutumes Mayennaises, Mayenne, CG Collet, 1989, p. 11-13. Les 430 kg de filasses de la Buftière se transforment donc en 344 kg de fil508. D’après Paul Bois509, ce fil peut être vendu 1 l.t. 12 s. le kg donc 16 sols la livre. Après dépouillement de plusieurs inventaires sur la paroisse de Saint-Denis-de-Gastines [annexe n° 28], il apparaît que le fil n’est jamais estimé à la même valeur, car le prix tient compte de la qualité. N’oublions pas que les fils de Saint-Denis-de-Gastines font partie des plus réputés du Bas-Maine. Si les plus beaux écheveaux peuvent rapporter 1 l.t ou 1 l.t et demi la livre, il arrive souvent qu’ils ne soient payés que 10 sols. Pour évaluer la production de la Buftière, nous prendrons pour référence la même valeur que Paul Bois : 16 sols la livre. Les 344 kg de fil de la Buftière (rappel 14 hectares) permettraient de dégager une somme d’environ 550 livres. Cette métairie est amodiée à bail d’argent pour une valeur de 226 livres en 1774 ou 130 livres en 1783 (figure n° 13). À l’évidence, si les estimations de Paul Bois sont fiables, la production textile de l’exploitation permet de payer largement la ferme et sans doute une partie des impôts sans qu’il soit nécessaire de vendre beaucoup de blé pour disposer de liquidité. Les matières premières, cers de chanvre ou poignées de lin, sont mis en valeur et transformés efficacement par les fileuses. « Le filage est l’occupation perpertuele des femmes et des filles510 ». Tous les inventaires après décès font état de rouet, de travouil qui appartiennent à la défunte et qui sont souvent transmis, hors évaluation, à l’une de ses filles, démontrant ainsi que ces outils de travail sont précieux.
47,948
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01224123-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,280
14,816
argent Rémy Catteaux Thèse de doctorat Pour obtenir le grade de Docteur de l'Université de VALENCIENNES ET DU HAINAUT-CAMBRESIS Sciences de la Matière, du Rayonnement et de l'Environnement spécialité Molécules et Matière Condensée Présentée et soutenue par Rémy, CATTEAUX. Le 27/04/2015, à Maubeuge Ecole doctorale : Sciences de la Matière, du Rayonnement et de l'Environnement (SMRE) Laboratoire : Laboratoire des Matériaux Céramiques et Procédés Associés (LMCPA) Etude de bioverres sol-gel à base de SiO2, CaO, Na2O, P2O5 et dopés à l'argent JURY Président du jury - Obbade, Saïd. Professeur des Université, Grenoble INP/PHELMA. Rapporteurs - Obbade, Saïd. Professeur des Université, Grenoble INP/PHELMA. - Oudadesse, Hassane. Professeur des Universités, Université de Rennes 1. Examinateurs - Bigerelle, Maxence. Professeur des Universités, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis. - Désanglois, Françoise. Maître de Conférences, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis. - Tavares Lopes Almeida, Maria Margarida. Assistant Professor, Universidade de Aveiro (Portugal). Directeur de thèse - Follet, Claudine. Professeur des Universités, Université de Valenciennes et du Hai -Cambrésis. Co-encadrant : Désanglois, Françoise. Maître de Conférences, Université de Valenciennes et du HainautCambrésis. Co-encadrant : Lebecq, Isabelle. Maître de Conférences, Université de Valenciennes et du HainautCambrésis. Membres invités - Lebecq, Isabelle. Maître de Conférences, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis. Remerciements Je remercie tout d'abord Madame Anne LERICHE, Professeur à l'Université de Valenciennes et du Hainaut - Cambrésis et directrice du Laboratoire des Matériaux Céramiques et Procédés Associés (LMCPA), pour m'avoir accueilli dans son unité de recherche. Je remercie vivement Madame Claudine FOLLET, Professeur à l'Université de Valenciennes et du Hainaut - Cambrésis et directrice de cette thèse, pour la compréhension et la patience dont elle a fait preuve tout au long de ce travail. Sa disponibilité et ses grandes qualités humaines m'ont permis de mener à bien la rédaction de ce mémoire. J'exprime toute ma gratitude à Monsieur Saïd OBBADE, Professeur à l'INP Grenoble, et à Monsieur Hassane OUDADESSE, Professeur à l'Université de Rennes 1, de me faire l'honneur d'être rapporteurs de ce travail. J'adresse également mes plus vifs remerciements à Madame Maria Margarida TAVARES LOPES ALMEIDA, Professeur à l'Université d'Aveiro (Portugal), et à Monsieur Maxence BIGERELLE, Professeur à l'Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, pour leur participation au jury. Je remercie tout particulièrement Madame Françoise DÉSANGLOIS, Maître de Conférences à l'Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis et Madame Isabelle LEBECQ, Maître de Conférences à l'Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, pour le soutien, le suivi et les conseils qu'elles m'ont apportés, tout au long de ce travail ainsi que pour leur gentillesse et leur bonne humeur. Un grand merci à Madame Feng CHAI de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l'Université de Lille, pour avoir réalisé les tests de prolifération et de vitalité sur des cellules humaines L132 et MG63, et pour avoir pris le temps de m'expliquer les notions de biologie qu'il me manquait. J'adresse également mes remerciements à Monsieur Franck BOUCHART et à Madame Edwige MEURICE, Maîtres de Conférences à l'Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, pour avoir réalisé les tests sur les bactéries, ainsi qu'à Monsieur Jean-Christophe HORNEZ, Maître de Conférences à l'Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, pour m'avoir formé aux techniques de synthèse et de mise en forme des biocéramiques. Merci de m'avoir fourni tous les substrats HA et TCP dont j'avais besoin. Merci à Monsieur Gérard MOREAU du LMCPA, à qui je dois les micrographies MEB de ce mémoire. Merci également à Monsieur Yannick LORGOUILLOUX, Maître de Conférences à l'Université de Valenci et du Hainaut Cambrésis, et à Madame Sylvie DAVIERO – MINAUD, Professeur à l'Université de Lille, Unité de Catalyse et de Chimie du Solide, pour leur aide au niveau des ATD/ATG. Merci à Cyrille, Philippe, Christian, Jérôme, Jaoide, Rudy, votre aide m'a été indispensable. Merci à toi Elisa, pour ton soutien sans faille dans tous ces moments de stress, je te remercie de tes encouragements, de ta patience et de tout l'amour que tu me portes. Sommaire i Sommaire Introduction p. 1 Chapitre I. Elaboration de nouveaux procédés de synthèse des bioverres sol-gel p. 7 1ère partie : Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel p. 9 2ème partie : Synthèses de verres sol-gel bioactifs dans les domaines SiO 2 – CaO – P2O5 et SiO2 – CaO – Na2O – P2O5 p. 51 Chapitre II. Dopages à l'argent de bioverres du système SiO 2-CaO-Na2O-P2O5, recouvrements de substrats biocéramiques et tests biologiques p. 123 1ère partie : Approche théorique des conditions de prolifération in vitro des microorganismes cellulaires p. 129 2ème partie : Caractérisations de bioverres dopés à l'argent, réalisations de dépôts sur des biocéramiques et évaluations de la réponse biologique. p. 149 Conclusion p. 197 ANNEXES p. 205 Chapitre I. Elaboration de nouveaux procédés de synthèse des bioverres sol-gel p. 7 Chapitre I. 1ère partie : Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel p. 9 1. Domaines de compositions des verres bioactifs obtenus par fusion p. 10 1.1. Le verre de référence 45S5® p. 10 1.2. Domaines de bioactivité selon I. Lebecq et al p. 12 1.3. Etude du système SiO2-CaO-Na2O dopé par P2O5 par plans de mélanges p. 14 1.4. Elaboration de bioverres macroporeux p. 18 2. Bioverres obtenus par le procédé sol-gel p. 19 2.1. Histoire et principes p. 19 2.2. Etapes réactionnelles p. 20 2.2.1. Le sol p. 20 ii Sommaire 2.2.2. Le gel p. 22 2.2.3. Le séchage p. 22 2.2.4. La thermolyse p. 23 2.3. Formateurs de réseau vitreux sol-gel p. 23 2.3.1. Le silicium p. 23 2.3.2. Le phosphore p. 26 2.4. Modificateurs de réseau p. 27 2.4.1. Le sodium p. 27 2.4.2. Le calcium p. 28 2.5. Dopants p. 29 3. Additifs p. 29 3.1. Complexants p. 30 3.2. Plastifiants p. 30 3.3. Tensioactifs p. 31 4. Cinétique de formations des gels p. 31 4.1. Catalyses p. 31 4.1.1. Acides Forts p. 32 4.1.2. Catalyse par l'acid acétique p. 34 4.1.3. Catalyse basique p. 35 4.1.4. Catalyse par les fluorures p. 36 4.2. Autres paramètres cinétiques p. 37 4.2.1. Le pH p. 37 4.2.2. L'apport d'eau p. 38 4.2.3. La nature du solvant p. 38 4.2.4. La température p. 39 4.2.5. La concentration dans le solvant p. 39 4.2.6. Influence des substituants de l'alcoolate p. 40 Bibliographie p. 43 Chapitre I. 2ème partie : Synthèses de verres sol-gel bioactifs dans les domaines SiO2 – CaO – P2O5 et SiO2 – CaO – Na2O – P2O5 p. 51 iii Sommaire 1. Essais de synthèses de verres sol-gel dans le système SiO2-CaO-P2O5 et SiO2-CaONa2O-P2O5 à l'aide de modificateurs minéraux p. 52 1.1. Considérations théoriques p. 52 1.2. Compositions réalisées p. 53 1.3. Produits de départ p. 54 1.4. Mode opératoire p. 55 1.5. Analyses p. 57 1.5.1. Observations p. 57 1.5.2. Diffractions des rayons X p. 57 1.6. Discussion p. 61 2. Synthèses de bioverres sol-gel à l'aide de précurseurs alcoolates p. 62 2.1. Etu de de fais abilité p. 62 2.2. Produits de départ p . 69 2.3. Compositions réalisées p. 69 2.4 . Mode opératoire p. 70 2.5 . Analyses sur les compositions 47 T- A et 47Q -A p. 71 2.5.1. Mesures de tgel p. 71 2.5.2. Diffractogrammes X p. 72 2.5.3. Discussion intermédiaire sur les compositions 47 Q-A et 47T-A. p. 73 2.6. Complément d'analyses sur la composition 47T -A p. 74 2.6.1. Analyses thermiques p . 74 2.6.2. Diffractions des rayons X p. 75 2.6.3. Etudes F TIR p. 76 2.6.4. Analyse s MEB/EDS p. 78 2.6.5. Etude de la bioactivité p. 79 2.7. Discussion sur le verre 47T-A p. 83 3. Synthèses de bioverres sol-gel dans le système SiO2-CaO-Na 2 O -P2O5 p. 84 3.1. Context e bibliographique p. 84 3.2. Compositions réalisées p. 85 3.3. Produit s de départ p. 86 3.4. Mode opératoire p. 86 3.5. Analyses p. 88 3.5.1. Mesure de tgel p. 88 3.5.2. Observ ations sur le vieillissement des gels p. 89 iv Sommaire 3.5.3. ATG/ATD p. 90 3.5.4. Diffraction des rayons X (DRX) p. 94 3.5.5. Analyses FTIR p. 96 3.5.6. Etude de la bioactivité p. 99 3.5.7. MEB/EDS p. 104 3.6. Discussion p. 105 4. Utilisation d'un complexant pour la synthèse d'un bioverre sol-gel dans le système SiO2-CaO-Na2O-P2O5 p. 107 4.1. Théorie p. 107 4.2. Composition réalisée p. 108 4.3. Produits de départ p. 108 4.4. Mode opératoire p . 4.5. Analyses p. 110 4.5.1. Mesure de tgel et observations p. 110 4.5 .2. Analyses thermiques p. 111 4.5.3. DRX p. 111 4.5.4. EDS/MEB p. 112 4.5.5. Etude de la bioactivité p. 113 4.6. Discussion p. 115 Bibliographie p. 119 Chapitre II. Dopages à l'argent de bioverres du système SiO2-CaO-Na2OP2O5, recouvrements de substrats biocéramiques et tests biologiques p. 123 Introduction p. 124 Chapitre II. 1ère partie : Approche théorique des conditions de prolifération in vitro des micro-organismes cellulaires p. 129 1. Définitions générales p. 130 1.1. Cellules eucaryotes et cellules procaryotes p. 130 1.2. Vie et mort des cellules p. 131 1.3. Cultures in vitro p. 132 1.4. Types de cellules p. 132 v Sommaire 1.5. Limite de Hayflick et de l'inhibition de contact p. 133 2. Prolifération in vitro des cellules eucaryotes p. 133 2.1. Milieux de cultures cellulaires p. 133 2.2. Cellules HeLa p. 134 2.3. Lignées immortalisées p. 135 3. Prolifération in vitro de cellules procaryotes p. 136 3.1. Milieux de cultures bactériens in vitro p. 136 3.2. Modes de vie bactériens p. 137 4. Essais biologiques p. 139 4.1. Méthodes de mesure de la vitalité p. 140 4.1.1. Libération d'ATP p. 140 4.1.2. Activité métabolique p. 140 4.2. Evaluation de la prolifération p. 141 4.2.1. Comptage des cellules p. 141 4.2.2. Evaluation par spectrophotométrie p. 142 Bibliographie p. 145 Chapitre II. 2ème partie : Caractérisations de bioverres dopés à l'argent, réalisations de dépôts sur des biocéramiques et évaluations de la réponse biologique. p. 149 1. Synthèse de bioverres sol-gel dopés à l'argent p. 150 1.1. Effet oligodynamique p. 150 1.2. Influence des bioverres non dopés sur les cultures eucaryotes in-vitro p. 151 1.3. Introduction de l'argent dans les verres sol-gel p. 154 1.4. Compositions réalisées p. 155 1.5. Mode opératoire p. 156 1.6. Analyses des bioverres dopés p. 157 1.6.1. Temps de gélification p. 157 1.6.2. Observations sur le vieillissement et le séchage des gels p. 157 1.6.3. ATD/ATG p. 158 1.6.4. Diffraction des rayons X p. 159 1.6.5. Bioactivité dans le SBF p. 161 vi Sommaire 1.7. Discussion p. 165 2. Recouvrement de substrats biocéramiques p. 167 2.1. Mise en forme des substrats p. 167 2.1.1. Pastilles denses p. 167 2.1.2. Substrats macroporeux p. 168 2.1.3. Méthode de dépôt p. 170 2.2. Caractérisations des dépôts de bioverre sur pastilles de TCP p. 172 2.2.1. Masse de verre déposée p. 172 2.2.2. Caractérisations des dépôts de bioverre 47Q-2A p. 172 2.2.3. Caractérisations des dépôts de bioverre 47Q-G p. 174 2.3. Immersion dans le BF p. 176 2.3.1. Immersion de pastilles en TCP recouvertes p. 176 2.3.2. Immersion d'édifices macroporeux p. 178 2.4. Discussion p. 180 3. Evaluation de l'influence de l' argent sur la prolifération in-vitro p. 181 3.1. Préparation des échantillons p. 181 3.2. Tests des bioverres sur la prolifération et la formation de bio films avec Pseudomonas aeruginosa p. 181 3.2.1. Culture et conditions de croissance p. 181 3.2.2. Résultats p. 182 3.2.3. Discussion p. 184 3.3. Tests des bioverres sur la prolifération et la vitalité de cellules eucaryotes MG63p. 186 3.3.1. Culture et conditions de croissance p. 186 3.3.2. Résultats p. 187 3.3.3. Discussion p. 189 Bibliographie p. 191 Conclusion p. 197 Résumé des bioverres étudiés p. 203 Glossaire p. 204 ANNEXES p. 205 Annexe I : Synthèses des phosphates de calcium p. 206 vii Somm aire Bibliographie p. 217 Annexe II : Techniques de mises en forme des poudres de biocéramiques p. 220 Bibliographie p. 226 Annexe III : Procédés de dépôts sol - gel p. 227 Bibliographie p. 229 Annexe IV : Composition du MEM p. 230 Annexe V : Notice constructeur des tests de quantifications des biofilms bactériens p . 231 viii Sommaire 1 Introduction Depuis plusieurs décennies, des recherches visent à améliorer les matériaux utilisés comme implants en chirurgie réparatrice. Depuis 1920, un des deux matériaux les plus courants est le phosphate tricalcique Ca3(PO4)2 ou β-TCP. Biocompatible, il se résorbe dans l'organisme en quelques semaines en étant remplacé par de l'os nouveau. L'autre matériau est l'hydroxyapatite Ca 10(PO4)6(OH)2, abréviée HA. En 1978, les propriétés de l'hydroxyapatite frittée furent reconnues comme étant similaires à celles de la phase minérale de l'os naturel. Contrairement au β-TCP, cette phase est insoluble et stable. Ces deux biocéramiques de la famille des phosphates de calcium ne sont pas toxiques pour les organismes et ne déclenchent pas de mécanismes de rejets. Le choix de l'une ou de l'autre dépendra des applications visées : le β-TCP sera plutôt utilisé pour des prothèses résorbables et l'HA pour des implants fixes. Cependant, la surface des biocéramiques HA et β-TCP est peu réactive vis-à-vis des cellules hôtes. C'est également le cas d'autres matériaux implantables comme par exemple l'alumine ou la zircone. Pour pallier à ce manque, l'US Army Medical Research and Development proposa en 1969 de développer un biomatériau capable de se lier chimiquement avec l'organisme. La même année, L.L. Hench, chercheur à l'université de Floride, découvrit le bioverre. Il remarqua qu'une fois immergé dans un milieu biologique, la surface du verre se recouvre rapidement d'une couche d'hydroxyapatite carbonaté (HAC) semblable à la phase minérale de l'os naturel. Le mécanisme de cette réaction est établi : le verre se dissout partiellement en formant un gel de silice et libère des ions calcium et phosphore dans le milieu. L'équilibre local de dissolution/précipitation est alors modifié ce qui permet à de l'hydroxyapatite amorphe d'apparaitre sur le gel. Avec le temps, l'apatite amorphe cristallise en formant une couche d'hydroxyapatite carbonatée. Cette couche et le gel de silice forment des liaisons faibles avec les cellules, permettant un accrochage stable. Introduction Les bioverres réalisés par fusion des oxydes précurseurs à 1400°C sont mécaniquement moins résistants que les biocéramiques. Il est donc impossible de remplacer des os naturellement soumis à des contraintes élevées, comme ceux des membres. Les bioverres sont donc habituellement réservés à la chirurgie reconstructive faciale ou auditive et à la chirurgie dentaire. Il est également impossible de recouvrir de bioverres à 1400°C des substrats constitués de matériaux divers, comme par exemples des biocéramiques HA et TCP denses ou macroporeuses. En effet, le verre cristallise lors de la trempe et la température élevée lors de la coulée peut dégrader le substrat. Il est possible d'utiliser le procédé sol-gel pour réaliser des matériaux vitreux. Avec ce procédé, une préformation du verre est effectuée à froid dans un milieu liquide appelé sol. Dans ce cas, les précurseurs ne sont plus des oxydes mais, en général, des molécules organiques qui peuvent s'hydrolyser et se condenser en gel avec l'emploi ou non d'un catalyseur. Pour les verres de silice, ces molécules peuvent être des alcoolates de silicium et aussi des molécules azotées comme les silazanes par exemples. En général, les verres obtenus par voie sol-gel n'appartiennent pas au domaine quaternaire SiO2-CaO-Na2O-P2O5. En effet, il y a des difficultés à maintenir le verre final amorphe lorsque le calcium et le sodium sont présents ensembles dans un sol. Lors du séchage du gel, ces deux éléments peuvent facilement cristalliser, ce qui donne naissance à une vitrocéramique et non à un verre stabilisé. Pour les compositions 45S5® et 47Q la difficulté de synthèse est encore plus marquée car ces verres ont une composition inversée : ils contienne plus de calcium et de sodium, appelés éléments modificateurs, que de silicium et de phosphore qui sont les formateurs du réseau vitreux. Les questions, qui se sont posées au début du travail de la thèse, ont été les suivantes : - est-il possible d'adapter la synthèse sol-gel pour réussir à reproduire facilement les compositions de bioverres déjà synthétisé par fusion? - comment est-il possible de les caractériser? - les propriétés de bioactivité sont-elles conservées? De plus, dans le but d'utiliser ces verres dans des applications pratiques, d'autres questions peuvent être énoncées : - ces verres sol-gel sont-ils toxiques vis-à-vis des cellules humaines? 3 Introduction - ces compositions peuvent-elles être dopées pour réduire la prolifération d'agents pathogènes comme les bactéries? - si oui, les paramètres de bioactivité sont-ils conservés? - peut-on recouvrir des biocéramique HA et TCP de bioverres sol-gel et quelles sont les propriétés biologiques de ces nouveaux composites? Après une étude bibliographique sur les bioverres obtenus par fusion, les différents types de précurseurs, utilisés en synthèse des verres sol-gel, sont également abordés dans la 1ère partie du chapitre 1. En effet, il existe différentes voies catalytiques pouvant accélérer l'hydrolyse et la condensation des formateurs de réseau sol-gel. Il est nécessaire de les étudier afin d'en comprendre les mécanismes. En plus de l'influence du catalyseur, cette partie résume les différents paramètres qui peuvent modifier la cinétique de formation des gels, et évoque des additifs pouvant améliorer certaines de leurs propriétés. La 2ème partie est consacrée à la synthèse par sol-gel des verres bioactifs appartenant aux systèmes SiO2-CaO-P2O5 et SiO2-CaO-Na2O-P2O5. Un procédé sol-gel classique a tout d'abord été utilisé pour l'élaboration d'un verre quaternaire, en prenant des précurseurs minéraux pour le calcium et le sodium. Les résultats n'étant pas ceux souhaités, deux procédés supplémentaires ont été développés. Des molécules organiques ont été utilisées à la place des poudres minérales. Les précurseurs de ces synthèses n'étant pas courants au laboratoire, une autre voie originale proposant l'utilisation de glycérol comme complexant a été réalisée. Dans tous les cas, les échantillons résultants de ces synthèses ont été caractérisés par des analyses thermogravimétriques et thermo différentielles. Celles-ci permettent de déterminer les températures caractéristiques des verres, comme la température de transition vitreuse et celle de cristallisation du réseau. Les échantillons ont été aussi analysés par diffraction des rayons X à plusieurs températures. Cela a permis de valider les conditions de vieillissement des gels et d'identifier la phase cristalline des verres. 4 Introduction Le second chapitre est consacré au dopage à l'argent des bioverres SiO 2-CaO-Na2O-P2O5, synthétisés par voie sol-gel. En effet, l'argent possède une action qui limite la prolifération des bactéries. Dans la première partie, des notions simples de biologie ont été rappelées. En effet, elles ont été utiles à la compréhension des manipulations qui conduisent à déterminer la prolifération et la vitalité des cellules, qu'elles soient bactériennes ou humaines. Dans la deuxième partie, la toxicité des bioverres, élaborés par les différents procédés de synthèse, a été évaluée, par contact avec des cellules humaines de type L132, sur les échantillons réduits en poudre. Cette étape a permis de sélectionner le procédé de synthèse le moins toxique pour réaliser des tests nécessitants des manipulations plus complexes. Ce procédé a été également choisi pour les essais de dopage à l'argent. Après les caractérisations physico-chimiques et les analyses in vitro de la bioactivité de ces verres dopés, des essais de recouvrement de biocéramiques, denses en β-TCP et macroporeuses en HA, par des bioverres ont été réalisés. Après observation des dépôts au microscope électronique à balayage (MEB), les échantillons denses ont été testés en cultures in vitro bactériennes et humaines. L'action et la toxicité des dépôts de bioverres ont été évaluées, par rapport à des échantillons non recouverts. La conclusion permet d'établir le bilan du travail effectué et propose des ouvertures à une éventuelle suite de cette étude. 5 Introduction 6 Chapitre I : Elaboration de nouveaux procédés de synthèse des bioverres sol-gel 7 8 1ère partie : Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel 9 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obten us par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Pour réussir des synthèses de verres bioactifs sol-gel, il est nécessaire d'étudier dans un premier temps les verres obtenus par fusion. C'est pourquoi la notion de bioverres, de bioactivité et les domaines de composition menant à ces matériaux sont définis dans la suite de ce mémoire. Après avoir décrit l'élaboration de bioverres obtenus par fusion, cette partie s'intéresse à la théorie sol-gel. Les principales étapes de la synthèse ainsi que les précurseurs pouvant être utilisés sont étudiés. Les paramètres qui affectent la cinétique de formation des gels ainsi que les additifs pouvant améliorer certaine propriétés sont également énoncés. 1. Domaines de compositions des verres bioactifs obtenus par fusion 1.1. Le verre de référence 45S5® Les bioverres, ou verres bioactifs, furent initialement étudiés par L.L. Hench [1], à la demande de l'armée américaine de créer un substitut osseux dans un nouveau matériau capable de réduire le temps de convalescence des soldats. Les verres bioactifs, une fois immergés dans l'organisme ou bien dans un fluide physiologique simulé (SBF, simulated body fluid) sont capables de développer à leur surface, une couche d'hydroxyapatite carbonatée (notée HAC) similaire à la phase minérale de l'os. Cette couche possède la particularité d'augmenter l'adhérence des cellules hôtes sur le bioverre par un grand nombre de liaisons intimes, assurant par cela un accrochage stable de l'implant. Dans le cadre d'un projet avec l'US Army Medical Research and Development, L.L. Hench [1] fut le premier à s'intéresser aux verres bioactifs préparés par fusion. Ce projet l'a amené à étudier le diagramme ternaire SiO2-CaO-Na2O dans lequel il a ajouté 6 % en masse de P2O5. Les verres préparés furent testés in vitro dans du liquide physiologique simulé et in vivo dans des fémurs de rat. L. L. Hench a défini la bioactivité de la manière suivante. Un matériau est dit bioactif lorsque : - in vitro, la moitié de sa surface sera recouverte d'apatite cristallisée, - in vivo, la moitié de la surface de l'implant sera liée au milieu hôte. 10 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Un indice de bioactivité, noté IB, est alors défini. Il peut être calculé de la façon suivante : IB = 100 / t0,5bb avec t0,5bb correspondant au temps en jours au bout duquel plus de 50 % de l'interface est liée (bb : « bone bonding » signifiant liaison à l'os). Le résultat de son étude de la bioactivité est représenté sur la figure I-I-1. Figure I-I-1 : Indice de bioactivité IB, de L. L. Hench, dans le diagramme SiO2-CaO-Na2O avec 6% massique de P 2O5. Les courbes d'iso-indice de bioactivité, allant de 0 à 10, sont indiquées sur la figure I-I-1. Le diagramme est décomposé en quatre domaines : - le domaine A, domaine de bioactivité - le domaine B où il n'y a pas de liaison à l'os car la réactivité de la surface est trop faible. - le domaine C où il n'y a pas de liaison à l'os car la réactivité de la surface est trop élevée (dissolution du verre). - le domain e D où il n'y a pas possibilité de préparer des verres. 11 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Le verre représenté par un losange sur la figure I-I-1 est le verre le plus bioactif obtenu par L. L. Hench. Nommé le Bioglass 45S5®, sa composition est :  En pourcentages massiques, 45% SiO2, 24,5% CaO, 24,5% Na2O, 6% P2O5.  En pourcentages molaires, 46,1% SiO2, 26,9% CaO, 24,4% Na2O, 2,6% P2O5. L'appellation 45S5® est basée sur le code de M. Ogino et al. [2] pour les biomatériaux : 45 = pourcentage en masse de formateur (SiO2, B2O3) ; S ou B = type de formateur de réseau c'est-à-dire SiO2 ou B2O3 ; 5 = rapport molaire Ca / P. L. L. Hench a mis en évidence trois points essentiels pour qu'un verre soit bioactif : - il doit contenir moins de 60 % massique de silice, formateur du réseau, - il doit donc avoir une quantité importante de modificateurs Na 2O et CaO, - il doit enfin respecter un rapport molaire Ca / P élevé (supérieur à 5). 1.2. Domaines de bioactivité selon I. Lebecq et al [5-6 ]. Les études précédemment réalisées sur des bioverres dans le ternaire SiO2-Na2O-P2O5 et le quaternaire SiO2-CaO-Na2O-P2O5 [3-4] indiquent que le verre le plus bioactif doit contenir un taux moyen de silice d'environ 50% molaire. Cependant, les résultats proposés dans les différentes publications se contredisent quant aux quantités de calcium et sodium. C'est pourquoi, I. Lebecq et al. [5-6] ont décidé d'étudier le comportement de quinze verres du système SiO CaO-Na2O dont les compositions sont regroupées dans le tableau I-I-1. 12 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Verre SiO2 CaO Na2O A1 42 34,5 23,5 A2 45 31,5 23,5 A3 47 29,5 23,5 A4 50 26,5 23,5 A5 55 21,5 23,5 B1 42 29 29 B2 45 27,5 27,5 B3 47 26,5 25,5 B4 50 25 25 B5 55 22,5 22,5 C1 42 23,5 34,5 C2 45 23,5 31,5 C3 47 23,5 29,5 C4 50 23,5 26,5 C5 55 23,5 21,5 Tableau I-I-1 : Compositions molaires étudiées par I. Lebecq et al. [5-6]. Les verres sont préparés par fusion classique en utilisant de la silice pure, des carbonates de calcium et de sodium, et du sel de Graham comme précurseurs. La fusion est obtenue à 1400°C après un palier de décarbonatation de 2h à 800°C. Les verres sont alors coulés en forme de pastilles. Celles-ci sont stabilisées grâce à un recuit à 400°C pendant 2h puis placées au fond de moules en silicone pour y être recouvertes de résine. Les échantillons sont ensuite démoulés pour être conduits vers l'étape du polissage qui permet de lisser la surface vitreuse libre. Celui-ci est effectué à l'aide d'un papier SiC de grade 1200 (15,3 μm). Les échantillons sont finalement immergés dans du SBF. Cette préparation permet d'avoir toujours la même surface de contact du matériau vitreux avec le milieu d'immersion. Les résultats de ces travaux mettent en évidence trois domaines de bioactivité. La figure I-I-2 représente les verres étudiés ainsi que leurs domaines de bioactivité. 13 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel 50 % molaire Figure I I-2 : Domaines de bioactivité dans le système SiO2 – CaO – Na2O. Dans le premier domaine, qui contient la majorité des verres étudiés et se situe du côté du calcium, la bioactivité est faible et l'HydroxyApatite Carbonatée (HAC) apparaît en plus de trois jours à la surface des verres. Le deuxième, qui correspond aux verres les plus riches en silice, est un domaine de bioactivité moyenne. La couche d'apatite se forme en 2 à 3 jours d'immersion dans le liquide physiologique. Enfin, le troisième domaine contient les verres les plus bioactifs dont la couche d'HAC apparaît entre 12 et 22 heures. Ce sont les verres les plus riches en sodium. Cette étude met en relation la composition des bioverres avec la réactivité de surface. 1.3. Etude du système SiO2-CaO-Na2O dopé avec P2O5 par plans de mélanges C. Duée et al. [7-8] ont utilisé les plans de mélanges pour étudier un certain nombre de propriétés, appelées réponses et en particulier, le temps d'apparition de la couche d'hydroxyapatite et l'épaisseur de celle-ci. Les plans de mélanges permettent de déterminer la valeur d'une réponse quelle que soit la composition d'un domaine défini. Pour cela, des expériences sont réalisées et une formule donnant la réponse en fonction de la composition peut être établie. Le domaine étudié est donné sur la figure I-I-3. Ce domaine est défini d'après les considérations suivantes : 14 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel - Les verres de l'étude doivent être synthétisables à 1400°C ou moins - Les échantillons doivent être parfaitement vitreux - Les verres ne doivent pas être totalement solubles - Ils doivent être bioactifs et former leur couche d ' HAC en 15 maximum Figure I-I-3 : Domaine d'étude pour les plans de mélanges appliqués au système SiO2 – CaO – Na2O. Onze verres sont retenus pour l'étude. L'évaluation de la bioactivité de ces verres suit le même protocole que celui retenu par I. Lebecq et al. [5-6] sauf pour l'étape de polissage final qui est réalisée avec du papier SiC de grade 80 (200 μm). Un état de surface plus rugueux permet alors d'obtenir une meilleure réactivité des verres. Leur immersion dans du fluide physiologique donne des réponses en terme de temps d'apparition de la couche d'HAC et d'épaisseur de celle-ci. Elle est mesurée par microscopie électronique à balayage (MEB). Le paramètre X1 est posé comme étant la proportion molaire de SiO2, X2 celle de CaO et X3 celle de Na2O. Les formules obtenues sont les suivantes : Temps d'apparition de l'HAC = - 24,23.X1 – 125,09.X2 – 231,39.X3 + 301,98.X1X2 + 510,65.X1X3 + 1306,70.X2X3 - 2416,03.X1X2X3 15 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol- gel Epaisseur de l'HAC = – 248,59.X1 – 579,86.X2 – 175,30.X3 + 1869,99.X1X2 +1127,13.X1X3 + 1985,51.X2X3 – 5450,45.X1X2X3 D'autres réponses, comme la température de transition vitreuse ( Tg) ou celle de cristallisation ( Tc ), ont été ég alement étudiées [9]. Les formules sont les suivantes : Tg = – 408,43.X1 – 413,62.X2 – 257,62.X3 + 4874,88.X1X2 + 3221,18.X1X3 + 973,43.X2X3 – 4908,18.X1X2X3 Tc = 1190,40.X1 – 166,62.X2 + ,15. X 3 + 1580,75. X 1 X 2 – 2829 , 17. X1X 3 + 1816 , 13. X 3 – , X1 X3 Ces formules permettent de tracer des isoréponses dans le domaine considéré du système SiO2-CaO-Na2O. Les figures I-I-4, I-I-5, I-I-6 et I-I-7 représentent respectivement les isoréponses : bioactivité, épaisseur d'HAC, température de transition vitreuse et température de cristallisation. Les verres les plus bioactifs sont situés dans le domaine le plus proche de CaO. Les temps de réactivité varient de 3 à 6h30, ce qui est très intéressant. Les épaisseurs de couche sont assez faibles : de 10 à 25 microns. Les plages de travail sont petites car les températures de transition vitreuse et les températures de cristallisation sont voisines. SiO2 1,00 0,00 0,75 0,25 20 15 0,50 20 25 25 10 0,50 15 0,25 0,75 0,00 1,00 CaO0,00 Figure I-I-4 : Bioactivité dans le ternaire SiO2 – CaO – Na2O. 0,25 0,50 0,75 Na2O 1,00 Figure I-I-5 : Epaisseurs dans le système SiO2 – CaO – Na2O. 16 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel SiO2 SiO2 0,0 1,0 0,0 1,0 750 700 0,5 0,5 0,5 0,5 500 650 600 550 650 1,0 0,0 CaO 0,0 Na2O 0,5 1,0 600 0,0 1,0 CaO 0,0 Figure I-I-6 : Températures de transition vitreuse. Na2O 0,5 1,0 Figure I-I-7 : Températures de cristallisation. Le système ternaire est dopé avec du phosphore. La quantité maximale pouvant être introduite est de 5% molaire de P2O5. Au-delà de cette valeur, les échantillons deviennent cristallisés. De nouveaux plans de mélange ont permis de trouver de nouvelles formules et de tracer les isoréponses, avec différents taux de phosphore. La figure I-I-8 présente les isoréponses de temps d'apparition d'apatite avec 5% de P2O5 et la figure I-I-9 les isoréponses de l'épaisseur de couche. Le domaine de plus forte bioactivité s'est déplacé plutôt au centre du diagramme, la couche d'apatite apparaît en moins de 3 heures. Le composé le plus bioactif a la composition suivante : 47% SiO2 - 26,5% CaO - 21,5% Na2O - 5% P2O5. SiO2 SiO2 0,00 0,00 1,00 13 7,5 6,5 6 0,50 20 2,77 0,00 1,00 0,25 0,50 0,75 Figure I-I-8 : Bioactivité dans le système avec 5% de P2O5. 30 40 50 0,25 0,75 0,25 0,75 0,00 0,50 0,50 0,50 5 4 CaO 0,75 0,25 0,75 0,25 1,00 Na2O 1,00 0,00 1,00 CaO 0,00 0,25 0,50 0,75 Na2O 1,00 Figure I-I-9 : Epaisseurs dans le système avec 5% de P 2O5. 17 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Les épaisseurs de couche ont considérablement augmenté avec l'ajout de phosphore dans la composition. Les figures I-I-10 et I-I-11 représentent l'évolution des temps d'apparition de la couche d'HAC et de l'épaisseur de cette couche en fonction de l'ajout de P 2O5 pour le 35 7 temps d'apparition de la couche (heures) composé quaternaire le plus bioactif. 1 2 3 4 5 30 25 20 15 10 0 P2O5 % Figure I-I-10 : Temps d'apparition d'HAC en fonction de P 2O5. 1 2 3 4 5 P2O5 % Figure I-I-11 : Epaisseur d'HAC en fonction de P 2O5. Le temps d'apparition de la couche d'HAC diminue alors que son épaisseur augmente quand du P2O5 est ajouté. Il est malheureusement impossible d'en ajouter davantage puisque lors de la trempe, il y a cristallisation pour des compositions ayant des taux de P2O5 supérieurs. 1.4. Elaboration de bioverres macroporeux A. Pardini [10] a utilisé des compositions de bioverres étudiées par I. Lebecq [5] pour tenter de préparer des macroporeux. La bioactivité étant un phénomène de surface, il est possible qu'un implant macroporeux permette une colonisation plus rapide et plus complète du matériau par le milieu hôte. De l'apatite se formerait pour lier intimement l'implant dans l'organisme, avec un développement de cellules osseuses à l'intérieur des porosités. Pour préparer ces bioverres macroporeux, le brevet « Procédé d'élaboration de substituts osseux synthétiques d'architecture poreuse parfaitement maîtrisée » [11] a été utilisé. Celui-ci concernait à l'origine des poudres d'hydroxyapatite ou d'alumine, de granulométrie proche du micron. Ce procédé permet la mise en forme de substituts osseux ayant un volume poreux de 70-80% avec un diamètre de pores contrôlé compris entre 10 et 1000 μm. L'étude comporte plusieurs étapes, à savoir : - l'élaboration d'une structure porogène, - l'obtention d'une poudre de verre micrométrique, 18 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel - l'élaboration d'une barbotine, - un traitement thermique à basse température : le déliantage, - un traitement thermique à haute température. Ces étapes permettent tout d'abord de préparer une structure à base de billes de diamètre connu, collées entre elles. Le diamètre de celles-ci constitue la future macroporosité, la façon dont elles sont collées entre elles constitue l'interconnexion. Ce sont des billes de PolyMétAcrylate de Méthyle (PMMA) de diamètre 600-700 μm qui ont été utilisées. Puis, le bioverre est synthétisé, broyé, mis en suspension. L'édifice organique de PMMA est alors imprégné, puis porté à 250°C pour éliminer les porogènes. Enfin, le macroporeux est densifié à 900°C. A cause des hautes températures mises en oeuvre, ce procédé a conduit à l'élaboration d'une vitrocéramique macroporeuse et non d'un verre. E. Wers [12] a réalisé au cours de son travail de thèse des verres bioactifs dans le domaine SiO2-CaO-Na2O-P2O5. Quatre métaux, Zn, Ti, Cu et Ag sont ajoutés à des compositions de verre de base afin d'étudier l'influence de ces dopants sur la réactivité chimique et la cytotoxicité. Les métaux introduits influent sur les températures d'élaboration des verres, sur le temps d'apparition et l'épaisseur de la couche d'HAC mais ils ne diminuent pas la prolifération cellulaire. En parallèle, il a développé une vitrocéramique à base de TiN et ZnO qui présente des microporosités. Des essais in vitro ont montré un caractère bioactif du matériau après 60 jours d'immersion et une absence de toxicité pour les cellules. Cette vitrocéramique a alors été implantée dans des fémurs de lapins. Les résultats des analyses ont montré une résorption progressive au cours des six mois qui ont suivi l'implantation. 2. Bioverres obtenus par le procédé sol-gel 2.1. Histoire et principes La première polymérisation sol-gel est réalisée par M. Ebelmen [13-14] qui décrit dès 1845 « la conversion en verre solide de l'acide silicique exposé à l'air humide ». La technique de la polymérisation sol-gel ne sera reprise industriellement qu'en 1939, par la firme allemande Schott Glaswerke, afin de recouvrir par trempage des récipients en verre. L'industrie s'intéresse alors à la réalisation de couches minces par voie sol-gel ce qui permet d'éviter le problème des fissurations observées lors du séchage de gels plus denses. Le principe de cette « chimie douce » repose sur l'utilisation d'une succession de réactions d'hydrolyse-condensation, à température modérée, pour organiser des réseaux d'oxydes amorphes qui peuvent être à leur tour traités thermiquement afin d'obtenir un verre stabilisé [15]. La formation du réseau d'oxydes a lieu, en solution, à une température proche de l'ambiante. Il s'agit d'un processus de conversion en solution d'alcoolates métalliques, tels que les alcoolates de silicium, zirconium, aluminium, titane La réaction de synthèse de verres par voie sol-gel repose sur la propriété qu'ont les alcoolates de silicium de pouvoir plus ou moins s'hydrolyser en présence d'eau. Suivant l'intensité de cette hydrolyse, il se formera par polycondensation un réseau tridimensionnel polymérisé. J. Livage [16] peut être considéré comme l'initiateur de la chimie douce en France. Il a notamment mis au point des procédés sol-gel qui permettent d'obtenir des matériaux originaux inaccessible par les voies classiques. Ses travaux ont pour but d'obtenir des matériaux de type vitreux dans des conditions douces en essayant de reproduire les procédés de biominéralisation naturels. Il est ainsi possible de lier par exemple des molécules organiques, voire même biologiques, à un réseau de silice, pour former des nouveau matériaux hybrides [17]. Les applications industrielles d'une telle chimie sont considérables. 2.2. Etapes réactionnelles 2.2.1. Le sol Le système est dans l'état liquide [15] : il est constitué d'un mélange d'oligomères colloïdaux et de petites macromolécules ainsi que de différents monomères partiellement hydrolysés, selon le degré d'avancement de la réaction de polymérisation. Dans le cas d'un verre bioactif, le sol est constitué d'un volume de solvant dans lequel on va dissoudre les formateurs et les modificateurs de réseau sol-gel qui sont souvent respectivement des alcoolates et des sels cristallins. Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Dans le cas d'un verre de silice, la formation du réseau amorphe est assurée par un alcoolate de silicium auquel il faudra ajouter un agent catalyseur. La réaction d'hydrolyse résultante assure la création de groupements Si(OR)X(OH)4-X. Ces groupements se condensent ensuite en liaisons Si-O-Si plus ou moins longues avec l'avancement de la réaction dans le temps. Le gel est alors en cours de formation. A partir du sol, il est possible : - de former un gel, qui après séchage et stabilisation, se transformera en monolithe directement implantable [18], - de déposer le gel sur un substrat quelconque qui en séchant s'affinera en un film dense [19], - de faire gélifier le sol à l'intérieur d'un substrat poreux qui une fois sec donnera un macroporeux si le substrat est éliminé ou bien un composite à porosité contrôlée si le substrat est conservé. La figure I-I-12 résume les applications possibles de la voie sol-gel. Figure I-I-12 : Possibilités d'applications de la voie sol-gel. 2.2.2. Le gel Un gel est constitué d'un réseau tridimensionnel d'oxydes gonflé par le solvant, avec des liaisons chimiques assurant la cohésion mécanique du matériau en lui donnant un caractère rigide, non déformable [15]. Une fois les réactions d'hydrolyse et de condensation amorcées dans le sol, celui-ci vieillit progressivement. Ce vieillissement est dû à l'augmentation progressive de la taille des condensats siliceux qui se traduit par une augmentation de la viscosité du sol. Le point de gel est atteint lorsque des macromolécules se forment et se touchent entre elles, ce qui donne un aspect solide au gel. Le temps nécessaire au « sol » pour se transformer en « gel » est appelé temps de gélification. Lorsque le gel vieillit, des réactions de condensation se produisent encore à l'intérieur de celui-ci. Elles conduisent à une contraction macroscopique du gel et à un rétrécissement de ses porosités. Celui-ci, nommé synérèse du gel, conduit alors à une expulsion du solvant. 2.2.3. Le séchage Une fois sa synérèse achevée, le gel peut être séché. L'eau ainsi que les solvants organiques sont évaporés. Pour effectuer rapidement cette opération, le gel peut être placé dans une étuve, à 130°C [20]. Il est intéressant de noter que la vitesse de séchage ainsi que les différentes conditions environnementales, comme le taux de vapeurs saturantes des solvants utilisés, influencent grandement la stabilité mécanique des gels secs obtenus. Un séchage rapide impliquera un grand flux de matière passant au travers des pores déjà rétrécis par la synérèse, d'où une dégradation de ceux-ci impliquant de nombreuses fractures. La présence 'eau est à minimiser car elle dégrade beaucoup plus la structure des pores du gel que des solvants comme le méthanol. Le risque d'un séchage rapide à l'étuve est d'obtenir une poudre une fois le gel sec. A contrario, un séchage à l'air ambiant, lent, limitera la dégradation des porosités et donnera un monolithe dense connu sous le nom de xérogel. Des conditions environnementales hypercritiques, où le solvant liquide est progressivement remplacé par un solvant plus facilement éliminable, donneront un aérogel, beaucoup plus poreux que le xérogel. 2.2.4. La thermolyse En chauffant le gel [15] à des températures moyennes, entre 500 et 1000°C suivant les auteurs, il subit d'autres modifications qui conduisent à une stabilisation du gel en un verre. Avec l'augmentation de la température, la diffusion des ions est accrue et les derniers départs gazeux se produisent. La dilatation du matériau augmente, elle aussi, avec la température. Si des fissurations microscopiques existent, elles vont alors devenir macroscopiques lors du traitement thermique ce qui a souvent pour conséquence de fracturer l'échantillon en fragments millimétriques. Lorsque qu'un échantillon est soumis à une Analyse Thermodynamique Différentielle (ATD), une stabilisation du réseau amorphe est observable par une baisse de l'enthalpie à une température dite de transition vitreuse (Tg). Le verre stabilisé est ainsi obtenu. Si cette température est dépassée, l'agitation thermique devenue trop importante finit par entraîner la destruction du réseau amorphe en libérant l'énergie de liaison. Ce phénomène est visible par un pic exothermique sur une analyse ATD, correspondant à la température de cristallisation (Tc) du composé. Lors du refroidissement, le caractère amorphe du matériau n'est plus conservé et un nouvel arrangement cristallisé des atomes peut être observé par diffraction des rayons X. Le rétrécissement des porosités lors des étapes de séchage et de thermolyse peut être limité par des additifs (cf. page 29). 2.3. Formateurs de réseau vitreux sol gel 2.3.1. Le silicium 23 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel De nombreux auteurs introduisent le silicium sous forme de TétraEthylOrthoSilicate (TEOS) [21-22]. Moins fréquemment, le TétraMéthylOrthoSilicate ou TMOS [23] est utilisé comme précurseur. L'utilisation de l'un ou l'autre de ces alcoolates comme source de silicium se base sur la nature du solvant utilisé (méthanol ou éthanol). Cependant, les conditions d'obtention des gels avec ces deux précurseurs ne sont pas similaires : les études menées par C.J. Brinker et al. [24] montrent que ces deux alcoolates influent de façon différente sur la cinétique de formation du gel. En effet, une grande partie des réactions d'hydrolyse-condensation qui se déroulent lors d'une gélification sont de type substitution nucléophile du second ordre (SN2). La réaction peut être accélérée par l'usage d'un catalyseur. Il peut être de nature acide ou basique, ou bien être un ion ou une molécule influençant les réactions élémentaires de l'hydrolyse. Les réactions de condensation, responsables de la densification progressive du gel, peuvent être de deux types : - l'oxolation, dont le mécanisme est résumé sur la figure I-I-14, combine deux groupements hydrolysés de l'alcoolate pour former une molécule d'eau et une liaison Si-O-Si, - l'alcoxolation combine quant à elle des groupements hydrolysés et non hydrolysés de l'alcoolate afin d'obtenir une molécule d'alcool et une liaison silane. Le mécanisme de cette réaction est résumé à la figure I-I-15. - H2O Figure I-I-14 : Réaction d'oxolation. - Figure I-I-15 : Réaction alcoxolation. 2.3.2. Le phosphore En plus d'être un formateur de réseau vitreux, le phosphore est un élément fondamental pour l'activité biologique de l'implant et un composant majoritaire de l'os avec le calcium. L'oxyde de phosphore P2O5 est un élément formateur de réseau vitreux avec le silicium dans le cas de mélange de ces deux oxydes ou de dopage d'une composition. La grande majorité des auteurs emploient couramment le TriEthylPhosphate (TEP) et plus rarement l'acide phosphorique [28]. M. Elisa et al. [29] ont notamment réalisé un verre de silice-phosphore par voie sol gel. L'hydrolyse du TEP peut se produire en milieu acide ou basique, à l'aide des catalyseurs de mêmes noms. La littérature n'a pas renseigné d'autres catalyseurs originaux mais la chimie des organométalliques est complexe. Il est fort probable que tout bon nucléophile comme le fluor puisse catalyser la réaction à l'instar de l'ion OH- avec le TEOS, dans le mécanisme présenté à la figure I-I-19 (cf. page 35). La réaction d'auto-hydrolyse du TEP, est visible sur la figure I-I-16. Le phosphore étant entouré par trois groupements éthanolate, il est possible de l'hydrolyser entre une et trois fois suivant l'avancement des réactions. - EtOH Figure I-I-16 : Auto-hydrolyse du TEP. pels sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Pour conclure, l'utilisation du TEOS et du TEP comme précurseurs de la silice et du phosphore permet d'après les différents auteurs d'obtenir des bioverres par voie sol-gel. Il faudra cependant tester les différentes voies catalytiques afin de déterminer les paramètres de synthèse permettant d'introduire avec succès les modificateurs de réseaux dans une structure finale amorphe. 2.4. Modificateurs de réseau 2.4.1. Le sodium Elément habituellement spectateur dans la classification, le sodium est aussi, comme l'ont montré I. Lebecq et al. [6], un élément indispensable à une bonne bioactivité des verres. Avec la méthode traditionnelle de fusion et trempe des oxydes, le sodium intervient comme modificateur de réseau : son oxyde est Na2O. Sa présence permet d'abaisser la température d'élaboration des verres, il joue le rôle de fondant. La silice permet d'obtenir un verre mais son point de fusion est très élevé (1730°C). En ajoutant des fondants comme le sodium, la température de synthèse est abaissée à 1400°C. L'ajout d'un oxyde de sodium provoque également la rupture d'une liaison Si-O et l'apparition d'un oxygène non-pontant. Cela a pour conséquence de fragiliser le réseau et d'augmenter sa solubilité dans les milieux aqueux. Dans le cadre d'une immersion dans le SBF de bioverres contenant du sodium [5], il est possible de remarquer plusieurs points montrant l'avantage de cet élément : - le sodium permet une mise en solution plus rapide des verres. Ceux-ci forment alors un gel de silice plus rapidement, - le gel devient favorable au dépôt de CaP amorphe qui subit ensuite nucléation rapide pour devenir de l'HAC néoformée. Dans un procédé sol-gel, le sodium peut être introduit par plusieurs catégories de précurseurs. Les précurseurs minéraux, tel que le nitrate de sodium (NaNO3), ne permettent pas d'inclure le sodium de façon stable dans le cas de binaire SiO2 – Na2O [30]. Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel L'utilisation de ces mêmes réactifs dans le cadre de compositions plus complexes, comme des systèmes quaternaires, n'est pas favorable pour l'obtention d'un verre amorphe stable [31]. Une explication probable provient de l'environnement présent dans le sol. La nature labile du sodium dans les liaisons silanes l'emporte en présence de tout anion ayant une affinité chimique plus forte. C'est le cas pour les nitrates et les chlorures, par exemple. Lors de la maturation et du séchage du gel, la diffusion du sodium ionique au travers des porosités du matériau favorise une rencontre avec les anions présents. L'évaporation du solvant entraîne une précipitation de sels de sodium, qui implique l'obtention d'une vitrocéramique. Des précurseurs organiques, tel que l'acétate de sodium, peuvent être utilisés. Les résultats obtenus avec ces précurseurs organiques sont meilleurs que ceux obtenus avec leurs homologues minéraux, des molécules plus grandes et moins polarisées favoriseraient moins de mouvements ioniques dans le gel [32]. Les alcoolates de sodium, sous forme méthyl ou éthyl, sont aussi employés comme précurseurs. Leur utilisation est citée par R. Puyané et al. [33] dans le cadre de la formation d'un verre de composition molaire 87 SiO2-13 Na2O. Comme tous les alcoolates, ils peuvent être hydrolysés puis condensés avec d'autres alcoolates présents dans l'environnement chimique. 2.4.2. Le calcium Le calcium est un élément essentiel des verres : il est employé depuis le moyen-âge comme stabilisateur de réseau. Son oxyde est CaO. Il introduit des oxygènes non pontants mais il est réticulant gr ce à sa double charge positive, ce qui a pour conséquence une stabilisation du verre. Celui-ci sera alors plus résistant aux attaques chimiques comme, par exemple, une dissolution par l'eau. Afin d'introduire cet élément dans une composition de bioverres sol-gel, divers précurseurs sont utilisés dans la littérature.  Les sels minéraux : 28 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel Les carbonates et les nitrates de calcium sont couramment employés dans le cadre de synthèse sol-gel [34]. Les sels minéraux ont l'avantage d'être plus solubles que les autres précurseurs du calcium. Les nitrates sont couramment utilisés du fait de leur instabilité thermique : ils sont de ce fait facilement éliminés lors de la thermolyse [35]. Additifs 29 Rappels bibliographiques sur les verres bioactifs obtenus par fusion classique et leurs synthèses par voie sol-gel La réactivité chimique et les propriétés mécaniques des verres sol-gel peuvent être influencées par l'ajout dans le sol de divers additifs : - les complexants des modificateurs qui vont déplacer la limite de solubilité dans le solvant d'un ou de plusieurs éléments comme le calcium par exemple, - les plastifiants du réseau amorphe qui augmentent la flexibilité du réseau une fois le gel formé, - les tensio-actifs qui réduisent la tension capillaire lors de la synérèse et minimisent alors le risque de fracturation de l'échantillon par effondrement.
42,284
30/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01211467-document.txt_7
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
1,294
2,109
Le cas d'étude de la Grande Comore illustre la diversité des facteurs naturels contrôlant l'émergence des nappes d'eau douce et la vulnérabilité de l'aquifère littoral vis-à-vis de l'intrusion marine. Dans cette recherche, les principaux types d'aquifères rencontrés en milieu volcanique sont imagés par investigations géophysiques. L'ensemble des résultats confirme l'application en Grande Comore d'un modèle conceptuel hydrogéologique similaire à celui de La Réunion (Join et al. 2005), avec certaines spécificités essentiellement liées à l'absence de cirques d'érosion sur la Grande Comore, plus récente et moins arrosée. Les résultats obtenus confirment la pertinence de l'application des techniques géophysiques électriques (ERT) et électromagnétiques (TDEM) pour l'investigation ; - i) des fortes hétérogénéités spatiales des aquifères volcaniques, ii) des variations latérales de salinité dans les zones côtières Cependant, la seule application de ces méthodes indirectes s'accompagne de nombreuses sources d'incertitudes et de limites, par exemples ; - i) pour les méthodes électriques, la faible résolution de la mesure dans les matériaux à faible résistivité, notamment sous l'interface saline en zone côtière - ii) pour les méthodes électromagnétiques, la nature unidimensionnelle du résultat qui considère un milieu tabulaire et stratifié ainsi que la faible résolution dans les terrains non saturés et résistants. 171 Toutefois, la combinaison des méthodes électriques et électromagnétiques aide à contraindre l'interprétation des résultats obtenus, particulièrement dans les zones où l'application d'une seule méthode ne fournit pas de résolution suffisante (Albouy et al. 2001). Les structures hydrogéologiques et les hétérogénéités du milieu canique ont été imagées à différentes échelles spatiales. A l'échelle régionale, l'allure de l'invasion marine est contrôlée par i) l'importance de la recharge issue des précipitations et ii) le degré d'altération des formations volcaniques. En Grande Comore, les aquifères situés dans les unités géologiques les plus anciennes et les plus altérées, comme le massif du M'Badjini sont généralement moins impactés par l'intrusion marine, comparés à ceux localisés dans les unités géologiques les plus récentes comme les massifs de La Grille et du Karthala. A l'échelle plus locale, les résultats géophysiques ont révélé une large diversité des hétérogénéités géologiques et une grande variabilité des taux de salinité dans les nappes côtières. Les simulations numériques confirment que dans la zone côtière, la présence de paléovallées comblées par des coulées récentes plus perméables facilite l'intrusion marine, tandis que la présence de formations géologiques moins perméables génère une piézométrie importante et tend à approfondir l'interface saline (Bourhane et al. 2014). D'autre part, la modélisation numérique corrobore également le rôle des cours d'eau permanents ou temporaires sur l'alimentation des nappes côtières ; la présence de rivières ou ravines temporaires permet de chenaliser la recharge en eau douce et tend à repousser l'interface saline vers la mer (Bourhane et al. 2015, à paraître). En outre, les cônes côtiers de tuffs ou d'hyaloclastites, du fait de leurs très faibles perméabilités, sont susceptibles de constituer des barrières hydrauliques naturelles imperméables capables de limiter l'impact de l'intrusion marine. A la lumière de ces observations, dans un cadre de prospection, la méthode de captage qui parait la plus fiable en zone côtière reste basée sur la réalisation de puits de grand diamètre au lieu de forages profonds. Les puits côtiers peuvent alors être prolongés par des galeries pour écrémer la nappe, à l'image des puits de type Maui. Dans un premier temps, devraient être réalisés des sondages de reconnaissance au droit des sites identifiés comme les plus favorables. Ces ouvrages seront utilisés ultérieurement comme piézomètres d'observation. Selon les résultats déduits de ces sondages, les puits d'exploitation pourront être réalisés en amont pour atteindre la nappe à une profondeur raisonnable et une distance à la mer maximum. Dans le cadre d'une gestion optimale de la ressource, la mise en oeuvre de programmes de pompages asservis aux mouvements marégraphiques constitue un domaine de recherche novateur visant à améliorer la qualité des eaux exploitées sur certains ouvrages. En somme, il s'avère que la complexité des milieux volcaniques est intimement liée à l'hétérogénéité des formations géologiques associées. Dans le milieu côtier, une relation entre la perméabilité des formations et la vulnérabilité des nappes est mise en évidence par simulation numérique. Ces observations suggèrent i) une prospection orientée vers les zones de perméabilité modérée qui paraissent moins vulnérables face aux intrusions marines, et ii) la réalisation de forages peu profond, écrémant la nappe superficielle à un débit modéré. Enfin, le captage de la nappe de base en zones d'altitude par galeries horizontales ou inclinées s'avère être une alternative intéressante pour s'affranchir de la problématique du biseau salé (Bourhane et al. 2015). En complément des analyses spatiales, l'acquisition de séries temporelles constitue un outil efficace pour i) surveiller et interpréter le comportement de la nappe à haute résolution temporelle (Johnson et al., 2012; Lewis and Allen, 2009) et ii) fournir des données utiles pour la gestion des ressources en eau. 172 Dans les trois puits instrumentés en Grande Comore, les enregistrements en continu des paramètres hydrogéologiques révèlent que ; - i) les périodes de marées hautes engendrent des pics systématiques de salinité dans les nappes côtières ii) les valeurs de salinité moyennes les plus élevées sont enregistrées au cours des périodes de vives-eaux, durant lesquelles la marée affiche les plus fortes amplitudes. Par ailleurs, la contamination marine en Grande Comore est naturellement plus fréquente i) dans les formations géologiques les plus récentes et ii) dans les régions les plus arides. Il s'agit de la situation des localités situées sur la côte Est de la Grande Comore, recevant moins de 1500 mm de précipitations par an et étant les plus affectées par les problèmes d'approvisionnement en eau potable. Sur le site pilote de la côte ouest de l'île de La Réunion, l'instrumentation de 10 piézomètres d'observation fournit des renseignements sur les hétérogénéités temporelles des signaux recueillis. Sur l'ensemble du réseau d'observation, le signal piézométrique est systématiquement contrôlé à différents degrés par les composantes marégraphiques. L'analyse harmonique des signaux enregistrés permet de confirmer la présence de deux types de contextes hydrogéologiques sur le long de la ligne de côte investiguée ; - - i) les aquifères à caractère confiné situés au nord du site d'étude, dans le secteur de l'Ermitage sont davantage impactés par les composantes de marée de es périodes (diurnes et semi-diurnes). Les diffusivités apparentes calculées par rapport à ces types de composantes affichent des valeurs relativement élevées (>50 m2/s). ii) les aquifères à caractère non confiné situés principalement au sud du site d'étude, dans les secteurs de La Saline, les Trois Bassins et Saint Leu subissent une influence hydrodynamique plus prononcée des composantes de marée de longues périodes (annuelle et biannuelle essentiellement). Dans tous les cas, l'évolution physico-chimique des nappes côtières reste largement contrôlée par les composantes de longues périodes (annuelle et biannuelle). Cependant, d'autres sources de perturbations hydro-climatiques sont observées en fonction des contextes hydrogéologiques ; - - - i) les nappes côtières situées en amont d'une côte rocheuse (comme P9 Fond Jardin) ou dans l'alignement d'une passe récifale (comme Ravine Tabac ou Lotissement Bellevue) sont plus sensibles aux coups de houle durant l'hiver austral, ii) les nappes côtières localisées dans un contexte alluvial (comme la Grande Ravine) réagissent instantanément en réponse aux épisodes de recharge intensive par infiltrations d'eau douce météorique. iii) les nappes côtières situées à l'arrière d'un récif (comme à l'Ermitage) sont moins impactées par la houle australe dont l'impact est atténué par le récif. iv) les nappes côtières confinées par un recouvrement sédimentaire (comme à l'Ermitage) affichent des pics de salinité ponctuels associés à des infiltrations percolant à travers les sables et colluvions sus-jacents. Il s'agit cependant de phénomènes transitoires qui se résorbent assez rapidement en raison de la recharge provenant des zones d'altitude. 173 Enfin, l'information fournie par le suivi en continue des paramètres hydrogéologiques des nappes côtières peut être améliorée par une densification réseau de surveillance dans ces milieux très complexes..
32,984
19/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01513744-document.txt_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,651
16,066
En cela, la danse-médecine des Bochimans!Kung africains est un exemple frappant dont voici un large extrait : « L'homme-médecine commence donc par danser et chanter avec les autres, quelle que soit la chanson entonnée. Il quitte ensuite le rang des danseurs pour se pencher, toujours en chantant, sur la personne qu'il souhaite soigner. Il place une main sur la poitrine de son patient et l'autre sur son dos, puis fait légèrement vibrer ses mains. Les!Kung croient ainsi extirper la maladie du corps du patient en l'aspirant en quelque sorte par leur bras dans leur propre organisme. Dans le même temps, l'hommemédecine émet différents sons entrecoupés de syncopes et ressemblant à des vibrations ou à des gloussements, qui s'intensifient et s'accélèrent pour culminer en des cris, puis en un chevrotement qui perce les tympans. Enfin il lève brusquement ses bras vers le ciel pour expulser au loin la maladie, dans la nuit, en direction de Gauwa [un mauvais esprit] ou des gauwasi [mauvais esprits en général], par un terrible jappement qui ressemble à un « Kai' Kai' Kai' ». Ce qui précède démontre combien il faut d'énergie pour faire sortir la maladie. Ce son eut sur la personne qui l'entendait un effet bouleversant : je me mis à frissonner et ma respiration s'arrêta brusquement, comme si mon coeur avait cessé de battre pendant un moment. () Une fois que la cérémonie bat son plein, les hommes-médecines atteignent leur état de frénésie maximale. Ils cessent de visiter les malades. Leurs spasmes, leurs grognements et chevrotements gagnent en violence et en fréquence, ils se mettent à avoir la nausée, titubent et trébuchen t. Ils courent vers le feu, le piétinent, se saisissent des charbons ardents et mettent le feu à leurs cheveux. Le feu a la capacité d'activer le fluide curatif qu'ils renferment dans leur corps. Ceux qui les entourent les soutiennent et éteignent les flammes. Ils s'enfuient alors dans la nuit, où sont tapis Gauwa et les gauwasi. Ils leur jettent des bouts de bois enflammés et leur profèrent des injures. « Visage d'abomination! Reprends la maladie que tu as amenée. » () 70 A ce stade, il arrive qu'ils sombrent dans une inconscience totale ou une inconscience superficielle, yeux fermés, incapables de bouger (). Comme dans un drame, je pense que la violence et l'excitation qui sous-tendent la cérémonie ont sur les émotions des gens de la tribu un effet cathartique, au sens aristotélicien du terme. La peur et l'hostilité trouvent ainsi une soupape de sécurité et la tribu agit de concert pour se protéger, trouvant en cela réconfort et espoir. » (Lorna Marshall, 1962) (16) Le but principal du chamane est de faire vivre à son audience une histoire fantastique de la manière la plus réaliste possible : il doit réussir à transposer le monde mythique dans le monde profane le temps d'une séance. Il n'est nullement question de tromperie, supercherie ou de divertissement comme certains observateurs ont pu le laisser penser, mais de sacré et de solennité. Parfois même, une certaine poésie ressort des croyances qu'il conte dans ses rites, et qui fondent son « jeu » chamanique. « L'esprit du tabac est étroitement associé à l'esprit de l'oiseau kumalak, une sorte de milan, qui est le principal auxiliaire du magicien auquel il prête ses ailes. Le chaman ivre de jus de tabac, s'élève audessus des montagnes, suivi de l'oiseau kumalak. Tous deux errent ainsi « voyant tout et découvrant tout ». D'autres oiseaux, surtout ceux qui vivent dans la montagne où dansent les esprits, instruisent le chamane et lui prêtent leurs ailes pour qu'il puisse venir danser avec eux. Un long bruissement indique que l'esprit du chaman revient en volant, et un coup sourd sur le sol prouve qu'il atterrit. Au retour de ses randonnées aériennes, le chaman restitue à son auxiliaire les ailes prêtées. Le novice doit donc essayer d'établir un contact avec l'esprit kumalak alors qu'il it du jus de tabac et qu'il chante. En s'imposant des restrictions alimentaires et en vomissant, le chaman, aminci, devient un support pour les ailes qui l'emporteront vers le monde des esprits. Les chants qui jouent un rôle si important dans l'exercice de la profession sont appelés malik, du nom des ornements symbolisant les ailes de l'oiseau kumalak. Ils décrivent l'envol de l'âme du chaman et ses aventures dans les régions des esprits. Ce sont des « chants d'ailes » ou des « chants de vol. » (Alfred Métraux, 1944) (16) Mais il reste encore un outil précieux et essentiel de l'attirail du chamane qui n'a pas encore été abordé, et qui intéressera tout le reste de ce travail de thèse. 7) Le chamane et les plantes médicinales sacrées « Investi d'une autorité spirituelle, le chaman, femme ou homme, entre en communication avec un monde invisible et donc impossible à percer pour tout autre individu. Ici résident son pouvoir et son audience. Pressenti pour guérir les corps et les esprits, il connait les plantes, les champignons et leurs dangers éventuels, sachant que chacun de ces produits, choisi pour ses vertus spirituelles, remplit une fonction et engendre des visions particulières. » Pierre Chavot, Le champignon des Dieux, 2005 En tant qu'homme de savoir et fin observateur du milieu naturel, le chamane détient la connaissance des plantes médicinales. Ces plantes comprennent, d'une part, les plantes thérapeutiques telles qu'on les conçoit dans nos sociétés (antipyrétique, cicatrisante, antidouleur) qui ne sont pas spécifiques au chamanisme ni au système de pensée dans lequel il s'inscrit. Elles relèvent d'un savoir générique retrouvé dans beaucoup de sociétés humaines. La différence avec un herboriste conventionnel réside dans la manière d'acquérir ces connaissances : le chamane est censé détenir sa connaissance du monde végétal de son lien particulier avec le monde-autre (même si, en réalité, elles font souvent partie de son apprentissage auprès des anciens). Dans certaines sociétés, il est même celui qui insuffle le pouvoir médicinal aux plantes pendant la cure : « Ils déclarent en certaines occasions qu'ils vont communiquer aux racines et aux plantes la vertu de guérir toutes les sortes de plaies, et même de rendre la vie aux morts. Aussitôt ils se mettent à chanter, et l'on suppose que pendant ce concert, qu'ils accompagnent de beaucoup de grimaces, la vertu médicinale se répand sur les drogues. » (Denis Did 1765) (9) D'autre part, les plantes de la panoplie du chamane comportent aussi et surtout, les plantes « visionnaires », ces plantes « qui donnent à voir », véritables alliées du chamane dans sa pratique (nous parlerons de « plantes » au sens large de monde végétal, puisque cela englobe également plusieurs champignons). Comparativement à l'étude du chamane et de sa transe, ce n'est que tardivement que les anthropologues ont commencé à s'intéresser à l'usage des plantes psychotropes dans les civilisations anciennes, et ont compris l'importance que celles-ci avaient eu et ont toujours pour les sociétés chamaniques. Ils ont notamment été influencés par le portrait catégoriquement négatif de leur emploi comme aide au voyage chamanique peint par Mircea Eliade. 72 a) L'enseignement par les plantes sacrées Dans les sociétés où le chamanisme est étroitement lié à la prise de plantes psychoactives, cellesci jouent un rôle déterminant dans l'apprentissage du futur chamane. « Dans le contexte des pratiques chamaniques, une croyance essentielle veut que de nombreuses plantes, pour ne pas dire toutes, aient chacune leur propre « mère » ou esprit. C'est grâce à l'aide des esprits de certaines de ces plantes, que j'ai dénommées « plantes qui enseignent », que le chamane est capable d'acquérir ses pouvoirs. » (Luis Eduardo Luna, 1984) (15) A ces plantes sacrées « enseignantes » sont en effet rattachés des esprits, les « Mères » des plantes. « La Mère de la plante est son existence, sa vie » expliquait un chamane de l'Amazonie péruvienne (Luis Eduardo Luna, 1984) (15). Ce sont ces esprits que le chamane intègre lors de la consommation de la plante, et avec qui il entre en communication pour obtenir la connaissance. Il faut savoir que les plantes enseignantes de la tradition chamanique ne provoquent pas toutes des visions éveillées (autrement dit, elles ne sont pas toutes hallucinogènes à proprement parler). C'est notamment le cas des plantes purgatives et émétiques qui provoquent un « mal de mer aveugle » (Luna, 1984) et qui sont pourtant extrêmement importantes. En effet, dans beaucoup de cultures, particulièrement celles d'Amérique du Sud, la « purga » (purge) a une connotation particulière, elle est vécue comme une purification du corps et de l'esprit. Ce concept de purge purificatrice est appliqué aux prétendants à la fonction de chamane lors de leur apprentissage, et parfois, aux garçons devenant hommes lors de leur rite que. Et ce, toujours dans le but d'obtenir protection et pouvoir des esprits. « La manière la plus sûre pour ce faire, est, pour un jeune adolescent, de se purifier par le jeûne et les ablutions et en vomissant, jusqu'à ce que son corps soit parfaitement propre et acceptable pour servir de réceptacle aux entités surnaturelles. » (Franz Boas, 1910) (11) Il existe aussi les plantes psychoactives « qui n'enseignent que lors des rêves », c'est par exemple le cas de la pâte de tabac (13). 73 b) Pratique chamanique et plantes visionnaires L'enseignement prodigué par les Mères des plantes permet au chamane d'obtenir pour son exercice à la fois un savoir thérapeutique et un savoir plus global, plus universel, pour comprendre le monde et agir sur lui. Lors des cures, le chamane fait d'abord appel à elles pour connaitre la source du mal et poser le diagnostic. Ensuite, il cherche à obtenir d'elles comment soigner ce mal. En fonction du diagnostic, elles lui indiqueront donc quelles plantes médicinales utiliser et comment, où se cache le mal et comment l'extirper par succion, ou bien elles l'aideront à retrouver l'âme égarée du malade dans le monde-autre, et à la réinsuffler dans le corps du patient. Elles peuvent également lui dicter les chants sacrés et thérapeutiques qui seront récités tout au long de la cure afin de le libérer du mal surnaturel qui l'habite et ainsi le guérir. Ces « mélodies magiques » sont appelées icaros dans le chamanisme mestizo de l'Amazonie péruvienne (15). Généralement, le chamane n'est pas le seul à consommer la plante sacrée, celle-ci pouvant soigner directement le malade lors de son administration, par les visions qu'elle engendre et le pouvoir qu'elle détient. « C'est au cours de ses hallucinations que le payé peut diagnostiquer la maladie, connaître sa cause, discuter le traitement avec Vihó-mahsë [Maître du tabac à priser] et apprendre les formules correctes qu'il devra prononcer au-dessus du patient. Il arrive également que le patient absorbe, lui aussi, une substance hallucinogène, grâce à laquelle il peut décrire ses visions au payé, tandis que ce dernier est à la recherche d'indices concernant la cause et le traitement adéquat de la maladie. » (Gerardo ReichelDol , 1975) (15) Lors de séance divinatoire, elles lui offrent les visions qui lui permettront de trouver le gibier, d'entrer en contact avec les ancêtres, de prédire l'issue d'une guerre ou de répondre à toute autre demande de la communauté. Il faut savoir que la consommation des plantes sacrées s'entoure de nombreuses règles et interdits. Ils découlent d'un savoir empirique ancestral éprouvé à de nombreuses reprises par les chamanes dans leur pratique, et ont pour but de garantir la réussite de la séance ou de la cure chamanique. En particulier, leur prise nécessite certaines restrictions comportementales (abstinence sexuelle) et alimentaires. « Les visions provoquées par l'intoxication au jus de tabac sont naturellement très influencées par les récits mythiques de l'initiateur. Invariablement, le candidat se croit transporté au pays des esprits. » (Alfred Métraux, 1944) (16) Evidemment, le propre vécu du chamane sous l'emprise des plantes visionnaires vient alimenter et étayer ces mythes, puisqu'il est le seul véritable maître du sacré et du mythique au sein de sa communauté. Mais si le chamane a l'autorité reconnue sur les plantes hallucinogènes, il n'en a pas forcément l'exclusivité. Elles sont naturellement utilisées par les chamanes lors de l'initiation chamanique et dans le cadre de leur pratique quotidienne, mais elles sont également données à des « non spécialistes » en certaines circonstances, comme lors des rites de passage à l'âge adulte, des cures et durant certains rites collectifs. C'est par exemple le cas chez les Awajún du Pérou, où le tabac, l'Ayahuasca et la brugmensia peuvent être données au malade, dans un but curatif, ou à l'adolescent, dans un but didactique. Ainsi, ces plantes font partie « d'un moment d'appropriation culturelle, traditionnellement accréditée et intégrée dans la totalité de la sphère sociale » (Rossi, 1991) (22). Lorsque qu'elles sont employées pendant les fêtes engageant l'ensemble de la tribu, c'est dans le but de créer un lien fort et durable entre la communauté et ses croyances, entre les participants, et plus généralement entre le monde des Hommes et le monde naturel. Car comme le soulignent Baud et Ghasarian, le sacré des sociétés chamaniques de tradition orale est une expérience que chacun peut éprouver concrètement, contrairement aux religions qui puisent leurs cro ances dans les écrits, pour lesquels le sacré fait plus rarement l'objet de confrontation directe ou d'expérientiel (22). Au cours des siècles, l'évolution du rapport entre la société et les plantes hallucinogènes a suivi, à peu de chose près, celle liant le chamanisme à la société. Là où le chamanisme s'est vu écarté de la vie religieuse et politique du fait de la complexification des instances et de l'évolution des croyances, permises entre autre par la révolution néolithique, une attitude de rejet vis-à-vis des plantes de pouvoir s'est également développée. Dans la plupart des cas, la hiérarchisation des activités humaines n'autorise plus le vécu de l'expérience psychédélique par tout à chacun : elle devient incompatible avec l'autorité d'un pouvoir centralisé. Leur emploi se réduit dans certains cas, voire disparait complétement dans d'autres (17). « En constituant leur panoplie alimentaire, les hommes découvrirent les vertus des produits come stible s ( nutri tive, médi cinale), mais aussi la dimension magique de certains d'entre eux () il n'y a pas de raison de douter qu'il en fut de même pour des espèces toxiques intéressantes qui, une fois leur danger identifié, servirent à des fins spirituelles grâce à leurs propriétés hallucinogènes. » (Pierre Chavot, 2005) (31) Parmi ces plantes visionnaires, on peut citer :  Les cactées - Lophophora williamsi (Lemaire ex Salm-Dyck) J.M. Coult ou Peyotl Particulièrement important chez les Huichol d'Amérique centrale, il faisait également partie des plantes sacrées de la civilisation Aztèque. Le petit cactus est une des trois plantes qui seront abordées plus en détail dans la partie II. - Pachycereus pecten-aboriginum (Engelmann ex S. Watson) Britton & Rose ou Peigne des indiens Il sert à la préparation d'une boisson hallucinogène, le cawe ou chicowaka (qui signifie « folie ») chez les Tarahumaras du Mexique, mais aussi comme médecine traditionnelle sur les plaies et les ulcères. - Trichocereus pachanoi Britton & Rose = Echinopsis pachanoi Friedrich & Rowley ou cactus San Pedro Le San Pedro est utilisé comme hallucinogène sacré principalement dans les Andes péruviennes. En médecine traditionnelle, ce cactus est lié aux notions de puissance, de pouvoir et de force, qu' elles soient incarnées sous forme d'animaux (jaguar entre autre), de personnes ou d'êtres surnaturels. Il fait partie des hallucinogènes les plus anciens de l'Amérique du Sud, comme en témoignent des gravures retrouvées dans un temple au Pérou datant du XVIe siècle avant J.C. Il est appelé huachuma dans le nord Andes, achuma en Bolivie et San Pedro au Pérou. Ce dernier terme aurait comme influence celle du Christianisme, qui veut que ce soit Saint Pierre qui détienne les clefs du paradis. Les lieux où le cactus pousse sont considérés comme sacrés, et font l'objet de pèlerinage que suivent malades et chamanes. Les chamanes définissent quatre espèces suivant le nombre de côtes du cactus, celui à quatre côtes étant considéré comme le plus puissant : ces quatre côtes symbolisent en effet les « quatre vents ». Le San Pedro n'est pas utilisé uniquement pour ses propriétés thérapeutiques et divinatoires, il est aussi un gardien très important des cases, car il produit des sons « qui ne sont pas de ce monde » faisant fuir les personnes malintentionnées (32). Tous trois ont été particulièrement employés en Amérique centrale par les Chinantèques et les Mazatèques. Ils font partie du culte du Teonanácatl qui sera abordé plus en détail dans la deuxième partie de cette thèse. - Amanita muscaria (L. : Fr.) Lam., ou Amanite tue-mouches Elle fut surtout utilisée dans le pourtour Arctique chez les Koryaks russes et les Ojibwés d'Amérique du nord. Son emploi traditionnel sera abordé par la suite.  Les plantes - Tabernanthe iboga Baill. (Apocynaceae), l'Iboga L'arbuste iboga est particulièrement important chez les Fang et les Mitsogo africains. Sa racine est utilisée pour ses propriétés stimulante et hallucinogène à des fins magicoreligieuses dans le culte Bwiti pratiqué par les sociétés sécrètes de l'ouest de l'Afrique centrale (Gabon, Congo). Sa portée est principalement d'ordre initiatique. L'iboga permet en effet d' « ouvrir la tête », et autorise le contact avec les ancêtres. Dans la cosmologie de ces cultures, la plante est étroitement liée à la Mort. Elle est personnifiée en un être surnaturel, « ancêtre générique » de la communauté. Bwiti est en fait la divinité initiatrice que le jeune initié doit voir s'il veut pouvoir entrer dans le cercle. Et le seul moyen pour y parvenir est de prendre l'Iboga, le « pont vers les ancêtres », comme l'appellent Hofmann et Schultes (33). L'initiation a lieu lors de cérémonies très complexes alliant danses et consommation d'Iboga. Elles sont primordiales dans la vie sociale de la tribu. La racine magique engendre chez l'initié une syncope au cours de laquelle son « ombre » (âme) va rejoindre les ancêtres dans le ume des morts qui le conduiront alors devant les dieux. L'Iboga et le Bwiti se révèlent d'une importance culturelle capitale pour ces sociétés africaines en pleine mutation, subissant de plein fouet la pression du mode de vie occidental et des religions chrétienne et islamique. Ce culte s'impose comme le dernier rempart d'une identité ethnique menacée, qui tente tant bien que mal de préserver ses traditions. 77 - Nicotiana tabacum L., N. glauca Graham, N. rustica var rustica L. (Solanaceae), « Entre autre vices, les Indiens de cette île en avaient un particulièrement mauvais, qui consiste à avaler de la fumée qu'ils appellent tabaco, afin d'altérer leur raison » rapportait déjà le naturaliste espagnol Gonzalo de Oviedo en 1535, alors qu'il explorait Haïti et la république dominicaine. « Ils le consomment de la manière suivante : les caciques et les chefs avaient de petites cannes creuses [] de la largeur du doigt, et ces cannes comportaient deux tubes qui se rejoignaient. [] Et ils mettaient les deux tubes dans leurs narines et l'autre dans la fumée et les herbes qui brûlaient et se consumaient lentement [] et ils inhalaient l'émanation et la fumée, une, deux, trois fois ou davantage, autant de fois qu'ils pouvaient le supporter, jusqu'à ce qu'ils aient perdu la raison, se retrouvant couchés sur le sol, ivres, ou sous l'emprise d'un lourd et profond sommeil. () l'inhalation de cette herbe et de sa fumée représentait, à leurs yeux, non seulement une saine pratique, mais aussi une chose très sacrée. » (9) Le tabac est une plante sacrée incontournable et essentielle de la tradition chamanique américaine. Son emploi s'étend sur toute la surface du continent, du Canada jusqu'à la Terre de Feu (17) et prend racine en des temps anciens, bien avant la découverte du Nouveau monde par les Européens. Le tabac qui pousse à l'état sauvage aux Amériques est beaucoup plus chargé en nicotine que le tabac industriel, et ses effets psychoactifs ne sont en rien comparables à ceux des cigarettes édulcorés que l'on retrouve le commerce. Il pouvait être fumé en cigare ou au moyen d'une pipe, utilisé comme poudre à priser, ou bu sous forme de jus de tabac, particulièrement amer et émétique. A l'origine, il était toujours consommé dans un contexte magico-religieux. C'est une plante de pouvoir, que l'on fumait par exemple lors d'importante négociation pour sceller le pacte dont le gardien suprême serait l'Esprit du tabac : c'est le fameux « calumet de la paix » des amérindiens. Mais le tabac est surtout indissociable de la pratique du chamane, qu'il utilise quel que soit le type de rituel qu'il dirige, divinatoire, thérapeutique ou autre : « La croyance générale veut souvent que le pouvoir du chamane réside dans son souffle ou dans la fumée du tabac, qui matérialise sa respiration tout en y ajoutant l'efficacité du tabac. Le pouvoir purificateur et revigorant du souffle mêlé à la fumée du tabac joue un rôle considérable pour les traitements magiques et autres rituels de magie. » (Alfred Métraux, 1949) (16) Le jus de tabac fait également partie de l'initiation du novice, pour son action émétisante permettant de purifier le corps et l'âme du futur chamane, et pour son action psychoactive permettant de lui ouvrir les portes du monde-autre. Ses feuilles font régulièrement office d'offrandes aux esprits lors des négociations. « Le novice doit également s'habituer à boire du jus de tabac et à le vomir à l'occasion. Le tabac attire les esprits pendant les séances et aide celui du chamane à s'envoler. » (Alfred Métraux, 1944) (16) - Turbina corymbosa (L.) Raf. (Convolvulaceae), « Ololiuqui » « Il est remarquable d'observer la confiance que les indigènes accordent à cette graine. Ils la consultent comme un oracle pour apprendre certaines choses particulièrement celles que la pensée humaine ne peut pénétrer. Ils la consultent par l'intermédiaire de leurs faux docteurs, dont la profession est de boire de l'ololiuqui Si un docteur qui ne boit pas d'ololiuqui désire soigner un malade, il conseille à ce dernier d'en prendre lui-même. Il fixe ensuite le jour et l'heure où la boisson doit être ée et en explique les raisons au malade. » (34) L'Ololiuqui fait partie des hallucinogènes les plus importants du Mexique, à l'usage très ancien, mais reste surement l'un des moins connus. Il est formé à partir des graines d'une belle-de-nuit, une liane grimpante appelée coaxihuitl dans la langue Nahuatl des Aztèques, signifiant « plante-serpent ». Ces graines sont petites et rondes, ressemblant à la coriandre, d'où leur nom en Nahuatl qui signifie « chose ronde ». Les symptômes de l'ivresse provoquée par l'Ololiuqui ressemblent à ceux du Datura, sans toutefois en posséder la dangerosité, ce qui leur a d'ailleurs valu d'être confondus à une époque. Les effets de ces différentes espèces sont sensiblement les mêmes : l'expérience du Datura est particulièrement intense. Elle commence par un état de lassitude suivi par une période où se développent de véritables hallucinations que l'intoxiqué ne peut distinguer de la réalité. Elle se termine par un sommeil profond et une perte de connaissance. Le Datura est une plante particulièrement dangereuse, qui pour des doses excessives peut engendrer une folie irréversible, voire la mort (35). Elle se distingue en cela des autres hallucinogènes qui seront abordées en deuxième partie. - Banisteriopsis caapi (Spruce ex Grinseb.) Morton (Malpighiaceae), Ayahuasca, Psychotria viridis Ruíz & Pav. (Rubiaceae), Chacruna, Diplopterys cabrerana (Cuatrec.) B. Gates (Malpighiaceae), Yáji. Elles entrent toutes les trois dans la composition de la désormais célèbre boisson amazonienne, l'Ayahuasca. Elle sera détaillée dans la deuxième partie. La sauge des devins est utilisée par les Mazatèques mexicains de l'Etat d'Oaxaca où elle pousse naturellement dans les forêts tropicales. A l'origine, elle faisait partie des psychotropes les plus rares, alors qu'elle est maintenant cultivée un peu partout dans le monde par les amateurs. Elle est d'ailleurs cultivée par les Mazatèques pour leur consommation traditionnelle. Les chamanes mazatèques l'emploient en remplacement des champignons psychotropes, lorsque ceuxci viennent à manquer, car elle est jugée moins puissante que les Teonanácatl. Leurs cultes sont donc étroitement liés. Ils l'utilisent aussi bien pour les rituels divinatoires que curatifs. Ceux-ci se déroulent la nuit, dans l'obscurité et le silence le plus total, car le moindre bruit ou la moindre lumière peuvent venir perturber les visions. Après avoir encensé les feuilles de « pastora » avec le copal, le chamane les voue aux Dieux. Puis il roule en général treize paires de feuilles fraîches en une sorte de cigare, le priem, qu'il suce et mâche, sans en avaler le jus, car les principes actifs sont absorbés via la muqueuse buccale. Parfois, les feuilles séchées sont fumées (une à deux feuilles suffises alors). Ceux qui en consomment s'allongent ensuite pour vivre l'expérience hallucinogène particulière qu'elle produit (elle possède en effet son propre mécanisme pharmacologique pour produire ses effets). Les effets étant plus courts qu'avec les champignons hallucinogènes, les rites ne durent pas plus d'une à deux heures. La sauge des devins est aussi appelée « sau des Aztèques », car on la soupçonne d'être la plante hallucinogène sacrée que les Aztèques nommaient « Pipiltzintzintli », ce qui ferait remonter son usage à l'époque précolombienne (36). Citons encore à titre indicatif : - Erythroxylum coca Lam. var. coca (Erythroxylaceae), la coca, utilisée traditionnellement chez les populations de langue quechua et aymara. Anadenanthera peregrina (L.) Speg. (Fabaceae), le yopo des Waiká du bassin de l'Orénoque en Amérique du Sud. Virola spp. (Myristicaceae), l'épéna, poudre à priser hallucinogène employée notamment chez les Tucano amazoniens. Au Moyen-Age, on note en Europe l'utilisation de certaines solanacées dans des boissons et onguents lors de rituels magiques de sorcellerie. Toutes possèdent un long passé d'utilisation en tant qu'hallucinogènes et plantes magiques. Contrairement à d'autres plantes psychoactives d'usage chamanique, leur ivresse est le résultat d'une véritable intoxication pendant laquelle l'intoxiqué perd tout sens des réalités, puis sombre dans un profond sommeil peuplé de rêves. Les hallucinations ont lieu dans un état à la limite de la conscience et de la narcose. L'halluciné ne gardera pas un souvenir précis de cette expérience (37). - - - Hyoscyamus niger, H. album L., la jusquiame dont il existe plusieurs variétés. La noire était réputée être la plus puissante, puisqu'elle pouvait engendrer la folie. Elle était déjà employée durant la Grèce antique pour simuler la folie et à des fins divinatoires. La jusquiame noire et la jusquiame blanche auraient également été ajoutées aux boissons magiques de la Rome antique. Un papyrus datant de 1500 avant J.C. relatait déjà les connaissances des Egyptiens concernant cette plante magique et ses pouvoirs. Mandragora officinarum L., la mandragore, plante magique des sorcières par excellence, a la particularité de posséder une racine anthropomorphe et un fort pouvoir narcotique. La croyance voulait qu'elle poussa des cris effroyables lorsqu'on la déracinait sans précaution, pouvant rendre fou celui qui la ramassait. C'est pourquoi pendant longtemps sa récolte fut entourée de pratiques curieuses, incluant des pas de danse très précis et la récitation de formules spéciales. Certaines de ces superstitions, faisant partie du folklore européen, perdurèrent jusqu'au XIX ème siècle. At belladona L., la belladone, utilisée en Europe et au Proche-Orient, a joué un rôle primordial dans la mythologie de nombreux peuples européens. Elle faisait partie des ingrédients des breuvages que les sorcières consommaient lors des fêtes nocturnes appelées Sabbats. Cette liste de plantes employées par les cultures chamaniques est loin d'être exhaustive tant elles sont nombreuses. Certaines n'ont même jamais été identifiées botaniquement et restent de véritables mystères. Les plantes psychoactives représentent un moyen sans faille pour le chamane de favoriser l'ouverture au monde-autre à travers la transe qu'elles produisent. Leur consommation symbolise une union intime avec la nature, qui s'inscrit dans une volonté de communion et de respect. « Les dieux ont fait cadeau aux hommes d'une plante qui leur permet de connaître la séparation du corps et de l'âme dans l'extase et ce d'une manière délicate, simple et presque instantanée. Cette extase constitue la préparation au vol sacré qui permet à l'homme de réconcilier son existence mortelle et les forces surnaturelles. » (Hofmann et Schultes, 2000) (32) 81 e) L'amanite tue-mouches Il est un hallucinogène en particulier qui ne peut être évité lorsque l'on parle de chamanisme, il s'agit du champignon légendaire et mystérieux Amanita Muscaria (Agaricaceae), plus connu sous le nom d'Amanite tuemouches. Célèbre par son chapeau enchanteur rouge tacheté de blanc, l'Amanite tuemouches est aussi l'un des rares hallucinogènes employés dans le chamanisme sibérien, si ce n'est le seul.  L'amanite et la Sibérie Figure 2 : Amanite tue-mouches C'est en 1658 que l'on retrouve le premier témoignage de l'emploi traditionnel de l'amanite pour ses propriétés magiques. Prisonnier de guerre en Sibérie occidentale, le polonais Adam Kamienski Dluzyk observa que « certains indigènes mangeaient régulièrement ce champignon et devenaient plus ivres que s'ils avaient bu de la vodka. Pour eux il 'agit du meilleur des banquets. » (21,38) Puis, en 1730, alors qu'il participait à une expédition sur la presqu'île du Kamtchatka, le colonel suédois Filip Johan von Strahlenberg (1676-1747) rapporta l'utilisation collective de l'Amanite tue-mouches chez les Koryaks : « Lors des festivités, ils versent de l'eau sur ces champignons et les cuisent. Ils boivent ensuite le liquide pour s'enivrer. Les plus pauvres qui ne peuvent s'offrir ce champignon, s'amassent autour des huttes des riches. Lorsque ces derniers sortent pour uriner, les pauvres tendent un bol en bois et boivent avec avidité cette urine dans laquelle se trouve encore la force du champignon car il serait dommage qu'un liquide si puissant tombe en vain sur le sol. » (38) Avant l'arrivée de l'alcool, ce champignon constituait en effet la seule manière pour ces peuples de goûter à l'ivresse. Mais ce champignon magique n'était pas seulement utilisé pour l'ivresse lors de fêtes, il était aussi vénéré pour ses pouvoirs extraordinaires. Ceux-ci découlaient de son origine divine, comme nous l'expliquent les mythes de ces peuples. La mythologie Koryak raconte ainsi que Grand-corbeau, le héros culturel, ne parvenait pas à remettre une baleine qu'il avait capturée à la mer. C'est alors que le dieu Vahiyinin, dieu de l'Existence, lui commanda de consommer des esprits wapaq afin d'obtenir la force qui lui manquait. Le dieu Vahiyinin cracha sur la terre faisant apparaitre de petites plantes blanches, incarnations des esprits wapaq. Grand corbeau les mangea et devint très fort. Puis il supplia « Ô wapaq, poussez à tout jamais sur la Terre ». Il ordonna dès lors à son peuple de s'imprégner des enseignements des wapaq. Ainsi, ces esprits wapaq, qui ne sont autre que les Amanites tue-mouches, représentent dans leur légende un cadeau du Dieu de l'Existence (40). Vladimir Ilitch Jochelson, exilé en Sibérie, releva également l'usage de l'Amanite tue-mouches chez les Koryaks, et montra de plus qu'elle constituait une aide précieuse à la performance de leur chamane, mettant en avant ses propriétés désinhibitrices : « Avant leurs séances, de nombreux chamanes consomment des amanites tue-mouches pour pouvoir entrer en transe. Il m'est arrivé de demander à un Koryak-Renne, lequel était réputé être un excellent chanteur, de se produire devant le phonographe. Il essaya à de nombreuses reprises, sans succès, s'intimidant visiblement de la présence invisible de l'enregistreur ; cependant une fois qu'il eut mangé deux champignons, il se mit à chanter à tue-tête, en gesticulant de ses mains. Il me fallut le soutenir, de peur qu'il ne tombe sur la machine. Lorsque le cylindre toucha à sa fin, je dus littéralement l'arracher de l'écouteur, au-dessus duquel il était resté penché pendant longtemps, ne voulant plus mettre un terme à ses chants. » (Jochelson, 1908) (11) Les effets de l'Amanite tue-mouches sont multiples. Son emprise engendre en effet le chant, mais aussi des délires, des spasmes musculaires et des mouvements incontrôlés. Naissent également des modifications sensorielles importantes allant jusqu'à des hallucinations visuelles ou auditives survenant en état de pleine conscience, et qui sont à l'origine du contact surnaturel vécu par le chamane. Les modifications de la vie émotionnelle sont caractérisées par des périodes d'intense joie de vivre et d'hilarité, alternant avec des périodes de profonde dépression ou de colère. Le renne, animal gibier de la plus haute importance pour ces peuples de chasseurs, est lui aussi un très grand amateur d'amanite tue-mouches. Elles provoquent chez le cervidé une ivresse comparable à celle de l'humain : « les rennes sont souvent « défoncés » à l'amanite tue-mouches, n'importe quel éleveur de rennes vous le dira » disait l'ethnomycologue Wasson (41). Le lien entre amanite et bouleau provient quant à lui de deux faits : l'un botanique, puisque l'amanite et le bouleau s'associent de manière symbiotique pour former des mycorhizes (symbiose racinechampignon) ; et l'autre, mythique : dans la pensée chamanique, l'arbre, et plus particulièrement le bouleau, symbolise l'axe vertical reliant les deux mondes, celui des cieux et celui souterrain, tout en passant par celui des Hommes, la terre. La notion d'axe central entre les mondes est importante dans le chamanisme, puisqu'il est parfois emprunté par le chamane pour voyager d'un monde à l'autre, tout comme l'amanite. L'arbre est aussi symbole de longévité et de sagesse, notions que l'on retrouve d'ailleurs dans beaucoup de religions, même monothéistes (31). Ils sont les gardiens de l'Univers. Pour toutes ces raisons, le bouleau est l'« arbre des chamanes » par excellence et est intimement lié au culte chamanique de l'Amanite tue-mouches.  Un champ ignon voyageur L'emploi du champignon rouge tacheté ne se limita pas seulement au Vieux continent. En effet, l'Amanite tue-mouches a aussi été utilisée dans certaines ethnies amérindiennes à chamane-guérisseur, avec des pratiques très similaires aux traditions eurasiennes. Il est très probable qu'elles se soient transmises avec le peuplement des Amériques par les tribus d'Eurasie via le détroit de Béring, qui reliait il y a près de 15 000 ans le Nouveau Monde à l'Ancien (28). Les Ojibwés du Nord de l'Amérique (Michigan), par exemple, utilisent le champignon des cieux lors d'une cérémonie annuelle aux origines ancestrales. Ils nomment l'hallucino sacré Oshtimisk wajashkwedo, le « champignon au sommet rouge ». Cette cérémonie, appelée Midewiwin, réunit les Mide (« mystiques »), les femmes et hommes chamans, spécialistes spirituels et thérapeutes des Ojibwés. Cette sorte de « congrès de médecine » pour chamanes est un facteur déterminant de cohésion sociale entre les tribus. Tout comme chez les Koryaks, on retrouve l'Amanite tue-mouches dans les mythes Ojibwés en tant que source de guérison et de bonheur, et comme chemin vers les esprits. Là encore, le fait que l'urine détienne son pouvoir la transforme en un élixir sacré, un don des esprits Miskwedo pour obtenir la connaissance (28). On a également retrouvé des traces de l'utilisation de l'Amanite tue-mouches chez les Athabaskans Dogrib du nord-ouest canadien, où elle est considérée comme un sacrement chamanique. De nombreux traits culturels dénotant l'origine asiatique millénaire des amérindiens sont d'ailleurs présents dans ces différentes tribus (40). Pour certains, le culte de l'Amanite tue-mouches trouverait son origine dans l'Inde antique. Le Soma, énigme ethnobotanique à ce jour toujours irrésolue, compte parmi ses hypothétiques identités celle de l'Amanite tue-mouches. C'est en tout cas la thèse défendue par Roger Gordon Wasson et sa femme (41). Le Soma (« jus » en sanscrit, symbolise la vie) est à la fois une plante sacrée et la boisson préparée à partir de celle-ci, que les Aryens consommaient lors de leurs rites et de leurs fêtes. Dans leur croyance, le Soma était élevé au rang de divinité. Soma désigne en effet un Dieu lié à la Lune. Dans le Rigveda, collection d'hymnes sacrés de l'Inde antique écrits en sanskrit védique, qui constitue un des quatre textes sacrés canoniques de l'Hindouisme (appelés Védas), cent vingt-quatre hymnes lui sont entièrement dédiés. Dans les védas, on y fait référence en des termes élogieux et poétiques, ce qui montre l'importance qu'il avait pour ce peuple : « Parjana, Dieu du tonnerre, était le père de Soma » ; « Père des Dieux, géniteur de la force mouvante, soutien du ciel, fondation de la terre. » (40) Malgré son importance, ce culte fut réprimé au contact des autres civilisations, et comme aucune description de la plante déifiée ne fut faite, elle tomba dans l'oubli. Cependant, quelques indices quant à l'identité sécrète du Soma se retrouvent dans Rigveda. Les Wasson se basèrent donc sur une étude poussée de ces textes pour appuyer leur théorie, et notamment sur ce troublant parallèle entre l'utilisation rituelle de l'amanite tue-mouches des sociétés chamaniques qui implique la consommation 'urine, et le rite dédié au Soma. Dans le Rigveda, on apprend en effet que les seigneurs et les prêtres personnifiant les divinités de l'ordre cosmique, Varuna et Mitra (intimement liées au Soma), urinaient du Soma après l'avoir bu dans du lait (tout comme l'Amanite était bue dans du lait de renne). Ainsi, dans les poèmes védiques, l'urine est interprétée métaphoriquement comme la pluie, « urine des nuages » qui fertiliserait la terre. Le Soma y est de plus décrit comme un taureau rouge revêtu d'une robe de mouton, couleur de flamme et des rayons du soleil, brillant le jour, blanc argenté la nuit. Il faut savoir que la nuit, seuls les résidus blancs du voile du champignon magique reflètent la lumière émanant de la Lune, le rouge devenant trop sombre pour être aperçu. La plante (Amshu) qui pousse dans les plus hautes montagnes est pareille à une mamelle (udhan) produisant un lait divin (pâvamana). Enfin, la description ne fait aucune référence à d'éventuelles feuilles ni fleurs, seulement un pied. Tous ces indices semblent effectivement évoquer le champignon enchanteur. Si cette hypothèse est un jour confirmée, cela ferait de l'Amanite tue-mouches l'hallucinogène sacré le plus ancien, mais aussi le plus largement employé de l'Histoire de l'humanité.  L'amanite tue-mouches, un champignon mystique et mythique Si son passé reste énigmatique, une chose est en revanche certaine : son importance dans les mythes et traditions des peuples Indo-européens se retrouve jusque dans notre culture actuelle. Lorsqu'ils arrivèrent en Europe, les peuples eurasiens apportèrent en effet avec eux une partie de leurs coutumes. Mais devant la toute-puissance du dieu unique et de ses fervents défenseurs, ces pratiques traditionnelles devinrent vite secrètes et marginales. Les druides, les sorcières et leurs cultes pourraient bien en être les derniers vestiges, puisque l'on retrouve dans certaines de leurs croyances des caractéristiques du chamanisme indo-européen, comme l'interprétation surnaturelle des évènements, la consommation de végétaux psychotropes, et une relation intime avec la Nature et les esprits qui la peuplent. Quand on sait par exemple que durant le Moyen-Age, 50 000 femmes furent brûlées vives pour avoir pratiqué la sorcellerie (dont seulement une centaine avaient réellement été condamnées par la sainte Inquisition), on peut se faire une idée de l'aversion et de la peur que ces pratiques provoquaient dans ces pays baignés d'obscurantisme religieux. Les champignons, d'ailleurs, porteraient-ils pas encore la marque de cette association à la fois magique et diabolique? Le bolet de Satan, le bâton jaune des fées, la selle de Dryade et les trompettes de la mort semblent aller en ce sens. Wasson qualifia d'ailleurs la relation quelque peu compliquée de certains peuples avec le règne des champignons de « mycophobie » (41). 85 Toutefois, ces pratiques magico-religieuses influencèrent les cultures les plus réfractaires jusque dans leur inconscient collectif. Le monde artistique contemporain en témoigne : Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, dont le récit recèle de références à des pratiques initiatiques, fait également allusion aux pouvoirs psychotropes de l'amanite tue-mouches. La pomme rouge, synonyme de malheur dans l'Allemagne du Moyen-Age, viendrait également de la crainte des effets du champignon rouge. Les frères Grimms offrent également cette métaphore plus que parlante : Blanche Neige en goûte un bout et tombe dans un profond sommeil comateux, provoquant le malheur des nains à bonnet rouge (42). Si on porte notre attention sur la fête la plus importante de l'année, Noël, dont l'origine païenne ne fait l'objet d'aucun débat, on retrouve également la présence de l'Amanite tue-mouches. Elle orne la fameuse bûche traditionnelle, aux côtés des lutins et des sapins. A cette période, elle pousse un peu partout, sur les cartes postales, dans les vitrines de commerce, et même dans les pharmacies. Elle décore aussi le sapin de Noël, axe cosmique au sein des maisons, qui n'est pas sans évoquer l'importance qu'avaient les arbres de la taïga dans la tradition chamanique sibérienne. Certains poussent même la métaphore encore plus loin. Jonathan Ott, l'ethnobotaniste spécialiste des hallucinogènes, voit dans l'idée du Père Noël amené par des rennes volants, qui descend par la cheminée, une analogie avec le « vol céleste » du double spirituel du chamane, lors de sa transe extatique. Pour certains peuples à chamane de Sibérie, l'âme du chamane s'envolait effectivement par la fumée s'échappant des Yourtes pour aller mener à bien ses affaires dans le monde-autre, avec sa partenaire-esprit du gibier, le renne. Il ajoute que la tenue du Père-Noël, rouge et blanche, rappelle la robe peu commune de l'Amanite. Il va sans dire que tous les auteurs ne partagent pas cette idée, qui semble en effet légèrement motivée par les propres croyances de l'auteur. Mais alors, que dire de cette comptine de Noël chantée par les enfants allemands, qui paraît que suspecte : « Un petit bonhomme, se tient dans la forêt, Très silencieux et muet, Revêtu de pourpre, Pour tout manteau, Dis-moi qui est ce petit bonhomme, Qui se tient là, debout sur une jambe, Champignon de joie! Champignon tue-mouche! » (42) On ne saura probablement jamais réellement à quelle hauteur le culte chamanique de l'Amanite tuemouches a influencé nos propres traditions, tant il a été objet de crainte et de multiples tabous au fil du temps. L'amanite semble pourtant se trouver au carrefour de différentes cultures, où se croisent traditions sibériennes, amérindiennes, et aryennes, se retrouvant même jusque dans les coutumes païennes des anciens peuples européens. Conclusion « [Le chamane est] une personne dotée d'un don particulier, étant tout à la fois voyageur cosmique, guérisseur, maître des esprits, psychopompe et oracle. Ces différents pouvoirs, néanmoins, s'articulent autour d'une faculté principale : la transe. C'est en altérant sa conscience à volonté qu'il est capable de communiquer directement avec les habitants du monde surnaturel. » (Carmen Blacker, 1975) (15) Le chamane incarne les vestiges d'une humanité passée, et pourtant, demeure un sujet d'actualité des plus pertinents. Sa quête de savoir, bien que se basant sur des principes farfelus aux yeux de l'homme moderne, n'est pas si éloignée de celle qui anime le chercheur scientifique. Il élabore des théories mystiques afin d'expliquer des phénomènes directement observables dans la réalité profane, et éprouvés par les siens. L'efficacité pragmatique dont il fait preuve, malgré sa consonance magique, lui a souvent valu le respect de ses paires et la fascination de ses observateurs. Enigme anthropologique incontestée, ce personnage curieux porte en lui les multiples facettes de l'humanité, et sollicite son désir immuable de comprendre le mystérieux, et de contrôler l'incontrôlable. L'étude du système de pensée dans lequel il s'inscrit a souvent reflété la difficulté éprouvée par l'occidental lorsqu'il se retrouve dans cette zone de non-confort intellectuel, celle qui renferme les phénomènes qu'il ne peut ou ne sait encore expliquer, et qui est, a contrario, le véritable « terrain de jeu » du chamane. Source d'un savoir traditionnel et millénaire touchant à l'essence profonde de notre conscience et du pouvoir de l'imagerie mentale, il est un botaniste hors pair, expliquant de facto l'intérêt récent que lui accordent les domaines de l'ethnobotanique et de l'ethnopharmacologie. Ce qui nous intéresse tout particulièrement dans ce travail de thèse relève plus spécifiquement de la relation privilégiée qu'il entretient avec les « plantes de savoir », et de la maîtrise qu'il tire de l'expérience visionnaire qu'elles sont à même de produire. Maître confirmé dans l'art de la transe, il est celui qui fait vivre le culte entourant les hallucinogènes et leur source végétale, comme nous allons le voir plus en détail par la suite. « Certains observateurs ont suggéré que nous assistons à la fin du chamanisme selon sa définition classique. Mais la rencontre entre chamanes et scientifiques ressemble plus à un commencement. Les substances hallucinogènes présentes dans la nature ont joué un rôle important si ce n'est déterminant dans le développement de la pensée philosophique et religieuse des cultures les plus anciennes. Certains pensent en effet qu'elles ont catalysé le développement spirituel et théologique de l'humanité. Si l'on suppose que la neurochimie de nos ancêtres préhistoriques était comparable à la nôtre, l'expérience extraordinaire engendrée par la prise d'hallucinogènes (champignons, cactus ou autres) fut bien au-delà de tout ce qu'ils pouvaient vivre, ressentir mais aussi exprimer quotidiennement en ces temps reculés. Cela a ainsi pu faire naître chez eux de nombreux questionnements à l'origine de la pensée divine. C'est pourquoi, dans les croyances des civilisations qui les employaient, les plantes possédant de tels pouvoirs abritaient des forces spirituelles surnaturelles, parfois de véritables divinités. Elles étaient considérées comme sacrées et reliées aux origines du Monde. Ces sociétés chamaniques ont même bâti de véritables cultes en leur nom. Les molécules qu'elles renferment en leur sein forment une classe pharmacologique sans pareil, dont les spécificités multiples commencent à peine à être appréhender par la science moderne, tant elles sont complexes et profondément rattachées aux valeurs humaines. Dans cette partie, qui traite spécifiquement des molécules hallucinogènes et de leurs sources naturelles, nous commencerons d'abord par définir ce que représente cette classe de substances, en particulier sur les plans sémantique, pharmacologique et législatif. Puis nous étudierons plus en détail leurs propriétés ainsi que leur lien étroit avec l'Humanité à travers trois exemples de cultes chamaniques : celui du cactus mexicain Peyotl, des champignon mexicains à psilocybine, et enfin, et pas des moindres, de l'Ayahuasca amazonienne. B - Généralités sur les Hallucinogènes classiques 1) Classification pharmacologique des substances et plantes psychotropes a) Classification générale des substances psychotropes Les hallucinogènes font avant tout partie des substances psychotropes, aussi appelées psychoactives, c'est-à-dire des substances qui agissent en modifiant l'activité cérébrale. Il existe différentes manières d'altérer le fonctionnement du système nerveux central (SNC). Ces différentes modalités d'action donnent lieu à la classification pharmacologique des agents psychotropes.  La classification « romantique » de LE WIN Le célèbre toxicologue berlinois Louis Lewin (1850-1929) proposa une classification initiale de ce qu'il appelait les « modificateurs de l'activité psychique » dans son livre Phantastica de 1924, considéré comme la première encyclopédie des drogues jamais publiée en occident (43). En se basant sur les effets qu'ils produisaient chez l'Homme, il les regroupa en cinq catégories :      Les « Euphorica », qui calment l'activité psychique (émotivité et perception) en mettant le sujet dans un état agréable de bien-être physique et psychique avec libération des états affectifs. Exemples : l'opium et ses dérivés, la coca et la cocaïne. Les « Phantastica », qui « donnent lieu à une excitation cérébrale évidente, qui se manifeste aussi sous la forme de déformation des sensations, d'hallucinations, d'illusions et de visions ». Exemples : le peyotl (Lophophora williamsii) avec la mescaline, le chanvre indien (Cannabis indica), les solanacées à alcaloïdes (datura, belladone, jusquiame), Banisteria caapi (composant de l'Ayahuasca). Les « Inebriantia », les substances enivrantes qui donnent lieu à une excitation puis à une pression cérébrale. Exemples : alcool, éther, chloroforme. Les « Hypnotica », les agents du sommeil. Exemple : kawa-kawa, chloral, sulfonal, barbituriques. Les « Excitantia », les stimulants psychiques ne provoquant pas d'altération de la conscience. Exemples : plantes à caféine, tabac, khat, cacao.  La classification de DELAY et DENIKER Mais en 1957, du fait de l'apparition de nouvelles substances psychotropes, du développement des connaissances et du besoin d'une définition plus affinée de ces termes par le milieu médical, le neuropsychiatre français Jean Delay et son assistant Pierre Deniker proposèrent une nouvelle classification de ces substances en fonction de leur activité sur le système nerveux central (44,45) :  Les Psycholeptiques ou sédatifs psychiques, qui ralentissent l'activité du SNC. Ils rassemblent : - Les Hypnotiques qui dépriment la vigilance (Nooleptiques). Exemples : barbituriques (moins utilisés de nos jours). - Les Neuroleptiques qui réduisent les syndromes délirants et maniaques. Exemples : phénothiazines, butyrophénone, réserpine. - Les Tranquillisants mineurs et sédatifs classiques qui apaisent l'anxiété et l'émotivité. Exemples : benzodiazépines, carbamates. - Les Régulateurs de l'humeur (Normothymiques ou Thymorégulateurs) qui normalisent l'humeur. Exemple : sels de lithium. - Les Antiépileptiques qui réduisent l'hyperactivité cérébrale. Exemples : hydantoïnes. 90  Les Psychoanaleptiques ou excitants psychiques, qui stimulent l'activité du SNC. On distingue : - Les Stimulants de la vigilance (Nooanaleptiques). Exemple : les amphétamines. - Les Stimulants de l'humeur (Thymoanaleptiques) ou Antidépresseurs. Exemple : IMAO, tricycliques. - Autres Stimulants : les Excitantia de Lewin. Exemple : café, khat.  Les Psychodysleptiques ou perturbateurs psychiques qui perturbent l'activité mentale. Ils contiennent : - Les Hallucinogènes ou Onirogènes : les tastica de Lewin qui produisent des états oniroïdes et des phénomènes de dépersonnalisation. Exemples : mescaline, LSD, psilocybine. - Les Délirogènes : ditranil, 7360 RP. - Les Stupéfiants : les Euphorica de Lewin. Exemple : morphine, héroïne, opium. - L'Alcool et dérivés : les Inebriantia de Lewin provoquant des états d'ivresse. Exemple : éther, autres solvants, colles. C'est cette classification des agents psychotropes, plus ou moins modernisée, qui demeure la plus généralement acceptée et utilisée, même dans les pays anglo-saxons.  Classification pharmacologique des Hallucinogènes Les hallucinogènes font donc partie des Psychodysleptiques. Ces psychodysleptiques forment une famille très hétérogène de substances naturelles ou de synthèse, se différenciant tant d'un point de vue chimique que pharmacologique. Au sein même des hallucinogènes, à prendre au sens large du terme, une classification peut également être faite en fonction de leur effet clinique majeur (46) :     Les hallucinogènes psychédéliques qui donnent lieu à des états particuliers de la conscience et qui seront l'objet de cette thèse. Exemples : LSD, mescaline, psilocybine. Les hallucinogènes dissociatifs qui « déconnectent l'esprit du corps », pouvant donner lieu à des expériences de sortie du corps ou de mort imminente à haute dose. Exemple : kétamine. Les hallucinogènes entactogènes qui facilitent la recherche relation, de contact avec l'autre. Exemple : MDMA (ecstasy). Les hallucinogènes confusogènes (ou délirogènes) dont les effets sont le résultat d'une intoxication suraiguë (surdosage) entrainant une confusion mentale à l'origine des phénomènes hallucinatoires. Exemple : les Solanacées à alcaloïdes tropaniques (datura, jusquiame, etc.). b) Classification des plantes psychotropes Christian Rätsch, anthropologue et ethnopharmacologue de renommée mondiale, spécialisé dans l'emploi chamanique des plantes à des fins spirituelles et thérapeutiques, nous offre une classification des psychotropes d'origine naturelle et de leurs sources végétales dans son monumental ouvrage The encyclopedia of psychoactives plants ethnophamacology and its applications) rapportée ci-après. Les plantes hallucinogènes font parties des plantes psychoactives qu'il définit comme étant « les plantes ingérées dans le but d'affecter l'esprit ou d'altérer l'état de conscience », et ce, sous la forme d'une préparation plus ou moins complexe (5). Il donne une classification légèrement différente de celle des pharmacologues :    Les Stimulantes : éveillent, stimulent l'esprit et favorisent les initiatives, causant parfois de l'euphorie sans aucune modification des perceptions comme le café, la coca ou le khat. Les Sédatives, hypnotiques, narcotiques : calment, induisent le sommeil, diminuent l'anxiété, anesthésient, et peuvent parfois induire des changements perceptuels. Elles sont souvent associées à des sentiments de douce euphorie, comme avec le pavot dont est extrait l'opium, la valériane ou le houblon. Les Hallucinogènes : produisent des altérations marquées dans les sensations, les perceptions notamment d'espace et de temps, et dans l'état émotionnel. Cela concerne de nombreuses plantes traitées dans son encyclopédie, puisque d'un emploi chamanique prépondérant. Toutes ces plantes sont connues et utilisées pour leurs vertus depuis la nuit des temps par les peuples dits « primitifs », tant pour leurs propriétés thérapeutiques que modificatrices de conscience. 2) Définition de la classe des Hallucinogènes classiques a) Les hallucinogènes, une définition d'abord clinique Quand on parle d' « hallucinogènes », on parle avant tout de molécules capables d'induire chez la personne qui en consomme des hallucinations, quelles qu'en soient l'origine et la nature. De nombreux agents sont susceptibles d'altérer l'état de conscience et sont donc parfois désignés sous l'appellation d' « hallucinogènes ». C'est un terme que l'on peut aisément qualifier de « fourre-tout » (48), qui se base sur un effet clinique certes parfois spectaculaire, mais sans toutefois tenir compte du mécanisme qui l'a engendré. Définir ces « hallucinogènes au sens large » en tant que classe de molécules n'est donc pas un exercice facile du fait de leur grande hétérogénéité, que ce soit au niveau de leur structure chimique, de leur mécanisme d'action ou de leurs effets neuropharmacologiques et psychologiques. Car la capacité à induire des hallucinations et/ou des états de conscience modifiée n'est en rien spécifique des substances hallucinogènes et ne peut suffire à les définir. D'une manière globale, sont regroupés sous le terme d' « hallucinogènes » (48,49) :       Les agonistes cannabinoïdes comme le Δ9-tétrahydrocannabinol (ou THC), principe actif de Cannabis sativa. Les anticholinergiques (antagonistes des récepteurs muscariniques à l'acétylcholine) comme la scopolamine, l'atropine et la hyosciamine présentes chez le datura, la mandragore ou la belladone (Solanaceae). Les agonistes des récepteurs opiacés κ, comme la Salvinorine A principe actif de la Salvia (Salvia divinorum). Les antagonistes des ré eurs ionotropes NMDA (N-methyl-D-aspartate) du glutamate, comme la phencyclidine (PCP) et la kétamine. Ceux dont le mécanisme résulte de la libération de catécholamines (noradrénaline, sérotonine, dopamine) qui sont aussi psychostimulants, comme la MDMA (3,4-méthylènedioxymétamphétamine) ou ecstasy. Et enfin les agonistes des récepteurs à la sérotonine 5HT2A aussi appelés « hallucinogènes classiques », comme le LSD, la psilocybine (contenue dans les champignons du genre Psilocybe notamment) et la mescaline (Lophophora williamsii). Dans cette thèse, nous nous concentrerons sur cette dernière classe de molécules, à savoir les hallucinogènes classiques, car, comme nous le verrons par la suite, les plantes dont ils sont issus sont au coeur de véritables cultes dans les sociétés chamaniques qui les emploient. De plus, ces substances sont actuellement étudiées pour leurs propriétés thérapeutiques prometteuses, ce qui sera abordé dans la partie sur la médecine psychédélique. b) Définition des hallucinogènes dits « classiques » D'un point de vue clinique, on entend par « hallucinogènes classiques » les substances psychoactives d'origine naturelle (végétale ou animale) ou semi-synthétique capables d'altérer puissamment la perception (visuelle, auditive, olfactive, gustative et tactile), la pensée et l'humeur, ainsi qu'une multitude de processus cognitifs, sans provoquer de détérioration mnésique ou intellectuelle, ni de delirium. Leur consommation engendre des changements au niveau physique, émotionnel, mental et spirituel mais n'entraine ni accoutumance, ni dépendance. Les hallucinogènes classiques sont d'ailleurs considérés comme physiologiquement sûrs (48,50,51). Il est important de préciser que pour de telles substances, les phénomènes hallucinatoires attendus surviennent à des doses non toxiques, c'est-à-dire qu'ils ne sont ni annonciateurs ni symptomatiques d'un état de déséquilibre physiologique global, provoqué par une intoxication suraiguë ou par le sevrage d'une utilisation chronique. Cette définition exclut notamment les anticholinergiques (datura, belladone, mandragore) et les psychostimulants type MDMA. D'un point de vue pharmacologique, lorsque l'on parle d'hallucinogènes classiques, on fait référence aux substances dont la psychopharmacologie ressemble à celle des dérivés naturels caline, diméthyltryptamine (DMT) et psilocybine, et à celle du dérivé hémi-synthétique LSD. Plus précisément, on fait référence aux substances qui exercent leurs effets sur le système nerveux central via une action agoniste (ou une action agoniste partielle) au niveau des récepteurs sérotoninergiques 5HT2 (en particulier sur le sous-type 5HT2A). C'est pourquoi ils sont aussi appelés « hallucinogènes sérotoninergiques ». Leur mécanisme d'action sera détaillé par la suite (51–54). Cela se traduit au niveau expérimental par leur capacité à provoquer chez l'animal la même réponse lors de l'épreuve de discrimination de drogue : dans le paradigme de discrimination de drogue, les animaux sont entrainés à produire une réponse comportementale particulière quand on leur administre un agent hallucinogène, et une réponse comportementale différente quand on leur administre un agent neutre, son véhicule (solution saline la plupart du temps). Les agents hallucinogènes utilisés comme drogue d'entrainement sont le LSD, la mescaline, la 5 MeO-DMT et surtout l'amphétamine hallucinogène DOM. 93 c) Terminologie des hallucinogènes classiques De la subtilité à définir cette classe de molécules nait la difficulté à la nommer. Car la complexité et la multiplicité de leurs effets sur l'esprit ne peuvent être que partiellement transcrits. Nombreux sont ceux d'ailleurs qui, ayant été confrontés à leur pouvoir, soulignent la pauvreté de notre vocabulaire concernant cette expérience unique. Différentes appellations leur ont donc été attribuées, en fonction des époques, des découvertes, mais aussi et surtout en fonction des auteurs et de leur point de vue sur l'expérience qu'elles engendrent. Ainsi, ces dénominations sont bien souvent le reflet de la subjectivité de celui qui les nomme. Dans les sociétés qui emploient de manière traditionnelle les végétaux dont elles sont extraites, leur dénomination revêt un caractère sacré, parfois même affectif, et toujours marqué d'un profond respect vis-à-vis de leur pouvoir hors du commun. Comme nous le verrons par la suite, ces végétaux font partie intégrante de leur mythologie, de leur croyance et de leurs rituels. Dans les sociétés qui les ont étudiées par la suite, il en est tout autre chose. Loin du vocabulaire quasireligieux des sociétés chamaniques, les chercheurs occidentaux ont d'abord focalisé leur terminologie sur le côté pathologique de l'expérience hallucinogène. Peut-être comme le reflet d'une peur culturelle de franchir les limites confortables et rassurantes de l'ordinaire et de la « normalité »? Ainsi, les hallucinogènes classiques ont été qualifiés de :   Psycho(to)mimétiques : « qui miment la psychose ». Ce terme fut créé à la suite de la découverte fortuite des effets psychologiques du LSD-25 en 1943. Les scientifiques de l'époque et plus particulièrement les psychiatres virent dans l'expérience psychédélique le moyen d'expliquer des états mentaux pathologiques (en particulier la schizophrénie) et transformèrent ces substances en outils d'étude. C'est dans le même esprit que furent employés les termes « psycho(to)gènes » (qui génère la psychose) « schizogène » (qui génère la rupture). Ces termes sont maintenant abandonnés car loin de la réalité. L'état induit par les hallucinogènes classiques présentes des différences majeures avec la psychose, ou plus précisément comme le dit le psychiatre Olivier Chambon « l'important ne se situe pas dans la particularité de l'état de conscience, mais dans l'attitude du sujet qui s'y trouve » (50).
52,838
fa9247dd7e714ed84cf49b75095700b3_14
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,017
Cancer du sein : taux de survie net à cinq ans, 2000-04 et 2010-14
None
French
Spoken
7,082
12,643
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608827 Graphique 7.10. Recettes de tous les régimes d’assurance obligatoires par type de recette, sélection de pays, 2015 (ou année la plus proche) % 100 80 60 Transferts publics CAS des salariés CAS des travailleurs indépendants CAS d'autres catégories 3 3 10 2 15 19 Autres 1 1 42 53 35 36 30 39 95 23 40 1 10 1 15 5 14 20 4 15 CAS des employeurs 86 34 57 47 20 45 44 38 35 15 0 États-Unis Chili Japon Finlande Belgique Corée 4 3 2 Estonie Slovénie Pologne Note : CAS signifie cotisation d’assurance sociale. « Autres » inclut les prépaiements obligatoires et d’autres ressources nationales. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608846 Graphique 7.11. Part des transferts publics et des cotisations d’assurance sociale dans l’ensemble des recettes des dispositifs de financement, sélection de pays, 2003-15 Cotisations d'assurance sociale Transferts publics % 100 80 43 60 40 51 36 39 19 18 20 10 11 28 39 34 2015 2003 41 0 2003 2015 Corée 2003 Belgique 2015 États-Unis Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608865 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 145 7. DÉPENSES DE SANTÉ Dépenses de santé par type de service La répartition des dépenses de santé entre les différents services et biens met en évidence divers facteurs, de la charge de morbidité et des priorités du système jusqu’aux aspects et coûts organisationnels. Les dépenses au titre des soins hospitaliers et ambulatoires constituent la majeure partie des dépenses de santé dans les pays de l’OCDE : en moyenne presque deux tiers des dépenses de santé en 2015 (graphique 7.12). Une autre part représentant 19 % des dépenses de santé est consacrée aux biens médicaux (principalement les produits pharmaceutiques), tandis que 14 % se rapportent aux services de soins de longue durée. Les 6 % restants ont été alloués aux programmes de santé publique, à la prévention ainsi qu’à la gouvernance et administration globale du système de santé. La Grèce enregistre une part de dépenses en soins hospitaliers (y compris les soins de jour dans les hôpitaux) particulièrement élevée, correspondant à 40 % de ses dépenses de santé en 2015. Le secteur des hôpitaux joue aussi un rôle important en Autriche, en France et en Pologne, retenant plus d’un tiers des coûts totaux. Le Portugal et Israël font partie des pays où la part de dépenses en soins ambulatoires est importante (48 % et 47 % respectivement). Les États-Unis rapportent également systématiquement une des parts les plus élevées pour les soins ambulatoires. Toutefois, elle inclut les frais des médecins dans les cas où ceux-ci facturent indépendamment les patients pour les soins hospitaliers. Les biens médicaux sont la troisième catégorie importante de dépenses de santé. Les circuits de distribution mis en place, l’ampleur du recours aux génériques et les prix relatifs des produits pharmaceutiques sont quelques-uns des principaux facteurs expliquant les variations. En République slovaque (35%) et en Hongrie (32%), les biens médicaux constituent la composante des dépenses de santé la plus importante. Cette part est également élevée en Lettonie, au Mexique et en Grèce, aux environs de 30%. En revanche, elle ne représente que 10 à 11 % des dépenses de santé totales au Danemark, au Luxembourg et en Norvège. Il existe aussi des différences entre les pays en ce qui concerne la quantité de dépenses consacrées aux services de soins de longue durée (voir le chapitre 11). La Norvège, la Suède et les Pays-Bas, qui ont des dispositifs structurés pour la prise en charge des personnes âgées et dépendantes bien établis, allouent aux soins de longue durée plus d’un quart du total de leurs dépenses de santé. Alors que dans de nombreux pays d’Europe du Sud et d’Europe centrale et orientale où le secteur des soins de longue durée est plus informel, les dépenses en services dans ce domaine représentent une part beaucoup plus faible. Le ralentissement des dépenses de santé constaté dans de nombreux pays de l’OCDE après la crise économique a touché l’ensemble des catégories du secteur de santé, bien qu’à des degrés divers (graphique 7.13). Les dépenses en produits pharmaceutiques ont été réduites de 0.5 % par an alors qu’elles augmentaient au rythme de 2.3 % par an dans la période qui a précédé la crise, et encore plus fortement dans les années 90 et au début de la décennie 2000. Malgré la protection initiale des budgets de santé publique, les dépenses de prévention ont également commencé à baisser dans environ la moitié des pays de l’OCDE à partir de 2009. En moyenne, les dépenses en soins préventifs ont diminué de 0.2 % par an, après avoir connu des taux de croissance très élevés durant la période 2003-09 (4.6 %). Une partie de cette inversion de la courbe peut s’expliquer par l’épidémie de grippe H1N1, qui a entraîné une 146 importante dépense exceptionnelle pour la vaccination dans de nombreux pays aux alentours de 2009 (Gmeinder et al., à paraître). Les dépenses en soins de longue durée, ambulatoires et hospitaliers ont continué à augmenter, mais à un rythme nettement réduit depuis 2009. Globalement, le taux de croissance des dépenses en soins ambulatoires a été divisé quasiment de moitié (2.3 % contre 4 %), tout en restant positif dans la majorité des pays de l’OCDE. Certains gouvernements ont décidé de protéger les dépenses au titre des soins primaires et des services de première ligne tout en cherchant des possibilités de réduction dans d’autres parties du système de santé. Le taux de croissance moyen annuel pour les soins hospitaliers, qui s’élevait auparavant à 2 %, a été divisé de près de moitié et, dans environ un quart des pays de l’OCDE, est devenu négatif entre 2009 et 2015. Les mesures les plus fréquentes prises dans les pays de l’OCDE pour équilibrer les budgets de la santé ont notamment consisté à réduire les salaires dans les hôpitaux publics, ajourner le remplacement des per sonnels et retarder les investissements dans l’infrastructure hospitalière. Définition et comparabilité Le Système de comptes de la santé (OCDE, Eurostat et OMS, 2017) définit les frontières du système de santé d’un point de vue fonctionnel, les fonctions des soins faisant référence aux différents types de services et biens de santé. Les dépenses courantes de santé englobent les soins individuels (soins curatifs, de réadaptation, de longue durée, services auxiliaires et biens médicaux) et les services collectifs (prévention, programmes de santé publique et administration – faisant référence à la gouvernance et l’administration du système de santé global plutôt qu’au niveau des prestataires de santé). Les soins curatifs, de réadaptation et de longue durée peuvent également être classés par mode de prestation (patients hospitalisés, soins de jour, soins ambulatoires ou à domicile). S’agissant des soins de longue durée, seuls les aspects médicaux sont pris en compte dans les dépenses de santé, bien qu’il soit difficile dans certains pays de distinguer clairement le volet sanitaire et le volet social. De ce fait, l’estimation des dépenses en soins de longue durée reste un des principaux facteurs qui limitent la comparabilité des données entre les pays. Pour le calcul des taux de croissance en termes réels, des déflateurs couvrant l’ensemble de l’économie ont été utilisés. Références Gmeinder, M., D. Morgan et M. Mueller (à paraître), « How Much Do OECD Countries Spend on Prevention? », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, Éditions OCDE, Paris. OCDE, Eurostat et OMS (2017), A System of Health Accounts 2011: Revised edition, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/ 9789264270985-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 7. DÉPENSES DE SANTÉ Dépenses de santé par type de service Graphique 7.12. Dépenses de santé par type de service, 2015 (ou année la plus proche) % 100 4 5 5 5 Soins hospitaliers* Soins ambulatoires** Biens médicaux Services collectifs 4 5 6 5 6 6 16 20 14 80 3 15 21 23 28 8 22 21 17 4 8 5 6 2 9 5 10 17 15 30 38 40 36 5 11 14 7 9 30 35 4 6 20 14 14 8 24 9 28 18 4 5 10 12 20 16 32 13 5 3 11 11 20 24 20 10 8 5 7 16 9 13 23 20 26 24 19 23 16 19 25 14 15 25 31 47 20 5 20 19 30 22 60 41 10 10 14 14 6 48 46 4 6 Soins de longue durée 28 38 40 26 26 27 26 32 34 26 32 30 28 33 33 34 34 30 33 30 30 30 29 29 26 28 33 30 31 28 27 26 26 29 26 29 28 29 29 28 31 28 17 34 33 34 24 33 30 22 22 22 21 28 26 Po r tu ga Is l ra Es ël to Po ni e lo gn e Ét Gr è at ce sUn Es is¹ pa gn e It a F i li e nl an Au de tr i c Sl he ov én Is i e la nd Fr e an OC ce DE Le 31 t to Da n ne ie Ré m pu bl M ar Ré iqu ex k pu e s iqu bl lo e iq v a ue q tc ue hè q H ue Lu on g xe r Ro m b i e ya ou um r g eNo Uni rv èg e Ja po n Ir A l land le m e ag n Su e is s Su e èd Ca e n Be ada lg iq ue Co Pa rée ys -B as 0 Note : Les pays sont classés selon la part de soins curatifs et de réadaptation dans les dépenses courantes de santé. * Se réfère aux soins curatifs et de réadaptation dans les établissements hospitaliers et de soins de jour. ** Inclut les soins à domicile et les services auxiliaires. 1. Aux États-Unis, les soins en milieu hospitalier facturés par des médecins indépendants sont inclus dans les soins ambulatoires. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608884 Graphique 7.13. Variations des dépenses de santé par habitant pour une sélection de services, moyenne de l’OCDE, 2003-15 2003-09 2009-15 Taux de croissance annuel moyen en termes réels (%) 7 6.0 6 5 4.6 4.0 4 3.2 3 2.3 2.0 2.3 2.2 2 1.3 1 0 -0.5 -1 -0.2 -0.1 Prévention Administration -2 Soins hospitaliers Soins ambulatoires Soins de longue durée Produits pharmaceutiques Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608903 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 147 7. DÉPENSES DE SANTÉ Dépenses de santé par prestataire Dans les pays de l’OCDE, les biens et services médicaux sont fournis par un large éventail d’établissements, des hôpitaux et des cabinets médicaux aux pharmacies, voire aux ménages privés prenant soin de membres de leur famille. Une répartition par prestataire permet de suivre les dépenses de santé du point de vue des établissements, ce qui complète utilement la répartition des dépenses de santé par fonction (voir indicateur « Dépenses de santé par type de service »). Bien que les modalités d’organisation de l’offre de soins varient considérablement d’un pays de l’OCDE à l’autre, les hôpitaux sont le principal prestataire de soins en termes de dépenses de santé (graphique 7.14). Ils représentent en moyenne près de 40 % du total des dépenses de santé et la principale catégorie de dépenses pour l’ensemble des pays, à l’exception de quelques-uns. En Turquie, en Estonie et en Italie, les activités hospitalières génèrent environ la moitié de l’ensemble des dépenses de santé. À l’inverse, les dépenses hospitalières représentent moins de 30 % des dépenses de santé en Allemagne, au Canada et au Mexique. Les prestataires de soins ambulatoires constituent la deuxième grande catégorie de dépenses de santé. Globalement, environ un quart des dépenses de santé sont imputables aux prestataires de soins ambulatoires, de plus de 50 % en Israël à 20 % ou moins en Irlande, en République slovaque, aux Pays-Bas et en Turquie. Cette catégorie englobe un large éventail de prestataires, et selon la structure organisationnelle du pays, la plupart des dépenses se rapportent soit aux cabinets médicaux, comme les cabinets des médecins généralistes et spécialistes (p. ex. Allemagne, Autriche et France), soit aux centres de soins ambulatoires (p. ex. Finlande, Irlande et Suède). En moyenne, les cabinets de médecins généralistes et de spécialistes ainsi que les centres de soins ambulatoires représentent environ deux tiers de l’ensemble des dépenses au titre des prestataires ambulatoires. Environ un cinquième de ces dépenses se rapportent aux cabinets dentaires, et environ 10 % aux prestataires de services de soins à domicile. Les autres catégories principales incluent les détaillants (principalement les pharmacies commercialisant des médicaments sur ordonnance et en vente libre) et les établissements de soins de longue durée (qui fournissent principalement des soins hospitaliers aux personnes dépendantes). Les activités des prestataires d’une même catégorie peuvent considérablement varier d’un pays à l’autre. Ces différences sont particulièrement marquées dans les hôpitaux (graphique 7.15). Bien que les soins curatifs et de réadaptation forment la grande majorité des dépenses hospitalières dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, les hôpitaux sont également d’importants prestataires de soins ambulatoires dans la plupart des pays, par exemple par le biais des services d’urgences, des unités hospitalières ambulatoires spécialisées et des services de laboratoires et d’imagerie destinés aux patients ambulatoires. En Suède, en Estonie, en Finlande et au Portugal, les soins ambulatoires représentent plus de 40 % des dépenses hospitalières. À l’inverse, en Grèce, en Allemagne et en Belgique, moins de 10% des dépenses hospitalières sont consacrés aux soins ambulatoires. 148 Dans de nombreux pays, une part croissante des dépenses de santé a été allouée aux hôpitaux ces dernières années, bien qu’on observe une tendance au transfert des services médicaux des unités hospitalières aux unités ambulatoires (voir l’indicateur sur la « Chirurgie ambulatoire » dans le chapitre 9). Ces transferts sont principalement motivés par l’amélioration de l’efficience et la réduction des délais d’attente. En outre, pour certaines interventions, les procédures de soins de jour sont désormais la méthode de traitement la plus appropriée. Ainsi, dans un certain nombre de pays, les soins de jour génèrent désormais plus de 10 % de l’ensemble des dépenses hospitalières. En outre, les soins de longue durée dans les hôpitaux représentent une part considérable des dépenses hospitalières dans certains pays (p. ex. Corée, Islande et Japon). Définition et comparabilité L’univers des prestataires de santé est défini dans le Système de comptes de la santé (OCDE, Eurostat et OMS, 2017) et englobe les prestataires primaires, à savoir les organisations et acteurs dont l’activité principale est l’offre de biens et de services médicaux, ainsi que les prestataires secondaires pour lesquels la prestation de soins de santé n’est qu’une activité parmi de nombreuses autres. Les principales catégories de prestataires primaires sont les hôpitaux (de court séjour et psychiatriques), les établissements de soins de longue durée, les prestataires ambulatoires (cabinets de médecins généralistes et spécialistes, cabinets dentaires, centres de santé ambulatoires, prestataires de services de soins à domicile), les prestataires de services annexes (p. ex. services d’ambulance, laboratoires), les détaillants (p. ex. pharmacies), et les prestataires de soins préventifs (p. ex. établissements de santé publique). Les prestataires secondaires incluent les établissements de soins résidentiels, dont la principale activité peut être l ’ h é b e rg e m e n t m a i s q u i p e u v e n t p r o p o s e r u n e surveillance infirmière comme activité secondaire, des supermarchés qui commercialisent des médicaments en vente libre, ou des établissements qui fournissent des services de santé à un groupe restreint de la population, comme les services de santé carcéraux. Les prestataires secondaires incluent également les prestataires d’administration et de financement du système de santé (p. ex. organismes publics, caisses d’assurance maladie) et les ménages en tant que prestataires de soins à domicile. Références OCDE, Eurostat et OMS (2017), A System of Health Accounts 2011: Revised edition, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/ 9789264270985-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 7. DÉPENSES DE SANTÉ Dépenses de santé par prestataire Graphique 7.14. Dépenses de santé par prestataire, 2015 (ou année la plus proche) % 100 6 8 5 9 Hôpitaux Centres de soins de longue durée Détaillants Autres 7 7 9 6 12 5 8 13 80 28 27 20 22 11 23 23 22 29 27 5 32 23 16 12 2 7 6 2 1 40 9 7 7 8 20 19 12 30 35 30 20 30 29 36 28 31 27 24 18 16 11 29 30 10 6 11 10 22 4 14 14 26 22 12 12 23 54 23 16 9 14 24 8 13 13 17 25 10 12 12 15 28 22 24 9 4 12 18 27 13 11 11 19 17 30 60 14 22 5 9 14 10 17 18 17 8 11 10 21 5 6 Prestataires ambulatoires 22 19 15 8 1 1 23 16 17 5 1 32 16 10 11 3 9 53 47 45 20 44 43 42 42 42 41 41 41 41 41 40 40 39 38 38 38 36 36 36 35 35 35 34 34 33 32 31 30 29 26 Tu r qu Es ie to ni e Da It al ne ie m ar k Co ré e Gr èc P o Ro r e ya tug um a l Ré epu U bl E s ni iq p a ue g tc ne hè Sl qu e ov én i Ja e p No on rv èg Fr e an Is c e la n Au de tr i ch Su e è OC de D Pa E 32 ys -B as Is r Ho aël ng Po r ie lo g F i ne nl an d Ré Ir l e pu an bl de iq u e Sui s slo s e v Ét aqu at s- e U B e nis lg iq L u Lu et t e xe on m ie bo u Ca rg A l nad le m a a M gn e ex iq ue 0 Note : Les pays sont classés selon la part des hôpitaux dans les dépenses courantes de santé. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608922 Graphique 7.15. Dépenses hospitalières par type de service, 2015 (ou année la plus proche) % 100 1 4 2 6 6 1 Soins hospitaliers Soins de jour Soins de longue durée Autres 2 3 9 14 1 4 3 3 2 2 3 9 2 4 2 5 3 4 15 1 7 1 11 11 15 2 3 Soins ambulatoires* 2 15 80 26 31 22 18 8 22 16 9 7 4 5 42 34 42 42 5 5 1 1 6 8 28 26 44 9 1 2 12 5 5 93 1 3 17 60 94 3 34 24 11 4 1 1 29 23 10 5 4 8 20 13 21 7 17 11 23 15 93 86 40 84 1 83 74 73 69 67 66 65 66 64 63 63 61 61 59 57 57 54 50 49 49 48 42 20 40 de It a l tc ie hè qu e E Ro s p a y a gn um e eUn i Su èd Pa e ys -B as Es to n Fi ie nl an d Ca e na da Co ré Po e r tu ga l n po ue iq bl pu Ja an Ré Au Ir l e li e ra ni st e èg rv t to Le No DE OC Sl ov én ie 27 g e ur xe m bo ce nd an la Is Lu Fr e rie ng qu Ho e ch va tr i Au Ré pu bl iq ue slo e ue èc iq lg Be ne ag Gr m le Al Po lo gn e 0 Note : Les pays sont classés selon la part de soins curatifs et de réadaptation dans les dépenses hospitalières. * Inclut les services auxiliaires. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608941 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 149 7. DÉPENSES DE SANTÉ Dépenses en capital dans le secteur de la santé Même si les systèmes de santé restent un secteur à forte intensité de main-d’œuvre, le capital a vu son importance s’accroître au cours des dernières décennies en tant que facteur de production des services de santé. Cela s’illustre, par exemple, par l’importance croissante des équipements diagnostiques et thérapeutiques ou par l’expansion des technologies de l’information et des communications (TIC) dans le domaine de la santé (voir le précédent indicateur sur l’adoption des services de santé en ligne dans les cabinets des généralistes et les hôpitaux). Toutefois, le niveau de ressources investi dans les infrastructures, les équipements et les TIC a t e n da n c e à va r ie r dava n t ag e en f o n c ti o n d e s cy c l e s économiques que les dépenses courantes au titre des services de santé, les décisions d’investissement étant souvent plus ponctuelles et pouvant être facilement reportées ou avancées en fonction de la situation économique. Lorsqu’ils décident d’investir dans les infrastructures, les responsables publics doivent non seulement évaluer soigneusement les coûts à court terme, mais aussi les avantages potentiels à court, moyen et long termes. Le ralentissement des investissements dans les infrastructures et les équipements de santé peut également réduire la capacité à traiter les patients et contribuer à allonger les délais d’attente pour différents types de services. En 2016, les pays de l’OCDE ont alloué en moyenne environ 0.5 % de leur PIB aux dépenses en capital dans le secteur de la santé (graphique 7.16). Par comparaison, les dépenses courantes e n s o i n s m é d i c a u x , p ro d u i t s p h a r m a c e u t i q u e s , e t c. représentaient 9 % du PIB (voir l’indicateur « Dépenses de santé en part du PIB »). Comme pour les dépenses courantes, on observe des différences importantes entre les pays du point de vue des niveaux actuels d’investissement ainsi que des tendances récentes observées après la crise économique. En part du PIB, c’est le Japon qui a engagé les dépenses en capital les plus importantes en 2015, plus de 1 % de son PIB étant affecté à la construction, aux équipements et aux technologies dans les secteurs de la santé et du social. Le niveau des dépenses en capital d’un certain nombre de pays européens – Allemagne, Autriche et Belgique – était lui aussi relativement élevé en 2015, variant entre 0.7 et 0.8 % de leur PIB. La plupart des pays de l’OCDE s’inscrivent dans une fourchette relativement étroite comprise entre 0.4 et 0.6 % du PIB par an. Toutefois, du fait de la situation économique ou des particularités des petites économies (Luxembourg et Islande), les dépenses en capital peuvent être beaucoup plus faibles. La Grèce, par exemple, a consacré un peu moins de 0.15 % de son PIB aux dépenses d’investissement dans le secteur de la santé en 2015. Par leur nature même, les dépenses en capital varient davantage d’une année sur l’autre que les dépenses courantes, du fait de la mise en œuvre de grands projets de construction (construction d’hôpitaux et d’autres établissements de santé) 150 et de programmes d’investissement dans de nouveaux équipements (p. ex. équipements médicaux et informatiques). De même, les décisions d’investissement sont généralement plus affectées par les cycles économiques, les dépenses d’investissement dans les infrastructures et équipements de santé étant souvent la première cible des réductions ou reports en période de récession. Le graphique 7.17 montre qu’un certain nombre de pays européens durement touchés par la crise ont vu leurs investissements annuels dans le secteur de la santé chuter en termes réels après la crise. En Grèce, en particulier, les dépenses en capital déclarées dans le secteur de la santé représentent environ un tiers de celles déclarées dix ans auparavant. Le Portugal et l’Italie ont tous deux vu leurs investissements chuter de 30 % ou plus par rapport au pic de 2010. À noter également le cas du Royaume-Uni, dont les investissements ont considérablement diminué : jusqu’en 2009, les dépenses en capital augmentaient rapidement d’une année à l’autre, alors qu’entre 2011 et 2014, elles sont revenues à leurs niveaux de 2003. En dehors de l’Europe, un certain nombre de pays ont signalé une hausse continue de leurs dépenses en capital. Les investissements récents de la Corée et du Japon dans le secteur de la santé ont été observés à des niveaux, en termes réels, su périeurs à 50% par ra pport à ceux d’il y a dix ans (graphique 7.18). Définition et comparabilité La formation brute de capital fixe dans le secteur de la santé se mesure par la valeur totale des actifs fixes que les fournisseurs de soins ont acquis durant la période comptable (moins la valeur des aliénations d’actifs) et qui sont utilisés de manière répétée ou continue pendant plus d’une année dans la production des services de santé. Les catégories d’actifs sont l’infrastructure (hôpitaux, cliniques, etc.), les machines et équipements (machines chirurgicales et de diagnostic, ambulances, équipements informatiques et de communications) ainsi que les logiciels et les bases de données. De nombreux pays enregistrent la formation brute de capital fixe dans le cadre du Système de comptes de la santé. Elle est aussi comptabilisée par secteur d’industrie dans le cadre des Comptes nationaux conformément à la Classification internationale type par industrie (CITI) Rév. 4 au titre de la Section Q : Santé et activités d’action sociale ou de la Division 86 : Activités relatives à la santé. La première est normalement plus large que la catégorie définie par le Système de comptes de la santé tandis que la seconde est plus étroite. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 7. DÉPENSES DE SANTÉ Dépenses en capital dans le secteur de la santé Graphique 7.16. Formation brute de capital fixe dans le secteur de la santé en pourcentage du PIB, 2015 (ou année la plus proche) 1.1 % PIB 1.2 0.1 0.1 0.1 0.2 0.2 0.1 0.3 0.3 0.3 0.3 0.4 0.4 0.4 0.4 0.4 0.4 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 0.7 0.7 0.8 0.8 0.7 1.0 Ja p B e on lg ² iq Au ue¹ A l tr ic le he m ag Es ne pa ¹ Da gn e ne ² m L e ar k t to ni Es e ² to ni Co e ré e Fr ² Ét a n c at s- e U A u nis st r Ho a li e Ré ng pu rie bl ¹ i N o qu e Su è uv tc de ell hè e - qu Zé e¹ la n Po de r tu ² g O C a l¹ DE No 3 4 r Pa vèg ys e -B a Ca s¹ na F i da nl a Po nde lo gn e Ir l ² an Sl d e ov én ie Ro y a I t a li um e¹ eUn i Ré pu Ch bl i li iq u e Isr slo aël Lu v xe aqu m Fé bo e dé ur ra tio G g¹ rè n de ce Ru ¹ s Is s i e la n M de¹ ex iq ue 0 1. Fait référence à la formation brute de capital fixe définie dans CITI 86 : Activités relatives à la santé (CITI Rév. 4). 2. Fait référence à la formation brute de capital fixe définie dans CITI Q : Santé et activités d’action sociale (CITI Rév. 4). Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017 ; Comptes nationaux de l’OCDE. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608960 Graphique 7.17. Formation brute de capital fixe, prix constants, pour une sélection de pays européens de l’OCDE, 2003-15 Graphique 7.18. Formation brute de capital fixe, prix constants, pour une sélection de pays non-européens de l’OCDE, 2003 Grèce Italie Canada Japon Portugal Royaume-Uni Corée États-Unis Index (2003 = 100) 200 Index (2003 = 100) 200 150 150 100 100 50 50 0 0 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017 ; Comptes nationaux de l’OCDE. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608979 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017 ; Comptes nationaux de l’OCDE. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933608998 151 8. PERSONNEL DE SANTÉ Personnel médico-social Médecins (nombre total) Répartition des médecins par âge, sexe et catégorie Médecins nouvellement diplômés Rémunération des médecins (généralistes et spécialistes) Personnel infirmier Personnel infirmier nouvellement diplômé Rémunération du personnel infirmier Médecins et personnel infirmier formés à l’étranger Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 153 8. PERSONNEL DE SANTÉ Personnel médico-social Le secteur médico-social occupe une part toujours plus importante de la population active dans de nombreux pays du monde (Commission de haut niveau des Nations unies sur l’Emploi en Santé et la Croissance économique, 2016). En moyenne dans la zone OCDE, les activités médico-sociales comptaient pour 10 % environ de l’emploi total en 2015 (graphique 8.1). Le secteur a un poids particulièrement prononcé dans les pays scandinaves, en Finlande et aux Pays-Bas, où il représente 15 à 20 % des emplois. De plus, le pourcentage de travailleurs employés dans le secteur médico-social n’a cessé d’augmenter dans la plupart des pays de l’OCDE entre 2000 et 2015. Ainsi, dans l’ensemble d e la z o ne O C DE , u ne a u g me n ta ti o n d e 1 .7 p oi nt de pourcentage en moyenne a été observée entre 2000 et 2015. Les plus fortes hausses ont été constatées notamment au Japon, en Irlande, en Corée, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Quatre pays ont enregistré une diminution de la part des emplois dans le secteur médico-social : la Lettonie, le Mexique, la Pologne et la République slovaque. La croissance rapide de l’emploi dans le secteur médico-social contraste fortement avec l’évolution constatée dans les autres secteurs (graphique 8.2). En effet, l’emploi dans le secteur médico-social a augmenté de 42 % en moyenne dans la zone OCDE (avec une valeur médiane de 34 %) entre 2000 et 2015 tandis que le nombre d’emplois dans l’agriculture et l’industrie affichait une tendance générale à la baisse. La croissance de l’emploi dans le secteur médico-social a également été nettement supérieure à celle observée dans le secteur des services comme à celle de l’emploi total. Au regard des évolutions passées et de la situation actuelle, l’emploi paraît moins sensible aux fluctuations cycliques dans le secteur médico-social qu’il ne l’est dans les autres secteurs de l’économie. Alors que l’emploi total a diminué légèrement aux États-Unis durant les récessions économiques du début des années 1990, puis nettement en 2008-09, l’emploi dans le secteur médico-social n’a, lui, jamais cessé de croître. Dans la plupart des pays de l’OCDE, le nombre de médecins et d’infirmiers a continué de progresser pendant la période de récession (voir les indicateurs sur les médecins et le personnel infirmier). Quant à l’avenir, l’emploi dans le secteur médico-social devrait croître, mais le type de compétences et de fonctions devrait également évoluer. Cela s’explique par un certain nombre de facteurs. Le vieillissement de la population va modifier la structure de la demande de services médico-sociaux. Ainsi, il pourrait y avoir une demande accrue de soins de longue durée et de services sociaux connexes, lesquels sont à forte intensité de main-d’œuvre (OCDE, 2011). Au fil du temps, la hausse des revenus et la disponibilité des nouvelles technologies susciteront de nouvelles attentes concernant la qualité des soins et l’étendue de l’offre proposée (OCDE, 2015). 154 De nombreux pays ont également commencé à mettre en place de nouveaux modèles de prestation de soins qui impliqueront une plus grande intégration des soins médicaux et des services sociaux afin de répondre aux besoins des sociétés vieillissantes. Ces changements élargissent le rôle des prestataires autres que les médecins (tels que les infirmiers praticiens, les pharmaciens et les ag ents de santé communautaires), l’objectif étant non seulement de maintenir l’accès aux services et d’accroître la productivité du personnel de santé, mais aussi d’améliorer la continuité et la qualité des soins prodigués aux patients. Ces changements devraient donner lieu à des transformations non négligeables quant à la structure des effectifs et aux compétences exigées dans le secteur médico-social. Définition et comparabilité La santé et l’action sociale forme l’une des activités économiques définies suivant les grandes catégories de la Classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique (CITI). Composante du secteur des services, elle recouvre les activités relatives à la santé, les activités de soins dispensés en établissement (soins de longue durée compris) et les activités d’action sociale sans hébergement. Les données sur l’emploi sont issues de la base de données de l’OCDE sur les comptes nationaux en ce qui concerne les 35 pays membres de l’OCDE, hormis l’Islande et la Turquie, pour lesquelles les données sont tirées de la base de données de l’OCDE sur les statistiques annuelles de la population active. Références Commission de haut niveau des Nations unies sur l’Emploi en Santé et la Croissance économique (2016), S’engager pour la santé et la croissance : Investir dans le personnel de santé, OMS, Genève, www.who.int/hrh/com-heeg/reports. OCDE (2016), Health Workforce Policies in OECD Countries: Right Jobs, Right Skills, Right Places, Éditions OCDE, Paris, http:// dx.doi.org/10.1787/9789264239517-en. OCDE (2015), Fiscal Sustainability of Health Systems: Bridging Health and Finance Perspectives, Éditions OCDE, Paris, http:// dx.doi.org/10.1787/9789264233386-en. OCDE (2011), Besoin d’aide ? La prestation de services et le financement de la dépendance, Éditions OCDE, Paris, http:// dx.doi.org/10.1787/9789264097766-fr PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 8. PERSONNEL DE SANTÉ Personnel médico-social Graphique 8.1. Emploi dans le secteur de la santé et de l’action sociale en proportion de l’emploi total, 2000 et 2015 (ou année la plus proche) 2000 2015 5.2 2.7 4.0 5.3 5.4 5.9 5.8 6.2 5 6.2 6.8 6.3 7.0 6.8 7.9 7.6 10.2 10 10.1 10.4 10.3 10.8 10.4 11.4 12.4 12.2 12.8 12.4 13.0 12.9 13.3 13.0 15.6 15 14.3 16.7 15.7 20 17.9 20.4 % 25 No Da r vè ne ge m ar Su k Pa èd ys e Fi Bas nl an F de Ét r a n at ce sA u Uni st s ra Su li e Be isse A l l giq le ue m ag Ro J n e ya ap um o n eU Ir l n i No a u v I nde ell sl a e - nd Zé e la Au nde tr i ch Is e ra Lu C a ël xe n a m da bo O C ur g D Po E 3 5 r tu ga I l E s t a li e pa Ho gn e ng ri Ré Co e pu bl Sl r é e iq ov ue é t c ni e hè q Ré Es ue pu to bl iq Po ni e ue lo slo gn va e qu Gr e èc e Ch L e ili t to Tu nie r M qui e ex iq ue 0 Source : Base de données de l’OCDE sur les comptes nationaux ; Base de données de l’OCDE sur les statistiques annuelles de la population active pour l’Islande et la Turquie. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933609017 Graphique 8.2. Croissance de l’emploi par secteur entre 2000 et 2015 (ou année la plus proche), moyenne OCDE1 Moyenne Médiane Évolution de l’emploi depuis 2000, % 50 42 40 34 30 23 20 12 20 9 10 0 -6 -10 -9 -20 -22 -22 -30 Total Agriculture Industrie Services Santé et action sociale² 1. Moyenne calculée pour 30 pays de l’OCDE (le Chili, l’Islande, la Nouvelle-Zélande et la Turquie étant exclus). 2. La Santé et l’action sociale est considérée comme une composante du secteur des services. Source : Base de données de l’OCDE sur les comptes nationaux. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933609036 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 155 8. PERSONNEL DE SANTÉ Médecins (nombre total) Le nombre de médecins par habitant varie considérablement d’un pays à l’autre au sein de la zone OCDE. En 2015, la Grèce affichait la plus forte densité, avec 6.3 médecins pour 1 000 habitants, mais celle-ci est surestimée car calculée à partir de l’ensemble des médecins autorisés à exercer, quand bien même certains ont abandonné la pratique pour diverses raisons. L’Autriche arrivait en deuxième position avec 5.1 médecins pour 1 000 habitants. La Turquie, le Chili et la Corée enregistraient les chiffres les plus bas parmi les pays de l’OCDE, avec deux médecins environ pour 1 000 habitants. La moyenne de l’OCDE était de 3.4 médecins pour 1 000 habitants. Dans les pays partenaires, le nombre de médecins par habitant était nettement plus faible : il y en avait moins d’un pour 1 000 habitants en Indonésie, en Inde et en Afrique du Sud. En Chine, le nombre de médecins par habitant se situait encore à environ la moitié de la moyenne OCDE, mais avait augmenté de 44 % depuis 2000 (graphique 8.3). Depuis 2000, le nombre de médecins a progressé dans la quasitotalité des pays de l’OCDE, à la fois en nombre absolu et par habitant. La croissance a été particulièrement rapide dans certains pays où la densité médicale était plutôt faible en 2000 (Corée, Mexique et Royaume-Uni), avec un rythme nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE (graphique 8.4). Au cours de la période 2000-15, la croissance a été rapide également dans des pays où la densité de médecins était déjà forte (Australie et Autriche, par exemple). La hausse importante du nombre de médecins s’est poursuivie en Australie, du fait notamment de la forte progression du nombre de nouveaux diplômés des écoles nationales de médecine (voir l’indicateur sur les « Médecins nouvellement diplômés »). Au Royaume-Uni, des craintes apparues au début des années 2000 concernant de possibles sureffectifs dans certaines catégories de médecins ont abouti à des politiques visant à réduire le nombre d’étudiants admis et à limiter la croissance du nombre de médecins. Plus récemment cependant, le financement de places supplémentaires pour les étudiants dans les écoles de médecine a été annoncé pour répondre à la demande croissante de soins (ministère de la Santé, 2016). La densité médicale est restée relativement stable entre 2000 et 2015 en France, en Israël, en Pologne et en République slovaque. En Israël, le nombre de médecins a augmenté pratiquement au même rythme que la population. prochain départ à la retraite d’un grand nombre de médecins en augmentant leurs efforts de formation au cours de la dernière décennie, afin qu’un nombre suffisant de nouveaux médecins prennent la relève de ceux qui partiront. Néanmoins, il faudra attendre plusieurs années avant que ces efforts de formation portent leurs fruits. Les difficultés à anticiper le nombre réel de praticiens poussent les pays à devoir en permanence revoir et adapter leur politique. Cependant, la plupart des pays de l’OCDE sont préoccupés par la pénurie de généralistes (voir l’indicateur sur la « Répartition des médecins par âge, sexe et catégorie ») et le manque de médecins dans les zones rurales ou isolées (voir l’indicateur sur la « Répartition géographique des médecins » au chapitre 5). Définition et comparabilité Dans la plupart des pays, les données comptabilisent les médecins en exercice, définis comme les praticiens qui fournissent directement des soins aux patients. Ce chiffre inclut souvent les internes et les médecins résidents (médecins en formation) et correspond au nombre de personnes physiques. Dans quelques pays, les données couvrent plus généralement tous les médecins en activité dans le secteur de la santé, même s’ils ne fournissent pas directement des soins aux patients, ce qui augmente leur nombre de 5 à 10 %. La Grèce et le Portugal comptabilisent les médecins autorisés à exercer, d’où une forte surestimation du nombre de praticiens en activité. La Belgique fixe un seuil minimum d’activité pour qu’un médecin soit considéré comme étant en exercice, d’où une sousestimation par rapport aux autres pays qui ne le font pas. Il se peut que les données pour l’Inde soient s u r e s t i m é e s , c a r e l l e s s o n t i s s u e s d e reg i s t r e s médicaux qui ne tiennent pas compte des migrations, des départs à la retraite ou des décès, ni des médecins enregistrés dans plusieurs États. Références La récession mondiale n’a pas eu beaucoup d’effet sur le nombre de médecins, qui a continué de croître dans la plupart des pays de l’OCDE. Ainsi, l’Australie a enregistré une hausse du nombre de médecins en exercice de 30 % environ en 2015 par rapport à 2008. On note cependant quelques exceptions : la récession de 2008-09 a eu un impact en Grèce, où le nombre de médecins a augmenté entre 2000 et 2008, mais a cessé de croître par la suite et a même ralenti à partir de 2012. Ministère de la Santé du Royaume-Uni (2016), “Up to 1 500 Extra Medical Training Places Announced”, Londres, www.gov.uk/government/news/up-to-1500-extra-medicaltraining-places-announced. Il est difficile d’établir des projections concernant l’offre et la demande futures de médecins étant donné les incertitudes concernant les départs à la retraite et les migrations ainsi que les incertitudes concernant l’évolution de la demande (Ono et al., 2013). Beaucoup de pays de l’OCDE ont anticipé le Ono, T., G. Lafortune et M. Schoenstein (2013), “Health Workforce Planning in OECD Countries: A Review of 26 Projection Models from 18 Countries”, Documents de travail de l’OCDE sur la santé, n° 62, Éditions OCDE, Paris, http:// dx.doi.org/10.1787/5k44t787zcwb-en. 156 OCDE (2016), Health Workforce Policies in OECD Countries: Right Jobs, Right Skills, Right Places, Éditions OCDE, Paris, http:// dx.doi.org/10.1787/9789264239517-en.
23,872
hal-03488663-S0242649819300963.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,022
Aspects morphologiques et moléculaires des tumeurs malignes associées à une dérégulation des complexes BAF. Annales de Pathologie, 2019, 39, pp.399 - 413. &#x27E8;10.1016/j.annpat.2019.05.001&#x27E9;. &#x27E8;hal-03488663&#x27E9;
None
French
Spoken
232
574
Perte d'expression de SMARCB1 - Mutations germinales Forme familiale de méningiomes multiples survenant en particulier au niveau spinal et cr ânial Phénotype à cellules claires Perte d'expression de SMARCE 1 - Formes peu différenciées d'aspect solide et épithélioïde. S100, cytokératine et brachyurie positif, Inactivation de SMA RCB1 dans 50% des formes peu différenciées - phénotype basa l oïde avec foy ers rhabdoïde s focaux Perte de SMARCB1 - Délétions génomiques Pas d'association aux neurofibromatoses, Localisation profonde aux extrémités (50%) et tronc (25%). Chordomes SMARCB1 Délétions génomiques Localisation préférentielle au clivus, Prédilection pédiatrique, Formes plus agressives et métastasiantes. Carcinomes sinonasaux SMARCB1 Mutations passenger Adulte, âge moyen 59 ans, stade localement avancé Inactivation du complexe et dédifférenciation carcinomateuse Carcinomes dédifférenciés SMARCB1, ARID1A ou SMARCA4 Mutations passenger Pronostic péjoratif. SMARCA4 et SMARCB1 impliqués au niveau thoracique, colorectal et utérin. ARID1A au niveau ovarien. Adénocarcinome à cellules claires du rein PBRM1 Mutations passenger Pronostic péjoratif Mutation driver Uniquement retrouvé chez l'adulte, évolution aggressive. Pourraient représenter un équivalent utérin des sarcomes thoraciques SMARCA4déficients ou une forme dédifférenciée de carcinome. Sarcomes utérins indifférenciés SMARCA4-déficients SMARCA4 Foyers de dédifférenciation d’architecture solide et rhabdoides coexistant avec secteurs carcinomateux classiques Pertes d'expression de SMARCB1, ARID1A ou SMARCA4 au niveau des contingents tumoraux dédiffrenciés Possibles foyers rhabdoides Perte d'expression de PBRM1 - - Tumeurs Alt ération du cytokératines négatifs, CD34 morphologiquement Mismatch Repair négatif, SMARCA2 conservé semblables à des SCCOHTs. system (MMR).
43,371
2013PAUU3017_7
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,013
Caractérisation fonctionnelle de gènes de Marinobacter hydrocarbonoclasticus lors du développement de biofilms sur composés organiques hydrophobes
None
French
Spoken
7,268
13,831
Vaysse, P.J., Sivadon P., Goulas P. and Grimaud R. (2011). Cells Dispersed from Marinobacter Hydrocarbonoclasticus SP17 Biofilm Exhibit a Specific Protein Profile Associated with a Higher Ability to Reinitiate Biofilm Development at the Hexadecanewater Interface. Environ. Microbiol. 13, 737–746. Wang, Y., Rawlings, M., Gibson, D.T., Labbé, D., Bergeron, H., Brousseau, R. and Lau, P.C. (1995). Identification of a membrane protein and a truncated LysR-type regulator associated with the toluene degradation pathway in Pseudomonas putida F1. Mol. Gen. Genet. 246, 570–579. Wiener, M.C. and Horanyi, P.S. (2011). How hydrophobic molecules traverse the outer membranes of Gram-negative bacteria. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 108, 10929– 10930. Yakimov, M.M., Golyshin, P.N., Lang, S., Moore, E.R., Abraham, W.-R., Lünsdorf, H., and Timmis, K.N. (1998). Alcanivorax borkumensis gen. nov., sp. nov., a new, hydrocarbon-degrading and surfactant-producing marine bacterium. Int. J. Syst. Bacteriol. 48, 339–348. Yakimov, M.M., Timmis, K.N. and Golyshin, P.N. (2007). Obligate oil-degrading marine bacteria. Curr. Opin. Biotechnol. 18, 257–266.. 123 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB 7. Supporting material 7.1. Figures and Table Figure S1: Construction of knockout mutants of M. hydrocarbonoclasticus: JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) and JM4 (∆aupAB::aphA). The double recombination between the wild alleles of aupA, aupB and au AB on the chromosome of the wildtype strain JM1 and the mutant alleles carried respectively by pKAS32-aupA::aphA, pKOMKm-aupB::aphA and pKOMKm-aupAB::aphA lead to the mutant strains JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) and JM4 (∆aupAB::aphA), respectively. 124 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure S1 (continuation): Construction of knockout mutants of M. hydrocarbonoclasticus: JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) and JM4 (∆aupAB::aphA). The double recombination between the wild alleles of aupA, aupB and aupAB on the chromosome of the wildtype strain JM1 and the mutant alleles carried respectively by pKAS32-aupA::aphA, pKOMKm-aupB::aphA and pKOMKm-aupAB::aphA lead to the mutant strains JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) and JM4 (∆aupAB::aphA), respectively. 125 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure S2: Immuno-blots on aup mutants and complemented strains. Total protein extracts from M. hydrocarbonoclasticus strains grown on acetate were analyzed. WT, wild-type JM1; aupA, JM2 (∆aupA::aphA); aupB, JM3 (∆aupB::aphA); aupAB, JM4 (∆aupAB::aphA); aupA/Tn7-aupA, JM5 (∆aupA::aphA, attTn7::[mini-Tn7T-Gm-aupA]); aupA/Tn7-aupB, JM6 (∆aupA::aphA, attTn7::[mini-Tn7TGm-PA1/04/03-aupB]); aupA/Tn7-aupAB, JM7 (∆aupA::aphA, attTn7::[mini-Tn7T-Gm-aupAB]); aupB/Tn7-aupB, JM8 (∆aupB::aphA, attTn7::[mini-Tn7T-GmPA1/04/03-aupB]); aupAB/Tn7-aupAB, JM9 (∆aupAB::aphA, attTn7::[mini-Tn7T-Gm-aupAB]). Figure S3: Kinetics of biofilm formation on hydrophobic compounds. film formation on different solid HOCs, i.e. hexadecan-1-ol, hexadecyl-hexadecanoate, palmitic acid and tripalmitin was quantified using crystal violet assays in HOC coated microplates. WT, wild-type JM1; aupA, JM2 (∆aupA::aphA); aupB, JM3 (∆aupB::aphA); aupAB, JM4 (∆aupAB::aphA). 126 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure S4: Hexadecane degradation kinetics in biofilms of M. hydrocarbonoclasticus wild-type and mutant strains. WT, wild-type JM1; aupA, JM2 (∆aupA::aphA); aupB, JM3 (∆aupB::aphA). Table S1: Primers used in this study. Restriction sites provided by primers are underlined. 127 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure S5: Multiple sequence alignment of FadL family proteins. Proteins used in the alignment are: MARHY0478 (renamed AupA in this study) from M. hydrocarbonoclasticus gi|381337930|, FadL from E. coli gi|50513683|, FadL from P. aeruginosa gi|218681780|, XylN from P. putida gi|1841317|, TbuX from Ralstonia pickettii gi|75419602| and TodX from P. putida gi|75348623|. The CLUSTALW default color scheme has been applied to the alignment to indicate similar residues. The shading of the colors corresponds to the degree of conservation. The most conserved residues have the most intense color and the least conserved are the palest. The absolutely conserved NPA motif is marked (///). The residues lining the substrate outlet channel of E. coli FadL are marked (*). Secondary structures of E. coli FadL are shown under the alignment. 128 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure S6: Construction and restriction map of the suicide vector pKOMKm. bla: gene confering ampicillin resistance; rpsL, rpsLMh: genes of E. coli and M. hydrocarbonoclasticus SP17 SmS respectively, confering streptomycin sensitivity; aphA: gene confering kanamycin resistance; oriT: transfer origin; oriR6K: π-dependent origin of replication. 129 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB 7.2. Methods All chemicals were purchased from SIGMA-ALDRICH unless otherwise specified. 7.2.1. Culture conditions The growth of JM1 and its derivatives was assessed on various substrates in SSW supplemented with streptomycin. The cultures were performed in triplicate in glass tubes and substrates were directly added to the medium to a final concentration of 10 mM caproic acid, tween 20, Na butyrate, propanoic acid, Na fumarate, succinic acid, Na citrate, Na adipate, Na benzoate, L-proline. The casamino acid was used at 1 g/L and the n-propanol at 13 mM. The 3-eicosanone was first solubilized in acetone and put into a glass flask, the solvent was then left to evaporate prior to inoculum addition; its final concentration was 4 mM. E. coli strains were grown at 37 °C with shaking at 200 rpm in LB (Sambrook and Russell, 2001) or Halo media, supplemented with the appropriate antibiotic when necessary at a concentration of 100 μg/mL unless otherwise specified. Agar was added to a final concentration of 1.4 % for all solid media. 7.2.2. DNA and RNA techniques: materials and instructions Genomic DNAs were extracted with the Ultraclean Microbial DNA Isolation kit (MoBio) as described in the user’s guide or according to Sambrook and Russell (2001) if larger amounts were required. Plasmid DNAs were obtained by minior midi-preparations made from 1.5 mL of E. coli cell suspensions as described by Sambrook and Russell (2001) or by extraction with the “Qiaprep® Spin Miniprep” kit (QIAGEN). Total RNAs were extracted with EXTRACT-ALL® (EUROBIO) according to the manufacturer’s instructions and stored at -80 °C until use. Restriction endonucleases were purchased from Takara Biochemicals or New England Biolabs. T4 DNA ligase was acquired from Promega, Taq DNA polymerase and PCR-related materials were obtained from Eurobio. The “i-Proof High Fidelity” DNA polymerase was purchased from Bio-Rad and the AmpliTaq Gold® DNA polymerase and reagents for quantitative PCR (qPCR) were purshased from Applied Biosystems. PCRs were carried out on Veriti, GeneAmp PCR System 9700 or 2720 Thermal Cycler (Applied Biosystems) with 10 ng of genomic DNA, unless otherwise specified, with 2.5 U of Taq DNA polymerase or 1 U of “i-Proof High Fidelity”, their 1X buffer, 0.2 μM of each customized primer synthesized by Eurogentec (Table S1), 500 μM MgCl2 and 200 μM dNTPs. PCR products and digested fragments were purified using the “GFX PCR DNA and Gel Band Purification” 130 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB kit (GE Healthcare) according to the user’s guide. 7.2.3. Protein purification and antisera preparation Construction of plasmids for production of His-tagged AupA and AupB proteins The ORF of aupA was amplified with the TopoF0478/TopoR0478His primers and the product was cloned into the pBAD-TOPO® vector using the “pBAD-TOPO® TA Expression Kit” (Invitrogen) to give the pBAD-AupAHis. The strain LMG194 was used as host for expression of AupAHis. The ORF of aupB was amplified using the pb0477pET-Nde and pb0477pET-Not primers and was cloned into NdeI and NotI sites of the pET-21a(+) using the sites engineered onto the primers to give pET-AupBHis. The strain BL21 (DE3) was used as host for expression of AupBHis. Purification of AupAHis and AupBHis Cells of MG194 / pBAD-AupAHis were grown to an OD600 nm of 0.7 in LB at 37 °C, 0.2 % (v/v) arabinose was added and growth was continued for 3 h at 37 °C and 200 rpm. Cells were harvested by centrifugation at 12,000 x g for 30 min at 4 °C and 1.85 g of wet cells were resuspended in 6.5 mL of buffer A (Hepes 25 mM pH 7.5, NaCl 300 mM, glycerol 10 % (v/v)). Cells were lysed by a single passage through an ice-chilled French press at 40,000 psi. Insoluble proteins were collected by centrifugation at 40,000 rpm for 40 min at 4 °C and resuspended in 2 mL of buffer A supplemented with 1 % (v/v) N,N-diméthyldodécylamine Noxyde (DDAO). After centrifugation at 20,000 x g for 30 min at 4 °C, the supernatant (2 mL) was applied to a 1 mL Ni2+-sepharose column (Bio-Rad). After washes with 10 volumes of buffer B (buffer A supplemented with 0.2 % (v/v) DDAO and 10 mM imidazole), AupAHis was eluted by a 5 mL imidazole gradient from 0 to 250 mM. The AupAHis containing fractions were pooled, the proteins were concentrated by ultrafiltration on a 3 kDa cut off Amicon UItra filter (Millipore) and applied to a 1.5 mL Superdex 200 HR 10/30 column (GE Healthcare). The column was run with buffer C (Hepes 25 mM pH 7.5, NaCl 100 mM, glycerol 10 % (v/v), DDAO 0.05 % (v/v)) and fraction containing AupAHis was stored at 80 °C. Cells of BL21 (DE3) / pET-AupBHis were grown to an OD600 nm of 0.7 in LB at 37 °C, isopropyl β-D-galactopyranoside (IPTG) was added to a final concentration of 1 mM and the culture was further incubated for 3 h at 37 °C and 200 rpm. Cells were harvested by centrifugation at 12,000 x g for 30 min at 4 °C and 6.5 g of wet cells were resuspended in 13 mL of buffer A2 (Hepes 25 mM pH 7.5, NaCl 200 mM). The cells were lysed by a single passage through an ice-chilled French press at 40,000 psi (Thermo Spectronic). AupBHis 131 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB essentially produced as inclusion bodies was collected by centrifugation at 15,000 x g for 30 min at 4 °C and res uspended in 13 m L of buffer B2 ( buffer A2 supplement ed with 8 M urea). After centrifugation at 15,000 x g for 40 min at 4 °C, the supernatant (10 mL) was applied to a 2 mL Immobilized Metal Affinity Chromatography (IMAC) column (Bio-Rad). The column was washed with 10 volumes of buffer B2 and the recombinant AupBHis was eluted with a 35 mL linear gradient of imidazole from 0 to 500 mM. The fractions containing the target protein (6 mL) were applied to a 2 mL anion exchange Q sepharose column (GE Healthcare). The column was washed with 15 volumes of buffer C2 (25 mM Tris-HCl pH 7.5, 8 M urea) and the AupBHis protein was eluted with a 30 mL linear gradient of NaCl from 0 to 1 M in buffer C2. Fraction containing AupBHis was stored at -80 °C. 7.2.4. Immunoblotting Proteins from 2 ml of planktonic cultures at OD600 nn=0.3-0.5 or from biofilm cell suspensions were precipitated with 5 % trichloroacetic acid (TCA) for 30 min at 4 °C, pelleted by centrifugation for 5 min at 20,000 x g at 4 °C and washed twice with 1 mL of cold acetone. Protein pellets were air-dried and dissolved in SDS-PAGE sample buffer (Sambrook and Russell, 2001). Protein concentration was estimated using the “QuantiProTM BCA assay kit” (SIGMA-ALDRICH) according to the manufacturer’s instructions. This assay allows the use of detergents such as SDS up to 5 % (w/v) but it is incompatible with reductive agents such as dithiothreitol and β-mercaptoethanol. For each extract, 25 μg of total proteins were separated by SDS-PAGE 10 % (w/v) and electro-transferred onto PVDF membranes (Hybond-P, Amersham Pharmacia Biotech) at 50 V for 1 h in a buffer consisting of 25 mM Tris-HCl pH 8.3, 192 mM glycine and 10 % (v/v) ethanol. The membranes were blocked for 30 min in PBS buffer (154 mM NaCl, 0.2 mM KH2PO4, pH 7.4) containing 0.1 % (v/v) of Tween 20 and 5 % (w/v) of skim milk. Primary antibody was then added and incubation was continued overnight at room temperature. The detection and imaging were performed as described in experimental procedures. 7.2.5. Construction of pKOMKm (see Fig S 6) pKOMKm is derived from the suicide vector pKAS32 (Skorupski and Taylor, 1996). The E. coli rpsL gene of pKAS32 was replaced by the M. hydrocarbonoclasticus rpsL gene amplified from SP17 SmS with the 0577F_Sal/0577R_Sal primers and inserted into the SalI restriction sites. A XbaI fragment carrying the kanamycin resistance cassette from pMKm (Murillo et al., 1994) was inserted into the XbaI site of the MCS of pKAS32. The resulting 132 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB plasmid allows the cloning of gene fragments on both sides of the kanamycin cassette to create knockout alleles. The M. hydrocarbonoclasticus wild-type rpsL gene can complement the rpsLK58T allele conferring resistance to streptomycin in JM1, providing positive selection for allelic exchange in M. hydrocarbonoclasticus. 7.2.6. Construction of knockout mutants (see Fig S1) To construct JM2 (∆aupA::aphA), a DNA fragment containing aupA ORF and its flanking regions was amplified using primers 0478F-Bam/0478R-Not and cloned into pCRTM2.1-TOPO®. This fragment was used, according to the strategy decribed by OrtizMartín et al. (2006), to generate pKAS32-aupA::aphA, a suicide plasmid containing 838 bp 5’ and 628 bp 3’ DNA fragments, consisting of aupA ORF and flanking regions, on each side of the kanamycin cassette (Bgl0478F/Bgl0478-2 primers were used). The orientation of the cassette was confirmed by sequencing. JM3 (∆aupB:aphA) and JM4 (∆aupAB::aphA) mutants were constructed using the pKOMKm suicide plasmid. The plasmid pKOMKm-aupB::aphA contains 660 bp 5’ and 656 bp 3’ DNA fragments of aupB ORF and its flanking regions (obtained by amplifications with 0477F-EcoRV/0477R-NheI and 0477F-KpnI/0477R-NdeI respectively) whereas the pKOMKm-aupAB::aphA contains 1079 bp 5’ and 1171 bp 3’ flanking regions of the operon (obtained by amplifications with 0478pKOM- EcoRI/0478pKOM-KpnI and 0477KOM-NheI/0477pKOM-EcoRV respectively). Suicide plasmids were introduced into JM1 by one-parental mating conjugation using E. coli S17-1 (λpir) as a donor. The conjugation was realized at 30 °C during 24 h on cellulose acetate filters (0.45 μm pore size; Millipore) using the Halo medium supplemented with lactate. Transconjugants were selected on SSW containing lactate and kanamycin (100 μg/mL). The resulting colonies were replicated on SSW containing ampicillin (200 μg/mL) or streptomycin (100 μg/mL) to determine whether each transconjugant was the result of plasmid integration or allelic exchange. Candidate mutants (KmR/AmpS/SmR) were checked by PCR for the insertion of the mutant allele at the desired locus (∆aupA::aphA=aphaF-A/0479-F, aphaRA/Mh0478R; ∆aupB::aphA=aphaF-A/0478F, aphaR-A/Op0476R; ∆aupAB::aphA=aphaFA/0476jonction-F, aphaR-A/0480jonction-R), (∆aupA::aphA=0478delta-F/0478delta-R ; the absence ∆aupB::aphA of = the wild-type allele Mh0477F/Mh0477R ; ∆aupAB::aphA=0478F/0478R, 0477F/0477R), the presence of the kanamycin cassette (Km aphA-F/Km aphA-R), the absence of the bla gene carried by the suicide plasmid (pKAS32amp-F/pKAS32amp-R) and by immunoblotting for the absence of the proteins. 133 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB 7.2.7. Construction of complemented strains using pUC18T-mini-Tn7T-Gm derivatives The aupA and aupB genes and the aupAB operon were cloned into pUC18T-mini-Tn7TGm (Choi et al., 2005). The expression of aupA (amplified with 0478F-Spe/0478R-Hind) and aupAB (cloned after amplification in three parts with Mh0478F/Mh0477R, 0478FSpe/RT0478 and -0477F/0477R-Nru) were under the control of their native promoter while aupB (amplified in two parts with 0477F-NruI/Mh_477R and 0477-F/0477R-StuI) was under the control of PA1/04/03 promoter (obtained by amplification from the pUC18T-miniTn7T-Gm-eyfp with PA1/04/03F-ApaI/ PA1/04/03R-NruI). All the constructs were verified by sequencing. Insertion of mini-Tn7 derivatives in M. hydrocarbonoclasticus strains was performed by four-parental mating conjugation as described by Choi et al. 2005, with modifications described above. Basically, the mini-Tn7 delivery was E. coli DH5α / pUC18Tmini-Tn7T-Gm derivatives and the helper strains were SM10 (λpir) / pTNS2 and HB101 / pRK2013. The selection of transconjugants was realized on SSW containing lactate, streptomycin (100 μg/mL) M. hydrocarbonoclasticus and attTn7 gentamycin site was (30 μg/mL). checked by PCR Insertion with the at the primers marhy3826rev/pTn7L and pmarhyglmS/pTn7R, the presence of the gentamycin gene carried by the mini-Tn7 was verified (Gm-up/Gm-down) and the presence of the proteins was evaluated by immunoblotting. 134 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Résultats complémentaires 1. Test de croissance des mutants aup sur diverses sources de carbone Lors de l’étude phénotypique des mutants aupA, aupB et aupAB, de nombreuses sources de carbone ont été testées, d’une part pour connaître la capacité de la souche sauvage M. hydrocarbonoclasticus JM1 à croître sur ces substrats et d’autre part, pour évaluer la croissance des souches mutantes sur ces mêmes substrats. Le Tableau III.1 présente le bilan de toutes les sources carbonées testées dans cette étude, dont les protocoles d’utilisation sont décrits dans les sections 1.1.1 (lorsque le test a été réalisé en tube) et 1.1.2 (lorsque le test a été réalisé en flacon en verre ou en microplaque) du Chapitre II. Tout d’abord, la croissance et la formation de biofilms par les différentes souches ont été évaluées visuellement (Tableau III.1). Cette étude a permis de compléter la liste des substrats que M. hydrocarbonoclasticus JM1 est capable ou non de dégrader, en formant ou non un biofilm. De plus, nous avons confirmé que cette souche forme un biofilm sur les substrats insolubles afin de les dégrader. Cependant, ce n’est en revanche pas le cas pour le phényldécane qui a permis une croissance des cellules sans qu’un biofilm ne soit visible à l’œil nu. Dans ce cas, des observations microscopiques sont nécessaires pour déterminer s’il y a formation de biofilm. Pour la 3-eicosanone, la présence d’un biofilm n’était pas claire ; l’expérience doit être répétée avec des observations microscopiques afin d’évaluer si la croissance sur cétones nécessite la formation d’un biofilm. Pour certains substrats, la croissance a été suivie en mesurant la DO600 nm des cellules planctoniques. Les courbes de croissance sont présentées dans la Figure III.1 et permettent de se rendre compte que certains composés permettent une meilleure croissance des souches, le maximum d’absorbance étant observé sur lactate (DO600 nm ~ 0,9) et acides casaminés (DO600 nm ~ 1,2). Dans le cas de certains substrats insolubles, les biofilms ont été quantifiés par coloration au crystal violet (DO595 nm). La formation de biofilm est affectée uniquement sur n-dodécane, n-tétradécane, n-hexadécane, eicosane (Figure III.2), heneicosane et paraffine chez les mutants aup (Tableau III.1). Ces différences ont été commentées dans l’article précédent et ne seront pas reprises ici, de même que les cinétiques de biofilm sur paraffine, hexadécane, hexadecan-1-ol, acide palmitique, tripalmitine et hexadécyl-hexadécanoate. Ces différents tests de croissance planctonique ou en biofilm montrent que les mutants aup ne sont affectés que dans la formation de biofilms sur alcanes. 135 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Tableau III.1 : Caractéristiques phénotypiques des souches dérivées de M . hydrocarbonoclas ticus JM1 associées à différents types de sources de carbone. Source de carbone Concentration Formule Différence phénotypique WT Contenant croissance biofilm aupA + + + + + + + + + + + + + + - NT + + + + + + + + + ++ + + + + + + + - + + + + + + + + + + -/+ + + + + + - NT aupB aupAB V NT substrats solubles acide glycolique* Na acétate* n-propanol* Na DL-lactate* acide propanoique* Na butyrate* Na fumarate* acide succinique* L-glutamate* L-proline* acide valérique* Na citrate* Na adipate* acide caproique* Na benzoate* protéose-peptone* acides casaminés* acide p-hydroxybenzoique* tween 20 C2H4O3 10 mmol.L -1 tube CH3COONa 20 mmol.L-1 tube C3H8O 13 mmol.L -1 tube NaC3H5O3 20 mmol.L -1 tube CH3CH2COOH 10 mmol.L -1 tube NaC3H7COO 10 mmol.L-1 tube Na2C4H2O4 10 mmol.L -1 tube C4H6O4 10 mmol.L -1 tube C5H9NO4 10 mmol.L -1 tube C5H9NO2 10 mmol.L-1 tube C5H10O2 9,2 mmol.L-1 tube Na3C6H5O7 10 mmol.L -1 tube Na2C6H8O4 10 mmol.L-1 tube C5H11COOH 8 mmol.L-1 tube NaC7H5O2 10 mmol.L-1 tube extraits protéines 1 g.L-1 tube acides aminés 1 g.L-1 tube C7H6O3 10 mmol.L-1 tube C58H114O26 0,1 % (v/v) flacon NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT NT substrats peu/non solubles n-octanol* cis-3-nonen-1-ol n-dodécane méthyl-laurate ◊ phé rène n-tétradécane 1-tétradécène n-hexadécane* 1-hexadécène hexadécan-1-ol* 1-phényldécane acide palmitique* acide oléique pristane eicosane* ◊ 3-eicosanone géranyllinalool phytol ◊ heneicosane ◊ 18-pentatriacontanone paraffine* beta-carotène tripalmitine* trioléine hexadécyl-hexadécanoate* acide alginique C8H18O 0,1 % (v/v) tube CH3(CH2)4CH=CHCH2CH2OH 0,2 % (v/v) flacon C10H22 0,2 % (v/v) flacon CH3(CH2)10CO2CH3 0,2 % (v/v) flacon C14 H10 1 g.L-1 flacon C14H30 0,1 % (v/v) flacon C14H28 0,2 % (v/v) flacon C16H34 0,1 % (v/v) flacon C16H32 0,2 % (v/v) flacon microplaque CH3(CH2)15OH 15 billes C6H5(CH2)9CH3 0,1 % (v/v) flacon CH3(CH2)14COOH 0,28 g microplaque CH3(CH2)7CH=CH(CH2)7COOH 0,1 % (v/v) flacon C19H40 0,1 % (v/v) flacon C20H42 0,25 g microplaque C20H40O 4 mM flacon C20H34O 0,2 % (v/v) flacon CH3[CH(CH3)(CH2)3]3C(CH3)=CHCH2OH 0,2 % (v/v) flacon C21H44 1 g.L-1 flacon C35H70O 4 mM flacon CnH2n+2 8 billes microplaque C40H56 2 g.L-1 flacon [CH3(CH2)14COOCH2]2CHOCO(CH2)14CH3 0,28 g microplaque C57H104O6 0,1 % (v/v) flacon CH3(CH2)14CO2(CH2)15CH3 0,18 g microplaque polysaccharide 0,1 % (v/v) tube NT V V NT V V V NT NT NT NT V V NT NT V V V V V NT NT NT WT : souche sauvage JM1 ; aupA, aupB, aupAB : respectivement, mutants « knockout » JM2 (ΔaupA::aphA), JM3 (ΔaupB::aphA) et JM4 (ΔaupAB::aphA). 136 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure III.1 : Cinétiques de croissance planctonique des souches M. hydrocarbonoclasticus JM1 sur différentes sources de carbone solubles. dérivées de WT : souche sauvage JM1 ; aupA, aupB, aupAB : respectivement, mutants « knockout » JM2 (ΔaupA::aphA), JM3 (ΔaupB::aphA) et JM4 (Δ aupAB::aphA). Croissance planctonique suivie par mesure de la DO600 nm. 137 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure III.1 (suite) : Cinétiques de croissance planctonique des souches dérivées de M. hydrocarbonoclasticus JM1 sur différentes sources de carbone solubles. WT : souche sauvage JM1 ; aupA, aupB, aupAB : respectivement, mutants « knockout » JM2 (ΔaupA::aphA), JM3 (ΔaupB::aphA) et JM4 (ΔaupAB::aphA). Croissance planctonique suivie par mesure de la DO600 nm. Figure III.2 : Cinétique de croissance en biofilm sur eicosane des souches dérivées de M. hydrocarbonoclasticus JM1. WT : souche sauvage JM1 ; aupA, aupB, aupAB : respectivement, mutants « knockout » JM2 (ΔaupA::aphA), JM3 (ΔaupB::aphA) et JM4 (ΔaupAB::aphA). Croissance en biofilm suivie par coloration des cellules du biofilm au crystal violet (DO595 nm). 138 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB 2. Observation par microscopie confocale du développement de biofilms des souches de M. hydrocarbonoclasticus sur hexadécane et paraffine Les cellules des souches sauvage (JM1) et mutantes (JM2 (ΔaupA::aphA), JM3 (ΔaupB::aphA) et JM4 (ΔaupAB::aphA)) de M. hydrocarbonoclasticus ont été observées par microscopie confocale à balayage laser afin de comparer l’architecture globale de leurs biofilms formés aux interfaces liquide, hexadécane-eau, et solide, paraffine-eau. L’étude a été réalisée par l’équipe B2HM, TGUMR 1319 Micalis INRA/AgroParisTech, partenaire du projet ANR Blanc AD’HOC, à partir de cellules préparées comme décrit en sections 1.1.4 et 1.1.2 du Chapitre II. Le protocole d’imagerie est quant à lui décrit dans la section 1.1.5 de ce même chapitre. Plus de détails sont disponibles en section 2.4 de l’article précédent. Certaines images ont été intégrées aux résultats de l’article exposé précédemment. Dans les Figures III.3 et III.4.1, sont présentées les images dans lesquelles on peut observer les cellules adhérées aux gouttelettes d’hexadécane ou à la surface de la paraffine après 15 min et 3 h de contact des cellules avec le HOC et les cellules sessiles du biofilm après 24 h de croissance. Des images de biofilms prises au bout de 48 et 72 h sur paraffine sont présentées dans la Figure III.4.2. Ces images confirment que les souches mutantes forment un biofilm moins confluent et moins épais sur paraffine que la souche sauvage alors qu’aucune déficience dans l’adhésion n’est observée (Figure III.4.1). Ces caractéristiques phénotypiques ont été discutées dans l’article précédent. De plus, au bout de 48 h de croissance en biofilm sur paraffine, les différences phénotypiques observées entre souches mutantes et sauvage sont estompées (Figure III.4.2). En revanche, après 72 h, les mutants présentent un démantèlement prématuré du biofilm par comparaison avec la souche sauvage qui forme encore à ce stade un biofilm confluent à la surface de la paraffine. Cela est révélé par la présence de « trous » (absence de cellules) à certains endroits de la surface de la paraffine. Il semblerait donc que les mutants aupA, aupB et aupAB soient également affectés dans la durée de vie du biofilm à l’interface alcane-eau. De futures expériences pourront se consacrer à l’étude de ce phénomène. Les photographies prises sur hexadécane confirment qu’aucun défaut d’adhésion n’est visible pour les souches mutantes. Au bout de 24 h de croissance avec cet alcane, les gouttelettes d’hexadécane sont effectivement entourées de cellules de Mh mais les photographies ne permettent pas de conlure quant à d’éventuelles différences dans l’architecture des biofilms formés par les souches mutantes par comparaison avec la souche sauvage (Figure III.3). Il serait intéressant de pouvoir effectuer des coupes de biofilms formés autour d’une seule gouttelette d’hexadécane comme cela a été réalisé pour la souche sauvage (voir Figure 1.17 du Chapitre I). 139 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aup et aupB Figure III.3 : Observation de cellules des souches dérivées de M. hydrocarbonoclasticus JM1 adhérées et formant un biofilm sur des goutelettes d’hexadécane. Les cellules sont colorées au Syto 61 (rouge). Pour chaque condition, une photographie de microscopie confocale (gauche) ainsi que l’image correspondante réalisée en microscopie électronique en transmission (droite) sont présentées. WT: souche sauvage JM1; aupA, aupB, aupAB: souches mutantes, respectivement, JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) et JM4 (∆aupAB::aphA). 140 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure III.4.1 : Observation de cellules des souches dérivées de M. hydrocarbonoclasticus JM1 adhérées et formant un biofilm à l’interface solide paraffine-eau. L’utilisation du Syto 61 permet de visualiser les cellules en rouge et la paraffine en vert. Images en projection 3D réalisées avec le logiciel IMARIS. GAUCHE : uniquement les cellules adhérées ou du biofilm ; DROITE : superposition des cellules et de la paraffine. Pour la condition adhésion 15 min avec le mutant aupAB : photographie de microscopie confocale (gauche) et image correspondante réalisée en microscopie électronique en transmission (droite). WT: souche sauvage JM1; aupA, aupB, aupAB: souches mutantes, respectivement, JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) et JM4 (∆aupAB::aphA). 141 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Figure III.4.2 : Observation de cellules des souches dérivées de M. hydrocarbonoclasticus JM1 formant un biofilm à l’interface solide paraffine-eau. L’utilisation du Syto 9 permet de visualiser les cellules en vert. Images en projection 3D réalisées avec le logiciel IMARIS. : souche sauvage JM1; aupA, aupB, aupAB: souches mutantes, respectivement, JM2 (∆aupA::aphA), JM3 (∆aupB::aphA) et JM4 (∆aupAB::aphA). 142 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB 3. Constructions génétiques pour l’obtention du mutant aupA non polaire L’article précédent exposant la caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB a suggéré que la mutation ∆aupA::aphA présentait un effet polaire sur aupB. Le phénotype dû uniquement à l’absence de AupA a pu être observé en ajoutant en trans le gène aupB sous le contrôle du promoteur PA1/04/03 porté par un mini-Tn7T (souche JM6, voir Tableau II.1 p 64). Cependant, il avait été tenté auparavant d’éliminer cet effet polaire en changeant le sens d’insertion de aphA puis en essayant de construire une délétion en phase de aupA. Ces stratégies sont détaillées ci-dessous. 3.1. Mutation de aupA par délétion et insertion d’une cassette kanamycine (aphA) transcrite dans le même sens que aupA La technique utilisée pour créer le nouveau mutant « knockout » de aupA chez JM1 est la même que celle utilisée pour créer JM2 (voir l’article précédent, les sections 2.6.1 et 3.1 du Chapitre II). Cette nouvelle souche a été appelée JM2 (+) car la transcription de aphA s’effectue dans le même sens que l’opéron aupAB. Un fragment de 829 pb contenant une partie de la séquence codante de aupA et sa région flanquante en 5’ et un fragment de 628 pb de sa séquence codante en 3’ ont été clonés de part et d’autre de la cassette kanamycine, permettant de créer une délétion de 683 pb dans aupA, remplacée par la cassette kanamycine de 1794 pb. L’allèle sauvage de aupA de JM1 a été ensuite remplacé par cet allèle mutan , créant ainsi la souche JM2(+) (Figure III.5). Figure III.5 : Schéma de la construction du nouveau mutant « knockout » de aupA par échange d’allèle chez M. hydrocarbonoclasticus JM1. rpsL, bla, aphA : gènes conférant respectivement la sensibilité à la streptomycine, la résistance à l’ampicilline et la résistance à la kanamycine. 143 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB L’analyse des protéines de JM2(+) par western blot avec des anticorps anti-AupA et antiAupB a révélé qu’aucune de ces deux protéines n’était produite par ce mutant (Figure III.6A). La non-production de la protéine AupB est sûrement due à l’interruption de la séquence codante de aupA par la cassette kanamycine qui perturbe la transcription et/ou la traduction de l’opéron entier. Ce problème de polarité est bien connu dans le cas d’ARNm polycistroniques. En général, pour les mutants « knockout », si le gène de résistance à un antibiotique qui est introduit possède un terminateur de transcription, il entraîne un effet polaire sur le gène situé en aval sur la même unité de transcription (Snyder et Champness 2007). Or, dans notre cas, nous avons volontairement introduit une cassette kanamycine ne contenant pas de terminateur de transcription. L’effet polaire rencontré se situe donc plus vraisemblablement au niveau de la traduction. En regardant la structure secondaire de l’ARNm portant l’opéron aupAB à l’aide du serveur BiBiServ et de RNAfold (http://bibiserv.techfak.uni-bielefeld.de/rnafold/) (Hofacker et al., 1994) (McCaskill 1990) (Zuker et Stiegler 1981), nous avons identifié la présence d’une structure secondaire particulière qui chevauche les deux séquences codantes de aupA et aupB dans laquelle le codon d’initiation de aupB est situé au niveau d’une épingle à cheveux (Figure III.6B). Ce type de structure est courant dans le cas d’ARNm polycistroniques et nécessite le passage d’un ribosome au niveau du codon STOP du premier gène pour ouvrir la structure et permettre à un autre ribosome de se fixer et initier la traduction du second gène (Snyder et Champness 2007). Ainsi, l’interruption de la séquence codante de aupA par le gène aphA de résistance à la kanamycine entraînerait un détachement prématuré du ribosome de l’ARNm, dès que aphA est traduit. Le ribosome ne peut alors plus défaire la structure secondaire particulière pour permettre la traduction de aupB. Figure III.6 : Western blot d’extrait protéique de JM2(+) (A) et structure secondaire de l’ARNm de la région chevauchant aupA et aupB (B). : souche sauvage JM1; JM2 (+) : mutant « knockout » ΔaupA::aphA(+) ; RBS: site de fixation du ribosome. Le western blot a été réalisé à partir des protéines totales de JM2 (+) extraites d’une culture sur acétate. 144 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB La seule alternative pour créer une mutation dans aupA qui ne perturbe pas la transcription/traduction du gène aupB situé en aval était la délétion en phase. 3.2. Mutation de aupA par délétion en phase d’une région de sa séquence codante La stratégie de mutation par délétion en phase consiste à déléter la totalité ou une partie d’un gène en prenant soin de ne pas décaler le cadre de lecture pour ne pas créer de mutation non sens entraînant l’arrêt prématuré de la traduction. Tout effet polaire de la mutation est écarté et aucune insertion de cassette de gène n’est créée afin de ne pas impacter l’expression du/des gène(s) situé(s) en aval. Un nouveau plasmide a été construit, le pKOMKm-∆aupA, dans le but de remplacer l’allèle sauvage de aupA de JM1 par un allèle mutant produisant une protéine non fonctionnelle de 231 acides aminés (contre 452 pour la protéine sauvage). Tout d’abord, le plasmide pKAS32-aupA::aphA déjà construit et ayant permis de créer le mutant JM2 ∆aupA ::aphA (article précédent) a été digéré par XbaI puis refermé sur lui-même de sorte à créer un nouveau plasmide, le pKAS32-∆aupA dans lequel le gène aupA a été délété de 666 pb sans décalage du cadre de lecture (Figure III.7). Le gène ∆aupA obtenu par double digestion de restriction du pKAS32-∆aupA par MfeI et EcoRV a ensuite été cloné d’un côté de la cassette kanamycine portée par le pKOMKm (Figure III.7). Figure III.7 : Stratégie de la construction du vecteur pKOMKm-∆aup . rpsL et rpsLMh, bla, aphA : gènes conférant respectivement la sensibilité à la streptomycine (gène de E. coli ou de M. hydrocarbonoclasticus SP17 SmS), la résistance à l’ampicilline et la résistance à la kanamycine; oriT : origine de transfert ; oriR6K : origine de réplication dépendante de la protéine π. 145 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB Après conjugaison entre la souche parentale M. hydrocarbonoclasticus JM1 et la souche donneuse E. coli S17-1 (λpir) / pKOMKm-∆aupA (section 2.6.1 du Chapitre II), la sélection des transconjugants ayant intégré le plasmide dans leur chromosome par recombinaison homologue a été effectuée sur du milieu EMS contenant du lactate et de la kanamycine à 100 μg.mL-1. 12 clones ont ensuite été repiqués en milieu liquide EMS contenant du lactate puis 100 μL d’une dilution au 10-5 de cette culture ont été étalés sur le même milieu additionné de streptomycine à 100 μg.mL-1 au bout de 42 h de croissance. Les cultures ont été repiquées en parallèle en milieu liquide EMS + lactate après dilution au 1/100. Ces cultures ont de nouveau été étalées et repiquées de la même manière que précédemment six fois de suite. Les clones ayant poussé sur EMS + lactate + streptomycine sont de phénotype Sm R et correspondent en théorie soit au type sauvage si le plasmide intégré s’est excisé sans qu’il y ait eu l’échange entre les allèles sauvage et mutant, soit au type mutant si l’échange entre allèles a eu lieu. Au minimum 800 clones de phénotype SmR issus de chacun des 12 transconjugants et de chacun des repiquages ont ensuite été repiqués sur EMS + lactate contenant soit de la kanamycine (100 μg.mL-1) soit de la streptomycine (100 μg.mL-1). Etrangement, parmi les milliers de clones testés, aucun ne s’est avéré être un mutant en phase de aupA et ils présentaient tous le phénotype KmR, SmR. Or, ce phénotype est en théorie impossible : - si le plasmide pKOMKm-∆aupA est toujours intégré au chromosome, le gène rpsLMh devrait complémenter la mutation rpsLK58T de l’allèle conférant la résistance à la streptomycine chez la souche parentale. La souche devrait donc avoir un phénotype KmR, SmS. - si le plasmide s’est excisé entraînant avec lui la copie sauvage ou mutée de aupA, la souche devrait être KmS, SmR. Une résistance spontanée de la souche parentale à la kanamycine n’a jamais été observée. L’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer ce phénomène serait donc que la complémentation ait été partielle voire inexistante entre les allèles du gène rpsL, ou bien que nous ayons isolé des revertants de rpsL, entraînant un phénotype KmR, SmR pour les clones ayant intégré le plasmide pKOMKm-∆aupA dans leur chromosome. Cette expérience mérite à être répétée afin d’éclaircir ce phénomène. En effet, il paraît tout de même étonnant de ne pas avoir retrouvé des clones de phénotype KmS, SmR qui soient de type sauvage. 146 CHAPITRE III : Caractérisation fonctionnelle des gènes aupA et aupB 3.3. Conclusion Malgré les efforts engagés afin de construire un mutant aupA non polaire, il apparaît aujourd’hui difficile de créer une délétion de ce gène par les techniques que nous avons d’ores et déjà acquises et expérimentées. Bien que le phénotype uniquement dû à la perte de la protéine AupA ait été obtenu par l’intermédiaire d’un mini-Tn7T portant le gène aupB, il nous semble important de pouvoir inactiver uniquement le gène aupA. Cela permettrait d’affiner le rôle de AupA dans le transport d’alcanes voire d’étudier son mode d’action, en insérant dans la souche mutante aupA, via des mini-Tn7T, des copies modifiées de AupA. Ces copies seraient générées par mutagenèse dirigée au niveau d’acides aminés précis, choisis selon l’alignement de la séquence de la protéine AupA avec celle de la protéine FadL (voir Figure S5 de l’article (p 128)). Le mode de transport de cette dernière est connu et a été étudié par Hearn et al. (2009) (voir section 2.5.1 du Chapitre I). Ils ont créé des mutants ponctuels de FadL dans le but de bloquer le transport des acides gras à longue chaîne, par exemple en mutant des acides aminés du site de fixation du substrat situés dans la boucle extracellulaire L3 et des acides aminés situés de part et d’autre de l’ouverture latérale du tonneau afin de la clôturer. Par analogie, il est envisageable de créer le même type de mutants chez AupA. 147 148 CHAPITRE IV Etude transcriptomique de l’adhésion et de la formation de biofilms sur composés organiques hydrophobes chez M. hydrocarbonoclasticus JM1 149 150 CHAPITRE IV : Etude transcriptomique de l’adhésion et de la formation de biofilms Préambule Marinobacter hydrocarbonoclasticus JM1 est capable de dégrader une large gamme de HOC par la formation d’un biofilm, structure qui lui permet d’améliorer la biodisponibilité du substrat hydrophobe. De plus, cette souche ne forme un biofilm qu’au niveau d’interfaces fournissant un substrat hydrophobe qu’elle est capable de métaboliser (alcanes, triglycérides, alcanols, esters d’acides et d’alcool gras...) (Klein et al., 2008 ; Klein et al., 2010). Les seules études menées jusqu’ici sur les biofilms se développant sur des interfaces HOC-eau se sont surtout interessées aux mécanismes prônant le mode de vie en biofilm, en occultant la partie précédant cet état de biofilm mature (Cao et al., 2005 ; Fida et al., 2012 ; Jung et al., 2011 ; Lauchnor et al., 2011 ; Sabirova et al., 2006 ; Sabirova et al., 2011 ; Vaysse et al., 2009). L’étude protéomique réalisée chez M. hydrocarbonoclasticus a montré que le développement de biofilms sur HOC met en jeu un grand nombre de fonctions cellulaires et de mécanismes moléculaires qui restent encore inconnus (Vaysse et al., 2009). Cependant, ces travaux se sont limités à un seul type de substrat, le n-hexadécane, et à une seule étape du processus global de formation du biofilm, celle du bofilm mature. Les étapes plus précoces telles que la reconnaissance du substrat, l’adhésion et le développement du biofilm ont ainsi été occultées, de même que les différen moléculaires qui peuvent distinguer des biofilms formés sur différents HOC. La transition du mode de vie planctonique à une croissance en biofilm implique une série temporelle d’événements qui répondent à des signaux environnementaux et bactériens. Il semble acquis que la mise en place d’une architecture complexe et des propriétés physiologiques nouvelles au sein du biofilm passe par la mise en place de programmes génétiques particuliers (Kuchma et O’Toole 2000). L’analyse des profils transcriptomiques est devenue un outil de choix pour les microbiologistes qui souhaitent analyser ces changements dans l’expression génique. Néanmoins, l’interprétation des résultats de ce type d’étude est problématique car l’ARN est extrait à partir de la totalité des cellules du biofilm, cellules qui existent dans différents états physiologiques (Franks 2010). Une étude de transcriptomique a donc été menée chez la souche Mh JM1 dans le but d’identifier des gènes intervenant dans les différentes étapes de la formation du biofilm sur HOC, depuis la détection de la nature de l’interface jusqu’au biofilm mature, et ce, sur différents types d’interfaces hydrophobes. 151 CHAPITRE IV : Etude transcriptomique de l’adhésion et de la formation de biofilms La technique des micropuces à ADN a permis d’apporter une analyse comparative des profils transcriptionnels des cellules de Mh JM1 en condition d’adhésion à des HOC par comparaison à un témoin correspondant à des cellules non adhérées, et en condition de biofilm sur HOC par comparaison à des cellules en phase exponentielle de croissance sur acétate. A notre connaissance, la présente étude représente la première analyse de la réponse génétique précoce (dès 15 min d’adhésion) engendrée par des cellules bactériennes à la suite de leur contact avec une interface hydrophobe. Différents types de réponses ont été considérés, lors de l’adhésion (15 min et 3 h) à une interface hydrophobe hydrocarbonée (hexadécane et heptaméthylnonane) ou triglycéridique (trioléine), nutritive (hexadécane et trioléine) ou non métabolisable (heptaméthylnonane) et lors du biofilm mature (20 h) (hexadécane et trioléine ; l’heptaméthylnonane n’autorisant pas la formation de biofilm car non métabolisable).1 1 Les résultats de cette étude de transcriptomique ont été présentés par deux oraux réalisés lors des Cinquièmes journées thématiques du Réseau National Biofilm qui se sont déroulées à Narbonne en janvier 2012 (Génomique fonctionnelle de l’adhésion et de la formation de biofilm sur composés organiques hydrophobes chez Marinobacter hydrocarbonoclasticus SP17_ Mounier et al._ https://colloque2.inra.fr/var/reseau_national_biofilm/storage/htmlarea/2011/file/6_2%20Mounier.pdf.) et lors du congrès international Biofilms 5 qui a eu lieu en décembre 2012 à Paris (A transcriptomic approach to uncover the molecular response Marinobacter hydrocarbonoclasticus SP17 following adhesion to HOC-water interfaces_Mounier et al.). 152 CHAPITRE IV : Etude transcriptomique de l’adhésion et de la formation de biofilms 1. Conception et hybridation des micropuces à ADN, obtention et évaluation des données et analyses statistiques 1.1. De la conception des micropuces à l’obtention des données brutes La construction des puces à ADN « TransMhyPtom 4x72k » dédiées à l’étude de l’expression du génome de M. hydrocarbonoclasticus a été réalisée « à façon » par la société Roche NimbleGen. Le marquage des ADNc, l’hybridation des puces et la lecture des résultats ont été confiés à la plate-forme Biopuces de l’INSA de Toulouse. Un ensemble de six oligonucléotides de 45 à 60 mer spécifiques de chaque objet génomique (59 séquences non codantes (ARNt et ARNr), 3807 séquences codantes, 1739 régions intergéniques de taille supérieure à 60 pb) a été dessiné à partir de la séquence du génome de Mh SP17 (Grimaud et al., 2012). Trois de ces oligonucléotides se positionnent sur le brin sens et les trois autres, inverses complémentaires aux premiers, sur le brin anti-sens. Ils ont été choisis de façon à représenter les extrémités 5’ et 3’ ainsi que la partie centrale de chaque objet génomique. Ces oligonucléotides ont été synthétisés en double sur les micropuces en même temps que 6186 séquences aléatoires ne présentant aucune similarité de séquence avec le génome de Mh SP17. Chaque zone d’hybridation (puce) permet ainsi d’obtenir 12 valeurs brutes d’hybridation pour chaque objet génomique et un ensemble de données complémentaires permettant de corriger et valider statistiquement les résultats et d’avoir une bonne représentativité du comportement de l’ensemble du génome. L’analyse a été faite à partir de trois répétitions biologiques pour chaque condition, permettant d’affermir la validité statistique des résultats obtenus. Les ADNc ont été préparés selon les protocoles décrits en sections 2.1.2 et 2.2 du Chapitre II. Au total, 8 conditions distinguant les différents processus de la formation du biofilm ont été définies : - 15 min et 3 h d’adhésion sur différentes interfaces hydrophobes nutritive (hexadécane, trioléine) ou non (heptamethylnonane + acétate = HMNAc). Pour le cas du HMN, alcane non métabolisable par la souche, l’ajout d’acétate permet de s’affranchir de la réponse génétique due à carence carbonée. Dans ce cas, la consommation du substrat ne s’opère non plus à l’interface HOC-eau mais dans la phase aqueuse. Les cellules adhérées ont été préparées selon le protocole décrit en section 1.1.4 du Chapitre II. - biofilm mature sur hexadécane et trioléine. Les biofilms ont été préparés comme indiqué en section 1.1.2 du Chapitre II et récupérés après 20 h de croissance. 153 CHAPITRE IV : Etude transcriptomique de l’adhésion et de la formation de biofilms - un témoin adhésion : réalisé sur une partie des cellules préparées pour les conditions adhésion 15 min et 3h et qui correspondent donc au temps T0 de l’adhésion. - un témoin biofilm : réalisé sur des cellules en phase exponentielle de croissance planctonique sur acétate ; témoin identique à celui utilisé lors de l’étude protéomique. Les cellules ont été préparées selon le protocole décrit en section 1.1.1 du Chapitre II. 1.2. Traitement et analyse statistique des données L’analyse des données brutes a été réalisée en utilisant le serveur ANAIS (http://anais.versailles.inra.fr) (Simon et Biot 2010) qui fonctionne avec le logiciel R et les outils d’analyses développés par le projet Bioconductor ( ://www.bioconductor.org/). Les données obtenues pour les séquences intergéniques n’ont pas été prises en considération pour les analyses suivantes.
13,317
02/hal.archives-ouvertes.fr-tel-03112256-document.txt_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
3,572
7,130
Système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni Al Ti Cr Fe Co Ni Autres phases – 1.8 3.6 5.5 9.1 8.9 7.8 10.0 4.0 4.0 6.0 9.0 7.0 3.0 7.0 8.0 7.5 – – 3.6 2.4 1.2 3.0 3.0 4.0 4.0 3.8 2.8 1.9 9.1 7.3 5.5 3.6 – 6.0 7.2 6.0 2.0 1.0 3.0 3.0 – 3.0 7.0 6.0 7.5 4.8 2.4 1.2 2.4 3.6 3.0 3.0 4.0 – 1.9 2.8 3.8 18.2 18.2 18.2 18.2 18.2 9.2 12.2 8.0 23.5 23.8 22.8 22.0 23.3 31.3 – – 13.3 23.8 24.4 23.8 23.8 23.8 25.0 25.0 15.0 16.0 18.9 18.9 18.9 18.2 18.2 18.2 18.2 18.2 8.2 11.5 15.0 23.5 23.8 22.8 22.0 23.3 – 28.7 28.7 13.3 23.8 24.4 23.8 23.8 23.8 35.0 26.0 21.0 16.0 18.9 18.9 18.9 27.3 27.3 27.3 27.3 27.3 17.2 20.6 25.0 23.5 23.8 22.8 22.0 23.3 31.3 28.7 28.7 13.3 23.8 24.4 23.8 23.8 23.8 35.0 35.0 28.0 32.0 18.9 18.9 18.9 27.3 27.3 27.3 27.3 27.3 50.5 40.7 36.0 23.5 23.8 22.8 22.0 23.3 31.3 28.7 28.7 45.0 23.8 24.4 23.8 23.8 23.8 5.0 14.0 28.0 32.0 37.7 37.7 37.7 Ni3 Ti (900-1000°C) Ni3 Ti – – B2 – – B2 à 900°C Heusler Ni2 AlTi Heusler Ni2 AlTi Heusler Ni2 AlTi Heusler Ni2 AlTi B2 – – – – (as-cast) L12 métastable Ni3 Ti + Laves + σ B2 – Ni3 Ti Heusler Heusler – – – – – Réf. [112, 114] [112] [112, 123] [112] [112] [103] [103] [105, 190, 191] [106, 126, 150] [106] [106] [106] [113] [110] [111] [111] [192] [107] [108] [109] [109] [109] [124] [124] [169] [121] [168] [168] 68] Tableau C.1 – Compositions des CCAs cfc+L12 basés sur le système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni publiées dans la littérature. 143 CHAPITRE C : Alliages concentrés complexes cfc+L12 de la littérature Al Ti Cr Fe Co Ni Autres phases 2.0 3.0 5.0 5.5 6.0 2.0 3.0 5.0 5.5 6.0 15.0 15.0 15.0 15.0 13.0 29.0 25.0 17.0 15.0 15.0 26.0 27.0 29.0 29.5 30.0 26.0 27.0 29.0 29.5 30.0 – – – – – 5.0 5.0 5.0 7.5 5.0 5.5 4.5 – 5.0 5.0 5.0 5.0 7.5 7.0 8.0 12.5 16.7 10.0 20.0 13.1 13.1 13.1 13.1 – 16.7 10.0 10.0 17.5 17.5 8.8 8.8 25.0 16.7 35.0 25.0 4.4 21.9 25.2 37.6 37.5 40.0 35.0 35.0 52.5 35.0 40.4 28.0 25.0 – – – – – – – τ (Ni0.5 Co0.5 )3 Ti Réf. [122] [122] [122] [122] [122] TA1 TA2 TA3 TA4 TA5 TA6 TA7 TA8 Tableau C.2 – Compositions des CCAs cfc+L12 basés sur le système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni publiés dans la littérature (suite). 144 – – – 4.1 3.0 4.0 5.0 8.0 5.7 3.7 6.3 5.0 4.0 3.0 17.0 18.9 18.5 20.8 15.0 15.0 15.0 Cr – – – – 10.0 10.0 10.0 Mn 17.0 18.9 18.5 20.8 33.5 33.5 33.5 Fe 17.0 – 18.5 20.8 – – – Co 33.0 37.7 37.0 20.8 33.5 33.5 33.5 Ni 8.0 18.9 3.7 6.3 – – – Cu – – – Cu (cfc) + Heusler + σ Heusler Heusler + Ni3 Ti Ni3 Ti Autres phases [102] [113] [115] [116] [117] [117] [117] Réf. Tableau C.3 – Compositions des CCAs cfc+L12 basés sur le système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni avec Mn et / ou Cu publiés dans la littérature. Ti Al Système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni avec Mn et/ou Cu CHAPITRE C : Alliages concentrés complexes cfc+L12 de la littérature 145 146 5.8 1.0 5.8 – – – – – – – – 7.5 3.5 – – – 10.3 8.0 10.2 8.0 8.0 8.0 8.0 8.0 8.0 8.0 8.0 7.5 9.9 – 2.0 4.0 7.5 14.0 7.4 18.0 18.0 18.0 18.0 18.0 18.0 18.0 18.0 13.3 5.9 16.0 15.7 15.3 Cr 9.0 17.0 8.9 9.0 9.0 9.0 9.0 9.0 18.0 18.0 18.0 13.3 – 16.0 15.7 15.3 Fe 17.0 17.0 16.9 30.0 30.0 30.0 25.0 20.0 30.0 30.0 20.0 13.3 37.6 32.0 31.3 30.7 Co 48.6 34.8 47.9 31.0 31.5 32.0 36.0 41.0 22.0 23.0 32.0 44.8 35.4 32.0 31.3 30.7 Ni – 8.0 – – – – – – – – – – – – – – Cu – – 1.2 4.0 3.5 3.0 4.0 4.0 4.0 3.0 4.0 – – 4.0 4.0 4.0 Nb 0.8 0.1 0.9 – – – – – – – – – 4.9 – – – Mo – – – – – – – – – – – 0.2 – – – – Hf 0.6 – – – – – – – – – – – 2.8 – – – Ta 0.4 0.1 0.4 – – – – – – – – – – – – – W – – Carbures (0.4 at.% C) Laves (T ≥ 900°C) Laves (T ≥ 1000°C) – Laves (T ≥ 1000°C) – Laves + B2 Laves + B2 Laves + B2 – (as-cast) – D019 D019 – Autres phases [103] [118] [119] [120] [120] [120] [120] [120] [120] [120] [120] [192] [127] [121] [121] [121] Réf. Tableau C.4 – Compositions des CCAs cfc+L12 basés sur le système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni–Cu avec présence d'éléments réfractaires publiés dans la littérature. Ti Al Système Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni avec éléments réfractaires CHAPITRE C : Alliages concentrés complexes cfc+L12 de la littérature Annexe D Distributions de tailles expérimentales 147 Figure D.1 – Distributions en diamètre normalisé par le diamètre moyen pour les alliages après traitement de mise en solution (1150°C/48h). Les courbes correspondent aux distributions prédites par les modèles LSW (fraction volumique nulle) et LSEM (fraction volumique = 35%). CHAPITRE D : Distributions de tailles expérimentales 148 Figure D.2 – Distributions en diamètre normalisé par le diamètre moyen pour les alliages après recuit à 850°C. Les courbes correspondent aux distributions prédites par les modèles LSW (fraction volumique nulle) et LSEM (fraction volumique = 35%). CHAPITRE D : Distributions de tailles expérimentales 149 Figure D.3 – Distributions en diamètre normalisé par le diamètre moyen pour les alliages après recuit à 900°C. Les courbes correspondent aux distributions prédites par les modèles LSW (fraction volumique nulle) et LSEM (fraction volumique = 35%). CHAPITRE D : Distributions de tailles expérimentales 150 Figure D.4 – Distributions en diamètre normalisé par le diamètre moyen pour les alliages après recuit à 950°C. Les courbes correspondent aux distributions prédites par les modèles LSW (fraction volumique nulle) et LSEM (fraction volumique = 35%). CHAPITRE D : Distributions de tailles expérimentales 151 Annexe E Energie d'activation pour la coalescence 152 CHAPITRE E : Energie d'activation pour la coalescence Selon les modèles considérés dans cette étude, on peut mettre la vitesse de coalescence sous la forme : K0 * exp K= T −Q Rb T (E.1) Le but de cette annexe est de montrer l'effet que peut avoir la dépendance en température du terme K0 sur la détermination de l'énergie d'activation pour la coalescence (Q). On considérera deux cas pour illustrer cet effet : - Le terme K0 ne dépend pas de la température. - Le terme K0 dépend de la température et double de valeur entre 850°C et 950°C (K0 (T=950°C)=2*K0 (T=850°C)). Dans le premier cas, l'énergie d'activation pour la coalescence correspond à l'énergie d'activation pour la diffusion de l'élément limitant. Cependant, dans le deuxième cas, on ne trouvera pas la même valeur si on analyse les valeurs de vitesse de coalescence par rapport à l'équation E.1. Figure E.1 – Détermination de l'énergie d'activation pour la coalescence d'un alliage hypothétique dans le cas où le terme K0 est indépendant de la température (cas 1) et dans le cas où ce terme double de valeur entre 850°C et 950°C (cas 2). A titre d'exemple, on prend comme système modèle un alliage dont la coalescence est limitée par un élément dont l'énergie d'activation pour la diffusion est 280 kJ*mol−1. On fait ensuite l'analyse de la vitesse de coalescence en considèrant les deux cas cités précédemment 153 et en déteminant l'énergie d'activation pour la coalescence à la lumière de l'équation E.1. Cette analyse est illustrée en figure E.1 On note qu'on trouve bien une énergie d'activation pour la coalescence égale à l'énergie d'activation pour la diffusion dans le premier cas. Cependant, cette égalité n'est plus vérifiée dans le deuxième cas, où on considère que le terme K0 double de valeur entre 850°C et 950°C. On déterminera ainsi une valeur de Q proche de 360 kJ*mol−1 (Fig. E.1), ce qui correpond à une augmentation de 80 kJ*mol−1 par rapport à l'énergie d'activation pour la diffusion. En conclusion, la dépendance en température du terme K0 dans l'équation E.1 peut influencer significativement la valeur de Q déterminée expérimentalement. Pour pouvoir déterminer une énergie d'activation qui ait un sens physique, il faudrait donc connaı̂tre précisément la dépendance de ce terme avec la température en modifiant l'équation E.1 pour la mettre sous une forme plus appropiée au problème. 155 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 20 21 2.3 Enthalpie libre des phases d'un système binaire A–B hypothétique. Deux cas sont envisagés pour la courbe de la solution solide : idéale (bleu) et non-idéale (rouge). Deux composés définis A0.75 B0.25 et A0.1 B0.9 sont représentés par un carré et un disque, respectivement. [37]. 22 2.4 Illustration de la distortion croissante hypothétique d'un réseau cc avec le nombre de constituants (adapté de [49]). 24 2.5 Diffusion de Cr, Co, Fe et Ni en fonction de la température homologue avec Tm la température de fusion de l'alliage et T la température de recuit [61]. Les coefficients de diffusion dans les alliages Cr20 Mn20 Fe20 Co20 Ni20, Cr10 Mn10 Fe10 Co10 Ni60 et Cr2 Mn2 Fe2 Co2 Ni92 sont comparés à leurs valeurs dans le nickel pur. 26 2.6 Evolution du coefficient d'auto-diffusion du Ni dans le nickel pur, dans les alliages CrMnFeCoNi, CrFeCoNi et dans le composé stochiometrique Ni3 Al [58]. 27 2.7 a) Evolution de la limite d'élasticité de CrMnFeCoNi en fonction de la température pour différentes tailles de grains [70]. b) Evolution de la limite d'élasticité de plusieurs alliages équimolaires du système Cr–Mn–Fe–Co–Ni en fonction de la température (taille de grains comprise entre 24 et 48 μm). [76]. c) Evolution de la nano-dureté de la solution solide autour de la composition équimolaire en fonction de la concentration x de l'élément considéré en gardant les autres éléments en proportion équimolaire [67]. 29 2.8 Limite d'élasticité à 1000°C vs masse volumique pour les AHEs cc basés sur les éléments réfractaires, solutions solides cc avec précipitation et superalliages base Ni [91]. L'alliage équimolaire CrMnFeCoNi a été rajouté avec la limite d'élasticité mesurée par Gali et al. [71] et la masse volumique mesurée à l'ICMPE par la méthode d'Archimède. 32 2.9 Panel de microstructures multi-phasées avec présence de phase cfc. a) Alliage AlCrFeCoNiCu brut de coulée, décomposition spinodale [2]. b) Alliage CrFeCoNiMo0.3 après recuit à 1000°C/24h, précipitation de phases σ et μ [94]. c) Alliage CrFeCoNi2.1 Nb0.2 après recuit 800°C/1h, nano-précipitation d'une phase ε (D019 ) et de phases de Laves [98]. d) Alliage CrFeCoNi2 Nb0.15 après recuit 650°C/120h, nano-précipitation d'une phase métastable de structure D022 [99]. e) Alliage Al0.5 CrFeCo1.5 Ni1.5 après recuit 750°C/50h, précipitation d'une phase de structure B2 [100]. 3.3 3.4 Observation des précipités en champ sombre, a) cliché de diffraction en axe de zone 〈100〉, les taches correspondant aux plans (110) et (210), utilisées pour l'imagerie en champs sombre , sont mises en évidence b) cliché de diffraction en condition d'observation optimale, dans lequel on sélectionne la tache correspondant au plan (110 ) pour faire une image en champ sombre . c) Image en champ sombre correspondante..... Détermination des températures de transition dans l'alliage TA5 à l'aide de la méthode des tangentes.......................................... Diagrammes illustrant la proportion de compositions cfc+L12 pour des intervalles de composition donnés. a) Al et Ti, b) somme Al+Ti, c) Cr et Fe, d) Cr+Fe, e) Co et Ni, f) Co+Ni. 4.2 Coefficients de partage des éléments du sénaire pour les 4 562 compositions cfc+L12 à 800°C et 1000°C. a) Al, b) Ti, c) Cr, d) Fe, e) Co, f) Ni. 4.3 Diagrammes de type "boı̂te à moustaches" illustrant la distribution de la concentration des constituants dans les phases a) cfc et b) L12 des 4 562 compositions cfc+L12 à 800°C et 1000°C. Les moustaches correspondent au minimum et maximum de la répartition. La boı̂te correspond aux quartiles de la répartition et le trait horizontal à la médiane. La moyenne est matérialisée par un losange noir. 4.4 Représentation des 4 562 compositions cfc+L12 selon les facteurs : a) F1 et F2, b) F1 et F3. Les vecteurs correspondant aux variables compositionnelles sont superposés aux compositions cfc+L12. 4.5 Isoplèthes a) (AlTi)12,5 (CrFe)x (CoNi)87,5−x, b) Al5 Ti7,5 (CrFe)x (CoNi)87,5−x. 4.6 Graphique de type "coordonnées parallèles" où chaque alliage qui présente une microstructure cfc+L12 à 800 et 1000°C est représenté par une ligne reliant la composition des différents éléments. Un gradient de couleur a été appliqué à la concentration en fer. 4.7 Diagrammes binaires a) Ti–Co, b) Al–Ni, c) diagramme quaternaire Al–Ti–Co–Ni à 800°C. 4.8 a) Section du quaternaire Al–Ti–Co–Ni selon laquelle on choisit de faire la représentation. b) Section [Al] + [Ti] = 12,5 at.% calculée à 800°C avec l'accent sur les phases en présence. c) Section [Al] + [Ti] = 12,5 at.% calculée à 800°C, 900°C et 1000°C avec l'accent sur le domaine cfc+L12 et sur la fraction de L12. 4.9 Diagramme de représentation de l'étendue du domaine biphasé cfc+L12 dans le sénaire Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni pour [Al] + [Ti] = 12,5 at.%. Le domaine représenté est issu d'une superposition de calculs à 800°C, 900°C et 1000°C. Le gradient de couleur correspond à la fraction molaire de L12 à 800°C. 4.10 Nuages de point contenant les 4 562 composition s cfc+L12 issues du calcul massif montrant l'impact de Cr (a,b) et Fe (c,d) sur la somme des solubilités de Al et Ti dans les phases cfc (a,c) et L12 (b,d). 4.11 Représentation de la zone riche en Ni du ternaire Al–Fe–Ni montrant l'évolution de l'étendue de la phase L12 (lignes pointillées) entre 500°C et 1000°C. 75 79 4.13 Diagramme de représentation de l'étendue du domaine biphasé cfc+L12 dans le sénaire Al–Ti–Cr–Fe–Co–Ni pour [Al] + [Ti] = 12,5 at.%. Le domaine représenté est issu d'une superposition de calculs à 800°C, 900°C et 1000°C. Le gradient de couleur correspond à la temp érature de solidus. 80 4.14 Isoplèthes ayant permis la sélection des compositions TA1, TA2 et TA3. a) Al5 Ti5 Crx Fex Cox Ni90−3x (TA1 pour x = 16, 7), b) Al5 Ti5 Crx Fex Co45−x Ni45−x (TA2 pour x = 10), c) Al5 Ti5 Crx Fe10 Co25 Ni 55 − x (TA3 pour x = 20 ). 81 4.15 Sélection de TA7 à l'aide de la méthode de représentation. 82 4.16 Comparaison de la composition des alliages TA4 à TA7. La ligne pointillée est une illustration de la limite de stabilité du domaine. A gauche de cette limite, il n'est pas possible de trouver de composition cfc+L12 entre 800°C et 1000°C. 83 4.17 Diffractogrammes des alliages TA1 à TA7 après recuit (11 50°C/48h+900°C/ 403 h). 84 4.18 Images MEB en électrons rétrodiffusés de la micro structure des alliages TA1 à TA7 après recuit (1150°C/48h+900°C/403h). 85 4.19 Images MET (champ clair) en axe de zone [100] de la microstructure des alliages TA1 (a), TA2 (b) et TA5 (c) après recuit (1150°C/48h+900°C/403h). 86 4.20 Cartographie EDS en MET de l'alliage TA5 après recuit (1150°C/48h+900°C/403h). 86 4.21 Courbes DSC des alliages TA1 TA7 après recuit (1150°C/48h+900°C/403h). Vitesse de chauffe : 10 °C*min−1. 87 4.22 Sélection de la composition TA8 à partir de la section correspondant à [Cr] = 0 at.% et [Fe] = 25 at.% de la représentation du sénaire (Fig. 4.9) et diagramme d'équilibre. 88 4.23 Caractérisation expérimentale de l'alliage TA8 ( Ti12,5 Fe25 Co37,5 Ni25 ) après recu it (800° C/ 144h), a) Diffractogramme RX, b ) cliché MEB (électrons rétrodiffusés), c ) cart ographie EDS . 89 4.24 Représentation des phases observées dans des alliages de la littérature et de ce trai] [N i]−[Co] vail sur un diagramme avec δAl−T i = [Al]−[T [Al]+[T i] en abscisse et δN i−Co = [N i]+[Co] en ordonnée. Références [103, 105, 106, 108, 110–113, 124]. 92 4.25 Isoplèthe Ti12,5 Fex ( Co1,5 Ni1 )87,5−x calculée à l'aide de la base de donnée s TCHEA3 sur laquelle sont superposés les résultats expérimentaux issus du travail de Zhou et al. [148] et les résultats issus de cette étude (TA8). 93 4.26 Comparaison entre données expérimentales et calculées pour les 7 alliages cfc+L12, a) Température de solvus L12, b) Température de solidus, c) Température de liquidus, d) Fraction volumique de L12. Les alliages TA1 à TA7 correspondent aux points numérotés de 1 à 7. 94 4.27 Evolution de la différence entre températures de transition expérimentales et calculées en fonction de la fonction de substitution δN i−Co, a) température de solvus, b) température de solidus. Les alliages TA1 à TA7 correspondent aux points numérotés de 1 à 7. 95 5.1 5.2 Illustration de la variation de l'incrément de contrainte avec le rayon moyen des précipités pour un alliage biphasé avec une précipitation cohérente avec la matrice. Les mécanismes de contournement (mécanisme d'Orowan) et de cisaillement des précipités (deux régimes) par les dislocations sont montrés. L'incrément maximum est atteint pour une taille de particules r0 à la transition entre les deux régimes liés au cisaillement des précipités. Cette taille optimale dépend de l'énergie de parois d'antiphase, ici notée γAP B [152]). 99 Distributions théoriques en fonction de la fraction volumique de phase secondaire prédites par le modèles LSEM [158]). 104 158 5.3 5.4 5.5 5.6 5.7 5.8 5.9 5.10 5.11 5.12 5.13 5.14 5.15 5.16 5.17 5.18 5.19 5.20 Dépendance de la vitesse de coalescence avec la fraction volumique (ici notée Q) pour différents modèles [1 57]. 105 Micro structures MET (champ sombre) en axe de zone 〈100〉 des alli ages TA 4, TA5, TA6 et TA7 à la suite du recu it de mise en solution (1150°C/48h). Toutes les images sont présentées à la même échelle. 107 Microstructures MET (champ sombr e) en axe de zone 〈100〉 des alliages TA6 et TA7 à la suite des recuits à 850°C. Toutes les images sont présentées à la même échelle. 107 Microstructures MET (champ sombre) en axe de zone 〈100〉 des alliages TA4, TA5, TA6 et TA7 à la suite des recuits à 900°C. Toutes les images sont présentées à la même échelle. 108 Microstructures MET (champ sombre) en axe de zone 〈100〉 des alliages TA4, TA5, TA6 et TA7 à la suite des recuits à 950°C. Toutes les images sont présentées à la même échelle. 108 Evolution du coefficient de détermination R2 avec l'exposant n du modèle de coalescence considéré (eq. 5.14). 110 Distributions en diamètre normalisé par le diamètre moyen pour les alliages après recuit à 950°C. Les courbes correspondent aux distributions prédites par les modèles LSW (fraction volumique nulle) et LSEM (fraction volumique = 35%). 111 Ajustement linéaire des diamètres moyens pour les alliages a) TA4, b) TA5, c) TA6 et d) TA7. 112 Détermination de l'énergie d'activation pour la coalescence des alliages a) TA4, b) TA5, c) TA6 et d) TA7. 114 Sonde atomique tomographique pour TA5 après 850°C/1h30. a) Représentation des atomes permettant de visualiser la concentration en chacun des élements dans les deux phases, b) Concentration le long d'un profil selon un axe perpendiculaire à l'interface entre précipité/matrice. 115 Sonde atomique tomographique pour TA5 après 950°C/1h30. a) Représentation des atomes permettant de visualiser la concentration en chacun des élements dans les deux phases, b) Concentration le long d'un profil selon un axe perpendiculaire à l'interface entre précipité/matrice. 116 Evolution de la dureté en fonction du temps de recuit à : a) 850° C, b ) 900°C et c) 950° C.117 Evolution de la dureté en fonction du diamètre moyen des précipités pour les alliages a) TA4, b) TA5, c) TA6 et d) TA7. Le point MS correspond à l'état mis en solution : 1150°C/48h suivi d'une trempe à l'eau. 118 Evolution de la vitesse de coalescence avec la température pour les all i ages de cette étude (TA4, TA5, TA6 et TA7) et comparaison avec des alliages de la littérature : superalliage CMSX-4 [167] et B0.1 Al6 Ti6 Cr15 Fe13 Co30 Ni29.9 [128]. 122 Calcul du para mètre Xi = (Ciβ −Ciα )2 /Ciα pour chaque élément i aux trois ératures de l'étude (850°C, 900°C et 950°C). Les valeurs de ce terme ont été calculées à l'aide des données de composition calculées avec la base de données TCHEA3. 125 Paramètre Xi = (Ciβ − Ciα )2 /Ciα pour chaque élément i dans l'alliage TA5. Les valeurs de Xi calculées avec la base de données TCHEA3 (a) sont comparées aux valeurs expérimentales (b), déterminées expérimentalement à 850°C et 950°C à l'aide des compositions déterminées en SAT après une durée de recuit de 1h30. 126 Modélisation du durcissement par l' ordre en fonction du dia mètre moyen des précipités.129 Alliage TA5 filé à chaud à l'ONERA, a) barre obtenue en fin de filage, b) microstructure MEB en électrons rétrodiffusés. 135 159 A.1 Tentatives de distinction des domaines d'obtention de solution solide (SS), intermétalliques (IM), multi-phasés (SS+IM) et alliages amorphes (AM) avec des critères thermodynamiques empiriques. 25 28 33 46 50 60 61 63 69 69 70 88 90 95 Compositions nominales (at.%) des alliages étudiés dans ce chapitre........... 106 Données expérimentales concernant l'étude cinétique de la coalescence. Les incertitudes données sur le diamètre correspondent à deux fois l'intervalle de confiance à 99% et celles données sur la dureté correspondent à un intervalle de confiance à 95%...... 109 Vitesses de coalescence et énergies d'activation déterminées expérimentalement..... 113.
23,967
56/tel.archives-ouvertes.fr-tel-03129807-document.txt_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
614
1,001
Table matières INTRODUCTION GENERALE 11 PROBLEMATIQUE 17 HYPOTHESES 19 POSITIONNEMENT DISCIPLINAIRE 20 METHODOLOGIE ET TERRAIN 25 PARTIE I : LA CIRCULATION DES CONNAISSANCES ET LA TRANSMISSION DES SAVOIRS DANS LES CENTRES DE COWORKING : RAPPELS THEORIQUES ET RESULTATS D'ENQUETES. 46 Préambule : taxinomie des espaces de coworking et des communautés organisées en réseaux 49 1.1) L'approche fondée sur les ressources et les compétences 87 1.1.1) Compétences et savoirs : introduction et rappels théoriques 87 1.2) La gestion de la connaissance 93 1.3) La gestion des connaissances comme enjeu de partage du savoir 99 1.4) Le traitement du savoir dans les espaces de coworking 101 1.5) La diffusion et le partage du savoir dans les espaces de coworking 102 1.6) La protection des données dans les espaces de coworking 109 1.7) La Synthèse concernant la gestion des connaissances dans les espaces de coworking (résultats d'enquêtes) 109 1.8) La circulation des connaissances dans les espaces de coworking comme enjeu du transfert des compétences 110 1.9) La compétence collective, un construit social à identifier dans les espaces de coworking 116 1.10) Compétence collective et nomadisme : un paradoxe sociétal? 121 1.11) La compétence collective comme fonction du management du collectif 127 1.12) Compétences, espace holoptique et création de valeur 130 275 1.13) Le capital immatériel, état des lieux et perspectives 132 PARTIE II : LA TRANSMISSION DES COMPETENCES DANS LES ESPACES DE COWORKING : UN APPRENTISSAGE COMPLEXE 138 2.1) La dynamique collective des espaces de coworking à l'épreuve de la théorie de la contingence. 139 2.2) L'uniformité et la diversité de la dynamique collective dans les centres de coworking : vers de nouvelles communautés de pratiques organisationnelles aux caractéristiques complexes 142 2.2.1) Le temps et l'espace comme critères de partage de la connaissance pertinente collaborative 142 2.2.2) Une nécessaire approche psychologique pour appréhender les compétences partagées dans un espace collectif 143 2.2.3) La question des langages : un mythe babylonien 144 2.3) Les jeux de pouvoirs : une faille dans la possibilité de la transmission 146 2.4) Le concept d'interrelationalité dans les espaces de coworking 151 2.5) Le centre de coworking : un espace protéiforme 153 2.6) L'importance de la communication au service de l'expérience sociale 158 2.7) Le centre de coworking : un espace composite 160 2.8) Oser la modélisation des connaissances pour rendre compte de l'architecture métasystémique de la transmission des compétences 165 2.9) Les concepts d'organisation active, d'Organis-action ou d'Unité Active pour appréhender le concept de transmission des compétences au sein des espaces de coworking 169 2.10) Le coworking : le dessein d'une intelligence collective qui favorise la transmission des compétences par le transfert réflexif 173 2.11) L'espace de coworking : un accélérateur des compétences de savoir être 181 2.12) Le centre de coworking : un espace collaboratif disruptif 188 TABLE DES ILLUSTRATIONS 242 TABLE DES ANNEXES 244 ANNEXE 1 : Fiches signalétiques des espaces de coworking visités 245 ANNEXE 2 : Questionnaire élaboré par le CSMO-ESAC qui traite du transfert de connaissances ayant permis d'élaborer le guide d'entretien. 263 ANNEXE 3 : Mise en comparaison des dispositifs managériaux et des variables d'opérationnalisation 264 ANNEXE 4 : Présentation de l'outil de diagnostic de la mesure des compétences et de leur Optimalité du transfert de compétences dans les espaces de coworking Résumé : L'espace de « coworking » propose un rapport entre l'individu et son environnement de travail qui favorise la circulation de savoirs implicites. Il est apparu au fil de la recherche que la transmission de compétences acquises n'est pas assurée du fait de la nature complexe d'un tel espace, bien qu'il il existe dans ces tiers lieux des réseaux de coworkers organisés par spécialités, qui favorisent les interrelations autour d'une communauté de métiers.
3,259
34b994714321d6702d934e4e04d204fa_18
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
1,964
Les Sorko (Bozo): Maitres du Niger
None
French
Spoken
5,528
10,787
,_J,\ § 275• ,,' . .- - 274. Les naturalistes sorko sont singuliei"ement conipetents pour deceler; la moindre ,particul_arite de chaque espece de poissons. A cote du village,- OU les ,autres .poissons ne viennent pas car il y a trcip' de bruit et l'on ri.'y fait pas. la'peche, cm·rencontre toujours un poisson a part, du · genre· Polypterus, ··nonim~- h'vaja sjema ( « hvaja-voyant d~s: choses cachees,. qui coima'.it des in~antations »)' OU· hvaja tovon ( « co-epoµse de hvajA »). n mange dell .saletes _et les .detritus des .poissons que les gen~ jettenf Dans la. bouche de ce poisson, Jes Sorko ont mis l~s paroles ~uivantes : « Aux temps. passes, tous. les poissons du genre' Polypterus (hvaja) et~ierit mes captifs, et' moi -j'_ai consomme ia. ··chair· hu_!!_l_aine.· Maudits sont celiX' qui ont 'fait perdre notre -race (c_ar .autrefois ils ~taient .tres n:ombreux)'. Quant .aux hvaja qui n'.e ma,ngent pas la chair. humaine; ils ~ont nombreux: Mais moi, jusqu'a aujourd,'hlli, je mang~. la chafr 'humaine. 'Car .1'enleve un morceau --~ la . chair. des. en,fants, en., · mordan't. Les gens disent :qu~ ·c'~st le p:oisson-chien .sele qui l'a fait ; ils ne savent pas que c'est moi, hvaja' sjema. '(82i .». __. · Quant aux petits poissolis (83). qui pullulerit au_ bord du· village, toujours selon les naturaljstes sorko, ce sont eux-memes . qui ----:- pour echapper au~·persectiteurs - ont suppli~ dieu ,de les creer plus··petits 'que ·1es autres. Les menus poissons n'on'uo murumuru ont di_t,: C'est nous qui avons demand~ a dieu de ne pas grandir, autreine-n'.t les Sorko . vont rious-harponner. Aussi,- il ne faut--:pas-nous.faire-devenir poisMns . du grand· fleuve, - nqus _prefer.ons rester ·_au. 'bord du village. dC!l_r si le_. vent se l~ve,. il viendra nous trouver· au milieu du grand fleuve, et les •. ' ' . ,·" I. - •. (78) tji~je na kondo kanoo, kira, je ha· a gv~6ni be a t6ni je: djammit (ou : djan ·nungi). : . - . . .. ·. ·. . (79) korvdo kai],a r6 hri n'6je nani, · k,ondo· kandd ro n'6je sjien ·sjiele. . · (80) _a kvuo_nein ta .ha n'.6mdpinje seveni; a simboi ta, n°o 'ha n'6mahonje seveni.. ' .. . ' .. ·.. _ (81) m-dna• a bundun kira · bia hari. djusirei bia a l6 n kova boroma, a :na. so menent6 a de kondo n'oma. , , -_. . -·· : - ·. - ·.. . , ·. . (82) ~ go : hvaja sjen h,a ndo ngongonUJ_i hele,--nha: muoje r_o. dj.ia. jenge r6 n si tunani. hvajanga de muo, djia nguoro. a kudjamani nka.hali vai nha ~uo djia _sabi,nha helemej~ tev ba. 'je 'ha sje seleni,_ je djiato, nd6n(h_vaja, sjemani. ·-: · , (83) n'6n'uo murumuru; phis rarement aussi : :n'6n'uo munumiinu. · .,, ·199. - ' La conservation et la ·coiJ.sommation des poissons vagues du Niger·vortt nous· tuer. la; ma{s si •1es vagues vierin:ent nou;s joindre. 'pr~s du bord, .nous trouv:eron~ de la. vieille herbe pour ,nous cacher dedans. c:est pour ~ette rai_son que.dieu nous a crees plus petitsque nos c·amarades, les autres .poissons (84).',_' • , I ' ~ , < ' • ' I-. ' I '. 275. - A cofe .de la berge, on voit souvent. un poisson de l'espece . Ophiocephalus. obscurus (pindo, a Diavara findo) qui dorl tout le temps.' , On perit :facile~ent le harpopner ou · prendre dans le filet kc,vA et ·il rie commence I a •bo1,1ger qtie lorsqu'il est deja s9rtf de' l'eau_. !Jne- femme. enceinte ne--doit;pas ·le manger, autrenient l'enfant qui m,titra "'.a dormir• continueHement, tout comine ce poisson (85),. La tradition raconte com·ment une fem'me enceinte Sorko a. ete Ja p~emiere et -la derniere· a le . consoilimer. Ceci s'est passe. sous la' forme d'un dialogue entre le poisson et la femme': « L.e pindo et une femme ,enceinte Se sont rencont~es (86). Cette derniere est venue· se desalterer dans la mare;, elle trouve ·1e. .· pirtdo co1,iche; · endormi, et elle !'a saisi- (87). La f~mme· ~ dit a piildo.: Chaque fois que les gens te voient, tu dors., Aujourd'hui, tu vas bien ' dormir, car je vais te manger (88). Sur ces mots, Te ',pindo .a ainsi repiiqµe a l_a femme encei_ilte,::II ne -faut pas me manger.; si tu me'manges, tpn fils qui est dans ·ton v~ntre ne va· pas travailler, il va devenir ccimme ·quelqu'-un ma race (89)° •. Mais· Ia femnie a repondu :· Meme ~'il devait etre d~ ta race, j'e vais te manger (90). La femme.· est partie a:vec ·le p,indo, elle l'a mange ~t son fils qui est ne par la. suite est deyenu- de Ia race de .pindo qui dort toujours (91) ». . . _ , ... ·· · ·. Dans la tete des poissons.du genre Synodontis;·on'trouve une matiere blanche, comme un _ver. On ·rte. la. mange 1pas, car. elle es! con~ideree. ·comhl'e la chair des grands-parents des· Sorko,. et celui qui la niangerait .. aµrait ma:nge 'le corps de ses prop res ancetres {92). On la retir,e. (saii). et on la donne au •chien. Et-- pour qu'il. soit: e:q 'plein_e forme et attr·ape a it qe _., - I I amd_ (84) _n'6n'uo ·murumuru go : nna ala. n°utire ~ holomatii sabi tjeje VO · n ho, am-d n ja dje holo n'uoni, a nina n ja s(1,ll,ii,' n'uoni sabi te na. ki a_ na, be n tova dje halo b6i dji 'hunduru na be w tova dje IJ,olo 'boi, a_ go n gvua, a na -be n tova k6in.Da ngo sdv sireje kira 'be .n. fungai ( Junge ai)., n°o ro' lani- ala ha!Yl,f!, <i munjani n bolojete.. .. ,. (85) jalo nunt.u de pindo djia, a na a dji~ a djuongu lia kjemu an ha sje pindoni. - (86) pindo je 'jalo nuntu lo boloi. . , (87) jalo nuntu ,be m me boi; a bia tova pindo ha sana kjerriu. jalogu • .. · , :. pind6gu kun: . ·,.(88) jalogu. VO pind6ngute : je _na an hai sjen an ha kjemu,,an go kjem~ maintje vai, sabi ngo so an djia. (89) pind6ngu v6 jalo nun_tugute : am ma n, djiagoi, an na n djia, an djuon m-dn ha an nungigu a. de bje hai, a' VO .pai n sini. ,. '(90) jalogu VO : hali an na pai ar,. sini, n gvua an djia. - (91) jalogu so . pindoguni, a djia, a dju6r,.gu djie pind6gu sinj. · (92) m(i:rui h:6mp· torrw. mu6pinja' t6 djia, 'an an ta;lo to djia, mbari an talo t6 r6 ha h6!fio_ torrw_i. = ,-_ I •'.1111111 '. ,... ,j' \•.'., 'I!! ,---.... ' '· )>...., \' .-.:-' I •, \ .~ _' , ro . ·- ,·. ,,,, 1 ,f .. ,.,"·,I I . ( 200 § 276 - 277 - 278 La Peche' r'i bien le gibier, on donne a manger au c,hien le poisson de l'espece Gymnarchus niloticus (93). 276. · Dans la brousse, au. bord du barrage,. les hommes consomment les poissons grilles sur une broche (94). Ils. allument un · petit foyer (n'osimbitfi.) et plan tent autour des batons pointus (n'osimbihe) · sur les-. quels sont embroches des poissons-chiens (sele, Hydrocyon brevis), des Tilapia (kon'o), des poissons de l'espece ·Hyperopisus beb~ (vala). Si le poisson a beaucoup d'aretes, on lui fait d'abord de petites entailles transversales (95). ·. · · · A la maison, c'est la femme qui prepare.les pl~ts de poissons. II en existe des recettes· tres variees,' differentes a chaque occasion· et a chaque fete .._,.Voici, a titre d'exemples, quelques procedes les plus ordinaires. 277. N'o n'iena hula. C'est du poisson frit clans une poeie; surtout des especes suivantes : kon'o (T'ilapia), sele (Hydrocyon brevis), djava (Alestes dent~x), le (Alestes leuciscus), sjievo (Paradistichodus . dimitatus). Si ce sont les le que l'on veut consorhmer, on· les ·lave d'abord et on ·1es etale a l'ombre pour sechei". Quand ils sont ,secs, on verse un peu d'huile de le dans la poele et on la fait bien chauffer. Ensuite, on met dims la poele la qu·antite de ces poissons le que l'on veut frire en 1ine fois (tjiela n'ankvuon le) et on les fait frire assez longtemps, bien a point. .,. , . On retourne Jes poissims sur, l'autre cote, projetant prestement le ccintenu en l'air et le rattrapant sur la poele (goloniede). Puis on Jes fait frire a ,nouveau presque a sec. Quand ils sont a point, on Jes verse dans un plat, on prend une autre quantite dele, et ainsi de suite. Les poissons frits, dans le plat,' sont copieusement. saupoudres avec du sel •~t du piment rouge piles ensemble. Quand ils sont tous frits, on les partage en pl usieurs plats et on. les mange tres chauds, a la· mani~re des equilles. - 278. Les sjievo sont frits de la meme fa~on, mais on leur enleve · d'abord la ·queue en la decoupant avec les ongles des doigts (sjievo pjien kedju), sans quoi ce plat· occasionne des maux de ventre (kudju ne),. Quant aux djava, on leur enleve les ecailles et on. leur fait des petites entailles transversales, au couteail (n'ahun'ahu). Ensuite, on leur ouvre le ventre (kudju pedje) et on sort les inte§tins ( djava poro). Puis on les lave bien et" les .etale secher a l'ombre. Si la poele est petite, on met les djava un par un. Si. elle est grande, on peut frire quat:re a cinq de ces poissons a la fois. Quand ils sont bien frits d'un cote, on les met su~ l'autre (djava n 1iena- gobi), avec un couteau. Quand l'autre cote auss1 est frit a point, on fos enleve encore avec le coute,au et Jes pose dans un plat, en .les saupoudrant toujours avec du sel et piments piles ensemble .. On en prend une autre quantite a frire, et quand tous ces djava. sont ainsi prepares, on donne directeinent a chaque personne sa part de (93) sana,ha gun homboni. poni. . ,. (94) pavula halujegjie sjien ha n'6 simbina djie. (95) n'6ma ho~ na pai nk6 n°6ra (ou n°6da) a je ha, a n'ehu. to ! § 279 - 280.. La conservation et la. consommation des poissons. 201 .p.oissons, dans. la main; ·soit un poisson entier, soit un morceau, et on le mange ·de la main, sans sauce. Car c,e poisson se mange vite, .et si l'on mettait le tout devant les gens, certains en auraient consoinme davan.tage et phis rapidement que les autres. Quant aux kon'o, on leur enleve auss,i Jes ecailles .et on fait des entailles transversales, mais plus grandes et plus espacees. On tranche aussi !es· barbillons (kon'ontala.) et la queue. On Jes sectionne en deux, au milieu, les lave, bien et Jes etale a l'ombre. Une· .fois frits comme Jes djava, 011 ·en donne un morceau a chaque consommateur, a part, servant d'abord le plus vieux (djan honimina), puis sa femme, et les autres aussi suivant leur age. S'il reste un morceau, c'est pour la «. travailleuse » (hainja) qui' a cuisine le plat, et elle en mangera ainsi deux morceaux. Les sele sont prepares en friture, de la meme fa~on que Jes poissons, precedents, et le partage est identique· a celui de kon'o. 279.:.. N'o djierena huhi. Pour ce plat, on prend le poisson de l'une des· especes suivantes : haran homo (Synodontis clarias), kondo (Heterotis niloticus), goro (Mormyrus rume) OU sjievo (Paradistichodus dimitatus). Du .Ventre ouvert, on sqrt Jes intestins, mais on en conserve la graisse abdominale. Puis on le lave et on le decoupe en- plusieurs morceaux (bundu-bundu). Dans le fond d'un canari bien lave, on• pose trois · baguettes (n'otinhe) sur lesqueHes on depose les morceaux du poisson, · . sans .eau d'abord, mais on y ajoute la graisse que l'on viei;it de retir-er du ventre. On laisse le canari ferme sur le feu, en ajoutant par la suite un peu d'eau seulenient qui reste au-dessous du poisson. Le canari reste fei,-me jusqu'a ce que le contenu soJt'bouillant ; al.ors on y ajoute du sel (hofo) et du piment rouge (lele) piles ensemble, et des fetiilles seches de la roselle (djiefU:olo, Hibiscus sabdariffa). On referme le canari jUsqu'a ce que le contenu soit a nouveau bouillarit. Pour voir si le poisson ·est bien cuit,, ori pique sa chair. avec le ba,tori a retnuer (digehe), 'et s'il Penetre dedans, le plat est a point. On .le descend du feu, et si les man- getirs sont nombreux, on ·en donne seulement un peu a chacun. L'habitude est d'en offrir. aussi un peu aux voisins (tamudjuonje). Ce n'est pas un veritable .repas, (djiebo) ; c'est plutot considere commeune collation (numunipon) qui •n'empeche pas du tout de manger des autres plats. On prepare ce plat a l'epoque du froid, quand Jes poisso:p,s sont gras. 280. N'o furufuruna hula. aussi est un plat que l'on mange comm~ une gourmandise et, qui he represente _done pas un repas complet. Pour ce plat, o:p, prenq un poisson sec, soit kon'o gvuona (Tilapia), vala gvuona .(Hyperopisus. ·bebe), .ou sonomo gvuona (Clarias a_nguillaris). On met d'abord le beurre de':lcarite OU l'huile de le dans 'le canari, et quand cette matiere grasse estbien chaucle (96), on Y· ajoute le poisson sec dechire (pMje) a la main· et bien lave. bn y verse un peu ci'eau et on ferme le canari. Quand le contenu bout, on y reparid du sel et beaucoup de piments divers, ai:p,si que Jes feuilles de la roselle (djiefuolo). Ori referme le canari et on le laisse bouillir a nouveau. Quand la cuisiniere revient; - (96) tjie na sole hala a, muo;. \ 111' 'I II! _, I ' '. 202 ',•'• ' (. I La Peche '§ 281 -282 eUe -desc;:end le ·canari a :terre et verse Ja nourrlture ,dans deux plats. On la sert sans riz-. Les pimerits ajoutes sont si fortf!. ,qu'en la mangeant, la morve (miindjiho) sort des narines, et _des larmes chaudes .(n'adji pjiena) coulent des yeux comme a la nouvelle d'un deces. ·Ge_ plat sert aussi de medicament pour guerir le rhume (duruma) ou les maux de· poitrine (kjienene). _ On mange les .morceaux du .poisson et on boit aussi le liquide chaud -dans lequel ce poisson est cuit. Souverit, ce ·sont les enfants qui mangent _ le poisson, et ce sont_les personnes adultes. qui boivent le liquide; L'ayant · bu, les gens disent : « Ce plat~de poisson fait sortfr toutes les maladies de la tete et du ventre » (97).. ·. · · · _, ?81. -. P6ur les conserver phis lcingtenips, on pile sou vent les poissons secs dans un mortier et" OI_l fac,onne la masse obtenue eri _boules (kamu). On mel_ange ensemble totites · les especes de poissons secs, a savoir : sjievo gvuona (Paradistichodus dimitatus), le gvuona (Alestes leucisGus), sonomo gvoana (Clarias anguillaris), kon'on gvuorui (Tilapia), ~mu gvona (Heterobranchus), n'oho (Lates niloticus), sele (Hydrocyon brevis), et meme des morceaux de vieilles peaux des poissons (n'o sire koronje). · Certaines especes, comme des jeunes i.ndividus de Tilapia, sont pechees expres; pour les transformer en kamu (98). C'est des le ,mois de d,ecembre que l'on commence 'a mettre de cote tous les poissons ·destines a etre transforines en kamu eton· continue ainsi pendant six mois. C'est en juin qu'on les pile et les met en pate.- II existe un mortier special, en bois; pour piler les ·poissons secs (kilmu sjien sagara.). . II est de faille p_lus petite qu'un mortier ordinaire, mais son_ creux est plus.profond (99). Le pilon (kamu sjien bana) est egalement plus petit, ayant le bout plus poin'tu (bana mun'o miintii). Quant aux sjevo et aux le, les pile tels quels : on n'en enleve rien, ni _la tete, ni la queue ; il sufl'.it qu'ils soi'.ent seches au ·soleil. Quant aux. .kon'o (T'ilapia), on leur enleve l'arete vertebr~le (kon'om b6ih6n) et la tete (kon'6n tomo), avant de les mettre dans le-mortier. '. oh. P_lusieurs jeunes fille_s ou femmes pilent a la fois ces poissons secs: Si la masse est devenue trbp seche,- on l'asperge avec de l'eau (dji djavura), dans le mortier; ,en co_ntinuaht de la piler- ewmeme temps. On -constate que la pate est pilee a point quarid elle est devenue consistante. Au fur et a mesure que la pate de kamu est pilee, la: femme la: forme en « corn es » ayant !'aspect d'un pain de sucre (100), mais ·plus grand. C'est dans le mortier meme que l'on fac,onne la pate eil « ·corne »; en la frappant legerement, et cette masse epouse la fornie du creux de mortier. Ensuite, on ' donne un coup de pilon plus fort·' au :milieu de cette masse,. _ 282; § 283 ta_ conservation et la conso~_mati~n des poissons pour produire .tine cavite centrale (kamu bo polo). On sort cette pi\te eri. « corne » du mortier, a la main, et on la depose sur une ilatte a cote, pour la secher au soleil (101). On continue ainsi a piler les poissons secs·et a former la pate en pains jusqu'a ce· que 1'01-i ait tout termine. Le soir, on- met tous ·1es pains de poisson sec daps la maison, en les posant soit dans une grande -calebasse, soit dans ll_ne grande Jarre (horimpa). Les Sorko eux-menies ne mangent pas beaucoup de cette pate de poissons secs piles ; ils vont surtout l'echanger contre le riz chez 'les captifs cultivateurs (102). Nombreux·sont les Sorko qui ne la mangent· pas du tout. Mais pour les Sorko qui sont installes_ a l'ecart du grand fleuve, vivant parmi d'autres ethnies, a savoir -les Nono sorkophon·es (nononain tjieje), avec les captifs de culture (kombenajin' tjieje), avec les Sonrai' (koroboronain tjieje) ·et avec les Bambara (bambaranain t]ieje), c~ kamu represente une reserve tres importan,te, gardee pour l~hivernage 1 quand l'eau de l'inondation est entree partout et qu3:nd on ne tro1,1ve pas beaucoup de poissons frais. Ils en gardent egalement une quantite importante pour leur propre consomrvation. Quant au reste, les femmes sorko vont en pirogues dans les villages des captifs cultivateurs (konibe) ou elles expose~t leurs pains "de poissons secs -en tas, a part , pour la mesrre savali du riz. et a part pour le: mudd (munabi~munabi). Les Sorko eux-memes consomment le kamu avec le plat de riz sec (hii gvuona) que l'on mange sans sauce.· Quand le riz dans le canari (hori) est cuit, on en retire l'eau et on le r'emet sur les charbons. On pose le kamu sur le riz et on· ferme _le canari. avec une vannerie (lava), et on pose le couvercle . (korika} dessus.1 La vapeur .(hii funani) penetre dans .la pate de kamu et la rechauffe. Au moment ou la vapeur commence a soulever le couvercle, on prend la pate "de kamu et on la casse a la 'main, laissant tomber ses fragments sur le riz; · Quant aux morceaux de peau dure des vieux specimens des silures Clarias anguillaris (sonomo kadjo) qui sont tres durs a cuire, on l_es sort qua_nd ils sont bien chauffes par la vapeur et on les repile dans le .mor~ tier. Alors, cette peau et les aretes y adherant se cassent en morceaux que l'on remet sur le riz. On y ajoute du sel et des piments rouges, et on remue le tout avec le baton (digehe). En suite, on verse ce. riz au kamu dans des plats et on l'arros~ avec de l'huile de le chauffee. 283. I ,· j i _:·-:'. ·111, -- ' _, - (97). n'o furufuruna hula ha tomo govo je kudju govo sjien djereni. ' (98) halugu ha kon'o ho meni je ha bia a ja kamuni. · --· (99) sagara mun'o nun- kuli. (100) jalogu n kamugu sjien a a sjien moimoi, bia-_ja_ ka.mu bol9njen_i. 1- (101) jalogu n kamulu pai kudjuompa. Ce pain de poisson sec, moule dans le mortier;'-s'appelle kamu bo-lo, kamu moi, ou kamu tomo. (102) tjieje de kamu djia maijntjie, je na. (= na· a) meni, je ha svuo a-sieara kombeje roma dugoga ; tjieje ha kamu meni be so a sjieara kombejema dugoga, OU bien : nha svuo n kamu bolonguje hen kombejema dugona (6tl dugoni). ' I 'I I I TABLE nEs MATinREsp Pages Preface XVI. - A. Au bord de Bandji, campement de peche Sorko, entre Dangoma et A'rbichi. Des femmes Bella se sont engagees au service des pecheurs Sorko pour nettoyer !es poissons (bella jalo n'iin'ije). A gauche, on voit une femme Sorko preparant la cuisine. Au fond, on aper~oit le Mannogo, notre bateau labora'toire. Cl. 58.234.30, le 18 mai 1958. ..................................................... V LA PECHE ... ············································· 1 Comment les enfants commencent « le travail du poisson » (djonambeje n'o hai sindi). § 1-13 ...................... 1 La peche des Alestes leuciscus (le mene). § 14-72 ......, .. 16 La peche au barrage. § 73-98 ............................ 64 La peche au harpon. § 99-131 ............................ 90 La peche a l'hame~on. § 132-138 .......................... 122 La peche aux filets. § 139-183 ............................ 129 La grande peche en commun jaj.a. § 184-265 .............. 156 La conservation et la consommation des poissons. §' 266-28~ 194 LES PLANCHES I - XVI ............................................ 205 \ B. Les femmes Bella, en rang, en train de nettoyer !es poissons (bella jalo tahenaje n'o n'ije) · Celle de gauche lave le pois,son avec une poignee d'herbes (si1i n'on'i sov). Cl. 58.234.25, Bandji, le 18 mai 1958. I. - A. Comment deux petites filles pechent a u moyen d'une tresse d'herbes (jalonambe kerenkere jaje) . (§ 1 , 7, 11 ). 13 · La peche d'e nfants avec le fil et ganga, d evant un barrage en baguettes (kainte gangaYang a) . Ouro-Modi-Salla. Cl. 56.202.39 A, l e 19 decembre 1956. (§ 8). II. A. Petit captif ( k om be h alun ' u o ) pech ant avec so n fil et g u djag u dj a . L e mo rc eau d e file't (g i idjagi idjci W)' m onte SU'r deux batons (giidj a gu d ja h e) , est r etenu par deux ralin g ues (gudjagiidja laho ) . Cl. 58 .420 .7 A, Dje:nbe, l e 11 n ovembre 1958. ( § 1, 6, 7 ). B. P etit Sorko, ten a n t ses deux filets ko v a su r l'epaul e ( k ovan'iw dj ie nci p erepere huma ) . L'un d e ces fi lets est pou rvu d'une lon g u e poche (ko van'uo solo ) . Il vient de pecher les poissons qui ch erch ent a ech apper en sauta n t de la grand e sein e (djav a seu ) . Cl. 57.89 .29A, pres de Jev era, le 25 mars 1957. II. - A. Petit captif ( k om be h alun ' u o ) pech ant avec so n fil et g u djag u dj a . L e mo rc eau d e file't (g i idjagi idjci W)' m onte SU'r deux batons (giidj a gu d ja h e) , est r etenu par deux ralin g ues (gudjagiidja laho ) . Cl. 58 .420 .7 A, Dje:nbe, l e 11 n ovembre 1958. ( § 1, 6, 7 ). B. P etit Sorko, ten a n t ses deux filets ko v a su r l'epaul e ( k ovan'iw dj ie nci p erepere huma ) . L'un d e ces fi lets est pou rvu d'une lon g u e poche (ko van'uo solo ) . Il vient de pecher les poissons qui ch erch ent a ech apper en sauta n t de la grand e sein e (djav a seu ) . Cl. 57.89 .29A, pres de Jev era, le 25 mars 1957. IV. - A . Les Sorko de Kamaka -Kunari (kanuije ) , pechant a u fil et djal ei (djalenj e) , pres de la berge (kop a menej e) , non loin de Djomola . Cl. 58 .1 74.8 , le 4 avril 1958. (§ 37). B. Le fil et ganga pose dans l'eau (gcinga sana) . A droite, le ga n ;on 'rabat Jes poissons dans ~e filet, frappant l'eau avec un e perche (ganga dji korija su-i dji kori koron ). Cl. 57.235,2 ' Kurendje, le 15 decembre 1957. V. - B. A . Le barrage des nasses dj ene , destine a capturer Jes le , pres de Mudu . Cl. 54 .57 . (§ 63 ). Les pech eurs de le dans le marigot de Mudu (le sjeje Mudu dji en'uopa), descendant en courant dans l'eau. Cl. 54 .57. (§ 80). VI. - A. Co mm ent on so ul eve la nasse djen e (cljen e t i nl e-in2) po u r en faire r etom be'r les poissons l e d;ins un panier (djene n'olei sagi). Cl. 54.55.24, Mud u. (§ 63). B. L es pi rog ues pour 'transporter les poissons l e ( l e l ei h•uluj e) . L es gens so nt en train monter Jes poissons a terre (l e tanij<i;j e) . Au devant, on voit un pani er rempli de (sagi paran l e) . Cl. 54 .63.24, Mudu. 1'e: VII. - A. L es ca p~ifs attend ent le signal du d epart po ur la p ech e de l e (kom,be l e m eneje) , t enan t prets leurs fil ets lem ene ko v a. Cl. 54 .60.1 (26 A ) , Mudu. (§ 80 ). B. Les pecheu'rs d e l e r enver sa n t Jes poisson s dan s la longue poch e (n'o tenija k ova solei). Cl 54.60.12 (15 A ), Mudu. (§ 80). VIII. - A. Comm ent les pecheurs aux filets ko va encerclent l es poissons (kova, meneje kama), pour se rencontrer a u ce ntr e du ce'rcle ainsi forme (dji kj ierne) . Cl. 54 .60.3 (24 A ), Mudu. IX. - A. L es pech eur s de l e au r epos, entre deux descentes dans l'eau. Les fil ets ko va sont dress es deux par deux (kova sege tjeg e pai ) . Au milieu, face a l'appareil, on aperr,;oit le chef d e la peche d e l e (le mene tomo ). Devant Jui, un harpon tina est plante dans la ter're (tina sug ena) . Chaque pecheur a forme son tas de poissons a part (lento, OU l en t el e). Cl. 54 .60 .18 (9 A ) , Mudu. (§ 80). (§ 80). B. Comment on cuit Jes l e dans un canari (l entje be hori) , pour en extraire l'huile. La jeune B. Les pecheurs de l e ayant souleve leurs filets ko va (kova tinle -inaje) . Cl. 54.60.5 (2 2 A), Mudu. fill e (len tj e beja) manipule le baton a remuer (lentje dig ehe) . A droite, on voit un grand c~ nari po ur les l e (l e horimpan), et derriere Jui on ape'r<,;oit successivement d'a utres recipients pour ces poissons et son huil e, a savoir : un e gourde (lentje boli) , une calebasse (lentje han'uo), un panier (le tinge sagi ) et d eux calebasses spheriques (lentje barci). CI. 54 .63 .28, Mudu. B. X. -- A. F emm es Sorko e n train d'ecailler (t.iejalo k una halaj ci), les frottant dans le pani er (to l6-ina k•una h:xfa s:;gi, c u s:1_qinungi · Cl. 54 .61.1 9, M ud u. F emme Sorko cuisant des l e dans quatr e g r a nd s ca nari s a la fois, pou r en extra ire l'huil e (l e tj ebe h orirn pa''). S ur l e pre mi er canar i est pose u ne gTa n de cuill er en calebasse (l et.i e pjelc ) . Cl. 54.62 .37, Jll udu. XIII. - A . La nacelle de hojo, dispositif pour attirer le poisson. En haut du manche, sur une tige de fer, sont en files des anneaux metalliques (hojo ngon'omongon'omo). Cl. 58.172.40, Na ribala, le 3 avril 1958. (§ 99,100). XII. - A. Le pecheur, ayant soul eve son filet ganga (ganga t inle -ina ) , fait tomber Jes poissons captures sur une na'tte etalee a cette fin (ganga lemu huma n'o ) . Avec la pirogue (gang a hulu ), on transporte aussitot ces poissons au village. Cl. 58.32 .3 A, Djavanla, le 16 janvier 1958. B. 1 a pi rogue eqmpee pour la pe.che au hojo (hojo hu lu ) . Le peche ur (hoijoja ) a pos e d~ns l' eau le dispositif pour attirer le poi sso n (hoijo lo- ina dj i i ) et il tient un harpon tin~ (hojo tina ) clans sa main droite. Les autres h arpons sont po ses sur un t'r eteau (hulunungi sungo), fixe sur le tribord de l' embarca'tion. Cl. 58.231.31 A, pres de Bamba-Sorko, le 12 mai 1958. (§ 101 ). B. La ligne de fond portant des hame~ons appates (daren djilamma djiengo), disposee sur le bo'rd de la pirogue. Cl. 58.215 .11 A, pres de Bella-Sao Djengina, le 28 avril 1958. rn Q.) "O ..., i::: ro > Q.) '2 Q.) Q.) ~ Q.) i::: ;::J Q.) ~ XIV. A . Un vi eillard doublant les avan,;ons pour sa ligne (halunsire djilan siusiuja) . L'avan,;on (dji lan n'omu siuna) est accroche a un piquet (djilan si·u sovn ) . L ' homm e (il s'agit du sacrificateur So'rko de Diavara ) est coiffe d'un ch apeau (tala kogo ro bambi la) et d'un bandea u frontal (t ala sidje) . Cl. 54 .82 .21 (31 ). ~ 7B. Un vi eill ard Sorko, au bord de Kouakou rou (K ua kuru -S alla) qui vi ent d'appater un gros h ame,;o n (se le djila," pin ) d estine a cap·t ur er le poi sso n-ch:en (sel e djilan dji en go lo -ina) . Chaque li g n e (se le dji lan djava ) est p osee su r une petite fourche. Cl. 57 .149.30, le 7 ju ill et 1957. XIV. A . Un vi eillard doublant les avan,;ons pour sa ligne (halunsire djilan siusiuja) . L'avan,;on (dji lan n'omu siuna) est accroche a un piquet (djilan si·u sovn ) . L ' homm e (il s'agit du sacrificateur So'rko de Diavara ) est coiffe d'un ch apeau (tala kogo ro bambi la) et d'un bandea u frontal (t ala sidje) . Cl. 54 .82 .21 (31 ). ~ 7B. rn Q.) "O ..., i::: Q.) > ro Q.) Q.) '2 i::: Q.) ~ ;::J Q.) ~ Un vi eill ard Sorko, au bord de Kouakou rou (K ua kuru -S alla) qui vi ent d'appater un gros h ame,;o n (se le djila," pin ) d estine a cap·t ur er le poi sso n-ch:en (sel e djilan dji en go lo -ina) . Chaque li g n e (se le dji lan djava ) est p osee su r une petite fourche. Cl. 57 .149.30, le 7 ju ill et 1957. TABLE DES MATI:SRES,. Pages ..................................................... V ................................................ 1 Comment les enfants commencent « le travail du poisson > (djonambeje n'o hai sindi). § 1-13 ...................... 1 La peche des Alestes leuciscus (le mene). § 14-72 ......, .. 16 .·........................... 64 Preface LA PECHE XVI. - A. Au bord de Band ji , ca mp eme nt d e p ech e Sorko, en tre Dan go m a et A'l:bichi. Des femmes Bella se so nt e n gagees au servic e des pecheurs Sorko pour n ettoye r Jes poisson s (be lla jalo n'6n'ije). A ga uch e, on voit un e femme Sorko preparant Ia cui sin e. Au fond, on aper\'.oit le Mannogo, notre bateau labo r a'toire. CI. 58.234 .30, le 18 mai 1958. La peche au barrage. § 73-98 La peche au harpon. § 99-131 90 La peche a l'hame~on. § 132-138 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 122 La peche aux filets. § 139-183 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 129 La grande peche en commun jaja. § 184-265 . . . . . . . . . . . . .. 156 La conservation et la -c onsommation des poissons. § 266-283. 194 I - XVI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 205 LES PLANCHES B. Les femmes Bella, en rang, en train de nettoyer Jes poissons (bella jalo tahenaje n'6 n'ije). Ce lle de ga uch e lave le poisson avec un e poignee d'h erbes (sui n'6n'i so v) . Cl. 58.234.25, Bandji, le 18 mai 1958.
7,991
2019PAUU3016_5
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,019
Caractérisation thermodynamique des ELV HPHT dans les saumures
None
French
Spoken
7,439
13,643
Tableau II-9 : Composition de la saumure naturelle de Mount Simon (États-Unis) et des saumures synthétiques anaysées dans l’étude de Zhao et al. (2015 a) Na 1.0973 Ca 0.1365 Molalité ion (mol.Kg H2O-1) K Mg2+ Sr2+ Cl0.0188 0.0544 0.0021 1.4649 1.0601 0.2172 1.4945 1.0448 0.18 + Proxy 1 Proxy 2 Mount Simon 2+ + 0.02 0.05 0.002 1.48 Br0.0042 SO4-2 0.0165 0.003 0.02 Selon les résultats obtenus par les auteurs, il n’y a pas de différences significatives entre la solubilité du dioxyde de carbone dans les saumures proxy 1 et proxy 2. Effectivement, un 76 chevauchement des barres d’erreurs des résultats de solubilité est observé, à pression et température fixées. Il semblerait donc que l’effet de la nature des ions minoritaires sur la mesure de solubilité, à force ionique constante, est négligeable, du moins dans le cas d’une saumure type NaCl-CaCl2. La troisième publication avec des données de solubilité dans une solution aqueuse contenant le binaire NaCl-CaCl2 est celle de Poulain et al. (2019), focalisée sur les saumures du fossé rhénan. Les conditions expérimentales utilisées par les auteurs pour les mesures de solubilité sur le système H2O-NaCl-CaCl2-CO2 sont présentées dans le tableau II-10. Une conclusion intéressante de cette étude concerne le rôle du chlorure de potassium dans les conditions de molalité du fossé rhénan sur la solubilité du dioxyde de carbone. Avec une concentration de 0.1 mol KCl.Kg H2O-1, l’effet de sel de ce composé ne serait pas suffisant pour provoquer des changements significatifs sur la solubilité du dioxyde de carbone. Cela renforce l’hypothèse faite dans ce document que les saumures du fossé r nan pourraient être représentées par une solution aqueuse avec le mélange de sels NaCl-CaCl2. Tableau II-10 : Conditions expérimentales de l'étude de Poulain et al.(2019) sur le système H2O-NaCl-CaCl2-CO2 Pression (MPa) Température (K) 1.0-20.0 323.15-423.15 Molalité NaCl (mol.Kg H2O-1) 1.2 Molalité CaCl2 (mol.Kg H2O-1) 0.2 Les techniques d’analyse utilisées dans les trois études sont la volumétrie (Liu et al. 2011; Zhao et al. 2015a) et la titration conductométrique (Poulain et al. 2019). Les données de solubilité de Poulain et al. (2019) et Zhao et al. (2015a) peuvent être considérées en accord comme les isothermes du système H2O-NaCl-CaCl2-CO2 le démontrent à 323.15 K et 423.15 K (figure II-15 et II-16). L’observation de ces deux figures montre aussi que la différence entre les salinités utilisées par ces deux auteurs n’est pas suffisante pour produire des changements significatifs sur la solubilité du dioxyde de carbone. Figure II-15 : Isothermes de solubilité du système H2O-NaCl-CaCl2-CO2 à 323.15 K 77 Figure II-16 : Isothermes de solubilité du système H2O-NaCl-CaCl2-CO2 à 423.15 K II.5. Données expérimentales de solubilité du mé thane dans l’eau pure et des solutions aqueuses salées Dans le contexte du fossé rhénan, le méthane (CH4) est le troisième gaz le plus détecté, après le dioxyde de carbone (CO2) et l’azote (N2) (Sanjuan et al. 2016). Par contre, en termes de nombre d’études de solubilité, il est le deuxième gaz le plus étudié dans la littérature parmi les trois molécules auxquelles ce document s’intéresse. Tout d’abord, un bilan des points de solubilité recensés est fait en mettant en évidence la répartition des données de solubilité du méthane dans des phases aqueuses en termes de pression, température et molalité en sel. Ensuite, les résultats les plus intéressants pour ce projet sont analysés en détails. II.5.1. Bilan des données de solubilité du système H2O-CH4 La base de données de solubilité du méthane dans l’eau pure préparée dans cette thèse contient 43 études de solubilité. Ces travaux ont produit 693 points de solubilité qui sont représentés dans la carte de densité de données de solubilité du système H2O-CH4 (figure II17). Un premier point à observer est la diminution de données par rapport au dioxyde de carbone dans l’eau avec moins de la moitié de la quantité de données recensées pour le système H2O-CO2. Parmi les points représentés dans la figure II-17, seulement 126 (18%) ont été obtenus avec des manipulations dans l’intervalle de pression (entre 6 MPa et 40 MPa) et de température (entre 333.15 K et 453.15 K) du projet FONGEOSEC. Cela met en évidence la diminution du nombre de points issus de la littérature lorsque la pression et la température du système augmentent. Cette diminution est aussi observée clairement dans la figure II-17. 78 50 Pression (MPa) 40 30 20 10 0 273 323 373 423 473 523 Température (K) Figure II-17 : Répartition des données expérimentales de solubilité du système H2O-CH4 retrouvées dans la littérature II.5.2. Bilan des données de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 Onze études de solubilité ont été recensées avec 653 points de solubilité pour le système H2O-NaCl-CH4. La figure II-18 présente la distribution de ces données en fonction de la pression, de la température et de la molalité en sel. Les références bibliographiques utilisées dans la préparation de ce diagramme se trouvent dans la section « II.5.7 Résultats des mesures de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 ». Figure II-18 : Répartition des données expérimentales de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 retrouvées dans la littérature 79 Toute conclusion concernant la répartition des points expérimentaux du système H2ONaCl-CH4 doit considérer le cas particulier des données de Blount et Price (1982). Ces auteurs ont étudié la solubilité du méthane dans des solutions de chlorure de sodium à des températures entre 297.15 K et 513.15 K ; des pressions allant de 0.86 MPa jusqu’à 156.8 MPa et des molalités qui vont jusqu’à pratiquement la saturation en chlorure de sodium (5.85 mol.Kg H2O-1). Parmi les 653 points de solubilité du système H2O-NaCl-CH4, 367 viennent du rapport de Blount et Price (1982). La prédominance des points de Blount et Price (1982) dans les manipulations à haute pression et haute température est illustrée en considérant les points déterminés dans les conditions de pression et de température d’intérêt du projet FONGEOSEC. Effectivement, 313 (47.9 %) des données se retrouvent dans ces conditions et ce nombre est réduit à 94 (14.4 %) si les points de l’étude ne sont pas pris en compte. Ces chiffres démontrent que malgré l’existence d’une quantité relativement grande de données de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 à hautes pressions et températures, beaucoup de conditions expérimentales sont étudiées par un seul auteur. Des comparaisons avec d’autres mesures de solubilité sont donc difficiles à établir pour conclure quant à la pertinence des mesures de Blount et Price (1982). Dans la figure II-18 aucun point de solubilité n’a été obtenu à 1.2 mol NaCl.Kg H2O-1. La molalité la plus proche retrouvée dans la littérature a été 1 mol NaCl.Kg H2O-1. Aucun point de solubilité à 333.15 K ni 453.15 K n’a été mesuré pour cette concentration de sel. Les meilleurs compromis possibles entre salinité et température de mesure sont des points pris à 1 mol NaCl.Kg H2O-1 ; 323.15 K (Namiot et al. 1979; O’Sullivan et Smith 1970) et 0.9 mol NaCl.Kg H2O-1 ; 443.15 K (Blount et Price 1982). La figure II-18 montre que la plupart des données de solubilité du méthane dans des solutions aqueuses de chlorure de sodium se concentre à des molalités en sel inférieures à 3 mol NaCl.Kg H2O-1. En effet, les points de solubilité du méthane dans ces conditions de salinité représentent 70% (459 données) des mesures du système H2O-NaCl-CH4. II.5.3. Bilan des données du système H2O-CaCl2-CH4 La diminution du nombre de données expérimentales devient encore plus importante avec le système H2O-CaCl2-CH4 où seulement quatre études à hautes pressions et températures ont pu être recensées. Dans aucun des cas, les températures des mesures ne dépassent 393.15 K. L’ensemble des données trouvées pour ce système est représenté dans la figure II-19 pour toutes les molalités de chlorure de calcium confondues et deux tendances d’expériences sont identifiées. D’un côté, deux études (Duffy et al. 1961; Stoessell et Byrne 1982) se sont intéressées à la solubilité du méthane dans des solutions aqueuses de chlorure de calcium à 298.15 K et 303.15 K pour des pressions allant jusqu’à 7.5 MPa. Le deuxième groupe d’expériences est celui retrouvé dans les publications de Blanco et Smith (1978) et Michels et al. (1936) qui ont étudié la solubilité du gaz à des pressions plus hautes, jusqu’à 40 MPa et, dans le cas de la première étude, jusqu’à des températures de 393.15 K. Dans le diagramme de la figure II-19, 62 points de solubilité sont représentés. 80 50 Pression (MPa) 40 30 20 10 0 273 323 373 423 Température (K) 473 523 Figure II-19 : Répartition des données expérimentales du système H2O-CaCl2-CH4 retrouvées dans la littérature en termes de pression et température La figure II-19 montre qu’en termes de pression et température, une partie des gammes d’intérêt du projet FONGEOSEC est renseignée avec quelques données de solubilité (9 mesures de solubilité). L’analyse de la distribution de ces points en fonction de leur salinité, pression et température (figure II-20) montre qu’il n’existe que quelques points obtenus à faibles salinités. Ces mesures sont réalisées à température ambiante et des pressions inférieures à 5 MPa (Duffy et al. 1961; Stoessell et Byrne 1982). La salinité la plus étudiée est 1 mol CaCl2.Kg H2O-1 avec 23 points de mesure obtenus. Il n’existe aucun point de la littérature de solubilité du système H2O-CaCl2-CH4 à une molalité en sel de 0.2 mol CaCl2.Kg H2O-1. Figure II-20 : Répartition des données expérimentales de solubilité du système H2O-CaCl2-CH4 retrouvées dans la littérature en termes de pression, température et molalité en sel 81 II.5.4. Bilan des données de solubilité du système H2O-NaCl-CaCl2-CH4 Lorsque le système H2O-NaCl-CaCl2-CH4 est pris en compte, une absence de données à hautes pressions et températures est observée. La seule étude ayant présenté des données pour le binaire NaCl-CaCl2 est celle de Duffy et al. (1961). Mais les auteurs se sont intéressés à la caractérisation expérimentale du système à 303.15 K et des pressions inférieures à 5 MPa. Les molalités des sels utilisées étaient 1.57 mol NaCl-3.08 mol CaCl2.Kg H2O-1. D’autres études (Cramer 1984; Stoessell et Byrne 1982) ont été menées pour déterminer la solubilité du méthane dans des saumures constituées d’autres mélanges de sels (cf. section II.5.9. Résultats de mesures de solubilité du système H2O-NaCl-CaCl2-CH4). II.5.5. Répartition des techniques d’analyse de solubilité du méthane dans des phases aqueuses Parmi toutes les études intégrées dans la base de données du méthane, 40 ont déclaré leur technique d’analyse utilisée pour déterminer la solubilité du gaz. La figure II-21 présente le nombre de publications ayant utilisé chacune. La conclusion est que la volumétrie est la technique la plus répandue, comme dans le cas du dioxyde de carbone, avec 22 études. Ensuite, le bilan matière et la chromatographie sont employés dans sept études chacune. Nombre de publications 25 20 15 10 5 0 Volumétrie Bilan matière Chromatographie Mesure du point de bulle Spectroscopie Raman Technique d' Figure II-21 : Nombre d'études faites pour chaque type de technique d'analyse utilisée pour la détermination de la solubilité du méthane dans des phases aqueuses Un point remarquable des méthodes d’analyse du méthane dissous est qu’aucun des auteurs n’a utilisé la titration pour analyser ce gaz. Comme dans le cas du dioxyde de carbone, les premières techniques appliquées historiquement étaient la volumétrie (Culberson et al. 1950; Culberson et McKetta 1951) et le bilan matière (Michels et al. 1936; Morrison et Billett 1952), jusqu’à ce que des techniques comme la chromatographie et la mesure du point de bulle commencent à être employées dans la deuxième moitié du XXème siècle. La première étude de mesure de solubilité du méthane dans une phase aqueuse ayant utilisé la chromatographie est celle de Amirijafari et Campbell (1972) qui ont mesuré la 82 solubilité de ce gaz dans l’eau pure. La détermination de la solubilité du méthane par mesure de pression de bulle, d’un autre côté, a été employée par la première fois dix ans plus tard par McGee et al. (1981) pour des mesures de solubilité dans l’eau pure et des solutions de chlorure de sodium. En suivant la même tendance observée pour le dioxyde de carbone, la spectroscopie Raman commence à être utilisée, au cours des dernières années, pour la mesure de la solubilité du méthane dans une phase aqueuse. Cela est illustré par les travaux de Ou et al. (2015). II.5.6. Résultats des mesures de solubilité du système H2O-CH4 Les premières mesures à haute température ont été proposées par Winkler (1901) qui a effectué des expériences jusqu’à 353.15 K. La première étude à hautes pressions et températures est celle de Michels et al. (1936), qui a mesuré la solubilité du méthane dans l’eau pure et des solutions de chlorure de sodium. Récemment, une diminution dans le nombre d’études de solubilité de ce gaz est observée. Effectivement, dans les cinq dernières années, seulement cinq auteurs (Böttger et al. 2016; Frost et al. 2014; Hayashi 2014 Kastanidis et al . 2018; Ou et al. 2015) ont effectué ce type de mesure. Cela représente environ 10% de toutes les études faite sur la solubilité du méthane dans l’eau pure. Le tableau II-11 présente les publications intégrées à notre base de données de solubilité du méthane. Parmi les 43 études recensées dans ce tableau, 21 présentent des données à hautes pressions (supérieures à 5 MPa) et températures (supérieures à 323.15 K). Tableau II-11 : Références bibliographiques de mesures de solubilité du système H 2O-CH4 Auteur Température ( K) Pression ( MPa ) Winkler (1901) a Michels et al. (1936) Culberson et al. (1950) Culberson et McKetta (1951) Morrison et Billett (1952) Duffy et al. (1961) Mishnina et al. (1962) a O’Sullivan et Smith (1970) Sultanov et al. (1972) a,b 273.15 -353.15 298.15-423.15 298.15 0.056-0.095 4-46.9 3.62-66.7 Technique d’analyse Non spécifié Bilan matière Volumétrie 298.15-444.26 2.23-68.91 Volumétrie 285.15-348.15 0.101325 Bilan matière 298.15-303.15 277.15-363.15 0.32-5.17 0.101325 Bilan matière Non spécifié 324.65-398.15 10.13-61.66 Volumétrie 423.15-633.15 9.81-113.28 Volumétrie Amirijafari et Campbell (1972) 310.15-344.25 4.14-34.47 Chromatographie gaz Namiot et al. (1979)a Price (1979)b McGee et al. (1981) 323.15-623.15 427.15-627.15 464.75-545.75 29.5 3.54-197.26 10.24-12.36 Rettich et al. (1981) Blount et Price (1982) 275.15-328.15 373.15 0.05-0.12 15-154.2 Volumétrie Volumétrie Mesure du point de bulle Volumétrie Volumétrie 83 Auteur Tempé rature (K) Pression (MPa) Crovetto et al.(1982) Stoessell et Byrne (1982) Gillepsie et Wilson (1982) Cramer (1984) Yarym-Agaev et al. (1985) a Yokoyama et al. (1988) Wang et al. (1995) 297.15-518.15 298.15 1.33-6.45 2.41-5.17 Technique d’analyse Volumétrie Volumétrie 323.15-588.65 1.38-16.89 Volumétrie 277.15-573.15 298.15-338.15 1.1-13.2 2.5-12.5 Volumétrie Non spécifié 298.15-323.15 3.0-8.0 Volumétrie 283.15-298.15 1.15-5.18 Non spécifié Lekvam et Bishnoi (1997) Gao et al. (1997) Dhima et al . (1998) Yang et al. (2001) Servio et Englezos (2002) Addicks et al. (2002) 274.15-285.15 0.57-9.08 Bilan matière 324.15-375.15 344.15 298.15 278.15-284.15 5.6-58 20.0-100.0 2.33-12.68 3.56.5 Volumétrie Volumétrie Volumétrie Volumétrie 298.15 7.36-17.82 Kim et al. (2003) 298.15 2.3-16.6 Wang et al. (2003) Kiepe et al. (2003) Chapoy et al.(2004b) Serra et al. (2006) Abdi et al. (2007) Qin et al. (2008) Awan et al. (2010) 28 3.15 -303.15 313.15-373.15 275.15-313.15 2.00-40.03 0.0007-9.26 0.97-18.0 293.15-323.15 324.15 324.15-376.15 298.15-314.15 0.101325 10.0-40.0 10.9-49.9 0.99-9.98 Si queira Campos et al. (2010) Fon seca et von Solm s (2012) Hayashi (2014) 303.15-323.15 0.11-0.64 Chromatographie gaz Mesure du point de bulle Volumétrie Bilan matière Chromatographie gaz Bilan matière Volumétrie Volumétrie Chromatographie gaz Bilan matière 298.15-303.15 5.33-12.35 333.15 5.18-18.00 Frost et al. (2014) 283.15-323.15 4.98-19.49 Ou et al. (2015) 273.15-603.15 5.0-140.0 Böttger et al. (2016) 283.15-298.15 1.15-10.36 Kastanidis et al. (2018) 323.15 10.0 Chromatographie gaz Chromatographie gaz Chromatographie gaz Spectroscopie Raman Mesure du point de bulle Volumétrie Source des données : a NIST ; b Blount and Price, 1982 Cinq auteurs ont travaillé à 333.15 K. Leurs résultats sont présentés dans la figure II-22. 84 Figure II-22:Isotherme de solubilité gaz avec des données expérimentales de la littérature du système H2O-CH4 à 333.15 K Cette isotherme présente les travaux de trois auteurs avec des points de solubilité obtenus pour des pressions jusqu’à 1.3 MPa (Cramer 1984; Crovetto et al. 1982; Winkler 1901). Les autres points sont issus de deux études (Hayashi 2014; Ou et al. 2015) qui se sont intéressés à l’intervalle de pression supérieur à 5 MPa. Les auteurs sont en accord entre eux en utilisant différentes méthodes d’analyse de solubilité du méthane dissous. En revanche, l’analyse de données de solubilité à plus hautes températures devient problématique car un nombre faible de mesures est obtenu à 453.15 K (figure II-23). Figure II-23 : Isotherme de solubilité gaz avec des données expérimentales de la littérature du système H2O-CH4 à 453.15 K 85 L’isotherme de solubilité du système H2O-CH4 à 453.15 K avec les résultats de l’étude de Ou et al. (2015) est la seule à présenter des résultats à cette température. Dans un tel contexte, il n’est pas possible d’établir des comparaisons avec d’autres auteurs. Cela met en évidence l’importance et le besoin d’avoir des nouveaux points expérimentaux de solubilité du méthane dans l’eau pure à ce niveau de température. II.5.7. Résultats des mesures de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 Dans le cadre de cette thèse, seulement onze études ont été recensées pour le système H2O-NaCl-CH4. Six parmi elles présentent des mesures de solubilité du gaz dans des solutions aqueuses du chlorure de sodium dans des conditions où les hautes pressions sont associées à hautes températures. La première étude sur la caractérisation expérimentale de ce système à haute pression (supérieure à 5 MPa) et haute température (supérieure à 323.15 K) est de celle de Michels et al. (1936). Les derniers travaux datent des années 80 avec, par exemple, l’étude de Cramer (1984). Ces publications s’intéressaient à la caractérisation thermodynamique de fluides géothermaux contenant du méthane dissous aux Etats-Unis (Blount et Price 1982; Cramer 1984; McGee et al. 1981; Price et al. 1981). L’ensemble de références est donné dans le tableau II-12. Tableau II-12 : Références bibliographiques de mesures de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 Auteur Michels et al. (1936) Morrison et Billett (1952) Duffy et al. (1961) Mishnina et al. (1962) a O’Sullivan et Smith (1970) Namiot et al. (1979) a Price et al. (1981) McGee et al. (1981) Stoessell et Byrne (1982) Blount et Price (1982) Cramer (1984) Température (K) 298.15-423.15 Pression (MPa) 4.18-44.5 Molalité NaCl (mol.Kg H2O-1) 0.91-6.37 Technique d’analyse Bilan matière 285.75-344.85 0.1 1 Bilan matière 303.15 1.46-6.52 0.52-6.37 Bilan matière 277.15-363.15 0.1 1.02-5.79 Non spécifié 324.65-398.15 10.13-61.6 1-4 Volumétrie 323.15-623.15 29.5 1.02-1.14 Volumétrie 296.15-344.15 0.86-14.05 0.9-3.2 Volumétrie 484.65-565.45 11.02-17.98 0.91-4.28 298.15 2.41-5.17 0.5-4 Mesure du point de bulle Volumétrie 297.15-513.15 0.86-156.8 0.75-5.85 Volumétrie 273.65-574.25 1.9-12.4 0.81-4.7 Volumétrie Source des données : a NIST Aucune donnée n’existe sur la solubilité du méthane dans des solutions de chlorure de sodium à 333.15 K dans la gamme de pression de cette thèse. La température la plus proche est 323.15 K avec des données 1 et 3 mol NaCl.Kg H2O-1 (figure II-24). 86 Figure II-24 : Isothermes de solubilité gaz avec des données expérimentales de la littérature du système H 2O-NaCl-CH4 à 323.15 K et des molalités de 1 mol NaCl.Kg H2O-1 et 3 mol NaCl.Kg H2O-1 L’analyse du système H2O-NaCl-CH4 à une molalité de 1 mol NaCl.Kg H2O-1 montre que mis à part deux données à pression atmosphérique (Mishnina et al. 1962; Morrison et Billett 1952), aucune donnée n’a été rapportée pour le système H2O-NaCl-CH4 à des pressions inférieures à 10.0 MPa. Pour des pressions supérieures à ce seuil, un accord semble exister entre Namiot et al. (1979) et O’Sullivan et Smith (1970) pour leurs points autour de 30.0 MP . Ainsi, bien que des données de solubilité du système H2O-NaCl-CH4 (1 mol NaCl.Kg H2O-1) existent, la figure II-24 montre un besoin de nouvelles mesures de solubilité, surtout pour des pressions inférieures à 10.0 MPa. Pour les saumures à 3 mol.Kg H2O-1 du système H2O-NaCl-CH4, aucune donnée n’existe à des pressions supérieures à 13.7 MPa, renforçant le besoin de données expérimentales à hautes pressions pour cette salinité. La seule étude présentant des données pour cette molalité est celle de Price et al. (1981) et leur donnée à 13.7 MPa est clairement en dessous de l’isotherme de 1 mol.Kg H2O-1. En revanche, leurs résultats pour des pressions inférieures semblent se rapprocher de la tendance de l’isotherme à plus basse salinité dessinée par les points de O’Sullivan et Smith (1970). Cela indique soit un effet de sel qui diminue avec la pression, soit une incohérence entre les données basse pression de Price et al. (1981) et la tendance de l’isotherme formée par les points de O’Sullivan et Smith (1970). Cependant, dans l’absence de données à basse pression pour l’isotherme de 1 mol NaCl.Kg H2O-1, il n’est pas possible d’établir une conclusion pertinente quant à cette observation. Enfin, les seuls auteurs ayant travaillé à des températures proches des puits visés par FONGEOSEC à hautes pressions sont Blount et Price (1982) avec des mesures à 443.15 K. Les salinités étudiées par ces auteurs sont de 0.9 et 2.9 mol NaCl.Kg H2O-1 et leurs isothermes sont présentées dans la figure II-25. 87 Figure II-25 : Isothermes de solubilité gaz avec des données expérimentales de la littérature du système H 2O-NaCl-CH4 à 443.15 K et des molalités de 0.9 mol NaCl.Kg H2O-1 et 2.9 mol NaCl.Kg H2O-1 Aucune étude ne fournit une quantité suffisante des points expérimentaux de solubilité dans des conditions proches à 443.15 K pour que des comparaisons soient établies avec les données de Blount et Price (1982). Cette affirmation ainsi que l’analyse de la figure II-25 renforcent le besoin de données expérimentales de solubilité gaz du système H2O-NaCl-CH4 à des températures autour de 453.15 K. II.5.8. Résultats des mesures de solubilité du système H2O-CaCl2-CH4 L’intérêt porté par la solubilité du méthane dans des solutions aqueuses de chlorure de calcium est encore plus petit avec seulement quatre études effectuées et une seule dans le domaine de haute pression et haute température (Blanco et Smith 1978). Comme dans le cas des solutions de chlorure de sodium, la dernière étude date des années 80, plus précisément de 1982 (Stoessell et Byrne 1982). La température la plus haute explorée pour le système H2O-CaCl2-CH4 est 398.15 K (Blanco et Smith 1978). Les seuls points à des salinités inférieures à 1 mol CaCl2.Kg H2O-1 sont ceux de Duffy et al. (1961) et Stoessell et Byrne (1982) mais ces auteurs étaient limités à des mesures à température ambiante. Ces observations démontrent le besoin de données expérimentales de caractérisation thermodynamique du système H2O-CaCl2-CH4 dans les gammes de pression, température et salinité du projet FONGEOSEC ainsi que l’intérêt d’une étude ample sur la description de ce système à hautes pressions (supérieures à 5 MPa) et températures (supérieures à 323.15 K). Le tableau II-13 présente les principales caractéristiques des quatre études de solubilité du système H2O-CaCl2-CH4 recensées dans le cadre de cette thèse. 88 Tableau II-13 : Références bibliographiques de mesures de solubilité du système H2O-CaCl2-CH4 Auteur Michels et al. (1936) Duffy et al. (1961) Blanco et Smith (1978) Stoessell et Byrne (1982) Température (K) 298.15 Pression (MPa) 5.62-21 Molalité CaCl2 (mol.Kg H2O-1) 1.38 Technique d’analyse Bilan matière 298.15-303.15 0.81-7.48 0.25-7.35 Bilan matière 298.15-398.15 10.13-60.80 1 Volumétrie 298.15 2.41-5.17 0.5-2 Volumétrie Bien que l’étude de Blanco et Smith (1978) présente des mesures la solubilité du méthane à des hautes températures, elle ne présente aucune donnée à 333.15 K, le seuil bas de température du projet FONGEOSEC. Cependant, ces auteurs ont mesuré la solubilité du gaz dans des solutions aqueuses de chlorure de calcium à 323.15 K pour des salinités de 1 mol.Kg H2O-1 et leurs données sont représentées dans la figure II-26. En l’absence de données à 323.15 K dans des molalités inférieures à 1 mol CaCl2.Kg H2O-1, les données de solubilité du méthane dans l’eau pure de O’Sullivan et Smith (1970) sont également indiquées dans la figure II-26. Cela permet aussi d’avoir l’ordre de grandeur de la solubilité du méthane dans une solution de 0.2 mol CaCl2.Kg H2O-1. Cette valeur serait probablement située entre les deux isothermes de la figure II-26. Figure II-26 : Isothermes de solubilité du méthane dans l'eau pure et des solutions aqueuses de chlorure de calcium à salinité 1 mol.Kg H2O-1 et températures de 323.15 K La figure II-26 montre l’absence de données de solubilité à des pressions inférieures à 10.0 MPa, renforçant le besoin de mesures expérimentales pour le système H2O-Ca 2-CH4. Nous n’avons pas trouvée de donnée pour une température de 453.15 K. La température maximale à laquelle il existe de données du système H2O-CaCl2-CH4 est de 398.15 K. La 89 salinité utilisée pour ces mesures est de 1 mol CaCl2.Kg H2O-1. Cependant, un écart de 60 K par rapport à la température ciblée par notre étude est considéré significatif. De ce fait, ces données ne peuvent pas être utilisées pour estimer la solubilité du méthane à 453.15 K dans les conditions de salinité du fossé rhénan. II.5.9. Résultats des mesures de solubilité du système H2O-NaCl-CaCl2-CH4 Le nombre d’études de solubilité du méthane dans des mélanges de sels est inférieur à celui effectué avec le dioxyde de carbone. Les études réalisées s’intéressent toujours à des eaux spécifiques caractéristiques des formations géologiques visées par les auteurs. A ce titre, il est possible de citer les travaux de Cramer (1984) qui se sont intéressés à la caractérisation des fluides géothermaux situés en Californie, dans une région américaine réputée pour la production d’énergie géothermique. Les saumures californiennes sont du type NaCl-CaCl2-KCl et plus salées que celles retrouvées dans le fossé rhénan. Des mesures de solubilité du méthane dans des mélanges de sels sont également étudiées dans les travaux de Stoessell et Byrne (1982). Ils ont mesuré la solubilité de ce gaz dans l’eau de mer à température ambiante pour des pressions jusqu’à 5.0 MPa. Par contre, la seule étude présentant des données de solubilité sur le binaire NaCl-CaCl2 est celle de Duffy et al. (1961) développée dans le cadre d’un projet de caractérisation des géo-ressources aux Etats-Unis dans les années 60. Néanmoins, ces auteurs ont mesuré la solubilité du méthane exclusivement à 303.15 K avec seulement deux points expérimentaux à deux pressions différentes (2.54 et 5.19 MPa). Les résultats obtenus présentent peu d’intérêt pour le projet FONGEOSEC vu les conditions de pression, température et salinité où ils ont été obtenus. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour effectuer la caractérisation thermodynamique du système H2O-NaCl-CaCl2-CH4 expérimentalement dans les conditions de pression, température et salinité du fossé rhénan. II.6. Données expérimentales de solubilité de l’azote dans l’eau pure et des solutions aqueuses salées L’azote est le deuxième gaz le plus repéré dans les eaux géothermales du fossé rhénan (Sanjuan et al. 2016) mais en termes de données de solubilité, il s’agit du gaz le moins renseigné des trois molécules d’intérêt de cette thèse. Cependant, des mesures de solubilité de l’azote dissous dans des phases aqueuses peuvent également présenter un intérêt industriel. En effet, ce type de renseignement peut s’avérer intéressant dans des activités de stockage géologique du dioxyde de carbone, où l’azote peut être présent comme une impureté dissoute dans la phase aqueuse des aquifères exploités (Li et al. 2018; Liu et al. 2012). Sa présence en phase aqueuse doit donc être caractérisée car elle impactera la dissolution du dioxyde de carbone. La production d’é géothermique, comme dans le cadre de notre étude, peut également avoir besoin des données de solubilité de l’azote en fonction de la concentration de ce gaz dans l’aquifère exploité. II.6.1. Bilan des données de solubilité du système H2O-N2 La base de données élaborée pour le système H2O-N2 contient 17 publications avec des données obtenues à des pressions supérieures à 5.0 MPa et températures qui dépassant les 323.15 K. Ces 17 publications fournissent 249 points de solubilité de l’azote, qui sont représentés en termes de pression et température dans la figure II-27. 90 50 Pression (MPa) 40 30 20 10 0 273 323 373 423 473 523 Température (K) Figure II-27 : Répartition des données expérimentales de solubilité du système H2O-N2 retrouvées dans la littérature Le nombre de données de solubilité de ce composé dans l’eau pure est plus faible que dans les cas du dioxyde de carbone et du méthane qui possèdent 1783 et 693 points expérimentaux de solubilité publiés, respectivement. La figure II-27 montre clairement la faible quantité de points expérimentaux à des pressions supérieures à 30 MPa, où la seule étude présente est celle de O’Sullivan et Smith (1970). En plus, pour des températures supérieures à 373.15 K, la représentation d’isothermes avec des données de la littérature devient de plus en plus compliquée vu la diminution de points expérimentaux. Ainsi, par exemple, pour des températures entre 423.15 K et 473.15 K à hautes pressions, il existe très peu de points de mesure. Ces conditions sont importantes pour le stockage géologique (dioxyde de carbone avec l’azote comme impureté) et pour la production d’énergie géothermique Ces remarques mettent en évidence le manque de données à hautes pressions et températures. Dans la gamme de pression (entre 6.0 MPa et 40 MPa) et de température (entre 333.15 K et 453.15 K) du projet FONGEO , nous trouvons seulement 47 points de solubilité pour le système H2O-N2. II.6.2. Bilan des données de solubilité du système H2O-Sel-N2 En raison du faible nombre de données de solubilité de l’azote dans des solutions aqueuses salées, les bilans de points expérimentaux des systèmes H2O-NaCl-N2, H2O-CaCl2N2 et H2O-NaCl-CaCl2-N2 seront fusionnés dans une seule section. Seulement cinq études de solubilité ont été recensées dans le cas des solutions aqueuses de chlorure de sodium (Mishnina et al. 1961; Morrison et Billett 1952; O’Sullivan et al. 1966; O’Sullivan et Smith 1970; Smith et al. 1962). La seule publication à s’intéresser à la solubilité de ce gaz dans des solutions aqueuses de chlorure de calcium et des mélanges NaCl-CaCl2 est celle de Smith et al. (1962). Les cinq études sur le système H2O-NaCl-N2 ont produit 193 points expérimentaux représentés sur la figure II-28. 91 50 Pression (MPa) 40 30 20 10 0 273 323 373 423 473 523 Température (K) Figure II-28 : Répartition des données expérimentales de solubilité du système H2O-NaCl-N2 retrouvées dans la littérature en termes de pression et température Des zones complètement exemptes de mesure apparaissent dans cette figure. En effet, aucune étude n’a dépassé les 398.15 K et seulement six données de solubilité existent pour des pressions supérieures à 20.0 MPa (O’Sullivan et al. 1966; O’Sullivan et Smith 1970). Il n’y a que 13 points de solubilité qui rentrent dans les gammes de pression et température du projet FONGEOSEC. Parmi ces 13 points de solubilité, aucun n’est obtenu à molalité de 1.2 mol NaCl.Kg H2O-1. La répartition de mesures de solubilité en prenant en compte la mol en chlorure de sodium est présentée dans la figure II-29. Figure II-29 : Répartition des données expérimentales de solubilité du système H2O-NaCl-N2 retrouvées dans la littérature en termes de pression, température et molalité en sel 92 La conclusion issue de cette analyse est que le système H2O-NaCl-N2 est peu renseigné, avec des points disponibles plutôt à pression atmosphérique pour différentes salinités. Dans la figure II-29, mis à part les points à pression atmosphérique, il est possible de remarquer la complète absence de données à certaines molalités de chlorure de sodium. Concernant les systèmes avec des solutions aqueuses de chlorure de calcium et des mélanges de chlorure de sodium avec chlorure de calcium, les seuls points expérimentaux disponibles ont été obtenus à 303.15 K, tous par Smith et al. (1962). Pour le système H2OCaCl2-N2, 22 points de solubilité sont publiés entre 1.24 MPa et 7.60 MPa, alors que dans le cas du H2O-NaCl-CaCl2-N2 seulement 5 mesures ont été réalisées entre 1.54 MPa et 7.22 MPa. Les saumures utilisées dans ces études possèdent, en plus, des salinités supérieures à celles retrouvées dans le fossé rhénan. Des mesures sur des mélanges de sels plus complexes, avec l’ajout du chlorure de potassium (système H2O-NaCl-CaCl2-KCl-N2), ont été faites dans le cadre des projets de stockage du dioxyde de carbone (Liu et al. 2012). II.6.3. Répartition des techniques d’analyse de solubilité de l’azote dans des phases aqueuses En considérant l’ensemble des études qui ont mesuré la solubilité de l’azote dans une phase aqueuse, quinze auteurs ont déclaré la technique d’analyse pour mesurer la quantité de gaz dissous et la méthode la plus utilisée reste la volumétrie (onze publications). Ensuite, le bilan matière a été utilisé par trois publications, toujours avec la limitation en pression caractéristique de cette technique. Effectivement, la pression maximale de mesure de solubilité utilisée parmi ces trois publications était de 6 MPa (Smith et al. 1962). Enfin, la chromatographie constitue la troisième technique la plus utilisée (figure II-30) pour déterminer la solubilité de l’azote dans des phases aqueuses (Chapoy et al. 2004c) avec une seule application contre 11 de la volumétrie, une disparité plus importante que celle retrouvée dans l’étude d’autres molécules gazeuses. Nombre de publications 12 10 8 6 4 2 0 Volumétrie Bilan matière Chromatographie Technique d'analyse Figure II-30 : Nombre d'études faites pour chaque type de technique d'analyse utilisée pour la détermination de la solubilité de l’azote dans des phases aqueuses 93 Ce déséquilibre est probablement dû à des raisons de l’ordre historique. En effet, parmi les quinze études qui ont déclaré leur technique d’analyse de la solubilité de l’azote dans une phase aqueuse, seulement 5 ont été publiées après la fin des années 1960 (Alvarez et al. 1988; Chapoy et al. 2004c; Kennan et Pollack 1990; Liu et al. 2012; O’Sullivan et Smith 1970). Avant cette période, les techniques d’analyse le plus répandues étaient la volumétrie et le bilan matière. La fin des années 1960 correspond à l’apparition des premières études qui ont utilisé la chromatographie pour la mesure de la solubilité des gaz dissous (Amirijafari et Campbell 1972; Vilcu et Gainar 1967) avant que la technique connaisse un plus ample développement à partir des années 2000 (Al Ghafri et al. 2014; Chapoy et al. 2004c; Hayashi 2014; Hou et al. 2013a, 2013b; Frost et al. 2014; Lucile et al. 2012; Valtz et al. 2004). L’azote est une molécule chimiquement inerte. Il est donc attendu que l’analyse par titration ne puisse pas être utilisée sur ce gaz. Aucun auteur n’a rapporté non plus l’existence d’absorbants ou adsorbants pour l’azote afin que sa solubilité soit déterminée par absorption ou adsorption. La mesure du point de bulle est une technique d’analyse utilisée pour mesurer la solubilité du dioxyde de carbone et du méthane dans des phases aqueuses mais qui n’a pas été répertoriée dans les études sur la solubilité de l’azote. Cependant, en théorie elle peut être appliquée pour effectuer une telle mesure. II.6.4. Résultats des mesures de solubilité du système H2O-N2 La première étude sur la caractérisation thermodynamique du système H2O-N2 à hautes températures est réalisée par Winkler (1891). Cependant cet auteur a fait des mesures exclusivement à pression atmosphérique. La première étude à des pressions supérieures à 5.0 MPa est celle de Frolich et al. (1931) qui ont fait des mesures allant jusqu’à 19.25 MPa, mais à température ambiante. Goodman et Krase (1931) ont été les premiers à faire des expériences en rassembl à la fois des conditions de haute pression (plus de 5.0 MPa) et haute température (plus de 323.15 K). La caractérisation expérimentale du système H2O-N2 a été ciblée par certains auteurs dans la première moitié du XXème siècle, en particulier dans les années 30, où une série d’études a été publiée (Frolich et al. 1931; Goodman et Krase 1931; Saddington et Krase 1934; Wiebe et al. 1933, 1932). Après les années 70, une réduction du nombre d’études est observée et depuis les années 2000 seulement deux études dans le domaine ont été publiées (Chapoy et al. 2004c; Liu et al. 2012). L’ensemble de ces références bibliographiques recensées dans le cadre de cette thèse est présenté dans le tableau II-14 avec des informations sur les conditions expérimentales utilisées. Parmi les 17 études de solubilité du système H2O-N2, six présentent des mesures à hautes pressions et températures. Tableau II-14 : Références bibliographiques de mesures de solubilité du système H2O-N2 Auteur Température (K) Pression (MPa) Winkler (1891) a Fox (1909) a Frolich et al. (1931) a Goodman et Krase (1931) Wiebe et al. (1932) 273.15-353.15 273.15-325.15 298.15 273.15-442.15 0.1 0.1 2.03-19.25 10.13-30.40 Technique d’analyse Non spécifié Bilan matière Volumétrie Volumétrie 298.15 2.53-101.33 Volumétrie 94 Auteur Temp érature (K) Pression (MPa) Wiebe et al. (1933) Saddington et Krase (1934) Morrison et Billett (1952) Eichelberger (1955) Mishnina et al. (1961) a Smith et al. (1962) O’Sullivan et al. (1966) O’Sullivan et Smith (1970) Alvarez et al. (1988) Kennan et Pollack (1990) Chapoy et al.(2004c) 298.15-373.15 323.15-513.15 2.53-101.33 10.13-30.4 Technique d’analyse Volumétrie Volumétrie 285.15-345.15 0.101325 Bilan matière 338.15 283.15-343.15 6.96-20.2 0.101325 Volumétrie Non spécifié 303.15 324.65 1.1-5.9 10.13-60.80 Bilan matière Volumétrie 324.65-398.15 10.13-60.80 Volumétrie 336.15-636.15 298.15 0.53-25.60 4.51-11.73 Volumétrie Volumétrie 274.15-363.15 0.97-7.16 Liu et al. (2012) 308.15-318.15 8.0-16.0 Chromatographie gaz Volumétrie Source des données : a NIST Le système H2O-N2 n’est pas décrit à 333.15 K. Par contre, nous avons une description satisfaisante de ce système à 323.15 K (figure II-31). Six auteurs ont déterminé la solubilité de l’azote dans l’eau pure à cette température pour des pressions entre 0.92 et 40.53 MPa. Ces renseignements sont complétés par les mesures de solubilité de Fox (1909), Mishnina et al. (1961), Morrison et Billett (1952) et Winkler (1891) à pression atmosphérique. Figure II-31 : Isotherme de solubilité gaz avec les données de la littérature du système H2O-N2 à 323.15 K L’analyse de cette figure indique un accord presque parfait des auteurs quant à la caractérisation thermodynamique du système H2O-N2, à l’exception des points de Goodman 95 et Krase (1931) à 20.27 MPa et 30.40 MPa qui présentent des écarts par rapport à la littérature de 37% et 15.7%, respectivement. Ces écarts ont été remarqués ultérieurement par un des propres auteurs dans les travaux de Saddington et Krase (1934) quand une comparaison a été faite avec les données de Wiebe et al. (1933). A l’occasion les manipulations ont été refaites et les résultats étaient en cohérences avec ceux de Wiebe et al. (1933), donnant ainsi moins de poids aux points de solubilité obtenus par Goodman et Krase (1931) à des pressions supérieures à 20.0 MPa. Les données de la figure II-31 ainsi que d’autres points de solubilité des systèmes H2OCO2 et H2O-CH4 recueillis dans le cadre de cette thèse permettent d’affirmer que l’azote est le gaz le moins soluble parmi les trois molécules étudiées. En effet, en se plaçant, par exemple, à 323.15 K et 40.0 MPa (pression maximale où des données de solubilité du méthane et de l’azote dans l’eau pure sont disponibles à cette température), une solubilité de 0.14 mol.Kg H2O-1 est observée pour l’azote en eau pure (O’Sullivan et al. 1966; O’Sullivan et Smith 1970), contre 0.19 mol.Kg H2O-1 pour le méthane (Abdi et al. 2007; Gao et al. 1997; O’Sullivan et Smith 1970). Dans les mêmes conditions, la solubilité rapportée pour le dioxyde de carbone est d’environ 1.5 mol.Kg H2O-1 (Shagiakhmetov et Tarzimanov 1982; Wiebe et Gaddy 1939; Yan et al. 2011). Lorsque les données de solubilité de l’azote dans l’eau pure à haute température sont analysées, nous pouvons remarquer une diminution du nombre de points expérimentaux comme remarqué dans la section « II.6.1.Bilan de données de solubilité du système H2O-N2 ». Nous n’avons pas trouvé de données de solubilité à 453.15 K. La température la plus proche où des données de solubilité existent est 443.15 K (Goodman et Krase 1931) et ces résultats sont présentés dans la figure II-32. Figure II-32 : Isotherme du système H2O-N2 à 443.15 K avec les données de solubilité gaz de l'étude de Goodman et Krase (1931) L’existence de ces résultats permet, au moins, d’avoir une estimation de la solubilité de l’azote dans l’eau pure à 453.15 K. Mais il serait souhaitable d’avoir d’autres études de solubilité de ce gaz vu le doute autour des points de Goodman et Krase (1931) à des pressions 96 supérieures à 20.0 MPa, mis en évidence par la figure II-31 à 323.15 K. Ces observations démontrent l’intérêt d’études supplémentaires de solubilité de l’azote dans l’eau pure à hautes pressions pour des températures entre 443.15 K et 453.15 K II.6.5. Résultats des mesures de solubilité du système H2O-Sel-N2 L’absence de données la plus marquante de cette thèse est observée pour les systèmes H2O-NaCl-N2, H2O-CaCl2-N2 et H2O-NaCl-CaCl2-N2 (cf. section II.6.2. Bilan des données de solubilité du système H2O-Sel-N2). Les études ayant caractérisé la solubilité de l’azote dans ces systèmes se concentrent entre les années 50 et 60. La seule étude récente de solubilité de l’azote dans des saumures est celle de Liu et al. (2012), mais la saumure utilisée par ces auteurs contenait le mélange NaCl-CaCl2-KCl. Les résultats existants de solubilité de l’azote dans des phases aqueuses salées se retrouvent dans des conditions de pression, température et salinité inadaptées aux besoins du projet FONGEOSEC. Le tableau II-15 présente la liste d’études faites sur ces systèmes avec les conditions expérimentales détaillées Tableau II-15 : Conditions expérimentales utilisées dans les références bibliographiques des mesures de solubilité des systèmes H2 O-NaCl-N2, H2O-CaCl2-N2 et H2O-NaCl-CaCl2-N2 0.1 Molalité NaCl (mol.Kg H2O-1) 1 Molalité CaCl2 (mol.Kg H2O-1) - Bilan matière 0.1 0.51-5.83 - Non spécifié 1.24-7.16 1.02-6.37 - Bilan matière 303.15 1.24-7.60 - 0.5-6.4 Bilan matière 303.15 1.54-7.22 1.42 2.79 Bilan matière 324.65375.65 324.65398.15 10.13-40.53 1 - Volumétrie 10.13-41.04 1-4 - Volumétrie Auteur Température (K) Pression (MPa) Morrison et Billett (1952) Mishnina et al. (1961) a Smith et al. (1962) Smith et al. (1962) Smith et al. (1962) O’Sullivan et al. (1966) O’Sullivan et Smith (1970) 285.15344.15 283.15343.15 303.15 Technique d’analyse Source des données : a NIST Parmi les publications présentées dans le tableau II-15, les études de O’Sullivan et al. (1966) et O’Sullivan et Smith (1970) présentent des données dans des conditions semblables de température et pression par rapport à celles ciblées par cette thèse. Mais, ils se sont uniquement intéressés à l’étude du système H2O-NaCl-N2 et la molalité de sel la plus proche de celle retrouvée dans les saumures du fossé rhénan est de 1 mol NaCl.Kg H2O-1 pour une température maximale de 398.15 K. Le système H2O-NaCl-N2 est le seul qui aura des mesures de solubilité présentées sous la forme d’isotherme. Cette représentation est faite pour une température de 323.15 K (figure II-33), une température qui est assez proche de 333.15 K, le seuil inférieur de FONGEOSEC. 97 Figure II-33 : Isothermes de solubilité gaz avec des données expérimentales de la littérature du système H 2O-NaCl-N2 à 323.15 K et des molalités de 1 mol NaCl.Kg H2O-1 et 4 mol NaCl.Kg H2O-1 Ces isothermes sont obten ues avec des solutions aqueuses de chlorure de sodium à 1 mol NaCl.Kg H2O-1 et à 4 mol NaCl.Kg H2O-1 et nous observons une diminution de la solubilité du dioxyde de carbone avec l’augmentation de la salinité. La température maximale à laquelle des mesures de solubilité existent pour le système H2O-NaCl-N2 est de 398.15 K. Elles sont obtenues avec un écart significatif de température (60 K) par rapport aux eaux du fossé rhénan. Il serait donc intéressant d’avoir des mesures supplémentaires de solubilité à des températures plus proches de 453.15 K. II.7. Effets de la pression, température et salinité sur la solubilité des gaz dissous Les trois gaz d’intérêt présentent des solubilités différentes dans des solutions aqueuses. Les valeurs maximales de solubilités sont obtenues pour le dioxyde de carbone alors que l’azote est le moins soluble des trois, bien que les points de solubilité de ce gaz se trouvent proches à ceux du méthane. La solubilité de ces gaz est influencée par des paramètres comme la pression, la température et la salinité. Le but de ce sous-chapitre est donc d’analyser les effets de la variation de ces paramètres sur la solubilité des gaz dissous. II.7.1. Effet de la pression La littérature est unanime quant au fait que la solubilité est une fonction croissante de la pression. L’allure de sa représentation graphique dépend du gaz analysé et, dans certains cas, des intervalles de pression et température. Nous décrirons l’effet de la pression sur la solubilité des gaz avec les données de systèmes contenant de l’eau pure. L’effet de la pression sur la solubilité dans des saumures et l’influence de la salinité sur la concentration de ces gaz dissous sont abordés dans la section « II.7.3. Effet de la salinité : le « sating-out effect »». La figure II-34 présente les isothermes de solubilité du système H2O-CO2 à 333.15 K (figure II-6), 373.15 K (figure II-7) et 473.15 K (figure II-9). 98 Figure II-34 : Données de la littérature du système H2O-CO2 à 333.15 K, 373.15 K et 473.15 K La tendance observée dans la figure II-34 est qu’une rupture de pente se produit dans l’isotherme de solubilité du dioxyde de carbone dans l’eau pure à 333.15 K autour de 10 MPa. La solubilité du gaz augmente d’environ 0.4 mol.Kg H2O-1 en passant de 5 à 10 MPa. Au-delà de ce seuil de pression, une augmentation du même ordre (0.4 mol.Kg H2O-1) est remarquée avec une variation de pression de 10 MPa jusqu’à 40 MPa.
18,725
dumas-03947173-DARMON%20Julie.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Intérêt de l’utilisation du pessaire dans la prise en charge symptomatique du prolapsus pelvien chez la femme : revue de littérature. Médecine humaine et pathologie. 2022. &#x27E8;dumas-03947173&#x27E9;
None
French
Spoken
7,620
12,572
ARTICLES DESCRIPTION DE LA POPULATION INTERVENTION COMPARATEUR CRITERES DE JUGEMENT D’INTERET Type d’étude But de l’étude Score PEDro Durée de l’étude Mode de recrutement Age moyen/IMC/Parité Nombre de participantes Critères d’inclusion Critères d’exclusion Traitement à tester Durée traitement Placebo/soins usuels/traitement en plus ou en moins Primaire et secondaire Tableau 3 Extraction des données 2.3.4 Méthode de synthèse des résultats La sélection finale des articles sera détaillée par un diagramme de flux présentant les études exclues et les études inclues. Le tableau ci-dessus sera rempli indépendamment pour chaque article afin de permettre une extraction et une synthèse des résultats optimales. Une analyse de tous les résultats sera effectuée afin de déterminer l’intérêt de l’utilisation du pessaire dans la prise en charge symptomatique du POP chez la femme. RESULTATS 3.1 DESCRIPTION DES ETUDES 3.1.1 Diagramme de flux Figure 3-1 Diagramme de flux DARMON DE 3.1.2 Etudes exclues Aucune étude n’a été exclue après lecture intégrale. Il existe un besoin urgent d'études randomisées sur l'utilisation des pessaires par rapport à l'absence de traitement, à la chirurgie et à l'utilisation conservatrice, car à ce jour il existe encore peu d’étude en ECR à ce sujet. Les preuves actuelles des pessaires vaginaux ont été principalement tirées d'études prospectives [45]. 3.1.2 Etudes incluses Sont incluses dans cette revue les quatre études sélectionnées après lecture intégrale de leur texte. La lecture intégrale a confirmé que les études abordaient bien le sujet de recherche autrement dit l’utilisation de pessaire dans la prise en charge du POP. Pour ces 4 articles, le critère de jugement principal sera la modification des symptômes du PP et critères de jugement secondaires seront variables, notamment la qualité de vie qui apparait constamment. Les 4 études sélectionnées sont : - Cheung et al, 2016 [45] Vaginal Pessary in Women With Symptomatic Pelvic Organ Prolapse (A Randomized Controlled Trial). Traduction : Pessaire vaginal chez les femmes présentant un prolapsus symptomatique des organes pelviens (essai contrôlé randomisé). - Panman et al,2016 [46] Effectiveness and cost-effectiveness of pessary treatment compared with pelvic floor muscle training in older women with pelvic organ prolapse: 2-year follow-up of a randomized controlled trial in primary care. Traduction : Efficacité et rentabilité du traitement par pessaire par rapport à l'entraînement des muscles du plancher pelvien chez les femmes âgées souffrant d'un prolapsus des organes pelviens : suivi sur deux ans d'un essai contrôlé randomisé dans le cadre des soins primaires - Cundiff GN et al, 2017 [47] The PESSRI study: symptom relief outcomes of a randomized crossover trial of the ring and Gellhorn pessaries. Traduction : L'étude PESSRI : résultats en matière de soulagement des symptômes d'un essai croisé randomisé des pessaires d'anneau et de Gellhorn. - Coolen, 2018 [48] Primary treatment of pelvic organ prolapse: pessary use versus prolapse surgery. Traduction : Traitement primaire du prolapsus des organes pelviens : utilisation d'un pessaire versus chirurgie du prolapsus. Titre: Vaginal Pessary in Women With Symptomatic Pelvic Organ Prolapse (A Randomized Controlled Trial). Type d’étude ARTICLES But de l’étude Score PEDro Durée de l’étude Mode de recrutement Age moyen/IMC/Parité Nombre de participante DESCRIPTION DE LA POPULATION Critères d’inclusion Critères d’exclusion INTERVENTION Traitement à tester Durée traitement COMPARAT Placebo/soins usuels/traitement en plus ou en moins CRITERES DE JUGEMENT D’INTERET Primaires et secondaires Essai clinique randomisé à deux bras, en groupe parallèle en simple aveugle (le traitement n’a pas pu être caché aux femmes). Comparer les symptômes du plancher pelvien, la qualité de vie et les complications chez les femmes présentant un prolapsus symptomatique, avec ou sans pessaire vaginal en plus d’un programme d’exercice du plancher pelvien. 7/10 De 2011 à 2014 Femmes dans l’attente d’un traitement chirurgical 62,6 ans/ IMC = 25,4/Parité médiane 3 276 au total (139 groupe interventionnel-137 groupe témoin). Femmes qui présentaient des symptômes de POP de stade I à III examinées à l’aide du (POP-Q). -Complications actives découlant du prolapsus. -La mobilité réduite. -Des troubles cognitifs. -Une barrière linguistique. Traitement par pessaire. 12 mois avec un suivi à 6 mois. Exerci ce de renforcement du plancher pelvien se ul . Une séance d 'enseignement dans les 2 semaines suivant la première consultation et trois séances de formation individuell es à 4, 8 et 16 semaines. Il leur a été conseil lé de s'exercer quotidiennement au moins deux séries de 8 à 12 répétitions d'exercices répétitions par jour, avec 8 à 10 exercices par session. Les critères de jugements primaires étaient la modification des symptômes du POP PFDI et l'évolution de la qualité de vie à l'aide du PFIQ7 Les critères de jugement secondaires étaient l'inconfort des symptômes du POP mesuré par l’EVA. Tableau 4 Extraction des données de l'étude Titre: Effectiveness and cost-effectiveness of pessary treatment compared with pelvic floor muscle training in older women with pelvic organ prolapse: 2-year follow-up of a randomized controlled trial in primary care Type d’étude ARTICLES But de l’étude Score PEDro Durée de l’étude Mode de recrutement Age moyen/IMC/parité Nombre de participante Critères d’inclusion DESCRIPTION DE LA POPULATION Critères d’exclusion INTERVENTION COMPARATEUR CRITERES DE JUGEMENT D’INTERET Traitement à tester Durée traitement Traitement Primaires et secondaires Essai contrôlé randomisé en simple aveugle Etude de l'efficacité et le rapport coûtefficacité d'un traitement par pessaire par rapport à un entrainement des muscles du plancher pelvien (PFMT) chez les femmes présentant un POP symptomatique. 6/10 2 ans Les femmes éligibles ont reçu par courrier un questionnaire de dépistage en 5 points. Les femmes ayant obtenu un résultat positif pour un ou plusieurs de ces symptômes ont été invitées à participer à un examen de base. 65,25 ans/IMC=26 / Parité = 1,75 162 Femmes âgées d’au moins 55 ans (inscrites dans un des 20 cabinets) présentant un prolapsus symptomatique des organes pelviens au niveau de l'hymen ou au-delà soit stade II ou III (POP-Q). -Ont eu un traitement du prolapsus dans l'année précédente. -Suivaient actuellement un traitement pour un autre trouble urogynécologique -Etaient atteintes d'une tumeur maligne des organes pelviens -Avaient une mobilité réduite -Une maladie grave ou terminale -Des troubles cognitifs -Une compréhension insuffisante de la langue néerlandaise. Tr par pessaire. 2 ans (suivi à 3,12 et 24 mois) PFMT (exercices du plancher pelvien) Le critère de jugement primaire était la différence de changement des symptômes du plancher pelvien (score PFDI-20). Les critères de jugement secondaires comprenaient les symptômes urinaires (UDI-6) et anorectaux (CRADI-8), la qualité de vie (PFIQ-7), les coûts et le fonctionnement sexuel. Tableau 5 Extraction des données de l'étude Titre: The PESSRI study: symptom relief outcomes of a randomized crossover trial of the ring and Gellhorn pessaries Type d’étude ARTICLES But de l’étude Score PEDro Durée de l’étude Mode de recrutement Age moyen/IMC/Parité DESCRIPTION DE LA POPULATION Nombre de participante Critères d’inclusion Critères d’exclusion INTERVENTION COMPARATEUR Traitement à tester Durée traitement Placebo/soins usuels/traitement en plus ou en moins Essai croisé randomisé Comparer le soulagement des symptômes et l'impact sur la vie des femmes utilisant le pessaire anneau et le pessaire Gellhorn. 4/10 6 mois Femmes présentant un POP symptomatique de stade II ou plus au POP-Q et exprimant un intérêt d’un traitement non chirurgical présentent parmi les six sites participants. 61 ans (30-89 ans) /IMC = 25 /Parité moyenne 3 134 Femmes présentant un POP symptomatique de stade II ou plus au POP-Q et exprimant un intérêt d’un traitement non chirurgical. -Grossesse. -Utilisation antérieure de pessaire -Rétrécissement ou agglutination à l’examen (compromet la mise en place du pessaire). Traitement par pessaire anneau 3mois Traitement par pessaire Gellhorn 3 mois Primaires Le critère de jugement principal est le soulagement des symptômes (PFDI-PFIQ). Secondaires Le critère de jugement secondaire est l’amélioration de la qualité de vie. CRITERES DE JUGEMENT D’INTERET Table au 6 Extraction des données de l'étude n°3 DARMON Julie DEMK 2022 26 • Etude numéro 4 : Coolen, 2018 [48] Titre : Primary treatment of pelvic organ prolapse: pessary use versus prolapse surgery[48] Type d’étude But de l’étude ARTICLES Newcastle Ottawa Scale PEDro Durée de l’étude Mode de recrutement Age moyen/IMC Nombre de participante Critères d’inclusion DESCRIPTION DE LA POPULATION Critères d’exclusion Traitement à tester Durée traitement Placebo/soins usuels/traitement en plus ou en moins INTERVENTION COMPARATEUR CRITERES DE JUGEMENT D’INTERET Primaires et secondaires EC/Etude de cohorte prospective Comparer les résultats fonctionnels après traitement par pessaire et après chirurgie du POP 6/9 5/10 De juin 2009 à juillet 2014 Les femmes ayant un POP symptomatique et conseil lées par leur propre gynécologue, membre d'une équipe de trois urogynécologues. 64,4 ans/IMC=25,2 113 (dont 6 randomisées) Femmes ayant un POP symptomatique défini comme stade II ou supérieur de la quantification du prolapsus des organes pelviens (POP-Q) avec des symptômes urogénitaux gênants. -Femmes ayant déjà subi une intervention chirurgicale pour la correction d'un POP ou d'une incontinence urinaire. -Femmes ayant déjà été traitées par pessaire. -Femmes présentant une contreindication à l'intervention chirurgicale. -Femmes ayant un rectocèle isolé sans prolapsus de tout autre compartiment. Traitement par pessaire 12 mois Traitement chirurgical Le critère d'évaluation primaire était la qualité de vie spécifique à la maladie à 12 mois de suivi (UDI). Les critères de jugement secondaires comprenaient les événements indésirables et les interventions supplémentaires 3.2. RISQUE DE BIAIS DES ETUDES INCLUSES Un biais est une erreur systématique qui est non aléatoire et qui induit une déviation orientée de la « vérité », des résultats et/ou des déductions. Il peut être présent à différents endroits d’une étude et est rarement unique. Il peut être volontaire ou involontaire, et affecte directement la qualité méthodologique des études. Le terme biais nomme la déviation et le processus qui l’engendre [40]. Pour évaluer un biais il est essentiel d’utiliser l’échelle de qualité méthodologique correspondant au schéma d’étude. L’échelle de qualité méthodologique permettant de coter la validité interne des ECR est PEDro. Définit précédemment (2.3.2), cette échelle comprend 11 items. Le premier concerne la validité externe, les items 2 à 9 se rapportent à la validité interne et les deux derniers portent sur les données statistiques nécessaires à l’interprétation. Les points sont attribués uniquement si le critère est clairement satisfait et rapporté [40]. Auteurs Cheung et al 2016 Panman et Al 2016 Cundiff GN 2017 Coolen 2018 1 2 3 4 • • • • • • • • • • • • • • • 5 6 7 8 9 10 11 • • • • • • • • • • Score 7/10 6/10 4/10 • 5/10 Tableau 8 Details par item du score PEDro des différentes études L’étude Cundiff GN et al est différente des autres car c’est un essai croisé randomisé multicentrique, ce qui signifie que chaque groupe est son propre témoin et que l’ordre des périodes de traitement est tiré au sort pour chaque sujet.[49] Le but était de comparer le soulagement des symptômes par rapport à deux types de pessaires (anneau et Gellhorn) qui sont les dispositifs les plus couramment utilisés aux Etats-Unis. Cette étude représente un biais dans les critères d’inclusion des études de cette revue, car elle ne répond pas directement à la problématique posée. Au-delà de la mise en parallèle des pessaires, les auteurs opposent également les résultats avant et après la mise en place des pessaires, c’est pourquoi elle a finalement été incluse. L’étude Coolen n’est pas vraiment un essai clinique randomisé. Le but de cette étude était de réaliser un ECR comparant le traitement par pessaire et la chirurgie du prolapsus comme traitements primaires du POP. Au cours de l'étude, de nombreuses femmes se sont avérées avoir une forte préférence pour l'une ou l'autre des options de traitement et n'ont pas consenti à la randomisation. De ce fait l'ECR a été prématurément arrêté, ce qui a abouti à un groupe de cohorte prospectif (la conception a été faite avant le début des mesures d’exposition et d’évènement), comprenant 6 femmes randomisées et 107 femmes traitées selon leur préférence. Cette étude peut être qualifié d’essai quasi-randomisé ce qui représente un biais, il faudra en tenir compte pour l’interprétation des résultats. Dans ce cas de figure il est intéressant d’utiliser aussi l’échelle de qualité méthodologique correspondant à l’étude de cohorte (Newcastle-Ottawa Scale NOS) La NOS comprend trois familles d’items (sélection, comparabilité, critère de jugement) qui sont côtés en fonction des réponses aux questions. Une étoile (un point) est donnée pour certaines réponses, plus le nombre final d’étoiles est élevé, plus la qualité méthodologique est bonne [40]. Auteur s Sélection Comparabilité Représentativité des sujets exposés Sélection des sujets non exposés Détermination de l’exposition ★ ★ ★ Coolen 2018 Issue non présente Comparaison des deux cohortes Critère de jugement Evaluation du critère de jugement ★★ Suivi suffisamment long Score Suivi ★ 6/9 Tableau 9 Details par item du score NOS Les biais retrouvés dans les différentes études ont été analysés selon les items de l’échelle PEDro. -Le biais d’allocation : Représente le respect ou non des procédures de répartitions aléatoire (item2) et de l’aveuglement des séquences de randomisation (item 3) afin de respecter ou non la comparabilité des groupes de départ (item 4). →L’étude Coolen [48] ne respecte pas entièrement l’item 2 car certaines participantes ont été randomisées, mais la majorité des femmes éligibles avaient une préférence pour l’un ou l’autre des traitements et n’ont donc pas participé à la randomisation, de ce fait les données ont été rapportées comme une étude de cohorte prospective. De ce fait l’item 3 n’a pas pu être respecté pour les patientes non randomisées. -Le biais de confusion : Représente l’absence de groupe comparateur. →L’étude Cundiff GN[47] est un essai croisé randomisé, il n’y pas donc pas la présence d’un groupe comparateur, les participants étant leur propre comparateur. -Le biais de performance : Représente le fait de mettre en aveugle thérapeutes, sujets et évaluateurs (items 5,6 et7). →Aucune des études n’a pas pu mettre en aveugle les différents intervenants en raison de la nature de l’intervention qui est la mise en place d’un pessaire. -Le biais de suivi : Représente le fait qu’au moins 85% des résultats ont été obtenus en se basant sur le nombre de participants de départ (item 8). Les études Panman et Al [46], Cundiff GN [47] et Coolen [48] représentent un taux de suivi inférieur aux 85% requis pour valider cet item ce qui représente un biais. -Le biais de mesure/résultat : Représente la comparaison statistique inter-groupe ainsi que l’estimation de l’effet et de sa variabilité (item 11). → Dans l’étude Cundiff GN [47] il n’y a pas d’estimation de l’effet et de sa variabilité ce qui représente un biais. 3. 3. EFFET DE L’INTERVENTION SUR LES CRITERES DE JUGEMENT 3.3.1 Critères de jugement principaux : Symptômes du PP Cette revue de littérature traite de l’intérêt de l’utilisation du pessaire dans la prise en charge symptomatique du POP chez la femme. La symptomatologie du PP est donc le critère de jugement principal. Les études sélectionnées n’utilisent pas toutes le même outil de mesure pour évaluer la symptomatologie. Les études Cheung et al [45], Panman et al [46] et Cundiff GN et al [47] utilisent le questionnaire PFDI qui est un auto-questionnaire rempli par les patientes. Il regroupe l’ensemble des symptômes urinaires, colo-Ano-rectaux et périnéo-vaginaux en rapport avec les troubles de la statique pelvienne [33]. L’étude Coolen [48] utilise l’UDI (urogenital Distress Inventory), c’est un auto-questionnaire qui évalue la détresse liée aux symptômes pelviens notamment les symptômes urinaires. C’est une échelle du questionnaire PFDI [50]. Dans cette partie les résultats seront détaillés indépendamment pour chaque étude. Ils seront comparés entre eux quand cela est possible dans la discussion. Les intervalles de confiance à 95% (IC95), les tailles d’effet inter-groupe et la valeur de p seront mentionnés si cela est possible pour chaque article. L’intervalle de confiance permet d’estimer une proportion inconnue p dans une population à partir de la proportion p observée dans un échantillon. Cette estimation varie d’un échantillon à l’autre du fait de la fluctuation d’échantillonnage. La « fluctuation d'échantillonnage » désigne la variabilité des résultats provenant de la prise d'échantillon. La valeur p désigne le caractère statistiquement significatif des résultats, lorsqu’il est inférieur à 0,05 cela signifie qu’il y a moins de 5% de chance que le résultat observé soit dû uniquement au hasard et 95% de chance qu’il soit dû à l’intervention. Si p est supérieur à 0,05 alors les résultats ne seront pas significatifs car il y aura trop de chance qu’ils soient liés au hasard. Les IC95 sont calculés grâce aux données extraites des études et du tableur Excel mit à notre disposition. • Etude numéro 1 : Cheung et al, 2016[45] Cette étude utilise les questionnaires PDFI et PFIQ et leurs sous échelles (POPDI, UDI, CRADI, POPIQ, UIQ, CRAIQ) pour évaluer les symptômes à 6 mois et à 12 mois après la pose du pessaire. Les données sont présentées sous forme de médiane (valeur qui sépare la moitié inférieure de la moitié supérieure d’un ensemble) et écart interquartile (c’est un indicateur de dispersion : plus il est petit plus les valeurs centrales de la série se concentrent autour de la médiane).[51] Il est donc impossible de définir L’IC95 et la taille de l’effet. Nous ne pouvons donc pas avoir une mesure représentative de cette étude sur la population générale. PFDIPFIQ POPDI UDI CRADI POPIQ UIQ CRAIQ Départ 73,8(39,2– 118,5) 51,6(36,0– 87,5) 44,5(17,9– 84,3) 25,8(0– 77,2) 16,7(063,9) 0(0-11,1) PESSAIRE 6mois 40,7(11,3– 100) 42,8(21,0– 81,3) 42,3(12,1– 86,9) 5,6(0– 42,4) 15,3(1,6– 48,6) 0 (0–5,6) 12mois 32,1(12,5– 78,6) 39,4(16,9– 74,7) 32,1(15,8– 75,5) 0,3(0– 22,2) 13,3(0– 40,3) 0(0-5,6) Départ 60,1(25– 101,2) 48,1(22,8– 80,6) 41,1(12,1– 82,9) 16,6(0– 51,6) 18,1(0– 53,0) (0–12,1) TEMOIN 6mois 54,8(22,6– 103,6) 41,0(19,8– 80,7) 40,6(15,5– 83,0) 8,3(0– 76,5) 11,1(0– 56,9) 0(0–8,5) 12mois 49,4(21,4– 95,2) 37,5(16,7– 67,5) 32,1(14,9– 68,0) 8,9(0– 64,9) 9,7(054,8) (0–5,6) P 6mois 0.02 P 12mois 0.04 0.87 0.57 0.92 0.80 0.22 0.02 0.33 0.71 0.90 0.77 Tableau 10 Récapitulatif des médianes-écarts interquartiles et p Les valeurs p se réfèrent à la comparaison des scores médians entre le groupe témoin et le groupe pessaire par le test U de Mann-Whitney. Les valeurs p étant inferieures à 0.05 pour le POPDI (sous échelle du PFDI) à 6 et 12 mois, les résultats sont statistiquement significatifs et ont peu de chances d’être liés au hasard. La valeur p du POPIQ (POP-Q) est significative pour le groupe pessaire à 12mois car p=0.02. En revanche toutes les autres valeurs présentées dans le tableau ci-dessus ne seront pas révélatrices car les p étant supérieur à 0.05 il y a des chances que cela soit lié au hasard. • Etude numéro 2 : Panman et al 2016 [46] Cette étude utilise le questionnaire PDFI (score de 0-300, pour rappel plus le score est faible, moins les symptômes sont gênants) pour évaluer les symptômes liés au POP comme critère de jugement principal à 3, 12 et 24 mois. PFDI-20 PFMT (Control) PESSAIRE(Intervention) Différence intergroupe [IC95] Ligne de départ (n=75 ;79) 3 mois (n=69 ;43) 12 mois (n=66 ;45) 24 mois (n=67 ;71) 65.0 ± 35.8 59.8 ± 33.7 55.8 ± 37.4 50.1 ± 30.6 5,7 [-7,76-19,16] 60.2 ± 40.9 50.6 ± 35.9 9,6 [-5,33-24,53] 62.6 ± 43.8 50.5 ± 34.7 12,1 [-1,16-25,36] Tableau 11 IC95 étude PANMAN et al du PFDI Dans cette étude la différence intergroupe 3 mois après le début du traitement est de 5,7 points pour le PFDI en faveur du groupe pessaire. Après 6 mois de traitement la différence est de 9,6 points toujours en faveur du groupe pessaire. Et à 12 mois la différence intergroupe est de 12,1 points en faveur du groupe pessaire. Pour cet outil de mesure les valeurs de p sont supérieures à 0.05, elles ne sont donc pas statistiquement significatives. Figure 3-2 Graphique représentant les scores du PFDI-20 du PFMT et du pessaire Ce graphique illustre les scores du questionnaire PDFI-20 à 0, 3, 12 et 24 mois pour le groupe comparateur (PFMT) et le groupe interventionnel (pessaire). Les scores étant moins élevés pour le groupe pessaire, on constate donc une amélioration des symptômes du PP qui s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’étude pour ce groupe. Dans Panman et al [46] les critères de jugement secondaires étaient les sous-échelles du PFDI 20 (CRADI-8, UDI-6) et le PFIQ-7, que nous considérons ici comme critère de jugement principal. QUESTIONNAIRES PFMT PESSAIRE CRADI (24mois) UDI (24mois) PFIQ-7 (24mois) 18.1 ± 16.0 26.6 ± 20.6 19.0 ± 28.5 13.6 ± 13.4 24.4 ± 16.0 16.0 ± 28.7 Différence intergroupe [IC95] 4,5 [-0,41 ; 9,41] 2,2 [-3,94 ; 8,34] 3 [-6,81 ; 12,81] Tableau 12 Dans ce tableau la différence intergroupe à 24 mois est de 4,5 points pour le CRADI, de 2,2 points pour l’UDI et de 3 points pour le PFIQ. Les analyses ont montré une différence significative dans le POPDI-6 entre les groupes en faveur du pessaire (p=0.047). Figure 3-3 Graphiques représentants les scores du CRADI-8/UDI-6 Ces graphiques représentent les scores sur 24 mois du CRADI-8 et de l’UDI-6. On constate que les scores du pessaire sont quasiment tout le temps inférieur à ceux du PFMT. Traitement par protocole Beaucoup mieux Mieux Identique Pire PESSAIRE 11% 31% 49% 9% PFMT 7% 26% 51% 16% Tableau 13 Modification autodéclaré des symptômes à 24 mois Le tableau ci-dessus résume le pourcentage de femmes ayant déclarés le changement des symptômes au cours de l’étude. On constate que la proportion des femmes ayant des symptômes améliorés est plus élevé dans le groupe pessaire que dans le groupe PFMT. Traitement par protocole Amélioration Identique Détérioration PESSAIRE 17% 71% 11% PFMT 15% 69% 15% Tableau 14 Modification du stade POP-Q à 24 mois Ce tableau représente le changement du stade des prolapsus évalué à l’aide du POP-Q chez les femmes ayant suivi le traitement par PFMT et celles ayant suivi le traitement par pessaire. On remarque une amélioration plus importante de 2% chez les participantes ayant eu le pessaire. En conclusion, les résultats de cette étude sur l’amélioration des symptômes du PP, montrent qu’il y a une différence entre les groupes dans l’évolution des scores du PFDI-20 en faveur du pessaire qui s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’étude. DARMON Julie DEMK 2022 33 • Etude numéro 3 : Cundiff GN et al, 2017[47] L’objectif de cet ECR était de comparer le soulagement des symptômes et l’impact sur la qualité de vie des femmes utilisant le pessaire anneau avec support et le pessaire Gellhorn. Le critère de jugement principal est le soulagement des symptômes évalué par PFDI-PFIQ. Le PFDI comprend 3 sous échelles (UDI, POPDI, CRADI), et le PFIQ comprend 3 sous échelles également (UIQ, POPIQ, CRAIQ). Les résultats sont synthétisés sous forme de diagramme en bâton. Figure 3-4 Graphique illustrant les modifications du POPDI et POPIQ en fonction du pessaire Les scores du POPDI montrent des changements statistiquement significatifs pour les deux pessaires (p<0.05). En revanche les résultats du POPIQ ne sont statistiquement significatifs que pour le pessaire anneau avec p<0.05 Figure 3-5 Graphique illustrant les modifications de l'UDI et l'UIQ en fonction du pessaire Les résultats de ces échelles ont également montré des résultats statistiquement significatifs p<0.05 sans différence entre les deux pessaires. Figure 3-6 Graphique illustrant les modifications de CRADI et du CRAQI en fonction du pessaire Tous les scores se sont révélés statistiquement significatifs sans différence entre les deux pessaires. • Etude numéro 4 : Coolen, 2018 [48] L’objet de cette étude était de comparer les résultats fonctionnels après traitement par pessaire et après traitement par chirurgie comme soins de première intention dans la prise en charge du POP. Cette étude est différente des autres puisqu’il s’agit d’un essai quasi-randomisé et non d’un ECR. En effet toutes les participantes n’ont pas consenti à la randomisation, car nombreuses d’entre elles se sont avérées avoir une préférence de traitement. Une analyse intégrée a été réalisée pour les patientes randomisées et non randomisées (n=74 pessaire et n=39 chirurgies). Le critère de jugement principal était la qualité de vie des femmes à 12mois post intervention évaluée avec l’UDI. Les scores varient de 0 à 100, un score élevé signale des symptômes plus gênants et une moins bonne qualité de vie. L’UDI comprend cinq domaines : inconfort/douleur, incontinence urinaire, vessie hyperactive, prolapsus génital et miction obstructive UDI Douleur/Inconfort Prolapsus Pessaire Chirurgie Départ(n=70) 12mois(n=60) Départ(n=33) 12mois(n=26) 16.4(0-63) 0(0-33) 33.1(0-70) 0(0-33) Départ 0.01 12mois 0.74 33.3(0-98) 0.64 0.01 0(0-33) 33.3(0-86) 0(0-0) p Tableau 15 Représentant les scores liés à la qualité de vie Le tableau ci-dessus représente les scores de départ et les scores à 12 mois de critères de l’UDI. Les données présentées sont des scores médians (10e-90e centile). Seules les données significatives ont été extraites pour simplifier la description. Les scores étant des médianes il est impossible de calculer un IC95 et donc d’avoir une mesure représentative de l’échantillon sur la population générale. En revanche on constate que p<0.05 pour le prolapsus à l’issu des 12 mois. Les scores médians du domaine du prolapsus étaient de 0 (10e au 90e centile 0-33) dans le groupe pessaire et de 0 (10e au 90e ile 0-0) dans le groupe chirurgie (p<0.01) ce qui signifie que dans le groupe pessaire, 10 % des patientes avaient un score de 33 ou plus comparativement à l'ensemble des patientes du groupe chirurgie avec un score de 0 dans ce domaine. 3.3.2 Critères de jugement secondaires • É vénements indésirables et les intervention s supplémentaires : Les évènements indésirables peuvent être représentés par les complications, les symptômes urinaires, les infections vaginales ainsi que la conservation du pessaire. Dans l’étude 1 Cheung et al [45] une seule femme a eu une infection vaginale, dont la culture sur écouvillon vaginal a confirmé qu'elle était bactérienne. Dans cette étude 56/132 femmes n’ont pas pu conserver le pessaire, 9/132 ont eu des saignements vaginaux anormaux et 6/132 ont eu des écoulements vaginaux importants. Dans l’étude Panman et al [46], sur les 35 femmes qui ont gardé le pessaire durant les 24 mois 21 ont eu un ou plusieurs effets secondaires (5 ont eu une augmentation des incontinences, 14 ont eu une augmentation des pertes vaginales et 10 ont eu une érosion du vagin à l’examen clinique). L’étude Coolen [48], décrit que 36/74 des femmes ont eu des effets secondaires dans le groupe pessaire. Les plus courants étaient un écoulement (20%) et des douleurs vaginales (14%). Dans cette étude des interventions supplémentaires ont été réalisés sur 23/74 des femmes du groupe pessaire, 22 participantes ont subi une chirurgie et une patiente de la physiothérapie (les soins réalisés n’ont pas été précisés). En résumé ces études indiquent que le port du pessaire peut entraîner des complications mineures pour un certain nombre de femme. • Impact sur la sexualité : L’appréciation de la sexualité féminine nécessite le recours à des questionnaires de qualité de vie répondant à des critères scientifiques précis. Ils doivent être valides, fiables et standardisés et reproductibles.[52] Le PISQ-12 est un questionnaire auto-administré, regroupant 12 questions couvrant les domaines suivants : comportements/émotions, aspects liés au partenaire et aspects physiques/corporels.[53] Ce questionnaire est le premier outil de mesure de la sexualité, homologué linguistiquement en français et précisément développé pour l’évaluation des femmes présentant un prolapsus génital. L’étude Panman et al[46] nous renseigne sur la sexualité à l’aide de cet outil. Les résultats fournissent une taille d’effet à 1 et un IC95 [-1,60-3,60]. Les résultats ne sont pas représentatifs car l’intervalle de confiance comprend la valeur 0. L’étude Coolen [48], nous renseigne sur le comportement sexuel des participantes, mais l’outil de mesure utilisé n’est pas précisé. L’interprétation des résultats n’est donc pas possible, ce qui représente un biais. Les symptômes sexuels n'ont pas été rapportés dans l’étude Cheung et al [45], et les questionnaires concernant la sexualité n’ont pas été publiés dans l’étude Cundiff GN et al [47]. • Rentabilité cout-efficacité : Seule l’étude Panman et al a intégré ce critère, en effet sur 2 ans les frais médicaux s’élevaient à 309$ par personne dans le groupe pessaire et à 437$ par personne dans le groupe PFMT. La différence moyenne était donc de 128$ (IC95 [27-236]) en faveur du pessaire. DISCUSSION 4.1. ANALYSE DES PRINCIPAUX RESULTATS ET DES POPULATIONS de revue de littérature rassemble 4 articles issus de la littérature scientifique dans le but de montrer l’intérêt de l’utilisation du pessaire dans la prise en charge symptomatique du prolapsus pelvien chez la femme. Toutes les études présentées précédemment ont comparé l’utilisation du pessaire à un autre traitement (PFMT, chirurgie, comparaison de deux types de pessaires). Le critère de jugement principal était les symptômes du plancher pelvien mesuré avec différents outils en fonction des articles (PFDI ; PFIQ ; UDI). La réalisation d’un graphique en forêt (Forest plot) est donc impossible. L’analyse des résultats, nous renseigne sur le fait que les différences observées après l’intervention du pessaire ont de fortes chances d’être dues soit à l’intervention soit au hasard, grâce au p qui doit être <0,05 pour que l’on puisse évoquer des « résultat statistiquement significatif ». L’intervalle de confiance (IC) est un indicateur qui permet de chiffrer la zone d’incertitude avec laquelle un résultat peut être extrapolé à une population. Dans cette revue seul un article comprenait les données permettant de calculer des IC95 (Panman et al), tous les autres auteurs présentaient leurs résultats sous forme de médiane ou de graphique ce qui représente un biais important pour l’interprétation des résultats. 4.1.1 Résultats et critères de jugements Le rapport des études va être réalisé de manière comparative selon l’outil de mesure utilisé pour évaluer la symptomatologie du plancher pelvien. Les études seront présentées selon les outils de mesure utilisés. • Modification des symptômes conformément au PFDI-20 : Pour rappel le PDFI-20 comporte 20 questions couvrant 3 échelles (UDI-6 ; POPDI-6 ; CRADI-8). Chaque échelle dispose d’un score variant de 0 à 100, le score global est donc sur 300 points.[31] Cet outil de mesure est utilisé pour tous les articles inclus mais les scores ne sont pas renseignés de la même manière en fonction des études. →UDI : L’étude Cheung et al présente des résultats sous forme de scores médians et écarts interquartiles. A 6 mois nous retrouvons 42,8 (21,0–81,3) pour le groupe pessaire et 41,0 (19,8– 80,7) pour le groupe contrôle. A 12 mois les scores médians sont de 39,4 (16,9–74,7) pour le groupe pessaire et de 37,5 (16,7–67,5) pour le groupe contrôle. La valeur de p n’est pas significative car elle est supérieure à 0.05. Les résultats obtenus ne sont donc pas statistiquement significatifs. Concernant l’étude PANMAN et al les scores moyens de l’UDI à 12 mois étaient de 25,0 pour le groupe PFMT et de 22,3 pour le groupe pessaire. A 24 mois les scores moyens étaient de 26,6 pour le groupe PFMT et de 24,4 pour le groupe pessaire. La taille d’effet est donc de 2,2 points et l'IC 95 [-3,94 ; 8,34]. On constate que l’intervalle de confiance comprend la valeur 0, ce qui signifie que la taille d’effet peut être aussi bien bénéfique que délétère. On ne peut donc pas conclure d’une amélioration significative du score. De plus, La valeur de p est supérieure à 0.05, les résultats ne sont donc pas statistiquement significatifs. Les auteurs de l’étude Cundiff GN et al présentent les résultats sous forme de diagramme en bâton. Initialement les scores de l’UDI étaient compris entre 58 et 60 points que ce soit pour le groupe pessaire anneau ou pour le groupe pessaire Gellhorn. En fin de traitement les scores étaient similaires pour les deux pessaires, environ 20 points. La valeur de p étant <0.05 nous constatons donc une amélioration statistiquement significative, et cliniquement significative. Pour finir, les auteurs de l’étude Coolen détaillent les cinq domaines de l’UDI (inconfort, incontinence urinaire, vessie hyperactive, prolapsus et miction obstructive). Dans les domaines présentés aucun ne présente de résultats statistiquement significatifs sauf celui du prolapsus avec p<0.01. En résumé, les études montrent en majorité une amélioration des scores de l’UDI, mais pour deux d'entre elles les résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Cette hétérogénéité ne permet pas de conclure sur une réelle diminution des symptômes urinaires. →POPDI : Pour l’'étude Cheung et al les scores médians et les écarts interquartiles à 6 mois étaient de 40,7 (11,3–100) pour le groupe pessaire et de 54,8 (22,6–103,6), la valeur de p à cette période est statistiquement significative car p=0.02. A 12 mois les scores étaient de 32,1 (12,5–78,6) pour le groupe pessaire et de 49,4 (21,4–95,2) pour le groupe PFMT. Nous constatons donc une diminution des scores dans les deux groupes, mais la différence est plus importante dans le groupe pessaire. La valeur de p étant <0.05 à 12 mois, les résultats sont statistiquement significatifs en faveur du pessaire. Concernant l’étude PANMAN et al les données sont présentées sous forme de score moyen et écart type ce qui nous a permis de calculer les IC95. Pour cette échelle, la taille d’effet entre les groupes est de 4,2 points avec un IC95 allant de 0,64 à 9,04. La valeur de p étant <0.05 (0.04), les résultats sont statistiquement significatifs. Le score POPDI-6 a diminué de près de 26% entre le départ et 24 mois dans le groupe recevant un traitement par pessaire, alors que le score a légèrement augmenté pour les femmes du groupe PFMT. Ce qui suggère d après les auteurs que les femmes présentant des symptômes typiques de prolapsus bénéficient davantage du traitement par pessaire que de la PFMT. A propos de l’étude Cundiff GN et al les scores initiaux étaient de 70 points sur 100, en fin de traitement ils sont passés à 22 points que ce soit pour le pessaire Gellhorn ou le pessaire anneau. Nous remarquons donc une diminution importante des scores pour les deux pessaires. La valeur de p est inférieure à 0.05, les résultats sont donc statistiquement significatifs. En résumé les études montrent toutes une diminution des scores du POPDI avec des résultats statistiquement significatifs en faveur du pessaire. Les résultats nous amènent à penser que le pessaire pourrait réduire considérablement les symptômes directement en rapport avec le prolapsus. →CRADI : Pour l’'étude Cheung et al les scores médians et les écarts interquartiles à 6 mois étaient 42,3 (12,1–86,9) pour le groupe pessaire et de 40,6 (15,5–83,0) pour le groupe contrôle. On constate que les scores médians sont plus faibles pour le groupe contrôle ce qui leur est favorable. A 12 mois les scores étaient de 32,1 (15,8–75,5) pour le groupe pessaire et de 32,1 (14,9–68,0) pour le groupe contrôle. La similitude entre les deux groupes ne nous permet pas de tirer de conclusion, d’autant plus que la valeur de p est supérieure à 0.05, les résultats ne sont donc pas statistiquement significatifs. Concernant l’étude PANMAN et al les scores moyens et écart-type à 24 mois étaient de 18.1 ± 16.0 pour le groupe PFMT et de 13.6 ± 13.4 pour le groupe pessaire. Ces données nous ont permis de calculer la taille d’effet qui est de 4,5 et l’IC 95 [-0,41 ; 9,41]. Étant donné que l’intervalle de confiance comprend la valeur 0, nous ne pouvons pas exclure le fait que la vraie valeur soit cet effet nul, de plus les valeurs de p sont supérieures à 0.05, les résultats sont alors non significatifs. Pour l’étude Cundiff GN et al, les scores initiaux étaient de 54 points sur 100, en fin de traitement ils sont passés à 21 points pour les deux pessaires, sans différence entre eux. Nous constatons donc une amélioration des symptômes. Les valeurs de p étant inférieures à 0.05 les résultats sont statistiquement significatifs. En somme, deux études sur trois nous dévoilent des résultats qui ne sont statistiquement pas significatifs, malgré une diminution des scores pour certaines études. L’hétérogénéité des résultats ne permet pas de conclure sur l’amélioration des symptômes anaux évalués par le CRADI. Pour conclure sur cet outil de mesure (PFDI-20), nous constatons que peu de résultats sont statistiquement significatifs. Cependant malgré l’hétérogénéité des études nous remarquons une diminution statistiquement significative des scores du POPDI pour les articles Cheung et al, Panman et al et Cundiff GN et al, ce qui suggère selon les auteurs que le pessaire confère une réelle amélioration des symptômes du plancher pelvien directement en lien avec le prolapsus. Conformément au PFIQ-7 : Pour rappel le PFIQ-7 est composé de 7 questions couvrant trois échelles (UIQ, POPQI, CRAQI). Cha échelle dispose d’un score variant de 0 à 100, le score global est donc sur 300 points. Le principe est le même que pour le PFDI-20, plus le score est élevé, plus les symptômes sont importants. Seule l’étude Coolen [47] n’utilise pas cet outil, elle ne sera donc pas analysée dans cette partie. →UIQ : Pour l’étude Cheung et al les scores médians et les écarts interquartiles à 6 mois étaient de 15,3 (1,6–48,6) pour le groupe pessaire et de 11,1 (0–56,9) pour le groupe contrôle. La médiane est plus faible pour le groupe contrôle. A 12 mois les scores médians et les écarts interquartiles étaient de 13,3 (0–40,3) pour le groupe pessaire et de 9,7 (0–54,8) pour le groupe contrôle. Les résultats sont donc en faveur du groupe contrôle. La valeur de p étant supérieur à 0.05, les résultats ne sont donc pas statistiquement significatifs. Concernant l’étude Cundiff GN et al les scores avant l’intervention étaient de 92/100 points, en fin de traitement ils sont de 32/100 points pour le pessaire anneau, et de 36/100 points pour le pessaire Gellhorn. Nous constatons donc une diminution entre les scores initiaux et les scores d’arrivée en faveur des deux pessaires utilisés. La valeur de p étant <0.05 les résultats sont statistiquement significatifs. En résumé, malgré une diminution des scores de l’UIQ pour l’étude Cundiff GN et al, l’étude Cheung et al présentent des résultats qui ne sont pas statistiquement significatifs pour cet outil de mesure, nous ne pouvons donc pas conclure sur l’amélioration des symptômes urinaires évalués par ce questionnaire. →POPIQ : Pour l’étude Cheung et al les scores médians et les écarts interquartiles à 6 mois étaient de 5,6 (0–42,4) pour le groupe pessaire et de 8,3 (0–76,5) pour le groupe contrôle. A 12 mois les scores étaient de 0,3 (0–22,2) pour le groupe pessaire et de 8,9 (0–64,9) pour le groupe contrôle. Nous constatons une nette diminution des médianes pour le groupe pessaire. De plus p=0.02, les résultats sont donc statistiquement significatifs. Concernant l’étude Cundiff GN et al les scores pré-interventionnel étaient de 58/100. En fin de traitement les scores étaient de 24/100 pour le pessaire anneau avec p<0.05, et de 18/100 avec p>0.05. Malgré une diminution importante pour les deux pessaires, les résultats ne sont significatifs que pour le pessaire anneau. Pour finir, l’étude Panman et al ne détaille pas les résultats pour chaque échelle du PFIQ, un score global est donné pour cet outil. Elle ne présente aucun résultat statistiquement significatif pour le PFIQ-7 étant donné que les valeurs de p sont supérieures à 0.05. La taille d’effet est de DARMON Julie DEMK 2022 41 3 et l’IC 95 [-6,81 ; 12,81]. L’intervalle de confiance comprend la valeur 0 nous ne pouvons donc pas exclure que l’effet soit nul. Pour conclure sur cet outil d’évaluation des symptômes, seul le POPIQ présente des résultats statistiquement significatifs pour deux des quatre études. Nous ne pouvons donc pas affirmer que le pessaire influe sur la diminution des symptômes évalués par le PFIQ. 4.1.2 Analyse des populations Dans les 4 études incluses, la population étudiée est exclusivement féminine. Les populations qui sont représentées par les différentes études divergent sur certains points. En effet toutes les femmes incluses présentent des sympt s de prolapsus d’organe pelvien évalués à l’aide du POP-Q, mais la quantification n’est pas toujours la même. Les études Cundiff GN et al, Coolen et Panman et al n’ont inclus que les femmes présentant des POP de stade II à III. Dans l’étude Cheung et al les femmes présentant un stade de POP de I à III étaient inclue. Ainsi, il sera difficile d’émettre des conjonctures sur un stade précis, ce qui représente un biais dans cette revue. De plus, les pessaires utilisés peuvent varier au sein d’une même étude et entre les études : →Concernant l’étude Cheung et al toutes les femmes ont reçu le même modèle de pessaire (anneau vaginal) seul la taille été adaptée en fonction de la morphologie afin d’apporter un confort optimal. → Toutes les participantes de l’étude Panman et al ont été équipées d’un pessaire à anneau ouvert en premier choix, suivi d'un pessaire à anneau avec support. Si un pessaire annulaire ne pouvait pas être installé, un pessaire Shaatz ou Gellhorn était essayé. Tous les pessaires étaient en silicone. Le fait que toutes les femmes n’aient pas été équipés du même pessaire a permis d’augmenter le nombre de participantes à l’étude. → Deux types de pessaires ont été utilisés pendant l’étude Coolen, soit une tablette (Falk) soit un pessaire annulaire (avec ou sans support central) qui était placé de manière préférentielle. On peut également mettre en évidence le fait que les critères d’inclusion et d’exclusion varient en fonction des études, ce qui peut engendrer des variances dans les résultats et donc des biais. On retrouve un âge moyen de 63,3 ans dans cette revue (62,6 ; 65,2 ; 61 ; 64) ce qui est représentatif de la population générale car l’âge est associé significativement à augmentation de la prévalence des prolapsus [3]. Les modifications structurelles de stade I qui représentent 50 % des prolapsus avant 20 ans ne représentent plus que 26 % des lésions après 70 ans tandis que les lésions de stades III passent de 0 % avant 20 ans à 21 % après 70 ans. Ce qui signifie une détérioration progressive des POP avec le vieillissement.[3] La population de l’étude Coolen, se différencie des autres car c’est un essai quasi-randomisé (étude de cohorte prospective). En effet dans les 113 participantes traitées, 107 ont été affectées selon leur préférences et 6 ont été randomisées. De ce fait les deux groupes n’étaient pas comparables en termes d’effectif : 74 femmes traitées avec un pessaire et 39 traitées chirurgicalement, ce qui représente un biais de sélection. De plus le groupe pessaire était significativement plus âgé que le groupe chirurgie. Les femmes du groupe pessaire avaient des stades POP-Q plus élevés des compartiments antérieur (p < 0,001) et postérieur (p = 0,02) que le groupe chirurgie, ce qui représente également un biais. Dans cette étude, nous avons constaté que l’éclectisme de traitement limite le désir des patientes à accepter la randomisation. Cependant cette réserve à être réparties aléatoirement est un résultat en soi car cela reflète les différences entre les deux interventions. 4.1.3 Synthèse des quatre études Ainsi, chaque étude révèle au moins une amélioration significative des symptômes du plancher pelvien à un moment donné du traitement, pour un outil d’évaluation donné. Le pessaire, parait être efficace dans la diminution des symptômes chez les femmes atteintes d’un prolapsus pelvien, mais les résultats étant exprimés de manière hétérogène il nous est impossible de réaliser des comparaisons, ce qui représente un biais. Il est essentiel de noter que ces outils prennent en compte la perception qu’ont les femmes de leurs symptômes, et que par conséquent ces résultats dépendent en grande partie de la subjectivité de chacune des participantes. Tous les résultats décrits précédemment sont à mettre balance avec la qualité méthodologique des études. En effet si on regarde le niveau de preuve par rapport au score PEDRO de chaque étude soit, 7/10 pour Cheung et al, 6/10 pour Panman et al, 4/10 pour Cundiff GN et al (ce qui représente un score faible, et donc un biais) et 5/10 pour Coolen. On constate que deux que quatre études ont un score moyen voir moindre ce qui signifie que la validité interne est biaisée. Dans aucune étude les sujets, les évaluateurs, et les examinateurs n’ont été aveuglés du fait de la nature de l’intervention, ce qui représente un biais de performance. Les études Panman et al, Coolen et Cheung et al mentionnent que la mise en place et l’ajustement du pessaire ont été réalisé par un gynécologue spécialisé. En revanche l’étude Cundiff GN et al ne renseigne pas sur le thérapeute qui a inséré le pessaire. Aucune étude n’indique avoir apportée des indications aux femmes sur la mise en place, l’utilisation et l’entretien du pessaire. Il serait intéressant de se demander si une éducation bien menée auprès des femmes, mais aussi des thérapeutes sur la mise en place de ce dispositif permettrait de réduire les complications et les évènements indésirables. Les auteurs n'ont signalé aucun conflit d'intérêts potentiel, les procédures étaient conformes aux normes éthiques de la recherche et à la déclaration d'Helsinki. Toutes les participantes ont donné leur consentement par écrit. 4.2. APPLICABILITE DES RESULTATS EN PRATIQUE CLINIQUE Cette partie a pour but de mettre en parallèle les effets observés du traitement, avec les couts qu’il engendre, les éventuels effets indésirables et la place de la Masso-kinésithérapie en pelvipérinéologie. Il est essentiel de se demander si les soins apportés par les pessaires sont applicables en pratique clinique et s’ils ne sont pas trop contraignants par rapport aux bénéfices qu’ils procurent. 4.2.1 Mode de recrutement Premièrement en terme de recrutement des patientes, pour l’étude Cheung et al les femmes ont été recrutées dans une unité d'uro-gynécologie tertiaire dont le temps d’attente pour la chirurgie était d’environ 12 mois, les femmes ont donc pu participer à l’essai en attendant d’être éligible à la chirurgie. Pour l’étude Panman et al, les participantes ont été recrutés dans des cabinets de soins primaires (20), dont l’âge minimum requis était de 55 ans. Concernant l’étude Cundiff GN et al les femmes recrutées présentaient des symptômes du plancher pelvien et exprimaient un désir pour un traitement non chirurgical dans les six sites participants à l’essai. Et enfin pour l’étude Coolen, les femmes ont été recrutées dans un hôpital universitaire. Aujourd’hui la majorité des femmes qui suivent une rééducation pelvi-périnéale dans le cadre d’un POP non opéré le font suite à une consultation gynécologique. Ainsi les modes de recrutement de chaque étude ne répondent pas forcément à la réalité clinique.
27,955
2018AIXM0181_10
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,018
Les mutations du vignoble provençal au XXème siècle
None
French
Spoken
7,874
12,193
617 153 conserve l’examen des demandes de classement en vins réglementés, ce qui lui permet d’écarter certaines démarches. Les décisions positives sont ensuite transmises à l’administration. Cependant le CNAO, faute d’un personnel suffisant, laisse le contrôle des vins aux syndicats de défense concernés. Seules vingt trois des cinquante quatre demandes présentées lors de la réunion du 4 septembre 1942 sont adoptées, le comité directeur refusant les appellations dont le dossier apparaît incomplet et celles émanant de propriétés particulières619. Les appellations « Côtes de Provence », « Clairette de Bellegarde » ou « Costières supérieures » du « Haut-Roussillon » sont validées. La dégustation des vins a souvent été décisive620. Le dossier des « Côtes de Provence », est composé de la longue étude réalisée par le baron de Rasque de Laval sous le titre de Vins des Côtes de Provence (historique, données géologiques, aire de production, encépagement)621. Elle est remise à Georges Chappaz, vice-président du CNAO, à l’automne 1942622. D’autres demandes de classement, sont étudiées par le CNAO avant la fin 1942. Elles proviennent de vignobles de taille variée situés dans des régions diverses : Auvergne, SudOuest hors Bordelais, Savoie, Languedoc...623. Certaines dénominations aux usages anciens avaient déjà acquis une notoriété, tandis que d’autres ont été créées de toutes pièces par des viticulteurs souhaitant obtenir une taxation supérieure aux vins courants. L’arrêté du 27 octobre 1942 fixe les prix et les conditions de production des « vins de qualité » de certains départements624, notamment ceux de la région de Montpellier. Les appellations de la région de Marseille ne sont évoquées qu’à partir de l’arrêté du 10 mars 1943. Le « Vin blanc de Pierrevert » pour les Basses-Alpes625 et les « Côtes de Provence » pour les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Var626 naissent officiellement, aux côtés de la « Clairette de Bellegarde » et des « Costières du Gard » dans le Gard, des « Côtes du Ventoux et Monts du Ventoux » et des « Coteaux du Luberon » dans le Vaucluse. 619 Les demandes du Château de Chânels et du Château de Mille sont ainsi repoussées par le CNAO qui tient au droit à caractère collectif de l’appellation d’origine. 620 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CD du 4 septembre 1942. 621 Le document Vins des Côtes de Provence conservé dans les Archives de l’ODG Côtes de Provence est non daté mais de nombreux indices laissent penser qu’il a été rédigé au cours de l’année 1941. L’assemblée générale extraordinaire du syndicat du 19 avril 1941 y fait référence. Arch. ODG Côtes de Provence : AGE du 19 avril 1941. 622 Idem : AG du 31 octobre 1942. 623 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CD du 4 septembre 1942. 624 INAO, Bulletin n°17, juillet 1943, p. 101. 625 Ibidem, p. 113. 626 Si l’aire de production « reste à déterminer par arrêté du préfet régional de Marseille », les bases de l’appellation sont jetées (degré, encépagement). Ibid., p. 114. 154 Cependant, les préfets de région n’ont pas attendu la publication de ces arrêtés pour reconnaître des appellations simples. Le CNAO, méfiant devant leurs compétences en matière viticole, s’en inquiète et demande qu’un arrêté ministériel statue sur la définition des appellations simples pour éviter la confusion avec les appellations contrôlées et les fraudes627. Il participe au Groupe spécialisé de la Viticulture chargé de préparer ce projet qui aboutira dans un premier temps à l’arrêté de mars 1943, sans que ce soit une décision définitive. La nouvelle législation reste donc imparfaite pour le CNAO, avant tout pour des questions de contrôle de la production. La prolifération d’appellations simples ajoute une cinquantaine de vignobles à la centaine d’appellations contrôlées existante, ce qui complique le travail des Services de la Répression des Fraudes et des contributions indirectes qui pour le CNAO « ont déjà trop à faire »628. Par la suite, la définition de vastes aires de production conduit au même problème629. Seuls de petits vignobles semblent trouver grâce auprès du CNAO630. Le comité directeur parle même d’une « loi gâchée » si elle est appliquée dès 1943631. Il est cependant difficile d’attendre la fin de la guerre pour la mettre en place, comme certains de ses membres le préconisent. Plusieurs d’entre eux reconnaissent que ne pas apporter de protection à des vins ayant un certain mérite les condamnerait faute de rentabilité632. Le CNAO souhaite garder un rôle consultatif dans l’attribution des appellations simples633. Dans les faits, à l’été 1943, la mise en place des appellations simples est déjà bien avancée. Le CNAO se désolidarise des décisions des préfets de région, mais cela n’empêche pas la confirmation de ces appellations par l’arrêté ministériel du 21 septembre 1943. Celui-ci défini pour la période de la guerre les critères d’attribution des vins de qualité. 627 « Le président objecte que si on ne réglemente pas ces appellations, elles ne sont plus surveillées et on continuera à vendre sous leur nom beaucoup plus de vin qu’il n’en est produit ». 628 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CD du 24 mars 1943. 629 Idem : INAO, CD du 16 juillet 1943. 630 L’un de ses membres, Garnier, « fait remarquer que pour certains vins dont l’aire de production est très limitée on pourrait sans danger de fraude fiscale proposer un prix largement supérieure à celui des vins courants ». Id. 631 Id. : INAO, CD du 16 juillet 1943. 632 Id. : INAO, CD du 16 juillet 1943. 633 Id. : INAO, CN du 17 juillet 1943. 155 3. Les vins de qualité ne bénéficiant pas d’une appellation contrôlée, une définition annuelle L’arrêté du 21 septembre 1943 est pris dans le cadre de la taxation des vins pour la campagne 1943-1944. Il fait évoluer la nomenclature de vins réglementés vers celle de vins de qualité ne bénéficiant pas d’une appellation contrôlée. Les dispositions concernant leurs prix sont inscrites dans le titre premier et la liste des vins en bénéficiant intégrée au texte (soixantetreize appellations réparties dans une quarantaine de départements). Ces vins doivent être produits selon les trois conditions déterminées dans l’arrêté (aire de production, encépagement, degré minimum). L’article 12 de la loi laisse le soin de la délivrance des labels au « syndicat de défense de la dénomination considérée ou, à défaut, par le syndicat local de la corporation paysanne »634. Dans la région de Marseille (appellations simples des Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône, Gard, Var et Vaucluse), les vins de qualité bénéficient d’une taxation située entre 600 et 1 000 F par hectolitre, bonifiée en cas de degré supérieur au degré minimum autorisé. Si ces prix restent inférieurs à ceux des appellations contrôlées, ils apportent des revenus supplémentaires aux producteurs qui ne sont plus obligés de se soumettre à la taxation des vins courants (50 F le degré-hectolitre). Mais la suppression du rendement maximum, qui figure dans les premiers textes définissant les « Côtes de Provence », entre en contradiction avec les ambitions qualitatives de leurs producteurs. Plusieurs syndicats de défense demanderont par la suite sa réintroduction. Les écueils apparus à l’issue de la première campagne rendront nécessaire la redéfinition de la législation des vins de qualité. Leur statut est d’ailleurs temporaire. Un nouvel arrêté est pris pour chaque campagne (conditions de production, prix). 634 INAO, Bulletin n°18, mai 1944, p. 66. 156 II/ Vers de nouvelles appellations en Provence AL’appellation contrôlée, premier objectif des producteurs provençaux 1. L’appellation contrôlée « Cassis » pendant la guerre, une croissance limitée L’appellation contrôlée « Cassis » est la seule existant en Provence au début de la Seconde Guerre mondiale. Sa production, dominée par les vins blancs, avait progressé jusqu’à 2 000 hl avant 1939, mais ce volume était limité, car seule une dizaine de vignerons la revendiquait. La majeure partie provenait du Mas Calendal d’Émile Bodin et de la Ferme Blanche de Pierre Imbert, deux acteurs qui avaient participé à la construction de l’appellation. Le statut spécial accordé aux appellations contrôlées au début du conflit (aucune limite de prix, liberté de vente) amène de nombreux viticulteurs à s’intéresser à la production du « Cassis ». Le nombre de déclarants quadruple. Une quarantaine de récoltants la revendique en 1945 parmi les soixante de la commune635. L’absence d’une délimitation parcellaire permet de revendiquer l’appellation dans l’ensemble du vignoble communal si les conditions de production sont satisfaites, ce qui permet sa progression. Ces nouveaux apports ne concernent généralement que des volumes très limités. Mais ils contribuent à l’augmentation de la production jusqu’à 2 651 hl en 1943. Celle-ci régresse par la suite (2 015 hl en 1944 puis 2 218 hl en 1945)636. Émile Bodin et la famille Imbert apportent toujours la majorité des volumes. Leur part dans production progresse même d’un quart en 1941 à deux tiers en 1945. Années 1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945 Vins rouges ou rosés Volumes Part nc nc nc nc nc nc nc nc 1 186 45 % 884 44 % 1 140 51 % Vins blancs Volumes Part nc nc nc nc nc nc nc nc 1 465 55 % 1 131 56 % 1 078 49 % Total 2 683 1 889 2 402 2 548 2 651 2 015 2 218 Tableau 9. La production de l’appellation contrôlée « Cassis » 1939-1945 (hl)637 635 Moustier Frédéric, 2008, op. cit., p. 89. AD BdR, Marseille : 139 E3 F 3. 637 Galet Pierre, 1958, op. cit., p. 932. 636 157 Ce recul est-il lié aux nouvelles conditions imposées? Plusieurs mesures étaient déjà entrées en vigueur les années précédentes sans incidence sur la production. L’interdiction d’utiliser l’aramon à partir de 1942 n’a que peu de conséquence puisqu’il ne représentait que 10 % de l’encépagement638. L’harmonisation des décrets de contrôle requise par le CNAO en 1942 (rendement maximum, degré minimum)639 entraîne l’alignement du degré minimum des vins rouges et rosés (10°5) sur celui des vins blancs (11°)640. Cette décision aurait pu affecter la récolte, mais cela n’a pas été le cas en 1943. Après avoir constaté les défauts des vins de clairette de l’appellation dégustés lors de sa réunion à Saint-Raphaël en 1943, le CNAO interdit l’utilisation des pressoirs continus. Cette mesure n’entrera en vigueur qu’à la fin de la guerre641. Les conditions de production nouvelles ne semblent donc par avoir d’impact majeur sur la production. La donne économique a changé, mais il est là aussi difficile d’en évaluer l’incidence. L’appellation est soumise au régime des taxations en 1943642, mais le prix demeure très rémunérateur. L’importance des stocks restants en fin de campagne est le signe probable de difficultés d’écoulement, même si une partie d’entre eux est vraisemblablement destinée au vieillissement. Les 2 417 hl de stocks recensés pour la campagne 1943-1944643 équivalent presque aux volumes déclarés en 1943 (2 651 hl). Il est difficile de tirer une conclusion de cette donnée isolée, mais elle témoigne peut-être du découragement d’une partie des petits producteurs. L’absence de la répartition de la production par couleur avant 1943 empêche d’approfondir l’analyse, notamment des effets de l’harmonisation du degré minimum sur la production de vins rouges ou rosés. La domination des vins blancs, caractéristique de la production de l’appellation avant la guerre, s’est réduite. S’ils demeurent supérieurs aux vins rouges ou rosés en 1943 (1 456 hl contre 1 186 hl) et 1944 (1 131 hl contre 884 hl), les volumes La répartition de l’encépagement fournit par Imbert et Françot pour l’année 1939 citée dans l’ouvrage de Pierre Galet (Ibidem, p. 933) n’indique que des cépages principaux autorisés en appellation (cépages blancs : ugni blanc 45 %, clairette 25 %, marsanne 10%, sauvignon 10 %, pascal blanc 10% ; cépages noirs : cinsaut 40 %, grenache 25 %, carignan 20 %, mourvèdre 15 % barbaroux). Cet encépagement est vraisemblablement celui du vignoble d’appellation, même s’il manque l’aramon encore autorisé en 1939. En 1958, l’encépagement communal issu du cadastre viticole comporte encore quelques hectares d’aramon, mais aussi des teinturiers (alicante-bouschet, grand noir). 639 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : I NAO , CN du 22-23 octobre 1942. 640 L’harmonisation des décrets intervient par le décret du 16 mars 1943. INAO, Bulletin n°17, juillet 1943, p. 147. 641 Les vins de clairette « prennent une teinte jaune et ont peu de qualité quand le pressurage a été fait avec des pressoirs continus ». Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CN du 17 juillet 1943. 642 Le prix des vins rouges et rosés est fixé à 1 500 F l’hectolitre majoré de 30 F le dix de degré supérieur au degré minimum autorisé, ceux des vins blancs à 1 900 F l’hectolitre majoré de 40 F. INAO, Bulletin n°17, juillet 1943, p. 122. 643 INAO, Bulletin n°20, février 1946, p. 19. 638 158 s’équilibrent en 1945 (1 078 hl contre 1 140 hl)644. Les vins blancs sont toujours la priorité d’Émile Bodin et de Pierre Imbert. Ces derniers profitent de la réputation de qualité de leurs vins et de débouchés éprouvés, pour bénéficier d’une taxation supérieure pour cette couleur. Leurs vins blancs représentent plus de la moitié de ceux du total de l’appellation en 1944 et 1945, leurs vins rouges ou rosés seulement le quart. Les autres déclarants, notamment ceux qui ne sont impliqués que depuis le début du conflit, revendiquent avant tout des vins rouges, plus aisés à vinifier, voire des vins rosés. Si l’appellation contrôlée « Cassis » n’a connu qu’un développement limité en volume pendant la Seconde Guerre mondiale, l’évolution de sa production témoigne de l’adaptation de ses producteurs au contexte économique difficile du moment. Le fait que ce vignoble pionnier soit rejoint en novembre 1941 parmi les appellations contrôlées par ceux de « Bellet » et « Bandol » est un autre signe des capacités d’adaptation de la viticulture. En même temps, il souligne la continuité qui lie la période à l’avant-guerre puisque cette accession est l’aboutissement de démarches entamées bien avant. 2. La mise en place de l’appellation contrôlée « Belle t » Le vignoble du quartier de Bellet, situé au nord de Nice sur les coteaux dominant la vallée du Var à 300 m d’altitude, s’est reconstitué après la crise phylloxérique. Ses vins blancs et rouges ont retrouvé leur notoriété durant l’entre-deux-guerres645. La première demande de classement en appellation contrôlée en juillet 1939 est porté par Pierre Thomé du Château Crémat, président du syndicat de défense646 et vigneron le plus important du secteur647. Elle est rejetée par le CNAO qui propose tout de même de réexaminer le dossier. Cette étude, retardée par la guerre, est reprise en novembre 1940. Lors de cette réunion, « il est donné lecture des propositions de contrôle : degré alcoolique minimum de 10°5 et rendement moyen à l’hectare de 30 hl. La production est faible (3 000 hl) et la renommée de ce vin est très ancienne »648. Édouard Barthe précise que le vin de « Villard » qu’il situe à tort sur les coteaux qui font face à Bellet « est aussi bon [...] et qu’une demande de contrôle sera certainement réclamée par 644 Galet Pierre, 1958, op. cit., p. 934. Casimir Jean, op. cit., p. 240. 646 Isnard Roger, « L’Academia Nissarda en visite au territoire de Bellet » in Nice historique, n°1946, 1986, La Lambrusque, Nice, p. 130. 647 Un seul autre vigneron dont le nom n’est pas mentionné est cité lors d’une dégustation réalisée par les experts en mars 1941. Arch. INAO Paris : Dégustation des vins de Belle t, mars 1941 . 648 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CD du 29 novembre 1940. 645 159 eux »649. Le CNAO valide les conditions de production des vins de « Bellet », dont la candidature est appuyée par Georges Chappaz, mais la qualité des vins jugée insuffisante retarde le classement650. La situation n’évolue pas lors de la réunion à Vichy en juin 1941. Le décret est adopté avec un différentiel de degré minimum (10°5 pour les vins rouges ou rosés, 11° pour les vins blancs)651, mais le classement est encore reporté dans l’attente d’une dégustation des vins652. Comme nous le verrons aussi pour « Bandol », les soutiens de Georges Chappaz et du baron Le Roy sont décisifs dans le classement du vignoble. Lors d’une réunion du CNAO en septembre 1941, « M. Chappaz qui a fait une enquête approfondie sur ces appellations insiste pour le contrôle de ces vins très méritants. Des échantillons ont été envoyés au Comité et seront dégustés. Le baron Le Roy appuie la démarche de M. Chappaz et fait valoir que ce sera la seule manière de réduire la fraude énorme qui sévit sur ces vins »653. Le lendemain, après une nouvelle intervention du baron Le Roy, l’avis favorable du comité directeur est confirmé par le CNAO654. Le décret de classement intervient le 11 novembre 1941655. L’aire de production reste limitée au quartier de Bellet de la commune de Nice. Colomars, commune limitrophe, dont les vins sont vendus sous le nom de l’appellation, n’est pas retenue. Les autres conditions de production ont été commentées par Georges Chappaz dans un article du Réveil agricole du 18 mars 1942 « Les vins de Bellet ont reçu confirmation légale de leur réputation »656. L’encépagement est composé des variétés locales qui contribuent à la typicité des vins avec la fuëlla ou folle noire spécifique des Alpes-Maritimes Idem. La commune de Villars-sur-Var, dont les vins ont la réputation d’être de qualité, est située à une trentaine de kilomètres en amont dans la vallée du Var. Face à Bellet se trouvent les communes de La Gaude, Saint-Jeannet ou Gattières dont la production vinicole est également reconnue. 650 Id : INAO, CN du 30 novembre 1940. 651 Id. : INAO, CN des 6 et 7 juin 1941. 652 Id. : INAO, CN du 10 juin 1941. 653 Id. : INAO, CD du 4 septembre 1941. 654 Id. : INAO, CN du 5 septembre 1941. 655 Le décret du 11 novembre 1941 figure en annexes, p. 848. 656 Le Réveil agricole, n°2386, 18 mars 1942. 649 160 et le braquet657 en raisins noirs, le rolle ou vermentino peu présent dans le reste du vignoble provençal, la clairette et la roussanne en raisins blancs658. Années 1942 1943 1944 1945 Vins rouges ou rosés Volumes Part nc nc 543 89 % 617 88 % 660 85 % Vins blancs Volumes Part nc nc 64 11 % 81 12 % 118 15 % Total 795 607 698 778 Tableau 10. La production de l’appellation contrôlée « Bellet » 1942-1945 (hl)659 Comme le montre le tableau ci-dessus, la production de « Bellet » dominée par les vins rouges (85 à 89 %) n’a jamais dépassé 800 hl avant la fin de la guerre. Cette faiblesse s’explique par la situation de la plupart des viticulteurs du secteur, excepté Pierre Thomé. La majorité est composée de modestes exploitants dans l’incapacité de répondre aux conditions faute d’un équipement adapté. Jean de Bellet, propriétaire de l’autre grand domaine du secteur, le Château de Bellet, préfère se consacrer à sa vie parisienne et ses activités philanthropiques plutôt qu’à ses vignes660. D’après Yves Rinaudo, le vignoble a été arraché durant cette période à cause du manque de main d’œuvre et de produits nécessaires à la culture661. La faible production peut également s’expliquer par le rendement limité des vignes plantées dans des terres légères et caillouteuses662. D’ailleurs, l’appellation limite le rendement maximum autorisé à 30 hl/ha. La taxation est la même que pour « Cassis » mais elle n’influe guère sur la production puisque de nombreux viticulteurs ne peuvent revendiquer l’appellation. Le marché est porteur avec des stocks de fin de campagne à hauteur d’un tiers des volumes récoltés (250 hl en 1943-1944 et 1944-1945)663. La production des vins de « Bellet » est insignifiante sur le Georges Chappaz apparente par erreur le braquet, qu’il juge décisif dans la production de vins de garde, au cépage juras Pulsart ou Poulsard. Il « est assez curieux de retrouver ce cépage aux feuilles lobées sous le climat de la Côte d’Azur » (Ibidem). Pierre Galet indique au sujet du braquet noir qu’il a parfois pu être confondu par certains auteurs avec le calitor mais n’évoque pas le pulsart. À notre connaissance, aucun autre traité d’ampélographie ne fait d’analogie entre ces deux variétés. Le braquet est décrit par Pierre Gallet comme « le vieux cépage de Bellet ». Il « fournit des vins de qualité, très fins, alcoolique, gagnant en vieillissant ». La folle noire quant à elle donne un vin très coloré, bouqueté et manquant d’acidité et qui nécessite un assemblage avec d’autres plants. 658 Georges Chappaz indique que la Roussanne par le moelleux qu’elle leur confère distingue les vins blancs de « Bellet » de ceux de « Cassis » et de « Bandol » issus du seul assemblage clairette-ugni blanc. Le Réveil agricole, n°2386, 18 mars 1942 659 Galet Pierre, 1958, op. cit., p. 998. 660 Isnard Roger, op. cit., p. 128. 661 Rinaudo Yves, 1991, op. cit., p. 72. 662 Le Réveil agricole, n°2386, 18 mars 1942. 663 INAO, Bulletin n°20, février 1946, p. 19. 657 161 plan départemental (2 %), mais en revanche ses vins blancs, appréciés depuis l’Ancien régime, représentent 18 % du volume départemental dans cette couleur en 1945. 3. La mise en place de l’appellation contrôlée « Bandol » Voyant son initiative repoussée, André Roethlisberger décide d’élargir sa démarche à d’autres viticulteurs du secteur en créant en mai 1939 le Syndicat des Anciens vins de Bandol, sur le modèle du syndicat de défense de l’appellation « Cassis »664. Son aire comprend toutes les communes des cantons du Beausset et d’Ollioules, où était produit avant le phylloxéra le vin connu sous le nom de Bandol, car exporté par le petit port varois665. En raison de sa nationalité suisse, André Roethlisberger a laissé la présidence du syndicat à Louis Perrone, vigneron au Castellet et premier adjoint de la commune, mais il en reste la cheville ouvrière. Quatorze des trente neuf premiers adhérents sont originaires de Sanary666. Plusieurs propriétaires de domaines importants en font partie667. Des familles issues de l’aristocratie provençale, les Portalis à Château Pradeaux, les Dutheil de la Rochère à Château Sainte-Anne et de gros exploitants, comme la famille Estienne du domaine de la Laidière à Évenos, Mauric du domaine la Tour du Bon668 et Lucien Peyraud du Domaine Tempier au Castellet, s’engagent rapidement. Capables de produire des volumes significatifs, ils forment un petit groupe sur lequel André Roethlisberger souhaite s’appuyer pour développer l’appellation 669. Le règlement proposé par le syndicat suit le modèle de l’appellation contrôlée « Cassis », ce que Louis Perrone justifie par une proximité des terroirs (influence du climat marin, sols très calcaires)670. Les rendements maximum (40 hl/ha) et degré minima (10°5 pour les vins rouges et rosés, 11° pour les vins blancs) sont similaires et l’encépagement est assez proche 664 Moustier Frédéric, 2008, op. cit., p. 46. Arch . INAO Paris : Réglementation des Ancien s Vins de Band ol. 666 Parmi eux se trouvent le président de la cave coopérative de Sanary, Louis Col, et probablement d’autres sociétaires. Arch. INAO Paris : Dégu station des vins de Bandol , mars 1941. 667 Le sénateur Bénazet du Château Vannières à la Cadière, MM Bourgeois du Château « La Rouvière » au Castellet et Caplain-Saint-André du Château des Tourelles à Évenos, Mme Desmazures du Château de Pierredon à Sanary et la Marquise de Pelleport du Domaine de Frégate à Saint-Cyr. 668 Marchandiau Jean-Noël, op . cit., p. 120. 669 Moustier Frédéric, 2008, op. cit., p. 52. 670 Arch. INAO Paris : Lettre du janvier 1940 de Louis Perronne au président du Comité national des appellations d’origine. 665 162 (mourvèdre, grenache, cinsault, carignan pour les vins rouges et rosés ; clairette, ugni, sauvignon pour les vins blancs)671. La demande d’appellation accompagnée du règlement intérieur est transmise au CNAO par Louis Perrone, en janvier 1940, mais les évènements empêchent son étude. Elle ne figure pas non plus à l’ordre du jour des premières réunions de novembre 1940672 et il faut attendre juin 1941 pour la voir apparaître dans les délibérations. Le Syndicat des Anciens Vins de Bandol reçoit le soutien de Georges Chappaz qui assure la présentation du dossier au CNAO. Afin de justifier le classement, il insiste sur les nombreuses fraudes et « marques personnelles » ayant remplacé la dénomination générique, auxquelles doivent faire face les producteurs loyaux. Ils sont prêts à accepter de sévères conditions de production673. La demande d’appellation est validée dans la foulée après un nouveau plaidoyer de Georges Chappaz 674 et avec l’appui du baron le Roy675. Les conditions de production des vins de « Bandol » sont adoptées en septembre 1941676. Le décret suit dans ses grandes lignes le règlement émis par le Syndicat des Anciens Vins de Bandol en 1940. Le décret est officialisé le 11 novembre 1941677. Au départ, l’aire géographique est limitée à quatre communes (Bandol, La Cadière-d’Azur, Le Castellet, Sanary). Mais Georges Chappaz indique dans Le Réveil agricole de février 1942 qu’elle sera probablement étendue à « quelques lieux dits des communes d’Ollioules, d’Évenos, de SaintCyr-sur-Mer et du Beausset »678. Les usages justifient cet élargissement puisqu’avant le phylloxéra les vins du Beausset et de Saint-Cyr, mais aussi ceux d’Ollioules prenaient également part aux expéditions maritimes de « vins de Bandol »679. Plusieurs membres du Pecoui-touar, tibouren, syrah, pinot noir et alicante complète l’encépagement des vins rouges et rosés, doucilhon, clairette, colombeau, frontignan et malvoisie celui des blancs. Arch. INAO Paris : Réglementation des Anciens Vins de Bandol. 672 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CD du 29 novembre 1940, CN du 30 novembre 1940. 673 « Les producteurs voudraient la reprendre et accepteraient des conditions de contrôlée sévères (10°5 pours les vins rouges et rosés, 11° pour les vins blancs, 40 hl. à l’ha. avec une majoration éventuelle de 20 %) pour lutter contre la concurrence qui leur est faite par de fausses appellations similaires ». Idem : INAO, CN des 6 et 7 juin 1941. 674 Id. : INAO, CN du 10 juin 1941. 675 Id. : INAO, CD du 4 septembre 1941. 676 Id. : INAO, CN du 5 septembre 1941. 677 Le décret du 11 novembre 1941 figure en annexes, p. 838. 678 Le Réveil agricole, n°2384, 11 février 1942. 679 Jullien André, 1832, op. cit., p. 264-247. 671 163 syndicat sont installés dans ces communes680. Leur intégration est validée par les experts lors de la délimitation parcellaire681. Des proportions sont introduites pour l’encépagement. Les cépages secondaires ne peuvent entrer qu’à hauteur de 40 % maximum dans la composition des vins afin de conserver leur typicité682. À partir de 1947, une proportion de 10 % de mourvèdre sera obligatoire dans l’encépagement des vins rouges et rosés. Ce délai laisse le temps aux producteurs de planter ce cépage emblématique du secteur. L’appliquer dès le départ aurait fortement limité la production de vins rouges ou rosés, car seuls de rares vignerons en possédaient683. Cependant, cette échéance pose problème à la majorité des viticulteurs qui ne peut se permettre d’arracher ses vignes et de perdre une partie de ses revenus, ni de financer les frais de plantations et de les supporter pendant plusieurs années avant les premières récoltes. Les tentatives d’André Roethlisberger et de Lucien Peyraud pour les convaincre se révèlent infructueuses, car l’avenir de l’appellation apparaît à beaucoup de producteurs incertain. Georges Chappaz juge que cette nécessaire amélioration de l’encépagement sera une œuvre de longue haleine684. Une période de vieillissement fixée à 18 mois pour les vins rouges, huit mois pour les vins blancs ou rosés est intégrée par le décret du 19 novembre 1942685. Au printemps 1943, le syndicat inquiet de voir sa politique de production ainsi réduite à néant686 demande au CNAO de surseoir à cette mesure. Le comité suspend le vieillissement obligatoire pour la récolte 1942 en raison de « l’intégration de ces vins dans le circuit du ravitaillement et les dangers qu’ils courent dans la région côtière »687. En 1942, la première récolte en appellation contrôlée « Bandol » est importante (9 000 hl), malgré les sévères conditions de production. Ce résultat est lié à la taxation supérieure dont bénéficie l’appellation, ce qui a sans doute amené de nombreux petits viticulteurs à la revendiquer. À Sanary, dix-sept déclarants mentionnent 5 hl ou moins, neuf entre 5 et 10 hl et seulement six plus de 30 hl. Certains d’entre eux sont des sociétaires de la coopérative 680 À Saint-Cyr se trouvent le Château Pradeaux de la comtesse de Portalis, ainsi que le Domaine de Frégate de la marquise de Pelleport et à Sainte-Anne, le Château Sainte-Anne des Dutheil de la Rochère. Moustier Frédéric, 2008, op. cit., p. 55. 681 Marchandiau Jean -Noël, op. cit. , p . 120. 682 Le Réveil agricole, n°2397, 1er septembre 1942. 683 Dans les registres de déclarations de récolte de Sanary de 1942 et 1943, seuls deux producteurs, dont André Roethlisberger, possèdent du mourvèdre . AD Var : 7 M 71. 684 Le Réveil agricole, n°2384, 11 février 1942. 685 JO du 25/11/1942, p. 3901-3902. 686 Des vins rouges déclarés en appellation contrôlée « Bandol » ont été réquisitionnés avant les dix-huit mois de vieillissement imposés par le décret. Cette clause n’étant pas respectée, le syndicat craint leur déclassement et une vente à la taxation des vins ordinaires. 687 Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CN du 17 juillet 1943. 164 communale, probablement la seule du secteur impliquée à cette époque dans la production de vins d’appellation contrôlée688. La possibilité de produire des vins rouges et rosés, sans obligation d’y intégrer du mourvèdre, en utilisant ’autres cépages principaux en particulier le carignan, la variété de raisin noir autorisée la plus présente dans le vignoble, a permis ces fortes déclarations. Années 1942 1943 1944 1945 Vins rouges ou rosés Volumes Part nc nc 4 838 85 % 2 144 77 % 4 317 82 % Vins blancs Volumes Part nc nc 831 15 % 628 23 % 949 18 % Total 9 124 5 669 2 772 5 266 Tableau 11. La production de l’appellation contrôlée « Bandol » 1942-1945 (hl)689 Mais la récolte 1943 (5 760 hl) est déficitaire de 40 % par rapport à 1942690. Le nombre de déclarants en forte baisse à Sanary (quarante cinq en 1942, vingt sept en 1943) 691 illustre un recul qui pourrait être imputable à plusieurs décisions ministérielles prises au cours de l’année 1943. L’arrêté du 9 février 1943 impose une taxation défavorable aux vins rouges et rosés (1 350 F l’hectolitre majorés de 30 F par dixième de degré excédant le degré minimum) par rapport aux vins blancs (1 500 F majorés de 30 F)692. Cette différence de prix est liée au degré minimum des vins blancs qui est supérieur à celui des rouges et rosés. Elle ne se justifie plus quand le décret du 16 mars 1943 instaure l’uniformisation à 11° des « Bandol », ce qui pénalise la production de vins rouges ou rosés. Ce texte modifie également l’encépagement de ces derniers. Le mourvèdre reste facultatif693 tandis qu’il devient possible d’introduire 10 % de raisins autorisés pour les vins blancs en cépages secondaires. Cette possibilité ne peut avoir qu’une incidence limitée. Il est bien plus rentable pour les viticulteurs de les utiliser pour produire des vins blancs taxés à un prix supérieur, notamment lorsqu’ils sont très alcooliques, 688 La coopérative vinicole est citée parmi les producteurs de la commune de Sanary, dont les vins sont dégustés en mars 1942. Une dizaine de membres sur la liste du syndicat de 1940 sont originaires de commune et plusieurs noms notamment celui du président de l’établissement Louis Col concordent avec les déclarations de récolte de 1942 et 1943. Arch. INAO Paris : Syndicat des Anciens vins de Bandol, liste des membres ; Dégustation des vins de Bandol, mars 1941 689 Galet Pierre, 1958, op. cit., p. 910. 690 Loc. cit. 691 AD Var : 7 M 71. 692 INAO, Bulletin n°17, juillet 1943, p. 122. 693 Le décret du 16 mars 1943 impose une part minimum de 20 % de mourvèdre à partir de 1952. À cette date, la part des cépages secondaire sera réduite. 165 ce qui est fréquent dans le secteur où ils atteignent parfois jusqu’à 14° 694. En revanche, le carignan est relégué parmi les cépages secondaires (50 % de l’encépagement), ce qui réduit le potentiel de production des vins rouges ou rosés car ce cépage est bien plus présent dans le vignoble que le cinsault et le grenache. Il est probable que le recul de la récolte de « Bandol » entre 1942 et 1943 soit lié au déclin des revendications en vins rouges et rosés en raison de ces mesures. L’analyse de l’évolution des déclarations de récolte à Sanary paraît en témoigner695. La baisse de la production communale est clairement liée au recul des vins rouges ou rosés, dont les volumes passent de 246 à 117 hl (52 %). Cette évolution s’observe même chez André Roethlisberger qui possède pourtant la plus large palette de raisins noirs autorisés dans cette commune (mourvèdre, cinsault, grenache, carignan pecoui-touar). En revanche, les volumes de vins blancs sont stables, les viticulteurs ayant tous de la clairette ou de l’ugni blanc. La domination des vins blancs dans la récolte de Sanary (60 % en 1942, 77 % en 1943) détonne au sein de la production globale de l’appellation, où la part des vins rouges ou rosés s’élève à 85 %. En 1944, la récolte de l’appellation connaît un nouveau recul par rapport à la précédente (52 %) et ne s’élève plus qu’à 2 770 hl, dont 22 % de vins blancs. L’hypothèse d’une mauvaise année est la plus plausible car la récolte de 1945 (5 266 hl dont 949 hl de vins blancs soit 17 % du total) est proche du niveau de 1943. Outre la persistance des pénuries diverses, les travaux de défense du littoral et la proximité du vignoble de « Bandol » avec le théâtre d’opérations toulonnais à la suite du débarquement en Provence le 15 août 1944 ont pu perturber les travaux viticoles et les vendanges696. L’année 1944 fait office de transition à la tête du syndicat. Provisoirement, le secrétaire général Brémond remplace le président, Louis Perrone, malade. Au décès de ce dernier, André Roethlisberger convainc l’un de ses fidèles soutiens, Lucien Peyraud697, de prendre la 694 Le Réveil agricole, n°2384, 11 février 1942. AD Var : 7 M 71. 696 Lionel Heinic évoque l’évacuation de nombreuses propriétés viticoles après le bombardement de plusieurs localités du vignoble de « Bandol » (La Cadière, Sanary, Saint-Cyr), mais sans doute fait-il une confusion avec les évacuations imposées par les occupants sur le littoral pour des raisons de défense. Heinic Lionel, op. cit., p. 22-23. 697 Lucien Peyraud, stéphanois d’origine a été formé à l’Ecole supérieure d’agriculture d’Aix-en-Provence. Marié à une héritière marseillaise, Lucie Tempier, en 1936, il mène tout d’abord le Domaine Fontaine à SollièsPont, avant de travailler dans l’entreprise familiale de cuirs et peaux de son beau-père à Marseille. Il passe parallèlement ses fins de semaine à travailler la terre sur la campagne de ce dernier, le Domaine Tempier, au Plan-du-Castellet, propriété viticole également plantée en pêchers et pommiers. Il s’installe sur la propriété après sa démobilisation à l’été 1940, bien décidé à faire renaître la tradition viticole en replantant des cépages « nobles » (carignan, mourvèdre). Il intègre le conseil d’administration du syndicat en tant que secrétaire adjoint en décembre 1941 juste après le passage en appellation contrôlée. Moustier Frédéric, 2008, op. cit., p. 51-52. 695 166 présidence. Elu lors de l’assemblée générale du 3 mars 1945698, il restera en poste pendant plusieurs décennies. En prenant la défense du dossier des vins de « Bandol » et « Bellet » au CNAO en juin 1941, Georges Chappaz, qui s’occupe plus particulièrement depuis son repli à Marseille des appellations provençales, évoque les vins dénommés « Côtes de Provence » dont il juge la qualité digne de l’appellation contrôlée699. Le contexte permet de reprendre la démarche inaboutie avant le conflit. Elle est relancée par le syndicat de défense qui a pris la suite de la première association créée en 1933 par le baron de Rasque de Laval et qui souhaite « montrer qu'en dehors des vins de Bellet, Cassis, Bandol, on récolte en Provence des vins savoureux et chauds qui méritent l'honneur d'une appellation contrôlée »700. BLe renouvellement de l’organisation syndicale varoise 1. De l’Association syndicale des propriétaires vignerons du Var au Syndicat de défense des Côtes de Provence Après deux ans d’inactivité dus à la guerre, plusieurs membres de l’Association syndicale des propriétaires vignerons du Var (MM. Rasque de Laval, Rohan-Chabot, Arnal, Isnard, Ott et Jeanne et Mme Fournier) décident de relancer le groupement afin de trouver une issue aux problèmes des taxations peu élevées auxquelles leur production, pourtant de qualité supérieure, est soumise. Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 5 mars 1941701, le groupement prend le nom de Syndicat de défense des Côtes de Provence du nom de l’appellation revendiquée. Derrière cette transformation nominale, l’association conserve ses objectifs (défendre les intérêts des producteurs utilisant l’appellation « Côtes de Provence » et assurer sa promotion)702. Dans son Le conseil d’administration se compose de Jeansoulin et d’Édouard Etienne, tous deux vice-présidents, de Decultot trésorier. Louis Brémond retrouve son poste de secrétaire-général avec comme adjoint la comtesse Arlette de Portalis. Heinic Lionel, op. cit., p. 24-23 699 Arch. en ligne M SH Université de Dijon : I NAO, CN du 10 juin 1941. 700 Arch. ODG Côtes de Provence : Vins des Côtes de Provence, p. 6. 701 Idem : AGE du 5 mars 1941. 702 Seul l’opuscule Vins des Côtes de Provence rédigé par le baron de Rasque de Laval mentionne une partie des statuts du syndicat primitif dont l’article quatre expose les prérogatives. « Le syndicat a essentiellement pour but de grouper les personnes civiles ou morales d’une région déterminée vendant les vins provenant exclusivement de leur propriété sous la garantie de leur nom ou de leur domaine. De favoriser la vente de ces vins et de défendre la qualité et la réputation par la publicité collective, la participation aux expositions, aux manifestations vinicoles etc. De faire seul, ou en collaboration avec d’autres groupements intéressés, toute déclaration, 698 167 organigramme, le baron de Rasque de Laval et le comte de Rohan-Chabot restent président et vice-président703. La majorité des adhérents déclarant déjà en appellation simple « Côtes de Provence » avant la Seconde Guerre mondiale se manifeste. Ils sont rejoints par quelques viticulteurs dont certains originaires des Bouches-du-Rhône. La circonscription du syndicat est étendue en 1941 à ce département et aux Alpes-Maritimes. L’activité du syndicat est intense les premiers mois avec neuf réunions dont quatre assemblées générales extraordinaires avant la fin de l’année 1941704. Il s’agit d’obtenir l’appellation contrôlée, refusée par le CNAO avant la guerre (dossiers présentés par la famille Ott en 1936 et le comte de Rohan-Chabot en 1939) et de vendre ainsi le vin des adhérents à un prix supérieur. La chambre syndicale rencontre George Chappaz pour la constitution du dossier et le convainc sans doute de le soutenir au CNAO705. Un dossier de demande d’appellation sous le nom de Vins des Côtes de Provence est patiemment constitué par le baron de Rasque de Laval706. Il a réuni les preuves d’antériorités (étiquettes, bouteille provençale, récompenses, appellations d’origine revendiquées dans les communes concernées) et propose une règlementation (encépagement, rendement maximum à 45 hl/ha, degré minimum à 10°5 pour les vins rouges et rosés, 11° pour les vins blancs) aussi stricte que celle des appellations contrôlées voisines. L’aire de production prend en compte « toute la zone des crus qui, sous l’Ancien régime étaient exportés par les ports de Marseille, de Cassis, La Ciotat, Bandol, Antibes, Saint-Tropez »707. Ce territoire vaste, discontinu, avec une grande diversité d’agro-terroirs, est très artificiel. Les usages indiqués dans les textes anciens sont en lien avec la partie littorale de l’aire. Le plateau triasique intégré partiellement à cette dernière et la plaine des Maures n’étaient pas concernés par les expéditions maritimes aux XVIIIème et XIXème siècles. Mais dans ces secteurs du centre du Var se trouvent les propriétés de plusieurs membres fondateurs du syndicat, entre autres, celles du président, le Château de Sainte-Roseline aux Arcs, et du vice-président, le Château Saint-Martin à Taradeau. demande, revendication ou formalité de procédure afin que soit réprimée toute fraude susceptible [...] de nuire aux intérêts de ses adhérents. De sauvegarder par tout autre moyen les intérêts des producteurs de vin de qualité ». Id. : Vins des Côtes de Provence, p. 173-174. 703 Id. : AGE du 19 avril 1941. 704 Id. : Registre de délibérations 1941-1947. 705 Voir ci-après, p. 169. 706 Arch. O Côtes de Provence : AGE du 19 avril 1941. 707 Le baron de Rasque de Laval insère dans ce document une carte géologique où figure la limite de l’aire de production. Le tracé indiqué avec précision dans le texte provient de données issues de cartes d’époque difficile à situer aujourd’hui. Idem : Vins des Côtes de Provence, p. 113-115. 168 Figure 6. Carte géologique de l’aire de production des Vins de Provence du baron de Rasque de Laval708 La même observation peut être faite pour les deux entités distinctes des Bouches-du-Rhône qui figurent sur cette carte. La présence du secteur Cassis-La Ciotat se justifie par sa continuité géographique avec le littoral varois et les antériorités d’une production vinicole de qualité. Ce n’est pas le cas pour l’autre entité située au sud d’Aix-en-Provence avec plusieurs communes de l’ouest du haut bassin de l’Arc. Dans les Alpes-Maritimes, l’aire de production couvre une large bande littorale jusqu’aux coteaux de la rive droite du Var, secteur dont les vins étaient réputés sous l’Ancien Régime, mais très incomplètement replantés après le phylloxéra. Cette intégration interpelle puisqu’aucun producteur de ce secteur n’adhère au syndicat. La délimitation de l’aire de production repose donc avant tout sur la localisation des propriétés des membres du syndicat. Par exemple, le secteur situé au sud d’Aix-en-Provence coïncide avec la présence du Château de la Simone de Jean Rougier à Meyreuil et du Domaine de la Verrerie de la famille Imbert à Mimet. La démarche du Syndicat de défense des Côtes de Provence présentée au CNAO, aux côtés de celles de « Bellet » et « Bandol », par Georges Chappaz au mois de juin 1941 est repoussée, 708 Id . : Vins des tes de Provence, p. 118. 169 bien que la qualité des vins ait été appréciée709. Le CNAO n’a classé jusqu’à présent que des dénominations dont les antériorités sont séculaires. Les usages trop récents des « Côtes de Provence », uniformisés seulement dans les années 1930, et l’absence de référence à un vin reconnu avant le phylloxéra bloquent le dossier. De plus, la taille de l’aire de production et sa discontinuité pénalisent probablement son classement, car le CNAO juge son contrôle trop complexe en l’état. Une question « politique », indépendante de la volonté du Syndicat de défense des Côtes de Provence, apparaît également dans les délibérations. Le classement de cette appellation forcerait le CNAO à répondre favorablement aux démarches entreprises par les « Côtes du Ventoux » et mais aussi à étendre les classements à l’Algérie. Quelques jours plus tard, la nouvelle tentative de Georges Chappaz échoue encore, mais le président du CNAO, Joseph Capus, propose aux vignerons des « Côtes de Provence », un compromis : revendiquer une appellation simple basée sur les lois de 1919 et 1927 avant de réexaminer par la suite leur demande de classement710. Pourtant le syndicat ne renonce pas à l’appellation contrôlée. Il ne s’engage pas dans la procédure judiciaire de reconnaissance en appellation simple ainsi conseillée, car ses membres n’en tireraient aucun intérêt. Leur production reste assimilée aux vins courants dans le régime des taxations. 2. De vaines démarches pour obtenir l’appellation contrôlée Le Syndicat de défense des Côtes de Provence arrive à obtenir une taxation supérieure pour la campagne 1942-1943 par le biais d’un régime spécial711. Celle-ci reste trop faible pour récompenser les efforts consentis pour produire des vins de qualité. Le syndicat continue à renforcer le dossier d’appellation contrôlée en intégrant de nouveaux témoignages d’usages anciens et continus712. Toujours dans cette perspective, il demande à l’ensemble de ses adhérents de porter la mention « Côtes de Provence» sur leurs déclarations de récolte en appellation simple713. 709 Dans les délibérations de cette réunion, il est indiqué que les « Côtes de Provence » sont une « appellation qui n’existe pas d’après les usages, mais qui pourrait grouper les vins de bonne qualité provenant de plusieurs communes et vendus sous des marques particulières ». Arch. en ligne MSH Université de Dijon : INAO, CN des 6 et 7 juin 1941. 710 Idem : INAO, CN du 6 et 7 juin 1941. 711 Arnaud Claude (dir.), op. cit., p. 187. 712 Arch . O DG Côtes de Provence : Réunion générale du 29 avril 1942 . 713 Lors de la récolte 1942, sur la commune des Arcs, Henri de Rasque de Laval déclare 747 hl en « Côtes de Provence » et Eugène Jeanne 316 hl. AD Var : 7 M 71. 170 Le classement en appellation contrôlée vise aussi à garantir la qualité des vins. Dès la réactivation du syndicat en 1941, le baron de Rasque de Laval s’interrogeait sur la capacité des nouveaux adhérents à produire des vins d’une qualité digne de l’image de marque de l’appellation714. Ces préoccupations réapparaissent un an plus tard715 et plusieurs administrateurs souhaitent des sanctions contre les vins dont la qualité est insuffisante716. Pierre Imbert propose, comme Ott, quelques mois plus tôt, la désignation d’une commission de contrôle717. La diversité des agro-terroirs et de l’encépagement utilisé par les producteurs amène sans doute ces questionnements. C’est la première tentative d’une mise en place d’un processus de labellisation des vins. Devant l’inaboutissement de sa demande de classement en appellation contrôlée, le Syndicat de défense des Côtes de Provence s’oriente courant 1942 vers une reconnaissance dans la catégorie des « vins réglementés ». Le comte de Rohan-Chabot constitue un dossier regroupant une vaste documentation sur la production de l’appellation (marques, photos, diplômes, correspondances...)718. Le syndicat n’a pas renoncé à l’obtention de l’appellation contrôlée. Il poursuit ses négociations avec le CNAO719, mais la demande pour les vins réglementés répond à la nécessité d’obtenir une taxation supérieure. Il s’agit à la fois d’obtenir un prix plus rémunérateur et de préserver les efforts entrepris depuis de nombreuses années pour défendre la production de vin de qualité. L’accession en appellation contrôlée pourra en être facilitée par la suite, comme l’avait laissé entendre Joseph Capus en 1941. Le dossier présenté par le Syndicat de défense des Côtes de Provence pour les vins règlementés est validé en septembre 1942 par le comité directeur du CNAO720. Il accorde aux vins revendiqués en « Côtes de Provence » une taxation supérieure à celle des vins courants (700 F l’hectolitre, bonification en sus), selon les conditions de productions inscrites dans l’arrêté ministériel du 10 mars 1943. Il s’agit de la première définition officielle de l’appellation : « Bouches-du-Rhône Var Alpes-Maritimes Vins des Côtes de Provence. Aire de production : déterminer par arrêté du préfet régional de Marseille. 714 Arch. ODG Côtes de Provence : AGE du 21 mars 1941. Idem : AGE du 13 octobre 1941.
23,433
35/halshs.archives-ouvertes.fr-halshs-00488779-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
7,305
11,608
Des " plaisirs b ourgeois " aux " droits du peuple" Vincent Dubois 1 DES «PLAISIRS BOURGEOIS» AUX «DROITS DU PEUPLE» La formation d'un discours politique sur la culture 1884-1930 Résumé : Le traitement politique des questions artistiques apparaît comme un vecteur de l'expression des clivages sociaux. En stigmatisant la vanité des «plaisirs bourgeois» face aux souffrances du «peuple», les porteparole des classes populaires amènent les défenseurs de l'intervention publique pour les arts à présenter celle-ci comme une «oeuvre sociale». C'est ainsi que se construit un discours sur la démocratisation de la culture et que se profile peu à peu un nouvel objet : les politiques culturelles. Il est devenu habituel qu'un homme politique intervienne sur un sujet «culturel». Dans les programmes partisans et les professions de foi, dans les organigrammes des partis et des mairies, il est aujourd'hui bien rare de ne pas trouver un chapitre «culture». Plus, l'aptitude à s'exprimer sur ce thème semble désormais constituer l'une des ressources nécessaires d'un maire comme d'un leader national. Pourtant, la politisation1 des questions culturelles n'a pas toujours paru si naturelle ; elle constitue le résultat d'un processus long et complexe qu'on se propose d'éclairer. Comment se constitue un argumentaire politique, un répertoire discursif sur un terrain réputé rétif aux formes habituelles de gestion publique et sur lequel les élus font montre de la plus grande prudence? Les envolées lyriques de la «démocratisation culturelle» ne masquent-elles pas ce qui fut au départ une politisation «à reculons»? Le traitement politique des questions artistiques n'obéit guère à la continuité d'une «démarche», de la gestation à l'application d'une idée, de sorte qu'il paraît difficile de découper des séquences chronologiques nettes qui ne soient plaquées sur des transformations plus globales ou limitées à de simples changements institutionnels. De plus, la diversité et les transformations des sujets traités incitent à considérer notre corpus comme un espace où se constituent thèmes et objets de discours plutôt que comme un discours dont il s'agirait de retracer l'évolution. Aussi, l'on préfèrera au travail de périodisation opéré à partir d'une supposée continuité le repérage des achoppements, des renversements, des discontinuités qui transforment mais aussi structurent et permettent de comprendre les discours tenus. Au delà des querelles esthétiques et des problèmes de gestion, les controverses politiques sur les «beaux-arts» renvo ient à des questions plus générales et aussi plus fondamentales : celles du lien politique et de la légitimité de l'intervention. Placés sur la scène publique, les débats artistiques revêtent une indéniable dimension sociale et apparaissent à bien des égards comme une «lutte de classes» symbolique. Comment dès lors prétendre servir «l'intérêt général» et offrir un «service public»? 2 En revenant sur les discours d'agents politiques «ordinaires» au tournant du siècle -les débats au conseil municipal de Lyon2-, il nous semble possible d'amener quelques éléments de réponse3. Lieu de représentations4, les débats municipaux le sont à plus d'un titre, et constituent ainsi une source particulièrement riche. Une question controversée Les questions «artistiques» occupent une place singulière dans le débat politique. Elles peuvent de prime abord paraître marginales, si l'on s'en tient à un approche quantitative. Ainsi, dans un rapport général sur les travaux du conseil municipal pour la période 1888-1892, sur les 2 934 dossiers soumis au conseil depuis son installation, 42 sont classés dans la catégorie «Beaux-Arts», qui constitue le secteur le moins important numériquement7. La longueur des discussions, la fréquente âpreté des débats et leur couverture par la presse invitent cependant à relativiser ce premier jugement. Comparant ironiquement les deux bâtiments voisins, un journaliste affirme : «Le Grand-Théâtre tient plus de place à Lyon que l'hôtel de ville. [] A chaque séance du conseil municipal, on emploie en moyenne une heure à se chamailler sur le théâtre»8. De la même manière, fréquentes sont les interventions qui débutent par un appel à la modération pour traiter des questions qui «passionnent le public», témoignant a contrario de l'importance des débats. Si ces débats peuvent être considérés comme importants, c'est qu'ils concernent à la fois la question de la représentation politique (l'élu doit faire valoir les «attentes» mais aussi les goûts de ses mandants) et celle de la définition d'un «service public». Ils offrent ainsi à l'observateur un bon exemple du travail de formalisation politique des représentations sociales. Une « lutte de classes» symbolique S'il n'est guère utile de rappeler les déterminations sociales des «pratiques culturelles», pour employer le vocabulaire d'aujourd'hui, il importe en revanche de montrer en quoi le champ de ces pratiques peut devenir un espace symbolique où se 3 dessinent les clivages sociaux. Les «Beaux-Arts», dans leur traitement politique, constituent un vecteur d' des différences sociales et un moyen de manifester l'importance respective des groupes distingués. Nombre de propos tenus sont des interventions «modestes» d'élus prétendant représenter les goûts et les doléances de leurs mandataires plus que prononcer un quelconque avis «autorisé», témoignant de l'importance que revêt l'actualisation du lien politique pour le traitement de ces questions9. Les élus intervenant sur ce thème se posent explicitement en représentants d'un groupe social. Ainsi, ces deux exemples socialement et politiquement opposés : «Messieurs, je n'ai pas la prétention de me poser en amateur très éclairé de tout ce qui a un caractère artistique et de l'art musical en particulier. Mais j'ai la prétention, cependant, d'appartenir au gros public ; en effet, comme beaucoup de personnes, j'ai cultivé ce qu'on est convenu d'appeler les arts d'agrément»10. Et de poursuivre que «le gros public» est mécontent de la qualité artistique des spectacles proposés. Avocat et membre du groupe réactionnaire (pour la répartition politique et professionnelle du conseil municipal, cf. annexes), cet élu parlant du «gros public» s'érige en représentant d'une bourgeoisie d'affaires qui cultive précisément «les arts d'agrément»11. A l'autre extrémité de l'échelle sociale, les employés et ouvriers sont plus explicitement encore porte-parole de leur groupe d'origine. «Je me place particulièrement dans la situation des ouvriers ; j'envisage la situation des classes laborieuses» répète cet ouvrier ciseleur «libéral, progressiste, et mutualiste»12 «Je suis ouvrier, [] je tiens surtout à ce que les laborieux puissent s'instruire aisément». L'expression des groupes sociaux peut être négative : en stigmatisant les pratiques jugées illégitimes des autres groupes, la «bourgeoisie urbaine» démontre sa capacité à imposer ses critères d'appréciation comme étant la manière légitime de voir. Témoins de cette «lutte de classes symbolique», les pétitions que signent les «gens respectables» pour protester contre les manifestations artistiques non conformes au «bon goût». En 1894, les riverains de la plus belle place du centre ville protestent contre le caféconcert qui y est organisé. Le texte de la pétition dénonce le «vacarme assourdissant» du «cornet à pistons et de la grosse caisse» de cette «musique de vogue» et «les gestes souvent obscènes» qui attirent «un public spécial [souligné dans le texte] sur lequel la vigilance de la police rait continuer à s'exercer» 13. Rassurant, le premier adjoint de ce conseil municipal «de gauche» (un seul élu conservateur contre 53 radicaux et socialistes) assure que prochainement «il y aura une série d'attractions qui sortiront du vulgaire». Des précédents ont déjà assuré une issue favorable aux plaignants, comme cette «pétition recouverte d'un grand nombre de signatures de gens très respectables» 14 réclamant la suppression de concerts sur une autre place du centre ville, autour de laquelle «il y a un côté qui est très bien habité», et un autre côté beaucoup plus populaire, où les habitants sont favorables aux concerts. «L'Administration a eu le bon esprit de tenir compte de la qualité des signataires et s'est décidée à donner raison aux premiers», indique le maire. Les débats publics sur les questions artistiques, on le voit, constituent un terrain de représentation des groupes sociaux. Plus généralement, ils renvoient aussi, plus directement qu'il n'y paraît, à la concurrence de représentations divergentes de 4 la société. La définition de «l'utilité publique» n'échappe guère à la transposition de schèmes d'appréciation socialement déterminés qui renvoient plus généralement à des systèmes d'opposition structurant les représentations du monde social. La classification préalable des activités, entre les «nobles» et les autres, les «sérieuses» et les «légères», les «artistiques» et les «vulgaires», n'est en effet rien d'autre que l'importation et l'universalisation de jugements sociaux. A travers la question de l'unicité de «la culture» se profile celle de l'existence des «classes sociales» ; les tentatives d'imposition de critères «universels» -comme lorsque les jugements sont proférés sur le mode du «bon goût» et de la «décence»ont en effet partie liée avec la négation de la division en classes. «Messieurs, je suis de ceux qui, toute leur vie, se sont obstinément refusés à croire aux classes», clame un avocat et sénateur conservateur, qui n'échappe pourtant pas au caractère «classiste» de sa prise de position. «Je ne considère pas que le milieu social auquel j'appartiens soit supérieur à aucun autre. [] Cela exposé, je suis bien obligé de reconnaître que certains milieux sociaux sont plus favorisés que d'autres et ont à leur disposition des moyens de s'instruire, de se perfectionner, de se procurer des jouissances intellectuelles que d'autres ne possèdent pas»15. Inversement, reconnaître et promouvoir l'existence d'une «culture ouvrière», c'est aussi dénier aux «dominants» le monopole de la production des biens symboliques. Mais les canons de la «culture dominante» sont, à la fin du siècle, rarement remis en cause, et il faut attendre la promotion d'un personnel politique ouvrier et la diffusion des théories marxistes pour que soit dénoncée la «culture bourgeoise»16. C'est en effet au début des années 1920 que l'on reformule la question de savoir «ce qui est bon pour le peuple». L'on ne se contente plus alors de «distractions saines» (cf. infra), mais l'on tente de proposer une alternative «populaire» au savoir et aux plaisirs «bourgeois». Le ton catégorique (dans tous les sens du terme) de ces débats cède peu à peu la place à la conciliation qui s'opère autour de la légitimation des pratiques populaires. En 1920, un professeur de lycée communiste, critiquant la création d'un cours de solfège pour jeunes filles affirme : «Ce qu'il faut aux ouvriers, ce sont des cours socialistes. [] Il y a une science et une littérature bourgeoise». Le maire, reprenant son argumentation habituelle lui rétorque : «Non, Monsieur []. Il existe une science et une littérature. [] Je déclare qu'il n'y a pas une science pour [le peuple] et une autre pour les classes privilégiées»17. Pourtant, peu après, celui-ci se fait le défenseur des «Fêtes populaires» (qui deviennent une rubrique des subventions municipales aux côtés des «oeuvres artistiques et littéraires») et d'une exposition d'«art ouvrier» où il s'agit, «tout en montrant le produit des loisirs ouvriers, de développer le goût et les aptitudes ouvrières». «Cette exposition vous démontrera qu'il n'est pas toujours exact de dire que les ouvriers passent leurs loisirs au café», se félicite son adjoint18. 5 Le ventre ou l'esprit? La controverse «sociale» trouve sa traduction politique dans les débats portant sur les missions des pouvoirs publics. Si les «Beaux-Arts» peuvent être constitués en enjeu d'une portée générale, ils apparaissent essentiellement comme «l'apanage des privilégiés». Le financement public du théâtre constitue ainsi, à la fin du siècle, un succès des catégories supérieures. S'il ne faut pas oublier qu'une fraction non négligeable du public est d'origine modeste (le «poulailler»), il convient également de souligner un fait moins connu : la relative faiblesse des budgets municipaux des débuts de la troisième république peuvent accréditer l'idée que toute dépense supplémentaire grève les autres postes, et parmi ceux-ci les dépenses des «oeuvres sociales». On comprend mieux ainsi les hésitations des élus. «Très fréquemment, dans les milieux populaires, on a réclamé la suppression de la subvention théâtrale», indique le maire, qui affirme n'avoir rejeté cette réclamation qu'«après de mûres réflexions»19 ; mais de telles considérations ne pèsent que rarement sur la décision20. Si l'on en croit l'aile gauche du conseil municipal, s'intéresser aux Beaux-Arts, c'est, au tournant du siècle, s'intéresser aux privilégiés, alors que la représentation des intérêts du peuple passe en priorité par la promotion de la «question sociale». Sur la base du constat que «les plaisirs du théâtre, dans la situation actuelle, resteront l'apanage d'une minorité de privilégiés», nombre d'élus de gauche représentant «la classe ouvrière» proposent la suppression de la subvention théâtrale et l'utilisation des crédits ainsi dégagés à des fins plus directement «sociales», (salaires des employés, orphelinat, dispensaire). «Songer à l'art, c'est fort bien, mais nous ne pouvons nous empêcher de songer aussi à ceux que la misère étreint»21, entend-on souvent, ou, de manière plus directe, «il serait plus utile de s'occuper du ventre que de l'esprit», car «les difficultés de la classe ouvrière» rendent «le moment mal choisi»22. Là encore, la teneur et la structure des déb indique très nettement que les logiques de prise de position sont autant sociales que politiques, les «points de vue» adoptés coïncidant avec ceux des groupes représentés23. Le cordonnier socialiste déjà cité explique en ces termes sa position : «Je vois la question en ouvrier et vous, Monsieur le Maire, vous l'envisagez en intellectuel. La différence de nos opinions vient de nos points de vue opposés. Je reconnais que l'état des arts et des sciences peuvent intéresser beaucoup de gens ; mais lorsque je vois des malheureux qui n'ont pas de quoi dîner, je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour la création d'un cours d'histoire de la musique. On n'a pas de goût pour la musique quand on a le ventre creux». Le Maire, professeur normalien, pour qui il est difficile de prétendre adopter «le point de vue des ouvriers» tombe dans le sociocentrisme dénoncé par son contradicteur : «Entre un concert et un dîner, je choisirai pour ma part le concert»24. 6 De l'hygiénisme artistique à la démocratisation culturelle La mise en scène des clivages et leur mise en forme par les élus constituent certes un mode de politisation ; elles forment en même temps un obstacle à l'imposition de la légitimité de l'intervention, c'est à dire à la reconnaissance d'une mission d'intérêt général transcendant les contradictions sociales. Les «discours de classe» des élus produisent en retour un classement du discours politique, les défenseurs des «arts» apparaissant longtemps comme les porte-parole des «bourgeois», alors que la «question ouvrière» se confond avec la «question sociale». Pour échapper à l'accusation de «travailler pour les bourgeois» et pouvoir prétendre mener une «action démocratique» en faveur du plus grand nombre -voire en priorité en direction du «peuple»- il a fallu modifier les représentations et transformer l'intervention pour les Beaux-Arts en «oeuvre sociale». L'étude des modes de justification et des thèmes employés montre que les objets et la légitimité de l'action politique sont construits dans ce jeu symbolique et ne constituent pas l'application au réel d'idées qui leur préexisteraient. Justifier l'intervention Point de «prise de conscience» ou de mise sur agenda stratégique : il s'agit d'abord de gérer l'héritage du passé, et de justifier la nécessité de cette gestion 25. Or, gérer des équipements artistiques apparaît comme une mission délicate, soulevant les objections de nombreux élus et rendant ainsi l'obligation de justification encore plus impérieuse. De l'avocat étiqueté «démocrate» qui considère que les théâtres ne sont pas un organisme municipal nécessaire» et qu'ils «répugnent par leur nature même à leur régie par une administration politique»26 à l'employé radical-socialiste qui affirme que «le théâtre n'est pas ce que l'on peut appeler un service public proprement dit»27, nombreuses sont les voix qui tendent à freiner l'intervention en désignant les contraintes qu'elle entraîne. Par la dynamique du discours et la rhétorique des élus, la «question irritante» du théâtre et des «Beaux-Arts» est pourtant progressivement convertie en une «politique»28. La reconstruction des fondements de l'action, la production d'arguments par les élus soumis à l'impératif de la justification ne rendent pas seulement possible l'intervention, elles contribuent à en former l'objet. La faiblesse de l'argument localiste n'empêche pas la défiance «provinciale» envers «la capitale» accusée de tous les maux : outre la sempiternelle dénonciation du centralisme, public parisien et critique nationale sont associés en une «coterie littéraire» responsable de la «crise théâtrale» que les élus déplorent pendant la quasi totalité du siècle étudié. Cette stigmatisation permet en retour de vanter la «sûreté de goût» du public local, comme l'explique ce conseiller qui se félicite du faible succès du «répertoire vulgaire» : «Et je le dis avec fierté, c'est un mérite à nos yeux, c'est un honneur pour le public lyonnais de ne point imiter la bêtise parisienne et de ne pas accourir aux représentations de ces immondes insanités!»36. C'est précisément sur cette «crise théâtrale»37 que s'appuie tout d'abord la politisation des questions artistiques. Car si la «crise» est, de manière endémique, d'ordre financier, à la fin du siècle dernier la «morale» est également concernée. Les salles de spectacles autres que les théâtres municipaux étant réputés «fauteurs de trouble à l'ordre public», c'est d'abord en appliquant son pouvoir de police que le maire intervient38. Mais celui-ci s'exerce moins de façon négative par la censure qu'en cherchant à offrir une alternative «morale» à la population. Un médecin radical explique ainsi la fameuse «crise du théâtre» : «Le public l'abandonne pour courir aux assomoirs, aux scalas et autres cafés concerts, pour y entendre cette littérature naturaliste immonde, née sur le fumier impérial, et que des divas du ruisseau débitent dans un hoquet d'ivresse!». La subvention est «démocratique», car sans elle le théâtre risque de fermer ses portes. «Alors vous refoulerez cette population ouvrière dans les scalas, les assomoirs et autres lieux où elle ira s'avilir et se débaucher. Une telle conduite ne peut être celle d'un Conseil Municipal républicain»39. Un avocat conservateur et libéral estime dix ans plus tard qu'«il y a un réel intérêt artistique et, dans une certaine mesure, quelque intérêt moral à ce que le Grand-Théâtre soit largement subventionné, car il faut que nous combattions cette orgie de petits théâtres, des cafés-concerts»40. L'argument perdure et semble valoir partout en France, puisqu'en 1907, Herriot cite une lettre du maire de Toulon, M. Le mal identifié il s'agit, dans la perspective hygiéniste de l'époque, d'y remédier en offrant des «distractions saines», si possible «éducatives» et «dans le genre moralisateur». Si elle tend progressivement à décliner, cette thématique, particulièrement importante au tournant du siècle, ne disparaît pas pour autant, mais se superpose à d'autres modes de construction de la légitimité de l'intervention. Elle semble en effet réunir tout le monde, et constituer une perche que les orateurs en mal d'arguments n'hésitent pas à saisir. Lorsque le maire affirme que «Le théâtre enlève à l'alcoolisme une partie de sa clientèle», le procès verbal indique «Marques d'approbation»43. Lorsqu'il déclare vouloir «fournir aux jeunes filles une distraction saine» en créant un cours de solfège, il est rejoint par le représentant des droites qui estime : «La musique est un excellent instrument de moralisation et si on pouvait l'enseigner aux enfants, je suis convaincu qu'on détournerait un certain nombre d'entre eux des occupations malsaines»44. Les arguments et principes de justification témoignent plus de ce qui est légitime à une période et dans un espace donné que des «motivations» qui animent les élus et des «conceptions» qu'ils défendent. Or l'hygiénisme ne se limite pas à une construction médicale des problèmes politiques (lutte contre l'alcoolisme, importante représentation des médecins dans le personnel politique) ; il est lié à l'idée positiviste du gouvernement rationnel45 et à l'instauration d'une «morale républicaine»46. On comprend mieux ainsi le lien qui est établi avec la défense du régime : c'est sur le «fumier impérial» que naît la «littérature immonde» qu'il faut combattre ; agir ainsi, c'est se mettre en conformité un «régime démocratique» et accomplir le rôle d'une «municipalité républicaine». La rhétorique hygiéniste scelle donc le passage au politique du traitement des «Beaux-Arts» ; la contre-offensive théâtrale orchestrée sur le terrain «moral» suppose en effet la définition du produit de substitution que l'on entend fournir. C'est dans le répertoire du patriotisme et de l'édification morale que les élus trouvent le moyen légitime de cette définition. Si l'on consent des subventions, c'est «dans le but de relever le niveau moral et intellectuel du théâtre ; d'encourager la décentralisation littéraire et de donner, à la fois, à la population, avec une distraction par le spectacle, un enseignement de la vertu, du dévouement ou des grands faits touchant à notre histoire nationale»47. Si l'on encourage la création, «les oeuvres, pour être primées, devront réunir par leur sujet, leur forme et la pureté du style, toutes les qualités scéniques en même temps qu'elles devront être un exemple de morale, de 9 patriotisme, de dévouement civique ou familial. [] Tout le monde déplore le genre immoral des pièces de la nouvelle école ; il est nécessaire de faire appel à une école nouvelle ne montrant plus seulement les plaies hideuses de la société moderne, mais offrant en exemple avec le crime châtié, les exemples de vertu, de patriotisme, de dévouement héroïque, civique ou familial». N'hésitant pas à faire référence à la place du théâtre dans la démocratie athénienne, cet élu souhaite en faire un «instrument de moralisation», un «complément de l'école». La synthèse démocratique Le recours à l'argument hygiéniste et à l'édification morale apaisent les critiques adressées à l'encontre de l'intervention publique, mais ne suffisent pas à établir les fondements de sa légitimité. La traduction en termes sociaux des objectifs de cette intervention doit pour ce faire intégrer une dimension encore plus directement politique. Cette intégration trouve son accomplissement dans l'antienne de la «démocratisation». Toutefois, l'importation de l'argument démocratique sur le terrain des Beaux-Arts ne va pas de soi, et son succès suppose la mise à l'écart de bien des réticences. Le caractère social des questions artistiques amène en effet les élus à poser avec une plus grande acuité la question de la légitimité de leur intervention. L'interrogation sur sa «nécessité» (cf supra) laisse alors la place à la mise en cause de son caractère «démocratique». C'est tout d'abord le service subventionné qui l'objet de cette question. Nombre d'interventions tentent ainsi de convaincre que le drame lyrique «est plutôt un plaisir démocratique qu'un délassement aristocratique», ce pourquoi il «intéresse si vivement la classe ouvrière»48, ou que «le théâtre est une institution très profondément ancrée dans les masses populaires» et qu'« il suffit de voir le nombre de petites places qui sont prises, pour se rendre compte que le théâtre est une distraction démocratique»49. Si la reconnaissance du caractère «démocratique» du théâtre n'est pas unanime, les réserves sont encore plus grandes à propos de son financement public. Ceux que «l'éducation et les exigences de la vie ont empêché de se livrer aux études et aux douces satisfactions de l'art» rechignent à autoriser ce qu'ils considèrent comme «le paiement des plaisirs d'autrui»50, et il faut beaucoup de vigueur à ses défenseurs pour convaincre les nombreux élus réticents. «En présence de cette allégation que la subvention théâtrale est antidémocratique, je ne saurais trop et énergiquement protester!» proclame le rapporteur qui affirme que la subvention sert «à doter notre population ouvrière d'un théâtre lyrique de premier ordre, dans lequel, pour des prix excessivement bas, l'ouvrier peut aller voir et entendre les chefs d'oeuvres de nos grands maîtres dans l'art lyrique» 51. Vingt-cinq ans plus tard, cette idée n'est toujours pas unanimement partagée, et il faut au maire déployer tout le talent rhétorique qui lui est reconnu pour la défendre. «J'ai une très bonne opinion de l'ouvrier, du travailleur. [] Tout homme a droit à tous les avantages sociaux. Les cours que nous créons ne sont pas destinés aux bourgeois qui peuvent aller à Paris satisfaire leurs besoins artistiques ; si les gens aisés veulent connaître Beethoven, ils achètent les ouvrages qui commentent son oeuvre ; ils achètent sa musique. Mais l'ouvrier, lui, ne peut pas en faire autant. Et cependant le peuple a droit aussi aux mêmes satisfactions. [] Je dis que la création d'un cours d'histoire de la musique est une oeuvre sociale intéressante. [] C'est 10 avec la conviction de remplir une oeuvre profondément démocratique que je vous ai proposé l'institution de ce très modeste cours».52 C'est sur la base de la rec onnaissance des différences sociales que se greffe l'obligation démocratique. De la reconnaissance des différences, on passe à celles des inégalités, contre lesquelles sont progressivement affirmés les «droits du peuple». Ne disposant que de moyens d'action limités, les élus proposent avant tout de s'attaquer à ce qui est présenté comme l'obstacle essentiel : le prix des places. Ce qui n'est au départ qu'une question de gestion, discutée directement avec le directeur de l'établissement, devient peu à peu un «souci» plus ostensible propice à la formulation d'objectifs politiques. Il ne faut toutefois pas croire que ce principe soit unanimement accepté, et nombre de propositions allant dans ce sens sont rejetées. A un conseiller qui propose des spectacles à prix réduits, citant les expériences de Lille et de Roubaix54, répondent les rires des élus : «Il serait défendu aux bourgeois d'assister à ces représentations!»55 Alors qu'à la fin du siècle, les tenants du financement public des arts se recrutent principalement parmi les fractions «éclairées» de la bourgeoisie libérale, les initiatives, à mesure que s'impose l'idée de la «démocratisation» proviennent en priorité des bancs de gauche où l'on ne s'oppose qu'au financement de pratiques trop «marquées» socialement (cf supra les cours de musique). Ainsi la proposition datant de 1905 d'un sculpteur socialiste «tendant à faciliter au peuple l'accès au théâtre» résume bien les attendus sur lesquels se constitue le discours ultérieur : «Messieurs, étant donné que le théâtre peut et doit être pour le peuple une source d'enseignement, d'éducation, soit au point de vue social, littéraire ou artistique. Considérant que pour développer le goût du théâtre, il faut le rendre accessible à tous, sans distinction, j'ai l'honneur, au nom du Parti socialiste unifié, de déposer sur le bureau du Conseil le projet suivant : [Il s'agit de la distribution de cartes donnant accès gratuitement aux théâtres certains jours]. Ce projet aura pour but de créer un entraînement qui ne pourra qu'être profitable aux intérêts de la cité ; c'est pourquoi, et en raison de ce qu'il donne satisfaction intellectuellement et matériellement, je vous prie de le prendre en considération»56. Si les inégalités sont, dès la fin du siècle, fréquemment évoquées pour justifier l'intervention57, ce n'est qu'à partir des années 1920 qu'elles sont présentées comme sa motivation principale. Les pouvoirs publics viennent alors en aide aux formations syndicales qui, par l'intermédiaire de la Bourse du Travail, proposent, en plus des cours dispensés dans le cadre des «Universités Populaires», des pièces de théâtre aux ouvriers. 11 Cette «oeuvre moralisatrice», le «Théâtre du Peuple», fonctionne depuis le 6 septembre 1919. La proposition de subvention est présentée au conseil municipal par A. Février, employé des postes socialiste devenu député. «Dans le domaine artistique le peuple est véritablement prolétaire au sens étymologique du mot. Un mur infranchissable le sépare des spectacles d'art. Il n'a -en raison de ses ressources et hélas! de ses habitudes- pour satisfaire son esprit que les spectacles hilarants et stupides des cafés-concerts ou les films amoraux de la plupart des cinémas. La Bourse du Travail de Lyon, s'inspirant de l'essai fort bien réussi d'Albert Doyen58, à Paris, a tenté avec succès de faire du théâtre populaire pour les grands et pour les petits. [] Est-ce à dire, Messieurs, que c'est là le terme de notre pensée sur l'Art et le peuple? Elle serait trop modeste et bien méprisable. Nous songeons -non pas en rêveurs, mais en hommes qui, demain, auront à résoudre les plus redoutables problèmes- à l'accession complète des classes laborieuses aux sensations artistiques. L'Art n'est pas une propriété. Il est le domaine commun de tous ceux qui sentent les belles choses et qui en comprennent l'expression. Le peuple n'est pas insensible aux belles chose s. Son goût naturel s'étiole et disparaît parce qu'on ne fait presque rien pour le développer»59. La référence démocratique utilisée à propos des «Beaux-Arts» est bien loin de n'être qu'un argument circonstanciel. Le seul fait qu'elle soit encore dominante aujourd'hui suffirait à le prouver ; mieux vaut cependant s'attacher à décrire ses conséquences directes que confondre sa portée historique avec son importance contemporaine. L'usage de justifications démocratiques apportées à l'intervention publique pour «la culture» produit principalement deux effets. Il permet tout d'abord de parvenir à un accord sur la légitimité de l'intervention60. On a montré combien les voies menant à un tel accord furent indirectes ; c'est par la stigmatisation des «plaisirs bourgeois» et la défense corrélative de la «cause ouvrière» que les représentants des «classes populaires» ont entraîné l'application aux arts de l'argument démocratique, et donc, de manière paradoxale, l'affaiblissement relatif des controverses «classistes». Ainsi, les schèmes discursifs trouvent moins leurs origines dans des facteurs externes au champ politique (réponse à une «demande sociale» ou recherche de la solution à un «problème» clairement identifié) que dans ce qui produit sa structure61 et dans la dynamique propre au discours. Où l'on voit que le discours politique n'est pas le simple reflet d'un ordre préexistant mais qu'il est aussi un lieu de production : c'est le second effet de cet «événement discursif» que constitue le recours à l'argument démocratique. Comme le montre Michel Foucault62, ce sont les pratiques discursives qui permettent l'émergence d'un objet ; à travers ces débats, et notamment avec l'affirmation d'une nécessaire «démocratisation», se profile bien la formation d'un nouvel objet : la «politique culturelle». le ation voir Paul BACOT, «"L'affaire Claude Bernard". De quelques hommages publics à une illustration scientifique et de leur politisation», in La nécessité de Claude Bernard, dir. J. Michel, Paris, Méridiens-Klinsieck, 1991 p 199-228. 2 Les procès verbaux des séances concernant les questions «artistiques» et plus tard «culturelles» ont été entièrement dépouillés de 1884 à 1990. Le point de départ choisi correspond à la fois à la loi municipale du 5 avril fixant les prérogatives du maire et au retour de la «souveraineté» de la municipalité lyonnaise : les élections qui se déroulent cette année vont permettre de désigner un maire de plein exercice, alors que la ville était placée depuis 1873 sous l'autorité du préfet, la mairie centrale n'étant rétablie que le 10 février 1881. On s'en tiendra ici à la période 1884-1930. 3 Comme le notent Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, «le discours renseigne [] sur l'image que les équipes municipales ont de la culture mais aussi sur l'idée qu'ils se font de leur rôle dans ce domaine.» JeanPierre RIOUX et Jean - François SIRINELLI , " Pour une histoire globale des politiques culturelles municipales", Cahiers de l'I.H.T . P . , "Les politiques culturelles municipales : éléments pour une approche historique", n° 16, septembre , 1990 , p 7. 4 Sur les différentes défini tions de la représent ation, voir Luc BOLTANSKI, Les cadres, Paris, Editions de Minuit, 1983 p 57- 58. L'auteur distingue principalement les trois sens suivants : mise en scène (représentation dramaturgique), représentation politique et représentations mentales. A ce propos , cf. également Alain DESROSIERES et Laurent THEVENOT, Les c atégories socio-professionnelles , Paris, Editions La Découverte, 1988, p 33 et suivant es. 5 Si l'on a choisi le cadre municipal, c'est moins d'un objet local que d'une analyse localisée qu'il s'agit, «le local» étant conçu comme «un horizon en pratique de l'activité politique», pour reprendre l'expression de Jacques LAGROYE, «De l'objet "local" à l'horizon local des pratiques», Communication au colloque de l'Association Française de Science Politique, Le local dans les sciences sociales, Paris, 30-31 mai 1991. 6 Pierre BOURDIEU, «La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique», Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no36-37, février-mars 1981 p 3-24. 7 Séance du 22 avril 1892. A titre de comparaison, 115 concernent l'enseignement, les dossiers les plus nombreux étant ceux qui concernent la voirie urbaine : 559 dossiers déposés. 8 La dépêche, 7 février 1914. 9 L'alternative entre isation et représentation des électeurs n'est certes pas spécifique au traitement des questions artistiques ; ce qui l'est plus, on le verra, c'est la force avec laquelle s'impose son second terme. Sur des terrains différents , voir par exemple BARBET Denis, "Retour sur la loi de 1884. La production des frontières du syndical et du politique", Genèses, no3, mars, 1991, p 5-30, et pour la période actuelle, COLLOVALD A. et GAITI B., "Discours sous surveillances : le social à l'assemblée", Paris, in Le social transfiguré, dir. D. Gaxie, PUF, 1990, p 9-54. 10 M. Regaud, séance du 12 décembre 1910, discussion budgétaire. 11 Sur ce point, voir Edmond GOBLOT, La barrière et le niveau, étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, Félix Alcan, Paris, 1925, notamment p 129-151, «L'éducation esthétique». 12 M. Biennier, séance du 25 mars 1918, discussion à propos des bibliothèques d'arrondissement. L'allocution du maire, Edouard Herriot, à l'occasion de son décès (séance du 26 octobre 1936) salue en lui un élu «volontiers silencieux, réfléchi, prudent», un «ouvrier qui avait tenu à ne pas sortir de sa condition». 13 Séance du 29 mai 1894, pétition des riverains de la place Bellecour. 14 Victor Augagneur, séance du 5 juin 1891, pétition de riverains de la place des Célestins. 15 M. Gourju, séance du 30 octobre 1911. 16 Les années 1920 constituent à cet égard un tournant. Les élections municipales de 1919 consacrent à la fois l'importance des socialistes, qui constituent près de la moitié du conseil (27 contre 15 radicaux et 15 réactionnaires), et la montée en puissance des salariés, qui forment le tiers de l'assemblée locale alors qu'ils étaient toujours restés en deça de 20%. Source : Claudette GOYET, Robert MARTIN et Gérard SOULIER : "Les conseillers municipaux de Lyon 1884-1953", dir. Madeleine Grawitz, Annales de l'Université de Lyon, 1958, 31 p. On sait que la «lutte des classes culturelle» culmine au début des années 1930, avec la création en mars 1932 de l'Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires qui prend pour mot d'ordre «Contre la culture bourgeoise, pour la culture prolétarienne et révolutionnaire», ou encore la publication de Pour une nouvelle culture par Nizan. Pour une analyse de ce débat au niveau du champ littéraire, on peut se reporter à l'article de Jean-Michel PERU, «Une crise du champ littéraire français. Le débat sur la "littératire prolétarienne" (1925-1935)», Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no 89, septembre 1991, p 47-65. 17 Séance du 9 février 1920, échange entre M. Calzan et E. Herriot. 18 Séances des 29 janvier et 5 mars 1923. Vincent DUB Il arrive cependant que les préoccupations «démocratiques» l'emportent, ou en tout cas qu'elles soient utilisées pour justifier la décision. A propos de la suppression de concerts en plein air, le maire, Edouard Herriot explique ainsi : «On assistait chaque soir à ce spectacle peu démocratique d'une foule de personnes obligées de se tenir derrière les barrières, de mères haussant leurs enfants par dessus l'enceinte pour essayer de participer au plaisir réservé à quelques privilégiés». Séance du 4 février 1907. Sé ance du 12 décembre 1905, T ixi er, comptable socialiste Au cours de la même séance, Rognon, sculpteur socialiste se déclare «désireux que la somme précédemment attribuée au théâtre soit employée à faire avancer d'un pas certaines questions sociales. Si je suis partisan de subventionner les institutions qui développent l'art dans les masses populaires, je suis partisan aussi de doter largement les oeuvres d'assistance publique». 22 Séance du 30 octobre 1911, à propos de la création d'un cours d'histoire de la musique au conservatoire. Richerand, cordonnier socialiste. 23 On retrouve ici les «homologies» du champ politique et de l'espace social qui déterminent les «prises de position» et définissent «un s ystème d'écarts». «C'est la structure du champ politique, note P. Bourdieu, qui, subjectivement indissociable de la relation directe -et toujours proclamée- aux mandants, détermine les prises de position, par l'intermédiaire des contraintes et des intérêts associés à une position déterminée dans ce champ». Pierre BOURDIEU, «La représentation politique», op. cit. p 9. 24 Séance du 30 octobre 1911. 25 Une grande partie des débats qui nous intéressent est ainsi constituée par la question du cahier des charges du Grand-Théâtre (actuel Opéra). Acheté par la ville en 1825, il est inauguré le premier juillet 1831 après d'importants travaux. Pour une histoire de cette institution, voir Trois siècles d'Opéra à Lyon, Bibliothèque de la Ville de Lyon, 1982, 213 p. 26 M. Rivière, séance du 12 décembre 1905. 27 M. Re nard, séance du 12 décembre 1905. 28 Caractéristique de ce retournement, le rapport de la commission des théâtres du 28 février 1927 mérite d'être cité. «C'est sans enthousiasme que je rapporte l'irritante question du Grand-Théâtre» commence le conseiller. «Au moment où une crise économique inquiétante sé , le théâtre apparaît à beaucoup comme un luxe coûteux et inutile, inaccessible aux travailleurs». Il cite pourtant l'écrivain Octave Mirbeau, et c'est dans «une de ses pièces sociales les plus vivantes et les plus fortes» qu'il va chercher son argumentaire : «Car si pauvre soit-il, un homme ne vit pas que de pain ; il a droit comme le riche à la Beauté». Il faut donc subventionner le théâtre, ce qui garantit le «maintien des petites places à un prix modique en permettant l'accès aux travailleurs les moins fortunés». Faisant feu de tout bois, il n'oublie pas le rôle moralisateur du théâtre : «Il n'y a pas de spectacle plus sain». Affirmant la nécessité d'«ouvrir largement les portes au peuple par la démocratisation des entrées», il termine sur un ton de lyrisme républicain contrastant avec le faible entrain du début : «Le peuple a non seulement droit à la Beauté, mais il doit pouvoir en goûter les bienfaits. C'est nous qui avons la charge d'administrer toutes les institutions de la cité, y comprises les institutions artistiques. Nous devons lui en faciliter l'accès et oeuvrer pour développer son éducation». 29 Séance du 2 mars 1886. 30 Ce souci est particulièrement manifesté lors des achats d'oeuvres d'art aux salons. Voir par exemple les discussions de 1886 et 1887 à ce propos. 31 Comme l'organisation de cette exposition de peintres et de sculpteurs en 1904, à propos de laquelle le maire affirme : «nous ferons un acte de décentralisation et nous montrerons le génie artistique particulier à notre cité, génie qui, surtout depuis le XIX° siècle, s'est affirmé avec des caractères et une continuité indéniables». Séance du 9 août 1904. 32 On sait que dans d'autres villes, ce thème est au contraire très présent, principalement pendant l'entre-deux guerres, comme le montrent Philippe Poirrier à Dijon et Loïc Vadelorge à Rouen. POIRRIER Philippe, "Politique culturelle et municipalité : un discours explicite? L'exemple de Dijon, 1919-1989", Cahiers de l'I.H.T.P., "Les politiques culturelles municipales : éléments pour une approche historique", n° 16, septembre, 1990, p 11-40, VADELORGE Loïc, "Conditions et limites de définition d'une politique culturelle : l'exemple Rouennais (1919-1940)", ibid. p 41-66. 33 Sur la construction historique d'une identité lyonnaise, voir Pierre-Yves SAUNIER, Lyon au XIXo siècle : les espaces d'une cité, thèse de doctorat en histoire, Université Lumière-Lyon II, 1992. Il est possible, d'autre part, que le «localisme» municipal trouve son application sur d'autres objets d'intervention que les Beaux-Arts. 34 Séance du 22 avril 1892. 35 Séance du 23 février 1894. 36 Séance du 17 janvier 1888. 37 Le phénomène est suffisamment important pour donner lieu en 1885 à un ouvrage portant ce titre, puis à un autre en 1928. Jean DUBOIS, La crise théâtrale, Paris, 1885 ; Lucien DUBECH, La crise du théâtre, Paris, Librairie de France, 1928, 214 p. 14 38 Ainsi, il n'est pas étonnant que jusqu'en 1897 les Beaux-Arts soient systématiquement rattachés à la «police des établissements publics» au sein de l'administration municipale (1o bureau). De la même manière, l'adjoint chargé des Beaux-Arts a souvent compétence en matière de police. En 1886, M. Bouffier, 1° adjoint a la charge des «Affaires générales de la ville, Beaux-Arts, Théâtres, Etablissements publics, Affaires diverses». Le détail de ses attributions semble à première vue ressortir plus du principe freudien de l'association libre que d'une organisation administrative rationnelle : «Grand-Théâtre et Célestins. Personnel et matériel, décors, costumes, partitions, représentations, bibliothèque. Entretien et acquisition de tout ce que comporte le matériel théâtral. Subventions. Traités pour exploitation, exécution du cahier des charges. Exploitation en général. Marchands de contremarques. Théâtres divers. Concerts. Danses publiques. Bals de sociétés. Police des établissements publics. Cafés. Débits de boissons. Hôtels. Logeurs. Restaurants. Eglises. Recherches dans l'intérêt des familles. Vogues. Installations sur la voie publique de saltimbanques, cirques, ménageries, jeux, chars tournants, tirs, etc. Installation des petits théâtres et théâtres de guignol. Passeports à l'intérieur. Syndicats professionnels. Marchands ambulants. Ventes sur la voie publique. Bureaux de placement de domestiques». En 1889, toujours comme premier adjoint, il est entre autres chargé des élections, de la police municipale, des affaires diverses et des Beaux-Arts. Il a également la charge des Bibliothèques, qui sont alors distinguées des Beaux-Arts. 39 M. Combet, sé ance du 29 janvier 1886. 40 Séance du 9 mars 1897. 41 Séance du 4 février 1907 . 42 Paul SORIN, Du rôle de l'Etat en matière scénique, thèse de doctorat, Université de Droit de Paris, Paris, Arthur Rousseau, 1902, p 160-161. Edouard Herriot, séance du 12 décembre 1905. 44 Séance du 9 février 1920. Propos d'A. Sallès, cf supra. 45 L'hommage que rend Herriot à son prédécesseur et à son action municipale le jour de son élection est caractéristique de cette tendance. «Pour qui le juge de haut, cette méthode n'était qu'une application de la science à la politique. La politique n'a eu qu'à y gagner». Séance du 3 novembre 1905. 46 Pierre Rosanvallon évoque de manière éclairante le poids de l'hygiénisme dans la redéfinition du rôle des pouvoirs publics. «La question de l'hygiène publique transforme les notions mêmes de privé et de public», écritil, tous les éléments de la vie humaine acquérant potentiellement une dimension publique, légitimant ainsi l'intervention, y compris aux yeux des anti-interventionnistes libéraux. Toutefois, l'hygiénisme «ne renvoie qu'à la formalité et à la fonctionnalité de l'Etat» et ne saurait être confondu avec «l'Etat-providence» qui, selon l'auteur, est lié à l'idée démocratique et au droit. Pierre ROSANVALLON, L'Etat en France, Paris, Seuil, 1990, 370 p, et spécialement 135. 47 Séance du 2 mars 1886, discussions budgétaires, rapport de M. Combet, médecin radical. Les récompenses sont accordées par un jury composé du maire (président), de conseillers municipaux, de notabilités de la presse lyonnaise, d'artistes et d'écrivains. 48 M. Bouffier, premier adjoint opportuniste, ancien adjoint aux Beaux-Arts et à l'assistance. Séance du 29 janvier 1886. 49 Edouard Herriot, séance du 12 décembre 1905. 50 Séance du 1 février 1886. Des réticences «populaires» au financement des Beaux-Arts se font également entendre à la chambre des députés. Ainsi, Gustave Larroumet, académicien et ancien directeur des Beaux-Arts, regrette que les arts aient «un caractère de luxe coûteux» aux yeux de certains parlementaires, et ceci particulièrement depuis le renouvellement de 1885 qui a enregistré une montée des conservateurs, mais aussi de la petite et moyenne bourgeoisie et des catégories populaires et provoqué un rajeunissement du corps parlementaire. «Il faut bien reconnaître, dit-il, que la culture intellectuelle et la largeur d'idée ont perdu quelque chose à cette arrivée d'un personnel nouveau». Un certain nombre de députés «ont eu des comparaisons inattendues entre la sueur du peuple et celle des danseuses, en adjurant leurs collègues de préférer le première». Gustave LARROUMET, L'art et l'Etat en France, Paris, Hachette, 1895, p 317-318. Ainsi, M. Couyba, député radical intervenant fréquemment sur ces questions, s'adresse à la chambre le 5 mars 1902 pour affirmer qu'«il n'est pas juste que le pauvre, déjà si écrasé par toutes les iniquités fiscales et sociales, continue à payer la plus grande joie du riche». 51 Séance du 1 février 1886, Combet, républicain opportuniste. 52 Edouard Herriot, séance du 30 octobre 1911. 53 Séance du 27 août 1896. 54 «A Lille, la municipalité socialiste, en place à partir de 1896, finança non seulement le théâtre communal mais aussi 400 places gratuites pour chaque représentation programmée, qui furent offertes aux ouvriers salariés et à leurs familles» indique P. DOGLIANI, Un laboratoire du socialisme municipal : France 1880-1920, thèse, 1991 page 150. 55 Séance du 10 février 1898. 15 56 Séance du 3 octobre 1905, M. Rognon.
48,002
19/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01132382-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,301
16,028
Ces tests s'intéressent à différents aspects de la perturbation endocrinienne, de la liaison d'un PE aux récepteurs stéroïdiens à la prolifération sous - 52 - contrôle oestrogénique en passant par la synthèse d'hormone. Il existe un test biochimique in vitro, sans cellules et donc peu coûteux, qui permet d'évaluer l'affinité d'une molécule pour un récepteur (de Jong et al. 2005). Ce test évalue la liaison d'une molécule aux récepteurs stéroïdiens ER et AR (Ohno et al. 2002). Les récepteurs peuvent être naturels, obtenus à partir d'extraits cellulaires, ou recombinants, obtenus à partir de bactéries (Helbo et al. 1994; Scippo et al. 2002; Scippo et al. 2004a). Le test de liaison ou « Binding Assay » a permis de montrer que de nombreux xénobiotiques ont la capacité de se fixer à ER et AR (Akahori et al. 2008). Il permet de mesurer une affinité relative d'une molécule étudiée par rapport à un ligand naturel, par exemple le 17-β oestradiol pour ER, mais pas de différencier un potentiel effet agoniste ou antagoniste. De plus, ces tests permettent d'étudier des effets PE sur les récepteurs ERα principalement mais pas sur les récepteurs ERβ, qui sont pourtant la cible d'extraits végétaux pouvant avoir un effet PE. Afin d'étudier plus en détail les effets d'une substance, un test basé sur l'utilisation d'un gène rapporteur est également couramment utilisé. Il utilise des lignées cellulaires génétiquement modifiées exprimant un gène rapporteur, généralement la luciférase, sous le contrôle d'un élément de réponse au complexe ligand-récepteur (Figure 7). Lorsque le récepteur est activé par la liaison du ligand, il se fixe sur l'élément de réponse et induit l'expression de la luciférase. L'expression de ce rapporteur est ensuite évaluée par la mesure de la luminescence de la luciférase dans les extraits cellulaires totaux après ajout de substrats adéquats. Les molécules à effet agonistes augmentent le signal détecté tandis que les molécules antagonistes le diminuent. Cette technique permet de mettre en évidence un effet oestrogénique ou anti-oestrogénique mais aussi androgénique ou anti-androgénique selon le récepteur aux stéroïdes utilisé et l'élément de réponse. Il évalue également d'éventuels effets synergiques d'un mélange de substances en comparant l'activité du mélange à celle de chaque composant pris séparément (Scippo and Maghuin-Rogister 2007). Ce test est largement utilisé à l'heure actuelle pour étudier les hormones stéroïdes et les dioxines entre autres (Scippo et al. 2004b; Scippo et al. 2006; Willemsen et al. - 53 - Figure 7. Schéma représentant le principe de la technique du gène rapporteur (Paguio et al. 2010). Le test Yeast Estrogen Screen, ou test YES, est également un test largement utilisé pour déterminer les effets oestrogéniques ou anti-oestrogéniques de molécules. Le principe de ce test est basé sur la technique du gène rapporteur, tout comme le test précédent. Cependant, le modèle est différent car le test fait intervenir un autre modèle biologique : la levure Saccharomyces cerevisiae. Dans ce cas, la levure est génétiquement modifiée pour exprimer le récepteur humain aux oestrogènes et est transfectée par un plasmide contenant le gène codant pour LacZ sous le contrôle d'un promoteur et de l'élément de réponse aux oestrogènes ERE. Selon un mécanisme similaire au test précédent, la fixation d'une molécule à effet oestrogénique sur l'ER humain exprimé par la levure entraîne la transcription du gène rapporteur LacZ qui code la β-galactosidase (Figure 8). Cette protéine est une enzyme catalysant une réaction colorimétrique après ajout de substrat adéquat dont le changement de couleur peut être mesuré et est dépendant de l'activité oestrogénique de la molécule testée. Ce test permet donc de mettre en évidence aussi bien des effets oestrogéniques qu'anti-oestrogéniques et est utilisé pour tester les effets PE de diverses substances ou mélanges : parabènes, bisphénol A, genistéine, phtalates (Bazin et al. 2013; Dhooge et al. 2006; Ramireza et al. 2014). De plus, le même principe de test est utilisé afin de mettre en - 54 - évidence les propriétés androgéniques ou anti-androgéniques de substances par le test Yeast Androgen Screen YAS dans lequel la levure exprime l'AR humain (Fang et al. 2012; Ma et . 2014). Figure 8. Schéma représentant le principe du test YES (Bazin et al. 2013). Un autre type de test utilisé pour détecter un effet oestrogénique ou anti-oestrogénique est le test E-screen. Ce test est basé sur la capacité de prolifération des cellules MCF-7, une lignée de cellules de cancer du sein qui possède la propriété de proliférer sous l'action d'oestrogènes naturels (Soto et al. 1992; Villalobos et al. 1995). Lorsque les cellules sont incubées avec un PE ayant un effet oestrogénique tel que le bisphénol A ou le diethylstilbestrol, les cellules de la lignée MCF-7 tendent à proliférer plus qu'en absence de PE (Folmar et al. 2002; Schafer et al. 1999). L'étape finale de la biosynthèse des oestrogènes fait interven ir le cytochrome P450 aromatase, cod é par le gène C YP 19, pour convertir de man ière irréversible les androgènes en oestro gènes. Il s'agit de l' enzym e qui a reçu le plus d'attention quant à sa modulation par les polluants environnementaux (Chen 2002). La modulation de l'expression et de la fonction de l'aromatase peut donc avoir des effets importants sur la reproduction, notamment en induisant des ovaires kystiques, un hypogonadisme ou une anomalie des spermatozoïdes voire une infertilité (Carani et al. 2002; Carani et al. 2005; Jones et al. 2007; O'Donnell et al. 2001; Simpson et al. 2002). Certains PE tels que les phytoestrogènes ou les fongicides peuvent affecter l'expression ou l'activité de l'aromatase (Edmunds et al. 2005; Quignot et al. 2012). Un test a donc été développé afin de détecter une interférence des PE avec l'activité de l'aromatase. Il s'agit d'utiliser des microsomes contenant l'aromatase recombinante humaine et le cytochrome P450 réductase. Ce test sure la conversion des androgènes en oestrogènes dans les microsomes. Un substrat radioactif (3H- androstenedione) et du NADPH sont ajoutés aux microsomes. De l'eau tritiée 3H 2 O est relarguée lors de la conversion de l'androstenedione en oestrone et est directement reliée à l'activité de l'aromatase (UnitedStatesEnvironmentalProtectionAgency 2009). Du fait des contraintes liées à l'obtention d'autorisation nécessaires pour la manipulation de la radioactivité, ce test ne peut pas être réalisé par tous les laboratoires. Il existe un autre test permettant d'évaluer la stéroïdogenèse. Ce test utilise la lignée cellulaire humaine rénale H295 qui exprime toutes les enzymes clés de la stéroïdogenèse et consiste en le dosage des hormones stéroïdes, oestradiol et testostérone (Gracia et al. 2006; Hecker et al. 2006; Hecker and Giesy 2008). Les tests décrits ci-dessus sont utilisés dans les différents programmes de recherche dont le programme de recherche sur les PE Endocrine Disruptor Screening Program de l'US EPA. Ils servent actuellement à l'évaluation des substances présentes sur la liste TIER 1 de ce projet. Parmi ce panel de tests in vitro, il est à noter que les plus couramment utilisés s'intéressent à la liaison d'une substance sur un récepteur ou à son activité oestrogénique ou androgénique mais peu de tests sont réalisés sur la sécrétion hormonale, qui est pourtant une étape importante dans les mécanismes de perturbation endocrinienne. Il parait donc important de compléter cet ensemble de tests d'évaluation du caractère PE de substances - 56 - par le développement de tests complémentaires in vitro sur cellules permettant le dosage des hormones non stéroïdiennes dans le milieu extracellulaire. 1.1.3. Modèles d'étude du placenta humain Le placenta discoïde, hémochorial et décidual, est spécifique de l'espèce humaine, des singes et des rongeurs (Leiser and Kaufmann 1994). Cependant, le placenta humain possède d'autres caractéristiques communes avec celui des singes mais différentes de celui des rongeurs et plus particulièrement du modèle murin tant du point de vue structural que fonctionnel. Parmi les différences notables, le placenta murin est hémotrichorial, c'est-à-dire que la circulation maternelle et la circulation foetale sont séparées par deux couches de syncytium et une couche de cytotrophoblastes tandis que le placenta humain est hémomonochorial, c'est-à-dire qu'à terme les deux circulations sont séparées par une couche unique de syncytium (Rossant and Cross 2001). De plus, le placenta des rongeurs possède un seul cotylédon, la structure regroupant les villosités, alors que le placenta humain est multicotylédonnaire, et la surface d'échange entre les circulations maternelle et foetale est beaucoup plus développée chez l'homme que chez le rongeur grâce à des villosités plus arborisées et la présence de microvillosités à la surface des cellules du syncytium. Le rongeur n'est donc pas un bon modèle d'étude du placenta humain ; quant au singe, son utilisation en laboratoire est très réglementée et restreinte pour des raisons éthiques et économiques. Le placenta humain est un organe difficile à obtenir pour réaliser des études expérimentales pour d'évidentes raisons éthiques. C'est pourquoi des modèles in vitro ont été mis au point. 1.1.3.1. Culture d'explants villositaires La culture d'explants consiste à obtenir des fragments de 1 à 2 mm3 à partir d'une villosité choriale. - 1.1.3.3. Les lignées cellulaires trophoblastiques De nombreuses études ont été réalisées sur des lignées cellulaires trophoblastiques Elles représentent une approche plus facile d'accès pour mener des études de biologie cellulaire, fonctionnelle et d'endocrinologie. 1.1.3.3.1. Les lignées cellulaires tumorales Les choriocarcinomes sont des tumeurs malignes d'origine trophoblastique comme nous l'avons vu précédemment dans le chapitre sur l'hyperplasie trophoblastique des villosités. Des lignées issues de choriocarcinomes ont été établies. Elles possèdent les caractéristiques de cellules trophoblastiques mais également une capacité proliférative accrue et sont couramment utilisées comme modèle d'étude des trophoblastes pour leur capacité endocrine. Différentes lignées ont été mises au point à partir des choriocarcinomes: les BeWo, les JEG-3 et les JAR. Ces trois lignées aneuploïdes ont gardé certaines propriétés des cellules trophoblastiques, notamment la sécrétion d'hCG, d'hPL ou de progestérone. La lignée BeWo est la première lignée trophoblastique ayant été isolée (Pattillo and Gey 1968). Elle possède le même profil ADN que la lignée JEG-3 qui en est un clone particulier ; toutes deux sont des cellules mononucléées. La lignée BeWo est couramment utilisée afin d'étudier les mécanismes de fusion cellulaire, de par sa capacité à fusionner en présence d'AMP cyclique ou de forskoline, à l'inverse des cellules de la lignée JEG-3 qui ne fusionnent pas (Wice et al. 1990). Les JAR quant à elles ont été obtenues par mise en culture directe de cellules obtenues à partir d'une biopsie de choriocarcinome (Pattillo et al. 1971). Ces trois lignées sont également largement utilisées pour étudier l'invasion cellulaire. Même s'ils sont des modèles faciles d'accès, les choriocarcinomes ne permettent pas une approche satisfaisante des fonctions physiologiques spécifiques à chaque population de cytotrophoblastes mais pourraient être de bons modèles d'étude en ce qui concerne l'approche toxicologique. 1.1.3.3.2. Les lignées cellulaires immortalisées Certaines lignées cellulaires proviennent de la transformation spontanée des cellules au cours de la culture, telles que la lignée HTR-8 (Irving et al. 1995). Cependant, dans de très - 59 - nombreux cas, ces lignées résultent de la transfection de gènes immortalisants grand T et petit t du virus simien SV40. C'est notamment le cas des lignées HIPEC65 (Pavan et al. 2003), HTR-8/SVneo, RSVT2, RSVT2/C (Graham et al. 1993; Khoo et al. 1998), SGHPL-4, SGHPL-5 (Choy and Manyonda 1998), SPA-26 (Logan et al. 1992), Swan 71 (Aplin et al. 2006), TCL-1 (Wice et al. 1990) et TEV-1 (HC Feng et al. 2005). - 1.2. MICROPOLLUANTS 1.2.1. Le phtalate de bis(2-éthylhexyle), polluant de synthèse 1.2.1.1. Définition et exemples d'utilisation Les phtalates, ou acides phtaliques, sont utilisés comme plastifiants dans l'industrie, et plus particulièrement avec le PVC afin d'en améliorer la souplesse. Le phtalate le plus couramment utilisé, de par son fort pouvoir assouplissant et son faible coup, est le phtalate de bis(2-éthylhexyle) ou DEHP (Figure 9). Figure 9. Formule chimique du DEHP Le DEHP a une large gamme d'utilisations. Il est retrouvé entre autres dans les produits cosmétiques, aérosols (parfums), colles, peintures, vernis, barquettes alimentaires, gants en plastiques, mais également dans les dispositifs médicaux où il entre pour plus de 50% dans la composition des plastiques à usage médical. Il est utilisé pour ses propriétés plastifiantes ; il est combiné par voie thermique au PVC pour former le PVC plastifié. Au sein du PVC, le DEHP est faiblement lié à la matrice, ce qui confère une structure souple. N'ayant pas de liaison covalente, le DEHP peut facilement migrer hors du PVC, d'autant plus dans les produits à forte affinité, comme les aliments gras ou le sang. 61 - 1.2.1.2. Voies d'exposition La principale voie d'exposition au DEHP est la voie digestive, par l'ingestion d'aliments ayant été au contact avec des emballages contenant le DEHP (Anderson et al. 2001; Fromme et al. 2007). En effet, celui-ci étant faiblement lié à ses polymères de la matrice, il peut migrer du contenant au contenu, notamment si le contenu est gras, comme c'est le cas par exemple des aliments gras tels que le fromage ou la viande ou en cas de chauffe de l'emballage. De plus, les jeunes enfants sont plus particulièrement vulnérables en comparaison aux adultes. Leur exposition moyenne est estimée de 3 à 5 fois supérieure à celle des adultes (INSERM 2011), du fait de leur réflexe à porter à la bouche les jouets et objets mais également car ils ingèrent une plus grande quantité de nourriture rapportée à leur poids comparativement à un adulte. Le DEHP étant présent dans les produits cosmétiques, une seconde voie d'exposition au DEHP est la voie cutanée. Une voie importante à prendre en compte est la voie intraveineuse, qui concerne une certaine catégorie de population. En effet, les dispositifs médicaux en PVC souple tels que les lignes et poches de perfusion, drains, voies d'abord veineuses ou artérielle et cathéters, contiennent du DEHP qui peut se détacher de la matrice et migrer dans le sang. Les personnes à risque face à cette voie d'exposition sont entre autres les déficients rénaux ayant régulièrement recours à la dialyse et les personnes subissant une hospitalisation longue durant laquelle l'organisme est en contact avec des poches de sang ou des sondes intraveineuses. - 63 - Figure 10. Métabolisation simplifiée du DEHP 1.2.1.4. Effets connus 1.2.1.4.1. Effets physiologiques recensés Divers effets du DEHP et de ces métabolites ont étés mis en évidence chez l'animal mais aussi chez l'Homme. Les études ont tout d'abord démontré des effets chez le rat après des doses répétées de phtalate. Elles ont montré une néphrotoxicité, cardiotoxicité, hépatotoxicité (prolifération des péroxysomes, apparition de tumeurs hépatiques) mais également des altérations du système reproducteur mâle(baisse de la fertilité, atrophies testiculaires, poids foetaux réduits, mortalité foetale, malformations) (INRS 2004) ainsi qu'une baisse de la fertilité chez le mâle et la femelle et des effets anti-androgéniques (ouverture vaginale, séparation du prépuce, non régression des mamelons, hypospadias, diminution de la sécrétion de testostérone par les cellules de Leydig) (Akingbemi et al. 2001; INRS 2010). Des études réalisées chez l'Homme ou sur des modèles humains ont ensuite permis de mettre en évidence que le DEHP et ses métabolites ont également des effets adverses chez - 64 - l'Homme. Notamment, Lambrot a par exemple montré que le DEHP induit la disparition de 40% des cellules germinales foetales sur un modèle de développement de testicule in vitro (Lambrot et al. 2009). De plus, une exposition in utero au DEHP est associée à une distance ano-génitale diminuée, une taille de pénis réduite et une descente des testicules incomplète chez des petits garçons examinés à 1 an mais également à un risque de naissance prématurée (Ferguson et al. 2014b; Swan 2008). Ces données sur les effets adverses induits par le DEHP et ses métabolites principalement sur reproduction ont permis de conclure à l'effet PE exercé par le DEHP. Plus précisément, l'effet de perturbation endocrinienne induit par le DEHP a été montré comme étant anti-androgénique. En effet, Stroheker et al. ont montré en 2005 sur une lignée cellulaire transfectée avec le gène rapporteur de la luciférase que le MEHP exerce un effet anti-oestrogénique (Stroheker et al. 2005). L'utilisation de rats exposés in utero au DEHP a mis en évidence que leur taux de testostérone était diminué mais que l'apport exogène de testostérone chez ces rats permettait de rétablir le taux d'hormone lutéïnisante qui était jusqu'alors déficient et par conséquent de conclure à l'effet anti-androgénique du DEHP (Carbone et al. 2013). 1.2.1.4.2. Altérations cellulaires et moléculaires 1.2.1.4.2.1. 65 - 1.2.1.4.2.2. Interactions avec PPARγ Des études ont montré un lien entre le DEHP et le Peroxisome Proliferator Activated Receptor gamma, PPARγ. Les PPARs appartiennent à la superfamille des récepteurs nucléaires aux hormones qui inclut les récepteurs des rétinoïdes (RAR), des hormones stéroïdiennes (ER, AR) ou des hormones thyroïdiennes (THR) entre autres mais aussi des récepteurs orphelins tels que COUP-TF ou HNF-4 (Laudet et al. 1992). Les PPARs tirent leur nom de leur capacité à induire la prolifération des péroxysomes après activation (Issemann and Green 1990). Cependant, d'autres études ont depuis montré qu'ils contrôlent l'expression de gènes impliqués dans le métabolisme lipidique et l'homéostasie glucidique mais ils interviennent aussi dans l'invasion trophoblastique (Fournier et al. 2002) et de nombreux processus cellulaires tels que l'apoptose, la prolifération ou l'inflammation. Trois types de récepteurs nucléaires PPARs codés par trois gènes différents existent : PPARα (NR1C1), PPARβ ou δ (NR1C2) et PPARγ (NR1C3). Ils sont respectivement localisés sur les chromosomes 22, 6 et 3 chez l'Homme (Greene et al. 1995; Sher et al. 1993; Yoshikawa et al. 1996). Le récepteur PPARγ possède différents domaines, tout comme les récepteurs nucléaires en général : • Une région A/B activatrice indépendante du ligand qui est le site de phosphorylations régulant l'activité du récepteur • La région C de fixation à l'ADN, responsable de la reconnaissance avec la séquence nucléotidique cible située dans les promoteurs de gènes cible : le PPAR Response Element PPRE • La région charnière D de localisation nuclé et d'interaction avec les co-facteurs • La région E/F de liaison avec le ligand, qui contient une large poche hydrophobe pouvant accueillir de nombreux ligands lipophiles (Figure 11). - 66 - Figure 11. Structure générale du récepteur PPARγ (Fournier et al. 2007). Parmi les ligands de PPARγ, on retrouve de petites molécules lipophiles comme les acides gras à chaîne moyenne et longue et les eïcosanoïdes, tels que l'acide arachidonique ou la 15-deoxy-Δ12,14-prostagandine J 2 mais aussi des ligands synthétiques telles la rosiglitazone ou la troglitazone (Figure 12). Après activation par un ligand, PPARγ se lie au PPRE sous forme d'hétérodimère avec le récepteur à l'acide rétinoïque 9-cis, RXR, son partenaire exclusif pour moduler l'expression de gènes cible. Figure 12.Ligands naturels, agonistes synthétiques et antagonistes de PPARγ (Fournier et al. 2007). - 67 - Il a été montré que, chez le rat, l'exposition de testicules à du DEHP induit une augmentation de l'expression de la protéine PPARγ (Bhattacharya et al. 2005; Ryu et al. 2007), de même que l'exposition de cellules de la granulosa (Ernst et al. 2014). De plus, le MEHP est un ligand exogène de PPARγ comme l'ont démontré Hurst et Waxman dans des tests de liaison au récepteur et des tests de gène rapporteur (Hurst and Waxman 2003; Maloney and Waxman 1999). Il a également été montré que le MEHP active directement ce récepteur afin de promouvoir l'adipogenèse (Feige et al. 2007) ou d'inhiber la prolifération et induire l'apoptose selon le modèle cellulaire (Schlezinger et al. 2004). Ainsi, il semblerait que PPARγ joue un rôle important dans la médiation des effets du DEHP. 1.2.1.5. Réglementation concernant l'utilisation du DEHP Le DEHP est depuis quelques années classé reprotoxique de catégorie 2, c'est-à-dire « Substance suspectée d'être toxique pour la reproduction humaine » et PE de catégorie 1 ou PE avéré. Ses effets seraient principalement dus à son principal métabolite, le mono-(2ethylhexyl) phtalate (MEHP) (Tomita et al. 1982; Tomita et al. 1986). L'exposition humaine aux phtalates est importante et croît régulièrement du fait de la très large utilisation de ces composés. L'exposition réelle étant difficile à évaluer de par la diversité des sources et voies d'exposition aux phtalates, des normes et directives sont régulièrement mises en place et mises à jour afin de limiter l'exposition des populations. La principale voie d'exposition au DEHP pour la population générale étant la voie orale suite à un contact avec des aliments gras, directive 2007/19/CE a interdit son usage pour les plastiques en contact avec ce type d'aliments et impose des limites de migration spécifiques dans toutes les autres applications alimentaires. En ce qui concerne l'exposition cutanée par les cosmétiques, elle est réglementée par le règlement 1223/2009 du Parlement Européen qui interdit depuis 2010 l'utilisation dans les produits cosmétiques de substances classées cancérogènes et/ou mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1 ou 2, parmi lesquelles le DEHP. Toutefois, ce règlement prévoit l'autorisation de l'emploi des substances classées CMR de catégorie 2 lorsque, au vu de l'exposition et de la concentration, elles sont considérées comme sûres - 68 - pour une utilisation dans les produits cosmétiques par le Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs. 1.2.2. Le benzo(a)pyrène, polluant naturel 1.2.2.1. Origine Le benzo[a]pyrène(BaP) appartient à la famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques. Il est composé de cinq cycles aromatiques (figure 13). Le BaP est omniprésent dans l'environnement puisqu' il provient de la combustion incomplète de différentes sources organiques, naturelles ou anthropiques. Les feux de forêt, la combustion du charbon ou du pétrole font partie des sources naturelles (Council 1983). Les activités de l'Homme notamment les émissions automobiles, incinérations, chauffage domestique, fumée de tabac, mode de cuisson des aliments (Phillips 1999), conduisent à la combustion des sources anthropiques. - 69 - Figure 13. Formule chimique du BaP 1.2.2.2. Voies d'exposition La principale voie d'exposition au BaP est la voie respiratoire, du fait du tabagisme et de la pollution atmosphérique. Son absorption est rapide mais dépend de la forme sous laquelle le BaP est inhalé et plus particulièrement de la taille des particules sur lesquelles il est adsorbé. L'exposition à la fumée de tabac chez les femmes enceintes a suscité de nombreuses études concernant d'une contamination potentielle du foetus via le placenta (Karttunen et al. 2010; Rossner et al. 2009; Sanyal and Li 2007; Topinka et al. 2009). Ces dernières ont montré que le BaP présent dans la circulation maternelle peut passer la barrière placentaire et atteindre le compartiment foetal. Le BaP étant hautement lipophile, il peut aussi s'accumuler fortement dans les aliments, par dépôt atmosphérique (végétaux), accumulation dans les espèces animales (viandes, poissons) ou au cours de la transformation de produits tels que les viandes et poissons grillés lors de la cuisson. La voie digestive est donc une autre voie d'exposition à prendre en compte en ce qui le BaP. Dans ce cas encore, le BaP est rapidement absorbé au sein de l'organisme par cette voie. L'exposition par voie cutanée est quant à elle relativement restreinte. La diffusion du BaP au sein de l'organisme a lieu très rapidement après exposition. Il est retrouvé en quelques minutes dans les organes et tissus bien irrigués (Tyrer et al. 1981). Le BaP étant très liposoluble, il peut être stocké dans les glandes mammaires et autres - 70 - organes riches en graisses pour ensuite être progressivement relargué dans la circulation sanguine. De plus, des études ont montré que le BaP passe la barrière placentaire et est retrouvé du côté foetal, dans le cordon ombilical (Guo et al. 2012; Tomatis 1973). 1.2.2.3. Métabolisme et conséquences Lorsque le BaP entre dans la cellule, il se lie à son récepteur, le récepteur aux aryl hydrocarbones AhR. L'AhR est un récepteur nucléaire capable de lier des ligands exogènes tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les flavonoïdes ou le resvératrol, mais également des ligands endogènes tels que le 7-kétocholestérol, un produit spontané d'oxydation du cholestérol, ou la bilirubine (Billiard et al. 2002; Casper et al. 1999; Savouret et al. 2001; Zhang et al. 2003). La liaison de ligand sur le récepteur à l'AhR localisé dans le cytoplasme entraine sa translocation dans le noyau puis sa liaison à la protéine Aryl Hydrocarbon Receptor Nuclear Translocator. Le complexe ainsi formé se lie à l'élément de réponse aux xénobiotiques XRE dans les promoteurs de gènes cibles dont il active la transcription. Parmi ces gènes cibles se trouvent entre autres les enzymes de phase I et II de métabolisation. Après activation de l'AhR par le BaP et transcription des gènes cibles, le micropolluant est rapidement pris en charge par des enzymes de métabolisation de type I, les cytochromes P450 de la famille 1 (CYP1A1, CYP1A2 et CYP1B1) et dont la transcription est induite par le BaP (Abbas et al. 2009), pour être monooxygéné en différents métabolites (Figure 14). Ces derniers subissent alors l'action d'enzymes de phase II afin de les rendre plus hydrophiles et ainsi permettre leur excrétion dans les urines ou les fèces. Parmi les métabolites du BaP excrétés dans les urines, le 3-hydroxybenzo[a]pyrène est couramment dosé afin d'évaluer l'exposition au BaP de certaines atégories de population, notamment chez les travailleurs exposés (Barbeau et al. 2014; Forster et al. 2008; INRS 2014; Payan et al. 2009). Cependant, il arrive que certains des métabolites ne soient pas conjugués de cette manière et les métabolites ainsi obtenus ne peuvent être éliminés. Parmi ceux-ci, le BaP-7,8dihydrodiol-9,10-époxyde (BPDE) provient de plusieurs oxygénations successives du BaP. Il est son métabolite le plus réactif ; de par son fort pouvoir électrophile, il possède notamment la capacité de former des adduits avec des macromolécules telles que l'hémoglobine, l'albumine ou l'ADN. - 71 - Figure 14.Métabolisation simplifiée du BaP Le BaP est classé cancérogène de groupe 1, c'est-à-dire avéré, par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Il est impliqué entre autre chez les rats, souris et hamsters dans l'apparition de tumeurs de l'estomac, l'oesophage, du larynx ou des poumons (Bae et al. 1.3. MICROENVIRONNEMENT CELLULAIRE Les cellules au sein d'un organe sont en interrelation les unes avec les autres. Elles sont entourées de la matrice et communiquent entre elles. Le microenvironnement correspond à ce qui entoure les cellules, aux signaux interférant avec elles, fournissant à la fois des signaux biochimiques (facteurs de croissance, cytokines) et des contraintes structurelles (molécules d'adhésion) qui sont nécessaires pour dicter des comportements cellulaires adaptés au tissu en question (Schmeichel et al. 1998). Le BaP étant une molécule très lipophile, son entrée dans la cellule peut potentiellement modifier la composante lipidique de la membrane plasmique ainsi que les protéines membranaires. De plus, la composante matricielle est très importante dans l'apparition de cancer par des agents carcinogènes tels que le BaP, pour la migration des cellules et le développement de tumeurs. Nous nous intéresserons donc au microenvironnement matriciel qui correspond aux composants de la matrice extracellulaire et au microenvironnement lipidique incluant des éléments des membranes cellulaires. 1.3.1. Microenvironnement matriciel La matrice correspond à un enchevêtrement complexe de macromolécules sécrétées par les cellules dans l'espace intracellulaire. Elle comporte différents composants, des polysaccharides aux protéines fibrillaires structurales en passant par les protéines d'adhérence. 1.3.1.1. Le récepteur CD44 Les polysaccharides sont des macromolécules glucidiques. Parmi celles-ci se trouvent les protéoglycanes et les glycosaminoglycanes, dont l'un des plus abondants est le hyaluronate de sodium. Afin d'induire des réponses cellulaires, le hyaluronate de sodium peut se lier à ses récepteurs, notamment au plus connu qui est le CD44. Il s'agit d'une glycoprotéine transmembranaire présente sous différentes isoformes (Screaton et al. 1992). Toutes possèdent un module de liaison NH-terminal sur lequel le hyaluronate de sodium peut se fixer. De plus, le récepteur CD est présent sur presque tous les types cellulaires, excepté les hématies. La liaison du hyaluronate de sodium sur son récepteur peut induire différentes réponses, dépendantes entre autre de son poids moléculaire et par conséquent de la - 74 - longueur de la chaîne de disaccharides. Par exemple, le hyaluronate de sodium de haut poids moléculaire se fixant sur son récepteur CD44 bloque le cycle cellulaire en phase S tandis qu'un hyaluronate de faible poids moléculaire entraîne la progression en phase G1 et l'entrée en phase S (Cuff et al. 2001). 1.3.1.2. Métalloprotéases Afin de réguler les signaux engendrés au sein de la matrice extracellulaire, il existe des enzymes, les matricielles, qui dégradent cette dernière. Les métalloprotéases sont des endopeptidases capables de dégrader tous les types de protéines de la matrice extracellulaire. Elles sont également impliquées dans le clivage de récepteurs cellulaires de surface, le relargage de ligands apoptotiques ou l'inactivation de cytokines. Leur activité a aussi un rôle dans les phénomènes de prolifération cellulaire, de migration, de différenciation et d'angiogenèse (Q Chen et al. 2013; Gialeli et al. 2011; Ries 2014). Les Tissue Inhibitors of Metalloproteinase ou TIMP sont des inhibiteurs spécifiques des métalloprotéases. Cette famille comprend 4 membres, de TIMP1 à TIMP4, et permet l'inhibition de toutes les métalloprotéases. En particulier, TIMP1 est une glycoprotéine exprimée dans la majorité des tissus. Une expression accrue de cette protéine est associée entre autre à des cancers, notamment du poumon, de la thyroïde et du système digestif (Griffith et al. 2006; Grunnet et al. 2013; Wistuba et al. 2001). 1.3.2. Microenvironnement lipidique Le microenvironnement lipidique correspond à la composante lipidique des cellules, c'est à dire les membranes, et aux protéines qu'elles contiennent. La membrane plasmique est constituée de zones particulières, rigides car riches en cholestérol et sphingolipides, nommées « lipid raft domains » ou radeaux lipidiques. Ces zones membranaires sont le premier élément d'une grande variété de réactions intracellulaires, de par leur richesse en récepteurs qui entraînent des cascades de signalisation en réponse à une stimulation. Ils contiennent entre autre des récepteurs transmembranaires importants dans la signalisation cellulaire et le trafic de vésicules. - Des études au sein de notre laboratoire ont montré que l'utilisation de formulations huileuses, sur modèles in vitro mais aussi in vivo induit un changement dans la composition en acides gras de la membrane plasmique (Dutot et al. 2009) et ainsi la réponse cellulaire à divers stress. En effet, des huiles riches en acides gras poly-insaturésω-3sont capables de modifier la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires ainsi que les altérations mitochondriales et le stress oxydant sur un modèle in vitro de rétinopathie diabétique (Dutot et al. 2011). Ces modulations des réponses cellulaires semblaient passer par des modifications de l'expression de la cavéoline-1, protéine marqueur des radeaux lipidiques appelés cavéoles. Le microenvironnement lipidique des cellules joue donc un rôle structural mais aussi fonctionnel essentiel aux voies de signalisation cellulaires. Parmi les protéines présentes dans la membrane plasmique, nous nous intéresserons plus particulièrement au récepteur P2X7 et à la cavéoline-1. 1.3.2.1. Récepteur P2X7 1.3.2.1.1. Généralités sur le récepteur P2X7 Les récepteurs P2 appartiennent à une large famille de protéines membranaires subdivisée en deux sous-types: les récepteurs P2X qui sont des canaux cationiques et les récepteurs P2Y couplés à des protéines G hétérotrimériques (Abbracchio and Burnstock 1994). Actuellement, sept gènes codant les récepteurs P2X et huit P2Y ont été clonés et identifiés dans divers types cellulaires et tissus (Burnstock and Kennedy 1985; Sak and Webb 2002). Parmi la sous-famille de récepteurs P2X, la communauté scientifique porte un intérêt certain au récepteur P2X7, notamment pour le rôle qu'il exerce en tant que régulateur de pathologies inflammatoires (Lister et al. 2007). En effet, le récepteur P2 7 est exprimé dans de nombreux types cellulaires, dont les cellules du système immunitaire, et des études ont montré que son activation par son ligand naturel, l'ATP, augmente la libération de cytokines pro-inflammatoires et apoptotiques (Bianco et al. 2006; Pelegrin and Surprenant 2006). Le récepteur P2X7 a dans un premier temps été cloné à partir de cerveau de rat (Surprenant et al. 1996) puis a été identifié dans les astrocytes et les cellules de la microglie (Ballerini et al. 1996; Bianco et al. 2006; Brandle et al. 1998). 1.3.2.1.1.1. Agonistes Le ligand naturel du purinorécepteur P2X7 est l'ATP. Il nécessite de fortes concentrations, supérieures à 0,1mM pour être activé. Son ligand synthétique, le 2,3(benzoyl-4benzoyl)-ATP est un agoniste 10 à 30 fois plus puissant que l'ATP (Erb et al. 1990; Gonzalez et al. 1989). 1.3.2.1.1.2. Antagonistes Parmi les molécules antagonistes du récepteur P2X7 se trouvent des cations divalents. L'inhibition fonctionnelle qu'ils exercent a été mise en évidence très rapidement après le clonage du récepteur P2X7 (Surprenant et al. 1996). Le calcium, le magnésium, le zinc et le cuivre sont de puissants inhibiteurs du récepteur P2X7 chez le rat, avec des CI50 (concentrations nécessaires pour avoir 50% d'inhibition de l'activation des récepteurs) respectivement de 2900, 500, 11 et 0,5μM (Virginio et al. 1997). Deux hypothèses ont été émises pour expliquer cette inhibition. La première hypothèse est l'interaction des cations divalents avec les charges négatives de l'ATP, empêchant ainsi sa fixation sur le récepteur (Steinberg and Silverstein 1987). La seconde hypothèse est que l'interaction des cations divalents sur les résidus histidine du récepteur bloquerait de manière allostérique la fixation des activateurs (Acuna-Castillo et al. 2007). Le récepteur P2X7 peut également être inhibé par d'autres molécules, telles que des porteurs de fonction aldéhyde comme le pyridoxal-phosphate-6-azophenyl-2',4-disulfonique (PPADS) ou l'ATP oxydé en positions 2' et 3' (oATP). Le PPADS a dans un premier temps été montré comme étant un inhibiteur des récepteurs de la famille P2 avant que d'autres études ne mettent en évidence qu'il est 10 à 20 fois plus sélectif pour les récepteurs de la sous famille P2X que ceux de la sous famille P2Y (Lambrecht et al. 2002). En ce qui concerne l'oATP, il est décrit comme antagoniste sélectif des récepteurs P2X7 présents sur la membrane des macrophages (Murgia et al. 1993) et 'inactivation du récepteur par cette molécule est irréversible. L'analogue du colorant alimentaire Brilliant Blue FCF, le Brilliant Blue G, est un antagoniste du récepteur P2X7 couramment utilisé dans les études scientifiques. Son innocuité et sa sélectivité en font un candidat idéal pour bloquer l'activation du récepteur - 77 - P2X7 (Jiang et al. 2000; Peng et al. 2009; Remy et al. 2008; Wang et al. 2004). Le Brilliant Blue G inhibe de manière non compétitive le récepteur P2X7, impliquant une modulation allostérique du site de fixation de l'agoniste similaire à l'action de cations divalents tels que le cuivre ou le magnésium (Virginio et al. 1997). 1.3.2.1.1.3. Localisations subcellulaires du récepteur P2X7 Des études ont mis en évidence que les membres de la famille P2X et en particulier P2X7 sont exprimés dans les membranes plasmiques, au niveau des « lipids raft domains » (Barth et al. 2007; Garcia-Marcos et al. 2006). D'autres études ont également indiqué que le récepteur P2X7 est retrouvé au niveau de la membrane nucléaire, notamment dans les cellules musculaire lisses (Menzies et al. 2003). 1.3.2.1.1.4. Fonctions cellulaires du récepteur P2X7 Il semble difficile d'associer le récepteur P2X7 à une seule et unique voie de signalisation. En effet, dès son clonage, il a été montré que l'activation du récepteur P2X7 est liée à une modification du potentiel membranaire cellulaire (Surprenant et al. 1996). De plus, au vu de sa localisation au sein de la membrane plasmique, le récepteur P2X7 peut lier les protéines de la matrice extracellulaire et du cytosquelette telles que la lamine ou l'actine, ainsi qu'une tyrosine phosphatase impliquée dans les mécanismes de rétrocontrôle du récepteur (Kim et al. 2001). Parmi d'autres fonctions, le récepteur P2X7 active la phospholipase D et les kinases effectrices de Rho (ROCKs) via l'activation de la protéine GTPase Rho mais aussi la phospholipase A2 et la protéine au carrefour de plusieurs voies cellulaires, NF-κB (el-Moatassim and Dubyak 1992; Humphreys and Dubyak 1996; Verhoef et al. 2003). L'activation du récepteur P2X7 induit la formation réversible d'un canal ionique perméable au calcium, sodium et potassium. Le flux ionique de potassium entraine un changement de concentrations intracellulaire et extracellulaire menant à l'activation de l'inflammasome via la caspase 1 et la libération d'interleukine pro-inflammatoire IL-1β (Ferrari et al. 2006; Kahlenberg and Dubyak 2004). L'activation du récepteur P2X7 conduit également à l'activation de la caspase 3, qui peut être 'un des évènements intervenant dans le déclenchement de mécanismes cytolytiques, suite à la formation de pores. Il a également - 78 - été montré que des changements morphologiques tels que l'apparition de bourgeonnements de la membrane plasmique sur des cellules sont associés à l'activation du récepteur P2X7 (Mackenzie et al. 2005; Verhoef et al. 2003). Le récepteur P2X7 a également la capacité de former un pore cytolytique après activation prolongée ; la formation de ce pore est possible grâce à l'extrémité C-terminale du récepteur P2X7 qui lui est particulière (Rassendren et al. 1997). Ce pore permet l'entrée de molécules allant jusqu'à 900Da ; cette propriété caractéristique du récepteur P2X7 permet son étude avec des sondes fluorescentes imperméables comme le YO-PRO-1 (Smart et al. 2003; Surprenant et al. 1996). Plusieurs protéines sont également associées au récepteur P2X7. - 79 - Figure 15. Schéma de l'ouverture du pore cytolytique P2X7(d'après Pellegrin, 2011) 1.3.2.1.2. Conséquences biologiques de l'activation du récepteur P2X7 Le récepteur P2X7 est généralement décrit comme étant un récepteur cytolytique. En effet, son activation entraîne un changement de l'équilibre ionique au sein du cytoplasme. De plus, le pore ainsi formé reste ouvert tant que le ligand est lié au récepteur. Ainsi, si la stimulation par l'ATP qui a lieu physiologiquement est prolongée, les cellules sont endommagées de manière irréversible et s'engagent dans les voies de mort. De nombreuses pathologies sont associées à une activation prolongée du récepteur P2X7, telles que la maladie d'Alzheimer, la dégénérescence maculaire liée à l'âge ou la maladie d'Huntington. Le récepteur P2X7 est surexprimé au niveau des plaques séniles retrouvées dans la maladie d'Alzheimer, ce qui pourrait entraîner le clivage protéolytique des protéines membranaires (McLarnon et al. 2006; Parvathenani et al. 2003). De plus, in vivo, le peptide β-amyloïde retrouvé au niveau de ces plaques séniles, induit le relargage d'ATP, la libération d'interleukine pro-inflammatoire IL-1β, l'augmentation de calcium intracellulaire et augmente la perméabilisation de la membrane plasmique. Cependant, cette étude n'a pu mettre en évidence les mêmes observations chez la souris Knock Out pour le récepteur P2X7 (Sanz et al. 2009; Sanz et al. 2012). D'un point de vue physiopathologique, la dégénérescence maculaire liée à l'âge est la transposition de la maladie d'Alzheimer au niveau de la rétine. Guet al. ont ainsi montré qu'un haplotype rare de P2X7 pourrait être un facteur de risque pour la dégénérescence maculaire liée à l'âge (Gu et al. 2013). Chez l'Homme, la quantité d'ATP présente dans l'humeur vitrée est augmentée en cas de dégénérescence maculaire liée à l'âge. De plus, in vitro la quantité d'ATP ainsi retrouvée tend à accélérer l'apoptose des photorécepteurs et l'utilisation de Brilliant Blue G, un inhibiteur spécifique du récepteur P2X7 inhibe cette apoptose (Notomi et al. 2013). Pour révéler les mécanismes cellulaires sous-jacents, nous avons démontré in vitro sur un modèle de cellules gliales rétiniennes incubées avec le peptide β-amyloïde, impliqué dans la dégénérescence maculaire liée à l'âge, que ce dernier induit l'activation du récepteur P2X7. L'utilisation de Brilliant Blue G permet de réduire l'activation de ce récepteur et l'association du Brilliant Blue G avec les huiles riches en acides gras polyinsaturés ω-3 prescrites aux patients souffrant de dégénérescence maculaire liée à l'âge conduit à une inhibition totale de l'activation du récepteur P2X7, ce qui confirme in vitro l'implication du récepteur P2X7 dans la réponse cellulaire au peptide β-amyloïde (Article soumis dans Nutrition & Metabolism, annexe B). L'implication du récepteur P2X7 a également été démontrée dans la maladie d'Huntington. En effet, l'augmentation de son expression et de son activation dans les terminaisons synaptiques, modifiant ainsi la perméabilité au calcium a été mise en évidence sur des cerveaux de souris modèles pour cette pathologie. De plus, l'utilisation de Brilliant Blue G sur un modèle in vivo de maladie de Huntington a démontré un effet préventif de l'apoptose neuronale. Ces données laissent donc à penser qu'une perturbation de l'expression du récepteur P2X7 induit la mort des cellules neuronales, contribuant ainsi à la pathogenèse de la maladie (Diaz-Hernandez et al. 2009). Le récepteur P2X7 semble également intervenir dans le cancer. En effet, une diminution de l'expression du récepteur P2X7 dans des cellules cancéreuses a été mise en évidence (YH Feng et al. 2005; Fu et al. 2009; Merriman et al. 2005).Ceci pourrait alors expliquer en partie la résistance de ces cellules aux mécanismes apoptotiques. 81 - 1.3.2.2. Cavéoline-1 Les cavéoles sont des microdomaines présents dans les radeaux lipidiques de la membrane. Elles correspondent à des invaginations de 50 à 100 nm de diamètre au niveau de la membrane plasmique. Les cavéoles sont retrouvées dans différents types cellulaires et la protéine majoritaire les constituant est la cavéoline-1 (Rothberg et al. 1992). La cavéoline-1 est une protéine impliquée dans les phénomènes de trafic cellulaire et plus particulièrement dans l'endocytose. Des études ont montré que la cavéoline-1 module l'activité ainsi que la distribution des récepteurs P2X7. En effet, chez la souris Knock Out pour la cavéoline-1, une diminution de l'expression du récepteur P2X7 a été observée en comparaison aux souris sauvages (Barth et al. 2007; Garcia-Marcos et al. 2006). De plus, la cavéoline-1, tout comme le récepteur P2X7, semblerait impliquée dans le cancer. Elle a un rôle paradoxal dans le développement de cette pathologie puisqu'elle intervient tant dans l'oncogenèse que dans la suppression de tumeur (T Chen et al. 2013; Shatz and Liscovitch 2008). 82 - 1.4. PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE L'ETUDE EXPERIMENTALE Le placenta est généralement considéré comme une barrière entre la mère et le foetus qui a pour fonction de protéger ce dernier. Ici, nous le considérons comme un organe à part entière pouvant être la cible de molécules toxiques. La fenêtre d'exposition in utero est importante en ce qui concerne les PE. Il est admis en toxicologie que le risque correspond à l'interaction du danger et de l'exposition. Dans le cas des PE, l'exposition est difficilement contrôlable du fait de la multitude de sources d'exposition (effet cocktail) mais aussi des effets à faible dose de ces polluants et l'absence de linéarité dans la relation dose-effet. Il apparait donc nécessaire d'évaluer le danger. Cette évaluation se base sur la détection de biomarqueurs de l'effet biologique des PE, telle que la sécrétion d'hormones placentaires, mais aussi des marqueurs d'évaluation des effets délétères, tels que la dégénérescence placentaire. Dans les études cliniques, il est mis en évidence que des perturbations de la grossesse telles que la prématurité, la souffrance foetale, des pathologies comme le retard de croissance intra-utérin, la prééclampsie voire des fausses couches mais aussi des modifications somatiques au niveau du placenta peuvent être associées à une exposition de la mère à des polluants et/ou à des perturbations hormonales maternelles. Ces perturbations de la grossesse sont généralement associées à une étude du placenta avec analyse des polluants et mesures de biomarqueurs, notamment les hormones humaines. Nous souhaitons mettre au point un modèle in vitro d'étude afin de vérifier si des biomarqueurs observés dans ces études cliniques sont également exprimés expérimentalement afin d'extrapoler plus facilement nos données l'Homme. Nous nous intéresserons donc à détecter des biomarqueurs associés à ces observations cliniques dans la littérature, et notamment des biomarqueurs dosables, tels que la sécrétion d'hPL ou d'hCG, ou encore l'activation de récepteur de dégénérescence (Figure 16). - 83 - Figure 16. Observations cliniques et marqueurs associés Plus particulièrement en ce qui concerne l'hCG, nous nous intéresserons à sa forme hyperglycosylée, qui est associée à des mécanismes pathologiques, différente de la β-hCG généralement associée à des phénomènes de prolifération lors de la grossesse (tableau 2). Forme d'hCG Phénomène associé β-hCG Différenciation cellulaire lors de la grossesse (Le Vee et al. 2014) Diminution : prééclampsie (Cole 2012) hCG hyperglycosylée Augmentation : invasion cellulaire et cancer (Bourdiec et al. 2013; Cole et al. 2006b; Cole and Butler 2012) Tableau 2. Différentes formes d'hCG et phénomènes associés Nous avons choisi dans notre étude de nous intéresser à deux micropolluants différents, le DEHP et le BaP. Le DEHP est un PE dont l'utilisation sera interdite à partir de juillet 2015 dans les dispositifs médicaux. C'est entre autres par cette voie que les femmes enceintes et donc les foetus peuvent être exposés, notamment lors d'hospitalisations longues. Il apparaît impératif que les molécules de remplacement du DEHP dans les dispositifs médicaux n'exercent pas de perturbation endocrinienne. Il est donc important de mettre au point des - 84 - tests de screeening rapides, reproductibles et faciles à réaliser afin de compléter l'ensemble des tests déjà existant pour tester les molécules de remplacement. L'objectif de notre étude est de mettre en évidence ces biomarqueurs de perturbation endocrinienne facilement utilisables à partir de PE connus pour tester les molécules de remplacement mais aussi celles déjà présentes sur le marché. Le BaP est un carcinogène de référence pouvant atteindre le placenta ; il peut potentiellement induire la dégénérescence cellul . L'objectif de notre étude sur ce micropolluant est de mettre en évidence des biomarqueurs de dégénérescence placentaire extrapolables à d'autres polluants. TRAVAUX PERSONNELS 2. MATERIEL ET METHODES 2.1. MODELES D'ETUDE IN VITRO La culture cellulaire se fait dans un environnement stérile, sous hotte à flux laminaire (PSM II, Astec). Les flasques de 75cm2 contenant les cellules sont placées dans un incubateur thermostaté à 37°C sous une atmosphère contrôlée à 5% de CO 2 et saturée en humidité. Le milieu de culture est changé tous les deux jours. Les cellules sont décollées par ajout de trypsine et repiquées à plus faible densité lorsqu'elles atteignent environ 90% de confluence. 2.1.1. Modèles in vitro de cellules placentaires • Culture primaire de cellules placentaires Des placentas sont récupérés par le biais de la fondation PremUp en association avec des maternités parisiennes. Après dissociation des différentes types de cellules placentaires par digestion enzymatique puis séparation sur gradient de Percoll par l'Unité Inserm U767 de la Faculté de Pharmacie de l'Université Paris Descartes, les cytotrophoblastes sont récupérés et ensemencés. Ces cellules ont la capacité de fusionner in vitro. Les cellules ainsi obtenues constituent une culture primaire, elles ne peuvent être cultivées pendant plusieurs passages et meurent après 72-96 heures en culture. Les cellules sont maintenues dans du milieu de culture DMEM stérile supplémenté de 5% de sérum de veau foetal (SVF), 2mM de glutamine et 50UI/mL de streptomycine et pénicilline. • Lignée de cellules BeWo La lignée de cellules BeWo (ATCC n° CCL-98) est une lignée issue de choriocarcinome isolée par Pattillo et Gey en 1968 (Pattillo and Gey 1968). Les cellules sont cultivées dans du milieu F-12K stérile supplémenté de 10% de SVF, 2mM de glutamine et 50UI/mL de streptomycine et pénicilline - Figure 17. Tapis de cellules BeWo (x100) • Lignée de cellules JEG-3 La lignée de cellules JEG-3 (ATCC n° HTB-36) est un clone de la lignée de cellules placentaires BeWo. Les cellules sont cultivées dans du milieu EMEM stérile supplémenté de 10% de SVF, 2mM de glutamine et 50UI/mL de streptomycine et pénicilline. Figure 18. Tapis de cellules JEG-3 (x100) 2.1.2. Modèle in vitro de cellules cutanées La lignée de cellules cutanées HaCat est une lignée de kératinocytes, la couche la plus externe de la peau. Issues de cellules épithéliales de la peau adulte, ces cellules sont spontanément immortalisées. Elles forment un tissu épidermique ordonné et différencié présentant toutes les caractéristiques des kératinocytes humains. Les cellules sont cultivées dans du milieu DMEM stérile supplémenté de 10% de SVF, 2mM de glutamine et 50UI/mL de streptomycine et pénicilline. - Figure 19. Tapis de cellules HaCat (x100) 2.1.3. Modèle in vitro de cellules du système immunitaire La lignée cellulaire U937 a été obtenue en 1974 à partir de cellules malignes provenant de l'épanchement pleural d'un patient atteint de lymphome histiocytaire. Depuis 1979, il a été établi que la lignée de cellules U937 peut être différenciée en macrophages après incubation avec des esters de phorbol, la vitamine D3, l'interféron γ, le TNF ou l'acide rétinoïque. Les cellules sont cultivées dans du milieu RPMI stérile supplémenté de 10% de SVF, 2mM de glutamine et 50UI/mL de streptomycine et pénicilline. Figure 20. Tapis de cellules U937 différenciées en macrophages (x200) - 2.2. TECHNIQUES D'ANALYSE 2.2.1. Microtitration cytofluorimétrique 2.2.1.1. Principe de la microtitration cytofluorimétrique Le lecteur de microplaque utilisé dans notre étude est un spectrofluorimètre (Safire, Tecan®, Zurich, Suisse) composé de deux monochromateurs permettant une lecture en fluorescence de 230 à 1000 nm et l'enregistrement des spectres de fluorescence en excitation et en émission. Cet analyseur permet d'effectuer des mesures de fluorescence directement sur cellules vivantes et adhérentes en microplaques. La microplaque est scannée avec un pinceau de lumière d'onde de longueur d'onde définie pour le test, qui illumine chaque puits pendant moins de 0,3 seconde, ce qui évite tout phénomène de « fading » des sondes fluorescentes. Cette technique est spécifique, sensible (pg-fg / mL), reproductible et permet de mettre au point des méthodes standardisées d'analyse de la cytotoxicité, préconisées notamment lors d'études multicentriques pour l'évaluation de méthodes alternatives en toxicologie cellulaire. Deux types de tests en microtitration cytofluorimétrique existent : - les tests MIFALC (Microtitration Fluorimetric Assay on Living Cells) de type I : effectués sur cellules vivantes pendant les premières étapes et nécessitant une étape finale d'extraction pour la détection et la révélation (ex : rouge neutre). - les tests MIFALC de type II : effectués sur cellules vivantes pendant toutes les étapes, y compris la détection, ce qui permet de réaliser la cinétique de sondes directement en microplaques (par exemple le YO-PRO-1 pour l'activation du récepteur P2X7). 2.2.1.2. Préparation des cellules Les cellules sont ensemencées dans des microplaques 96 puits (Corning, dont le matériau est assuré de ne pas contenir de DEHP d'après le fournisseur) aux concentrations suivantes, ceci afin d'obtenir la confluence des cellules en 24 heures : - 90 - - Culture primaire de trophoblastes : 120 000 cellules / mL - Lignée de cellules BeWo : 80 000 cellules / mL - Lignée de cellules JEG-3 : 80 000 cellules / mL - Lig née de cellules HaCat : 80 000 cellules / mL - Lignée de cellules U 937 transformées en macrophages: 1 000 000 cellules / mL Les puits des bords de la plaque ne sont pas ensemencés mais remplis de tampon PBS afin d'éviter « l'effet de bord », qui correspond à une modification du degré d'hygrométrie entre le centre et le bord de la microplaque, qui conduit à une modification de la respiration cellulaire et donc de la prolifération cellulaire. Cet effet entraîne des variations dans les réponses cellulaires et rend les résultats difficilement exploitables. Les microplaques sont ensuite placées dans un incubateur thermostaté à 37°C sous une atmosphère contrôlée à 5% de CO 2 et saturée en humidité. Après 24 heures, les cellules ont adhéré au fond des microplaques et peuvent être incubées avec les différents produits. Le milieu de culture est alors éliminé par retournement de la microplaque, les cellules sont rincées au tampon PBS pour éliminer les débris cellulaires et les produits à tester sont distribués dans les puits de la microplaque, à raison de 200μL par puits. Les tests de microtitration fluorimétrique sont ensuite réalisés après incubation le temps souhaité avec les produits à tester. 2.2.1.3. Tests réalisés en microcytofluorimétrie • Mesure de l' ité membranaire L'intégrité membranaire a été évaluée en réalisant le test au rouge neutre en fluorimétrie (λexcitation = 535nm, λémission = 600nm). Le rouge neutre est à la fois un colorant vital ou d'inclusion utilisable en photométrie mais aussi une molécule fluorescence utilisable en microcytofluorimétrie proposée dans l'étude de la viabilité cellulaire par Borenfreund et Puerner en 1985. Le rouge neutre est utilisé préférentiellement dans de nombreuses études multicentriques et est exigé dans les textes de normes de standardisation internationales. Une solution mère de rouge neutre à 0,4% dans de l'eau distillée est préparée et conservée à l'abri de la lumière. La solution utilisée pour le test est issue d'une dilution de la - 91 - solution mère au 1/10 dans du milieu de culture sans SVF. Cette solution est centrifugée à 3500 tours / minute pendant 10 minutes afin d'éliminer les éventuels cristaux de sonde qui pourraient endommager les cellules. Après élimination des produits à tester et rinçage des cellules au PBS, la solution fille de rouge neutre est distribuée dans les puits. La microplaque est placée dans l'incubateur pendant 3 heures afin de laisser le temps à la sonde de se fixer aux lysosomes cellulaires. La solution de rouge neutre en excès est éliminée, les cellules sont rincées au PBS puis une solution de révélation composée d'éthanol absolu (50,6%), d'eau (48,4%) et d'acide acétique glacial (1%) est distribuée dans les puits. Après 15 minutes d'homogénéisation de la coloration sous agitation, la microplaque est lue par le Safire. • Mesure de la masse mitochondriale La nonylacridine orange (NAO) est une sonde fluorescente (λexcitation = 490nm, λémission = 530nm) qui pénètre dans les mitochondries de cellules vivantes indépendamment du potentiel transmembranaire mitochondrial et se fixe au niveau de la membrane mitochondriale. Une variation, augmentation ou diminution, du signal de fluorescence traduit une modification de la masse mitochondriale. Une solution mère de NAO à 0,01M est préparée dans du DMSO. La solution utilisée pour le test est issue d'une dilution de la solution mère au 1/1000 dans du milieu de culture sans SVF. Après élimination des produits à tester et rinçage des cellules au PBS, la solution fille de NAO est distribuée dans les puits. La microplaque est placée dans l'incubateur pendant 30 minutes. La sonde présente dans le surnageant est éliminée par retournement de la plaque, les cellules sont rincées au PBS puis du milieu de culture sans SVF ajouté afin de permettre le relargage de la NAO en excès pendant 1 heure. Après rinçage des cellules au PBS, une solution de révélation composée d'éthanol absolu (50,6%), d'eau (48,4%) et d'acide acétique glacial (1%) est distribuée dans les puits. Après 15 minutes d'homogénéisation de la coloration sous agitation, la microplaque est lue par le Safire. • Mesure du potentiel transmembranaire mitochondrial par la rhodamine 123 La rhodamine 123 est une sonde fluorescente (λexcitation = 485nm, λémission = 535nm) qui pénètre dans les mitochondries en fonction du potentiel transmembranaire mitochondrial et se fixe au niveau de la membrane mitochondriale. Une variation, - 92 - augmentation ou diminution, du signal de fluorescence traduit une modification de ce potentiel transmembranaire mitochondrial. Une solution mère de rhodamine 123 à 12,5 mg / mL est préparée dans du DMSO. La solution utilisée pour le test est issue d'une dilution de la solution mère au 1/1250 dans du PBS. Après élimination des produits à tester et rinçage des cellules au PBS, la solution fille de rhodamine 123 est distribuée dans les puits. La microplaque est placée dans l'incubateur pendant 30 minutes. La sonde présente dans le surnageant est éliminée par retournement de la plaque, les cellules sont rincées au PBS puis du milieu de culture sans SVF est ajouté. Après rinçage des cellules au PBS, une solution de révélation composée d'éthanol absolu (50,6%), d'eau (48,4%) et d'acide acétique glacial (1%) est distribuée dans les puits. Après 15 minutes d'homogénéisation de la coloration sous agitation, la microplaque est lue par le Safire. • Mesure du potentiel transmembranaire mitochondrial par le JC-1 La sonde JC-1 permet de déceler des variations du potentiel transmembranaire mitochondrial. Elle se fixe dans la membrane interne mitochondriale sous forme de monomère lorsque l'activité est basse et émet une fluorescence dans le vert (λexcitation = 485nm, λémission = 520nm). Lorsque l'activité est haute, la sonde se fixe sous forme d'agrégats et émet une fluorescence dans le rouge (λexcitation = 485nm, λémission = 600nm). Une solution mère de JC-1 à 6,5 mg / mL est préparée dans du DMSO sous agitation. La solution utilisée pour le test est issue d'une dilution de la solution mère au 1/1000 dans du PBS. Après élimination des produits à tester et rinçage des cellules au PBS, la solution fille de JC-1 est distribuée dans les puits. La micro est placée dans l'incubateur pendant 15 minutes puis lue par le Safire. • Mesure de l'activité des caspases 3 et 8 Le dosage fluorimétrique de l'activité des caspases 3 et 8 repose sur le clivage d'un substrat, respectivement l'acétyl-Asp-Glu-Val-Asp-7-amino-4-méthyl coumarine et l'acétylIle-Glu-Thr-Asp-7-amino-4-méthyl coumarine, par les caspases activées. Ces substrats contiennent une séquence (DEVD ou IETD) reconnue par les caspases qui la clivent, libérant ainsi une molécule fluorescente, l'amino-méthyl coumarine. La fluorescence ainsi mesurée - 93 - est proportionnelle à la quantité amino-méthyl coumarine libérée et donc à l'activité des caspases. Ce test est réalisé selon le protocole fourni par le fabricant Sigma-Aldrich.
56,313
d979b0c50a7959eded7be7a3b56265f8_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,021
DE L’ANALYSE DES BESOINS LANGAGIERS AUX OBJECTIFS DE FORMATION EN « BIOLOGIE »
None
French
Spoken
4,340
7,328
Studii de gramatică contrastivă 36/2021 DOI: 10.5281/zenodo.6371901 DE L’ANALYSE DES BESOINS LANGAGIERS AUX OBJECTIFS DE FORMATION EN « BIOLOGIE »1 Résumé : Notre contribution s’inspire de la méthode du Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) de ce fait nous avons suivi ses principales étapes qui se résument ainsi : demande/offre, analyse des besoins de formation, collecte et analyse des données et enfin proposition de séquences pédagogiques. Ceci dit, nous nous sommes centrés sur un public estudiantin ayant une formation initiale en langue arabe classique et qui est inscrit dans une filière en biologie où les savoirs sont transmis en français. Mots clés : analyse des besoins, collecte et analyse des données, élaboration didactique, sciences biologiques. FROM ANALYSIS OF LANGUAGE NEEDS TO "BIOLOGY" TRAINING OBJECTIVES Abstract: Our contribution is inspired from French for Specific Purposes method, so we have followed its main steps namely: request / offer, analysis of learning needs, data collection and analysis, and finally proposal of educational sequences. Noting that we focused on a student audience registered in a biologic sector which has an Arabic-speaking profile and who is enrolled in a biologic sector where knowledge is transmitted in French. Keywords: French for Specific Purposes needs analysis, data collection and analysis, educational development, biological sciences. 1. Introduction Notre travail s'intéresse au français utilisé dans le domaine des sciences biologiques, et se centre sur son enseignement. Il faut souligner que dans ce contexte les savoirs disciplinaires sont transmis en français spécialisé caractérisé, d’une façon générale, par l’objectivité et la neutralité. Corrélativement son enseignement requiert la prise en considération de plusieurs spécificités qui vont influencer les méthodes d’enseignement/apprentissage. En réalité, on s'adresse à un public qui veut utiliser du français et non pas le français (Lehmann ,1993 : 115). Il s’agit dans ce cas d’une langue spécifique utilisée dans un contexte spécialisé caractérisé par des besoins et des attentes particuliers et où les objectifs et les contenus doivent être clairement définis. Ainsi, à travers l’enseignement de ce type de français, on transmettra un français spécifique qui doit respecter les exigences institutionnelles d’un côté et les besoins langagiers des étudiants d’un autre côté. Du coup, le programme doit être un produit qui soit en mesure de répondre à toutes ces particularités. En nous basant sur la méthode du Français sur Objectifs Spécifiques (FOS), nous nous efforcerons de travailler sur l'utilisation du français dans les processus 1 Mohamed Fouzi Imessaoudene, Université de Tissemsilt, Algérie, [email protected] Yousfi Boulanouar, Université de Tissemsilt, Algérie, [email protected] 61 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 d’enseignement/apprentissage au département de biologie. Pour cela nous avons choisi de nous focaliser sur les premières années tronc commun1, et ce, pour les deux raisons citées ci-dessous : - Le français est la langue des transmissions des savoirs disciplinaires, - Existence d’un module de langue qui est dispensé uniquement pour les premières années. Par conséquent, l'objet de l’enquête portera sur la question suivante : Est-ce que les contenus relatifs au module « langue » répondent aux besoins langagiers et communicationnels des étudiants ainsi qu’aux objectifs de la formation des biologistes ? En partant de cela, nous examinerons le contexte scientifique et technique dans lequel le français est pratiqué et dispensé, et ce, en deux temps : Premièrement, nous déterminerons les besoins langagiers du public cible en recourant aux méthodes suivantes : - Faire des entretiens semi-directifs avec les différents acteurs pédagogiques, - Etablir un diagnostic du public cible en l’occurrence les étudiants en situation : oral/écrit, et ce, pour déceler avec précision leurs insuffisances langagières et communicationnelles. Deuxièmement, nous dégagerons quelques spécificités linguistiques des sciences biologiques qui permettront d’aiguiller les contenus du programme de langue car ce dernier doit être en corrélation avec les savoirs disciplinaires transmis dans ce domaine. 2. Aperçu général du FOS Le Français sur Objectifs Spécifiques2 (FOS) commence à gagner du terrain à partir de la fin des années 80 suite à un essoufflement politico-économique touchant conséquemment le domaine didactique. Ainsi, les services culturels relavant du Ministère des Affaires Étrangères de la France proposent des formations sur mesure afin de répondre à des besoins professionnels concrets comme le français médical, le français des affaires, le français des relations internationales, etc. et qui peuvent même relever du secteur universitaire, et ce, en proposant par exemple des formations linguistiques spécifiques pour des étudiants étrangers désireux de poursuivre leurs études en France. 2.1. Présentation de la démarche-type 2.1.1. Demande/offre Toute formation sur objectifs spécifiques est enclenchée par une demande de formation. Cette dernière est prononcée lorsqu’il y a « écart » entre une situation souhaitée ou idéale et 1 Notons que l’enquête s’est déroulée durant le premier semestre de l’année universitaire 2009-2010 au département de biologie de l’université de Tiaret – Algérie. La promotion se composait de 100 étudiants divisés en quatre groupes, chaque groupe comportait approximativement 25 étudiants âgés de 18 -22 ans. 2 Le Français sur Objectifs Spécifiques trouve ses origines en Angleterre grâce aux travaux de Hutchinson et Waters (1987). Ils soulignent le principe fondamental du FOS: « Toutes les décisions concernant le contenu et la méthodologie sont basées sur les raisons pour lesquelles l’apprenant apprend une langue étrangère ». 62 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 une situation vécue ou réelle jugée insuffisante : c’est cette situation trouble qui engendrera les besoins de formation. Encore, faut-il souligner le caractère urgent de la demande de formation. Ce facteur joue un rôle défavorable à l’égard du concepteur-réalisateur puisque ce dernier est confronté à une pression vu le temps limité dont il dispose, et ce, avant même le début de la conception de la formation. Ainsi, une demande de formation est le plus souvent imprévisible, urgente et limitée par le temps. Quant à l’offre de formation, il s’agit majoritairement de programmes qui n’ont pas été élaborés pour des publics dont on a bien identifié les besoins, autrement dit, il s’agit de programmes qui essayent de viser un public plus large qui s’inscrit dans une perspective du Français sur Objectifs Généraux (FOG). « La mise en place des cours n’est pas le résultat d’une demande, mais une sorte d’anticipation du centre de langue, dans le souci de diversifier son offre et donc ses clients. Ne sachant pas à l’avance quel sera exactement le profil du public intéressé, l’organisme se doit de proposer un programme pouvant convenir au plus grand nombre possible, et visant non pas des métiers (infirmière, médecin, secrétaire médicale, par exemple), mais l’ensemble de la branche d’activité professionnelle (BAP), en l’occurrence celle de la médecine. Nous ne sommes pas plus dans une logique de la demande, mais bien dans une logique de l’offre qui conduit à travailler pour un public plus large, donc moins précisément identifié et à priori diversifié » (MANGIANTE, PARPETTE, 2004, p.13) 2.1.2 . L’analyse des besoins Il s’agit de la deuxième étape lors de l’élaboration d’un programme FOS. En effet, elle consiste d’une façon générale en une détermination des situations communicatives dont le public cible a réellement besoin: « - À quelles utilisations du français l’apprenant sera-t-il confronté au moment de son activité professionnelle ou universitaire ? Avec qui parlera-t-il ? De quel sujet ? De quelle manière ? Que lira-t-il ? Qu’aura-t-il à écrire ? (…) Les apprenants utilisent-ils le français en France ou chez eux ? La formation linguistique se déroule-t-elle en France ou dans le pays d’origine ? Quelles situations de communication faut-il prévoir par rapport à l’objectif assigné à la formation ? Dans quels lieux, pour quelles actions ? En interaction orale ? Avec quels interlocuteurs ? En lecture ? En écriture ? Quelles sont les informations sur le contexte institutionnel ou social à connaître (le fonctionnement de la couverture sociale pour les infirmières, l’organisation des cursus universitaires pour les étudiants, etc.) ? Quelles sont les différences culturelles prévisibles (les relations patients-médecins, étudiants-enseignants, etc.) ? » (Ibid.,23) 2.1.3. La collecte et l’analyse des données La collecte et l’analyse des données permettent au formateur de compléter, changer, ajouter des éléments identifiés lors de l’étape précédente en l’occurrence l’analyse des besoins. Effectivement, durant cette étape le concepteur aura davantage d’informations concernant le domaine visé comme ses spécificités communicatives, ses interlocuteurs, ses documents, etc. Il faut souligner aussi que le formateur n’est pas obligé de connaitre le domaine dans lequel il va opérer, il peut même, dans certains cas, l’ignorer. Porcher souligne à ce sujet : 63 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 « …oiseux et sempiternel de savoir si l’enseignement doit être assuré par un professeur de français initié de la discipline visée ou par un professeur de cette discipline initié à l’enseignement du français » (Porcher, 1976 : 74) 2.1.4. La didactisation des données collectées Il faut souligner tout d’abord que cette étape se caractérise principalement par une profonde réflexion quant à la manière dont l’enseignant devra transmettre les informations recueillies et traitées lors de la phase de la collecte des données. Il s’agit de la dimension pédagogique où le concepteur doit obéir à deux règles primordiales qui le guideront à opérer des choix stratégiques : il s’agit du quoi et du comment enseigner. 2.1.5. L’évaluation FOS D’une façon générale, il faut souligner le caractère hétérogène de l’évaluation dans tous les processus d’enseignement/apprentissage et dans toutes disciplines confondues. En effet, avec ses trois types, l’évaluation se place en amont, pendant et en aval des formations et ce à travers l’évaluation diagnostique, formative et sommative. Chacun de ces trois types a une fonction qui lui est propre dans l’action didactique. 3. L’analyse des besoins 3.1. Sondage auprès des formateurs Nous avons commencé l’enquête par des entretiens semi-directifs réalisés avec deux experts exerçants au sein de l’institution en l’occurrence un enseignant de spécialité et le chef du département des sciences biologiques, et ce, pour identifier le contexte où le français est pratiqué. Ainsi, nous avons retenu plusieurs aspects primordiaux et interdépendants, nous les résumons ci-dessous : Les matières de base, que l’étudiant doit maitriser pour réaliser un parcours adéquat, sont les suivantes : géologie, chimie, biologie animale, biologie végétale du fait qu'elles se penchent vers le domaine de la biologie, conséquemment, elles sont considérées comme des matières clés. Par ailleurs, bien que ces savoirs disciplinaires soient transmis en langue française, cette dernière demeure négligée et se présente même comme un facteur handicapant. La raison du niveau faible des étudiants a été incombée en grande partie à un délaissement relatif aux langues étrangères qui est dû au processus d'implantation de l'arabe comme langue officielle produisant un bouleversement sociolinguistique, sur le même sillage nous rapportons les propos du chef du département sur cet aspect : « Vers les années 80, les étudiants ingénieurs se distinguaient par leurs niveaux appréciables en français. Ils l’utilisaient avec beaucoup d'aisance. Cependant, dès qu'on a arabisé les secteurs économiques et corrélativement le secteur éducatif un changement s'est produit, les étudiants sont devenus incapables de produire ou de comprendre les savoirs transmis, ils pensent, comprennent, produisent en langue arabe, alors que les transmissions dans les universités se font en langues étrangères… » 64 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 En effet, pratiquement toutes les matières transmises dans le secteur éducatif algérien se font désormais en arabe classique ; Quant à la langue française, elle est transmise du primaire jusqu’au secondaire comptabilisant un nombre d’heures assez conséquent s’étalant sur plusieurs années (10 ans). Néanmoins, le volume horaire alloué à l’enseignement du français dans les filières scientifiques et techniques au lycée demeure moins important par rapport au primaire et au moyen soit trois heures hebdomadaires (cf. tableau 01). En réalité, les savoirs transmis au lycée doivent constituer une base solide pour les futurs universitaires, malheureusement, durant cette phase, les programmes, les manuels scolaires, les contenus des matières enseignées… sont quasi identiques pour toutes les spécialités, par exemple : En classe de terminale, les mêmes textes sont donnés et traités pour toutes les filières qu’elles soient littéraires ou scientifiques. Ainsi, le choix dans les supports n’obéit en aucun cas aux spécificités et les besoins de chaque spécialité ce qui rend la formation linguistique en langue française au niveau du lycée assez loin des formations offertes dans le secteur universitaire. Ce facteur peut jouer un rôle défavorable pour les apprenants vu que le français est utilisé essentiellement dans les transmissions des savoirs universitaires à vocation scientifiques et techniques. Palier Primaire Moyen Secondaire (filières scientifiques) Année scolaire Première année Deuxième année Troisième année Quatrième année Cinquième année Première année Deuxième année Troisième année Quatrième année Première année Deuxième année Troisième année Volume horaire par semaine / / 03H 45 05H15 05H15 04H 04H 04H 04H 03H 03H 03H Tableau 01 : Volume horaire hebdomadaire de la matière « langue française » dans secteur éducatif algérien Concernant le module de français, les entretiens ont démontré qu’il est dispensé uniquement pour les premières années universitaires sans pour autant disposer d’un programme ni de matériaux pédagogiques nécessaire à son enseignement. Ainsi, le formateur est libre d'enseigner ce qu'il veut, sans tenir compte des besoins langagiers et communicationnels des étudiants. Ajoutant à cela que ce travail est assuré généralement par des enseignants de spécialité qui se centrent essentiellement sur un enseignement basé sur la terminologie, or même si cette dernière demeure importante, il ne faut pas oublier que la construction cohérente du discours scientifique a son importance, la langue est un outil servant à véhiculer ces connaissances relatives à la spécialité. Pour ainsi dire que les discours scientifiques et techniques s'inspirent et dépendent même de la langue dite général, 65 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 en effet, selon Cabré : « Les langues de spécialité seraient des sous-ensembles, fondamentalement pragmatiques, de la langue dans son sens global » (Cabré 1998 : 119) ou encore « les langues de spécialité sont en relation d’inclusion par rapport à la langue générale » (ibid., : 126). En somme, nous pouvons dire que le module de langue est dispensé de façon inappropriée, son enseignement est relégué au second plan en donnant la primauté aux autres matières de spécialité. Par ailleurs, d’après les réponses collectées des deux interlocuteurs, nous avons noté que tous les enseignants du département de biologie se plaignent du niveau insuffisant de leurs étudiants en plaidant pour un enseignement de type : français de spécialité à la place du module dispensé qui se centre surtout sur l’aspect terminologique. Ainsi, nous avons palpé à travers leurs discours une certaine préoccupation puisque les étudiants souffrent d'insuffisances linguistiques à tous les niveaux que ce soit du côté de la compréhension orale/écrite ou bien du côté de la production orale/écrite. En définitive, les enseignants ont souligné l’importance du côté langagier et communicationnel dans la formation puisque la langue demeure un outil fondamental pour l’acquisition des savoirs disciplinaires. 3.2. Collecte et analyse des données 3.2.1 Observation des pratiques de classe Dans cette étape de notre expertise, nous nous sommes focalisés sur les compétences linguistiques des étudiants de la première année de biologie en situation réelle en classe. Nous avons choisi pour cela le groupe 3 de la promotion qui comporte 26 étudiants1. D’abord, nous avons assisté à un cours de spécialité pour analyser les interactions verbales entre le professeur et les étudiants. Ensuite, nous avons procédé à une analyse des quelques productions écrites rédigées en langue cible. A cet effet, nous avons choisi de faire une analyse des copies du module « langue », et cela pour détecter leurs lacunes linguistiques. a. Situation orale Observation d'une séance de mathématiques pour expertiser l’oral : Extrait du cours présenté par le professeur : «.- Je vous rappelle que la dérivée, c'est…. Vous allez utiliser cette relation… *Le professeur porte au tableau un problème… - Allons qui veut passer au tableau… Là je vous donne le résultat final, alors essayez de voir comment on a fait pour arriver à ce résultat… ça c'est une donnée finale… Vous avez trois variables… Maintenant vous résolvez le problème… C'est quoi… c'est équivalent à…si je dérive ça, ça donne cette relation, oui ou non ? Ça donne, en effet un demi…multipliez… Je préfère une méthode générale qui s'applique à toutes les méthodes que celle là… C'est la dérivée de quoi ? Ça c'est la formule générale… 1 Il faut préciser aussi que le groupe d'étudiants comptait 04 étrangers venus de leurs pays d’origine pour continuer leurs études en Algérie. 66 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 Si vous utilisez cette équation, vous parviendrez à ce résultat… Si X2 moins Y2…vous calculez tous seuls… C’est quoi ? C'est un demi… F prime c'est-à-dire à l'intérieure x2 et y2 *Un étudiant monte au tableau… - Tu vas dériver ça… Oui qui veut continuer… » Ce que nous avons remarqué dans l'interaction enseignant/étudiants est que pendant toute la séance c’était le professeur qui monopolisait la parole, c'est lui qui faisait tout (caractéristique de la méthode traditionnelle). En effet, la majorité des étudiants ne faisait qu’écouter et ne répondaient que par des « oui » ou des « non » timides. De surcroit, nous avons remarqué que les étudiants étrangers s’exprimaient avec aisance durant les cours et monopolisaient même la parole. Il faut dire que les étudiants algériens de ce groupe n'avaient pas cette facilité à s'exprimer, ils évitaient le maximum de parler en français, cette inhibition les empêchait de vivre le cours dispensé comme c’était le cas de leurs camarades étrangers. En effet, cette appréhension était due indubitablement à leurs insuffisances linguistiques. A cela s'est ajouté le témoignage de l’enseignant de spécialité, qui n’a fait qu'appuyer le constat que nous avons établi : Il a affirmé que les étudiants avaient vraiment des problèmes à tous les niveaux linguistiques ce qui obligeait les enseignants à recourir à la traduction (du français vers l'arabe classique/ dialecte algérien) ou/et à la schématisation. b- Situation d'écrit Dans cette étape du diagnostic, nous avons analysé des productions écrites de quelques étudiants en corrigeant leurs copies d'examen. En effet, nous voulions établir une classification des erreurs éventuellement commises par ce public cible selon les trois critères suivants : lexicales, morphosyntaxiques et sens des énoncés, et ce, pour pouvoir les expliquer. Ainsi, nous avons corrigé 13 copies d’examen et relevé 121 erreurs qui ont été classées selon la nature des différentes erreurs commises. Nous avons constaté que le nombre des erreurs était assez élevé par rapport au nombre de copies. Ainsi, la majorité des dysfonctionnements était de nature morphosyntaxique avec un total de 50.41% puis lexicale avec un pourcentage de 38.84% et enfin le sens des énoncés avec un taux de 10,74. Par ailleurs, nous avons constaté dans la catégorie « erreurs lexicales » qu’en plus des écarts lexicaux (par exemple : importon, analoge…) les étudiants utilisaient des termes décontextualisés comme (le mélange est bien…). Quant à la catégorie de la morphosyntaxe, nous avons noté que le public ne respectait pas les accords (genre et/ou nombre), exemple : (avec une catégorie…) et n’avait pas une bonne maitrise de l’utilisation des mots outils tels que les déterminants, les prépositions, les articulateurs … Exemple : (jusqu'à le refroidissement…). Aussi, plusieurs autres dysfonctionnements ont été relevé au niveau de la morphosyntaxe verbale comme le non-respect des concordances temporelles, des temps erronés, etc. En ce qui concerne la troisième classification qui touche le sens des énoncés, nous avons constaté que l'enchaînement et l'organisation des idées étaient assez incompréhensibles du fait qu'ils ne maitrisaient pas les techniques rédactionnelles et/ou argumentatives (les règles de cohésions et cohérences textuelles). 67 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 3.2.2. Spécificités linguistiques des sciences biologiques Les discours scientifiques biologiques sont avant tout, explicatifs, informatifs, ils tirent de l'argumentatif, du descriptif, et même du narratif. Le vocabulaire, dans les textes, est en lien avec les notions expliquées, donc si la matière est complexe, un glossaire, des définitions en notes de bas de page, etc., peuvent être nécessaires. Le ton du narrateur est externe et objectif – il informe les lecteurs tout simplement – ou il peut être interne et subjectif – le destinateur cherche à informer et à expliquer en donnant de manière directe ou indirecte son point de vue. Évidemment, tout texte, par les choix du sujet traité, par les sous-titres, par le titre, les images, etc., comporte une note de subjectivité et cela, même si le destinateur jure son objectivité. Pour faciliter la compréhension de la matière expliquée, des titres, des soustitres, des intertitres, des images, des photos, des schémas et/ou des graphiques peuvent être insérés. Le tableau ci-dessous représente quelques caractéristiques linguistiques du discours de biologie : Fonctions Caractéristiques d'organisation Caractéristiques linguistiques - Fonction informative. - Fonction didactique. (description, comparaison, définition, classification…) - Progression à thème constant. - Progression à thème linéaire. - Progression à thème éclaté. - Raisonnement (déductif/inductif)… - Procédés explicatifs. - Vocabulaire spécialisé. - Utilisation des substituts. - Formation/composition des mots. - Liens logiques. - Les temps utilisés. - Les présentatifs. - La tournure impersonnelle. - La nominalisation. - Types de phrases. - Pronoms personnels (on, il, nous) - Les relatives. - Le comparatif (infériorité, égalité, supériorité) - La quantification. - La ponctuation. - Le gérondif - Lexique (cause/conséquence). Tableau 02 : Tableau récapitulatif des principales spécificités linguistiques de la biologie. 68 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 3.3. Les objectifs généraux du français de biologie L'identification des objectifs à atteindre dans le module de français de biologie découle de la démarche entreprise alliant nécessités linguistiques exprimées par le public cible (les premières années) et les besoins institutionnelles ou besoins de formation. Ainsi, l’expertise a démontré que ces étudiants reçoivent un enseignement spécialisé en langue française : Biologie animale, biologie végétale, chimie, géologie… toutefois, ce public est caractérisé par des insuffisances linguistiques et manifeste donc des dysfonctionnements langagiers et communicationnels. En réalité, ce qui manque pour ces universitaires est l'aptitude à comprendre, assimiler les savoirs disciplinaires transmis pour pouvoir les reproduire, les réinvestir dans des situations problèmes, et ce, de façons cohérentes et compréhensibles que ce soit du côté de l’oral ou du côté de l'écrit. Ceci dit, notre objectif premier est que ces étudiants aient la possibilité de dépasser leurs inhibitions en s'exprimant sans contraintes, de produire, d'enchainer leurs idées de façons cohérentes pour arriver à cette capacité d'apprendre à apprendre en maniant les outils linguistiques convenablement. 3.3.1. Etablissement d’un référentiel pour les biologistes L’analyse a démontré que le public a besoin d'un outil linguistique spécifique pour comprendre, assimiler les cours dispensés et de pouvoir produire des textes cohérents devant être en corrélation avec les besoins de formation. Pour ce faire, l’établissement d’un référentiel devient obligatoire. Nous résumons ses grandes lignes : -La langue doit être conçue comme étant complémentaire avec les sciences biologiques, -Les activités et exercices doivent être tirés à partir de documents authentiques, -Les activités doivent se focaliser sur le langage approprié du domaine concerné : une grammaire spécifique et une terminologie particulière, stratégies d’écritures particulières, etc., et corrélativement adopter des méthodes d’enseignement/apprentissage adaptatives axée sur : • Les pratiques des opérations discursives (observer, repérer, classer, présenter, exposer, expliquer, caractériser, comparer, justifier) ; • Une bonne utilisation des verbes et des temps ; • Les différences entre les discours interactifs (le français général) et les discours expositifs ; (Le français scientifique) ; • Les articulateurs de la démonstration logique et les discours scientifiques ; • Le lexique (la formation des termes techniques, préfixes, suffixes, termes génériques et hyperonymes) ; • Les chiffres et les lettres des représentations graphiques ; • La cohérence des discours (ponctuation, procèdes anaphoriques, articulateurs); • La stratégie de lecture ; • La technique d’exposer ; • La technique de prise de notes en français. • La technique du résumé, du compte-rendu, de la synthèse. 4. Conclusion L’expertise a démarré de l’analyse des besoins jusqu’à la formulation des objectifs de formation qui entrent en vigueur dans la construction d’un programme sur objectifs spécifiques. Nous voulions expliciter à travers notre contribution le degré d’importance de la démarche FOS. En effet, en y recourant, nous avons mis en relief les dysfonctionnements langagiers et communicationnels des étudiants inscrits en biologie mais aussi nous avons 69 Studii de gramatică contrastivă 36/2021 identifié leurs origines comme le décalage entre une formation scolaire arabisée et une formation universitaire en langue française, l’absence de programme de langue pour les premières années et la focalisation sur l’aspect terminologique ou encore l’existence de la logique matières essentielles/ matière secondaire… Il faut dire à ce stade de l’expertise, que le module de langue dispensé dans ce domaine scientifique et technique est enseigné de façon inappropriée, aucune démarche ingénierique n’a été enclenchée au préalable ce qui rend les contenus dispensés dans ce module en décalage par rapport aux besoins de la formation. Références bibliographiques Hutchinson, T., Waters, A., 1987, English for Specific Purposes, Cambridge University Press. Haidar, M. 2012, L’enseignement du français à l’université marocaine. Le cas de la filière Sciences de la Vie et Sciences de la Terre et de l’Univers, thèse de doctorat, Université Ibn Tofail, Université Rennes 2, version 1-27 Aug 2012, HAL Id: tel-00725803, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel00725803 Lehmann, D., 1993, Objectifs spécifiques en langue étrangère, Hachette. Mangiante J.M., & Parpette, C. 2002. Le français sur objectif spécifique : de l’analyse des besoins à l’élaboration d’un cours. Ed Hachette. Mangiante, J-M., Parpette, C., (2004), Le français sur objectif spécifique, Hachette. Porcher, L, 1976, « Monsieur Thibaut et le bec Bunsen », Études de linguistique appliquée, n° 23 1976, p 6-17. Rolle Boumlic, M., 2002, « Pour une ingénierie de la formation », séminaires à Alger du 17 au 29 janvier 2002 et à Oran du 02 au 14 juin 2002. Mohamed Fouzi IMESSAOUDENE, docteur en langue et littérature française, maitre de conférences exerçant comme enseignant-chercheur au département de français de la faculté des lettres et des langues à l’université de Tissemsilt–Algérie. Ses recherches et publications traitent du domaine didactique en l’occurrence les langues spécialisées, le Français sur Objectifs Spécifiques/universitaires (FOS) (FOU) et de l’ingénierie de formation en contexte du Français Langue Etrangère (FLE). Dr. Boulanouar YOUSFI, enseignant-chercheur au sein de l'université de Tissemsilt, enseignantvacataire et ex-assistant ingénieur informaticien au sein de l'université de Relizane, membre du laboratoire TRADTEC de l'université d'Oran 2 (tous en Algérie). Il est intervenant et auteur de publications en didactique des langues et en statistiques textuelles : analyse des manuels scolaires, approches didactiques, élaboration des dispositifs de formation, exercices et activités d'apprentissage, formations des formateurs, TICE, ... 70.
43,140
hal-03924691-10-%20VARIA%202%20Claudine%20FRECHET%20Etude%20compar%C3%A9e%20de%20l%27article%20partitif.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Étude comparée de l'article partitif dans deux textes médiévaux rédigés en langue gallo-romane Les comptes de la cellérerie et de la châtellenie de Poncin (1336-1352) rédigés en francoprovençal et un extrait inédit du manuscrit 258 du Trinity College de Dublin intitulé Waldensian Bible, New Testament rédigé en occitan. Revue CONFLUENCE Sciences & Humanités, 2022, 2, pp.131-145. &#x27E8;hal-03924691&#x27E9;
None
French
Spoken
4,779
7,720
Étude comparée de l’article partitif dans deux textes médiévaux rédigés en langue gallo-romane Les comptes de la cellérerie et de la châtellenie de Poncin (1336-1352) rédigés en francoprovençal et un extrait inédit du manuscrit 258 du Trinity College de Dublin intitulé Waldensian Bible, New Testament rédigé en occitan Claudine Frechet HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and disse documents , . teaching and institutions France , public research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, és ou non, éma des établissements d’enseignement et de recherche français étrangers . Étude comparée de l’article partitif dans deux textes médiévaux rédigés en langue gallo-romane Les comptes de la cellérerie et de la châtellenie de Poncins (1336-1352) rédigés en francoprovençal et un extrait inédit du manuscrit 257 du Trinity College de Dublin intitulé Waldensian Bible, New Testament rédigé en occitan Claudine FRÉCHET UR CONFLUENCE : Sciences et Humanités [EA 1598], UCLy Lyon, France Résumé À partir de deux types de documents qui ont en commun d’être du même siècle, il est possible de faire une étude comparée de l’article partitif. Ces documents sont des textes de comptes des châtelains et des cellériers du XIVe siècle, des seigneurs de Thoire et Villars dont le domaine correspondrait aujourd’hui au nord-est du département de l’Ain, et un extrait de la Waldensian Bible, New Testament in Waldensian, daté du début du XVIe siècle mais qui semble être une copie du manuscrit de Carpentras qui lui-même date des XIVe-XVe siècles (ms. 258 du Trinity College de Dublin). Ces documents, encore inédits, sont écrits dans deux des langues contemporaines de l’ancien français que l’on peut appeler ancien francoprovençal et ancien occitan. En ancien français, un certain nombre de verbes pouvaient avoir leur objet direct introduit par un partitif et, sur le plan morphologique, cet article est reconnu comme le résultat de la fusion de la préposition de et de l’article défini. Dans les occurrences dont nous disposons, tous les verbes, en ancien francoprovençal, comme en ancien occitan, sont suivis directement du substantif alors qu’aujourd’hui, en français, le complément d’objet direct est introduit par de . Discipline : sciences du langage Mots-clefs : francoprovençal, occitan, Moyen Âge, morpho-syntaxe, article partit if Abstract Starting from two types of documents dating from the same century, it is possible to make a comparative study of the partitive article. These documents are the accounts of châtelains and cellarers of the 14th century, belonging to the lords of Thoire and Villars, whose domain corresponds today to the north-east of the department of Ain, and an extract from the Waldensian Bible, New Testament in Waldensian, dated from the beginning of the 16th century but which seems to be a copy of the Carpentras manuscript, dating from the 14th-15th century (ms. 258 of Trinity College, Dublin). These unpublished documents are written in two of the contemporary languages of Old French that can be called Old Francoprovençal and Old Occitan. In Old French, a number of verbs could have their direct object introduced by a partitive and, morphologically, this article is recognized as the result of the fusion of the preposition “de” and the definite article1. In the occurrences available to us, all verbs in Old Francoprovençal, as in Old Occitan, are followed directly by the noun, whereas today, in French, the direct object complement is introduced by “de”. Discipline: language sciences Keywords : Francoprovençal, Occitan, Middle Ages, morphosyntax, partitive article Gérard Moignet, Grammaire de l’ancien français, morphologie, syntaxe, Paris, Klincksieck, 1979, p. 15 et Marchello-Nizia, La Langue française aux XIVe et XVe siècles, Paris, Nathan, 1997, p. 145. 1 L’Institut Pierre Gardette2 prépare l’édition des comptes des châtelains et des cellériers du XIVe siècle des seigneurs de Thoire et Villars dont le domaine correspondrait aujourd’hui au nordest du département de l’Ain. Nous préparons également l’édition partielle du manuscrit 257 du Trinity College de Dublin, intitulé Waldensian Bible, New Testament in Waldensian, et daté du début du XVIe siècle. Ce dernier document semble être une copie du manuscrit de Carpentras qui lui-même date des XIVe-XVe siècles. C’est à partir de ces textes que je propose d’étudier l’article partitif. Ces deux textes sont le témoignage linguistique d’une même époque sur la moitié sud-est du territoire français actuel. Une étude de l’article partitif peut être faite à partir de ces documents encore inédits dans deux des langues contemporaines de l’ancien français que l’on peut appeler ancien francoprovençal et ancien occitan. Les articles partitifs sont rares en ancien français, il faut attendre la fin de cette période pour que leur usage se développe. L’article, que ce soit devant les indénombrables ou devant les noms renvoyant à une notion abstraite, est, généralement, absent. Alors qu’en latin on avait, je cite Brunot, « la construction prépositionnelle bibere de aqua » (1933, p. 235), en ancien français « on s’achemine vers un état nouveau où souvent de paraît à côté de l’article » (idem). Description des documents Une copie du microfilm des comptes de Thoire et Villars, documents comptables, est déposé e aux Archives Départementales de l’Ain Les photos de ce document nous ont été transmises par l’ancien directeur des Archives du département de l’Ain, Paul Cattin, qui a écrit, en introduction de notre édition à paraître : « Nous n’avons pu prendre connaissance de ce très riche document que par l’intermédiaire d’un microfilm réalisé par les Archives de la Haute-Savoie et obligeamment communiqué par leur Directeur, Monsieur Yves Kinossian. Ce registre est en papier et comporte environ 560 pages, la plupart du temps écrites sur deux colonnes. Les pages ne sont pas foliotées, mais portent des nombres en chiffres romains qui désignent les années par les dizaines et les unités (par ex. XLI, pour 1341) ; il va sans dire qu’un même nombre est répété sur plusieurs pages à la suite, ce qui peut dérouter au premier abord. Le papier est en assez bon état, cependant de nombreuses pages ont été mouillées en partie ce qui rend la lecture parfois difficile. » Pour cette brève étude, j’ai retenu les comptes du châtelain et du cellérier de Poncins, ce qui représente un corpus d’une centaine de pages du manuscrit. Quelques sondages ont été effectués sur les autres châtellenies telles que Cerdon, Arbent, Nerciat, Cuisiat, notamment, qui n’ont pas modifié les résultats que j’avais obtenus pour la seule seigneurie de Poncins. Si chacune a ses spécificités, ce sont des spécificités de denrées ou de pratique et non des spécificités linguistiques. À titre d’exemple, il n’y a qu’à Poncins que les noix véreuses sont valorisées, on trouve du pain pour les chiens à Arbent et ciat, à Châtillon-de-Cornelle il y a une quantité importante de poules et Cerdon est particulier par les travaux viticoles et le vin qui y est produit. Les sires de Thoire et Villars avaient confié la sécurité de leurs fiefs et l’entretien des bâtiments, des forteresses notamment, à des châtelains, c’est-à-dire à des officiers. Ces derniers pouvaient 2 L’Institut Pierre Gardette, qui porte le nom de son fondateur et premier directeur, a été créé en 1941, sous le nom d’Institut de Linguistique Romane. L’objectif de cet institut, qui fut fondé, grâce au soutien d’un mécène forézien, Georges Guichard, est d’étudier et de valoriser le patrimoine linguistique régional. L’IPG prend place au sein du pôle de recherche Culture(s), Langue, Imaginaire de l’UR Confluence : Sciences et Humanités de l’UCLy. rendre justice et percevoir des amendes. Parfois ces amendes étaient perçues par le cellérier qui était, lui, particulièrement en charge de la gestion économique et financière du fief. Quant à la fréquence des comptes, elle était variable : les châtelains pouvaient rendre des comptes plusieurs fois par an alors que les cellériers ne rendaient qu’un compte par année. Pour expliquer le rôle du châtelain, Jean-Pierre Gerfaud et Noël Poncet, dans l’introduction de l’édition de ces textes, parue aux éditions Lucas et Lambert, écrivent (2022, p.27) : En l’absence du seigneur, le châtelain veille à la garde du château de Poncin et à la fonction symbolique du pouvoir [...] il assure la surveillance de l’entrée de la cité de Poncin et procède à la levée des péages (piages) sur des marchandises rares (verres). Sur le territoire du fief, il assure la police ordinaire, reçoit les plaintes (insultes, blessures, vols, empiètements), relève les infractions (fausse mesure, fraude), impose des am . Il procède à des mises en locations de biens seigneuriaux pour des officiers, voire à des ventes de terrains et de productions seigneuriales. Enfin, il exécute des voyages lointains et délicats, comme les transferts de fonds. Ce qui l’amène à faire des versements à d’autres officiers, en particulier au cellérier, et à en rendre compte. Les comptes sont rédigés selon un ordre immuable ; le compte débute par une introduction qui décrit les parties en présences, les dates, les circonstances, viennent ensuite les recettes, puis les dépenses et le bilan. Les recettes sont de deux ordres : il y a les recettes en argent et les recettes en nature. Il est d’abord fait état des sommes payées et correspondant à des retards de paiement, puis les taxes/impôts divers telles que la protection ou les tailles notamment. Enfin, sont inventoriées les recettes en nature au nombre desquelles on compte le froment, les légumineuses telles que les pois, les vesces, les akènes tels que les châtaignes ou les noix, mais aussi les poules, le chanvre ou la cire. Les dépenses suivent le même ordre que les recettes ; il y a les dépenses en argent puis les dépenses en nature. Les dépenses en argent s’appliquent aux travaux de construction, de transports ou de culture (entretien de la forêt, de la vigne...) sans oublier le papier utilisé pour la rédaction des comptes. Quant aux dépenses en nature, nous retrouvons les mêmes éléments que pour les recettes en nature. Le bilan est la conclusion du compte et fait ressortir le montant dû ou le déficit. Pour l’ensemble de ces productions, leur poids est donné en livre, en quartaux (moins de 100 l. Utilisé pour les productions agricoles), en hémine (environ 40 l.), en meitière (1/6 de quartal = environ 16 l.), en bichet (environ 16 l.), en bichet (environ 8 l.) ou, pour le vin, en ânée (moins de 100 l.) et leur valeur en livre, en sou, en gros, en florin (12 sous), denier, engrogne, obole, maille ou pouge. Par la lecture de ces comptes, nous pouvons imaginer la vie d’une société avec ses marchés où sont présents des bouchers, des marchands de cuir, des marchands de sel... et ses travaux qui peuvent être menés par l’ingénieur... La langue des comptes est riche en matériaux mal connus ou inconnus des lexicographes. Le lexique est celui des réalités concrètes comme celui du bâtiment (thou « construction de maçonnerie au milieu de la chaussée de l’étang où se trouve la bonde permettant de retenir l’eau ou de vidanger » ; chaucia « chaussée de l’étang » ; esclosa « écluse »...), des métiers (chapuys « charpentier » ; clier « clerc » ; fauro « forgeron »...), des activités domestiques (bueris « lavandières » ; tuellies « torchon »...) ; de la vigne (ablaver « piocher (des vignes) » ; cempota « tonneau de 105 à 110 l. » ; puar « tailler la vigne »...) ou de l’alimentation (bacon « lard » ; michi « pain » ; oyle « huile »...) dont on évoque une partie ou une quantité. Quant à la syntaxe, elle est très répétitive, très structurée et même codifiée. La Bible vaudoise, les différents manuscrits ; le manuscrit de Dublin Le manuscrit de Carpentras constitué d’une partie de la Bible vaudoise a été édité, ainsi que celui du Nouveau Testament de Lyon. Or le texte du manuscrit de Dublin ne l’a pas été bien qu’il soit le plus complet. J’ai donc entrepris la transcription des chapitres seuls présents dans ce dernier manuscrit. Il s’agit des chapitres XI à XIX du livre de la Sagesse et des chapitres XVII (XVI v. 4 selon la Vulgate) à XXIII de l’Ecclésiastique. Selon Jean Gonnet et Amedeo Molnár (1974, p. 326), le manuscrit de Carpentras date des XIV-XVe siècles, celui de Grenoble du XVe, et celui de Dublin du début du XVIe. À propos de la date tardive de ce dernier, Samuel Berger observe : « Malgré la date récente de la copie, le texte lui-même est fort ancien [...] celui de Dublin [...] daté de 1522 [...] semblerait la reproduction de celui de Carpentras, s’il ne s’étendait jusqu’au chapitre XXIII du livre de Sirach » (1889, pp. 378-379). Ces fragments sont en effet absents du manuscrit de Grenoble et constituent, en partie, l’originalité du manuscrit de Dublin. Le manuscrit, dans son ensemble, présente selon Samuel Berger 205 millimètres sur 160. 179 feuillets écrits, plus 2 réglés à la fin. 2 colonnes de 38 lignes. Initiales alternativement rouges et bleues, avec filets verts ; chapitres et rubriques en rouge ; réclame dans des cartouches ; cahiers généralement de 12 feuillets ; titres courants. En marge, parallèles en encre rouge pâle, paraissant plus récents. Au verso du premier feuillet, quelques passages, en partie de l’Ancien Testament. (Ibid. . 417) Le vocabulaire est riche et fournit de nouvelles attestations par rapport aux autres versions déjà publiées3. Pour la lettre A du glossaire sont présentes, seulement dans notre édition, les formes : abomination, act, agneos, aigrament, amermament, amiration, amonestament, anichilar, antiqua, arainienc, argent, attent, audacia et audacios. De plus, sont à ajouter au FEW4 les formes : affection, s’agoniar, altessime et arcana. Même si les textes en langue occitane de cette époque sont nombreux, cette contribution permet d’apporter un complément lexical dont plusieurs substantifs relèvent de l’indénombrable et sont donc éligibles à l’utilisation du partitif. Pierre Valdo s’est adressé au clerc lettré Étienne d’Anse, pour établir la traduction de passages de la Bible, et à Bernard de Ydros, pour en faire des copies5. Si l’on en croit les témoignages, la version en langue régionale a été donnée à partir d’une lecture orale du texte latin. C’est ce que quatre confusions paronymiques du texte permettent de confirmer. En effet, dans le livre de la Sagesse, chapitre 12, verset 26, il y a une confusion entre dies « jour » et Deus « Dieu ». Dans le livre de l’Ecclésiastique, chapitre 18, verset 33, saeculum « siècle » a été confondu avec sacculus « sac à porter, bourse » ; au chap. 17, verset 18, signaculum « sceau » avec sacculus « sac ». Enfin, dans ce même livre, chapitre 21, verset 24 ostium « porte » a été compris odium « haine ». Le corpus des documents anciens francoprovençaux et anciens occitans Pour établir le corpus se rapportant à l’article partitif dans ces deux documents, j’ai effectué une recherche automatique dans la traduction des séquences du, de, des, de la, de m (mon, ma, mes), de t, de s, de n, de v et de l, expressions possibles du partitif dans le français d’aujourd’hui. À partir de cette recherche, j’ai obtenu le corpus suivant : Dans les comptes du cellérier ou du châtelain de Poncins : 3 Cf . Le Nouveau Testament de Lyon de Peter Wunderli , ou Altwaldensische Bibelüber 1. Folio 64 Item de Humbert Darbon LX souz per chenevo vendu Item de Guillamo Ran XVIII souz et IX deniers per lana vendua [...] Item per pan vendu Item, de Humbert Darbon 60 sous pour du chanvre vendu (forme francisée) Item, de Guillaume Ranc.... 18 sous et 9 deniers pour de la laine vendue (forme francisée) [...] Item, pour du pain vendu, 2. folio 65 traire areyna « pour extraire du sable » 3. folio 93 et per LIII asnas del vin mon segniour « et pour 53 ânées du vin de Monseigneur » 4. folio 94 Item contet de les tallies des diz homes de bosches de III anz IX souz de gros Item contet de les recevues du mas Ber ardet de Coyron de tot « Item, il a compté pour les tailles des dits hommes de Bô ches pour trois ans sous de gros Item, il a compté des rentes du mas Berardet, de Coiron, pour tout » 5. folio 162 vendu de nostre vin de que il contara desoz « car on y a vendu de notre vin dont le compte sera ci-dessous » 6. folio 164 Item contet qu’il ha paya Hugonin lo Drapier per drap per nostra mullier et per Maria et per pennes VIII souz III deniers de gros « Item, a compté qu’il a payé à Hugo le Marchand de tissus pour du tissu pour notre épouse et pour Marie, et pour des étoffes 8 sous 3 deniers de gros » 7. folio 199 Item contet per tot l’ovrage saynt en la tort de cest an per charreyer piera ajornas fare les < rature > huyssurs de les privas traire areyna (// afr.) « Item, il a compté pour tout l’ouvrage situé dans la tour cette année, pour charroyer la pierre à la journée, pour faire les huisseries des parties privées, pour extraire du sable » 8. folio 295 per amenar cheauz « pour amener de la chaux » Dans l’extrait de la Bible vaudoise du manuscrit déposé au Trinity College de Dublin : 9. Car acer tu donies sang human a-li non iust per fontana del flum eternal. (La Sagesse, ch. 11) « Car aussi tu donnas du sang humain aux injustes au lieu de la fontaine du fleuve éternel. » 10. « et l’assimile à l’image d’un homme ou le compare à quelque animal en le teignant avec de l’arcane » 12. e confermant lui cum ferre (La Sagesse, ch. 13). « et le fixant avec du fer » 13. e totas cosas son ensemp mescla sang homecidi (La Sagesse, ch. 14). « et toutes ces choses ensemble sont mêlées avec du sang d’homicide » 14. Per laqual cosa tu as nuri lo teo poble de vianda d-angels e-donnes a-lor pan apparelha del cel sencza lauor hauent en-si tot deleict e-soiuecza de tota sabor. (La Sagesse, ch. 16) « Pour cela tu as nourri ton peuple de viande d'anges et tu leur as donné du pain préparé au ciel sans travail ayant en lui tout délice et plaisir de toute saveur. » 15. es faict plus benigna a-ben far per aquisti liqual se confidan en tu. (La Sagesse, ch. 16) « est dont la bienfaisance a été augmentée pour faire du bien à ceux qui se confient en toi. » De cet ensemble, il convient d’exclure le fragment n°4 dans lequel de les tallies peut être également traduit « pour les tailles » ou « en ce qui concerne les tailles » ; de est alors une préposition suivie d’un article défini. Cette forme est cependant intéressante ; elle permet en effet de noter que le francoprovençal du sud, comme l’occitan, n’a pas de forme contractée pour de suivi de l’article féminin pluriel – nous avons de les –. Dans les autres contextes, on peut décrire les utilisations en reprenant les critères présentés par Jean-Claude Anscombre (1996, pp. 80-103) : - le type du verbe (actif ou passif) - le sémantisme du verbe - la généricité du substantif - la possibilité d’anaphore - la forme particulière de localisation - l’ancrage temporel, soit l’ancrage événementiel (ce qui se passe, ce qui s’est passé, ce qui se passera) - la propriété de l’énoncé (vérité/événement général(e)) J’ajoute à cela, pour la construction, la pré présente en ancien francoprovençal ou ancien occitan, alors que l’article est absent, mais je retire le critère de la possibilité d’anaphore et celui de la forme particulière de localisation qui ne semblent pas pertinente pour ce corpus. Ancien francoprovençal Ancien occitan Type de verbe Actif 2 (traire areyna), 6 (qu’il 9 (Car acer tu donies ha paya Hugonin lo sang human), 10 (esser Drapier per drap), 7 (per ben faict), 11 (tegnent charreyer piera ajornas fare les [rature] huyssurs de les privas / traire areyna), 8 (per amenar cheauz) Passif Sémantisme (activités humaines) cum arcana), 12 (confermant lui cum ferre), 13 (mescla sang homecidi ), 14 (e-donnes a-lor pan), 15 (a-ben far) 1 (per chenevo vendu) Vendre (chanvre sg., laine sg., pain sg.) Extraire (sable sg.) Amener (chaux sg.) Payer (tissu, étoffe sg.) Transporter (pierre sg.) Donner (sang, pain sg.) Faire (bien sg.) Teindre (arcana sg.) Fixer (fer sg.) Mêler (sang sg.) Ancrage événementiel Il n’y a pas d’élément concernant ce qui se passe et nous n’avons pas de mention sur ce qui se passera si ce n’est les montants qui restent dus Ce qui s’est 1 (per chenevo vendu), 2 9 (Car acer tu donies passé (traire areyna), 6 (qu’il sang human), 10 (esser ha paya Hugonin lo ben faict), 13 (mescla Drapier per drap), 7 (per sang homecidi ), 14 (echarreyer piera ajornas donnes a-lor pan), fare les [rature] huyssurs de les privas / traire areyna), 8 (per amenar cheauz) propriété Vérité générale Evénement général 2 (traire areyna ), 7 (per charreyer piera ajornas fare les [rature] huyssurs de les privas / traire areyna), 8 (per amenar che uz) Absence de préposition 2 (traire areyna ), 3 (LIII asnas del vin mon segniour), 4, (per charreyer piera ajornas fare les [rature] 11 (tegnent cum arcana), 12 (confermant lui cum ferre), 15 (a-ben far) 10 (esser ben faict), Construction 9 (Car acer tu donies sang human), 10 (esser ben faict), 13 (mescla sang homecidi ), 14 (edonnes a-lor pan), 15 (a- ben far) huyssurs de les privas / traire areyna), 8 (per amenar cheauz) cum per 11 (tegnent cum arcana), 12 (confermant cum ferre), 1 (per chenevo vendu), 6 (qu’il ha paya Hugonin lo Drapier per drap), Tableau 1 – Tableau récapitulatif : présentation des attestations En remarque préliminaire, il convient de souligner que, dans toutes les séquences retenues, le groupe nominal ou prépositionnel désignant la partie d’un tout n’a jamais une fonction de sujet, mais toujours d’objet. En ancien francoprovençal (ex. : 1, 2, 6, 7, 8), en ancien occitan (ex. : 9, 11, 12, 13, 14), comme en ancien français, l’article partitif est le plus souvent absent. En ancien francoprovençal, nous assistons à son apparition dans la langue pour l’introduction de l’adjectif possessif de la 4e personne (ex. : de nostre vin). L’ex. 3 (et per LIII asnas del vin mon segniour) est ambigu car il est difficile de trancher entre la préposition « de » qui introduit le complément du nom et l’article partitif, bien qu’il semble plus juste de préférer la préposition. En ancien occitan, les exemples 10 (esser ben faict) et 15 (a-ben far) doivent être mis à part, car il n’est pas sûr que le texte occitan atteste un substantif plutôt qu’un adverbe. En effet, si l’on se reporte à la forme latine, dans la Vulgate, on lit bene pour l’attestation 10 et benefaciendum pour la 15. L’article partitif est presque absent de l’écriture des comptes, ce qui peut conduire à deux hypothèses. Soit dans ce type de document, le partitif est une catégorie grammaticale inusitée, soit l’article partitif est bel et bien absent à cette époque, comme en ancien occitan et en ancien français. Si l’on retient la première hypothèse, on peut faire le parallèle avec les inventaires et les documents comptables que nous connaissons aujourd’hui. La présentation actuelle des comptes est le résultat de données qui sont saisies dans des tableaux. En effet, si nous nous référons aux documents comptables du XXe ou XXIe siècle, les prépositions introduisant les noms sont absentes mais les séquences « il a compté », « somme de la recette », etc. le sont aussi. Il semble alors que déduire de la pratique des inventaires d’aujourd’hui que les articles partitifs sont absents des comptes des cellériers ou des châtelains relèverait de l’anachronisme. Les constructions considérées comportent un substantif au singulier pour la plupart. Nous n’avons que deux emplois avec un substantif au pluriel et pour lesquels le substantif est introduit directement. Il faut donc convenir que l’article partitif, entre 1346 et 1352, est absent de la langue utilisée par les cellériers ou greffiers des comptes de châtellenie de Thoire et Villars, sauf devant l’article possessif. Au XXe siècle, Aimé Chenal, comparant le français et le francoprovençal, écrit : « on remarque qu’en français le partitif est du (sing.) ou des (pl.) [...] notre dialecte ne connaît pas ces distinctions : il fait de partout » (1986, p. 418). Quant à Jean-Baptiste Martin, il affirme que « L’article partitif [...] est exprimé par du, de la dans le tiers nord domaine, par de ailleurs » (2005, p. 21). Les cartes du XXe siècle qui suivent sont des illustrations de l’évolution de l’emploi de l’article partitif dans le domaine francoprovençal français et helvétique6. 6 La langue de la région roannaise est très marquée par l’influence française. Figure 1. Carte n°28 extraite de Morphologie pronominale des parlers francoprovençaux du Centre. Thèse de 3e cycle inédite de Jean-Baptiste Martin, et établie à partir de l’Atlas Linguistique et ethnographique du Jura et des Alpes du Nord. (Crédits cédés par l’auteur) Figure 2. Extrait de la carte 923 « du vin » de l’Atlas Linguistique de France de Gilliéron. (Source : l’auteur) Figure 3. Tableaux extraits des Tableaux phonétiques des patois suisses romands, par Louis Gauchat, Jules Jeanjaquet et Ernest Tappolet, Neuchâtel, Attinger, 1925. Figure 4. Extrait de la carte 702 « du vin » de l’Atlas Linguistique et ethnographique du Lyonnais. Source : l’auteur Dans le tiers nord-est du domaine francoprovençal, au XXe siècle, l’article partitif correspond à l’usage du domaine d’oïl. Dans le reste du domaine, son usage correspond à celui du domaine d’oc. Dans ce dernier cas, l’article semble être le résultat de la seule préposition (Kristol, 2014, pp. 29-44) alors que dans le précédent, il peut être la fusion de l’article et de la préposition. Au Moyen Âge, dans les textes vaudois comme dans les comptes des châtelains ou des cellériers de Poncin, la notion de partitif est portée uniquement par le substantif (ex. : fer, arcane, sang, pain), alors qu’en occitan, au XXe siècle, le type général en langue d’oc, pour reprendre la formulation d’Alibert, est la forme de. L’exemple donné est : voli de pan. Or, si l’on met en regard l’exemple 14 de notre corpus – donnes a-lor pan apparelha –, l’absence du partitif est manifeste, alors que, dans les mêmes textes vaudois, l’article défini est utilisé (ex. : per li desert « par le désert »). Conclusion Les deux types de documents que j’ai utilisés ont en commun d’être du même siècle et d’avoir été écrits sous la dictée. En ancien français, un certain nombre de verbes pouvaient avoir leur objet direct introduit par un partitif et, sur le plan morphologique, cet article est reconnu comme le résultat de la fusion de la préposition de et de l’article défini (Moignet, 1979, p. 15 ; Marchello-Nizia, 1997, p. 145). Dans les occurrences dont nous disposons, tous les verbes, en ancien francoprovençal comme en ancien occitan, sont suivis directement du substantif alors qu’aujourd’hui le complément d’objet direct serait introduit par de si l’on voulait respecter la correction de la langue française. Il faut néanmoins souligner la construction particulière du complément d’objet direct indiquant la possession du type de nostre vin, qui correspond probablement au premier contexte d’utilisation de l’article partitif qui ne soit pas une forme contractée dans cet emploi. Et peutêtre faut-il y voir un reste de latinité où la forme partitive du pronom personnel au génitif était nostrum, et forme non partitive nostri. Claudine FRÉCHET Bibliographie ANSCOMBRE, Jean-Claude. 1996. Partitif et localisation temporelle. Langue française, n° 109, pp. 80-103. DOI: 10.3406/lfr.1996.5335 BERGER, Samuel. 1889. Les Bibles provençales et vaudoises. Romania, vol. 71, pp. 353-422. DOI: 10.3406/roma.1889.6061 BRUNOT, Ferdinand. 1933 [1905]. Histoire de la langue française des origines à 1900. Tome I De l’époque latine à la Renaissance. 4e éd. revue et augmentée. Paris : Colin. XXXVIII-597 p. CHENAL, Aimé. 1986. Le Francoprovençal valdôtain. Morphologie et syntaxe. Aoste : Ed. Musumeci. 613 p. GONNET, Jean, et MOLNÁR, Amedeo. 1974. Les Vaudois au Moyen Âge. Turin : Claudiana. VII-510 p. KRISTOL, Andres. 2014. Les grammaires du francoprovençal : l’expression de la partitivité. In : Actes de la conférence annuelle sur l’activité scientifique du Centre d’études francoprovençales, Saint-Nicolas, La Géolinguistique dans les Alpes au XXIesiècle : méthodes, défis et perspectives. Saint Nicolas. Région autonome de la Vallée d'Aoste, Bureau régional pour l'ethnologie et la linguistique, 2014, pp. 29-44. MARCHELLO-NIZIA, Christiane. 1997. La Langue française aux XIVe et XVe siècles. Paris : Nathan. 478 p. MARTIN, Jean-Baptiste. 2005. Le Francoprovençal de poche. Chennevières-surMarne : Assimil. X-197 p. MOIGNET, Gérard. 1979 [1973]. Grammaire de l’ancien français, morphologie, syntaxe. Paris : Klincksieck. 445 p.
4,555
ce5633c33d5ab509c47a36fc804c94f6_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,012
interculturalisme et l'intégration des femmes des minorités ethnoculturelles :
None
French
Spoken
6,947
11,588
2.4.1 La protection des droits et libertés des individus Afin de relever le défi du pluralisme dans le cadre des exigences de la démocratie libérale, l'État québécois s'engage à respecter et à protéger les droits des individus de vivre selon leurs appartenances identitaires et culturelles, de même que selon leurs convictions de conscience. Cet engagement se fonde sur l'idéal d'égalité entre les citoyens et les citoyennes, sur le principe de l'autonomie des individus ainsi que sur leur égale dignité. De plus, l'État respecte un principe de neutralité à l'égard des différents systèmes de croyances et des convictions de conscience constitutifs de la société. Toutefois, « [...] un État démocratique et libéral ne saurait être indifférent à l'égard de certaines valeurs clés, notamment les droits humains fondamentaux, l'égalité de tous les citoyens devant la loi et la souveraineté populaire » (Bouchard & Taylor, 2008, p. 134). La transposition de ces valeurs dans la pratique politique conduit à développer et entretenir le sentiment de partager une moralité commune. Le respect des principes démocratiques et libéraux, la reconnaissance de la mosaïque ethnoculturelle québécoise et le sentiment de partager des repères moraux communs représentent des facteurs de cohésion sociale. Néanmoins, ces éléments ne peuvent garantir à eux seuls l'intégration des minorités et l'égalité réelle entre les individus. C'est pourquoi des règles de délibération permettant les interactions et le dialogue sont centrales dans le cadre de Pinterculturalisme. 62 2.4.2 Dialogues et interactions pour une compréhension mutuelle Une kyrielle de conceptions de la « vie bonne » pénètrent la société québécoise. Toutefois, les défis auxquels celle-ci doit faire face ne relèvent pas uniquement de visions morales pluralistes - et parfois antagoniques - mais également de désaccords quant à la distribution des ressources économiques et politiques. Dans cette optique, afin de ne pas faire face à des crises et des déchirements irréparables et pour favoriser l'intégration des minorités, Pinterculturalisme privilégie une approche fondée sur le dialogue interculturel, les interactions et la délibération publique. De ce point de vue, la multiplication des rapports accroît les chances d'arriver à une compréhension mutuelle et à des compromis entre les membres d'une communauté pluraliste. Cela repose aussi sur la conviction que le processus de délibération collective, malgré les tensions qu'il peut créer, favorise en définitive l'équilibre nécessaire pour maintenir et renforcer le sentiment d'appartenance à la collectivité québécoise. Pour ce faire, Pinterculturalisme « [...] privilégie donc la voie des négociations et des ajustements mutuels, mais dans le strict respect des valeurs fondamentales de la société d'accueil [...] tout en tenant compte également des valeurs dites communes faisant partie d'une culture publique partagée » (Bouchard, 2011, p. 18). Enfin, cette compréhension mutuelle et la recherche de compromis doivent également s'étendre à une vision commune et partager des balises encadrant la gestion des différences culturelles et religieuses. Autrement dit, il faut une compréhension partagée des « [...] limites et [des] possibilités de l'expression des différences collectives basées sur l'identité et en établissant les préalables à toute forme de cohésion sociale et des droits individuels dans un contexte public partagé » (Gagnon et Iacovino, 2003, p. 425). 2.4.3 Les accommodements : un engagement social individuel et collectif Un des éléments d'originalité de l'interculturalisme, et qui est pour ses défenseurs un gage de succès, c'est qu'il serait à la fois particulièrement mobilisateur et décentralisé dans ses modalités d'action. En effet, il engage toutes les couches de la société à participer 63 à la vie publique et à s'impliquer en matière de relations interculturelles dans les institutions, les milieux de travail, les milieux sociocommunautaires, etc. Autrement dit, [i]l revient à chaque citoyen placé en situation d'interculturalité de contribuer aux ajustements, aux accommodements mutuels. Les tribunaux conservent évidemment leur indispensable fonction, mais en dernier recours seulement, lorsque l'action citoyenne a échoué à résoudre les désaccords. Il s'ensuit aussi qu'au-delà des politiques de l'État, Pinterculturalisme encourage à l'échelle microsociale les initiatives créatrices des individus et des groupes (Bouchard, 2011, p. 19). En ce sens, la responsabilité de l'intégration des minorités ethnoculturelles, par les interactions et la recherche d'ajustements mutuels, incombe à la fois et tout autant aux membres de la culture majoritaire qu'aux membres des minorités ethnoculturelles. En définitive, l'intégration comprend un double processus à la fois individuel et collectif. 2.5 Quelques perspectives critiques sur Pinterculturalisme Les points de vue théoriques sur Pinterculturalisme québécois sont très diversifiés. Nous nous proposons ici de suivre la catégorisation qu'en a proposée M. Labelle. L'objectif de cette démarche est de faire ressortir différentes visions de Pinterculturalisme. Ces perspectives critiques nous seront utiles afin de cibler ce que nous identifierons comme les forces et les faiblesses de ce modèle en regard de l'intégration des femmes issues des minorités ethnoculturelles. Labelle classe les intellectuels, hommes et femmes, en fonction de l'analyse qu'ils et qu'elles font des liens entre les politiques du multiculturalisme canadien et celles 'de Pinterculturalisme québécois. Elle regroupe les réflexions sur Pinterculturalisme en trois catégories : celles qui considèrent que les modèles canadiens et québécois divergent, celles qui considèrent que les deux modèles convergent, et celles qui émettent des critiques radicales de Pinterculturalisme. Labelle restreint sa propre présentation à la classe intellectuelle québécoise francophone; nous élargirons cependant la présentation à certaines contributions récentes de spécialistes anglophones dont l'apport contribue à l'enrichissement de la réflexion globale sur Pinterculturalisme. 64 La catégorisation que propose Labelle (2008) nous apparaît logique dans la mesure où les autres provinces canadiennes se sont basées sur la politique publique fédérale du multiculturalisme pour aménager leurs propres modèles de gestion de la diversité, alors que le modèle québécois s'est développé dans le cadre de rapports conflictuels avec le gouvernement fédéral (Labelle, 2008, p. 45). Motivé par le souci de protéger l'identité nationale, le modèle québécois présente cette spécificité d'avoir mis l'accent sur l'implantation de dispositifs soutenant l'émergence d'un sentiment d'appartenance fort à la nation québécoise chez les personnes nouvellement arrivées ou chez les membres des minorités ethnoculturelles. En somme, «[...] le Québec, [se situe] à la croisée des influences britanniques et de l'esprit français républicain », et dans une logique considérée parfois plus « intégrationniste » (Labelle, 2008, p. 45). Cette singularité a donné lieu à une quantité d'analyses critiques du système d'intégration, d'immigration et de gestion du pluralisme culturel au Québec; cette section vise à les présenter. Au Québec, un nombre important d'intellectuels et d'intellectuelles, de membres de la classe politique et de journalistes adhèrent à l'interculturalisme comme modèle d'intégration (Salée, 2010 ; Labelle, 2008), et plusieurs se rallient au paradigme de la dualité. Labelle les classe dans la catégorie de ceux et celles qui considèrent que les modèles canadien et québécois divergent. Comme nous l'avons vu, les principales sources de ce développement divergent « [...] ont trait aux contradictions relatives à la langue officielle, à l'idéologie d'aménagement de la diversité et aux représentations de la citoyenneté » (Labelle, 2008, p. 46). Étant donné que cette compréhension de l'interculturalisme s'inscrit dans la perspective de Bouchard, comme nous l'avons résumée précédemment dans ce chapitre, nous ne nous y attarderons pas davantage. Nous allons plutôt nous concentrer maintenant sur les tenants de la convergence et les critiques radicales de l'interculturalisme. 65 2.5.1 Les partisans de la convergence Pour Kymlicka, dont les travaux sur le multiculturalisme sont un point de référence majeur, les deux politiques convergent. De son point de vue en effet, « [...] les deux politiques sont 'virtuellement identiques', les deux reconnaissant et accommodant la diversité en conformité avec des principes libéraux démocratiques» (Kymlicka, 2001, p. 280-281). En effet, pour Kymlicka, le multiculturalisme canadien est encadré par un régime démocratique libéral et se fonde sur la protection des droits et libertés individuels, tout comme l'interculturalisme. L'accent mis sur le développement d'une citoyenneté inclusive rapproche également, selon lui, le multiculturalisme de l'interculturalisme québécois. De plus, pour des intellectuels tels que Modood et Meer (2011), les caractéristiques distinctives attribuées à l'interculturalisme par ses défenseurs ne lui sont pas spécifiques : « [...] while advocates of interculturalism wish to emphazise its positive qualities in terms of encouraging communication, recognising dynamic identities, promoting unity, and challenging illiberality, each of these qualities already feature (and are on occasion foundational) to multiculturalism too » (p. 19). Certains intellectuels québécois proposent une analyse similaire. Anctil (2005), par exemple, attribue à la question linguistique et au désir d'affirmation de sa singularité nationale les raisons du refus du Québec de s'en remettre au fédéral en ce qui concerne l'aménagement de la diversité ethnoculturelle. Cela ne justifie pas selon lui de voir l'interculturalisme comme un modèle distinct de gestion de la diversité ethnoculturelle, comme il l'explique clairement dans l'extrait suivant : [...] rien n'indique en fait qu'ils [les gouvernements canadien et québécois] poursuivent des buts opposés ou même contradictoires. Simplement, les deux paliers préfèrent nommer de façon contrastée dans la sphère politique une seule et même réalité qu'il est impossible de compartimenter aussi précisément sur le terrain. Le refus de s'en remettre tout à fait au fédéral en matière de pluralisme et de gestion des appartenances diverses tient plus en fait à la question linguistique qu'à tout autre phénomène lié à la diversité des appartenances, l'action d'Ottawa étant présumée se dérouler dans un 66 contexte de bilinguisme officiel alors que Québec applique dans ses rapports avec les personnes issues de l'immigration les clauses de la Charte de la langue française (Anctil, 2005, p. 8). Amy Nugent (2006) soutient elle aussi qu'il n'y a pas de différences fondamentales entre les deux modèles; les différences qui sont évoquées dans les discours populaires et universitaires se situent avant tout sur le plan des perceptions. D'après Nugent, «[...] demographic and historical contexts as well as national mythologizing are more important in explaining popular and academic discourse than substantive policy differences » (p. 21). Labelle (2008) recense également des intellectuelles pour qui les deux modèles convergent progressivement avec le temps. Parmi ces spécialistes on retrouve, entre autres, Danielle Juteau, Marie McAndrew et Linda Pietrantonio. Ces auteures voient dans l'évolution du multiculturalisme un rapprochement vers Pinterculturalisme. Les similarités les plus évidentes sont d'abord que les deux modèles s'alimentent aux sources de la philosophie pluraliste et du coup, qu'elles rejettent les modèles assimilationnistes. De plus, Both give priority to social and cultural issues, and focus on racism, participation, rapprochement and the reduction, as much as politically possible, of cultural maintenance programmes. Both recognize that the actualization of equality requires more than formal equality; that is, they recognize that there are differentiations in the practice of quality. There is also a gradual shift in subsidies to communities towards public institutions [...] (Juteau, McAndrew & Pietrantonio, 1996, p. 101). Par contre, ces auteures perçoivent également des différences entre les deux modèles. Par exemple, les politiques québécoises accordent moins d'attention que les politiques multiculturelles canadiennes à la question de la lutte contre les discriminations raciales (Juteau, McAndrew & Pietrantonio, 1996). Une seconde différence réside dans la compréhension de la composition culturelle de ces deux communautés politiques. Alors que le multiculturalisme canadien affirme qu'il n'y a pas de culture officielle au pays, Pinterculturalisme québécois s'enracine au contraire dans une culture francophone qui se veut accueillante des multiples identités culturelles qui composent le Québec. 67 2.5.2 Les critiques radicaux Parmi les critiques les plus radicales de l'interculturalisme, celle de Daniel Salée retient tout particulièrement notre attention, parce qu'elle a été émise à la suite du rapport de la CCPARDC, qu'elle propose de repenser complètement l'interculturalisme, et qu'elle suggère de remettre en cause le rapport entre majorité et minorités. Pour Salée (2010), « [...] l'interculturalisme se fait discours d'État et sert de fairevaloir à une gestion de la diversité ethnoculturelle qui, d'un même souffle paradoxal, clame son grand respect des particularismes culturels et identitaires et appelle à l'unité normative de la communauté politique » (p. 159). Dans les faits, ce que l'interculturalisme produit, c'est un contournement de la réalité qu'est l'hégémonie actuelle de la majorité francophone. Il ajoute que l'interculturalisme [...] partage une double volonté : faciliter le trafic entre les frontières identitaires et culturelles qui compliquent les relations intercommunautaires et en aplanir les irritants qui compromettent la paix sociale, avec à la clé le sentiment de poser les balises d'une société accommodante, plus juste, égalitaire et meilleure. L'émergence de la notion d'interculturalisme dans le discours public participerait donc a priori d'un souci bienveillant et démocratique d'amélioration des conditions de coexistence de groupes nationaux, linguistiques, culturels et ethniques hétérogènes rassemblés par les aléas de l'histoire en une même communauté politique (Salée, 2010, p. 159). Salée suggère que l'interculturalisme, pensé dans un cadre libéral, se présente comme un modèle idéalisé des rapports sociaux entre minorités et majorité ethnoculturelles pour au moins deux raisons : d'abord, parce qu'il est basé sur une éthique humaniste où l'on mise sur la bonne volonté des individus pour accroître les interactions entre les membres de différentes origines ethnoculturelles et nationales; ensuite, parce qu'à son avis rien ne garantit que la multiplication des contacts et l'augmentation des possibilités de mouvements entre les groupes entraîneront la chute des frontières qui maintiennent les rapports dissymétriques actuels d'exclusion et de hiérarchisation sociale. Dans cette 68 optique, la sensibilisation des personnes, et surtout des jeunes générations, aux préjugés racistes et l'éducation à l'ouverture d'esprit par rappport aux différences culturelles ne sont pas suffisante. Pour Salée (2010) « [i]l y a dans la réalité des rapports intercommunautaires au sein des sociétés multiculturelles et multiethniques des obstacles de taille que même un état d'esprit empreint de générosité envers autrui ne saurait abaisser » (p. 154). Par ailleurs, Salée critique également Pinterculturalisme tel qu'il prend forme sur le plan des politiques publiques parce que Pinterculturalisme ne cherche pas à revoir et transformer les dynamiques entre les groupes ethnoculturels majoritaire et minoritaires : « va pour l'ouverture à l'Autre [...] à la condition que les paramètres normatifs préétablis de la communauté politique ne soient pas remis en question et que la stabilité des institutions et des règles d'interaction sociale soit préservée » (p. 157). Toutes ces considérations critiques l'amènent à une vision assez pessimiste de Pinterculturalisme québécois tel qu'il se déploie actuellement. En effet, Salée s'oppose au paradigme de la dualité présenté au début de ce chapitre - et dans lequel, selon Bouchard, s'enracine Pinterculturalisme - parce que la majorité culturelle, selon lui, impose ainsi ses critères normatifs, sa culture et son identité, sous une apparence d'ouverture aux différentes identités. Ceci fait dire à Salée « [...][qu'il] y a dissonance [...] entre le prétendu respect de Pinterculturalisme étatique pour la libre affirmation des identités particulières et son désir prononcé de fondre ces dernières dans une matrice commune au sein de laquelle, promet-on, elles sauront se retrouver » (p. 159). En somme, pour Salée, Pinterculturalisme paraît bien en apparence, mais dès que l'on creuse un peu pour en découvrir les fondements, on réalise qu'il ne permet pas de transformer les rapports hiérarchiques entre le groupe majoritaire et les groupes minoritaires. Ce modèle d'intégration n'incarne donc pas les idéaux démocratiques dont ses défenseurs le disent porteur, car il ne remet pas en question les structures fondamentales qui fixent les rapports de pouvoir et de domination entre les groupes. De son point de vue, « [c]e déni de la réalité du pouvoir dans la régulation de la présence de l'Autre est profondément ancré dans l'imaginaire social libéral des majorités eurodescendantes et constitue le principe directeur de leur saisi [sic] de la diversité ethnoculturelle » (Salée, 69 2010, p. 165). Salée ne remet pas en cause la bonne volonté imprégnant les discours dominants sur Pinterculturalisme, mais bien le fait que la majorité décide qui et ce qu'est l'Autre, ainsi que les modalités de son accueil et de son intégration, ce qui représente un acte de pouvoir. En ce sens, il soutient que devant la problématique du pluralisme culturel, la majorité francophone doit s'interroger sur ce qu'elle est prête à consentir afin de favoriser une plus grande égalité entre les différents groupes qui composent la société québécoise. La principale proposition que formule Salée par rapport à Pinterculturalisme est la suivante : [II] doit découler d'une reformulation des critères de citoyenneté, des conditions d'existence des minorités ethnoculturelles au sein de la communauté politique et des modalités de leur participation à l'élaboration des paramètres fondamentaux par lesquelles cette même communauté est définie, et ce, de manière à reconstituer l'espace du vivre ensemble l'espace citoyen - sur des bases sociétales entièrement nouvelles, engageant de manière parfaitement égale le Soi et l'Autre en un effort délibéré de refondation de la dynamique des relations sociales entre la majorité et ceux et celles qu'elle identifie d'emblée comme porteurs de l'altérité (Salée, 2010, p. 167). D'autres intellectuels se montrent plus inquiets quant à la survie du groupe majoritaire francophone dans la perspective de l'intensification du pluralisme culturel. C'est le cas notamment de Jacques Beauchemin, tout aussi critique de Pinterculturalisme que Salée, mais pour des raisons totalement différentes. Pour Beauchemin, penser l'intégration à l'aune de la philosophie pluraliste est délétère pour l'identité de la majorité franco-québécoise. En janvier 2010, Beauchemin signe un texte paru dans le quotidien Le Devoir intitulé « Au sujet de Pinterculturalisme : accueillir sans renoncer à soi-même », où il affirme que non seulement les principes de Pinterculturalisme s'inscrivent en porte-àfaux devant le besoin d'affirmation sans complexe du groupe majoritaire, mais pire, que Pinterculturalisme met à l'écart le groupe majoritaire. Il écrit : « [...] [Pinterculturalisme] est hostile aux appartenances nouées dans l'histoire et dans la culture, de même que 70 réfractaire à l'affirmation de la majorité soupçonnée de vouloir contrevenir aux droits des minorités et de se fermer à l'expression de leur différence » (Beauchemin, 2010). À son avis, les personnes qui défendent Pinterculturalisme sont obsédées par l'idée d'arriver à une compréhension mutuelle et d'accommoder les différences liées au pluralisme culturel et religieux. L'interculturalisme se soucie trop des minorités et trop peu du groupe majoritaire francophone qui, à son avis, constitue pourtant la matrice de la nation québécoise à l'aune de laquelle doit se faire la lecture du passé, du présent et du avenir du Québec. Ainsi, «[...] tout en souscrivant à cette conception de la démocratie faite d'ouverture aux minorités et de reconnaissance des multiples identités, la première chose à faire pour la majorité francoquébécoise consiste dans le fait de s'assumer en tant que majorité » (Beauchemin, 2007, p. 10). Cette importance qu'il accorde au besoin d'affirmation de la majorité francoquébécoise repose sur une analyse des enjeux prioritaires dans le contexte québécois actuel. De son point de vue, la société québécoise fait face, en raison de sa réalité pluriculturelle, à une recomposition de la communauté politique, et dans ce contexte, « [...]la pleine reconnaissance du pluralisme de la communauté politique désarçonne le sujet politique national québécois (dont les Québécois d'ascendance canadienne-française constituent la communauté d'histoire majoritaire) » (Beauchemin, 2003, p. 29). C'est ce qui fait dire à Beauchemin (2003) que ce qui est ici central en ce qui concerne le Québec « [...] réside dans la définition du sujet politique et de la communauté politique au sein de la laquelle il émerge en tant que figure totalisante de la société » (p. 27). En ce sens, il invite les minorités à se fondre dans la communauté québécoise et à adopter les valeurs dominantes et les façons de vivre du groupe ethnoculturel majoritaire. Ce point de vue sur l'intégration, imprégné d'une forte vision nationaliste, conservatrice et unitaire, se veut enraciné dans la tradition républicaine. Dans cette perspective, le Québec doit se donner les moyens de son émnacipation, laquelle passe par l'indépendance politique. Pour ce faire, la nation québécoise devrait pouvoir attendre des minorités « [...] qu'elles s'assimilent à la majorité, 71 ou à tout le moins qu'elles ne contrecarrent pas son projet pour elle-même » (Beauchemin, 2003, p. 38). 2.7 Conclusion En s'attaquant aux débats qui ont donné naissance à la CCPARDC, les coprésidents ont ouvert le champ des réflexions sur des enjeux de nature politique et philosophique (laïcité, intégration, égalité, etc.) et ravivé des questionnements sur la redéfinition de la nation québécoise et les modalités d'intégration matérielle et symbolique à cette dernière. En ce sens, la CCPARDC représente en quelque sorte un point de référence pour qui cherche à réfléchir aux enjeux démocratiques liés à la diversité ethnoculturelle et aux différences. Certaines données fondamentales du développement du modèle québécois d'intégration ont été mises en lumière par le travail de la CCPARDC. Le bref historique que nous avons présenté démontre que les uns après les autres, les différents gouvernements ont mis à l'avant-scène l'importance de préserver la langue française en tant que pilier de l'identité nationale. Cette identité, telle que la présente le rapport de la CCPARDC, s'enracine dans le cadre de la francophonie québécoise en tant que nation bien vivante en Amérique du Nord. De plus, notre examen a fait ressortir l'accent mis sur le développement d'une culture publique commune comme permettant de faire émerger un sentiment d'appartenance à la nation québécoise chez les membres des minorités ethnoculturelles; « [à] cet égard le Québec a élaboré depuis le début des années 1970 un discours public inclusif sur la diversité et a mis en œuvre un important dispositif en matière de droits de la personne et d'intégration des immigrants » (Potvin, 2008, p. 227). En dépit de ce discours inclusif, le rapport de la CCPARDC a par contre fait ressortir certains éléments qui rendent difficile l'intégration des membres des minorités ethnoculturelles, notamment des écarts de richesse importants et différentes formes de discrimination et de racisme. Le rapport de la CCPARDC a en effet souligné certaines 72 inégalités dont sont victimes entre autres les femmes «racisées ». Paradoxalement, «[...] plusieurs observateurs constataient au Québec, jusqu'à tout récemment, une certaine ambivalence, voire un malaise à traiter des questions relatives au racisme et aux discriminations dans les discours publics » (Potvin, 2008, p. 230). Potvin (2008) relate même que « [l]e discours antiraciste s'est à ce point institutionnalisé et intégré au sens commun qu'il permet au néoracisme de se diluer dans les valeurs et les normes consensuelles pour se présenter sous un jour égalitaire, démocratique et respectable » (p. 231). Malgré un discours et des pratiques visant l'inclusion depuis plus de quatre décennies, force est de constater que le Québec est toujours aux prises avec certaines difficultés d'intégration pour certains membres des minorités ethnoculturelles. Les intellectuelles féministes réfléchissent depuis quelques décennies aux enjeux relatifs à la conciliation entre la poursuite de l'égalité sexuelle et les demandes d'accommodement raisonnable provenant des membres des minorités ethnoculturelles. Dans les milieux féministes universitaires en Amérique du Nord, les réflexions les plus influentes sur ces enjeux se sont déployées autour de l'opposition entre le féminisme et le multiculturalisme. Notre prochain chapitre s'attachera donc à examiner les critiques et propositions féministes émises à l'égard du multiculturalisme. Cette démarche est essentielle, car elle fournit un portrait général des principales critiques et propositions féministes sur les modèles de pluralisme qui tentent de faciliter l'intégration des minorités ethnoculturelles. Cette incursion du côté du féminisme nous semble incontournable afin de répondre à notre question de recherche, et cela, même si les débats féministes se sont structurés autour du multiculturalisme alors qu'au Québec nous parlons d'interculturalisme. En effet, le multiculturalisme et l'interculturalisme puisent aux sources de la même philosophie pluraliste et ils ont certains points en commun qui nous permettent de faire des liens entre les critiques, réflexions et propositions émises par les intellectuelles féministes. Parmi ces points en commun, mentionnons, par exemple, le fait que les deux modèles accueillent 73 positivement la diversité ethnoculturelle et encouragent les membres des groupes ethnoculturels à préserver leur identité individuelle et collective. En ce sens, les deux modèles valorisent les pratiques d'accommodement raisonnable afin de faciliter l'adaptation, notamment, des membres des minorités ethnoculturelles. De plus, ces deux modèles convergent sur le caractère fondamental du respect et de la protection des droits et libertés de la personne. Kymlicka (2011) souligne ainsi que le principe de l'égalité des sexes, inscrit dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, fait également partie intégrante du multiculturalisme canadien : «The multiculturalism policy is framed as part of a larger human rights agenda, and principles of gender equality and human rights are clearly articulated within the policy» (p. 25). De plus, le texte de Kymlicka (2011), The Evolving Canadian Experiment with Multiculturalism, vient appuyer le fait que le Québec n'est pas la seule société dont une portion de la population se soucie des demandes d'accommodent pour motif religieux provenant des minorités ethnoculturelles en regard du droit des femmes à l'égalité. Comme il l'explique, « [m]any people worry that religious claims, more so than those based on ethnicity or race, are likely to violate the liberal ethos of multiculturalism» (Kymlicka, 2011, p. 25). En effet, Kymlicka précise que les préoccupations à l'égard du multiculturalisme se basent sur la crainte suivante : « Conservative religious groups may seek to use the ideology and institutions of multiculturalism to defend practices that are oppressive rather than emancipatory - for example, practices of forced arranged marriages, honour killings, female genital cutting [...]» (Kymlicka, 2011, p. 25). Nous pouvons donc constater que Pinterculturalisme et le multiculturalisme ont non seulement des points en commun, mais qu'ils font face à des inquiétudes similaires de la part d'une portion de leur société respective. À cet égard, nous verrons dans le chapitre suivant que les féministes ont réfléchi aux enjeux liés à la réalisation de l'égalité dans un contexte de différences culturelles et religieuses faisant 1'object de demandes d'accommodement. Ainsi, notre prochain chapitre nous aidera à évaluer un certain nombre de contradictions, forces et limites de Pinterculturalisme d'un point de vue féministe. CHAPITRE 3 LES DEBATS FEMINISTES SUR LE MULTICULTURALISME 75 Dans le contexte nord-américain, la réalité multiculturelle s'est manifestée de manière différente d'une région à l'autre. Aux États-Unis, dès le début du XXe siècle, elle prend la forme d'un mouvement subversif de contestation, intellectuel et politique, contre la non-représentation des groupes ethnoculturels minoritaires dans les hauts lieux du savoir et, contre les inégalités sociales et économiques dont ces groupes sont victimes dans la société américaine (Sosoe, 2002, p. 11). Au Canada, la réalité multiculturelle a débouché sur des politiques gouvernementales. En effet, la politique officielle du multiculturalisme a été adoptée pour la première fois en 197121. Le Québec, par son statut spécifique de nation francophone minoritaire en Amérique du Nord, a développé son propre modèle d'intégration à partir de la Révolution tranquille, et plus particulièrement au cours des décennies 1980 et 199022. Lorsque les féministes des milieux universitaires nord-américains se penchent sur les enjeux entourant l'égalité des sexes et les modèles de prise en compte de la diversité culturelle et religieuse, les débats sont largement structurés autour de cette question : l'État doit-il accepter les demandes d'accommodement23 pour motif religieux ou culturel provenant de groupes ethnoculturels minoritaires même lorsque celles-ci menacent les droits et libertés individuels de certaines « minorités à l'intérieur de ces minorités »24? Cette question difficile fut soulevée à la fin des années 1990 par la féministe libérale 21 Voir le site Internet du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pour plus de détails : http://www.cic.gc. ca/francais/multiculturalisme/cito yennete. asp 22 Le modèle québécois d'intégration s'est développé progressivement à partir de la Révolution tranquille, mais « [il] semble y avoir consensus dans la littérature sur le fait que le Plan d'action de 1981 [Autant de façons d'être Québécois. Plan d'action à l'intention des communautés culturelles'] ainsi que l'énoncé du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration de 1990 (Au Québec pour bâtir ensemble. Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration) constituent les fondements de l'approche gouvernementale (Rocher et al., 2007, p. 8). 23 Afin de maintenir une cohérence tout au long de notre mémoire, nous utiliserons le terme « accommodements » culturels ou raisonnables plutôt que « droits culturels » ou « droits des minorités ethnoculturelles ». En effet, dans les débats québécois sur Pinterculturalisme, c'est le terme d'accommodement raisonnable qui est utilisé. De plus, comme le relève Sarah Song (2005), l'utilisation du terme « droits des minorités » ouvre sur un vaste débat que nous n'entendons pas aborder ici, à savoir « the question whether cultural protections should understood as rights» (p.473). Nous ferons donc référence à ce terme seulement lorsque nécessaire pour ne pas déformer la signification des propos des auteurs et auteures. 24 Les «minorités à l'intérieur des minorités» sont ces catégories spécifiquement discriminées dont « [...] les femmes, les mineurs, les homosexuels, les dissidents religieux ou politiques et tout sous-groupe stigmatisé ou discriminé au sein de son groupe » (Bilge, 2006, p. 94). 76 américaine Susan Moller Okin dans un essai controversé intitulé « Is Multiculturalism Bad for Women? » (1999a)25. Ayelet Shachar (2000), une figure importante dans ces débats, nomme ce dilemme « le paradoxe de la vulnérabilité multiculturelle26 » (p. 65). Ce dilemme s'actualise lorsque certaines catégories de personnes membres de minorités ethnoculturelles, telles les femmes, se retrouvent davantage fragilisées sur la base de leur genre par des politiques étatiques d'accommodement culturel visant à l'origine à respecter les pratiques culturelles et religieuses de ces minorités ethnoculturelles. Puisque Pinterculturalisme favorise dans certaines circonstances l'application de pratiques d'accommodement raisonnable, le Québec est donc, lui aussi, amené à réfléchir aux enjeux que soulève ce dilemme du « paradoxe de la vulnérabilité multiculturelle ». En effet, ce dernier se pose à notre avis à toute société dont le modèle d'intégration puise dans la philosophie pluraliste afin de prendre en compte les différences ethnoculturelles, peu importe que l'on parle de multiculturalisme ou d'interculturalisme. Pour cette raison, nous tenons à préciser que nous ne prendrons pas en compte les distinctions entre les modèles d'intégration sur la base des cinq paradigmes27, tel que présenté au début du chapitre II, puisque ces paradigmes ne se situent pas par rapport à la question des rapports de genre. Nous nous proposons d'ouvrir ce chapitre sur la thèse d'Okin puisque sa position reflète celle du féminisme libéral universaliste. Ensuite, nous opposerons cette approche aux principales critiques féministes à laquelle celle-ci s'est butée. Cette démarche nous permettra de dresser un portait des principaux arguments qui se heurtent dans l'opposition mise de l'avant par Okin entre le féminisme et le multiculturalisme. Nous verrons qu'en opposant d'emblée deux grands paradigmes idéologiques, les réflexions se sont retrouvées en quelque sorte coincées à l'intérieur de paramètres restreignant le champ des possibles à 25 Cet essai fut publié pour la première fois dans le Boston Review en 1999. L'essai le plus connu est Is multiculturalism bad for women? Cependant, Susan Moller Okin a publié une série d'essais sur les thèmes du multiculturalisme et du féminisme (voir 1998, 1999a, 1999b, 2002). 26 Nous expliquerons plus en détail en quoi consiste le «paradoxe de la vulnérabilité multiculturelle» dans la section 4.2.2. 27 Voir Bouchard, 2011. 77 une opposition binaire irréconciliable et politiquement polarisante. Devant cette impasse théorique, des théoriciennes féministes cherchent à repenser les enjeux démocratiques que soulèvent les contradictions entre les objectifs du féminisme et ceux du multiculturalisme à partir de prémisses épistémologiques différentes. Nous exposerons les points saillants de certaines de ces perspectives qui nous apparaissent particulièrement éclairantes aux fins de cet essai parce qu'elles tentent d'opérer un dépassement de l'opposition entre féminisme et multiculturalisme. 3.1 Le féminisme libéral de Susan Moller Okin S'intéressant aux théories libérales de la justice, Okin est l'une des premières philosophes à avoir formulé une critique féministe de la théorie de la justice de John Rawls, soulignant que « [1]'absence de prise en compte du sexe des contractants du pacte originel ratifie ainsi, en la recouvrant, la dissymétrie des sexes plutôt qu'elle ne la dépasse » (Collin & Deutscher dir., 2004, p. 10). D'un point de vue féministe, elle dévoile également certaines failles dans les approches de philosophes libéraux « communautariens », tels que M. Walzer et A. Maclntyre , et « [...] se livre à une critique vigoureuse de 'l'argument culturel' » - celui des 'compréhensions partagées' ou de la tradition- [...] » (Collin & Deutscher dir., 2004, p. 11). Okin soutient que ces compréhensions partagées ou traditions (croyances, coutumes, mœurs, etc.) présentes dans toutes les cultures et communautés se fondent sur les visions de la majorité dominante, c'est-à-dire l'élite masculine, libre, riche et instruite (Okin, 2004, p. 63). Dans «Is Multiculturalism Bad for Women », Okin argue que l'un des principaux objectifs de la très vaste majorité des cultures est de permettre aux hommes de maintenir leur pouvoir sur les femmes par le contrôle de la sexualité et de la maternité (Okin, 1999a, p. 13). Cependant, elle n'a pas une vision statique de la culture, puisqu'elle admet que si les démocraties libérales occidentales reconnaissent aujourd'hui que les femmes ont les mêmes droits et libertés que les hommes, c'est en raison d'un « relâchement » de l'emprise patriarcale sur les femmes grâce à de longues luttes historiques. Dans sa 78 perspective, toutes les cultures possèdent les moyens de leur transformation, et il y a de nos jours des cultures qui sont moins patriarcales que d'autres. L'utilisation de l'argument culturel (ou cultural defense2*) est une notion centrale dans les débats américains entre féminisme et multiculturalisme. Les féministes américaines s'y sont attardées à la suite du constat de son utilisation grandissante lors de causes juridiques impliquant des individus appartenant à des groupes ethnoculturels minoritaires, comme l'explique Anne Phillips (2003) : « The notion of 'cultural defense' surfaced in Américain law journals in the mid-1980s, in the wake of a number of cases where defendants invoked the tradition of their culture to explain or mitigate their action » (p. 510). Okin critique l'argument culturel, et cherche à penser une approche de la justice qui soit en accord avec les principes du féminisme de tradition libérale. En effet, les féministes libérales classiques croient que les principes de justice doivent assurer des chances égales aux deux sexes, et leur accorder le même respect. Selon Jaggar (1983), « [t]his view is obviously connected with the liberal conception of human beings as essentially rational agents. On this conception the sex of an individual is a purely accidental or non-essential feature of human nature» (p. 176). Cette position se distingue de celle défendue par d'autres intellectuelles féministes libérales qui défendent la thèse selon laquelle l'utilisation d'arguments liés à la culture vise à justifier la perpétuation de comportements patriarcaux au sein de groupes ethnoculturels minoritaires. Par exemple, Coleman (1996), à partir de ce qu'elle nomme le « dilemme libéral », propose une réflexion sur le système américain de justice criminelle et soutient qu'il y a plusieurs raisons de 28 Citant Paul Magnarella (1991) Phillips donne la définition suivante du concept de « cultural defence » : « [...] persons socialized in a minority or foreign culture, who regularly conduct themselves in accordance with their own culture's norms, should no be held accountable for conduct that violates official law, if that conduct conforms to the prescriptions of their own culture » (Phillips, 2003, p. 512, citant PJ. Magnarella, 1991, p. 67) 29 À titre d'exemple, un des cas les plus discutés est celui de Dong-lu Chen, une immigrante new-yorkaise d'origine chinoise tuée par son conjoint parce que ce dernier avait appris qu'elle avait une aventure. 79 privilégier la protection des droits et libertés des femmes (individuels) par rapport aux droits culturels (collectifs) (p. 1098). Okin formule ses réflexions dans le contexte qui entoure et suit l'émergence du mouvement international des femmes, lequel a fait valoir, par ses luttes et rencontres internationales, les spécificités des droits des femmes et la reconnaissance de ces droits en tant que droits de la personne. À l'échelle nationale, alors que les politiques américaines d'intégration basées sur le modèle assimilationniste du « melting pot » sont abandonnées, les minorités ethnoculturelles et religieuses revendiquent de plus en plus d'autonomie par l'obtention de droits collectifs spécifiques. Devant le constat que certaines de ces demandes et revendications sont antiféministes, et en considérant que les droits des femmes doivent être respectés au même titre que n'importe quel droit humain, Okin soulève la question suivante : « [...] what should be done when the claims of minority cultures or religions clash with the norm of gender equality that is at least formally endorsed by liberal states (however much they continue to violate it in their practices)?» (Okin, 1999a, p. 9). Autrement dit, dans une perspective de justice sociale, faut-il privilégier les droits des femmes ou les droits culturels? C'est donc sur le terrain d'un face-à-face entre les objectifs du multiculturalisme (selon le modèle américain) et ceux du féminisme qu'Okin lance les débats. Bien que ces deux paradigmes soient mis en opposition, Okin reconnaît qu'ils poursuivent chacun à leur manière des idéaux de justice sociale. Toutefois, devant un tel dilemme, elle soutient que l'État doit défendre les droits individuels des femmes. Que l'égalité des sexes prime sur les droits culturels et l'autonomie des minorités cadre tout à fait avec l'approche libérale universaliste d'Okin, puisque « [...] the overriding goal of liberal feminism always has been the application of liberal principle to women as to men. Most obviously, this means that laws should not grant to women fewer rights than they allow to men » (Jaggar, 1983, p. 35). Dans cette optique, tout comme chez Coleman d'ailleurs, les réserves envers les demandes de droits spécifiques pour les minorités ethnoculturelles ou religieuses relèvent d'un souci 80 d'offrir la même protection à toutes les femmes sans égard à leurs origines ethnoculturelles et convictions religieuses. De plus, Okin, comme Coleman, croit que la justification culturelle visant à obtenir des droits spécifiques, ou encore à des modulations en matière de justice criminelle, pourrait alimenter des préjugés racistes, renforcer les discriminations déjà existantes et de fait, favoriser la consolidation de « systèmes intracommunautaires » (Bilge, 2006) aux frontières étanches, au lieu de favoriser une meilleure intégration individuelle et un plus grand respect mutuel entre les communautés culturelles et religieuses. Avant de poursuivre, il faut cependant s'arrêter sur quelques définitions permettant de mieux comprendre la formulation des enjeux. Consciente des multiples réalités que peuvent recouvrir le multiculturalisme et le féminisme, Okin précise d'emblée le sens qu'elle leur attribue : By feminism, I mean the belief that women should not be disadvantaged by their sex, that they should be recognized as having human dignity equal to that men, and that they should have the opportunity to live as fulfilling and as freely chosen lives as men can (Okin, 1999a, p. 10). Multiculturalism is harder to pin down, but the particular aspect that concerns me here is the claim, made in the context of basically liberal democracies, that minority cultures or ways of life are not sufficiently protected by practice of ensuring the individual rights of their members, and as a consequence these should also be protected through special group rights or privileges (Okin, 1999a, p. 10-11). De l'avis de la philosophe, les deux principales failles des arguments des défenseurs de droits pour les minorités ethnoculturelles et religieuses sont d'une part de ne pas prendre en compte l'hétérogénéité constitutive des groupes, fondée sur un pouvoir asymétrique des hommes sur les femmes, et d'autre part de ne pas accorder suffisamment d'attention aux dynamiques internes à la sphère privée (domestique/reproductive) de même qu'à leurs interrelations avec la sphère publique (productive). Selon Okin, analyser le 81 multiculturalisme en faisant intervenir ces deux variables permet de dégager des enjeux cruciaux en regard de l'égalité des sexes. L'argumentation d'Okin est la suivante. Étant donné 1) que la sphère privée constitue un espace servant de pivot à la transmission culturelle, 2) que les rôles et les travaux (soins des enfants et tâches domestiques et familiales) traditionnellement assignés aux femmes dans les sociétés patriarcales se situent dans cette sphère, et 3) que la majorité des demandes des minorités ethnoculturelles et religieuses visent à perpétuer ces rôles, coutumes et pratiques (mariage, maternité, sexualité, éducation, etc.) qui maintiennent les femmes dans cette sphère, les femmes sont directement touchées par des demandes qui ont pour but de les maintenir dans leurs rôles traditionnels de dépendance (dépendance économique, isolement social, méconnaissance des enjeux politiques, de leurs droits, des lois, etc.) à l'égard des hommes et de leurs communautés. Autrement dit, « the more a culture requires or expects of women in the domestic sphere, the less opportunity they have of achieving equality with men in either sphere » (Okin, 1999a, p. 13). C'est donc essentiellement parce qu'elle est préoccupée par le respect des droits et libertés des femmes des minorités ethnoculturelles qu'Okin affirme que ces dernières « [...] might be much better off if the culture unto which they were born were either to become extinct (so that its members would become integrated into the less sexist surrounding culture) or, preferably, to be encouraged to alter itself [...] » (Okin, 1999a, p. 23). C'est ce qui lui fait dire qu'il est impératif d'accorder une attention toute particulière à la nature et à l'origine des demandes qui sont formulées, puisque que les groupes sont hétérogènes et que le pouvoir y est distribué au profit des hommes. Okin souligne l'importance de prendre en compte les points de vue des femmes —en particulier des jeunes femmes- des groupes ethnoculturels minoritaires et de ne pas s'arrêter aux discours des « leaders » masculins cherchant à maintenir leurs pouvoirs et privilèges (Okin, 1999a, p. 23). Elle soutient qu'il 82 n'est généralement pas à l'avantage des femmes des minorités ethnoculturelles que leur soient accordés par l'État des droits collectifs spécifiques30. Pour les féministes libérales universalistes appartenant au courant défini par Okin, l'épanouissement des femmes des minorités ethnoculturelles repose sur leur capacité de s'émanciper des traditions culturelles et religieuses des groupes ethnoculturels minoritaires. Enfin, dans une réplique aux critiques formulées à l'égard de son essai, Okin (1999b) conclut que «What we need to strive toward is a form of muticulturalism that gives the issues of gender and other intragroup inequalities their due - this is to say, a multiculturalism that effectively treats all persons as each other's moral equals » (p. 131).
10,740
30/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00133569-document.txt_16
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
6,269
8,968
Dans le cadre de notre étude nous avons expérimenté le cas où la formation à l'usage des logiciels de géométrie dynamique portait uniquement sur l'analyse des situations didactiques. Il serait maintenant intéressant d'effectuer d'autres études sur des formations aux TICE dans lesquelles l'accent est mis sur les situations d'adaptation et sur les situations de création de situations didactiques et d'analyser l'impact de ces formations. 410 V. Interaction des différents types de savoirs et différents modules de formation Les suites d'expérimentations et d'observations réalisées nous permettent de mettre en évidence le rôle important d'une interaction entre les différents types de savoirs pour l'intégration de la géométrie dynamique. Cette interaction a été organisée dans les séances de formation. En effet, pendant les séances de formation aux TICE (Géométrie Dynamique et Initiation Cabri) les stagiaires construisent des connaissances relatives aux savoirs Si et Sd-i mettant en jeu une interaction entre les savoirs Sm, Si et Sd-i. Par exemple, les situations proposées aux stagiaires dans les séances de formation « Géométrie Dynamique » sont présentées sous forme de problèmes mathématiques posés dans Cabri et il est demandé aux stagiaires de les résoudre. Dans cette résolution de tâches mathématiques dans Cabri, il s'agit donc pour les stagiaires de mettre en relation des éléments des savoirs Sm et Si. Une fois que les stagiaires ont résolu la tâche mathématique dans Cabri, il leur est posé des questions au niveau du savoir didactique Sd-i. Ainsi, la formation met en oeuvre l'interrelation entre les savoirs Si et Sd-i en s'appuyant sur la démarche de résolution de la tâche mathématique des stagiaires. Cependant, on ne peut restreindre la formation des stagiaires à l'intégration des logiciels de géométrie dynamique uniquement aux modules portant sur l'usage des logiciels de géométrie dynamique. En effet, les stagiaires doivent pouvoir établir une interrelation entre les connaissances qu'ils acquièrent pendant les séances de formation aux TICE et les connaissances qu'ils acquièrent dans d'autres modules de formation (comme par exemple dans le module de formation en didactique). Par exemple, nous avions repéré une telle interrelation des c s acquises pendant les séances de formation aux TICE et celles acquises pendant les séances de formation en didactique chez le binôme « Gilles & Ezéchiel » lors de l'expérimentation 3. Les stagiaires font référence aux séances de formation en didactique qu'ils ont suivies, dans la prise en compte des procédés erronées d'élèves de type « parallélisme » pour la construction du symétrique d'un segment dans l'environnement papier-crayon au niveau du savoir Sd-m. Une transposition du savoir Sd-m relatif au procédé erroné d'élèves de type parallélisme est effectuée par les stagiaires qui, dans leur recherche de conception de situation didactique dans l'environnement Cabri, arrivent à relier, lors de leur manipulation, les connaissances au niveau du savoir Sd-m qu'ils ont acquises sur les procédés d'élèves dans l'environnement papier-crayon aux connaissances au niveau du savoir Sd-i. En effet, les deux stagiaires dégagent les conditions pour la tâche qu'ils ont à proposer dans Cabri pour que le procédé de type « parallélisme » ne soit plus dans son domaine de validité dans cet environnement de géométrie dynamique ; ces conditions étant : la figure dont on doit construire le symétrique ne doit pas posséder de segment construit (par des propriétés géométriques) perpendiculaire ou parallèle à l'axe de symétrie. Ezéchiel : Tu penses qu'ils feraient une parallèle à ça? Gilles : oui Ezéchiel : Ben ouais mais le problème c'est qu'ils risquent justement de faire une parallèle à ça, et donc ils verront pas l'orthogonalité là-dedans Gilles : ouais Ezéchiel : et, il faut pas que les segments soient perpendiculaires déjà à l'axe. Gilles : Parce que sinon il vont faire toujours parallèles au bord de la feuille Ezéchiel : Ils risquent de faire des parallélismes. Gilles : Ouais, de faire du parallélisme donc voilà. L'exemple du binôme « Gilles & Ezéchiel » montre l'importance, pour l'intégration de Cabri dans leur enseignement, d'une mise en interrelation des différents types de savoirs que les stagiaires construisent grâce aux différents modules de formation. La mise en interrelation des différents types de savoirs a été repérée chez tous les stagiaires. Par conséquent, la formation des enseignants ne peut être vue comme une simple juxtaposition de modules spécifiques ; au contraire, cette formation ne prend du sens que dans les interactions entre différents modules. En effet, les différents types de savoirs progressent en interaction au cours de l'année de formation à l'IUFM ; et ils continueront à progresser en interrelation et de plus en tenant compte des contraintes liées aux institutions et à la pratique, une fois que les stagiaires seront titularisés et commenceront à exercer leur métier d'enseignant dans une institution. CHAPITRE D2 CONCLUSION Nous avions commencé cette recherche sur l'intégration des logiciels de géométrie dynamique dans l'enseignement des mathématiques, par le constat que, malgré les efforts institutionnels, l'usage des TICE par les enseignants dans leur enseignement restait encore très faible et que la formation des enseignants aux TICE se révélait très importante pour une intégration réussie. Nous nous sommes donc intéressé à l'impact d'une formation à l'IUFM sur l'intégration des logiciels de géométrie dynamique et nous avons tenté de répondre à un certain nombre d'interrogations relatives à l'impact de la formation à l'intégration des logiciels de géométrie dynamique par les futurs enseignants de mathématiques. I- Retour aux questions de recherche Reprenons maintenant les questions de recherches posées en début de notre recherche et résumons les principaux ments de réponse apportés par notre travail. Dans un premier temps, nous traitons les questions Q1 et Q2 et dans un deuxième temps la question Q3. I.1. Questions sur l'impact de la formation sur les rapports des stagiaires aux différents types de savoirs Dans ce paragraphe, nous résumons les éléments de réponses aux questions Q1 et Q2 que nous avons pu obtenir par notre travail. Q1 : Quel est l'impact du travail fait en formation relativement à chacun des types de savoirs (Si, Sd-i et Sd-m) sur le rapport à Sd-i des stagiaires PLC en deuxième année d'IU FM ? Q2 : Quelle est l'influence des rapports des stagiaires aux savoirs Si et Sd-m sur leur usage d'éléments de Sd-i dans l ' intégr ation des logiciels de géométrie dynamique ? 413 Pour donner des éléments de réponse aux questions Q1 et Q2, nous avons cherché à séparer l'impact de chacun des types de savoirs. En revanche, il ne nous a pas été possible d'effectuer une séparation précise de l'impact du savoir Si et du savoir Sd-i. Les causes en sont au nombre de deux : D'une part, la formation à l'IUFM que nous avons observée ne nous l'a pas permis, puisqu'il n'y a pas eu de module de formation portant uniquement sur le savoir Si. En effet, la formation « Initiation Cabri » n'a pas porté uniquement sur le savoir S i, comme prévu avant la formation ; mais elle a porté sur les deux types de savoirs Si et Sd-i. Ainsi, nous n'avons pas pu avoir de résultats, dans la confrontation des expérimentations 1 et 2, sur les différences de comportement entre le cas où les stagiaires ont des connaissances au niveau du savoir Si mais n'ont pas de connaissances au niveau du savoir Sd-i, et le cas où ils ont des connaissances au niveau des savoirs Si et Sd-i ; en effet, pour ces deux expérimentations, les stagiaires avaient des connaissances relevant des savoirs Si et Sd-i. D'autre part, nos analyses ont révélé que les rapports aux savoirs Si et Sd-i évoluent en interrelation chez les stagiaires. En effet, lorsque les stagiaires travaillent au niveau du savoir Sd-i tant dans l'analyse de situations (lors des séances de formation) que dans la conception de situations dans Cabri (lors de nos expérimentations), non seulement leur rapport au savoir Sd-i évolue, mais également on voit évoluer leur rapport au savoir Si relativement aux spécificités du logiciel, par exemple par le fait d'effectuer des constructions ou des manipulations dans le logiciel. Les manipulations effectuées dans le logiciel ont en fait un impact très important sur l'évolution des rapports du stagiaire au savoir Si. Ainsi, le temps de manipulation laissé aux stagiaires lors d'une formation à l'intégration des TICE semble avoir un impact important sur la construction des schèmes d'utilisation par les stagiaires pour résoudre des tâches mathématiques avec la technologie ainsi que pour analyser et pour construire des situations didactiques intégrant la technologie. Plus les stagiaires acquièrent des connaissances au niveau du savoir Si et s'approprient le logiciel, plus ils sont capables de construire des situations didactiques prenant davantage en compte les spécificités du logiciel. Notre étude a clairement mis en évidence le fait que pour que les stagiaires commencent à construire des connaissances relatives au savoir Sd-i, il leur faut un certain ensemble préalable de connaissances relevant du savoir Si. En effet, la formation « Initiation Cabri » qui portait plus sur le savoir Sd-i sans que les stagiaires aient suffisamment de connaissances relatives au savoir Si n'a pas montré un impact important. Ainsi, dans le cadre d'une formation à l'intégration des logiciels de géométrie dynamique, nous pensons qu'il est important de s'assurer que les stagiaires aient acquis des connaissances de base au niveau du savoir Si. Par exemple il est nécessaire que le stagiaire comprenne l'importance du déplacement et de la résistance au déplacement relative au savoir Si en interdépendance avec le savoir Sm pour faire des mathématiques en utilisant le logiciel, avant de traiter les éléments du savoir Sd-i par un travail qui s'appuie sur des connaissances relatives au savoir Si. Un autre résultat concerne l'impact du savoir Sd-m sur l'intégration des TICE. En effet, nous avons montré que le fait de suivre une formation portant sur le savoir Sd-m n'était pas neutre sur l'intégration des logiciels de géométrie dynamique. Il n'est donc pas suffisant de s'interroger uniquement sur les formations portant sur les TICE relatives aux savoirs Si et Sd-i mais il faut également considérer la formation en didactique qui joue un rôle sur l'intégration. Ainsi nous avons mis en évidence le fait que l'on ne peut restreindre la formation des stagiaires à l'intégration des logiciels de géométrie dynamique uniquement aux modules portant sur l'usage des logiciels de géométrie dynamique. Dans notre étude, nous avons montré que les connaissances relatives au savoir Sd-m que les stagiaires ont acquises grâce aux séances de formation en didactique sur la symétrie axiale ont davantage permis une prise en compte de l'existence des difficultés d'élèves. Or, cette prise en compte de l'élève se traduit par la conception de situations fermées et par un guidage excessif de l'élève comme nous avons pu observer dans notre troisième expérimentation. En revanche, il est à noter que la formation en didactique que les stagiaires ont suivie portait uniquement sur les conceptions erronées d'élèves mais ne portait pas sur le traitement de ces conceptions erronées. En d'autres termes, cette formation a été organisée de telle façon qu'il y ait une sensibilisation chez les stagiaires concernant les erreurs d'élèves sur la symétrie axiale mais ne donnait pas d'éléments de solution pour le dépassement de ces erreurs. Ainsi, à l'issue des séances de formation en didactique, les stagiaires ont été sensibilisés sur les difficultés d'élèves sur la symétrie axiale mais n'avaient pas les moyens de construire des situations didactiques pour permettre aux élèves de dépasser ces difficultés. Deblois (2006) montre, de plus, dans le cadre d'une recherche auprès des futurs enseignants qu'un travail en didactique centré sur les erreurs d'élèves relatif au savoir Sd-m amène les stagiaires à remédier localement aux erreurs et provoque une fermeture dans les situations didactiques, sans qu'ils pensent à chercher les causes des erreurs en question par une stratégie d'apprentissage plus globale. Nous confirmons par notre recherche que les résultats obtenus par Deblois dans l'environnement papier-crayon sont également valables pour l'environnement informatique. Notre recherche a également mis en évidence le rôle important, pour l'intégration des logiciels de géométrie dynamique, d'une interaction entre les différents types de savoirs, organisée dans les séances de formation. Par exemple, les stagiaires doivent pouvoir établir une interrelation entre les connaissances qu'ils acquièrent par les séances de formation aux TICE et les connaissances qu'ils acquièrent par d'autres modules de formation (comme par exemple dans le module de formation en didactique). La formation des enseignants ne peut donc être vue comme une simple juxtaposition de modules spécifiques ; au contraire, cette formation ne prend du sens que dans les interactions entre différents modules. En effet, les différents types de savoirs progressent en interaction au cours de l'année de formation à l'IUFM ; et ils continueront à progresser en interrelation et de plus en tenant compte des contraintes liées aux institutions et à la pratique, une fois que les stagiaires seront titularisés et commenceront à exercer leur métier d'enseignant dans une institution. Ainsi, déjà, dans l'emploi du temps de l'année scolaire à l'IUFM, il nous paraît important de prendre en compte cette interaction entre différents modules de formation à travers la prise en compte de la place de certains modules par rapport à d'autres, pour une optimisation de la formation. Nos résultats auraient probablement été différents si le module de formation en didactique portant sur le savoir Sd-m avait été placé, dans l'emploi du temps, avant le module de formation « Géométrie Dynamique » portant sur le savoir Sd-i. En effet, une telle organisation, dans laquelle la formation en didactique se situe avant la formation aux TICE, permettrait aux stagiaires de revenir sur les erreurs d'élèves traitées dans le module de formation en didactique. Elle leur permettrait de pouvoir réfléchir sur le traitement de ces erreurs essenti à travers le logiciel de géométrie dynamique. Cela permettrait d'une part à la formation « Géométrie Dynamique » de s'appuyer sur les connaissances didactiques des stagiaires acquises grâce aux modules de formation en didactique ou éventuellement de modifier ces connaissances. D'autre part la mise en interrelation des savoirs Sd-m et Sd-i serait davantage favorisée, mais probablement l'impact de ces deux modules de formations sur le rapport des stagiaires aux différents types de savoirs serait aussi changé. 416 I.2. Contenu d'une formation à l'usage d'une technologie Notre troisième question de recherche était la suivante : Q3 : Quels sont les éléments d'une formation à l'usage d'une technologie qui favorisent l'instrumentation des différentes spécificités de la technologie au plan didactique pour concevoir des tâches didactiques intégrant celle-ci? Dans le but de repérer les éléments de la formation à l'usage d'un logiciel de géométrie dynamique qui favorisent l'instrumentation des différentes spécificités de ce logiciel au plan didactique, nous avons mené une analyse des formations. Nous présentons ci-dessous les éléments de ces analyses des formations avant d'aborder nos résultats sur les contenus de formation favorisant l'instrumentation des différentes spécificités de Cabri par ces formations. I.2.1. Résultats sur l'analyse des contenus des deux formations aux TICE (Initiation Cabri et Géométrie Dynamique) La formation « Initiation Cabri » portant sur le savoir Si et sur le savoir Sd-i a été conçue de façon à ce que, suite à une première prise en main du logiciel par les stagiaires, le formateur propose un grand nombre de situations didactiques sans que les stagiaires puissent mener une réflexion sur toutes les situations exposées. L'expérimentation mise en place suite à cette formation a montré un faible impact des séances du module « Initiation Cabri ». Il peut y avoir deux explications relatives à la conception de la formation « Initiation Cabri » : Soit l'objectif du formateur était plus une motivation des stagiaires à l'usage des logiciels de géométrie dynamique afin de les motiver à suivre le module « Géométrie Dynamique », qu'une construction de connaissances à travers les séances de formation. Soit le formateur avait pour objectif de donner aux stagiaires des éléments qui leur serviraient quand ils seraient enseignants et qu'ils décideraient d'utiliser la géométrie dynamique dans leur classe, sachant que ces éléments n'étaient pas utilisables immédiatement. Il se peut aussi que le formateur ait surtout envisagé le contenu de la formation. En effet, au moment des séances « Initiation Cabri », les stagiaires étaient en début de formation à l'IUFM et avaient très peu (pour ne pas dire aucune) de connaissances au niveau du savoir didactique. Ainsi, nous pouvons dire qu'il existait un écart entre ce à quoi le formateur renvoyait dans son discours oral au niveau du savoir Sd-i et ce que les stagiaires pouvaient en tirer. Nous pensons que cet écart aurait peut-être pu être davantage pris compte dans la préparation des séances de formation « Initiation Cabri ». En outre, les résultats de l'expérimentation 1 ont montré que les stagiaires n'utilisaient pas la spécificité « Déplacement » de Cabri à l'issue des séances de formation « Initiation Cabri » lors desquelles le formateur a traité cette spécificité dans son discours oral, en particulier au niveau du savoir Sd-i mais peut être pas suffisamment au niveau du savoir Si. Le formateur a donc peut-être fait l'hypothèse que traiter le déplacement au niveau du savoir Sd-i en utilisant des situations didactiques exposées aux stagiaires au moyen du vidéoprojecteur était suffisant pour que ces derniers comprennent l'importance du déplacement à la fois pour leur propre activité mathématique dans Cabri au niveau du savoir Si et pour les situations didactiques qu'ils proposeraient à leurs élèves au niveau du savoir Sd-i. Ainsi, on peut penser que le formateur a peut-être sous-estimé la difficulté des stagiaires à comprendre l'importance du déplacement et de la résistance au déplacement à la fois dans les situations didactiques et dans leur propre activité mathématique dans Cabri. Notre recherche montre donc aussi que le contrat de résistance au déplacement ne s'établit pas, chez les stagiaires, à l'issue d'une initiation à Cabri à travers le discours magistral du formateur, ni à travers de « pseudo situations problèmes » Quant aux séances de formation « Géométrie Dynamique » relatives essentiellement au savoir Sd-i, les questions didactiques posées aux stagiaires ainsi que le discours du formateur pendant ces séances portaient uniquement sur l'analyse de situations didactiques dans Cabri et plus spécialement sur les apports de Cabri par rapport à l'environnement papier-crayon. L'analyse des apports de Cabri par rapport à l'environnement papier-crayon qui constituait l'objet central de formation des séances de « Géométrie Dynamique » s'est révélée avoir un impact important chez les stagiaires lors de l'expérimentation 2. Dans cette expérimentation, les stagiaires ont cherché à construire des situations dans lesquelles Cabri apportait une contribution différente pour l'apprentissage de celle de l'environnement papier-crayon et après avoir proposé une situation dans Cabri, ils se questionnaient, d'eux-mêmes, sur les apports de l'environnement Cabri pour la situation qu'ils avaient proposée. En outre, la formation de « Géométrie Dynamique » portait uniquement sur l'analyse de situations didactiques dans Cabri : les tâches de conception de situations didactiques (adaptation et création de situations didactiques) étaient absentes de cette formation. Notre expérimentation a mis en évidence l'impact du travail fait dans la formation concernant l'analyse des situations didactiques par le fait que les stagiaires ont été capables, à l'issue de cette formation, d'effectuer une analyse didactique au niveau du savoir Sd-i, pour une situation didactique dans Cabri conçue par eux-mêmes et de déterminer les apports de leurs situations par rapport à l'environnement papier-crayon. D'autre part, bien que les stratégies d'adaptation de situations didactiques étaient absentes de cette formation qui portait uniquement sur l'analyse des situations didactiques, les stagiaires ont mis en oeuvre des stratégies de construction de situations didactiques pendant notre expérimentation. Ainsi, un travail centré sur des analyses de situations didactiques au niveau 418 du savoir Sd-i pendant la formation « Géométrie Dynamique » a probablement permis aux stagiaires de construire des schèmes relatifs à la mise en oeuvre de stratégies d'adaptation. Nos analyses ont montré une autre caractéristique importante de la formation « Géométrie Dynamique » qui, en fait, était conçue de telle façon qu'il n'y ait aucune spécificité de Cabri traitée explicitement au niveau du savoir Sd-i dans le document écrit. De plus, les questions posées aux stagiaires dans le document d'activité au niveau des savoirs Sd-i et Sd-m étaient très (peut-être même trop) générales. Or, c'est justement au niveau du savoir Sd-i que les stagiaires avaient le plus de mal à mener une réflexion (ou du moins à rédiger une réflexion). Une des raisons de l'absence de réponses chez les stagiaires à des questions au niveau du savoir Sd-i du document d'activités peut provenir de ce que les stagiaires ne comprenaient peut-être pas ce qu'on attendait comme réponse de leur part. On peut alors penser qu'au lieu de poser des questions très générales (comme « Quel est l'apport de Cabri? »), on aurait peut-être pu leur poser des questions plus précises et plus explicites, du point de vue des spécificités de Cabri sur lesquelles on voulait qu'ils mènent une réflexion ou encore leur donner quelques éléments relatifs au savoir didactique dont ils pourraient partir. Une autre caractéristique de cette formation résidait dans ce qu'elle avait été construite par le formateur de façon à transmettre le savoir Sd-i par oral. La raison d'un tel choix de ne pas rendre explicite le savoir Sd-i dans le document écrit peut nous amener à nous questionner sur le statut du savoir Sd-i. En effet, on peut interpréter la conception des séances de formation « Géométrie Dynamique » par le fait que le formateur a préféré ne pas laisser d'affirmations écrites relative s au savoir Sd-i, tout simplement parce que le savoir Sd-i est un savoir qui est lui-même en construction. Nous n'attendions pas que le formateur transmette tous les éléments liés à l'usage du logiciel uniquement dans son discours oral et ainsi qu'il y ait un écart très important entre le document écrit et le discours du formateur par rapport au savoir Sd-i. Même si nous ne nous étions pas interrogée, au début de notre recherche, sur la conception des formations aux TICE, le fait d'analyser ces formations nous a permis d'apporter quelques éléments sur les formations à l'usage des logiciels de géométrie dynamique. Concernant la catégorie 2 « Les outils de construction dans les boîtes à outils du menu de Cabri », notre recherche a montré que l'appropriation des outils géométriques ne posent pas de problème pour les stagiaires. Ceci a également été pris en compte dans la conception des formations que nous avons observées où l'accent sur ces outils n'a pas été mis de façon forte. En revanche, il existe certains outils comme par exemple « Trace » susceptible de jouer un rôle assez important pour la conjecture, qui peuvent faire objet d'une formation au niveau du savoir Sd-i, concernant l'analyse et la conception de situation didactiques dans Cabri intégrant ces outils. Les « spécificités de Cabri plutôt à vocation didactique au service de l'enseignant » étaient très peu présentes dans les formations que nous avons observées. Nous n'avons donc pas pu repérer un impact des séances de formation chez les stagiaires concernant l'usage de ces spécificités. Cependant, nous pensons qu'il peut être important de traiter ces spécificités au service de l'enseignant dans une formation des futurs enseignants à l'usage des logiciels de géométrie dynamique dans leur enseignement. Notre recherche n'a donc pas donné beaucoup d'éléments sur les caractéristiques de la formation qui favorisent l'instrumentation des catégories 2 et 3. En revanche, elle a donné plus de résultats sur la catégorie 1 constituée du déplacement et de la construction/dépendance entre les objets. Nous développons ci-dessous les résultats que nous avons pu obtenir par rapport à ces deux spécificités. « Construction / Dépendance entre les objets » La sous-catégorisation que nous avons effectuée pour la spécificité « Construction et Dépendance entre les objets » était la suivante : Construction/Dépendance 1 : Dépendance des éléments construits des points de base dans le déplacement. Construction/Dépendance 2 : Dépendance entre les objets manifestée lors de la suppression d'un objet qui implique la suppression des objets qui dépendent de ce dernier. Construction/Dépendance 3 : Propriétés géométriques données à une figure dans sa construction. Cette catégorisation était en fait très spécifique à la notion de transformation, et il faudrait une autre catégorisation de la spécificité « Construction et Dépendance entre les objets » pour de futures recherches portant sur une autre notion mathématique. Nous avouons, qu'une fois effectuées nos analyses, nous avons perçu que la catégorisation donnée pour la spécificité « Construction et Dépendance entre les objets » (très spécifique à une notion mathématique) était beaucoup moins pertinente que celle pour la spécificité « Déplacement » (indépendante de la notion mathématique enjeu) que nous réutiliserons certainement dans nos recherches. La Construction/Dépendance 3 semble ne pas poser de problème pour les stagiaires ; l'ensemble de nos expérimentations montre une forte apparition de cette spécificité chez les stagiaires dans leurs propositions de situations didactiques dans Cabri. Cette facilité de l'instrumentation de la Construction/Dépendance 3 est probablement due au fait que l'utilisation de cette spécificité de Cabri reste très proche du travail mathématique dans l'environnement papier-crayon. La Construction/Dépendance 2 n'a été présente que dans la formation « Initiation Cabri » et elle n'est apparue à aucun moment lors de nos expérimentations. Nous pensons qu'elle n'était peut-être pas très importante et qu'il serait préférable de ne pas prendre en compte cette catégorie. La Construction/Dépendance 1, étant présente dans les deux modules de formation portant sur les TICE, n'apparaît pas dans l'expérimentation 1 et apparaît chez un seul binôme dans l'expérimentation 2. Or, elle apparaît dans l'expérimentation 3 mise en place après les séances de formation en didactique chez tous les binômes. Les éléments du savoir Sd-m traités pendant la formation en didactique peuvent alors avoir mis en évidence aux yeux des stagiaires les difficultés des élèves à comprendre la dépendance entre un objet et son image dans une transformation et leur avoir permis ainsi de comprendre l'apport de la spécificité « Construction / Dépendance 1 » de Cabri. « Déplacement » Notre recherche a mis en évidence l'importance de la première catégorie (Déplacement et Construction/Dépendance entre les objets) et la nécessité de prendre pour objet d'étude des éléments de cette catégorie dans la conception d'une formation sur l'intégration des logiciels de géométrie dynamique. En effet, ces spécificités de Cabri sont, d'une part difficiles à instrumenter, et d'autre part essentielles pour un usage de Cabri différent de celui de l'environnement papier-crayon pour l'enseignement. Compte tenu de l'importance de ces spécificités de Cabri relevant de la catégorie 1, nous avons également distingué des sous-catégories. Les différents types de Déplacement que nous avons considérés dans le cadre de notre étude pour nos analyses étaient : Déplacer pour valider ou invalider (Déplacement 1), Déplacer pour conjecturer (Déplacement 2) et Déplacer pour constater (Déplacement 3). Notre étude a montré la difficulté des stagiaires à concevoir des situations didactiques mettant en oeuvre le déplacement pour valider/invalider malgré la place très importante de ce type de déplacement dans la formation. Nous avions avancé que cette difficulté des stagiaires pouvait venir du fait que les connaissances mathématiques seules ne suffisent pas pour comprendre l'importance et la nécessité de ce type de déplacement pour les apprentissages des élèves. En effet, pour comprendre au mieux l'intérêt du déplacement pour valider/invalider et pour y donner du sens, il faut déjà avoir des connaissances au niveau du savoir didactique sur la notion de « milieu » et savoir envisager le rôle des actions rétroactions dans le processus d'apprentissage ou du moins sur le processus de résolution de la tâche. Dans le cadre de notre étude nous n'avons pas pu tester cette hypothèse. Il faudrait en fait d'autres expérimentations pour dans quelle mesure des connaissances au niveau du savoir didactique jouent sur l'instrumentation du déplacement pour valider/invalider. En revanche, la conception de situations didactiques dans Cabri mettant en oeuvre le déplacement pour constater est apparu comme étant plus accessible pour les stagiaires. En effet, dans la plupart des situations utilisant le déplacement pour constater, il s'agit d'une visualisation des propriétés géométriques à travers des impressions perceptives grâce au déplacement. Cette force de la visualisation, qui est dénichée à travers « le déplacement pour constater » et qui est absente de l'environnement papier-crayon, peut donner à penser aux stagiaires qu'une simple visualisation est suffisante pour que l'élève comprenne les propriétés géométriques. Comme Laborde (2001) et Ruthven, Hennessy & Deaney (2004) l'ont également repéré, la majorité des enseignants qui utilisent les environnements de géométrie dynamique dans leur classe, au début de leurs usages, réduisent leur apport à une amplification de phénomènes perceptifs. Certes, la visualisation des propriétés géométriques à travers l'usage du déplacement constitue un apport certain de la géométrie dynamique, mais on ne peut restreindre l'usage des logiciels de géométrie dynamique à une amplification de la visualisation, pour pouvoir parler 422 d'intégration. En effet, il faut les enseignants puissent aller au-delà du niveau de l'amplification de la perception et percevoir l'apport de la géométrie dynamique dans la reconceptualisation des notions où la technologie fait partie de la résolution même de la tâche ou de la source du problème posé à l'élève. Concernant le déplacement pour conjecturer, bien que les stagiaires arrivent à concevoir des situations didactiques utilisant ce type de déplacement, c'est ce type de déplacement auquel ils renoncent le plus facilement, quand il s'agit de préparer une situation didactique avec un objectif d'apprentissage bien précis. Ils contraignent les élèves à développer une activité mathématique conforme à leurs attentes et leur enlèvent ainsi toute liberté de conjecturer dans Cabri en remplaçant le déplacement pour conjecturer par le déplacement pour constater. En effet, les activités où il s'agit essentiellement de la mise en oeuvre du déplacement pour conjecturer sont des activités où le déplacement est utilisé par l'élève pour la résolution même de la tâche. Or, les activités mettant en oeuvre le déplacement pour constater sont en général des activités où le déplacement est utilisé une fois que la construction est effectuée. Il est aussi à noter que la mise en oeuvre du déplacement pour conjecturer (Déplacement 2) demande des situations plus ouvertes. Or les situations où le déplacement pour constater (Déplacement 3) est utilisé sont en général beaucoup plus fermées que les situations où le déplacement pour conjecturer est utilisé. Les constructions à faire pour constater sont, par exemple données à faire aux élèves, pas à pas de façon guidée. Elles ne sont pas données à faire sans indication, le risque étant dans ce dernier cas que les élèves bloqués ne puissent aborder la phase jugée essentielle du déplacement pour constater. Ainsi, le déplacement pour valider/invalider et le déplacement pour conjecturer doivent être l'objet central d'une formation sur l'intégration. Mais, il nous semble également important de traiter le déplacement pour valider/invalider en relation avec des éléments du savoir dactique. II. Limites du travail de recherche Nous avions évoqué dans notre problématique les contraintes institutionnelles pouvant peser sur l'enseignant pour l'intégration des TICE dans sa pratique. Or, dans la façon dont nous avons construit notre méthodologie, nous avons négligé les contraintes institutionnelles qu'un enseignant rencontre, lorsqu'il utilise un logiciel de géométrie dynamique dans sa classe. En effet, lors de nos expérimentations, les stagiaires, ni n'ont été confrontés, ni ne se sont posé des questions sur les difficultés liées à la gestion de classe, aux contraintes de temps avec un programme à terminer, au problème de l'évaluation des connaissances de l'élève etc. Les situations que nous avons proposées lors de nos expérimentations mettaient en fait les PLC2 en position d'enseignants, en dehors de toutes contraintes institutionnelles du métier d'enseignement. Nous sommes donc tout à fait consciente que l'étude que nous avons menée sur l'intégration des TICE était un peu loin de la réalité où l'enseignant tente effectivement d'intégrer les TICE dans sa pratique. En revanche, il est à noter que les stagiaires PLC2 ont une double position « enseignant » et « étudiant ». Ainsi, par l'effet de cette double position des stagiaires, on peut avancer que notre méthodologie les mettait dans une position intermédiaire entre « enseignant » et « étudiant ». Cependant notre étude a permis d'obtenir des résultats par rapport à la formation des enseignants-stagiaires et par rapport à l'impact de cette formation. Un des prolongements de notre étude serait alors, d'après nous, de mener des travaux prenant également en compte les contraintes institutionnelles que nous avons négligées, d'une part lorsque les stagiaires conçoivent des situations didactiques intégrant la , et d'autre part lorsqu'ils mettent en oeuvre ces situations dans leurs classes. III. Perspectives Notre recherche a soulevé des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre et à plusieurs reprises nous avions souligné le besoin d'effectuer d'autres recherches. Les deux pistes de recherches que nous envisageons nous semblent importantes. Dans le cadre de cette recherche nous avons porté notre attention sur le savoir didactique Sd-i, en essayant d'établissant une distinction entre le savoir Sd-m et le savoir Sd-i qui sont des éléments du savoir didactique. Or, notre travail de thèse a montré qu'il existe des éléments du savoir Sd-i difficilement séparables du savoir Sd-m et donc reliés au savoir Sd-m. Notre travail de thèse nous a conduit alors à la nécessité de nous questionner plus finement sur le statut et sur la place de ces deux types de savoirs dans l'enseignement de la didactique aux futurs enseignants. Les éléments du savoir didactique enseignés aux futurs enseignants sont en particulier centrés sur les résultats des recherches en didactiques sur les élèves comme par exemple des conceptions, des erreurs et des difficultés d'élèves. Or, ces résultats sur les élèves, qu'on enseigne aux stagiaires, sont issus des travaux portant sur l'environnement papier-crayon. En effet, le nombre important de recherches en didactiques portant sur l'environnement papier-crayon a pour conséquence que le savoir didactique Sd-m enseigné à l'IUFM relève essentiellement de l'environnement papier-crayon. Cela rend inévitable de ne pas prendre l'environnement papier-crayon comme environnement de référence, même quand il s'agit de l'enseignement du savoir didactique Sd-i (en considérant par exemple le traitement, grâce à l'intégration de la géométrie dynamique, des difficultés d'élèves repérées en papier-crayon), parce que la plupart des conceptions et des difficultés des élèves ont été dégagées grâce à des expérimentations papier-crayon. En revanche, nous pensons que, dans l'avenir, lorsque le nombre de aux de recherches en didactique portant sur les environnements informatiques augmentera, l'environnement papiercrayon ne sera plus le seul environnement de référence. Il nous paraît donc important d'effectuer aussi dans l'environnement informatique des recherches sur les éléments du savoir didactique sur les apprentissages des élèves qui, pour l'instant, relèvent de recherches portant sur l'environnement papier-crayon, afin de déterminer ce qui est valable indépendamment de l'environnement utilisé, et ce qui se révèle uniquement spécifique à l'environnement papier-crayon. En d'autres termes, nous pensons qu'il est important de nuancer les résultats des recherches en didactique sur les apprentissages et les connaissances des élèves, en cherchant parmi ces résultats, lesquels portent sur n'importe quel environnement, et lesquels sont spécifiques à l'environnement papier-crayon. Une autre piste de recherche se situe dans le prolongement direct de ce travail de recherche. La recherche que nous avons menée a porté sur une formation à l'usage des logiciels de géométrie dynamique centrée sur l'analyse des situations didactiques. Nous pensons qu'une des pistes de recherches à envisager peut être de prendre également pour objet d'étude des formations aux TICE centrées sur les stratégies d'adaptation et de création de situations didactiques, comme par exemple les ateliers mémoires. En effet, notre recherche a mis en évidence l'importance, pour l'intégration des logiciels de géométrie dynamique par les stagiaires, d'une mise en interrelation des connaissances acquises à travers différents modules de formation suivie à l'IUFM et de l'interaction entre ces différents modules. Il serait donc intéressant de mener une recherche en prenant davantage en compte la globalité de la formation à l'IUFM. En outre, nous avons montré dans nos résultats l'importance de la conception et surtout de la mise en oeuvre d'une formation aux TICE quant à son impact sur les stagiaires. Le contexte dans lequel nous avons mené notre recherche était particulier au sens où les formations que nous avons analysées et dont nous avons cherché à identifier l'impact se sont déroulées dans un IUFM qui favorise les nouvelles technologies, à côté d'une équipe de recherche dont les travaux sont centrés sur les EIAH. Ainsi, les formateurs avec lesquels nous avons travaillé étaient des formateurs sensibilisés à l'usage des logiciels de géométrie dynamique puisqu'ils étaient en contact avec des équipes de recherche et avaient participé aux travaux de recherches sur les TICE. Nous pensons qu'il serait intéressant de mener une étude portant sur l'impact de la formation à l'usage des logiciels de géométrie dynamique, dans des IUFM relevant d'autres contextes, avec des formateurs qui ont un rapport différent à l'usage des nouvelles technologies. En effet, la place du formateur est un facteur important d'une intégration réussie des logiciels de géométrie dynamique dans l'enseignement. Notre travail a en partie mis en évidence que le chemin d'une formation qui mène à l'intégration ne peut se limiter, ni à des discours magistraux du formateur, ni à des « pseudo situations problèmes ». Ainsi la formation des formateurs et les ingénieries de formation peuvent aussi être objet d'étude de futurs travaux de recherches en didactique sur les TICE. En effet, les formateurs risquent d'avoir des rapports très différents aux TICE selon le contexte dans lequel ils se trouvent ; et ce, particulièrement pour les TICE car les formateurs eux-mêmes n'ont pas suivi de formation sur l'usage des nouvelles technologies et sont formés en autodidacte sur le terrain. Au terme de cette recherche, nous sommes conscientes que nous n'avons pu fournir des éléments de réponses à toutes les questions envisagées au départ. Notre travail contribue toutefois à la détermination des caractéristiques et de l'impact de formations à l'IUFM, il fournit des éléments sur les difficultés des stagiaires pour l'intégration des logiciels de géométrie dynamique et des pistes utilisables pour des recherches ultérieures sur la formation des enseignants..
17,174
a1e86090670921c2a7e9ab3fec500b1f_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,009
Article anonyme de novembre et décembre 1739 sur le livre I du Traité de la nature de David Hume
None
French
Spoken
7,581
11,648
La première section de cette partie s’ouvre par une énumération des différentes sortes de relation philosophique. Il y en a sept, à savoir ressemblance, identité, relations de temps et de lieu, proportion de quantité ou de nombre, degrés d’une qualité quelconque, contrariété et causalité. Notre auteur nous dit ensuite que seules quatre de ces relations peuvent être objets de connaissance et de certitude. Ce sont la ressemblance, la contrariété, les degrés de qualité et les proportions de quantité ou de nombre. Les trois premières relations se découvrent à première vue et se trouvent plus proprement dans le domaine de l’intuition plutôt que dans celui de la démonstration, cette dernière Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 27 étant surtout concernée quand on fixe les proportions de quantité et de nombre. Il saisit ici l’occasion pour prononcer un verdict sur la géométrie, verdict très différent de celui que prononce le gros de l’humanité qui ne réfléchit pas et qui est enclin à nourrir je ne sais quels préjugés en sa faveur. « C’est, dit-il, l’art par lequel nous fixons les proportions des figures, et quoiqu’elle l’emporte de beaucoup, aussi bien en universalité qu’en exactitude, sur les jugements vagues des sens et de l’imagination, elle n’atteint pourtant jamais une parfaite précision et une parfaite exactitude. Ses premiers principes sont encore tirés de l’apparence générale des objets, et cette apparence ne saurait jamais nous offrir aucune sécurité quand nous examinons la prodigieuse petitesse dont (376) la nature est susceptible. Nos idées semblent donner une parfaite assurance que deux lignes droites ne peuvent avoir un segment commun ; mais si nous considérons ces idées, nous trouverons qu’elles supposent toujours une inclination sensible des deux lignes, et que, si l’angle qu’elles forment est extrêmement petit, nous n’avons aucun critère d’une ligne droite assez précis pour nous assurer de la vérité de cette proposition. » Les géomètres qui voudraient être eux-mêmes édifiés peuvent, dans l’original dont j’ai extrait ce passage, en trouver d’autres du même genre qui révèlent la profondeur de l’érudition de ce grand mathématicien. « Les mathématiciens, dit-il, ont coutume de prétendre que les idées qui sont leurs objets sont d’une nature si raffinée et spirituelle qu’elles ne tombent pas sous la conception de l’imagination, mais qu’elles doivent être comprises par une vue pure et intellectuelle dont seules les facultés supérieures de l’âme sont capables. Je vais maintenant dire un mot ou deux de la seconde et de la troisième sections. La première tourne autour de la probabilité et de l’idée de cause et d’effet. Dans l’autre, on nous dit pourquoi une cause est toujours nécessaire. Toutes les personnes qui éprouvent une antipathie pour la preuve a priori de l’existence de Dieu peuvent aller voir cette section où elles auront la satisfaction de la voir entièrement détruite. L’auteur a, à cet endroit, détruit ses fondations et c’est tout l’édifice qui s’est écroulé. Le Dr Clarke et un certain John Locke, maître Locke, qu’il nomme en particulier, deux des plus superficiels raisonneurs, comme tant d’autres, n’ont pas été assez forts pour imaginer que tout ce qui commence à exister doit avoir une cause d’existence. Que dis-je! Hobbes lui-même, pour autant qu’on le pense athée, était comme ces auteurs. Tout le monde sait comment ce philosophe et les grands hommes précédemment nommés prétendaient prouver la proposition mais notre auteur déclare que tout ce qu’ils ont produit à cette fin est fallacieux, sophistique et frivole et il pense réellement qu’il n’est pas nécessaire d’employer beaucoup de mots pour montrer la faiblesse de leurs arguments. Mais, quoique notre auteur ait entièrement détruit la preuve a priori de l’existence divine, j’espère de tout cœur qu’il n’a pas l’intention d’affaiblir cette vérité fondamentale, qu’il existe un Être nécessaire, éternel et indépendant. Il n’affirme pas directement qu’une chose peut venir à l’existence sans une cause, il veut seulement que l’expérience soit la seule voie par laquelle nous puissions arriver à la certitude de cette thèse, que tout ce qui commence à exister doit avoir eu une cause de son existence; et que l’expérience nous y conduise, c’est, j’imagine, ce que notre auteur entend prouver dans les sections qui suivent. Je voudrais être (378) plus positif sur ce point mais, ayant Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 29 parcouru les sections auxquelles je fais allusion afin de savoir si c’est leur portée réelle, je reconnais que je ne peux les comprendre suffisamment pour me prononcer de façon dogmatique. Il n’est pas étonnant que cette question m’embarrasse car elle doit aussi embarrasser tous les hommes qui ne sont pas dotés d’une pénétration extraordinaire, si l’on se fie au fait que notre auteur reconnaît lui-même la relative obscurité de son argument. D’ailleurs, à peu près au milieu de la douzième section, il dit très bien : « Je suis conscient que ce raisonnement doit paraître abstrus à la généralité des lecteurs qui, n’étant pas accoutumés à des réflexions si profondes sur les facultés intellectuelles de l’esprit, seront portés à rejeter comme chimérique tout ce qui ne s’accorde pas avec les notions courantes reçues et avec les principes de philosophie les plus faciles et les plus évidents. Sans doute, des efforts sont nécessaires pour pénétrer ces arguments quoique, peutêtre, il en faille très peu pour percevoir l’imperfection de toutes les hypothèses vulgaires sur ce sujet, et le peu de lumière que la philosophie peut encore nous offrir dans des spéculations aussi profondes et aussi curieuses. » Dans la quatorzième section, après d’autres spéculations raffinées, il ajoute : « je crois bon d’avertir que je viens juste d’examiner l’une des plus sublimes questions de la philosophie, à savoir celle qui porte sur le pouvoir et l’efficace des causes, question qui semble tant intéresser toutes les sciences. Ainsi, de même que la nécessité qui fait que deux fois deux égalent quatre ou que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits se trouve seulement dans l’acte de l’entendement par lequel nous considérons et (380) comparons ces idées, de la même manière, la nécessité ou le pouvoir qui unit les causes et les effets se trouve dans la détermination de l’esprit à passer des unes aux autres. L’efficace, ou énergie des causes, n’est placée ni dans les causes ellesmêmes, ni dans la divinité , ni dans le concours de ces deux principes, mais est entièrement propre à l’âme qui considère l’union de deux objets, ou plus, dans tous les cas passés. C’est là que se situe le pouvoir réel des causes, ainsi que leur connexion et leur nécessité. » C’est là la plus merveilleuse doctrine, je le déclare, et telle que notre auteur reconnaît qu’elle est car il ajoute : « Je me rends compte que, de tous les paradoxes que j’ai eu ou que j’aurai par la suite l’occasion d’avancer au cours de ce traité, le para- Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 31 doxe présent est le plus violent, et que c’est uniquement à force de preuves et de raisonnements solides que je peux espérer qu’il soit admis et triomphe des préjugés invétérés de l’humanité. (…) Communément, un étonnement accompagne toute chose extraordinaire ; et cet étonnement se change immédiatement en l’estime la plus haute ou le mépris le plus fort selon que nous approuvons ou désapprouvons cette chose. J’ai grand peur que cependant, quoique le raisonnement précédent me paraisse le plus bref et le plus décisif qu’on puisse imaginer, chez la plupart des lecteurs, la prévention de l’esprit ne prévale et ne produise en eux un préjugé contre la présente doctrine. (…) La notion contraire est si rivée dans l’esprit par les principes ci-dessus mentionnés que je ne doute pas que mes sentiments ne soient traités par beaucoup d’extravagants et de ridicules. » C’est assez probable, en vérité car ceux qui lisent ces passages doivent être convaincus que certains hommes sont très étranges et sont de simples animaux. Notre admirable auteur doit s’attendre à avoir les chevilles mordillées, comme tous les grands génies, par un (381) amas d’impertinents stupides pour qui il a généreusement constitué tout un ensemble d’objections. « Quoi ! L’efficace des causes se trouve dans la détermination de l’esprit ! Comme si les causes n’opéraient pas indépendamment de l’esprit, et cela entièrement, et ne continueraient pas leur opération, même s’il n’existait aucun esprit pour les considérer ou raisonner sur elles. La pensée peut bien dépendre des causes pour son opération, mais non les causes de la pensée. C’est là renverser l’ordre de la nature et rendre second ce qui est en réalité premier. Pour toute opération, il y a un pouvoir proportionné, et ce pouvoir doit être placé dans le corps qui opère. Si nous enlevons le pouvoir à une cause, nous devons l’attribuer à une autre ; mais enlever ce pouvoir à toutes les causes, et l’accorder à un être qui n’est en aucune façon relié à la cause ou l’effet, sinon en les percevant, c’est une grossière absurdité, contraire aux principes les plus certains de la raison humaine. » Que ces nigauds parlent ainsi s’ils le veulent, notre auteur méprise leurs attaques, comme il se doit. Il se contente de répondre à ces arguments (comme il daigne les appeler) : « que le cas est ici à peu près Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 32 le même que celui d’un aveugle qui prétendrait trouver un grand nombre d’absurdités dans l’hypothèse que la couleur écarlate n’est pas identique au son de la trompette, ni la lumière identique à la solidité. » Une page ou deux après cette remarquable phrase, il commence à songer qu’il serait temps de réunir toutes les différentes parties de son raisonnement (qu’il reconnaît avoir avancées, quoiqu’avec des motifs justifiables, d’une manière apparemment absurde) et, en les joignant les unes aux autres, de former une définition précise de la relation de cause à effet qui est le sujet de la présente enquête. Deux définitions de cette relation peuvent être données, nous dit-il, qui diffèrent seulement en ce qu’elles présentent le même objet selon des points de vue différents et nous le font considérer (382) soit comme une relation philosophique, soit comme une relation naturelle. Nous pouvons définir une CAUSE ainsi : « un objet antérieur et contigu à un autre, tel que tous les objets ressemblant au premier sont placés dans des relations semblables d’antériorité et de contiguïté aux objets qui ressemblent au deuxième. » Cette définition est très éloignée de la portée de mon intelligence et je me demande, à vrai dire, si elle n’est intelligible que pour les hommes d’une intelligence semblable à celle de notre auteur. Sa deuxième définition est un peu compréhensible et elle est destinée à la satisfaction de ceux qui peuvent estimer que la première est défectueuse parce que tirée d’objets, comme il le dit, étrangers à la cause. Mais, bien qu’il ait ainsi quitté son sujet, pour ce qui est de l’enquête et du raisonnement, il ne le quitte pas avant d’en avoir tiré certains corollaires par lesquels il entreprend tout bonnement de supprimer plusieurs préjugés et plusieurs erreurs populaires qui ont très grandement prévalu en philosophie. Ceux qui veulent voir ces curiosités doivent aller voir l’original car je ne peux, dans cet abrégé, insérer les exemples de tout ce qui y est remarquable. J’en viens à la quinzième section du livre I, où il expose huit règles pour juger des causes et des effets. Le lecteur pourra les regarder s’il le veut quand il ira voir les corollaires ci-dessus mentionnés. Je retiendrai ici un passage qui les accompagne et un autre qui les suit et, ils sont vraiment, chacun à leur manière, réellement admirables. Dans le premier, notre auteur dit que, selon la doctrine qu’il a établie, « N’importe quoi peut produire n’importe quoi. Création, annihilation, mouvement, raison, volition : toutes ces choses peuvent naître l’une de l’autre, ou de n’importe quel objet que nous puissions imaginer. » Quel charmant système en vérité ! On ne peut guère concevoir son utilité ou à quelles fins il peut servir. Il faut espérer que son inimitable inventeur voudra bien un jour nous donner une large et ample explication de ce point. Je ne peux m’empêcher de violer un engagement précipité. J’ai dit que je ne retiendrais pas les règles dont j’ai parlé ci-dessus (384) mais, Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 34 jetant les yeux sur la dernière, il m’était impossible de ne pas y admirer le bel exemple de la justesse des principes de notre auteur. Cette règle est « qu’un objet, qui existe pour un temps dans sa pleine perfection sans aucun effet, n’est pas la seule cause de cet effet, mais requiert l’assistance de quelque autre principe qui favorise son influence et son opération. » Ici, le lecteur peut voir une illustration de la doctrine de notre auteur : « Que n’importe quoi peut produire n’importe quoi. » Dans ce n’importe quoi, il compte l’annihilation et la création ou, en d’autres termes, il affirme que quelque chose peut naître de rien ou n’être produite par rien. Et il en est ainsi dans la règle ci-dessus indiquée où nous trouvons sans aucun effet, c’est-à-dire rien, qui devient en un clin d’œil cet effet, qui est quelque chose. Quand il nous a conduit dans cette suite subtile d’arguments sur la cause et l’effet, il nous dit : « Voilà toute la logique que je juge bon d’employer dans mon raisonnement. Peut-être même n’était-ce pas vraiment nécessaire, et les principes naturels de notre entendement auraient pu y suppléer. Nos fleurons de la scolastique et nos logiciens ne montrent pas une telle supériorité sur le simple vulgaire, dans leurs raisonnements et leurs capacités, qu’ils nous donnent une inclination à les imiter en faisant un long système de règles et de préceptes pour diriger notre jugement en philosophie. » Dans la seizième section qui termine la troisième partie du livre I, nous rencontrons certaines réflexions sur la raison des animaux. Elles sont calculées pour confirmer la doctrine précédente sur la cause et l’effet, quelque éloignées qu’elles semblent être de ce dessein. Pourtant, dit-il, elles y répondent effectivement, comme presque intuitivement, pour convaincre de la vérité du système. (385) Nous en venons maintenant à la quatrième partie de ce volume. Nous n’en ferons pas une analyse précise mais nous sélectionnerons quelques passages curieux que nous pensons pouvoir servir au plaisir et à l’édification du lecteur. Dans cette partie, notre auteur traite du système sceptique et des autres systèmes philosophiques et il entreprend d’avancer des propositions qui n’entrent jamais dans l’esprit des écrivains ordinaires. Ainsi, dans le tout premier paragra- Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 35 phe, il montre qu’il n’existe pas de science au sens strict et que toute connaissance dégénère en probabilité ; « et cette probabilité est plus ou moins grande selon notre expérience de la véracité ou de la fausseté de notre entendement, et selon la simplicité ou la complexité de la question. » Et son second paragraphe nous assure qu’ « Il n’est pas d’algébriste ni de mathématicien assez expert dans sa science pour placer son entière confiance en une vérité qu’il vient immédiatement de découvrir et la considérer comme autre chose qu’une simple probabilité. A chaque fois qu’il passe en revue ses preuves, sa confiance augmente, mais encore davantage si ses amis l’approuvent, et cette confiance s’élève à sa plus grande perfection par l’assentiment universel et l’approbation du monde savant. » Après cela, il utilise pendant cinq pages le langage d’un sceptique et, alors, il nous informe du dessein qu’il a en vue, nous faire prendre conscience de la vérité de son hypothèse, à savoir « que tous nos raisonnements sur les causes et les effets ne sont tirés de rien d’autre que l’accoutumance, et que cette croyance est plus proprement un acte de la partie sentante que de la partie pensante de notre nature. » La suite de cette section est employée à nous mettre en garde, pour ce qu’il a avancé sur ce point, contre certaines objections dont seraient susceptibles certains esprits non avertis. Dans la seconde section, il considère le scepticisme à l’égard des sens et, ici, il enquête (386) sur les causes qui nous poussent à croire à l’existence des corps. Il commence son raisonnement sur ce point par une distinction qui, il nous l’assure, contribuera beaucoup à la parfaite compréhension de ce qui suit. Nous devons, comme il le dit, examiner séparément ces deux questions qui sont couramment confondues : pourquoi attribuons-nous aux objets une existence CONTINUE, même quand ils ne sont pas présents aux sens, et : pourquoi leur supposonsnous une existence DISTINCTE de l’esprit et de la perception ? 31 Après un examen très soigneux, il rejette ce qu’on propose généralement comme solution à cette question et il propose une solution de 31 L’auteur de l’article cite Hume mot à mot. (NdT) Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 36 son cru qui, dit-il, expliquera très clairement et de façon très satisfaisante ce qui est contenu dans ces questions. Il serait content que je puisse présenter à mes lecteurs les sentiments d’un génie aussi profond et aussi précis que celui dont nous parlons ici, sur l’une des questions métaphysiques les plus abstruses et les plus incompréhensibles mais, Hélas ! Elle est d’une trop grande étendue pour la taille de cet article. Nous nous efforcerons néanmoins de présenter certains échantillons par lesquels, au moins, nous montrerons quel heureux talent il a pour surmonter ces difficultés qui ont prouvé le ne plus ultra 32 de tant d’autres. « Après un bref examen, nous trouvons que tous les objets auxquels nous attribuons une existence continue, ont une constance particulière qui les distingue des impressions dont l’existence dépend de notre perception. Ces montagnes, ces maisons et ces arbres qui se trouvent actuellement sous mes yeux m’ont toujours apparu dans le même ordre ; et, quand je les perds de vue en fermant les yeux ou en tournant la tête, je les retrouve (387) juste après sans le moindre changement. Mon lit et ma table, mes livres et mes papiers se présentent toujours d’une manière uniforme et ne changent pas parce que je cesse de les toucher ou de les percevoir. C’est le cas de toutes les impressions dont les objets sont supposés avoir une existence extérieure. C’est le cas d’aucune autre impression, qu’elle soit douce ou violente, volontaire ou involontaire. Cette constance, toutefois, n’est pas si parfaite qu’elle n’admette pas des exceptions très considérables. Les corps changent souvent de position et de qualités et, après une légère absence ou une légère interruption, ils peuvent devenir à peine reconnaissables. Mais ici, on peut observer que même dans ces changements ils conservent une cohérence et ont une régulière dépendance les uns par rapport aux autres ; ce qui produit l’opinion de leur existence continue. (…) Cette cohérence dans leurs changements est donc l’une des caractéristiques des objets extérieurs, aussi bien que leur constance. » 32 Forme possible de « nec plus ultra ». (Note du numérisateur) Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 37 Quand notre auteur a montré que l’opinion de l’existence continue des corps dépend de la COHERENCE et de la CONSTANCE de certaines impressions, il en vient à examiner de quelle manière ces qualités donnent naissance à un jugement aussi extraordinaire. Il commence par la cohérence, qu’il considère de très près pour découvrir toute son efficacité. La conséquence est qu’il « craint, quelque force que nous puissions attribuer à ce principe, qu’il ne soit trop faible pour supporter seul un édifice aussi immense que celui de l’existence continue de tous les corps extérieurs, et que nous ne soyons obligés de joindre la constance de leur apparition à la cohérence, afin de donner une explication satisfaisante de cette opinion. » Comme cette conclusion est pertinente, quand notre auteur a déjà explicitement fondé l’opinion dont il parle ici sur la constance de l’apparence et qu’il a mis dans la cohérence une simple sorte de succedaneum ! De plus, son affaire, ici, comme on peut le supposer par la quatrième ligne de ce paragraphe, n’est pas de dire quel est l’effet de ces propriétés (388) mais de nous instruire sur le modus de leur opération. Quoi qu’il en soit, il faut le suivre dans la voie qu’il prend. Donc, Ayant fait un strict examen du pouvoir de la cohérence et vu ce qu’elle peut ou ne peut pas faire dans le cas qui se présente à nous, il prend à partie la constance de la même manière. L’esprit affirme toujours que l’un n’est pas l’autre. (…) Puisque le nombre et l’unité sont tous deux incompatibles avec la relation d’identité, celle-ci doit se trouver en quelque chose qui n’est ni l’un ni l’autre. Mais, à vrai dire, à première vue, cela semble totalement impossible. Entre l’unité et le nombre, il ne peut y avoir de milieu, pas plus qu’entre l’existence et la non-existence. (…) (389) C’est très vrai. Mais, maintenant, voyons avec quelle dextérité notre auteur très ingénieux se débarrasse de cette difficulté apparemment inextricable. Pour cela, il se contente d’avoir recours à l’idée de temps ou de durée. Il a déjà remarqué 33 « que le temps, au sens strict, implique succession et que, quand nous appliquons l’idée à un objet invariable, c’est seulement par une fiction de l’imagination par laquelle l’objet invariable est supposé participer aux changements des objets coexistants et en particulier aux changements de nos perceptions. Cette fiction de l’imagination a lieu presque universellement ; et c’est au moyen de cette fiction qu’un objet unique, placé devant nous et examiné pendant un certain temps, sans que nous découvrions en lui une interruption ou une variation, est capable de nous donner une notion d’identité. Car quand nous considérons deux moments de ce temps, nous pouvons les placer sous différents jours. Nous pouvons soit les examiner exactement au même instant, auquel cas ils nous donnent l’idée de nombre, à la fois par eux-mêmes et par l’objet qui doit être multiplié pour être conçu à la fois comme existant à ces deux moments différents du temps ; soit suivre la succession du temps par une semblable succession d’idées et, concevant d’abord un seul moment où l’objet existait alors, imaginer ensuite un changement dans le temps sans variation ni interruption de l’objet, auquel cas nous avons l’idée d’unité. » Ici, notre auteur dit que c’est une idée intermédiaire entre l’unité et le nombre ou, pour parler de façon plus appropriée, qui est l’un et 33 Dans la 5ème section de la seconde partie de ce volume. (Note de l’auteur de l’article). Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 39 l’autre selon le point de vue pris ; et cette idée, nous (390) l’appelons idée d’identité. « Ainsi, ajoute-t-il un peu plus loin, le principe d’individuation n’est rien que le caractère invariable et ininterrompu d’un objet à travers une variation supposée du temps, par lequel l’esprit peut le suivre aux différentes périodes de son existence sans aucune rupture du regard et sans être obligé de former l’idée de multiplicité ou de nombre. » Les lecteurs qui connaissent tout ce que M. Locke et son correcteur, le Dr Butler, ont écrit sur cet obscur sujet sans en avoir été satisfaits seront certainement contents de voir toutes leurs difficultés s’évanouir en lisant ces quelques paragraphes les concernant. Où le petit système de notre auteur se termine-t-il et où son grand système étendu commence-t-il ? Malgré ma recherche très diligente, je n’ai pas été capable de le saisir. J’ai tendance à penser qu’ils se sont mêlés l’un à l’autre de façon insensible et qu’ils se sont incorporés l’un à l’autre. Peut-être le plus grand système n’est-il rien d’autre que l’explication de ces quatre choses qu’il se propose de considérer en tant qu’elles sont requises pour la justification du plus petit. Je n’ai pas réussi à déterminer ce point. A suivre Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 40 (391) DÉCEMBRE 1739 Suite de l’article XXVI Retour à la table des matières Outre ceux que j’ai mentionnés, il y a dans cette section que j’envisage maintenant de nombreux points curieux mais, sans faire de mon compte-rendu un volume entier et sans insister sur eux comme ils le méritent, je les laisserai tous de côté, à l’exception d’un petit passage qui mérite une attention particulière, et c’est la définition de l’esprit humain. « Ce que nous appelons un esprit, dit notre auteur, n’est rien qu’un amas, une collection de différentes perceptions unies les unes aux autres par certaines relations, dont on suppose, quoiqu’à tort, douées d’une simplicité et d’une identité parfaites. » Dans la troisième section, nous trouvons quelques réflexions très profondes sur la philosophie de l’antiquité. Notre auteur est convaincu que l’on pourrait faire plusieurs découvertes utiles par une critique des fictions portant sur les substances, les formes substantielles, les accidents et les qualités occultes qui, si déraisonnables et capricieuses qu’elles soient, ont une étroite connexion avec les principes de la nature humaine. Dans la suite de cette section, il a l’obligeance de nous donner une preuve inductive de cette position. Ce qui suit contient un ensemble de remarques sur la philosophie moderne. Elle prétend, nous dit-il, subsister sur une base très différente de celle de la philosophie précédente et venir seulement des principes solides, permanents et cohérents de l’imagination. Il continue en discutant du bien-fondé de cette prétention. Il remarque que le principe fondamental de cette philosophie est l’idée que les qualités se- Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 41 condes des corps ne sont que de simples sensations en nous qui ne sont pas semblables à ce qu’il y a dans les corps eux-mêmes, mais cette hypothèse qu’il s’efforce de prouver, « au lieu d’expliquer les opérations des objets extérieurs, anéantit entièrement tous ces objets et nous réduit au scepticisme le plus extravagant sur eux. » Avec cette section, notre auteur conclut ses spéculations sur les matériaux, les modifications et les instruments de notre connaissance. Il est remonté jusqu’à l’origine de nos idées, les a rangées en plusieurs classes appropriées, il les a combinées, séparées et il a fait je ne sais quoi avec ; et, enfin, il nous a donné une représentation fidèle des systèmes anciens et modernes qui ont été inventés pour acquérir la science. Son système, désormais, le pousse beaucoup plus loin, dans les vastes régions sublimes de la métaphysique. L’immatérialité de l’âme et ses affections sont ensuite les nobles sujets de ses recherches. Je vais malgré tout m’efforcer de ne pas perdre de vue son propos et, de temps (393) en temps, d’en donner un aperçu à mes lecteurs J’ai déjà remarqué que cet auteur utilise beaucoup d’égotismes 34. Il n’est pas moins remarquable pour ce qui est des paradoxes. J’en ai cité quelques-uns et nous en rencontrerons beaucoup d’autres par la suite. Même dans cette section, c’est-à-dire la cinquième, que j’aborde maintenant, il y en a au moins une demi-douzaine, de quoi assommer un homme qui n’aurait pas un casque solide. Le titre de cette section est : De l’immatérialité de l’âme. L’intention de cette section est de montrer que immatérialité de l’âme est une expression qui n’a aucun sens et que croire à cette immatérialité est l’hérésie la plus horrible. L’auteur commence par nous dire que le monde intellectuel, quoique enveloppé dans des obscurités infinies, n’est cependant pas embarrassé par les contradictions qui (il l’a prouvé dans les pages précédentes, dit-il) accompagnent tous les systèmes concernant les objets extérieurs et par l’idée de matière que nous imaginons si claire et si déterminée. Il se plaint d’ailleurs de certains philosophes qui, jaloux de cette bonne qualité du sujet, risquent de nous jeter dans des contradictions dont 34 Page 357. (Note de l’auteur de l’article) Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 42 le sujet lui-même est exempt. Ces messieurs, pénibles, sont ceux qui raisonnent de façon bizarre sur les substances matérielles ou immatérielles auxquelles ils supposent inhérentes nos perceptions. Mais, pour mettre un terme à leur impertinence, il leur a concocté une question qui – il le sait très bien – suffit entièrement à les occuper jusqu’au jour du jugement dernier et, en quelques mots, cette question est la suivante : Qu’entendent-ils par substance et inhérence ? Certaines des difficultés qui empêchent de répondre à cette question, il les a très honnêtement exposées, et il avertit aussi honnêtement ses adversaires qu’il les surveillera sur ce point et qu’il est vain de songer à (394) temporiser car si l’un d’eux essaie d’éluder lesdites difficultés en disant qu’une substance est quelque chose qui peut exister par soi et en prétendant que cette définition doit nous satisfaire, il le confondra immédiatement en affirmant : « que cette définition convient à toute chose qu’il est possible de concevoir et qu’elle ne servira jamais à distinguer la substance de l’accident, ou l’âme de ses perceptions. » En effet, voici comment il raisonne : « Tout ce qui est clairement conçu peut exister, et tout ce qui est clairement conçu d’une certaine manière peut exister de cette manière. » C’est un principe qu’il a déjà admis. « D’autre part, toutes les choses différentes sont discernables et toutes les choses discernables sont séparables par l’imagination. » C’est un autre principe. La conclusion, à partir de ces deux principes, est « que, puisque toutes nos perceptions sont différentes les unes des autres et de toute autre chose dans l’univers, elles sont aussi distinctes et séparables et peuvent être considérées comme existant séparément, elles peuvent exister séparément et n’ont pas besoin de quelque chose d’autre pour soutenir leur existence. Elles sont donc des substances, pour autant que cette définition explique [ce qu’est] une substance. » Quand, par ces propos, et par d’autres, il a montré que nous ne saurions jamais arriver à définir de façon satisfaisante la substance et qu’il a déclaré que nous devons donc entièrement abandonner toute dispute sur la matérialité ou l’immatérialité de l’âme, il en vient cependant, assez bizarrement, à s’engager dans la controverse en attaquant un argument en faveur de l’immatérialité de l’âme, argument Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 43 couramment employé mais qui lui semble cependant remarquable. Il s’est étendu sur cet argument sur toute une page. En gros, cet argument est que la pensée ou conscience ne saurait être la propriété d’un sujet divisible. L’ensemble de sa réponse est trop long pour être (395) ici transcrit mais j’assure au lecteur qu’on a rarement, si ce n’est jamais, vu une chose plus extraordinaire. Ce qu’il a écrit dans le premier et le second paragraphes de sa réponse est d’une nature si inhabituelle qu’elle empêchera, semble-t-il, que nous soyons surpris si, en conséquence de son propos, il expose une maxime qui, il le reconnaît, est condamnée par plusieurs métaphysiciens et est estimée contraire aux principes les plus certains de la raison humaine. Cette maxime est qu’un objet peut exister et n’être cependant nulle part ; et il affirme non seulement que c’est possible, mais aussi que la plupart des êtres existent et doivent exister de cette manière. Voyez comment il prouve et illustre cette proposition. « On peut dire qu’un objet n’est nulle part quand ses parties ne sont pas situées les unes par rapport aux autres telles qu’elles forment une figure ou une qualité, et l’ensemble par rapport aux autres corps tels qu’ils répondent à nos notions de contiguïté et de distance. Or c’est évidemment le cas pour toutes nos perceptions et tous nos objets, à l’exception de ceux de la vue et du toucher. Une réflexion morale ne peut pas être placée du côté droit ou du côté gauche d’une passion, et une odeur et un son ne peuvent pas être de forme circulaire ou carrée. Ces objets et ces perceptions, loin d’exiger un lieu particulier, sont absolument incompatibles avec. » Quelle prodigieuse puissance d’invention ! Comme ces spéculations dépassent largement en subtilité les plus subtiles toiles d’araignée d’Aristote qui sont aussi grossières, en comparaison, que de la toile d’emballage ! Et, alors, sur l’absurdité d’imaginer que des objets réels ne sont nulle part, notre auteur dit : « S’ils paraissent n’avoir aucun lieu particulier, il est possible qu’ils existent de la même manière puisque tout ce que nous concevons est possible. » (396) Il ne sera pas nécessaire maintenant, dit-il, de prouver que ces perceptions qui sont simples et n’existent nulle part sont incapables d’une conjonction locale avec la matière, le corps, qui est étendu Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 44 et divisible, puisqu’il est impossible de trouver une relation autrement que sur une qualité commune. 35 Mais il est certain, selon lui, que toutes les difficultés sur lesquelles ils insistent, qui attribuent la pensée à un sujet étendu et divisible, toutes les absurdités qu’ils font naître en la lui attribuant, ne sont dues qu’à leur ignorance et leur négligence de cette doctrine. S’ils la comprenaient, ils pourraient, en l’utilisant habilement, faire taire efficacement toutes les arguties de leurs adversaires. En vérité, comme ils se fondent sur d’autres principes, accordant un lieu à ce qui est totalement incapable d’en avoir un et une union locale à la pensée et à l’étendue, notre auteur dit lui-même que nous ne pouvons refuser de les condamner. Qu’ils épousent sa thèse et il leur garantit le triomphe ! Il les instruit de la façon dont ils peuvent déjouer les attaques ennemies, et même riposter, porter la guerre jusqu’à dans leurs propres quartiers en montrant l’absurdité d’unir toute pensée à une substance simple et indivisible. En effet, dit-il, « la philosophie la plus vulgaire nous informe qu’aucun objet extérieur ne peut se faire connaître immédiatement à l’esprit et sans l’interposition d’une image ou d’une perception. Ce qu’il a dit sur ce point lui donne une occasion de reposer la question de la substance de l’âme et, quoiqu’il ait déjà déclaré (comme nous l’avons déjà vu) que la question soit entièrement inintelligible, il ne peut s’empêcher de faire quelques réflexions supplémentaires sur elle. Il affirme carrément que la doctrine de l’immatérialité, de la simplicité et de l’indivisibilité d’une substance pensante est un véritable athéisme et qu’elle servira à justifier tous les sentiments pour lesquels Spinoza a eu partout une si mauvaise réputation. 37 Cela, à de nombreux lecteurs, semblera être le paradoxe le plus dur que cet auteur a avancé. Hélas ! s’exclameront-ils, c’est ton destin, pauvre Dr Clarke, d’être marqué au fer rouge de véritable athéisme ! Toi, illustre, toi, le plus savant, judicieux, sincère, zélé et, pourtant, avocat candide de la religion naturelle et révélée, toi, immortel défenseur de l’immatérialité et de l’immortalité naturelle des substances pensantes ! Comme tes arguments solides, clairs et indiscutables ont estimé ces substances, elles qui sont maintenant dans la poussière, piétinées avec horreur ! C’est en vérité une situation lamentable mais tel est le plaisir absolu de notre auteur auquel nous devons nous soumettre. Ni Locke, ni Clarke, ni les noms les plus vénérables ne doivent usurper la place de la vérité dans ses affections ! (398) Cependant, nous ne devons pas considérer cela comme une affirmation arbitraire car elle est fondée sur la raison et l’équité. Pour nous en convaincre, il nous donne un bref aperçu du spinozisme qu’il appelle une hypothèse affreuse et, ensuite, il nous montre, d’abord de façon générale puis de façon plus détaillée, dans quelle mesure cette hypothèse s’accorde avec la doctrine des immatérialistes, en même temps qu’il rend évident le fait que ces objections qui ont été avancées contre la première doctrine sont d’une égale force contre la deuxième. Son raisonnement sur ce sujet tourne encore, dans une grande mesure, 36 Idem. (NdT) 37 Idem. (NdT) Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 46 autour de son idée favorite, que l’esprit n’est pas une substance étendue mais seulement une suite de perceptions indépendantes et passagères. Quand il a établi la nature des êtres pensants et corrigé les erreurs athées des immatérialistes sur ce sujet, il en vient à considérer ce que ces gentilshommes peu orthodoxes soutiennent sur la cause de nos perceptions. Et, après avoir répété brièvement leurs paralogismes pour prouver que la matière et le mouvement ne peuvent jamais produire de la pensée (évidence apparente, dit-il, à laquelle peu d’hommes ont été capables de résister), il continue à les réfuter (chose la plus facile du monde, dit-il) par l’application de la doctrine de la causalité que le lecteur a déjà vue dans un passage précédent. 38 De ce qu’il nous a dit sur ce point, il voudrait que nous ayons conclu avec certitude « que la matière peut être, ou est effectivement, la cause de la pensée et de la perception. ». Refuser d’accepter cette proposition nous réduit à ce dilemme : ou affirmer qu’aucune chose ne peut être la cause d’une autre chose, sinon quand l’esprit peut percevoir la connexion dans son idée des objets, ce qui exclura toutes les causes de l’univers sans en excepter la divinité, ou maintenir que tous les objets que nous trouvons constamment en conjonction doivent, pour cette raison, (399) être considérés comme des causes et des effets. (…) ce qui, évidemment, donne l’avantage aux matérialistes contre leurs adversaires. À la fin de cette section, notre auteur, en très peu de mots, s’efforce de montrer que ce qu’il a avancé sur ce point n’affecte en rien la religion. Si sa philosophie, dit-il, n’ajoute rien aux arguments en faveur de la religion, il a au moins la satisfaction de penser qu’elle ne leur enlève rien, et que tout demeure précisément comme auparavant. Dans la section suivante, il traite largement de l’identité personnelle. Il précise les idées que certains philosophes se forment sur cette question et qu’ils prétendent être d’une absolue certitude, et il prouve qu’elles ne sont en aucune façon fondées. Pour sa part, il ne perçoit 38 Voyez pages 379-384 (Note de l’auteur de l’article). Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 47 rien de cette identité dont parlent faussement ces auteurs. Si ces derniers ont conscience de quelque chose de simple et de continu qu’ils appellent leur moi, notre auteur est certain qu’il n’existe pas un tel principe en lui-même ; et il peut se risquer, dit-il, à affirmer que ni lui, ni les autres hommes, ne sont autre chose qu’un ensemble, une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. 39 Il n’est pas un seul pouvoir de l’âme qui demeure inaltérablement identique. Il n’y a en elle proprement ni simplicité en un moment, ni identité en différents moments, quelque penchant naturel que nous puissions avoir d’imaginer cette simplicité et cette identité. Ce penchant, il est indéniable que nous l’avons, et il dépense plusieurs pages à nous faire savoir comment il nous vient et comment il s’impose à nous. Il a besoin ici du principe qu’il a utilisé dans la seconde section de cette partie de son ouvrage (et dont nous avons parlé p.88) pour expliquer le Principium Individuationis ; et il montre ce (400) qu’il est et comment nous sommes portés à le concevoir à l’égard des végétaux et des systèmes inanimés. Sur les mêmes principes et avec la même méthode de raisonnement, il nous amène à considérer la nature de l’identité personnelle, celle que nous attribuons à l’esprit humain. Ce n’est, dit-il, qu’une fiction, du même genre que l’identité que nous attribuons aux végétaux et aux animaux, qui vient de la même origine et qui procède de la même opération de l’imagination sur des objets identiques. Il tâche, avec beaucoup de zèle, de prouver cette vérité remarquable, comme si ses lecteurs devaient réellement en recevoir quelque profit en y croyant. Quand il a traité cette question, mis fin à l’examen des différents systèmes philosophiques, aussi bien du monde intellectuel que du monde moral, il dit qu’« il est maintenant temps de revenir à un examen plus serré de notre objet, et de procéder à la rigoureuse dissection de la nature humaine, ayant complètement expliqué la nature de notre jugement et de notre entendement. » 39 Citation de Hume. (NdT) Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 48 Mais (comme il le dit lui-même dans la septième section par laquelle il termine ce livre), avant de se lancer dans ces immenses abîmes de philosophie qui s’ouvrent devant lui, il se trouve enclin à arrêter un moment à l’endroit présent et à réfléchir sur le voyage qu’il a entrepris et qui, indubitablement, requiert un art et une application extrêmes pour être mené jusqu’à une heureuse conclusion. « Je suis, il me semble, dit-il (avec une tension suffisante, alors qu’apparaît en nous l’idée de sa résolution, pour percer le cœur de tout lecteur humain), comme un homme qui, ayant buté sur de nombreux hautsfonds et ayant échappé de justesse au naufrage en passant un étroit bras de mer, a pourtant la témérité de partir au large sur le même vaisseau, battu par la tempête et faisant eau, et qui pousse même l’ambition jusqu’à songer à faire le tour du monde dans ces conditions (401) défavorables. Le souvenir de mes erreurs et de mes embarras passés me rend défiant pour l’avenir. Le triste état, la faiblesse et le désordre des facultés que je dois employer dans mes recherches augmentent mes appréhensions. Et l’impossibilité d’amender ou de corriger ces facultés me réduit presque au désespoir et me fait me résoudre à périr sur le rocher stérile où je suis à présent plutôt que de m’aventurer sur cet océan sans limites qui s’étend jusqu’à l’immensité. Cette vision soudaine du danger où je me trouve me frappe de mélancolie et, comme il est habituel que cette passion, plus que toute autre, soit complaisante pour elle-même, je ne peux m’empêcher de nourrir mon désespoir de toutes les réflexions décourageantes que le présent sujet me fournit en si grande abondance. » « Je suis effrayé et confondu de la triste solitude où me place ma philosophie et j’imagine que je suis un monstre étrange et sauvage qui, n’étant pas capable de se mêler et de s’unir à la société, a été banni de tout commerce humain et laissé totalement abandonné et inconsolable. Je me fondrais volontiers dans la masse pour m’y abriter et me réchauffer mais je ne peux me résoudre à me mêler à une telle difformité. Je demande aux autres de me rejoindre afin de former un groupe à part mais personne ne veut m’écouter. « La vue intense de ces multiples contradictions et imperfections de la raison humaine, dit-il, m’a tant agité, a tant échauffé mon cerveau que je suis prêt à rejeter toute croyance et (403) tout raisonnement et que je ne peux même plus regarder une opinion comme plus probable ou plus vraisemblable qu’une autre. Où suis-je ? Que suisje ? De quelles causes est-ce que je tire mon existence et à quel état retournerai-je ? De qui dois-je briguer la faveur et de qui dois-je Article anonyme sur le Traité de la nature humaine de David Hume (1739) 50 craindre la colère ? Quels sont les êtres qui m’entourent ? Sur quoi aije une influence et qui a une influence sur moi ? Je suis confondu par toutes ces questions et je commence à m’imaginer dans la plus déplorable condition, environné des ténèbres les plus profondes, et totalement privé de l’usage de tout membre et de toute faculté. » C’est un aperçu de la partie triste de cette scène. Maintenant, il change et présente un aspect gai et réconfortant car il ajoute immédiatement après : « Très heureusement, il arrive que, puisque la raison est incapable de dissiper ces nuages, la nature elle-même suffit pour atteindre ce but, et elle me guérit de cette mélancolie et de ce délire philosophiques, soit en relâchant la tendance de l’esprit, soit par quelque distraction, par une vive impression de mes sens qui efface toutes ces chimères. Je dîne, je joue au trictrac, je parle et me réjouis avec mes amis et, quand, après trois ou quatre heures d’amusement, je veux retourner à ces spéculations, elles paraissent si froides, si contraintes et si ridicules que je n’ai pas le cœur d’aller plus loin. (…) je suis prêt à jeter au feu tous mes livres et tous mes papiers, et à me résoudre à ne plus jamais renoncer aux plaisirs de la vie pour l’amour du raisonnement et de la philosophie. » Je vais prendre congé de notre auteur pendant qu’il est de cette humeur réconfortante, dans cette situation agréable car, regardant plus loin, je le vois très prêt à rechuter dans des méditations sur des sujets incompréhensibles, et aussi dans le scepticisme, dans la déception et dans toute cette sombre et horrible suite d’idées (404) dont il ne sort qu’à ce moment. Fin Traduction terminée à Dieppe le 20 décembre 2009 par Philippe Folliot. 40 Hume le reconnaît lui-même dans une lettre à Gilbert Elliot of Minto (1751). (NdT) 41 « juvenile works ». Hume reprit cette expression quand il désavoua le Traité. (NdT).
5,561
12/hal.archives-ouvertes.fr-hal-01917124-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
6,086
10,392
Une opération à coeur ouvert sous acupuncture? Décryptage d'une émission diffusée sur France 2 Nelly Darbois, Jean-Noël Evain, Albin Guillaud, Marc Lilot, Nicolas Pinsault Une opération à coeur ouvert sous acupuncture? Décryptage d'une émission diffusée sur France 2. Open heart surgery under acupuncture? Decrypting a program broadcast on France 2. L'acupuncture sous les projecteurs. Acupuncture in prime time. Version postprint Rés umé Objectifs : Analyser une séquence de l'émission télévisée « Acupuncture, ostéopathie, hypnose : les médecines complémentaires ont-elles de super-pouvoirs? », présentant un exemple d'« une opération à coeur ouvert, avec une anesthésie sous acupuncture » pratiquée dans un hôpital chinois. Proposer une explication plus rationnelle des phénomènes observés. Décrire les processus amenant une chaîne du service public audiovisuel à proposer ce type de séquence à une heure de grande écoute et les conséquences potentielles en matière de santé publique. Méthode : Analyse critique utilisant des principes et outils rationnels, accompagnés d'une recherche bibliographique sur les bases de données Medline, Google Scholar et Cochrane Library. Résultats : Les informations délivrées dans la séquence sont ambiguës et ne permettent pas de se faire un avis éclairé sur l'intérêt de l'acupuncture pour une chirurgie à coeur ouvert. Il est raisonnable de penser que la séquence montre une chirurgie pratiquée avec anesthésie péridurale non avouée, couplée à une sédation intraveineuse légère. La particularité est ici la surestimation de l'effet spécifique de l'acupuncture ajoutée au protocole. Les médias ont en effet tendance à exagérer les risques et les effets attendus des traitements sur lesquels ils communiquent, ce qui peut conduire les patients à se tourner vers des thérapies non éprouvées. Conclusion : La diffusion d'une telle séquence à une heure de grande écoute souligne l'impérieuse nécessité pour le grand public mais aussi et surtout les professionnel s de santé d'être formé au tri et à l'analyse critique des informations en matière de santé. Mots clés : pensée critique, acupuncture, anesthésie, mass-medias Summary Objectives: To analyse a clip from the programme "Acupuncture, osteopathy, hypnosis: do complementary medicines have superpowers?" about acupuncture as an anaesthetic for surgical procedures in China. To propose a rational explanation of the phenomena observed. To describe the processes leading a public service broadcasting channel to offer this type of content at prime time and the potential consequences in terms of public health. Method: Analysis using critical thinking attitudes and skills and through a bibliographic search of Medline, Google Scholar and Cochrane Library databases. Results: The information delivered in the television clip is ambiguous. It does not allow the viewer to make an informed opinion on the relevance of acupuncture as an anaesthetic for surgical proceduress. Key words: critical thinking, acupuncture, anesthesia, mass media 1 Introduction Le 7 mars 2017, France 2 a diffusé à 20 h 45 un numéro de son magazine « Les pouvoirs extraordinaires du corps humain » intitulé « Acupuncture, ostéopathie, hypnose : les médecines complémentaires ont-elles de super-pouvoirs? ». Le reportage, rediffusé plusieurs fois depuis, a connu une audience importante de l'ordre de 3,7 millions de téléspectateurs le 7 mars 2017 (données de Médiamétrie). Durant une des séquences de l'émission, les deux présentateurs (Adriana Karembeu, AK et Michel Cymes, MC), assistent en Chine à « une opération à coeur ouvert, avec une anesthésie sous acupuncture », qui est présentée comme exemple prouvant « une bonne fois pour toutes l'efficacité de l'acupuncture » par un médecin anesthésiste et acupuncteur, le Dr Cheng (Dr C). L'acupuncture permet-elle réellement une opération à coeur ouvert sans autre anesthésie? Cette séquence prouve-t-elle l'efficacité de l'acupuncture en général? Le téléspectateur reçoit-il suffisamment d'éléments pour se faire un avis rationnel sur ces deux questions? L'objectif de ce travail est de proposer des réponses rationnelles par le biais d'une analyse critique de la séquence en question, en utilisant des principes et outils formalisés ainsi que les données de la littérature. Les processus de médiatisation qui conduisent à présenter une telle séquence sur une chaîne du service public à une heure de grande écoute, ainsi que ses conséquences potentielles en matière de santé publique, sont également discutés. 2 Méthodes 2.1. Méthode d'extraction des informations de la séquence Plusieurs démarches ont été effectuées pour travailler sur des informations fiables. Afin de ne pas dé former les propos tenus, l'intégralité des informations orales de l'extrait a été retranscrite de façon littérale et analysée sur le fond et sur la forme. La traduction des passages en chinois a été vérifiée par deux traducteurs sinophones. Pour extraire les informations médicales techniques éventuellement non mentionnées oralement mais présentes sur les images, la séquence a été examinée par deux médecins anesthésistes. Enfin les auteurs ont tenté d'obtenir des informations supplémentaires en contactant directement France Télévisions et l'hôpital Shu Guang à Shanghai, Chine. 2.2. Outils d'autodéfense intellectuelle L'analyse critique proposée se base sur des outils et principes formalisés dans des ouvrages et enseignements d'« esprit critique » (« critical thinking »), parfois synonyme d'« autodéfense intellectuelle ». L'esprit critique mêle un ensemble d'aptitudes et de dispositions permettant une analyse, un tri et une évaluation efficaces des informations, de leurs sources, et des arguments invoqués pour affirmer leur véracité (1). Il ne s'agit pas d'une méthode au sens strict du terme. L'« esprit critique » peut être vu comme la formalisation de raisonnements que les individus vont appliquer au quotidien de manière intuitive avec plus ou moins de succès et constance (2). L'art de penser avec ordre et méthode a été formalisé au fil des siècles depuis les philosophes sceptiques de l'antiquité grecque jusqu'aux philosophes des sciences du XX ème siècle (1). Le tableau I propose une synthèse des outils mobilisés pour cette analyse. 2.2.1. Fécondité de l'alternative et parcimonie des hypothèses Face à un phénomène extraordinaire, l'individu sceptique commence par appliquer la maxime « l'alternative est féconde ». Face à un phénomène extraordinaire il faut envisager un ensemble d'explications alternatives. Ensuite, lorsque l'individu dispose de plusieurs hypothèses susceptibles d'expliquer le phénomène en question, il peut appliquer le principe de parcimonie des hypothèses (aussi appelé rasoir d'Occam) (1). Ce principe veut que parmi les hypothèses envisagées, il faille privilégier la plus simple à expliquer (celle qui fait appel aux moins d'entités non démontrées). Cependant si l'hypothèse la plus simple à expliquer doit être privilégiée dans un premier temps, elle ne sera pas forcément l'hypothèse finalement retenue. 2.2.2. Argument d'autorité et caution scientifique de l'information Dans les médias, les faits extraordinaires sont souvent exposés avec des personnalités scientifiques présentées comme des garants. Leurs dires, leurs réactions, leur simple présence peuvent influencer le crédit que les spectateurs accordent à l'information (1). Mais en aucun cas ils ne peuvent constituer en eux-mêmes une garantie de la véracité d'une information. 2.2.3. Valeur de l'exemple isolé, appel au témoignage et généralisation abusive Lorsqu'une observation est faite sur un échantillon de population, peut-on raisonnablement faire l'hypothèse qu'elle est valable pour l'ensemble de la population? Le risque de généralisation abusive doit être systématiquement pris en compte. La taille de l'échantillon et son caractère représentatif ou non de la population source font partie des éléments à évaluer. Dans cette optique, la fiabilité d'une observation isolée ou répétée un petit nombre de fois est faible. De même, un témoignage isolé ou un petit nombre de témoignages ne sauraient constituer une preuve d'un phénomène (3). 2.2.4. Tri sélectif des informations et biais de mémorisation Lorsqu'un grand nombre d'informations lui parviennent de façon simultanée, l'individu a tendance à les retenir de façon sélective en privilégiant celles lui paraissant étranges, inhabituelles, ou marquantes (4). Cette tendance peut être accentuée par une mise en scène qui présente, volontairement ou non, les informations étranges ou marquantes de manière accentuée. Dans cette situation, il convient de prendre le recul nécessaire, de remonter aux faits objectifs, et d'interpréter avec méfiance ses propres souvenirs et ceux des autres témoins. 2.2.5. Influence des mots utilisés sur la perception d'un événement Le choix des mots pour présenter un fait n'est pas anodin et peut avoir des conséquences propres. D'abord, les mots peuvent être employés à mauvais escient. Lorsqu'une chose est désignée par un mot qui peut référer à d'autres choses, on parle d'« effet paillasson » en référence à la phrase « essuyez vos pieds » inscrite sur bon nombre de paillassons, dans cet exemple qu'on doit à Henri Broch. Il existe un risque de confusion pouvant conduire à des représentations erronées d'autant plus grandes lorsque l'information présentée utilise un registre scientifique spécifique moins maîtrisé par les spectateurs (1). Ensuite, le fait d'utiliser un mot plutôt qu'un autre peut influencer les représentations. Par exemple, le fait d'intituler une brochure présentant une méthode pédagogique « Right brain » plutôt que « Right start », pour un contenu identique, conduit à ce que les individus trouvent le fondement scientifique de la méthode plus fort (5). Deux mots peuvent avoir un même sens mais des connotations différentes, positive ou négative. On parle de mot à « effet impact » lorsqu'un mot a, en plus de sa signification e, une connotation émotionnelle qui aurait été absente s'il avait été substitué par un synonyme plus « neutre » (1). Enfin, certains registres lexicaux peuvent également influencer la perception d'un événement. Le registre laudatif, par exemple, très fréquent dans les médias, consiste en l'utilisation d'une abondance de qualificatifs mélioratifs et d'exclamations admiratives tels que « Formidable! », « C'est exceptionnel! », « Inouï! » (1). L'identification d'un registre appelant les émotions dans une information présentée comme scientifique devrait accentuer la prise de recul chez le spectateur. 1 Formule : (acupuncture [tiab] or electroacupuncture [tiab] or electro-acupuncture [tiab]) and (anesthesia [tiab] or anaesthesia [tiab] or anesthesic [tiab] or anaesthesic [tiab]) and (review [tiab] or "meta-analysis" [tiab]) 3 Résultats 3.1 Description factuelle de la séquence La séquence se déroule dans un bloc opératoire de l'hôpital de Shu Guang, à Shanghai, en Chine. Une patiente d'une trentaine d'année est programmée pour avoir une chirurgie valvulaire avec une « anesthésie sous acupuncture ». Une dizaine de personnes sont présentes en salle d'opération. AK rentre en salle mais MC reste derrière la porte vitrée. La patiente est installée sur la table d'opération. Elle n'est pas intubée. Elle est équipée de lunettes à oxygène, d'une sonde nasogastrique, d'une voie veineuse centrale, d'un cathéter artériel radial, et d'un capteur électroencéphalographique. Les images du scope montrent qu'elle est monitorée par ECG, SpO2, BIS®, pression artérielle invasive, pression veineuse centrale et température. Aucun dispositif de contrôle des voies aériennes n'est présent et la patiente ouvre les yeux de façon intermittente. Une personne lui insère des aiguilles d'acupuncture au niveau du membre supérieur gauche, trente minutes avant l'incision. Les images suivantes montrent l'incision thoracique. À ce moment, la patiente cligne des yeux plusieurs fois, mais ne semble pas avoir mal. Après la sternotomie, qui n'est pas montrée, AK décrit qu'elle voit le coeur battre. Puis une sédation profonde est administrée par voir intra-veineuse, avant la mise en place d'une circulation extracorporelle et l'arrêt transitoire du coeur de patiente. Après la réparation de la valve, les battements cardiaques reprennent. AK rejoint alors MC et Dr C en dehors de la salle d'opération. À la fin de la séquence, le Dr C indique que l'acupuncture a permis de réduire de deux tiers la dose de « tranquillisants » pour cette intervention, et que « dans certains cas on peut remplacer toute l'anesthésie générale par l'anesthésie par acupuncture ». Les deux sinophones ayant retraduit indépendamment les deux passages en chinois n'ont pas relevé d'erreurs dans la traduction proposée dans l'émission, bien que la superposition des voix rend cette vérification difficile. D'autre part, les services clients de France télévisions ont répondu qu'il n'était pas possible de communiquer des informations personnalisées autres que celles diffusées à l'antenne. Enfin, malgré de multiples appels à l'hôpital de Shu Guang depuis la Chine, une mise en relation avec l'équipe ayant participé au tournage fut impossible. 3.2 Analyse critique Le tableau II illustre les outils présentés dans la partie méthode, à partir de l'analyse de l'extrait. Avant toute chose, il faut souligner qu'un seul exemple, renforcé par des témoignages, est retenu ici comme une preuve de l'efficacité de l'acupuncture pour la chirurgie cardiaque, et de l'efficacité de l'acupuncture en général : « je crois que je sais comment vous prouver une bonne fois pour toute l'efficacité de l'acupuncture » ou plus loin « Moi l'acupuncture c'est vrai que j'avais un peu du mal, j'avais une idée sur l'acupuncture mais là je suis devant des faits () ». Il s'agit ici d'une généralisation abusive qui sous-entend une conclusion générale quant à l'efficacité de l'acupuncture, toute pathologie ou symptôme confondus, à partir d'un cas unique. D'autre part, MC, grâce à son statut de médecin, est posté comme référent scientifique de cette émission, et sa popularité auprès du grand public (présentateur du Magazine de la santé) renforce cet argument d'autorité. L'anesthésiologie est une spécialité médicale mal connue du grand public mais aussi du reste de la communauté médicale. Les termes techniques sont spécifiques et le risque de confusion élevé. Dans cette séquence, ce risque est renforcé par un effet paillasson : le terme « anesthésie » est ici employé pour désigner deux choses différentes qui sont l'anesthésie et la sédation. Dans sons sens strict, l'anesthésie désigne la suppression totale de toute sensibilité. Elle peut être de type générale (associée à une perte de conscience totale) ou locorégionale (concernant seulement une partie du corps). La dation est une diminution du niveau de conscience induite par des médicaments. Elle augmente le confort du patient mais ne permet pas de supprimer pas la sensibilité douloureuse. Les médicaments utilisés pour générer une sédation peuvent être les mêmes que ceux d'une anesthésie générale, mais les doses sont plus élevées pour cette dernière. De plus, l'expression « anesthésie sous acupuncture » est source de confusion. Désigne-t-elle une anesthésie prodiguée par de l'acupuncture, une anesthésie complétée par de l'acupuncture, ou encore une anesthésie remplacée par de l'acupuncture? Dr C ne clarifie pas cette ambiguïté. Les notions de « tranquillisants » et d'« anesthésie », pourtant très distinctes, sont confondues. Des expressions à « effet impact » favorables à l'acupuncture (exemple : « quelques tranquillisants ») sont privilégiées. Le choix est fait par les journalistes de parler majoritairement de l'acupuncture (« acupuncture » est prononcé 12 fois dans la séquence et « aiguilles » 3 fois) plutôt que des médicaments anesthésiques reçus par la patiente (« sédatifs » et « tranquillisants » ne sont prononcés que 2 fois chacun). Les téléspectateurs retiennent une information tronquée et qui incite à la surestimation de l'effet spécifique de l'acupuncture durant cette chirurgie. Pendant toute la séquence, la voix hors champ et les présentateurs insistent sur les émotions des témoins de la scène. L'accent est mis sur le caractère extraordinaire, avec l'utilisation d'un registre laudatif abondant avec comme paroxysme l'émotion d'AK lorsqu'elle voit un coeur battre pour la première fois. On retrouve de façon omniprésente des expressions comme « jamais vu », « dépasse tout entendement », « incroyable », « extraordinaire », « bouche bée », ou encore « magie ». La musique de fond choisie pour le montage renforce cette accentuation. L'expression « tout le monde retient son souffle » au moment de la CEC apporte un aspect sensationnel supplémentaire, non justifié par le risque anesthésique ou chirurgical, et sans lien avec l'acupuncture. Très peu de temps est laissé aux explications rationnelles, de façon à ce que le téléspectateur mémorise de façon préférentielle le caractère extraordinaire en lui-même. Tous ces éléments montrent que cette séquence peut, malgré une très faible valeur argumentative, persuader le téléspectateur de l'authenticité de la situation décrite. Cependant, ils ne fournissent pas en eux-mêmes d'explication rationnelle à la situation présentée. 3.3 Résultats de recherches bibliographiques 3.3.1 Chirurgie cardiaque sous acupuncture La « chirurgie cardiaque sous acupuncture » en Chine est déc depuis 1974 dans les bases de données consultées (6,7). À l'époque, la promotion de l'acupuncture dans ce contexte chirurgical se faisait déjà via des timbres postaux (8). En 2011, « l'anesthésie par acupuncture pour chirurgie à coeur ouvert en Chine contemporaine » a fait l'objet d'une publication dans International Journal of Cardiology (9) par une équipe de l'hôpital Shu Guang en Chine. Le délai de un jour entre la soumission (13/04/2011) et l'acceptation (14/04/2011) de l'article, paraît incompatible avec une relecture par les pairs. L'acupuncture est présentée comme un moyen d'éviter l'anesthésie générale, l'intubation et la morbidité qui lui sont associées, et donc de réduire les dépenses liées à la chirurgie cardiaque. Une comparaison rétrospective est faite entre 100 patients opérés sous anesthésie générale (AG) et 100 patients opérés sous « acupuncture combinée à une anesthésie médicale ». Le protocole utilisant de l'acupuncture prévoit avant l'incision l'administration de 1 mg/kg de morphine intramusculaire, de 0.1 mg fentanyl intraveineux (IV) et de 2 mg de midazolam IV, avec possibilité de « répéter en cas de besoin » les doses de fentanyl et de midazolam. De plus, il prévoit une injection sous-cutanée d'anesthésique local (20 à 30 mL de lidocaïne 2.5 mg/mL). Dans les résultats comparant les deux groupes, les doses totales de fentanyl sont comme attendu plus élevées dans le groupe AG. Cependant les doses totales de morphine, midazolam et lidocaïne ne sont pas présentées. Enfin, l'intérêt d'une éventuelle anesthésie péridurale n'est pas discuté dans l'article. Or, la littérature indique que l'anesthésie péridurale est largement utilisée en Chine depuis les années 1950 (10), que les techniques d'anesthésie régionale sont tout à fait compatibles avec l'acupuncture (11,12), et que la péridurale est largement utilisable en chirurgie cardiaque (13). Les publications relatives à la « chirurgie cardiaque sous acupuncture » mentionnent souvent une anesthésie locale et une sédation en complément de l'acupuncture mais ne discutent pas les techniques d'anesthésie régionales qui peuvent être associées. Un parallèle peut être fait avec l'appendicectomie réalisée en urgence sur James Reston, un journaliste du New York Times accompagnant Richard Nixon en Chine en 1971. Si des publications à ce sujet relatent « une appendicectomie sous acupuncture », James Reston a révélé lui-même dans les suite qu'une injection d'anesthésique local a été pratiquée dans son dos au préalable (14,15). 3.3.2 Chirurgie cardiaque sans anesthésie générale La chirurgie cardiaque sur patient éveillé est réalisée aussi ailleurs sans acupuncture. Des pontages coronaires sur coeur battant ont d'abord été décrits (16–19), mais aussi des chirurgies de remplacement valvulaires (20,21) avec mise en place d'une CEC. La technique de chirurgie cardiaque sur patient éveillé a été décrite avec précision (22). La douleur de la chirurgie est supprimée avec une anesthésie péridurale thoracique haute. Le patient peut ressentir un inconfort ou une anxiété nécessitant de lui administrer une sédation intraveineuse, induisant un sommeil réversible avec maintien de la ventilation spontanée (VS). La phase de CEC nécessite souvent d'augmenter les doses de médicaments, avec la possibilité que le patient arrête de respirer. Cependant, dans cette situation très précise, le recours à une assistance respiratoire n'est pas nécessaire puisque la CEC assure en parallèle l'oxygénation du sang (22). 3.3.3 Acupuncture comme adjuvant anesthésique Quatre revues systématiques ou méta-analyses sont, à notre connaissance, publiées sur ce sujet. La première porte sur l'efficacité de l'acupuncture comme adjuvant analgésique d'une anesthésie standard. Elle conclut, après analyse de 19 essais contrôlés randomisés, à un niveau de preuve insuffisant sur l'efficacité de l'acupuncture versus absence d'acupuncture (23). Une seconde porte sur l'efficacité de l'électroacupuncture comme méthode de sédation consciente pour soulager la douleur d'une ponction ovocytaire transvaginale dans un contexte de procréation médicalement assistée. Elle conclut à une absence de supériorité démontrée de cette méthode par rapport aux méthodes antalgiques conventionnelles (23), ce qui est confirmé par une revue de 2013 (25). La troisième est une méta-analyse sur l'efficacité de l'electroacupuncture pour 8 critères de jugement per et post-opératoires en complément d'une anesthésie générale versus anesthésie générale seule, dans un contexte de chirurgie cardiaque (26). Les auteurs concluent favorablement pour 4 critères. Cependant, les études incluses sont en faible nombre (de 2 à 4 en fonction des critères de jugement), mobilisent des échantillons réduits (20 à 70 patients) et présentent pour la plupart des incertitudes sur leur risque de biais ou des risques de biais élevés. Enfin, une méta-analyse porte sur l'efficacité de l'électroacupuncture pour divers paramètres per et post-opératoires en complément d'une anesthésie générale versus anesthésie générale seule, un contexte de craniotomie (27). Les auteurs suggèrent que l'acupuncture couplée à l'anesthésie générale « a des effets analgésiques supplémentaires, réduit la quantité nécessaire d'anesthésiques volatils, réduit l'apparition de nausées et de vomissements postopératoires et pourrait avoir des effets protecteurs sur les tissus cérébraux ». Cependant 9 des 10 études inclues sont à risque de biais élevé ou incertain concernant l'aveuglement pour l'évaluation des critères de jugements et 6 concernant l'allocation cachée et la procédure d'aveuglement du personnel et des participants. La littérature ne permet pas à ce jour d'affirmer une efficacité spécifique de l'acupuncture comme adjuvant anesthésique dans les contextes chirurgicaux explorés. 3.4 Hypothèses explicatives 3.4.1 Hypothèse retenue par le reportage Dans le reportage, l'acupuncture est présentée comme permettant de remplacer partiellement ou totalement l'anesthésie générale durant la chirurgie cardiaque, avec un effet analgésique propre considéré comme « extraordinaire » et permettant à la patiente de « trouver en elle-même le moyen de court-circuiter la douleur ». 3.4.2 Propositions d'hypothèses alternatives L'analyse critique du reportage et les données issues des recherches bibliographiques permettent d'appliquer ici le principe de fécondité de l'alternative en émettant deux hypothèses alternatives rationnelles plus probables que celle avancée dans le reportage. Première hypothèse alternative : les doses de médicaments anesthésiques intraveineux et locaux utilisés en parallèle de l'acupuncture seraient plus élevées que le mot « tranquillisants » le laisse entendre. La patiente serait endormie par les anesthésiques IV de courte durée d'action administrés en continu. Selon le dosage, modifiable en temps réel, le niveau de conscience de la patiente varierait entre celui d'une sédation, avec des éveils intermittents, et celui d'une anesthésie générale, notamment pendant la phase de CEC. Cependant, pour procurer une analgésie permettant la sternotomie, il faudrait des doses de médicaments intraveineuse incompatibles avec le maintien d'une VS, et une assistance ventilatoire serait nécessaire. Or aucune assistance ventilatoire n'est observable dans le reportage. Seconde hypothèse alternative : en complément du protocole décrit, une anesthésie péridurale (permettant de supprimer tous les stimuli sensitifs, y compris la douleur) serait réalisée par l'équipe anesthésique, mais non mentionnée dans le reportage. Les plans sur la main gauche de la patiente montrent qu'elle est totalement immobile position neutre. Cette immobilité « non naturelle » chez une patiente éveillée suggère une paralysie de ce membre, facilement explicable par le bloc moteur induit par l'anesthésie péridurale. 3.4.3 Hypothèse alternative retenue L'application du principe de parcimonie des hypothèses fait privilégier la plus simple à expliquer pour rationaliser la situation présentée. Il s'agit de la présence dissimulée d'une anesthésie péridurale pour interrompre les stimuli sensitifs induit par la chirurgie, en complément du protocole décrit. Cette anesthésie péridurale a pu être réalisée en injection unique dorsale avant l'installation chirurgicale ou bien avec la mise en place d'un cathéter pour entretenir l'anesthésie péridurale durant la chirurgie. Une sédation IV, permettant un maintien de la VS (sauf pendant la CEC) et des éveils intermittents est compatible avec l'hypothèse d'une péridurale. L'information donnée par le Dr C à la fin de la séquence est compatible avec cette hypothèse si elle est comprise sous l'angle suivant : la chirurgie était auparavant réalisée avec une anesthésie péridurale complétée par sédation IV, comme décrit dans la littérature (paragraphe 3.3.2), et l'acupuncture aurait permis, depuis son ajout au protocole anesthésique, de réduire les doses de médicaments nécessaires pour la sédation. 4 Discussion L'analyse critique et les recherches bibliographiques ont conduit à énoncer d'autres hypothèses explicatives que l'efficacité spécifique de l'acupuncture lors de l'intervention chirurgicale présentée dans la séquence du reportage. Il semble raisonnable de favoriser l'hypothèse d'une intervention pratiquée avec une anesthésie péridurale, complétée par une sédation IV. Ce n'est pas la première fois qu'un reportage sur l'acupuncture suscite le débat. En 2006 la British Broadcasting Corporation (BBC), au Royaume-Uni, a diffusé dans une émission intitulée « Alternative Medicine, The Evidence » un reportage similaire consacré à une opération chirurgicale à coeur ouvert avec acupuncture. Plusieurs universitaires, médecins et citoyens ont dénoncé la façon dont la BBC avait présenté cette intervention (28). En 1998, Isidore Rosenfeld, un cardiologue états-unien, rapportait dans un magazine avoir observé dans les années 70 en Chine une opération chirurgicale à coeur ouvert avec de l'acupuncture en guise de procédure anesthésique. Ce témoignage avait été critiqué par un spécialiste en médecine interne (14). Enfin dans les années 70, d'autres articles de presse grand public et médicale (dont le Journal of the American Medical Association) relayèrent des informations sur l'utilisation de l'acupuncture lors de chirurgies en Chine, et furent la suite dénoncés pour avoir présenté les faits de manière erronée (14). Ces différentes affaires illustrent à quel point il est facile, concernant la santé, de trouver, dans les médias grand public comme scientifiques, un traitement de l'information détourné ou scénarisé. La simplification et la stimulation de l'émotion des destinataires sont favorisées plutôt que la rationalisation et l'objectivité par la diffusion de toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension du phénomène. Cependant, le rasoir de Hanlon (voir Tableaux II et II) invite à « Ne jamais attribuer à la malveillance ce que l'ignorance suffit à expliquer. »2 (29). Dans cet article, point d'intentions malveillantes ou manipulatrices sont prêtées aux personnes impliquées dans la réalisation et la diffusion de ce reportage. Dans sa version originale, la phrase est « Never attribute to malice that which is adequately explained by stupidity ». Nous avons choisi de remplacer le terme « stupidity » par « ignorance » qui nous semble plus doux et plus approprié. Récemment, plusieurs professeurs d'université de médecine ont communiqué dans la littérature internationale l'importance de tels enseignements (33,34). Dans le secteur de la santé, l'analyse de thérapeutiques controversées, de l'acupuncture à l'urinothérapie, est un levier stimulant pour implémenter des bases en épistémologie nécessaires à l'élaboration de réflexes d'autodéfense intellectuelle efficaces. De tels enseignements sont encore rares et manquent dans les programmes officiels (34), notamment en France. L'université Grenoble-Alpes propose depuis 2017 une unité d'enseignement « Santé et autodéfense intellectuelle » accessible aux étudiants des filières médicales et paramédicales (35). Le développement de ces enseignements devrait se faire en parallèle d'études visant à évaluer leur efficacité. En effet, encore peu de données de bonne qualité sont disponibles sur le sujet (36). Ce travail a permis de présenter certains outils permettant d'améliorer l'analyse critique d'informations en santé. Il a également appliqué ces outils à un contenu qui a été vu par plusieurs millions de téléspectateurs. Des recherches bibliographiques ont été faites pour compléter les informations transmises dans la séquence du reportage. Cependant, ces recherches sont succinctes et nécessiteraient d'être conduites de manière plus systématique et approfondie. D'autre part, des informations sont manquantes pour valider de manière plus certaine l'hypothèse alternative proposée. Enfin, l'analyse présentée ici est à remettre en perspective avec l'affaire « FakeMed » qui a été fortement médiat en mars 2018. Un collectif de 124 professionnels de santé parmi lesquels des médecins de toute spécialité ont rédigé une tribune enjoignant l'Ordre des médecins et les pouvoirs publics d'adopter des mesures pour empêcher l'usage par des professionnels de santé de thérapies non éprouvées telles que l'acupuncture, la mésothérapie et l'homéopathie (37). L'Ordre des médecins en juin 2018 a dans les suites effectué une « mise au point » sur le cadre déontologique s'imposant à tous les médecins (38). La séquence sur l'acupuncture et l'anesthésie du reportage de France 2 consacrée aux « pouvoirs extraordinaires du corps humain » délivre des informations incomplètes et ambiguës. Elle ne permet pas de se faire un avis rationnel sur la pertinence du recours à l'acupuncture en tant que technique anesthésique pour une intervention chirurgicale. Remerciements Les auteurs remercient Hugo Muselli, Li Yaho et Richard Monvoisin pour leur aide pour la traduction et les recherches d'informations ainsi que Julien Peccoud et François Lecomte pour leurs relectures. Tableau I Description et illustration des outils utilisés pour l'analyse de l'extrait de l'émission. Outil Description Fécondité de Face à une l'alternative extraordinaire d'un chercher d'autres explicatives. Exemple général explication « Ce yogi est capable de léviter à 3 phénomène, mètres du sol, grâce à un pouvoir hypothèses surnaturel. » → « Il utilise les mêmes astuces que des illusionnistes. » ; « Il se fait soulever dans les airs par une licorne rose invisible. » Parcimonie Lorsque plusieurs hypothèses « Il utilise les mêmes astuces que des des hypothèses sont en compétition, privilégier illusionnistes. » d'abord la plus simple à expliquer. Argument d'autorité Invoquer une personnalité faisant « L'armement nucléaire est une nuisance, autorité dans le domaine concerné le prix Nobel Georges Charpak l'a affirmé n'est pas un gage suffisant de haut et fort. » rigueur. Appel au témoignage Se méfier des expériences « Ma fille à la naissance avait le crâne personnelles invoquées en guise de tout plat ; heureusement, elle a vu un preuve. rebouteux et tout est rentré dans l'ordre. Tu devrais voir un rebouteux! » Généralisation Éviter de tirer d'un échantillon trop « Je reviens d'un week-end en Corse où abusive petit une conclusion générale. j'ai discuté avec des gens du village ; franchement, les Corses, ils ne sont vraiment pas accueillants! » Tri sélectif des Notre mémoire est faillible, « Les femmes que j'ai croisé sur ma route informations remonter aux faits de la manière la jusqu'à présent roulaient plus fiable possible. systématiquement mal. » Effet paillasson Vérifier si le mot utilisé ne réfère « Essuyez vos pieds » [on essuie ses pas à autre chose que la chose semelles sur un paillasson et non ses discutée. pieds] Effet impact Ne pas sous-estimer l'effet d'un mot « Il y a eu des pertes collatérales au Viêt qui aurait pu être substitué par un Nam. » → « Des civils sont morts au Viêt autre dont l'effet émotionnel induit Nam. » aurait été différent. Rasoir de Hanlon Ne jamais attribuer à la malveillance « Ce magnétiseur est un vrai charlatan. » ce que l'ignorance suffit à expliquer. Tableau II Illustration des outils dans le contexte de l'extrait de l'émission. Outil Exemple du reportage Fécondité de l'alternative « Grâce uniquement à des aiguilles, on peut anesthésier une personne et l'opérer à coeur ouvert. » → « Cette personne recevait également des médicaments anesthésiques intraveineux. » ; « Cette personne bénéficiait en parallèle d'une anesthésie régionale. » Parcimonie des hypothèses « Cette personne bénéficiait en parallèle d'une anesthésie régionale. » Argument d'autorité Présence de médecins dont au moins un est une personnalité médiatique. Appel au témoignage « J'ai vu une patiente se faire opérer à coeur ouvert uniquement sous acupuncture, l'acupuncture, ça marche vraiment! » Généralisation abusive « Si l'acupuncture est efficace pour l'anesthésie en chirurgie cardiaque sur cette patiente, alors c'est une technique vraiment efficace. » Tri sélectif des informations « J'ai vu une patiente se faire opérer à coeur ouvert, sans médicaments, uniquement grâce à l'acupuncture. » Effet paillasson « L'anesthésie se réduira à quelques sédatifs et à des aiguilles d'acupuncture. » [la sédation] Effet impact « La patiente n'a que quelques tranquillisants. » → « La patiente a quelques médicaments sédatifs. » Rasoir de Hanlon « Ces journalistes, tous des manipulateurs! » Références 1. Monvoisin R. Pour une didactique de l'esprit critique-Zététique et utilisation des interstices pseudoscientifiques dans les médias. Thèse de didactique des sciences. Université Joseph-Fourier-Grenoble I ; 2007. 2. Baillargeon N. Petit cours d'autodéfense intellectuelle. Lux; 2006. 3. Pinsault N, Monvoisin R. Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles. Saint-Martin-d'Hères (Isère): Presses universitaires de Grenoble; 2014. 310p. 4. Nicolas S, Gounden Y. L'imagerie bizarre et la mémoire. Psychologie française. 2011;56(4):203–208. 5. Lindell AK, Kidd E. Consumers Favor "Right Brain" Training: The Dangerous Lure of Neuromarketing. Mind, Brain, and Education. 1 mars 2013;7(1):35-9. 6. Bonica JJ. Acupuncture anesthesia in the People's Republic of China Implications for American medicine. Jama 1974; 229(10): 1317–25. 7. Katz AM. Acupuncture anesthesia for open heart surgery: a case report. The American journal of cardiology. 1974;34(2):250–253. 8. Nguyen J. Anesthésie par acupuncture en chirurgie cadiaque [Internet]. [Cité le 5 avril 2018]. Disponible sur: http://www.meridiens.org/acuMoxi/sixquatre/JOHANCHIRURGIE.htm 9. Zhou J, Chi H, Cheng TO, Chen T, Wu Y, Zhou W, et al. Acupuncture anesthesia for open heart surgery in contemporary China. International journal of cardiology. 2011;150(1):12–16. 10. Bonica JJ. Anesthesiology in the People's Republic of China. Anesthesiology: The Journal of the American Society of Anesthesiologists. 1974;40(2):175–186. 11. Sun P. [A study of subtotal gastrectomy under the acupuncture combined with epidural anesthesia of small dosage]. Zhen Ci Yan Jiu Acupunct Res. 1996;21(2):11-5. 12. Wu G. Acupuncture anesthesia in China: retrospect and prospect. Chinese journal of integrative medicine. 2007;13(3):163–165. 13. Svircevic V, van Dijk D, Nierich AP, Passier MP, Kalkman CJ, van der Heijden GJ, et al. Meta-analysis of thoracic epidural anesthesia versus general anesthesia for cardiac surgery. Anesthesiology: The Journal of the American Society of Anesthesiologists. 2011;114(2):271–282. 14. Atwood K. "Acupuncture Anesthesia": A Proclamation from Chairman Mao (Part I) [Internet]. Science-Based Medicine. 2009 [Cité le 21 janvier 2018]. Disponible sur https://sciencebasedmedicine.org/acupuncture-anesthesia-a-proclamation-ofchairman-mao-part-i/ 15. Rest J. Now, about my operation in Peking. New York Times. 1971;1(6). 16. Vanek T, Straka Z, Brucek P, Widimsky P. Thoracic epidural anesthesia for off- pump coronary artery bypass without intubation. European journal of cardio-thoracic surgery. 2001;20(4):858–860. 17. Aybek T, Kessler P, Dogan S, Neidhart G, Khan MF, Wimmer-Greinecker G, et al. Awake coronary artery bypass grafting: utopia or reality? Ann Thorac Surg. 2003;75(4):1165-70 18. Karagoz HY, Kurtoglu M, Bakkaloglu B, Sonmez B, Cetintas T, Bayazit K. Coronary artery bypass grafting in the awake patient: three years' experience in 137 patients. The Journal of thoracic and cardiovascular surgery. 2003;125(6):1401–1404. 19. Chakravarthy M, Jawali V, Patil TA, Jayaprakash K, Shivananda NV. High thoracic epidural anesthesia as the sole anesthetic for performing multiple grafts in off-pump coronary artery bypass surgery. Journal of cardiothoracic and vascular anesthesia. 2003;17(2):160–164. 20. Schachner T, Bonatti J, Balogh D, Margreiter J, Mair P, Laufer G, et al. Aortic valve replacement in the conscious patient under regional anesthesia without endotracheal intubation. The Journal of thoracic and cardiovascular surgery. 2003;125(6):1526–1527. 21. Chakravarthy M, Jawali V, Patil TA, Jayaprakash K, Kolar S, Joseph G, et al. Conscious cardiac surgery with cardiopulmonary bypass using thoracic epidural anesthesia without endotracheal general anesthesia. J Cardiothorac Vasc Anesth. 2005;19(3):300-5. 22. Chakravarthy M. Technique of awake cardiac surgery. Techniques in regional anesthesia & pain management. 2008;12(1):87–98. 23. Lee H, Ernst E. Acupuncture analgesia during surgery: a systematic review. Pain. 2005;114(3):511–517. 24. Stener-Victorin E. The pain-relieving effect of electro-acupuncture and conventional medical analgesic methods during oocyte retrieval: a systematic review of randomized controlled trials. Human reproduction. 2005;20(2):339–349. 25. Kwan I, Bhattacharya S, Knox F, McNeil A. Pain relief for women undergoing oocyte retrieval for assisted reproduction. The Cochrane Library. 2013; 26. Asmussen S, Przkora R, Maybauer DM, Fraser JF, Sanfilippo F, Jennings K, al. Meta-Analysis of Electroacupuncture in Cardiac Anesthesia and Intensive Care. J Intensive Care Med. 1 juin 2017;0885066617708558. 27. Asmussen S, Maybauer DM, Chen JD, Fraser JF, Toon MH, Przkora R, et al. Effects of acupuncture in anesthesia for craniotomy: a meta-analysis. Journal of neurosurgical anesthesiology. 2017;29(3):219–227. 28. 2006 Singh S. Did we really witness the « amazing power » of acupuncture? Février [Cité le 20 janvier 2018]. Disponible sur http://www.telegraph.co.uk/news/science/science-news/3344833/Did-we-reallywitness-the-amazing-power-of-acupuncture.html 29. Bloch A. Murphy's Law Book Two. More Reasons Why Things Go Wrong. Price/Stern/Sloan Publishers Inc. New-York; 1980. 95p. 30. Woloshin S, Schwartz LM, Welch HG. Know Your Chances. University of California Press ; 2008. 158p. 31. Le Marechal M, Fressard L, Agrinier N, Verger P, Pulcini C. General practitioners' perceptions of vaccination controversies: a French nationwide cross-sectional study. Clinical Microbiology and Infection. 3 Novembre 2017. 32. Cerfon J. Conflits d'intérêts dans l'exercice médical : La déontologie médicale peut-elle aider à restaurer la confiance? Les conflits d'intérêts : un sujet d'actualité. Conseil national de l'ordre des médecins; 2011. Disponible sur https://www.conseilnational.medecin.fr/article/conflits-d-interets-dans-l-exercice-medical-1086 33. Achilleos H. Beliefs, critical thinking and evidence-based medicine. BMJ Evid Based Med. 2018;23(1):4-5. 34. Sharples JM, Oxman AD, Mahtani KR, Chalmers I, Oliver S, Collins K, et al. Critical thinking in healthcare and education. BMJ. 16 2017;357:j2234. 35. Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences. Février 2017 : nouveau cours Santé et autodéfense intellectuelle à Gre noble. [Internet]. [Cité le 6 avril 2018]. Disponible sur https://cortecs.org/activites/ca-vient-de-sortir-nouveaucours-sante-et-autodefense-intellectuelle-a-grenoble/ 36. Lee DS, Abdullah KL, Subramanian P, Bachmann RT, Ong SL. An integrated review of the correlation between critical thinking ability and clinical decision-making in nursing. J Clin Nurs. déc 2017;26(23-24):4065-79. 37. Fake médecine. Tribune [Internet]. Mars 2018. [Cité le 5 avril 2018]. Disponible sur http://fakemedecine.blogspot.com/ 38. Conseil National de l'Ordre des Médecins. « Médecines alternatives et.
52,459
12/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00493563-document.txt_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,147
14,355
Sur cet aspect, la théorie des coûts de transaction est intéressante car elle permet de mieux comprendre dans quelles circonstances les entreprises sont amenées à externaliser tout ou partie de leur R&D. La théorie des coûts de transaction développé par Williamson vise à déterminer la structure de gouvernance optimale pour opérer une transaction sur un marché (Williamson, 1975) ; il s'agit de choisir entre le marché coordonné par le système marchand, l'entreprise coordonnée par la hiérarchie ou les formes hybrides dont les coopérations font parties. Au regard de la spécificité, de la fréquence et de l'incertitude des échanges des actifs, la structure pertinente sera celle qui minimise les coûts de transaction (coût de la recherche du partenaire, de la rédaction du contrat ou encore lors du suivi de son exécution) et les coûts de production (économies d'échelles réalisées par exemple par l'intégration d'un fournisseur (Chabaud, Parthenay, et al., 2007)). Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception Figure 24. Comparaison du nombre d'accords de partenariat en R&D de 1960 à 1998 entre secteurs (Hagedoorn, 2002):482, source : MERIT-CATI database 1.3. La fragilité des coopérations en R&D De nombreux auteurs soulignent l'extrême instabilité des accords de coopération (Bleeke et Ernst, 1991, Das et Teng, 2000, McCutchen Jr, Swamidass, et al., 2008, Okamuro, 2007, Park et Ungson, 2001, Peng et Shenkar, 2002, Segrestin, 2006). Au début des années 90, Kogut soulignait déjà l'extrême fragilité des joint-venture (Kogut, 1989). En 1994-1996, l'agence Française Community Innovation Survey (CIS2) a estimé, à travers un échantillon, que 14% des projets d'innovation sont abandonnés à de difficultés rencontrées avec leurs partenaires (Lhuillery et Pfister, 2009, Reuer et Zollo, 2005) estiment que 34% des 145 alliances étudiées ont échouées. D'après (Das et Teng, 2000), le constat d'échec dans les alliances serait de l'ordre de 25 à 65%, ce que confirme (Yan et Zeng, 1999) qui évaluent le taux d'instabilité entre 30 et 50%. Encore, pour (Bleeke et Ernst, 1991), deux tiers des alliances rencontrent de sérieuses difficultés durant les deux premières années. Bien qu'une certaine précaution soit donc de mise quant à la manipulation de tels chiffres 60, l'instabilité et la déception provoquée par les coopérations semblent toutefois bien réelles. Dans le prochain paragraphe, nous verrons plus en détails les raisons de ces échecs ainsi que la manière dont les recherches se sont effectuées. En effet, la mesure de la performance des coopérations est un exercice difficile, un coopérant peut par exemple atteindre ses propres objectifs et juger la coopération comme réussie alors que son partenaire certifiera de son côté l'échec de la coopération (Gulati, 1998). 100 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 1.4. La recherche sur les coopérations : comprendre les raisons des échecs par les processus de coopération 1.4.1. D'une compréhension statique des facteurs d'échecs Après que la littérature se soit largement consacré aux bénéfices et aux motivations à recourir aux coopérations en R&D (Miotti et Sachwald, 2003), la recherche s'est ensuite déplacée sur les raisons de tels taux d'échecs. (Das et Teng, 1996) évoquent deux principales causes pour expliquer la dissolution non programmée des structures de coopérations : soit les partenaires n'ont pas eu les capacités suffisantes pour atteindre les objectifs fixés soit les partenaires ont rencontré des difficultés d'ordre relationnel. Dans le premier cas, la mauvaise performance de la coopération est sanctionnée par le marché, la coopération est jugée défaillante car elle n'a pas abouti à un succès commercial. De ce point de vue, les raisons d'échecs diffèrent peu de celles qui peuvent être évoquées en intrafirmes : ressources et compétences inadaptées, temps de lancement du produit trop long, mauvais choix technologiques Dans le second cas, c'est le caractère opportuniste des coopérants qui est alors fustigé (Williamson, 1993), c'est à dire la propension de certains partenaires à profiter inéquitablement de la relation de coopération (appropriation des résultats par un partenaire, asymétrie des connaissances, comportement en passager clandestin). Pour limiter le comportement opportuniste des acteurs, une voie est privilégiée par la littérature : il s'agit de bien choisir son partenaire. La littérature anglo-saxonne sur les alliances est prolifique à ce sujet et de nombreux critères sont évoqués pour sélectionner le partenaire en qui avoir confiance (Das et Teng, 1998) Brouthers, Brouthers, et al., 1995, Cherni et Fréchet, 2006, Das et Teng, 2000, Hitt, Dacin, et al., 2000, Mohr et Spekman, 1994) (cf. Tableau 10) Princip aux critères de sélection compatibilité structurelle (même taille, capacité financière homogène) niveau d'engagement du partenaire (strategic fit et objectifs partagés) compatibilité culturelle expérience du partenaire concernant les coopérations (culture de l'échange, présence d'une relation antérieure) complémentarité des ressources et actifs échangés proximité géographique (Das et Teng, 2000, Katia et Ulrike, 2008) (Harrigan, 1988, Jolly, 2001, Mora-Valentin, MontoroSanchez, et al., 2004) (Wildeman, 1998) (Ariño, Abramov, et al., 1997, Brouthers , Brouthers , et al., 1995) (Brouthers, Brouthers , et al., 1995, Dame ron , 2002 , Do z et Hamel , 2000 , Miotti et Sachwald , 2003 , Richardson , 1972) (Achelhi, 2007) Tableau 10. "While researchers who studied interorganizational relationships point to the process issues involved in the relationship (e.g., Pfeffer and Nowak, 1976; Kochan, 1975; Zeitz, 1980; Shortell and Zajac, 1988) or suggest approaches to managing the coordination process (e.g., Whetten, 1981) their analysis remains at the level of conceptual development or cross-sectional analysis, and fails to capture empirically the process dynamics of coopération (e.g., Mohr and Spekrnan, 1994). Most researchers focus on the determinants of cooperation and/or on the contractual or relational form of cooperation (Oliver, 1990; Ring and Van de Ven, 1992) or, occasionally, on outcome, but with little attention to process (Hagedoorn and Schakenraad, 1994)." (Doz, 1996):56 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 2. Les partenariats d'exploration 2.1. Définition des partenariats d'exploration 2.1.1. Définition générale Sur la base des travaux de (March, 1991), (Koza et Lewin, 1998) différencient deux formes de partenariat d'innovation : les alliances d'exploitation qui ont pour but de développer de nouveaux produits en maximisant les ressources collectives et les partenariats d'exploration ayant pour objet de découvrir de nouvelles opportunités de marché. Par rapport à notre contexte industriel, nous nous inscrirons dans ce deuxième type de partenariat et emprunterons à (Segrestin, 2003) le terme de partenariat d'exploration 62. Nous en retiendrons la définition suivante : Un partenariat d'exploration désigne un partenariat dans lequel les participants sont engagés dans une activité d'investigation et de reconnaissance de nouveaux champs d'innovation 63. Les partenariats d'exploration visent à cerner de nouveaux potentiels d'action en défrichant des terrains inconnus dont les connaissances restent limitées. Figure 25. Définition des partenariats d'exploration en partie d'après (Se , 2006) 2.1.2. Un collectif orienté vers l'exploration En termes de conception de nouveaux produits, l'exploration consiste en la conception d'objets dont on ne possède pas directement toutes les connaissances associées. (Dannels, 2002) désigne ainsi la "pure exploration" comme une démarche de conception se basant sur une technologie et un savoir commercial nouveau pour l'entreprise (cf. Figure 26). 103 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception parvenir. » Les partenariats d'exploration concernent donc un concept64 pour lequel « aucune concrétisation n'existe et sur lequel les connaissances disponibles sont très réduites ou peu exploitables directement » (Segrestin, 2003):70. Du point de vue des théories de conception, les partenariats d'exploration sont basés sur des régimes innovants où l'objet, les acteurs et l'organisation ne sont pas stabilisés. TECHNOLOGY Competence Existing in Firm Competence Existing in Firm CUSTOMERS Competence New to Firm Competence New to Firm Leveraging Customer Competence Pure Exploitation Leveraging Technological Competence Pure Exploration Figure 26. Competence-Based New Product Typology (Dannels, 2002) 2.1.3. Cartographier des terrains encore inconnus La métaphore de l'explorateur utilisée par (Segrestin, 2003):65 est tout à fait instructive pour cerner les activités menées dans un partenariat d'exploration. A l'image des grands navigateurs, les membres des partenariats d'exploration ont une mission principale qui consiste en une activité de cartographie 65, il s'agit de rendre compte des apprentissages qu'ils ont réalisés. Au fur et à mesure de l'exploration, ces derniers doivent décrire ce qu'ils observent et particulièrement ce qu'il leur est étranger. Dans notre contexte, les membres des partenariats d'exploration doivent par exemple décrire les nouveaux concepts qui ont émergés, et montrer précisément en quoi ils sont différents par rapport à ce qu'ils ont l'habitude de réaliser. Ils doivent aussi montrés quelles sont les nouvelles connaissances qu'ils ont été amenés à utiliser, quels sont les obstacles qu'ils ont pu ou n'ont pas pu franchir. En plus de décrire, les explorateurs ont la tâche de er des prélèvements pour prouver la véracité de leur exploration. Nous pouvons ici faire le parallèle avec la nécessité de réaliser des preuves de concept en prototypant. Enfin, les membres de l'exploration ont besoin de se repérer en se situant vis à vis de leur espace de référence initial. Il s'agit que chacun puisse voir où ils se situent dans leur exploration, quel a été le chemin parcouru. A ce niveau, les explorateurs ont besoin de créer des instruments ad-hoc pour se diriger (boussole, astrolabe, rose des vents). Pour notre cas, les questions restent entières : En co- Au 65 sens donné par A. Hatchuel dans la théorie C-K ( cf . Chapitre IV) Le chapitre VIII de cette thèse proposera un moyen de cartographier l'exploration. 2.1.4.1. La sous-traita nce ou l'absence de coopération Tout d'abord, en situation de co-développement ou de sous-traitance, l'objet de la coopération est relativement bien connu. Il est possible de spécifier l'objet à concevoir, de dégager les fonctionnalités, les contraintes techniques à intégrer. Le fait de connaître les attributs de l'objet à concevoir, de pouvoir spécifier des objectifs facilite grandement l'organisation du travail entre les coopérants. Les acteurs vont être capables de décomposer les tâches de conception et de déléguer des sous-systèmes aux équipes de conception. Du point de vue de la théorie de la conception, ces deux formes de coopération suivent une logique de mapping entre des fonctions à satisfaire et des composants à structurer (Gero, 1994, Suh, 1990) ; ici, les fonctions sont exprimées (FR) et les composants à concevoir sont définis (DP). Comme mentionné par (Suh, 1990), les acteurs de la conception vont tenter au maximum de rendre la matrice diagonale 66 afin d'éviter une trop forte interdépendance entre les équipes de conception. La Figure 27 représente ainsi un projet de conception qui offre aux concepteurs une grande indépendance, chaque équipe pouvant travailler « dans son coin » au moment qu'ils souhaitent. Nous sommes ici dans une situation de type sous-traitance, il n'y a pas à proprement parler de coopération, le cahier des charges technique est clairement exprimé par le client, le fournisseur n'ayant qu'un rôle d'exécutant. Plutôt qu'une activité de conception, il s'agit plutôt d'une activité de production L'apprentissage des acteurs est quasi nul, il s'agit d'exploiter des connaissances existantes. Généralement, les contrats portent sur des pièces parfaitement identifiables. Dans ces circonstances, client peut aisément faire jouer la concurrence entre les fournisseurs en les mettant en compétition sur des FR bien précis. 66 Cf. le modèle de l'Axiomatic Design proposé par Suh et notamment l'axiome d'indépendance présenté dans le chapitre IV. 105 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception FR 1 FR 2 DP 1 x équipe de conception n°1 DP 2 DP 3 x équipe de conception n°2 FR 3 x équipe de conception n°1 FR n DP n x équipe de conception n°3 Figure 27. Partenariat de conception de type sous -traitance. 2.1.4.2. Le co-développement : une a pproche réglée de la coopération Dans la Figure 28, les partenaires entretiennent des relations de type co-développement (Calvi, Le Dain, et al., 2002). Des interactions entre concepteurs sont nécessaires car certaines modifications peuvent impacter le travail de conception d'autres équipes 67. Les partenaires sont en semiautonomie, les responsabilités des partenaires ne peuvent s'isoler totalement par l'interface physique du produit. Les plateaux de conception vont jouer le rôle d'intégrateur et permettre une coopération rapprochée des acteurs (Renou, 2003). Illustré par l'exemple de l'emboutissage de pièces automobiles, (Garel, 2000) insiste sur l'intérêt d'une étroite coopération entre le fournisseur et le constructeur pour détecter les problèmes le plus tôt possible et éviter ainsi des coûts de modification onéreux. Le cahier des charges fonctionnel du produit est formalisé par le client et le fournisseur. La marge de manoeuvre laissée aux fournisseurs sera plus ou moins forte selon la criticité de la tâche (plus la pièce représentera un risque pour le développement du produit final, plus l'autonomie du fournisseur sera faible), selon le niveau de complexité de la pièce (plus les connaissances nécessaires seront complexes, plus la conception sera effectuée de manière conjointe) et selon le degré de nouveauté des technologies étudiées. De manière générale et du point de vue de la théorie de conception, le co-développement est un partenariat de conception réglée qui ne remet pas en question les bases de connaissances des coopérants : la conception porte sur un produit qui peut être nouveau mais dont l'architecture et les règles de conception existent et ne sont pas modifiées. Nous sommes au mieux dans une innovation incrémentale qui porte sur un nombre et une variabilité des paramètres réduits, 67 La ance entre acteurs est représentée par les flèches sur la Figure 28. 106 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception chaque nouveau produit renforçant les modèles génératifs existants. La zone d'apprentissage des coopérants est relativement étroite et assez bien déterminée, elle se situera généralement autour des interfaces. FR a DP a x équipe de conception n°1 FR b DP b x équipe de conception n°2 FR c FR n x équipe de conception n°2 DP c x équipe de conception n°2 x équipe de conception n°1 DP n x équipe de conception n°3 Figure 28. Partenariat de conception de type co-développement 2.1.4.3. Les partena ria ts d'exploration : une a pproche innovante de la coopération Dans les partenariats d'exploration : ni FR ni DP ne sont clairement définis ex-ante. Il n'existe pas d'objet précis sur lequel se cristallisent les accords de coopération : tout reste à construire. Alors que le co-développement et la sous-traitance peuvent être perçus comme des manières d'augmenter le pouvoir d'action des partenaires en bénéficiant de moyens plus efficaces, les partenariats d'exploration sont des opportunités pour augmenter le champ d'action des partenaires. Il s'agit plus généralement d'explorer des innovations de rupture qui nécessitent à la fois une expansion des espaces des concepts et un fort apprentissage de la part des coopérants. Dans un partenariat de conception, les auteurs vont tenter de concevoir un objet alors que ces mêmes partenaires ont des connaissances limitées, il n'est pas possible de prescrire totalement le travail à effectuer. (Hatchuel, 1996, Hatchuel, Le Masson P., et al., 2002) désignent ces situations comme étant nécessairement basées sur des « prescriptions faibles » ; à ce niveau, il devient impossible de définir des buts précis, les acteurs se répartissent provisoirement les tâches en fixant des « objets de connaissances » (Ibid., p27) (ex. organiser une veille sur la domotique). Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception Le Tableau 11 et la Figure 29 présentent une synthèse comparative des trois types de partenariat de conception que nous venons d'aborder. sous-traitance exploiter des ressources et compétences externes objet connu et spécifié techniquement parfaitement connues expertises et compétences identifiées co-développement spécifier conjointement le produit à développer objet partiellement connu, spécifié fonctionnellement moyennement connues partenariat d'exploration découvrir de nouvelles opportunités objet peu ou pas connu faible : moyen : forte : degré d'incertitude - peu ou pas d'interfaces critiques, - forte autonomie du fournisseur - les caractéristiques techniques du produit restent à définir - identifier les interfaces problématiques et les lacunes d'apprentissage les artefacts et les objets de coopération restent à concevoir entièrement régime de conception activité de production plutôt que de conception conception réglée conception innovante mission générale objet de la coopération connaissances nécessaires connaissances nécessaires à définir et à acquérir Tableau 11. Analyse comparative de trois types de partenariat de conception : sous-traitance, co-développement et partenariat d'exploration + Régime d'exploration (pour des utilisateurs non identifiés ex ante) Expansion du potentiel technologique - Régime de renouvellement (des offres pour des clients identifiés) Régime de renforcement (des offres existantes) cadre de sous-traitance Coopération fortement instable Partenariat d'exploration cadre de co-développement Coopération fortement stabilisé - Expansion du potentiel de valeur Figure 29. Positionnement des partenariats de conception par rapport aux régimes de conception adapté de (Garel et Rosier, 2007) 108 + Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 2.2. Caractérisation des déterminants du processus de -exploration 2.2.1. Le stade d'émergence de la co-exploration interfirmes : un concept plus ou moins bien identifié ex-ante Généralement, les partenariats d'exploration s'établissent très en amont dans le processus de conception68. Cette remontée en amont du processus de conception, nous l'avons vu, a une répercussion importante : les partenariats sont conclus alors que le common purpose (Barnard, 1968) de la coopération n'est pas encore clairement définie (cf. Figure 30). Autrement dit, les partenaires ne savent pas exactement sur quels concepts 69 ils vont pouvoir collaborer. Partenariat d'exploration Co-développement Sous-traitance Mise sur le marché Formalisation du concept Rédaction du cahier Rédaction du cahier des charges des charges techniques fonctionnelles Figure 30. Des coopérations interentreprises de plus en plus en amont du processus de conception (Gillier et Piat, 2008) Cette particularité est cependant à relativiser car, si l'objet de coopération est clairement moins bien identifié qu'en co-développement, la littérature mentionne quand même des marchés et des technologies plus ou moins identifié selon les cas. Nous retiendrons trois configurations pour les partenariats d'exploration (cf. Figure 31, p.110) : - le cas l : le partenariat à technologie poussée Dans ce cas, la technologie est identifiée mais les membres souhaitent explorer de nouvelles fonctionnalités, diversifier les débouchés d'une technologie. Il s'agit généralement de technologies de ruptures ou des technologies émergentes dont les potentialités restent à découvrir (Garel et Rosier, 2008a). Nous retrouvons ce cas dans les « industries amonts » (sidérurgie, chimie) où le fournisseur de technologie doit nécessairement être force de propositions innovantes, à la fois pour se différencier de la concurrence mais aussi pour être proactif et ne pas trop subir les changements de direction formulés par ses clients. Le fournisseur a pour mission de séduire son client en le persuadant de travailler avec lui sur de nouvelles prestations innovantes. (Midler, Pour (Garel et Rosier, 2008b):134, "l'exploration ne se situe pas nécessairement en amont, loin du marché. L'exploration ne peut se réduire à ce qui précède le développement des nouveaux biens ou services." Nous souscrivons entièrement à cette remarque, il nous semble effectivement possible d'explorer dans d'autres activités que la conception de produits. Cependant, dans cette thèse, nous étudierons l'exploration dans les phases amont de la conception. Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariat d'exploration par les théories de conception 2000):36 reporte le cas d'un groupe chimiste qui explore avec des formulateurs le potentiel des peintures à l'eau à concurrencer les peintures à base solvants. Il s'agit principalement pour le groupe chimique de récupérer des données sur le marché final afin d'attribuer un niveau de performance aux différentes formulations possibles. - le cas 2 : le partenariat à technologie tirée Symétriquement, nous trouvons une configuration dans laquelle la performance et les concepts sont relativement bien connus et où il s'agit d'explorer des solutions techniques. Dans ce cas, c'est le client qui va être à l'initiative de la coopération. - le cas 3 70 : cas hybride Enfin, la littérature recense des expériences intermédiaires où le common purpose est encore moins bien identifié. Valeur du concept restant à définir Partenariat d'exploration à technologie "poussée" Partenariat d'exploration Co-développement Valeur du concept totalement connue Partenariat d'exploration à technologie "tirée" Sous-traitance Technologie identifiée et maîtrisée Technologie restant à définir Figure 31. Différents cas de partenariats d'exploration selon le couple technologie/marché 70 Notre étude de cas se réfère plutôt à cette dernière configuration (Cf. Chapitre VI). 110 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 2.2.2. Les partenariats d'exploration : modèles existants et crises reportées 2.2.2.1. Des modèles linéaires limités Préoccupons nous maintenant de la manière dont évoluent les partenariats d'exploration. Durant notre recherche, nous avons pu observer modèles qui décrivent le processus de co-exploration. (Kreiner et Schultz, 1993) proposent de décrire la co-innovation selon 3 étapes linéaires : une étape de « découverte des opportunités », une étape « d'exploration des possibilités » où des projets vont être formalisés et « une étape d'exécution » de la coopération. Dans une perspective similaire, (George et Farris, 1999) proposent 5 phases : "recognition", "research", "relationship set-up", "ramp-up", "ongoing management". Enfin, (Bossink, 2002) modélise la co-innovation par plusieurs modèles 71 dont un constitué de 4 étapes : "autonomous strategy making", "cooperative strategy making", "founding an organization for co-innovation", "realization of innovations" (cf. Tableau 12 de la page suivante). Malheureusement ces trois modèles prescriptifs sont très généraux et ne permettent pas selon nous, de rentrer finement dans le processus de coinnovation. Selon nous, ces différents modèles pourraient s'appliquer à n'importe quell coopérations de R&D quel que soit leur régime de conception! Les auteurs se focalisent généralement sur les moyens qui vont permettre de mener la co-innovation, certains vont par exemple donner beaucoup d'importances à certaines métiers (la R&D, la Stratégie ) mais au final peu de chose est dit sur le processus de co-innovation lui-même! Un autre modèle du même auteur distingue 8 phases pour réussir un partenariat d'exploration : "autonomous innovation", "networking", "exploration", "formation", "organization", "planning", "co-innovation", "dismantling" (Bossink, 2007). Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception Stage I. Autonomous strategy making • II. Co-operative strategy making III. Founding an organization for co-innovation • • • • • • IV. Realization of innovations • • • • I II IV III Interaction pattern Organizations choose to or are forced to innovate and explore co innovation possibilities with each other. Figure 32. Evolution de la coopération (Ring et Van de Ven, 1994) Dans la lignée des travaux de (Doz, 1996), la modélisation proposée par Blanche Segrestin nous semble être la plus utile pour comprendre spécifiquement les dynamiques des partenariats d'exploration. (Segrestin, 2003) montre que le processus de co-exploration ne se résume pas à l'exploration d'un concept innovant mais aussi à l'exploration des intérêts entre les différents acteurs. Autrement dit, le processus de co-exploration ne va pas être uniquement guidé par l'apprentissage qui va être réalisé au cours des projets mais aussi par les apprentissages qui vont naître de l'interaction des partenaires. Nous rejoignons ici la notion de « prescription réciproque » proposée par (Hatchuel, 1996, Hatchuel, Le Masson P., et al., 2002) qui désigne le fait que « l'apprentissage de l'un est modifié par l'apprentissage de l'autre, modifications qui tiennent aussi bien aux relations qui existent entre les deux acteurs, qu'à la nature des savoirs qu'ils élaborent » (Ibid., p38). (Segrestin, 2003) décrit l'exploration collective comme une double exploration (cf. Figure 33) : - une exploration de la coordination 72, c'est à dire les conditions dans lesquelles les acteurs vont organiser leurs actions pour définir et atteindre des objectifs partagés. Il s'agit d'explorer le concept nouveau à concevoir. - et une exploration de la cohésion73, c'est à dire le cadre organisationnel (contrat, règle de partage des résultats, condition d'entrée et sortie du partenariat) qui va permettre de lier les acteurs et ainsi former un collectif. Il s'agit d'explorer les êts des différents partenaires, « explorer ce qu'il peut y avoir comme coopération possible entre des partenaires » (Hatchuel, 1996):106. Exploration d'un Concept Partenariat d'exploration orientés coordination avec un cadre de cohésion circonscrit Partenariats classiques stabilisés Concept connu Intérêt connu Partenariat d'exploration en double précarité Partenariat d'exploration orientés cohésion avec un objet de coordination circonscrit Exploration d'un Intérêt commun Figure 33. L'exploration des concepts et l'exploration d'un intérêt commun selon (Segrestin, 2003) La notion de coordination renvoie "à l'ensemble des dispositifs et des instrumentations mis en oeuvre dans un collectif par rapport à certains critères d'efficacité." (Segrestin, 2006):77. 73 La cohésion est pour l'auteur "le cadre de l'action sur lequel les acteurs s'entendent et qui permet, sans déterminer l'action, qu'elle soit engagée et poursuivie dans des conditions acceptables pour tous" (Segrestin, 2006):62. 72 114 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception Or, comme le signale (Segrestin, 2003), l'incertitude concerne simultanément les aspects de cohésion et de coordination, une double précarité selon l'auteur : c'est là le principal apport de l'analyse de Segrestin et qui va permettre de rendre compte de l'extrême instabilité des partenariats d'exploration. En effet, nous avons déjà montré (cf. p103), que dans les partenariats d'exploration, le fait que l'objet du partenariat ne soit pas bien défini mettait à mal les repères de coordination, qu'il était difficile de diviser le travail et que les partenaires rencontrés une crise dans leurs rapports de prescription. Mais ce n'est pas tout, du fait que l'objet et les résultats de la coopération ne soient pas identifiés au préalable, la cohésion du groupe est aussi rendue instable. En effet, il semble légitime que cha acteur se questionne sur son intérêt et sa volonté de s'engager dans les projets. Il devient difficile pour les acteurs de choisir ensemble des projets communs. (Segrestin, 2003) montre la forte instabilité des partenariats d'exploration, par exemple, les propres intérêts des partenaires vont influer sur l'objet à concevoir, les orientations du concept dû à des événements impromptus (découverte d'un nouveau phénomène, d'un nouveau brevet) vont-elles toujours satisfaire les différents parties-prenantes? Inversement, les modifications du concept dues aux orientations stratégiques propres aux différents partenaires vont-elles pouvoir être intégrées à l'exploration (cf. Tableau 13)? L'auteur recommande de gérer le couplage de ces deux dimensions tout au long du processus ; il s'agit de veiller à l'équilibre entre les composantes de coordination et cohésion 74 à travers notamment une gestion particulière des aspects contractuels, en la matière des contrats spéciaux d'exploration 75 (cf. 115 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception domotique. Petit à petit, le partenaire se désengage Un nouveau partenaire entre dans le partenariat, celui-ci est tout particulièrement intéressé par un ancien projet abandonné. Un des partenaires embauche un nouveau responsable pour le représenter au sein du partenariat. elle affectée? Trouvera-t-il une cohérence avec les projets actuels? Le nouveau responsable va-t-il reconsidérer l'effectif de son équipe projet? Ce projet peut-il être relancé malgré le peu d'intérêt des anciens partenaires? Comment celui-ci va-t-il être accepté par les instances de décision? Les relations de pouvoir vont-elles évoluer? Tableau 13. Une incertitude sur la cohésion et la coordination 2.2.3. La fin des partenariats d'exploration : une forme de coopération transitoire Un point à souligner est l'aspect transitoire des partenariats d'exploration, à partir du moment où l'objet de la coopération sera parfaitement stabilisé, que les connaissances nécessaires à son élaboration seront connues et totalement exploitables par les partenaires, nous ne pourrons plus parler de partenariat d'exploration mais de coopérations plus classiques comme les partenariats de co-développement. Comme le souligne (Le Masson, Weil, et al., 2006), les régimes de conception innovants sur lesquels se basent les partenariats d'exploration ne sont pas éternels et l'on revient inévitablement à un régime de conception réglée, c'est à dire, en ce qui concerne les coopérations, à des formes de coopération moins incertaines. Cependant, si l'on reconnaît l'aspect transitoire des partenariats d'exploration, nous ne connaissons pas la durée de la transition ; dit autrement : dans l'absolue, on ne sait pas quand un partenariat d'exploration doit se terminer! En codéveloppement, les partenaires savent au début que leur coopération s'achèvera quand le produit sortira ou quand la livraison sera faite, dans les partenariats d'exploration l'arrêt de la coopération ne peut être précisé objectivement à l'avance, il se peut que la coopération soit prolongée par une modification du champ d'innovation investiguée ou encore arrêtée précipitamment à cause d'une incertitude jugée trop importante! Concernant la valorisation des partenariats d'exploration, relativement peu d'études s'attachent à expliquer comment une entreprise va pouvoir tirer parti de ces résultats exploratoires dans ses propres activités d'exploitation. Notons à ce sujet quand même, l'apport de (Maniak, 2009) qui montre que pour être intégrées et déployées dans un véhicule, les innovations produites doiventêtre affinées au fur et à mesure du processus par rapport aux exigences des programmes véhicules déjà lancés. Dans ces deux premières sections, nous avons caractérisé ce qu'était un partenariat d'exploration. Nous avons montré que l'instabilité de ce type de coopération s'expliquait notamment par le fait 116 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception que l'objet de la coopération n'était pas clairement affiché avant le début de la coopération. Les participants de la coopération ne savent pas exactement avec quels usagers, sur quels marchés et sur quelles technologies ils vont-être amenés à coopérer. Nous avons vu que le fonctionnement de ce type de partenariat est amené à évoluer au fur et à me sure des actions qui seront prises, que l'objet de la coopération va se construire au fur à mesure des projets et de la dynamique relationnelle des acteurs. Dans la suite, nous reviendrons plus précisément sur le coeur de notre problématique : la génération de l'objet de coopération dans des partenariats d'exploration. Nous présenterons un état de l'art critique de la manière dont la littérature adresse cette problématique (modèle opportuniste, modèle conscientisé et modèle de la négociation) et présenterons plus en détail comment nous souhaitons modéliser le common purpose d'une coopération et envisageons les instrumentations ad hoc. 117 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 3. Une littérature limitée pour modéliser et instrumenter les partenariats d'exploration : esquisses de nouvelles perspectives de recherche Le très fort niveau d'incertitude inhérent aux partenariats d'exploration nous confronte d'emblée à de nombreuses interrogations. Dans cette thèse, nous nous focaliserons sur deux d'entres-elles auxquelles la littérature ne semble, selon nous, pas suffisamment répondre : - dans la section 3.1., nous montrerons les limites de la littérature pour décrire théoriquement le processus de co-exploration et plus précisément pour décrire les mécanismes de définition des projets innovants permettant de rendre des objectifs « partagés » par un collectif. Nous nous poserons donc la question du processus de définition de la common purpose. - dans la section 3.2., nous soulignerons les difficultés de la littérature pour proposer des outils de pilotage permettant d'assurer simultanément le management multi-projets innovants et les aspects sociaux de la coopération. 3.1. Comment comprendre les processus de co-exploration? 3.1.1. Une littérature limitée pour décrire les processus de définition de la common purpose et la génération de projets innovants Alors que la coopération vise fondamentalement à atteindre un objectif commun et que la littérature reconnaît la définition d'objectifs clairs et réalistes comme une clé de succès des partenariats (Geisler, Furino, et al., 1990, Mora-Valentin, Montoro-Sanchez, et al., 2004, Weck, 2006), paradoxalement, le processus par lequel les partenaires vont s'accorder sur les objectifs communs de la coopération est faiblement abordé et les explications apportées sont limitées. Parfois même, la question de savoir comment l'objet de la coopération émerge n'est tout simplement pas abordé ; les recherches sur la coopération commen çant seulement après que les objectifs soient partagés. Nous avons pu cependant remarquer différentes approches pour tenter d'expliquer les mécanismes permettant aux acteurs d'une coopération de savoir ce sur quoi ils vont pouvoir collaborer et comment des projets innovants coopératifs vont être générés, nous les avons synthétisés en trois modèles (cf. Tableau 14) : 1. Le modèle opportuniste : Dans ce premier modèle, la littérature explique que la génération de projets innovants et la formation d'intérêts communs reposent sur une partenariats heureuse rencontre entre des parties qui ne se connaiss pas forcément auparavant et qui fortuitement qu intérêts (Kreiner et Schultz, 1993) reportent par exemple que c'est à l'occasion d'une rencontre lors d'une conférence scientifique ("accidental encounters" (Ibid., p195)) que des acteurs ont découvert un intérêt mutuel. (Pérocheau, 2007) reporte le cas d'un projet initié lors d'une rencontre entre une société souhaitant développer un capteur de pollution marine et un laboratoire de recherche qui menait des études scientifiques en microbiologie. L'auteur utilise ensuite le cadre de la théorie C-K pour tenter de rationaliser cette rencontre fortuite, d'après lui, c'est l'association de deux connaissances au préalable sans rapport apparents qui fut à l'émergence du projet : « C'est de leur rencontre fortuite et de la discussion qui s'en suivit que Messieurs L et G, associant leurs connaissances, créèrent la disjonction76 à l'origine du concept Biocapteur ». D'après (Ring, Doz, et al., 2005), ces coopérations sont émergentes, la convergence d'intérêt est révélée par des évènements particuliers (Ibid., p146, traduit de l'anglais) non anticipés. Mais pourquoi ces évènements sont-ils « particuliers » aux yeux des acteurs? Parmi toutes les rencontres qu'il est possible de faire, comment les acteurs parviennent-ils à détecter et à retenir les bonnes opportunités? Si des projets émergent à partir d'une combinaison astucieuse de connaissances, comment les acteurs peuvent-ils orienter leur recherche de connaissances? Existe-t-il une maîtrise possible du processus de disjonction sémantique? 2. Le modèle « conscientisé » : Dans ce second modèle, l'objectif de la coopération est au contraire pilotée rationnellement avant la coopération. Dans cette vision, les objectifs du partenariat couleraient presque de source, les acteurs travaillent conjointement car ils savent qu'ils ont des besoins complémentaires et similaires, ils sont au courant de leur interdépendance stratégique (Ibid., p145, traduit de l'anglais), la coopération permet par exemple de réconcilier une promesse technologique et une potentialité commerciale. Ici, l'objet de la coopération est obtenu par une superposition et une réconciliation d'enjeux communs préexistants. Avant de coopérer, les partenaires savent ce qu'ils recherchent, ils connaissent au préalable l'objectif visé et peuvent sélectionner les meilleurs candidats. Dans cette même perspective, (Doz, 1996) note que de nombreux auteurs « font implicitement l'hypothèse que les alliances doivent permettre de satisfaire des d'objectifs Nous rappelons aux lecteurs que la disjonction sémantique est l'opérateur qui, associant deux connaissances disjointes, permet de passer de l'espace des connaissances à celui des concepts (cf. Chapitre IV sur la théorie C-K). Dans notre exemple, la société souhaitait créer un capteur de pollution d'hydrocarbure bas coût (K1) et le laboratoire connaissait un micro-organisme J qui au contact d'hydrocarbure devenait jaune (K2). De l'association de K1 et K2, ils ont eu l'idée de tenter de créer un concept de capteur de pollution avec des micro-organismes J embarqués (C1). » ( , traduit ). Dans le domaine de la construction durable, (Bossink, 2007) explique qu'avant même de coopérer, les fournisseurs et les clients avaient déjà de leur côté étudié la question; les clients avaient débloqués des budgets pour développer des « technologies vertes » et les clients avaient déjà commencé à intégrer des propriétés écologiques dans leurs produits. Dans ce même modèle, la coopération peut être aussi à l'initiative d'un partenaire unique, puissant financièrement par exemple, qui vient imposer ses propres objectifs à la coopération ou encore un membre à la capacité de leadership affirmé. Dans ce modèle, une question qui subsiste est de savoir ce qui se passe si les objectifs des partenaires changent, toute modification signifie-t-elle l'arrêt de la coopération? Comment expliquer la manière dont les partenaires vont s'adapter et faire évoluer leurs intérêts initiaux? Comment théoriquement expliquer cela? 3. Le modèle de la négociation et du sensemaking : Enfin, une part non négligeable de la littérature s'accorde sur le fait que les partenaires engagés dans une coopération ont des attentes et des intérêts souvent limités, multiples voir même contradictoires 77, que l'objet de la coopération n'est pas naturel mais qu'il procède d' un acte de construction entre les participants. Les auteurs sont nombreux à proposer des modèles de coopération débutant par des étapes de négociation où un compromis acceptable est recherché (Brouthers et Brouthers, 1997, Das et Bing-Sheng, 1997, Luo, 1999, Ring et Van de Ven, 1994). Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception et des processus informels de sensemaking (Weick, 1974). Un objectif deviendra partagé uniquement s'il fait sens pour les partenaires : pour cela les acteurs vont échanger, faire des liens sur leurs propres intérêts afin de faire converger des interprétations différentes. L'objet du partenariat est construit par les partenaires ; ceux-ci construisent leur propre réalité collective. Mais comment représent er ce processus de création de sens? Comment mod éliser d'un point de vue cognit if les répercussions de ces phases de négociation sur les schémas mentaux des partenaires? Type de modèle opportuniste Hypothèses implicites sur la génération de l'objet de coopération La définition des objectifs de la coopération résulte d'un processus de découverte fortuite. Limitations Peu de contrôle sur la génération de l'objet de coopération : - Recherche de nouvelles informations non ciblées : comment savoir quelles connaissances ou quels concepts combiner? - Aucune planification possible de la coopération. Les objets de coopération sont considérés comme latents. Peu de flexibilité sur la génération de l'objet de coopération : « conscientisé » La définition des objectifs de la coopération résulte d'un processus logique stratégiquement élaboré au préalable. Les objets de coopération sont considérés comme prédéfinis. négociation La définition des objectifs de la coopération résulte d'un processus de construction, d'échanges formels et informels. - Pas de remise en question de l'objet de coopération durant la coopération : comment prendre en compte le processus chemin-faisant de l'innovation? Doit-on limiter la coopération à ce qui était convenu de faire? - Limitation dans le choix des partenaires : seuls les partenaires dont les intérêts se superposent seront prospectés : comment expliquer les coopérations parfois incongrues de l'innovation ouverte? - Comment décrire théoriquement le processus de création de sens? - Comment expliquer théoriquement chacune des activités de la négociation (échanger des idées, contractualiser, déceler des intérêts conflictuels)? - Comment contribuent-elles à la génération de l'objet de coopération? Les objets de coopération sont considérés comme à élaborer. Tableau 14. Trois modèles de la génération de projets collaboratifs innovants et leurs limitations 121 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 3.1.2. Esquisse de notre proposition théorique Nous avons vu précédemment que l'objet d'un partenariat d'exploration n'était pas bien connu a priori et que la co-exploration menait justement les acteurs à identifier l'objet de la coopération et les connaissances nécessaires à sa réalisation. Nous avons vu aussi, à travers la notion de « prescription réciproque » (cf. p107), que les apprentissages des acteurs vont faire évoluer l'objet de la coopération (Doz, 1996). Au final, modéliser la manière dont le common purpose va être défini et enrichi au fur et à mesure de l'exploration correspond à nos yeux à modéliser le processus de co-exploration. De ce point de vue aussi la génération de projets innovants collaboratifs peut être considérée comme un processus de conception à part entière impliquant des activités créatives, de production de connaissances Dans la suite de notre recherche, nous proposerons de définir rigoureusement comment se définit l'objet de la coopération à MINATEC IDEAs Laboratory. Le modèle que nous devrons proposer devra d'une certaine manière être plus général que le modèle opportuniste, que le modèle « conscientisé » et que le modèle de la négociation. Il devra permettre d'expliquer plusieurs phénomènes qui influencent la de définition de l'objet de la coopération comme : la place de la créativité dans les discussions entre les acteurs, l'évaluation des propositions de coopération, les mécanismes d'activation de connaissances permettant aux acteurs de se comprendre mutuellement, la manière dont les acteurs vont contrôler leurs interactions Enfin, la description de l'objet de coopération devra pouvoir évoluée ; par ailleurs, notre modèle devra permettre d'expliquer comment des acteurs peuvent commencer à travailler ensemble alors qu'ils ne connaissent pas totalement la description de l'objet final qu'ils doivent concevoir. Comme nous avons pu l'expliquer précédemment, nous proposerons d'utiliser la théorie de conception CK pour rendre compte de manière plus précise les mécanismes d'exploration qui vont permettre de rendre des objectifs partageables par un collectif. Le Modèle Matching/Building permettant d'unifier ces différentes perspectives sera présenté dans le chapitre VII. 122 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 3.2. Comment agir dans un partenariat d'exploration? 3.2.1. Des principes organisationnels mais très peu d'outils expérimentés pour piloter des champs d'innovations technologiques Au fur et à mesure de leur exploration, les membres d'un partenariat d'exploration doivent concevoir leur propre outil pour cartographier ces espaces nouveaux, pour désigner les obstacles potentiels à franchir, pour décider des zones d'apprentissage intéressantes ou pour trouver de nouveaux concepts de valeurs. Dans cette section, nous proposons de réaliser une courte synthèse des recommandations et des obstacles recensés par la littérature pour instrumenter des partenariats d'exploration et plus précisément pour co-piloter et co-explorer des champs d'innovation de nature technologique. L'approche par la conception innovante et notamment le formalisme proposé par la théorie C-K apparaît comme un cadre conceptuel fécond pour piloter l'exploration. La littérature qui porte sur le sujet nous éclaire déjà sur quelques principes managériaux à adopter pour mener à bien des activités de co-exploration technologique. Nous avons retenus cinq grands principes managériaux : les trois premiers font référence aux situations d'exploration de manière générale et les deux derniers sont spécialement élaborés pour les partenariats d'exploration : 1. Des explorations pilotées par des comités d'innovation dans des organisations dédiées : (Ben Mahmoud-Jouini, Charue-duboc, et al., 2009, Garel, Rosier, et al., 2008, Le Masson, Weil, et al., 2006) se rejoignent pour préconiser d'adopter une « organisation en anneaux » dédiée à l'exploration où l'on retrouve au centre un comité d'innovation qui a pour charge de vérifier la cohérence de l'exploration vis à vis de la stratégie de l'entreprise. Un second cercle correspond au core-team, c'est à dire l'équipe en charge de l'exploration opérationnelle du champ d'innovation. Nous y retrouvons le responsable de l'exploration, de préférence expérimenté, qui est capable de tisser des liens étroits avec le comité d'innovation. Par définition, les connaissances nécessaires n'étant pas déterminées au préalable en exploration, il semble donc difficile de définir à l'avance les compétences souhaitables pour explorer des champs d'innovation. Généralement, la littérature conseille de constituer des équipes composées de compétences hétérogènes pour soutenir une logique de partage de savoir. Enfin, un dernier cercle formé par des compétences supports (production, maintenance, occasionnellement sur des tâches. Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception 2. Orienter l'exploration sur des missions d'exploration confinées et évolutives selon l'apprentissage : Face à l'immensité du champ à explorer, une première recommandation est d'identifier rapidement une première zone d'exploration où les acteurs pourront rapidement apprendre pour ensuite redéfinir cette zone et régénérer leur espace d'exploration. Ici, il s'agit de progresser par l'action, d'avancer par des épreuves de tests. Le rôle du prototypage apparaît ici comme une activité à privilégier dans les situations d'exploration, notamment pour les champs d'innovations technologiques (Garel et Rosier, 2008a, Holmberg, Le Masson, et al., 2003, Lenfle, 2008, Segrestin, 2003, Thomke, 1998). (Garel et Rosier, 2008a) insistent particulièrement sur l'intérêt du prototypage pour les explorations technologiques ; il s'agit d'une certaine manière de laisser les prototypes entre les mains de futurs utilisateurs potentiels pour constater les changements d'activité et les nouveaux bénéfices procurées par la technologie 78. Au fur et à mesure de leur apprentissage, les acteurs vont devoir prendre des nouvelles directions de recherches, pour (Garel et Rosier, 2007) : « Explorer implique donc de multiplier les itérations in situ avec des utilisateurs potentiels, notamment sur la base de prototypes démontrant un savoir-faire technique et révélant un design et d'intégrer les bifurcations les plus radicales comme principe de management ». 3. Coordonner les projets selon les concepts et connaissances générées dans les projets : Plutôt que de mener un unique grand projet, les acteurs ont plutôt intérêt à explorer en multipliant les projets. Il s'agit de des « sondes » dans différentes directions, des missions sur plusieurs couples marché/technologie (Silberzahn et Midler, 2008) et de préciser leur trajectoire au fur et à mesure de l'exploration. De ce fait, il doit être possible de gérer le portefeuille de missions d'exploration. Cette coordination entre missions est possible en capitalisant sur les concepts et connaissances générées sur les différents projets. Il s'agit de lancer des projets d'exploration pour qu'ils se nourrissent mutuellement ; un projet ne doit finalement pas être piloté isolément mais vis à vis de sa participation à l'ensemble du champ d'innovation exploré. Au final, il s'agit de contrecarrer un pilotage risqué « d'essai-erreur » en se focalisant sur les connaissances et concepts générés pour permettre d'affiner l'investigation du champ d'innovation. Figure 34. Manager la contribution réciproque des concepts et connaissances des différents projets d'après (Lenfle, 2001) 4. Gérer le couplage entre cohésion et coordination : nous avons vu précédemment que la gestion des partenariats d'exploration impliquaient de gérer simultanément la coordination et la cohésion (cf. p114). (Segrestin, 2003) a montré que pour piloter un partenariat d'exploration, les partenaires devaient à la fois coordonner leurs activités et les apprentissages qu'ils effectuent et gérer la cohésion sociale des acteurs afin d'éviter les conflits. De tels partenariats doivent pouvoir permettre aux acteurs de s'engager dans une action collective bien que tout ne soit pas défini à l'avance, l'auteur recommande un cadre juridique spécifique, les contrats spéciaux d'exploration permettant de réviser les engagements des partenaires (cf. Annexe 4, p.288) 5. Favoriser des actions collectives centrées sur des « demi-produits » : Enfin, (Segrestin, 2003) basé sur les travaux de (Weil, 1999) propose de circonscrire l'exploration en lançant des missions d'explorations autour de « demi-produits » capables de soutenir des explorations conjointes. Les demi-produits ne sont pas des produit finaux mais des produits intermédiaires ; il s'agit de faire travailler des partenaires ensemble autour d'un . not vue, peu ologiques sont proposés par la littérature pour piloter l'exploration et plus généralement pour piloter les partenariats d'exploration. 3.2.2. Esquisse de notre proposition managériale Alors que l'activité de cartographie est centrale dans les partenariats d'exploration, peu de recherches visent à instrumenter concrètement des outils de « navigation ». La théorie C-K, qui apparaît comme un cadre conceptuel pertinent pour l'exploration, est relativement peu mise en pratique 79 sur le plan de l'organisation et les questions de son opérationnalisation restent entières : quelle axiomatique proposer pour élaborer une cartographie C-K? Comment intégrer les résultats finaux et intermédiaires des projets dans une cartographie basée sur la théorie C-K? Comment montrer l'évolution des espaces de connaissances et concepts aux yeux des acteurs de l'exploration? Dans cette thèse, nous proposerons donc d'expérimenter concrètement des outils méthodologiques dans des partenariats d'exploration. La première publication scientifique d'une méthodologie basée essentiellement sur la théorie C-K a été faite en ( , Le , et al., 2009). Celle-ci, dénommée "méthode KCP", est une méthodologie d'aide à la conception collective. Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception CONCLUSION ET RESUME DU CHAPITRE V Dans ce chapitre, nous avons pu voir que les partenariats de conception se développent de manière importante car ils permettent de répondre à un contexte d'innovation répétée tout en permettant aux entreprises de se recentrer sur leurs propres métiers. Leur croissance reste cependant fragile et d'important taux d'échecs ont été reportés. Pour assurer la réussite d'un partenariat, nous avons aussi vu que prendre des précautions avant la contractualisation (choix du partenaire, rédaction du contrat,) n'était pas suffisant et qu'une meilleure compréhension du processus de coopération et une instrumentation adaptée tout au long de la coopération était nécessaire. Cette approche par les processus de coopération nous a mené à distinguer un type de partenariat de conception qui se différenciait des formes de coopération plus classiques comme les partenariats de sous-traitance ou de co-développement : les partenariats d'exploration. Une différence fondamentale tient au fait que l'objet de la coopération n'est pas défini avant la coopération mais pendant la coopération. Par rapport aux théories de conception, nous nous sommes aperçus que les partenariats d'exploration correspondaient à des régimes de conception innovante : le concept innovant n'est pas identifié, les connaissances et compétences sont encore à déterminer. Nous avons souligné l'apport de Segrestin qui décrit la co-exploration comme une double exploration : l'exploration qui est faite sur différents projets menés mais aussi à travers les intérêts et préférences des différents partenaires du partenariat. Puis, nous avons synthétisé trois grandes manières dont les chercheurs expliquent la définition de l'objet d'une coopération : l'objet de la coopération émergerait suite à des rencontres fortuites et ne reposerait sur une aucune logique modélisable, l'objet de la coopération serait le résultat d'une superposition d'intérêts stratégiques préalablement établis ou enfin que l'objet de la coopération reposerait sur un long processus de négociation et de création de sens. Selon nous, aucune de ces trois approches ne permettent pas d'expliquer de manière suffisamment fine le processus de génération de la coopération. Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception RESUME DE LA PARTIE 1 Cette partie 1 a été consacré à un état de l'art et à dresser les limites de la littérature concernant le management de l'innovation et des coopérations interfirmes. Dans le chapitre III relatif au mangement de l'innovation, nous avons montré que l'innovation était souvent présentée selon deux grands paradigmes limités : - l'innovation serait le fruit des recherches scientifiques. Dans ce modèle, l'innovation résulte d'un management de recherche efficace qui permet de disposer de connaissances pointues. Or, nous avons montré que toutes les innovations n'étaient pas forcément issues d'un savoir technique et que les « innovations conceptuelles » ne pouvaient ici être expliquées. De plus, les recherches n'impliquent pas clairement les logiques qui permettent de détecter les connaissances à acquérir. - une seconde approche nous a menée à considérer l'innovation comme l'aboutissement d'un processus créatif réussie où l'individu parvenait à se transcender au sein d'organisations créatives. Malheureusement, force est de constater que toute idée n'est pas transformée sur le marché ni même par des projets de valeur pour les entreprises. Au final, du point de vue de la littérature sur le management de l'innovation, aucun modèle théorique ne semble permettre de comprendre pleinement les tenants et aboutissants du processus d'innovation. Alors que les chercheurs s'interrogent sur les porteurs de l'innovation, des cadres théoriques sont nécessaires pour comprendre l'essence même des processus d'innovation. Dans le chapitre IV, nous avons proposé de nous intéresser plus spécifiquement à l'activité de conception. Considérant cette activité comme essentielle dans la production d' , nous avons proposé dans ce chapitre de nous intéresser aux théories de conception, c'est à dire aux théories qui permettent de modéliser le processus de conception et notamment de distinguer les processus innovants ou plus routiniers. Nous avons pu aborder différents modèles et avons notamment montré que la théorie C-K était, à notre connaissance, la première théorie qui permettait d'intégrer les aspects d'invention et de création. Selon la théorie C-K, la conception d'une innovation résulte d'une double expansion : une expansion des concepts et une expansion Partie d' . Le cas des premiers Canon nous a permis d'exemplifier nos propos et de présenter les raisonnements qui ont mené les concepteurs de Canon au succès que l'on connaît. 130 Partie 1- Décrypter et instrumenter les partenariats d'exploration par les théories de conception Cependant, deux questions restent en suspend : - (i) d'un point de vue théorique, comment modéliser la manière dont le common purpose d'une coopération va être définie? Comment des projets innovants vont-ils être générés par les membres du partenariat et comment ces objets de coopération vont-ils évolués? - (ii) d'un point de vue pratique, alors que les partenariats d'exploration se présentent comme très spécifique, quelles instrumentations ad hoc proposer? Nous avons alors tenté de trouver des réponses dans la littérature et celles-ci revêtent un caractère limité : soit les objectifs d'un projet de coopération résulteraient d'une « rencontre bien heureuse » (modèle de l'opportunité), soit les objectifs d'un projet seraient stratégiquement élaboré par les parties prenantes avant la contractualisation (modèle conscientisé), soit l'objet de coopération résulterait d'un long processus de « négociation » dont les mécanismes restent aujourd'hui encore inconnues. Cela nous a amené à esquisser notre proposition théorique (i) : nous proposons d'utiliser la théorie C-K pour modéliser le processus de génération de l'objet de coopération dans les partenariats d'exploration. Concernant la question de l'instrumentation des partenariats de conception, nous avons pu cerner les grands principes pour gérer des partenariats d'exploration : lancer des missions de courtes durées, bénéficier des apprentissages pour réviser les projets et rediriger l'exploration, mener en parallèle plusieurs projets et capitaliser sur les connaissances et concepts générés par les projets. Malheureusement, force est de constater que ces recommandations ont rarement pu être implémentées dans des outils managériaux. La littérature présent e très peu d'outils méthodologiques réellement testés et confrontés à des situations de partenariats d'exploration. Nous proposons dans la prochaine partie de cette thèse de présenter deux outils : un outil permettant de cartographier et piloter des champs d'innovation (cf. Chapitre VIII) et un autre permettant d'explorer les applications possibles de technologie innovante (cf. Chapitre IX). Ces deux outils ont été expérimentés dans un partenariat d'exploration, MINATEC IDEAs Laboratory, notre cas d'étude sera présenté dans le prochain chapitre. 131 PARTIE 2. MODELISER LA GENERATION DES OBJETS DE COOPERATION DANS UN PARTENARIAT D'EXPLORATION TRANSECTORIEL 132 Partie 2- Modéliser la génération des objets de coopération dans un partenariat d'exploration transectoriel OBJECTIFS ET ORGANISATION DE LA PARTIE 2 Dans la patrie précédente, nous avons réalisé un état de l'art de la littérature sur l'innovation, sur les coopérations interfirmes et nous avons justifié l'intérêt de comprendre la génération des objets de coopération interfirmes. Nous avons aussi justifié notre recours à la théorie de conception CK pour décrire cette génération. Dans cette seconde partie, l'objectif de cette partie est de présenter notre modèle théorique pour modéliser la génération des objets de la coopération dans les partenariats d'exploration et en démontrer la pertinence pour expliquer notre cas d'études. Cette seconde partie est composée de deux chapitres. Dans le chapitre VI, nous décrirons tout d'abord notre cas d'étude, le partenariat d'exploration MINATEC IDEAs Laboratory. Nous verrons que ce partenariat, orienté vers les activités d'exploration de nouveaux produits/services à partir de nouvelles technologies telles que les micro-nanotechnologies, est composé de partenaires variés et évolutifs : EDF R&D, CEA, RENAULT, BOUYGUES, ESSILOR, ROSSIGNOL, France TELECOM, Université Pierre Mendès France, Université Stendhal L'hétérogénéité des savoirs et intérêts des partenaires de MINATEC IDEAs Laboratory posent avec insistance les questions soulevées par notre problématique : comment des partenaires aux secteurs de marché aussi contrastés parviennent-ils à générer ensemble des projets de conception innovante? Quels instruments de gestion proposer à ce type de coopération? Dans le chapitre VII, nous proposerons le Modèle Matching/Building. Nous modélis erons les objectifs d'une coopération comme étant le résultat de deux processus imbriqués : un processus de Matching et un processus de Building. Basé sur la théorie C-K, nous verrons que ces deux processus permettent aux membres d'une coopération de rechercher et de construire des concepts et des connaissances à partager. Nous interpréterons, à travers ce modèle théorique, plusieurs faits observés à MINATEC IDEAs Laboratory.
45,944
12/hal.inrae.fr-hal-02790940-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
5,235
8,486
1. Introduction Le système immunitaire permet à l'individu de résister aux agressions des organismes pathogènes et intervient dans le contrôle du développement des tumeurs. Ce système comprend les molécules, cellules et tissus responsables de la mise en oeuvre des mécanismes de défense de l'organisme. Un réseau complexe d'interactions cellulaires et moléculaires permet ainsi l'élaboration de réponses spécifiques ou non spécifiques visà-vis des entités reconnues comme étrangères ou dangereuses. La spécificité des réponses immunitaires a été expliquée par la théorie de la sélection clonale de cellules – les lymphocytes – qui expriment les récepteurs permettant la reconnaissance d'un antigène cible donné : l'antigène n'induit l'amplification que du ou des clones qui le reconnaissent spécifiquement (Burnet, 1957). Cette vision darwinienne du système immunitaire impose qu'une grande diversité de récepteurs préexiste au contact avec l'antigène. L'individu doit donc posséder des populations suffisamment importantes et diverses de lymphocytes B (fabriquant les anticorps) et T (responsables de réponses cellulaires). Les motifs antigéniques étant a priori innombrables, la génération de cette diversité à partir d'un nombre limité de gènes est restée longtemps le problème central de l'immunologie. La découverte des réarrangements somatiques subis les gènes des immunoglobulines (Ig) et du récepteur spécifique de l'antigène des cellules T (TCR) a résolu ce paradoxe (Tonegawa, 1983). À l'encontre des agnathes (lamproies et myxines) et des invertébrés, tous les vertébrés à mâchoires (gnathostomes, incluant requins et raies, poissons osseux, amphibiens, reptiles et oiseaux, mammifères), possèdent des lymphocytes qui expriment des Ig et des TCR diversifiés et assurent la mise en place de réponses spécifiques de l'antigène. Ainsi, les constituants primordiaux du système immunitaire des Vertébrés sont exprimés chez les poissons (Flajnik et al., 2003). En revanche, le contexte anatomique et physiologique des réponses immunitaires est bien différent de celui des mammifères. L'étude des mécanismes non spécifiques de l'immunité (innate immunity) a connu un développement très important à partir des années 2000, lorsqu'il a été compris qu'ils sont essentiels à la fonction de protection et, par ailleurs, souvent conservés dans le règne animal. Ces mécanismes constituent une première ligne de défense contre les organismes pathogènes mais sont aussi nécessaires au déclenchement et à la régulation des réponses spécifiques (Medzhitov et Janeway, 1997). Ils sont donc très importants pour le maintien de l'intégrité physique et fonctionnelle d'un individu confronté aux attaques d'organismes pathogènes, chez les invertébrés comme chez les vertébrés. Les récents progrès de la connaissance du système immunitaire non spécifique des poissons permettent à la fois d'esquisser un tableau de l'évolution du système immunitaire des vertébrés et de mieux appréhender les mécanismes de défense contre les organismes pathogènes. Dès le début de l'histoire de l'immunologie, mais surtout à partir des années 1960, on s'est intéressé aux invertébrés et aux vertébrés dits (à tort) « inférieurs » que sont les poissons, avec l'espoir que des systèmes plus simples permettraient une meilleure compréhension des mécanismes immunitaires fondamentaux. Outre leur intérêt académique, ces études d'immunologie comparée ont débouché sur des aspects plus appliqués avec le développement important de la vaccination des poissons. En fait, le développement des premiers vaccins chez les poissons (contre la vibriose et la yersiniose) s'est effectué avec succès de manière essentiellement empirique. En revanche, la mise au point de vaccins actifs contre l'infection par des organismes pathogènes moins immunogènes et plus difficiles à contenir passera sans doute par une meilleure compréhension des mécanismes de régulation de l'immunité des poissons. Un autre apport très important de l'immunologie des poissons à la pratique de leur élevage concerne le diagnostic et le suivi des maladies infectieuses et parasitaires par la détection des réponses immunitaires L'identification d'anticorps dirigés contre un organisme pathogène donné permet classiquement de retrouver la trace de l'infection sans sacrifier l'animal, même lorsque les signes cliniques ont disparu ; le développement des connaissances sur les réponses et la mémoire immunitaires, en particulier sur les aspects des réponses cellulaires, ne devrait pas manquer d'apporter de nouveaux outils à ce type d'approche. Dans le domaine thérapeutique, l'administration d'antibiotiques aux poissons d'élevage, si elle peut être immédiate et souvent active, n'est pas sans conséquences néfastes – ne serait-ce que parce qu'elle favorise l'émergence de résistances chez les bactéries pathogènes – et devient chaque année plus sévèrement réglementée. Dans un tel contexte, l'identification de facteurs et de mécanismes antibactériens est plus que jamais pertinente. La recherche de stratégies antivirales utilisables sur le terrain est aussi à l'ordre du jour. 2. Cellules du système immunitaire et organes lymphoïdes des poissons Les poissons possèdent des lymphocytes typiques, caractérisés par l'expression des récepteurs spécifiques de l'antigène (immunoglobulines pour les lymphocytes B et TCR pour les lymphocytes T) et par l'expression régulée de facteurs de transcription caractéristiques lors du développement (comme Ikaros, pax5, des membres de la famille GATA). Des cellules cytotoxiques non spécifiques (NCC) ont aussi été décrites, analogues aux cellules tueuses ou natural killers (NK) des mammifères, qui peuvent lyser des cellules de lignées humaines. Différentes populations de NCC ont été identifiées chez le "channel catfish" (Ictalurus punctatus) par exemple. Macrophages, 2 granulocytes et thrombocytes ont également pu être caractérisés chez différentes espèces de poissons, ainsi que des cellules présentant de nombreux points communs avec les cellules dendritiques des mammifères, essentielles pour le développement des réponses spécifiques. Ainsi, les principaux types cellulaires du système immunitaire des vertébrés sont présents chez les poissons. Les poissons possèdent aussi les organes lymphoïdes typiques du système immunitaire des vertébrés mais leur organisation diffère de celle des mammifères. Le thymus est le premier organe colonisé par des lymphocytes. Il contient des cellules de la lignée T, exprimant des transcrits du TCR, mais aussi des lymphocytes B. La rate comporte, comme chez les mammifères, des vaisseaux sanguins, une pulpe rouge et une pulpe blanche. Cependant, la pulpe blanche est peu développée. Les centres germinatifs semblent absents. Le rein antérieur, ou pronéphros, est un autre organe lymphoïde important qui comprend des macrophages, des granulocytes et des lymphocytes B et T. Rate et rein sont riches en mélanomacrophage (cellules de type macrophagique contenant de la mélanine), qui abondent en particulier aux bifurcations des vaisseaux sanguins. Les poissons ne possèdent pas de ganglions lymphatiques et la localisation anatomique des phénomènes liés aux réponses immunitaires n'est toujours pas très précisément connue. Le tissu lymphoïde associé à la muqueuse intestinale comporte des lymphocytes associés à l'épithélium, en particulier des lymphocytes T. La lamina propria en contient aussi, ainsi que des « cellules à grains » capables d'endocytose et des cellules productrices d'anticorps. On trouve aussi des macrophages dans l'atrium du coeur, et les cellules piliers des branchies sont capables de phagocytose. Enfin, la présence de lymphocytes a été démontrée dans la peau de certains poissons. Ce qui est connu de ces structures lymphoïdes chez les téléostéens demeure extrêmement fragmentaire et limité à quelques espèces. 3. Les médiateurs de la réponse non spécifique (immunité naturelle) chez les poissons Les mécanismes non spécifiques de défense constituent une première barrière contre les organismes pathogènes, mais sont aussi essentiels au déclenchement et à la régulation des réponses immunitaires spécifiques. Chez les poissons, ces mécanismes font appel à des molécules exprimées de manière permanente, par exemple dans le mucus, ou à des voies inductibles activées par les organismes pathogènes ou leurs constituants. Par ailleurs, le réseau complexe des cytokines – hormones de communication de proximité des cellules du système immunitaire – est en cours d'élucidation chez les poissons. Fonction exemplaire par sa mise en jeu dans les deux types d'immunité (spécifique ou non) comme par la multiplicité des facteurs qui contribuent à la réguler, la phagocytose constitue sans doute l'un des mécanismes essentiels de défense antibactérienne chez les poissons. Les phagocytes sont particulièrement actifs dans la rate et le rein mais aussi dans l'atrium cardiaque, et les branchies. 3.1. Molécules non induites impliquées dans l'immunité naturelle Ces facteurs exprimés de manière constitutive opposent une barrière immédiate à l'invasion par un organisme pathogène et font partie de l'immunité dite « naturelle » ou « innée ». Le mucus externe constitue la première barrière opposée aux envahisseurs. Indépendamment de toute pré-immunisation, différentes substances actives y sont présente : substances bactéricides comme la bactériolysine, le lysozyme, des facteurs du complément, la protéine C-réactive et des peptides antibactériens, ainsi que des IgT qui jouent un rôle comparable à celui des IgA des mammifères. La plupart de ces facteurs ont été retrouvés aussi dans le mucus intestinal. Le sérum contient également de manière constitutive de nombreuses substances antimicrobiennes. Le complément est un système complexe et actif de lyse et d'opsonisation des microbes dont les nombreux facteurs, qui agissent en cascade après activation par différentes molécules de la paroi bactérienne (voie alterne) et par les anticorps (voie classique), sont présents dans le sérum des poissons comme des mammifères. Le sérum des salmonidés contient aussi des hémolysines, de la protéine C-réactive, du lysozyme, et divers anticorps reconnaissant fortement des antigènes de Saprolegnia par exemple. Comme chez les mammifères, des anticorps dits « naturels » de spécificités diverses et de faible affinité semblent présents dans le sérum des poissons. Ces anticorps naturels pourraient jouer un rôle important de blocage lors des premières étapes de certaines infections, en particulier chez certaines espèces comme la morue (Gadus morhua) où ils sont abondants alors que les réponses anticorps spécifiques sont souvent plus lentes et de plus faible intensité que chez d'autres espèces. 4 3.2. Récepteurs associés à des catégories d'organismes pathogènes et inflammation L'essor récent de l'immunologie des mécanismes régis par des facteurs codés dans le génome (« innés »), par opposition aux anticorps dont les gènes sont assemblés pendant la différentiation des lymphocytes, a conduit à distinguer des mécanismes de reconnaissance de structures typiques de certaines classes d'organismes pathogènes (PAMPs pour pathogens associated molecular patterns). Ces PAMPs comprennent : le LPS des bactéries à Gram négatif, l'acide lipoteichoïque des bactéries à Gram positif, les lipoarabino-mannanes des mycobactéries, l'ARN double brin de nombreux virus, les β-glycanes et mannanes des parois de nombreux champignons ; ils sont reconnus par l'hôte comme des « signatures » des organismes pathogènes auxquels ils sont associés. Des récepteurs impliqués dans la reconnaissance de ces structures (PRR pour pattern recognition receptor) ont été identifiés à la fois chez les vertébrés et chez de nombreux invertébrés. Ces récepteurs appartiennent à quelques grandes familles de protéines (leucine rich repeats, C-lectins, super-famille des immunoglobulines) mais ne sont pas toujours très conservés entre groupes d'animaux. En revanche, les voies de signalisation cellulaire associées sont bien conservées, entre la drosophile et l'homme par exemple. Chez les poissons, de nombreux récepteurs reconnaissant des PAMPs ont été identifiés, avec des fonctions certainement comparables à celles de leurs homologues chez les mammifères. Ainsi, des récepteurs similaires à Toll (TLR, pour Toll like receptor) ont été identifiés chez différentes espèces et sont souvent induits par des stimuli activateurs ou par des pathogènes (Roach et al , 2005). La connaissance de nombreux génomes complets de poissons a permis d'identifier l'ensemble des gènes codant les TLR dans des espèces très différentes et de mieux comprendre leurs rôles respectifs dans les différentes stratégies de défense de ces espèces. 3.3. Molécules induites : interféron et cytokines Comme chez les mammifères, la première réponse des poissons à l'infection virale est non spécifique. L'induction de la sécrétion d'un médiateur présentant les propriétés d'un interféron (IRF) par des virus est connue chez la truite arc-en-ciel depuis les années 1970 (de Kinkelin et Dorson, 1973). Ce médiateur, résistant au traitement acide et doté d'une forte activité antivirale, fut décrit chez différentes espèces de téléostéens. Cependant, l'identification formelle d'un interféron chez un poisson allait devoir attendre plus de trente ans puisque les premières séquences établies chez les interférons de type I ne furent publiées qu'en 2003 (Robertsen et al., 2003). Un gène similaire à celui de l'interféron γ des mammifères a aussi été identifié chez les poissons, suggérant que les deux types d'interférons sont présents chez les poissons et pourraient jouer un rôle dans la réaction antivirale (Zou et al., 2004). La diversité des IFN de type I chez les poissons est en fait considérable et a évolué en parallèle de celle qui est observée chez les mammifères (Boudinot et al., 2016). Par ailleurs, de nombreux gènes typiquement induits par l'interféron chez les mammifères (ISG pour interferon stimulated genes) ont été retrouvés chez les poissons. Ainsi, trois homologues des gènes Mx ont été identifiés chez la truite arc-en-ciel. Mx1 et Mx3 sont fortement induits par l'infection virale, le poly-C (un ARN double-brin de synthèse) ou même la vaccination génétique avec un plasmide exprimant la glycoprotéine du VSHV. Les promoteurs de ces ISG présentent 5 des séquences ISRE (interferon stimulating response elements) typiques, identiques à celles des promoteurs des ISG des mammifères. Différentes approches de comparaison des transcrits des cellules infectées ou non ont permis de caractériser, au cours des 20 dernières années, le répertoire des ISG des poissons. Par exemple, dès 2002, un criblage de banques soustraites obtenues par hybridation suppressive soustractive sur des cellules de pronephros a montré que la plupart des gènes induits par le VSHV dans les leucocytes du pronephros en culture étaient inductibles par l'interféron, confirmant le rôle essentiel de cette voie dans la réponse au virus (O'Farrell et al., 2002). Depuis, le développement des puces à ADN, puis du séquençage des répertoires complets des transcrits (RNA Seq), a permis de caractériser la réponse interféron de type I de manière quasi complète. 4. Récepteurs spécifiques de l'antigène chez les poissons : Igs et TCRs 4.1. Les immunoglobulines (Igs) ou anticorps Comme tous les gnathostomes, les poissons possèdent des Ig (figure 1), dont l'unité élémentaire est constituée de deux chaînes lourdes (H) et de deux chaînes légères (L), identiques deux à deux et divisées en domaines. La chaîne lourde comporte un domaine variable et quatre (ou plus) domaines constants, la chaîne légère un domaine variable et un domaine constant. La très grande diversité de ces protéines est due, comme chez les mammifères, aux réarrangements génomiques et somatiques qui rapprochent, au cours de la différentiation des lymphocytes, des segments géniques V (D) et J éloignés dans l'ADN germinal. L'analyse de la structure des locus d'immunoglobulines (figure 2), des transcrits et des protéines exprimées, puis l'identification de la recombinase RAG (impliquée dans la recombinaison V (D) J) et de la terminal-d-transférase (TdT) ont 6 ues Figgure 1. Reprrésentation schématiquue des différrents types de récepteuurs spécifiqu de ll'antigène. Figurre 2. Au loocus des Igss ou des TC CRs, l'ADN N génomiquee en configuuration germ minale compprend des seggments V (v variable), J (jjonction) et C (constant)) et aussi, poour certains locus, des ssegments D (pour ( diversité) souvent situés entree V et J. Au cours de la différent iatiion du lymphocyte, des réarrangem ments génom miques provo oqués par lees recombinnases RAG1 et 2 amènnent un V auu contact d'un J (ou d'unn D qui est lu ui-même recombiné sur uun J). Un traanscrit est allors produit à partir promoteur p siitué en amon nt du V réarrangé, puis ll'épissage éllimine l'introon séparant le J réarrang gé du segmeent C, aboutissant à l'AR RNm maturee codant pou ur une chaînne d'Ig ou dee TCR. 8 révélé des mécanismes de base similaires, dans la diversification des immunoglobulines par réarrangements génomiques, chez les poissons et chez la souris ou l'homme. Cependant, les immunoglobulines des poissons présentent des particularités originales (Flajnik, 2002 ; Fillatreau 2013). Les isotypes d'Ig sont différents chez les poissons et les mammifères. Des IgM typiques sont synthétisées et sécrétées par les lymphocytes B. Les IgM du sérum sont tétramériques (PM = 800 kDa) et non pentamériques, comme chez les autres vertébrés. Une particularité unique aux téléostéens est que ces IgM ne sont pas constituées d'oligomères uniformément liés par des ponts disulfures. La signification fonctionnelle de ces formes différentes demeure en grande partie inconnue mais cette diversité structurale semble constituer une caractéristique générale des IgM des téléostéens. Les patrons d'épissage qui sont à l'origine des transcrits de chaînes lourdes des IgM membranaires ou sécrétées sont également atypiques chez les poissons. Ainsi, chez les téléostéens, l'épissage sur l'exon codant le domaine transmembranaire s'effectue à partir de la fin du domaine CH3, et non de la fin du domaine CH4 comme chez les autres vertébrés. Chez les holostéens, des sites cryptiques d'épissage situés dans le CH4 peuvent aboutir à un patron « classique ». Par ailleurs, les IgM d'un poisson antarctique présentent un profil de glycosylation et deux insertions ‒ à la limite V/CH1 et à la limite CH2/CH3 – qui autorisent une grande flexibilité aux basses températures. Un second isotype retrouvé chez les poissons osseux est l'IgD, identifiée d'abord chez le "channel catfish", puis chez des salmonidés et la morue. Comme les mammifères, les gènes CHδ sont situés juste après les gènes codant pour la chaîne μ. Les transcrits IgHδ sont obtenus comme chez les mammifères par l'épissage particulier d'un long transcrit comprenant la région constante codant pour Cμ. Certains domaines Cδ, mais pas tous, présentent des similarités significatives et préférentielles avec des domaines de l'IgD des primates ou des rongeurs. L'IgD transmembranaire est coexprimée avec l'IgM à la surface de certaines sous-populations de lymphocytes B. La fonction de cet isotype reste largement inconnue chez les poissons. Enfin, le troisième isotype identifié chez les téléostéens est l'IgT (IgZ chez le « poissonzèbre ») récemment découvert chez la truite arc-en-ciel (Hansen et al., 2005). Cet isotype utilise le même ensemble de segments variables VH que l'IgM et l'IgD mais aussi une série distincte de segments D, J et C. 4.2. Les récepteurs de l'antigène des cellules T (TCRs) Les poissons possèdent également des récepteurs spécifiques de l'antigène exprimés par leurs lymphocytes T (TCR, pour T cell receptor). Les gènes des chaînes β du TCR ont été identifiés chez la truite arc-en-ciel, puis ceux des chaînes α (Partula et al., 1995 ; Partula et al., 1996). Les gènes de TCR αβγδ ayant été ensuite trouvés chez un poisson cartilagineux, il apparut que tous les gnathostomes devaient posséder des lymphocytes T αβ et γδ tels qu'on les connaissait chez les mammifères. Les gènes du TCR ont en effet été décrits depuis chez de nombreuses espèces de poissons. Ainsi, la séquence complète des transcrits TCRα et β est maintenant disponible chez la truite arc-en-ciel, le saumon atlantique, le "channel catfish", la morue, la demoiselle bicolore (Stegastes partitus), et le cardeau hirame (Paralichthys olivaceus). La structure générale du TCRαβ des poissons n'est pas fondamentalement différente de celle du TCRαβ de l'homme ou de la souris : il est constitué de deux chaînes comportant chacune deux domaines (V et C), une région transmembranaire et une courte région intracytoplasmique. Comme chez les mammifères, les TCR ne sont pas sécrétés mais exprimés à la surface des lymphocytes T. Des transcrits très similaires aux transcrits des chaînes CD3γ ou δ et ε des mammifères ont été identifiés chez plusieurs espèces de poissons, ce qui suggère que la transmission du signal de liaison à l'antigène passe également par un complexe de protéines transmembranaires de type CD3 associé au TCR. La diversité potentielle – c'est-à-dire la divers autorisée par la constitution génomique des locus - des TCR α et β est considérable, sans doute du même ordre que chez l'homme ou la souris (Charlemagne et al., 1998). Par exemple, les segments Vβ de la truite arc-en-ciel peuvent être classés en 10 familles dont certaines possèdent plusieurs membres (Boudinot et al., 2002). Les jonctions VβDβJβ exprimées semblent d'ailleurs extrêmement diverses, enrichies par l'ajout de nucléotides lors de la recombinaison (diversité N). Cette observation est d'ailleurs en accord avec l'expression de la terminal-d-transférase (TdT), l'enzyme qui procède à ces adjonctions de N nucléotides, aux sites de différenciation lymphopoïétique. Le locus du TCRγ d'un poisson proche parent du fugu, Tetraodon nigroviridis, a été étudié en détail. Les locus TCR α et δ sont liés, comme chez les autres vertébrés. Certains TCR de poisson présentent cependant des caractéristiques structurelles originales. 5. CMH et présentation de l'antigène La présence de gènes typiques du complexe majeur d'histocompatibilité de classes I et II constitue un autre aspect important des réponses cellulaires T chez les téléostéens (Flajnik et al., 2003). Ces gènes codent pour des protéines membranaires impliquées dans la compatibilité tissulaire et exprimées à la surface de cellules présentatrices des antigènes. Ces protéines du CMH de classes I et II présentent aux lymphocytes T (respectivement T CD8+ « cytotoxiques » et T CD4+ « auxiliaires ») des peptides issus de la dégradation des protéines antigéniques par les cellules présentatrices. Les protéines du CMH de classes I et II sont extrêmement variables dans les populations de poissons comme chez les mammifères, ce qui constitue une adaptation, à cette échelle, à la diversité des antigènes et des organismes pathogènes. La diversité des CMH explique en partie la variabilité de sensibilité des individus d'une même espèce vis-à-vis des organismes pathogènes et constitue un marqueur privilégié à prendre en compte dans l'étude des mécanismes de résistance aux maladies (Grimholt et al., 2003). 6. Caractéristiques des réponses immunitaires spécifiques chez les poissons, bases de la vaccination Les caractéristiques globalement conservées des Ig et des TCR des poissons suggèrent que ces récepteurs participent de manière classique à des réponses immunitaires spécifiques des antigènes qu'ils reconnaissent, suivant les mêmes principes que chez l'homme et la souris. Même si les connaissances sur les modalités et les mécanismes de régulation des réponses immunitaires sont plus réduites chez les poissons que chez l'homme ou la souris, il est certain qu'Ig et TCR interviennent effectivement dans l'élaboration de réponses spécifiques de l'antigène. 6.1. Anticorps et réponse humorale Chez un mammifère, l'injection d'un immunogène est suivie le plus souvent de la synthèse d'IgM sériques, suivie par celle d'IgG (commutation isotypique). Lors d'une seconde injection, un pic d'IgM sensiblement identique au premier est observé, mais le pic d'IgG est à la fois plus précoce et beaucoup plus élevé que lors de la première injection. Chez les poissons, l'injection d'un immunogène induit également une réponse B qui se manifeste par la production d'anticorps spécifiques de cet immunogène. Des expériences classiques, effectuées avec des antigènes appartenant aux catégories « T dépendants » et « T indépendants » définies chez les vertébrés supérieurs ont fait conclure à l'absence de réponse secondaire. Après réexposition à des immunogènes complexes (bactéries en particulier), une accélération et une amplification de la réponse ont pu être observées, sans commune mesure cependant avec celles qui s'expriment chez les vertébrés supérieurs. De toute façon, elles ne s'accompagnent pas de l'intervention d'une deuxième classe d'immunoglobulines ni d'une augmentation aussi marquée de l'affinité des anticorps. Et lors des réponses secondaires, les mécanismes efficaces de rediversification des gènes d'immunoglobulines constatés dans les centres 11 germinatifs des mammifères ne sont pas retrouvés chez les poissons, qui ne possèdent pas de telles structures. La diversité des réponses anticorps des vertébrés à sang froid semble donc assez nettement inférieure à celle que l'on peut observer chez l'homme ou la souris (Kaattari et al., 2002). Cependant, les anticorps de poissons sont tout à fait spécifiques et garantissent une très bonne protection contre certains organismes pathogènes dont ils aissent des antigènes. Par exemple, l'infection de la truite par un virus atténué de la SHV induit chez les poissons traités des taux significatifs d'anticorps neutralisants (IgM). Ces anticorps sont associés à une protection systématique lors d'une épreuve virale et transmettent la protection lorsqu'ils sont administrés à des animaux naïfs (transfert passif ou adoptif). Ils autorisent également le diagnostic sérologique et surtout le dépistage de certaines infections (SHV, NHI, NPI), particulièrement précieux pour les études épidémiologiques (voir GSP, chapitre 2)1. Par ailleurs, la diversité du répertoire des immunoglobulines est suffisante chez les téléostéens pour garantir des réponses anticorps contre les organismes pathogènes de l'environnement. 6.2. TCR et réponse cellulaire L'existence de réponses cellulaires spécifiques a été d'abord suggérée par des expériences de rejet de greffes. L'identification chez les poissons de molécules de classe I et II typiques et polymorphes, ainsi que l'expression de différentes protéines impliquées dans l'apprêtage des peptides, suggèrent que des peptides sont effectivement présentés aux lymphocytes T. L'étude du répertoire des transcrits TCRβ par une méthode de visualisation de la diversité des longueurs de CDR3 a permis de mettre en évidence une vive réponse polyclonale (réponse dite « publique ») contre le virus de la SHV, dont certains clones sont retrouvés chez tous les animaux analysés (Boudinot et al., 2001). L'existence de cellules T cytotoxiques chez les poissons a aussi été démontrée (Utke et al., 2007). L'obtention de nombreuses lignées cellulaires de "channel catfish" a ainsi permis de distinguer des cellules cytotoxiques, qui tuent spécifiquement des cellules autologues qui présentent l'antigène, et des cellules tueuses de type NK (Stuge et al., 2000). 6.3. Réponse spécifique et température, influence d'autres facteurs (photopériode, contexte hormonal) Les réponses immunitaires sont relativement lentes chez les poissons, au moins pour les espèces d'eau froide. La température constitue clairement un facteur-clé de l'efficacité 1 De Kinkelin P., Michel C., Morand M., Bernardet J-F., Castric J., Morin T., 2018. Le diagnostic de laboratoire. In : Gestion de la santé des poissons (C. Michel coord.), collection Synthèses, éditions Quae, Versailles,143-205. 12 des réponses immunitaires des poissons et les basses températures induisent un état d'immunodépression chez de nombreuses espèces. Ce facteur a été particulièrement étudié chez le "channel catfish" (Bly et al., 1997) dont l'élevage enregistre des pertes sévères dues à des infections importantes après des chutes de température. Si la température passe de 23 °C à 11 °C en 24 heures, les réponses in vitro des lymphocytes T et B de cette espèce sont fortement altérées pour 3 à 5 semaines. La réponse immunitaire contre des antigènes « T dépendants » est la plus affectée, ce qui suggère que les cellules T pourraient être particulièrement sensibles aux basses températures. Chez la truite arc-en-ciel, des réponses T intenses dirigées contre le virus de la SHV ont pu être identifiées à 16 °C, mais pas à 10 °C. Au contraire, l'induction d'anticorps dirigés contre des rhabdovirus est observée chez la carpe, même à 10 °C, peut-être par des voies non dépendantes des cellules T (Baudouy et al., 1980). Des mécanismes de l'immunité non spécifique sont aussi certainement affectés. Les modifications de la réponse immunitaire au cours de l'année ne semblent pas déterminées seulement par les variations de température. Il semble bien que, chez différentes espèces de poissons, la production d'anticorps induite par l'immunisation soit supérieure en été. Néanmoins, les femelles immatures et les mâles répondraient mieux que les femelles matures. Ainsi, le contexte hormonal et la photopériode à la date de l'immunisation influencent sans doute la réponse immunitaire, suivant des mécanismes encore peu étudiés. 6.4. Les ovules contiennent-ils des anticorps protecteurs? La présence d'immunoglobulines dans le vitellus a été décrite à différentes reprises, à l'aide de réactifs anti-Ig essentiellement. Un transfert de protection par des anticorps spécifiques couplés aux ovules permettrait d'expliquer certaines observations de mortalité réduite dans la descendance de truites vaccinées contre la NHI, en comparaison avec des truites témoins (Oshima et al., 1996). En fait, les études montrant un transfert d'immunité maternelle n'ont pas clairement établi la spécificité de la réponse (par exemple, en testant la protection des alevins contre un pathogène proche mais dont la réactivité antigénique est différente). La protection observée pourrait donc être médiée par des protéines du complément par exemple, qui sont effectivement transférées aux oeufs. Le rôle des anticorps dans le transfert de protection de la mère à sa descendance reste très incertain. 7. Ontogénie de la compétence immunitaire chez les poissons L'âge du poisson et surtout la taille à partir desquels on peut commencer à vacciner avec des chances de succès sont des paramètres essentiels. Si les risques de déclencher une hypersensibilité semblent faibles, celui de provoquer une tolérance en tentant d'immuniser des poissons trop jeunes a été suggéré par plusieurs études. C'est pour les salmonidés vaccinés par bain contre Vibrio anguillarum et Yersinia ruckeri (Johnson et al., 1982) que l'étude la plus complète a été publiée : il en ressortait que dès le poids de 1 g l'immunité conférée était satisfaisante et durait 120 j, que lorsque les poissons pesaient 2 g à la vaccination ce temps montait à 180 j, pour dépasser un an lorsqu'on 13 opérait à 4 g. Ceci était valable, à quelques nuances près, pour les 5 espèces du genre Oncorhynchus testées. Toujours chez les salmonidés, opérer la vaccination le plus tôt possible était déterminant dans le cas de la NPI. Des alevins de truite arc-en-ciel en fin de résorption, âgés de 3 semaines et d'un poids moyen de 0,12 g, peuvent être « vaccinés » par injection. En revanche, la protection après immersion apparaît plus qu'aléatoire, bien qu'une publication (Scotland et al. 1990) fasse état de la possibilité d'« immuniser » par bain dans du virus formolé des alevins d'omble de fontaine, à condition d'observer une fenêtre d'intervention très précise (2 à 3 semaines après éclosion pour un poids de 50 mg). C'est chez le "channel catfish" Ictalurus punctatus que les records de précocité ont été établis avec un vaccin « vivant » administré bain contre Edwardsiella ictaluri : une semaine après éclosion (Shoemaker et al. 1999), et même in ovo puisque des oeufs oeillés auraient été « vaccinés » avec succès. Le taux de protection atteignait 60 % mais tombait à 27 % après rappel ultérieur et les auteurs attribuaient ce résultat paradoxal à une tolérance. Une analyse plus précise de la spécificité et de la durée de la protection serait nécessaire pour vérifier qu'il s'agit bien d'une vaccination et non d'une stimulation non spécifique assurant une immunité transitoire. En effet, des vaccins génétiques ou vaccins ADN ont aussi été utilisés chez de très jeunes poissons pour induire avec succès une protection, par exemple contre la SHV. 8. Conclusions et perspectives : intérêt théorique et pratique de l'étude du système immunitaire des poissons Les poissons osseux constituent le plus grand groupe connu de vertébrés, qui compte sans doute plus de 25 000 espèces. Ils présentent une diversité étonnante de formes, de couleurs mais aussi de modes de vie et d'adaptations physiologiques. Les capacités d'adaptation de ces vertébrés qualifiés improprement de « primitifs », leur ont en effet permis de coloniser tous les milieux aquatiques dans des conditions extrêmes de température, d'anoxie ou de pression. Certains groupes de poissons osseux peuplent les milieux aquatiques depuis l'ère primaire. Ils constituent donc des modèles très intéressants pour l'étude de l'émergence du système immunitaire des vertébrés. Par ailleurs, la connaissance des organismes pathogènes des poissons d'élevage a conduit à la mise au point de méthodes de lutte préventives, en particulier vaccinales, mais aussi à des stratégies curatives fondées en particulier sur les antibiotiques. Pour autant, les traitements préventifs ou curatifs disponibles contre les organismes pathogènes des poissons sont encore bien insuffisants. Le développement de programmes de vaccination économiquement viables chez les poissons d'élevage est en effet rendu extrêmement difficile par la très faible valeur individuelle des animaux, qu'il faut vacciner très jeunes contre certaines maladies, pour un coût presque nul. L'administration d'antibiotiques aux poissons d'élevage devient de plus en plus sévèrement réglementée. La mise au point de nouvelles stratégies de lutte contre les organismes pathogènes est donc plus que jamais souhaitable, alors que le 14 développement d'une aquaculture efficace et « soutenable » apparaît de plus en plus nécessaire face à l'épuisement des stocks de po sauvages. L'étude des systèmes immunitaires des poissons trouve donc son intérêt dans ces deux aspects : le développement des connaissances sur l'immunité d'espèces « modèles » en biologie, comme le poisson zèbre, et la mise au point de stratégies plus directes et moins empiriques pour lutter contre les organismes pathogènes des espèces d'élevage..
33,682
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01239912-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,855
13,476
Le but de notre travail consiste à implanter des mécanismes pour leur utilisation dans le cadre de RTSJ. Cette spécification requiert au minimum la présence d'un ordonnanceur à priorités fixes préemptif, non oisif. Nous n'étudions donc dans la suite que ce type d'ordonnanceur. Chapitre 3 Analyse de faisabilité L'étude des paramètres des tâches pour déterminer la faisabilité du système sous une politique d'ordonnancement donnée s'appelle l'analyse de faisabilité∗. Un système est faisable si chacune des tâches qui le composent est faisable, c'est-à-dire peut respecter toutes les contraintes temporelles qui lui sont attachées. Dans ce chapitre, nous présentons les principes fondamentaux de l'analyse de faisabilité pour les algorithmes d'ordonnancement les plus utilisés. Nous commençons par étudier le cas des modèles de tâches les plus simples pour aller progressivement vers un modèle plus général. Analyse de faisabilité Une analyse de faisabilité a pour but de garantir le respect des paramètres temporels attachés à l'ensemble des tâches temps réel constituant le système. Pour obtenir cette garantie, il faut déterminer un test de faisabilité ou condition d'ordonnançabilité. La condition recherchée peut être une condition nécessaire, une condition nécessaire et suffisante, ou même si l'on a besoin de déterminer la faisabilité de façon rapide mais certaine, simplement suffisante. Trois principales approches sont possibles pour déterminer un test de faisabilité : l'étude de la charge du système, celle de la demande processeur, et l'analyse des temps de réponse des tâches. 3.1 Étude de la charge Dans un système composé uniquement de tâches périodiques, l'équation 3.1 permet de calculer la charge. U= n X Ci i=1 Ti (3.1) Une charge égale à 1 est maximale, car elle correspond à la situation où à tout instant de la vie du système du travail est en attente. Une condition nécessaire de faisabilité pour le système est donc simplement d'avoir une charge inférieure ou égale à 1. 43 CHAPITRE 3. ANALYSE DE FAISABILITÉ Cette condition n'est pas suffisante pour un ordonnanceur à priorités fixes préemptif. On peut en effet facilement exhiber un système avec une charge inférieure à 1 mais non faisable, comme c'est le cas pour l'exemple du tableau 2.1 page 39. La charge est égale à 2/6 + 3/7 + 3/15 = 101/105 < 1. Pourtant les ordonnancements résultant de RM et de DM présentent des dépassements d'échéances (respectivement aux temps 4 et 15). Dans le cas Di = Ti, ce test est nécessaire et suffisant pour EDF. Toujours avec l'hypothèse de l'échéance sur requête (Di = Ti ), une condition suffisante basée sur la charge est donnée pour RM par l'équation 3.2. U ≤ n(21/2 − 1) (3.2) Cette condition n'est pas nécessaire, on a d'ailleurs vu que la borne d'utilisation processeur pour un système faisable avec RM était fixée expérimentalement à 88%, or limn→∞ n(21/2 − 1) = ln 2 ≃ 0.69. 3.2 Étude de la demande processeur Alg. 1 Déterminer la faisabilité du niveau de priorité i P 1: wi ← k≤i Ck 2: loop 3: if wi > Di then 4: return false 5: end if 6: t ← wi P l m 7: wi ← k≤i Ttk Ck 8: if t = wi then 9: return true 10: end if 11: end loop Nous nous plaçons dans un premier temps dans l'étude du modèle de tâche 2, restreint aux conditions Di ≤ Ti et ri = 0. Cette section présente un test de faisabilité nécessaire et suffisant pour un système à priorités fixes préemptif, avec pour toutes les tâches Di ≤ Ti. Ce test se base sur l'étude de la demande processeur. Nous allons, pour chaque niveau de priorité i, vérifier la condition nécessaire suivante : il existe un instant t dans l'intervalle ]0, Di ] tel que t = wi (t) ; où wi (t) est la quantité de travail demandée par les tâches de priorité supérieure ou égale à i dans l'intervalle [0, t[. Cette condition exprime le fait qu'il doit exister un instant inférieur à l'échéance de la tâche pour lequel toutes les demandes processeur des tâches de priorités supérieures et de la tâche étudiée sont satisfaites. Autrement dit, la somme 3.3. CALCUL DU PIRE TEMPS DE RÉPONSE EN PRIORITÉ FIXE 45 t 8 13 15 w3 (t) 13 15 18 Tab. 3.1 – Application de la procédure 1 à la tâche τ3 de l'exemple 2.2 des retards subis par la tâche en raison des tâches plus prioritaires plus le coût de la tâche est inférieure à son échéance. La quantité de travail demandé à un niveau de priorité i à l'instant t, wi (t) est donné par l'équation 3.3. Comme expliqué dans les notes de lecture au début de ce manuscrit, nous s choisit pour convention d'attribuer la valeur numérique la plus petite à la priorité la plus forte. X t Ck wi (t) = T k k≤i ∃?t = min{t = wi (t)} t≤Di (3.3) (3.4) La procédure 1, équivalente à résoudre l'équation 3.4, est donc un test suffisant et nécessaire de faisabilité pour la tâche τi. En la réitérant sur toutes les tâches, on obtient un test de faisabilité pour le système. Cette procédure est convergente car la fonction wi (t) est croissante. 3.3 Calcul du pire temps de réponse en priorité fixe Pour les systèmes avec des échéances indépendantes des périodes, la seule solution reste de calculer pour chaque tâche le pire temps de réponse. Le système est alors faisable à condition que le pire temps de réponse de chaque tâche soit inférieur à son échéance. Le pire temps de réponse d'une tâche est le temps maximal qui peut s'écouler entre l'activation d'une instance de cette tâche et la fin de l'exécution de cette instance, ceci dans les pires scénarios d'activation et d'exécution. Pour calculer ce pire temps de réponse, il faut commencer par identifier le pire scénario d'activation. Ce dernier dépend du modèle de tâche. Par exemple, pour le modèle 1, il est CHAPITRE 3. ANALYSE DE F É t 18 21 23 26 28 w3 (t) 21 23 26 28 28 Tab. 3.2 – Application de la procédure 2 à la tâche τ3 de l'exemple 2.2 prouvé que le scénario d'activation conduisant aux pires temps de réponse est le scénario synchrone, où toutes les tâches sont activées en même temps. En revanche, si l'on considère le modèle 3 pour lequel il existe une gigue d'activation, le pire scénario est toujours celui où les tâches arrivent au plus tôt. Une fois le pire scénario d'activation identifié, il faut calculer la durée de la période à étudier. On appelle période occupée de niveau i (bpi )∗ une période de temps pendant laquelle le processeur exécute des tâches de priorité supérieure ou égale à Pi. La plus longue bpi résulte du pire scénario d'activation discuté dans le paragraphe précédent. Il est montré que le pire temps de réponse d'une tâche est obtenu durant la bpi résultant du pire scénario d'activation. Lorsque l'on connait le pire scénario d'activation et que l'on a calculé la bpi qui en résulte, il reste à calculer les temps de réponse de chaque instance de τi qui est activée dans cette période. Le pire temps de réponse de la tâche est alors le maximum de ces valeurs. 3.3.1 Calcul de la période occupée de niveau i Alg. 2 Déterminer la période occup ée de niveau i P 1: wi ← k≤i Ck 2: loop 3: t ← wi P l m 4: wi ← k≤i Ttk Ck 5: if t = wi then 6: return t 7: end if 8: end loop bpi = min{t = wi (t)} t>0 (3.5) La procédure 2, équivalente à résoudre l'équation 3.5, permet de calculer la bpi. Cette équation est très similaire à la procédure 1, à la différence que l'on ne s'arrête pas lorsque l'échéance est dépassée. Pour résoudre l'équation il faut faire à l'instant t le bilan entre le travail demandé par les tâches de priorité i et de plus forte priorité d'une part, et le temps écoulé d'autre part. Lorsque le travail demandé depuis le commencement est égal au temps écoulé, la bpi résultant du scénario d'activation le moins favorable est terminée. 3.3. CALCUL DU PIRE TEMPS DE RÉPONSE EN PRIORITÉ FIXE 47 Si nous reprenons une nouvelle fois l'exemple de la tâche τ3 de la figure 2.2, et que nous poursuivons le calcul des w3 (t) présenté dans le tableau 3.1, on obtient alors le tableau 3.2 qui nous indique que la période occupée de niveau 3 qui commence au temps 0 est de 28 unités de temps. Si l'on étudie la tâche τ3 dans l'intervalle [0, 28], sont pire temps de réponse sera rencontré. 3.3.2 Calcul du temps de réponse d'une instance On cherche à calculer le temps de réponse de l'instance j de la tâche τi, en numérotant les instances à partir de 1. Sa date de terminaison, notée Fij, est donnée par l'équation 3.6. Fij = min{t = wi−1 (t) + (j − 1)Ci } (3.6) t>0 Son temps de réponse, Rij, est alors la différence entre sa date de terminaison et sa date d'activation. Il est donné par l'équation 3.7. Rij = Fij − (ri + (j − 1)Ti ) 3.3.3 (3.7) Test de faisabilité basé sur les pires temps de réponse Nous connaissons bpi, la durée de l'intervalle d'étude. On obtient alors Qi, le nombre d'instances de τi qu'il faut étudier, par l'équation 3.8. bpi Qi = Ti (3.8) Ces instances sont activées respectivement aux instants {ri, ri + Ti,, ri + (Qi − 1)Ti }. Il faut alors calculer les temps de réponse de toutes ces instances, donnés par l'équation 3.7. Le pire temps de réponse de τi, noté Ri, est la plus grande de ces valeurs (équation 3.9). Ri = max j∈{1,,Qi } Rij (3.9) Un test suffisant et nécessaire de faisabilité est alors de vérifier l'équation 3.10. ∀i, Ri ≤ Di (3.10) Une procédure pour calculer les pires temps de réponse obtenus avec un ordonnancement EDF est proposée dans [Spu96]. 48 3.4 CHAPITRE 3. ANALYSE DE FAISABILITÉ Si les tâches peuvent partager des ressources, l'accès concurrent à une même ressource par deux tâches peut provoquer une attente. Lorsqu'une tâche désire accéder à une ressource partagée, elle doit en premier lieu obtenir un verrou associé à cette ressource. Tant qu'elle ne relâche pas ce verrou, les autres tâches désirant accéder à la ressource sont bloquées. On dit que lorsqu'une tâche obtient un verrou, elle entre dans une section critique. Elle en sort lorsqu'elle relâche le verrou. Dans un contexte temps réel, partager des ressources peut entrainer des inversions de priorité. En effet, lorsqu'une tâche de faible priorité obtient un verrou, elle peut bloquer l'exécution des tâches plus prioritaires qui tenteraient par la suite d'obtenir le même verrou. Plusieurs protocoles dits de partage de ressources permettent de borner ces inversions de priorité. Il en ressort que l'on peut, comme nous l'évoquions dans la description du modèle de tâche 3, ajouter aux tâches un paramètre noté Bi, qui correspond au temps de blocage maximal qu'elle peut subir à cause d'un partage de ressource. Notons ici qu'une tâche peut très bien être bloquée à cause de l'accès à une ressource qu'elle même n'utilise jamais. Lors de l'analyse de faisabilité, il suffit d'ajouter ce paramètre supplémentaire au pire temps de réponse de chaque tâche. Le temps de blocage maximal, Bi, dépend du protocole de partage de ressource utilisé. Les plus connus sont Priority Inheritance Protocol (PIP)∗ et Priority Ceiling Protocol (PCP)∗ [SRL90]. Avec PIP, si une tâche de priorité basse τb possède un verrou sur une ressource, lorsqu'une tâche de plus forte priorité τh demande ce verrou, τb hérite de la priorité de τh jusqu'à ce qu'elle relâche le verrou. Avec PCP (ou Original Ceiling Priority Protocol (OCPP)∗ ), si une tâche de priorité basse τb possède un verrou sur une ressource, lorsqu'une tâche de plus forte priorité τh demande un verrou sur cette ressource ou sur une autre, la tâche de basse priorité τb hérite de la priorité plafond de la ressource qu'elle possède jusqu'à ce qu'elle relâche le verrou. Par conséquent, si la priorité de τh est plus faible que celle de la ressource détenue par τb, elle sera bloquée. Le protocole Immediate Ceiling Priority Protocol (ICPP)∗ repose sur la même idée, à la différence qu'une tâche qui obtient un verrou hérite immédiatement de la priorité plafond de la ressource concernée. Pour la norme POSIX∗, ICPP est appelé Priority Protect Protocol (PPP)∗ alors que dans RTSJ, on le retrouve sous le nom de Priority Ceiling Emulation (PCE)∗. Chapitre 4 Gestion des tâches non périodiques Nous avons vu précédemment qu'un système temps-réel devait être composé de tâches possédant des paramètres d'activation prévisibles, afin de pouvoir étudier la faisabilité du système de façon statique. Pourtant, la majorité des événements du monde réel sont de nature apériodique, et le système doit être capable de les gérer tout en continuant à garantir le respect des contraintes temporelles des autres tâches (souvent périodiques). 4.1 Approche sporadique L'approche sporadique est utilisée lorsque le traitement d'un événement apériodique est aussi important pour le système que les autres tâche à échéance stricte. Elle consiste à assigner une pseudo période à une tâche de nature non périodique. Cette pseudo période correspond à borner la fréquence d'arrivée de deux requêtes successives de cette tâche. Cette valeur peut être arbitraire, ou découler d'une caractéristique réelle de l'événement. Si la valeur est arbitraire, la tâche pourra donc en pratique arriver plus souvent. Il faudra alors veiller à traiter dynamiquement cette violation du temps minimal d'inter arrivée. Plusieurs approches sont possibles : la requête qui arrive trop tôt peut être ignorée, elle peut être mise en file d'attente pour être réactivée à la prochaine pseudo période, elle peut encore remplacer la requête en attente la plus ancienne. Ces approches sont déjà intégrées dans RTSJ, comme nous le verrons au chapitre 6. Aussi nous sommes nous davantage intéressés aux approches de traitements d'événements apériodiques à contrainte souple durant nos travaux. 4.2 Ordonnancement en tâche de fond L'approche BS consiste à traiter les tâches apériodiques en arrière plan du trafic temps réel dur : les tâches apériodiques ne sont traitées que lorsque le processeur est libre, et immédiatement préemptées si une tâche à échéance stricte est activée. Cette approche ne répond qu'en partie à la problématique de l'ordonnancement mixte. Elle permet en effet de s'assurer que le traitement des événements apériodiques ne peut pas perturber l'exécution des tâches à échéance stricte, et par conséquent ne remet pas en question les garanties fournies par l'analyse de faisabilité. En revanche, rien n'est fait pour tenter de minimiser les temps de réponse des événements apériodiques. Cette solution est par ailleurs très simple à mettre en oeuvre : il suffit de réserver la priorité temps réel la plus faible pour traiter les événements apériodiques, ou une plage de plusieurs priorités faibles si une hiérarchie existe entre ces événements. Cette stratégie fonctionne aussi bien pour un ordonnanceur à priorités fixes que pour un ordonnanceur à priorités dynamiques. Le seul surcoût d'exécution réside dans la gestion de la ou des files d'attente pour les traitements apériodiques. Il faudra également veiller à gérer d'éventuels dépassements de la taille de cette ou de ces files. La figure 4.2(b) page 57 présente un exemple d'utilisation du BS. 4.3. SERVEUR À SCRUTATION à scrutation Les serveurs de tâches ont été introduits pour la première fois en 1987 par Lehoczky, Sha et Strosnider dans [LSS87]. Cette publication propose trois algorithmes de service : le PS, le DS et le Priority Exchange Server (PES)∗. Les propriétés de ces politiques et la mise au point de nouvelles ont depuis fait l'objet de nombreux travaux. En particulier, une analyse approfondie du DS pourra être trouvée dans [SLS95], le Sporadic Server(SS)∗ est introduit dans [SSL89, Spr90] et le Extended Priority Exchange Server (EPES)∗ dans [SLS88]. Nous présentons ici le PS, appelé en français « serveur à scrutation ». Ce serveur est une tâche périodique ordinaire, possédant par conséquent une période et un coût. Cette tâche est chargée de traiter les tâches apériodiques dans la limite de ce coût, que l'on appelle capacité maximale. Pour cela, le serveur peut accéder à une file d'attente dans laquelle sont ajoutés les traitements associés au événements apériodiques qui surviennent. 4.3.1 Si les événements apériodiques possèdent une échéance au-delà de laquelle leur utilité pour le système devient nulle, il est possible d'analyser dynamiquement la faisabilité de la 52 CHAPITRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES tâche, c'est-à-dire d'effectuer un test permettant de savoir si elle a une chance de respecter son échéance. Si le test est négatif, la tâche peut être abandonnée tout de suite. On appelle ce procédé un contrôle d'admission. Dans un premier temps, il est plus facile d'étudier le cas particulier d'une seule requête apériodique, Ja, qui survient à l'instant ra, avec un coût Ca et une échéance relative Da. Nous notons la période du serveur Ts et sa capacité Cs. Dans le pire cas de figure, Ja survient juste après une période du serveur, c'est à dire ra = αTs + ǫ, et la tâche va donc devoir attendre la période suivante avant de commencer. Si on suppose que Ca ≤ Cs, une condition suffisante de faisabilité est donnée par l'équation 4.1. 2Ts ≤ Da (4.1) Si on lève la contrainte sur Ca, il faut au plus ⌈Ca /Cs instances du serveur pour exécuter Ja. La condition suffisante de faisabilité est alors donnée par l'équation 4.2. Ca Ts ≤ Da Ts + Cs (4.2) Ces conditions ne sont que suffisantes. On ne peut avoir un test nécessaire et suffisant que si l'on exécute le serveur à la plus forte priorité. En effet, dans ce cas particulier, on sait que le serveur exécute des tâches uniquement entre les instants αTs et αTs + Cs. Soit Ga l'instance du serveur qui débutera l'exécution de Ja, Fa le nombre de fois que le serveur va devoir dépenser toute sa capacité pour traiter Ja et Ra le temps nécessaire pour terminer le traitement de Ja dans la dernière instance du serveur. Si on note da l'échéance absolue de Ja, et que les instances du serveur sont numérotées en partant de 0, la condition nécessaire et suffisante est alors de vérifier l'équation 4.3.  C (t, P ) − c (t)  ape k s  −1 Fk =    Cs  t avec G = k   Ts     R = C (t, P ) − c (t) − F C k ape k s k (4.4) s Notons qu'une portion de Cape (t, Pk ) égale à cs (t) est immédiatement exécutée, c'est pourquoi on a les équations précédentes pour Fk, Gk et Rk. Pour savoir si l'arrivée d'une nouvelle tâche apériodique Ji est faisable et ne modifie pas la faisabilité des autres tâches apériodiques, il faut donc vérifier l'équation 4.5, où na est le nombre de tâche apériodiques acceptées. ∀ k ∈ {1 ,, na }, f k ≤ dk ( 4.5 ) Il est également possible de supposer que le serveur traite les tâches dans l'ordre de leur arrivée. Dans ce cas l'admission d'une nouvelle tâche ne perturbe pas la faisabilité des tâches déjà acceptées et il suffit de vérifier la faisabilité de Ja. 4.3.2 Gestion de ressources partagées Si les tâches à échéance stricte sont autorisées à partager des ressources, un protocole pour borner les inversions de priorité doit être utilisé. Les tâches peuvent alors subir un temps de blocage maximal, qui doit être intégrer dans l'analyse de faisabilité. Cela n'interfère nullement avec le serveur, qui continue à se comporter comme une tâche périodique ordinaire puisque lui même n'accède à aucune ressource partagée et possède la priorité la plus élevée du système. En revanche, si l'on considère un partage de ressource entre les tâches temps réel dur et les tâches temps réel souple traitées par le serveur, cela implique que le serveur puisse subir un blocage, ou faire subir un blocage. Le serveur cesse alors de se comporter comme une tâche périodique ordinaire. En effet, si une tâche temps réel souple traitée par le serveur obtient un verrou, et que la capacité du serveur se trouve épuisée avant que la tâche n'ait relâché ce verrou, toutes les tâches temps réel dur qui devraient accéder à la même ressource se verraient bloquées au moins jusqu'à la prochaine instance du serveur. Comme il n'est pas possible de prévoir le modèle 54 CHAPITRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES DS τ1 DS Coût / capacité Période 2 4 2 5 1 0 0 0 001 11 00 11 1000 11 000 1 10 1 0 11 1 0 1 0 1 0 0 1 0 1 1 0 0 1 1 11 00 0 1 0 1 0 1 0 1 Time overflow τ1 Fig. 4.1 – Système faisable avec un PS, non faisable avec un DS d'arrivée des tâches apériodiques, il est impossible de borner le temps de blocage des tâches qui partagent des ressources avec des tâches apériodiques. Dans le cas d'une approche serveur de type PS, il semble donc impossible d'autoriser le partage de ressources entre les tâches périodiques et les tâches apériodiques. La solution consiste à s'assurer, lorsqu'une tâche apériodique demande un verrou, que la durée maximale de sa section critique, c est inférieur à la capacité restante du serveur. Si tel n'est pas le cas, l'obtention du verrou ne pourra être accordé et le serveur pourra soit se suspendre, soit ordonnancer la tâche apériodique suivante dans sa file. 4.4 Serveur ajournable « Serveur ajournable » est l'appellation en français du DS. Il est ainsi nommé car, s'il possède comme le PS une capacité et une période, il peut suspendre son exécution sans perdre sa capacité s'il n'a pas de tâche à traiter. Il est introduit en même temps que le PS dans [LSS87]. Sa période ne correspond plus aux instants où il peut être activé, mais à ceux où sa capacité est restaurée à sa valeur maximale. L'avantage de cette politique dite à conservation de capacité est une amélioration des temps de réponse des tâches apériodiques. En effet, dans la mesure où le serveur n'a pas encore utilisé toute sa capacité, une requête apériodique peut être traitée instantanément. Le gros défaut de cette politique est qu'elle rend caduque l'analyse de faisabilité classique pour le système. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre l'exemple de la figure 4.1. À l'instant 8, aucune tâche n'est exécutée, pourtant le serveur conserve sa capacité, lui 4.4. permettant d'empêcher l'exécution de la tâche périodique à l'instant 10, puisque survient en même temps un événement apériodique. Le phénomène observé entre les instants 10 et 14 est souvent appelé double hit, le serveur provoque le retard maximal pour la tâche moins prioritaire, à savoir deux fois sa capacité. Le scénario d'activation le moins favorable à analyser n'est plus l'activation synchrone du serveur avec l'ensemble des tâches, mais l'activation du serveur à un temps ts, suivi d'une activation synchrone des tâches utilisateur au temps t = ts + Ts − Cs. Le test de faisabilité nécessaire et suff isant basé sur l'utilisation du processeur pour les systèmes avec Di ≤ Ti, présenté dans le chapitre 3, est alors valable. Il en résulte que l'utilisation maximale du processeur en présence d'un DS est plus faible qu'avec un PS de même période et même capacité, puisque le test de faisabilité est plus pessimiste. C'est le prix à payer pour offrir de meilleurs temps de réponse aux tâches apériodiques. La figure 4.2(d) page 57 illustre l'utilisation d'un DS. 4.4.1 Comme le PS, le DS peut servir à exécuter des tâches apériodiques possédant des échéances souples. Dans ce cas, il faut fournir un test d'ordonnançabilité en ligne pour les tâches apériodiques. Nous reprenons les mêmes notations que pour le contrôle d'admission des tâches traitées par un PS. Dans un premier temps, nous considérons toujours le cas d'une seule tâche Ja. Lorsque Ja survient, trois cas de figures sont possibles : 1. Ca ≤ cs (ra ), alors Ja termine au temps fa = ra + Ca ; 2. Ca > cs (ra ) avec cs (ra ) inférieure au temps restant avant la prochaine activation du serveur, dans ce cas la portion de Ca exécutée par l'instance courante du serveur est ∆a = cs (ra ) ; 3. Ca > cs (ra ), mais le serveur va être réactivé, et donc sa capacité rechargée avant que cs (ra ) soit complètement consommée ; dans ce cas la portion de Ca exécutée par l'instance courante du serveur est ∆a = Ga Ts − ra. Dans les cas 2) et 3), la portion de Ca exécutée par l'instance courante du serveur est donnée par l'équation 4.6. ∆a = min(c s ( ra ), Ga Ts − ra ) (4.6) CHAPITRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES La date de terminaison de Ja, fa, est alors donnée par l'équation 4.7. fa = ( ra + Ca si Ca ≤ cs (ra ) (Fa + Ga )Ts + Ra sinon.  C − ∆  a a  Fa = −1    Cs  ra avec G = a   Ts     R = C −∆ −F C a a a a s (4.7) On peut étendre ce résultat pour un serveur traitant une quantité non bornée de requêtes en remplaçant dans les équations 4.6 et 4.7 Ca par Cape représentant la quantité de travail apériodique à fournir avant la fin de Ja. Comme pour le PS, si une priorité est affectée aux tâches apériodiques, il faudra revérifier l'ordonnançabilité de toutes les tâches moins prioritaires que Ja, alors que si le serveur traite les tâches dans leur ordre d'arrivée, une tâche admise l'est définitivement. 4.4.2 Gestion de ressources partagées Les remarques concernant le partage de ressources entre tâches périodiques et tâches apériodiques que nous avons faites sur le PS sont également valables pour l'étude du DS. Toutefois, lorsqu'une tâche apériodique servie par un DS demande un verrou et que la capacité restante, cr, du serveur est inférieure à la longueur de sa section critique, c, il convient de distinguer deux cas. Soit la prochaine période du serveur intervient avant l'épuisement de la capacité restante, soit elle intervient plus tard. Dans le premier cas, et si c ≤ cr + Cs, le verrou pourra être accordé à la tâche. Dans ce cas, dans le scénario le moins favorable, le temps de blocage maximal pouvant être infligé par le serveur sur une tâche partageant des ressources avec une tâche apériodique est égal à deux fois la capacité du serveur. 4.5 Vol de temps creux statique Les algorithmes de vol de temps creux ont été introduits par Lehoczky et RamosThuel dans [LRT92] et étendus aux tâches sporadiques temps réel dur dans [RTL93]. L'idée de départ est simple : puisque l'on veut seulement garantir qu'une tâche critique termine avant son échéance, mais que l'on souhaite qu'une tâche apériodique soit terminée le plus vite possible, alors si on peut calculer le retard maximal que chaque tâche périodique peut subir sans que cela n'entraine le dépassement de son échéance, ce retard peut être mis à profit pour l'exécution au plus tôt des tâches apériodiques. Le vol de temps creux se distingue de l'approche des serveurs par l'absence de réservation de ressource. 4.5. VOL DE TEMPS CREUX STATIQUE Ti 5 8 5 τ1 τ2 τs 57 Di 5 7 ∅ Ci 1 2 2 (a) Données 4ut 6ut 11 00 01 10 11 00 11 00 11 00 00 11 10 10 11 00 11 00 11 00 00 11 111 000 000 111 11 00 0 1 00 11 000 111 000 111 00 0 11 1 BS 111 00 000 11 00000 11111 00 11 τ1 1 0 0 1 τ2 0 5 10 15 20 25 30 (b) BS 4ut 11 00 1 0 1 0 0 1 0 1 0 1 0 1 0 1 1 0 00 11 00 11 00 11 00 11 11 00 11 00 00 000 11 111 000 111 000 111 5 10 τ1 τ2 PS 0 6ut 11 00 00 11 00 11 11 00 000 111 000 111 15 20 25 30 (c) PS 4ut 6ut 00 11 11 01 00 1 0 1 00 0 11 00 11 000 111 00 11 00 11 0 1 00 11 000 111 00 11 11 00 1 0 DS 11111 000 00000 111 111 000 000 111 τ1 1 0 τ2 0 5 10 15 20 (d ) DS Fig. 4.2 – Comparaisons BS, PS et DS 25 30 58 CH TRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES On essaye d'utiliser le plus tôt possible les futurs temps d'innocupation du processeur. Un voleur de temps creux est composé de deux éléments : un algorithme permettant de calculer le retard maximal que peut subir chaque tâche périodique à un instant t, et un algorithme qui utilise cette donnée pour ordonnancer les tâches apériodiques. 4.5.1 Calculs hors ligne La première étape consiste à calculer de façon statique la laxité du processeur en fonction du temps. La laxité du processeur au temps t est la durée pendant laquelle il peut suspendre tout traitement sans qu'aucune tâche ne rate son échéance. La fonction de laxité est une fonction croissante en escalier. On la note S(t). Pour obtenir cette fonction, il faut commencer par calculer les fonctions de laxité du processeur à chaque niveau de priorité, notées Si (t). La laxité du processeur au niveau de priorité i au temps t, encore appelée laxité de niveau i, est définie ici comme la somme de travail supplémentaire qui aurait pu être acceptée au niveau de priorité i dans l'intervalle [0, t] sans qu'aucune tâches de niveau de priorité i ne rate d'échéance. Pour que le processeur puisse se suspendre, il faut qu'il existe de la laxité pour tous les niveaux de priorité, on a donc la propriété 4.8. S(t) = min Sk (t) 1≤k≤n (4.8) Les fonctions Si (t) sont des fonctions croissantes en escalier. Croissantes car la laxité du processeur au niveau i est ici définie de manière cumulative, depuis l'instant initial. Les marches correspondent à l'échéance de chaque requête de la tâche, car à ces dates il est possible d'accepter plus de travail, puisque la contrainte de l'échéance à respecter se déplace dans le temps vers la prochaine échéance. Pour calculer les Si (t), on utilise l'équation 4.9, dans laquelle dij est l'échéance absolue de l'instance j de la tâche i, Sij est la valeur de la marche de l'escalier de Si (t) correspondant à l'instance j de la tâche i et Pi (t) la somme du travail périodique de priorité supérieur ou égal à i demandé à l'instant t (non inclus). Cette formule est en fait dérivée du test nécessaire et suffisant de faisabilité présenté dans le chapitre 3. min {Sij + Pi (t) = t} 0≤t≤dij 4.5.2 (4.9) Durant l'exécution du système, des accumulateurs sont mis en place, qui gardent en mémoire la somme de travail apériodique effectué ainsi que la durée d'inactivité de niveau i (le temps processeur utilisé à un niveau de priorité inférieur à i plus le temps d'inactivité 4.5. VOL DE TEMPS CREUX STATIQUE 59 du processeur) pour chaque niveau de priorité. Ces accumulateurs sont réinitialisés au début de chaque hyperpériode (plus petit commun multiple des périodes)∗. 4.5.3 Implantabilité et optimalité Optimalité Cet algorithme a d'abord été considéré comme optimal pour le problème général de minimisation des temps de réponse des tâches apériodiques (en ordonnancement préemptif non oisif à priorités fixes). En effet, il permet de démarrer instantanément la tâche apériodique lorsqu'elle survient, et pour le temps maximal au delà duquel un dépassement d'échéance serait provoqué. Pourtant, il a été montré par la suite [TLS96] que l'utilisation au plus tôt des temps creux n'avait pas forcément pour conséquence de minimiser le temps de réponse des tâches. La figure 4.3 page suivante présente un contre exemple. Les auteurs montrent également que seul un algorithme clairvoyant, connaissant le modèle d'arrivée des tâches apériodiques, peut résoudre de façon optimale le problème de la minimisation des temps de réponse de toutes les tâches apériodiques. Le vol de temps creux donne toutefois la valeur exacte de la laxité du système au plus tôt. Implantabilité Le principal inconvénient de cette technique est qu'elle nécessite de garder en mémoire un grand nombre de données, nombre qui dépend de la taille de 60 CH API TRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES 5ut 5ut 111111 000000 HP 000000 111111 00000 11111 00000 11111 111111 000000 000000 11 111111 00 11 00 111111111111111111111 000000000000000000000 11 00 11111 00000 τ1 τ2 0 5 5ut 10 15 20 5ut 1111100000 00000 11111 11 00 000000 111111 11 000000 00 111111 11111111111111111111100 000000000000000000000 11 111111 000000 HP τ1 τ2 0 5 10 15 20 Fig. 4.3 – Non optimalité du vol de temps creux pour la minimisation des temps de réponse : en haut, la laxité est utilisée immédiatement, en bas, bien que de la laxité existe, on reporte l'exécution de la tâche apériodique ; tant, tout le trafic apériodique est servi au temps 15 en bas, alors qu'il faut attendre l'instant 20 en haut. l'hyperpériode. Cette hyperpériode peut vite devenir très grande, dès que l'on considère plus d'une dizaine de tâches périodiques. D'autre part, les auteurs ne proposent pas d'intégrer les temps de blocage dans le calculs des fonctions de laxité. Cet algorithme en l'état ne fonctionne donc pas avec des systèmes de tâches périodiques partageant des ressources. 4.6 Vol de temps creux dynamique Le vol de temps creux présenté par Lehockzy et Ramos-Thuel se sert, comme on l'a vu, du calcul hors ligne des fonctions de laxité (cumulée) des tâches sur l'ensemble de l'hyperpériode. Cette solution, améliorée, permet de voler du temps creux à des tâches sporadiques temps réel dur, mais exclut de considérer une gigue d'activation pour les tâches périodiques ou encore des systèmes avec des ressources partagées entre tâches. De plus, le passage à l'échelle sur des systèmes comprenant un grand nombre de tâches est délicat en raison de la complexité en mémoire. Davis, Tindell et Burns proposent dans [DTB93] un autre algorithme de vol de temps creux, qui permet de calculer la laxité dynamiquement, et par conséquent de prendre en compte les particularités des cas ci-dessus. 4.6.1 – – – – Notations X0 : équivalent à max(0, X) ; lp(i) : priorités plus faibles ou équivalentes à i (i.e. {k ∈ N\k ≥ i}) ; hp(i) : priorités plus fortes que i (i.e. {k ∈ N\k < i}) ; li (t) : la date de la dernière activation de la tâche τi ; CHAPITRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES – – – – xi (t) : la date de la prochaine activation de la tâche τi ; di (t) : la date de la prochaine échéance de la tâche τi ; ci (t) : le temps d'exécution restant pour l'instance courante de la tâche τi ; Si (t) : la laxité du processeur au niveau de priorité i au temps t ou encore les temps creux disponibles à la priorité i dans l'intervalle [t, di (t)[, c'est-à-dire le temps disponible dans cet intervalle pour des tâches de priorités inférieures à i ; – S(t) : la laxité du processeur au temps t, soit le temps disponible à l'instant t à la plus haute priorité pour que toutes les tâches respectent leur échéance. Notons que dans le cas d'une tâche sporadique, si elle n'est pas active, xi (t) et di (t) sont donnés dans l'hypothèse où la tâche arrive à sa fréquence maximale. 4.6.2 Calcul des temps creux à chaque niveau de priorité L'algorithme de vol de temps creux dynamique repose sur le calcul au temps t à chaque niveau de priorité i de Si (t), la durée pendant laquelle la tâche de priorité i peut être suspendue avant qu'elle ne rate une échéance. Cette durée est en fait équivalente au nombre d'unités de temps non utilisées à une priorité supérieure ou égale à i entre t et la prochaine échéance de τi. Pour servir une tâche à la plus haute priorité en garantissant les échéances de toutes les tâches temps réel dur, il faut que Si (t) soit non nul pour tous les niveaux de priorité. La quantité de temps creux « volable », c'est-à-dire disponible immédiatement pour un service à la plus haute priorité, est alors S(t) = min∀i Si (t). Alg. 3 Déterminer Si (t) 1: Si (t) ← 0 2: wim +1 (t) ← 0 3: repeat 4: wim (t) ← wim+1 (t) 5: wim+1 (t) ← Si (t) + X ∀j≤i (wim (t) − xj (t))0 cj (t) + Cj Tj 6: if wim (t) = wim+1 (t) then 7: Si (t) ← Si (t) + νi (t, wim (t)) 8: wim+1 (t) ← wim+1 (t) + νi (t, wim (t)) + ε 9: end if 10: until wi (t)m+1 ≤ di (t) 11: return Si (t) À partir de ces données, l'algorithme 3 permet de calculer Si (t). Cet algorithme repose sur le constat que l'intervalle d'étude, [t, di (t)[, peut être vu comme une succession de périodes d'activité de niveau supérieur ou égal à i suivies de périodes d'activité de niveau inférieur à i. 'algorithme calcul alors wim+1 (t) le prochain point d'inactivité (au niveau i) du processeur, puis νi (t, wim+1 (t)) la durée de cette inactivité qui sera ajoutée au temps 4.6. VOL DE TEMPS CREUX DYNAMIQUE 63 creux de niveau i en cours de calcul, puis le prochain point d'inactivité et ainsi de suite. La durée de l'inactivité est donnée par l'équation 4.11. νi (t, wi (t)) = min (di (t) − wi (t))0, min 4.6.3 ∀j≥i wi (t) − xj (t) Tj 0 Tj + xj (t) − wi (t) (4.11) Algorithme de vol de temps creux dynamique Dans la version statique du vol de temps creux, les tâches temps réel souple apériodiques sont exécutées à la priorité maximale lorsque du temps creux est disponible à tous les niveaux de priorité. Cette approche n'est plus possible ici car on veut prendre en compte les systèmes acceptant des tâches temps réel dur sporadiques. En effet s'il existe une tâche sporadique de très haute priorité avec une échéance égale à son coût et une très forte fréquence d'arrivée, il n'y aura jamais de temps creux disponible alors que cette tâche peut ne jamais survenir. La version dynamique de l'algorithme consiste donc, lorsqu'une tâche temps réel souple Ja arrive, à calculer les temps creux disponibles à chaque niveau de priorité inférieur ou égal à k, où k est la priorité de la tâche temps réel dur exécutable la plus prioritaire. Une tâche est exécutable lorsqu'elle a été activée et placée dans la file d'attente de l'ordonnanceur. S'il existe des temps creux à tous ces niveaux de priorité, la tâche temps réel souple peut préempter la tâche de priorité k. La condition pour ordonnancer Ja à la priorité k est donnée par l'équation 4.12. La tâche devra être interrompue (ou la quantité de temps creux recalculée) après min∀i≥k Si (t) unités de temps (ut). min Si (t) > 0 ∀i≥k ( 4.12 ) Cet algorithme nécessite potentiellement de recalculer les temps creux disponibles à tous les niveaux de priorité à chaque unité de temps. Ce n'est évidemment pas envisageable en pratique. Pour réduire les opérations nécessaires, on va maintenant chercher à exprimer les temps creux disponibles au temps t′ en fonction des temps creux disponibles au temps t. Pour cela, il faut analyser les situations qui font varier la quantité de temps creux disponible. Le premier cas de figure est celui où aucune tâche temps réel dur ne termine son exécution dans l'intervalle [t, t′ [. Il existe trois possibilités : soit le processeur est en train d'exécuter des tâches temps réel souple, soit il est inactif, soit il exécute la tâche temps réel dur τi. 4.6.4 Influence des tâches sporadiques Lorsque l'on souhaite prendre en compte dans le système des tâches sporadiques temps réel dur, un nouveau facteur qui peut modifier la quantité de temps creux disponible est introduit : les tâches sporadiques qui n'arrivent pas à leur fréquence maximale. Si la tâche τi n'est pas arrivée à l'instant t2 alors qu'elle aurait pu arriver dès l'instant t1, on a di (t1 ) = t1 + Di et di (t2 ) = t2 + Di. Il en résulte Si (t2 ) > Si (t1 ). Les équations 4.13 et 4.14 donnent une borne minimale pour Si (t2 ) mais la valeur exacte reste à calculer avec l'algorithme 3 (que l'on peut initialiser avec la valeur de Si (t1 )). Si l'on veut utiliser la valeur exacte de Si (ti ), et que τi n'arrive jamais, il faut donc potentiellement la recalculer à chaque unité de temps. 4.6.5 Temps d'exécutions stochastiques Lorsqu'une tâche termine son exécution en moins de temps que son pire temps d'exécution, du temps libre apparait dans le système, car l'analyse de faisabilité garantit son . ordonnançabilité dans le cas où toutes les tâches consomment la totalité de leur coût. On appelle gain le temps libéré par la terminaison précoce d'une tâche. Pour identifier ce gain le plus tôt possible, on peut jalonner les tâches de bornes et mesurer le pire temps d'exécution entre les bornes. Ainsi, du gain peut être identifié a chaque borne durant l'exécution de la tâche [DSZ90, Aud93]. Il est très facile de modifier le vol de temps creux pour pouvoir tirer partie du temps inutilisé lorsque les tâches temps réel dur s'exécutent avec un coût inférieur à leur pire temps d'exécution (Ci ). En fait, le gain, c'est-à-dire la différence entre le pire coût et le coût réel, peut être ajouté directement à Sj (t) pour tout j supérieur ou égal à i [LRT92]. 4.6.6 Gigues d'activation Si une tâche τi est sujette à une gigue d'activation Ji, il suffit de ne prendre en compte que sa date d'arrivée au plus tôt. On modifie alors le calcul de xi (t), ce qui donne xi (t) = (li (t) + Ti − Ji )0. 4.6.7 Gestion de ressources partagées Jusqu'à présent, nous avons supposé que les tâches ne partageaient pas de ressources, et ne subissaient donc pas blocages. Nous relâchons cette hypothèse dans cette sous section. Partage de ressources entre tâches temps réel dur Nous considérons dans un premier temps l'influence du partage de ressource entre deux tâches temps réel dur sur le calcul de la quantité de temps creux disponible. Chaque tâche τi peut donc pour chacune de ses invocations subir un temps de blocage borné par Bi, comme spécifié dans le modèle de tâche 3 où les tâches sont caractérisées par le sextuplet (ri, Ji, Ti, Ci, Bi, Di ). La laxité de la tâche τi, donnée par l'algorithme 3 doit alors être décrémentée de Bi. La condition pour ordonnancer Ja à la priorité k donnée par l'équation 4.12 devient : min (Si (t) − Bi ) > 0 ∀i≥k (4.15) Notons alors que l'algorithme ne donne plus la valeur exacte de la quantité de temps creux disponible, mais une borne, puisque Bi est le temps de blocage maximal. Davis propose une méthode dynamique pour obtenir une borne plus précise, notée bi (t), qui se base sur l'hypothèse de l'utilisation du protocole PCP. Partage de ressources entre tâches temps réel dur et tâches temps réel souple Comme l'exécution des tâches temps réel souple ne doit pas modifier la faisabilité du système de tâche, si on autorise une tâche apériodique à prendre un verrou, il faut s'assurer qu'elle le relâche avant d'être préemptée. Autrement dit, il faut s'assurer que la laxité est supérieure au temps de blocage maximal d'une tâche apério dique avant d'autoriser son exécution. La condition pour ordonnancer Ja à la priorité k donnée par l'équation 4.12 devient : min (Si (t) − Bi ) > Ba ∀i≥k (4.16) où Ba désigne le temps de blocage maximale de Ja donné par l'algorithme utilisé pour borner les inversions de priorité. 4.7 Vol de temps creux approché Dans sa thèse de doctorat [Dav95], Davis propose deux algorithmes pour calculer une borne minimale sur la quantité de temps creux disponible, et en tire trois procédures, dont l'une est paramétrable, pour voler du temps creux avec une complexité réaliste. 4.7.1 Approximation statique des temps creux Cette approximation repose sur le temps entre la terminaison et l'échéance de la prochaine activation d'une tâche τi, intervalle de temps que l'on note δ. Si on dispose d'une fonction SiC (δ), qui à un intervalle associe la quantité de temps libre au niveau de priorité i, alors on peut facilement donner une borne minimale sur la quantité de temps creux dans le système à l'instant t. En effet, à la fin d'une instance de τi, la quantité de temps creux disponible au niveau i est précisément SiC (δ). On peut alors faire une estimation pire cas de la fonction SiC (δ). Lorsque la tâche τi se termine, aucune tâche plus prioritaire ne peut être active par définition. Par conséquent le pire scénario est celui où toutes les tâches plus prioritaires sont activées au moment où τi termine. De plus, δ est compris dans l'intervalle [Ti, Di + Ti ], correspondant à la date de terminaison au plus tôt et au plus tard d'une instance de τi. SiC (δ) est alors équivalent à la quantité de temps libre au niveau i dans l'intervalle [0, δ[ avec le scénario pire cas d'activation au temps 0, et une seule activation de τi. La figure 4.4 présente un exemple issu de [Dav95]. Les paramètres des tâches périodiques sont donnés par le tableau 4.4(a). On veut estimer S3C (δ) où δ peut prendre les valeurs entre T3 et T3 + D3, c'est-à-dire dans l'intervalle [15, 27]. On construit alors la table 4.4(c). Les valeurs numériques entourées d'un cercle sur le diagramme indiquent le nombre d'unités de temps non utilisées aux priorités plus fortes que 3 entre la fin de l 'exécution de la première instance de τ3 (7) et sa prochaine échéance (27). Elles permettent de comprendre comment la table est construite. L'algorithme qui utilise cette évaluation des temps creux s'appelle Static Approximate Slack Stealing (SASS)∗. 4.7 . VOL DE TEMPS CREUX APPROCHÉ τ1 τ2 τ3 67 Priorité Période Échéance Coût forte 5 5 1 moyenne 8 7 2 basse 15 12 3 (a) Données τ1 τ2 τ3 10 01 00 11 111 000 111 000 11 01 00 1 0 5 2 3 4 5 10 10 00 11 01 11 00 1000 11 11 01 00 01 15 30 6 7 8 9 10 20 25 d3 (0) (b) Diagramme d'exécution δ S3C (δ) 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 5 5 5 5 6 7 7 8 9 10 10 10 10 (c) Table des S3C (δ) Fig. 4.4 – Approximation statique de SiC (δ) 4.7.2 Approximation dynamique des temps creux Rappelons que la quantité de temps creux disponible au niveau i au temps t, Si (t), est égale au nombre d'unités de temps inutilisé au niveau i dans l'intervalle [t, di (t)[. La quantité de temps creux utilisable à la plus haute priorité est alors le minimum des Si (t) pour tout i. Pour estimer cette quantité, on va calculer Iij (a, b) l'interférence subie par τj causée par τi, une tâche plus prioritaire, dans l'intervalle [a, b]. Cette interférence est donnée par l'équation 4.17. Iij (a, b ) = ci (t) + fi (a, b)Ci + min(Ci, (b − xi (a) − fi (a, b)Ti )0 ) ( 4.17 ) La fonction fi (a, b) retourne le nombre de requêtes de τi qui peuvent commencer et s'exécuter complètement dans l'intervalle [a, b]. L'équation 4.18 permet de la calculer. b − xi (a) fi (a, b) = Ti (4.18) 0 L'interférence de τi dans l'intervalle [a, b] est alors constituée de la quantité de calcul restant à traiter pour terminer l'éventuelle requête en cours, de fi (a, b) requêtes complètes et d'une dernière requête éventuellement incomplète. Une borne minimale sur la quantité de temps creux au niveau i est alors donnée par 68 CHAPITRE 4. GESTION DES TÂCHES NON PÉRIODIQUES la longueur de l'intervalle d'étude, di (t) − t, moins la somme des interférences venant des tâches de priorité supérieure ou égale à i sur cet intervalle. Elle est donnée par l'équation 4.19.! X Si (t) = di (t) − t − Iji (t, di (t)) (4.19) ∀j≤i 0 L'interférence d'une tâche se calcule en temps constant. L'interférence totale, et par conséquent Si (t), peut donc être estimée en temps linéaire. Par conséquent, une borne sur la quantité de temps creux disponible à la plus haute priorité s'obtient en temps quadratique. Comme pour l'algorithme exact, Si (t) n'a besoin d'être recalculé que lorsqu'une requête de τi termine son exécution. Aux autres instants, Si (t) diminue de dt si le processeur a été occupé pendant une durée dt avec une tâche de priorité inférieure, et reste constante sinon. Ceci permet d'obtenir la borne sur la quantité de temps creux en temps linéaire à condition d'ajouter des opérations également en temps linéaire à chaque changement de contexte. L'approximation vient du fait que l'on considère l'interférence maximale qu'une tâche plus prioritaire va pouvoir causer. Or si cette tâche n'est elle même pas la plus prioritaire, elle va subir une interférence qui sera déjà prise en compte lorsque l'on somme les interférences venant de toutes les tâches plus prioritaires. Alg. 4 Échéance effective de τi ei ← di (t) for all j < i do if xj (t) + fj (t, ei )Tj + Cj ≥ ei then ei ← xj (t) + fj (t, ei )Tj end if end for return ei L'effet de bord peut être diminué en calculant ei, l'échéance effective de τi c'est-à-dire la date à partir de laquelle le processeur ne sera plus occupé que par des tâches de priorité supérieure à i jusqu'à la prochaine échéance de τi. La procédure 4 permet de calculer ei en temps linéaire. Cette procédure examine tour à tour toutes les tâches τj de plus forte priorité que τi. Si la date de terminaison au plus tôt de la dernière instance de τj activée dans l'intervalle d'étude est plus grande que ei, alors on sait qu'entre la dernière activation de τj et ei, le processeur sera occupé à traiter des tâche plus prioritaires que τi. On peut donc assigner cette valeur à ei. L'intervalle d'étude pour calculer Si (t) devient alors [t, ei [. L'algorithme qui utilise cette évaluation des temps creux s'appelle Dynamic Approximate Slack Stealing (DASS)∗, avec ou sans l'amélioration apportée par le calcul de l'échéance effective. Deuxième partie Java pour le temps réel Java est un langage de programmation fortement orienté objet développé par Sun Microsystems dont la première version est parue en 1995. La gestion de la mémoire Un programme informatique a besoin de se voir allouer une part de la mémoire du système pour stocker les structures de donnée qu'il utilise. Pour cela, un exécutable peut demander au système de lui réserver une plage d'adresses mémoire qu'il sera seul à utiliser. C'est l'allocation. Si le programme est amené à s'exécuter longtemps, et s'il peut redemander de la mémoire durant son cycle de vie (allocation dynamique), il devient nécessaire de libérer les zones mémoires réservées qui ne seront plus utilisées. En langage C, le programmeur peut obtenir de la mémoire de façon statique en utilisant des structures de donnée de tailles fixées avant la compilation, ou faire appel explicitement à une primitive d'allocation de mémoire, qui lui retourne un pointeur. Dans ce cas, c'est à lui de veiller à libérer la mémoire pointée lorsqu'elle n'est plus utile. S'il oublie cette étape, et si le pointeur vers la zone mémoire allouée disparait du contexte d'exécution, il n'y a plus de moyen de libérer la mémoire avant la terminaison du programme : c'est une fuite de mémoire. Les fuites de mémoire sont la source de nombreux bogues célèbres CHAPITRE 5. JAVA N'EST PAS UN LANGAGE POUR LE TEMPS RÉEL y compris dans des systèmes dont la mise en oeuvre a profité de moyens importants. Les bogues liés à la gestion de la mémoire sont en effet difficiles à détecter et il est rarement aisé d'en retrouver l'origine. En Java, de la mémoire est allouée pour la JVM qui va la répartir entre les applications Java qu'elle héberge. Les objets sont alloués dans une structure de donnée de type tas. Les champs d'une classe qui ne sont pas des types primitifs du langage (int, boolean, float..) sont des références vers une autre partie du tas où se trouve l'objet modélisant le champ. En plus du tas, une pile contenant des références vers les objets manipulés est créée lorsqu'une méthode est invoquée. Cette pile est détruite, ainsi que les références qu'elle contient, lorsque la méthode se termine, et une référence sur l'objet représentant le retour de la méthode est placée sur la pile de la méthode appelante. Il peut ainsi arriver qu'il n'existe plus aucune référence vers un objet, qui occupe pourtant de la mémoire.
39,766
2021EHES0122_12
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,021
L'Iris indigène : enquête sur le processus de création en art contemporain
None
French
Spoken
6,927
10,427
105 161 prototype, ils en sont donc les indices (avant même d’être incorporés à l’effigie qui devient l’Indice du Sorcier qui la façonne). Et les indices, on l’a vu, sont autant des manières de faire référence que d’être des « ambassadeurs ». La représentation marche dans les deux sens, comme une porte qu’il serait étrange de dire qu’elle permet de sortir mais pas d’entrer. C’est ainsi, semble-t-il, qu’il est possible « d’inverser » cause et effet. Le fait qu’on apparaisse aux autres et qu’on ne puisse pas, ou pas complètement, contrôler sa propre expression, a pour conséquence qu’il est possible pour les autres de voler notre expression, nos traits, nos caractéristiques106. En somme notre apparence pour les autres est un « ambassadeur involontaire », qui peut être utilisé pour nous atteindre. L’opération du sorcier consiste donc à intensifier cette porte en concentrant en un objet des éléments issus du prototype de sorte à pouvoir emprunter la porte dans l’autre sens, c’est-à-dire en blessant l’effigie et ainsi atteindre le prototype en position passive. Dans le cas qui nous occupe avec la fabrication d’image par un artiste, il y a bien un prototype en position passive, mais c’est un prototype différent de celui qui sert de base à l’image qui intervient. Les Trois Grâces ne sauraient être ce que Gombrich identifie dans l’image intéressante car les cinq autres, étant fabriquées sur le même modèle que celle-ci, leur sont tout autant reliées. On se trouve plutôt alors dans le registre d’un prototype qui n’a que des « ambassadeurs », c’est-à-dire qu’à travers l’indice on peut établir un contact avec lui, mais au contraire de la pomme, à laquelle on fait référence en la dessinant, il ne s’agit pas d’un objet dont on peut extraire les traits aussi facilement que pour la pomme. À aucun moment Gombrich ne mentionne le fait que pour choisir l’image intéressante, il s’est basé sur quelque chose d’abstrait qui aurait été présent dans celle-ci mais absent des autres. Et pourtant, devant nos yeux, il semble tout à fait à même d’identifier l’une des images de Fein comme étant la bonne. La sorcellerie des voults permet de donner une place prépondérante à la positon du prototype, mais les schémas de Gell ne permettent pas de faire ressortir la spécificité du second prototype. Ce qui Frazer note qu’une forme de magie par contagion se fait sur la base d’empreinte que le corps peut laisser sur la terre, comme une trace de pas. Une telle trace, comme un moulage involontaire du pied, est bien une manière d’extraire les caractéristiques apparentes d’une (partie d’une) personne (Frazer 1981 : 133). De là, on peut aisément imaginer le même procédé pour le visage, comme pour un masque mortuaire ou le Suaire de Turin (peu importe la véracité historique de ce dernier, le procédé persiste). Faire le portrait en peinture d’une personne est une manière d’extraire via un contact intermédiaire de l’œil et de la main d’un artiste qui transpose ensuite les caractéristiques sur la toile. La photographie, alors qu’elle se développe, comme on l’a vu dans le chapitre consacré à L’Art et l’illusion de Gombrich, à partir d’idées nées dans la peinture, est bien plus proche de la technique du suaire puisque c’est la réflexion de la lumière sur les objets qui vient, à la naissance de la photographie, toucher le bitume de Judée, solution photosensible, appliqué sur une plaque d’étain. La photographie peut alors être considérée comme un moulage à distance. 106 162 complique l’application du schéma de Gell au cas de l’efficacité (eA), c’est que ce qu’il nomme « Artiste » prend en fait différentes positions. Son schéma est utile pour tenter de comprendre les opérations du sorcier/artiste créant la porte réversible entre l’effigie et le prototype/victime. Mais il omet le fait que ces opérations sont faites pour une tierce personne (le « client ») qui vient consulter le sorcier pour envoûter (ou désenvoûter) la victime (voir par exemple Frazer 1981 : 45). Si la blessure sur l’effigie a bien pour destinataire le prototype/victime, le véritable destinataire est le client. L’efficacité de l’opération (eD) porte sur ce dernier. Comme la patiente Kuna ou le psychanalysé occidental, la démarche même d’aller remettre sa souffrance à un spécialiste constitue une bonne part de la voie de la rémission. Si, pour un envoûtement, le client doit de plus réunir des éléments ayant été en contact avec la victime, ceci constitue une implication supplémentaire dans le processus, et l’effigie permet alors de rendre cette implication tangible, « manipulable », disait Lévi-Strauss. Dans le cas de la création d’image, s’il y a bien un destinataire final qu’on peut identifier comme étant le spectateur d’une œuvre, l’efficacité (eA) doit avoir lieu avant de sorte que l’efficacité (eD) puisse prendre place par la suite. Pour la sorcellerie des voults, il faudrait identifier ce qui permet au sorcier de considérer son Indice comme étant acceptable pour lui de sorte à le présenter à son client pour réaliser ensuite la « magie » qui consiste à blesser cet indice pour atteindre le prototype. Une autre difficulté du schéma de Gell est qu’il s’appuie sur une de sociologie de l’art. L’Artiste d’abord est caractérisé comme étant « celui à qui on attribue la création de l’indice » (GEL : 29). Le Destinataire ensuite est la position qui prend habituellement le spectateur des musées et galeries d’aujourd’hui. Cette typologie sociologique sommaire encombre la schématisation puisque la personne dans la positon de l’Artiste doit figurer tant du côté des agents (-A) que des patients (-P). L’Artiste-P est en fait en position de Destinataire de ses propres œuvres tout en retenant le souvenir de sa participation à la fabrication107. Le Prototype-2 est en fait l’expression d’une relation particulière de l’Artiste-P face à l’Indice-A. Il faut encore ajouter que le Prototype-1, bien qu’il semble extérieur au fait de l’artiste (l’image faite par Bonnencontre pour Gombrich) est sélectionné par celui-ci, ou, pour reprendre la terminologie réfutée par Baxandall, il a eu une influence sur l’artiste, influence qu’il n’a peut-être pas eu sur d’autres personnes et ne peut Implicitement donc, la théorie de Gell s’applique pour un Destinataire qui est physiquement une autre personne que l’Artiste. Il s’intéresse principalement à l’effet qu’un Indice peut avoir sur le Destinataire (comme on l’a vu plus haut, il évoque rapidement le cas de l’effet sur l’artiste notamment au chapitre 3 (GEL : 56-8). Sous un autre angle, c’est la critique adressée par Derlon&Jeudy-Ballini (2010) avec ce qu’elles nomment la « théorie de l’enchantement » de Gell, à savoir ce qu’un objet doit « faire » pour captiver un Destinataire. 107 163 donc lui être attribuée. C’est cette image spécifique du thème des Trois Grâces entièrement nues que Gombrich a tiré d’un livre qui en contient de nombreuses autres du même genre. Dans ce sens l’image de Bonnencontre est une version imparfaite du Prototype-2 qu’il est donc nécessaire de parfaire en faisant usage des verbes mentionnés par Baxandall comme autant de nuances d’action possible en réponse à l’influence qu’une image peut avoir sur l’artiste qui la voit. On peut retenir du travail de Gell et en particulier du schéma de la sorcellerie par images vu ci-dessus le fait qu’il y a une relation particulière qui peut se mettre en place entre l’artiste et le prototype. Mais du fait que celui qui crée les images peut prendre la position et de son Artiste et de son Destinataire, une terminologie différente s’avère nécessaire pour caractériser la création artistique qui peut être conçue comme un moyen pour l’artiste d’entrer en communication avec lui-même quoique dans différents états, via les Indices qu’il crée et un second prototype que l’artiste ne peut pas décrire tout en étant capable de le reconnaître visuellement dans un indice. Désorceler Pour aller plus loin, nous allons rester dans le domaine de la sorcellerie, celle toutefois basée sur des cas ayant eu lieu en France métropolitaine et sur les schémas d’interaction plus simples pour ce qui nous occupe ici puisque on peut dégager non plus des positions sociologiquement déterminées comme chez Gell, mais décrivant des états qu’il est possible d’atteindre, de quitter ou de faire naître. Le fait que la sorcellerie est convoquée à nouveau est issu de ce qui précède. Gell met en place une théorie anthropologique de l’art à l’intérieur de laquelle et la production de la Monalisa par Léonard de Vinci et les envoûtements par effigie interposées trouvent leur place au même niveau : des images permettent une médiation de l’agentivité entre des positions. C’est le développement des formules de Gell sur la sorcellerie qui permet la reconnaissance que l’artiste occupe plusieurs des positions qu’il décrit (« Artiste » « Destinataire »), ainsi qu’une participation à élucider dans les positions du « Prototype » (type « pomme à dessiner ») et d’un second prototype qui intervient après la réalisation de l’indice, et qu’on peut identifier comme étant le schème constructeur. Ces éléments ont permis une première esquisse du fonctionnement de l’efficacité (eA). Ce que simplifie l’étude d’une ethnographie de la sorcellerie, c’est la mise en évidence de trois positions transitoire qu’on peut attribuer à l’artiste durant son processus de création : le patient, position privée de capacité d’agir ; le désorceleur, capable de faire récupérer la capacité d’agir au 164 premier ; le sorcier, capable de priver le patient de sa capacité d’agir et position contre laquelle le désorceleur se bat. Les Mots, la mort, les sorts est un ouvrage de l’anthropologue française Jeanne Favret-Saada paru en 1977 qui traite de la sorcellerie dans le bocage en Mayenne, précisément dans le milieu agricole. L’analyse du processus d’ensorcèlement et de désenvoûtement permet de donner un modèle plus adapté que les formules de Gell pour l’efficacité qui nous intéresse. Par ailleurs, le fait que la sorcellerie ait cours, ou ait eu cours108, en milieu occidental et que son fonctionnement suit celui de faits semblables décrit par Frazer et étudié par Gell, semble indiquer qu’il s’agit d’une pratique répandue au sein des sociétés, sans qu’elles n’aient eu de rapports les unes avec les autres : il est peu probable que les Kuna du Panama, par exemple, et le milieu de la paysannerie mayennaise se soient entretenus sur la manière de jeter les sorts ou de les lever109. Cela indique donc que des pratiques du mêmes genre peuvent voir le jour dans des conditions différentes et que — à titre d’hypothèse — il est possible que la création artistique suive un schéma interactif général par ailleurs présent sous d’autres formes. Ce qui suit est donc en premier lieu la présentation de l’ethnographie de Favret-Saada dont j’offre une lecture spécifique et qui permet ensuite de revenir à la question de l’efficacité (eA) et de la place du schème constructeur dans le processus de création. Les interlocuteurs de Favret-Saada pendant son enquête l’ont questionnée sur la « sorcellerie des villes » (Favret-Saada 1977 [FS] : 144). Celle « des champs » repose sur le fait que l’ensorceleur présumé doit pouvoir « toucher le corps ou les biens de la victime » et que comme « à la ville on ne se parle pas », et « on est étranger dans le même immeuble », il n’y a pas de raison particulière pour s’ensorceler parmi. En effet l’un des enjeux principaux de la sorcellerie du bocage est la jalousie d’un voisin qui convoiterait les biens, l’exploitation, etc., d’un autre de sorte à étendre, par exemple, Dans un ouvrage de 2009, Désorceler, Favret-Saada indique que la sorcellerie telle qu’elle a pu en faire l’expérience n’existe vraisemblablement plus puisqu’elle s’appuie sur un tissu social particulier qui depuis a passablement changé, ne serait-ce que par l’arrivée de « néoruraux », personnes n’ayant pas de lien avec la terre sur laquelle ils résident (Favret-Saada 2009 : 16). 108 On peut se rapporter également au travail de Julien Bonhomme au sur la sorcellerie au Gabon. Il y montre que là aussi, elle s’appuie sur des ressorts qui sont identifiés par Favret-Saada, notamment la question de « convertir un affect passif en un affect actif en faisant passer l’infortuné d’une position de « patient » à une position d’« agent » (Bonhomme 2008 : 156), comme on va le voir. 109 165 son activité. Il faudrait donc un contexte social serré avec des intérêts communs pour qu’une personne se trouve ensorcelée par une autre110. Pour entrer dans ce contexte social serré, Favret-Saada a dû se résoudre — puis en a fait son cheval de bataille méthodologique — à prendre non pas la position d’un observateur extérieur des pratiques mais à endosser celles existantes dans la dynamique de sorcellerie. Ainsi « désenvoûter » : ne consiste pas à dire des formules, ni à pratiquer des rituels magiques. Pour qu’ils aient quelque chance d’être efficaces, il faut au préalable que soit institué un système de places, grâce auquel un autre que le magicien met celui-ci en position de sujet supposé pouvoir ; et il faut que le magicien lui-même reconnaisse qu’il y est, acceptant ce que cela implique d’engagement personnel dans un discours, d’assomption des effets de la parole magique sur son propre corps, etc. (FS : 42). La question de fond de l’étude de l’anthropologue dans le Bocage est de comprendre « ce qu[e les paysans] cherchent à mettre en forme à l’occasion d’une crise de sorcellerie » (FS : 17). On se posera parallèlement la question de savoir ce que les artistes cherchent à mettre en forme lors de la production d’œuvres d’art, de l’expérience artistique, cette « crise décisive » comme l’appelait Warburg (Didi-Huberman 2002 : 385). Une attaque de sorcellerie est caractérisée par une suite de faits malheureux qui touchent une personne, à savoir le paysan à la tête d’une exploitation. Ces faits le touchent lui directement (son corps, sa santé) ou ses possessions, à savoir son « potentiel bio-économique » (FS : 335) : « une génisse qui meurt, l’épouse qui fait une fausse couche, l’enfant qui se couvre de boutons, la voiture qui va au fossé, le beurre qu’on ne peut plus baratter, le pain qui ne lève pas, les oies affolées ou cette fiancée qui dépérit » (FS : 20). Quand cette série sans fin prévisible est soumise aux spécialistes, scientifiques (médecins pour la santé humaine, vétérinaires pour les bêtes) ou religieux (curé catholique), les uns renvoient au savoir positiviste cherchant des solutions spécifiques à chaque mal isolé, les autres dans le meilleur des cas concèdent à pratiquer un exorcisme mais les maux restent de l’ordre de la « bonne souffrance » dont seul Dieu connaît le sens. Ce que cherche à comprendre et à soigner la victime de ces maux est que « si ça se répète ainsi, il faut bien supposer quelque part un sujet qui le désire » (FS : 23). C’est « l’abduction d’agentivité » de Gell : devant Gell donne peut-être déjà une réponse possible aux Bocains sur la possibilité d’une sorcellerie des villes : les images permettent de percevoir, par abduction, l’agentivité d’une autre personne et que cette dernière, de ce fait, exerce une « influence » sur une autre. Ainsi les procédés de type sorcellaire, en ville, n’emprunteraient pas les voies du langage de manière privilégiée, comme c’est le cas dans le bocage, mais celui des , des objets, des images. 110 166 quelque chose trop singulier pour être le résultat du hasard, on veut en saisir la cause et l’intention. Ce qui fait ici office d’indice est la répétition des faits qui isolément n’auraient pas enclenché le même questionnement, pas demandé la même recherche de solution111. Pour tenter d’apporter celle-ci, en dernier recours après l’échec de la science et de la religion, c’est le désorceleur (autre nom du désenvoûteur) qui entre en scène sur la recommandation d’une personne — toujours en privé, car la doxa dans le milieu de la paysannerie veut qu’il faut être fou pour croire en la sorcellerie — qui a jadis été « pris » lui aussi, mais qui s’en est sorti grâce au savoir-faire du désorceleur (FS : 24). La première fonction du désorceleur consiste à aider à identifier la source des maux, mais en lieu et place d’une certaine fatalité du positivisme ou de la volonté d’une entité transcendante catholique, c’est une source locale qui est pointée, typiquement donc un voisin jaloux (FS : 16). Ce voisin, « celui sur qui on se doute » (FS : 24), est nommé « sorcier »112. Il faut ici noter une différence de vocabulaire avec Gell. Dans la sorcellerie des images qu’il étudie, le sorcier est celui qu’on vient consulter pour jeter un sort. Cette position est appelée, comme on vient de le voir, « désorceleur » chez Favret-Saada, car effectivement il s’agit de lever un sort qui aurait été jeté depuis la position du « sorcier ». J’emploierai dans la suite du texte exclusivement la terminologie de Favret-Saada. Le sorcier est donc l’agent dont on infère l’agentivité, celui qui a jeté un sort à la victime puisqu’elle en perçoit les effets à répétition. L’art du désorceleur consiste non pas à pointer directement une personne précise comme étant le sorcier effectif, mais à reconnaître la situation dans laquelle la victime se trouve comme étant le résultat de la malveillance d’un sorcier. Le désorceleur laisse suffisamment de flou pour que ce soit la victime qui émette le « doute » sur telle ou telle personne précise en fonction des agissements de cette dernière. Et comme le sorcier est à l’origine des maux, il n’est pas question de le confronter directement, si le doute est fort, sous peine Il y a abduction parce devant un phénomène, on cherche à s’arrêter sur une cause probable qui s’applique par un critère. On pourrait objecter qu’il y a ici plusieurs phénomènes, maladie, fausse couche, accident, etc. Mais le phénomène en question n’est pas ces derniers pris isolément (qui peuvent être expliqué plus ou moins bien par la science) mais bien la série. C’est donc l’existence de la série qui pose question et à laquelle on cherche une cause probable. 111 Du moins c’est le cas par l’ethnographe, le pouvoir des mots et la gravité de l’accusation de folie si on reconnaît l’existence de la sorcellerie étant tels, que les Bocains se réfèrent à cette position soit simplement en employant les pronoms de troisième personne : « si y vient, j’le tue », soit par une formule injurieuse : « la saloperie, y s’était fait invisib’ » (FS : 201). Le terme « encrouilleur » est utilisé quelques fois (p. ex. FS : 117), mais il s’agit plutôt de personnes se référant à ce personnage de la sorcellerie sans adhérer elle-même à ce système ou, précisément, en cherchant à signifier à son interlocuteur (l’ethnographe, ici), que ce sont des histoires pour les autres, même s’il arrive qu’on découvre qu’il est en fait bel et bien « pris ». 112 167 d’encourir d’autres maux, voire la mort, et toujours sous celle de se voir rangé parmi les fous croyant à ces pratiques si on en parle autour de soi ou si on accuse la personne pointée. Personne dans la société paysanne ne se dit sorcier : « ce n’est pas une position possible d’énonciation (...) le sorcier, c’est l’être dont parlent ceux qui tienne le discours de la sorcellerie (ensorcelés et désenvoûteurs) et il n’y apparaît que comme sujet de l’énoncé » (FS : 50). En somme, le sorcier est une position imaginaire (du point de vue de l’ethnographe) mais dont les effets des actions sont ressentis, subits par la victime. Le but de cette désignation est probablement, indique Favret-Saada, « une tentative pour contenir dans une figure ce qui, de soi, échappe à la figuration » (FS : 132), donner un début de forme à une force perçue. Et ce n’est qu’en donnant cette forme que « la manipulation symbolique de la situation a quelques chances d’être opérante », rappelant encore une fois le langage de Lévi-Strauss à propos des rituels Kuna. Suite à cette désignation, la victime va éviter tout contact avec le sorcier présumé pour ne pas aggraver la situation : touchers (poignée de main) ; paroles (échange de salutations) ; regards (baisser les yeux quand on le croise) (FS : 190 sqq). La victime suppose donc que le sorcier a effectué un rituel magique : « arracher une touffe de poil de la vache à tarir et prononcer dessus une incantation, enterrer un drapeau charmé sous le seuil de la maison ou de l’étable, piquer des clous d’acier charmés dans les murs » (FS : 229). Mais jamais personne ne les voit réaliser ces rituels. Ce ne sont que des indices, au sens de Gell, qui permettent de les supposer. Il s’agit de pratiques obscures dont la victime ne perçoit que les effets dans les maux qu’elle subit. Le désorceleur, après avoir attesté que la situation relève bien de la sorcellerie, pratique un contrerituel dont le but est de rendre « le mal pour le mal » (FS : 248). Ce rituel, donné à voir à la victime, peut prendre plusieurs formes : cuire un cœur de bœuf que l’on pique ensuite d’épingles, rôtir du gros sel dans un poêle, distribuer des médailles de Saint Benoît (patron des agriculteurs), des sachets contenant plantes et clous tordus, ou des scapulaires113 (FS : 119, 269, 284). Favret-Saada note une intéressante symétrie : alors que le sorcier envoûte par son rituel, supposément ou en cachette, en ayant un contact matériel avec l’envoûté ou le potentiel bio-économique de celui-ci, le désorceleur de son côté produit un rituel auquel la victime assiste effectivement mais qui touche en Les scapulaires sont d’abord des vêtements de l’ordre de Saint Benoît, qui peuvent prendre une forme réduite pour les dévotions des personnes non ordonnées. Il s’agit alors de morceaux de tissus ornés parfois d’images. 113 168 retour le sorcier qu’à distance, de manière « métaphorique » (FS : 132). Éviter les contacts avec son sorcier présumé permet de ne pas être touché davantage par ce dernier et garantit l’efficacité du rituel produit par le désorceleur, car passer par un rapport direct entre victime et sorcier présumé court-circuite cette symétrie, ou en diminue la force. En somme, le désorceleur « a pour fonction unique d’isoler l’ensorcelé du sorcier, c’est-à-dire d’empêcher la négativité de celui-ci de faire irruption dans ‘l’enclos’ de sa victime » (FS : 357)114. Qu’est-ce qui permet à la victime dès lors d’en finir avec sa série de maux. L’efficacité symbolique a lieu, on l’a vu plus précédemment, quand une forme est proposée à la victime par une personne tierce, celle-ci étant réputée capable de guérir. Cette forme sert d’ancrage, une objectification du mal qui le rend manipulable par la victime quand elle y projette son désir de guérir et trouve ses propres ressources pour ce faire. Favret-Saada dans un second ouvrage spécifiquement nommé Désorceler (2009)115 revient sur ce qui permet le passage de l’état d’ensorcelé à celui désensorcelé. Le rituel du désorceleur (cœur de bœuf piqué d’épingles, gros sel rôti, etc.) joue un rôle important. D’abord il s’agit de l’événement « spectaculaire » qui atteste de l’idée que quelque chose d’anormal se trame derrière la suite des maux (ibid. : 161) : à situation anormale, réponse anormale, pourrait-on dire. Ensuite ce moment du rituel est celui que les Bocains relatent à l’ethnographe — une fois qu’elle a accepté de se laisser prendre dans ce jeu positionnel qu’est la sorcellerie — quand il s’agit de mesurer l’emprise des sorts et la force d’un désorceleur pour en sortir (ibid. : 33 sqq). Ces récits ne concernent toutefois que les désorcèlements des autres (on ne parle pas de son propre ensorcèlement par crainte d’y Il faut noter ici que, si le sorcier est une position imaginaire en tant qu’agent des maux de la victime, sa désignation vague par le désorceleur ainsi que sa précision par la victime concernent elles une personne réelle. Le changement de comportement de la victime vis-à-vis de cette dernière a des effets réels eux aussi. Si l’on ne parle pas de sorcellerie en public sous peine d’être tenu pour arriéré ou fou, le doute précisément que la pratique existe est présent à l’esprit de chacun. Il ne s’agit pas de croyance dans l’existence ou dans l’efficacité des sorts, au sens d’une adhésion pure et simple à un système de pensée, mais simplement d’en entrevoir la possibilité, ceci étant aidé par les circonstances, quand effectivement une série de maux s’abat sur la même personne et menacent sa vie. Citant l’ethnologue et psychanalyste français Octave Mannoni, Favret-Saada résume ceci par la formule « je sais bien... mais quand même... » : je sais bien que ces maux ont des causes diverses parce que s’abattant sur des choses aussi peu liées que mon corps, mes vaches, ma femme, mes prés, mais quand même après la dixième occurence d’un mal qui m’accable, il se pourrait bien qu’il y ait autre chose (FS : 95). Ainsi celui qui se sent désigné par un autre comme son sorcier (parce qu’il l’évite, par exemple) se trouve à peu près dans la même situation que la victime : il sait que la victime a fait appel à un désorceleur. 114 115 Ce second livre est annoncé tout au long des pages des Mots, la mort, les sorts, près de 30 ans auparavant. 169 retomber) et donc que l’élément visible, littéralement spectaculaire de la force du désorceleur. Ou alors les récits sont narrés par un désorceleur qui parle de ses succès (il ne craint pas l’ensorcèlement car il sait comment s’en sortir). Mais une autre partie du désorcèlement n’est pas mentionnée dans les récits. Il s’agit de l’après rituel. Le désorceleur préconise à la victime des mesures d’isolement contre le sorcier, matérielles ou « magiques ». Des barrières sont posées, les portes des bâtiments de l’exploitation fermées, des médailles de Saint Benoît disposées, de l’eau bénite aspergée, des sachets bénits épinglés sur les habits et du sel bénit mis dans les poches (ibid. : 45). Ceci est répété à intervalle régulier ou quand il y a un risque de contact avec le sorcier. Observer tant de règles équivaut, de toute évidence, à changer de vie : les journées seront désormais scandées par des pratiques rituelles qui, au total, occuperont les ensorcelés pendant plusieurs heures ; les pensées et les conversations tourneront autour de la conduite à tenir dans telle occurrence particulière. En somme, les ensorcelés vont troquer une position passive, la résignation aux malheurs répétés, contre une positon hyperactive, l’entraînement à faire ce qu’il faut au moment où il faut (ibid. : 46). Une charge est mise sur les épaules de la victime : continuer à se protéger, après le rituel spectaculaire, contre le sorcier à défaut de quoi il y un risque d’anéantir l’efficacité même du el. Et en retour cette engagement de la part de l’ensorcelé participe de l’efficacité du rituel. C’est parce qu’un rituel a été fait par le désorceleur qu’il faut à la victime continuer à en assurer l’efficacité, et parce qu’elle s’implique dans la préservation de l’efficacité du rituel que celui-ci prend de fait sa force. Le rituel fonctionne comme une amorce d’un processus plus long, processus qui consiste à faire en sorte que la victime ne le soit plus. En s’impliquant dans les suites du rituel principal elle gagne petit à petit une position active dans sa propre vie, laissant derrière elle sa position de victime, passive par définition. Favret-Saada décrit l’action du rituel comme étant un « embrayeur de violence », « un dispositif formel destiné à compromettre à leur insu les consultants [les victimes] avec le mal, la violence, le 170 sorcier » (ibid. : 88). Il s’agit donc d’introduire un élément dans la vie de la victime qui va lui permettre de développer ou de récupérer sa capacité à être actif116. L’embrayeur de violence est alors une action ponctuelle, le rituel, à l’intérieur d’une action plus large : la cure de désorcèlement. Elle permet à la victime d’acter un changement et de graduellement prendre, dans un premier temps, ses distances avec la source de ses maux, pour parvenir, si la cure réussit, à stabiliser cet état en y contribuant par ses propres actions quotidiennes. De victime l’ensorcelé retourne à l’activité après qu’une action produite par un tiers (le désorceleur) « embraye » le mouvement de la position passive à la position active, un changement de perspective. C’est ici qu’on voit comment ce système de position est plus précis que celui de Gell. Plutôt que d’avoir des rôles réputés actifs (l’artiste) ou passifs (le destinataire) qui dans certaines circonstances peuvent également avoir la valence inverse (Artiste-P ; Destinataire-A), on se concentre avec Favret-Saada sur cette valence et sur les moyens de passer de l’une à l’autre. Il y a également chez elle des rôles, trois en l’occurrence : la victime, le désorceleur, le sorcier. Mais la victime est destinée à ne plus l’être, si la cure fonctionne, en devenant, à travers son changement de vie et ses petites actions rituelles régulières peu à peu son propre désorceleur. Les deux rôles relativement constants sont ceux du sorcier et du désorceleur, le premier cherchant à usurper le potentiel bioéconomique de la victime et le second à le lui restituer. Ils sont tous deux définis par leur capacité d’agir, alors que la victime est justement caractérisée par son incapacité d’agir. Un hypothétique Désorceleur-P, à la manière de Gell, ne serait rien de plus qu’une victime d’un sorcier, et un SorcierP cesserait simplement d’exister. Il s’agit bien de positions et non de rôles correspondant comme chez Gell à une sorte de sociologie. La victime passe du domaine d’activité du sorcier à celui du Le terme « embrayeur », l’auteur l’emprunte au linguiste russe Roman Jakobson qui, depuis les Etats-Unis où il s’est réfugié depuis 1941, le définit, sous le terme de « shifter » dans un article de 1957. Les embrayeurs, en linguistique jakobsonnienne, sont des éléments d’une phrase qui, en fonction de qui la prononce, font référence à des personnes différentes. Ainsi quand je vous dis « je suis en train d’écrire », « je » fait référence à une personne différente de quand vous dites « je suis en train de lire ». « Je » est cet embrayeur qui à la même forme dans les deux phrases mais qui prend son sens qu’en se référant à l’entier du message qui cherche à être transmis (Jakobson 1971 : 131). Pour savoir qui est « je » dans la phrase, il faut se référer à l’ensemble de celle-ci, comprendre quelle est l’action et se rapporter à celui qui, dans les circonstances présentes, se trouve « être en train d’écrire ». Celui qui correspond à cette description est celui à qui « je » fait référence. 116 171 désorceleur, ce dernier se retirant peu à peu de sorte à laisser la victime retrouver une activité propre (FS : 347 sqq). On a dit que le sorcier est une figure imaginaire. Dans les yeux de la victime cette figure est bien endossée par un voisin, mais à l’insu de celui-ci. Ce qui crée le sorcier c’est précisément l’abduction d’agentivité à partir de la série de maux. Ainsi ces maux, pris isolément, ou inspectés sous l’angle de leur causes physiques, n’ont rien à voir entre eux. Ils sont liés uniquement de la perspective du chef de l’exploitation qui perçoit ses vaches se tarir, sa femme faire une fausse couche, son corps tomber malade, etc. S’il l’on pouvait prendre les mêmes faits et en extraire le chef de l’exploitation, il n’y aurait nul sorcier à combattre. Dans ce sens, c’est la victime qui est son propre bourreau en faisant le lien entre des éléments qui ne concernent que lui. Ce que la thérapie sorcellaire réalise c’est une « externalisation », diraient Clark&Chalmers, de cette propension de la victime à se voir attaquer : le désorceleur laisse entendre qu’il s’agit d’un voisin ; la victime « se doute » sur l’un d’eux en particulier ; le désorceleur produit son rituel pour embrayer la violence contre ce voisin ; un rituel dont l’efficacité doit être garantie par les efforts soutenus de la victime, qui l’est de ce fait de moins en moins. Favret-Saada ne laisse entendre ceci qu’en filigrane dans ses textes, craignant peut-être que son lecteur ne porte un jugement péjoratif sur ses enquêtés, incapables qu’ils seraient de se saisir euxmêmes comme source de leur malheur. L’appel au désorceleur est toujours réalisé en dernier recours, après la médecine et éventuellement la religion. Une fois ces recours épuisés, et la série de maux semblant continuer, il est légitime de se poser la question de leur lien. Mais plus exactement, quand il en va de la survie de l’exploitation paysanne, quand il s’agit de la survie du bétail, des membres de la famille et du fermier lui-même, autrement quand il s’agit de question de vie ou de mort, les enjeux sont infiniment plus prenants et le paysan cherche une thérapie (une sortie de la situation dans laquelle il est) avant de chercher une explication qui satisferait un observateur « rationnel » extérieur. Et comme cette voie rationnelle (scientifique via la biomédecine) reste sans effet (contre la globalité de la série) et que l’exploitation reste menacée, il faut trouver une solution. Et justement le désorcèlement, « ça y fait » (Favret-Saada 2009 : 39). Il faut trouver quelque chose qui fonctionne, qui a son efficacité, peu importe comment, et le processus décrit plus haut a déjà fonctionné pour d’autres. Peu importe donc que la position du sorcier soit endossée à son insu par un voisin, tant que la capacité d’abduction de la victime à partir de ses maux est circonscrite, via 172 des mesures physiques d’isolement de la victime. Peu importe qu’il n’y ait pas de preuves que transpercer un cœur de bœuf atteint le sorcier (le voisin « réel »), tant qu’une action est initiée qui ouvre la possibilité à la victime de retrouver sa propre capacité d’agir, de se défaire de son sorcier (imaginaire, résultat de sa propre abduction) qui le place dans une position de victime. Muu, dans le cas Kuna qu’on a vu plus haut, semble prendre la même fonction que le sorcier : un responsable du mal de la patiente, qui a une existence propre — externe ou du moins autre par rapport à la victime117. L’inconscient pour la patient psychanalytique joue également ce rôle d’un agent qui l’agit et qu’il faut maîtriser. Sorcier endossé par un voisin, esprit ou inconscient, sans être peut-être strictement identique du point du vue ontologique, assument néanmoins la même fonction pour leur victime118. Le désorcèlement propose à la victime un changement de perspective : de celle du sorcier pour lequel la victime est un objet de l’action à celle du désorceleur qui tente de faire de la victime à nouveau un acteur — au sens fort de « celui qui agit » —, un sujet de l’action. Ce processus de changement de perspective de la victime sur elle-même s’entame en assistant au rituel « spectaculaire » du désorceleur comme « embrayeur de violence », une action dont elle voit le processus (par exemple : amener un cœur de bœuf chez la victime, le faire bouillir, le transpercer d’aiguille), alors qu’elle ne perçoit que le résultat des actions du sorcier : les maux qui l’accablent. Dans ce sens, l’action du désorceleur n’est pas « métaphorique » comme la qualifiait Favret-Saada d’une manière un peu imprécise plus haut — une action qui ne ferait que « comme si » on touchait le sorcier en transperçant un cœur — ou une démonstration de « magie » que le paysan, à court de solutions finirait par accepter comme plausible. Au contraire, l’action rituelle est une sollicitation à récupérer une capacité d’agir dont le rituel spectaculaire offre un exemple marquant. Le spectacle ici n’équivaut bien entendu pas à un divertissement puisque l’enjeu est la survie de la victime et de son exploitation, ce qui a pour effet que la victime ne peut pas ne pas être impliquée dans ce processus. Le rituel pratiqué par le désorceleur propose alors une didactique discrète par un Dans un contexte où les notions « d’esprits » ou de « l’Esprit » sont monopolisés par l’Eglise, on peut spéculer que la sorcellerie en milieu bocain, en France au XXème siècle a trouvé cette forme qui consiste à faire endosser l’origine du mal à un être qui n’est pas surnaturel (dans son apparence du moins) comme un simple voisin « jaloux ». Etants catholiques et vivants dans un contexte « moderne », même dans le cas de la sorcellerie, la référence à un esprit comme on peut les trouver ailleurs risquerait de faire passer les victimes pour encore plus « fous ou arriérés » qu’ils n’acceptent déjà de l’être en faisant appel à un désorceleur. 117 Ces rapprochements sont faits, on l’a vu, par Lévi-Strauss entre le cas Kuna et le cas psychanalytique, et par FavretSaada entre la sorcellerie et la « cure psychique » (Favret-Saada 2009 : 78) dans l’intitulé des chapitres 2 et 3 du même ouvrage : « la thérapie sans le savoir » et « l’invention d’une thérapie ». 118 173 exemple d’engagement d’une « force vitale » (FS : 331) : réaliser une action. Si le but explicite de cette action est de combattre le sorcier (ce vers quoi on oriente l’action et qui lui donne sa forme), le but implicite est de mobiliser concrètement la capacité d’agir de la victime sur quelque chose (ce que réalise effectivement l’action). Ce procédé ne fait appel à aucune action magique à distance. Cette force en action mobilisée par le rituel une première fois par le désorceleur est ensuite reconduite après le rituel par la victime. La victime mobilise son attention et ses gestes — son action — vers ce combat et non plus vers la lecture de faits comme étant les produits du sorcier faits pour l’accabler119. Si, ce faisant, la victime ne devient pas désorceleur pour d’autres, elle le devient un peu pour elle-même, pour peu qu’elle montre l’assiduité suffisante pour entretenir l’effet du rituel du désorceleur en appliquant ses actions dans le combat. Désorceler consiste à détourner la force que met la victime à produire son bourreau par abduction d’agentivité vers une force employée à se protéger contre celui-ci, à passer d’une position d’objet pour un sujet imaginaire vers celle de sujet en s’appuyant sur des objets concrets. Le texte de Lévi-Strauss et les précisions de Severi ont permis d’identifier une efficacité propre à celui qui produit une forme pour la proposer aux autres (eA). Pour tenter de saisir les ressorts de cette efficacité face à un forme que l’artiste produit, on a tenté d’appliquer les formules de Gell, mais elles se révèlent mal adaptées pour décrire un changement de position d’une même personne dans un système. C’est ce qu’apporte le travail de Favret-Saada à la présente analyse par un système de positions modifiables et non plus des rôles sociologiques relativement figés. On peut désormais reprendre la question de cette seconde efficacité symbolique à partir du terme critiqué par Baxandall en début de chapitre : l’influence. Retour à l’art : appliquer un modèle sorcellaire à la dynamique de création Baxandall décrivait comment « en disant que X a influencé Y, on semble effectivement dire que c’est X qui a agi sur Y, et non Y sur X ». La relation qui va de Y à X est plus riche de possibilités d’action que l’inverse : Si cependant un nouveau fait malheureux survenaient, cela peu indiquer simplement que la victime n’est pas assez assidue dans ses actions post-rituelles. 119 174 X Y influencer X Y imiter, s’approprier, faire revivre, parodier, affronter, etc. La critique qu’on peut adresser à Baxandall, en s’appuyant sur les analyses de Gell où les œuvres (O dans le schéma ci-après), servent « d’instrument à l’agentivité des artistes », consiste à dire que pour que Y agisse sur X, il faut que, dans un premier temps, Y ait vu une œuvre de X, œuvre qui doit avoir sur Y un effet suffisant (une influence) pour qu’il la prenne pour base pour la réalisation de sa propre œuvre, dans un second temps, œuvre qui « modifie la lecture » de l’œuvre antérieure : X O influencer X Y Y O imiter, s’approprier, faire revivre, parodier, affronter, etc. « Influencer » est une opération transitive : X produit une œuvre, œuvre qui a un effet sur Y. À son tour, Y produit une nouvelle œuvre, qui modifie la lecture qu’il a (et qu’on peut avoir) de ce que fait X. Même si Y produit son œuvre contre l’effet que celle de X a sur lui, ce contre quoi Y se bat, c’est l’agentivité de X. Si on produit le même type de schéma pour les relations présentes dans le système de position de la sorcellerie telle qu’on vient de le voir, on obtient : S Faits malheureux P jeter un sort S P désorceler 175 D Embrayeur de violence Celui qu’on peut appeler le patient (P) — tant parce que c’est celui qui vient consulter le désorceleur que parce qu’étymologiquement c’est le nom de la position passive — subit une série de maux qu’il conçoit comme un sort jeté sur lui par un sorcier (S). Pour se défaire de ce sort, il consulte donc un désorceleur (D) qui produit un rituel spectaculaire, embrayeur de violence, qui a pour but explicite d’atteindre le sorcier en retour. Cet embrayeur, on l’a dit, est une mise en forme du combat contre le sorcier mais avant tout une mise en action du patient.
33,513
907a99ef310f5226e99299691a91a0cd_21
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,012
Bibliographie générale et sélective
None
French
Spoken
7,000
11,988
Les 24 détenteurs recensés de cette époque jusqu’à la nationalisation de 1937 (4 au PLM, 5 au PO, 3 au Nord, 6 au Midi, 5 à l’Est et 1 à l’Ouest avant la faillite de 1908) le sont tous sans la moindre exception215. Le phénomène ne s’arrête pas à la direction générale. Une étude sur les 61 ingénieurs en chef du matériel et de la traction des grands réseaux des origines à 1937 donne un pourcentage global de 74 % de polytechniciens, qui atteint même 87 % pour la période 1909-1937216. Il faut dire que les polytechniciens sont extrêmement nombreux à faire carrière dans les compagnies, il s’agit même longtemps de leur principal débouché dans le 213 La formation du dernier n’est pas connue. La Compagnie du Nord se distingue par l’absence de direction centrale, mais, parmi les trois grandes directions de service, celle de l’exploitation exerce une « prééminence » sur celle des deux autres (traction et travaux) ; François CARON, Histoire des chemins de fer en France, t. 2 : 1883-1937, Paris, Fayard, 2005, p. 4546. 215 Pour l’ensemble de la période des origines des grands réseaux à 1937, le monopole serait déjà quasi complet avec 57 polytechniciens sur 66, soit 86 % des titulaires ; Georges RIBEILL, « Le rôle des Polytechniciens dans le développement des chemins de fer en France », in Bruno BELHOSTE, Amy DAHAN-DALMEDICO, Dominique PESTRE, Antoine PICON (dir.), La France des X. Deux siècles d’histoire, Paris, Economica, 1995, p. 246. Ce monopole n’est en revanche curieusement jamais souligné par F. Caron dans ses travaux, qui ne mentionnent que la répartition entre les grands corps (voir chapitre suivant) sans préciser la formation initiale qu’ils ont en commun, tous les dirigeants n’en étant pas membres par ailleurs ; voir ibid., p. 48-49 et Histoire de l’exploitation d’un grand réseau. La Compagnie des chemins de fer du Nord 1846-1937, Paris, Mouton, 1973, p. 278. 216 Georges RIBEILL, « Les ingénieurs en chef du matériel et de la traction des grands réseaux », in Bernard ESCUDIÉ, Jean GRÉA (dir.), Thermodynamique et locomotives à vapeur. L’œuvre d’André Chapelon 18921978, Paris, Éditions du CNRS, 1989, p. 175-195 (avec les notices biographiques de l’ensemble des titulaires). 214 327 secteur privé217. Les centraliens y sont également présents en nombre218, mais, après quelques belles carrières au XIXe siècle comme celle de Jules Petiet, directeur de l’exploitation du Nord de 1845 à 1874219, ils disparaissent des directions centrales ensuite. Ils n’ont aucune chance de « doubler » leurs concurrents pour accéder au sommet. Les Chemins de fer de l’État ne se distinguent en rien des compagnies privées. Et, à partir de 1937, le phénomène se prolonge bien sûr à la SNCF, qui reste jusqu’à aujourd’hui largement une chasse gardée des polytechniciens pour les fonctions de direction générale et de directions techniques. Neuf polytechniciens s’y sont ainsi succédé sans exception à la direction générale pendant… 50 ans, jusqu’en 1987… où le relais est pris par un ancien élève de l’École nationale d’administration (Philippe Rouvillois). Le nombre total de polytechniciens employés a toutefois diminué de plus de la moitié au fil du temps : après que la SNCF en a hérité 480 des compagnies privées, ils ne sont que 400 environ en 1950 et 200 en 1980220. Il faut souligner que le phénomène ne se reproduit pas au même degré dans les compagnies de transports maritimes. Ainsi, la Compagnie générale transatlantique et la Compagnie des messageries maritimes n’ont pendant longtemps pas eu de dirigeants polytechniciens. Ce n’est que bien après leur entrée dans le giron de l’État que celui-ci nomme des présidents qui le sont, en l’occurrence Jean Marie (X 1912) en 1944 à la première et Gustave Anduze-Faris (X 1913) à la seconde en 1948, les directeurs généraux étant, eux, plutôt de formation juridique. Polytechnicien, une ressource insuffisante dans l’industrie textile sous contrôle familial Qu’en est-il de la formation des dirigeants dans une branche sous contrôle familial quasi hégémonique comme le textile ? Les polytechniciens n’en sont pas absents d’après les annuaires : l’édition 1930 en donne ainsi 52 dans la rubrique « Textile », 2 autres dans la « Teinture, impression et apprêt » et 3 autres dans la « Soie artificielle ». Même si les fonctions effectivement indiquées dans les listes par promotions ne confirment pas cette orientation pour une dizaine d’entre eux221, ils sont au moins une bonne quarantaine à avoir BELHOSTE, op. cit., p. 410 ; Terry SHINN, Savoir scientifique et pouvoir social. L’École polytechnique 1794-1914, Paris, Presses de la FNSP, 1980, p. 169 et surtout RIBEILL, « Le rôle des Polytechniciens dans le développement des chemins de fer en France », art. cit., p. 239-251. 218 RIBEILL, « Profils des ingénieurs civils… », art. cit., p. 114. 219 Jean-Pierre WILLIOT, Jules Petiet : un ingénieur de la première industrialisation et ses réseaux : 1813-1871, Pantin, Imprimerie Delcambre, 2006. 220 RIBEILL, « Le rôle des Polytechniciens… », art. cit., p. 247. 221 Le placement dans une rubrique professionnelle n’est pas nécessairement exclusif, il peut correspondre aussi à une activité simplement annexe d’administrateur de sociétés par exemple. 217 328 une activité principale dans le textile. En 1940, ils sont, dans les mêmes rubriques, respectivement 46, 1 et 1 (sous le nouveau nom de « Rayonne »). En 1950, ils sont 43 en « Industries textiles » et 7 en « Teinturerie » et seulement 36 en tout en 1965. La présence des polytechniciens dans cette branche qui a déjà commencé son déclin à cette période tend donc à stagner voire à régresser. C’est d’autant plus le cas qu’ils sont, de manière intéressante, peu présents dans les plus grandes entreprises. Si l’on suit le classement par effectifs salariés établi à partir du fichier de l’OCRPI des grandes entreprises industrielles (cf. annexe tableau 5), on n’en relève ainsi aucun entre 1930 et 1965 chez Dollfus-Mieg & Cie à Mulhouse, chez Bessonneau à Angers, aux Ets François Masurel à Tourcoing, aux Ets Nicolas Géliot & Fils dans les Vosges, à la Société des tissages et filatures de Flers dans l’Orne, etc. On en trouve un seul (en 1930 seulement, avec une fonction non indiquée) aux Filatures Prouvost & Cie (La Lainière de Roubaix). Au Comptoir de l’industrie cotonnière (groupe Boussac), le seul repéré n’est présent qu’en 1955, avec également une fonction non indiquée, et de manière semble-t-il éphémère : dix ans plus tard, il a fait une reconversion complète en rejoignant… l’usine de Lacq de la Société des pétroles d’Aquitaine. Au Peignage Amédée Prouvost & Cie à Roubaix, la présence d’un polytechnicien est encore plus tardive (1965) et également éphémère : Philippe Bouriez (X 1952) a quitté la SEITA en 1961 pour être pendant quatre ans attaché de direction de l’entreprise textile avant de rejoindre son entreprise familiale de supermarchés et fonder l’important groupe d’hypermarchés Cora. Dans la grande entreprise qui domine à partir des années 1930 la teinture et le blanchiment, Gillet-Thaon, on n’en relève qu’un en 1955, comme simple ingénieur aux services techniques du bureau de la région Nord à Lille. 222 Notice du Who’s who in France, éd. 1987-1988. 329 Les quelques polytechniciens devenus dirigeants de grandes entreprises textiles le sont surtout comme héritiers. C’est le cas d’André Gillier (X 1901), qui dès 1905 rejoint l’importante entreprise familiale éponyme de bonneterie à Troyes (marques JIL et Lacoste) pour en prendre la direction jusqu’à sa mort prématurée en 1935. Ennemond Bizot (X 1919 normale) doit à son mariage avec la fille d’Edmond Gillet le fait d’avoir pris la direction de la branche textiles artificiels du groupe familial (Givet-Izieux, devenue jusqu’à son intégration dans Rhône-Poulenc en 1961 Celtex puis CTA). Mais, de manière étonnante, c’est surtout dans les PME du textile que les polytechniciens sont les plus présents, souvent comme gérants, héritiers ou non. Maurice Bertaud (X 1889) reprend ainsi l’entreprise paternelle de tissage de cotonnades à Roanne, plutôt en déclin semble-t-il d’ailleurs (354 salariés en 1926, 172 en 1943). Robert Offroy (X 1899), dont le père Henri était déjà polytechnicien (X 1871), fait de même avec l’entreprise Henri Offroy & Lemarchand, filature et tissage de coton à Malaunay (Seine-Maritime, 139 salariés en 1943). Jean Gignoux (X 1904) intègre quant à lui l’entreprise de son beau-père, Jean-Baptiste Giroud, la fabrique de couvertures de laine Charles Giroud & Cie (siège à Lyon, usine à Sérézin-du-Rhône, Isère, 150 salariés en 1926, 53 en 1943). On pourrait citer ainsi une bonne dizaine de cas semblables. Pour d’autres, on ne repère pas de lien familial évident, mais cela peut être lié à un manque d’information dans le cas de liens par alliance qui peuvent être à plusieurs degrés. Hervé de Branges de Bourcia (X 1911) administrateur délégué des Anc. éts Alexandre Giraud, fabrique de soieries à Lyon (avec deux usines en Isère : 499 salariés en 1926, 76 en 1943), par exemple, est le gendre d’Albéric du Verna, lui-même gendre du fondateur Alexandre Giraud. Les polytechniciens ne se risquent donc guère à des carrières incertaines dans de grandes entreprises textiles lorsqu’ils ne sont pas liés aux familles actionnaires, à moins que ce soit celles-ci qui ne fassent guère appel à eux, par crainte que, en raison de leur faible légitimité scolaire à gérer leurs entreprises, eux-mêmes soient concurrencés par des ingénieurs beaucoup plus titrés. En revanche, lorsqu’ils appartiennent ou s’allient à des familles propriétaires d’entreprises d’importance même moyenne, ils font souvent leur devoir d’héritiers, leur réussite scolaire exceptionnelle pouvant là apparaître inutile dans une branche qui ne pratique guère l’élitisme du diplôme. Les centraliens sont encore plus nombreux dans l’industrie textile : un relevé dans les différentes rubriques professionnelles correspondantes223 dans l’édition 1937 de l’annuaire des anciens élèves permet ainsi d’en recenser, hors doublons de rubriques, rien moins que 174. Mais, là encore, ils se répartissent entre un grand nombre d’entreprises, et sont assez peu présents dans les plus grandes, que ce soit comme dirigeants ou simples ingénieurs. Chez Dollfus Mieg & Cie, l’héritier Émile Dollfus (promotion 1885) – ce grand personnage de l’industrie locale, président de la chambre de commerce et de la Société industrielle de Mulhouse, préside également l’Alsacienne de constructions mécaniques – reste isolé dans l’entreprise comme président. On ne relève pas non plus pour l’année considérée de centraliens chez Bessonneau, Masurel, Prouvost & Cie, Cotonnière du Nord et de l’Est, Comptoir de l’industrie cotonnière (Boussac), Saint Frères, etc. On en relève un (fonction non précisée) chez Géliot & Fils (Centrale cotonnière de l’Est) à Épinal, deux (ingénieur et directeur du blanchiment) chez Schaeffer & Cie dans le Haut-Rhin un (« ingénieur-directeur ») aux draperies Blin & Blin à Elbeuf (Seine-Maritime), deux (ingénieurs) chez Gillet-Thaon, un (usine de Vaulx-en-Velin) aux Textiles artificiels du Sud-Est. La grande majorité des centraliens se répartissent dans à peu près autant d’entreprises moyennes dont ils sont gérants héritiers – ainsi Marcel Roy (promotion 1907), gérant de la société Roy Frères (siège à Paris, 850 salariés en 1948 dans deux usines de Seine-Maritime) ; Marcel Cartier (promotion 1921), gérant de la Société L. Cartier & Fils, à Angecourt (Ardennes, 73 salariés en 1943), etc. – mais aussi, sous réserve d’informations incomplètes, managers ou ingénieurs. Reste que, comme les polytechniciens, les centraliens ne pèsent guère dans la masse des entreprises de la branche. La même observation vaut a fortiori pour les ingénieurs civils des mines, aux effectifs plus faibles et aux débouchés traditionnellement moins diversifiés. En 1933, l’annuaire de Paris n’en recense qu’un seul dans l’industrie textile traditionnelle, ingénieur à la Manufacture française de tapis et couvertures à Beauvais (promotion 1925)224. Ils sont en revanche quatre, mentionnés comme ingénieurs, dans la nouvelle industrie des textiles artificiels, où la dimension technologique et chimique est plus importante. En 1959, ils sont, 223 « Blanchiment et apprêt », « Bonneterie », « Confections », « Couvertures et molletons de laine », « Filatures et tissages », « Industries textiles. Coton », « Industries textiles. Laine », « Industries textiles. Lin », « Industries textiles. Soie », « « Industries textiles. Fils et tissus divers », « Rubans », « Tapis et tapisseries », « Teinture », « Textiles artificiels », « Tissus ». 331 hors ceux d’abord polytechniciens, 11 dans la rubrique « textiles » de l’annuaire, répartis dans autant d’entreprises souvent petites, auxquels s’ajoutent 5 relevant du Comptoir des textiles artificiels (CTA), avec notamment un directeur du matériel (promotion 1918) et un directeur des usines (1928), qui rassemble entre-temps la plupart des entreprises d’une branche maintenant très concentrée. Mais, deux écoles valant toujours mieux qu’une, les deux plus belles carrières sont faites par des polytechniciens ingénieurs civils des mines : Henri de Longuy (X 1920 spéciale, mines 1921) directeur général commercial du CTA, et Henri Mignot (X 1926, mines 1928), secrétaire général de Gillet-Thaon. À l’école de Saint-Étienne, ils sont 8 repérés dans l’édition 1957 comme travaillant dans l’industrie textile. Là encore, ils ne sont pas dans les plus grandes entreprises ; le tropisme local ou régional – ainsi, Pierre Bernard (promotion 1938) est directeur adjoint de l’Union rubanière, à Saint-Étienne (136 salariés en 1936) – est fort et ils sont souvent associés au capital, soit à titre personnel soit à titre d’héritier, de ces entreprises moyennes. Pierre Bonnefoy (promotion 1922) est associé aux vêtements Bonnefoy à Arlanc (Puy-de-Dôme), Georges Renouat (1923) est directeur des Ets J. Vert & Renouat à Saint-Rambert (Loire), Marcel Doligez (1914), gendre Champier, est PDG des Ets Champier, entreprise de blanchiment, teinture et apprêt (318 salariés en 1936, 97 en 1943) à Tarare (Rhône). Ces parcours atypiques d’ingénieurs de grandes écoles vers une industrie textile peu marquée par l’élitisme scolaire semblent donc souvent liés à des ressources – ou contraintes… – familiales : l’héritier qui a réussi est sollicité bon gré mal gré, parfois peut-être aux dépens d’une carrière plus brillante ailleurs, pour reprendre une affaire… qu’il aurait de toute façon pu gérer sans faire de telles études. En effet, il reste, dans cette branche peu concentrée, de nombreux postes qui doivent revenir, si ce n’est à des « autodidactes », du moins à des détenteurs de formations techniques ou commerciales de second rang. Cela vaut pour des héritiers bien sûr, du sang ou par alliance, mais encore, parce qu’il y en a aussi dans les grandes entreprises même familiales, des directeurs « managers ». Leur trajectoire scolaire ne le laisse pas aussi facilement repérer que dans l’industrie lourde par le dépouillement d’une poignée d’annuaires. L’importance comme filières de formation d’écoles spécialisées comme l’Institut textile de Roubaix, devenu aujourd’hui Institut du textile de France, devrait être précisée. Il faudrait mener des études monographiques à partir de sources internes (dossiers de personnel) pour préciser les formations suivies. L’histoire de la draperie d’Elbeuf Blin & Blin 224 Auquel s’ajoute un d’abord polytechnicien (1897), avant d’être ingénieur civil des mines (1900) : René Chabert, administrateur délégué des tissages Garnier, Thiebaut & Cie à Gérardmer dans les Vosges (371 salariés en 1943), sans que l’on sache s’il existait un lien familial. 332 faite par Jean-Claude Daumas nous donne ainsi quelques éléments. Si les premières générations de cette famille d’origine alsacienne avaient été formées par apprentissage sur le tas, « à la fin du [XIXe] siècle, les Blin avaient un niveau de qualification scolaire plus élevée. Eugène [1860-1909] passa une licence en droit tout en travaillant dans la société, et deux des fils d’Albert [1852-1891] poursuivirent leurs études au-delà du baccalauréat : l’un fit son droit et l’autre suivit les cours d’une école de commerce225 ». En revanche, les formations d’ingénieur restent absentes : « la possession de connaissances abstraites n’était pas indispensable dans une industrie qui se développait sur la base d’une technologie relativement simple qui n’évoluait que lentement. La draperie n’était pas une industrie savante et l’empirisme et le tour de main y conservaient une place essentielle226. » Et il n’y a que pour des tâches précises qu’une formation particulière était nécessaire. « C’était le cas de la teinture où, à la fin du XIXe siècle, l’utilisation de nouveaux colorants appelait des connaissances théoriques. Aussi l’entreprise avait-elle recruté hors de la famille l’ingénieur chimiste dont elle avait besoin ». À la génération suivante, où il n’y avait qu’un héritier mâle, c’est un gendre, Claude Zimmern, qui prend « de facto » – « son beau-père n’abandonnant officiellement son poste de PDG que lorsqu’il prit sa retraite en 1965 » – « la tête de la société » en 1949227. « Tous les témoignages mettent sur l’accent sur le fait que, “très marqué par sa formation de médecin”, il n’avait pas “le profil (ou l’âme) du chef d’entreprise ». S’il s’épanouissait dans les organisations professionnelles où on discute de problèmes généraux – il présidait beaucoup –, en revanche « la routine du métier l’ennuyait ». Qui plus est, « il ne s’intéressait pas à la technique et aux produits », et était sans doute « davantage un financier qu’un industriel ». En somme, il aurait sans doute souhaité faire autre chose mais « son beaupère avait choisi pour lui228 ». 226 Ibid., p. 187-188. 227 Ibid., p. 483. 228 Ibid., p. 472, à partir d’entretiens réalisés par l’auteur avec des membres de la famille. 333 adjoint est créé pour lui en 1945229. Il est, après la disparition de C. Zimmern, le dernier PDG de l’entreprise de 1971 à 1975. En dessous, les directeurs de département continuaient à avoir été formés sur le tas et à avoir gravi tous les échelons. « Cette culture du sens pratique faisait en définitive bien peu de place aux ingénieurs passés par une école. Soit ils étaient cantonnés dans des fonctions qui requéraient des compétences technico-scientifiques qui ne pouvaient s’acquérir par la seule pratique de la production et où l’empirisme était insuffisant. C’était essentiellement le cas du service de l’entretien (dont les directeurs sortaient tantôt de l’École centrale de Paris [selon une source orale, sans autre précision ; le seul cas repéré est celui de René Gruson, promotion 1922 b, « ingénieur directeur » en 1937, décédé avant 1947], tantôt d’une école des Arts et Métiers de province) et de la teinture (ses deux derniers directeurs étaient issus de l’INSCIR [Institut national de chimie industrielle de Rouen]). Soit ils étaient recrutés avec des fonctions plus larges de supervision de l’ensemble de la production, et ils ont été rapidement marginalisés ([Bernard] Vandeventer, [pour lequel est créé pour la première fois un poste de directeur technique en 1963] ou sont entrés en conflit avec le reste de la direction et ont été mal acceptés par le personnel ([Albert] Desrumeaux, [en 1972, un ingénieur qui avait déjà une longue carrière dans le textile, dernièrement comme dirigeant du groupe lillois Delebart-Mallet]), quand ils ne sont pas partis rapidement ([Robert] Serres, [en 1949, ce jeune polytechnicien de la promotion 1945 issu d’une famille d’industriels du Nord et diplômé à titre d’école d’application de l’Institut du textile de Roubaix entre comme directeur de la fabrication, avec pour perspective de prendre la suite d’André Blin comme directeur de la filature ; il ne trouve pas sa place dans l’organigramme, fait ensuite avec l’appui des Blin carrière au Comité central de la laine, d’abord comme chargé des études statistiques, ensuite comme directeur général puis président])230 ». Les cadres familiaux, qui continuent, avec un organigramme peu rationnel, d’accaparer l’essentiel des fonctions de direction, n’étant pas passés par des écoles d’ingénieurs, ont une formation exclusivement pratique et basée sur l’expérience. Ce fonctionnement qui n’avait probablement rien d’exceptionnel dans la branche textile explique qu’elle ne se soit guère montrée attractive à l’égard des diplômés des grandes écoles. 230 DAUMAS, livre, op. cit., p. 542. Sur A. Desrumeaux, thèse, op. cit., p. 1175-1176. Sur R. Serres, les précisions entre crochets m’ont aimablement été fournies par l’auteur dans une correspondance du 13 juin 2007. 334 fortes. D’autre part, des branches comme la sidérurgie ou la chimie justement dominées par l’élitisme scolaire n’ont pas échappé à de lourdes restructurations. L’exception polytechnicienne de Say dans l’industrie agro-alimentaire La même observation vaudrait semble-t-il aussi pour l’industrie agro-alimentaire, où les diplômés des grandes écoles d’ingénieurs semblent aussi relativement peu implantés dans les directions des entreprises d’une branche également alors très dispersée. Les polytechniciens n’en sont cependant pas absents. Dès 1930, le répertoire par secteurs d’activités de l’annuaire en recense – sous réserve que cela corresponde bien à une activité principale – 69 dans la partie alimentation, répartis entre « distillerie, brasserie » (8), « minoterie » (5), « produits alimentaires » (16), « raffinerie, sucrerie » (29), « vins, champagne » (5) et « divers » (6). À la fin est distinguée parmi les « sociétés industrielles diverses » notamment la Société des raffineries et sucreries Say qui ne rassemble pas moins de 12 des 29 X de cette spécialité. En 1940, ils sont 83, répartis entre « produits alimentaires en général » (18), « alimentation animale » (1), « minoterie » (3), « biscuiterie » (3), « vins, champagne » (6), « distillerie, brasserie » (9), « raffinerie, sucrerie » (28, dont 13 pour Say) et « spécialités non dénommées » (15). En 1950, ils sont 105 répartis entre les « organisations professionnelles » (6), l’« alimentation générale » (6), l’« industrie de la conserve » (11), la « distillerie » (7), les « huiles alimentaires générales » (8), les « industries laitières » (8), la « minoterie, biscuiterie » (6), la « sucrerie, raffinerie » (29, dont 14 pour Say), les « vins » (3) et « divers » (21). En 1965, une répartition plus précise par entreprises confirme l’exceptionnalité de Say : alors que les autres entreprises citées comme Georges Lesieur & ses Fils, Unipol, Raffineries Saint-Louis, Marie Brizard ou Caves et producteurs réunis de Roquefort n’en rassemblent que deux ou trois, l’entreprise sucrière se distingue encore avec 18 X (sur un total de 29 dans sa spécialité). Ailleurs, les polytechniciens n’occupent qu’une place parcellaire dans cette branche et un rapide survol montre que la logique familiale doit là encore être forte pour expliquer ces parcours atypiques. 335 directeur technique de l’entreprise familiale et James Hennessy (X 1943) à une fonction non précisée de l’entreprise de Cognac. À Say, l’une des rares entreprises non familiales de la branche, les descendants du fondateur en 1831, Louis Auguste Say, ne jouant plus aucun rôle, ce sont en tout 23 polytechniciens, des promotions 1889 à 1960, qui ont été repérés comme ayant exercé au moins un temps une activité principale dans cette entreprise, ce qui est considérable, sa taille n’étant pas comparable à celle des grands groupes de l’industrie lourde232. Qui plus est, presque tous y ont exercé des fonctions de direction, au moins d’usines, et notamment toutes les fonctions de direction générale au moins depuis les années 1930. On a ainsi un président du conseil d’administration, Maurice Tinardon (X 1889), un administrateur délégué, Antonin Lapraye (X 1897), un autre administrateur délégué, devenu le premier PDG en 1941, Tony Robert (X 1910) et son successeur à sa mort en 1963 Roger Lesquibe (X 1919 spéciale). Les polytechniciens se succèdent également à la direction technique et un autre, par ailleurs docteur en droit, est même directeur commercial adjoint, secrétaire général puis directeur général adjoint. On assiste donc à un phénomène inégalé de concentration d’une même formation aux postes de direction d’une grande entreprise, d’autant plus étonnante qu’il s’agit d’un cas isolé dans cette branche. Le contraste est notamment fort avec l’entreprise concurrente Beghin, restée sous contrôle familial, qui n’emploie aucun polytechnicien, avec qui elle est fusionnée ensuite en 1973. L’entreprise managériale ne semble pas s’en être mieux sortie pour autant, étant passée ensuite sous contrôle italien. Les indications dont on dispose à partir de la thèse de Nicolas Marty à propos de la Source Perrier montrent cependant que d’autres entreprises de la branche n’échappent cependant pas totalement à l’élitisme scolaire. Après la fin de la phase de contrôle britannique avec une direction longtemps étrangère, le nouveau PDG propriétaire à partir de 1948, Gustave Leven, un ancien agent de change diplômé de l’ELSP, « installe à la tête de chaque service des hommes sûrs et très qualifiés. Dès 1952, le service technique se trouve toujours placé sous la direction d’un polytechnicien, le service des achats et le service comptable sous celle d’un HEC233 ». Charles Vandalle (X 1919 spéciale), un ancien ingénieur de Schneider recruté en 1937, a été le premier titulaire du poste de directeur technique. Il l’était encore en 1965, le seul autre polytechnicien répertorié dans l’entreprise, son cadet de plus de 30 ans André Laplane (X 1949), étant son adjoint. 232 L’effectif n’est pas connu d’après le fichier de l’OCRPI, lacunaire pour l’agro-alimentaire. Nicolas MARTY, Perrier c’est nous ! Histoire de la source Perrier et de son personnel, Paris, Éditions de L’Atelier, 2005, p. 152. 233 336 Même si la part des polytechniciens est très variable selon les branches, on ne trouve toujours aucun élément qui alimente la thèse de Lévy-Leboyer d’une « éclipse » dans l’après1945. Là où ils ne sont guère ou pas présents, ils ne l’ont jamais été. Et là où ils étaient présents, ils le restent voire renforcent leur présence. La position longtemps seconde des autres grandes écoles dans la grande industrie Au-delà de la concentration sur quelques grandes écoles, c’est plus largement la prédominance écrasante des formations techniques qui est frappante dans les directions générales des 21 groupes étudiés, avec notamment une faible représentation des études juridiques et « politiques » (ELSP) et une quasi-absence, à un héritier près, des écoles commerciales. Ces profils n’étaient pourtant pas absents des cadres. Des HEC longtemps réduits aux fonctions commerciales ou financières Un relevé dans deux éditions de l’annuaire (1950, 1958234) montre ainsi que les anciens élèves de l’école de commerce la plus prestigieuse, HEC, étaient, dans une proportion certes variable, bien implantés dans les groupes étudiés comme dans toutes les grandes entreprises235. 234 Les éditions antérieures ne sont plus consultables à la BNF ; l’édition de 1950 ne donne pas une répartition professionnelle complète des anciens élèves par branche ; elle ne mentionne que ceux appartenant à l’un des 22 groupes professionnels organisés. Certaines branches importantes comme les assurances sont absentes. L’édition 1958 est en revanche, à la suite de la refonte de l’annuaire en 1954 (MEULEAU, thèse, op. cit., p. 375), plus complète avec une répartition systématique des anciens élèves par branches d’activités selon la nomenclature de l’INSEE. 235 MEULEAU, thèse, op. cit., p. 441. 337 Tableau IV-17 : Diplômés de HEC dans les listes par professions d’éditions successives d’annuaires d’anciens élèves Entreprises 236 1939 1950237 1958 AFC / Pechiney 2 9 9 Alsacienne 1 2 s.i. ? CFM 0 0 0 CGE 1 s.i. s.i. ? Châtillon-Commentry 0 0 3 Denain-Anzin / 1948 Usinor 1 0 2 Kuhlmann238 6 12 18 Lafarge 0 s.i. 5 Longwy / 1953 Lorraine-Escaut 7 7 16 Marine 0 0 7 Michelin 10 2 14 Nord-Est 1 1239 Peugeot 19 4 22 Pont-à-Mousson 5 7 3 Rhône-Poulenc 6 5 18 Saint-Gobain 7 31 60 Schneider 3 1 6 Thomson-Houston 0 s.i. s.i. ? TLH 7 10 14 Ugine 6 14 28 de Wendel 10 2 2 Ensemble 92 (97) 227 De manière générale, on observe une forte croissance de cette filière au cours de la période de comparaison pourtant resserrée, qui profite notamment aux groupes déjà repérés comme « gros consommateurs » de diplômés (Saint-Gobain et Ugine surtout, Kuhlmann et Rhône-Poulenc à un degré moindre). La faible implantation dans la sidérurgie peut s’expliquer par la tendance à l’externalisation des activités commerciales dans des sociétés 236 Avec les habituelles restrictions d’étendue, voir notes du tableau supra pour les polytechniciens. Les informations sur la situation professionnelle semblent plus lacunaires pour cette année-là, d’où un risque de sous-estimation des effectifs, et certaines branches comme la construction électrique ne sont pas renseignées. 238 Y compris la branche organique devenue une filiale, encore sous le nom de Francolor en 1950, puis sous celui de Compagnie française des matières colorantes en 1959. 239 Encore mentionné sous Nord-Est dans cette édition. 237 338 communes comme DAVUM (8 HEC en 1950) ou le Comptoir français des produits sidérurgiques (5). On retrouve l’opposition habituelle dans la métallurgie non ferreuse entre les TLH, ouverts à de nombreux diplômés, et la CFM, réduite à sa culture centralienne. La présence importante dans certains groupes familiaux pourrait s’expliquer par le fait que des héritiers eux-mêmes avaient reçu cette formation : si Guy de Wendel (promotion 1902), cousin de François devenu cogérant en 1920, s’est retiré dès 1933, Jules Peugeot (même promotion 1902) a été longtemps administrateur délégué de l’entreprise automobile (19101940), ses neveux Eugène (1923) et François (1925), simples membres du conseil d’administration à partir respectivement de 1959 et de 1944, s’occupant plutôt de la branche de constructions mécaniques Peugeot Frères240. Mais les HEC sont également bien implantés chez Michelin sans qu’il y ait de lien avec la famille fondatrice. Ils semblent être des diplômés plus compatibles que les polytechniciens avec une gestion familiale dans la mesure où ils ne prétendent pas à la direction générale. De manière générale, les rares réussites de HEC dans la grande industrie jusqu’aux années 1960 se limitent aux héritiers. L’autre cas spectaculaire est celui de la deuxième grande famille industrielle de Montbéliard, les Japy, qui sont quatre à être sortis diplômés de l’école entre 1897 et 1928, dont Édouard-Albert Japy (promotion 1899) qui devient le chef de la dynastie. On peut citer également les cas de Paul Lesieur (1908, PDG) dans l’agroalimentaire, d’Édouard (1888, président de la Compagnie centrale Rousselot), Georges (1918, PDG) et Jean-Marie Rousselot (1923, directeur délégué) dans la chimie, d’André CartierBresson (1898, gérant des Ets Thiriez Père & Fils & Cartier-Bresson) dans le textile, etc. On a déjà évoqué le cas de Paul J. Desombre (1924, directeur général de la Compagnie électromécanique) dont le père a été longtemps administrateur délégué, sans qu’il s’agisse là d’une entreprise familiale. Dans les transports maritimes, il faut mentionner les frères Pierre (1912) et Christian (1913) Vieljeux, administrateurs délégués ; dans le commerce, on peut citer Gabriel Cognacq (1900), petit-neveu du fondateur, et son successeur Georges Renand (1899) comme gérants de la Samaritaine, ainsi que Charles (1900, président) et Jacques (1933, administrateur directeur général) des Nouvelles Galeries. La relativement faible difficulté d’accès scolaire à HEC permet aux descendants de ces familles assez fortunées pour payer les droits d’inscription d’entrer à cette école. 240 Deux autres Peugeot diplômés de HEC, Étienne (1895) et Jean-Jacques (1921), n’appartiennent pas aux branches associées à l’entreprise d’automobile. 339 Les véritables managers qui devraient leur carrière à HEC apparaissent bien rares. On peut citer leur réussite exceptionnelle chez Renault, où ils sont deux parmi les plus proches collaborateurs d’un fondateur qui semble se méfier des ingénieurs diplômés241 : Samuel Guillelmon (1897), ancien directeur général du constructeur Clément-Bayard que Louis Renault a recruté en 1917 comme directeur des fabrications, devient administrateur délégué après la transformation en société anonyme en 1922, chargé de l’administration des fabrications, des achats, des affaires immobilières, des questions sociales242 ; René de Peyrecave (de Lamarque) (1909) est ensuite directeur général de l’entreprise automobile pendant la guerre jusqu’à son arrestation en septembre 1944. Cette réussite correspond à une forte implantation dans l’entreprise : ils sont 44 HEC recensés par l’annuaire en 1939, contre 19 chez Peugeot et 17 chez Citroën seulement à la même date. Ailleurs, on relève aussi René Sentis (1910) et Jean-Louis Massiera (1920), successivement directeurs généraux de la Compagnie de navigation mixte ; Ivan Sibille (1912) est directeur général de la Société centrale cotonnière de l’Est (groupe Boussac). Mais ces quelques réussites ne sont que des exceptions à la règle qui veut que HEC ne serve pas à l’époque à former des managers, mais seulement à donner une petite légitimité scolaire à une minorité d’héritiers, les autres devant se contenter de positions plus modestes. Si les HEC n’investissent pas les directions générales dans l’industrie, sauf à être héritiers, ils accèdent, dans les différentes filières non techniques, à des fonctions de direction. Ils sont secrétaires généraux (Max Auboin, promotion 1920 M, TLH ; Philippe Duval, 1935, Kuhlmann ; Pierre Dupont, 1920 M, PAM), directeur commercial (Jacques Borduge, 1929, Rhône-Poulenc), directeur des relations sociales (Antoine Larue, 1921 M, Ugine), directeur des services financiers (Paul Moricourt, 1921 N, Ugine), inspecteur de la comptabilité générale (Léon Caillet, 1929, Saint-Gobain), etc. C’est chez Peugeot que, dans le sillage des héritiers, ils réussissent le mieux avec un inspecteur du contrôle financier (Louis MartinCarpentier, 1901), plus tard un directeur financier (Paul Perrin, 1932) et même un directeur des usines (George Taylor, 1941), les deux derniers accédant même au rang de directeurs généraux adjoints en 1966. L’importance des formations commerciales en général, et de HEC en particulier, parmi les cadres de l’industrie automobile, qui se traduit ensuite par l’arrivée de 241 DAY, « The graduates of the Écoles d’Arts et Métiers… », art. cit., p. 310. Patrick FRIDENSON, Histoire des usines Renault. 1. Naissance de la grande entreprise 1898-1939, t. I, Paris, Seuil, 2e éd., 1998, p. 127. L’autre administrateur délégué à cette époque est un docteur en droit, Paul Hugé. Les deux fils de S. Guillelmon, également diplômés de HEC, font carrière de même dans l’entreprise ; en 1939, l’aîné, Jean (promotion 1913), est chef du service exportation en 1939 et le second est vice-président de la filiale commerciale américaine. Tous deux restent dans l’entreprise après sa nationalisation. 242 340 diplômés de cette école aux commandes de Renault à partir de 1975, s’expliquerait par l’obligation qu’ont eue les constructeurs, à la différence d’autres industries comme la sidérurgie, de devoir contrôler eux-mêmes la commercialisation de leurs produits243. Les HEC n’exercent cependant pas dans les directions financières ou commerciales de monopole comparable à celui des polytechniciens dans certaines directions techniques ; leur réussite reste souvent isolée, et nombreux sont ceux qui doivent se contenter de carrières plus modestes dans ces services, ou comme responsables de succursales de vente par exemple. Les Sciences Po : une vocation de secrétaires généraux dans la grande industrie Le même phénomène s’observe, pour ces générations d’avant l’ENA, pour les élèves de l’ancienne ELSP. Les annuaires des anciens élèves publiés avant la guerre sont trop peu précis pour permettre un repérage des effectifs par entreprises, qui peut en revanche être fait avec la 1ère édition de l’Annuaire des anciens élèves des Sciences politiques en 1949. Tableau IV-18 : Diplômés de l’ELSP/Sciences Po d’après le classement professionnel de l’annuaire des anciens élèves de 1949 Entreprises AFC Alsacienne CFM CGE Châtillon-Commentry De Wendel Kuhlmann Lafarge Longwy Marine Michelin Peugeot Pont-à-Mousson Rhône-Poulenc Saint-Gobain Schneider Thomson-Houston TLH Ugine Usinor Ensemble 243 FRIDENSON, art. cit., p. 435. 1949 6 0 0 3 0 1 2 3 1 2 0 3 1 1 7 1 0 0 3 0 34 341 Pour autant que les indications sont complètes, les diplômés de l’ELSP sont à l’époque peu nombreux dans les groupes industriels étudiés, AFC et Saint-Gobain se distinguant à nouveau par leurs contingents plus importants. Si là encore, les PDG ou directeurs généraux sont peu nombreux parmi les anciens élèves dans l’industrie, à quelques héritiers près, comme Roland Labbé (promotion 1921), PDG de la Société métallurgique de Gorcy, directeur général de Longwy puis président de Lorraine-Escaut, ou François Lehideux (1924), neveu par alliance de Louis Renault et un des administrateurs délégués de l’entreprise automobile jusqu’en 1940. Mais les anciens élèves de l’ELSP exercent presque toujours des fonctions centrales, dans les services administratifs ou financiers. Le poste de secrétaire général apparaît être celui qui leur est souvent destiné244. C’est le cas notamment dans les groupes étudiés à Marine (André Boyer, 1911) et à Nord-Est (Robert Béliard), ailleurs à la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (Jean-Henri Adam), aux Chemins de fer du Midi (Maurice Bertrand), de l’Est (Paul Gruson) et du Nord et à la SNCF (Joseph Girard), à Penarroya (Georges-Pierre Labiche)245. Les « Sciences Po » se retrouvent plus rarement à la tête de services financiers, comme chez Saint-Gobain (Paul Francin, 1925), ou encore aux Mines d'Anzin (André Laloux, 1921) ou à l’Air liquide (François de Montéty). Un autre débouché industriel non négligeable est celui des postes de « permanents » (délégués généraux) dans les syndicats patronaux246, comme Henri de Peyerimhoff (Comité central des houillères de France), Alfred Lambert-Ribot (Comité des forges et Union des industries métallurgiques et minières), Roger Catin (Union des industries textiles de France) ou Guy de la Vaissière de Lavergne (Confédération générale du patronat français). Implantation et réussite apparente des Sciences Po et des HEC dans les banques Mais ce n’est pas dans l’industrie même au sens large que HEC ou « Sciences Po » trouvent leurs principaux débouchés ; ils sont beaucoup plus nombreux dans les banques. Le nombre de HEC qui y sont répertoriés dans les différents annuaires est ainsi assez spectaculaire, aussi bien à la Banque de France que dans les grandes banques de dépôt 244 Sur l’émergence, souvent plus ancienne que l’ELSP, du poste de secrétaire général dans les entreprises françaises au XIXe siècle, voir Jean FOMBONNE, Personnel et DRH. L’affirmation de la fonction Personnel dans les entreprises (France, 1830-1990, Paris, Vuibert, 2001, p. 39-44. 245 Les années de promotion de ces anciens élèves ne sont pas indiquées systématiquement, les annuaires antérieurs à 1949 indiquant seulement l’année d’adhésion à l’association, qui peut être décalée. 246 Sur les permanents patronaux, voir Olivier DARD et Gilles RICHARD (dir.), Les Permanents patronaux : Éléments pour l’histoire de l’organisation du patronat en France dans la première moitié du XXe siècle, Metz, Centre de recherche histoire et civilisation de l’université Paul Verlaine, 2005, avec notamment l’introduction de Patrick Fridenson et les articles d’Alain Chatriot sur H. de Peyerimhoff et de Danièle Fraboulet sur les permanents de la métallurgie. 342 (surtout à la BNCI et au Crédit lyonnais) et dans les banques d’affaires comme Paribas ou la BUP (où le nombre, plus faible en valeur absolue, est tout aussi élevé en valeur relative au regard des effectifs plus faibles). Tableau IV-19 : Diplômés d’HEC en poste dans les principaux établissements bancaires français Établissements 1939 1950 1958 Banque de France 41 44 52 Banque nationale du commerce et de l’industrie 19 46 49 Comptoir national d’escompte de Paris 25 10 14 Crédit lyonnais 36 33 56 Société générale 18 12 18 CCF 5 4 8 CIC (Société générale du) 8 10 6 Paribas 23 13 23 BUP 10 12 11 Banque de l’Indochine 12 15 15 Marc Meuleau indique dans sa thèse d’État sur HEC que « parmi les grandes entreprises, les banques sont les premières et longtemps les seules à accepter des HEC au sein de leur direction247. » La tendance n’est pourtant pas flagrante au sein des directions générales. À la Banque de France, aucun gouverneur ou sous-gouverneur entre 1918 et 1966 n’est sorti de HEC. Dans les neuf grandes banques de dépôts et d’affaires mentionnées dans le tableau IV-19, on recense parmi les 60 Français248 titulaires au cours de la même période de postes d’administrateurs délégués, PDG ou directeurs généraux en tout et pour tout 6 HEC, soit un dixième. Ce sont d’ailleurs les seules formations commerciales repérées, HEC exerçant pour ces générations une prédominance incontestée, déjà repérable dans l’industrie, aux dépens des autres écoles, parisiennes ou provinciales. Mais il reste que la plupart des HEC plafonnent à des niveaux hiérarchiques inférieurs. La part des Sciences Po est en revanche beaucoup plus forte parmi les dirigeants des banques : en gros, un tiers d’entre eux sont diplômés de cette école (19, plus celui qui est également diplômé de HEC et le seul autre qui soit également déjà ancien élève de l’ENA). On a bien là la filière scolaire dominante, les autres étant les études de droit (13 dont 5 247 MEULEAU, thèse op. cit., p. 477. 343 doctorats, non compris ceux qui ont fait du droit à côté de l’ELSP ou de HEC) et, de manière plus surprenante, 9 polytechniciens, au profil également particulier toutefois, 5 d’entre eux ayant intégré le corps de l’inspection des Finances (cf. chapitre suivant) et n’ayant donc jamais exercé le métier d’ingénieur249. De nombreux gouverneurs ou sous-gouverneurs de la Banque de France sont aussi passés par l’ELSP. On retrouve là donc un important facteur qui peut expliquer le renforcement des profils juridiques ou commerciaux dans le corpus élargi à l’ensemble des administrateurs des entreprises industrielles de M. Lévy-Leboyer ; ce sont ceux des banquiers qui y siègent de manière croissante à partir de la fin des années 1950. Tableau IV-20 : Diplômés de l’ELSP / Sciences Po en poste dans les principaux établissements bancaires français en 1949 Établissements 1949 Banque de France 63 Banque nationale du commerce et de l’industrie 31 Comptoir national d’escompte de Paris 26 Crédit lyonnais 32 Société générale 55 CCF 17 CIC (Société générale du) 22 Paribas 19 Banque de l’union parisienne 7 Banque de l’Indochine 14 En termes d’effectifs globaux, les diplômés de l’ELSP sont à la même période au moins aussi nombreux dans les établissements bancaires que les HEC. Si leur probabilité d’accès est en apparence plus élevée, cela ne vaut en fait que pour une petite minorité des anciens élèves, ceux qui intègrent l’inspection des Finances, au nombre de 13 sur 21 parmi ceux devenus dirigeants. Outre le cas de celui qui a fait également HEC (Paul Bavière, PDG de la BUP), ils ne sont que six à être arrivés avec la seule ELSP. 248 S’y ajoutent 3 Suisses à Paribas (Albert Turretini) et au CCF (Albert et Benjamin Rossier). Les autres formations se répartissent entre 3 licences ès lettres non cumulées avec du droit ou l’ELSP, un diplômé de l’École navale, un autodidacte ayant débuté comme caissier et sept dont la formation est inconnue. 249 344 Les diplômés de l’ELSP sont donc loin d’être égaux dans leurs chances d’accès aux fonctions dirigeantes dans l’entreprise. Beaucoup dépend en fait de leur réussite à intégrer ensuite ou non un grand corps administratif. C’est encore plus net pour les polytechniciens. La sélection préalable à la carrière en entreprise ne se limitait pas au fait d’entrer dans les promotions de quelques centaines élèves de grandes écoles d’une classe d’âge – ce qui est déjà extrêmement restrictif –, elle se faisait aussi entre les élèves de ces écoles, réduisant encore considérablement le vivier effectif.
42,147
60/hal.univ-reunion.fr-hal-02406159-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
110
164
Conclusion À l'image de cette main égayée et unique, à l'échelle des destins individuels, l'intégration apparaît alors comme une heureuse possibilité de réalisation de chacun des élèves de la Clis. Cette intégration est difficilement programmable et ne s'instaure pas par des circulaires. Il faut être optimiste et apporter à chaque fois que possible une pierre à cet édifice. Exploiter ses richesses et briller, empêchera le devenir de l'enfant en difficulté de se figer en destin. Je fouille du regard la cour de récréation pour retrouver « mes » élèves que je dois surveiller. Ils ont pris de l'assurance et se sont mêlés aux autres. Rude tâche, mais ô combien réconfortante!.
53,429
2013ENAM0008_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,013
Prévision des dommages d'impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés
None
French
Spoken
6,788
11,439
Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés Emilie Trousset To cite this version: Emilie Trousset. Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés. Autre. Ecole nationale supérieure d’arts et métiers ENSAM, 2013. Français. NNT : 2013ENAM0008. pastel-00942339 HAL Id: pastel-00942339 https://pastel.hal.science/pastel-00942339 Submitted on 5 Feb 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laborato ires publics ou privés . N°: 2 N° 200 2009 009 00 9 ENAM ENAM XXXX XXXX 2012-ENAM-0008 École doctorale n° 432 : Science des Métiers de l’Ingénieur Doctorat ParisTech THÈSE pour obtenir le grade de docteur délivré par l’École Nationale Supérieure d'Arts et Métiers Spécialité “ Mécanique-matériaux ” présentée et soutenue publiquement par Émilie TROUSSET le 17 avril 2013 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés Directeur de thèse : Laurent GUILLAUMAT Jury M. Frédéric LACHAUD, M. Laurent GORNET, M. Daniel COUTELLIER, M. Frédéric DAU, M. Johann RANNOU, M. Laurent GUILLAUMAT, M. Jean-Pierre LOMBARD, Enseignant-Chercheur, DMSM, ISAE Enseignant-Chercheur, GeM, École Centrale de Nantes Directeur de l’école d’ingénieurs ENSIAME, ENSIAME Enseignant-Chercheur, LAMEFIP, Arts et Métiers ParisTech Ingénieur de recherche, ONERA Directeur du centre d’Angers, Arts et Métiers ParisTech Ingénieur, Safran Composites Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Examinateur Directeur de thèse Invité T H È S E Arts et Métiers ParisTech Centre d’Angers Remerciements Une thèse est un long parcours et, loin d’être un travail solitaire, c’est le fruit de riches collaborations. Je prends ici le temps de remercier l’ensemble des personnes qui ont participé à l’aboutissement de ce projet. La rédaction d’un mémoire de thèse est un travail de grande ampleur mais plus grand encore est celui de l’évaluer. Je remercie Messieurs Frédéric Lachaud et Laurent Gornet, qui ont accepté ce rôle, pour les échanges passionnants que nous avons eus autour de ces travaux. Je tiens également à remercier Messieurs Daniel Coutelli , Frédéric Dau et Jean-Pierre Lombard d’avoir participé à mon jury de thèse. J’ai réellement apprécié ce moment d’échanges privilégié. La direction d’une thèse à distance est un exercice difficile. Je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères à Monsieur Laurent Guillaumat, qui a assuré le suivi de mes travaux et su me prodiguer de précieux conseils pendant ces trois années. Les travaux que je présente dans ce mémoire ont été réalisés à l’Onera, au sein du Département Matériaux et Structures Composites (DMSC), à Châtillon. J’aimerais commencer par remercier M. Daniel Abbé, directeur du DMSC à mon arrivée, de m’avoir accueillie au sein de son département. J’y ai été encadrée par Jean-François Maire et Johann Rannou. Je tiens à les remercier pour leur accompagnement durant ce projet, en particulier Johann, dont j’ai eu le privilège d’être la première doctorante. J’ai également eu la chance de bénéficier de l’aide d’ingénieurs de recherche du DMSC, qui ont joué le rôle d’encadrants « officieux » : Frédéric Laurin, qui a notamment participé au développement du modèle Onera Progressive Failure Model – dont une version améliorée a été remarquée lors du World Wide Failure Exercise II, Thomas Vandellos, qui m’a aidée à mettre en place les modèles de zones cohésives, alors qu’il n’était encore lui-même que doctorant, et Pascal Paulmier, sans lequel la riche campagne expérimentale présentée dans ce mémoire n’aurait pas été possible. Je les remercie de m’avoir fait profiter de leurs connaissances et compétences tout au long de ce projet. Je tiens également à remercier l’ensemble du DMSC, et plus particulièrement l’unité MC2 (ex-MSC), au sein de laquelle j’ai effectué mes travaux. Merci notamment à FrançoisHenri Leroy pour nos discussions sur la recherche et l’après-thèse, ainsi qu’à François-Xavier Irisarri, Cédric Huchette, Romain Agogué, Cédric Julien, Daniel Osmont, Philippe Nunez, Anne Mavel, David Lévêque et Benjamin Lamboul. Je n’oublie pas non plus les ingénieurs de la cellule numérique du Département Matériaux et Structures Métalliques pour leurs conseils et leur accueil chaleureux, notamment Jean-Didier Garaud et Arjen Roos. Je passe à présent à la grande famille des doctorants et ex-doctorants de l’Onera, qui en fait probablement la richesse, notamment au travers de l’association EChO (Étudiants Chercheurs de l’Onera). Je citerai plus particulièrement Lionel Marcin, Mathieu Hautier, Jean-Michel Roche, Thomas Vandellos, Jean-Sébastien Charrier, Thierry Maffren, Azalia Moradi, Camélia Ben Ramdane, Antoine Hurmane, Adrien Elias, Alexis Lasseigne, III Dominique Geoffroy, Noémie Rakotomalala et Teddy Chantrait. Je n’oublie bien sûr pas mes co-bureau pendant mes deux premières années de thèse, Gaël Grail, Carole Rakotoarisoa et Elen Hémon, que je remercie pour ces années partagées autour de très bons moments. Je veux enfin remercier mes proches, pour leur soutien indéfectible et leurs encouragements. Merci à ma famille « étendue » et à mes sœurs, Alexandra et Clotilde. Les mots ne sont pas assez forts pour témoigner de ma gratitude envers mes parents, Michel et Josiane. Merci de m’avoir donné la force d’aller jusqu’au bout et de m’avoir toujours sou ue dans mes choix. Je termine en remerciant la plus belle découverte que j’aie faite durant ma thèse : Jean-Michel. IV Sommaire Introduction 1 Chapitre 1 : Bibliographie 7 1.1. Réponses à un impact de plaques composites stratifiées 1.2. Mécanismes d’endommagement de plaques composites stratifiées lors d’un impact 7 11 1.2.1. Empreinte permanente 12 1.2.2. Fissuration matricielle 13 1.2.3. Délaminage 14 1.2.4. Rupture de fibres 15 1.2.5. Pénétration puis perforation de l’impacteur 15 1.3. Paramètres influant sur les endommagements observés suite à un impact sur plaque composite stratifiée 15 1.3.1. Énergie d’impact 15 1.3.2. Vitesse d’impact 16 1.3.3. Nature de l’impacteur 17 1.3.4. Conditions aux limites imposées à la cible 19 1.3.5. Géométrie et empilement de la cible 20 1.3.6. Propriétés des constituants de la cible 21 1.4. Principales approches de modélisation d’impacts sur plaques composites stratifiées 22 1.4.1. Modèles analytiques 22 1.4.2. Modèles éléments finis avec endommagement « discret » 23 1.4.3. Modèles éléments finis utilisant la mécanique de l’endommagement continu 25 1.5. Bilan Chapitre 2 : Matériel et méthodes 2.1. Dispositifs expérimentaux 27 29 29 2.1.1. Impact par masse tombante 29 2.1.2. Indentation hors-plan 31 2.2. Modèles matériaux 32 2.2.1. Modèle de comportement homogénéisé du pli 33 2.2.2. Modèles de zones cohésives 44 V 2.3. Méthodes numériques 52 2.3.1. Résolution implicite d’un problème aux éléments finis 53 2.3.2. Résolution explicite d’un problème aux éléments finis 54 2.3.3. Comparaison des résolutions explicites et implicites 55 2.4. Résolution du contact dans Z-set : méthode de flexibilité 56 Chapitre 3 : Construction d’un modèle d’impact simplifié pour la prévision des dommages d’impact en dynamique implicite 3.1. Modélisation numérique d’un problème d’impact 59 61 3.1.1. Modèle numérique représentant la norme ASTM D 7136 61 3.1.2. Développement de nouveaux s capables de garantir la validité des conditions aux limites du modèle numérique 65 3.1.3. Discrétisation temporelle d’un problème d’impact 69 3.1.4. Complexification progressive du modèle numérique afin d’identifier les limites éventuelles des outils numériques dans l’approche implicite du problème d’impact 71 3.2. Complexification progressive du modèle matériau afin d’identifier les limites numériques éventuelles induites dans l’approche implicite du problème d’impact 75 3.2.1. Lois de comportement homogénéisé du pli 75 3.2.2. Introduction explicite des interfaces 80 3.2.3. Influence du couplage inter / intralaminaire 95 3.3. Conclusion Chapitre 4 : Acquisition d’une base de données expérimentales pour comparaison avec les résultats numériques 4.1. Définition des essais d’impact réalisés 100 103 103 4.1.1. Choix des empilements et fabrication des éprouvettes 103 4.1.2. Protocole expérimental 104 4.1.3. Choix des niveaux d’énergie d’impact 106 4.2. Réalisation et analyse des essais d’impact sur les empilements choisis pour les deux montages définis 109 4.2.1. Analyse des essais d’impact unique sur le montage d’encastrement 109 4.2.2. Analyse des essais d’impact unique sur le montage d’appui simple linéique 117 4.3. Réalisation et analyse des essais d’indentation sur les empilements choisis pour les deux montages définis 122 4.3.1. Analyse des résultats obtenus en indentation sur le montage d’encastrement 122 4.3.2. Analyse des résultats obtenus en indentation sur le montage d’appui simple linéique 129 4.4. Conclusion VI 132 Chapitre 5 : Sensibilité du T700GC/M21 à l’impact 5.1. Comparaison des résultats obtenus entre les essais d’impacts incrémentaux et les essais d’impact unique 135 135 5.1.1. Encastrement 135 5.1.2. Appui simple linéique 139 5.2. Comparaison entre les essais d’impact unique et les essais d’indentation 143 5.2.1. Encastrement 143 5.2.2. Appui simple linéique 148 5.2.3. Conclusion 151 5.3. Comparaison entre les essais sur montage d’encastrement et les essais sur montage d’appui simple linéique 151 5.3.1. Impact 151 5.3.2. Indentation 156 5.4. Conclusion Chapitre 6 : Capacité du modèle d’impact implicite à prévoir les dommages d’impact 6.1. Comparaison des réponses globales 160 163 164 6.1.1. Appui simple linéique 164 6.1.2. Encastrement 169 6.1.3. Prévision de la réponse à un impact du T700GC/M21 selon les conditions aux limites 172 6.2. Capacité du modèle OPFM à prévoir les endommagements de fibres 175 6.3. Capacité du modèle OPFM et des modèles de zones cohésives à prévoir les dommages intralaminaires 176 6.3.1. Appui simple linéique 176 6.3.2. Encastrement 179 6.3.3. Prévision de l’endommagement matriciel du T700GC/M21 suite à un impact selon les conditions aux limites 182 6.4. Capacité du m odèle OPFM et du modèle bilin é de zones cohésives à prévoir les délamin ages 183 6.4.1. Appui simple linéique 183 6.4.2. Encastrement 187 6.4.3. Prévision des délaminages induits par un impact pour le T700GC/M21 selon les conditions aux limites 191 6.5. Conclusion 192 Conclusions et perspectives 195 Références 201 VII Introduction La réduction des dépenses énergétiques en aéronautique est un enjeu majeur qui nécessite de diminuer la masse à vide de l’avion pour augmenter les distances parcourues ou la quantité de fret transporté à apport de carburant égal. Afin d’y parvenir, le remplacement des matériaux traditionnels par des matériaux plus légers, tels que les matériaux composites, constitués d’un renfort noyé dans une résine, semble inéluctable, pourvu que les performances structurales et la sécurité ne soient pas dégradées. Structures métalliques Structures composites 1. Développement de fissure par fatigue 1. Dommage d’impact 2. Corrosion 2. Délaminage (incluant la propagation) 3. Décohésion de joints 3. Décohésions 4. Fissuration par action conjuguée de la corrosion et d’une contrainte 5. Dommage d’impact Tableau 1. Classement, par ordre de gravité, des endommagements dans les structures métalliques et composites tiré du projet de recherche MONITOR [Kim, 2008] Dans une étude menée dans le cadre du projet de recherche MONITOR [Staszewski, 2004], l’impact est identifié comme le mode de chargement le plus critique pour les matériaux composites (Tableau 1) [Kim, 2008]. En effet, la particularité des matériaux composites est qu’ils peuvent s’endommager intérieurement sans laisser de trace visible du défaut, en particulier lors de « petits chocs ». Cette particularité est d’autant plus grave que l’impact est un phénomène courant [Aboissière, 2003], allant des configurations basse vitesse et faible énergie (chute d’outils, choc en maintenance) aux configurations grande vitesse et haute énergie (ingestion d’oiseau, débris de piste). En plus de la dangerosité liée à la non-détectabilité des endommagements, l’impact est un phénomène courant. En aéronautique, la gamme d’impacts s’étend des impacts à basse vitesse et à basse énergie, type chute d’outils ou choc en maintenance, aux impacts à grande vitesse et faible masse, type choc à l’oiseau ou débris de piste (Figure 1a). 1 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés 1. Dommages d’impact non visibles 2. Dommages visibles sur la face opposée à l’impact 3. Dommages d’impact visibles sur les deux faces (a) (b) Figure 1. Nature des impacts rencontrés sur un avion en service (a) et perte de performance en compression selon l’énergie d’impact et selon la détectabilité d’un défaut, d’après [Rouchon, 1995] (b). Le Barely Visible Impact Damage (BVID) correspond à la profondeur d’empreinte résiduelle minimale pour laquelle le défaut d’impact est visible sur la face impactée. Résistance résiduelle en compression (MPa) Afin de dimensionner de manière robuste les structures composites, les industriels utilisent donc des coefficients d’abattement des propriétés mécaniques des matériaux composites (Figures 1b et 2). Ces coefficients sont identifiés par des campagnes expérimentales qui doivent être réitérées pour chaque matériau et chaque empilement, ce qui entraîne des coûts non négligeables. De plus, les coefficients établis sont parfois inutilement conservatifs, ce qui entraîne un surdimensionnement des pièces. Énergie d’impact (J) Figure 2. Résistances résiduelles en compression selon l’énergie d’impact pour différents matériaux en fibres de carbone (AS4, IM7 ou T800H) et matrice thermoplastique (PEEK) ou thermodure (3900-2) renforcée par des nodules thermoplastiques [Lévêque, 2001] 2 Introduction Une solution pour limiter ces coûts est le recours à la simulation numérique. Le « Virtual Testing » permettrait en effet de rationaliser les campagnes d’essais en comblant les manques de la matrice d’essais par des simulations numériques. La simulation numérique permettrait également d’établir plus facilement des règles de similitude pour tenir compte des effets d’échelle. L’estimation numérique des performances résiduelles consiste en premier lieu à prévoir par la simulation les dommages créés lors d’un impact, puis d’injecter ces dommages dans un modèle de prévision des performances résiduelles. La première étape pour simuler les performances résiduelles d’une structure après un impact consiste donc à simuler cet impact et à prévoir numériquement les dommages qu’il induit. Deux approches se distinguent : une première approche, proposée notamment par Lammerant et Verpoest [Lammerant, 1996], Bouvet et al. [Bouvet, 2009] [Bouvet, 2012] ou encore Ilyas [Ilyas, 2010], consiste à considérer la fissuration comme une décohésion locale de la matière et donc à avoir une vision discrète de l’endommagement (Figure 3a). Dans ce cas, on discrétise la structure en éléments volumiques, liés entre eux par des éléments endommageables (des ressorts [Bouvet, 2009] ou des interfaces [Bouvet, 2012] [Violeau, 2007]) ou une loi d’interaction endommageable entre particules (méthode SPH d’Ilyas [Ilyas, 2010]). Ces techniques numériques donnent des ès de dommages concordants avec ceux obtenus expérimentalement, dans la configuration décrite par les auteurs. Cependant, ces techniques sont difficilement transportables dans les codes de calcul industriels et reposent sur des hypothèses fortes, telle la verticalité des fissures matricielles, ce qui impose d’avoir des plis très fins par rapport à l’épaisseur totale du stratifié. Leur implantation dans des codes de calcul industriels se voit donc ralentie. En outre, la sensibilité au maillage, dans le cas d’une modélisation discrète de l’endommagement, est problématique, principalement à cause des critères de rupture en contrainte utilisés [Bouvet, 2009]. Enfin, il n’a pas été démontré que ces modèles sont transposables dans d’autres cas que ceux étudiés par les auteurs, comme des structures industrielles complexes. (a) (b) Figure 3. Approches de modélisations numériques de l’impact : (a) discrète (un critère de rupture atteint induit une discontinuité) [Bouvet, 2009] ou (b) continue (l’endommagement est représenté par ses effets sur les propriétés matériau) [Lopes, 2009] La seconde approche est la plus courante. Elle consiste à considérer un endommagement diffus et donc à proposer une vision continue de l’endommagement dans le pli (Figure 3b). Dans ce cas, l’endommagement des constituants des plis du stratifié est intégré dans la loi de comportement par le biais de ses effets. De plus, afin de modéliser les délaminages, des éléments de zone cohésive permettent de joindre les plis entre eux tout en autorisant la dégradation de cette interface. La prévision des délaminages est la plus recherchée, car ce sont les endommagements les plus néfastes pour la tenue résiduelle de la structure en compression, cas de charge le plus critique en présence de défauts. Les modèles 3 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés matériaux basés sur la mécanique continue de l’endommagement donnent eux-aussi des faciès d’endommagement concordants avec ceux obtenus expérimentalement. Leur avantage par rapport à la première approche est qu’ils sont en outre moins intrusifs car ils ne nécessitent que l’implémentation d’une loi de comportement matériau et non d’éléments finis spécifiques. Cela explique leur utilisation plus fréquente que les modèles « discrets » avec des codes de calcul industriels explicites (LS-DYNA, Abaqus...) et les rend potentiellement utilisables dans les bureaux d’études. Les modèles de comportement adoucissants, c’est-à-dire avec une transition progressive de l’état endommagé à la rupture complète du matériau, nécessitent cependant de prendre certaines précautions, car ils peuvent localiser artificiellement le dommage dans une rangée de points de Gauss et sont donc plus sensibles au maillage. La simulation d’impact sur des séquences industrielles reste rare [Olsson, 2010], du fait du grand nombre d’interfaces à modéliser et donc des coûts importants de calcul engendrés (4 jours sur 36 processeurs pour la simulation de la figure 3b [Lopes, 2009]). Du fait des nombreuses non-linéarités du problème d’impact, la résolution numérique passe souvent par un algorithme dynamique explicite. Cette résolution s’avère plus rapide dans les cas fortement non-linéaires et évite les divergences liées à ces non-linéarités rencontrées avec l’utilisation d’un algorithme dynamique implicite. Afin de réduire les coûts de calcul, les éléments sont généralement à intégration réduite, associés à des algorithmes de contrôle des déformations artificielles induites par cette réduction (modes d’Hourglass). Cependant, la résolution explicite d’un problème nécessite de prendre beaucoup de précautions et d’avoir une analyse fine des résultats. Dans certains cas, la similitude entre un impact à basse vitesse et à basse énergie et une indentation hors plan est faite et une résolution quasi-statique du problème est effectuée [Bouvet, 2009]. Les effets dynamiques de l’impact ne sont pas pris en compte, dans ce cas. Il apparaît donc que les modèles d’impact actuels permettent généralement de reproduire les dommages d’impact dans des configurations d’impact simples (empilements rarement représentatifs des configurations industrielles, conditions de maintien de la plaque sur son support, complexité de la géométrie de la structure impactée). Cependant, leur caractère prédictif n’est pas systématiquement démontré en transposant ces modèles à des cas plus complexes. C’est dans ce contexte que cette étude a été entreprise. Elle a consisté à : 1) établir un modèle d’impact pour la simulation par éléments finis dynamique implicite s’appuyant sur le modèle d’endommagement continu « Onera Progressive Failure Model » (OPFM) [Laurin, 2005] [Laurin, 2007] [Charrier, 2011], développé à l’Onera dans le code de calcul par éléments finis implicite Z-set [Benziane, 2011], et du modèle bilinéaire de zones cohésives, proposé par Alfano et Crisfield [Alfano, 2001] ; 2) évaluer les capacités ce modèle d’impact, en particulier celles du modèle de comportement endommageable du pli OPFM, à prévoir les dommages induits par un impact à basse vitesse et à faible énergie, dans des plaques composites stratifiées en fibres de carbone et matrice organique de troisième génération, c’est-à-dire comportant des nodules thermoplastiques. Ces nodules permettent notamment d’absorber une partie de l’énergie transmise au stratifié lors d’une sollicitation par plastification. Dans cette étude, l’objectif principal est de démontrer si le modèle OPFM et le modèle bilinéaire de zones cohésives, formulés et identifiés pour des chargements quasi-statiques, sont capables de décrire les dommages d’impact basse vitesse et faible énergie, sans adapter ces modèles à un chargement dynamique Cela a ensuite permis d’identifier les limites éventuelles de ces modèles, dans leurs formulations actuelles. 4 Introduction La démarche a consisté dans un premier temps à proposer un nouveau modèle numérique paramétré reprenant la norme ASTM D 7136 [ASTM, 2007] pour l’impact. Cette norme standardise un essai d’impact par une masse tombante sur une plaque composite de 100*150 mm2 et d’épaisseur variable (entre 2 et 4 mm). Le maillage de la plaque est constitué d’éléments prismatiques à intégration complète, afin de bénéficier de l’algorithme de maillage BLSurf interfacé avec Z-set. Ce mailleur permet notamment de contrôler la taille de maille et donc de limiter le volume du problème éléments finis en raffinant cette taille à la zone potentiellement endommageable. L’impacteur est hémisphérique, de 16 mm de diamètre, et est maillé par des éléments tétraédriques déformables. Les conditions de maintien de la plaque sont traduites en termes de conditions aux limites par un appui simple sur la fenêtre d’impact. La traduction du mode de serrage induit par des sauterelles mécaniques maintenant la plaque sur son support en termes de conditions aux limites simples a montré les limites de la norme ASTM D 7136 pour la simulation d’impact. Les études de la littérature ne fournissaient en effet pas d’explication sur la modification des conditions aux limites dans les modèles d’impact. Deux nouveaux montages ont été alors développés pour garantir que les conditions aux limites utilisées dans le modèle numérique seraient bien fidèles à la physique. Le choix a été fait de prendre deux systèmes de maintien de la plaque les plus éloignés possibles, afin de mieux éprouver le modèle matériau par la suite. Ces systèmes ont été développés pour être adaptés au dispositif d’essai par masse tombante existant et au dispositif d’essai d’indentation. En effet, ce dernier a été utilisé afin de vérifier la similitude entre les dommages d’impact et les dommages d’indentation (essais quasi-statiques) pour le matériau retenu, le T700GC/M21. Le modèle d’impact précédent a alors été adapté aux nouvelles conditions de maintien, une fois celles-ci établies. Les modèles numériques ainsi développés ont été utilisés pour mettre en place le modèle d’impact complet, avec les lois OPFM et bilinéaire, pour les zones cohésives. La complexité des outils nécessaires à la modélisation de l’impact (contact, loi de comportement endommageable, loi de zones cohésives adoucissante) peut en effet entraîner des divergences de l’algorithme de résolution implicite. C’est pourquoi le modèle d’impact a été décomposé selon trois voies : 1) complexité du modèle numérique (avec ou sans gestion du contact), 2) activation progressive des diverses non-linéarités de la loi de comportement OPFM dans le modèle d’impact et 3) introduction progressive des zones cohésives pour modéliser les interfaces. La complexification du modèle d’impact a permis de réaliser une étude d’influence des modules de la loi de comportement OPFM (élasticité non linéaire sens fibre, viscosité de la matrice, caractère endommageable, couplage entre viscosité et endommagement et formulation tridimensionnelle de la loi OPFM) sur la réponse globale à un impact d’un stratifié quasi-isotrope et les dommages d’impact prévus (lorsque le caractère endommageable de la loi de comportement OPFM est activé). Des études d’influence des zones cohésives ont également été menées : influence du nombre d’interfaces modélisées sur la réponse d’un stratifié quasi-isotrope à une indentation dynamique et les délaminages induits ; influence des paramètres de la loi cohésive sur les délaminages créés. Enfin, le récent couplage entre la variable d’effet de l’endommagement matriciel du modèle OPFM et les propriétés de l’interface a été testé (Chapitre 3). Afin de valider le modèle matériau pour la simulation des dommages d’impact, des essais dynamiques sur les montages développés ont ensuite été réalisés. Pour s’assurer d’une validation robuste, trois empilements ont été testés pour cinq énergies d’impact différentes, à masse constante. Les énergies ont été préalablement déterminées à partir d’essais d’impact répétés et à énergies croissantes, dits impacts « incrémentaux ». D’autre part, la similitude entre les dommages d’impact à basse vitesse et à basse énergie et les dommages d’indentation 5 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés étant établies par plusieurs auteurs [Kaczmarek, 1994] [Sutherland, 2012], des essais d’indentation quasi-statique ont également été réalisés. L’instrumentation étant plus simple pour ce type d’essais, un suivi par émission acoustique a permis d’obtenir des informations supplémentaires sur l’évolution de l’endommagement au sein du stratifié. Afin d’obtenir un maximum d’informations sur les dommages induits par l’impact et par l’indentation quasistatique, la profondeur d’empreinte résiduelle a été mesurée par stéréo-corrélation d’images à l’issue de ces essais. Les plaques testées ont ensuite été contrôlées par ultrasons en immersion afin d’obtenir les aires délaminées projetées. Enfin, quelques plaques ont été découpées pour une observation post-mortem plus fine des dommages internes par microscopie optique (Chapitre 4). Les données expérimentales ont ensuite été utilisées pour vérifier la validité de la méthode de détermination des énergies incidentes des essais d’impact par masse tombante. Pour cela, les réponses et les aires délaminées projetées des impacts incrémentaux ont été comparées à celles des impacts uniques, pour une énergie donnée. D’autre part, les résultats des impacts uniques ont été confrontés aux résultats d’indentation, afin de vérifier la similitude des dommages d’indentation et d’impact pour le T700GC/M21, dans les configurations établies par les deux nouveaux montages développés. Enfin, les réponses et les dommages obtenus sur chacun des montages ont été comparés, afin d’extraire la sensibilité du T700GC/M21 aux conditions aux limites qui lui sont imposées. Cette sensibilité a permis de réaliser une validation qualitative du modèle OPFM et du modèle bilinéaire de zones cohésives (Chapitre 5). Les données expérimentales acquises ont ainsi pu être confrontées aux résultats numériques, afin d’estimer les capacités du modèle OPFM et du modèle bilinéaire de zones cohésives à prévoir les dommages d’impact. Les comparaisons essais / calculs ont été menées pour la réponse à un impact et pour chaque type d’endommagement : ruptures de fibres, qui entraînent de fortes pertes de performances du matériau et qui apparaissent pour des énergies d’impact importantes ; fissurations matricielles, qui sont les premières créées, pour les plus faibles énergies et finalement les délaminages, défauts les plus nocifs pour la tenue de la structure en compression et qui semblent amorcés par des fissurations matricielles préliminaires (Chapitre 6). 6 Chapitre 1 Bibliographie Le but de ce chapitre est de donner aux lecteurs quelques prérequis bibliographiques de l’impact sur pièces composites stratifiées. En effet, la criticité de l’impact pour les structures composites a conduit à de nombreuses études expérimentales et numériques. Les modèles numériques, initialement construits pour avoir une meilleure compréhension des mécanismes d’endommagement au cours d’un impact, ont récemment pris un caractère de prévision, dans le but de compléter progressivement les essais d’impact par des essais virtuels et de rationaliser ainsi les campagnes expérimentales. Du fait des nombreux travaux liés à l’impact sur les pièces composites, plusieurs synthèses sont disponibles dans la littérature. Parmi ceux-ci, l’article de Cantwell et Morton [Cantwell, 1991] propose un panel de techniques de mesures des performances à l’impact de structures composites, selon la vitesse de chargement, ainsi qu’une analyse des paramètres influant les dommages induits par un impact et les performances résiduelles associées. Dans l’article de Richardson et Wisheart [Richardson, 1996], les auteurs commencent par définir la notion d’impact basse vitesse et notamment la limite en termes de vitesse d’impact, selon les différentes études disponibles dans la littérature. Les différents dommages rencontrés suite à un impact sont détaillés et un scénario d’endommagement est proposé à l’aide des études disponibles. Les performances à l’impact selon les propriétés des constituants du stratifié sont ensuite analysées. Abrate [Abrate, 1998] a publié un livre traitant des techniques de construction de modèles analytiques d’impact ainsi que des endommagements engendrés. Les derniers chapitres concernent les performances résiduelles de pièces impactées, les impacts balistiques, les techniques de réparation de pièces impactées et l’impact sur des sandwichs. Enfin, l’article le plus récent, de Davies et Olsson [Davies, 2004], traite aussi bien des études expérimentales sur l’impact, toute gamme de vitesses confondue, que des modélisations d’impact, qu’elles soient analytiques ou basées sur des modèles éléments finis. Ce chapitre bibliographique est composé de quatre parties. La première partie consiste à présenter les réponses possibles d’une structure à un impact. Dans un deuxième temps, les dommages induits par un impact sont détaillés, selon le scénario proposé par Richardson et Wisheart. Ensuite, les paramètres influant sur les dommages induits sont décrits. Enfin, les principales approches de modélisation sont présentées. Le choix a été fait de concentrer cette étude bibliographique sur les articles les plus récents (années 2000), car disposant notamment de techniques de mesure et d’outils numériques plus avancés pour traiter plus efficacement le problème de l’impact sur pièces composites. 1.1. Réponses à un impact de plaques composites stratifiées La réponse globale d’une plaque composite stratifiée à un impact, en termes de force axiale mesurée sur l’impacteur et éventuellement de déflexion, a été décrite dans de nombreuses études expérimentales [Belingardi, 2002] [Abdallah, 2009]. Certains auteurs privilégient un filtrage pour supprimer les modes de vibration liés au dispositif d’impact [Guillaumat, 2000] [Belingardi, 2002]. Cependant, Davies et Olsson [Davies, 2004] 7 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés Énergie absorbée, Ea (J) considèrent que ce filtrage peut masquer des informations importantes, comme la chute brutale de la force de contact, associé à l’apparition des délaminages [González, 2012]. Dans l’article de Belingardi et Vadori [Belingardi, 2002], l’historique de la force de contact est détaillé selon trois cas d’impact : un cas avec rebond de l’impacteur, un cas où l’impacteur est stoppé et un cas où l’impacteur perfore la plaque. Ces trois cas correspondent, respectivement, aux segments A-B, B-C et C-D du diagramme du profil énergétique d’impact proposé par Aktaş et al. [Aktaş, 2009] (Figure 1.1). Ce diagramme représente la part de l’énergie d’impact qui a été absorbée par le spécimen, calculée par intégration de la courbe force de contact / déplacements de l’impacteur, impacté en fonction de l’énergie d’impact incidente. Énergie d’impact incidente, Ee (J) Figure 1.1. Diagramme de profil énergétique des impacts [Aktaş, 2009] Dans le cas d’un rebond de l’impacteur, cas de cette étude, celui-ci indente la cible sans qu’il n’y ait de pénétration puis repart dans la direction opposée à celle de l’impact. La déflexion maximale est atteinte lorsque la vitesse de l’impacteur s’annule. La fin du contact a lieu lorsque la force de contact, mesurée sur l’impacteur, devient nulle. L’historique de la force de contact présente deux seuils : un premier où la forme de la courbe est marquée par de brusques oscillations attribuées aux premiers endommagements au sein du matériau et un second caractérisé par une brusque chute de la force, suivie d’une nouvelle augmentation mais selon une pente plus faible (Figure 1.2). Ce second seuil marque le début d’effets significatifs des dommages sur le comportement global de la cible, ce qui lui vaut le nom de seuil d’endommagement. Il est attribué à l’apparition des délaminages [Davies, 2004] [González, 2012]. C’est pourquoi il peut également être nommé seuil de délaminage. Celui-ci n’est pas celui d’une loi de comportement à proprement parler mais la force de contact à partir de laquelle les effets des dommages sur le comportement global deviennent notables. Lorsque l’ensemble de l’énergie d’impact incidente a été fournie à la plaque, celle-ci est en partie restituée à l’impacteur pour le renvoyer vers sa position initiale : c’est le phénomène de rebond. La différence entre l’énergie d’impact incidente et l’énergie d’impact restituée constitue l’énergie absorbée par la plaque, principalement sous forme d’endommagement. Cette énergie absorb correspond à l’aire de la boucle fermée formée par la courbe de la force de contact en fonction du déplacement de l’impacteur. 8 Force (N ) Chapitre 1. Bibliographie Temps (s) 1. Premiers endommagements 2. Seuil d’endommagements significatifs ou de délaminage Force (N) (a) Déplacements (mm) (b) Figure 1.2. Réponse classique à un impact basse vitesse d’une plaque composite stratifiée en fibres de verre, avec rebond de l’impacteur [Belingardi, 2002] : historique de la force de contact (a) et courbe force/déplacements visualisant l’énergie absorbée par la cible (b) Le schéma d’impact précédent, avec rebond de l’impacteur, est possible jusqu’à ce que l’ensemble de l’énergie d’impact incidente soit entièrement absorbée par fragmentation de la cible. L’historique de la force est alors similaire, à part le fait qu’elle n’augmente plus après la brusque chute mais au contraire diminue. La courbe force / déplacement n’est plus une boucle fermée, dans ce cas (l’énergie absorbée est alors l’aire sous la courbe). Lorsque l’énergie d’impact incidente est suffisante pour qu’il y ait perforation de la cible par l’impacteur, le déplacement de celui-ci devient monotone. La dissipation d’énergie par fragmentation du matériau est remplacée par la friction de Coulomb (l’accélération de l’impacteur est constante, sa vitesse devient linéaire dans le temps). Le signal en force de contact ressemble à celui de la pénétration de l’impacteur sans perforation, mais présente des oscillations de forte amplitude au moment où le projectile perfore la plaque (Figure 1.3). La courbe force /déplacements n’est 9 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés alors plus une boucle fermée et son aire représente la capacité d’absorption énergétique par fragmentation du matériau. Force (N) Énergie (J) Temps (s) Force (N) (a) Déplacements (mm) (b) Figure 1.3. Réponse classique à un impact d’une plaque composite stratifiée en fibres de verre, avec perforation de la cible par l’impacteur [Belingardi, 2002] : historique de la force de contact (a) et courbe force/déplacements visualisant l’énergie absorbée par la cible (b) Olsson [ Olsson , 2000] distingue trois types de réponses possibles à un impact. La première survient pour des impacts à faible énergie et basse vitesse (Figure 1.4a). Dans ces conditions, le temps de réponse de la structure impactée est suffisamment long pour que les ondes de déformations liées au choc se propagent et soient réfléchies aux limites de la cible. Les conditions aux limites du spécimen impacté influent sur sa réponse, dans ce cas. La réponse est proche d’une réponse quasi-statique, ce qui permet d’établir une équivalence entre les deux modes de chargement (impact / indentation statique). 10 Chapitre 1. Bibliographie Réponse quasi-statique R éponse dominée par des modes de vibration Réponse dominée par des ondes de déformations Temps d’impact longs Temps d’impact courts Temps d’impact très courts ( a ) (b) (c) Figure 1.4. Types de réponses à un impact d’une structure impactée [Davies, 2004] Le deuxième cas est un cas plus dynamique, à énergie et vitesse plus élevées. Dans ces conditions, la réponse de la cible est dominée par des modes de vibration et le temps de réponse est court (Figure 1.4b). Ce cas correspond à une situation transitoire entre la configuration basse énergie et basse vitesse et la dernière configuration proposée par Olsson [Olsson, 2000], à savoir les impacts à énergie élevée et grande vitesse. Cette dernière configuration entraîne une réponse de la cible dominée par des ondes de déformations (Figure 1.4c). Le temps de réponse est, cette fois-ci, suffisamment court pour que ces ondes n’aient pas le temps d’atteindre les limites de la structure impactée. Les conditions aux limites de la plaque influent alors peu sur la réponse à l’impact. Le comportement global est alors davantage dicté par les propriétés du matériau constituant la structure. 1.2. Mécanismes d’endommagement de plaques composites stratifiées lors d’un impact Lors d’un impact, l’ensemble des endommagements rencontrés dans les composites sont représentés, à savoir : la fissuration matricielle, le délaminage et les ruptures de fibres (Figure 1.5). De plus, les différentes études réalisées ont permis aux différents auteurs de synthèse [Richardson, 1996] [Abrate, 1998] [Davies, 2004] de mettre en évidence un scénario d’endommagement lors de l’impact. La transparence des composites en fibres de verre a notamment permis, avec l’aide de caméra rapide, d’observer la chronologie des dommages d’impact [Guillaumat, 2000]. C’est pourquoi, dans ce paragraphe, ces dommages sont présentés dans leur ordre d’apparition, pour des énergies d’impact croissantes. La description suivante des dommages d’impact a été principalement réalisée par les différents auteurs sur des stratifiés de séquence d’empilement comportant exclusivement des plis orientés à 0° ou 90° (stratifiés « croisés »), propices à des propagations de délaminages plus importantes. 11 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés (a) T700GC/M21 impacté à 30 Joules [Hautier, 2010] (b) (c) Figure 1.5. Endommagements observés dans un stratifié de plis unidirectionnels [Berthelot, 1992] et coupes micrographiques d’un composite stratifié d’unidirectionnels impacté [Davies, 2004] et d’un stratifié T700GC/M21 impacté à 30 Joules [Hautier, 2010] Les dommages sont généralement répartis autour du point d’impact sous la forme d’un cône d’endommagement (Figure 1.5c). Les zones endommagées sont plus étendues à proximité de la face opposée à l’impact et plus restreintes à proximité du point d’impact. Ils sont liés à deux phénomènes en impact basse vitesse et basse énergie : l’indentation de l’impacteur, face impactée, et la déflection globale de la plaque. D’après Davies et Olsson [Davies, 2004], les dommages sont séparés en deux régions. Dans une région localisée près du point d’impact, l’endommagement est induit par des contraintes résultant de la flexion de la cible et de la force de contact. Dans la région environnante, l’endommagement est induit par les contraintes résultant de la flexion et des forces de cisaillement transverses. 1.2.1. Empreinte permanente Pour un niveau d’énergie d’impact suffisant, l’impacteur laisse une empreinte permanente appelée indentation. La profondeur de cette empreinte détermine la détectabilité des dommages lors d’une inspection visuelle [Léon-Dufour, 2008]. En effet, en dessous d’une valeur limite de cette profondeur, aussi appelée Barely Visible Impact Damage (BVID), le défaut externe lié à l’impact est considéré comme étant indétectable à l’œil nu. En dessous de l’énergie d’impact permettant la détection du défaut d’impact externe, il faut donc que les performances résiduelles de la pièce impactée permettent de tenir les charges extrêmes que 12 Chapitre 1. Bibliographie peut subir la structure aéronautique. Lorsqu’un matériau composite stratifié est modifié, dans sa constitution ou dans sa séquence d’empilement, il est nécessaire de quantifier les performances résiduelles de la structure en présence de défauts d’impact correspondant à une énergie au moins égale à celle engendrant le BVID. L’origine de l’indentation permanente de la cible composite à matrice organique est encore un sujet ouvert. Elle est en général attribuée au comportement non linéaire du matériau : viscoplasticité de la matrice époxy [Ilyas, 2010] [Lachaud, 2011] ou bien, de manière plus générique, comportement non linéaire en cisaillement [Faggiani, 2010] [Yokoyama, 2010]. Par ailleurs, dans l’article d’Abdallah et al. [Abdallah, 2009], une partie de l’indentation permanente est supposée liée à la présence de débris de la matrice dans les fissures, ce qui empêche leurs fermetures et donc induit une indentation permanente. En effet, lors de cette étude sur des plaques fortement orientées, les auteurs ont mis en évidence la présence débris de résine et de fibres rompues dans les fissurations matricielles obliques, localisées dans l’épaisseur du stratifié, qui empêcheraient le retour du cône d’endommagement dans sa position initiale, ce qui entraînerait la formation d’une empreinte résiduelle. 1.2.2. Fissuration matricielle L’endommagement matriciel est le premier type d’endommagement induit par un impact basse vitesse [Chang, 1990] [Choi, 1992]. Il se trouve sous forme de fissuration et de décohésion fibre-matrice. L’endommagement matriciel est orienté dans la direction des fibres (« splitting »). Figure 1.6. Scénario d’endommagement matriciel et interlaminaire lors d’un impact basse vitesse par un rouleau [Choi, 1992]. En haut, la fissuration matricielle est amorcée par le cisaillement dans l’épaisseur du stratifié. En bas, la fissuration matricielle est amorcée par la traction liée à la flexion du stratifié . La fissuration matricielle commence, pour les plis supérieurs, sous les bords de l’impacteur (Figure 1.6). Elle est inclinée d’environ 45° et est due, selon Richardson et Wisheart [Richardson, 1996], aux très fortes contraintes de cisaillement dans l’épaisseur du matériau, liées à la force d’impact et à l’aire de contact entre l’impacteur et la structure. Une fissuration verticale peut également être observée dans les plis inférieurs. Elle est liée aux contraintes de traction dues à une forte flexion du stratifié lors de l’impact. La fissuration matricielle est due à des contraintes de traction face opposée à l’impact, de compression sous l’impacteur et de cisaillement dans l’épaisseur du stratifié [Davies, 2004]. Elle est 13 Prévision des dommages d’impact basse vitesse et basse énergie dans les composites à matrice organique stratifiés normalement dispersée dans la région endommagée, avec une forte concentration à proximité du centre d’impact. 1.2.3. Délaminage Les délaminages correspondent à une fissuration dans le plan de la zone riche en résine située entre deux plis d’orientations de fibres différentes. Lorsqu’une fissure matricielle atteint une interface entre deux plis d’orientations de fibres différentes, elle est stoppée par le changement de direction des fibres et se propage donc entre les plis en tant que délaminage [Liu, 1988]. Le long de la direction des fibres, le pli considéré tend à fléchir de manière concave, tandis qu’il tend à fléchir de manière convexe dans la direction transverse, ce qui induit de fortes contraintes de cisaillement à l’interface, provoquant le délaminage. Plus la différence d’orientation des fibres entre deux plis est grande, plus la différence de rigidité en flexion des plis est grande et plus le délaminage à l’interface entre ces plis va être favorisé. Les délaminages sont en général contenus par les fissures transverses des plis inférieurs, excepté celui amorcé par la fissuration matricielle verticale du pli inférieur. Le délaminage est amorcé par des contraintes normales hors-plan très élevées dues à la présence de la fissuration matricielle et par des contraintes de cisaillement interlaminaire élevées à l’interface [Chang, 1990]. Les délaminages amorcés par les fissures de cisaillement (inclinées) sont instables et ceux amorcés par la fissuration verticale croissent de façon stable et proportionnellement à la force appliquée [Liu, 1993].
29,632
61/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01092376-document.txt_10
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
11,541
20,187
A cet effet, les organisations paysannes sont de plus en plus considérées comme de nouvelles forces de production susceptibles d'accroître les disponibilités vivrières régionales. 6.2.1. Les s ociété s agraires locales comme nouvelles forces de production agricole? Les sociétés agraires locales désignent l'ensemble des formes d'organisation sociales autour des activités agricoles. La loi de 1992 sus-citée définit trois niveaux d'organisations sociales : le GIC, l'Union de GIC et la Coopérative145. Sa souplesse a ouvert la voie à la création tous azimuts des groupes autant dans les campagnes que dans les villes. En 2008 le fichier du Coop-GIC146 de l'Adamaoua comptait 5 000 GIC et Unions de GIC légalisés depuis 145 La loi reconnaît à tout groupe d'au moins 5 personnes majeures le statut de GIC. Le groupe d'initiative commune est une organisation à caractère économique et social de personnes physiques volontaires ayant des intérêts communs et réalisant à travers le groupe des activités communes. 146 Service régional des Coopératives et des GIC de l'Adamaoua logé à la délégation de l'Agriculture à Ngaoundéré (entretien avec le Chef de service, janvier 2009). 323 1993 et exerçant dans divers secteurs socio-économiques (commerce, élevage, agriculture, artisanat). Les régions administratives du Nord et de l'Extrême-Nord plus peuplées et plus dynamiques au plan agricole ont connu le même essor sinon davantage à la faveur de l'exécution de plusiseurs projets et programmes étatiques et suite à l'installation de la pléthore d'ONG. On pourrait ainsi compter au moins 15 000 GIC, Unions de GIC et Coopératives. Pour analyser l'impact des stratégies mises en oeuvre par les sociétés agraires locales sur l'accroissement des disponibilités céréalières régionales, nous avons effectué un diagnostic auprès d'un échantillon de 30 groupes-cibles de deux programmes (PARFAR, PNAFM) fournissant des services matériels (engrais, semences, équipements, financements) et immatériels (formations, appuis-conseil). Le choix des groupes à accompagner par les programmes se fait sur la base de l'analyse des projets soumis à financement. Les critères de sélections portent théoriquement sur l'ancienneté du groupe (au moins 5 années d'existence légale), la contre-partie financière (10-20 %), la qualité du projet. Nos enquêtes révèlent cependant que 60 % des groupes de l'échantillon ont été créés l'année de lancement du programme dont ils sont bénéficiaires, 20 % existaient légalement depuis moins de trois ans et 20 % seulement répondaient aux critères définis. Si a priori cette situation n'est pas problématique dans la mesure où de nombreuses organisations paysannes ont longtemps fonctionné de façon « informelle » avant leur légalisation, on peut par contre noter des insuffisances qui méritent d'être relevées pour leurs impacts sur l'efficacité des interventions publiques. En effet, plusieurs groupes sont formés autour d'un noyau familial dont les parents assurent les responsabilités principales (délégué/président et trésorier) et les enfants considérés comme des membres « figurants ». D'autres sont constitués d'un seul individu ou alors portent à leur tête des autorités traditionnelles qui étendent leurs pouvoirs coutumiers sur les membres, annihilant ainsi tout processus de transparence notamment dans la gestion des subventions et des crédits reçus. D'autres encore sont des groupes fictifs créés par les agents des projets sans assise spatiale147. D'autres enfin exerçant initialement dans le commerce, l'artisanat ou l'élevage, se reconvertissent dans l'agriculture en fonction des opportunités de 147 En 2008 des détournements avaient été dénoncés au sein du Programme national d'appui à la filière maïs, d'un montant de 1,2 milliards de FCFA, sur les 2 milliards accordés au programme en 2005 sur fonds PPTE. Une mission d'enquête organisée par la Commission nationale anti-corruption (Conac) avait confirmé quelques mois plus tard le détournement d'environ 700 millions dont plus de la moitié par les agents du programme à travers des GIC fictifs. Jeune Afrique http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2518p046-047.xml3/ (Consulté le 25 mars 2011). 324 financements disponibles. La loi de 92 donne en effet la possibilité à un même groupe d'exercer simultanément plusieurs activités socio-économiques (commerce, élevage, agriculture, artisanat). Une telle disposition présent des faiblesses dans la mesure où elle ne favorise pas une réelle professionnalisation des acteurs dans un domaine d'activité. La prolifération des groupes (GIC, Unions de GIC, Coopératives) serait davantage à mettre en rapport avec les opportunités financières et non la résultante d'une réelle volonté des paysans de participer au processus de leur professionnalisation. Ce handicap dans l'adaptation du développement rural aux évolutions de la politique agricole peut trouver une explication dans la conduite du processus de modernisation du mouvement associatif paysan. L'essor du mouvement associatif de type moderne s'est beaucoup appuyé sur les surga. Il est lié à la création de la SODECOTON et de la SEMRY (Roupsard, 1987). Après 1980 ce mouvement va connaitre une accélération sous la pression de ces sociétés, du DPGT et plus tard de l'OPCC-GIE. La « dynamique » d'une communauté semblait ainsi se mesurer au nombre de groupes existants, d'où la prolifération des OP particulièrement dans les zones d'intervention de ces sociétés et projets. La loi de 90 sur les associations et celle de 92 sur les GIC et les Coopératives ont tout simplement entériné la dynamique régionale de regroupement paysan. Les GIC, Unions de GIC et autres formes de regroupements ruraux sont davantage destinés à organiser les relations du groupe avec l'extérieur (Sociétés de développement, projets/programmes, ONG) qu'à réguler les relations internes du groupe à l'image des surgas dans l'intérêt de ses membres. Nous avons donc surtout affaire à des structures d'interface entre les paysans et les acteurs publics et privés (Oth Batoum, 2006). La prééminence de ces formes d'organisations paysannes a ouvert la voie à une course pour le rôle d'interlocuteurs dans les communautés. Aux réseaux des pouvoirs traditionnels qui ont longtemps servi de courroie de transmission entre « développeurs / technicistes » et populations bénéficiaires, se sont ajoutés les « courtiers en développement » (Boissevain, 1974 cité par Le Meur, 1996 ; Olivier de Sardan et Bierschenk, 1993 ; Blundo, 1995 et 2001 ; Seignobos, 2001). Le courtier en développement est « un manipulateur professionnel de personnes et d'informations qui crée de la communication en vue d'un profit » (Le Meur, Op. Cit.). Les projets et programmes ont ainsi renforcé à travers l'approche « groupe-cible » le rôle de ces acteurs sociaux qui ont acquis une légitimité au niveau local qui fait d'eux des hommes et femmes par qui l'innovation atteindra « facilement » et « de façon incontournable » le plus grand nombre de 325 ruraux. Les leaders des groupes-cibles ( élégués/présidents) se présentent davantage auprès des projets et programmes comme des interfaces avec les populations et non comme des défenseurs des intérêts de leurs membres. Outre leur faible capacité souvent avérée à restituer les innovations reçues des animateurs des projets, les entretiens menés avec les membres des groupes enquêtés mettent en évidence la mauvaise gouvernance des leaders. Ainsi les subventions et crédits destinés à l'acquisition des intrants et/ou à la mécanisation servent-ils aux intérêts personnels qui n'ont quelquefois aucun lien avec l'agriculture (achat d'une moto, construction d'une nouvelle maison, dot ). Dans le meilleur des cas, les financements reçus ont été investis dans l'élevage bovin jugé plus rentable et plus sécurisant par les bénéficiaires par rapport à la production céréalière jugée plus aléatoire, comme cela a été constaté au sein du GIC des agriculteurs de Ngangassaou (Adamaoua) dont le délégué est également chef du village. A Touboro, les membres de l'Union des GIC du nom de l'arrondissement ont choisi en 2007 de se partager la subvention accordée par le Programme d'appui à la filière maïs. Vu le nombre élevé de membres (une cinquantaine), chacun a reçu un montant de 16 500 FCFA, largement inférieur au prix d'un sac d'engrais dans l'arrondissement au cours de cette année (22 500 FCFA). Le financement destiné à une production collective aura finalement peu ou pas du tout profité à la filière maïs. Cette anecdote permet de saisir la perception qu'ont encore certains paysans du mouvement associatif considéré non pas comme un cadre de professionnalisation mais comme un moyen de recevoir « leur part de la richesse publique » pour reprendre un interlocuteur paysan. L'approche « groupe-cible » présente ainsi des faiblesses émanant non pas de ce mode d'intervention qui a produit des effets positifs ailleurs, mais des mécanismes de pilotage de l'émergence des organisations paysannes à la base. Malgré ces constats les appuis institutionnels portant sur le maïs ont permis aux groupes bénéficiaires de renforcer leurs potentiels de production. 65 % affirment avoir augmenté leurs superficies emblavées d'en moyenne 40 % et la production d'au moins 20 % à la première année du financement. Par déduction la mobilisation de tous les appuis reçus par l'ensemble des groupes est susceptible de contribuer à un accroissement significatif de la production régionale, même celle-ci se fait par extension des superficies cultivées et moins par intensification. On est donc encore largement dans un système extensif qui pourrait se heurter aux difficultés foncières. L'investissement sur des groupes structurés et crédibles peut ainsi être porteur de dynamique agricole et en faire de nouvelles forces de production. Le 326 principe de mise en commun de la production par les membres du groupe présente des avantages de mise en marché collective offrant la possibilité d'influer sur les prix. Cette logique fonde l'action des acteurs de développement qui promeuvent le stockage communautaire dans la région (OPCC, PAM, CDD, PREPAFEN, PARFAR). 6.2.2. Ces appuis visent à fournir aux groupes des outils de conquête du marché vivrier. Toutefois, ce processus de professionnalisation profite encore peu aux consommateurs nordcamerounais en termes d'accroissement des disponibilités alimentaires sur les marchés. Les organisations de producteurs sont de plus en plus tournées vers les marchés extra-régionaux et transfrontaliers plus générateurs de bénéfices. Des 24 OP enquêtées qui ont une existence réelle (en excluant les 20 % de groupes fictifs de notre échantillon), 58 % ont établis des partenariats avec des acheteurs localisés dans le Sud-Cameroun (grossistes, éleveurs de volaille), 33 % ont contracté avec l'Office céréalier, MAÏSCAM et quelques éleveurs bovins locaux, 8 % déclarent préférer vendre prioritairement aux grossistes des pays vosins. En 2008 les 24 groupes ont commercialisé un total de 2 150 sacs de maïs de 100 kg. Si d'un côté la logique de conquête des marchés extra-régionaux par les OP peut soutenir la dynamique de production bien qu'elle se fasse de façon extensive, d'un autre côté elle participe peu à la satisfaction de la demande régionale dans l'ensemble et urbaine en particulier à travers notamment les achats de l'Office céréalier redistribués dans les villes en période de soudure. Les grossistes locaux doivent ainsi se « contenter » de l'offre des exploitations familiales 327 dégagée des surplus des récoltes qui représentent en général moins de 40 % de la production totale, l'autoconsommation restant importante. Si la plupart des groupes reconnaissent que la commercialisation extra-régionale génère des revenus nettement supérieurs à ceux obtenus par la vente sur les marchés locaux, quelques uns (10 %) ont connu dans leur démarche de mise en marché des déboires liés au respect des clauses du contrat. Comme exemple, les responsables l'Union de GIC Kawtal de Djalingo-Guider qui avaient accepté dans le contrat avec un partenaire de livrer 250 sacs de 100 kg de maïs à Bafoussam, ont enregistré d'importantes pertes après la vente. Ils ont dû affronter le mauvais état des infrastructures routières, les contrôles intempestifs des agents de police, de gendarmerie et de douane ; et les pertes de temps souvent préjudiciables aux acheteurs notamment les éleveurs de volaille. Ainsi, les prix de vente conclus à l'avance se sont-ils trouvés être inférieurs aux coûts de production et aux dépenses de mise en marché engagés. Contrairement aux groupes, les grossistes individuels ont développé des mécanismes qui leur permettent de gérer au quotidien certaines contraintes dont les contrôles de police et de gendarmerie et d'en atténuer l'impact sur les prix aux détaillants et aux consommateurs urbains, habileté dont ne disposent pas les organisations de producteurs commerçants occasionnels (ou saisonniers). Une première solution à de tels déboires serait d'aider à la mise en place de mécanismes incitatifs permettant aux organisations de producteurs de vendre leurs productions aux grossistes locaux de moyenne importance dont la destination prioritaire des achats reste les villes nord-camerounaises. Il peut être envisagé une suppression des charges non officielles (importants prélèvements administratifs abusifs notamment) habituellement imposées aux grossistes et dont certains se disent prêts à payer plus chers aux producteurs dans de telles conditions. En retour, l'acquisition de stocks significatifs auprès des OP réduirait le nombre de déplacements des grossistes sur plusieurs marchés ruraux de production et permettrait également de compenser les prix d'achats élevés qui, tout en donnant satisfaction aux producteurs contribue à la diminution de certains coûts chez le distributeur, dont le transport. Le développement de cette relation directe entre grossistes et OP pourrait aussi contribuer à supprimer les multiples intermédiaires des filières vivrières locales. L'application d'un tel schéma peut constituer une réponse alternative à la difficulté des pouvoirs publics à améliorer les infrastructures routières dont le mauvais état demeure le principal goulet d'étranglement à la commercialisation vivrière. 328 Une deuxième solution serait d'inciter l'Office céréalier et MAÏSCAM, deux principaux acheteurs institutionnels à s'approvisionner auprès des OP à des prix compétitifs par rapport aux prix proposés par les partenaires sud-camero is et étrangers. Les OP devront néanmoins s'investir davantage dans l'amélioration de la qualité des produits proposés à ces deux structures. Nous avons mentionné plus haut la difficulté pour MAÏSCAM de s'approvisionner sur les marchés régionaux pour des raisons de qualité. Cet aspect limite encore l'ouverture du marché du PAM aux OP compte tenu des normes de qualité assez rigides. Une troisième solution possible pourrait venir d'une catégorie d'acteurs des sociétés agraires locales minoritaires qui se développe depuis quelques années et dont la production est essentiellement destinée à la vente sur les marchés extra-régionaux (les Chocolateries du Cameroun pour l'arachide et le soja, les provenderies pour le maïs). Il s'agit des élites urbaines propriétaires fonciers et détentrices d'un pouvoir financier leur permettant de développer une agriculture intensive à forte productivité. La politique agricole régionale et nationale est fortement dépendante de la solicitude des partenaires extérieurs. Cependant, cette dépendance ne constitue pas encore un vecteur de développement de l'agriculture vivrière comme on est en droit de l'attendre au regard de la pléthore des acteurs mobilisés, quelques fois à la base de certains dysfonctionnements observés en milieu paysan. Cette situation implique pour l'Etat de se réapproprier non seulement les fonctions d'accompagnement technique de la paysannerie comme cela a commencé à se faire à travers l'approche projet/programme, mais également et surtout de mettre en place des mécanismes de financement de son agriculture à partir des ressources propres. Car seule une certaine autonomie financière offrira davantage de marge de manoeuvre dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une vision véritablement nationale de la politique agricole. Conclusion de la troisième partie Au-delà des contraintes liées à l'accès aux intrants (engrais, pesticides, herbicides), les dysfonctionnements du dispositif régional de vulgarisation impactent sur les perspectives d'amélioration du système de production. Ce dispositi f long temps contrôlé par la SODECOTON a davantage profité aux seuls producteurs de coton qu'à l'ensemble de la paysannerie nord-camerounaise. Il en résulte une adoption disparate des innovations à l'échelle régionale. L'encadrement paysan a connu des évolutions récentes au plan institutionnel par une plus grande diversification des intervenants dans l'accompagnement des producteurs. Les pouvoirs publics tentent tant bien que mal de s'approprier ce secteur névragilque pour l'agriculture malgré le rôle croissant d'un nouveau type d'acteur dont les interventions sont tout aussi sujettes à caution. Ceux que nous désignons comme « les nouveaux interlocuteurs privilégiés » des product (ONG, Confessions religieuses et Associations à but non lucratif) ont des positions contradictoires sur des approches techniques qui ne sont pas de nature à favoriser l'adoption des innovations par les paysans. Le niveau d'adoption de ces innovations devant conduire à l'intensification de la production est donc resté mitigé comme l'ont constaté plusieurs études. L'intensification est davantage restée au stade de projets dans le Nord-Cameroun. De nombreuses contraintes sont à lever au nombre desquelles l'épineuse question foncière, facteur déterminant pour l'investissement durable par les producteurs. L'extensification de la production peut être interprétée comme une crainte pour ces-derniers de s'engager durablement face à la persistance du climat d'insécurité foncière dans le nord. Ceci explique en partie le succès relatif des grands projets de restauration et de fertilité des sols qui se succèdent dans le NordCameroun depuis une soixantaine d'années (constructions antiérosives, jachères améliorées, étables fumières) et qui impliquent de la part du paysan d'effectuer des aménagements qui d'un point de vue sociologique, s'assimilent au marquage et à l'appropriation de l'espace. Cela a été observé avec la difficile mise en oeuvre du projet de régénération assistée de parcs arborés de Faidherbia dans le cadre du DPGT et pour des aménagements anti-érosifs par la construction des cordons pierreux actuellement diffusés par le projet Eau-Sol-Arbre. Le paysan est prudent par nature et n'adopte que ce qui lui semble viable sur le long terme. Par ailleurs l'analyse de l'évolution historique des appuis institutionnels montre que ceux-ci ont surtout oeuvré pour l'introduction de certaines cultures par le passé peu intégrées dans le paysage agricole régional et pour le soutien de leur émergence. Parmi les céréales, 331 principalement analysées dans la présente étude, le maïs et le riz ont davantage bénéficié des appuis que le mil/sorgho malgré l'échec qu'a connu la filière riz. L'émergence que connaît aujourd'hui la filière maïs dans le Nord-Cameroun (Temple et al., 2009b ; Fofiri et al., 2010 ; Ndjouenkeu et al., 2010) en dépit des contraintes auxquels font face les acteurs, montre tout de même que la mise en place d'un cadre institutionnel similaire sur le mil/sorgho est susceptible d'activer les réserves de productivité et accroître les disponibilités des céréales locales plus affectées par la soudure alimentaire. Ces résultats corroborent ainsi notre troisième hypoth qui soutient que l'amélioration des disponibilités vivrières mobilise des facteurs institutionnels et organisationnels permettant de renforcer les capacités d'adaptation des systèmes de production régionaux vulnérables. Compte tenu également de cette vulnérabilité en partie inhérente aux conditions climatiques, la question de la sécurité alimentaire du Nord-Cameroun doit être posée à l'échelle nationale, le Sud-Cameroun bénéficiant de meilleures conditions climatiques permettant d'accroître les disponibilités vivrières et notamment celles portant sur le riz pour les marchés urbains, en vue de compenser les insuffisances dans le nord. 332 Conclusion générale 333 Nous avons proposé d'identifier et d'analyser dans cette thèse les déterminants de l'offre alimentaire vivrière dans les villes du Nord-Cameroun en vue de contribuer à son amélioration. Cette offre est dominée par les céréales (mil/sorgho, maïs et riz). Elle provient de la production locale et des importations. L'analyse des données de nos différentes enquêtes montre que cette offre est aujourd'hui loin de couvrir suffisamment les besoins des populations urbaines. Les résultats mettent en évidence un ensemble de déterminants majeurs qui participent à la gouvernance de l'offre alimentaire vivrière dans les villes du NordCameroun. Une demande en évolution : l'augmentation et la diversification de la demande alimentaire basée sur les céréales orientent le comportement des acteurs des SADA qu'il s'agisse de l'offre locale ou importée. Face à la faible disponibilité annuelle de l'offre locale, la tendance à la recomposition du modèle céréalier expose le Nord-Cameroun à une certaine dépendance vis-à-vis des marchés internationaux notamment à l'égard du riz dont les prix sur les marchés urbains régionaux connaissent une relative stabilité par rapport au mil/sorgho et au maïs, davantage soumis à l'instabilité intra annuelle et inter annuelle des prix. Cette instabilité génère des incertitudes pour les ménages dans un contexte de baisse de pouvoir d'achat et d'accroissement de la population urbaine. La tendance à la baisse du pouvoir d'achat des ménages : Il a été noté que le mode et les fréquences d'approvisionnement dépendent largement du pouvoir d'achat des ménages. Si l'achat demeure le principal mode d'acquisition des denrées, l'importance de l'agriculture urbaine et la place qu'occupent encore les échanges non monétarisés (solidarité villageoise) dans l'approvisionnement des ménages s'inscrivent par contre dans des stratégies qui visent à gérer autant que possible l'irrégularité et l'accessibilité de l'offre formelle sur les marchés urbains. Les fréquences d'achat des céréales par les ménages sont un indicateur pertinent d'appréci du poids des déterminants économiques sur le fonctionnement de la distribution urbaine. Il ressort ainsi que les salariés des secteurs publics et privés privilégient les approvisionnements mensuels dès la disponibilité des salaires (achat d'un à deux sacs de mil/sorgho, maïs ou riz). Ils représentent environ 50 % des actifs occupés dans les villes du Nord-Cameroun. Les travailleurs indépendants qui se recrutent surtout dans le secteur informel éprouvent plus de difficultés à s'approvisionner mensuellement du fait du caractère journalier ou hebdomadaire de leurs revenus. Les fréquences d'approvisionnement des ménages qui varient suivant la nature du revenu (journalier, hebdomadaire, mensuel) structurent également les activités des acteurs du commerce céréalier (grossistes, détaillants). Pour les grossistes, l'augmentation des ventes est tributaire de la disponibilité des salaires et peut s'étendre sur les deux premières semaines ; tandis que la grande majorité des travailleurs indépendants (transporteurs par moto, colporteurs, vendeurs de produits hydrocarbures, d'eau ou de médicaments de rue) alimente le commerce journalier de détail. Les acteurs de la distribution urbaine doivent de ce fait tenir compte du pouvoir d'achat des consommateurs dans leurs stratégies de mise en marché. Notons enfin l'importance de l'autoconsommation de la production paysanne (70 à 80 % selon les EFA) comme une contrainte significative à l'accroissement des disponibilités céréalières pour les marchés urbains, ces marchés étant presqu'essentiellement approvisionnés par les EFA. L'enclavement des marchés ruraux de production : Le mauvais état des infrastructures routières crée une spécialisation des territoires et des acteurs du commerce vivrier (grossistes, collecteurs et transporteurs des zones enclavées). Ceci se vérifie à travers l'organisation et le fonctionnement des espaces marchands. Le statut de marché rural de gros à la production, de marché de regroupement et de gros à la consommation dépend davantage du facteur d'accessibilité que de toutes autres considérations (saisonnalité de la production en l'occurrence). Les résultats mettent ainsi en évidence le rôle structurant des infrastructures routières dans la géographie des marchés du Nord-Cameroun. Le bitumage récent de certains axes routiers a désenclavé des points d'échanges par le passé peu attractifs, bien que situés dans les principaux bassins de production (cas de l'arrondissement de Touboro). Le passage de ces points du statut de marché de gros à la production à celui de marché de regroupement (ou de pré-stockage spéculatif), traduit l'impact positif que peut porter le développement des s routières sur la structuration des espaces marchands et des filières vivrières régionales en général. Les zones rurales doivent davantage être intégrées dans les projets d'aménagement des routes au Cameroun. Car l'absence d'aménagement et d'entretien des routes rurales non classées dans la nomenclature officielle pose aujourd'hui un réel souci par la difficile accessibilité aux zones de production. Malgré le transfert du patrimoine routier rural et des ressources aux communes depuis l'année 2000 dans le cadre de la Nouvelle Stratégie d'Entretien et de Réhabilitation des Routes (NSERR), les constats de terrain témoignent de la persistance des difficultés financières et institutionnelles (participation efficiente des services locaux du ministère des travaux publics, faible implication des communautés rurales dans le processus d'entretien des infrastructures). En réalité, la décentralisation de l'entretien des routes rurales tarde à se traduire dans les faits. Ce retard appelle un nouvel arbitrage de l'Etat. 335 Les contraintes de l'environnement de production : Du point de vue de l'offre céréalière locale, deux facteurs sont susceptibles de contribuer à la diminution des disponibilités pour les marchés urbains. Les effets du changement climatique qui se caractérisent par des instabilités pluviométriques dans la région pourraient compromettre les efforts d'accroissement de la production depuis une quinzaine d'années, notamment dans la zone sahélienne où l'on a remarqué en 2008 une baisse de la production du sorgho de saison sèche de 30 %. Les perturbations pluviométriques ont des conséquences (reprise des semis). Elles conduisent les producteurs à la recherche de nouveaux espaces adaptés à la muskwaariculture (culture du sorgho de saison sèche) suite à l'assèchement rapide des sols argileux. En outre, le Nord-Cameroun connaît une accélération de sa dynamique foncière en lien avec la croissance démographique, le changement climatique et la diversification des formes d'usage. La crise foncière dans les principaux bassins de production expose les producteurs, migrants en l'occurrence, à une insécurité foncière susceptible d'annihiler l'engouement qu'on leur connaît dans le domaine agricole. Les migrations récentes sont à la base d'importantes mutations spatio-agricoles comme le montre Watang Ziéba (2010) en pays guiziga (Extrême-Nord), et la gestion du foncier par les autorités traditionnelles peu enclines à jouer le rôle de faciliteur du processus de règlement des conflits d'usage (Teyssier et al., 2003 ; Seignobos, 2006) présente des risques de perturbation de la dynamique agricole. La reconnaissance tacite de l'autorité nelle comme gérant exclusif du foncier parmi les prérogatives accordées aux chefferies du nord par l'Etat, entraîne régulièrement de graves dérives qui génèrent des conflits entre différents groupes ethno-linguistiques (Guiziga, Toupouri, Dii, Mofu, Foulbé) et socio-économiques (agriculteurs et éleveurs) qui se partagent la ressource foncière. L'Etat Camerounais semble s'être désengagé de la gestion de cette ressource stratégique pour l'économie du Nord-Cameroun en général et l'agriculture en particulier. La gouvernance institutionnelle : elle constitue désormais le socle sur lequel repose l'avenir de l'agriculture vivrière camerounaise dans son ensemble. Car résoudre le problème de la sécurité alimentaire dans le Nord-Cameroun implique de poser la question de l'amélioration de la production non pas à la seule échelle de cette partie du pays mais à l'échelle nationale, le Sud-Cameroun bénéficiant par exemple au plan agroécologique de meilleures conditions de production agricole. L'étude met ainsi en évidence des défaillances constatées au niveau du cadre réglementaire devant régir le fonctionnement des filières 336 vivrières, la gestion des espaces marchands, le montage et la mise en oeuvre des projets et programmes d'appuis aux producteurs. Sur les appuis institutionnels aux producteurs, les acteurs exogènes (bailleurs de fonds, ONG et Confessions religieuses) et endogènes (Sociétés de développement) soutiennent de façon différentielle les pouvoirs publics dans le processus d'accompagnement des producteurs sur des cultures spécifiques. Le maïs bénéficie par exemple depuis une trentaine d'années d'importants appuis techniques et financiers externes et internes qui ont contribué à l'essor qu'on lui connaît aujourd'hui. Nous pensons que l'apport d'appuis similaires sur le mil/sorgho peut tout aussi conduire à un plus grand développement des céréales locales. La crise de la filière cotonnière risque toutefois d'impacter sur la culture du maïs dont l'émergence est essentiellement tributaire du système cotonnier (accès aux intrants, encadrement technique, appui au stockage et à la commercialisation). Ce risque interpelle aujourd'hui l'Etat sur le besoin de mettre en place des dispositifs d'appuis autonomes aux spéculations vivrières capables de s'auto-réguler. Sur le fonctionnement des filières vivrières, l'absence de classification des différentes sous activités du secteur vivrier dans la nomenclature des activités au Cameroun renforce son statut de secteur anarchique et peu crédible et en fait un refuge pour les laissés-pour-compte. La difficulté actuelle à établir un cadre de dialogue transparent entre l'Etat et les acteurs du secteur vivrier tiendrait en partie de cette absence de réglementation du secteur commercial. Il s'ensuit ainsi un manque de crédibilité des acteurs auprès des structures formelles de financement (Banques et Etablissements de micro-finance) permettant d'accompagner la dynamique paysanne. Les filières d'importations par les enjeux financiers dont ils font l'objet tant de la part des acteurs privés que de l'Etat bénéficient davantage d'attention des pouvoirs publics à travers un suivi institutionnel plus réglementé [Ministère des finances (TVA + frais de douanes) ; Ministère du commerce (délivrance de la licence d'importation et suivi statistique) ; Ministère de l'agriculture (suivi des importations par les postes de police phytosanitaires)]. Les filières vivrières locales par leur rôle stratégique dans la préservation de la sécurité alimentaire doivent également faire l'objet d'une réglementation permettant d'assainir le segment de la distribution et de donner à ses acteurs une certaine crédibilité. Sur la gestion des espaces marchands, la création et la gestion des marchés ruraux ne font pas l'objet d'une réglementation officielle comme c'est le cas des marchés à bétail dans le Nord-Cameroun dont la création et la gestion sont sources d'enjeux impliquant les plus 337 hautes autorités du ministère de l'élevage. Pourtant les marchés de gros à la production constituent une importante source de rentrées financières pour les services fiscaux, les municipalités et les autorités traditionnelles. Leur rôle stratégique dans l'approvisionnement des villes reste peu valorisé et mérite d'être davantage intégré dans les politiques publiques, au-delà de la simple reconnaissance de leur création par des arrêtés municipal et préfectoral. A partir des résultats obtenus nous établissons le constat du risque d'une mise en dépendance de la sécurité alimentaire du Nord-Cameroun qui pourrait se situer à deux niveaux : (i) une dépendance vis-à-vis des marchés internationaux du riz dont l'instabilité depuis 2007 constitue pour les pays de l'Afrique subsaharienne une menace pour la sécurité alimentaire, malgré la relative stabilité actuelle entretenue par des mesures fiscalo-douanières alternatives adoptées par les gouvernements. L'augmentation de la consommation du riz dans les ménages urbains nord-camerounais risque d'être une nouvelle source de tension dans les années à venir, compte tenu de l'accroissement de la demande asiatique (Philippines), latino américaine (Brésil) et nord américaine (Etas-Unis) inhérent à l'amélioration du pouvoir d'achat des populations, et qui va davantage réduire les exportations en augmentant les prix sur les marchés internationaux d'une part, et de la faible performance de la filière rizicole locale d'autre part. Bien que le projet de relance des appuis étatiques sur la filière locale du riz affiche de es ambitions de « faire passer la production nationale de 65 000 t en 2008 à 627 250 t de riz blanchi en 2018148 », ces ambitions doivent s'appuyer sur des prévisions budgétaires réalistes et durables au regard de la dépendance de l'agriculture camerounaise des financements extérieurs. On peut tout de même s'interroger sur la faisabilité d'un tel projet lorsqu'on sait que la production est essentiellement assurée par les EFA. Peut-on envisager atteindre la barre de 620 000 tonnes de riz blanchi comme l'ambitionne le projet en moins de 10 ans (2008-2018) en s'appuyant majoritairement sur une production artisanale qui depuis plus de 20 ans n'a pu franchir les 80 000 tonnes? La relance de la filière rizicole nationale se révèle ainsi être un réel défi qui attend la SEMRY, structure qui sort progressivement de la léthargie dans laquelle l'a plongé la crise économique des années 1980, grâce aux ressources PPTE et IADM. Parmi les problèmes à résoudre, elle devra trouver une solution urgente pour la remise en état des 148 Ministère de l'agriculture et du développement rural (MINADER) (2009). Stratégie nationale de développement de la riziculture au Cameroun, Mouture III, 21 p. 338 infrastructures de production (restauration des canaux d'irrigation, des casiers rizicoles et de la digue de Maga ménacée de rupture). Les actions menées par la SEMRY conjointement à celles de l'IRAD dans le cadre de l'ADRAO depuis bientôt 4 ans ont contribué à améliorer les conditions de production de quelques EFA (subvention-intrants, crédits-intrants, formation). Il est cependant encore tôt pour apprécier l'impact significatif de ces interventions sur l'amélioration de la productivité, le rendement moyen étant de 3000 kg/ha. (ii) une dépendance institutionnelle créée par une trop grande sollicitation des institutions et organismes exogènes par l'Etat Camerounais depuis la crise économique qui a conduit au désengagement des secteurs productifs. Les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux participent à travers des appuis financiers et techniques à la définition de la politique agricole nationale qui n'est pas toujours en adéquation avec les attentes des paysanneries (choix des cultures, des approches techniques et des b énéficiaires). Le dispositif d'accompagnement des producteurs basé sur l'approche projet/programme tarde cependant à induire une réelle intensification de la production régionale. Le changement de paradigme qui prône l'agroécologie au détriment d'une agriculture conventionnelle à forte utilisation de produits de synthèse qui peine à se développer dans le Nord-Cameroun montre la capacité d'influence des institutions exogènes sur la politique agricole nationale. Au-delà des contraintes socioéconomiques habituellement évoquées pour expliquer la faible intensification de l'agriculture locale149, nous proposons de tenir compte des contraintes institutionnelles relatives au montage et au pilotage des projets et programmes dont les durées d'exécution (3-5 ans) ne laissent pas le temps d'initier et d'ancrer un processus d'innovation en milieu paysan. La logique de départ de cette approche qui visait à mettre en place des conditions adéquates d'encadrement du monde rural pour les services traditionnels de l'agriculture n'a fourni jusqu'ici que des résultats mitigés. La fin d'un projet à financement extérieur n'a véritablement pas fait l'objet d'une continuation par l'Etat. Nous avons évoqué à titre d'exemple le cas du projet national d'alerte rapide financé par le Gouvernement japonais dans la décennie 1990 et qui visait à assurer un suivi de la production et des prix sur les marchés pour anticiper sur les risques d'insécurité alimentaire. Les campagnes nord-camerounaises auront ainsi connu un ensemble d'innovations techniques sans pour autant qu'elles aient eu un impact sur l'accroissement de la production agricole. On aboutit donc à un recommencement des appuis institutionnels dans les mêmes zones d'intervention, sur les mêmes Dont les difficultés d'accès aux intrants et la réticence des paysans aux innovations. problématiques, auprès des mêmes bénéficiaires locaux et avec des approches techniques quelquefois contradictoires et ssantes pour les populations. L'offre vivrière nord-camerounaise se trouve aujourd'hui dans une incapacité plus structurelle que conjoncturelle à répondre à une demande urbaine croissante, malgré de nombreuses interventions publiques qui n'ont pas réussi à atténuer l'impact de la saisonnalité intra annuelle sur les prix par un accroissement des disponibilités. Les OP, nouveaux centres d'intérêt des intervenants en milieu rural incarnent toutefois l'espoir qu'on est en droit d'attendre du monde paysan. Contrairement aux EFA dont la production est prioritairement orientée vers l'auto-consommation, celle des OP presqu'essentiellement destinée à la commercialisation peut contribuer de façon efficiente à accro les disponibilités vivrières sur les marchés urbains nord-camerounais. Pour y parvenir, un ensemble d'actions correctives doivent être menées pour impulser une nouvelle dynamique de ces sociétés agraires locales, plus à même d'adopter les innovations pouvant conduire à l'intensification de la production pour répondre de façon satisfaisante aux sollicitations des marchés urbains. Cela passe entre autres par une redéfinition des conditions de création et d'encadrement des OP dans la perpective d'une réelle spécialisation agricole. La loi de 92 sur les GIC et les Coopératives conduit en l'état à une forte dispersion des efforts des groupes en leur accordant la latitude d'exercer une gamme d'activités socioéconomiques (agriculture, élevage, commerce, artisanat). Elle est en partie responsable des visées opportunistes qui génèrent aujourd'hui la prolifération tous azimuts des GIC non pas dans la perspective de leur professionnalisation, mais simplement dans le but de bénéficier des financements publics considérés comme une redistribution de la richesse nationale. Cette action doit être suivie d'une amélioration de la gouvernance dans le pilotage des projets et programmes, objets de plusieurs critiques tant de la société civile qui dénonce sa non implication dans le montage et l'exécution, que des bailleurs de fonds qui en assurent le soutien financier. La responsabilité de l'Etat est donc interpellée, tout comme elle l'est davantage pour l'amélioration de la qualité des infrastructures routières en vue de faciliter les transferts alimentaires des campagnes vers les villes. La structuration intra-annuelle récurrente en période dite de disponibilité (ou normale dans la terminologie du PAM) et période de soudure est un indicateur temporel mobilisable en l'absence de données statistiques complètes, permettant de qualifier l'insuffisance de l'offre alimentaire régionale autant pour les marchés ruraux qu'urbains. Les données fournies par le 340 PAM contribuent à corroborer cet argument. L'étude globale sur la sécurité alimentaire et la vulnérabilité au Cameroun conduite en 2007 (PAM, 2008) a montré pour le cas des trois régions administratives du Nord-Cameroun, une baisse du nombre de repas pour les enfants de moins de 20 ans en fonction de la période de l'année. L'on passe en moyenne de 2,4 repas à 1,6 dans l'Extrême-Nord et le Nord de la période normale à celle de soudure. L'Adamaoua connaît une situation relativement plus stable (en moyenne 2 repas tout au long de l'année). Cette situation a justifié le renforcement depuis 2007 de l'intervention du PAM ciblée sur les zones rurales les affectées, et essentiellement centrée sur le sorgho, le maïs grain et la farine de maïs, le riz ne faisant pas partie de la composante sécurité alimentaire du PAM150. Par ailleurs, en 2009 la récolte céréalière au nord a été inférieure à 10 % à la moyenne des 5 dernières années et à 19 % à la récolte de l'année 2008. En réponse à cette situation, le PAM a engagé une opération d'urgence pour nourrir 339 000 personnes considérées comme vulnérables de juin 2010 au 30 avril 2011151. 150 La distribution du riz fait partie de la Composante 1 : Appui à l'éducation de base et à la scolarisation des filles dans les provinces 'Extrême-Nord, Nord et de l 'Adamaoua tel que défini par Programme de pays du PAM pour le Cameroun (PAM, 2007). 151 http:// .wfp. /nouvelles/nouvelles-release/course-contre-la-montre-avant-la-p%C3%A9riode-de-soudureau-sahel (Consulté le 30 mai 2011. Références bibliographiques 342 1. Ouvrages, thèses, mémoires, rapports de recherche et articles Abdoul Aziz S., Houssou M., Akoulang C. J. (2008). Diagnostic du système national de recherche et de vulgarisation agricole du Cameroun, FAO/CEMAC, 143 p. Abercrombie K. C. et al. (1961). 'Le passage de l'agriculture de subsistance à l'agriculture de marché en Afrique au sud du sahara' in Bulletin mensuel Economie et Statistiques Agricoles, vol 10, n°12, février 1961, pp. 1-8. Abouya A., Breton C., Moussa A., Raimond Ch. (2009). 'Projets de développement rural et question foncière dans la province du Nord Cameroun : des innovations mais quelle pérennisation?' Communication présentée au Colloque PRASAC/ARDESAC, 20-24 avril 2009, Garoua, Cameroun, 19 p. Abraao S. (1994). La diffusion du maïs au Nord-Cameroun : dynamique de l'innovation et culture technique locale, Thèse de Doctorat en Géographie, Ecole des hautes études en sciences sociales, France, 448 p. Achancho V., Lothoré A. (2008). Dispositifs de vulgarisation et conseil agricole au Cameroun : vers la reconnaissance par les politiques agricoles des organisations de producteurs et des exploitations familiales, Goupe de travail thématique Inter-réseaux Développement rural sur les « Services agricoles », 39 p. Agnangma D. S., Leng M. S., Ndjouenkeu R., Wack A. L. (1997). 'Quelques observations sur le comportement de la patate douce dans le processus de production des chips'. In Cam. J. Biol. Bioch. Sc., (7)1, pp. 30-35. Ahouanou C., Jannot Y., Lips B., Lallemand A. (2000). Caractérisation et modélisation du séchage de trois produits tropicaux: manioc, gingembe et gombo. In Sc. Aliments 20 (415), 12 p. Akinyele I. O. & Onigbinde A. O. (1988). Stability of protein digestibility and composition of cowpea (Vigna unguiculata L.Walp.) during sealed storage at different temperatures. Int. J. Food Sci. Technol., 23, pp. 293–296. Alawadi Z. (2006). Dynamique de la société politique au Nord-Cameroun. L'espace politique régional entre monopolisation et démonopolisation, Thèse de Doctorat en Sociologie politique, Université de Yaoundé I, Cameroun, 521 p. Anonyme (1998). Contrats et concertation entre acteurs des filières vivrières. Synthèse des rencontres de Mbalmayo, Cameroun, 7 au 11 juillet 1997, Paris, Inter-Réseaux, Développement rural, 80 p. Anonyme (2009). Entretien avec M. J. Elang (06 mai 2009), ancien cadre de la MIDEVIV, Consultant auprès du Programme d'Amélioration du Revenu Familial Rural dans les provinces septentrionales du Cameroun. Aragrande Maurizio (1997). Les approches disciplinaires de l'analyse des SADA, Communication présentée au Séminaire sous-régional FAO-ISRA « Approvisionnement et distribution alimentaires des villes de l'Afrique francophone », Dakar, 14-17 avril 1997, Collection « Aliments dans les villes », 55 p. Arditi C. (2005). "Les interventions de l'État dans la commercialisation des céréales (Tchad)" in Ressources vivrières et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad, XI colloque du réseau Méga-Tchad (2002), pp. 649-666 / C. Raimond, E. Garine, O. Langlois (eds), Paris, Éd. de l'IRD, 2005. (Colloques et séminaires) 343 Argenti O. (1999). La sécurité alimentaire urbaine. Un défi lancé aux villes et aux collectivités locales, DT/40-99F, Collection « Aliments dans les villes », 12 p. Assemblé Nationale Mali (2006). Loi N°06-40/AN-RM portant loi d'orientation agricole, 30 p. Banque Africaine de Développement – BAD - (2005). Cameroun. Document de stratégie par pays (2005-2009), Département des opérations par pays Régime Centre et Ouest, 61 p. Banque Africaine de Développement – BAD - (2006). Aide mémoire mission de revue de portefeuille de la Banque Africaine de Développement au Cameroun (6 - 19 novembre 2006), 30 p. Banque mondiale (1981). Accelerated development in sub-Saharan Africa, Washington (DC, É.-U.), Banque mondiale, 198 p. Barbier B., Weber J., Dury S., Hama O. (2003). 'Les enjeux du développement agricole dans le Grand Nord du Cameroun'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun. Prasac, N'Djamena, Tchad-Cirad, Montpellier, France, 10 p. Barbier JC., Dognan R., Pontie G., Ndoumbe Manga S. (1978). Pour une étude des mouvements migratoires au Cameroun, Institut des sciences humaines – ONAREST Barnaud A., Joly H.I., Deu M., Khasah C., Monné S., Garine E. (2008). 'Gestion des ressources génétiques du sorgho (Sorghum bicolor) chez les Duupa (NordCameroun)'. In Agronomie et Biotechnologie Cahier Agricultures, Vol XVII, no 2, mars-avril 2008, pp. 178-182. Bassoro M. A., Mohammadou E. (1980). Garoua tradition historique d'une cité peule du Nord-Cameroun, Paris, Editions du Centre national de la recherche scientifique, 197 P. Bazile D., Abrami G. 'Des modèles pour analyser ensemble les dynamiques variétales du sorgho dans un village malien'. Etude originale. In Cahiers d'Agricultures, vol. 17 n°2, mars-avril 2008, pp. 203-209 Beaud M. (2006). L'art de la thèse. Comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l'ère du Net, Nouvelle Edition, Paris, La Découverte, 202 p. + annexes. Beauvilain A., (1989). Nord-Cameroun : Crises et peuplement, Thèse de Doctorat de Géographie, Université de Rouen, 2 vol, 625 p. Bikoï A. (1991). Les grands périmètres irrigués au Nord du Cameroun : développement et désengagement, London, Overseas Development Institute (ODI), Cahier 3, 23 P. Blundo G. (1995). 'Les courtiers du développement en milieu rural sénégalais'. In Cahiers d'études africaines 137, XXXV-1, pp. 73-99. Blundo G. (2001). 'Négocier l'Etat au quotidien : agents d'affaires et rabatteurs dans les interstices de l'administration sénégalaise'. In : Revue Autrepart (20), 2001, pp. 75-90. Bohoum Bouabre, Kouassy, Oussou (1997). 'Ouverture sur l'extérieur et performance macroéconomiques en Côte-d'Ivoire'. In : Le modèle ivoirien en question : Crises, ajustements et recompositions, (Contamin B., Memel H. (Eds), pp. 11-36. 344 Boissevain J. (1974). Friends of friends. Networks, Manipulators and Coalitions, Oxford, Blackwell Boulet J., Fréchou H., Hallaire A., Marguerat Y., Pontie G., Seignobos C. (1979). Le Nord du Cameroun : bilan de dix ans de recherches, (Travaux et Documents de l'ISH ; 16), Yaoundé : ONAREST, ISH, 2 vol., p. Bourou M., Wey J., Havard M. (2010). 'Emergence et fragilité des dispositifs d'appui-conseil aux exploitations familiales agricoles et aux organisations rurales du Nord-Cameroun'. In : Seiny-Boukar L., Boumard P. (éds) (2010). Actes du colloque « Savanes africaines en développement : innover pour durer », 20-23 avril 2009, Garoua, Cameroun, Prasac, N'Djamena, Tchad ; Cirad, Montpellier, France, cédérom, 9 p. Boutrais J. (1982). 'Consommation et production de blé au Cameroun Une difficile indépendance alimentaire' in Revue de Géographie du Cameroun, 3 (1), pp. 67-80. Boutrais J. (2001). 'Un lieu pastoral en Adamaoua : le lahoré de la Vina'. In : Revue Ngaoundéré-Anthropos, Volume VI, pp. 43-61. Breman H. et Sissoko K. (sous la direction de) (1998). L'intensification agricole au Sahel, Paris, Editions Karthala, IER, AB-DLO-DAN-VAW, 1001 p. Bremond J. ; Geledan A. (1981). Dictionnaire économique et social, Paris, Hatier, Collection J. Bremond, 392 P. Brenner G.A., Fouda H., Toulouse J.M. (1990). 'Les tontines et la création d'entreprises au Cameroun'. In L'Entrepreneuriat en Afrique francophone, Paris, Ed. AUPELF-UREF, John Libbery Eurotext, pp. 97-105. Brevault T., Beyo J., Nibouche S., Vaissayre M. (2003). 'La résistance des insectes aux insecticides. Problématique et enjeux en Afrique centrale'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun. Prasac, N'Djamena, Tchad -Cirad, Montpellier, France, CD-Room, 06 p. Bricas N. et Sauvinet R. (1989). 'La diversification de la consommation : une tendance de l'évolution des styles alimentaires au Sahel'. In GRIFFON M. (Eds.). Economie des filières en régions chaudes ; formation des prix et échanges agricoles ; actes du Xème séminaire d'économie et de sociologie, Montpellier, France, 11-15 sept 1989. Montpellier, France, Cirad, Coll Colloques, pp. 471-485. Bricas N. (1993). 'Les caractéristiques et l'évolution de la consommation alimentaire dans les villes africaines : conséquences pour la valorisation des produits vivriers'. In : Muchnik J. (Sous la Coordination de), Paris, Harmattan, pp. 127-160. Bricas N., Raoult-Wack A.-L. (2001). 'Les enjeux à long terme des évolutions de la consommation alimentaire', Forum "Les enjeux du développement durable", Poitiers, 20 au 22 mars 2001, Réunion Plénière 4 : thème Consommer, 5 p. Bricas N., Pape Abdoulaye S. (2004). 'L'alimentation des villes du Sud : les raisons de craindre et d'espérer' in Cahiers Agriculture °13, pp. 4-10. Bring (2005). Evaluation des ressources en eau atmosphérique sur le Nord-Cameroun à l'aide des méthodes conventionnelles et satellitales, Thèse de Doctorat de Géographie, Université de Ngaoundéré, Cameroun, 358 p. 345 Bureau d'Etudes Progress SARL, MINADER, Union Européenne, CAON-FED (2008). Etude de faisabilité d'un programme de relance durable et de diversification des productions en zone cotonnière : Analyse diagnostique Calas B. (1999). 'Les paradoxes des rapports villes-campagnes à travers l'analyse du ravitaillement Kampalais'. In Chaléard J-L., Dubresson A. (éds) (1999). Villes et campagnes dans les pays du Sud. Géographie des relations, Editions Karthala, pp. 88 - 103. Carl M. (1988). 'Problématique de l'autosuffisance alimentaire en Afrique'. In AEASAA, Vers une stratégie pour l'autosuffisance alimentaire en Afrique, Actes du colloque organisé par l'Association des étudiants africains en sciences de l'agriculture et de l'alimentation (Québec 30 août-1er septembre 1987), Québec, Université Laval, pp. 28-39. Cathal M. et Seignobos C. (2003). 'Le sarclage manuel : une opération complexe et multifonctions'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun. Prasac, N'Djamena, Tchad -Cirad, Montpellier, France, CD-Room, poster. Cécile B., Hoffemann O. (1991). 'Le paysan, le commerçant et l'Etat : les inégalités de l'approvisionnement alimentaire dans une région caféière (Mexique)'. In Cahiers Sciences Humaines, 27 (1-2), PP. 85-95. CEDC, PDRP-L&C (2004). Etude socio-économique des cultures de décrue dans les cuvettes aux alentours du Lac Tchad, Kousseri. CEDC, PRRVL/MINADER (2004). Situation générale de la riziculture dans les périmètres de la Semry, Yaoundé. Cerdan C., Kameni A., Kenikou C., Ndjouenkeu R. (2003). 'Quels dispositifs d'appui pour la promotion des entreprises agro-alimentaires des savanes d'Afrique centrale?'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis, Actes du colloques, mai 2002, Garoua, Cameroun, Prasac, N'Djamena, Tchad-Cirad, Montpellier, France, 10 p. Cerdan C., Ndjouenkeu R., Mbayhoudel K. (2004). 'Valorisation des productions vivrières : place et rôle dans le développement économique des savanes d'Afrique centrale'. In Cahiers d'études et de recherches francophones / Agricultures, 13(1), pp. 85-90. Chaleard J-L., Feckoua L., Pelissier P. (1990). 'Réponses paysannes à la croissance urbaine en Côte-d'Ivoire' :Chale ard J-L. (1996). Temps des villes, Temps des vivres. L'essor du vivrier marchand en Côte d'Ivoire, Paris, Editions Karthala, 682 p. Chaleard J-L. (1997). 'Un village entre ville et campagne : Adomonkro'. In La ruralité dans les pays du Sud à la fin du XXe siècle, Gastellu J. M.; Marchal J-Y (ed), Paris, éditions ORSTOM, pp. 201-223. Chaléard J-L., Dubresson A. (éds) (1999). Villes et campagnes dans les pays du Sud. Géographie des relations, Paris, Editions Karthala, 260 p. Chaléard J-L. (2002). 'Marchés et vivrier marchand en Afrique occidentale : le cas de la Côted'Ivoire'. In Revue de l'Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie N°379-juillet 2002, pp. 205-216. 346 Chaléard J-L. (2003). 'Les grandes évolutions de l'agriculture des savanes africaines'. In : Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (eds), Savanes africaines : des espaces en mutations, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun, Prasac, N'Djamena, Tchad-Cirad, Montpellier, France, 09 p. Champaud J. (1981). 'L'espace commercial des Bamiléké'. In : L'Espace Géographique, n°3, 1981, pp. 198-206. Champaud J., Chaume R., Dessay N., Diarra B. et Simeu Kamdem M. (1998). 'Analyse comparée de la dynamique spatiale des villes de Bamako (Mali) et de Garoua (Cameroun) à partir d'images satellitaires et de données auxiliaires'. In : La réalité de terrain en télédétection : pratiques et méthodes, Ed. AUPELF-UREF, pp. 217-224. Charrier J-B (1988). Villes et campagnes, essai sur la diversité des rapports villes-campagnes à travers le Monde, Paris, Masson, 208 p. Chiffoleau Y. (2008). 'Les circuits courts de commercialisation en agriculture : diversité et enjeux pour le développement durable'. In : Maréchal G. (Coord.) (2008). Les circuits couts alimentaires. Bien manger dans les territoires, Dijon, Educagri éditions, pp. 2130. Chindji Kouleu J. (2004). Mes premiers pas dans la recherche, Yaoundé, éditions SAAGRAPH, 144 p. CILSS/AGRHYMET Newsletter (mai 2009). Bulletin mensuel d'information du Centre Régional AGRHYMET, mai 2009, 11 p. Claval P. (1973). 'La théorie des lieux centraux revisitée'. In : Revue de Géographie de l'EST n°1-2, pp. 225-251. Commission sur l'Avenir de l'Agriculture et de L'agro-alimentaire du Québec (CAAAQ) (2008). Agriculture et agro-alimentaire : assurer et bâtir l'avenir. Rapport final, 272 p. Conférence de haut niveau (2008). L'eau pour l'agriculture et l'énergie en Afrique : les défis du changement climatique. Rapport national d'investissement (Cameroun), Syrte, Jamahiriya Arabe Libyenne, 15-17 décembre 2008, 10 p. Contamin B., Memel H. (Eds) (1997). Le modèle ivoirien en question : Crises, ajustements et recompositions, Paris, Ed Karthala-ORSTOM, 804 p. Courade, G. (1983). 'La constitution d' s agro-industriels étatiques depuis l'indépendance au Cameroun : Politique de développement rural et/ou national'. In AEH 12, pp. 33-48. Courade G. (1990). 'Peut-il y avoir des politiques d'autosuffisance alimentaire?' In Revue Politique Africaine, Vol. 39, pp. 79-97. Courade G. (1994). Le village camerounais à l'heure de l'ajustement, Paris, Karthala ; 410 P. Courade G. (1996). 'Entre libéralisme et ajustement structurel : la sécurité alimentaire dans un étau'. In : Cahiers d'Etudes et de Recherche Francophones, Agriculture, Volume 5, Numéro 4, pp. 107-120. Courade G. (2004). 'L'avenir de l'Afrique Subsaharienne'. In : Revue Africaine des Sciences Economiques et de Gestion, Presses Universitaires de Yaoundé, Volume VI, Numéro 2, pp. 3-12. 347 Courade G. (2005). 'L'insécurité alimentaire au Cameroun dans son contexte'. In : Revue Enjeux n°23, avril-juin 2005, pp. 7-18. Couty P. (1965). 'Notes sur la production et le commerce du mil dans le département du Diamaré (Nord-Cameroun)'. In Cahiers ORSTOM, Série Sciences Humaines, vol 2, Num 4, pp. 3-88. Dandjouma A., Sorto M., Mbayabé L., Woin N., Bourou S., Gandébé M. (2009). 'Commercialisation des fruits dans les savanes d'Afrique centrale', Communication présentée au Colloque Prasac, Savanes africaines en développement : innover pour durer, 20-24 avril 2009, Garoua, Cameroun De Garine I., Loung J-F, Froment A. (1987). Anthropologie alimentaire des populations camerounaises, Rapport d'activité scientifique, MESRES-ORSTOM-CNRS, 75 p. Délégation Départementale de l'Agriculture et du Développement Rural du Logone et Chari (DDADER) (2008). Rapport annuel d'activités 2006, 2007 et 2008. DEMO (1987). 7 millions et demi en 1976, 10 millions et demi d'habitants en 1987, 2e RGPH, Cameroun, FNUAP, 24 p. Denis Darpy, Pierre Volle (2003). Comportement du consommateur : concepts et outils, Paris, Dunod, 298 p. Diawara B., Ouedraogo J-B. (2002). Les pratiques alimentaires à Ouagadougou, Burkina Faso: Céréales, légumineuses, tubercules et légumes. CNRST, CIRAD, 147 p. Diocèses de Garoua, Maroua-Mokolo, Ngaoundéré et Yagoua (1983). Propos sur le développement agricole au Nord-Cameroun, Document technique, 157 p. Direction de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN) (1986). Enquête BudgetConsommation : principaux résultats définitifs sur les dépenses des ménages, Yaoundé, Tomes 1 et 4, 220 p. Direction de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN) (2001). Le Cameroun en chiffres 2000, 66 p. Direction de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN) (2002). Conditions de vie des ménages et profil de pauvreté à l'Extrême-Nord-Cameroun en 2001, 131 p. Djamen P., Havard M., We J. (2010). Renouvellement de l'offre de conseil au Nord Cameroun : Le rôle déterminant du conseiller, Communication présentée au Colloque SFER « Conseil en agriculture : acteurs, marchés, mutations », Dijon, France (14 et 15 octobre 2010), 11 p. Djomdi, Ejoh R., Ndjouenkeu R. (2007). 'Soaking behaviour and milky extraction performance of tiger nut (Cyperus esculentus) tubers'. In Journal of Food Engineering, 76(2), pp. 546-550. Djoulde Darman R., Etoa F.-X., Essia Ngang, J.-J., Mbofung C.M.F. (2003). 'Fermentation du manioc cyanogene par une culture mixte de Lactobacillus plantarum et Rhizopus Oryzae'. In Microb. Hyg. Ali.-Vol 15, N°44-Mars 2003, 5 p. Djoulde Damrman R. (2005). Mise au point d'un ferment mixte destiné à la bioconversion des tubercules de manioc cyanogène, Thèse de Doctorat en Biochimie, Ecole nationale supérieure des sciences agro-industrielles de l'université de Ngaoundéré, Cameroun, 220 p. 348 Dongmo A. L. (2009a). Territoires, troupeaux et biomasses : enjeux de gestion pour un usage durable des ressources au Nord-Cameroun, Thèse de Doctorat (Ph D) en Agronomie et Zootechnie, Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l'Environnement, Agro Paris Tech, France, 273 p. Dongmo A. L., Dugue P., Vall E., Lassouarn J. (2009b). 'Optimiser l'usage de la biomasse végétale pour l'agriculture et l'élevage au Nord-Cameroun', communication présentée au Colloque Prasac, Savanes africaines en développement : innover pour durer, 20-24 avril 2009, Garoua, Cameroun Dongmo J. L. (1981). Le dynamisme bamiléké, Yaoundé, Editions CEPER, 2 vols, 722 p. Dorin B., Landy F. (2002). Agriculture et alimentation de l'Inde. Les vertes années (19472001), Paris, INRAN Editions, 248 p. Dovlo F. E., Williams C. E. & Zoaka L. (1976). Cowpeas: Home Preparation and Use in W. Africa. International Development Research Centre, Ottawa, pp. 20-28. Dufumier M. (1996). 'Sécurité alimentaire et systèmes de productions agricoles dans les pays en développement'. In Cahiers d'études et de recherches francophones, Agriculture, Volume 5, Numéro 4. Dugué P., Koulandi J. et Charlot M. (1994). Diversité et zonage des situations agricoles de la zone cotonnière du Nord-Cameroun. Projet Garoua, II, IRA-IRZV, Garoua (Cameroun), 84 p + annexes. Dury S., Gautier N., Jazet E., Mba M., Tchamda C., Tsafack G. (2000). La consommation alimentaire au Cameroun en 1996 : données de l'enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM). DSCN, CIRAD, IITA, Yaoundé, Cameroun, 283 p. Dury S., Medou J C., Foudjem Tita D., Nolte C. (2004). 'Limites du système local d'approvisionnement alimentaire urbain en Afrique subsaharienne : le cas des féculents au Sud‐Cameroun'. In Cahiers Agricultures. Volume 13, Numéro 1, 116-24, Janvier-Février 2004 - L'alimentation des villes, Étude originale, 17 p. Duteurtre G., Dieye P.N., Koussou M.O. (2000). L'analyse des filières laitières : Note méthodologique n°1, Réseau de Recherche et d'Echanges sur les Politiques Laitières (REPOL), Série « Notes Méthodologiques », ISBA-BEME, 19 p. Ejoh R., Djomdi & Ndjouenkeu R. (2006). 'Characteristics of tiger nut (Cyperus esculentus) tubers and their performance in the production of a milky drink'. In Journal of Food Processing and Preservation, 30, pp. 145-163. Ela JM, (1990). Quand l'Etat pénètre en brousse les ripostes paysannes à la crise, Paris, Editions Karthala, 265 p. Endamana D., Etoga G., Bene Bene C.L. (2007). 'Conservation et développement, l'influence d'accessibilité, gestion participative et immigration autour du parc national de la Bénoué au Cameroun'. In Nature et faune, Vol. 22, Ed.1., pp. 12-22. Engola Oyep J. (1991). 'Du jumelage à la péréquation au Cameroun : assurer la survie des périmètres hydro-rizicoles à l'heure de l'ajustement structurel'. In : Cahiers sciences humaines, 27 (1-2), pp. 53-63. 349 Essang T., Magrin G., Kadekoy-Tigague D. (2003). 'Du vivrier au marchand et à l'intégration sous-régionale : le cas de la filière arachide'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis, Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun, Prasac, N'Djamena, Tchad-Cirad, Montpellier, France, 10 p. Etoa F. X., Domngang Mbiapo F., Mbofung C. M. F., Ndjouenkeu R. (1988). 'Profil nutritionnel et hygiénique du kutukutu selon un mode traditionnel de conservation'. In Cam. J. Biol Biochem, SC., (1)2, pp. 56-62. Etoa F. X., Ndjouenkeu R. (1989). 'Some chemical and bacteriological studies on cameroonian yellow and red pepper'. Nig. J. Nutr. Sc., (10)2, pp. 101-106. Fall N. (2008). 'Interview sur les politiques agricoles en Afrique'. In Grain de sel n° 41-42, décembre 2007-mai 2008, p 4 FAO (1994). Marchés de gros : Guide de planification et de conception, Bulletin de services agricoles n°90, FAO, Rome FAO (1996). Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et Plan d'action du sommet mondial de l'alimentation, rapport du sommet mondial de l'alimentation 1317 Novembre 1996, Rome, FAO. FAO (2004). Bilans alimentaires : historique, sources et concept . Formation sur les bilans disponibilité/utilisation des produits alimentaires et agricoles ; et les bilans alimentaires, Projet TCP/RWA/2904(A) 'Appui à la réhabilitation et au développement du système de statistiques agricoles et de l'information agricole, Kigali, 12-14 mai 2004, 17 p. FAO (2006). L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 2006 : Eradiquer la faim dans le monde –bilan de 10 ans après le Sommet mondial de l'alimentation (SMA), 44 p. Favier J. C. (1968). L'alimentation au Cameroun. In Bulletin de livraison de l'Association des Pharmaciens Français pour la lutte contre la Faim dans le Monde, N°5, février, 4 p. Festas L. (2006). Enjeux et dynamiques du commerce de produits alimentaires à BoboDioulasso (Burkina Faso) et Tamale (Ghana), Université de Paris-Nanterre, France, 407 p. Fofiri Nzossie E. J. (2005). L'offre alimentaire vivrière dans la ville de Garoua : l'initiative privée face au désengagement de l'Etat, Mémoire de DEA en géographie, Université de Ngaoundéré, Cameroun, 69 p. Fofiri Nzossie E. J. (2007). Rapport de mission d'enquêtes de production et de commercialisation du maïs et du niébé dans l'arrondissement de Touboro, PRASAC/ARDESAC, Programme 3.3, 13 p. Fofiri Nzossie E. J. (2010a). 'Cameroun : Les limites du maïs'. In Jacquet P., Pachauri R. K. & Tubiana L. (2010). Regards sur la terre 2010. Villes : changer de trajectoire, pp. 320-323. Fofiri Nzossie E. J.; Temple L., Ndamè J. P., Dury S., Ndjouenkeu R., Simeu Kamdem M. (2010b). 'L'émergence du maïs dans la consommation alimentaire des ménages urbains au Nord-Cameroun'. In Revue Economie Rurale, N°318-319, juillet-septembre 2010, pp. 65-79. 350 Fok A. C. M. (1999) Politique d'intensification de l'utilisation des intrants agricoles en Afrique au sud du Sahara : les conditions et limites de la libéralisation, Cirad-Amis, Nogent-sur-Marne. 22 p. Folefack D. P., Klassou C., Enam J. (2006). Mécanisme d'approvisionnement des organizations des producteurs du cotton en intrants au Nord-Cameroun, Rapport d'étude, Programme ARDESAC (3.1), 40 p. Foudriat M. (2007). Sociologie des organisations, Paris, Editions Pearson Education France, 2è edition, 329 p. François Regis Mathieu et Odounfa A. (1993). 'Contraintes communautaires et consommation alimentaire : une réflexion sur la Côte-d'Ivoire'. In Muchnik J. (Sous la Coordination de), Paris, L'Harmattan pp. 93-126. Franqueville A. (1979). 'Croissance démographique et immigration à Yaoundé'. In : Cahiers d'Outre-Mer, 1979, 32 (128), pp. 321-354. Franqueville A. (1997). Les espaces géographiques du ravi ment urbain : Cadre conceptuel, Revue « Aliments dans les villes », Vol. 01, juin 1997, DT/07-9F, 27 p. Fréchou H. (1966). 'L'élevage et le commerce du bétail dans le Nord du Cameroun'. In Cahiers ORSTOM, Série Sciences Humaines, 1966, 3 (2), 127 p Fréchou H. (1984). 'Le commerce'. In Le Nord du Cameroun : Des hommes, une région, Paris : ORSTOM, Mémoires ORSTOM ; 102, pp. 445-458. Fusillier J.-L. (1993). La filière maïs au Cameroun – quelles perspectives de développement de la production de maïs? Multigr., CIRAD, Montpellier, 58 p. Galtier F., Bousquet F., Antona M., Bommel P. (2003). 'Les marchés comme systèmes de communication, une évaluation de la performance de différentes institutions de marché à l'aide de simulations informatiques'. In : Les systèmes agro-alimentaires localisés : produits, entreprises et dynamiques locales, Montpellier, France, 16-18 octobre 2002. Montpellier : CIRAD-TERA. Colloque International sur les Systèmes Agro-alimentaires Localisés (SYAL), 2002-10-16/2002-10-18, Montpellier, France. Gaudard L., Abaïcho G., Mamoudou H. (2003). Rapport semestriel de novembre 2002 à avril 2003. Campagne de commercialisation 2002/2003. Gautier D., Mana J., Rocquencourt A., Tapsou, Njiti C. (2003). 'Faut-il poursuivre l'opération Faidherbia du DPGT au Nord-Cameroun?'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis, Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun, Prasac, N'Djamena, Tchad-Cirad, Montpellier, France, 09 p. Gérard F., Dorin B., Bélières J.F., Diarra A., Keita S.M., Dury S., (2008). Flambée des prix alimentaires internationaux : opportunité ou désastre pour les populations les plus pauvres?, CIRAD, Working Paper MOISA N°8, décembre 2008, 22 p. Gillard L. (1975). 'Premier bilan d'une recherche économique sur la méso-analyse'. In Revue économique, Année 1975, Volume 26, Numéro 3, pp. 478-516. Gondolo A. (1978). Ngaoundéré : évolution d'une ville peulh, Thèse de Doctorat de Géographie, Université de Rouen, France, 225 P. Gonne B., Pabame S., Ngana F. (2009). 'Le champ et le boeuf en savanes d'Afrique centrale : complémentarité, antagonisme ou intégration?', Communication présentée au 351 Colloque Prasac, Savanes africaines en développement : innover pour durer, 20-24 avril 2009, Garoua, Cameroun Gossens F. (1997a). Commercialisation des vivres locaux : le secteur informel dans une perspective dynamique, DT/03-97F, FAO, Collection « Aliments dans les villes », 92 p. Gossens F. (1997b). Rôle des SADA dans la sécurité alimentaire de Kinshasa, EC/08-96, FAO, Collection « Aliments dans les villes », 82 p. Greenwald D . (1987). Dictionnaire économique, Paris, Economica, 3e édition, 750 P. Grégoire E. et Labazée P (Sous la Direction de). (1993). Grands commerçants d'Afrique de l'Ouest. Logiques et pratiques d'un groupe d'hommes d'affaires contemporains, Paris, Editions Kathala-ORSTOM, 263 p. Guibert H., M'Biandoun M., Olina J-P (2003a). 'Productivité et contraintes des systèmes de culture au Nord-Cameroun'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éditeurs scientifiques), 2003. Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun. Prasac, N'Djamena, Tchad - Cirad, Montpellier, France, 9 p. Guibert H., Njiti C., Labonne M., Njoya A., Gautier D., Mbouyo E., Havard M., Nourdine A. (2003b). 'Comparaison de la productivité des principales activités rurales au NordCameroun'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis, Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun, Prasac, N'Djamena, Tchad-Cirad, Montpellier, France, 08 p. Gumuchian H. ; Marois C., (2000). Initiative à la recherche en Géographie, Montréal, Presses de l'Université de Montréal-Anthropos, 425 p. Habiba O., Ejoh R., Ndjouenkeu R., Tanya A. (2005). 'Nutrient content of complementary foods base on processed and fermented sorghum, groundnut, spinach and mango'. In Food and Nutrition Bulletin, 26(4), pp. 384-391. Hallaire A. (1972). 'Marchés et commerce au Nord des Monts Mandara (Nord du Cameroun)'. In Cahier ORSTOM, Série Sciences Humaines, Vol. IX, n°3, pp. 259285. Hamasselbé A. (2008). 'La valorisation de la filière arachide dans la zone soudano-sahélienne du Nord Cameroun'. In Tropicultura, 2008, 26, 4, pp. 200-205. Hatcheu E. T. (2003). L'approvisionnement et la distribution alimentaires à Douala (Cameroun) : logiques sociales et pratiques spatiales des acteurs, Thèse de Doctorat de Géographie, Université de Paris I Panthéon Sorbonne/IEDES, 454 P. Havard M., Abakao O. (2002). Caractéristiques et performances des exploitations agricoles des terroirs de référence du PRASAC au Cameroun, Pôle régional de recherche appliquée au développement des savanes d'Afrique centrale/Institut de la recherche agricole pour le développement, 31 p. Hodder B. W., Ukwu U. I. (1969). Markets in west Africa, Ibadan, Ibadan university press, 172 p. Hugon Ph. (2007). 'Méso-analyse des filières et politique publique'. In Temple L. et Lançon F. (Eds), Atelier Concepts et Méthodes en économie des filières, octobre 2007, Montpellir –France-, Cirad, CD-Room. 352 Géneau de Lamalière I., Staszak J-F. (2000). Principe de géographie économique. Cours, Documents, Travaux dirigés, Paris, Editions Bréal, 448 p. de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) (2007a). Revue Scientifique de l'IRAD 2007. Recueil des résumés des communications, Palais des Congrès, Yaoundé (Cameroun) 2-4 juillet 2007, 101 p. Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) (2007b). Dix ans de coopération et de partenariat à l'IRAD, Forum des Partenaires et Revue Scientifique, Palais des Congrès, Yaoundé (Cameroun), 2-5 juillet 2007, 49 p. Institut National de la Statistique (2004a). Evolution des prix à la consommation finale des ménages au Cameroun en 2003, 36 p. Institut National de la Statistique (2004b). Evolution des prix à la consommation finale des ménages au Cameroun (premier et deuxième trimestre 2004), 69 p. Institut National de la Statistique (2005). Enquête sur l'emploi et le secteur informel (EESI), document de méthodologie, 27 p. Institut National de la Statistique (2008a). Annuaire statistique du Cameroun, CD-Room Institut National de la Statistique (2008b). Tendances, profil et déterminants de la pauvreté au Cameroun en 2007, Rapport provisoire ECAM 3, 16 p. Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun. Prasac, N'Djamena, Tchad -Cirad, Montpellier, France, CD-Room Jaouan R. (1995). L'eucharistie du mil, Paris, Karthala Kanga R., Abba A. (1997). 'La culture du sorgho (Sorghum bicolor) et mil (Pennisetum glaucum) au Nord-Cameroun. contraintes et actions en cours'. In Seiny Boubar L., Poulain J.-F., Faure G. (1997). Agricultures des savanes du Nord-Cameroun : vers un développement solidaire des savanes d'Afrique centrale. Actes de l'atelier d'échange, 25-29 novembre 1996, Garoua, Cameroun, Montpellier, France, CIRAD-CA, pp. 291295. Kapseu C., Bup N. D., Mataos L., Mabiala B. (2005). 'Optimisation de l'énergie solaire pour un développement durable de l'Afrique', communication présentée au colloque IDEAL 2005, 7 p. Karen A. Foote; Kenneth H. Hill; Linda G. Martin (1996). Changements démographiques en Afrique Subsaharienne (travaux et documents), Paris, éditions de l'Institut national d'études démographiques, 372 P. Khouri-Gagher N. (oct 1987-mars 1988). 'La faillite de l'Etat dans l'approvisionnement alimentaire des citadins : Mythe ou réalité?'. In : Egypte-Recompositions, Peuples méditerranéens 41-42, Fonds documentaire N°25130 ex 1, Cote : B, 10 p. Klang M. J., Ndjouenkeu R. (2006). 'Caractérisation et potentiel de valorisation de l'amidon de sept variétés améliorées de manioc (Manihot esculenta c rantz) de la province de l'Adamaoua', Communication présentée au Séminaire National Matières premières – Equipements et Qualité en Agro-industrie. ENSAI, Ngaoundéré, Cameroun, 5-7 avril 2006. Koppert G.J.A., Dounias E., Froment A. et Pasquet P. (1996). 'Consommation alimentaire dans trois populations forestières de la région côtière du Cameroun : Yassa, Mvae et 353 BakolaIn'. In C.M. Hladik, A. Hladik, H. Pagezy, O.F. Linares, G.J.A. Koppert et A. Froment (Eds). L'alimentation en forêt tropicale : interactions bioculturelles et perspectives de développement, Éditions UNESCO, Paris (1996), pp. 477-496. Kossoumna Liba'a N., (2001). L'instabilité du marché des céréales à l'Extrême-Nord du Cameroun, Mémoire de Maîtrise en Géographie, université de Ngaoundéré, 98 p. Kossoumna Liba'a N. (2002). Les stratégies paysannes face aux mutations de la filière cotonnière au Cameroun, Mémoire de DEA en Géographie, Université de Ngaoundéré, 62 p. Kossoumna Liba'a N., Kemtsop Tchinda G. A., Wambo Yamdjeu A. (2006). 'Implication paysanne, un moyen pour redynamiser le périmètre irrigué de Lagdo, Nord Cameroun'. In Richard A., Caron P., Janin J.Y., Ruf T. (éds) (2006). Coordinations hydrauliques et justices sociales. Actes du séminaire, novembre 2004, Montpellier, France, Cirad, Montpellier France, Colloques, 10 p. Labonne M. (1987). 'Sur le concept de la filière en économie agro-alimentaire'. In KermelTorrès Doryane (ed.), Roca P.J. (ed.), Bruneau Michel (ed.), Courade Georges (éds). Terres, comptoirs et silos : des systèmes de production aux politiques alimentaires, Actes du Colloque « Séminaire interdisciplinaire sur les Politiques Alimentaires », Paris, ORSTOM, pp. 137-149. Laclavère G. et Loung J-F. (Sous la Direction), (1979). Atlas de la République Unie du Cameroun, Paris, Editions Jeune Afrique, Série les Atlas Jeunes Afrique, 72 p. Layla Hamadou, Ndjouenkeu R., Cerdan C. (2003). 'Processus d'apprentissage agroalimentaire : expérience des institutions de recherche et de formation au Nord Cameroun'. Séminaire ALISA (Alimentation, Innovation et Savoir-Faire Agroalimentaires en Afrique de l'Ouest), Dakar, 11-13 mars 2003. Le Bris E. (1984). Les marchés ruraux dans la circonscription de Vo, République du Togo, Paris, Editions de l'ORSTOM, Collection Travaux et Documents n°171, 95 p. Leader II (2000). Innovation en milieu rural. Cahier de l'innovation N°7, Observatoire Européen Leader, juillet 2000, 98 p. Legile A., Djamen Nana P. (2003). 'Des appuis aux acteurs : services pour les producteurs et leurs organisations, filières plus performantes, services pour les communautés décentralisées émergentes? Synthèse des communications'. In Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds) (2003). Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Actes du colloque, mai 2002, Garoua, Cameroun. Prasac, N'Djamena, Tchad -Cirad, Montpellier, France, CD-Room, 5 p. Leng M. S., Ndjouenkeu R., Etoa F. X., Raoult-Wack A. L. (1997). 'Influence de quelques conditions de prétraitement sur la cinétique de friture des chips de patate douce'. In Récents Progrès en Génie des Procédés, (11)59, pp. 131-138. Leporrier S. (2002). La consommation urbaine du mil en Namibie Résultats d'enquêtes menées à Oshakati, Mémoire (DESS) Nutrition et alimentation dans les pays en développement Académie de Montpellier, Université de Montpellier II, France, 62 p. Lesaffre B. (2004). 'L'alimentation des villes : de nouveaux défis pour la recherche'. In Cahiers Agricultures 2004 ; 13 : 9 p. Levrat R.L.G. (2007). La culture cotonnière en Afrique Soudanienne de la zone franc depuis les débuts de la colonisation : l'exemple du Cameroun, Thèse de Doctorat en 354 Géographie tropicale, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, France, U.F.R. Géographie et Aménagement, 2 vols, 934 P. Lieugomg M. (2008). 'L'avenir du développement rural par le bas au Cameroun'. In Tchotsoua M.
24,714
2014BORD0148_30
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,014
L'argument jusnaturaliste en droit privé patrimonial français
None
French
Spoken
7,926
14,715
Déformation des concepts. Si l’adaptation des décisions de justice à des situations contemporaines est à souligner, l’attitude des juges restent ambiguë parce que les tendances jurisprudentielles montrent des déformations dans les concepts employés. Les conditions relatives au dommage et au lien de causalité sont concernées par des interprétations plus ou moins extensives. La perte d’une chance, le dommage par ricochet, les victimes en état d’inconscience, sont autant de situations incertaines. De même, le dommage n’existera qu’en cas de réunion des caractères certain, personnel et direct. Or chacun de ces critères est susceptible d’une appréciation étendue ou restreinte. Quant au lien de causalité, son interprétation est également casuelle. Les juges ont même procédé à des interprétations très libres de règles pourtant claires. Dans un arrêt du 28 janvier 2010 (Distilbène), la Cour de cassation a estimé qu’ « en cas d’exposition de la victime à la molécule litigieuse, c’est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu’il incombe de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage »1342. Ce renversement de la charge de la preuve marque une volonté d’atteindre un but (la réparation du dommage) en modifiant l’interprétation des règles de droit. Derrière ces interprétations, il y a beaucoup d’incertitudes et d’absence de prévisibilité, mais leur cause réside surement dans le but à atteindre, soit, par un autre langage, dans un ordre des choses et plus particulièrement, dans la personne. 1342 Civ. 1re, 28 janv. 2010 480 Conclusion CONCLUSION DU TITRE 652. La justice ordonnée aux choses et à l’homme. A priori, l’idée de droit naturel impose une justice dans tous les rapports juridiques. Toute limitation (donation, testament) semble trouver un fondement extérieur. En se centrant sur la chose, l’argumentation jusnaturaliste permet de justifier la force de l’égalité tout en rendant possible une liberté. La justice n’implique pas une relativité vide renvoyant au scepticisme. Elle est relative à un ordre des choses et à la nature de l’homme. L’impossible connaissance parfaite de la nature des choses et de la nature de l’homme justifie les évolutions historiques des effets de la justice, non de son principe. De même, le juge n’a pas plus de connaissance du juste que les parties même si ces dernières sont davantage en mesure d’apprécier leurs intérêts personnels. La culture, notion non spécifiquement juridique, constitue un élément fondamental dans l’appréciation du droit naturel. La volonté permanente du droit positif de s’exprimer selon un langage rationalisé est certes légitime, mais s’accompagne nécessairement d’une pratique qui relève de la culture. L’argument jusnaturaliste ne se comprend qu’avec le prisme de la culture juridique d’un pays. Cet aspect est particulièrement présent concernant le solidarisme contractuel. On peut bien modifier les règles de droit en privilégiant la bonne foi ou les pouvoirs du juge, on obtiendra difficilement davantage de justice car de nouveaux problèmes apparaitront. Les règles techniques ne peuvent suffire à neutraliser des pratiques contestables car dans tous les cas il faudra maintenir la liberté et l’instauration de règles restrictives ira à l’encontre de cette liberté. L’équilibre entre la justice et la liberté dépend d’un état de la culture, avec le droit naturel en arrière fond. Si ces der décennies ont été l’occasion d’une multiplication exponentielle des règles de droit1343, on ne peut pas pour autant affirmer une justice plus aboutie. La limite intrinsèque d’un droit positif autonomisé ne nécessite pas plus d’arguments. 1343 J.-M. TRIGEAUD, Philosophie juridique européenne, éd. Bière, 1990, not. p. 117 et suiv. (« La fonction critique du concept de nature des choses »). 481 Conclusion CONCL USION DE LA PARTIE 653. Unité des deux parties. Il est certain qu’un discours sur la culture semble s’écarter de la technicité requise du droit. L’esprit actuel privilégie une autre approche, qui semble parfois être une course vers la « complétude » du droit positif. La culture relève d’une discipline soumise à ses propres exigences. Le juriste se doit de tenir compte de cet aspect et se concentrer sur ce qui renvoie à ses compétences, à savoir le jugement du contenu du droit positif. L’argumentation jusnaturaliste est l’occasion de présenter d’une autre manière le rapport de la justice et des concepts juridiques. La première partie a été l’occasion d’exposer la pertinence de l’argumentation jusnaturaliste dans les qualifications et les effets juridiques. Cette seconde partie lie ces deux éléments à la recherche de l’égalité en signalant l’unité qui les anime, tout en exposant les cas où ces deux champs entrent en conflit, c’est-à-dire lorsque l’application successive de lois formalisées conduit à nier la justice, ou au moins à y porter atteinte. Le fait d’attirer le regard sur la chose permet d’exposer le problème sous le rapport des causes de la chose. Au sein de la chose, les causes concourent les unes aux autres, elles ne s’opposent pas sauf à contredire la chose elle-même. La division des causes conduit à les autonomiser et les engage potentiellement dans des conflits. On se demande alors s’il faut respecter la règle de droit édictée en fonction de la cause formelle ou s’il faut privilégier la justice en vertu de la cause finale. Sans remise en question de cette division initiale, que permettent les arguments jusnaturalistes, les réponses apportées ne peuvent aboutir à une explication suffisante. 482 Conclusion CONCLUSION GENERALE 654. L’argument jusnaturaliste. La place de l’argument jusnaturaliste au sein de l’analyse juridique est centrale. Elle permet dans un premier mouvement de sortir des conceptualisations pour s’en tenir à la chose ou à la personne en tant qu’éléments premiers des relations juridiques patrimoniales. Dès que cette chose, en rapport avec la personne, est ciblée, l’argument jusnaturaliste trouve un terrain propice à son expression, notamment en refusant d’accepter par avance et sans discussion des vérités sur le sens de ces choses. L’argumentation jusnaturaliste n’a pas pour finalité de donner des réponses prédéterminées par avance. Il s’agit plutôt de reformuler les problématiques, de relativiser certaines solutions ou, au contraire, de consolider des positions incertaines. Chacun des arguments jusnaturalistes concoure à atteindre les dogmatismes du droit positif et ses conceptualisations théoriques, avec cette particularité de se remettre eux-mêmes en cause en leur appliquant ses mêmes arguments. Les arguments jusnaturalistes sont également passés au crible des arguments parce qu’ils font écho à une ontologie. A ce titre, les arguments jusnaturalistes ont une double fonction en ce qu’ils critiquent le droit positif, tout en s’interrogeant eux-mêmes en retour. Cette caractéristique les empêche de se scléroser. Plus qu’une argumentation ou une somme d’arguments, l’argument jusnaturaliste est la partie d’un tout qu’il suscite. La référence à un seul argument entraîne nécessairement les autres dans son sillage et réciproquement, parce que tous renvoient à une vérité. L’analyse portant sur l’essence conduira à s’interroger sur l’existence, de même pour la matière et la forme, l’unité analogique et la division, etc. L’argument jusnaturaliste est le cœur de la démarche jusnaturaliste. Il entraîne un mouvement vers les choses et les personnes. Ce mouvement de l’esprit est le guide à suivre, pour éviter les difficultés d’une « théorisation » des arguments jusnaturalistes, affaiblissant leur portée. 655. Une diversité de méthodes. Un sujet de cette envergure aurait pu être traité selon d’autres méthodes, d’autres références, d’autres intentions en privilégiant les auteurs classiques, les références textuelles explicites ou selon une approche plus ouverte sur la nature, révélant davantage l’aspect culturel dans lequel prennent sens les mots. Cela aurait permis d’aborder immédiatement la limite de la rationalité pour entrer dans un discours de perception plus immédiate du droit naturel et de l’argument qui fait corps avec lui. Tel n’a pas été la voie de cette étude. Il a semblé pertinent d’éprouver et de confronter les arguments jusnaturalistes aux contraintes du législateur, de la doctrine et de la jurisprudence, afin 483 Conclusion d’insister autant sur leurs avantages que sur leurs limites. L’accent a été mis sur le rapport entretenu entre droit naturel et droit positif (autant pratique que théorique) par un éclairage sur les règles de droit et le dédoublement systématique de leur signification, quel que soit l’argument jusnaturaliste employé. La dimension culturelle signifiant le mieux la nature a été beaucoup moins développée au profit d’une approche rationnelle. Ce paradoxe résulte d’un choix pratique lié à l’état actuel du droit positif. La rationalité étant le mode privilégié d’analyse du droit positif, il a semblé nécessaire de lier le droit naturel au droit positif par ce biais afin de ne pas provoquer de résistance de principe. L’exposé continu des limites de la rationalité était nécessaire avant d’afficher la portée culturelle de la signification du droit. 656. Une étude à poursuivre. Loin d’être exhaustive, cette étude s’est attachée à explorer les formes jusnaturalistes selon les schémas classiques des rapports à l’égalité, mais aussi là où on l’attendait moins, à savoir dans des règles d’aspects techniques et d’interprétation habituellement positiviste. La circonscription du sujet au Code civil a permis d’explorer les dimensions principales des arguments jusnaturalistes tout en laissant la possibilité d’adapter les raisonnements aux règles de droit présentes dans d’autres domaines. Désormais, s’ouvre un champ d’analyse plus vaste mettant en question des thèmes aussi variés que le temps, l’espace, le droit comparé ou le droit international. 657 . Tableau . Le droit naturel devrait tenir une place plus explicite dans les recherches juridiques, non comme influence éloignée mais comme mode d’interprétation fourni ssant des arguments aux problèmes pratiques et théoriques du droit positif. Thème Arguments jusnaturalistes......relatifs à l’être (matière, forme, essence, existence, exercice, réification) Présence dans les qualifications et le contenu du droit Recherche systématique de la nature des choses dans tous les manuels, les traités et les articles. La jurisprudence, par ses qualifications, suit la même tendance. La présence jusnaturaliste est directe et active. Elle s’attache à la substance des choses et touche l’ensemble du droit positif. Mais : si l’interrogation porte sur les choses, elle oublie la plupart du temps une analyse de ce qu’est la « nature », ce qui fausse tous les résultats obtenus. le lien entre l’étude de la nature d’une chose et le droit naturel n’est pas toujours établi. Il ne semble pas pour tous les juristes que l’étude de la nature d’une chose soit une démarche jus naturaliste. 484 Conclusion Sur ces deux points, l’emploi d’un argument jusnaturaliste permettrait de repenser les qualifications et la portée des notions. ...relatifs au retour à la chose même Il s’agit de se concentrer sur ce qui existe, à savoir la chose voulue plutôt que la volonté, la chose causée plutôt que la cause, la chose appropriée plutôt que la propriété, ce contrat-ci plutôt que le contrat, l’homme libre plutôt que la liberté, etc. Présence faible du droit naturel sous cet angle. L’étude porte quasiexclusivement sur les concepts abstraits. Le recours à un argument jusnaturaliste permettrait de déplacer les problématiques sur des champs plus proches de la « réalité ». De plus, le retour à la chose favorise une nouvelle compréhension du rapport entre droit et fait. Il n’y a plus séparation nette mais passage (sous réserve que les faits répondent à une certaine qualité)....relatif à l’universel (analogie, généralité, causalité) L’analyse de cette chose-ci comprise dans sa nature authentique aboutit à faire émerger le plan de l’universel. L’argument jusnaturaliste relatif à l’universel est présent de manière indirecte dans le droit positif à travers les conditions, les exceptions, les exceptions aux exceptions, les dispenses, les fictions, etc. Les règles de droit sont générales. Elles embrassent une majorité de situations mais non toutes les situations. Les règles édictées selon les thèmes visés ci-dessus, cherchent à combler les déformations résultant des généralités. Le législateur cherche davantage à atteindre les effets de l’universel plutôt que l’universel lui-même. La présence de l’argument jusnaturaliste relatif à l’universel est donc indirecte. Le recours à cet argument jusnaturaliste permettrait de donner une raison d’être à de nombreuses règles de droit. Il expliquerait mieux le problème lié à l’augmentation du nombre de rè de droit (tentative d’atteindre le concret en additionnant de l’abstrait à de l’abstrait). ...relatifs à la « volonté connaissante tendue vers la chose » En matière contractuelle, où la volonté a une importance première, la présence de l’argument jusnaturaliste relatif à la « volonté connaissante... » est indirecte. La volonté est réifiée au sein des théories du droit. Elle est considérée de manière abstraite. Mais une lecture plus profonde permet de déceler un certain nombre de règles de droit tenant compte des situations concrètes, d’où une approche plus aboutie de la volonté. De plus, la volonté est liée aux autres conditions de formation des contrats, ce qui rappelle le lien qu’elle entretient avec la capacité, l’objet et la cause. L’emploi de l’argument jusnaturaliste relatif à la « volonté connaissante... » permettrait d’attribuer un autre statut aux conditions. Ces dernières présumeraient l’ « accès » à l’existence d’une situation juridique. Ces conditions seraient déclaratives et non plus constitutives. Une extension à d’autres notions est envisageable....relatifs à l’ordre L’argument jusnaturaliste relatif à l’ordre est contesté. 485 Conclusion (lecture objectiviste, subjectiviste ou analogique de l’ordre) Si l’on considère que le droit est constitué par le législateur, l’ordre à interpréter est celui qui résulte de la loi. Au contraire, si l’on considère qu’il existe un ordre antérieur et que le droit est déclaré par le législateur, alors les règles de droit ne se comprennent qu’à travers cet ordre. La portée des concepts fondamentaux du droit est modifiée. La présence de l’argument jusnaturaliste relatif à l’ordre est ambiguë. L’interprétation de la notion d’ « ordre » est difficile. Le recours à l’argument jusnaturaliste relatif à l’ordre permettrait d ’interpréter les règles de droit sous un nouvel angle. Parfois, un ordre est énoncé selon une lecture subjectiviste ou objectiviste. L’argument jusnaturaliste permet de détacher ces lectures implicites qui sont autant de présupposés sous-jacents. ...relatifs à la nature de l’homme et à sa liberté L’argument jusnaturaliste relatif à la nature de l’homme implique surtout l’idée de liberté. En un sens, le droit naturel laisse plus de liberté aux individus que ne le fait le droit positif. Le législateur édicte des règles qui sont autant de moyens affectés à une fin. Relié aux arguments précédents, l’argument relatif à la nature de l’homme renvoie à cet homme-ci, dans sa vocation universelle, intégré à un ordre des choses et exprimant sa volonté. Le recours à l’argument jusnaturaliste relatif à la nature de l’homme permet de réinterpréter son rapport à la liberté et à la dignité, hors d’un cadre abstrait. 658. La nécessité d’une référence au droit naturel. La période actuelle, tournée vers la technique juridique, marque ses limites. Tout droit positif résulte d’une lecture philosophique, implicite ou explicite, de l’ordre du monde. L’éviction de la philosophie dans les études juridiques, notamment par une extension d’un formalisme purement technique, n’a pas rendu les solutions juridiques plus prévisibles. A partir des schémas jusnaturalistes, il est possible d’expliciter les présupposés des théories générales du droit, le sens implicite des termes et la portée des règles de droit. Cette démarche n’est envisageable que si elle s’accompagne d’une lecture plus authentique de la « nature ». Avec G. Renard, nous pouvons dire que « Le Droit est certainement, avec la poésie et la musique, une discipline susceptible de s’approprier une pensée philosophique. Bien plus pour lui, ce n’est pas une faculté, c’est une nécessité. Tout système juridique est l’épanouissement d’une philosophie »1344. 1344 G. RENARD, Le droit, l’ordre et la raison, Sirey, 1927, p.5 486 487 488 Bibliographie BIBLIO GRAPHI E I. HIST OIRE , THE ORIE DU DROIT, PHIL OSO PHIE DU DROIT A. Dictionnaires BENVENISTE E., Le vocabulaire des institutions indo-européennes, t. 1 et 2, Les éditions de Minuit, 1969 CORNU G., Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 9e éd., 2011 FOULQIE P., Dictionnaire de la langue philosophique, PUF, 5e éd., 1986 B. Ouvrages, essais, thèses ARISTOTE Ethique à Nicomaque, trad. J. Tricot, Vrin, 2007 Topiques, trad. J. Brunschwig, Les Belles Lettres, 1967 ATIAS C., Epistémologie juridique, Dalloz, 2002 BAGOLINI L., Justice et société, éd. Bière, 1995 BASTIT M., Naissance de la loi moderne, PUF, 1990 BATIFFOL H., Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, 1956 Problèmes de base de philosophie du droit, LGDJ, 1979 La philosophie du droit, PUF, Que sais-je?, 8e éd., 1989 BATTAGLIA F., La crisi del diritto naturale, Venezia, La Nuova Italia, 1929 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, PUF, Thémis, 2001 BILLIER J.-C., MARYIOLI A., Histoire de la philosophie du droit, Armand Colin, 2001 BRETHE DE LA GRESSAYE J., LABORDE-LACOSTE M., Introduction générale à l’étude du droit, Sirey, 1947 BRETON P., GAUTHIER G., Histoire des théories de l’argumentation, La Découverte, 2011 BRIMO A., Les grands courants de la philosophie du droit et de l’Etat, Pedone, 1968 CAMPAGNA N., Michel Villey : le droit ou les droits?, éd. Michalon, 2004 CARBONNIER J., Flexible droit, LGDJ, 10e éd., 2001 CASTELEIN A., Droit naturel, Paris, 1903 CHARMONT J., La renaissance du droit naturel, éd. Coulet et fils, Montpellier, 1910 COTTA S., Le droit dans l’existence, éd. Bière, 1996 DABIN J. La philosophie de l’ordre juridique positif, Sirey, Paris, 1929 Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1969 Le droit subjectif, Dalloz, 2008 489 Bibliographie DARBELLAY J., La réflexion des philosophes et des juristes sur le droit et le politique, éd. universitaires de Strasbourg, 1987 DI ROBILANT E., Significato del diritto naturale nell’ordinamento canonico, F. Giappichelli Editore, Torino, 1954 DUFOUR M., Argumenter. Cours de logique informelle, Armand Colin, 2008 DULONG D., Sociologie des institutions politiques, La Découverte, 2012 FASSO G., Histoire de la philosophie du droit. XIXe et XXe siècles, LGDJ, 1976 FENET P.-A., EWALD F., Naissance du code civil. La raison du législateur. Travaux préparatoires du code civil, Flammarion, 1989 GAUDEMET E., L’interprétation du Code civil et France depuis 1804, présentation de C. Jamin et P. Jestaz, éd. La Mémoire du Droit, 2002 GAUDEMET J., Droit privé romain, Montchrestien, 2e éd., 2000 GENY F. Science et technique en droit privé positif, I, Sirey, 1913 Science et technique en droit privé positif, II, Sirey, 2e tirage, 1927 Science et technique en droit privé positif, III, Sirey, 1921 Science et technique en droit privé positif, IV, Sirey, nouveau tirage, 1930 GHIRARDI O. A., Le raisonnement judiciaire, éd. Bière, 1999 GILLES D., La pensée juridique de Jean Domat (1625-1696) : du grand siècle au code civil, ss. dir. de M. Ganzin, thèse Aix-Marseille, 2004 GOLTZBERG S., L’argumentation juridique, Dalloz, 2013 GOYARD-FABRE S., Les embarras philosophique du droit naturel, Vrin, 2002 La philosophie du droit de Kant, Vrin, 1996 Eléments de philosophie politique, A. Colin, 1996 GRZEGORCZYK C., La théorie générale des valeurs et le droit, Préf. M. Villey, LGDJ, 1982 HALPERIN J.-L., Histoire du droit privé français depuis 1804, PUF, Quadrige, 2e éd., 2012 HERVADA J., Introduction critique au droit naturel, éd. Bière, 1991 JACQUES F., Villey et les icônes, Dalloz, 2007 KELSEN H. Théorie générale des normes, PUF, 1996 Théorie pure du droit, Dalloz, 1962 LACHAUX E.-A., Le droit naturel et la doctrine, thèse, ss. dir. G. Renard, Nancy, 1931 LEVY J.-P., CASTALDO A., Histoire du droit civil, Dalloz, 2002 LEVY J.-P., Histoire des obligations, Les Cours du droit, 1995 NIORT J.-F., QUIVIGER P.-Y., Le secret du droit naturel ou Après Villey, éd. Classique Garnier, Paris, 2012 OLERON P., L’argumentation, PUF, Que sais-je?, 1983 OLLERO-TASSARA A., Droit « positif » et droits de l’homme, éd. Bière, 1997 PAPAUX A., Essai philosophique sur la qualification juridique : de la subsomption à l’abduction : l’exemple du droit international privé, Bruylant, 2003 PERELMAN C. Droit, morale et philosophie, LGDJ, 2e éd., 1976 490 Bibliographie Logique juridique. Nouvelle rhétorique, Dalloz, 1979 PROUDHON, Qu’est-ce que la propriété?, Librairie générale française, 2009 RAYMONDIS L.-M., Contribution à l’étude du droit naturel, Toulouse, 1947 REAL M., Expérience et culture, éd. Bière, 1990 RENARD G. Le droit, la logique et le bon sens, Sirey, 1925 Le droit, l’ordre et la raison, Sirey, 1927 La théorie de l’institution, Sirey, 1930 La philosophie de l’institution, Sirey, 1939 RIALS S., Villey et les idoles : petite introduction à la philosophie du droit de Michel Villey, PUF, 2000 ROCHFELD J., Les grandes notions du droit privé, PUF, Thémis, 2011 ROMMEN H., Le droit naturel. Histoire doctrine, Paris, 1945 ROUBIER P., Théorie générale du droit, 2e éd., Dalloz, 2005 SANCHEZ DE LA TORRE A., La tyrannie dans la Grèce antique, éd. Bière, 1999 SCHWARZ-LIEBERMANN VON WAHLENDORF H.A. Fondements et principes d’un ordre juridique naissant, Paris, 1971 Les dimensions du droit. Etudes de philosophie du droit, LGDJ, 1978 Idéalité et réalité du droit, LGDJ, 1980 SERIAUX A., Le droit naturel, PUF, Que sais-je?, 2e éd., 1999 STRAUSS L., Droit naturel et histoire, Plon, 1954 TRIGEAUD J.-M. Humanisme de la liberté et philosophie de la justice, éd. Bière, 1985 Essais de philosophie du droit, Studio editoriale di cultura, 1987 Persona ou la justice au double visage, Studio editoriale di cultura, 1990 Introduction à la philosophie du droit, éd. Bière, 1992 Eléments d’une philosophie politique, éd. Bière, 1993 Métaphysique et éthique au fondement du droit, éd. Bière, 1995 Justice et tolérance, éd. Bière, 1997 L’homme coupable. Critique d’une philosophie de la responsabilité, éd. Bière, 1999 Droits premiers, éd. Bière, 2001 Justice et hégémonie, éd. Bière, 2006 Personne, droit et existence, éd. Bière, 2009 VANNIER G., Michel Villey et le droit naturel en question, éd. L’Harmattan, Paris, 1994 Argumentation et droit. Introduction à la Nouvelle Rhétorique de Perelman, PUF, 2001 VASSILIE-LEMENY S.-T., Pour une philosophie du sens et de la valeur, éd. Bière, 1990 VILLEY M. Seize essais de philosophie du droit, Dalloz, 1969 Philosophie du droit. I. Définitions et fins du droit, 2e éd., Dalloz, 1978 Philosophie du droit. II. Les moyens du droit, 2e éd., Dalloz, 1984 La formation de la pensée juridique moderne, PUF, 1re éd. « Quadrige », 2006 VIRALLY M., La pensée juridique, éd. Panthéon Assas, 2010 491 Bibliographie VON CATHREIN V., Recht, Naturrecht und positives Recht, 2e éd., Freiburg, 1909 B. Ouvrages collectifs Droit naturel : relancer l’histoire?, ss. dir. de L.-L. CHRISTIANS, F. COPPENS, X. DIJON, P. FAVRAUX, G. FIASSE, J.-M. LONGNEAUX, M. RUOL, Bruylant, 2008 Les principes en droit, ss. dir. de S. Caudal, Economica, 2008 Michel Villey et le droit naturel en question, ss. dir. J.-F. Niort et G. Vannier, L’Harmattan, 1994 II. OUVRAGES GENERAUX, MANUELS ET TRAITES ALBIGES C., DUMONT-LEFRAND M.-P., Droit des sûretés, Dalloz, 4e éd., 2013 ANCEL P., Droit des sûretés, Litec, 6e éd., 2011 ANTONMATTEI P.-H., RAYNARD J., Droit civil. Contrats spéciaux, LexisNexis, 7e éd., 2013 ATIAS C., Droit civil. Les biens, Litec, 11e éd., 2011 AUBRY, RAU, Droit civil français, t. 2,, par P. Esmein, Librairies techniques, 7e éd., 1961 AYNES L., CROCQ P., Les sûretés. La publicité foncière, Defrénois, 7e éd., 2013 BARBIERI J.-J., Contrats civil s. Contrats commerciaux, Armand Colin, 1995 BAUDRY-LACANTINERIE G., Précis de droit civil, t.1, Paris, Larose et Forcel, 4e éd., 1891 Précis de droit civil, t. 2, Sirey, 9e éd., 1905 BENABENT A., Droit civil. Les contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, 10e éd., 2013 BENABENT A., Droit civil. Les obligations, Montchrestien, 13e éd., 2012 BERGEL J.-L., BRUSCHI M., CIMAMONTY S., Les biens, LGDJ, 2e éd., 2010 BERTRAND A. R., Droit d’auteur, Dalloz Action, 3e éd., 2010 BEUDANT C., Cours de droit civil français, t. I, Paris, Rousseau, 2e éd., 1934 Cours de droit civil français, t. 4, Paris, Rousseau, 2e éd., 1938 Cours de droit civil français, t. V bis, Paris, Rousseau, 2e éd., 1936 Cours de droit civil français, t. 8, Paris, Rousseau, 2e éd., 1936 Cours de droit civil français, t. 9, Paris, Rousseau, 2e éd., 1953 Cours de droit civil français, t. 9 bis, Paris, Rousseau, 2e éd., 1952 Cours de droit civil français, t. X, Paris, Rousseau, 2e éd., 1937 BEUDANT C., BEUDANT C., Cours de droit civil français, t. VIII, Paris, Rousseau, 2e éd., 1936 BONNECASE J., Précis de droit civil, t. 2nd, Rousseau, Paris, 2e éd., 1939 Précis de droit civil, t. 3e, Rousseau, Paris, 1935 492 Bibliographie BOURASSIN M., BREMOND V., JOBARD-BACHELLIER M.-N., Droit des sûretés, Sirey, 2e éd., 2012 BRUN P., Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, LexisNexis, 2e éd., 2009 BUFFELAN-LANORE Y., LARRIBAU-TERNEYRE V., Droit civil. Les obligations, Sirey, 13e éd., 2012 CABRILLAC M., MOULY, C., CABRILLAC S., PETEL P., Droit des sûretés, Litec, 9e éd., 2010 CABRILLAC R., Droit des obligations, Dalloz, 10e éd., 2012 Droit des régimes matrimoniaux, LGDJ, 8e éd., 2013 CALAIS-AULOY J., STEINMETZ F., Droit de la consommation, Dalloz, 7e éd., 2006 CARBONNIER J., La famille, PUF, 18e éd. refondue, 1997 Les biens, PUF, 19e éd. refondue, 2000 Les obligations, PUF, 21e éd. refondue, 1998 CARON C., Droit d’auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd., 2013 COLIN A., CAPITANT H., Cours élémentaire de droit civil français, t. 1, Dalloz, 11e éd., 1947 Cours élémentaire de droit civil français, t. 2, Dalloz, 10e éd., 1948 COLLART DUTILLEUL F., DELEBECQUE P., Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 9e éd., 2011 CORNU G., Droit civil. Les biens, Montchrestien, 13e éd., 2007 COZIAN M., VIANDER A., DEBOISSY F., Droit des s s, LexisNexis, 26e éd., 2013 DAURIAC I., Les régimes matrimoniaux et le Pacs, LGDJ, 3e éd., 2012 DE JUGLART M., IPPOLITO B., E. DU PONTAVICE E., DUPICHOT J., Traité de droit commercial. 2. Les sociétés, Montchrestien, 3e éd., 1982 DEKEUWER-DEFOSSEZ F., BLARY-CLEMENT E., Droit commercial, Montchrestien, 10e éd., 2010 DELEBECQUE P., PANSIER F.-J., Droit des obligations. Contrat et quasi-contrat, LexisNexis, 6e éd., 2013 Droit des obligations. Responsabilité civile. Délit et quasi-délit, LexisNexis, 5e éd., 2011 DEMOGUE R., Traité des obligations en général, t. 3, Rousseau, Paris, 1923 DEMOLOMBE C., Cours de code Napoléon, t. I, Paris, A. Durand et L. Hachette, 1854 DROSS W., Droit civil. Les choses, LGDJ, 2012 ESCARRA J. et E., RAULT J., Principes de droit commercial, t.1, Sirey, 1934 FABRE-MAGNAN M., Droit des obligations. 1 – Contrat et engagement unilatéral, PUF, Thémis, 3e éd., 2012 Droit des obligations. 2 – Responsabilité civile et quasi-contrat, PUF, 2e éd., 2010 FAGES B., Droit des obligations, LGDJ, 4e éd., 2013 FLOUR J., AUBERT J.-L., SAVAUX E., Droit civil. Les obligations. 1. L’acte juridique, Sirey, 15e éd. 2012 Droit civil. Les obligations. 2. Le fait juridique, Sirey, 14 éd., 2011 493 Bibliographie Droit civil. Les obligations. 3. Le rapport d’obligation, Sirey, 8e éd., 2013 GAUDEMET E., Théorie générale des obligations, Sirey, 1937 GAUTIER P.-Y., Propriété littéraire et artistique, PUF, 8e éd., 2012 GHESTIN J., LOISEAU G., SERINET Y.-M., La formation du contrat, t. 1, LGDJ, 4e éd., 2013 La formation du contrat, t. 2, LGDJ, 4e éd., 2013 GUEVEL D., Droit des successions et des libéralités, LGDJ, 2e éd., 2010 HAURIOU M., Principes de droit public, Sirey, 2e éd., 1916 JEULAND E., Droit des obligations, Montchrestien, 3e éd., 2009 JOSSERAND L., Cours de droit civil positif français, t. I, Sirey, 1938 Cours de droit civil positif français, t. II, Sirey, 1939 Cours de droit civil, t. III, Sirey, 3e éd., 1940 JUBAULT C., Les successions. Les libéralités, Montchrestien, 2e éd., 2010 LABORDE-LACOSTE M., Exposé méthodique de droit civil, t. 1, Sirey, 5e éd., 1949 Exposé méthodique de droit civil, t. 2, Sirey, 1947 LAMBOLEY A., LAURENS-LAMBOLEY M.-H., Droit des régimes matrimoniaux, Litec, 5e éd., 2008 LE CANNU P., DONDERO B., Droit des sociétés, Montchrestien, 4e éd., 2012 LE TOURNEAU P., Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 9e éd., 2012 LECLERC F., Droit des contrats spéciaux, LGDJ, 2e éd., 2012 LEGEAIS D., Droit commercial et des affaires, Sirey, 20e éd., 2012 Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 7 éd., 2009 LEROYER A.-M., Droit des successions, Dalloz, 3e éd., 2014 Droit des successions, Dalloz, 3e éd., 2014 LOUSSOUARN Y., BOUREL P., DE VAREILLES-SOMMIERES P., Droit international privé, Dalloz, 10e éd., 2013 MAINGUY D., Contrats spéciaux, Dalloz, 8e éd., 2012 MALAURIE P. AYNES L., Les régimes matrimoniaux, Defrénois, 4e éd., 2013 Les biens, Defrénois, 5e éd., 2013 MALAURIE P., AYNES L., STOFFEL-MUNCK P., Les obligations, Defrénois, 6e éd., 2013 MALAURIE P., FULCHIRON H., La famille, Defrénois, 4e éd., 2011 MALAURIE P., Les personnes, Defrénois, 7e éd., 2014 Les successions. Les libéralités, Defrénois, 5e éd., 2012 MALINVAUD P., FENOUILLET D., Droit des obligations, Litec, 12e éd., 2012 MARTY G., RAYNAUD P., Droit civil. Les biens, Sirey, 2e éd., 1980 Les obligations, t. II, 1er vol., Sirey, 1962 494 Bibliographie MATHIEU M.-L., Droit civil. Les biens, Sirey, 3e éd., 2013 MAURY J., Successions et libéralités, LexisNexis, 8e éd., 2012 MAZEAUD H., L. et J., Leçons de droit civil. Obligations, t.II/1er vol., Montchrestien, 9e éd., 1998 MAZEAUD H. et L., Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Montchrestien, 6e éd., 1965 MERLE P., Droit commercial. Sociétés commercial es , Dalloz, 17 e é d ., 2014 MOREAU J., Droit administratif, PUF, 1989 NIBOYET M.-L., DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE G., Droit international privé, LGDJ, 4e éd., 2013 PEDAMON M., KENFACK H., Droit commercial, Dalloz, 3e éd., 2011 PETERKA N., Régimes matrimoniaux, Dalloz, 3e éd., 2012 PLANIOL M., RIPERT G., Traité élémentaire de droit civil, t. I, Paris, LGDJ, 10e éd., 1925 Traité pratique de droit civil français, t. III, Paris, LGDJ, 2e éd., 1952 Traité pratique de droit civil français, t. IV, Paris, LGDJ, 2e éd., 1956 PLANIOL M., Traité élémentaire de droit civil, t. 1, LGDJ, 10e éd., 1925 Traité élémentaire de droit civil, t. 2, LGDJ, 10e éd., 1926 PORCHY-SIMON S., Droit civil. Les obligations, Dalloz, 7e éd., 2012 POTHIER R. J., Traité des obligations, préf. J.-L. Halpérin, Dalloz, 2011 PUIG P., Contrats spéciaux, Dalloz, 5e éd., 2013 REBOUL-MAUPIN N., Droit des biens, Dalloz, 4e éd., 2012 REVEL J., Les régimes matrimoniaux, Dalloz, 6e éd., 2012 RIPERT G., BOULANGER J., Traité de droit civil, t. 2, Paris, LGDJ, 1957 Traité de droit civil, t. IV, Paris, LGDJ, 1959 SAVATIER R., Cours de droit civil, t. 1, Paris, LGDJ, 1942 Traité de la responsabilité civile en droit français, tome 1, Préf. G. Ripert, LGDJ, 1939 Traité de la responsabilité civile en droit français, tome Préf. G. Ripert, LGDJ, 1939 SAVIGNY F. C. Von, Le droit des obligations, t. I et II, LGDJ, 2008 SERIAUX A., Successions et libéralités, Ellipses, 2012 Manuel de droit des obligations, PUF, 1e éd., 2006 (2e éd., 2014) Manuel de droit des obligations, PUF, 2e éd., 2014 SEUBE J.-B., Droit des biens, 5e éd., Litec, 2010 SIMLER P., DELEBECQUE P., Droit civil. Les sûretés. La publicité foncière, Dalloz, STARCK B., ROLAND H., BOYER L., Obligations. 1. Responsabilité délictuelle, Litec, 5e éd., 1996 STRICKLER Y., Procédure civile, 2e éd., Paradigmes, 2008 TERRE F., FENOUILLET D., La famille, Dalloz, 8e éd., 2011 495 Bibliographie TERRE F., LEQUETTE Y., Les successions. Les libéralités, Dalloz, 4e éd., 2013 TERRE F., SIMLER P., Les régimes matrimoniaux, Dalloz, 6e éd., 2011 Les biens, Dalloz, 8e éd., 2010 TERRE F., SIMLER P., LEQUETTE Y., Les obligations, Dalloz, 11e éd., 2013 TESTU F. X., Contrats d’affaires, Dalloz référence, 2010 TEYSSIE B., Les personnes, LexisNexis, 14e éd., 2014 VIDAL D., Droit des sociétés, LGDJ, 7e éd., 2010 VINEY G. Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3e éd., 2008 VINEY G., JOURDAIN P., CARVAL S., Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 4e éd., 2013 VINEY G., JOURDAIN P., Les effets de la responsabilité, LGDJ, 3e éd., 2011 VIVANT M., BRUGUIERE J.-M., Droit d’auteur et droits voisins, Dalloz, 2e éd., 2012 VOGEL L., Traité de droit des affaires, t. I, LGDJ, 19e éd., 2010 VOIRIN P., GOUBEAUX G., Régimes matrimoniaux. Successions libéralités, LGDJ, 26e éd., 2010 ZENATI-CASTAING F., REVET T., Cours de droit civil. Obligations. Régime, PUF, 2013 Cours de droit civil. Successions, PUF, 2012 Cours de droit civil. Sûretés personnelles, PUF, 2013 Les biens, PUF, 3e éd., 2008 D. Ouvrages colletifs, colloques Droit et morale, ss. dir. de D. Bureau, F. Drummond et D. Fenouillet, Dalloz, 2011 L’aléa, Journées nationales. Tome XIV / Le Mans, Dalloz, 2011 Le renouveau de la doctrine française, études réunies par N. Hakim et F. Melleray, Dalloz, 2009 Regards sur le droit, ss. dir. F. Terré, Dalloz, 2010 Repenser le contrat, ss. dir. G. Lewkowicz et M. Xifaras, Dalloz, 2009 III. OUVRAGES SPECILISES, THESES, ESSAIS, MONOGRAPHIES ABERKANE H., Essai d’une théorie générale de l’obligation « propter rem » en droit positif français, Alger, LGDJ, 1957 ANTONMATTEI P.-H., Contribution à l’étude de la force majeure, Préf. B. Teyssié, LGDJ, 1992 AZOULAY M., Le droit de copropriété par appartements, Paris, 1956 BAKOUCHE D., L’excès en droit civil, Préf. M. Gobert, LGDJ, 2005 BEIGNIER B., L’honneur et le droit, Préf. J. Foyer, LGDJ, 1995 BERTHIAU D., Le principe d’égalité et le droit des contrats, Préf. J.-L. Sourioux, LGDJ, 1999 BLANCHARD C., La dispense en droit privé, Préf. de P. Conte, éd. Panthéon Assas, 2010 496 Bibliographie BOFFA R., La destination de la chose, Préf. M.-L. Mathieu-Izorche, Defrénois, 2008 BONNET D., Cause et condition dans les actes juridiques, Préf. P. de Vareilles-Sommières, LGDJ, 2005 BOURASSIN M., L’efficacité des garanties personnelles, Préf. M.-N. Jobard-Bachelier, LGDJ, 2006 BRIARD M., L’élément affectif en droit de la responsabilité, thèse ss. dir. de J.-M. Trigeaud, en cours BRICKS H., Les clauses abusives, Préf. J. Calais-Auloy, LGDJ, 1982 BRUNO S., Raisonnement par analogie et conceptualisation, thèse, Paris, 2001 BRUZIN A., Essai sur la notion d’imprévision et sur son rôle en matière contractuelle, Bordeaux, 1922 CABRILLAC R., L’acte juridique conjonctif, Préf. Loquin, L’Harmattan, 2008 CATALA N., La nature juridique du paiement, Préf. Carbonnier, LGDJ, 1961 CAZELLE P., De l’idée de continuation de la personne, Rousseau, Paris, 1907 CHABAS J., De la déclaration de volonté en droit civil français, Sirey, 1931 CHANTEPIE G., La lésion, Préf. G. Viney, LGDJ, 2006 CHARDEAUX M.-A., Les choses communes, Préf. G. Loiseau, LGDJ, 2006 CHARDIN N., Le contrat de consommation de crédit et l’autonomie de la volonté, Préf. J.-L. Aubert, LGDJ, 1988 CHATILLON C., Les choses empreintes de subjectivité, thèse ss. dir. R. Libchaber, éd. universitaires européennes, 2008 CHENEDE F., Les commutations en droit privé, contribution à la théorie générale des obligations, Préf. A. Ghozi, Economica, 2008 COSTE-FLORET P., La nature juridique du droit de propriété d’après le Code civil et depuis le Code civil, Sirey, 1935 COUTANT-LAPALUS C., Le principe de réparation intégrale en droit privé, Préf. F. Pollaud-Dulian, PUAM, 2002 DE JUGLART M., Obligation réelle et servitudes en droit privé français, Bordeaux, 1937 DE MESMAY H., La nature juridique de la lésion en droit civil français, thèse ss. dir. J. Carbonnier, Paris, 1980 DELHAY F., La nature juridique de l’indivision, Préf. J. Patarin, LGDJ, 1968 DELHAY F., La nature juridique de l’indivision. Contribution à l’étude des rapports de la notion d’indivision avec les notions de société civile et de personnalité morale, Préf. J. Patarin LGDJ, 1968 DELZANGLES R., Actionnaires et répartition des bénéfices, thèse, Bordeaux, 1925 DENIZOT A., ’universalité de fait, Préf. R. Libchaber, LGDJ, 2008 DOUCHY-OUDOT M., La notion de quasi-contrat en droit positif français, Préf. A. Sériaux, Economica, 1997 DRAPIER S., Les contrats imparfaits, Préf. G. Goubeaux, PUAM, 2001 497 Bibliographie DUPEYROUX J.-J., Contribution à la théorie générale de l’acte à titre gratuit, Préf. J. Maury, LGDJ, 1955 DUPRE-DALLEMAGNE A.-S., La force contraignante du rapport d’obligation, Préf. P. Delebecque, PUAM, 2004 EICHENBAUM-VOLINE A., Le statut des idées en droit des créations immatérielles, ss. dir. G. Bonet, Paris, 2003 FAIDHERBE A.-J., La justice distributive, Sirey, 1934 FIN-LANGER L., L’équilibre contractuel, Préf. C. Thibierge, LGDJ, 2002 FOREST G., Essai sur la notion d’obligation en droit privé, Préf. F. Leduc, Dalloz, 2012 FORRAY V., Le consensualisme dans la théorie générale du contrat, Préf. G. Pignarre, LGDJ, 2007 FROMION-HEBRARD B., Essai sur le patrimoine en droit privé, thèse ss. dir. de M. Grimaldi, Paris, 1998 GAILLARD E., La théorie institutionnelle et le fonctionnement de la société anonyme, Lyon, 1932 GAILLARD E., Le pouvoir en droit privé, Economica, 1985 GARNSEY P., Penser la propriété : de l’Antiquité jusqu’à l’ère des révolutions, trad. A. Hasna ou i , Les Belles Lett res , 2013 GARY R., Les notions d’universalité de fait et d’universalité de droit, Préf. J. Bonnecase, Sirey, 1932 GAUDEMET S., La clause réputée non écrite, Préf. Y. Lequette, Economica, 2006 GAZIN H., Essai critique sur la notion de patrimoine dans la doctrine classique, Dijon, 1910 GHESTIN J., Cause de l’engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006 GONNARD R., La propriété dans la doctrine et dans l’histoire, LGDJ, 1943 GOUBEAUX G., La règle de l’accessoire en droit privé, Préf. D. Tallon, LGDJ, 1969 GUINCHARD S., L’affectation des biens en droit privé français, Préf. R. Nerson, LGDJ, 1976 GUYET G., L’autonomie de la volonté, thèse ss. dir. J.-M. Trigeaud, Bordeaux, 2012 HAMELIN J.-F., Le contrat-alliance, Préf. N. Molfessis, Economica, 2012 HAUSER J., Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique, Préf. P. Raynaud, LGDJ, 1971 HENNEBELLE D., Essai sur la notion de salaire, préf. G. Vachet, PUAM, 2000 HENRY A., De la subrogation réelle conventionnelle et légale, essai d’une théorie générale, thèse, Nancy, 1913 HIEZ D., Etude critique de la notion de patrimoine en droit privé actuel, Préf. P. Jestaz, LGDJ, 2003 HOUTCIEFF D., Le principe de cohérence en matière contractuelle, Préf. H. Muir Watt, PUAM, 2001 HUET J., Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle. Essai de délimitation entre les deux ordres de responsabilité, thèse ss. dir. de J. Flour, 1978 HUSSON L., Les transformations de la responsabilité, PUF, 1947 JALLU O., Essai c sur la continuation de la personne, Paris, 1902 JAPIOT R., Des nullités en matière d’actes juridiques, Dijon, 1909 JESTAZ P., JAMIN C., La doctrine, Dalloz, 2004 498 Bibli ographie KARIMI A., Les clauses abusives et la théorie de l’abus de droit, Préf. P. Simler, LGDJ, 2001 KORNPROBST M., La notion de servitude en droit privé contemporain, Préf. J. Radouant, Dalloz, 1937 LAURIOL M., La subrogation réelle, Alger, 1952 LAZARUS C., Les actes juridiques extrapatrimoniaux : une nouvelle catégorie juridique, thèse, Préf. D. Laszlo-Fenouillet, PUAM, 2005 LE GAC-PECH S., La proportionnalité en droit privé des contrats, Préf. H. Muir-Watt, LGDJ, 2000 LE GALLOU C., La notion d’indemnité en droit privé, Préf. A. Sériaux, LGDJ, 2007 LE TOURNEAU P., La règle « Nemo auditur... », Préf. P. Raynaud, LGDJ, 1970 LEBEAU M., De l’interprétation stricte des lois. Essai de méthodologie, Préf. P.-Y. Gautier, Defrénois, 2012 LEMOINE C., La distinction en droit, une approche épistémologique, thèse ss. dir. J.-P. Chazal, Lyon, 2009 LEQUETTE S., Le contrat-coopération. Contribution à la théorie générale du contrat, Préf. C. Brenner, Economica, LGDJ, 2012 LEVENEUR L., Situations de fait et droit privé, Préf. M. Gobert, LGDJ, 1990 LIBCHABER R., Recherches sur la monnaie en droit privé, Préf. P. Mayer, LGDJ, 1992 LOKIEC P., Contrat et pouvoir. Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, Préf. A. Lyon-Caen, LGDJ, 2004 LOYER J., Des actes inexistants, thèse, Rennes, 1908 LUCAS-PUGET A.-S., Essai sur la notion d’objet du contrat, Préf. M. Fabre-Magnan, LGDJ, 2005 LUCAS-PUGET A.-S., Essai sur la notion d’objet du contrat, Préf. M. Fabre-Magnan, LGDJ, 2005 MALECKI C., L’exception d’inexécution, thèse ss. dir. J. Ghestin, 1994 MARLY P.-G., Fongibilité et volonté individuelle. Etude sur la qualification juridique des biens, Préf. Ph. Delebecque, LGDJ, 2004 MARTIN DE LA MOUTTE J., L’acte juridique unilatéral. Essai sur sa notion et sa technique en droit civil, Préf. P. Raynaud, Sirey, 1951 MASSON P., Rapports de la propriété et de l’usufruit chez les romanistes du Moyen Age, Dijon, 1933 MAZEAUD D., La notion de clause pénale, Préf. F. Chabas, LGDJ, 1992 MEILLER E., Contribution à la théorie de la servitude. Une approche objective du service foncier, thèse ss. dir. de F. Zenati-Castaing, Lyon, 2009 MICHAS H., Le droit réel considéré comme une obligation passive universelle, Paris, 1900 OVERSTAKE J.-F., Essai de classification des contrats spéci , LGDJ, 1969 PAILLUSSEAU J., La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise, Préf. Y. Loussouran, Sirey, 1967 PARAISO F., Le risque d’inexécution de l’obligation contractuelle, Préf. C. Atias, PUAM, 2011 PAUL F., Les choses qui sont dans le commerce au sens de l’article 1128 du code civil, préf. J. Ghestin, LGDJ, 2002 499 Bibliographie PERNEY D., La nature juridique de la réserve héréditaire, thèse, ss. dir. P. Jullien, Nice, 1976 PIAZZON T., La sécurité juridique, Préf. L. Leveneur, Defrénois, 2009 PICOD Y., Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, Préf. G. Couturier, LGDJ, 1989 PORACCHIA D., La réception juridique des montages conçus par les professionnels, Préf. J. Mestre, PUAM, 1998 RANOUIL V., L’autonomie de la volonté. Naissance et évolution d’un concept, Préf. J.-Ph. Lévy, PUF, 1980 REIGNE P., La notion de cause efficiente du contrat en droit privé français, thèse ss. dir. de B. Audit, Paris, 1993 RIEG A., Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil français et allemand, Préf. R. Perrot, LGDJ, 1961 RIGAUD L., Le droit réel, histoire et théorie. Son origine institutionnelle, thèse ss. dir. de M. Hauriou, Toulouse, 1912 ROCHFELD J., Cause et type de contrat, Préf. J. Ghestin, LGDJ, 1999 ROGUIN E., La règle de droit, 1889 ROUJOU DE BOUBEE M.-E., Essai sur la notion de réparation, Préf. P. Hebraud, LGDJ, 1974 ROUVIERE F., Le contenu du contrat. Essai sur la notion d’inexécution, Préf. C. Atias, PUAM, 2005 SAUTONIE-LAGUIONIE L., La fraude paulienne, Préf. G. Wicker, LGDJ, 2008 SAVAUX E., La théorie générale du contrat, mythe ou réalité?, Préf. J.-L. Aubert, LGDJ, 1997 SIESSE G., Contribution à l’étude de la communauté d’héritiers en droit comparé, LGDJ, 1922 STOFFEL-MUNCK P., L’abus dans le contrat. Essai d’une théorie, Préf. R. Bout, LGDJ, 2000 TAISNE J.-J., La notion de condition dans les actes juridiques, ss. dir. de C. Labrusse-Riou, Lille, 1977 TERRE F., Le rôle de la volonté individuelle sur les qualifications, Préf. R. Le Balle, LGDJ, 1957 THOMAT-RAYNAUD A.-L., L’unité du patrimoine : essai critique, Préf. D. Tomassin, Defrénois, 2007 TRIGEAUD J.-M., La possession des biens immobiliers, Préf. F. Terré, Economica, 1981 VALLANÇON F., Domaine et propriété, glose sur la Somme Théologique de Saint-Thomas d’Aquin, ARNT, 1986 VERSCHAVE J.-P., Essai sur le principe de l’unité du patrimoine, ARNT, 1985 VIGUIER D., Persona ficta. Etude de la nature juridique de l’indivision, thèse, ss. dir. A. Sériaux, Perpignan, 2008 WICKER G., Les fictions juridiques. Contribution à l’analyse de l’acte juridique, Préf. J. Amiel-Donat, LGDJ, 1997 WILLIATTE-PELLITTERI L., Contribution à l’élaboration d’un droit civil des événements aléatoires dommageables, Préf. F. Dekeuwer-Défossez, LGDJ, 2009 500 Bibliographie WITTMANN L., Essai d’une théorie des biens incorporels, thèse ss. dir. M. Bandrac, Paris, 2005 ZABALZA A., La terre et le droit, Préf. J.-M. Trigeaud, éd. Bière, 2007 VI. ARTIC LES DE DOCTRINE A. Histoire, philosophie du droit et théorie générale du droit AMBROSETTI G., Y a-t-il un droit naturel chrétien?, in Dimensions religieuses du droit et notamment l’apport de saint Thomas d’Aquin, APD, t. 18, Sirey, 1973, p.77-83 ANDRE-VINCENT Ph. I., « L’abstrait et le concret dans l’interprétation (en lisant Engisch) », in L’interprétation dans le droit, APD, t. 17, Sirey, 1972, p.135-147 ARNAUD A.-J., « La référence à l’école du droit naturel moderne : les lectures des auteurs du Code civil français », in La famille, la loi, l’Etat, de la Révolution au Code civil, Imprimerie nationale, Centre Georges Pompidou, 1989, p.3-9 ATIAS C., « Une crise de légitimité seconde », in Crises dans le droit, Droits, n° 4, 1986, p.21-33 BASTIT M., « Suggestions sur les origines philosophiques de l’acte juridique », in L’acte juridique, Droits, n° 7, 1988, p.11-20 BERGEL J.-L., « Les fonctions de l’analogie en méthodologie juridique », RRJ 1995-4, PUAM, p.1079-1086 DOGNIN P., « Echange et « justice » commutative », in Marx et le droit moderne, APD, t. 12, 1967, p.12-32 DUBOUCHET P., « Pour une théorie normative de l’institution », RRJ 1993-3, PUAM, p.739-756 DUFOUR A., « Droit naturel / droit positif », in Vocabulaire fondamental du droit, APD, t. 35, Sirey, 1990, p.59-79 GURVITCH G., « Droit naturel ou droit positif intuitif? », APD, n°3-4, Sirey, 1933, p.55-90 GUTMANN D., « Les droits de l’homme sont-ils l’avenir du droit?, in Mél. en hommage à F. Terré, Dalloz, 1999, p.329-342 KAISER P., « La justice selon Aristote », RRJ 1996-2, PUAM, p.313-322 LAGARDE X., « Qu’est-ce qui est juste? Propos de juriste », in Mél. en l’honneur du P. Gilles Goubeaux, Dalloz, LGDJ, 2009, p.299-318 LEBEN C., « L’argumentation des juristes et ses contraintes chez Perelman et les auteurs du courant rhétorico-herméneutique », in L’argumentation des juristes et ses contraintes, Droits, n° 54, 2012, n°54, p.49-80 LEWASZKIEWICZ-PETRYKOWSKA B., « La lésion : acte illicite ou vice du consentement? », in Mél. en l’honneur du doyen G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p.511-525 LIBCHABER R., MOLFESSIS N., « Sources du droit en droit interne », RTD civ. 1998, p.210-229 MICHEL A., Dictionnaire de théologie catholique, tome 5-1, Paris, Letouzey et Ané, 1924, V° « Essence » 501 Bibliographie PHILIPPE C., « L’article 212 du Code civil : du XXe au XXIe siècle », in Mél. en l’honneur du doyen G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p.627-636 PIOVANI P., « La philosophie du droit dans le pluralisme des expériences juridiques », in Qu’est-ce que la philosophie du droit?, APD, t. 7, Sirey, 1962, p.13-34 SERIAUX A., « Le droit naturel de Michel Villey », Revue d’histoire des facultés de droit et de science juridique, n°6, 1988, p.139 « Les sources du droit : vision jusnaturaliste », RRJ 1990-1, PUAM, p.167-172 « L’enseignement de la philosophie du droit : Quel contenu? Quelle pédagogie? », RRJ 1996-2, p.323-327 SOURIOUX L., « La doctrine française et le droit naturel dans la première moitié du XXe siècle », in Rev. d’histoire des facultés de droit et de la science juridique, n°8, 1989, p.159 SPITZ J.-F., « Qui dit contractuel dit juste : quelques remarques sur une formule d’Alfred Fouillée », RTD civ. 2007, p.281-286 TRIGEAUD J.-M., « Nature », in Dictionnaire de philosophie politique, ss. dir. P. Raynaud et S. Rials, PUF, 2003 « Droit naturel », in Dictionnaire de philosophie politique, ss. dir. P. Raynaud et S. Rials, PUF, 2003 VILLEY M., « Abrégé de droit naturel classique », in La réforme des études de droit et le droit naturel, APD, n° 6, Sirey, 1961, p.25-72 B. Droit positif ANCEL P., « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p.771810 ANTIPPAS J., « Propos dissidents sur les droits dits « patrimoniaux » de la personnalité », RTD com. 2012, p.35 ANTOINE S., « Le droit de l’animal : évolution et perspectives », D. 1996, p.126 ATIAS C., LINOTTE D., « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », D. 1977, chr. 34, p.251-258 BAILLOD R., « A propos des clauses réputées non écrites », in Mél. dédiés à L. Boyer, Presse Universitaires de Toulouse, 1996, p.15-38 BARBIERI, « Les souvenirs de famille : mythe ou réalité juridique », JCP G 1984. I. 3156 BARTIN E., « La doctrine des qualifications et ses rapports avec le caractère national du conflit de lois », in Recueil des cours de l’Académie de droit international, 1930-I, t.31, Paris, Sirey, p.561-621 BASTIT M., « Suggestions sur les origines philosophiques de l’acte juridique », in L’acte juridique, Droits, n° 7, 1988, p.11-19 BATIFFOL H., « Problèmes contemporains de la notion de biens », in Les biens et les choses, APD, t.24, Sirey, 1979, p.9-16 BEIGNIER B., « Achever la réforme des libéralités : la forme des testaments », Droit de la famille, 2011, p.1-2 502 Bibliographie BELLIVIER F., « Brinz et la réception de sa théorie du patrimoine en France », in La science juridique française et la science juridique alle de 1870 à 1918, sous la dir. De O. Beaud et de P. Wachsmann, Annales de la Faculté de droit de Strasbourg, Nouvelle série n°1, PUF, 1997 BELOT J., « La détermination judiciaire du prix dans les contrats », RRJ 1982-2, p.349-370 BERGEL J.-L., « Différence de nature (égale) différence de régime », RTD civ. 1984, p.255-272 « Les fonctions de l’analogie en méthodologie juridique », RRJ 1995-4, PUAM, p.1079-1086 BERGMANS B., « Essai de systématisation nouvelle des contrats de droit privé », RRJ 19903, p. 411-452 BERTREL J.-P., « Le débat sur la nature de la société », in Etudes à la mémoire d’Alain Sayag, Litec, 1997, p.131-145 BINCTIN N., « Les biens intellectuels : contribution à l’étude des choses », Comm. Comm.
8,296
164ba097d9b28bf35f2ff4af17b173e8_17
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,010
République du Congo
None
French
Spoken
6,691
15,468
12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE Exportations de marchandises (f.a.b.) 2002-05 2006 2007 Importations de marchandises (c.a.f.) Restrictions des importations Données non disponibles Restrictions des exportations 2002-05 2006 2007 0 Données non disponibles 200 400 600 800 1000 1200 en millions de $ INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL PRIORITÉ N° 1 : Plus de trois priorités choisies, sans classement. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. PRIORITÉ N° 2 : Plus de trois priorités choisies, sans classement. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. Exportations et importations de services commerciaux Exportations 2002-05 2006 2007 Importations 2002-05 2006 2007 0 100 50 150 200 250 300 en millions de $ PRIORITÉ N° 3 : Plus de trois priorités choisies, sans classement. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX14 Exportations par principale destination (% du total) 2005 2006 2007 Données non disponibles – – – – – – – – Importations par principale origine (% du total) 2005 2006 2007 Données non disponibles – – – – – – – – COMPOSITION DES ÉCHANGES13 Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Produits agricoles Exportations Combustibles et autres produits des industries extractives 2002-05 2006 2007 Produits manufacturés n.d.a. Données non disponibles Données non disponibles Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles Données non disponibles Données non disponibles Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux Transports Voyages Exportations 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 221 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 INDICATEURS DE BASE APPORTS D’AIDE10 Population (milliers d’habitants, 2007)1 2 006 1 PIB (millions de $ courants 2007) 1 600 2 PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) 4,9 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 Groupe de revenu3 Aide pour le commerce 1 542 Pays les moins avancés (PMA) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour, 2002-03)4 43,4 Part du revenu des 20% les plus riches (%)2 – Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 1999)5 51 Indicateur du développement humain (2006)6 155 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 3,8 Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales 0,0 0,2 0,2 Infrastructure économique 12,4 45,7 0,5 Renforcement de la capacité de production 1,5 6,2 0,5 dont : marqueur du développement du commerce – – – Ajustement lié au commerce – – – Total Aide pour le commerce* 14,0 62,2 1,2 Aide pour le commerce par habitant ($) 7,1 31,0 0,6 *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 PAR SECTOR (2007) pê ure, Transport et stockage 73,5% Agriculture 16% % 4,3 s rciale icult mme 0,4% o v l c y n s ure, lementatio cult Agri ique et rég Polit e 4,2% Industri Communications 0,1% Services aux entreprises et autres services 4,6% Ban fina ques ncie et se rs 1 rvic 3,0 es % Industrie 40% Services 44% che Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. BUDGET (2007)9 Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. Dépenses PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) Recettes 0 2 000 4 000 6 000 8 000 MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) 31.0 31,1% SOURCES : 26.0 26,1% 1 OMC – Profils commerciaux 2008 2 Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde (WDI) 3 CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 4 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté 5 BIT – Département de statistique 6 PNUD – RDH (2007/2008) 7 Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies 9 FMI – Government Finance Statistics Yearbook 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 CCI 14 CCI – Trade Competitiveness Map 15 Forum économique mondial Global Enabling Trade Report 2009 16 OMC – Base de données statistiques en ligne 17 ONU – Base de données Comtrade 222 Lesotho Afrique subsaharienne 29.0 29,4% PMA PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) 18,0 CE Part des principaux Banque mondiale 11,6 donateurs dans 4,8 BAfD le total de l'aide 4,0 FIDA pour le commerce 0,9 Allemagne 0,2 Norvège Décaissements 2006-2007 (moyenne) 1,1 CE Part des principaux 0,8 Allemagne donateurs dans 0,2 Norvège le total de l'aide 0,2 Irlande pour le commerce 0,1 PNUD 0,1 Japon 98,9% 94,8% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 LESOTHO 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX VALEUR TOTALE16 Le commerce est pleinement intégré dans le plan de développement national. Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises L’EDIC ne reflète pas les priorités en matière de commerce. Exportations de marchandises (f.a.b.) 2002-05 2006 2007 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE Restrictions des importations Importations de marchandises (c.a.f.) Données non disponibles 2002-05 2006 2007 Restrictions des exportations Données non disponibles 0 500 1 000 1 500 2 000 en millions de $ Exportations et importations de services commerciaux INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL Exportations PRIORITÉ N° 1 : ANALYSE, NÉGOCIATION ET MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE13 2002-05 2006 2007 Importations Moyenne simple des taux NPF appliqués 8,0% 7,9% 2002-05 2006 2007 7,8% 0 25 50 75 100 en millions de $ 2005 2006 2007 PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX17 Exportations par principale destination (% du total) PRIORITÉ N° 2 : DIVERSIFICATION DES EXPORTATIONS14 2004 Diversification des produits (Nombre de produits équivalents au niveau de la position à trois chiffres de la CTCI) 2005 2007 Lesotho États-Unis Afrique du Sud UE 2006 2007 – – – – – – 68,5 17,6 9,9 Importations par principale origine (% du total) Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 0 1 2 3 4 5 6 PRIORITÉ N° 3 : INFRASTRUCTURE TRANSFRONTIÈRES15 Indice de connectivité en matière de transbordement Données non disponibles 2007 25 50 0 Score le plus faible par pays : 60 75 100 125 130 135 Score le plus élevé par pays : 135 2006 2007 – – – – – – COMPOSITION DES ÉCHANGES16 Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Produits agricoles Exportations Densité aéroportuaire Combustibles et autres produits des industries extractives Produits manufacturés n.d.a. 2002-05 2006 2007 0,5 2007 5 10 0 Score le plus faible par pays : 0,1 2004 Afrique du Sud 78,2 Taipei chinois 6,3 Hong Kong, Chine 5,7 15 20 25 30 Score le plus élevé par pays : 28,9 Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles Données non disponibles 0 20% 40% 60% 80% 100% Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux Transports Voyages Exportations 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 223 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 INDICATEURS DE BASE APPORTS D’AIDE10 Population (milliers d’habitants, 2007)1 3 800 PIB (millions de $ courants,)1 – 2 PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) 9,4 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 358 Groupe de revenu3 Pays les moins avancés (PMA) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour, 2007)4 83,7 Part du revenu des 20% les plus riches (%)2 – Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 2002)5 11,4 Indicateur du développement humain (2006)6 176 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 56,3 APPORTS (millions de $ constants, 2006) Aide pour le commerce Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales – 0,1 0,0 Infrastructure économique 0,1 63,0 3,2 Renforcement de la capacité de production 0,7 25,5 2,0 dont : marqueur du développement du commerce – 2,4 0,3 Ajustement lié au commerce – – – Total Aide pour le commerce* 0,8 88,6 5,2 Aide pour le commerce par habitant ($) 0,2 23,6 1,4 *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 PAR SECTOR (2007) Services 21% Transport et stockage 50,4% Industrie 14% Agriculture 64% Politique et réglementation commerciales 0,1% Indust Se rie 4,8% et aurvices au Com tres x en mu service trepris s 5,6 es nic atio % ns 0,1 % Énergie 20,6% Dépenses ture, Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. BUDGET9 l lvicu e, sy ultur Agric e 18,4% pêch Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. Données non disponibles Recettes PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) Données non disponibles Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS SOURCES : 1 2 3 4 5 6 7 Banque mondiale OMC – Profils commerciaux 2008 CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté BIT – Département de statistique PNUD – RDH (2007/2008) Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies FMI – Government Finance Statistics Yearbook 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 Lignes fixes et mobiles: UIT – Base de données sur les TIC Consommation d’électricité: Banque mondiale – WDI 14 CCI – Trade Competitiveness Map 15 OMC – Base de données statistiques en ligne 16 ONU – Base de données Comtrade 224 27.0 26,7% 26.0 26,1% Libéria Afrique subsaharienne 29.0 29,4% PMA PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) Banque mondiale 34,8 Part des principaux 19,7 États-Unis donateurs dans 7,7 CE le total de l'aide 3,9 Norvège pour le commerce 2,5 Allemagne 0,4 Irlande Décaissements 2006-2007 (moyenne) 1,0 Norvège Part des principaux 1,0 États-Unis donateurs dans 0,4 Irlande le total de l'aide 0,4 CE pour le commerce 0,2 Belgique 0,2 Suisse 99,3% 92,9% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 LIBÉRIA 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX VALEUR TOTALE15 Le commerce est partiellement intégré dans le plan de développement national. Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises L’EDIC reflète pleinement les priorités en matière de commerce. Exportations de marchandises (f.a.b.) 2002-05 2006 2007 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE Restrictions des importations Importations de marchandises (c.a.f.) Données non disponibles 2002-05 2006 2007 Restrictions des exportations Données non disponibles 0 150 300 450 600 en millions de $ Exportations et importations de services commerciaux INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL Exportations 2002-05 2006 2007 PRIORITÉ N° 1 : INFRASTRUCTURE DE RÉSEAU13 2002-05 Nombre de lignes fixes pour 100 habitants 2007 Données non disponibles Importations Libéria 2002-05 2006 2007 Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 0.0 4,0 2002-05 Nombre de téléphones mobiles pour 100 habitants 2007 Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 0 5 10 15 NOMBRE DE TÉLÉPHONES MOBILES 20 Consommation d'électricité Libéria 25 30 2002 2005 Données non disponibles 100 125.0 187.5 250.0 PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX16 Exportations par principale destination (% du total) 2005 2006 2007 – – – – – – – – – Importations par principale origine (% du total) Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 0 62.5 en millions de $ NOMBRE DE LIGNES FIXES Libéria Données non disponibles 200 300 400 500 600 KILOWATT-HEURES PAR HABITANT 2005 2006 2007 – – – – – – – – – PRIORITÉ N° 2 : DIVERSIFICATION DES EXPORTATIONS14 COMPOSITION DES ÉCHANGES15 Diversification des produits (Nombre de produits équivalents au niveau de la position à trois chiffres de la CTCI) Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits 2005 Produits agricoles 2007 Libéria Exportations Combustibles et autres produits des industries extractives 2002-05 2006 2007 Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 0 1 2 3 4 5 6 PRIORITÉ N° 3 : CHAÎNES DE VALEUR Pas d’indicateur disponible. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. Produits manufacturés n.d.a. Données non disponibles Données non disponibles Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles Données non disponibles Données non disponibles Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux Transports Voyages Exportations 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 225 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 INDICATEURS DE BASE APPORTS D’AIDE10 Population (milliers d’habitants, 2007)1 PIB (millions de $ courants 2007)1 2 19 670 APPORTS (millions de $ constants, 2006) 7 326 Aide pour le commerce PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) 6,2 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 935 Groupe de revenu3 Pays les moins avancés (PMA) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour, 2005)4 67,8 Part du revenu des 20% les plus riches (%, 2001)2 53,5 Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 2005)5 37,7 Indicateur du développement humain (2006)6 143 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 13,9 Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales 0,0 0,7 0,7 Infrastructure économique 196,5 73,9 92,7 Renforcement de la capacité de production 59,1 87,1 82,4 dont : marqueur du développement du commerce – 2,6 8,4 Ajustement lié au commerce – 0,0 – Total Aide pour le commerce* 255,6 161,8 175,7 Aide pour le commerce par habitant ($) 14,3 8,2 8,9 *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 PAR SECTOR (2007) s ciale mer 0,5% m o on c Agriculture 26% ti % enta 0,1 réglem e % i r st et s 4,1 Indulitique extractive s o P dustrie s 0,1% In nication Commu Services aux entreprises et autres services 4,6% Banques financiers et services 3,2% Éne rgie 12, 8% Agriculture, sylviculture, pêche 41,8% Services 54% Transport et stockage 32,8% Industrie 20% Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. BUDGET (2007)9 Dépenses PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) Recettes 0 625 000 1 250 000 1 875 000 2 500 000 MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS 34.0 34,4% 26.0 26,1% SOURCES : 1 2 3 4 5 6 7 OMC – Profils commerciaux 2008 Banque mondiale – WDI CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté BIT – Département de statistique PNUD – RDH (2007/2008) Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies 9 FMI – Government Finance Statistics Yearbook 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 Banque mondiale – Doing Business 14 OMC – Base de données statistiques en ligne 15 ONU – Base de données Comtrade 226 Madagascar Afrique subsaharienne 29.0 29,4% PMA PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) 38,0 CE Part des principaux 32,0 France donateurs dans Banque mondiale 29,7 le total de l'aide 9,7 Norvège pour le commerce 6,8 Corée 6,2 Japon Décaissements 2006-2007 (moyenne) 85,2 CE Part des principaux 34,6 France donateurs dans 6,2 Japon le total de l'aide 5,6 États-Unis pour le commerce 5,4 Pays-Bas 4,5 Suisse 84,9% 96,0% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 MADAGASCAR 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX VALEUR TOTALE14 Le commerce est pleinement intégré dans le plan de développement national. Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises L’EDIC reflète partiellement les priorités en matière de commerce. Exportations de marchandises (f.a.b.) 2002-05 2006 2007 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE (2006) Restrictions des importations Importations de marchandises (c.a.f.) 2002-05 2006 2007 Restrictions des exportations 0 0 5% 10% 15% 20% 25% 150 300 450 600 en millions de $ 30% Exportations et importations de services commerciaux INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL Exportations 2002-05 2006 2007 PRIORITÉ N° 1 : FACILITATION DES ÉCHANGES13 Nombre de jours requis pour le commerce frontalier Exportations 2005 2008 Madagascar Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) Importations 2002-05 2006 2007 0 200 400 600 800 en millions de $ 0 20 40 Importations 60 2005 2008 Madagascar Afrique subsaharienne (moy.)) PMA (moy.) PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX15 Exportations par principale destination (% du total) 2005 0 20 40 60 PRIORITÉ N° 2 : CHAÎNES DE VALEUR Pas d’indicateur disponible. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. PRIORITÉ N° 3 : CHAÎNES DE VALEUR Pas d’indicateur disponible. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. UE États-Unis Chine 2006 50,8 22,0 4,1 UE États-Unis Chine 2007 60,1 15,0 2,2 UE États-Unis Maurice 62,7 17,7 2,9 Importations par principale origine (% du total) 2005 UE Chine Bahreïn 2006 25,6 13,9 13,1 UE Chine Bahreïn 2007 23,7 17,8 16,4 UE Chine Bahreïn 23,1 19,1 15,2 COMPOSITION DES ÉCHANGES14 Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Produits agricoles Exportations Combustibles et autres produits des industries extractives Produits manufacturés n.d.a. 2002-05 2006 2007 Importations 2002-05 2006 2007 0 20% 40% 60% 80% 100% Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux Transports Voyages Exportations 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 227 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 INDICATEURS DE BASE APPORTS D’AIDE10 Population (milliers d’habitants, 2007)1 PIB (millions de $ courants 2007)1 13 920 APPORTS (millions de $ constants, 2006) 3 552 Aide pour le commerce 2 PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) 7,9 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 756 Groupe de revenu3 Pays les moins avancés (PMA) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour, 2004-05)4 73,9 Part du revenu des 20% les plus riches (%, 2004)2 46,6 Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 1995)5 11,3 Indicateur du développement humain (2006)6 162 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 21,4 Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales 0,5 0,9 1,2 Infrastructure économique 32,3 28,7 13,6 Renforcement de la capacité de production 57,9 46,8 48,9 dont : marqueur du développement du commerce – 12,2 2,1 Ajustement lié au commerce – 0,0 – Total Aide pour le commerce* 90,7 76,5 63,7 Aide pour le commerce par habitant ($) 7,1 5,5 4,6 *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 PAR SECTOR (2007) s iale erc ,1% 1 s ice serv 9% tion nta t autres 0, e em ises e égl r et r entrep e iqu es aux % t i ,1% l Po ervic m 0,3 ciers 5 S uris s finan e ic v o r T e es et s erce 0,1% Banquement lié au comm Ajust É Co nergie mm 0 un ,3% ica tio ns 2,1 % Agriculture 31% m com Services 52% Agriculture, sylviculture, pêche 49,1% Industrie 17% Industrie 5,7% Industries extrac tives 0,1% Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. T 35,ranspo 1% rt BUDGET9 et s Dépenses toc kag e Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. Données non disponibles Recettes Données non disponibles PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS SOURCES : 1 2 3 4 5 6 7 OMC – Profils commerciaux 2008 Banque mondiale – WDI CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté BIT – Département de statistique PNUD – RDH (2007/2008) Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies 9 FMI – Government Finance Statistics Yearbook 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 Routes revêtues: Banque mondiale – WDI Qualité des infrastructures de transport ferroviaire et aérien: Forum économique mondial: Global Enabling Trade Report 2009 14 Lignes fixes et mobiles: UIT – Base de données sur les TIC Consommation d’électricité: Banque mondiale – WDI 15 CCI – Trade Competitiveness Map 16 OMC – Base de données statistiques en ligne 17 ONU – Base de données Comtrade 228 26.0 26,1% 29.0 29,4% 20.0 20,3% Malawi Afrique subsaharienne PMA PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) 18,4 CE Part des principaux Banque mondiale 16,8 donateurs dans 13,6 Japon le total de l'aide 13,2 Norvège pour le commerce 11,0 BAfD 6,1 États-Unis Décaissements 2006-2007 (moyenne) 12,5 CE Part des principaux 12,1 Japon donateurs dans 8,1 Norvège le total de l'aide 6,6 États-Unis pour le commerce 4,0 Royaume-Uni 2,1 Irlande 86,0% 90,0% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 MALAWI 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX VALEUR TOTALE16 Le commerce est pleinement intégré dans le plan de développement national. Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises L’EDIC reflète pleinement les priorités en matière de commerce. Exportations de marchandises (f.a.b.) 2002-05 2006 2007 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE (2006) Restrictions des importations Importations de marchandises (c.a.f.) 2002-05 2006 2007 Restrictions des exportations 0 5% 0 10% 15% 20% 25% 30% 35% 1 125 1 500 Exportations 2002-05 2006 2007 PRIORITÉ N° 1 : AUTRES TRANSPORTS13 Données non disponibles Importations 45% Routes revêtues (% des voies de circulation), 2003 750 Exportations et importations de services commerciaux INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL 2002-05 2006 2007 Qualité des infrastructures de transport ferroviaire et aérien Données non disponibles 0.0 1 = insuffisamment développées, 7 = bien développées et efficaces par comparaison internationale 62.5 125.0 187.5 250.0 en millions de $ 2,9 Transport aérien 2007 1 0 Transport ferroviaire 2007 0 375 en millions de $ 2 3 4 5 6 7 2 3 4 5 6 7 2002-05 2007 1,8 PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX17 Exportations par principale destination (% du total) 2005 1 PRIORITÉ N° 2 : INFRASTRUCTURE DE RÉSEAU14 Nombre de lignes fixes pour 100 habitants UE Afrique du Sud États-Unis 2006 36,0 18,6 11,2 2005 Afrique du Sud UE Mozambique 0 0,5 1,0 2,0 1,5 2,5 3,0 3,5 2002-05 2007 NOMBRE DE LIGNES FIXES Malawi Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 2006 32,7 14,9 12,7 Exportations 10 15 NOMBRE DE TÉLÉPHONES MOBILES 20 Consommation d'électricité Malawi 39,0 15,2 14,8 Afrique du Sud UE Mozambique 2007 35,9 14,8 12,5 Afrique du Sud UE Mozambique 29,1 15,8 12,2 Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Produits agricoles 5 UE Zimbabwe Afrique du Sud COMPOSITION DES ÉCHANGES16 Nombre de téléphones mobiles pour 100 habitants 0 2007 39,6 22,2 8,2 Importations par principale origine (% du total) Malawi Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) UE Afrique du Sud États-Unis 25 30 2002 2005 Combustibles et autres produits des industries extractives Produits manufacturés n.d.a. 2002-05 2006 2007 Données non disponibles Importations Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 2002-05 2006 2007 0 100 200 300 400 500 0 600 20% 40% 60% 80% 100% KILOWATT-HEURES PAR HABITANT Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux PRIORITÉ N° 3 : DIVERSIFICATION DES EXPORTATIONS15 Transports Voyages Exportations Diversification des produits (Nombre de produits équivalents au niveau de la position à trois chiffres de la CTCI) 2005 2007 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Données non disponibles Importations Malawi 2002-05 2006 2007 Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 0 1 2 3 4 5 6 Données non disponibles Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 229 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 INDICATEURS DE BASE APPORTS D’AIDE10 Population (milliers d’habitants, 2007)1 PIB (millions de $ courants 2007)1 2 305 APPORTS (millions de $ constants, 2006) 1 049 Aide pour le commerce PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) 6,6 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 5 335 Groupe de revenu3 Pays les moins avancés (PMA) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour)4 – Part du revenu des 20% les plus riches (%)2 – Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 2006)5 30 Indicateur du développement humain (2006)6 99 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 4,4 Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales 0,0 0,3 0,1 Infrastructure économique 6,1 10,0 4,8 Renforcement de la capacité de production 1,6 3,3 0,0 dont : marqueur du développement du commerce – – – Ajustement lié au commerce – – – Total Aide pour le commerce* 7,7 13,6 4,9 Aide pour le commerce par habitant ($) 26,7 44,5 15,9 *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 PAR SECTOR (2007) Industrie 17% % ,5% 2,2 tions 0 tion e i a enta rg ic Éne mmun et réglem1% Co itique ales 2, Pol merci com Agriculture 6% Transport et stockage 71,1% Services 77% Agriculture, sylviculture, pêche 24,1% Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. BUDGET (2007)9 Dépenses Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. Recettes PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) 0 2 000 4 000 6 000 8 000 MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS 29,9% SOURCES : 1 2 3 4 5 6 7 OMC – Profils commerciaux 2008 Banque mondiale – WDI CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté BIT – Département de statistique PNUD – RDH (2007/2008) Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies 9 FMI – Government Finance Statistics Yearbook 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 CCI 14 CCI – Trade Competitiveness Map 15 Base de données sur les ACR, 30 avril 2009 16 OMC – Base de données statistiques en ligne 17 ONU – Base de données Comtrade 230 Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) 26.0 26,7% 29.0 29,4% 20.0 Maldives Asie du Sud et Asie centrale PMA PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) BAD 2,6 Part des principaux Pays-Bas 2,2 donateurs dans FIDA 1,6 le total de l'aide Japon 0,2 pour le commerce Danemark 0,1 Banque mondiale 0,1 Décaissements 2006-2007 (moyenne) Pays-Bas 2,2 Part des principaux Japon 0,2 donateurs dans Danemark 0,1 le total de l'aide Finlande 0,1 pour le commerce OMC 0,0 Corée 0,0 97,6% 99,6% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 MALDIVES 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX Le commerce est partiellement intégré dans le plan de développement national et il est aussi pris en compte dans une stratégie intersectorielle. VALEUR TOTALE16 L’EDIC reflète pleinement les priorités en matière de commerce. 2002-05 2006 2007 Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises Exportations de marchandises (f.a.b.) 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE Importations de marchandises (c.a.f.) 2002-05 2006 2007 Restrictions des importations Données non disponibles 0 Restrictions des exportations 300 600 900 1 200 en millions de $ Données non disponibles Exportations et importations de services commerciaux Exportations 2002-05 2006 2007 INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL PRIORITÉ N° 1 : ANALYSE, NÉGOCIATION ET MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE COMMERCIALEE13 Moyenne simple des taux NPF appliqués 20,2% Importations 2002-05 2006 2007 0 20,2% 200 400 600 800 en millions de $ Données non disponibles 2005 2006 PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX17 Exportations par principale destination (% du total) 2007 2005 PRIORITÉ N° 2 : DIVERSIFICATION DES EXPORTATIONS14 Diversification des produits (Nombre de produits équivalents au niveau de la position à trois chiffres de la CTCI) 2005 2006 Émirats arabes unis 24,2 UE 18,1 Thaïlande 15,3 2007 2005 0 5 10 15 20 25 30 35 2007 26 Thaïlande 24,6 UE 15 Sri Lanka 40,9 29,3 14,9 Importations par principale origine (% du total) Maldives Asie du Sud et Asie centrale (moy.) PMA (moy.) Thaïlande UE Japon 2006 2007 Singapour 24,1 Singapour 23,9 Singapour Émirats arabes unis 15,7 Émirats arabes unis 21,1 Émirats arabes unis UE 14,2 Inde 9,4 Inde 22,5 19,1 11,5 COMPOSITION DES ÉCHANGES16 PRIORITÉ N° 3 : INTÉGRATION RÉGIONALE15 Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Nombre d'accords commerciaux régionaux (ACR) en vigueur Produits agricoles 2002 2005 2008 Exportations 0 1 2 Combustibles et autres produits des industries extractives Produits manufacturés n.d.a. 2002-05 2006 2007 Importations 2002-05 2006 2007 0 20% 40% 60% 80% 100% Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux Transports Voyages Exportations 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 231 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 INDICATEURS DE BASE APPORTS D’AIDE10 Population (milliers d’habitants, 2007)1 PIB (millions de $ courants 2007)1 2 12 334 APPORTS (millions de $ constants, 2006) 6 863 Aide pour le commerce PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) 2,8 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 1 084 Groupe de revenu3 Pays les moins avancés (PMA) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour, 2006)4 51,4 Part du revenu des 20% les plus riches (%, 2001)2 46,6 Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 2004)5 34,6 Indicateur du développement humain (2006)6 168 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 14,9 Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales 0,4 2,8 0,3 Infrastructure économique 78,7 227,1 94,4 Renforcement de la capacité de production 80,3 423,6 71,5 dont : marqueur du développement du commerce – 297,3 11,1 Ajustement lié au commerce – – – Total Aide pour le commerce* 159,5 653,6 166,2 Aide pour le commerce par habitant ($) 14,4 53,0 13,5 *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 Po com litique me et r rcia égl les em 0,4 ent % atio n PAR SECTOR (2007) s ise epr ,0% r t en es 5 % aux vic s 2,2 es s ser c ncier i a v e n % r r fi t Se t au ie 0,1 rvices e erg s et se Énanque B Agriculture 37% Services 39% Agriculture, sylviculture, pêche 43,3% Industrie 24% Industrie 14,4% Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. Tra 34, nsport 6% et 9 BUDGET (2007) Dépenses stoc kag e Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. Recettes PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) 0 200 000 400 000 600 000 800 000 MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS SOURCES : 1 2 3 4 5 6 7 46.0 45,6% OMC – Profils commerciaux 2008 Banque mondiale – WDI CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté BIT – Département de statistique PNUD – RDH (2007/2008) Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies 9 FMI – Government Finance Statistics Yearbook 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 CCI – Trade Competitiveness Map 14 CCI 15 CCI 16 OMC – Base de données statistiques en ligne 17 ONU – Base de données Comtrade 232 Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) 26.0 26,1% Mali Afrique subsaharienne 29.0 29,4% PMA PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) 198,4 États-Unis Part des principaux Banque mondiale 48,8 donateurs dans 28,1 Danemark le total de l'aide 21,6 BAfD pour le commerce 17,4 France 17,3 CE Décaissements 2006-2007 (moyenne) 73,2 CE Part des principaux 14,6 France donateurs dans 12,1 Allemagne le total de l'aide 7,8 Pays-Bas pour le commerce 6,7 États-Unis 3,9 Japon 90,4% 91,8% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 MALI 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX VALEUR TOTALE16 Le commerce est pleinement intégré dans le plan de développement national. Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises L’EDIC reflète pleinement les priorités en matière de commerce. Exportations de marchandises (f.a.b.) 2002-05 2006 2007 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE (2006) Restrictions des importations Importations de marchandises (c.a.f.) 2002-05 2006 2007 Restrictions des exportations 0 0 10% 5% 15% 625 1 250 1 875 2 500 en millions de $ 20% Exportations et importations de services commerciaux INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL Exportations 2002-05 2006 2007 PRIORITÉ N° 1 : DIVERSIFICATION DES EXPORTATIONS13 Diversification des produits (Nombre de produits équivalents au niveau de la position à trois chiffres de la CTCI)) 2005 Importations 2007 Mali 2002-05 2006 2007 0 Afrique subsaharienne (moy.) PMA (moy.) 200 400 600 800 en millions de $ 0 10 20 30 40 50 PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX17 Exportations par principale destination (% du total) 2005 PRIORITÉ N° 2 : COMPÉTITIVITÉ14 Afrique du Sud Suisse Sénégal Rang actuel sur l'indice (sur 175 exportateurs) 2005 2006 2007 2006 34,9 30,3 6,9 Afrique du Sud Chine UE 2007 71,0 6,2 4,0 – – – Importations par principale origine (% du total) 0 25 50 75 100 125 150 PRIORITÉ N° 3 : ANALYSE, NÉGOCIATION ET MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE15 12,0% UE Sénégal Côte d’Ivoire 2006 21,3 11,5 10,2 11,9% 2006 2007 25,6 12,1 10,9 – – – Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Produits agricoles 2005 UE Sénégal Côte d’Ivoire COMPOSITION DES ÉCHANGES16 Moyenne simple des taux NPF appliqués 12,0% 2005 175 2007 Exportations Combustibles et autres produits des industries extractives 2002-05 2006 2007 Produits manufacturés n.d.a. Données non disponibles Données non disponibles Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles Données non disponibles Données non disponibles Part des exportations et des importations des principaux types de services commerciaux Transports Voyages Exportations 2002-05 2006 2007 Autres services commerciaux Données non disponibles Importations 2002-05 2006 2007 Données non disponibles 0 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 20% 40% 60% 80% 100% 233 L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 APPORTS D’AIDE10 INDICATEURS DE BASE Population (milliers d’habitants, 2007)1 PIB (millions de $ courants 2007)1 2 PIB réel (taux de croissance annuel en %, 2007) APPORTS (millions de $ constants, 2006) 73 275 Aide pour le commerce 2,7 PIB par habitant, PPA (dollars internationaux courants, 2007)2 Groupe de revenu3 30 861 4 063 Pays à revenu intermédiaire tranche inférieure (PRITI) Pauvreté (% vivant avec moins de 1,25 $/jour)4 2,5 Part du revenu des 20% les plus riches (%, 1998)2 46,6 Femmes employées dans le secteur non agricole (%, 2007)5 28,4 Indicateur du développement humain (2006)6 127 / 179 Dépendance à l’égard de l’aide (APD/RNB, 2006)7 1,6 Engagements Versements moy. 2002-05 2007 2007 Politique et réglementation commerciales 4,6 5,4 1,2 Infrastructure économique 215,7 170,8 280,9 Renforcement de la capacité de production 60,4 89,3 76,5 dont : marqueur du développement du commerce – 27,1 11,8 Ajustement lié au commerce – – – Total Aide pour le commerce* 280,6 265,4 358,6 9,5 8,6 11,6 Aide pour le commerce par habitant ($) *Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. PIB - COMPOSITION PAR SECTEUR (2007)8 PAR SECTEUR (2007) Industrie 27% Services 58% Agriculture 14% Les chiffres étant arrondis, leur somme peut ne pas être égale à 100. BUDGET (2007)9 Dépenses Recettes 0 n tio nta e m gle 0% % t ré 2, eu e ciales ns 0,4 q lo iti mer nicatio P om mu ,3% c om me 0 es C uris repris To ices aux enictes 4,0% Énergie Serv utres serv 58,2% et a s et services Banque 7,3% financiers Industrie 1,1% Tran spor t et s A tocka sylv gricu ge 5 21 icu lture ,7% ,0% ltu , re, pêc he Les secteurs pour lesquels on ne dispose pas de données ne sont pas inclus. PART DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) 62 500 125 000 187 500 250 000 MONNAIE NATIONALE, EN MILLIONS Part de l'aide pour le commerce dans l'APD ventilable par secteur, comparée aux moyennes pour la région et pour la catégorie de revenu (moyenne 2006-2007) 39,2% SOURCES : 1 2 3 4 5 6 7 OMC – Profils commerciaux 2008 Banque mondiale – WDI CAD – Liste des bénéficiaires d’APD – 2007 WDI 2008 – Supplément. Données sur la pauvreté BIT – Département de statistique PNUD – RDH (2007/2008) Banque mondiale – Indicateurs du développement dans le monde 2009 (publication) 8 Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies 9 FMI – Government Finance Statistics Yearbook k 2007 et fichiers de données 10 OCDE – Base de données SNPC 11 Réponses au questionnaire 12 Banque mondiale – Indices OTRI 13 OMC – Base de données statistiques en ligne 14 ONU – Base de données Comtrade 234 30,8% 30,1% Maroc Afrique du Nord PRITI PRINCIPAUX DONATEURS (en millions de $ constants, 2006) Engagements 2006-2007 (moyenne) 83,0 Japon Part des principaux 69,5 Espagne donateurs dans 57,9 Allemagne le total de l'aide 54,7 France pour le commerce 40,3 Italie 22,4 États-Unis Décaissements 2006-2007 (moyenne) 98,6 France Part des principaux 77,8 Allemagne donateurs dans 77,3 CE le total de l'aide 50,4 Japon pour le commerce 9,5 États-Unis 8,7 Espagne 93,6% 95,6% L’AIDE POUR LE COMMERCE : PANORAMA 2009 – ENTRETENIR L’ÉLAN – © OCDE/OMC 2009 MAROC 11 INTÉGRATION DU COMMERCE RÉSULTATS COMMERCIAUX VALEUR TOTALE13 Le commerce est pleinement intégré dans le plan de développement national. Exportations (f.a.b.) et importations (c.a.f.) de marchandises Exportations de marchandises (f.a.b.) 12 INDICATEURS DE LA POLITIQUE COMMERCIALE (2006) Restrictions des importations 2002-05 2006 2007 Importations de marchandises (c.a.f.) Restrictions des exportations 0 5% 10% 15% 20% 25% 30% 2002-05 2006 2007 0 8 750 17 500 26 250 35 000 en millions de $ INDICATEURS DU PROGRAMME COMMERCIAL Exportations et importations de services commerciaux Exportations Plus de trois priorités choisies, sans classement. Voir la réponse au questionnaire pour ce qui concerne ce pays. 2002-05 2006 2007 Importations 2002-05 2006 2007 0 3 000 6 000 9 000 12 000 en millions de $ PRINCIPAUX PARTENAIRES COMMERCIAUX14 Exportations par principale destination (% du total) 2005 UE Inde États-Unis 2006 74,1 4,0 2,6 UE Inde Brésil 2007 – – – 73,1 4,3 2,3 Importations par principale origine (% du total) 2005 UE 53,2 Fédération de Russie 6,9 Arabie saoudite 6,6 2006 UE Arabie saoudite Chine 2007 – – – 52,3 6,8 5,4 COMPOSITION DES ÉCHANGES13 Part des exportations et des importations des principaux groupes de produits Produits agricoles Exportations Combustibles et autres produits des industries extractives Produits manufacturés n.d.a.
23,625
tel-04563082-These-Chalancon-Joelle-2023-1.txt_19
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
Pierre d'Urfé, gentilhomme forézien au service du prince (1430-1508). Histoire. Université Jean Monnet - Saint-Etienne, 2023. Français. &#x27E8;NNT : 2023STET0007&#x27E9;. &#x27E8;tel-04563082&#x27E9;
None
French
Spoken
6,548
10,830
768 Nicolà BARONE, « Le cedole della Tesoria dell’ Archivio di Stato di Napoli dall’anno 1460 al 1504 », Archivio Storico per le province napoletane, pubblicato a cura della Società di Storia Patria, Anno nonno, Forni editore, Bologna, 1884 Fascicolo III 414 Reg. 99, fol 162 : « Maggio 10. Marchesino de Gentile, della guardia del Re, riceve 16 duc. per la provvisione del mese di marzo, che doveva avere, giacchè S. M. de presente lo manda in campo per rimanere ivi ed assistere il magnifico messer Pietro d’Orfeo, venuto di Francia per andare in campo contro l’esercito dei Turchi, curando che gli si dieno gli alloggiamenti ed altre cose necessarie per lui e la sua casa » ; cité par P.-L. GATIER, p. 61. 769 Il faut rappeler ici que la troupe venait de Bretagne, pays maritime, et que l’officier de François II avait déjà réalisé des traversées de la Manche et de nombreux autres voyages. Il connaissait bien la mer, ce que 766 242 Ainsi, le camp cité est celui du fils de Ferrante, Alphonse, duc de Calabre, ce qui est noté en date du 17 mai dans le même document de comptes, par ailleurs très riche en détails : l’on y apprend par exemple que des déserteurs de l’armée turque reçurent des vêtements, que certaines personnes blessées par une bombarde furent dédommagées pour retourner chez elles, qu’à Barletta était due la somme de 15 d. 3 t. et 10 grana à cinq Hongrois venus de Hongrie avec 300 hommes à cheval et 4000 à pied, invités par le roi contre l’armée turque ; et surtout le 29 mai en milieu de journée, à Matera, Giovanni Grande, patron d’un liotino transmit au roi de la part de la communauté latine de Raguse, des lettres, venues de Constantinople, qui avisaient les nouvelles de la mort du Grand Turc. Pour cette exceptionnelle information, cet homme reçut 16 ducats courants. Cette mention est très importante car elle donne avec précision la date à laquelle le roi Ferrante apprit le décès de Mehmet II qui eut lieu 15 ou 16 jours auparavant. Toute la stratégie politique allait s’en trouver changée. Plus tard, après sa participation aux combats, Pierre se retrouva à Naples, blessé ou malade, où il fut soigné durant vingt et un jours par le médecin, Antonello Ascolemo de Nusco, qui fut payé par le roi de deux pièces de drap de Londres, d’après la cédule en date du 15 octobre 1481770. Donc, pour résumer : la « lettre de pas » octroyée par le duc de Bretagne confirme qu’il est parti de Nantes début janvier et que le voyage vers le pape dura environ trois mois, puis, à marches forcées très probablement, après être passé par Naples, il est parvenu dans les parages d’Otrante et s’est mis à la disposition du duc de Calabre, Alphonse, le fils aîné du roi en charge de toute l’armée napolitaine. La présence de Pierre d’Urfé est citée par le secrétaire de ce duc, Giovanni Albino Lucano, avec quelques précisions biographiques sur le personnage qui mettent en relief ses qualités chrétiennes : Cyrus quidam Urbinas passim aggeribus urbis fossae propinquans, et Orpheus genere Gallus vir intergerrimus, qui olim rediens ab urbe Hierosolymitana, soluto voto, ab rege Neapoli comiter exceptus est amplissimisque donis decoratus, audito demum Turcarum adventu in Regnum, e Gallia ocissime convolavit pro fide pugnaturus771. Le premier cité, Cyrus d’Urbino, nommé par ailleurs Ciro Ciri de Casteldurante, était envoyé par le duc d’Urbino : il est qualifié de spécialiste en construction de fossés, une sorte les chroniqueurs et historiens ont négligé ou refusé d’accepter lorsqu’ils ont évoqué son rôle dans la descente en Italie de Charles VIII. 770 N. BARONE, « Le cedole della Tesoria dell’ Archivio di Stato di Napoli... », p. 417, Reg. 78, fol. 288, « Ottobre, 15, M. Antonello Ascolemo de Nusco, dottore in medicina, riceve due canne di panno di londrese, che il Re gli fa donare per aver curato ventuno di in Napoli M. Pietro di Orfeo ». 771 Gli umanisti e la guerra otrantina..., « La guerra otrantina condotta da Alfonso II duca di Calabria, scritta da Giovanni Albino Lucano », VII, p. 64 et 66 (latin) et 65 et 67 (italien). 243 d’ingénieur architecte qui par la suite dessina les plans des nouvelles fortifications. Le second, Pierre d’Urfé, est décrit comme un Français très dévot qui une fois, s’en revenant de Jérusalem après avoir réalisé un vœu, avait été très gentiment accueilli par le roi de Naples qui lui fit de multiples dons. Dès qu’il apprit l’arrivée des Turcs dans ce royaume (de Naples), il s’était immédiatement précipité de France pour combattre aux côtés des défenseurs de la Foi. C’est l’unique source évoquant un premier pèlerinage de Pierre d’Urfé à Jérusalem avant 1480772. Avait-il combiné une mission à Naples pour François II et un pèlerinage? C’est plausible. En fait, l’indication d’une amitié de Pierre d’Urfé avec le roi de Naples et son fils n’est pas extraordinaire en soi dans le contexte des nombreux actes commerciaux qu’entretenait le duc de Bretagne avec eux, et pour une autre raison qui tenait de ses propres relations familiales : sa belle-soeur, Isabeau de Langeac, avec qui il s’entretenait personnellement, était la nièce de feu la reine de Naples 773. Pierre avait certainement eu affaire avec les Napolitains, et, en conséquence, s’il connaissait déjà Naples c’était un avantage pour son voyage (qui le servit aussi lorsqu’il prépara le voyage de Charles VIII). Il faut noter la nouvelle façon dont il est nommé : Orpheus, Orfeo en italien (son fils Claude sera appelé ainsi par les Italiens). Après Du Flé et Oriefec, c’est plus valorisant et surtout symbolique. Le séjour en Italie du sud de Pierre d’Urfé a vraisemblablement duré au moins six mois, un peu plus peut-être, qui fut marqué au final par une convalescence, à la suite d’une maladie ou de blessures qui le clouèrent au lit, au début de l’automne, pendant plus de vingt jours. 2.1.1.3. Le second siège d’Otrante et le pèlerinage à Jérusalem La prestation de Pierre d’Urfé, si elle intéresse le récit événementiel de sa vie, contribue largement à la connaissance de l’évolution des techniques de guerre à cette époque précise, ce que Laurent Vissière nomme « la guerre moderne »774. Le premier siège d’Otrante entrepris par les Ottomans fin juillet 1480 n’était qu’un épisode de la grande avancée décidée par Mehmet II afin de réduire la presqu’île italienne sous son joug en établissant à cet endroit une tête de pont pour ses armées. Transportés en une nuit depuis Valona en Albanie par Gedik Ahmed Pacha, les troupes et l’armement furent considérables. Le moine Hilarion qui fut Pierre-Louis GATIER, « Pierre d’Urfé en Orient », Bulletin de la Diana, t. LVII-1 (1998), p. 65. Voir infra p. 279. 774 L. VISSIÈRE, « Les fondements d’une guerre nouvelle. Rhodes et Otrante en 1480 », Bulletin de la Société de l'histoire et du patrimoine de l'ordre de Malte, vol. 24, 2011, p. 45-59. 772 773 244 témoin raconte : « Vulgo tamen ferunt ad viginti milia convenisse et eos omnes delectissimos. Classem alii centum quinquaginta, alii ducentarum navium fuisse autumant »775. La tactique était simple : à la suite de la prise assez rapide des faubourgs, les Turcs installèrent sur une place dégagée une batterie de bombardes, entre sept et neuf, et commencèrent à pilonner la muraille à un endroit de faiblesse pendant que la cavalerie légère entamait une razzia systématique de la campagne environnante. La ville tomba une dizaine de jours plus tard et les envahisseurs pratiquèrent sur la population des horreurs qui restèrent gravées dans la mémoire collective durant des siècles776. Les habitants qui ne furent pas massacrés furent pour la majeure partie emmenés en captivité immédiatement. La réaction des Aragonais de Naples ne fut pas spontanée, puisque le fils de Ferrante, Alphonse était alors en guerre en Toscane. L’occupation de la ville par les Turcs dura plusieurs mois ce qui leur donna le temps de reconstruire les fortifications à leur manière, c’est-à-dire conçue en l’attente d’une riposte italienne qu’ils présumaient imminente. Les épisodes de la guerre navale, le départ du pacha Gelick Ahmed qui attendait les renforts prévus après la prise de Rhodes, que les Turcs avaient envisagée après deux ou trois semaines seulement, tous ces éléments ont été décrits et commentés dans les ouvrages cités et font encore l’objet de débats très intéressants. Pierre d’Urfé fut informé de tous les dangers que faisait courir à la chrétienté occidentale le déferlement des forces ottomanes et principalement sur Rhodes et Otrante. La nouvelle de leur échec devant Rhodes laissait espérer la réussite d’une contre-offensive sur le sol italien, devant commencer par la récupération d’Otrante et l’éjection de toute force ottomane des Pouilles avant l’arrivée prévisible d’un énorme contingent turc dès que le sultan l’aurait décidé. Les réussites des attaques aragonaises sur mer, surtout celle de Saseno auprès des côtes albanaises, pouvaient réconforter les alliés occidentaux777. Les études concernant le double aspect militaire et psychologique de ce second siège d’Otrante révèlent essentiellement les aptitudes et la compétence d’Alphonse de Calabre selon la tradition italienne qui remonte au XVe siècle en brossant des portraits à la louange du prince 775 HILARION, « Copia Idruntine expugnationis », Gli umanisti e la guerra otrantina..., p. 21-53, édition critique de Lucia GUALDO ROSA, texte en latin, traduit en italien, du moine Hilarion de Véronne, s’adressant au cardinal de Sienne, Francisco Picholomineo, 776 Le procès en béatification des « 800 martyrs d’Otrante » dura de 1539 à 1771 et représente la source hagiographique de la prise d’Otrante, très étudiée et publiée. Voir l’introduction de Francesco T ATEO, « Gli umanisti e la guerra otrantina », p. 5-17. 777 Vincenzo SCARPELLO , Aspetti di storia militare della Guerra d ’Otranto, 2010, publication sur le site www.culturasalentina.it. 96 pages, p. 62-66. La flotte aragonaise leva l’ancre le 25 février de Brindisi et alla directement se poster près de l’île inhabitée de Saseno, à quelques encablures de Valona en Albanie le siège de Ahmed Pacha. 245 et des héros qui l’entouraient778. La démonstration se tient car elle met en évidence les qualités requises pour l’opération : s’assurer d’un très bon approvisionnement en nourriture et matériel, essentiellement savoir retenir les troupes de toute malversation en direction des populations et pour cela les payer convenablement et surtout dans les temps779. Ferrante et Alphonse eurent d’ailleurs l’honnêteté ou plutôt l’intelligence de respecter cette méthode d’autant plus efficace que les finances affluèrent de certains états chrétiens enfin alliés. Aussi Mehmet II avait-il compris la difficulté qu’il allait rencontrer en poursuivant sa stratégie, puisqu’il l’avait fondée sur la mésentente des états italiens, et probablement sur celle beaucoup plus générale de tous les royaumes et principautés occidentaux en guerre perpétuelle entre eux. Les renforts turcs prévus à partir de Valona furent certainement annulés de ce fait et la garde laissée à Otrante par Gedik Ahmed fut réduite à 6 500 fantassins et 500 cavaliers, mais plus probablement à 4 000 hommes seulement, sous le commandement de l’Aga des janissaires, Sabech780. Les fortifications remontées par les Turcs avaient été disposées dans le but d’empêcher une reprise du site, à partir de la mer ou de la terre à l’arrière781. Ils eurent l’idée d’aménager un double rang de murailles avec entre les deux un fossé et des talus surmontés de palissades, ce qui se montra très efficace en empêchant les troupes alliées de pénétrer dans la cité lors de l’assaut général du 23 août. Ayant rejoint Alphonse dans son camp, Pierre d’Urfé dirigea l’établissement des machines de guerre et « fit creuser des tranchées en zigzag et bâtir des bastilles de terre et de 778 V. SCARPELLO, A spetti di storia ..., p. 78-84 : « La fortuna militare di Alfonso era legata non solo alla sua abilità ed alla sua esperienza, ma al fatto di saper dar retta a consiglieri militari di prim’ordine, come il suo luogotenente Federigo da Montefeltro, ed anche ad Orso Orsini e Diomede Carafa, agli insegnamenti dei quali pedissequamente si richiamò nel corso della Guerra di Otranto. Un’ingenuità gli fu fatale, quella di fidarsi troppo dei gradi intermedi, la turbolenta nobiltà feudale che non pochi fastidi causerà al suo Regno, ingenuità che pagherà al prezzo del Regnon medesimo », l’auteur entreprend une étude méticuleuse des aspects militaires de la défense et de la tactique d’Alphonse ; bien qu’elle soit entâchée de partialité, elle n’en demeure pas moins constamment justifiée. 779 V. SCARPELLO, Aspetti di storia... , p. 67 : « Maometto II comprese che una strategia di conquista dell’Italia non avrebbe avuto fortuna in Italia fino a quando non ci fosse stata quell’unità idologica e religiosa che solo ed esclusivamente il pericolo impellente di un esercito turco sul suolo italiano poteva portare. Ogni desegno in tal senso sarebbe stato definitivamente abbandonato... Allora, in vista dell’ultima fase dell’assedio e per scongiurare ogni malcontento, Alfonso pensò bene di pagare scrupolosamente le sue truppe ed a raccogliere i frutti dell’arruolamento forzato previsto da Ferrante nel Parlamento di Foggia ». 780 V. SCARPELLO , Aspetti di storia... , p. 62. 781 Cesare FOUCARD, « Fonti di storia napoletana nell’archivio di Stato in Modena », Archivio storico per le province Napoletane, Anno VI, fasc. I, 1881, p. 168-169, lettre d’un Vénitien de Bari en date du 13 octobre 1480 : les Turcs avaient installé sur le port, ou ce qu’il en restait, quatre grosses bombardes avec d’autres plus petites, pour défendre leur armée navale composée de grosses galées et d’autres navires tirés sur la grève. Ils avaient préparé un galion chargé de poudre. Ils étaient bien fournis en artillerie, munitions et victuailles ainsi qu’en eau des citernes dont une très grosse qui alimentait la ville au lieu nommé San Francesco à un trait d’arbalète. Le bourg a été aplani et ils y ont fait leur camp, on peut estimer qu’ils sont 15000 en tout, bien répartis à leurs postes. 246 bois : les travaux étaient suffisamment avancés au bout d’un mois pour que les Turcs essaient de détruire la bastille de Pierre d’Urfé en faisant une sortie, mais ils furent repoussés par la cavalerie d’Alphonse (31 mai) »782. Après de multiples engagements, une guerre d’escarmouches, abondamment cités par les sources, Sabech se résolut à négocier sa capitulation le 6 septembre 1481, en désespoir de voir arriver des renforts. La lutte a été sévère et a fait de nombreuses victimes, tant du côté aragonais et alliés que turc. Les démonstrations militaires mirent à l’honneur les progrès de l’artillerie des deux camps et l’avancée technique de la poliorcétique. Ce fut aussi une guerre psychologique avec ses phases de désespoir et d’enthousiasme : pour les Ottomans, l’épreuve la plus dure fut probablement d’apprendre la mort de leur sultan. Les chrétiens étaient motivés par leur foi : avant la bataille, ils étaient réunis en prière, assistant à la messe officiée par le légat pontifical, le cardinal Savelli783, qui promettait aux combattants l’indulgence en bénissant leurs armes784. C’est lors d’un de ces moments grandioses que Pierre d’Urfé reçut l’accolade mentionnée par son épitaphe. Avait-il quitté la place avant la fin des combats ou tractations, malade ou blessé, pour se faire soigner à Naples? Comme sa trace se perd dès octobre 1481 jusqu’en 1483, il est possible de placer le pèlerinage à Jérusalem au départ de Naples après sa guérison. En fait, il aurait pu aussi rejoindre le pape et continuer la guerre contre le Turc, profitant de la disparition de Mehmet II et de la lutte pour la succession de ses deux fils, Bajazet et Djem (Zizim en français). Mais le pape ne fut pas suivi dans son intention de reprendre les terrains conquis par les Ottomans, voire Constantinople, par l’amiral de sa flotte, Paolo Fregoso. Aux ambitions personnelles des protagonistes, il faut ajouter le manque de moyens financiers et humains. En 1488, Jean de Tournai verra la reconstruction seulement amorcée d’Otrante. Le roi de Naples avait devant les yeux un pays dévasté dont il devait en toute logique assurer le rétablissement. La population, pour ce qu’il en restait, fort éprouvée par l’incursion ottomane et qui s’était montrée si hostile à l’envahisseur pouvait être très motivée et coopérative, elle 782 L. VISSIÈRE, Les fondements..., p. 54 ; G.-A. LUCANO, « La guerra otrantina condotta da Alphonso II duca di Calabria », Gli umanisti, p. 73-89. 783 MORÉRI, Le grand dictionnaire..., nouvelle et dernière édition t. IX, revu, corrigé et augmenté par M. Drouet, Paris 1759, p. 176 : Jean-Baptiste Savelli, cardinal, légat a latere à Gènes, où il obtint de cette république une flotte considérable pour s’opposer aux Turcs, qui depuis la prise d’Otrante faisaient trembler l’Italie 784 V. SCARPELLO, Aspetti..., p. 70 : « Prima della battaglia tutto il campo si riunì in preghiera, assistendo alla Santa Messa officiata dal Legato Pontificio cardinal Savelli, che promise ai combattenti l’indulgenza, benedicendone le armi ». L’auteur ne cite pas la source qui lui permet de décrire la scène et d’attester de la présence du cardinal Giovanni Battista Savelli dans le camp aragonais. 247 s’attacha à mettre ses martyrs à l’honneur. D’autre part, la situation politique était incertaine : les Hospitaliers de Rhodes finirent par choisir le parti du vainqueur, Bajazet, et son frère Djem fut bientôt considéré comme un otage et non pas comme un réfugié. Les recherches effectuées sur ce passage de la vie de Djem (en 1482 lors de sa « récupération » par les chevaliers de Rhodes) se sont révélées infructueuses pour ce qui concerne Pierre d’Urfé, jamais cité dans les ouvrages consultés785. Bien plus tard, Pierre d’Urfé eut l’occasion de prendre en charge le prince. Mais c’est une autre histoire. Pour autant, les aventures du prince Djem en méditerranée et la présence de Pierre en Italie du sud furent contemporaines. La légende des hauts faits d’armes de Pierre d’Urfé en Orient a été reprise dans le cadre d’une pièce de théâtre originale jouée à Montbrison chez les Oratoriens en 1635. Ce récit fantastique et fantasque le présente comme le grand chef des armées de l’empereur ottoman Sélim II. Cette fantaisie anachronique si singulière pourrait cacher une réalité beaucoup plus acceptable, celle d’un contact avec le prince Zizim dont la prononciation du nom pouvait prêter à confusion786. Quelles motivations réelles ont poussé ce grand officier à partir aussi rapidement délivrer Otrante et à poursuivre éventuellement son voyage en Terre sainte? Il faut songer à l’histoire familiale : toute sa vie Pierre a vécu dans le souvenir des exploits de ses aïeux, Guichard d’Urfé et Jean de Bonnebaud, les compagnons du bon duc de Bourbon Louis II. Les faits glorieux du maréchal Boucicault et de Jean de Chateaumorand qui aurait retardé la prise de Constantinople de cinquante ans ne lui étaient pas inconnus787. Ce furent les modèles chevaleresques qui alimentèrent les rêves de croisade des jeunes nobles pour des décennies788. D’après son épitaphe, Pierre d’Urfé fut fait « chevalier au Saint-Sépulcre...789 », tel que l’a écrit de sa main le chanoine de La Mure. Cette cérémonie (qui n’avait pas dû changer en cinq à six ans) a été décrite par Jean de Tournai qui eut l’honneur d’y assister790 : il évoque la 785 L.THUASNE, Djem sultan... et S. J. Dominique BOUHOURS, Pierre d’Aubusson, grand maître de Rhodes, Soc. de Saint-Augustin, Bruges, Desclee et Cie, 1887 : ces deux auteurs ne citent pas Pierre d’Urfé. 786 Triomphe de la Vertu, tragédie des rares et prodigieuses adventures de Pierre, Comte d’Urfé, Marquis de Bagé, Seneschal de Beaucaire, Chevalier de S. Michel, de la Toison d’Or, et du S. Sepulchre, Grand Escuyer de France sous Louys onziesme, tragédie, À Lyon, chez Claude La Guiolle, en rüe Tupin, Elle se représentera au College de l’Oratoire à Mombrison l’espace de trois jours de juin 1635, petit livre imprimé conservé à la bibliothèque de la Diana à Mont brison. Préface à Jacques d’Urfé et à sa fille, Geneviève d’Urfé, duchesse de Croÿ. Pierre-Louis Gatier y a vu aussi la confusion possible entre Zizim et Selim. 787 Chanoine REURE, Jean de Chateaumorand...; G. SCHLUMBERGER, Jean de Chateaumorand..., 788 Jacques PAVIOT, « Noblesse et croisade à la fin du Moyen Âge », dans Cahiers de recherches médiévales, 13, 2006, La noblesse en question (XIIIe-XVe s.), p. 69-84. 789 Cette partie de l’épitaphe aurait pu se lire ainsi : « Ci gît Messire Pierre d’Urfé, qui fut chevalier au Saint Sépulcre et l’accolade reçut, [qui fut] au siège d’Otrante à l’encontre des Turcs et Infidèles... ». 790 J. de TOURNAI , Le voyage ..., p . 226 -228. 248 réception par le frère Jean qui portait une étole blanche sur l’épaule marquée d’une croix rouge791. L’homme le plus noble de la compagnie est distingué, il s’agit ici de Louis de Rohan, seigneur de Guéméné, qui reçut les éperons dorés et fut ceint de la croix au pommeau doré. Ce dernier étant à genoux et les mains jointes devant le Saint-Sépulcre dut répondre aux questions du frère qui avait dégainé l’épée de son fourreau en prononçant cette formule : « En l’honneur de Dieu omnipotent et de la vierge Marie, tu garderas la sainte Église romaine, la foi catholique, les veuves et les orphelins. Chevalier je te fais, en l’honneur de Dieu et de monseigneur saint Georges ». En prononçant ces paroles, il frappa du plat de l’épée le cou du seigneur puis la lui remit. Après avoir baisé la pierre, le chevalier donna son aumône et fit chevalier les autres présents, par pays. C’était un moyen pacifique de devenir chevalier 792 et celui qui l’emportait sur tous les autres. Les voyage en Terre sainte avaient repris : les Turcs ne les entravaient pas, ils se bornaient à multiplier les avanies793. Si Pierre a entamé son voyage à partir de Naples, il a gagné Brindisi, Lecce ou Bari, où il a embarqué pour aller en cabotage sur une galée à Corfou, Methoni, Heraklion (Crète), Rhodes où il fut peut-être très bien accueilli par les Hospitaliers (et Pierre d’Aubusson luimême), Limassol (Chypre) et enfin Jaffa. C’était l’itinéraire habituel des pèlerins à l’époque de Jean de Tournai, seulement six ou sept ans plus tard. La lecture de cette narration est passionnante et enrichissante. Avant d’évoquer le désir de pénitence, très prégnant en occident chrétien, élément essentiel de la spiritualité de cette fin du XVe siècle, il faut examiner les détails techniques d’un tel périple. L’impression qui se dégage de l’ensemble du récit de Jean de Tournai est souvent très mortifère malgré la légèreté du ton à la manière d’un guide touristique : la traversée des contrées révèle des situations dramatiques, de nombreux sites étaient dévastés et non reconstruits. La rudesse de certains peuples rencontrés permet de comprendre les profondes différences de mentalité, provoquant l’incompréhension fréquente 791 Olivier MARIN, « Le péril turc au miroir du Pèlerinage au Saint-Sépulcre », dans La noblesse et la croisade à la fin du Moyen Âge, France, Bourgogne, Bohême, Les croisades tardives, 2, dir. Martin NEJEDLÝ et Jaroslav SVÁTEK (éd.), p. 241 : « La visite au Saint-S épulcre qu ’ils [ les frères mineurs ] dirigent garde naturellement toute sa valeur rédemptrice, mais on s’y rend de plus en plus aussi pour recevoir l’adoubement. Lors de la deuxième nuit passée dans la basilique, Jean assiste à la cérémonie par laquelle de Prusse, un seigneur entré dans le tiers ordre franciscain, “arme chevalier du Saint-Sépulcre tous les pèlerins qui le souhaitent”, un honneur très recherché des noblesses européennes depuis que l’usage s’en était introduit un siècle et demi plus tôt ». 792 J. PAVIOT, « Noblesse et croisade...», p. 83. 793 Francis RAPP, « Les caractères communs de la vie religieuse », dans Histoire du Christianisme, 7, De la Réforme à la Réformation (1450-1530), dir. J.-M. MAYEUR, Ch. et L. PIETRI, A. VAUCHEZ, M. VENARD, p. 271. 249 des pèlerins, même vis-à-vis de chrétiens. Ils devaient surtout se montrer très vigilants et patients lors de leur séjour en pays musulman : ils n’étaient qu’une marchandise de passage pour certains qui, eux n’avaient qu’un seul but, les alléger de leurs biens, tout en leur en laissant suffisamment pour les autres. Les instances locales mameloukes ne désiraient pas endiguer un trafic si juteux. Une ambiance de haine poursuivait donc les pèlerins à chaque pas. Comme ils avaient l’interdiction de se défendre, il est difficile d’imaginer Pierre d’Urfé supporter ces attaques incessantes sans lever son épée. Pourtant il est revenu vivant, il a même rapporté des reliques. L’expérience d’humilité comptait peut-être dans la quête de la rédemption, car les intentions du pèlerin sont évidentes, il cherche à obtenir des indulgences en vue de monnayer son paradis, ou plutôt à raccourcir son purgatoire 794. Á chaque étape du pèlerinage en Terre sainte, Jean de Tournai signale le montant en années de la rémission de ses péchés, généralement 700 ans. C’était partie intégrante d’une sorte de comptabilité de l’au-delà 795. Le voyage fut très périlleux et grâce au talent de l’auteur, tous les aspects, matériels et spirituels, géographiques (aussi bien physiques qu’humains), nous apparaissent pris sur le vif, chaque détail compte qui renseigne précisément sur une époque très proche de celle du passage éventuel de Pierre d’Urfé, qui a pu connaître par ailleurs le seigneur Louis II de Rohan-Guéméné (1444-1508), son contemporain. Ce dernier porte sur lui une lettre de recommandation du duc de Bretagne. Dans l’hypothèse du voyage de Pierre d’Urfé en Terre sainte, sans mention de celui-ci dans la lettre de pas du duc de Bretagne, et en toute logique, le roi de Naples a pu donner la sienne à son protégé en participant de sa pénitence et de son budget. Alors qui aurait pu accompagner Pierre d’Urfé? Etait-il le personnage le plus noble de la compagnie? Comment était- il habillé? Un chevalier allemand était vêtu en habit de saint François lors de la cérémonie décrite par Jean de Tournai. Les pèlerins catholiques étaient reçus comme aujourd’hui par les Franciscains. La création de la province de Terre sainte par François d’Assise date de 1217 et c’est à partir de 1333 que les frères Mineurs ont été définitivement installés à Jérusalem, par Robert d’Anjou et son épouse Sanche de Majorque. En 1342, par les bulles Gratias agimus et Nuper carissimae, Clément VI approuve P. CONTAMINE, La guerre au Moyen Âge..., p. 444 : « De fait l’indulgence plénière, comprise à l’origine comme une rédemption ou une commutation des peines venant remplacer les jeûnes et autres macérations charnelles, fut pour la première fois accordée en 1095 par le pape Urbain II : Que ce chemin vaille pour tout e pénitence. 795 Jacques CHIFFOLEAU, La comptabilité de l’au-delà, Les hommes, la mort et la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Age, Albin Michel, 2011 ; La religion flamboyante, 1320-1520, Points Histoire, éd. Du Seuil, 1988, éd. Points, 2011. 794 250 l’entreprise du roi de Naples et fixe les dispositions pour la nouvelle entité, ainsi les religieux destinés à la Terre saint e peuvent provenir de toutes les provinces franciscaines 796. D’autres témoignages de pèlerinage existent pour la même date que celui de Pierre d’Urfé, l’un des plus célèbres étant celui de Bernhard von Breydenbach (1440-1497) qui effectua son voyage en 1483 (encore plus proche de celui de Pierre) ; de magnifiques gravures en illustrent les éditions dont celle de l’église du Saint-Sépulcre797. Quelques temps plus tard, à son retour en France, Pierre d’Urfé recevait du pape l’autorisation de fonder un couvent franciscain à la Bastie d’Urfé, l’idée avait fait son chemin. Le père Fodéré précise qu’il revint de Jérusalem à son château de la Bastie avec le P. F. André, un Franciscain, et qu’il donna ordre de bâtir le couvent auprès des murailles798. Dès lors, il semblerait que Pierre d’Urfé ne soit pas rentré en Bretagne : avec sa « maison » il a quitté la cour de François II début 1481 et il a pu revenir en pays bourbonnais début 1483, chez lui et auprès de son suzerain, Jean II de Bourbon. Il retourna en Bretagne plus tard mais à l’occasion de « la Guerre folle » en ennemi du duc. Les rapports entre ce dernier et son officier n’étaient peut-être pas excellents lors de son départ, toutefois il toucha sa pension pour 1481 et les historiens bretons lui donnent encore le titre d’ambassadeur du duc aux États de Tours de 1484 avec Poncet de Rivière et Pierre Landais799. Âgé d’environ quarante-cinq ans, convalescent, Pierre d’Urfé a réalisé en Terre sainte un voyage d’expiation, lui qui avait déjà à son actif un parcours tumultueux de militaire endurci par la violence. Né dans les années difficiles des conflits dus à la guerre de Cent Ans, il en avait connu toute la barbarie et souvent l’effroyable spectacle des champs de batailles. Bien que son chemin lui ait fait rencontrer le faste des cours princières, il était rompu aux mécanismes de la guerre et son passage à Otrante révèle son expérience en la matière des sièges et des attaques meurtrières. Quoi de moins surprenant qu’il ait songé à ce moment et ce, probablement depuis fort longtemps, au salut de son âme par un acte fort? Entre croisade et pèlerinage, il choisit les deux méthodes à sa disposition pour entreprendre sa voie 796 Marie-Armelle BEAULIEU, « La custodie franciscaine de Terre sainte », « Le Saint-Sépulcre », Religions et Histoire, H.-S. no 9, 2013. La custodie de Terre sainte y est toujours présente, elle assure l’accueil des pèlerins de rite latin, les prières sur les lieux saints et aussi le service de la communauté locale. 797 Bernhard VON BREYDENBACH, Peregrinationes in terram sanctam, Augsbourg, 1488 ; notice BnF : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40592674w.public, Inkunabel.Breyden.Pere. 798 FODERE, p. 987, « Pour revenir donc à nostre Pierre d’Urfé, grand Escuyer, soudainement qu’il fut de retour de Hierusalem à son chasteau de la Bastie avec le P. F. André, il donna ordre de bastir le Couvent aupres des murailles, et au coing du jardin, où estoit desia une Chappelle de S. Marie Magdeleine ». 799 A. DUPUY, Histoire de la réunion de la Bretagne à la France, t. II, Paris, 1880, p. 15, renvoyant à Saint-Gelais. 251 personnelle de rédemption qu’il poursuivit à son retour par des fondations pieuses, plus que jamais motivé par sa quête d’indulgences. Comme le précise Jacques Chiffoleau : « Toujours comptabilisées selon les règles de l’ancienne pénitence tarifée du haut Moyen Âge, les indulgences s’additionnent et se multiplient en années et en quarantaines de jour »800. 2.1.2. Un passeport pour l’au-delà, le couvent de La Bastie d’Urfé De retour de son voyage en Orient, Pierre d’Urfé se serait donc dirigé vers son château de la Bastie d’Urfé, en compagnie du frère André, un Franciscain rencontré à Jérusalem801. Le frère André s’est-il définitivement installé à la Bastie en prenant en charge toute la partie ecclésiastique de la fondation? C’est ce que Fodéré suggère. Quatre années après son aventure napolitaine, Pierre recevait de la part d’Innocent VIII, le nouveau pape, l’autorisation de bâtir un couvent de frères mineurs « appelés de l’Observance » à installer près d’une de ses demeures, à la Bastie d’Urfé ou ailleurs. La date de sa demande et de ce fait le délai pour la réponse ne sont pas connus : était-il long ou plutôt normal sachant l’encombrement de la chancellerie pontificale dans une période d’augmentation des fondations religieuses? « Entre 1450 et 1500, il s’est fondé presque autant de maisons religieuses qu’entre 1350 et 1450 »802. En 1496, Pierre d’Urfé obtint l’accord d’Alexandre VI par l’intercession de Claude de Saint-Marcel, chanoine comte de Lyon et aussi son cousin, pour la construction d’un second couvent, cette fois un monastère de sœurs clarisses, suivant les « Constitutions de la bienheureuse Colette », en la ville de Montbrison. Les deux fondations pieuses engagées par Pierre d’Urfé correspondaient à ses vœux les plus profonds et les pièces d’archives concernant les Clarisses sont nombreuses et bien conservées ensemble803. Les archives propres du couvent de la Bastie n’ont pas été retrouvées, bien qu’une bibliothèque y fut mentionnée. Heureusement quelques unes subsistent dans des fonds dispersés qui sont bien utiles. Nécropoles familiales, ces établissements étaient destinés à assurer le repos des âmes de leur fondateur et de toute sa 800 J. CHIFFOLEAU, La religion flamboyante..., p. 130 et 131. Le père André était un frère franciscain et non le frère de Pierre d’Urfé, confusion relevée dans deux textes publiés concernant ce couvent de la Bastie d’Urfé. 802 Nicole LEMAÎTRE, avant-propos p. 9 du livre de Jean- Marie LE GALL , Les moines au temps des ré formes , France ( 1480 -1560), Champ Vallon , 01 420 Seyssel , 2001. 803 Archives du monastère Sainte-Claire de Montbrison, relation du discours de Pierre d’Urfé lors de la remise de la première maison aux ecclésiastiques représentés par Louis de Blot et autres prélats, le 7 septembre 1497 : « il a donné et fait don et par ces presentes donne et fait don solemnellement par dévotion pieuse, pure vraye, simple, irrevocable, valide, stable et ferme entre vivans... », dossier no 3 de notre classement. 801 252 descendance, ce qui est clairement établi dans la bulle d’autorisation d’Innocent VIII pour ce premier couvent. Pierre d’Urfé fréquentait une multitude de nobles dont beaucoup étaient aussi fondateurs de couvents franciscains : les Chalon, les Rohan, les Amboise804. Philippe de Bresse, par exemple, le compagnon de Péronne, père de Louise de Savoie, a été fondateur de deux couvents d’obédience franciscaine : un de cordeliers, celui de Saint-François de Pont-deVaux en 1472, et un autre de clarisses, celui de Sainte-Claire de Bourg-en-Bresse en 1481805. Ajoutons certaines fondations de la famille d’Amboise : Amboise, L’Isle-sous-Montréal et le Donjon806 ; les noms des deux derniers couvents apparaissent dans l’acte d’extinction de celui de la Bastie, victimes eux aussi de l’abandon de leurs bienfaiteurs et de la Commission des Réguliers807. Afin de redonner vie à cette fondation pieuse bien oubliée aujourd’hui, il s’agit maintenant d’examiner le contenu de l’autorisation d’Innocent VIII dans un premier temps, puis d’évoquer la vie et la mort du couvent et enfin d’essayer de comprendre en quoi Pierre d’Urfé a pu être, même modestement, un acteur de la réforme franciscaine en cette fin du XVe siècle. 2.1.2.1. L’autorisation papale pour la fondation d’un couvent Il existe deux approches différentes pour restituer l’histoire de ces établissements : la première se concentre sur les motivations et les actes des fondateurs, dont le titre se transmettait de génération en génération, les sépultures, épitaphes et service religieux, ainsi que la liste des bienfaiteurs qui assuraient la gestion et l’entretien des locaux et autres matériels liturgiques. Dans ce cas, les actes et la vie de la communauté sont passés au second plan. Á l’inverse, l’autre mode de récit touche plus particulièrement l’existence de la communauté religieuse, à partir de ses archives, annales, nécrologes et autres livres de dévotion, règles etc., afin de déterminer le mode de vie des membres et leur exemplarité : le point de vue change alors radicalement, de la fondation à l’extinction si elle a existé, car il 804 Jean-Marie LE GALL, « Pour une cartographie des observances, bilan provisoire », dans Identités franciscaines à l’âge des réformes, dir. Frédéric MEYER et Ludovic VIALLET, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2005, p. 226-227. 805 Édith PIERREGROSSE, « Foyers et diffusion de l’Observance dans les domaines de la maison de Savoie », dans Identités franciscaines à l’âge des réformes..., p. 260. 806 J.-M. LE GALL, « Pour une cartographie...», p. 227. 807 La Commission des Réguliers a été établie en France à la demande de Louis XV, par décret du 26 novembre 1764, afin de freiner les abus du clergé et d’examiner la situation financière des établissements aux ressources insuffisantes. s’agit alors de réfléchir à la mission collective et solennelle des frères ou des soeurs entre contemplation et action. Dans cette perspective, l’utilité de ce qui concerne la mission originelle d’assurer le service des âmes des fondateurs ou bienfaiteurs n’est pas primordiale et varie avec le temps. Malgré la pauvreté des archives, la monographie du couvent de la Bastie, réalisée en 2019, donne quelques détails supplémentaires sur la vie de la communauté et les faits concernant sa disparition808. Le pape Sixte IV mourut le 12 août 1484 à Rome. Son successeur, Giovanni Battista Cybo, fut élu le 29 suivant et prit le nom d’Innocent VIII. La demande de Pierre d’Urfé au pape pouvait dater de quelques mois, ce que le pape exprime par « la supplique récemment arrivée auprès de lui ». Pierre d’Urfé a reçu une aide de la part des régents, Pierre de Beaujeu et Anne de France pour avoir l’entière approbation du roi, et obligatoirement celle de son suzerain, le duc de Bourbon Jean II et, pour l’Église, l’archevêque de Lyon, Charles, frère cadet du duc. Une mention de la bulle d’autorisation évoque aussi les évêques du Puy (Jean de Bourbon) et celui d’Orange, Pierre Carré, un familier de la cour de Bourbon809, ainsi que le curé de la paroisse qui devait être consentant, suivant le réglement. La réponse arriva sous la forme de ce document (Annexe 1, fig. 10), privé de son sceau d’authentification aujourd’hui, mais signé A. Ingheramus et L. Grisus810 et daté du 9 mars 1485 : l’analyse n’ayant pas été réalisée, il nous a semblé nécessaire de l’entreprendre811. Avant tout, il s’agit de savoir si cet acte émane bien de la chancellerie pontificale, tel qu’il se présente ou s’il a été modifié, pourrait-il même s’agir d’une falsification? Henri Hours812, qui a transcrit, traduit et analysé la bulle d’Alexandre VI datée du 15 novembre 808 J. CHALANCON, « Les Cordeliers à la Bastie d’Urfé (1485-1775), un couvent de l’Observance franciscaine », dans Bulletin de la Diana, t. LXXVIII-1, 2019, p. 4-67. 809 Ce personnage a été évoqué dans l’affaire du meurtre de Jean Berry, secrétaire du duc de Bourbon. Confesseur de Jean II de Bourbon, il fut nommé chancelier et garde des sceaux de la baronnie de Thiers. L’acte fut établi à Moulins le 3 janvier 1487, BnF, ms. fr. 22299, vol. 1, p. 104. 810 Georges SOU LTRAIT et Félix THIOLLIER, Le c hâteau de la Bastie d’Urfé et ses seigneurs, SaintÉtienne, 1886, p. 35 et 36 ; André GRANGER, « Une bulle du Pape Innocent VIII à Pierre d’Urfé », dans Bulletin de la Diana, t. XXV-5, 1936, p. 254-256 : l’ auteur précise qu’il dépouille alors le fonds de la Bastie et fait part de ce document, sans citer la transcription de Soultrait qui diffère légèrement. Il précise toutefois que cette bulle présente la particularité d’être écrite en caractères ordinaires et non en littera bullatica. « C’était donc le Transsumptum ou copie que pour remédier à la difficulté de lecture, on délivrait en même temps que l’original. Le sceau de plomb fixé à une cordelette a été arraché. A part cela, la pièce est dans un état parfait de conservation et d’une superbe écriture ». 811 J. CHALANCON, « Les Cordeliers à la Bastie d’Urfé... », p. 23-25. 812 Henri HOURS : né le 4 mai 1926 à Toulon, décédé le 16 octobre 2017 à Clermont-Ferrand. Archiviste paléographe à Lyon, il fut directeur des Archives Départementales du Puy-de-Dôme pendant 22 ans, collaborateur des Fasti ecclesiae gallicanae, il a publié en 1999 le volume sur le diocèse de Besançon. À la demande des clarisses de Montbrison, il a réalisé une étude spécifique de la bulle de fondation du couvent Sainte-Claire de Montbrison par Alexandre VI.
10,754
dumas-04239480-M%C3%A9moire_Camille_VILLADIER.txt_6
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
« Étudiants-aidants » : une catégorie d'aidant peu (re)connue. L'enquête locale multi-située de DanaeCare pour une meilleure prise en compte de cette population. Sciences de l'Homme et Société. 2023. &#x27E8;dumas-04239480&#x27E9;
None
French
Spoken
6,769
9,884
J’ai ainsi pris contact avec des membres de l’université Jean-Monnet pour discuter avec eux de l’aidance et leur faire part du projet inter-universitaires. « Une bonne part du travail de sensibilisation, de concertation et de mobilisation autour de ce qui sera un problème public passe par la monstration de ce qu’une situation peut avoir de cruel, injuste, désastreux, 74 angoissant... »155. En contactant le personnel universitaire, c’est ce que nous avons souhaité faire : essayer de leur montrer en quoi cette situation d’être à la fois étudiant et aidant peut être complexe, difficile, dure à assumer et poser de nombreux problèmes, notamment dans leur parcours scolaire. Le personnel universitaire est en contact régulier avec des étudiants, et les personnes que j’ai contactées sont là pour accompagner et aider les étudiants qui rencontrent des difficultés, quelles qu’elles soient. Les études réalisées sur les situations d’aidance des étudiants ont montré que ces situations étaient principalement problématiques pour les étudiants et qu’elles engendraient de nombreuses difficultés pour eux, notamment dans leur parcours scolaire : retard, absence, manque de concentration, échec scolaire... 156 Ainsi, les membres des services que j’ai contactées semblaient être des personnes à intéresser, voire enrôler dans cette problématisation et ce projet inter-universitaires, visant à soutenir les étudiants en difficultés. Avec la validation de l’équipe de DanaeCare, j’ai contacté plusieurs personnes de l’université Jean-Monnet. La prise de contact s’est faite par mail. J’ai envoyé des mails à l’une des psychologues et l’assistante sociale de la médecine préventive de l’université ; à chaque membre de la Mission Vie Etudiante, puis en passant par l’adresse mail commune à ce service ; et à chaque membre de la Mission Handicap, puis en passant également par l’adresse mail commune de ce service. J’ai dû relancer plusieurs fois certains d’entre eux. A ce jour, seulement deux membres de l’université ont accepté de me rencontrer. L’approche entreprise pour prendre contact avec les membres du personnel de l’université n’a pas vraiment eu plus d’effet que celle entreprise pour prendre contact avec les étudiants. Tout d’abord, il faut noter que les blocages à l’université étaient encore d’actualité au moment où j’ai pris contact avec les différents services, ce qui signifie que les membres du personnel universitaire n’avaient plus accès à leur lieu de travail. Ces blocages ont totalement perturbé l’organisation et le travail des enseignants, de l’administration, ainsi que de tous les membres de l’université. Il était ainsi difficile de prendre contact avec eux. Ensuite, l’approche utilisée pour prendre contact avec eux, c’est-à-dire les mails, était-elle la bonne méthode? Les mails qui circulaient ne concernaient quasiment plus que les perturbations que l’université rencontrait suite à ces nombreux blocus. Les services pouvaient-ils intercepter Op.cit. CEFAÏ Daniel , Public s, problèmes public s, arènes publique s..., p. 35 C’est le cas notamment des études CAMPUS-CARE ou TraJAid, par exemple, qui ont été évoqués au début de ce mémoire : cf. partie I, chapitre 1, grand II, petit 2. mon mail parmi les nombreux autres qui fusaient? Avaient-ils le temps d’y répondre? Avaient-ils le temps de prendre rendez-vous avec moi? L’assistante sociale est la première personne à avoir accepté ma demande de rendezvous. Ce rendez-vous a eu lieu dans son bureau, situé sur le campus. Dès mon arrivée dans son bureau, l’assistante sociale m’a partagé son enthousiasme face à ma venue et m’a avoué s’être renseignée sur le sujet avant notre rendez-vous. Effectivement, lors de nos échanges par e-mail, elle m’a tout de suite fait part de son manque de connaissance à ce sujet et craignait de n’avoir rien d’intéressant à m’apporter. Je l’ai donc rassurée, lui indiquant que le but de ce rendez-vous était justement d’échanger à ce sujet afin qu’elle en sache davantage. Le fait qu’elle m’annonce ne pas avoir vraiment de connaissance concernant l’aidance de manière générale m’a tout de même quelque peu surprise et montre bien l’absence d’information commune à ce sujet, encore plus compte-tenu de sa position d’assistante sociale. C’est ainsi que lors de ce rendez-vous, qui a eu lieu au début du mois d’avril, je lui ai fait un point d’information sur le sujet : la définition d’un aidant, le fait que des jeunes et jeunes adultes sont aussi confrontés à ces situations, l’ampleur que ce rôle peut prendre dans le quotidien de ces personnes, etc. Mais aussi, c’était l’occasion de lui présenter le projet inter-universitaires par et pour les étudiants, afin qu’elle en prenne connaissance et avoir son avis sur la manière dont elle envisageait potentiellement ce nouveau statut. Elle a tout de suite été très intéressée par ce projet. Avant d’ être assistante sociale à l’université, elle a exercé dans un collège puis un lycée. Déjà à ce moment-là, elle avait vaguement entendu parler des jeunes aidants, mais n’a jamais été confrontée personnellement à des collégiens et/ou lycéens dans ces situations. Depuis son arrivée à l’université, il en est de même : aucun étudiant ne s’est présenté à elle pour lui faire part de cette situation d’aidance. Pourtant, elle a admis lors de notre échange que les propos de certains étudiants qu’elle reçoit laissent à penser qu’ils peuvent être confrontés à ce genre de situation, même si le sujet n’a jamais été réellement abordé avec eux. Ainsi, elle m’a fait part de son intérêt pour le sujet, et notamment pour le projet, et pour son souhait d’en apprendre davantage. Elle ne se sent pas assez compétente dans ce domaine mais serait tout de même ravie de participer à des discussions collectives, avec notamment d’autres membres de l’université, sur le sujet afin d’approfondir ses quelques connaissances, mais aussi afin de réfléchir collectivement à des propositions de mise en place de ce futur statut pilote étudiant-aidant au sein de l’université Jean-Monnet. Cet échange avec l’assistante sociale a été très intéressant car son intérêt pour la question de l’aidance et pour le projet peut amener à une implication concrète de sa part dans l’avancement de ce projet inter-universitaires. Effectivement, DanaeCare souhaite qu’un comité de pilotage soit créé au sein de l’université Jean-Monnet (tout comme pour l’université Lumière Lyon 2). Dans ce comité de pilotage, l’association souhaite y voir différents représentants, dont un représentant de la médecine préventive universitaire. L’assistante sociale, faisant partie du service de la médecine préventive de l’université de Saint-Etienne, peut donc très bien faire partie intégrante de ce comité de pilotage, encore en pleine constitution. Même si l’assistante sociale ne souhaite pas faire partie du comité de pilotage, les étudiants qui vont poursuivre les recherches dès le mois de janvier 2024 pourront tout de même reprendre contact avec elle s’ils le souhaitent, selon leurs besoins et leur avancement dans ce projet. De plus, au vu de l’absence d’information à ce sujet de la part de l’assistante sociale, l’impliquer davantage permettrait de lui apporter de nouveaux éléments de connaissances à ce sujet. Cela serait également efficace et utile pour les étudiants qui auraient besoin d’aide et de conseils et qui se présenteraient à son bureau à l’avenir. L’assistante sociale de l’université est là pour aider les étudiants à résoudre des difficultés d’ordre sociales, familiales, psychologiques, administratives ou encore financières, ce qui peut être le cas pour des étudiants en situation d’aidance. Au regard de son manque de connaissance à ce sujet et de son rôle d’assistante sociale au sein d’un universitaire, cela questionne sa nonimplication dans ce projet inter-universitaires : pourquoi l’association DanaeCare n’a pas pris contact avec elle pour tenter de l’impliquer dès le début du projet? Ensuite, j’ai reçu une réponse de la personne membre de la Mission Vie Etudiante, qui m’a conseillé de prendre directement contact avec la Mission Handicap, car ses membres seraient plus aptes à me répondre. Dans le même temps, la personne membre de la Mission Handicap que j’avais contacté m’a répondu et j’ai pu obtenir un rendez-vous avec elle. Le rendez-vous a eu lieu en visio puisqu’il se déroulait un jour de grève et de blocage de campus. Cet échange n’a pas été aussi fructueux que celui avec l’assistante sociale. Effectivement, traduire et problématiser suppose d’abord que les termes employés soient compris et que les personnes qui sont directement visées se sentent justement concernées par ces propos. La prise de conscience de leur rôle d’aidant est difficile, notamment pour deux raisons : le terme « aidant » est un terme qu’ils n’ont pas choisi et qui est imposé à eux, et la dimension normale 77 et naturelle liée à l’entraide familiale est très ancrée157. En France, plusieurs termes peuvent désigner les aidants, tels qu’aidants « familiaux » ou aidants « naturels ». En employant ces termes, d’une part, nous leur imposons une identité qu’ils n’ont pas choisi, et d’autre part, nous supposons encore une fois que cette aide est normale, naturelle et qu’elle appartient à la sphère privée et familiale. De ce fait, nous ne facilitons pas le processus d’auto-identification des aidants, qui ont déjà l’impression que ce qu’ils font est naturel et normal car cela ne regarde que leur famille. Pourquoi les aidants voudraient-ils être reconnus et obtenir des aides pour quelque chose qui semble et qui est visiblement normal, même pour la société? Louise montre bien que l’emploi de ces termes pose question : « Parce que moi, l’année dernière, il y avait énormément de personnes, qui, en fait, qui s’en rendaient pas compte, et je peux les comprendre parce que quand t’es dans ta routine et qu’on vient te dire que tu es aidants, c’est plus... enfin, on se dit quel terme on vient d’inventer? (rire) Parce qu’eux, ils ont pas le temps de penser à ça » En effet, quel terme vient-on d’inventer? Mettre des mots sur cette situation d’aidance est une première étape pour reconnaître que cette dernière n’est pas « normale » et pour accepter l’aide extérieure pour pallier les difficultés. Daniel Cefaï souligne en effet que « par ailleurs, nommer et narrer, c’est déjà agir, entrer dans une logique de désignation et de description du problème en vue de le résoudre »158. Faut-il encore que le nom utilisé soit accepté et compris par tous. Une nouvelle fois, les termes utilisés pour convaincre ces services pour prendre rendez-vous avec moi étaient les mêmes que ceux utilisés lors du stand ou sur le flyer, ce qui pose donc encore question. Au départ, elle n’a pas compris ma démarche : d’après elle, ils s’occupent déjà d’« étudiantsaidants ». Cela ne m’a pas posé problème, au contraire, s’ils avaient déjà affaire à des étudiants en situation d’aidance, ils étaient déjà sensibilisés à ce sujet et allaient sûrement 158 Propos abordés dans les parties : cf. partie 2, chapitre 1, grand I, petit 3, A et B. Op.cit. CEFAÏ Daniel, Publics, problèmes publics, arènes publiques..., p pouvoir nous apporter des éléments importants pour le projet. Au fil de notre échange , nous nous sommes rendu compte que nous ne parlions pas du tout des mêmes « étudiants-aidants ». Pour moi, il s’agissait d’étudiants qui accompagnent un proche pour des raisons de santé, de handicap, et/ou de perte d’autonomie. Pour elle, il s’agissait d’étudiants qui accompagnent un autre étudiant en situation de handicap au sein de l’université. Ce quiproquo montre bien que l’emploi de ce terme est inadapté puisque soit il n’est pas connu donc pas compris par autrui, soit il fait référence à quelque chose d’autre, ce qui peut aussi susciter l’incompréhension. Comme expliqué précédemment159, cela montre bien que les personnes ne sont pas impliquées, ils n’ont pas décidé du terme à employer, ce qui signifie qu’on leur « colle une étiquette » et qu’ainsi, il ne peut pas exister de langage commun. Dans le cas des étudiants qui aident d’autres étudiants en situation de handicap à l’université, la Mission Handicap leur fait signer un « contrat de travail » afin qu’ils soient rémunérés et valorisés pour l’aide qu’ils apportent. Cet accompagnement est pensé pour qu’il ne pose pas de problème lié à la scolarité de l’étudiant qui apporte son aide. De ce fait, la personne de ce service n’a pas compris pourquoi, en parlant du projet inter-universitaires, j’évoquais l’idée d’un éventuel statut pour les « étudiants aidants » afin qu’ils pallient les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien ; car pour eux, les étudiants aidants un autre étudiant bénéficient déjà d’une aide et sont déjà suivis par l’université. De ce fait, cela montre bien que le terme « étudiant-aidant » est troublant et peut porter à confusion ; il ne se suffit pas à lui-même pour être compris et savoir de quoi nous parlons. Le fait que le service de la Mission Vie Etudiante m’ait redirigé vers le service de la Mission Handicap, soulignant que ce service serait plus à même de me répondre concernant les étudiants aidants, alors que nous ne parlions pas des mêmes étudiants, montre encore une fois la confusion de ce terme et son manque de clarté. Suite à ce quiproquo, nous avons bien redéfinit les termes pour être sûr que nous parlions de la même chose. Toutefois, notre échange n’a pas duré plus longtemps même si nous avions fini par nous comprendre. Lorsqu’elle s’est rendu compte que nous ne parlions pas de la même chose initialement, elle m’a conseillé de me diriger vers d’autres personnes, car ce service ne traitait pas de ces questions. J’ai ainsi essayé d’expliquer à nouveau qu’il y avait tout de même un intérêt à ce qu’on se rencontre : étant donné qu’il s’agit d’un service qui s’occupe quotidiennement d’étudiants en situation de handicap, bénéficiant d’un statut 159 Cf. partie 2, chapitre 1, grand I, petit 3, A. 79 d’étudiant handicapé, et qui ont besoin d’aide et d’aménagements spécifiques selon leurs situations, il serait intéressant de voir comment fonctionne ce service, afin de pouvoir potentiellement s’y inspirer pour un futur statut « étudiant-aidant », cette fois-ci pour les étudiants qui aident un proche et non un autre étudiant. Malgré cela, cette dame n’a pas souhaité en discuter davantage, et le rendez-vous s’est rapidement terminé. Ces difficultés à prendre contact avec les membres du personnel universitaire posent question. Pourquoi l’université ne semble pas réagir à nos sollicitations? Ces non-réponses de la part des personnes contactées laissent ressentir un manque de soutien de leur part pour ce projet inter-universitaires. Mais quelle a été l’approche de DanaeCare pour impliquer les universités? Comment cette démarche s’est-elle passée? Les démarches faites par DanaeCare au début de ce projet pour impliquer les universités ont-elles étaient suffisantes? Les différents services de l’université ne semblent pas être au courant de ce projet. Cela montre bien que ce sujet n’est pas visible et le terme encore moins, il peut donc être difficile d’impliquer les universités de cette manière sur un projet en lien avec un sujet peu visible. DanaeCare a également rencontrée des difficultés pour prendre contact avec les universités et les intéresser à prendre part à ce projet, malgré le fait qu’ils soient en partenariat. L’association a mis en place une feuille de route sur trois ans concernant ce projet, mais les délais ont eu du mal à être respecté, notamment parce que la première étape consistait à mobiliser certaines universités et cela prend du temps. En effet, mobiliser et impliquer des universités demande du temps, afin de bien présenter le sujet et le projet, et d’intéresser les membres à s’investir dans le projet160. De plus, l’enquête Carers Trust avait montré que dans les universités où un « statut étudiant-aidant » avait été mis en place, les informations recueillies sur ces étudiants en situation d’aidance n’étaient pas vraiment transmises à tout le personnel académique, ce qui limitait la diffusion de ce sujet et l’implication de nombreux membres ; et que les professionnels de l’université qui s’étaient engagés à recontacter ces étudiants aidants afin de leur proposer un meilleur accompagnement sont peu nombreux d’entre eux n’ont pas respecté cet engagement161. Ces universités, tout comme l’université Jean-Monnet et l’université Lumière Lyon 2 ont-elles le temps de s’investir dans un tel projet? Ce manque d’investissement de la part des universités ne va pas sans lien avec le fait que les universités manquent d’information et de connaissance sur ce sujet personnel et intime. Les rendez-vous avec ces deux membres de l’université Jean-Monnet en témoigne. 160 161 Cf. partie 1, chapitre 3, grand II. Cf. partie 1, chapitre 2, grand II, petit 2. Dans la stratégie nationale Agir pour les aidants 2020-2022, il est noté que les étudiants aidants peuvent bénéficier d’aménagements d’études. Cette possibilité pour ces étudiants émane du Gouvernement, et pourtant, les membres du personnel universitaire ne sont pas au courant de cette nouvelle mesure mise en place. Cela n’est finalement si étonnant, puisqu’ils ont déjà des difficultés à connaître le terme et savoir de qui et de quoi nous parlons. Toutefois, cela témoigne une nouvelle fois de l’invisibilité, de la méconnaissance, du manque de transmission et d’information commune à ce sujet. II- L’implication des étudiants de la FASEE Constatant que l’approche par les membres du personnel de l’université ne portait pas vraiment ses fruits, j’ai pensé à me tourner vers des « collectifs » étudiants. En effet, il me semblait pertinent de prendre contact avec des personnes déjà intéressées et mobilisées pour améliorer les conditions de vie, le bien-être ou encore l’avenir des étudiants. C’est pourquoi j’ai souhaité prendre contact avec le président, le vice-président et la chargée de mission de la représentation de la FASEE, grâce aux coordonnées que m’avaient transmis les étudiants de l’AGORAé. Cette fédération me semblait être idéale, puisque, étant une fédération regroupant toutes les associations étudiantes du territoire de Saint-Etienne, la FASEE a pour missions de soutenir et représenter les étudiants, défendre leurs droits, et les aider à lutter contre la précarité et l’isolement social. Ainsi, l’idée était de se présenter à eux et les sensibiliser en leur expliquant qu’il est possible que certains étudiants aident un de leur pour des raisons de santé, de handicap, et/ou de perte d’autonomie, et que cela leur créait possiblement des difficultés au quotidien. Leur soutien dans ce projet par et pour les étudiants serait une bonne nouvelle : tout d’abord, de nouvelles personnes seraient sensibilisées à ce sujet, ce qui est une première étape très importante ; ensuite, cela signifierait que de nouveaux acteurs seraient impliqués dans ce projet ; enfin, les représentants de cette fédérations étants des étudiants, les nouveaux acteurs impliqués seront donc des étudiants, ce qui correspond parfaitement à la volonté de DanaeCare que ce projet soit mené par des étudiants et pour eux. J’ai échangé avec Maya et Ombeline sur l’idée de prendre contact avec ces trois personnes de la FASEE, sachant que ce sont eux-mêmes des étudiants et qu’ils sont déjà impliqués dans différents projets étudiants. Elles ont approuvé ce choix, pensant également 81 qu’il serait intéressant de prendre contact avec eux. Ainsi, j’ai pris contact avec eux, en procédant de la même manière que pour le personnel universitaire : j’ai envoyé des mails à ces trois personnes à la fin du mois de mars. Pendant le mois qui a suivi, je les ai relancé à plusieurs reprises, en vain. Ce n’est que début mai que j’ai pu échanger avec le vice-président de cette fédération, notamment grâce à la chargée de développement et coordinatrice de projet de l’équipe d’ESS’quiSS. En effet, les démarches portées par cette dernière et son équipe pour le projet inter-universitaires162 ont été entendu par l’étudiant désigné vice-président. Ces deux personnes ont été amenées à se croiser et à échanger sur le projet. Ainsi, ESS’quiSS nous a mis en relation et nous avons pu convenir d’une rencontre. Notre rendez-vous s’est déroulé en visio mi-mai. Le vice-président, une autre étudiante élue, ainsi que moi-même étions présents. Cette occasion m’a permis de leur présenter le projet inter-universitaires et l’intérêt pour DanaeCare de les solliciter pour la suite de ce projet, toujours dans une logique de faire par et pour les étudiants. Leur intérêt pour ce projet s’est rapidement manifesté au fil de notre discussion : au vu de ce que ce rôle d’aidant pourrait impliquer dans la vie des étudiants concernés, il serait intéressant pour eux de mettre rapidement en place ce statut « étudiant-aidant ». Ils souhaiteraient en parler lors de la prochaine commission CFVU (Commission de la Formation et de la Vie Universitaire) pour que les modalités de ce statut soient votées à la fin de l’année scolaire, et que le statut prenne effet dès la rentrée de septembre 2023. Face à leur engouement, j’ai réexpliqué qu’il était trop tôt pour mettre en place ce statut. Avant de pouvoir parler d’un statut, il faut que nous ayons assez de matières et d’éléments pour le mettre en place. C’est bien pour cette raison que DanaeCare a souhaité mettre en place une recherche avec des étudiants en master 2, puis des étudiants en post-doctorat et en thèse afin d’étoffer et d’approfondir les premiers résultats obtenus, et d’envisager, à ce moment-là, de mettre en place ce statut pour l’expérimenter. Pour cela, l’intérêt est que d’autres étudiants soient intéressés et enrôlés dans ces questionnements et ces recherches, et qu’ils nous aident à élaborer, ensemble, une définition plus concrète de cette catégorie « d’étudiant-étudiant » afin qu’il soit envisageable de lui attribuer un statut par la suite ; d’où l’intérêt que l’on fasse appel à eux. Effectivement, au-delà même de ce terme, la définition de l’aidance pose de nombreuses questions : la définition est-elle claire? Est-elle juste? Prend-elle en compte tous Les démarches entreprises par ESS’quiSS sont évoquées dans le chapitre suivant : cf. partie 2, chapitre 2, grand III, petit 1. 162 82 les types d’aide? A partir de quand peut-on dire qu’on est aidant? Où se situe la limite et comment la trouver? Un seul terme a plusieurs définitions selon la personne qui l’emploie. Par exemple, pour certains, le terme « jeune aidant » désigne un jeune de moins de 18 ans, tandis que pour d’autre, il désigne un jeune de moins de 25 ans. C’est-à-dire que certains, à travers le terme « jeune aidant », prennent en compte les 18-24 ans tandis que d’autres utilisent un autre terme pour eux : les « jeunes adultes aidants »163. Dans ce cas, il s’agit de l’âge qui diverge dans la définition, mais cela est important car les stratégies utilisées ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’un public mineur ou d’un public qui relève du droit commun pour adultes. Les termes ne sont ainsi pas toujours clairs même pour les institutions et les associations qui les utilisent. Toutefois, un point sur lequel les institutions et les associations semblent être d’accord dans la définition d’un aidant, quelque soit son âge, est le type d’aide qu’il apporte : un aidant accompagne un proche pour des raisons de santé, de handicap et/ou de perte d’autonomie. Mais qu’en est-il de ceux qui aident un proche pour des raisons autres que la santé? Les problèmes liés à l’usage de la langue française par exemple, ne sont pas pris en considération dans cette définition. Pourtant, des jeunes et/ou jeunes adultes aident quotidiennement leurs parents qui ne parlent pas français : ils doivent aider dans les démarches administratives, accompagner le parent à ses rendez-vous médicaux, administratifs, etc., afin de faire la traduction entre les deux langues. Ces personnes peuvent donc très bien se sentir concernées par le fait d’être aidant, car ils accompagnent un proche et que cet accompagnement peut être difficile au quotidien. En revanche, ils sont exclus de cette catégorie. Il est donc important et nécessaire que ce travail collectif d’élaboration d’une définition plus concrète de cette catégorie « d’étudiant-aidant » ait lieu. A la fin de cet échange, j’ai soumis l’idée qu’il serait plus judicieux de fixer un autre rendez-vous, cette fois-ci avec au moins l’un des co-directeurs de l’association DanaeCare. En effet, l’idée est de mettre en relation les différents acteurs impliqués pour qu’ils puissent faire un point sur l’avancement de ce projet et les prochaines étapes. En l’occurrence ici, l’idée est que les étudiants de la FASEE poursuivent cette élaboration avec les étudiants en postdoctorat et en thèse. Il était donc important que ces étudiants et les co-directeurs se rencontrent. 163 Ces définitions sont abordées plus en détails dans la partie 1, chapitre 1, grand I. Le second rendez-vous en visio a pu avoir lieu à la fin du mois de mai, soit environ deux semaines après notre premier rendez-vous. Lors de ce rendez-vous étaient présents le codirecteur de l’association DanaeCare, André Simonnet, le vice-président de la FASEE, Ombeline et moi-même, stagiaires de l’association DanaeCare. André a pris le temps de se présenter ainsi que représenter l’association, ses missions et ses projets. Rapidement, le sujet de ce projet inter-universitaires a pris place au sein de la discussion. Le co-directeur de DanaeCare a pu réexpliquer les différentes étapes de ce projet et souligner l’importance de ne pas se précipiter pour sauter des étapes, au risque de ne pas faire les choses correctement. En évoquant également la constitution du comité de pilotage, André a souligné qu’il serait aussi intéressant qu’un étudiant de la FASEE soit le représentant des étudiants au sein du comité de pilotage. L’étudiant présent lors de la réunion fera partie de cette fédération étudiante pour encore deux semaines, son poste sera donc rapidement repris par un autre étudiant mais il s’engage à en parler aux autres étudiants de la FASEE afin que la collaboration entre cette fédération étudiante et DanaeCare puisse encore se faire même lorsqu’il sera parti. Il pense d’ailleurs que le prochain vice-président164 sera également très intéressé par cette proposition de faire partie du COPIL et de travailler collectivement pour faire avancer le projet interuniversitaires. Comme expliqué lors de notre première rencontre, il en discutera avec les autres étudiants lors de la prochaine commission CFVU afin d’impliquer les associations étudiantes dans ce projet, et s’engage à revenir vers nous rapidement. L’étudiant présent lors de notre échange a donc bien compris qu’il était trop tôt pour mettre véritablement en place le statut d’étudiant aidant au sein de l’université. Toutefois, André a évoqué la volonté d’inscrire une case à cocher dans les formulaires d’inscription dès la rentrée universitaire 2023, demandant aux étudiants s’ils accompagnent un proche pour des raisons de santé, de handicap et/ou de perte d’autonomie de manière régulière et non rémunéré, afin que les étudiants en post-doctorat en droit et en thèse de psychologie sociale puissent faire un premier recensement plus concret des étudiants en situation d’aidance165. Le vice-président de la FASEE soutient l’idée et en parlera également aux autres étudiants. De ce fait, la FASEE, 164 Au moment de notre rendez-vous, les élections étudiantes avaient déjà eu lieu. Les nouveaux étudiants élus étaient donc déjà connu des membres de la FASEE. 165 Cf. partie 1, chapitre 3, petit 2. Cette volonté d’inscrire cette case dans les formulaires d’inscription était prévue pour la rentrée de 2022, mais étant donné que les premières étapes ont pris plus de temps que prévu, DanaeCare souhaite que cette case soit mise en place dès la rentrée 2023. 84 DanaeCare et les prochains étudiants de l’association vont pouvoir réfléchir collectivement aux prochaines étapes, selon aussi les premiers résultats de ce recensement. Ce rendez-vous avec le co-directeur de l’association DanaeCare a permis de recadrer et de faire le point sur les différentes étapes à respecter pour mener à bien cette expérimentation. Sans la présence du porteur de ce projet inter-universitaires, les étudiants de la FASEE auraient-ils accepté si facilement de reporter les délais de mise en place de ce statut? La présence d’un membre de l’association, qui plus est le co-directeur, semble être un soutien dans l’avancement de ce projet inter-universitaires puisque sa présence permet de mettre en avant le côté collectif et participatif de ce projet. III- Sollicitation et présentation du projet inter-universitaires : une problématisation via les universités? 1- Les demandes portées par ESS’quiSS Mon rôle de coordinatrice entre ESS’quiSS et DanaeCare ne s’arrête pas là : je suis aussi parfois sollicitée par l’association étudiante afin de participer à leurs actions en lien avec le projet inter-universitaires. Afin de mener à bien ses missions pour ce projet, ESS’quiSS doit faire des demandes de financements. Effectivement, obtenir des financements permettrait plusieurs choses : tout d’abord, les étudiants impliqués pourraient être rémunérés pour leur participation ; ensuite, ces financements permettraient de payer les frais liés à la réalisation de la mission : le matériel nécessaire pour mener au mieux cette sensibilisation pourrait être de plus grande ampleur, puisque les supports de communication pourraient être multipliés (flyers, affiches,...), par exemple. Ainsi, comme expliqué en amont, je participe aux présentations qui doivent être réaliser pour obtenir des financements, en présentant le projet et ses objectifs. ESS’quiSS a deux intérêts de faire appel à moi pour ce genre de mission : tout d’abord, je suis stagiaire à l’association DanaeCare et donc en charge de mener cette recherche, je connais ainsi le sujet et le projet qui l’accompagne ; deuxièmement, je suis étudiante à l’université Jean-Monnet, il est donc important pour cette association étudiante de mettre en avant l’implication et la participation des étudiants de l’université dans ce projet, afin de légitimer sa demande de financements. Au total, ESS’quiSS a fait deux demandes de financements à des organismes ayant pour vocation l’amélioration des conditions de vie des étudiants et de leur santé. Tout d’abord, la première demande a été adressée à la CVEC (Contribution à la Vie Etudiante et de Campus) à la fin du mois de janvier. Afin de soutenir cette demande, il fallait présenter le projet, ses objectifs et « justifier » cette demande, lors d’une commission de la CVEC. Cette présentation permet aux jurys présents de mieux comprendre l’intention et de pouvoir poser des questions pour en savoir plus, afin de déterminer ensuite s’ils accordent ce financement ou non. Lors de ces commissions, plusieurs autres personnes viennent présenter leurs projets pour obtenir des financements. Seuls certains pourront en bénéficier. Une semaine plus tard, nous apprenions que la décision du jury a été négative. Notre demande de financement a été refusée, principalement parce qu’ESS’quiSS souhaite rémunérer les étudiants impliqués, ce qui n’a pas été compris et accepté. Depuis le début de ce projet, nous nous sommes vu recevoir de nombreux « refus », notamment de manière indirecte (non-réponses à mes sollicitations, me rediriger vers d’autres interlocuteurs, non-réponses pour des entretiens...), et encore une fois, ce refus de financement représente un frein à l’avancée de ce projet. Au mois de mai, je suis de nouveau sollicitée par ESS’quiSS afin de présenter à nouveau le projet dans le cadre d’une autre demande de financement. Cette seconde demande a été adressée à la fondation SMERRA, une mutuelle étudiante qui a pour objectif de soutenir et d’accompagner les initiatives à destination des étudiants et pouvant améliorer leur santé et leurs conditions de vie. Cette fois-ci, une première demande suffit à savoir s’ils vont recevoir des financements de leur part. En effet, suite à la demande, trois finalistes sont sélectionnés. Ces derniers reçoivent quoi qu’il arrive une somme d’argent de la part de la fondation. Il faut toutefois faire une présentation en vidéo à leur transmettre, afin qu’ils jugent la hauteur du montant à percevoir. Nous avons été ravis d’apprendre que nous étions finalistes! Nous avons donc dû réaliser une brève vidéo, qui consiste à présenter rapidement l’association étudiante, présenter le projet, décrire en quelques mots le budget afin de « justifier » la demande, et enfin, expliquer quel est l’intérêt pour cette fondation de nous aider. Cette vidéo permettra à la fondation de déterminer quelle somme ESS’quiSS va percevoir de leur part. De ce fait, nous savons que, quoi qu’il arrive, ils bénéficieront d’une somme d’argent qui facilitera la mise en application de ce projet : c’est-à-dire qu’ESS’quiSS va pouvoir commencer à préparer l’organisation des ateliers à destination des étudiants. Pour cela, ils vont pouvoir lancer une campagne de sensibilisation : mise en place de flyers, d’affiches, etc. 86 Fin mai, la fondation SMERRA a organisé une visio ouverte au public afin de publier les vidéos réalisées par les trois finalistes. Pour le premier projet, une personne représentante était présente, de même pour le second projet. Quant au projet sur la mise en place d’un statut « étudiant-aidant », nous étions trois : une étudiante et une professeure membres d’ESS’quiSS et moi-même. Aussi, cinq personnes étaient présentes en tant que membres du jury, composé d’une représentante des étudiants, étudiante en M1 droit de l’immobilier à l’université de Perpignan ; un représentant de l’Enseignement Supérieur, chargé de mission Vie Etudiante et Vie de Campus chez France Universités ; une représentante du monde professionnel, directrice des projets innovants chez Orange ; un représentant des territoires, maire du 13ème arrondissement de Paris ; et une représentante de la Fondation SMERRA, administratrice bénévole et animatrice de cette « finale ». Entre chaque visionnage, les membres du jury posaient leurs questions en rapport avec le projet pour avoir quelques informations complémentaires ou pour demander des précisions. Pour le projet sur l’expérimentation d’un statut « étudiant-aidant », avant de poser les premières questions, le représentant de l’Enseignement Supérieur a souhaité nous adresser deux mots à titre personnel, peu importe la décision finale du jury. Il nous a remercié et félicité pour ce projet, qui lui semble être très important et se mettre en place au bon moment, puisque ce projet est en phase avec les priorités que l’enseignement supérieur souhaite développer au niveau national, notamment en ce qui concerne les aménagements possibles pour ces étudiants en situation d’aidance, en lien avec la stratégie nationale Agir pour les aidants 2020-2022. Il a ajouté qu’il souhaitait donc nous soutenir et qu’il s’engageait à parler de ce projet à ses collègues. Puisque c’est ESS’quiSS qui a fait cette demande de financement, il a annoncé qu’il reprendrait contact personnellement avec eux afin qu’ils puissent organiser un temps de rencontre avec DanaeCare également. Nous avons toutes les trois été agréablement surprises par les propos du représentant de l’enseignement supérieur. Ses propos nous ont rassuré dans notre engagement auprès de ces étudiants en situation d’aidance. Aussi, cela nous a permis d’y voir une nouvelle opportunité et un nouveau soutien pour faire avancer ce projet et le soutenir à un niveau plus grand, notamment au niveau national comme l’envisage DanaeCare à l’avenir. Une fois que les trois vidéos ont été visionnées et les questions du jury posées, les membres du jury ont été conviées dans une autre salle de visio afin de délibérer et d’annoncer ensuite le classement final pour recevoir les dotations. Nous avons été très ravies d’arriver en première 87 position dans ce classement et ainsi de recevoir la dotation maximale. Ce résultat représente une victoire pour ce projet. Grâce à ce première financement, ESS’quiSS va pouvoir commencer à mettre en place plus concrètement les ateliers qu’ils ont prévus à destination des étudiants. Il semblerait que la dimension collective de ce projet ait porté ses fruits, tout comme ça été le cas avec les étudiants de la FASEE. A chaque fois, les demandes d’ESS’quiSS se sont faites de façon collective : plusieurs étudiants et membres d’ESS’quiSS participaient aux demandes de financement. Cela a permis de mettre en avant la dimension collective et participative de ce projet inter-universitaires, tel que souhaité par l’association DanaeCare. Daniel Cefaï souligne l’importance de la dimension collective : « La médiation d’une expérience collective est ici capitale pour que le trouble soit problématisé et publicisé et que les personnes sachent à quoi elles ont affaire et quoi en faire. [...] Elles engendrent un champ d’expérience collective avec des façons de voir, de dire et de faire sens commun, articulées par un réseau de nombres, de catégories, de types, de récits et d’arguments disponibles qui permettent de saisir un état de choses comme un problème identifiable et reconnaissable »166. Les membres d’ESS’quiSS sont tous intéressés et enrôlés dans ce projet inter-universitaires. Ils s’entendent donc sur les termes employés à chaque fois : un « étudiant-aidant », un nouveau statut pilote étudiant-aidant, etc. De cette manière, ils savent tous de quoi ils parlent et ce qu’ils souhaitent faire, et ils se mobilisent collectivement afin de rendre ce problème visible et connu de tous. Cela passe par des demandes de financements, qui permettent de faire connaître le projet à de plus nombreuses personnes, et ce sera le cas des ateliers qu’ils souhaitent mettre en place grâce aux financements. Montrer que plusieurs personnes sont impliquées et engagées dans un projet le rend public et visible : « le problème public ne se met véritablement à exister que lorsqu’il est devenu un enjeu d’expérience collective »167. Ainsi, mettre en avant la dimension participative et collective de ce projet inter-universitaires semble le faire gagner en crédibilité et en légitimité et permettre d’intéresser et d’enrôler davantage de personnes. 167 Op.cit. CEFAÏ Daniel, Publics, problèmes publics, arènes publiques..., p.30-31 Ibid., p.32 88 2- Les actions réalisées par l’Université Lumière Lyon 2 A- La constitution d’un comité de pilotage? Les co-directeurs de l’association DanaeCare, en parallèle de notre mission, poursu ivent les démarches plus « logistiques », telle que mettre en place un COPIL au sein de chacune des universités impliquées dans le projet. Ils ont ainsi d’abord pris rendez-vous avec des membres de l’université Lumière Lyon 2, qui constitut le terrain de recherche d’Ombeline. Le rendez-vous a eu lieu avec la chargée de projet Sciences et Société de cette université, ainsi qu’un membre du service d’inscription et de formation, qui, contrairement à la chargée de projet, ne connaissait pas le projet. Ce rendez-vous avait plusieurs objectifs : représenter le projet, ses intérêts et ses objectifs, réfléchir aux membres de l’université pouvant être intéressés pour intégrer le COPIL sur ce projet. Ombeline et moi-même avons été invitées par les co-directeurs à participer à cette réunion pour plusieurs raisons pour présenter rapidement ce que nous avions fait jusqu’à maintenant, et potentiellement les premiers résultats obtenus. Mais aussi, l’occasion était de pouvoir être participer à la réflexion autour de la constitution du comité de pilotage. Ce rendez-vous s’est donc déroulé en plusieurs temps. Tout d’abord, nous avons fait un tour de table, puis nous avons présenté le projet, et notre rôle en tant que stagiaire sur le projet. Ensuite, la conversation a rapidement dévié sur la constitution du COPIL : quels membres solliciter et quelles seraient leurs missions? Il en est ressorti que l’objectif du COPIL, et ce pour les deux universités, serait de modéliser le statut au niveau de la santé, de l’administration et des enseignants, afin d’identifier les bonnes personnes susceptibles de faire avancer le projet ; s’occuper des questions organisationnelles et avoir une réactivité opérationnelle ; rendre opérationnel ce statut ; et enfin et surtout, évaluer les premières années de ce statut. Suite à ce listing de missions, nous avons fait des propositions pour constituer le COPIL : le Centre d’Orientation, des Stages et de l’Insertion des Etudiant.es (COSIE) ; le Service de Santé Universitaire (SSU), ou encore le pôle statistique de Lyon 2 afin qu’il aide dans le traitement des données si DanaeCare souhaite rester sur un principe de case à cocher à l’inscription pour les étudiants en situation d’aidance. Ensuite, il a été suggéré de faire une réunion avec les représentants de l’université de Saint-Etienne et eux-mêmes afin de mutualiser les avancements et les difficultés de chacun. A Saint-Etienne, le COPIL n’est pas constitué non plus, mais le nom de la vice-présidente déléguée à la réussite et à la qualité de 89 vie des étudiants est ressorti : celle-ci a déjà été contactée par les co-directeurs de l’association et pourrait être intéressée par cette proposition d’intégrer le COPIL de l’université Jean-Monnet. Cette réunion permet de relancer l’objectif initial : constituer un comité de pilotage au sein de chacune de ces deux universités. Les difficultés à trouver des personnes pouvant y faire partie montre une nouvelle fois la difficulté d’impliquer des membres universitaires. De plus, étant donné que les personnes qui ont été citées lors de cette réunion ne sont pas encore au courant de ce projet, nous ne pouvons pas être sûr qu’ils accepteront. Vont-elles être intéressées par ce projet? Vont-elles accepter de faire partie du comité de pilotage? Ces difficultés témoignent encore du long processus d’intéressement et de mobilisation des personnes dans un tel projet. Une réunion entre l’université de Saint-Etienne et l’université Lumière Lyon 2 pour parler des avancements de chacun et de la constitution du comité de pilotage serait en effet une bonne chose. Ce projet est inter-universitaires, et pourtant, les deux universités impliquées ne semblent pas être en contact et ne sont pas au courant des avancées de chacun, ce qui peut représenter un frein dans l’avancement de ce projet. En effet, il est judicieux de mettre en avant la dimension collective et inter-universitaires de ce projet. Le fait que les deux universités soient en lien et puissent faire des points régulièrement peut faire bouger plus facilement les choses.
17,741
7ad016f3f3418f91a6149069569ac850_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
La participation des patients : défis et enjeux de la co-innovation en santé connectée. Le partenariat de soin avec le patient : analyses, 2022, 4, pp.39-72. &#x27E8;hal-03717949&#x27E9;
None
French
Spoken
6,247
9,802
La participation des patients : défis et enjeux de la co-innovation en santé connectée HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. International License La participation des patients : défis et enjeux de la co-innovation en santé connectée Edgar Charles Mbanza1 2 3 1 Socio-Anthropologue, Docteur en Sciences de l’information et de la Communication (EHESS) 2 Chercheur associé IRCAV (Université Sorbonne Nouvelle) 3 Chercheur correspondant CNE (EHESS, CNRS) Résumé : Avec la santé connectée et plus particulièrement celle ayant trait aux technologies dites « intelligentes », le malade se trouve face à une véritable injonction paradoxale. D’un côté, les nouvelles solutions sollicitent de manière insistante « le travail patient » (Strauss et al, 1982), faisant de lui, non pas un simple usager, mais un véritable « cocréateur de valeurs » au cœur même de l’opérativité du système. D’un autre côté, c’est l’opacité qui s’observe au fur et mesure que les réseaux se diffusent dans les environnements de vie des malades et que les solutions augmentent leur puissance de calcul. Alors que l’implication des patients s’impose de plus en plus comme une évidente nécessité, je propose ici de revenir sur quelques freins à la participation dans le domaine précis des innovations numériques actuelles. Après avoir brossé un tableau sociologique du patient participant, il sera par ailleurs souligné l’intérêt de forger de nouvelles catégories afin d’intégrer les compétences numériques et théra-peutiques les plus ordinaires et non plus seulement celles des patients-experts. Je compte enfin argumenter en faveur d’un cadre dynamique et pragmatique de participation en coinnovation, un cadre à même de prendre en compte l’hétérogénéité des engagements expérientiels et de resituer la parole patiente au sein des configurations nelles du soin (avec les autres parties impliquées) et d’une quête partagée de changement. Mots clés : Santé connectée, innovation, anthroposociologie, implication des patients, compétences numériques Abstract: With connected health and more particularly with the so-called "intelligent" technologies, the patient is faced with a real paradoxical injunction. On the one hand, the new solutions insistently solicit "patient work" (Strauss et al, 1982), making him not a simple user, but a true "co-creator of values" at the very heart of the system's operability. On the other hand, it is the opacity that is observed as the networks spread into the patients' living environments and as the solutions increase their computing power. While patient involvement is becoming an obvious necessity, I propose here to review some of the obstacles to participation in the specific field of current digital innovations. After having painted a sociological picture of the participating patient, I will also underline the interest of forging new categories in order to integrate the most ordinary digital and therapeutic competences and not only those of patient-experts. ® La revue sur le parten ariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022 , CI 3P , UCA 40 Finally, I intend to argue in favor of a dynamic and pragmatic framework of participation in coinnovation, a framework able to take into account the heterogeneity of experiential commitments and to resituate the patient's word within the interactional configurations of care (with the other parties involved) and of a shared quest for change. Keywords: connected health, innovation, anthroposociology, patient involvement, digital skills. INTRODUCTION/CONTEXTE L’article présente une partie des pistes et réflexions issues de trois recherches effectuées de 2018 à aujourd’hui, sur la conception participative d’objets connectés d’assistance aux malades et aux handicapés, respectivement avec l’Institut Mines Télécoms, l’Université Côte d’Azur et So-Ins Project1, 1 Les trois recherches ont impliqué à chaque fois des patients, des professionnels de santé, des industriels, des chercheurs (ingénieurs & sciences sociales), autour du développement de technologies numériques appliquées à la santé (assistance à la locomotion et surveillance des variables & constantes physiologiques). Les enquêtes de terrain ont été menées dans les régions Sud et Grand-Est pour les deux premiers projets (Artefact avec l’UCA et Careware avec l’IMT) et enfin à Marseille et à Paris pour le troisième ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 41 une coopérative de recherche-action en socioanthropologie de la technosanté. CENTRALITE DU « TRAVAIL PATIENT » VS OPACITE ALGORITHMIQUE Le développement de la santé connectée, plus spécialement celle ayant trait au numérique des données et de l’Intelligence Artificielle, ne peut pas faire l’économie d’une compréhension fine des pratiques participatives des patients. Intégrer davantage les malades doit en effet permettre de faire évoluer les inventions techniques dans le sens des besoins du soin; plus encore, les débats et les controverses que suscite la technologie actuelle s’avèrent tellement cruciaux qu’ils appellent à impliquer les citoyens et de manière appuyée les premiers concernés, les patients 2 (Villani, 2018). (so-Ins Project). Cent quarante-six patients au total et quatre-vingts aidants familiaux ont constitué le panel de l’enquête ethnographique (immersion dans les lieux de vie, observations, entretiens individuels, focus groups, « trajets filmés »). La partie sciences sociales a pour rôle d’accompagner l’élaboration des scénarios d’usage, l’expérimentation de prototypes et les tests d’usage, mais aussi de catalyser la dimension participative de la recherche-projet. 2 Comme le souligne le mathématicien et élu français Cédric Villani dans son dernier rapport sur l’Intelligence Artificielle, l’émergence de nouveaux usages ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 42 La médecine connectée étant aujourd’hui dans sa phase expérimentale, bien que de nombreuses solutions se trouvent déjà en usage réel, il est question d’encadrer sa gouvernance, d’en forger les outils et les protocoles de validation qui priorisent l’intégrité des patients et des familles. Les nouvelles solutions doivent dès lors être soumises à des tests d’évaluation rigoureux et transparents. Dans cette perspective, aussi bien les associations que les familles expriment de plus en plus un fort besoin de relocalisation et de re-personnalisation de l’information médicale » (Dubey, 2014; 2017)3. L’une des spécificités de la santé connectée est effectivement qu’elle induit un statut inédit de l’usager -patient (et de ses c ompét ences) : celui-ci acquiert un rôle de « cocréateur de valeurs » (Foudriat 2016). et modèles sociaux caractérise l’essor de la technologie numérique actuelle dans sa globalité. « Il est aujourd’hui encore difficile d’estimer l’ensemble des conséquences sociales (vertueuses ou non) de l’utilisation de produits et services [à venir], dans la mesure où bon nombre d’usages restent encore à découvrir ou à inventer » (Villani, 2018 : 15) 3 Dubey, G. (2014). Les nouvelles technologies en autonomie et santé : un déplacement des frontières de la connaissance. Annales des Mines- RI, 2014, 82-88 ; (2017). La santé en chair et en nombres. Annales des Mines - RI, 6467. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 43 Il n’est plus seulement un récepteur de l’offre technomédicale, ni un simple validateur du système en cours de développement : de plusieurs manières, l’efficacité de l’outil s’avère intimement dépendante du « travail patient » (Strauss et al, 1982). Dès lors , l’aide et la participation active s des malades ne relè vent pas se ulement d ’une posture morale de la participation : elles s’imposent au centre même de l’ opérativité des nouveaux dispositifs. Plus particulièrement dans le cas des maladies chroniques, l’on observe une délégation accrue aux patients connectés des tâches traditionnellement situées au cœur de professions du soin, au niveau de la surveillance médicale ou de l’élaboration du diagnostic, par exemple. Une véritable reconfiguration de la « géographie des responsabilités » (Oudshoorn, 2012) qu’implique en réalité le processus de digitalisation de la santé. C’est que nous sommes dans un contexte général où le malade et ses aidants de proximité doivent faire face à une « arrivée à la maison » d’une multitude de nouveaux acteur 4 du soin, ce qui implique l’acquisition d’un savoir communiquer et d’un savoirfaire par endroits inédits. Il s’agit là de l’un des paradoxes des innovations en cours : alors qu'elles sont pour la plupart légitimées par le besoin de facilité et de tranquillité en faveur des personnes prises en charge, revendiquées et préférées en opposition à l’univers hypermédicalisé de l’hôpital, elles s’accompagnent par l’intrusion, certes plus ou moins contrôlée, de la technicité (et de ses opérateurs) jusqu’aux territoires privés. Derrière cette apparente coopération active entre les patients et les nouvelles machines à communiquer persiste cependant quelques ambiguïtés et contradictions qui ne sauraient ne pas intéresser les sciences humaines et sociales. 4 C’est aussi que la santé connectée accompagne l’essor de l’hospitalisation à domicile, un processus dans lequel nous voyons en effet croître toute une économie dédiée à l’appui logistique, plus particulièrement à la mobilité, des personnes très âgées ou très malades. Si la « participation des patients » s’est imposée comme un argument majeur dans l’institutionnalisation des nouveaux dispositifs dits « innovants » en santé, elle demeure parfois polysémique, sinon instrumentalisée. Une analyse des sémiologies variées (médiatiques, associatives, grand public, industriels etc.) pointera nombre d’imprécisions quant à sa définition même, ainsi que les manières de la mesurer ; dans l’ensemble, la notion a du sens, mais peu de contenu, et nombre de discours cherchent à l’opérationnaliser avant même d’en fournir la substance5. L’ambiguïté qui entoure le concept de participation s’en trouve par ailleurs amplifiée par le numérique, une technologie marquée, de manière générale, par la croyance selon laquelle l'offre ne peut manquer de rencontrer la demande sociale (Frau-Meigs, 2005). 5 Dans le cadre du projet so-Ins project, j’effectue un travail approfondi d’analyse sémio-discursive des discours d’accompagnement de l’« innovation participative » et de l’ « innovation centrée usage », en France, en Belgique et en Afrique Francophone. ® La sur avec le patient : analyses L’état de l’art portant sur les expérimentations participatives dans le champ large de la télémédecine montre que la plupart des travaux focalisent majoritairement sur l’étude des perceptions des malades en termes de satisfaction et d’acceptabilité des dispositifs nouveaux (MathieuFritz, 2016). Rares restent les recherches qui investissent de manière approfondie les dimensions sociale, qualitative et hétérogène de l’expérience des patients. Avant de revenir sur les quelques défis à relever pour faire monter en qualité la participation des patients dans ce domaine singulier, faut-il d’emblée rappeler combien les nouveaux dispositifs peuvent s’avérer par endroits peu propices à une participation des usagers. Le numérique dit « intelligent », celui de la dernière génération, contient en effet une profonde contradiction : alors qu’il fonde sa puissance sur la maîtrise de l’usage – et de nos traces d’usage plus précisément – et sur la délégation du patient comme évoqué précédemment, il est marqué par le retour des logiques centralisatrices et verticales. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI , UCA De même, les algorithmes qui fondent la santé connectée de la dernière génération se montrent de plus en plus opaques au fur et à mesure qu’ils augmentent leur puissance de calcul. Plus leur précision accroît, plus leur explicabilité diminue. Une triple rupture épistémologique (Humpheys, 2009)6, dirait le philosophe et informaticien Bruno Bachimont (2015), aux niveaux de la collecte des données, de leur traitement et de leur visualisation. Contrairement aux systèmes experts de la première génération7, l’opacité algorithmique engendre une sorte de non-accessibilité humaine sur ce qui se passe entre la collecte des données brutes et l’information signifiante finale. Autrement dit, les modèles prédictifs actuels semblent concourir à un processus de constriction de l’espace de communication et de raisonnement partagé entre le patient et le professionnel de santé, alors même que les dimensions interactionnelles du soin, celles-là même qui ont été à la base de nombre de progrès 6 Voir aussi : Humpheys, P. (2009) The philosophical novelty of computer simulation methods. Synthèse 169 (3) 7 Les systèmes experts réalisaient un raisonnement à partir de faits et de règles explicites, avec des spécialistes décrivant le processus à modéliser (c’était par exemple le cas MYCIN qui fut un des pionniers dans le domaine médical). ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 48 réalisés ces dernières décennies en éducation thérapeutique, demeurent aujourd’hui essentielles pour parier aux tendances homogénéisantes de la technosanté. CE QUE PARTICIPER DANS LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES VEUT DIRE DU POINT DE VUE PATIENT Il n’en demeure pas moins que l’engagement des patients dans les processus de co-innovation est réelle, du moins au regard des constats issus de mes trois projets de recherche. Une envie de participer qui n’est pas sans rapport avec une discrète mais non moins réelle appétence aux nouvelles inventions numériques, contrairement à ce que laisseraient penser certains discours8. L’idée la plus répandue est que les personnes très âgées ou malades ne souhaitent pas l’arrivée des technologies de soin. Il est vrai que certains dispositifs proposés par le marché ces dernières années ne les ont pas beaucoup persuadées. Cependant, l’assertion est à nuancer: pour les enquêtés, les technologies d’assistance à la santé continuent de nourrir beaucoup d’espoirs et d’attentes, surtout celles qui promettent d’augmenter leur autonomie. Pour les patients par ailleurs, l’usage des technologies d’assistance semble rassurer l’entourage, ce qui en retour est mobilisé comme une tactique de valorisation de soi et d’intégration sociale. Alors qu’il est souvent souligné les difficultés d’« enrôler » les malades dans les processus d'innovation technique, au regard des multiples autres préoccupations prioritaires qui pèsent sur eux ou du fait que le terrain de la maladie serait « surinvesti » (Chabrol, 2008) par divers expérimentateurs et enquêteurs sociaux, les projets Careware et Artefact ont rencontré un fort désir des patients de participer à la recherche– ici, le terme « recherche » est emique : il a été largement mobilisé par les enquêtés eux-mêmes9. Sur un total de 146 personnes sollicitées, et en quatre ans, seules deux personnes ont décliné l’invitation et ont explicité leur désintérêt aux technologies nouvelles10. Chez la totalité des participants ayant consenti, les observations fines des situations de co-innovation (séances d’expérimentations, mises en situation contrôlées, brainstorming) mettent en évidence des marqueurs de fierté et de motivation d’être associés aux 9 Nous ignorons pour le moment le pourquoi de cette préférence emique du terme « recherche » à « expérimentations » ou « essai » beaucoup plus pratiques, pourtant 10 D’après un questionnaire ou/et un entretien qui ont été systématiquement mobilisé lors de chaque prise de contact. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 50 « innovations en train de se faire », à « se mettre en disposition de coopérer avec les concepteurs », à « bricoler à faire avec des objets nouveaux et parfois compliqués » (expressions des patients, sélection). Une envie tenace, même quand les contraintes d’emploi du temps ne laissent pas de place aux activités non habituelles ou périphériques. Les personnes âgées dépendantes ou en soins palliatifs de Nancy, tout comme les enquêtés malvoyants ou aveugles de Nice n’étaient pas effrayés par les gestes nouveaux ; au contraire, ils tenaient beaucoup à « essayer », à contribuer à trouver d’ « autres solutions », « même si ce n’est pas pour nous, mais pour les générations à venir » (idem). Des patients ont clairement et spontanément exprimé combien leur participation était importante, qu’il s’agissait d’une occasion hautement significative dans leur vie ; huit parmi eux étaient pourtant engagés dans une phase très douloureuse de soins. Par ailleurs, dans leur ensemble, les enquêtés expriment avec « s’habituer », à insistance expérimenter leur en habitude à permanence l’environnement et les ressources technologiques ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 51 qu’ils peuvent trouver ; un effort qu’ils célèbrent comme base de leur apprentissage d’autonomie. Cependant, l’appétence de participer et de partager ne peut pas être considérée comme un acquis automatique et définitif : les rugosités sociologiques persistent, d’où l’intérêt d’une médiation efficace pour accompagner l’implication des patients. Il est bien –évidemment apparu une distribution variée des compétences à la participation. La principale leçon à ce propos, à partir des enquêtes Careware et Artefact, est que les personnes vivant avec des pathologies chroniques se montrent plus favorables à l’innovation, solutions » ; à elles la « recherche développent de par nouvelles ailleurs un discours bien rôdé et réflexif sur ce que peut être la place de nouveaux objets connectés dans les dispositifs renouvelés de soins. Et au-delà du désir d’engagement, les variations entre participants portent sur les manières dont les uns et les autres s’approprient les nouveaux systèmes sémio-cognitifs que sont les objets connectés. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 52 Chez les enquêtés, la capacité à intégrer le langage des écrans, à interpréter les signaux numériques et à les combiner avec les modalités perceptives et sensorielles naturelles, se fait de manière variée selon quelques critères classiques comme l’âge, le genre, la nature du handicap visuel, l’état des capacités sensori-motrices, sans oublier la culture numérique préexistante et le niveau de familiarisation avec les dispositifs connectés. L’on peut facilement distinguer trois (3) grandes classes de participants expérimentateurs, en fonction de leur capacité à interagir avec le dispositif, les unités de signification et les affordances11 (Gibson, 1979) qui émergent de la connexion. Trois catégories d’usage qui soulignent plutôt le caractère évolutif et processuel de la formation des littératies numériques en situation d’apprentissage (Hart, 2008) : 11 Chez James J. Gibson (1979), l ' affordance est la potentialité d’un dispositif à inviter de manière routinière à l’action (à une meilleure prise sur l’environnement ou à la mobilité, dans les cas étudiés ici). Voir James J. Gibson (1979), The Ecological pproach . ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 1. Des participants passifs, qui se contentent de suivre les consignes de l’enquêteur et les signaux de base envoyés par le dispositif ; 2. Des participants actifs : leur attention est effectivement accrue; même s’ils restent focalisés sur les éléments interactifs proprement techniques, ils évaluent le nouveau dispositif, le mettent en discussion, investissent les modèles sémiotiques et cognitifs qui les fondent. En outre, ils n’hésitent pas à partager spontanément leurs commentaires et expériences ; 3. Des participants créatifs : l’on observe chez eux les postures décrites dans les deux premières catégories. Qui plus est, les plus créatifs multiplient d’imagination et font un effort notoire pour décoder voire jouer (avec) le système technique. Leur aisance avec l’artefact numérique leur offre la double possibilité d’en intégrer les significations profondes et émergentes et de rester concentrés sur l’expérience corporelle et écologique. Dans tous les cas de figure, il apparaît que l’appropriation des systèmes d’assistance dit intelligents relève d’un processus d’apprentissage, et qu’il peut y avoir une nette variation, à l’échelle individuelle, entre d’une part les premiers moments de l’usage et, d’autre part, les postures observées lorsque commencent à transparaître des signes de conversion du dispositif dans les pratiques routinières du patient. Dès lors, il a été extrêmement intéressant de regarder de près les manières dont s’effectue l’incorporation progressive de nouvelles pratiques thérapeutiques, du point de vue patient. Mes observations, qui restent somme toute exploratoires, autorisent à distinguer trois postures, avec des évolutions observables chez les patients des différentes catégories, mais moins rapides chez la catégorie des passifs que chez celle des actifs : ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 55 - Une posture techniciste, sur fond d’une attente explicite d’une solution clé en main. Dans cette phase, le patient, aussi bien l’enthousiaste que le perplexe, le passif que le créatif, se soumet facilement au pouvoir supposé du dispositif technique. Dans une posture techniciste, parfois malgré lui, il attend que la technologie soit la solution déjà faite, que la technique lui apporte tout, lui montre le chemin, tel un guide, un GPS. - Deuxièmement, une phase d’interactivité avec les éléments proprement techniques : le patient se met à écouter et à vouloir manipuler le dispositif, à en explorer les possibilités mais toujours dans un rapport direct avec la solution numérique : ici, l expression des patients porte sur les dimensions technologiques. - Enfin, l’on assiste à une phase où l’usage est quasi-converti dans les pratiques cognitives. Ici, les participants sortent de l’idée que c’est « le dispositif qui leur fait faire » et c’est désormais eux qui font faire à la technique, du moins dans le cadre d’un véritable couplage patient-artefact- environnement. L’engagement des patients est plus porté sur les dimensions éthiques, ou encore sur l’articulation entre l’assistance technologique et l’assistance humaine. Les participants de la catégorie des créatifs ainsi que les plus jeunes d’entre eux de manière générale (dans notre échantillon d’aveugles et malvoyants), investissent plus vite que les autres cette phase. Il a été intéressant de noter par ailleurs que les patients les plus avancés se constituent plus facilement en « communauté de pratiques » (Wenger & al. 2002 ; 2005)12 qu’ils entretiennent même audelà du temps et du périmètre des expérimentations participatives. De quelques freins à la participation des patients en co- innovation numérique. Quid de la contribution des patients en termes d’apport de substance et de contenus en co-innovation? Les « communautés de pratiques » sont « des groupes d'individus partageant le même intérêt, le même ensemble de problèmes, ou une passion autour d'un thème spécifique et qui approfondissent leur connaissance et leur expertise en interagissant régulièrement » (Wenger & al., 2002 :4). Les groupes dépendantes, enquêtés malades en (personnes soins âgées palliatifs et malvoyants/ aveugles) parviennent plus facilement à formuler des commentaires et des questions portant sur les aspects les plus apparents de la technologie. Ils expriment des attentes portant sur le « mode d’emploi, l’utilisabilité : la simplicité d’installation et de désinstallation, la facilité d’entretien et de lecture des écrans, l’apprentissage rapide des fonctions de base, la sécurité et le respect de l’intégrité physique, la confidentialité des données, sont les 6 premières qualités d’un nouveau dispositif numérique qui apparaissent dans toutes les réponses. Chez les enquêtés possédant une certaine familiarité avec le numérique des dernières générations – les objets connectés d’auto-gestion, d’automesure et dauto-soin –, la problématique de l’accessibilité a été évoquée avec insistance : l’usage ainsi attendu et défendu est celui qui n’exclut pas des catégories d’usagers, quelles que soient les situations, quelles que soient les compétences technologiques ou les capacités cognitives- langagières, visuelles, auditives, gestuelles, etc. Au-delà des expressions portant sur l’utilisabilité des objets, d’autres exigences davantage interactionnelles, et surtout celles en rapport avec le modèle social et cognitif porté par la technologie nouvelle, ont été soulevées par les enquêtés. Tous ont eu quelque chose à dire sur les dimensions éthiques du numérique intelligent, en ce qui concerne la liberté et l’autonomie du corps connecté. Une préoccupation exprimée de manière variée ici aussi, moins en fonction des compétences technologiques que des cultures thérapeutiques possédées par les uns et les autres. Il est apparu en réalité de réelles divergences de vue, du moins des tensions sémiotiques, entre patients et concepteurs ingénieurs, sur le sens même de l’autonomie qu’offre la technologie connectée. L’attente patients est celle d’une connexion numérique qui ne disqualifie13 pas le travail naturel du corps et les relations sociales non connectées ou encore l’irremplaçable aide humaine. Les patients qui expérimentent les objets connectés expriment fréquemment certains phénomènes récurrents de baisse de vigilance de dispersion de l’attention. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 13 59 Plus concrètement, la possibilité de pouvoir déconnecter facilement en cas de besoin a été fortement exprimé par les malades. À l’inverse, il est apparu ici que la logique ingénieure avait du mal à intégrer la demande des patients de déconnexion, encline qu’elle est à mettre en avant la puissance informationnelle et captatrice (volume des données captées, durée d’autonomie énergétique) des solutions. Toujours dans le registre des tensions sémiotiques, et cette fois-ci à l’intérieur du système patient des significations, il est apparu une autre ambiguïté, toujours à propos du sens même de la connexion. Et par conséquent des attentes exprimées sur le sujet : pour une très large majorité des malades du panel, une solution de santé connectée ne doit pas être synonyme d’une techno-médicalisation de l’espace domestique, et l’objet de soin connecté ne doit pas être intrusif, ni empiéter sur le foyer familial qui doit demeurer privé, territoire par excellence de l’ordinaire et de l’intimité (Staszak, 2001, 344-345). ® La avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 60 Il y a ainsi une demande de plus en plus affirmée mais qui peut sembler paradoxale d’un lieu de soin qui doit être à la fois sécurisant et humanisant, à la fois connecté (sur le plan médical) tout en restant intime. L’on comprend bien ainsi pourquoi seule la catégorie des patients-experts surmontent plus ement cette complexité des séances de prise de parole dédiées à la co-innovation participative. La solution concepteurs majoritairement des admise environnements par les domestiques médicalisés est de rendre le plus discret possible les objets intelligents et les réseaux, c’est à dire le moins visibles possible. Il naît cependant ici une nouvelle « double contrainte » du point de vue de la participation des patients : masquer les technologies pour les rendre acceptables n’est pas sans poser nombre de questions quant à leur appropriation réflexive. En effet, l’invisibilisation des dispositifs connectés dans les espaces de vie contraint les capacités des usagers à les commenter, à en faire des objets d’attention, et donc au développement des savoirs techniques. De manière générale, et ceci devient encore plus problématique dans un contexte où l’« opacité algorithmique » est source de nombre d’inquiétudes posées par les technologies ayant trait au Big Data et à l’Intelligence Artificielle, la participation des patients aux dimensions proprement techniques reste un réel défi de taille à relever. Une difficulté est apparue de manière persistante quand il s’agissait, pour les malades participant aux phases de la co-innovation, d’ouvrir la « boîte noire » de leurs connexions, surtout leurs aspects non apparents (l’infrastructure SmartBan, les ondes et les fréquences, les modalités de collecte, de traitement et d’affichage des mesures), la vigilance ayant été restée happée par les parties les plus visibles et visualisables. Or, il est aujourd’hui admis que les capacités des patients à décoder le contenu des modèles « cachés » (sémiotiques, cognitifs, sociaux, etc.) constituent une condition sine qua none pour un développement thérapeutiques à intégré distance des pratiques (auto-gestion, auto- mesure, auto-soin, communication à distance avec les professionnels de santé. Dit autrement, un accès complet au cœur des logiques des dispositifs connectés semble être un préalable pour que les usagers puissent être véritablement impliqués dans la construction des cadres d’usage respectueux des droits, des libertés et de leur autonomie, comme le suggère le Conseil National de l’Ordre des Médecins (2015 : p. 34.). `COMPETENCES PRECAIRES’ EN TECHNOSANTE : ENJEUX ET DEFIS D’UNE PARTICIPATION EN SITUATION DE MALADIE ET DE DEPENDANCE Alors que le « solutionnisme technologique » (Morozov, 2014) se fait de plus en plus pesant en santé, il devient nécessaire de qualifier davantage les modalités participatives des patients, ce qui revient à accorder davantage d’attention à des savoirs expérientiels qui ne sont pas toujours suffisamment pris L’on a précédemment vu que la santé connectée remet au centre du jeu la question des compétences des patients et fait des environnements domestiques des lieux pertinents du soin mais aussi de production de savoirs. En retour, l’empowerment patient devient intimement lié à un apprentissage individuel familial des gestes dont certains relevaient jusque-là de l’expertise professionnelle. Au regard des enseignements des recherches sur lesquels se base cet article, les patients doivent être « intéressés », « enrôlés » et mobilisés – allusion aux principes de l’actor network theory (ANT)14 – (Akrich et al, 2006) pour pouvoir dire quelque chose à propos de tous les aspects des nouveaux dispositifs ; et cela dans toutes les phases de la co-innovation, de la conception aux process d’é et de capitalisation des projets numériques. Il importe ici de souligner quelques défis épistémologiques et théoriques majeurs à relever. Voir Akrich,M ; M. Callon, B. Latour (2006) ® La sur in le patient : analyses, N°4, 2022, CI P, UCA 64 Du point de vue des sciences humaines et sociales des innovations en santé et du numérique, la focalisation est restée longtemps sur les patients experts ou leaders, les « lead-users » (Von Hippel, 1986) dont les compétences ou les « passions » technologiques sont presque extraordinaires. Il s’agirait cette fois-ci de savoir prendre en compte et capitaliser sur des savoir-faire vraiment ordinaires que les malades développent au cours de leur expérience de la maladie et de la dépendance ; autrement dit, de considérer avec consistance l’expérience pratique des corps précaires, non pas seulement dans ses dimensions invalidantes, mais en tant que moment d’émergence de savoirs originaux. Les résultats de l’ensemble de mes travaux en cours sur le sujet, montrent en effet que les technologies d’assistance les plus efficientes sont celles qui savent tirer l’essentiel de leur force dans leur capacité à dialoguer, voire à intégrer en priorité l’intelligence « normale » des patients, à s’insérer dans l’environnement banal et familier des hommes, à s’adapter à leurs modes opératoires spécifiques. ® sur avec le patient : , , UCA Une telle conception heurte bien évidemment le paradigme de l’« homme augmenté » encore assez prégnante dans certaines logiques d’innovation en technologies d’assistance. À des niveaux davantage méthodologiques et opérationnels, il s’agirait surtout de multiplier des dispositifs pour une écoute renforcée des malades ; avec des outils compréhensifs de collecte de la parole qui offrent aux patients la possibilité d’ouvrir le plus largement possible leur champ d’expérience 15 (Derèze, 2009) (avec des prises de position aussi bien subjectives qu’objectives, sans oublier des interprétations sous le mode de la découverte, en cherchant ce que les nouvelles solutions peuvent apporter d’inédit, etc.). Une écoute appelée à intégrer l’horizontalité en lieu et place d’une transmission/ réception verticale des savoirs experts (médicaux ou ingénieurs). 15 Gérard Derèze (2009, p. 118) lance des pistes pertinentes pour soutenir des méthodes d’échanges ouvertes et compréhensives : « On cherche à faire émerger les propos des acteurs (au travers des réticences et des détours, des silences et des envolées, des gênes et des confidences...), des indices, des descriptions et des représentations de pratiques, donc à la fois des traces concernant un faire, du sens et des valeurs [...]; on s'intéresse à la façon dont les acteurs décrivent leurs activités et, ce faisant, les analysent, les légitiment, les construisent ». ® Un cadre se distinguant du « didactisme » classique en prophylaxie. Dans le même ordre d’idées, les cadres participatifs sont invités à s’ouvrir davantage à la pluridisciplinarité, avec des parties prenantes (soignants, techniciens du numérique, représentants des malades et décideurs de l’action sociale) qui apprennent à mettre en commun savoirs thérapeutiques, numériques et sociaux Une démarche de co-innovation appelée par ailleurs à être continuelle. L’enrôlement des patients participants pourrait être appelé à s’étendre au –delà même de la période des expérimentations ou celle des premières phases d’utilisation des nouvelles solutions, cela dans le but de continuer à partager, à valoriser et à rendre transférables les savoirs et les « arts de faire » des uns et des autres.. Un processus apprenant lui-même appelé à être réajusté, réactualisé et amélioré en permanence. C’est aussi, enfin, que les patients doivent être davantage impliqués dans les controverses scientifiques mais aussi politiques qu’impliquent les innovations numériques, ces dernières induisant une multiplicité de discours et de significations d’usage. La phase actuelle de développement de la santé connectée constitue effectivement un moment de profusion d’expressions de connaissances et d’engagements pratiques variés, une occasion qui exacerbe de façon particulière les sens que les différents co-innovants ont de la maladie, de l’autonomie et de la technologie. Du point de vue patient, un tel cadre d’une participation intégrative serait fondé sur l’apprentissage d’une « éthique de la discussion » (Habermas 1992; 1999; Appel 1987 ; Callon et al, 2001)16, c’est à dire qu’il implique que chaque décideur de la technosanté dépasse sa discipline mais aussi sa culture thérapeutique pour partager ses savoirs et les intégrer dans ceux des autres parties participantes. C’est ainsi qu’il peut émerger progressivement une vision partagée, voire une véritable communauté épistémique. 16 Voir Appel, Karl-Otto (1987). Habermas, Jurgen (1992). Voir aussi le « forum hybride » de Michel Callon & al (2001). ® En guise de méthodologie de médiation à même de favoriser une dynamique d’écoute et de partage en co-innovation centrée patients, l’ethnographie narrative et communicationnelle proposée par Franck Debos et Paul Rasse & al. (2017: p. 217) a ceci de pertinent qu’elle permet à chaque partie coinnovante de se montrer attentive aux remarques et suggestions des autres et de parvenir effectivement à une mise en commun des savoirs ou à des compromis satisfaisants17. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Akrich M., Callon M., Latour B., (2006). Sociologie de la traduction: Textes fondateurs. Paris : Presses des mines. Appel K.O (1987). L’éthique à l’âge de la science : L’a priori de la communauté communicationnelle et les fondements de l’éthique. (Traduction de 17 « Tous explicitent leurs points de vue et confrontent des solutions, creusent les pistes esquissées par d’autres, puis négocient pour trouver des plus complexes, et en même temps plus pragmatiques [...]. On passe d’un vaste panel d’attentes confuses, diversifiées mais peu structurées, peu motivées et peu engagées, à une série de demandes jugées les plus essentielles et réalisables, mieux argumentées, plus convaincantes » (Debos, Rasse & al. 2017 : 217). ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 69 Raphaël Lellouche & Inga Mittmann), Lille : Presses universitaires du Septentrion. Bachimont, B. (2015). « Le numérique comme milieu : enjeux épistémologiques et phénoménologiques ». Interfaces numériques, 4 (3), pp. 385-402. Callon M., Lascoumes P., Barthe Y. (2001), Agir dans monde incertain, essai sur la démocratie sanitaire, Paris, Seuil. Chabrol F. (2008). Enquêter en milieu convoité : les terrains surinvestis de l'anthropologie. Paris : La découverte. Conseil de l’Ordre des médecins (2015). Santé connectée Le Livre Blanc du Conseil national de l’Ordre des médecins : De la E-santé à la santé connectée, janvier 2015. Accessible en ligne : https://www.conseilnational.medecin.fr/sites/default/files/externalpackage/edition/lu5yh9/medecins-santeconnectee.pdf Debos, F., Masoni Lacroix C., Cyrulnik N., Rasse P., Trousse B. (2017). Démarche de co-conception citoyenne dans les processus d’innovation par les usages : le cas du projet Ecofamilies. ISTE OpenScience, London, UK. Derèze, G. (2009). Méthodes empiriques de recherche en communication, Préface : Yves Winkin. Bruxelles: De Boeck. Dubey, G. (2017). « La santé en chair et en nombres ». Annales des Mines - RI, pp. 64-67. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°4, 2022, CI3P, UCA 70 Dubey, G. (2014). « Les nouvelles technologies en autonomie et santé : un déplacement des frontières de la connaissance ». Annales des Mines- RI, pp. 8288. Foudriat, M. (2016). La co-construction : une alternative managériale, Presses de l’EHESP, Paris. Frau-Meigis, D. (2005). « Usages ». Dans C. n. l’Unesco, La « Société de l’information » : glossaire critique (pp. 139-145). Paris: La Documentation française. Gibson, J. (1979), The Ecological Approach to Visual Perception. Psychology Press Classic edition. Harbermas J. (1999). Vérité et justification. (Titre original Rochlitz R. Wahrhei und Rechtfertigung. Philosophishe, Aufsätze, suhrkamp Verlag) Paris : Gallimard. Harbermas J. (1992). Droit et démocratie : entre faits et normes, (titre original : Faktiz ität und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaates) (1992) ; réédition : Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 1997. Hart, J. (2008). Understanding today’s learner. The eLearning Guild's. Learning Solutions eMagazine, URL: http://www.learningsolutionsmag.com/articles/80/un derstanding-todays-learner. Humpheys, P. (2009) The philosophical novelty of computer simulation methods. Synthèse 169 (3) ; pp. 615 - 626. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N° , , CI3 , UCA 71 Mathieu-Fritz A. (2016). « La télémédecine et les nouvelles formes de coopération entre médecins et soignants ». Soins. Nov; N°61(810), pp. 31-34. doi: 10.1016/j.soin.2016.09.005. PMID: 27894476. Morozov E. (2014). Pour tout résoudre, cliquez ici : l’aberration du solutionnisme technologique. Limoges : Fyp éditions. Oudshoorn, N. (2012). « How places matter: telecare technologies and the chan- ging spatial dimensions of healthcare », Social Studies of Science, vol. 42, n° 1, pp. 121-142. Staszak J.-F. (2001). « L’espace domestique: pour une géographie de l'intérieur ». Annales de Géographie. 110e Année, No. 620, pp. 339-363 Strauss A., Fagerhaugh S., Suczek B., Wiener C.( 1982). “The work of hospitalized patients ». Social Science & Medicine. Vol.16, I. 9, pp. 977-986 Villani, C. (2018). Donner du sens à l'intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne. Rapport. Mission confiée par le Premier Ministre Édouard Philippe Mission parlementaire du 8 septembre 2017 au 8 mars 2018. Von Hippel E. (1986). « Lead Users: A Source of Novel Product Concepts ». Management Science. Vol. 32, No. 7, pp. 773-907 Wenger É. (2005). La Théorie des communautés de pratique. Apprentissage, sens et identité, Québec, Canada: Presses de l'Université Laval. Wenger É., McDermott R., Snyder W. M. (2002). Cultivating Communities of Practice: A Guide to Managing Knowledge, Boston, MA: Harvard Business School Press. ® La revue sur le partenariat de soin avec le patient : analyses, N°
23,673
01/hal.archives-ouvertes.fr-tel-01534911-document.txt_7
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,032
13,074
162 CA 1 2 3 San Francisco 24859 Peintre de De Young New York 06.1021.18 5 6 CM Madrid 1999/99/33 Peintre du cômaste de New York Rhodes 13005, Thirteen thousand painter Philadelphie MS 553 (103) Scale painter CM 7 8 9 Los Angeles Coll. Dechter Peintre d'Otterlo Mayence 65 11 12 Louvre E 588 (131) Luxus group 4 Copenhague NM 1631 (68) Peintre du Louvre E 574 10 Londres A1042 (204) Berlin 3925 Proche peintre de Samos Tableau 13 Londres BM 1861.4-25.45 (180) Peintre du Médaillon 163 Le rembourrage du ventre et des fesses des danseurs n'est pas sans annoncer celui des acteurs athéniens de la comédie ancienne du Ve et de la première moitié du IVe siècle avant notre ère. De nombreux auteurs ont, bien évidemment, fait le parallèle dans l'optique d'expliquer la fonction des danseurs rembourrés. Les vases dits « phlyaques » produits dans les colonies grecques d'Italie entre 400 et 320 sont d'ailleurs un témoignage de l'apparence de ces acteurs (pl.95) (Taplin 2007). Les images montrent clairement qu'ils portent un rembourrage ventral placé sous un justaucorps et maintenu par une ceinture posé sur ce dernier. Ils sont également rembourrés au niveau des fesses et de la poitrine. Ces corps rembourrés sont donc considérés à cette période comme comiques (Foley 2000 : 275). A. Piqueux, dans son étude sur l'apparence des corps dans la comédie, fait remarquer qu'ils s'opposent en tout point au corps athlétique idéal. Le corps rembourré, signe de gloutonnerie et d'ivrognerie, est particulièrement laid et ridicule. Mais elle avance une deuxième lecture, autrement plus intéressante. Le corps rembourré n'est plus vu par « le prisme des normes culturelles et esthétiques athéniennes » « à la lumière du mythe du retour au monde originel ». Ce mythe comique renvoie à l'abondance d'un monde utopique où les hommes sont « gras »216 (Piqueux 2006 : 139, 140). Il nous semble, en effet, inapproprié de vouloir faire coller l'image « comique » des acteurs aux danseurs qui sont plus anciens et qui, de plus, sont « nés » dans une autre cité qu'Athènes. À partir de la fin du CA, certains peintres nous montrent les danseurs avec leur sexe apparent sous le chiton rembourré217. Cela correspond à une façon de décrire les personnages, comme sur les scènes de bataille où le sexe du combattant est visible sous la cuirasse. 164 restent proéminentes et, à moins que cela ne fasse partie du style du peintre, il semblerait que ce dernier ait tout de même voulu conserver l'accent sur cet endroit du corps. A. Seeberg pense que ces danseurs sont nus même si cela peut surprendre. Ils représentent pour lui un « extrême » par rapport aux différentes façons de montrer les danseurs : complètement habillés, avec le sexe apparent ou nus. Pour l'auteur, cette « nudité » doit avoir le même sens que le « flap218 » de la coiffure des danseurs, à savoir montrer que la danse est vivante et désinhibée (Seeberg 1971 : 72, 73). Il nous semble plutôt que le peintre a voulu distinguer deux types de danseurs, agissant clairement en interaction. Si les incisions indiquent un habit moulant pour le haut du corps, alors le danseur, sans costume apparent, aurait seulement le bas du corps dénudé (les incisions pourraient-elles signifier la présence d'un bracelet?). Il semble donc que le peintre a voulu montrer de nouveaux danseurs désormais aux côtés des danseurs rembourrés. Il est à remarquer que cette scène se situe en contexte de banquet (cf. 1.3.4.1). Le peintre du Médaillon semble être un des rares peintres219 à avoir mêlé aux danseurs rembourrés des danseurs dénudés. Cette scène reste, de plus, isolée de par sa composition en couples. Un autre vase de la période du CM montre également deux danseurs « nus » mais dans des occupations différentes (5, pl.111). Les danseurs de la scène portent le costume rembourré aux fesses et au ventre. Seuls un aulète et un danseur, qui remplit un vase dans un cratère, sont différents. L'aulète semble complètement nu, sans incisions sur le corps, tandis que le danseur près du vase de banquet a une double incision sur le bras gauche. Il semble avoir, de plus, un ventre proéminent. Ces deux personnages sont impliqués dans des activités autres que la danse et il n'est pas surprenant qu'ils puissent avoir été distingués par le peintre (cf. 1.3.5.2). 1.2.2 Tête Les danseurs rembourrés peuvent être barbus ou glabres. Bien que les deux types existent au CA, soit séparément soit sur un même vase, il semblerait que les danseurs glabres soient plus nombreux. Ils apparaissent ensuite les uns comme les autres aussi fréquemment. Ce signe n'est donc pas un trait distinctif de la période à laquelle sont peints les vases. Pour certains peintres, cela correspond à une habitude, comme par exemple chez le peintre de De Young (fin CA) qui peint ses danseurs glabres (tableau 14, vignette 1). D'autres vont utiliser les deux types de danseurs sur un même vase, mettant alors en relief la différence d'âge. Le peintre de Tarente a même peint sur une coupe des couples de danseurs, alternant pour chacun d'eux un homme mûr avec un jeune (tableau 14, vignette 13). Quelques vases (au nombre de six ou sept) se distinguent par rapport au rendu de la barbe de certains danseurs. Celle-ci est alors plus longue (tableau 14, vignette 4), plus 218 Cf . 1.2.2 A. Seeberg signale quelques autres vases où les danseurs semblent « nus » : Seeberg 1971 : 52. U101, 53. U119, U158, U161. 219 165 fournie voire plus proéminente (tableau 14, vignette 15) que la barbe habituellement peinte. Dans le dernier cas , le dessin suggère l'utilisation par le danseur d'une barbe postiche ( cf . 1.4). Les danseurs portent généralement les cheveux mi-longs ou longs. La chevelure est alors laissée tombante sur les épaules (tableau 14, vignettes 3220, 8221, 14222) ou bien est enroulée au niveau de la nuque (vignettes 7223, 12224). Ils portent très souvent des accessoires sur la tête. La présence d'un bandeau paraît être une constante chez les peintres, allant du modèle le simple au plus décoré (tableau 14, vignettes 6225, 9 et 12). Il n'est pas rare de voir des danseurs dont le bandeau remonte au niveau du front à la façon d'un diadème (tableau 14, vignettes 10226 et 14). Chez certains peintres, la coiffure est moins détaillée et on a l'impression que ce sont les cheveux qui sont coiffés vers le haut (vignettes 4 et 7). Le danseur de la vignette 11 qui porte une coiffe en forme de polos est une exception. L'aryballe, sur lequel il est peint, a été attribué par A. Seeberg au Strutting Group et appartient à la fin du CA (360, pl.96 n°1). L'auteur a créé ce groupe (composé de six vases) lors de l'étude de la production du peintre de Wellcome, un peintre proche (Seeberg 1964 : 49). Les attributions à ce groupe non pas été reprises par D. Amyx. La présence d'un polos sur un personnage masculin est surprenante et ne va pas de soi. Nous n'en avons, en effet, aucun autre exemple dans la production grecque archaïque. C'est un attribut relié au féminin. À Corinthe, une sirène de sexe masculin, barbue et coiffée d'un polos par le peintre de Dodwell, reste la seule occurrence associée à la masculinité. Elle fait face à une sirène féminine sur une pyxis227 du peintre (datée vers 600). Les deux créatures sont coiffées de la même façon, avec des cheveux longs et un polos. Nous sommes ici dans une totale ambivalence. Il existe toutefois quelques représentations à Corinthe de personnages masculins coiffés d'un polos, mais elles sont plus tardives et datent du début du IIIe siècle. Ainsi, une figurine allongée a été trouvée, avec tout un lot de terres cuites, dans un dépôt votif de l'Agora de Corinthe, vraisemblablement voué au culte d'un héros. Elle représente un homme allongé sur une kliné et coiffé d'un polos. Une stèle du même dépôt dépeint une scène au centre de laquelle un homme avec un petit polos est allongé sur une kliné et porte dans une main une corne à boire. Il a été identifié (en fonction d'éléments chtoniens présents) comme étant Hadès (Broneer 1942 : 129, 130). L'association symposion, polos et culte est ici clairement énoncée. Elle est, en revanche, déconnectée de quelques siècles par rapport à notre vase! Unis, Fogg museum 1895.219, CVA Etats-Unis 8, Fogg Museum and Gallatin collections : pl.4.8. Délos B 6.297, NC : 625 ; Seeberg 1971 : 18.34 ; Délos 10 : pl.25. 222 Winchester College 17, NC : 838 ; Seeberg 1971 : 18, pl.4 ; Amyx 1988 : 178.A18 (peintre d'Otterlo). 223 Varsovie 147184, Seeberg 1971 : 35.189a ; Amyx 1988 : 115.A1, pl.48.2 (Wilanow painter). 224 Los Angelès, collection Dechter, Amyx 1988 : 179.A15, pl.68.1 (peintre d'Otterlo). 225 San Francisco DYMM 24859, Seeberg 1971 : 25.91h ; Amyx 1988 : 111.A1, pl.46.4 (peintre de De Young). 226 Cerveteri, Seeberg 1971 : 41, pl.12 ; Amyx 1988 : 116.A2 (peintre de Drouot). 227 Saint-Louis, Art Museum, 174.1924, Amyx 1988 : 206.A2 (peintre de Dodwell). 1.2.3 Pieds Selon le style des peintres, les pieds sont d'aspect plus ou moins soigné, de longueurs et de finesses différentes. Ils sont montrés à plat sur le sol, sur la demi-pointe ou en l'air, projetés vers l'avant ou vers l'arrière (tableau 15, vignettes 1, 2232, 3, 5). Certains peintres ont dessiné le pied, qui est en l'air, de façon recourbée. Cette position du pied est appelée en danse le « pied pointé ». Il semblerait que cette manière de le dessiner soit plus courante au CM. Ainsi, les peintres du Louvre E 574 et d'Otterlo ont élégamment doté la jambe, dégagée vers l'avant, de leur danseur d'un tel pied (tableau 5, vignettes 5, 6). De même, le peintre d'un cratère et le peintre de Tarente ont « pointé » le pied de la jambe repliée vers l'arrière de leur personnage (tableau 15, vignettes 4233, 7). 228 Gela, G115, Seeberg 1971 : 29.127 ; Amyx 1988 : 109.A11 (peintre de la Trobe). Chevelure claquante, battante. 230 Notamment les cavaliers du cratère d'Eurytios (138, pl.42, 43). 231 Hanovre, Kestner Museum, 690, Seeberg 1971 : 42.217, pl.11.b, c. 232 Melbourne, Seeberg 1971 : 32.165, pl.9 ; Amyx 1988 : 109.A1, pl.46.6 (peintre de La trobe) 233 Paris, Louvre E618, Seberg 1971 : 30.144. 229 168 1 Moscou II.1.b.7 (358) Moscow gorgoneion kylix P 4 2 3 Melbourne Peintre de La Trobe 5 Athènes 992 (276) peintre de klyka 6 Copenhague NM 1631 (68) Peintre du Louvre E 574 (groupe de la Chimère) 8 Marché de Bâle (366) Peintre d'Otterlo Louvre E 618 7 9 Corinthe KP 1589 a, b Louvre E 740 (149) Oxford 1968.1835 (212) Peintre de Tarente 10 Tarquinia RC 1817, New York Comast painter 13 Corinthe C-73-73 11 Louvre S 1104 (173) Peintre de La Trobe 14 Bonn 672 (33) Ephebe painter 12 Athènes 3680 (265) Skating painter 15 Syracuse 12577 (336) Tableau 15 169 Nous rencontrons aussi des danseurs qui possèdent un voire deux234 pieds dont l'aspect est différent. Recourbé vers l'arrière de façon outré ou tourné en dedans, ce type de pied laisse penser qu'il s'agit d'un pied estropié. Cela concerne 25 vases soit 7,2 % du total (sur 348 vases entiers). A. Seeberg a recensé ces vases mais sans faire de distinction entre les pieds « pointés » et les pieds apparemment estropiés (Seeberg 1971 : 104). Il est vrai que sur certains vases, il est difficile de déterminer qu'elle a pu être l'intention du peintre. Ainsi, les danseurs de la vignette 8235 ont une e repliée vers l'arrière qui semble reposer sur le sol en appui sur le dos du pied. Cette posture fait-elle partie du langage corporel de la danse ou le peintre a-t-il voulu signifier l'existence d'un pied atrophié? On peut se poser la même question concernant le danseur de droite de la vignette 9. Le doute n'est pas contre plus permis pour son compagnon situé à gauche du cratère. Le peintre l'a doté d'un pied non pas recourbé vers l'arrière mais vers le haut (difficile à distinguer sur la photo car il touche le pied du vase). Les personnages des vignettes 10236, 11, 12 et 13237 ont un pied dessiné dans une position impossible à avoir avec un pied normalement constitué. Il est, en effet, non seulement recourbé vers l'arrière mais aussi arrondi de façon à former un crochet. C'est clairement ici un pied estropié. Le peintre de La Trobe a même quadrillé d'incisions la jonction du pied de son danseur avec la jambe (tableau 15, vignette 11). Le danseur serait-il affublé d'un faux pied-bot? Enfin, certains danseurs ont un pied ou les deux tournés en dedans ou vers l'arrière (tableau 15, vignettes 14 et 15). Ces danseurs ne présentent donc pas de pied atrophié mais sont dotés de pieds qui fonctionnent en sens inverse et affectent donc leur démarche. À la différence du pied-bot qui entraîne un boitillement, ces pieds modifient la direction de la marche. Le danseur ne marche alors plus « droit » mais part sur le côté. Il est à remarquer que plusieurs danseurs de la même scène peuvent posséder un pied atrophié ou dont le sens est modifié. Ces danseurs sont souvent proches d'un vase de banquet, cratère ou dinos. Cet aspect physique des danseurs était suffisamment important pour qu'un peintre ait donné le nom de Loxios, le tordu, à un de ses danseurs (117, pl.99 n°2). C. Isler-Kerényi voit dans le pied-bot un signe de différence qui appuie sur l'aspect carnavalesque de la danse. Les danseurs sont différents des figures héroïques par bien des aspects : leur corps et ce pied (Isler-Kerényi 2007 : 19). Ce signe iconographique a surtout été rapproché, par la plupart des auteurs, de l'infirmité du dieu Héphaïstos, dieu forgeron et maître du feu. Une version du mythe raconte que boiteux, il a été rejeté à sa naissance par sa mère Héra et envoyé hors de l'Olympe. Il s'est vengé en lui offrant un trône de sa fabrication dont les cordes invisibles l'ont entravée dès qu'elle s'y assit (Carpenter 1998 : 1316). Le pied-bot des danseurs rembourrés peut, en effet, être rapproché avec certitude de l'estropiement du dieu. L'étude de M. Detienne et J. P. Vernant sur « les pieds 234 A. Seeberg signale un seul vase où le danseur a les deux pieds estropiés, Seeberg 1971 : 34.176. Corinthe KP 1589 a, b, Corinth XV : n°693, pl.32, 103. 236 Tarquinia RC 1817, Seeberg 1971 : 32.161 ; Amyx 1988 : 113.A 2, pl.47 .2 (New York Comast paint er ). 237 Corinthe C-73-73, Amyx 1996 : pl.27.112 . 1.2.4 Gestuelle Il semblerait que les premiers peintres (du CA), quel que soit l'atelier dont ils sont issus, aient voulu mettre un accent particulier sur les mains des danseurs. Celles-ci sont en effet souvent disproportionnées par rapport à la taille du bras et même du corps des danseurs (tableau 16, vignettes 1238, 2239, 3, 4240). La main est souvent peinte en silhouette, le pouce étant visible et les doigts démesurément allongés (tableau 16, vignettes 1, 3, 7). Ces derniers sont quelquefois rendus visibles par plusieurs incisions (tableau 16, vignettes 2, 4, 5, 6). La paume est soit orientée vers le haut, soit tournée vers le sol. Les mains des danseurs lorsqu'ils se font face peuvent s'entrecroiser. Les vases du CM nous montrent des danseurs dont les mains sont pour la majorité de taille plus proportionnée au reste du corps (tableau 16, vignettes 5, 6). 238 Bryn Mawr P-46, Seeberg 1971 : 28.121a, pl.7 ; Amyx 1988 : 110.C3 (relié au peintre de La trobe). Oxford 1947.237, Seeberg 1971 : 29.132b, pl.7 ; Amyx 1988 : 107.A1, pl.46.3 (peintre de Falstaff). 240 Corinthe C-62-504, Corinth VII.II : An 156, pl.59, 104, 109. 239 171 CA 1 2 Bryn Mawr P-46 Relié au peintre de La Trobe Oxford 1947.237 Peintre de Falstaff 4 CM 5 Corinthe C-62-504 (An 156) Marché de Bâle (366) Peintre d'Otterlo 7 8 « pince » Copenhague NM 1631 (68) Groupe de la chimère Tarquinia RC 1817, New York Comast painter 10 11 Louvre E 740 (149) Corinthe KP 2376 (Corinth XV n°686) 3 San Francisco 24859 (cf. note 225) Peintre de De Young 6 Berlin 3925 (cf. note 214) Proche peintre de Samos 9 Louvre E 598 12 Corinth KP 1280 (Corinth XV n°786) Berlin 4856 (5) Tableau 16 Certains peintres dessinent les mains de leurs danseurs de façon très schématique (tableau 16, vignettes 8241, 9242, 10). Ces mains semblent prendre dans ce cas l'aspect d'une pince. Cette comparaison est peut-être fortuite mais n'est pas sans nous interpeler. Ces 241 242 Tarquinia RC 1817, cf. note 236 Paris, Louvre E598, Seeberg 1971 : 32. 166. 172 mains seraient-elles connectées aux pieds estropiés en forme de crochet ou de pince? De même, les mains des danseurs de la vignette 12 sont peintes, par deux peintres différents, de la même façon que certains pieds recourbés vers l'arrière (cf. 1.2.3). L'avant-bras gauche du danseur de la vignette 11 montre, en plus de l'apparente pince, trois curieuses excroissances, comme si un élément différent avait été rajouté. La forme en « pince » de ces mains est-elle à mettre sur le compte des différences stylistiques des peintres ou bien faut-il y voir un renforcement du lien des danseurs avec Héphaïstos? Le dieu est, en effet, non seulement estropié des pieds mais aussi des mains. M. Detienne et J.-P. Vernant nous ont rappelé que Kullos qui définit entre autres Héphaïstos « désigne aussi bien le pied-bot que la main crochue, la main creusée en sébille dont la forme évoque aussi pour les Grecs la pince du crabe ». De plus, le nom du crabe en grec (Karkinos) signifie aussi les tenailles du forgeron (Detienne, Vernant 1974 : 256, 257). Il nous semble donc que sur certains vases les peintres ont eu l'intention de rendre compte d'une position spécifique des mains des danseurs, position qui renvoie à l'évidence aux éléments de caractérisation d'Héphaïstos. Globalement, il se dégage de toutes ces images une grande expressivité gestuelle et une grande amplitude de mouvement, en accord avec le reste du corps et le jeu de jambes. Les peintres, par l'attention portée aux mains, nous transmettent quoi qu'il en soit l'aspect essentiel de celles-ci dans la danse. 1.3 Étude de la série : les danseurs dans leur contexte La série ne sera étudiée que pour les vases du TR, du CA et du CM. Les vases tardifs montrent en effet des connexions avec les vases attiques et seront donc étudiés à part. 1.3.1 Schéma iconographique : un ou plusieurs danseurs Figure 1 173 Les peintres ont généralement choisi de montrer les danseurs rembourrés agissant ensemble dans une danse de groupe. Ainsi, une très forte proportion des vases (292 sur 344 soit 85 %), est décorée de plusieurs danseurs. Le nombre de vases où nous ne trouvons qu'un danseur isolé ne représente que 15 % du total (52 vases) (cf. figure 1). Le danseur seul apparaît aussi bien sur des vases du TR et du CA, que du CM et même du début du CR. Trois cas de figure sont possibles : - le danseur est représenté au milieu d'une frise animalière, - il est le motif central de deux figures affrontées (animaux, créatures mythologiques ), - il est représenté seul, soit sur un côté de vase (généralement alabastres ou aryballes), l'autre côté étant ornée d'un animal ou d'une créature mythologique, soit il est le motif unique d'une céramique, ce qui est plus rare. C'est ainsi que l'on trouve sur quelques vases, essentiellement produits au CA, un danseur parmi plusieurs autres figures. Le Scale painter a choisi d'intégrer de cette façon un danseur sur un grand alabastre, conservé à Philadelphie (103, pl.97 n°1). Son personnage dessiné avec soin occupe pourtant une position marginale au milieu de la deuxième frise, à l'arrière du vase. Deux panthères lui tournent le dos et encadrent deux cavaliers se faisant face devant un trépied sur l'avant du vase. Chez d'autres peintres, le danseur rembourré occupe une place centrale, encadré par deux figures. Ce type de composition héraldique est typique du CA et du début du CM. C'est souvent un motif floral ou un animal qui est placé au centre de la composition. Nous avons vu ce type de décor avec un danseur rembourré est apparu dès la période Transitionnelle, chez un peintre relié au peintre de Palerme 489. Il avait choisi d'orner son aryballe d'un danseur encadré de deux lions (256, pl.94 n°2) (cf. 1.1). C'est également le cas, par exemple, d'un peintre de la fin du CA qui a décoré l'épaule d'un cratère à colonnettes dont il ne subsiste que deux fragments (280, pl.96 n°2). Le danseur fait face à un des deux lions. Sa main gauche est peinte de telle façon qu'on a l'impression qu'il enserre la gueule de l'animal entre son pouce et les autres doigts. Un plat et deux coupes décorés d'un danseur unique, à l'intérieur ou au revers, sont parvenus jusqu'à nous. La première coupe, produite au CM, est passée sur le marché de l'art à Bâle en 2010 (367, pl.98 n°1). Son extérieur est en vernis noir décoré de bandes rouges tandis que l'intérieur est orné d'un magnifique danseur rembourré. Il est facilement reconnaissable par sa posture et son costume. Le peintre a pris un soin particulier au décor de ce dernier. Le personnage porte le « flap », coiffure des premiers danseurs. La deuxième coupe date également du CM. L'intérieur est décoré d'un danseur rembourré (285, pl.98 n°2). Le peintre a choisi d'orner le chiton d'une spirale, comme chez le Scale painter, un contemporain. Le danseur est en appui sur la jambe droite de façon à pouvoir soulever sa jambe gauche et placer la pointe de son pied vers l'arrière. Nous retrouvons la même position des pieds et des jambes chez le danseur qui orne le revers d'un plat, conservé à Copenhague (68, pl.98 n°3). Le dessin de ce personnage, très soigné, reflète une certaine élégance de trait. L'intérieur est décoré de deux panthères héraldiques. Ce plat a été attribué par P. Lawrence au peintre du Louvre E 574, le plus jeune des peintres du groupe de la Chimère. Ce peintre est un élève du peintre de Colomb et a exercé pendant à peu près un quart de siècle à la fin du CM et au début du CR (Lawrence 1996 : 56). Ce choix d'isoler le danseur pour en faire un motif central (ou un élément de frise) nous indique que cette figure constitue le plus petit dénominateur commun de l'iconographie. Le danseur rembourré pris isol doit être suffisamment reconnaissable par l'utilisateur du vase pour être identifié comme tel. Le peintre le dote donc des caractéristiques minimales permettant cette identification et rajoute à l'occasion certains attributs importants à ses yeux. Ce danseur isolé suffit à lui seul à représenter tous les autres. 1.3.2 Positions des danseurs Les danseurs rembourrés exécutent une danse à base de mouvements répétitifs qui peuvent être facilement repérés sur les vases. Les peintres représentent, en effet, les différentes postures des danseurs avec une grande homogénéité. Ainsi, certaines positions forment le tronc commun des représentations. Nous les avons appelées les positions de base. Le danseur a les genoux pliés, et se tient soit sur ses jambes jointes soit sur un pied, l'autre jambe étant montée vers l'avant ou lancée vers l'arrière (tableau 17, vignettes 1, 2, 3). Il est en appui sur les pieds à plat ou sur la demi-pointe. Il est quelquefois plus près du sol et se retrouve en position accroupie (tableau 17, vignette 4). Les bras font partie intégrante de la danse, soumis à une gestuelle dynamique, un devant, l'autre derrière avec les coudes pliés et saillants. La paume de la main du bras de devant est souvent orientée vers le haut et celle de derrière vers le bas. Le danseur peut aussi avoir les deux mains vers l'avant ou les bras le long du corps (tableau 17, vignettes 5 et 6). Certains peintres introduisent bien sûr des subtilités et des variantes au schéma général. Ainsi, le danseur peut tendre les deux bras 175 Positions de « base » 1 Philadelphie MS 553 (103) Scale painter 4 2 Berlin 3925 (cf. note 214) Proche peintre de Samos 5 3 Brynn Mawr P46 (cf. note 238) Flap group 6 Moscou II.1.b7 (358) Moscow Gorgoneion kylix painter Melbourne (cf. note 232) Peintre de La Trobe Berlin 3925 (cf. note 214) Proche peintre de Samos New York Metropolitan V06.600 Variantes 7 8 9 Athènes 271 (263) 10 Louvre E740 (149) 11 Pérachora 2543 (Perachora II) Genève 6056 (370) Oslo (351) Peintre de De 06, en l'air (tableau 17, vignette 7244), mettre ses mains sur les fesses ou au niveau du ventre (vignette 9), replier un bras au niveau de la tête (tableau 17, vignette 10). Certains danseurs sont en position assise avec une jambe croisée par-dessus l'autre (tableau 17, vignette 11). On en trouve également quelques-uns en position de « course » (tableau 17, vignette 12). H . 1.3.3 Choix du nombre de danseurs et positionnement Nombre de danseurs 40,0% 35,0% 30,0% 25,0% 20,0% 15,0% 10,0% 5,0% 0,0% 2 3 4 5 6 7 8 9 et plus Figure 2 244 Toulouse, musée St Raymond, 26.06, Seeberg 1971 : 15.6, pl.3.c-e. Athènes MN 271 (263, pl.99 n°4). 246 Cf. Séchan 1930 pour les danses en Grèce ancienne. 245 177 Le nombre de danseurs est le plus souvent inférieur à six, avec une prédilection chez les peintres pour le trio qui représente 35,5 % du total (cf. figure 2). Il est évident que les peintres s'adaptent en général à la taille des vases, mais ce n'est pas une règle absolue puisque nous pouvons trouver des cratères avec trois danseurs alors que des aryballes pourront en compter cinq ou six. La symétrie n'est donc pas recherchée ici, mais peut-être à la place une impression de déséquilibre, de mouvement. Ce sont ensuite les scènes avec 4 ou 5 danseurs qui sont les plus nombreuses. Un certain nombre de vases comporte même un grand nombre de personnages (12, 15 et même le chiffre record247 de 34) nous donnant alors l'impression d'une multitude. orientation des danseurs Alignés 176 89 en interaction Figure 3 Les peintres préfèrent impliquer les danseurs dans des situations où ils interagissent (66,5% des vases), bien que sur un tiers des scènes les danseurs soient alignés les uns derrière les autres (cf. figure 3). 40,0% 35,0% 30, 0% 25, 0% en interaction 20,0% 15,0% alignés les uns derrière les autres 10,0% 5,0% 0,0% 2 Figure 4 247 Seeberg 1995 : 4. 178 3 4 5 6 7 8 9 et plus Lorsque les danseurs sont par paire, ils se font face et se regardent. Leurs bras font partie du mouvement et peuvent se croiser (tableau 18, vignette 1248), ou se balancer vers l'avant ou l'arrière de façon alternée (tableau 18, vignette 2249). Dans le cas des trios, les danseurs sont soit alignés, soit deux danseurs font face au troisième (cf. figure 4). À partir de quatre, ils sont le plus souvent en interaction, par paires ou ils font face à l'un des leurs (117, pl.99 n°2 ; 347, pl.99 n°3). A. Seeberg en a déduit qu'il y avait un leader dans le groupe (Seeberg 1971 : 1), ce qui est tout à fait possible. Les peintres « animent » également la tête des danseurs en leur donnant une orientation différente de leurs corps. Ainsi, il leur arrive de regarder les partenaires situés derrière eux (289, pl.99 n°1 ; 263, pl.99 n°4). 1 2 3 Délos B 6.254 Londres BM 1865.07-20.14 4 5 Windsor Eton college ECM 2315 (215), Wilanow p. 6 Genève 6056 (370) 7 Londres BM 1877.09.30.5 Londres BM 1877.09.30.5 Gela G115 (cf. note 228), peintre de La Trobe Tableau 18 248 249 Délos B.6.254, NC : 630A ; Seeberg 1971 : 33.171. Londres BM 1865.07-20.14, Seeberg 1971 : 33.174, pl.5.c. En plus des images où les danseurs effectuent cette chorégraphie de base, il en existe des plus complexes qui nous montrent certains danseurs engagés dans des mouvements où le contact est plus grand et où le déséquilibre prédomine. Ainsi, sur certaines scènes, le danseur situé à l'arrière attrape le bras de celui de devant (tableau 18, vignette 3) qui peut de plus être saisi à la cheville par un troisième (tableau 18, vignette 4). Le but de ce geste étant, comme nous pouvons le voir sur les vignettes 5250, 6 et 7, de déséquilibrer le danseur qui tombe alors à la renverse. 1.3.4 Attributs, objets et personnages directement associés 1.3.4.1 Autour du vin Attributs et vases nombre de % du total vases (306) Cornes à boire 51 16,7% Gobelets 2 0,7% coupe ou mastos à anses? 1 0,3% Pichets, oenochoés 11 3,6% Outres à vin 6 2,0% Cratères 12 3,9% Dinos 4 1,3% Amphores 2 0,7% Jarres 2 0,7% Total 91 29,7% Tableau 19 Un tiers, à peu près, des images avec danseurs rembourrés fait référence à un vase relié à la consommation de vin (cf. tableau 19). Tout d'abord, les danseurs tiennent très souvent un vase à boire, corne et plus rarement gobelet ou coupe (17,7 % des images de danseurs). La corne à boire est quasiment le seul type de vase à boire utilisé par les danseurs (51 vases sur 54). Elle possède cette ligne particulière, commune à beaucoup de peintres, de forme fine (tableau 20, vignettes 2, 3) et très allongée (tableau 20, vignette 4). Souvent le bas du vase prend une forme courbe et sinueuse (tableau 20, vignettes 5-8). Ce sont surtout les représentations du CM qui montrent cette caractéristique. La corne de la vignette 1, en forme de cône sur le haut, reste rare (peut-être est-ce une torche? ou plus simplement une bavure de vernis?). L'association des danseurs avec la corne à boire les relie directement au 250 Londres, BM, 1877,09-30.5, Seeberg 1971 : 34.185, pl.10. 180 (CA) 1 2 Londres BM 1884.10.11.48 (188) Peintre de La Trobe 4 Sotheby's 16.12.1992 Oslo 6922 (352) 7 Paris, Louvre 1193.3 Paris, Louvre E620 (132) (CM) 5 6 Oxford 1968.1835 (212) Peintre de Tarente 8 Athènes 536 (272) peintre de Patras Paris, Louvre 1193.3 (BA : 9019294) Berlin 4856 (5) 10 (Fin CA) 3 9 Athènes 2441 (262) 11 12 Cambridge GR 45.1896 (176) Peintre d'Otterlo Corinth C-62-504 (cf. note 240) Tableau 20 vin mais aussi à un monde « antérieur ». En effet, la corne à boire est un vase très ancien qui était utilisé dans la civilisation minoenne. On a retrouvé dans les palais des exemplaires de ce type de vase en argent et en or ainsi que certains en forme de tête de taureau. Ces vases étaient destinés à contenir du vin et servaient lors de rituels (Kerényi 1996 : 53). On trouve très peu de cornes à boire représentées à Corinthe en dehors des scènes où il y a des 181 danseurs rembourrés. Les symposiastes tiennent essentiellement des coupes ou des skyphoï. Seul (à notre connaissance), le peintre d'Athana a peint une corne à boire dans la main d'un banqueteur sur une scène de symposion (135, pl.56). La corne se trouve aussi dans les mains d'Héphaïstos et d'un personnage identifié comme étant Dionysos, en présence de danseurs rembourrés, dans deux représentations du retour du dieu dans l'Olympe (cf. 1.4). Selon A. Seeberg, la corne est un vase de la mythologie. Elle était généralement utilisée par les barbares et les gens « rustiques ». Elle aurait été l'attribut de Dionysos en Thrace (Seeberg 1971 : 73, 77 note 10). Ce dieu est très rarement représenté à Corinthe. La seule image complète que nous ayons de lui l'associe à la corne à boire, mais plus tard vers 570 (cf. 1.4). L'allure de Dionysos sur cette scène montre une influence attique mais la corne à boire ne lui est associée à Athènes que plus tard, vers 560 (cf. Chapitre 3). Il est dès lors tout à fait justifié pour C. Isler-Kerényi de mettre en parallèle la corne à boire des danseurs, peints dès la période TR, avec un monde précédant le monde civilisé du banquet, quand les restes d'animaux du sacrifice étaient utilisés en vase. L'association de ce vase à la danse évoque pour l'auteur un monde au-delà du monde humain (Isler-Kerényi 2007 : 33, 34). D après C Copenhague : pl. 53.10. Athènes, Agora P7196, d'après Agora VIII : pl.9.152. Athènes 2441 (262) 5 6 7 8 Paris Drouot 26/06/1931 (112) Tableau 21 Céramique 2026 (Courbin 1953 : 324 fig.1) Athènes 664 (274) New York, Met. 26.164.27 Sur un autre vase du peintre, un personnage suit, en marchant, un groupe de danseurs (112, tableau 21, vignette 5). Il est vêtu du même costume qu'eux. Il porte sur son épaule gauche une outre à vin et dans sa main droite un vase hybride. Ce vase pourrait ressembler à un canthare mais ses deux anses ne sont pas dépassantes ; il est muni d'un col et d'un grand pied conique. Ce pied évasé en cône existe pour des vases Protogéométriques en Attique et en Argolide en ce qui concerne la Grèce (Courbin 1953 : 322). C'est le cas, par exemple, d'un exemplaire du Protogéométrique attique qualifié de « canthare » (tableau 21, vignette 6). Ce type de pied disparaît ensuite à la période géométrique. Le peintre aurait-il voulu faire référence à un type de forme qui lui semblait antérieur, rattaché à une époque lointaine comme pour la corne à boire et le vase à anses verticales? Il a doté son vase d'un col qui le fait également ressembler à une petite amphore ou un cratérisque (tableau 21, vignette 7). La place des anses n'est pas la même, mais cette comparaison est également pertinente. Si on s'éloigne de Corinthe, on peut aussi trouver une grande ressemblance entre la forme du vase tenu par le danseur et le lydion, compte tenu évidemment que ce dernier ne possède pas d'anses (tableau 21, vignette 8). Mais le lydion est un vase à parfum Quelques images nous montrent des danseurs qui tiennent un vase (pichet ou oenochoé) destiné à puiser le vin dans le vase de banquet (tableau 20, vignettes 9-11). Tous ces vases connectent les danseurs directement à la pratique collective du symposion. Le lien est plus manifeste encore lorsque le danseur porte une outre à vin sur l'épaule. C'est le cas sur six vases décorés de danseurs rembourrés. L'outre est particulièrement visible sur l'épaule d'un danseur peint sur une oenochoé à embouchure ronde (dite corinthienne) (tableau 20, vignette 12). Il fait face à un autre danseur et tient une oenochoé dans sa main 183 droite. Les danseurs rembourrés ne se contentent donc pas de boire du vin mais ils sont chargés également de le transporter. Un mastos conservé à Athènes porte une scène plus complexe (262, pl.100). La scène s'enroule autour du vase, interrompue sous une anse par une sphinge. À la droite de celle-ci, cinq danseurs dont un flûtiste effectuent des pas. Une sirène est posée sur une branche, dans le champ, entre deux d'entre eux qui semblent sauter. Un personnage plus petit (au niveau de l'anse) et glabre porte dans sa main droite une corne à boire et sur son épaule gauche un objet dont la forme évoque, pour les uns, une peau de bête sauvage, et pour les autres une outre vide. Une deuxième sirène est peinte sous l'anse et fait la jonction avec quatre autres danseurs glabres dont le premier est en train de remplir un pichet dans un vase qui ressemble à un cratère à colonnettes. Le troisième porte une corne à boire tout en effectuant un saut, une jambe en l'air. Le petit personnage de l'autre groupe, avec son vase à boire, fait le lien avec ces danseurs. Il aurait donc vidé son outre dans le cratère et rejoint le groupe plus âgé. Nous avons donc ici, la connexion explicite des danseurs avec la pratique collective de la boisson. De plus, des créatures hybrides féminines leur sont associées. Une vingtaine de scènes recensées associe les danseurs avec les vases de banquet destinés à la mesure du mélange d'eau et de vin. Le plus fréquent est le cratère. Certains danseurs se retrouvent autour du vase pour remplir corne ou oenochoé tandis que d'autres effectuent des pas de danse. C'est le cas, par exemple, de la scène peinte sur un mastos conservé au musée du Louvre (149, pl.101). Il met en scène de façon symétrique deux couple dansant de chaque côté d'un cratère autour duquel deux autres danseurs s'affairent. L'espace du cratère est occupé par tous les types de vases qui font référence au vin puisque ces deux danseurs tiennent respectivement une corne à boire et une oenochoé, vase à verser, au-dessus du vase à mélanger. Nous avons eu l'occasion de mettre en évidence que ces deux personnages ont chacun un pied estropié. Il semblerait que les peintres fassent quelquefois le lien entre pied-bot et vases de banquet (cf. 1.2.3). Corne à boire et oenochoé sont aussi portées par certains des autres danseurs. Le cratère, représenté seul, n'en demeure pas moins connecté au symposion. Il est le point de départ de la distribution du vin et un signe de convivialité. Il est le symbole des pratiques grecques : le mélange d'eau et de vin, la distribution mais aussi la consécration du vin par la libation (Lissarague 1990.1 : 203, 204). Le cratère est donc le lieu de partage de la boisson entre les danseurs. Il unit la danse et le symposion (il est à noter que les danseurs boivent tout en dansant). Dans la juxtaposition des cornes à boire avec les vases destinés à la consommation civilisée du vin, les peintres font se rejoindre les deux mondes, le monde primitif et celui organisé par la cité. L'association des danseurs au symposion est encore plus explicite chez au moins deux peintres qui ont mêlé les danseurs à un seul convive allongé sur une kliné. Le peintre du Médaillon (fin CM), a ainsi représenté un groupe de six danseurs à côté d'un symposiaste qui les regarde évoluer (180, pl.102). Celui-ci porte un long chiton et est allongé sur le coude gauche sur une kliné devant laquelle sont posés une trapeza chargée de victuailles et un 184 tabouret. La richesse qui se dégage des meubles, des tissus et de la présence de victuailles caractérisent ce personnage comme un aristocrate (Schäfer 1997 : 30). La présence d'un sanglier en train de se faire attaquer par deux lions de l'autre côté de la kliné appuie, pour A. Schäfer, sur le lien chasse/symposion et représente l'idéal de la « classe supérieure ». Nous proposons d'y voir la cohabitation des mondes civilisé et sauvage, ce dernier représenté à la fois par les danseurs et les lions. Le symposiaste fait clairement partie de la scène de danse à laquelle il e par le regard. De plus, le peintre n'a pas distingué ses traits de ceux des danseurs puisqu'il est barbu comme eux et coiffé de la même façon avec un bandeau dans les cheveux. Les danseurs sont rembourrés ou ont le bas du corps dénudé. Les danseurs dont le sexe est apparent apportent une touche plus exhibitionniste à la danse associée au banquet. Il semblerait que le peintre ait voulu distinguer deux types de danseurs (cf. 1.2.1). La présence de ces danseurs au banquet semble ainsi permettre à la danse de prendre un caractère plus « libéré » avec pourquoi pas l'intrusion de danseurs différents (symposiastes qui prennent part à la danse?). Le skating painter (CM) sur un plat conservé à Athènes (265, pl.103 n°1) a, quant à lui, mêlé plus intimement les danseurs, le banqueteur252 et des personnages féminins qui participent ensemble aux réjouissances et à la boisson. Nous détaillerons plus loin la présence des femmes dans cette scène (cf. 1.3.5.2). Il est à noter qu'il n'y a sur cette image, comme pour celle du peintre du Médaillon, qu'un seul symposiaste. Ceci a interpelé E. Pemberton qui pense que le banqueteur ne doit pas être considéré comme un mortel. Le symposion, dans la vie de la cité, ne peut se tenir avec une seule personne. Elle ne va pas jusqu'à identifier le personnage avec Dionysos (comme l'avait fait auparavant H. Payne), mais une connexion dionysiaque est pour elle possible. Cette scène est un banquet en l'honneur d'un héros ou d'un dieu. Les danseurs rembourrés ne peuvent être considérés comme des participants aux symposions privés (Pemberton 2000 : 87-89). À l'inverse, B. Fehr et A. Schäfer considèrent les danseurs comme intervenants directs au symposion. Les danseurs interviennent selon A. Schäfer pour divertir. Il semble que déjà à l'époque homérique, le banquet était le lieu d'expressions musicale et corporelle. Les écrits racontent l'existence de danses acrobatiques. Il pense que les danseurs s'opposent, par leur attitude, à l'idéal de comportement aristocratique et ainsi le révè lent en creux (Schäfer 1997 : 14-18, 35). B. Fehr a, de son côté, voulu faire coller l'iconographie des danseurs rembourrés aux textes rapportant l'existence d'Akletoi, ces hommes inférieurs socialement aux banqueteurs et qui les divertissaient contre de la nourriture et du vin. Ils se seraient déguisés pour correspondre à leur image de gloutonnerie. Le handicap visible chez certains danseurs serait destiné à faire rire les symposiastes de la même façon que les dieux se sont moqués d'Héphaïstos (Fehr 1990 : 185, 186, 188). L'auteur se réfère en cela à l'Odyssée d'Homère qui décrit Ulysse comme le premier Akletos lorsqu'il s'impose en tant que mendiant à un banquet. Il cite aussi, par exemple, Archiloque qui décrit comment les habitants pauvres de Mykonos s'imposent aux banquets ainsi que Xénophon qui parle de 252 Ce personnage est bien masculin. 185 telles pratiques dans « Le banquet ». Ces textes traitent de comportements et de contextes qui nous semblent bien éloignés de notre sujet et le témoignage de Xénophon est déconnecté de plusieurs siècles avec nos danseurs. B. Fehr n'hésite pas à sélectionner les images et à les sur-interpréter pour les faire correspondre à son discours. Il ne faut pas réduire le rôle des danseurs rembourrés à celui « d'amuseurs ». Ils sont un type bien spécifique de danseurs qui interviennent dans des contextes différents (cf. 1.4). Leur lien avec le vin est manifeste par l'intermédiaire des vases qui se trouvent dans leur proximité et l'ivresse joue certainement un rôle dans leur danse. Mais celle-ci reste codifiée et donc dans une certaine mesure contrôlée. Leur implication dans le banquet n'apparaît explicitement que sur deux253 scènes, de surcroît du CM, et implicitement sur 16 images (avec vases de banquet, cratères ou dinos). Il reste difficile de déterminer quel est le contexte de ce type de banquet, mais la présence d'un unique symposiaste semble, en effet, aller dans le sens d'un banquet spécifique. Cet aspect du domaine d'intervention des danseurs est-il mineur ou faut-il considérer que le banquet est évoqué implicitement dans toutes les images? 1.3.4.2 Autour de la musique Certains peintres ont associé directement des danseurs à des instruments de musique et plus particulièrement avec l'aulos (tableau 22). Le personnage, qui tient l'instrument, est généralement habillé du chiton rembourré et se tient au milieu des autres danseurs (334, pl.103 n°2 ; 298, pl.103 n°3). La lyre (336, pl.104 n°1) n'apparaît que sur deux vases dont un avec un contexte de chasse. La musique est, en effet, indispensable à la danse à laquelle elle donne le rythme et le ton. Les danseurs sont donc aussi musiciens. Selon P. Ghiron-Bistagne, les danseurs chantaient également (Ghiron-Bistagne 1976 : 262). objets nombre de vases % du total (306) Lyre 2 0,7% Aulos 18 5,9% Tableau 22 Un seul254 vase dépeint des danseurs accompagnés d'un aulète. C'est un alabastre décoré par le peintre de Drouot, peintre que nous avons déjà rencontré par rapport à la fréquence des vases tenus par ses danseurs (310, pl.104 n°2). Un lézard marque la 253 Un troisième vase dépeint des danseurs rembourrés en compagnie d'un symposiaste mais également de personnages montés sur une mule. Cette scène pourrait être identifiée comme un retour d'Héphaïstos (cf. 1.4.4). Un quatrième vase date du CR (présence d'une femme à côté du banqueteur) (cf. chapitre 3). 254 Nous avons également le plat du skating painter (265, pl.103 n°1) dans lequel l'aulète est une femme. Ce plat est discuté plus loin. 186 séparation entre le début et la fin d'une procession. On le retrouve peint au registre inférieur. La procession est menée par un aulète en long chiton décoré par des incisions. Il porte la même coiffure que les cinq danseurs qui le suivent. Le premier effectue un pas de danse dans la position « canonique » : pieds joints, un bras devant un bras derrière. Le danseur qui suit marche en portant une outre sur son épaule et une oenochoé (?) dans sa main gauche. Le troisième semble danser tout en tenant vers le haut un vase à boire. Le quatrième danseur s'avance, jambes pliées et un bras en l'air, en portant une petite amphore. Le dernier danseur n'est pas visible sur le document. Cette scène, bien qu'à la marge de notre série par l'abondance de signes qui relient les danseurs au vin, rend perceptible les mouvements des danseurs. Ces derniers, même occupés à défiler en portant des vases, n'oublient pas leur vocation première : la danse. La présence de l'aulète, personnage différent de leur groupe, donne à la scène un aspect plus « officiel ». Il semble donc que cette procession se tienne dans le cadre d'une fête organisée dans laquelle les rôles sont distribués. Les danseurs interviennent donc aussi dans un contexte de fêtes programmées par la cité. 1.3.5 Figures côtoyées par les danseurs rembourrés 90,0% 80,0% 70,0% 60,0% 50,0% 40,0% 30,0% 20,0% 10,0% 0,0% danseurs + autres figures Danseurs seuls Figure 5 La plupart des scènes dépeignent les danseurs entre eux, mais sur 20% des vases, ils côtoient une figure animale ou humaine (figure 5). 1.3.5.1 Animaux et créatures mythologiques À peu près 25 vases sont décorés sur la même scène de danseurs et d'animaux. Ceuxci sont peints soit en continuité de la frise, soit affrontés avec un danseur, ou bien ils ferment la scène de chaque côté. Ceux qui apparaissent le plus souvent sont les félins, lions 187 et panthères. Ce sont des animaux courants du répertoire corinthien. Des volatiles sont quelquefois présents (oiseaux, coqs, cygnes). C. Isler Kerényi pense que les frises animales ne sont pas purement ornementales et que les animaux représentent le monde sauvage opposé à celui de l'Homme et de ses lois (Isler Kerényi 2007 : 10). Cette composante peut, en effet, être présente mais en ce qui concerne notre série, le nombre des vases est trop limité pour en tirer une généralité. Quelles sont les créatures mythologiques ou hybrides qui ont été choisies? Créatures mythologiques Sirènes Sphinx (et sphinges) Homme-dauphin (Triton?) même scène 9 6 1 face B 7 1 total 16 7 1 Tableau 23 Les sirènes ont été seize fois associées aux danseurs, sur la même scène ou sur l'autre face. Elles représentent certes la musique par le chant, mais ce sont aussi des créatures féminines (rarement masculines ici) hybrides, moitié humaines moitié animales. Les sphinges de la même façon représentent ici le féminin « autre », des créatures imaginaires. Elles apparaissent sept fois sur les vases (tableau 23). Sirènes et sphinx sont très fréquemment peints par les peintres corinthiens. Faut-il voir dans leur association aux danseurs rembourrés une signification particulière? A. Schäfer voit dans la figure du sphinx l'indication d'un contexte sacré, déduit notamment de leur présence dans des sanctuaires archaïques sous la forme d'offrandes de vases plastiques (Schäfer 1997 : 33). Nous pencherions plutôt pour une connexion au monde ancien disparu, lieu de tous les mythes. Une coupe du CM, conservée au Louvre, nous donne l'opportunité d'approfondir les liens qui pourraient exister entre les danseurs et le monde de la mer (165, pl.105). Sur une face, plusieurs cavaliers chevauchent leur monture. L'autre face met en scène des danseurs rembourrés. Sous l'anse de gauche, un personnage mi-homme mi-poisson se tient en appui sur la nageoire dorsale ainsi que sur ses bras tendus vers l'arrière. Sa tête et ses bras sont humains tandis que le reste du corps ressemble à celui d'un dauphin.
48,487
dumas-01618490-2017_Sotteau_Philippine_FLAM.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,018
Potentiel de conservation de la banane et chaîne logistique : étude au sein de la Compagnie Fruitière. Sciences du Vivant [q-bio]. 2017. &#x27E8;dumas-01618490&#x27E9;
None
French
Spoken
7,236
12,708
Elles sont également non transportées au froid durant le transport en camion des stations de conditionnement aux ports en Afrique dont les temps moyens sont de 5,28 heures pour la Côte d’Ivoire, 4,08 heures pour le Ghana et enfin 4,87 heures pour le Cameroun. C’est aux différents ports en Afrique que les palettes sont mises au froid. Elles sont ainsi stockées en moyenne 54,34 heures au port d’Abidjan en Côte d’Ivoire, 77,01 heures au port de Tema au Ghana et 30,25 heures au port de Douala au Cameroun. Les temps moyens de transport en bateau sont de 11,41 jours pour la Côte d’Ivoire, 12,40 jours pour le Ghana et 15,12 jours pour le Cameroun qui est le premier pays où les palettes sont prélevées. Ces temps de transport en bateau varient suivant 22 Tableau 6 : Temps moyen de transport en bateau suivant l'origine des palettes et le port d'arrivée en Europe (en jours) Côte d'Ivoire Cameroun Ghana Anvers Douvres Hambourg 12,34 16,74 14,25 10,73 15,55 12,70 14,55 NA NA Port-Vendres Portsmouth 9,16 13,35 10,70 10,11 14,57 11,79 Vado 11,58 15,39 12,58 Tableau 7 : Temps moyen de transport total suivant l'origine des palettes et le port d'arrivée en Europe (en jours) Anvers Côte d'Ivoire Cameroun Ghana 18,02 21,31 20,09 Douvres Hambourg 26,57 22,56 32,26 NA 29,59 NA Port-Vendres Portsmouth Vado 14,91 17,69 16,85 15,78 19,42 20,57 20,64 21,95 23,01 le port d’arrivée en Europe (Tableau 6). Pour les rotations sud, les temps sont plus courts pour Port-Vendres (en moyenne 11,07 jours) qui est le premier port desservi suivi de Vado (en moyenne 13,18 jours). Concernant les rotations nord, Portsmouth (12,15 jours) et Douvres (12,99 jours) sont les premiers desservis suivis d’Anvers (14,45 jours) et d’Hambourg (14,55 jours). Les temps moyens de stockage aux ports en Europe sont de 5,78 jours toutes origines et ports d’arrivée confondus. Les temps moyens de trajet total englobant toutes ces étapes (du conditionnement des bananes à la sortie du port en Europe) sont de 19,75 jours pour la Côte d’Ivoire, 22,02 jours pour le Ghana et enfin de 22,53 jours pour le Cameroun. Ces temps sont en accord avec l’ordre de passage du bateau qui commence par prélever les bananes au Cameroun et termine par la Côte d’Ivoire. Ces temps varieront suivant le port d’arrivée qui comme pour les temps de bateau font varier le temps de trajet total dû à l’ordre de passage (Tableau 7) : pour la rotation sud nous retrouvons Port-Vendres (16,48 jours) en premier port déchargé puis Vado (21,87 jours), et pour la rotation nord Portsmouth est d’abord déchargé (18,59 jours), puis Anvers (19,8 jours) et Hambourg (22,56 jours), et enfin Douvres (29,47 jours, ce port voit son temps total de trajet augmenter fortement dû à des temps de stockage des palettes très longs à quai : en moyenne 13,78 jours). Il faudra ensuite ajouter à ce temps de trajet total en moyenne un jour de transport en camion réfrigéré jusqu’aux mûrisseries. C.3.2 Régression logistique Nous avons ensuite appliqué une régression logistique à la base de données ayant subi tous nos filtres (possédant 636 157 palettes). Nous souhaitons expliquer notre variable « mûrs » grâce aux facteurs et variables explicatives que nous avons définis (nos indicateurs) qui sont : - des facteurs : l’origine, la position sur le bateau en cale ou conteneur, et le port d’arrivée en Europe, - des variables explicatives : le temps en station de conditionnement, le temps passé en camion en Afrique, le temps au port en Afrique, le temps de transport en bateau et le temps de trajet total. Nous avons choisi comme référence pour la création de notre modèle une palette provenant de Côte d’Ivoire, voyageant en cale et arrivant au port d’Anvers. La régression logistique nous montre que tous les paramètres sont significatifs (facteurs comme variables explicatives) sauf le temps au port en Afrique, que nous enlevons pour la suite de l’analyse. En effet, que ce soit les différents temps que nous avons choisis comme variables explicatives ou l’origine, les stations, la position sur le bateau ou le port d’arrivée, les p-value sont inférieures à 0,05 indiquant que tous ces paramètres jouent sur la variable expliquée « mûrs ». Concernant les variables explicatives, nous trouvons que plus les temps en station, les temps de transport en camion en Afrique ou les temps de transport totaux sont élevés et plus la proportion de bananes non mûres est faible. C'est-à-dire que plus ces temps sont longs et plus le risque de mûrs est élevé. Contrairement à cela, plus la part du temps de transport en bateau par rapport au trajet total est élevée et moins il y aura de risque de bananes mûres. Si nous nous intéressons désormais aux facteurs, la régression logistique nous apprend qu’en moyenne la proportion de bananes non mûres est plus élevée au Cameroun ou au Ghana qu’en Côte d’Ivoire. De même, en moyenne, la proportion de bananes non mûres est plus élevée dans les ports de Portsmouth ou Vado qu’à Anvers. Cependant la proportion de fruits mûrs est plus élevée en moyenne à Port-Vendres qu’à Anvers. Enfin, un voyage en conteneur semble entraîner un plus grand risque de mûrs qu’un voyage en cale. 23 Figure 18 : Pourcentage de palettes mûres détectées par le modèle en fonction du nombre de palettes échantillonnées lors des contrôles de la qualité Nous avons ensuite souhaité prédire les palettes mûres et non mûres grâce à notre modèle. Pour cela, nous l’avons calibré avec les données de traçabilité des années 2015 et 2016 (régression logistique précédente) afin de prédire les palettes de bananes mûres de l’année 2017 jusqu’à la semaine 30. Nous utilisons une nouvelle base de données extraite du logiciel QlikView contenant toutes les informations de traçabilité des palettes de bananes issues de l’agriculture conventionnelle de la Compagnie Fruitière sur l’année 2017 et ce, jusqu’à la semaine 30. Cette base de données subit les mêmes filtres que nous avons mis en place et contient au final 73 175 palettes de bananes. Nous savons que sur ces 73 175 palettes, 100 palettes ont été réellement répertoriées comme « mûres » par les contrôle de la qualité et les 73 075 restantes ne l’ont pas été (et sont donc « non mûres »). Pour chaque palette de 2017, le modèle donne une probabilité d’être mûre. Nous pouvons ensuite fixer un seuil sur la probabilité à partir duquel nous considérons que la palette est à risque. Par exemple, si la palette à 10% de probabilité d’être mûre nous pouvons considérer qu’elle est à risque et proposer qu’elle soit contrôlée par le service qualité. Plus nous diminuons la valeur du seuil, plus nous augmentons le nombre de palettes « à risque » et plus nous augmentons le nombre de palettes à contrôler. En comparant le nombre de palettes « à risque » avec le nombre de palettes mûres détectées en 2017 (Figure 18), nous voyons que plus le seuil est bas (et que le nombre de palettes à contrôler est élevé), moins le modèle est spécifique (l’écart entre la courbe représentant notre modèle et la droite qui représente un contrôle aléatoire diminue). Avec les données dont nous disposons, nous ne pouvons pas comparer ce modèle avec le modèle d’alerte de la Compagnie Fruitière (la raison pour laquelle une palette est contrôlée n’est pas indiquée dans la base), mais nous démontrons, par une modélisation simple qu’il est possible de prévoir des palettes mûres. En ajoutant des informations dans la base de données sur l’état des palettes (notamment son exposition au froid) et en améliorant ce modèle simple par un expert, il doit être possible de mieux prédire les mûres mais aussi de supprimer ou limiter les scénarios de transport à risque en alertant les responsables. Les résultats présents sur la Figure 18 nous montrent que notre modèle nous permet en partie de prédire, en fonction du nombre de palettes échantillonnées par les contrôles de la qualité, quelles palettes sont mûres. Sur le graphique, notre modèle est représenté par la courbe et les contrôles réalisés au hasard par la droite. Nous pouvons observer que notre modèle est plus précis que les contrôles au hasard, notre courbe étant systématiquement supérieure à la droite. Par exemple, avec notre modèle, un contrôle de la qualité effectué sur 2 053 palettes (nombre de palettes basé sur les 3 % actuellement contrôlées par les personnes du service responsable des contrôles de la qualité dans les ports) permettrait de détecter 52 % des palettes mûres. Ce résultat est 18 fois plus précis que les contrôles au hasard qui ne trouveraient que 2,8 palettes mûres. 24 III. Mesure de l’impact de la chaîne logistique sur le potentiel de conservation de la banane A. Objectifs Nous avons vu que la durée de vie verte est un critère de qualité important. La limite de DVV au moment de la récolte des régimes a été fixée à 35 jours à 14°C à la Compagnie Fruitière. Cette limite correspond à une mesure effectuée dans les plantations. Il est généralement admis que le potentiel de conservation au moment de la récolte ne dépend que des facteurs agronomiques au champ (irrigation, températures, humidité, etc.). L’objectif du conditionnement en station est de limiter le plus possible la dégradation de ce potentiel au cours du transport. L’application de conservateur augmente même légèrement le potentiel initial. Le potentiel initial est ensuite consommé au fur et à mesure du transport, et dépend des conditions pendant celui-ci (maintien de la chaîne du froid, atmosphère contrôlée, exposition à l’éthylène provenant d’autres fruits etc.). Les protocoles expérimentaux de cette étude ont pour objectif d’estimer l’impact de la chaîne logistique post-récolte sur le potentiel de conservation de la banane. Pour cela, un premier protocole a été mis en place pour mesurer l’effet du transport sur la durée de vie verte des bananes, et un deuxième, pour évaluer la qualité de mûrissage des bananes suivant les différentes qualités d’arrivage (état physiologique du fruit) en mûrisserie. Les deux expérimentations ont été réalisées à la mûrisserie de Mions (69780, mûrisserie appartenant à la Compagnie Fruitière). B. Matériels et méthodes B.1 Procédure de mesure de la durée de vie verte de la banane Les mesures de DVV sont effectuées suivant le protocole défini par Chillet et al. (2008) : 1) Prélever les doigts externes des bouquets identifiés, 2) Insérer chaque doigt individuellement dans une bouteille en plastique prédécoupée de 1,5L, 3) Refermer hermétiquement la bouteille avec du film plastique alimentaire, 4) Placer la bouteille dans une chambre réfrigérée à une température de 20°C, 5) Toutes les 24h, prélever un échantillon de l’atmosphère de la bouteille à l’aide de la seringue de l’analyseur O2/CO2 et mesurer la teneur en O2 et CO2, 6) Aérer quelques minutes la bouteille afin de ne pas avoir une atmosphère confinée, 7) Répéter les mesures et les aérations jusqu’à détection de la crise respiratoire. La crise respiratoire sera détectée lorsque la concentration en O 2 diminuera de 19,5 à 16-17% et celle en CO2 augmentera de 0,5 à 2-4% environ. Une fois la crise climactérique déclenchée, la date sera notée et la DVV calculée avec la date de récolte connue. 25 B.2 Protocole 1 : mesure de l’effet du transport sur le potentiel de conservation des bananes (DVV) B.2.1 Matériels utilisés • Matériel végétal Dans ce protocole, nous utiliserons des bananes, du sous-groupe Cavendish, conventionnelles (non biologiques) provenant des Plantations de Haut Penja (PHP) de la Compagnie Fruitière au Cameroun, de type P20. • Matériel nécessaire durant le transport Des enregistreurs de températures (I-PLUGpdf Switrace) vont être placés dans des colis afin de suivre les changements de températures subis par le colis comme une rupture de chaîne du froid, une exposition à des températures chaudes etc. • Matériel nécessaire en mûrisserie Ce protocole nécessite une cave à vin permettant le stockage des bananes à une température constante de 20°C afin d’effectuer les mesures de DVV (cave à vin la Sommelière CTPE 186A+), des bouteilles en plastique d’1,5 litres pour le stockage individuel des bananes, du film alimentaire plastique pour refermer hermétiquement les bouteilles, un analyseur O2/CO2 de type BOX120, une échelle colorimétrique des bananes (Figure 6) et un thermomètre à pulpe (thermomètre de pénétration testo 103 avec sonde de température pliable). B.2.2 Protocole En lien avec le stage DVV Afrique réalisé simultanément par Paul Esnault, stagiaire de la Compagnie Fruitière basé au Cameroun, nous souhaitons quantifier l’effet de différents scénarios de transport sur la DVV c'est-à-dire le potentiel de conservation initial de la banane. Nous définissons la DVV initiale (DVVi) comme la DVV de bananes n’ayant pas subi de transport et ayant été directement placées à 20°C après la récolte. La DVV résiduelle (DVVr) est la DVV restante mesurée après le transport des bananes d’Afrique en Europe. Cette dernière est mesurée également à 20°C. Paul Esnault va mesurer la DVV initiale sur des bananes d’un régime identifié en Afrique (Témoin) et nous mesurerons en Europe la DVV résiduelle des bananes de ce même régime après leur transport jusqu’à la mûrisserie de Mions. La DVV potentielle initiale et la DVV résiduelle à l’arrivée en Europe seront ainsi comparées et la différence entre ces indicateurs sera appelée DVV consommée. Sélection et préparation des régimes de bananes en Afrique Trois régimes à solde (un régime à solde est un régime arrivé à la somme thermique fixée par la Compagnie Fruitière à la PHP, qui est de 1 150 degrés jour, avec un calibre de 36 mm, ce qui équivaut à 13 semaines entre la floraison du bananier et la récolte) ont été sélectionnés au Cameroun par Paul Esnault. Les régimes proviennent des stations Diadia (envoi 26 1), PHP Haut (envoi 2) et Kumbé (envoi 3) appartenant toutes trois à la PHP. Pour chaque régime, 14 bouquets ont été prélevés sur les 4 premières mains du régime (ce sont les 4 premières mains en partant du haut du régime dans lesquelles sont trouvées les bananes Premium P20), 4 bouquets (un de chaque main) sont utilisés pour les mesures de DVV initiale de Paul Esnault (Témoin) et les 10 autres sont destinés aux mesures de DVV résiduelle en Europe. De cette manière, nous pouvons comparer la DVV initiale et résiduelle de bouquets provenant d’un même régime et ainsi limiter l’effet de différence de DVV entre régimes : nous cherchons à voir uniquement l’influence des scénarios de transport. Après sélection des régimes, ceux-ci vont subir un même et unique traitement : - régimes dépattés pour obtenir les 4 premières mains qui sont ensuite séparées en 14 bouquets, - bouquets identifiés avec une lanière (numéro du bouquet, numéro de la main et date de récolte), - bassins de lavage, - traitement fongicide et RysUp en station. Acheminement des bananes en Europe Cette étape ne concerne que les bouquets de bananes à destination des mesures de DVV résiduelle en Europe. Les 10 bouquets sont conditionnés à la suite du traitement fongicide et RysUp dans 10 colis différents de type CF45 (principal carton actuellement utilisé par la Compagnie Fruitière, nous mènerons donc nos expérimentations avec ce type de colis) et sur la rangée supérieure. Chaque colis est identifié et est placé sur une palette au même endroit (3 e colis au milieu en partant du haut), ce qui fait au total 10 palettes. Ces dernières sont identifiées grâce à leurs codes tampon (code d’identification de l’ensemble des colis d’une même palette) et SSCC (Serial Shipping Container Code, code d’identification de la palette). Elles sont également caractérisées et suivies par un GTIN (Global Trade Item Number) particulier créé à l’occasion du protocole (n°3700351612576 – description : Ba Cam Test CF45 P20). Les palettes sont ensuite exportées en Europe, selon des moyens de transport qui peuvent être variables en fonction des stations de départ, afin d’être finalement reçues à la mûrisserie de Mions pour les mesures de DVV résiduelle. Afin de compléter les données de traçabilité que possèdent toutes les palettes de la Compagnie Fruitière, 9 enregistreurs de températures sont ajoutés aux colis suivis au départ de l’Afrique au moment du conditionnement. Ils permettent de connaître la température au sein du colis tout au long du transport et notamment les ruptures de chaîne du froid, les montées en température etc. Lorsque les 10 colis sont conditionnés, 3 enregistreurs de températures sont placés au hasard dans 3 colis et cela est répété 3 fois pour les 3 régimes différents. A leur arrivée à la mûrisserie de Mions, les colis contenant les bananes « test » sont réceptionnés et contrôlés : contrôle des températures, de la fermeté et de la colorimétrie de la pulpe. Mesures de la DVV initiale et de la DVV résiduelle Les mesures de DVV initiale sur les bananes restées en Afrique et les mesures de DVV résiduelle sur les bananes ayant été transportées en Europe vont suivre le même protocole de mesures créé par Chillet et al. (2008) défini comme la procédure de mesure de la DVV de la banane expliquée précédemment (III., B., B .1). Les bouteilles seront placées dans une cave à vin (pour l’Europe) et en conteneur réfrigéré (en Afrique) à une température de 20°C. 27 Figure 19 : Schéma simplifié du protocole de mesure de l'effet du transport sur la DVV des bananes (protocole 1) (source : Philippine Sotteau, 2017 ; crédit image du régime de bananes : Julien Lamour, 2015) Ce protocole (Figure 19) est donc répété trois fois avec un envoi par régime : un envoi de 10 palettes a été effectué en semaine 28, un second est parti en semaine 29 et enfin le dernier a été envoyé en semaine 30. Grâce à ces mesures il sera mesuré l’effet du transport (connus grâce à la traçabilité des palettes (évènements non contrôlés et contrôlés)) sur la DVV en comparaison avec la DVV initiale trouvée par Paul en Afrique sans transport. Nous pourrons également regarder quel scénario impacte le plus fortement la DVV et grâce aux enregistreurs de températures, nous pourrons suivre la température du colis tout au long des étapes de transport. Afin de faciliter l’analyse des résultats, les différents doigts de bananes ont été numérotés et leur main de provenance associée comme présenté en Annexe X. B.3 Protocole 2 : évaluation de la qualité du mûrissage en fonction de différentes qualités en entrée de mûrisserie La qualité en entrée mûrisserie désigne dans notre étude la DVV résiduelle des bananes lors de leur arrivée en mûrisserie. La qualité du mûrissage est, elle, associée à la durée de vie commerciale qui est la durée de vie jaune (DVJ) du fruit. Cette DVJ est un des critères qualité de la banane et c’est ce critère que nous étudions et que nous désignons dans la suite comme qualité des fruits en sortie de mûrisserie. B.3.1 Matériels utilisés • Matériel végétal Dans ce protocole, nous utiliserons également des bananes du sous-groupe Cavendish provenant des productions de la Compagnie Fruitière au Cameroun, au Ghana et en Côte d’Ivoire. • Matériel nécessaire en mûrisserie Le matériel utilisé sera le même que pour le protocole 1, c’est à dire une cave à vin permettant le stockage des bananes pour les mesures à température constante à 20°C (cave à vin la Sommelière CTPE 186A+), des bouteilles en plastique d’1,5 litres pour le stockage individuel des bananes, du film alimentaire plastique pour refermer hermétiquement les bouteilles, un analyseur O2/CO2 de type BOX120, une échelle colorimétrique des bananes (Figure 6), un thermomètre à pulpe (thermomètre de pénétration testo 103 avec sonde de température pliable) mais aussi un thermomètre pour mesurer la température ambiante lors de la conservation des colis (thermomètre infrarouge Cheerman DT8580), et une chambre de mûrissage afin de faire mûrir les bananes avec la méthode habituelle en mûrisserie. B.3.2 Protocole Sélection et préparation des palettes ainsi que des doigts de banane La mûrisserie de Mions, comme les autres mûrisseries de la Compagnie Fruitière, se voit affecter chaque semaine différentes palettes, de diverses marques, suivant les chargements 28 Tableau 8 : Modalités du protocole d’évaluation de la qualité du mûrissage en fonction de différentes qualités en entrée de mûrisserie Modalité 1 2 3 4 Pays d’origine Côte d’Ivoire Côte d’Ivoire Ghana 5 Côte d’Ivoire Cameroun 6 Cameroun 7 Cameroun Stations Marque Calibre Agriculture Abréviation 3 stations différentes de la SCB BBSA SCB P20 Conventionnelle CI SCB P20 Conventionnelle CI-BBSA Packhouse 8 BBSA SCB P20 Biologique G-bio SCB P20 Biologique 3 stations différentes de la CDC* 3 stations différentes de la CDC 3 stations différentes de la PHP SCB P20 Conventionnelle CI-BBSAbio C-CDCv SCB P20 Conventionnelle C-CDCj SCB P20 Conventionnelle C-PHP * palettes restées 4 jours à quai au port en Europe Figure 20 : Schéma simplifié du protocole d’évaluation de la qualité du mûrissage en fonction de différentes qualités en entrée de mûrisseries (protocole 2) (source : Philippine Sotteau, 2017) des bateaux provenant de Port-Vendres et d’Anvers majoritairement. Ces palettes proviennent des trois pays africains : le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Ghana, mais aussi des productions tiers comme la République Dominicaine. Le principe de ce protocole va être de sélectionner des palettes de bananes vertes suivant l’arrivage par semaine en mûrisserie. Cette sélection se fera suivant des critères sur l’origine, le mode de production (conventionnel ou biologique), la méthode de choix de la date de récolte, etc. Suite à cette sélection, les palettes vont être contrôlées à leur arrivée en mûrisserie afin de qualifier leur qualité (état physiologique du fruit) en entrée de mûrisserie : contrôle des températures, de la fermeté et de la colorimétrie de la pulpe. Le choix des palettes s’est fait aléatoirement parmi celles provenant des plantations de la Compagnie Fruitière et des plantations de la CDC au Cameroun (Tableau 8). Pour chaque modalité, trois palettes sont sélectionnées et un colis est prélevé par palette (3e colis au milieu en partant du haut de la palette). Dans chaque colis, les 4 bouquets au centre de la rangée supérieure sont identifiés et les doigts externes prélevés. Ces derniers sont destinés aux mesures de DVV résiduelles (ce qui fait 12 doigts de bananes prélevés pour les mesures de DVVr par modalité) tandis que les bouquets sont remis dans un même et unique colis. Par expérience, chaque colis regroupant les bouquets d’une modalité seront placés au cœur d’une même et unique palette. Cette palette ira en chambre de mûrissage pour suivre un cycle de mûrissage (cycle de mûrissage à 16,5°C : 4 jours à 16,5°C, puis un jour à 15°C et un jour à 13,5°C avant la sortie de chambre). Ainsi, pour chaque expérience, nous aurons le même cycle de mûrissage pour les colis de chaque modalité. Mesures effectuées Deux types de mesures vont se dérouler en parallèle : des mesures de la DVV résiduelle des bananes sélectionnées et un suivi colorimétrique des colis identifiés mûris en chambre de mûrissage (Figure 20). Ce suivi colorimétrique permettra de qualifier la qualité du mûrissage associée à la durée de vie commerciale qui est la durée de vie jaune (DVJ) du fruit, (nous arrêtons le suivi en coloration 7+), et de comparer entre palettes les résultats obtenus. Les mesures de DVV résiduelle réalisées sur les doigts individuels nous permettront de voir l’influence de la DVV résiduelle ou qualité en entrée mûrisserie sur la qualité du mûrissage. De plus, la traçabilité des palettes nous permettra d’avoir connaissance de ce qu’ont subi celles-ci durant leur transport jusqu’à la mûrisserie. Les mesures de durée de vie verte résiduelle sont effectuées sur les doigts prélevés dans les différents colis et mis en bouteille individuelle dans la cave à vin : nous effectuons la procédure de mesure de la DVV définie précédemment (III., B., B .1) d’après Chillet et al. (2008). En parallèle un suivi colorimétrique est effectué sur les bouquets disposés dans les colis en chambre de mûrissage (12 bouquets par modalité). Le cycle de mûrissage fini et la sortie de la chambre de mûrissage pour la vente au client programmée lorsque les bananes atteignent une coloration 3,5 (coloration définie par les mûrisseurs comme une coloration 3 très avancée tendant sur le 4 mais n’étant pas au stade de colorimétrie 4), les colis sélectionnés sont gardés pour suivre l’évolution colorimétrique des bouquets identifiés dans le temps afin de qualifier la qualité du mûrissage et de connaître leur DVJ. Cette DVJ dépendant de l’environnement, la température ambiante de la pièce où sont stockés les colis sera mesurée afin de pourvoir préciser nos conditions environnementales qui pourront être différentes de celles rencontrées en magasin. 29 Taux de gaz (en %) 25 20 18,4 19 17,8 17,9 18,5 18,5 18,9 18,7 18,7 19,3 18,7 19,3 15 10 5 O2 2 1,8 2,6 2,6 2,4 2,2 2,2 1,8 1,8 1,6 2 1,6 CO2 0 Banane Taux de gaz (en %) Figure 21 : Exemple de taux en O2 et CO2 mesurés dans les bouteilles contenant les doigts de bananes le premier jour des mesures (ici sur des bananes SCB issues d’agriculture conventionnelle provenant de la station BBSA en Côte d’Ivoire) 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 O2 CO2 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Temps (en jour) Figure 22 : Exemple de l’évolution des taux en O2 et CO2 dans une bouteille contenant un doigt de banane (ici sur une banane SCB issue de l’agriculture conventionnelle provenant de la station Adonkoi en Côte d’Ivoire) Figure 23 : Evolution colorimétrique d'un doigt de banane suite à la crise climactérique (source : Philippine Sotteau, Compagnie Fruitière Mions, 2017) Figure 24 : Evolution de la pulpe de la banane suite à la crise climactérique (source : Philippine Sotteau, Compagnie Fruitière Mions, 2017) B.4 Analyses statistiques des données Les analyses statistiques des résultats issus du protocole 2 décris ci-dessus sont effectuées avec le logiciel R version 3.3.3 piloté par R Studio version 1.0.143 et les packages « readxl » V1.0.0, « gdata » V2 .17.0, « mcr » V1.2.1, « agricolae » V1.2-4 et « car » V2.1-4. La réalisation de statistiques descriptives, la vérification de la normalité des données (Test de Shapiro-Wilk) et l’homocédasticité des variances (Test de Levene) ont été faites sur nos données brutes. Des analyses de la variance (ANOVA) suivi d’une comparaison multiple posthoc (HSD de Tukey) (tests réalisés si la normalité et l’homocédasticité des variances des valeurs sont valides) et des tests non paramétriques de Kruskal-Wallis suivi d’une comparaison multiple post-hoc (LSD de Fisher) (tests réalisés si une des conditions : normalité ou homocédasticité des variances, n’est pas remplie) nous ont permis, en créant des groupes d’homogénéité, de distinguer : - des différences significatives ou non au sein d’une même modalité, - des différences significatives ou non inter-modalités. Une modalité étant une répétition de mesures de la DVV ou DVJ sur des bananes d’une même origine, issues d’un même type d’agriculture (exemple des bananes prélevées dans des palettes SCB P20 de Côte d’Ivoire issues d’agriculture conventionnelle). C. Résultats des expérimentations C.1 Mesures de la durée de vie verte des bananes Notre procédure de mesure de la DVV d’une banane suit le protocole de Chillet et al. (2008). Nous constatons, dès les premières mesures, une différence avec ce dernier. En effet, les doigts de bananes, en provenance d’Afrique et sur lesquels portent nos mesures, présentent des taux d’O2 plus faibles et des taux de CO2 plus élevés que les valeurs annoncées par le protocole de référence. Dès le premier jour des mesures, les bananes présentent des taux d’O 2 aux alentours de 18,5 % (contre 19,5% pour la référence) et des taux de CO2 aux alentours des 2 % (contre 0,5 % pour la référence) (Figure 21). Par la suite, les taux d’O2 vont rester stables aux alentours des 17-18 % et les taux de CO2 vont se stabiliser autour de 2,5 %. Nous pouvons noter au bout d’un certain nombre de jours (pouvant varier pour chaque doigt de banane) qu’un pic respiratoire, représenté par une forte consommation d’O2 (le taux d’O2 pouvant chuter jusqu’à environ 2%) et un rejet augmenté en CO2 (le taux de CO2 pouvant augmenter aux alentours de 14%), matérialise la crise climactérique et la fin de la durée de vie verte de la banane (Figure 22). Cette crise respiratoire s’accompagne d’un changement colorimétrique de l’épiderme de la banane tendant vers le vert clair les premiers jours (colorimétrie 3) et vers le jaune les jours suivant (colorimétrie 4 et plus jusqu’à 2 à 3 jours après la crise) (Figure 23). Une transformation de l’amidon en sucres est également observée (Figure 24). C.2 Résultats de la mesure de l’effet du transport sur la durée de vie verte des bananes (protocole 1) Nous avions défini la DVV initiale (DVVi) comme la DVV de bananes n’ayant pas subi de transport et ayant été directement placées à 20°C après la récolte (mesures réalisées par Paul 30 35 Temps (en jours) 30 25 15 20 14 15 17 19 14 10 14 14 12 12 3 4 16 18 12 14 12 8 9 10 17 15 5 18 16 9 11 5 6 0 1 2 7 Numéro du doigt de banane DVVrm DVVconso Figure 25 : Valeurs de DVV mesurées pour l'envoi 1 35 25 20 19,5 16 21,5 19 15 20 20 22 8 9 9 7 7 8 9 10 16,5 16,5 18,5 10 10 5 6 10 5 9 7 1 2 10 7 0 3 4 Numéro du doigt de banane DVVrm DVVconso Figure 26 : Valeurs de DVV mesurées pour l'envoi 2 30 25 Temps (en jours) Temps (en jours) 30 20 15 17 17 17 17 17 17 17 17 17 17 7 7 7 7 7 7 7 7 7 7 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 10 5 0 Numéro du doigt de banane DVVrm DVVconso Figure 27 : Valeurs de DVV mesurées pour l'envoi 3 Esnault en Afrique). La DVV résiduelle mesurée (DVVrm) est la DVV restante mesurée à 20°C après le transport des bananes d’Afrique en Europe. La deuxième soustraite à la première nous donne la DVV consommée (DVVconso) durant le transport de l’Afrique à l’Europe. Les résultats des mesures sont donnés en Figure 25, Figure 26 et Figure 27. Nous pouvons voir pour l’envoi 1 que la DVVi va de 26 à 30 jours et les DVVrm de 9 à 16 jours suivant les doigts de bananes. Concernant l’envoi 2, nous observons que les DVVi des bananes vont de 26 à 29 jours tandis que les DVVrm sont de 7 à 10 jours. Enfin, pour l’envoi 3, les bananes ont toutes une DVVi de 24 jours et une DVVrm de 7 jours. De plus, les palettes des envois 1 et 2 ont subi différents transports : - Pour l’envoi 1, 6 palettes sont arrivées directement à la mûrisserie suite au débarquement du bateau et 4 palettes sont restées 6 jours au quai de Port-Vendres, - Pour l’envoi 2, 3 palettes sont arrivées directement à la mûrisserie suite au débarquement du bateau, 3 palettes sont restées 1 jours au quai d’Anvers et 4 palettes sont restées 6 jours au quai d’Anvers également. Le fait de laisser les palettes 6 jours à quai à Port-Vendres lors du premier envoi a augmenté en moyenne la DVVconso de 2 jours (Figure 28). Concernant le deuxième envoi, les bananes restées un jour à quai voient leur DVVconso augmenter en moyenne de 3,5 jours et les bananes restées 6 jours à quai ont une DVVconso de 3,92 jours en moyenne plus élevée que les bananes arrivées directement à la mûrisserie. DVV consommée (en jours) 25 20 17,5 15,5 19,83 20,25 env2_1 jour env2_6 jours 16,33 15 10 5 0 env1_0 jour env1_6 jours env2_0 jour Modalités Figure 28 : DVV consommée suivant les différentes modalités de transport des envois 1 et 2 La Compagnie Fruitière a conçu un modèle théorique, d’après les dires d’experts, pour modéliser la DVV consommée d’une palette grâce aux évènements enregistrés dans la traçabilité. Ce modèle est basé sur le temps de chaque étape et les températures de début et de fin d’étape. Il considère que la DVV de départ est homogène pour toutes les palettes et égale à 33 jours. L’objectif de ce modèle est de définir des alertes et un ordre de priorité d’acheminement des palettes selon leur vécu. Nous nommerons cette DVV consommée calculée par le modèle : DVVconso_modèleCF. 31 Tableau 9 : Temps de transport et différentes DVV associées (en jours) suivant les envois et les numéros de doigt de banane Numéro doigt de banane : Temps transport DVVrm Envoi 1 DVVconso DVVconso_modèleCF Temps transport DVVrm Envoi 2 DVVconso DVVconso_modèleCF Temps transport DVVrm Envoi 3 DVVconso DVVconso_modèleCF 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 18 14 15 21 21 9 19,5 24,5 16,5 7 17 20,5 18 23 18 23 18 18 23 18 23 14 12 12 9 11 16 12 14 12 15 17 14 17 19 14 18 16 18 21,5 26,5 21 26,5 21 21 26,5 21 26,5 25,5 20 25,5 20 20 25,5 21 21 25,5 7 10 7 10 10 8 9 9 7 21,5 16 19 16,5 16,5 18,5 20 20 22 28,5 23,5 28,5 23,5 24 29 25 24,5 29 16,5 17 17 16,5 16,5 17 16,5 16,5 16,5 7 7 7 7 7 7 7 7 7 17 17 17 17 17 17 17 17 17 20 20,5 20,5 20,5 20,5 20,5 20,5 20 20,5 29 27 Température (en °C) 25 23 21 19 17 15 13 0 31 60 91 121 152 182 213 244 274 305 335 366 397 425 456 486 517 547 578 609 Temps (en heures) Enregistreur 1 Enregistreur 2 Enregistreur 3 Enregistreur 5 Enregistreur 6 Enregistreur 7 Enregistreur 4 Figure 29 : Courbes de températures obtenues grâce aux différents enregistreurs de températures dans les différents envois Si nous regardons plus en détails les différentes valeurs de temps obtenus (Tableau 9), nous pouvons observer que les temps de transport sont variables au sein d’un même envoi. Cela est dû au fait que les palettes d’un même envoi n’ont pas suivi le même transport (les temps plus longs étant notamment dû au fait que ces palettes sont restées en chambre froide au quai en Europe). De plus, on peut voir que les temps de transport du deuxième envoi sont en moyenne plus élevés que les temps de transport des envois 1 et 3 (respectivement 2 jours plus élevé et 3,35 jours plus élevé). En effet, les palettes de cet envoi sont arrivées au port d’Anvers tandis que les autres sont arrivées au port de Port-Vendres (la rotation nord étant globalement plus longue que la rotation sud). En ce qui concerne les différentes DVV consommées du Tableau 9, nous constatons que la DVVconso que nous avons mesurée est de 2 à 10,5 jours plus courte que la DVVconso_modèleCF : notre DVVconso est systématiquement inférieure aux valeurs de cette DVVconso_modèleCF. Cette dernière est pour chaque doigt de banane supérieure aux temps de transport. Nous avons vu que le transport de bananes idéal est un transport à 14°C. Grâce aux enregistreurs de températures, nous avons pu suivre les températures réelles au sein de certaines palettes (7 enregistreurs sur 9 ont fonctionné) (Figure 29). Nous constatons que les températures durant le transport sont variables et mettent plusieurs jours avant d’atteindre la température de consigne de 14°C (les températures se stabilisent autour de 15°C en 9 jours environ soit la moitié du transport). Certaines palettes, comme par exemple celle contenant l’enregistreur 1, ne descendent pas en dessous des 16°C tout au long du transport. Si nous revenons aux données de temps du Tableau 9, nous voyons que les temps de transport sont pour la plupart plus élevés que les temps de DVVconso (sauf pour le troisième envoi). C.3 Résultats de l’évaluation de la qualité du mûrissage en fonction de différentes qualités en entrée de mûrisserie (protocole 2) Analyse générale Les moyennes des mesures de la DVV résiduelle mesurée (DVVrm) sur les différentes bananes provenant des différentes modalités sont représentées en Figure 30. Les valeurs de DVVrm vont de 9 à 25 jours (3 valeurs de DVVrm de la modalité CI-BBSA-bio ont été écartées dans nos analyses considérées comme valeurs aberrantes les bananes ayant mûri très rapidement avec l’apparition de chancre). Nous pouvons constater que les bananes d’une même modalité (une modalité est mesurée sur 12 bananes : 4 bananes dans chaque colis prélevé sur 3 palettes différentes) ont tendance à mûrir globalement en même temps. Nous pouvons cependant obtenir des différences de DVVrm au sein d’un même colis allant jusqu’à 9 jours d’écart entre le premier doigt mûri et le dernier (tel est le cas pour le colis CI-BBSA-3 et le colis CI-BBSAbio-1), voire 12 jours d’écart entre le premier et le dernier doigt mûri pour le colis G-bio-1. Les modalités C-CDCv et C-PHP ont vu leurs bananes mûrir au sein de tous les colis avec au maximum 3 jours de DVVrm d’écart. La DVJ est de 6 à 9 jours suivant les modalités et les bouquets (voir Figure 31). Tous les bouquets de la modalité CI-BBSA ont atteint la colorimétrie 7+ en 7 jours. Les modalités CI, G-bio, CI-BBSA-bio et C-CDCv ont atteint la colorimétrie maximale avec 1 jour d’écart entre le premier et dernier bouquet (allant de 7 à 8 jours pour les premières modalités citées ou 32 Moyenne de la DVVrm (en jours) 30 25 20,75 19,5 20,5 14,75 20 15 17 16 12,75 14 13,25 16 14,75 13,25 10,5 10 12,5 11,25 10 13,25 10,5 10 10,5 10 5 0 Colis des différentes modalités Figure 30 : Moyenne des différentes DVV résiduelles mesurées en fonction de chaque colis des différentes modalités 10,0 Moyenne de la DVJ (en jours) 9,0 8,0 7,0 8,2 8,2 8,2 7,9 8,0 7,5 7,8 7,3 7,0 7,0 7,0 7,0 7,5 7,0 7,0 7,0 7,5 7,0 6,8 6,6 6,8 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 Colis des différentes modalités Figure 31 : Moyenne des différentes DVJ mesurées en fonction de chaque colis des différentes modalités de 8 à 9 jours pour la modalité C-CDCv). Les modalités C-CDCj et C-PHP ont une DVJ pouvant varier de deux jours entre le premier et le dernier bouquet atteignant la colorimétrie 7+ (allant de 7 à 9 jours pour C-CDCj et de 6 à 8 jours pour C-PHP). Analyse statistique sur les mesures de DVVrm Nous avons dans un premier temps analysé statistiquement au sein d’une même modalité s’il y avait des différences significatives de DVVrm entre colis. Pour chaque modalité, nous observons que la p-valeur est supérieure au seuil alpha fixé à 5 % : il n’y a pas de différence significative entre les DVVrm des colis d’une même modalité. Ceux-ci faisant parti du même groupe d’homogénéité. Les tests statistiques nous montrent que les colis (pris sur 3 palettes différentes) d’une même modalité proviennent du même groupe d’homogénéité. Nous pouvons considérer que toutes les mesures faites dans une modalité sont des répétitions. Nous pouvons ensuite regarder s’il y a un effet inter-modalité. La répartition des valeurs de DVVrm est représentée en Figure 32. Figure 32 : Boîtes à moustaches donnant les différentes valeurs de DVV résiduelle mesurée des bananes en fonction des modalités Nous avons réalisé un test non paramétrique de Kruskal-Wallis dont la p-value est inférieure au seuil alpha de 5% (p-value = 5,52e-09). Les modalités ont un effet significatif sur la DVVrm et nous pouvons former des groupes d’homogénéité après une comparaison multiple post-hoc (LSD de Fisher). Les modalités CI-BBSA-bio et CI-BBSA appartiennent au même groupe d’homogénéité : ce sont des bananes provenant de la même station et cultivées dans les mêmes conditions. La modalité CI est significativement différente des autres modalités provenant de Côte d’Ivoire mais appartient dans notre test au même groupe d’homogénéité que les modalités G-bio et C-CDCj. Les modalités C-CDCv et C-PHP appartiennent, elles, au même groupe. 33 DVV résiduelle Figure 33 : Boîte à moustache donnant les différentes valeurs de DVJ des bananes en fonction des modalités DVJ Figure 34 : Lien entre la DVV résiduelle et la DVJ des diverses modalités Analyse statistique sur les mesures de DVJ Une analyse statistique au sein d’une même modalité a tout d’abord été effectuée afin d’observer des différences significatives ou non de DVJ entre colis. Les modalités ont toutes une p-valeur supérieure au seuil alpha fixé à 5% : il n’y a pas de différence significative entre les DVJ des colis d’une même modalité. Les tests statistiques nous montrent également dans cette analyse que les colis (pris sur 3 palettes différentes) d’une même modalité font partie du même groupe d’homogénéité (pas de différence significative). Nous pouvons considérer que toutes les mesures faites dans une modalité sont des répétitions. Nous regardons ensuite s’il y a un effet inter-modalité. La répartition des valeurs de DVJ mesurées est représentée en Figure 33. Nous avons ensuite menée l’étude statistique sur les différences de DVJ entre modalités. Suite à un test non paramétrique de Kruskal-Wallis dont la p-valeur est inférieure au seuil alpha de 5% (p-valeur = 1,16e-06) donc il y a des différences significatives entre modalités, il en ressort des groupes d’homogénéité. Les modalités C-CDCv et C-CDCj appartiennent à un même premier groupe. Les modalités CI, G-bio et CI-BBSA-bio appartiennent à un second groupe. Enfin, nous en distinguons un troisième contenant CI-BBSA bio, CI-BBSA et C-PHP. Lien entre DVVrm et DVJ Si nous relions les DVVrm et DVJ observées sur les différentes modalités, nous pouvons observer statistiquement qu’il n’y a pas de lien déterminé entre ces deux mesures (Figure 34). 34 IV. Discussion des résultats et perspectives Quantification du risque historique de bananes mûres, analyse logistique et modèle de prédiction des palettes mûres La Compagnie Fruitière exporte chaque année de grandes quantités de bananes vers l’Europe. Pour pouvoir le faire, elle a mis en place une chaîne logistique pour garantir la qualité de ses produits des champs en Afrique aux clients en Europe. La logistique est complexe, en effet, une multitude d’acteurs interviennent dans cette chaîne à travers de nombreuses entreprises qui composent la Compagnie Fruitière. Ces dernières sont relativement autonomes entre elles mais permettent d’assurer cette étape à risques qu’est le transport pour des marchandises fragiles comme les bananes. Notre étude a pour vocation d’étudier cette chaîne logistique et son influence sur le potentiel de conservation des bananes. Pour cela, nous avons tout d’abord délimité notre analyse qui se porte sur la logistique du conditionnement des bananes en station de conditionnement en Afrique aux différentes mûrisseries en Europe : étape de fin de la DVV des bananes ces dernières étant mûries pour la vente aux clients finaux. De cette première étude en sont ressortis de nombreux facteurs pouvant agir sur la DVV des bananes. Les traitements fongicides et le RysUp utilisés en stations de conditionnement, les différents emballages utilisés que ce soient les polybags (certains sont perforés et d’autres non) ou les cartons (différentes formes de cartons étant utilisées : CF45, CF195, CF210), les différents temps écoulés à chaque étape du transport, les températures, le transport en cale ou conteneur, l’atmosphère contrôlée, etc. peuvent tous avoir un effet sur le potentiel initial de conservation des bananes. Ainsi, certaines bananes peuvent mûrir avant la fin du transport si leur DVV se voit trop dégradée pouvant, comme nous l’avons vu, entraîner de grandes pertes pour l’entreprise. Pour éviter cela, des contrôles de la qualité des bananes sont mis en place tout au long de la chaîne logistique afin d’écarter les palettes détectées mûres avant que ces mûrissements précoces n’entraînent la perte du reste de la marchandise.
31,313
2011STRA1005_8
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,011
Habiter : perspectives philosophiques et éthiques : de Heidegger à Ricoeur
None
French
Spoken
7,626
11,777
Donner la nouvelle vie à un être qui est à la fois étrange et ressemblant au père – aux parents – c’est laisser-être ou laisser-aller une nouveauté toujours à-venir, un passage sans retour au moi-père, au moi-mère.339 C’est pourquoi le fils est, à l’égard du père, autrui qui est radicalement autre : « Le moi du père a affaire à une altérité »340 Néanmoins, cela ne signifie pas, de la part du moi-père, abandon et discontinuité absolue, mais confiance absolue en mon nouvel être, qui porte mon nom à jamais. Par là, le moi-père existe autrement, à travers le temps mort qui sépare le père du fils, à « l’infini de l’avenir, qui est sienne, sans être possession ni propriété. dans une temporalité dès lors multipliée ‘‘ en plusieurs temps ’’ (TI, p. 260) où s’articulent des formes de vie toujours différentes, irréductibles les unes aux Eu égard à cette relation entre le père et le fils, la fécondité généreuse n’est pas affaire de reproduction génétique, reposant sur l’égoïsme et la loi de la autres ».341 jungle. Elle est plutôt « l’aventure qui ne se recourbe pas en destin 342 égologique », l’aventure par laquelle le moi existe infiniment, à travers un autre 338 GIBAL, op. cit. p. 179. Cf. I bid ., p . 180. « Echappant aux identifications homogènes, aux amplifications ou totalisations saisissables, il ne signifie qu’une relation transitive, de transmission, Levinas va jusqu’à dire audacieusement de « trans-substantiation » (TI, p. 224). Etre comme laisserêtre ou laisser-aller, en nouveauté toujours à-venir, en passage sans retour à soi. Par quoi le moi s’éprouve porté « au-delà de son propre être » (EI, p. 73), en Proie à une transcendance qui le déchire en le jetant hors de soi. Ce n’est qu’en voyant « ses enfants hors de lui » que le père « connaît ce qui était en lui déposé ». 340 LEVINAS, EI, p. 62. 341 GUIBAL, op. cit., p. 182. 342 Ibid., p. 181. 339 115 moi, au-delà de mon existence et de mes possibles. En ce sens, nous reconnaissons qu’avoir un enfant est un vrai choix éthique de la mère comme du père en un temps où la contraception et l’avortement sont techniquement et légalement acceptés dans nombre de pays, en raison du développement de la médecine et du droit des femmes. Malgré les limites de sa narration monotone à la première personne, celle d’un homme majeur et, de plus, malgré son ignorance grave de l’existence de la fille,343 Levinas rend bien compte de la micro-pluralité humaine dans la relation familiale constituée par le sang et par l’amour. Lorsqu’il met en lumière, ontologiquement, parmi les membres de famille, une altérité au-delà de toute familiarité, le philosophe, en tant qu’homme et père, ne désespère plus de sa solitude absolue, ni de la perte de l’honneur patriarcal ; au contraire, il a l’assurance d’établir avec les membres de sa famille des relations éthiques. C’est à partir la métaphore de la femme et du fils que Levinas donne à comprendre ma responsabilité totale pour tous les lointains. « On peut, dit Levinas, fort bien concevoir la filialité comme relation entre êtres humains sans lien de parenté biologique. On peut avoir, à l’égard d’autrui, une attitude paternelle. Considérer autrui comme son fils, c’est précisément établir 344 avec lui ces relations que j’appelle ‘‘ au-delà du possible’’. » La famille, au sens levinassien, est donc pour le moi-homme majeur l’épreuve première de la vie éthique dans la pluralité humaine, où le moi est, ontologiquement et donc éthiquement, sujétion à l’autre. En comparaison avec Levinas, Arendt, notre penseur principal ici, n’a pas non plus négligé toute référence à l’« altérité », dans sa théorie de l’action. Ce terme désigne généralement, du point de vue d’un sujet agent, d’autres agents dans une multitude humaine. Mais Arendt prétend que la pluralité humaine ne correspond pas vraiment à l’altérité (en latin : alteritas), qui signifie « dans la philosophie médiévale, l’une des quatre caractéristiques universelles et fondamentales de l’Etre, transcendant toute qualité particulière ».345 D’après elle, « l’altérité sous sa forme la plus abstraite ne se rencontre que dans la multiplication pure et simple des objets inorganiques, alors que toute vie organique montre déjà des variations et 343 Est-ce que l’absence de la fille dans son discours a peut-être un rapport direct avec la perte de sa fille? Est-ce que parler de la fille est, pour Levinas, une souffrance insupportable? 344 LEVINAS, EI, p. 63. 345 ARENDT, CH, p. 232. 116 des distinctions même entre spécimens d’une même espèce ». 346 Si nous comprenons bien ces phrases, nous dirons que la pluralité humaine selon Arendt ne procède pas de la distinction ontologique entre les êtres humains, mais de l’apparition phénoménologique de la parole et de l’action par lesquelles les citoyens se distinguent dans l’espace public. A cet égard, Arendt préfère le concept d’« individualité » à celui d’« altérité » afin de définir la pluralité humaine. Si nous acceptons ce terme, préféré à celui d’altérité, pouvons-nous dire que le foyer est, dans la pensée arendtienne, l’espace où peut se réaliser l’individualité de chaque membre? Avoir une vie privée c’est, selon elle, posséder une propriété qui sert aux nécessités de la vie et, de plus, qui inscrit le droit public dans le monde. « A l’origine, écrit Arendt, être propriétaire signifiait, ni plus ni moins, avoir sa place en un certain lieu du monde et donc appartenir à la cité politique, c’est-à-dire être le »347 Dans ce cas, chacun des membres du foyer, sauf le maître propriétaire, mérite d’être appelé qu’animal laborans, qui travaille sans cesse pour la consommation chef d’une des familles qui, ensemble, constituaient le domaine public. quotidienne. Comme ils n’ont pas le droit d’avoir une vie publique, ils n’ont pas une vie privée non plus, mais seulement une vie laborieuse. Il importe de souligner que, chez la politologue, la pluralité humaine, non pas au sens de l’altérité mais seulement au sens de l’individualité, ne correspond pas à la famille, mais seulement au monde extérieur. : « La pluralité humaine, écrit Arendt, condition fondamentale de l’action et de la parole, a le double caractère de l’égalité et de la »348 A l’écart de la sphère des relations publiques, la famille grecque, comme elle l’a noté, appartient à un espace infralégal, et un espace indistinct.349 A cet égard, Arendt attribue au foyer le travail et la consommation, la domination et l’ordre, l’affection non-verbale et la chaleur du foyer : Elle ne voit rien, n’entend distinction. rien au-delà de cela! L’absence d’une pensée ontologique et éthique de la micro-pluralité humaine dans la famille la conduit, à nos yeux, à excuser trop vite la domination exercée par le chef de famille sur les autres membres de la famille, et l’exploitation des esclaves par le maître dans la cité grecque. Il est certain, d’après nous, que le foyer grec, 346 Idem. Ibid., p. 102. 348 Ibid., p. 231. 349 Selon Arendt, c’est uniquement la polis est « l’espace où j’apparais aux autres comme les autre m’apparaissent, où les hommes n’existent pas simplement comme d’autre objets vivants ou inanimés, font explicitement leur apparition. » Ibid., p. 258. 347 117 comme espace privé et autonome du patriarche-citoyen, prive les autres familles de toute vie privée et publique. A cet égard, l’égalisation entre les membres de la famille et l’abolition de l’esclavage à l’époque moderne ont transformé le foyer familial, micro-institution où les êtres humains peuvent, pour la première fois dans leur vie, avoir l’expérience d’une vie meilleure avec les autres. S’il nous est permis d’appliquer différemment l’idée arendtienne d’« action », nous dirons que le foyer est, en amont du monde extérieur, un petit monde où les êtres humains habitent ensemble par l’action. Toutefois, à notre sens, l’action au foyer, mais également l’action dans le monde public, ne met pas directement en rapport les hommes, « sans l’intermédiaire des objets ni de la matière », comme Arendt le précise dans la définition de l’« action ».350 C’est la raison pour laquelle nous ne considérons pas que l’action soit une activité purement politique, indépendante de la visée de vivre mieux avec les autres. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, la grande affaire de la politique elle-même c’est, au-delà de l’apparition phénoménologique des divers individus, de prendre soin de la vie, de notre vie, de la vie des autres, une vie qui est à la jonction du corps et de l’esprit, de la nécessité et de l'opulence, de la nature et de la culture. A cet égard, l’aménagement comme administration domestique, à condition qu’on respecte la particularité personnelle dans la famille, peut avoir un caractère politique et aussi éthique. De même, travailler, non pas à la place d’un individu, mais à la place de la mère et du père, n’est pas se mettre au service égoïste du processus vital, au service de la croissance corporelle, du métabolisme, éventuellement lutter contre la corruption. Travailler est, du point de vue de l’éthique, soutenir et développer sa propre personnalité et l’originalité des autres membres de la famille. En résumé, le ménage et le travail pour la famille sont, à nos yeux, la véritable action qui met en rapport éthique les humains par l’intermédiaire des objets matériels qui touchent profondément à la vie humaine. Il n’y a que la parole qui met en rapport les hommes sans aucun intermédiaire matériel ; c’est principalement pourquoi la parole elle-même peut devenir parfois futile et vaine. Mais l’action, qui n’évite pas systématiquement l’intermédiaire matériel indispensable à la vie humaine, repose sur la parole. L’action politique, que nous redéfinirons maintenant, a pour fin le service de la vie de l’autre, elle se propose, par ce détour, de réaliser une vie meilleure. En ce sens, il n’existe pas d’action parfaitement pure. L’action humaine comme « vivre bien » conserve les 350 Ibid., p. 41. 118 caractères du travail comme « survivre », et même ceux de l’œuvre 351 et grâce à ceux-ci elle constitue la trame de notre vie, de tous les jours et laisse des traces dont l’historien, en tant que narrateur de l’histoire et en tant que distributeur de responsabilité, transmet le sens à la génération future. 2. c. La vulnérabilité de la relation familiale et le rôle de l’institution politique Soucieuses que la politique aille de pair avec l’éthique, nous insistons sur le fait que la relation familiale, qui concerne la vie des proches avant ma vie, est quelque peu politique. Bien entendu, on répliquera probablement que la famille constituée par l’amour ou par le sang n’est pas parfaitement identique à la communauté politique, constituée, elle, par la solidarité et par la fraternité des non parents. La relation familiale semble, par nature, plus forte et moins destructible, plus généreuse et moins hostile face à ses membres, que la relation publique. Cependant nous observons que la famille, malgré sa noble visée : « vivre mieux avec », ne rend pas la Relation sacrée ni ne fait de la solidarité une réalité à toute épreuve. Elle se heurte toujours, dans la réalité, à la possibilité de la défaillance. Il existe beaucoup de causes, vraiment beaucoup, qui peuvent défaire aujourd’hui la relation familiale : difficultés économiques, violences domestiques, infidélité du conjoint ou de la conjointe, décès des parents, dissension familiale etc. Toutefois, la vulnérabilité de la relation familiale n’est qu’une expression de la fragilité de toutes les relations humaines, de toutes les relations éthiques. C’est que la visée initiale du « vivre mieux » n’est pas toujours capable de renverser la réalité du « vivre mal ». C’est que l’être humain n’est pas toujours « capable », qu’il est aussi souvent faillible.352 Ce proverbe coréen exprime allusivement la faillibilité de la relation conjugale : « Le vieux couple ne vit plus en affection d’amour, mais en affection souffrante. » Au reste, c’est précisément la vulnérabilité de la relation humaine, à partir la relation génitale entre deux sexes et à partir de la relation embryologique entre deux générations, qui a rendu nécessaire la famille, en tant que micro-institution, culturellement et juridiquement reconnue et protégée dans l’espace public. C’est 351 Ibid., p. 267. Selon Arendt, l’œuvre est l’activité humaine qui, pour la durabilité du monde, produit les objets au service de la stabilisation de la vie humaine. (p.188) 352 A cet égard, nous ne pouvons pas accuser, à notre époque, l’indépendance économique des femmes de la croissance du taux du divorce. Il faut dire plutôt que les femmes contemporaines supportent mieux le préjugé contre la femme divorcée que la vie en relation ratée et souffrante. 119 pourquoi la relation familiale, soit moi et toi soit moi et l’autre proche de moi, n’exclut pas la médiation d’un monde commun comme la troisième personne. Rappelons-nous. L’humanité humaine a toujours célébré, dans le foyer, le mariage, la naissance d’un enfant et le décès d’une personne, et elle les inscrivait dans l’espace public. Même la nouvelle institution française, PACT, expression du phénomène contemporain du « concubinage sans mariage », a été créée en considération du caractère public de la relation intime entre deux personnes. Néanmoins, nous ne voulons nullement justifier ici l’intervention violente ou l’autorisation arbitraire par l’Etat. Nous voulons simplement dire qu’en cas de faillite de la relation familiale, chaque membre de la famille, en tant que citoyen, peut chercher dans l’espace public la protection de son propre droit à « vivre bien ». Il est vrai, à nos yeux, que la relation vraiment désespérée, qui mène à « vivre plus mal avec », ne saurait réduire la vie quotidienne à un enfer, ni détruire l’aspiration à « vivre bien ». Dans le cadre de relations humaines fragiles, la visée de « vivre mieux avec », en ce qui concerne la constitution de la famille, n’est pas un impératif absolu émané de Dieu ou de la Tradition du mariage sacré : chacun est librement appelé à assumer son rôle dans la famille. La reconnaissance publique de la relation familiale instaure ainsi un minimum de justice en cas de défaillance de la famille. Ricœur écrit que « l’autre, c’est aussi l’autre que le ‘‘tu’’. Corrélativement, la justice 353 s’étend plus loin que le face-à-face ». Nous aimerions dire à l’inverse : « Le ‘‘ tu’’, c’est aussi l’autre que l’autre. Corrélativement, la justice se fait plus proche que le télé-interpersonnel. » Mais, à vrai dire, les rôles publics, du juge pour le divorce ou du policier chargé de réprimer la violence domestique, sont encore trop passifs. L’espace public, plus exactement l’Etat ou l’Etat régional, remplit une autre fonction, encore, plus importante, face à la vulnérabilité de la relation familiale. Alors que, selon Ricœur, la société moderne définit l’individu comme sujet économique, agent de la production et de la distribution, nous aimerions corriger cette idée, et souligner le rôle de la famille comme agent de consommation. A notre sens, toutes sortes de services publics aujourd’hui, autrement dit tout le système de distribution dont le vrai bénéficiaire est la famille par exemple allocations familiales, allocations retraite, indemnités de chômage, assurances maladie, instruction gratuite jusqu’à l’enseignement supérieur etc. sont à considérer comme des médiations institutionnelles qui préviennent les effets des facteurs extérieurs de 353 RICOEUR, SA, p. 227. 120 décomposition de la famille. En ce cas, l’Etat ne se réduit pas à la « société », au sens arendtien, c’est-à-dire à « la forme sous laquelle on donne une importance publique au fait que les hommes dépendent les uns des autres pour vivre et rien de plus ; c’est la forme sous laquelle on permet aux activités concernant la survie pure et simple de paraître en public ».354 L’Etat providence a pour mission de travailler et d’œuvrer pour le bien-être de tous les citoyens, plus que pour leur simple survie. Cette politique inclut, dans sa visée utopique, le grand Bonheur de « vivre mieux avec », fondé sur la justice, mais sans méconnaître les petits bonheurs de survivre et de vivre bien. D’après Ricœur, c’est « dans les institutions justes » que la relation invisible entre le « je » et le « tiers », comme autre sans visage, devient réellement une relation organique et éthique. Si nous pouvons faire référence à la famille, nous dirons que c’est « par le système de distribution » dans la Grande institution juste, que la relation familiale entre le « je » et l’« autre proche» ne se réduit plus à la relation reproductive, ni à la relation économique. Elle renaît essentiellement comme relation éthique. Avec cette idée de « famille institutionnelle » nous revenons donc, dans certaines limites, à Hegel plutôt qu’à Levinas et Arendt. Levinas découvre, dans la relation familiale faite d’éros et de sang, un caractère purement éthique : le moi est face à l’autre. Dans ce cas, comme nous l’avons déjà dit, la relation familiale n’a pas fondamentalement besoin de la présence des institutions publiques. C’est le moi qui « a toujours une responsabilité de plus que tous les autres ».355 Autrement dit, c’est le moi qui a toujours une responsabilité totale pour tous les autres, soit dans le foyer soit hors du foyer. Pour lui, la troisième personne ne signifie pas la présence du public entre le moi et l’autre devant moi, mais seulement l’autre, le lointain, sans visage familier et, à la fois, celui dont je suis toujours responsable malgré la distance.356 Ici, la politique se trouve absorbée par l’éthique asymétrique du moi face à l’autre. De fait, l’égalité politique entre le moi et l’autre relève de ma volonté. On lit en effet : « je suis responsable des persécutions que je subis. Mais seulement moi! Mes ‘‘proches’’ ou ‘‘mon peuple’’ sont déjà les autres et, pour eux, je 354 ARENDT, CH, p. 86. (C’est nous qui avons souligné.) LEVINAS, EI, p. 95. (C’est nous qui avons inséré l’expression en italique.) 356 Ricœur, appelle cet autre sans visage comme « tiers ». Selon lui, « le tiers est, sans jeu de mots, d’emblée tiers inclus par la pluralité constitutive du pouvoir. » (Ricœur, SA, p. 228) Ce qui importe par rapport à l’idée levinassienne d’« autre sans visage », Ricœur perçoit que ma responsabilité pour le tiers peut réussir seulement par la médiation des institutions. Dans ce sens, la politique n’appartient pas à l’éthique, mais elles se croisent. 355 121 réclame justice. »357 Il importe, pour notre enquête, de relever ce fait, que le philosophe n’envisage pas de faire place, à côté du moi, à la faillibilité de la relation humaine. C’est que je dois infiniment servir, répondre à la demande et à l’ordre du visage de l’autre. Malgré cette noble éthique du sacrifice, il nous semble que la vie la meilleure, au sein de relations interpersonnelles, ne peut pas résulter de la responsabilité totale de l’un, conçu comme une sorte de Messie, mais uniquement de la responsabilité partagée par tous, selon la capacité et la volonté de chacun. Telle est justement l’idée ricoeurienne d’« infini endettement mutuel ».358 Autrement que Levinas, mais avec le même effet, Arendt n’envisage pas non plus de conférer à l’« espace privé », à savoir le foyer, un caractère public, en tant qu’institution. Elle conclut simplement que la défaillance de la famille, le phénomène le plus représentatif de notre temps, a pour origine la destruction de l’autosuffisance du foyer et la dépendance économique dans la société industrielle. Ce dont elle s’inquiète vraiment, c’est de l’intervention arbitraire ou de la domination despotique sur l’espace privé, du régime totalitaire ou communiste violant la liberté politique de chaque citoyen. Semblablement, elle reproche à la société capitaliste de s’identifier politiquement à la « démocratie indirecte », les citoyens s’enfermant dans le cercle du travail, de la consommation et des passetemps, à savoir les activités strictement privées et essentiellement hors-du-monde public. Il en résulte que, chez elle, la vulnérabilité de la relation familiale est secondaire, par rapport à la crise de la politique reliant les citoyens. Au regard de la séparation arendtienne de la politique et de l’éthique, face aux malheurs au foyer, qui procèdent essentiellement de la faillite de la relation éthique entre les membres de la famille, on ne devrait pas avoir grand-chose à attendre, en fait de secours, de l’espace politique. L’être humain en tant que partagé entre privé et public, ne vit pas, d’après Arendt, une vie cohérente, mais deux vies séparées dont l’une soutient l’autre, mais dont l’autre ne concerne pas vraiment l’une. Elle écrit que « la famille devait assumer les nécessités de la vie comme condition de la liberté de la polis. En aucun cas, la politique ne pouvait se borner à être un moyen de protéger la société ».359 En ce sens, nous pouvons la critiquer de la même manière que Ricœur critique Levinas et Rawls, malgré leur belle idée de « justice » : « au pire, elle (pour 360 nous, Arendt) reconduit à l’idée de séparation. » « Il ne fallait pas, écrit toujours 357 358 359 360 LEVINAS, EI, p. 95. RICŒUR, SA, p. 236. ARENDT, CH, p. RICŒUR, SA, p. 236. (C’est nous qui avons inséré « (pour nous, Arendt) ».) 122 Ricœur, qu’un mur s’ él ève entre l ’individu et la société, empêchant toute transition du plan interpersonnel au plan sociétal. Une interprétation distributive de l’institution contribu e à abat tre ce mur et assure la cohésion entre les trois composantes individuelles, interpersonnelles et sociétales de notre concept de visée éthique. »361 2. d. La cité grecque et l’économie Est-ce que l’esclavage grec est simplement une ombre fortuite jetée sur ce beau paysage où s’épanouit la glorieuse civilisation politique? Où bien, est-ce sur une institution réelle qui se moque de la liberté et de l’autosuffisance des citoyens grecs, qu’Arendt a fondé sa théorie de l’action politique? Et finalement, est-ce que, par le remplacement de l’esclavage par la technique, l’indépendance économique sera vraiment possible, tôt ou tard, pour l’être humain en tant qu ’individu et en tant que famille ? Afin de r épondre à ces questions, nous avons d’abord besoin d’aborder nous-mêmes l’économie antique . L’histoire n ’est pas, comme le note la politologue, l’ensemble des faits , mais un grand conte, décrit par un non-agent ; par conséquent il existe, à propos des mêmes faits, des histoires différentes racontées par plusieurs narrateurs. Nous trouvons donc, même dans l’histoire des recherches récentes de l’économie antique, des propositions différentes et souvent contradictoires. Ce qui nous importe ici, c’est qu’Arendt a un penchant pour l’un des courants de l’enquête historique sur l’Antiquité. Essayons de résumer brièvement l’histoire des recherches sur l’économe antique depuis Adam Smith, qui s’y est référé dans son économie politique. Selon nous, il existe trois courants majeurs, quant à l’économie de l’Antiquité grecque. Premièrement, à la fin du 19ème siècle, certains historiens, comme Karl Rodbertus, on les appelle les « primitivistes » -, présentent « une vision évolutionniste de l’histoire dans laquelle l’économie antique, nécessairement primitive, se réduirait à une économie domestique de subsistance reliant des structures simples (ferme, petites cités) sans liens entre elles ». 362 Selon eux, l’économie antique est complètement différente du système économique d’aujourd’hui, comme économie monétaire. On parle d’une « société primitive 361 Ibid., p. 234. BASLEZ Marie-Françoise, Economie et sociétés Grèce ancienne 478-88, Tournai (Belgique) : Atlande, 2007, p. 29. 362 123 d’autosuffisance », dans laquelle chaque oikos (foyer), grâce à l’agriculture, se procure sa nourriture. A cause de l’autarcie du foyer, les primitivistes ont conclu à une séparation radicale de l’économie et de la politique. Il faut préciser pour notre enquête que l’Antiquité, d’après eux, n’est pas une société esclavagiste comme celle des Etats du Sud américain, essentiellement fondée sur le développement de la production par les esclaves. Il est vrai que les esclaves grecs n’ont pas constitué une classe, comme l’a postulé l’historiographie marxiste ; c’était l’ensemble des gens ayant un certain statut.363 Alors qu’une classe se distingue par la possession ou la non possession des moyens de production, un statut se détermine par la naissance. Ce qui est important, c’est que le statut d’esclave n’est pas reconnu dans l’espace public, mais seulement « dans la famille. »364 C’est pourquoi les esclaves ont été appelés, en grec, oikogénès, « nés à la maison. » En ce sens, les primitivistes ont prétendu que les esclaves antiques, en tant qu’appartenant exclusivement au domaine domestique, sont chargés, sous la direction de la femme du foyer, des tâches quotidiennes, qu’Arendt appelle « besognes improductives », distinguées du travail productif dans l’agriculture. 365 Sans tenir compte du nombre d’esclaves employés, ils ont conclu que la société antique, dans laquelle l’esclavage n’aurait eu aucun rôle important dans la production, n’était pas une société esclavagiste. Comme nous l’avons déjà mentionné, c’est conformément à ce primitivisme qu’Arendt nous présente la vie du citoyen grec partagée entre les deux domaines du privé et du public. Or, le modèle idéal du citoyen qu’elle suggère dans son livre, n’est pas le grand exploiteur d’esclaves, mais « un homme libre pauvre » qui garantit lui-même, mais difficilement, sa liberté d’agir grâce à un travail dur et pénible.366 Cependant cette conception primitiviste se trouve aussitôt récusée par d’autres historiens, les « modernistes », dont Ed. Meyer. Ils insistent avec lui « sur l’importance des liens économiques qu’il croit déceler dans le fonctionnement de la cité, sur l’ouverture commerciale attestée dans le monde 363 En effet, le problème du terme, dans la distinction entre « classe » et « statut » a été posé à la première fois, par Karl Marx et Max Weber. Par ailleurs, Karl Polanyi se range, à propos de l’esclavage, à l’opinion wébérienne, en disant que la société moderne était fondée sur le contractu (contrat), alors que la société antique reposait sur le status (statut). 364 POLANYI Karl, « Aristote découvre l’économie », in : Les systèmes économiques dans l’histoire et dans la théorie, dir. Polanyi (K.) et Arenberg (C.), tr. par Claude RIVIERE, Paris : Librairie Larousse, 1975, p. 97. 365 Cf. ARENDT, CH, p. 69. 366 Cf. Ibid., p. 67. 124 grec dès le VIIIème siècle, sur l’importance des exportations et de l’économie monétaire, sur le remplacement de l’aristocratie foncière par une ‘‘bourgeoise d’affaires’’».367A partir de divers indices archéologiques, ils n’ont pas hésité à parler d’« un capitalisme grec antique. » : bien entendu, la désignation a quelque chose d’anachronique ; il n’est donc pas raisonnable, selon nous, de parler de capitalisme, au sens contemporain . Cependant , l’histoire des recherche s sur l’économie antique va ensuite insister sur le rôle important de la cité grecque, non comme espace purement politique ou religieuse, mais comme espace marchand. C’est-à-dire que, s’appuyant sur la critique des modernistes contre les simplifications du primitivisme, les historiens postérieurs ne mettent plus en avant l’autosuffisance du foyer individuel, ni la clôture (exclusivisme) de l’oikonomia (administration du foyer) et de la politikos (administration de la cité). Les historiens modernistes, surtout Michael Rostovtzeff, affirment que l’autosuffisance du foyer a été un problème faussé dès départ. Ils ne songent pas à contester « les ‘‘faits’’ tels que les transferts d’esclaves, de céréales, de vin, d’huile, de poteries, leur passage en des mains diverses, entre des peuples éloignés, pas plus que l’existence d’échanges locaux entre ville et compagne. L’ d’objets à valeur monétaire n’est pas non plus mise en doute. La question est de savoir comment ces éléments de la vie économique furent institutionnalisés, de manière à entraîner les continuels déplacements de biens et de personnes essentielles à une économie stable. »368 A cet égard, la cité antique présente plusieurs visages, en rapport avec l’économie définie comme régulation du marché, frappe de la monnaie et perception de l’impôt,369 et conduite de la guerre, qui était, pour l’économie antique, un grand événement, d’abord pour l’immense consommation qui lui était liée et ensuite pour le partage du butin. 370 Mais ce n’est pas tout : « les cités grecques n’ignorent pas pour autant les aides financières directes qu’elles versent aux citoyens qui ont connu des malheurs : ainsi la prise en charge par l’Etat des orphelins de guerre, formés ou entretenus, puis armés aux frais de la cité, ou le versement d’une dot pour les filles de citoyens, l’entretien des invalides font-ils partie, dans de nombreuses cités, des préoccupations sociales communément 367 BASLEZ, 2007, p. 29 PEARSON Harry W., « Un siècle de débat sur le primitivisme économique », in : Les systèmes économiques, dir. POLANYI, 1975, p. 47. 369 Cf. BASLEZ, op. cit.., p. 88. 370 Cf. Ibid., p. 95. 368 125 partagées. Il s’agit de mesures qui visaient à mettre en place une solidarité effective entre les membres de la communauté, avec comme souci principal de lui assurer les moyens de sa pérennité, plus encore que de limiter les revers de fortune individuels.» 371 Malgré l’aspiration à l’autosuffisance du foyer grec, l’économie domestique ne s’est pas réellement satisfaite de l’absence de liens avec le marché et la cité. A propos des esclaves grecs, les enquêtes récentes nous montrent que, hors de leur rôle premier, en tant que valets dans un atelier familial, ils assumaient divers métiers dans le monde grec. Il existait déjà des esclaves indépendants qui géraient une banque ou un bureau, et des esclaves travaillant au moulin ou à la mine.372 Par ailleurs, le métier le plus courant de l’esclave, selon les documents archéologiques, est celui d’« agriculteur ». Alors que les anciens historiens ont longtemps pensé que les membres de la famille suffisaient en grande partie à gérer leur exploitation, avec peu d’esclaves, « dans l’Economique de Xénophon ou même plus tard chez les agronomes romains, l’exploitation rurale, même petite, ne semble que très rarement fonctionner sans esclaves ». 373 C’est dire que le citoyen idéal ou, selon Arendt, « l’homme libre pauvre » qui travaille péniblement pour gagner la vie de la famille, avec des esclaves à domicile qui ne se chargent que des besognes quotidiennes, n’existait guère dans la réalité. Etre libre, avoir la citoyenneté, n’est rien d’autre que se servir d’esclaves pour pourvoir à ses besoins. Pour juger de l’importance des esclaves dans l’économie antique, rappelons que le système esclavagiste demandait, déjà au 2èmesiècle, environ 400.000 esclaves par cité, de la taille d’Athènes, Corinthe, Egine, et autres cités marchandes.374 Face à cette demande immense, les esclaves « nés à la maison » (oikogènes) étaient trop rares. En fait, les esclaves ont été recrutés dans « le marché d’esclaves », parmi les captifs de guerre, captures de piraterie ou de razzias chez les Barbares. Parce qu’aucune révolte n’a eu lieu parmi les esclaves à l’Antiquité, Arendt soutient que l’esclavage remplit une fonction sociale en tant que « statut » qui soutient la stabilité politique des citoyens dans la cité grecque. Toutefois à nos yeux, la raison pour laquelle les esclaves n’ont pas entrepris de se révolter, c’est simplement qu’ils n’ont pas osé résister au destin que leur conception religieuse leur imposait. Il n’est pas tout à fait déplacé de prêter attention à la critique marxiste selon laquelle les 371 372 373 374 Ibid., p. 361. Ibid., p. 104. Ibid., p. 225. Ibid., p. 103. 126 citoyens libres, en tant que propriétaires terriens ont exploité la classe des esclaves en tant que main-d’œuvre servile. Il en résulte que la belle et bonne vie politique d’un citoyen grec cache une autre réalité, la vie servile de ses esclaves : La liberté, dirons-nous, est acquise pour les citoyens, grâce aux esclaves. Naguère, l’économiste Karl Polanyi (1886-1964) signalait, faisant exception, que l’économie antique est encastrée dans le social, le politique, et d’autres structures non économiques ; c’est-à-dire que les éléments non économiques doivent être pris en compte pour comprendre les comportements économiques des Grecs.375 Il prête attention au troc ou à l’échange des biens entre les familles grecques, ce qui ne ressemble nullement à l’échange marchand d’aujourd’hui. D’après lui, l’échange entre les grandes familles antiques, à la manière du don et du contre-don, est plus motivé par la volonté de promouvoir leur statut social ou par des considérations éthiques, que par la recherche d’une bonne affaire.376 « Le seul but de l’échange, écrit Polanyi, est de resserrer le réseau de relations en renforçant »377 En ce sens, le troc et l’échange des dons et des contredons sont appelés par lui un « commerce naturel », qui ne procurait aucun profit dès lors qu’il ne visait qu’à maintenir l’autosuffisance de la communauté, non celle du les liens de réciprocité. foyer.378 Grâce aux derniers apports des recherches archéologique, économique et historique de l’Antiquité, les historiens peuvent recomposer aujourd’hui, au-delà du point de vue du primitivisme présent chez Arendt, la cité grecque. Dans celle-ci, une économie, l’administration d’un foyer, était fortement liée avec d’autres foyers, la cité avec d’autres cités. Bien entendu, la cité grecque n’était pas un espace « hyper capitalisé », impliquant une consommation immense et un marché mondial des capitaux. Mais la cité grecque est assurément davantage l’espace de la marchandise que celui de la production autosuffisante. Ce qui est nouveau, dans la recherche récente, c’est qu’on affirme que l’Etat, la grande institution par excellence, a pu « à la fois favoriser le développement économique, en fournissant protection et justice, et pousser, par son comportement prédateur et rentier, au maintien d’anciennes 375 Ibid., p. 30. Idem. Cf.. « La catégorie des ‘‘dons libres’’ était exceptionnelle, car la charité n’était ni nécessaire, ni encouragée, et la notion de don se trouvait toujours associée à l’idée de contre-don adéquat (mais pas à celle d’équivalence, bien entendu). Même les véritables « dons libres » étaient interprétés comme des contre-dons offerts en retour de quelque service fictif rendu au donateur. » POLANYI, op. cit., p. 100. 377 Ibid., p. 101. 378 Cf. Ibid., p. 116. 376 127 règles et institutions qui freinent les évolutions. »379 Dans cette économie complexe du monde de l’Antiquité, les citoyens remplissent, grâce au système esclavagiste, les rôles de consommateur, de propriétaire terrien et de dirigeant politique, qui n’intervient pas directement dans les activités du marché mais impose des règles. En se sens, nous pouvons conclure que l’autosuffisance du foyer, comme M. Rostovtzeff l’a précisé, est une conception qui, dès le départ des recherches historiques de l’Antiquité, se trouve brisée. Il ne faut pas oublier de mettre l’accent sur une autre évidence, concernant l’économie dans le monde grec : la guerre. Les guerres, omniprésentes dans l’Antiquité, jouent un rôle déterminant dans le développement et l’évolution des économies. D’abord, « les guerres ont été menées pour développer la propreté 380 foncière, au bénéfice en particulier des citoyens sans terre, les thètes ». Elles sont aussi « une des principales sources d’approvisionnement en esclaves. Les prisonniers de guerre font partie du butin et sont utilisés ou vendus comme esclaves ».381 Ce qui est intéressant, par rapport à notre débat avec Arendt, c’est que, avant l’apparition de soldats de métiers, à partir de la fin du 5ème siècle, seuls les citoyens ont pu participer à la défense de la cité. Par exemple, « tout après la victoire Athénien doit servir son pays de dix-huit à soixante ans. De dix-huit à vingt ans, il est éphèbe ; il fait alors son apprentissage militaire. De vingt à cinquante ans, comme ‘‘ hoplite du catalogue (liste de recrutement) ’’ ou comme cavalier, il fait partie de l’armée active, (...) De cinquante à soixante ans, il compte parmi les vétérans, les presbytatoï, qui forment avec les éphèbes et les métèques de tout âge une sorte d’armée territoriale, chargée de défendre les frontières et les place forte de l’Attique. En temps de paix, le gros de l’armée n’est qu’une milice en disponibilité, à l’exception des éphèbes qui, eux, pendant deux années, sont entièrement occupés par leur exercices, et, pour cette raison, exemptés de tout devoir politique et même de toute comparution en justice ; ils sont citoyens dès leur entrée dans l’éphébie, mais ils n’en exercent les droits qu’à l’expiration de ces deux années. L’Athénien doit donc quarante-deux ans de service (...) les citoyens qui ont atteint leur soixantième année sont déchargés de toute obligation militaire et deviennent 382 diaïtètes, arbitres publics, quelque chose comme ‘‘ juge de paix’’.» Ainsi citoyenneté grecque n’assure pas toujours la liberté pacifique de la parole et de 379 380 381 382 BASLEZ, op. cit.., p. 35. Ibid., p. 172. Ibid., p. 174. FLACELIERE, op. cit., p. 303-4. 128 l’action dans l’espace des citoyens, mais elle oblige souvent, trop souvent, à prendre part à la grande violence organisée et justifiée par sa cité contre les autres cités, et contre les Barbares. D’interminables guerres éloignaient constamment les hommes de leurs femmes et de leurs foyers ; par conséquent, les femmes se chargent, en cas d’absence du mari, du rôle de gardienne fidèle du foyer.383 En ce sens, en ce sens vraiment, être citoyen grec n’est pas toujours, comme l’a cru Arendt, se soucier d’« apparaître » à sa propre place et de participer à la démocratie directe, au sein de la pluralité humaine. Plutôt, être citoyen signifie être toujours prêt à aller au combat, sur l’ordre de l’Etat. Au final, nous voulons retenir trois éléments importants de l’économie de la cité grecque : l’esclavage, la marchandise et la guerre. Pour nous, ce sont autant d’évidences qui réfutent la thèse de l’autarcie du foyer dans le monde de l’Antiquité. Contrairement à ce qu’a cru Arendt, l’espace public n’était pas, dans le monde grec, le lieu politique, purement politique, soutenu par l’autosuffisance de l’espace privé. La politique grecque ne se limitait pas aux seules activités politiques de parole et d’action sans l’intermédiaire des objets ni de la matière. La cité antique, comme ailleurs, a déjà été une institution qui incluait un système social minimum. La communauté politique n’a guère exclu la communauté économique dans l’Antiquité. Cela ne serait d’ailleurs guère possible, pour aucune cité. « La vie privée, c’est (toujours) la vie dans la société civile, et non pas dans un état de nature pré384 sociale ou une condition antisociale d’isolement et de détachement. » L’erreur d’Arendt ne vient pas essentiellement de sa connaissance historique faussée de l’Antiquité. Au contraire, son idée principale de « pluralité humaine », se fonde sur la dichotomie de la vie privée et de la vie publique de chaque citoyen. Selon elle, « aucun homme ne peut être souverain, car la terre n’est pas habitée ». 385 En ce sens, Arendt voit bien que l’autonomie n’est pas possible pour l’homme qui est né et qui vit dans une communauté humaine. C’est ici que la politologue réfute avec rigueur la philosophe de la subjectivité, qui tente d’identifier sans cesse l’autonomie politique et la liberté morale. Toutefois, à nos yeux, Arendt ne conçoit l’interdépendance ou la corrélation par un homme, mais par les hommes entre les hommes que dans le domaine politique, la sphère de l’« action ». Dès qu’elle évoque le travail et l’œuvre, elle estime que chaque homme est 383 Ibid., p. 95. MESTIRI Soumaya, De l’individu au citoyen, Paris : Edition de la Maison des sciences de l’homme, 2007, p. 82. C’est nous qui avons inséré « toujours ». 385 ARENDT, CH, p. 299. 384 129 théoriquement capable, seul, de mener sa vie biologique et de bâtir un monde où se loger. En un mot, l’autonomie est impossible, mais l’autosuffisance possible. Quelle contradiction!386 Il convient de rappeler ici la conception hégélienne de la « société civile ». A la différence de l’animal, qui a un cercle limité de moyens et de procédés pour satisfaire ses besoins également limités, l’homme est, d’après Hegel, le seul être qui est capable de multiplier besoins et moyens.387 C’est dire que l’homme n’a pas seulement « des besoins naturels », il a aussi « des besoins issus de la culture », dirigés vers « le luxe ».388 En ce sens, l’homme est lié au travail des autres, dans la réciprocité. 389 Le philosophe définit cette condition économique de l’homme comme « la dépendance de tous ».390 L’autosuffisance ne se réalise pas au niveau d’un individu ou d’une famille, mais seulement dans une société civile. Notre vie elle-même et notre demeure révèlent la présence de l’autre, la présence des autres, qui s’occupent de notre vie et de notre habiter auprès de nous. A cet égard, la communauté humaine, en tant que communauté de l’action mais aussi du travail et de l’œuvre, ne peut se satisfaire d’une politique privilégiant la liberté de l’apparence. Il faut une politique de la solidarité, qui prenne soin, à la fois, de la vie et de la demeure des voisins. En ce sens, la vie privée et la vie publique ne se séparent pas, elles « se rejoignent, se recoupent et même se 391 recouvrent constamment » dans la sphère sociale. 386 Il existe une évidence bouleversante, pour nous, qui montre le souci ou l’illusion de l’autarcie chez lez Grecs. Selon Flacelière, les mariages grecs n’étaient guère féconds, pour la raison qu’on « redoutait, par misère ou par égoïsme, d’avoir de nouvelles bouches à nourrir, et l’on craignait aussi que le patrimoine familial ne fût partagé entre de trop nombreux héritiers, ce qui réduirait d’autant la part de chacun. (FLACELIERE, op. cit.., p. 99.)» Donc, « il y avait deux moyens d’éviter une famille trop nombreuse : l’avortement et l’exposition des nouveau-nés, moyens considérés l’un et l’autre, au moins généralement, comme légitimes. L’avortement, en effet, n’est pas défendu par la loi. Celle-ci n’intervient que pour sauvegarder les droits du maître de l’enfant à naître, à savoir son père(...) Ce même scrupule empêchait de tuer l’enfant une fois né, mais non de le laisser mourir, faute de nourriture et de soins. (Ibid., p. 99-100.)» 387 Cf.) HEGEL, op. cit.., p. 221. 388 Ibid., p. 223. 389 « Mais, comme la personne particulière se trouve essentiellement en rapport avec une autre particularité, si bien que chacune ne peut s’affirmer et se satisfaire que par le moyen de l’autre, donc étant en même temps médiatisée par la forme de l’universalité, celle-ci constitue le second principe de la société civile. » Ibid, p. 214. 390 Ibid, p. 225. 391 MESTIRI, op. cit.., p. 92. 130 3. La politique de l’action et la politique de la solidarité Ainsi sommes-nous parvenus à la conclusion de notre étude d’Arendt. La critique de la modernité à laquelle la politologue s’est livrée dans la Condition de l’homme moderne, si nous la résumons, repose sur le fait que les diverses activités humaines avec l’industrialisation se réduisent au travail et à la consommation ; par conséquent, l’activité purement politique, par la parole et l’action, est désertée par la masse. Arendt prétend qu’à l’époque moderne la communauté locale n’est plus un espace public, comme la cité grecque ; elle apparaît seulement comme un nouvel espace du privé et du public, une soi-disant « société ». Selon elle, la société n’est qu’une communauté économique dirigée par une politique représentative, plus exactement par la bureaucratie, dans un grand Etat, la nation. Au cœur de sa critique, nous découvrons, tout d’abord, un manque de confiance à l’égard de la nouvelle science moderne, l’« économique politique ». On découvre, d’un autre côté, son ninisme, contre le capitalisme et contre le communisme. Arendt considère que les deux idéologies reconnaissent et approuvent l’importance de la division du travail et de la productivité, mais qu’elles se distinguent simplement par la nature du régime, selon la valeur première, soit de la liberté individuelle, soit de l’égalité entre les citoyens. Arendt se borne à établir un diagnostic sur la crise de la civilisation industrielle ; elle ne propose pas de troisième voie au-delà des deux systèmes contemporains idéologiques. C’est parce que son objectif principal est de souligner le défaut de capacité politique des citoyens modernes. Autrement dit, Arendt n’est pas une politologue qui construit une théorie politique en vue ’un nouveau type de régime ; la politologue a pour but d’encourager les citoyens, en tant que sujets politiques, à participer eux-mêmes activement au pluriel dans l’espace public. C’est pourquoi sa politique se fonde sur une « théorie de l’action ». A la fin de cette étude sur Arendt, nous devons soulever certaines questions à propos de la relation entre la politique et le domaine social. Comme Arendt, on peut se demander si l’Etat moderne a vraiment réussi à assumer son rôle dans l’administration de l’économie nationale. Est-ce qu’au nom de la protection de la vie privée, individuelle, l’Etat n’a pas limité sa fonction essentielle à la simple protection de l’espace du marché, avec les deux sous espaces du travail et de la consommation, qui correspondent à la plus basse des activités humaines, qui relèvent de la survie elle-même, et ensuite du plaisir? Cependant, il n’est pas facile de répondre à ces questions. Si notre regard porte seulement sur le monde occidental, nous observons que chaque nation a construit et reconstruit son système 131 de direction politique après de nombreux échecs. Malgré la diversité des gouvernements, ce que nous découvrons de commun dans le développement des nations modernes, au moins en Europe, c’est que les Etats modernes, en se trouvant confrontés aux problèmes soulevés par l’industrialisation par exemple, l’irrémédiable fracture entre les riches et les pauvres, le conflit entre classes, la destruction de l’environnement, les guerres mondiales, la colonisation et l’indépendance etc.ont corrigé leur système de protection des libertés dans l’activité économique et dans la défense de la richesse individuelle. C’est-à-dire qu’ils se sont développés en améliorant un système de services publics, qui amortit les conflits entre les citoyens, et qui limite l’application aveugle des principes du marché, lequel détruit les relations humaines en les soumettant au jeu de l’offre et de la demande. En ce sens, la société ne s’identifie pas à une communauté économique réduite au jeu des activités du travail et de la consommation, échangeables contre de l’argent. La société moderne est vraiment sur le chemin d’une transformation en une communauté de bien-être. Nous savons que la réussite d’un gouvernement, aujourd’hui, est déterminée, même dans le régime le plus capitaliste, par sa politique d’état-providence, qui vise le bonheur de chaque citoyen et de la famille.
32,916
65c865950656799ecd48275b6594a6a3_22
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,008
Taux de travail indépendant : femmes
None
French
Spoken
7,374
17,323
Les chiffres indiqués se rapportent à 2005 pour tous les pays sauf la Turquie (2001), les États-Unis (2002), le Mexique et la Nouvelle-Zélande (2003), la République tchèque, le Japon et la Norvège (2004). Source • Statistiques structurelles et démographiques des entreprises, base de données de l’OCDE. Pour en savoir plus Publications analytiques En bref Pour tous les pays, c’est dans la catégorie des plus grandes entreprises qu’on observe la plus forte productivité du travail, ce qui peut s’expliquer par un investissement en capital plus intensif ou par des économies d’échelle. Pour la majorité des pays (environ 75 %), la productivité du travail augmente de façon monotone avec la catégorie de taille d’entreprise. Il est intéressant de noter qu’au Danemark, en République slovaque et, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la productivité du travail dans les entreprises petites et moyennes semble nettement plus homogène que dans les autres pays, mais cela tient en partie au fait qu’il s’agit de moyennes sur l’ensemble du secteur manufacturier. Au niveau à deux chiffres de la CITI, par exemple, la situation est plus hétérogène. • Ahmad, N., F. Lequiller, P. Marianna, D. Pilat, P. Schreyer et A. Wölfl (2003), Comparing Labour Productivity Growth in the OECD Area: The Role of Measurement, Documents de travail sur la science, la technologie et l’industrie, n° 2003/14, OCDE, Paris. • OCDE (2001), Tableau de bord de l’OCDE de la science, de la technologie et de l’industrie : Vers une économie fondée sur le savoir Edition 2001, D.4., OCDE, Paris. • OCDE (2001), Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2003, section D et annexe 1, OCDE, Paris. Publications statistiques • OCDE (2006), Statistiques structurelles et démographiques des entreprises : 1996-2003, Édition 2006, OCDE, Paris. Publications méthodologiques • OCDE (2002), Mesurer la productivité – Manuel de l’OCDE : Mesurer la croissance de la productivité par secteur et pour l’ensemble de l’économie, OCDE, Paris. Sites Internet • www.oecd.org/statistics/productivity/compendium. 274 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 PRODUCTIVITÉ • NIVEAUX DE PRODUCTIVITÉ PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL ET HÉTÉROGÉNÉÏTÉ DE LA TAILLE DES ENTREPRISES Productivité du travail normalisée dans l’industrie manufacturière En pourcentage de la moyenne totale, ventilation par taille d'entreprise, 2005 Allemagne 1-9 10-19 20-49 50-249 250+ 49.8 58.1 74.3 88.7 122.5 Australie 68.0 61.3 73.5 86.4 139.5 Autriche 58.7 64.8 73.6 92.0 126.5 Belgique 47.2 60.1 72.5 90.9 132.0 Corée 41.3 50.9 59.3 88.0 189.8 Danemark 78.0 72.9 83.0 93.4 116.7 Espagne 53.4 67.7 77.6 101.4 165.5 États-Unis 54.1 46.8 53.8 68.3 129.8 Finlande 72.5 68.3 69.2 82.1 121.9 France 59.1 73.3 81.0 86.0 126.0 156.3 Hongrie 29.7 47.3 55.2 73.6 Irlande 30.0 28.1 31.6 67.8 154.7 Italie 54.0 81.6 99.0 122.1 146.2 Japon 42.9 55.4 65.8 97.8 157.8 Luxembourg 68.0 61.2 65.0 90.9 113.2 Mexique 21.9 47.4 58.2 89.0 141.7 Norvège 64.9 75.1 84.7 98.7 123.9 Pays-Bas 46.2 73.7 76.2 94.0 146.5 Pologne 35.0 58.2 60.6 75.9 162.1 Portugal 49.3 66.6 79.8 105.4 191.6 117.6 République slovaque 90.0 72.7 71.9 76.7 République tchèque 56.1 66.2 77.6 90.5 130.6 Royaume-Uni 74.5 74.4 81.4 90.1 122.0 Suède 47.1 70.1 77.9 85.7 127.7 Turquie .. 32.7 46.7 69.9 130.6 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/276122477188 Productivité du travail normalisée dans l’industrie manufacturière En pourcentage de la moyenne totale, ventilation par taille d’entreprise, 2005 1-9 10-19 20-49 50-249 250+ 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 France Allemagne Italie Japon Royaume-Uni États-Unis 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400776634850 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 275 PRODUCTIVITÉ • CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ PAR INDUSTRIE CONTRIBUTION DES SECTEURS CLÉS À LA CROISSANCE GLOBALE DE LA PRODUCTIVITÉ Croissance de la productivité par industrie PRODUCTIVITÉ Une décomposition de la croissance de la productivité par secteur économique peut mettre en évidence les services qui contribuent particulièrement à la performance globale en matière de productivité. facteur travail total. Si ses parts en valeur ajoutée et en travail sont les mêmes, la croissance totale de la productivité du travail est une moyenne pondérée simple de la croissance de la productivité du travail du secteur. Définition On peut adopter une démarche similaire si l’on choisit comme mesure la production brute au lieu de la valeur ajoutée. La croissance de la productivité du travail peut se calculer comme la différence entre le taux de croissance de la production brute ou de la valeur ajoutée et le taux de croissance de l’apport de travail. Le calcul de la contribution d’un secteur à la croissance globale de la productivité passe par un certain nombre d’étapes simples décrites dans le Manuel de la productivité de l’OCDE. Premièrement, le taux global de variation de la valeur ajoutée est une moyenne pondérée du taux de variation de la valeur ajoutée de chaque secteur, le poids de chaque secteur correspondant à sa part en prix courants de la valeur ajoutée aux prix courants. Pour les facteurs, l’agrégation de l’apport de travail au niveau du secteur s’obtient en pondérant les taux de croissance de l’emploi total (on ne dispose pas toujours de séries détaillées relatives aux heures travaillées par secteur dans les comptes nationaux) par la part de chaque secteur dans la rémunération totale du travail. La croissance globale de la productivité du travail peut alors se calculer comme la différence entre la croissance globale de la valeur ajoutée et la croissance globale du facteur travail. La contribution d’un secteur à la croissance globale de la productivité du travail est par conséquent la différence entre ses contributions à la valeur ajoutée totale et au Tendances à long terme Sur la période 2000-06, les « services marchands » ont représenté l’essentiel de la croissance de la productivité du travail dans beaucoup de pays de l’OCDE. En Grèce, au Luxembourg, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ils ont représenté plus de 55 % de la croissance globale de la productivité du travail. Cependant, les plus fortes croissances restent celles du secteur manufacturier. C’est le cas en République tchèque, en Finlande, en Corée, en République slovaque et en Suède. La contribution des « services marchands » à la croissance de la productivité du travail a augmenté entre 1995-2000 et 2000-06 en Belgique, en République tchèque, en France, au Luxembourg et en Nouvelle-Zélande. Cette augmentation de la contribution des services marchands est parfois liée à une augmentation de leur part dans la valeur ajoutée totale, mais en République tchèque, au Japon et en Nouvelle-Zélande, par exemple, elle reflète aussi une croissance de la productivité du travail plus rapide dans le secteur des services marchands. Dans plusieurs autres pays en revanche, la croissance de la productivité du travail dans les services marchands s’est ralentie ces dernières années. 276 L’expression « services marchands » renvoie aux activités de services 50 à 74 de la CITI-Rev.3. On trouvera plus de précisions dans l’article sur l’indicateur de croissance de la productivité dans les services. Comparabilité Dans les graphiques, les contributions sont proportionnées de façon que leur somme soit égale à 100. Ainsi, quelle que soit la croissance effective totale de la productivité du travail des pays, on peut comparer les contributions relatives des différents secteurs. Les difficultés de mesure de la production et de la productivité dans les secteurs des services doivent aussi être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Dans les graphiques, pour le Japon, les données ne se rapportent pas à 1995-2000 mais à 1996-2000, pour la Nouvelle-Zélande, elles ne se rapportent pas à 2000-06 mais à 2000-02 ; 2000-03 pour l’Australie ; 2000-04 pour le Portugal et la Suède ; 2000-05 pour le Canada, la France, la Hongrie, l’Espagne et les États-unis. Sources • Comptes nationaux annuels. • OCDE Base de données de la productivité. Pour en savoir plus Publications méthodologiques • OCDE (2002), Mesurer la productivité – Manuel de l’OCDE Mesurer la croissance de la productivité par secteur et pour l’ensemble de l’économie, OCDE, Paris. • OCDE (2004), « Clocking In (and Out): Several Facets of Working Time », Perspectives de l’emploi de l’OCDE – Édition 2004, chapitre 1, voir aussi annexe I.A1, OCDE, Paris. • Pilat, D. et P. Schreyer (2004), « Aperçu de la base de données sur la productivité de l’OCDE », Observateur international de la productivité, n° 8, printemps, CSLS, Ottawa, p. 59-65. Sites Internet • www.oecd.org/statistics/productivity/compendium. PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 PRODUCTIVITÉ • CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ PAR INDUSTRIE CONTRIBUTION DES SECTEURS CLÉS À LA CROISSANCE GLOBALE DE LA PRODUCTIVITÉ Contributions des secteurs clés à la croissance de la valeur ajoutée par personne employée En points de pourcentage, 2000-2006 ou dernière période disponible Services marchands 4.5 100 4.0 3.8 2.8 Industrie manufacturière 2.0 1.7 3.1 1.7 80 1.7 1.7 Autres industries Autres services Croissance moyenne de la productivité du travail de l'économie totale 1.0 1.0 1.5 1.3 1.2 1.2 1.6 0.7 1.1 1.0 0.7 1.1 60 40 20 00 -20 -20 -40 -40 -60 -60 -0.7 -80 -80 -0.5 Ré li e e Es pa Ita gn ga l da r tu na Po Ca as ce an -B ar Pa ys m Da ne lgi Be Fr k e g qu ur ne ag No Lu xe m bo de Al eZé èg rv No e ll uv Ro lem e lan e i ya Au tri ch Un um e- po n is Ét at s- Ja Un li e de Au st ra e F in Su la n èd e e èc Gr Co ré ue r ie èq Ré pu pu b li b li qu qu et ch ng es Ho l ov aq ue -100 -100 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400777635366 Contributions des secteurs clés à la croissance de la valeur ajoutée par personne employée En points de pourcentage, 1995-2000 ou première période disponible Services marchands 2.7 4.1 100 Industrie manufacturière 2.4 2.7 3.6 2.3 2.2 2.5 80 Autres industries Autres services Croissance moyenne de la productivité du travail de l'économie totale 1.4 1.4 1.9 1.7 1.9 1.3 2.1 1.2 1.4 1.6 0.8 0.8 60 40 20 00 -20 -20 -40 -40 -60 -60 -80 -80 No uv ell eZé lan de lie Ita n po Ja qu e as lgi Be -B Pa ag lem Al ys ne ce an ur bo Fr g e rv xe m Lu No ar m ne Da èg k e ch tri pu bli Au èq ch qu ya et um ue i e- na Un da li e ra st Au ue ex iq M F in la n de e Su èd e ré Co Ca Ro Ré Ré pu b li qu es lov aq ue -100 -100 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400805840013 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 277 PRODUCTIVITÉ • CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ PAR INDUSTRIE CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ DANS L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE Le secteur manufacturier a dans le passé été le principal moteur de la croissance de la productivité globale dans les pays de l’OCDE. Définition Dans l’indicateur présenté ici, pour chaque industrie manufacturière, la croissance de la productivité du travail se calcule comme la différence entre le taux de croissance de la valeur ajoutée du secteur et le taux de croissance de l’emploi total du même secteur (nombre de personnes occupées). Comparabilité L’étude du rôle des secteurs producteurs de TIC dans la croissance économique pose des problèmes de mesure, aussi bien pour la production que pour les facteurs de production. Le principal problème de mesure pour la fabrication de biens TIC tant au niveau de la production qu’au niveau de ses facteurs, concerne les prix en particulier, comment rendre compte statistiquement des importants gains de qualité que permettent les avancées technologiques pour des produits comme les ordinateurs et les semi-conducteurs. On considère généralement que le meilleur moyen de traiter ces problèmes est d’utiliser des déflateurs dits hédoniques. Plusieurs pays utilisent actuellement des méthodes hédoniques pour déflater la production du secteur informatique (par exemple le Canada, le Danemark, la France, la Suède et les États-Unis) ; cependant, les méthodes ne sont pas exactement les mêmes. Certains pays, comme les États-Unis, appliquent leurs propres déflateurs hédoniques, d’autres appliquent le déflateur hédonique américain corrigé des taux de change et d’autres encore appliquent des méthodes traditionnelles pour prendre en compte les variations de qualité lorsqu’ils calculent les déflateurs. Il est difficile d’ajuster les déflateurs en fonction de ces différences méthodologiques pour pouvoir faire une comparaison internationale, car les spécialisations industrielles diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre. Quelques pays de l’OCDE seulement produisent des ordinateurs et les baisses de prix y ont été très rapides ; beaucoup ne produisent que des équipements périphériques tels que terminaux d’ordinateurs. On observe des différences analogues dans la composition industrielle de la branche Fabrication d’équipements et appareils de radio, télévision et communication (CITI-32), qui comprend l’industrie des semi-conducteurs. Les différences de composition de la production sont en général plus marquées pour les investissements en matériel informatique, pour lesquels on a appliqué des approches standardisées (voir Schreyer et al. 2003). Dans les graphiques, pour le Japon, les données ne se réfèrent pas à 1995-2000 mais à 1996-2000 ; les données ne se rapportent pas à 2000-05 mais à 2000-04 pour le Canada, le Portugal et la Suède et à 2001-05 pour la Pologne. Tendances à long terme Pour la plupart des pays de l’OCDE, la croissance de la productivité industrielle a été plus lente dans la période 2000-05 que dans la période 1995-2000 ; seuls quelques pays y font exception : Japon, Norvège, République slovaque et Royaume-Uni. On a observé ces dernières années des réductions notables de la croissance de la productivité industrielle en Autriche, au Canada, en Italie et en Corée, ce qui traduit peut-être une importante mutation structurelle du secteur manufacturier de ces pays. À l’intérieur de ce secteur, on constate de grandes disparités. Les industries de haute et moyenne/haute technologies telles que les matériels électrique et optique et les équipements de transport ont généralement enregistré des taux relativement élevés de croissance de la productivité, tandis que les industries manufacturières à faible technologie, comme les textiles, ont eu tendance à générer des taux de croissance de leur productivité légèrement plus faibles. Cependant, dans certains pays de l’OCDE, dont la République tchèque, la France, la Norvège, le Royaume-Uni et les États-Unis, les taux de croissance de l’industrie textile sont restés élevés en 2000-05 – ce qui est important face à l’augmentation des importations de textiles à bas coût en provenance des pays en développement. La fabrication des matériels électrique et optique est l’une des branches dont la productivité croît le plus vite, malgré un certain ralentissement depuis la fin des années 90. Durant la période 2000-05, certains pays de l’OCDE ont maintenu une croissance annuelle de la productivité de ce secteur de plus de 10 % : ce sont la République tchèque, la Finlande, la Hongrie, le Japon, la Suède et les États-Unis. 278 Sources • Comptes nationaux annuels. • Les statistiques de l’OCDE STAN pour l’analyse structurelle – base de données en ligne. Pour en savoir plus Publications méthodologiques • OCDE (2002), Mesurer la productivité – Manuel de l’OCDE : Mesurer la croissance de la productivité par secteur et pour l’ensemble de l’économie, OCDE, Paris. • Pilat, D. et al. (2006), The Changing Nature of Manufacturing in OECD Economies, Documents de travail sur la science, la technologie et l’industrie, n° 2006/9, OCDE, Paris. • Triplett, J. (2004), Handbook on Hedonic Indexes and Quality Adjustments in Price Indexes: Special Application to Information Technology Products, Documents de travail sur la science, la technologie et l’industrie, n° 2004/9, OCDE, Paris. Sites Internet • www.oecd.org/statistics/productivity/compendium. PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 xe m b D a our bli ne g qu m e ar R o t ch k ya èqu um e A l e- U lem ni a B e gne lgi q N o ue rv èg e J Ét apo at n sU A u ni s tri c H o he n P a gr ie ys -B F in a s lan P o de r tu E s gal pa gn Su e èd Fr e an ce Gr èc e Ita lie 2000-2005 35 30 25 20 15 10 5 0 -5 pu N qu o r v e èg R o t ch e ya èqu um e eU F r ni an A u ce t Ét r ich at e s A l - Un lem i s ag F in ne la n d Su e B e è de lgi q P o ue rt P a uga ys l Da - B a ne s m a Ho rk ng ri Ja e p E s on pa gn e Gr èc e Lu It xe a l i m e bo ur g bli Gr èc R o N or e y a vè g um e Ét e - U a t ni sP a U ni s ys -B F in a s la n A u de tri ch Su e è H o de ng P o r ie r tu g Fr al Ré pu A l anc l bli em e qu a e t gn ch e èq ue Ita B e lie lgi qu e J Da apo ne n m E ark L u spa xe g n m e bo ur g pu 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 Lu Ré 2000-2005 Ré S Ét uèd at e sUn i Ja s p H o on Ré ng pu bli F in r ie qu la e t nd e L u chè xe q u m e bo P o urg r tu ga G l Da rèc ne e m ar Fr k an N o ce A l r vè g R o lem e ya agn um e eA u U ni tri B e che lgi q E s ue pa gn e I P a t a lie ys -B as Textiles et produits textiles 1995-2000 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400825166707 Matériel électronique et optique 1995-2000 2000-2005 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400845687548 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 Lu 2000-2005 e l Ita lie e da g gn na pa Ca ur qu bo lgi e ga èc r tu m Es xe Be Po 2000-2005 Gr pu slobliqu va e qu Po e lo g ne Co ré e Ho ng r ie Ré pu S uè b li de qu et ch èq ue Ét at sUn is F in la n de No rv èg Ro e ya um eUn i Ja po n Fr an ce Pa ys -B as Au tri ch e Da ne m ar k Al lem ag ne Ré PRODUCTIVITÉ • CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ PAR INDUSTRIE CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ DANS L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE Valeur ajoutée par personne employée Variation en pourcentage, taux annuel Total industrie manufacturière 1995-2000 12 10 8 6 4 2 0 -2 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400817410076 Métallurgie de base et ouvrages en métaux 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 1995-2000 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400843050253 Matériel de transport 20 1995-2000 15 10 5 -5 0 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/400877873028 279 PRODUCTIVITÉ • CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ PAR INDUSTRIE CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ DANS LES SERVICES Mesurer la productivité dans les services tend à être plus difficile que dans la production de biens. Définition Pour chaque secteur de services, la croissance de la productivité du travail est calculée par la différence entre le taux de croissance de la valeur ajoutée et le taux de croissance de l’emploi total (nombre de personnes occupées). Comparabilité Mesurer la croissance de la production et de la productivité dans de nombreuses activités de services n’est pas une tâche facile. Que produit exactement un juriste ou un économiste ? Comment peut-on comparer dans le temps les tarifs éminemment variables des opérateurs de télécommunications ? Et comment mesurer la « quantité » de services de santé fournis par les hôpitaux ? Ces questions et d’autres du même genre se posent aux statisticiens lorsqu’ils veulent mesurer la production des secteurs de services, et l’on ne saurait surestimer la difficulté de la tâche. D’une façon générale, il est plus difficile pour les services que pour les biens de distinguer les variations de volume et de prix. Les caractéristiques des biens sont normalement identifiées et les variations de quantité et de qualité sont en principe mesurables. Cependant, pour les services, même les variations quantitatives sont souvent difficiles à mesurer, sans parler de la qualité. Le terme « services marchands » désigne ici les activités de services 50 à 74 de la CITI-Rév3. En d’autres termes, c’est un substitut basé sur l’activité, qui exclut les branches qui tendent à être dominées par une production non marchande telles que la santé, l’éducation et les services sociaux. À noter qu’aucun ajustement n’a été effectué pour éliminer de la valeur ajoutée les estimations des loyers des ménages (réels et imputés), qui ne comportent aucun apport de travail – pratique courante pour calculer la productivité du travail par grande activité économique dans le système OCDE d’indicateurs des coûts unitaires de la maind’œuvre et des indicateurs associés. D’autre part, étant donné que la série de données relatives au coût unitaire de la main-d’œuvre prend dans toute la mesure du possible comme mesure du facteur travail le nombre d’heures travaillées et non le nombre de personnes employées, il se peut que les estimations de la croissance de la productivité des services marchands présentées ici diffèrent de celles présentées dans le chapitre relatif aux coûts unitaires de la main-d’œuvre. Dans les graphiques, pour le Japon, le total des services marchands exclut les hôtels et restaurants (CITI-55), et les données se rapportent à 1996-2000 au lieu de 1995-2000 ; pour le Canada, le Portugal et la Suède, c’est la période 2000-04 qui est utilisée au lieu de 2000-05 ; pour la Pologne, c’est 2001-05. Tendances à long terme Plusieurs pays de l’OCDE ont accusé un ralentissement de la croissance de la productivité totale de la main-d’œuvre dans les services marchands au cours de la période 2000-05 par rapport à 1995-2000. Les baisses les plus sensibles se situent au Mexique, au Portugal, en République slovaque et en Suisse. Les pays qui ont enregistré une nette augmentation sont la Belgique, la République tchèque, la Hongrie, l’Irlande et le Japon. En Italie et en Espagne, la croissance de la productivité dans les services marchands est restée très faible. La variation entre secteurs de services et entre pays est considérable. Les secteurs de services dont la croissance de la productivité est la plus forte tendent à être ceux qui investissent davantage dans les TIC et qui possèdent une main-d’œuvre plus hautement qualifiée. Parfois désignés sous le nom de « Services à forte intensité de connaissances », ils comprennent des secteurs comme la poste et les télécommunications (CITI-64) ; les finances et l’assurance ; et certains autres services aux entreprises tels que les services informatiques (CITI-72). À quelques rares exceptions près, la productivité du travail dans l’hôtellerie et la restauration semble avoir beaucoup baissé dans les divers pays de l’OCDE. Cependant, ces fortes baisses tiennent en partie à l’utilisation, comme mesure du facteur travail du nombre de personnes employées plutôt que du nombre d’heures travaillées – il y a en effet dans ce secteur beaucoup de travailleurs à temps partiel. Pour la plupart des pays pour lesquels on dispose du nombre d’heures travaillées, la productivité estimée baisse aussi, mais dans une moindre mesure. Il faut aussi noter que l’augmentation éventuelle de la qualité de la production n’est pas forcément prise en compte dans ces services. 280 Sources • Comptes nationaux annuels. • Les statistiques de l’OCDE STAN pour l’analyse structurelle – base de données en ligne. Pour en savoir plus Publications méthodologiques • Ahmad, N. et al. (2003), Comparing Labour Productivity Growth in the OECD Area: The Role of Measurement, Documents de travail sur la science, la technologie et l’industrie, n° 2003/14, OCDE, Paris. • OCDE (2002), Mesurer la productivité – Manuel de l’OCDE : Mesurer la croissance de la productivité par secteur et pour l’ensemble de l’économie, OCDE, Paris. • OCDE (2005), Enhancing the Performance of the Services Sector, OCDE, Paris. • Wölfl, A. (2003), Productivity Growth in Service Industries: An Assessment of Recent Patterns and the Role of Measurement, Documents de travail sur la science, la technologie et l’industrie, n° 2003/7, OCDE, Paris. • Wölfl, A. (2005), The Service Economy in OECD Countries, Documents de travail sur la science, la technologie et l’industrie, n° 2005/3, OCDE, Paris. Sites Internet • www.oecd.org/statistics/productivity/compendium. PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 pu 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 8 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 2000-2005 Ré P ol p og Ro slubli ne ya ov a qu um q e e - ue U C o ni A u rée Ét t r ic at he sF in U ni s la N o nde rv è C a ge na d Su a B e ède lgi qu Gr e è L u Fr a ce xe n c m e Da bou n rg A l ema lem r k a E s gne P a pag R é ys - ne pu B a t c bliqu s h H o èque ng e ri I e P o t a lie r tu ga l pu tchbliqu H o èque ng e r G r ie è Su ce F in è de la N o nde rv R o P o ège ya lo g um n e- e U C ni P a oré y Ét s- B e at as sU L u B elg ni s xe i q m ue bo ur A l Jap g lem o n a C gne D a ana ne d a m A u ark tr E s iche pa gn Ita e F r lie a P n Ré or t ce pu ug b slo liq al va ue qu e Ré 2000-2005 Ré H on pu gr slobliq ie v u P o aque r tu e g G al N o rèce rv E s ège pa gn Co e R o P o rée ya lo g um n e Da e- U ne ni m a J rk P a apo ys n B -B R é elg a s pu iqu t c bliq e hè ue q Ét Su ue at èd s- e Un L u Fr is xe a n m ce bo C a urg na da I A u t a lie tri F i ch A l nla n e lem de ag ne bli Po lo H o gne n qu C gr ie es o lov rée P a aqu ys e -B Ré L pu u x G r a s bli em è c qu b e e t ou c rg É t hèq a t ue Da s- U ne ni s m F in a r k la n d Ita e J a lie N o pon rv è S u ge P o è de r tu F ga A l r an l lem c e a R o A u gne ya t r ic um h e e Be - Un lgi i C a que n E s ada pa gn e Ré Commerce de gros et de détail 1995-2000 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401065222304 Transports, entreposage et communication 1995-2000 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401261804535 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 pu at Da Ca k de ar na m e as e lie qu la n ne F in e is èd -B lgi ys Be Pa Su ra st èc Un Gr i e ré Co e Un e- èg s- Au Ét Lu rv um No n ne lo g po ue èq Ja Po de r ie an ng ch Ho et ya qu Ro b li Irl xe da m bo ur g No F uv r a ell nc eZé e la A l nde lem ag n Au e tri ch e Su is s Es e pa gn Po e r tu ga l I t Ré a li e pu bli Mex qu i e s que lov aq ue Ré PRODUCTIVITÉ • CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ PAR INDUSTRIE CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ DANS LES SERVICES Valeur ajoutée par personne employée Variation en pourcentage, taux annuel Total services marchands 2000-2005 1995-2000 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401032688323 2000-2005 Hôtels et restaurants 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 2000-2005 1995-2000 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401075288707 Finance et assurances 16 14 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 1995-2000 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401263513014 281 PRODUCTIVITY • EFFET DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL SUR LES COÛTS DE LA MAIN-D’ŒUVRE COÛTS UNITAIRES, PRODUCTIVITÉ ET RÉMUNÉRATION DU TRAVAIL Effet de la productivité du travail sur les coûts de la main-d’œuvre PRODUCTIVITY Les coûts unitaires de la main-d’œuvre mesurent le coût moyen du travail par unité produite. Définition Les coûts unitaires de la main-d’œuvre sont le quotient des coûts totaux de main-d’œuvre et de la production réelle, ou, de manière équivalente, la rémunération du travail par unité d’apport de travail divisée par la productivité de la main-d’œuvre. La rémunération du travail par unité d’apport de travail est la rémunération des salariés (selon la définition du Système de comptabilité nationale de 1993) divisée par le nombre total d’heures travaillées par les salariés des entreprises (ou le nombre total des effectifs salariés si les données relatives aux heures travaillées ne sont pas disponibles). La productivité du travail est la production réelle (valeur ajoutée brute) divisée par le total des heures travaillées par toutes les personnes employées (ou le nombre total de personnes employées si l’on ne dispose pas de données sur les heures travaillées). Le secteur des entreprises (à l’exclusion de l’agriculture) est défini comme la somme des secteurs essentiellement orientés vers le marché, à savoir les divisions C, D, E, F, G, H, I et J de la CITIRev.3. Comparabilité Tout a été fait pour que les données soient comparables d’un pays à l’autre. La source primaire de données est la base de données du Système OCDE des comptes nationaux, dans lequel les données sont censées être établies d’une manière semblable dans tous les pays, conformément au Système de comptabilité nationale de 1993. On peut donc avec un certain niveau de confiance comparer entre les pays l’évolution dans le temps des indices des coûts unitaires de la main-d’œuvre, de la productivité du travail et de la rémunération de la main-d’œuvre par unité d’apport de travail. Dans tous les cas, les pays ont été consultés pour la première compilation annuelle des indicateurs de coût unitaire de la main-d’œuvre et des indicateurs associés. La variable « clé » l'apport de travail est le nombre total d'heures travaillées aussi bien pour l'emploi total (coûts unitaires de main-d'œuvre, et productivité du travail) que pour les salariés (coûts unitaires de main-d'œuvre, et rémunération du travail par unité de main-d'oeuvre) compilées conformément au Système de comptabilité nationale de 1993. Cependant, le nombre total d'heures travaillées n'est disponible que pour les pays suivants : Australie, Autriche, Canada, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Corée, Norvège, République slovaque, Espagne et Suède. Pour les autres pays (et la Zone euro), l'emploi total et le nombre total de salariés sont mesurés en nombre de personnes. Tendances à long terme Secteur des entreprises : au cours de la période prise en compte dans les tableaux et graphiques (1993-2006), la croissance moyenne annuelle de la productivité du travail et les coûts unitaires de main-d’œuvre ont enregistré des hausses modérées, tandis que la rémunération du travail par apport de travail unitaire a connu une augmentation plus marquée. Seuls le Japon et la Finlande ont enregistré au cours de la même période une croissance moyenne annuelle négative des coûts unitaires de main-d’œuvre, du fait d’une croissance moyenne annuelle de la productivité du travail plus rapide que celle de la rémunération par unité d’apport de travail. La Corée, la Pologne et la République slovaque présentent toutes une croissance annuelle moyenne de la productivité du travail de 4 % ou plus, et affichent aussi une forte croissance annuelle moyenne de la rémunération du travail par unité d’apport de travail, d’où une forte croissance moyenne annuelle de leurs coûts unitaires de main-d’œuvre. 282 Source • Système des coûts unitaires de la main-d’œuvre de l’OCDE. Pour en savoir plus Publications analytiques • Lancement officiel de la base de données « Système des coûts unitaires de la main d’œuvre de l’OCDE ». Publications statistiques • OCDE (2007), Principaux indicateurs économiques, OCDE, Paris. Bases de données en ligne • Système des coûts unitaires de la main-d’œuvre de l’OCDE. PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 PRODUCTIVITY • EFFET DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL SUR LES COÛTS DE LA MAIN-D’ŒUVRE COÛTS UNITAIRES, PRODUCTIVITÉ ET RÉMUNÉRATION DU TRAVAIL Coûts unitaires de la main-d’œuvre, secteur marchand Croissance annuelle en pourcentage 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Allemagne 4.7 0.0 2.0 0.7 –1.6 0.0 0.5 0.1 0.3 0.4 0.4 –1.3 –0.9 –1.9 Australie –0.3 0.3 3.7 1.0 0.7 0.1 1.2 3.9 0.5 0.6 1.9 4.2 3.0 .. Autriche 3.6 0.8 0.0 –1.4 0.1 0.4 –0.3 –0.8 1.2 1.1 0.5 –0.7 1.4 –0.3 1.5 Belgique 5.1 0.1 –0.1 0.9 –0.1 1.1 2.3 0.6 3.9 1.2 –0.3 –0.1 0.9 Canada –0.9 –2.0 1.1 2.2 2.0 1.6 –0.1 1.5 3.0 0.0 2.2 .. .. .. Corée 7.0 7.0 8.8 6.8 –0.3 1.0 –5.0 –2.0 3.8 0.6 5.8 –0.5 –0.1 –1.1 2.4 Danemark 1.6 –2.9 1.3 2.7 1.0 3.9 0.3 –0.3 4.6 3.7 1.7 0.8 1.5 Espagne 7.4 1.1 2.5 4.3 4.0 2.6 2.3 4.0 3.4 3.0 3.1 2.2 2.2 2.4 États-Unis 0.6 0.1 2.5 1.8 2.4 3.6 1.6 4.4 1.4 –2.0 –0.5 1.8 1.0 3.8 Finlande –5.9 –3.6 3.4 –0.5 –0.6 1.0 0.2 –0.2 2.8 0.1 0.2 –1.1 1.9 –1.6 France 2.6 –0.7 0.6 1.5 0.5 –0.5 0.3 1.3 2.1 2.7 1.1 1.6 1.4 .. Grèce .. .. .. 8.4 8.2 5.4 1.7 0.3 –1.5 4.4 1.9 3.1 5.8 5.5 Hongrie 15.9 10.0 19.7 20.3 13.6 9.0 1.8 12.2 11.2 4.3 5.5 9.4 3.1 .. Irlande 2.1 2.0 –3.4 –0.6 –0.2 6.3 1.3 4.0 2.3 –2.3 2.5 3.3 4.1 2.4 Islande –1.4 1.0 5.0 3.1 2.4 7.5 6.4 5.2 4.8 7.3 1.2 –0.6 6.0 .. Italie 1.1 –1.1 1.1 5.1 2.5 –0.6 2.3 –0.8 2.2 4.0 4.5 2.2 3.5 1.6 Japon 1.0 0.2 –1.5 –2.3 –0.5 –0.3 –3.2 –2.5 –2.1 –4.1 –4.5 –4.3 –2.3 .. Luxembourg 2.8 1.0 0.8 3.1 –0.7 –0.9 1.8 3.1 6.2 1.2 1.4 0.8 0.7 1.8 Mexique 13.4 6.1 23.4 19.6 18.5 16.5 15.8 10.1 8.5 4.7 3.1 1.7 .. .. Norvège –0.4 –1.7 0.9 0.7 3.1 8.3 5.3 1.5 3.1 3.1 0.3 1.2 4.5 8.2 Nouvelle-Zélande –1.2 2.9 1.2 3.5 1.8 0.6 –4.1 –0.1 3.6 1.3 3.9 .. .. .. Pays-Bas 2.3 –0.7 0.5 0.8 1.9 2.3 1.2 2.5 4.7 4.2 1.5 –0.5 –0.6 1.1 Pologne 28.3 30.1 25.0 23.9 17.3 14.4 3.6 3.0 7.9 –4.5 –2.8 –3.1 0.1 .. Portugal 4.1 3.5 –0.7 3.3 1.9 4.2 3.5 2.5 1.9 3.5 2.6 0.7 .. .. .. 19.9 8.6 1.0 15.2 6.3 5.1 12.8 1.3 7.7 2.5 4.8 2.3 –3.0 0.2 République slovaque République tchèque 28.1 15.1 12.0 12.3 11.3 8.9 2.1 2.3 5.2 4.4 3.5 1.1 –2.2 Royaume-Uni –1.0 –1.4 2.0 0.5 2.1 4.4 2.3 2.6 3.4 2.1 2.0 0.6 2.9 1.5 Suède –4.2 –0.5 –1.1 4.4 0.4 0.9 –2.0 4.4 6.0 –1.1 –1.0 –2.4 –0.3 –0.3 Turquie 59.3 69.0 55.6 91.4 93.4 73.3 88.1 51.3 45.1 29.5 18.2 13.2 7.7 10.5 Zone euro 3.5 –0.2 1.2 1.8 –2.0 –0.1 1.5 0.8 1.8 2.1 1.6 0.7 0.9 0.6 Sept Grands 1.2 –0.2 1.3 1.0 1.2 1.9 0.6 2.0 1.0 –1.0 –0.3 0.3 0.6 .. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/276128531605 Coûts unitaires de la main-d'œuvre, secteur marchand Croissance annuelle moyenne en pourcentage, 2000-2006 ou dernière période disponible 24.1 10.0 7.5 5.0 2.5 0.0 -2.5 All Ja po em n ag n Po e log Fin ne lan d Au e Se trich pt e gr an ds Su èd e Co ré Be e lgi Zo que ne e Ét uro at sUn i Ca s na da Fr an Ré pu Pa ce bli ys qu -B e t as ch è Da que ne Ro m ya ark um Lu e-U No xem ni uv ell bou er Zé g lan de Po rtu ga Irla l nd Au e str ali e Ita lie Gr è Es ce pa gn No e rv Ré èg pu e bli I s qu lan e s de lov aq Me ue xiq u Ho e ng ri Tu e rq uie -5.0 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401324723178 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 283 PRODUCTIVITY • EFFET DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL SUR LES COÛTS DE LA MAIN-D’ŒUVRE COÛTS UNITAIRES, PRODUCTIVITÉ ET RÉMUNÉRATION DU TRAVAIL Productivité du travail, secteur marchand Croissance annuelle en pourcentage 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Allemagne 0.7 3.3 2.3 2.2 3.1 1.1 1.2 3.5 2.3 1.8 1.9 1.5 2.0 3.4 Australie 2.2 0.5 2.1 3.7 3.6 3.0 1.3 0.3 5.4 2.0 1.5 –0.7 1.1 .. Autriche 0.6 3.3 4.0 1.7 1.4 2.6 3.9 4.0 0.6 1.4 1.3 1.7 1.3 3.2 Belgique –1.4 3.6 1.4 0.4 3.7 –0.3 1.8 1.4 0.1 2.1 2.0 2.2 0.4 1.7 Canada 1.8 2.0 1.5 –0.2 3.2 1.9 2.4 3.6 0.2 1.2 0.7 0.0 2.6 .. Corée 4.3 5.3 6.4 4.8 5.6 6.3 8.0 5.7 3.0 5.7 5.6 5.0 5.9 4.6 0.7 Danemark 0.5 6.9 1.7 1.6 0.9 –1.2 1.7 2.4 –0.5 0.9 2.9 1.1 0.9 Espagne 1.1 2.6 0.5 –1.5 –1.4 –1.0 –0.7 –1.0 0.5 0.4 0.5 0.2 1.1 0.0 États-Unis 1.1 1.8 0.6 2.4 2.3 3.3 2.9 1.8 1.2 3.2 2.4 3.2 1.7 1.1 Finlande 8.0 8.5 2.1 2.7 2.9 4.0 2.1 4.3 2.6 1.3 2.4 4.7 1.7 4.4 France 1.1 2.5 2.3 0.0 1.8 2.7 1.6 3.9 0.3 2.5 2.1 0.4 2.1 .. Grèce .. .. .. 5.0 4.1 –0.3 2.0 5.1 3.6 1.8 4.5 2.8 0.5 0.1 5.1 Hongrie .. .. .. 2.0 3.4 4.7 –0.5 3.7 4.1 4.7 5.2 4.5 3.9 Irlande 2.0 2.6 5.8 5.9 5.4 –0.9 4.5 4.3 4.5 6.7 2.2 1.9 1.2 2.2 Italie 1.9 5.2 4.1 –1.1 1.7 –0.9 –0.2 2.9 0.4 –1.1 –1.8 0.0 0.6 1.0 Japon –0.3 1.3 3.2 2.9 2.0 –0.2 1.8 3.4 1.5 2.9 3.1 4.4 2.9 .. Luxembourg 2.8 3.8 –0.2 –1.2 3.1 1.8 2.0 3.1 –2.7 1.4 0.5 2.7 3.3 3.6 Mexique .. .. .. 3.4 3.9 –3.0 4.0 1.8 –1.3 –0.9 –0.3 1.4 .. .. Norvège 2.2 5.0 3.4 3.9 2.1 –1.3 0.4 4.4 3.6 2.1 3.3 1.6 0.3 –1.8 Nouvelle-Zélande 6.0 0.8 –0.7 0.3 1.1 –2.2 3.8 1.9 1.8 1.5 1.3 1.0 –3.6 .. Pays-Bas 0.2 3.1 0.4 1.0 0.9 1.6 2.1 2.2 0.2 0.2 2.0 4.2 1.5 1.1 Pologne 7.4 6.8 4.2 5.6 3.7 1.5 10.4 8.9 1.1 4.1 4.4 6.8 2.9 .. Portugal 1.3 0.5 5.8 3.0 4.1 0.5 1.0 2.7 1.2 –0.4 0.0 1.6 .. .. République slovaque .. .. .. 2.4 5.4 8.5 0.1 1.4 3.3 4.5 7.5 3.6 –0.6 8.6 République tchèque .. .. .. 3.9 –1.0 0.3 5.3 4.8 1.9 1.9 4.6 5.1 6.7 6.1 Royaume-Uni 3.8 4.3 1.6 2.7 1.4 2.6 2.9 3.4 1.2 1.6 2.8 3.6 1.3 2.8 Suède 6.2 4.2 3.6 1.7 5.0 2.7 2.3 4.2 –0.2 5.7 4.7 5.7 4.8 3.9 Suisse 0.7 1.4 1.6 3.0 2.7 1.5 –1.5 2.0 2.0 2.2 –0.2 0.9 2.3 .. Zone euro 0.5 3.4 1.9 0.6 1.9 0.8 0.7 1.6 0.5 0.3 0.6 1.3 0.8 1.7 Sept Grands 1.0 2.3 1.8 2.0 2.2 1.9 2.2 2.6 1.2 2.4 2.1 2.7 1.9 .. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/276157315844 Productivité du travail, secteur marchand Croissance annuelle moyenne en pourcentage, 2000-2006 ou dernière période disponible 6 5 4 3 2 1 e ell Ita e- lie Zé la Zo nde ne eu Po ro rtu Da gal ne m ar Ca k na Be da lgi qu e Su is Au se str a Pa lie ys Lu -B xe as m bo ur g Fr an ce No rv èg Au e tri Ét che at s Se -Un is pt gr a All nds e Ro mag ya n um e eUn i Gr èc e Ja po Fin n l an Ré de pu bli qu Irlan e s de lov aq Ré ue pu bli Su qu è e t de ch èq u Ho e ng rie Po log ne Co ré e gn pa No uv Es Me xiq ue 0 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/401343332211 284 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008 PRODUCTIVITY • EFFET DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL SUR LES COÛTS DE LA MAIN-D’ŒUVRE COÛTS UNITAIRES, PRODUCTIVITÉ ET RÉMUNÉRATION DU TRAVAIL Rémunération du travail par unité de main-d’œuvre, secteur marchand Croissance annuelle en pourcentage 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Allemagne 5.4 3.3 4.5 3.1 1.5 1.1 1.8 3.7 2.6 2.2 2.4 0.2 1.1 1.6 Australie 1.8 0.9 6.1 4.6 4.3 3.1 2.6 4.2 5.8 2.6 3.5 3.3 4.2 .. Autriche 4.2 4.0 4.0 0.2 1.5 2.9 3.7 3.2 1.9 2.5 1.7 1.0 2.7 3.1 3.2 Belgique 3.4 4.0 1.6 1.3 3.6 0.8 4.0 1.8 3.8 3.5 1.6 2.2 1.3 Canada 0.9 0.1 2.5 1.9 4.9 3.5 2.1 5.1 3.2 1.2 2.8 .. .. .. Corée 12.8 12.6 15.9 12.7 6.0 9.1 0.5 2.8 6.1 6.8 10.8 5.0 5.7 3.2 3.1 Danemark 2.1 3.8 3.0 4.3 2.0 2.6 2.1 2.1 4.1 4.6 4.6 1.9 2.4 Espagne 8.8 3.7 2.9 2.8 2.3 1.4 1.2 2.7 3.9 3.3 3.6 2.5 3.3 2.3 États-Unis 1.7 1.9 3.1 4.2 4.8 7.0 4.5 6.3 2.6 1.2 1.9 5.1 2.6 4.9 Finlande 1.7 4.6 5.6 2.3 2.3 5.0 2.3 4.1 5.5 1.4 2.6 3.6 3.6 2.8 France 3.7 1.8 3.0 1.5 2.4 2.2 1.9 5.2 2.3 5.2 3.2 2.0 3.5 .. Grèce .. .. .. 14.1 12.1 4.6 3.3 5.4 2.3 6.2 6.6 5.6 6.3 5.3 Hongrie .. .. .. 22.5 17.0 13.2 1.7 16.8 15.5 8.4 11.0 14.2 6.9 .. Irlande .. .. .. 5.1 5.0 5.3 5.7 8.2 6.7 4.0 4.7 5.4 5.4 4.6 2.6 Italie 3.2 4.2 5.1 4.1 4.1 –1.8 2.1 2.0 2.8 2.7 2.8 2.1 4.0 Japon 0.7 1.4 1.7 0.5 1.5 –0.5 –1.5 0.7 –0.6 –1.2 –1.6 0.0 0.5 .. Luxembourg 5.6 4.8 0.7 1.8 2.3 0.9 3.9 6.3 3.3 2.5 1.9 3.4 4.0 5.5 Mexique .. .. .. 23.5 23.1 12.9 20.2 12.3 7.4 4.1 3.0 2.8 .. .. Norvège 1.7 3.2 4.4 4.5 5.3 6.9 5.7 5.9 6.9 5.3 3.6 2.8 4.9 6.1 Nouvelle-Zélande 4.7 3.7 0.4 3.8 2.8 –1.4 –0.6 1.8 5.5 2.7 5.2 .. .. .. Pays-Bas 2.5 2.4 0.9 1.8 2.7 3.8 3.3 4.7 5.0 4.4 3.5 3.7 0.8 2.2 Pologne 38.2 38.7 30.3 31.0 21.8 16.4 14.4 12.2 8.7 –0.7 1.4 3.6 2.9 .. Portugal .. .. .. 6.5 6.0 4.7 4.5 5.2 3.2 3.1 2.6 2.3 .. .. République slovaque .. .. .. 3.6 20.4 15.6 5.2 14.2 5.0 12.7 10.3 8.5 2.3 5.5 6.2 République tchèque Royaume-Uni Suède .. .. .. 16.5 10.0 9.4 7.7 7.1 7.2 6.3 8.4 6.3 4.3 2.9 2.9 3.1 2.7 3.7 7.2 5.2 6.0 4.5 3.6 4.6 4.2 4.2 4.4 .. 3.7 2.4 6.2 5.3 3.6 0.3 8.7 5.8 4.5 3.6 3.1 4.5 3.6 Zone euro 4.0 3.3 3.1 2.5 –0.1 0.7 2.1 2.5 2.3 2.4 2.2 2.1 1.7 2.3 Sept Grands 2.2 2.1 3.1 3.0 3.5 3.9 2.7 4.6 2.2 1.4 1.8 3.2 2.4 ..
31,985
18/hal.univ-lorraine.fr-tel-02746390-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,077
14,722
Utilisation du modèle cellulaire ATDC5 pour la caractérisation des mécanismes de maturation des procollagènes et de leurs relations avec le processus de minéralisation matricielle Dafné Wilhelm LIENS DOCTEUR DE l'UNIVERSITE DE LORRAINE Mention : « Sciences de la Vie et de la Santé » par Dafné WILHELM Utilisation du modèle cellulaire ATDC5 pour la caractérisation des mécanismes de maturation des procollagènes et de leurs relations avec le processus de minéralisation matricielle Mercredi 4 décembre 2019 Membres du jury : Rapporteurs : Dr. David HULMES, DR CNRS Emérite, UMR 5305 CNRS LBTI, Université de Lyon 1 Pr. David MAGNE, UMR 5246 CNRS – Université de Lyon 1 MEM2 Examinateurs : Dr. Halima KERDJOUDJ, MCU HDR, EA 4691 BIOS – Université de Reims Pr. Laurence SABATIER, UMR 7178 CNRS – Université de Strasbourg LSMBO Pr. Brigitte LEININGER, UMR 1256 INSERM – Université de Lorraine NGERE Dr. Arnaud BIANCHI, IR HDR, UMR7365 CNRS – Université de Lorraine IMoPA, directeur de thèse Dr. Jean-Baptiste VINCOURT, IR, UMR7365 CNRS – Université de Lorraine IMoPA, co-directeur de thèse --------------------------------------------------------------------------------------------- ---------------- ---------------- -----UMR 7365 CNRS-UL Ingénierie Moléculaire et Physiopathologie Articulaire (IMoPA) Biopôle de l'Université de Lorraine, Campus Brabois-Santé, avenue de la forêt de Haye - BP 20199, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy, France COLLAGENE \kɔ.la.ʒɛn\ n.m Du grec ancien Κόλλα, kolla, colle, et γένος, génos, génération, origine. 1. Etymol. et Hist. Qui produit de la colle, de la gélatine. Près de 10 000 ans avant notre ère, faire chauffer et bouillir des tissus conjonctifs animaux permettait déjà à l'Homme du Néolithique d'extraire une gélatine qu'il utilisait en complément d'une résine végétale à des fins de décoration rituelle [1]. 2. Biochim. Protéines la plus abondante du corps humain, responsable de la cohésion des tissus. REMERCIEMENTS Je souhaite en premier lieu remercier mes Directeurs de thèse, Jean – Baptiste Vincourt et Arnaud Bianchi, ainsi que le directeur du laboratoire IMoPA, Jean – Yves Jouzeau pour m'avoir accueillie au sein de l'unité. Je tiens à remercier les membres de mon jury de thèse pour avoir accepté d'y prendre part, le Docteur Halima Kerdjoudj, les professeurs Laurence Sabatier et Brigitte Leininger, avec plus particulièrement un grand merci au Docteur David Hulmes et au Professeur David Magne en tant que rapporteurs. Merci à Patrick Menu et au Conseil Scientifique de l'Ecole Doctortale BioSE, à Clotilde Boulanger et au Collège Lorrain des Ecoles Doctorales, ainsi qu'à tous mes collègues en thèse de qui j'ai eu le soutien, de m'avoir offert l'opportunité d'assurer la fonction de représentante des doctorants. Cela fait bientôt 6 ans que le Biopôle me voit courir dans ses couloirs. Au fil des années il est devenu comme une seconde maison. J'y aurai côtoyé enseignants, collègues et amis, parfois des personnes qui sont les trois à la fois. Il m'aura vu rire et pleurer, j'y aurai connu parmi mes pires angoisses et mes plus belles victoires. Et qui dit maison, dit famille. Merci à toutes mes grandes soeurs et mes grands frères de labo aux côtés de qui j'ai grandi : Anne dont la cime dépassant au-dessus de l'ordi me manque déjà, Adeline pour tous moments passés ensemble et le soutien que tu m'offrais chaque jour, Mahdia pour la confiance que tu as toujours eu en moi, papa Paulux aux blagues aussi affutées et précises que ses tirs, Sajida for all the precious times that we spent speaking together, Elise et Nico, Dima, Mathilde, Anne-So, Naceur. Merci aux expatriés BB, Jonny et Anaïs pour les moments inoubliables et les courbatures (vous me manquez les coupains <3), et ma Mélu, loin des yeux mais jamais loin du coeur. Merci pour tous ces fous rires et ces moments de complicité, merci m'avoir soutenue dans les bons moments et supporté dans les pires! Merci Géraud, Flo, Théo (ne perd pas espoir de me faire comprendre la physique un jour) et Ben, mes comparses de promos, je vous souhaite un avenir à la hauteur des galères que l'on a traversées. Merci à toutes mes petites soeurs et petits frères de labo dont les sourires et la bonne humeur contribuent largement chaque jour à la bonne ambiance de notre second « chez nous » : Océanne, Adrien, Laeya et Hélène, JM, Liza, Quentin, Stéfania, Charlène, Sana, Charlotte, Marion, Laura, Fatouma, Cécile et Anne-Bé. J'associe à ces remerciements les scientifiques en herbe qui seront passés par la plateforme de protéo durant ces trois dernières années, en particulier Benjamin et Soufiane pour l'aide précieuse apportée pour les manipes. Je voudrais aussi exprimer ma sincère gratitude à toutes mes tatas : Cécile et Nathalie pour votre bienveillance, Nadia et Gigi pour avoir su m'alléger la pénible tâche des dédales administratifs par votre efficacité redoutable, Sandrine pour ta douceur réconfortante, Karine et Marie pour les agréables moments passés à ne pas discuter de sciences. Merci Murielle pour les séances de vita – zen – attitude qui m'ont permises plus d'une fois de décompresser. Merci pour ta bienveillance et ton sourire. Je tiens à remercier Sandrine et Stéphanie qui ont accepté de faire partie de mon comité de suivi individuel. Merci de m'avoir écoutée et conseillée et merci pour ces rapports privilégiés. Une pensée va aussi à mes tontons : Hervé, évidemment, celui qui a des yeux partout et sans qui ce travail de thèse n'aurait pas été le même, ainsi que David et Fred. Merci pour vos conseils pertinents et votre implication dans la réussite de mon projet. Merci Laurent, maître caféine et paternaliste. Merci tonton Nono pour l'accueil toujours joyeux dans ton bureau dont la porte était toujours grande ouverte (même quand tu n'y étais pas!). Merci pour ton air taquin et ces rires éclatants à en faire trembler les murs, merci pour toutes ces discussions enrichissantes et musicales qui dépassaient (très) souvent le pur cadre professionnel. Merci JB. Ce travail de thèse, il est autant le mien que le tien. Merci d'avoir été le premier à avoir cru en moi et à m'avoir donné ma chance il y a de cela (plus ou moins) ans. Plus que tout autre, tu m'auras vu rire et pleurer (surement plus pleurer que rire d'ailleurs), galérer et persévérer. Merci de m'avoir fait profiter de ton expertise dans un tas de domaine, merci pour ces rapports professionnels empleins de respect qui m'ont permis de passer toutes ces années dans un cadre sains, même quand notre tendance au quiproquo de vieux couple compliquait les interactions. Quelques lignes dans une section de remerciements ne seront jamais suffisantes pour te dire merci, mais je suis sûre que tu auras eu la perspicacité de noter ce qui sera mon ultime marque de gratitude. Merci à toute la petite famille d'IMoPA Go Green de m'avoir suivi dans mon initiative de hippie – écolo. Nous ne sauverons peut-être pas le monde, mais j'ai plaisir à penser que nous aurons au moins réussi à faire de notre labo un lieu où il est plus sain de vivre. Merci pour votre enthousiasme et les discussions enrichissantes, merci à Christophe pour toute ta bonne volonté. Une pensée toute particulière va à ma belle-famille laborantine, la Team GeoRessources. L'intégration au sein de cette bande d'amoureux de la Terre et de ce qu'elle a de plus beau à offrir s'est faite à mon plus grand bonheur (et à celui de mon estomac et de mon foie). Merci à mes Licornes Héloïse et Joséphine, enthousiastes et passionnées, Audrey et ses amours cocasses, Nora à l'accent chantant, la Migros (je reste ta plus grande fan <3), Dimitri, Julien et Julien (Tatin ou Tatatin?). Merci de m'avoir accueillie au cours de ces innombrables pausescafé, restos et autres soirées gastronomiques fromagères. Et je n'oublie pas Camille et nos regards complices l'air de dire « toi non plus, t'as pas compris? ». Merci à ma famille d'accueil DynAMic, avec qui j'apprends chaque jour un peu plus qu'on peut faire autre chose avec des bactéries que des mini prep. Merci Bertrand pour la confiance que vous m'avez accordée alors que je n'avais pas encore fini ma thèse. Cette même confiance m'a également été accordée par Virginie et Florence lors de ces trois ans de thèse et qui m'ont offert l'incroyable opportunité de faire de l'enseignement. J'y ai pris goût, et les cours ont largement participé à mon épanou issement tant professionnel que personnel. Merci à mes étudiants que j'aime autant que je déteste, et que j'adore détester. Merci Virginie pour ton soutien et ta bienveillance. Merci à mes nouvelles co-bureau Claire et Emilie pour l'accueil qui, faute de réchauffer la pièce, me réchauffe le coeur. Merci Pouyou, Soso et Roro, ma sainte Trinité d'amour et d'amitié, ma fraternité de toujours. Je lève mon verre à tous nos moments passés, et à tous ceux à venir. On s'en est fait la promesse il y a de nombreuses années, le rendez – vous est pris. A Jean-Marc B. qui, le premier, m'a donné l'envie de faire des sciences. Je vous dédie ce travail de thèse . LISTE DES ABBREVIATIONS ACN Acétonitrile 73 ADAMTS A Disintegrine and Metalloprotease with Thrombospondine motifs 28 AF Acide formique 71 AGE Advanced glycation end products 15 ALP Phosphatase alcaline non spécifique de tissue. 44 BGP Bone Gla Protein 48 BMP-1 Bone morphogenetic protein-1 28 cKO Knock - out conditionnel 24 CNBr Bromure de cyanogen 71 Col I Collagène de type I 7 Col II Collagène de type II 7 Col III Collagène de type III 11 Col IV Collagène de type IV 1 Col IX Collagène de type IX 19 Col V Collagène de type V 23 Col VI collagène de type VI 41 Col XI Collagène de type XI 19 Col XII Collagène de type XII 38 Col XIV Collagènes de type XIV 38 Col XVIII Collagène de type XVIII 10 CPI C-propeptide du collagène de type I 10 CPII C-propeptide du collagène de type II 10 CPIII C-propeptide du collagène de type III 23 CPB Cristaux de Phosphate Basique 46 CPPD Cristaux de calcium de Pyrophosphate Dihydratés 46 CUB Complement-Uegf-Bmp1 29 DMEM/F-12 Dulbecco's Modified Eagle Medium Nutrient Mixture F-12 65 DOC Na-deoxycholate 73 ePPi PPi extracellulaire Voir PPi ERES Endoplasmic Reticulum Exist Sites 27 ERGIC ER to Golgi intermediate compartment 27 FACITs Collagènes associés aux fibrilles avec une triple hélice interrompue 17 FDR False Discovery Rate 75 FN Fibronectine 9 GAG Glycosaminoglycanes 8 GGCX Glutamate γ-carboxylase 48 GGT Glucosylgalactosyl - transferase 26 Gla Acide γ-glutamic 48 Glu Acide glutamique 48 GRP Gla – Rich Protein 48 GT Galactosyltransferase 26 HA Hydroxyapatite 43 Hsp47 Heat Shock Protein 47 24 Hyl Hydroxylysines 26 Hyp Hydroxyproline 18 IAA Iodoacétamide 73 KO Knock - out 24 LH Lysine Hydroxylase 25 LOX Lysyl Oxydase 9 LOXL LOX - like 31 MEC Matrice Extracellulaire 1 MGP Matrix Gla Protein 48 MMP Métalloprotéinases matricielles 10 MPT Modifications post-traductionnelles 14 mTLD mammalian Tolloid 28 NPP1 Nucleotide Pyrophosphohydrolase 44 NTR Netrin - like 30 OC Osté calcine 47 OI Ostéogenèse Imparfaite 21 OPN Ostéopontine 10 P3H Prolyl 3-hydroxylase 21 P4H Prolyl 4-hydroxylase 20 PCPE-1 Procollagen C-Proteinase Enhancer - 1 29 PCPE-2 Procollagen C-Proteinase Enhancer - 2 30 PG Protéoglycanes 6 PGHS PGs à héparane sulfate 30 Pi Phosphate inorganique 44 PLOD Procollagen - lysine - 2 - oxoglutarate - 5 dioxygenase 26 PNC Protéines non-collagéniques 47 PPi Pyrophosphate inorganique 44 PPI Peptidylprolyl cis - trans isomerase 24 Pro Proline 18 RE Réticulum Endoplasmique 19 SAXS Small-angle X-ray scattering 29 SED Syndromes d' Ehlers – Danlos 24 SLRP Small Leucine Riche PG 8 SNAP Surface Nucleation And Propagation 36 SRC Séquence de Reconnaissance de Chaîne 23 TANGO1 Transport and Golgi organization protein 1 27 TCA Acide trichloroacetique 73 TFA Acide trifluoroacétique 73 TGF – β Transforming growth factor – β 12 VM Vésicules Matricielles 44 βGP β-glycérophosphate 59 LISTES DES FIGURES Figure 1 : Innovations évolutives apparues dans le règne animal et aboutissant à l'émergence du tissu osseux 2 Figure 2 : Etapes hypothétiques menant à la formation d'un gène ancestral des collagènes fibrillaires 4 Figure 3 : Le contenu en collagène de type I détermine la rigidité tissulaire 6 Figure 4 : Observation par microscopie électronique à balayage de l'organisation spatiale tissu – spécifique des fibres de collagène de type I dans (A) le ligament mature de rat ou (B) la cornée du singe et des fibres de collagènes de types II dans (C) le cartilage articulaire humain mature 7 Figure 5 : Implication des facteurs de croissances lors de la cicatrisation. 12 Figure 6 : Elastographie mammaire montrant la rigidité accrue d'une tumeur par rapport au tissu sain environnant 13 Figure 7 : Modifications de l'architecture de la MEC dans la progression tumorale. 14 Figure 8 : Altération de l'organisation du réseau collagènique dans la peau vieillissante et endommagée par les UV 15 Figure 9 : Modifications des cross-links enzymatiques et non-enzymatiques au sein des collagènes en fonction de l'âge 16 Figure 10 : Conformation tridimensionnelle adoptée par les chaines polypeptidiques α seules et au sein du trimère de collagène 19 Figure 11 : Des mutations dans le domaine en triple hélice des collagènes peuvent mener à des pathologies génétiques 20 Figure 12 : Les Prolyl 4-hydroxylases hydroxylent les résidus prolines de manière co- et posttraductionnelles 21 Figure 13 : Marquage négatif de fibrilles reconstituée in vitro dans un tampon PBS à partir de collagène de type I recombinant produit en cellules de plante (A) ou avec du collagène de type I bovin heterotrimérique (B) ou homotrimérique (C) 22 Figure 14 : Représentation schématique d'une molécule de collagène fibrillaire 23 Figure 15 : Alignements multiples de différents C-propeptides humains (Hsa) ou de choanoflagellé (Mbr, Monosiga breviCol Is – eucaryote unicellulaire) 24 Figure 16 : Stabilisation des fibrilles de collagènes par la formation de cross-links : exemple d'une hétérofibrille de collagène de types II, IX et XI, spécifique du cartilage 27 Figure 17 : Modifications post-traductionnelles des résidus lysine dans le domaine en triple hélice du collagène de type I 28 Figure 18 : Le transport du COL1A1 depuis les ERES à proximité du Golgi 29 Figure 19 : Les fibrilles de collagène apparaissent anormales chez les mutants homozygotes pour BMP-1. Microscopie électronique à transmission de fibrilles de collagènes de l'amniote d'un embryon sauvage (A) ou mutant (B ) pour BMP-1 30 Figure 20 : Structure du complexe CPIII – PCPE-1 et mécanisme d'action de PCPE-1 31 Figure 21 : Les gènes PCOLCE1 et PCOLCE2, codant respectivement PCPE-1 et PCPE-2, ont une expression spatiale différente au cours de l'embryogenèse 32 Figure 22 : Les fibrilles de collagène apparaissent anormales chez les mutants homozygotes pour PCPE-1 33 Figure 23 : Sites de formation des pontages covalents (cross-links) du collagène de type I 34 Figure 24 : Voies chimiques prédominante dans le tissu squelettique de formation des crosslinks des collagènes initiées par la lysyl oxydase 35 Figure 25 : Les fibripositors sont des structures membranaires qui permettent la nucléation des fibrilles de collagènes et leur dépôt dans la MEC 37 Figure 26 : Structure axiale périodique des fibrilles de collagène 38 Figure 27 : La croissance en longueur des fibrilles de collagènes implique l 'accrétion de molécules de collagène à la surface puis la fusion de fibrilles plus courtes 39 Figure 28 : Modèle structural pour la limitation du diamètre des fibrilles hétérotypiques de collagène II / XI 41 Figure 29 : Les fibrilles de collagène sont anormales chez les mutants adultes hétérozygotes Col5a1+/- 42 Figure 30 : Les fibrilles de collagène apparaissent anormales chez les mutants homozygotes pour la Dermatan sulfate epimerase 1 (Dse-/-) 43 Figure 31 : (a) Radiographie d'un genou d'enfant (b) Section longitudinale de la plaque de croissance proximale d'un tibia de souris âgée de 3 semaines. Barre : 50 μm ; coloration Hématoxylin – Eosine. (c Schématisation d'une coupe longitudinale de la plaque de croissance 46 Figure 32 : Représentation schématique de la régulation de la balance Pi / PPi impliquée dans la minéralisation médiée par les VMs 48 Figure 33 : La teneur en minéraux est sévèrement réduite à l'âge de 2 mois chez les animaux doubles mutants. 50 Figure 34 : L'organisation des minéraux est perturbée dans les souris double mutant OC -/OPN -/- 52 Figure 35 : Les dépôts de minéraux intra fibrillaires se font dans les zones « gap », entre les molécules de collagènes 53 Figure 36 : Les cristaux d'hydroxyapatite se forment le long des fibrilles de collagènes 53 Figure 37 : la Chondrocalcine est associée à la calcification dans la zone hypertrophique de la plaque de croissance. 55 Figure 38 : Analyse de la séquence N-terminale de la Chondrocalcine issue du cartilage trachéal ((1) et (2)) et de croissance ((5) et (6)) bovin, avec les propeptides carboxyterminaux des collagènes de type II aviaire (3) et humain (4) 56 Figure 39 : Dédifférenciation de chondrocytes primaires humains en culture 59 Figure 40 : Les cellules ATDC5 forment de nodules types carti lagin eux et minéralisent leur matrice extracellulaire 64 Figure 41 : BMP-1 est une enzyme protéolytique qui possède de nombreux substrats 68 Figure 42 : Carte du plasmide pHLSec utilisé pour le clonage et l'expression des protéines recombinantes 72 Figure 43 : Schéma récapitulant le processus expérimental employé pour la préparation des échantillons issus des cellules cATDC5 et iATDC5 79 Figure 44 : Contenu total en ADN mesurée par le dosage de Hoechst des cellules iATDC5 (+) et cATDC5 (-) 80 Figure 45 : Les sécrétomes des cellules cATDC5 sont progressivement contaminés par les protéines du sérum, notamment l'albumine 82 Figure 46 : Schématisation d'une construction de shARN et représentation de la structure en tige – boucle caractéristique adopté par les shARNs 86 Figure 47 : la Chondrocalcine est présente dans le cartilage articulaire, et présente une extractabilité différente de la Chondrocalcine issue du cartilage de croissance. 90 Figure 48 : la Chondrocalcine issue du cartilage articulaire subi une maturation protéolytique identique à Chondorcalcine issue du cartilage de croissance 91 Figure 49 : la Chondrocalcine existe sous quatre formes distinctes dans le cartilage articulaire. 92 Figure 50 : la Chondrocalcine extraite du cartilage articulaire bovin poss ède une forte affinité pour l' hydroxyapatite 93 Figure 51 : L'inhibition pharmacologique de BMP-1 réprime le clivage du C-pro du collagène de type I, mais pas du collagène de type II 95 Figure 52 : L'inhibition pharmacologique de BMP-1 conduit à l'intégration matricielle de la Chondrocalcine 96 Figure 53 : Les cellules ATDC5 produisent une matrice extracellulaire minéralisée, riche en glycosaminoglycanes, tout au long de l'expérimentation 99 Figure 54 : Les cellules iATDC5 expriment les ARNm des principaux marqueurs chondrogèniques (COL2A1 et ACAN) et hypertrophiques (COL10A1 et MMP13) tout au long de l'expérience 100 Figure 55 : Ontologie des gènes trouvés régulés dans les sécrétomes des cellules iATDC5 v. cATDC5, concentré sur les processus biologiques significativement surreprésentés dans les iATDC5 en cours de différenciation chondrogénique 101 Figure 56 : Régulation en fonction du temps des protéines sécrétées par les iATDC5 par rapport aux cATDC5 102 Figure 57 : Etude qualitative du contenu protéique des extraits guanidine obtenus aux temps expérimentaux marquant sur SDS-PAGE coloré au bleu de Coomassie 104 Figure 58 : Régulation en fonction du temps des protéines contenues dans les extraits Guanidine issus des cellules iATDC5 par rapport aux cATDC5 105 Figure 59 : Schématisation des différents domaines protéiques et porteurs de GAGs de l'aggrécane. G1, G2 et G3 sont les 3 domaines globulaires 108 Figure 60 : Examen par SDS-PAGE couplé à une coloration au dMMB du contenu en PGs des extraits guanidine obtenus à partir de cellules iATDC5 aux jours 14 et 35 109 Figure 61 : Nombre de peptides identifiés pour les sept protéines les plus abondantes identifiées dans les extraits CNBr issus des cellules iATDC5 au jour 14 110 Figure 62 : Régulation en fonction du temps des protéines contenues dans les extraits CNBr issus des cellules iATDC5 par rapport aux cATDC5 111 Figure 63 : Détails de la régulation en fonction du temps du collagène de type II intégré à la MEC cross-linkée des cellules iATDC5 par rapport aux cATDC5 112 Figure 64 : La maturation C-terminale du procollagène de type II est totale dans les cellules iATDC5 113 Figure 65 : Détails de la régulation en fonction du temps du collagène de type II sécrété par les iATDC5 par rapport aux cATDC5 114 Figure 66 : Le βAPN inhibe complètement les cross-links du collagène 116 Figure 67 : L'inhibition de l'activité LOX par le βAPN n'impacte la minéralisation. Des cellules ATDC5 ont été cultivée durant 21 jours en présence (iATDC5) ou en absence (cATDC5) d'insuline, et de βAPN pour inhiber la formation des cross-links. 117 Figure 68 : Les cellules ATDC5 ne sont pas en mesure de produire une matrice extracellulaire minéralisée en l'absence βGP, et à 5% CO2 118 Figure 69 : Modifications post-traductionnelles du collagène de type II synthétisé par les cellules iATDC5 120 Figure 70 : Examen de la teneur en protéines de l'extrait CNBr par SDS-PAGE couplé à une coloration de Coomassie 121 Figure 71 : Expression de l'ARNm du collagène de type I (COL1A1) au cours de la différenciation chondrogénique des cellules iATDC5 et cATDC5 122 Figure 72 : Séquence primaire de régions sélectionnées des chaînes CO1A1 et CO1A2, montrant les peptides identifiés par spectrométrie de masse aux niveaux des sites de clivage N-terminal et C-terminal 123 Figure 73 : Analyse de la maturation du procollagène de type I par western blot des sécrétomes avec un anticorps dirigé contre son C-propeptide 123 Figure 74 : Régulation de l'hydroxylation de la triple du collagène de type I dans les cellules iATDC5 comparées à leurs contrôles 125 Figure 75 : Régulation de l'hydroxylation de l'ensemble de la triple du collagène de type I dans les cellules iATDC5 comparées à leurs contrôles 126 Figure 76 : In cellulo, CPII est maturée à partir de la construction miniprocollagène II 129 Figure 77 : In cellulo , le clivage d CPII à partir du mPC 2 est dépendant de la BMP-1 130 Figure 78 : la Chondrocalcine, contrairement aux autres C-propeptides des collagènes fibrillaires, ne fixe pas PCPE-1 131 Figure 79 : Séquences de la région ciblée par le sgRNA dans l'exon 2 du gène PCOLCE, codant PCPE-1 132 Figure 80 : Les différents clones obtenus à l'issu de la sélection clonale présentent une hétérogénéité 133 Figure 81 : L'hydroxylation de la triple hélice est le principal déterminant de l'assemblage du collagène de type I dans la matrice extracellulaire des cellules ATDC5 140 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Collagènes et collagènes-like chez les Vertébrés 18 Tableau 2 : Distribution des SLRPs dans les tissus et phénotype lié aux collagènes des souris KO. 43 Tableau 3 : Séquence des amorces utilisées et gènes cibles clonés dans le plasmide pHLSec. 73 Tableau 4 : Programme de PCR pour l'obtention des amplicons d'intérêt 74 Tableau 5 : Séquence des amorces utilisées et gènes cibles étudiés par PCR quantitative en temps réel. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE 6 1.1. LES MATRICES EXTRACELLULAIRES 6 1.1.1. Homéostasie et composition physiologique 8 1.1.1.1. Les Protéoglycanes 8 1.1.1.2. Les protéines fibreuses 9 1.1.1.2.1. Fibronectine 9 1.1.1.2.2. Elastine 9 1.1.1.3. Les protéines matricellulaires, matrikines et matricryptin 10 1.1.1.4. Homéostasie et cycle circadien 11 1.1.2. 1.2. Quand les MEC vont mal 11 1.1.2.1. Fibrose 11 1.1.2.2. Cancers 13 1.1.2.3. Vieillissement 15 LES COLLAGENES 18 1.2.1. Des briques élémentaires à la construction des métazoaires 18 1.2.2. Les évènements clefs de la maturation des collagènes fibrillaires dans le contrôle du phénotype tissulaire sain et pathologique 21 1.2.2.1. Modifications post-traductionnelles des prolines 21 1.2.2.2. Sélection des chaines polypeptidiques dans le RE 23 1.2.2.3. Des chaperonnes pour assurer le repliement 25 1.2.2.4. Modifications post-traductionnelles intracellulaires des lysines 26 1.2.2.5. Trafic intracellulaire jusqu'au Golgi 28 1.2.2.6. Clivage proétolytique des propeptides 29 1.2.2.7. Modifications post-traductionnelles extracellulaires des lysines 33 1.2.2.8. Les fibripositeurs, des structures dédiées à l'export des molécules de collagène vers le milieu extracellulaire 36 1.2.3. Structure et assemblage des fibrilles de collagène 37 1.2.3.1. Croissance des fibrilles de collagène 38 1.2.3.2. Contrôle extrinsèque de l'assemblage des fibrilles de collagène 40 1.2.3.2.1. Contrôle par d'autres types de collagènes : le rationnel des hétérofibrilles 40 1.2.3.2.2. Contrôle par les proteoglycanes 42 1.3. MATRICES EXTRACELLULAIRES DES TISSUS MINERALISES 45 1.3.1. Ossification endochondrale 45 1.3.2. Régulation de la phase minérale 47 1.3.2.1. Phosphate et pyrophosphate inorganiques 47 1.3.2.2. Perte de l'équilibre Pi/PPi 49 1.3.3. Régulation de la minéralisation par les proté glycanes 49 1.3.4. Régulation de la minéralisation par les protéines non-collagéniques 51 1.3.5. Régulation de la minéralisation par les collagènes 52 1.3.5.1. Cross-links des collagènes et minéralisation 54 1.3.5.2. Maturation protéolytique des collagènes et minéralisation : implication de la Chondrocalcine 54 1.4. A LA RECHERCHE D'UN MODÈLE D'ASSEMBLAGE DES MATRICES EXTRACELLULAIRES 57 2. 1.4.1. Modèles in vitro 57 1.4.2. Modèles cellulaires 58 1.4.3. Modèles ex vivo et culture d'explant 60 1.4.4. Modèles animaux et in vivo 61 1.4.5. Le choix du bon modèle 61 1.4.6. Le modèle cellulaire ATDC5 63 OBJECTIFS DU TRAVAIL DE THESE ET DESIGN DE L'ETUDE 66 3. PROCEDURE EXPERIMENTALE 69 3.1. ETUDE DES MECANISMES DE CLIVAGE DES C-PROPEPTIDES DES COLLAGENES FIBRILLAIRES DE TYPE I ET II 69 3.1.1. Etude in vivo du site de clivage de la Chondrocalcine 69 3.1.1.1. Extraction et purification de la Chondrocalcine 69 3.1.1.2. Préparation des échantillons 69 3.1.1.3. Electrophorèse bidimensionnelle 70 3.1.2. Etude in cellulo du mécanisme de clivage de la Chondrocalcine 70 3.1.2.1. Obtention des tissus et culture primaire 70 3.1.2.2. Traitement pharmacologique 71 3.2. ETUDE DES PARTENAIRES PROTEIQUES ET DU CLIVAGE DES CPROPEPTIDES DES PRINCIPAUX COLLAGENES FIBRILLAIRES 72 3.2.1. Construction des plasmides d'expression par recombinaison homologue codants les « appâts » recombinants étiquetés 72 3.2.1.1. Extraction d'ARN et transcription inverse 73 3.2.1.2. Amplification des séquences codantes de CPI, CPI et MATN3 73 3.2.1.3. Recombinaison homologue Erreur! Signet non défini. 3.2.2. Transfections transitoires de cellules ATDC5 pour l'expression des « appâts »74 3.2.3. Pull down de l'intéractome 75 3.2.4. Western Blot 75 3.3. CARACTERISATION PROTEOMIQUE EXHAUSTIVE DU MODELE CELLULAIRE DE CHONDROGENESE ATDC5 76 3.3.1. Culture cellulaire 76 3.3.2. Design de l'étude 76 3.3.3. Etudes histologique de la différenciation et de la minéralisation 77 3.3.4. Dosage du contenu en ADN par le dosage de Hoechst 77 3.3.5. Extraction d'ARN et transcription reverse 77 3.3.6. Réaction de polymérisation en chaine quantitative en temps réel 78 3.3.7. Fractionnement protéique 78 3.3.8. Normalisation des échantillons pour l'analyse protéomique 79 3.3.9. Préparation des échantillons pour l'analyse protéomique 80 3.3.10. Nano-HPLC setup pour investigations protéomique 81 3.3.11. Quantification relative des peptides par LC-MALDI label-free 81 3.3.12. Identifications des peptides, PTM et protéines 82 3.3.13. Calcul du ratio de régulation protéique et interprétation statistique 82 3.3.14. Analyse par Western blot 83 3.3.15. Analyse par SM des bandes de gel polyacrylamide 83 3.3.16. Analyse bioinformatique d'ontologies des gènes 84 3.3.17. SDS-PAGE et coloration des gels 84 3.4. CARACTERISATION DU ROLE DE CPII DANS LA MINERALISATION DE LA MATRICE EXTRACELLULAIRE CARTILAGINEUSE 85 3.4.1. 3.4.1.1. Design et clonage des shARNs 85 3.4.1.2. Génération de lentivirus 86 3.4.1.3. Détermination du MOI 86 3.4.1.4. Infection des cellules ATDC5 cibles et sélection clonale 87 3.4.2. 4. Invalidation des cellules ATDC5 pour PCPE-1 par des shARNs 85 Invalidation des cellules ATDC5 pour PCPE-1 par la technologie CRISPR – Cas9 87 3.4.2.1. Design et clonage des ARNs guides 87 3.4.2.2. Transfection des cellules ATDC5 et sélection clonale 88 3.4.2.3. Génotypage des clones KO PCPE-1 obtenus par la technologie CRIPR – Cas9 88 RÉSULTATS ET DISCUSSION 90 4.1. CARACTERISATION DES SITES DE CLIVAGE DE la Chondrocalcine 90 4.1.1.1. In vivo, la Chondrocalcine est une protéine du cartilage de croissance et du cartilage articulaire 90 4.2. CARACTERISATION PROTEOMIQUE DU MODELE CELLULAIRE ATDC5 99 4.2.1. Caractérisation phénotypique des cellules ATDC5 99 4.2.1.1. Confrontation des résultats préliminaires avec la littérature . 99 4.2.1.2. L'analyse du secretome des cellules iATDC5 confirme leur phénotype chondrogénique. 100 4.2.1.3. Les extraits guanidine mettent en évidence la composition de la MEC des ATDC5 104 4.2.1.4. Les extraits guanidine montrent que les iATDC5 accumulent de l'agrécane maturé dans leur MEC. 108 4.2.1.5. L'analyse des extraits CNBr révèle la composition de la MEC des iATDC5 110 4.2.2. Caractérisation des modifications post-traductionnelles du collagène de type II produit par les cellules ATDC5 112 4.2.2.1. Le clivage protéolytique du procollagène de type II est total dans les cellules iATDC5. 112 4.2.2.2. Chondrocalcine est intégrée à la MEC non cross-linkée dans les cellules iATDC5. 114 4.2.2.3. Le βAPN inhibe complètement la formation des cross-links au sein de la MEC, mais n'a aucun effet sur la minéralisation 116 4.2.2.4. Les cellules iATDC5 ne minéralisent pas en absence de βGP, dans nos conditions d'expérimentation 117 4.2.2.5. Le profil des MPTs du collagène de type II dans le modèle ATDC5 est similaire à celui décrit in vivo. 119 4.2.3. Régulation de l'assemblage des collagènes dans la MEC des cellules iATDC5 121 4.2.3.1. La synthèse du collagène de type I est régulée à de multiples niveaux dans les cellules ATDC5. 121 4.2.3.2. L'accumulation de collagènes dans les cellules ATDC5 dépend en premier lieux de l'hydroxylation de la triple hélice. 124 4.3. CARACTERISATION DU ROLE DE PCPE-1 DANS LA MATURATION DES CPROPEPTIDES DES PRINCIPAUX COLLAGENES FIBRILLAIRES DANS LE MODELE CELLULAIRE ATDC5 128 4.3.1. In cellulo, la Chondrocalcine ne recrute pas PCPE-1 128 4.3.2. Mise en place d'une lignée invalidée pour PCPE-1 131 5. CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES 134 6. 7. ANNEXE AVANT-PROPOS L'ensemble de toutes les protéines possibles exprimées par toutes les espèces vivantes ou ayant vécu sur Terre est appelé "L'Univers protéine". La taille de cet univers, autrement dit, le nombre total de séquences polypeptidiques possibles, semble alors infini. Pourtant, la Nature a préféré sélectionner au cours de l'évolution un nombre restreint de motifs. Parmi eux, la triple-hélice de collagène. Impliquée dans l'oligomérisation des protéines, elle permet non seulement d'obtenir une résistance accrue à l'activité des protéases, mais offre également une plateforme d'interaction pour une pléthore de partenaires permettant la formation de réseaux supramoléculaires multivalents [2]. La triple hélice de collagène est l'un des nombreux domaines protéiques apparus au cours de l'évolution des métazoaires ayant permis une complexité croissante des organismes [3]. Les matrices extracellulaires (MEC; qui comprennent les membranes basales 1 et les matrices interstitielles) et leurs collagènes, auraient en effet joué un rôle majeur dans la transition des organismes unicellulaires vers les organismes pluricellulaires, en fournissant une charpente favorable à l'adhésion cellulaire, à la transduction du signal et au contrôle de l'homéostasie des néo-tissus [4,5]. Le collagène de type IV (Col IV) qui est un composant majeur des membranes basales des animaux actuels, présente une grande conservation à travers le règne animal et serait le premier collagène apparu dès le stade unicellulaire [6], peut-être même avant la divergence avec les champignons [7]. Dès lors, les collagènes auraient participé à de nombreuses innovations fonctionnelles 2 au cours de l'Histoire de l'évolution. Stephen J. Gould décrit en 1982 le concept de cooption (ou exaptation), qui consiste en un changement de fonction 'un caractère au cours de l'évolution. Un trait sélectionné pour fournir un avantage sélectif pourrait par la suite servir une autre fonction. Dans le cas des organismes vertébrés, les collagènes auraient été cooptés au cours d'au moins trois évènement majeurs : l'apparition de la notochorde 3, du cartilage [8], puis des os minéralisés. Spiralia (-560 M.a.) Eukaryota (-1 G.a.) Ecdysozoa (-580 M.a.) Choano-organismes Metazoa (-700 M.a.) Protostomia Eumetazoa Bilateria (-680 M.a.) Deuterostomia ColIV Divergence des clades A et B et C Notochorde Pharyngotrema (-530 M.a.) Cellules sécrétrices de collagène, SoxE+, SoxD+ Chondrocytes Chordata Vertebrata (-470 M.a.) Os minéralisé Figure 1 : Innovations évolutives apparues dans le rè gne animal et aboutissant à l'émergence du tissu osseux. Certains embranchements de cet arbre phylogénétique du règne animal ont volontairement été omis afin de simplifier le raisonnement. Basé sur la taxonomie selon G. Lecointre et H. Le Guyader, 2001. L ' étoile rouge à quatr e branches indique la position de l'Urmetazoa, le dernier ancêtre commun hypothétique à l'ensemble du règne animal. Les ellipses de couleur représent ent les innovations évolu tives marquantes ayant permis l'émergence du tissu osseux . M . a . : million d'années . G. a. : milliard d 'années . Ar bre réalisé à l' aide de l'outil en ligne i TOL Inter r active Tree of Life [10] 2 Par ailleurs, l'émergence précoce de cellules exprimant un programme génétique favorable à la chondrogenèse (cellules notamment sécrétrices de collagènes ; [8]) a permis l'apparition du cartilage plusieurs fois et de manière indépendante au cours de l'évolution, dans des branches distinctes de l'arbre du Vivant (Figure 1 ; [11]). Cet évènement d'évolution parallèle est observable quand une structure ancestrale subi une suite de modifications semblables dans plusieurs lignes de descendances [12]. La récente mise en évidence de la transdiff enciation d'une sous-population de chondrocytes hypertrophiques en ostéoblastes, qui échappent ainsi à l'apoptose, durant l'ossification enchondrale [13–15] a rouvert un débat de plus de cent ans sur l'origine évolutive de l'histogenèse du tissu squelettique. Cervantes-Diaz et al. proposent deux hypothèses. Dans la première, la capacité des chondrocytes hypertrophiques à se transdifférentier serait une synapomorphie 4 propre aux ostéichtyens 5, contribuant ainsi à la mise en place des os spongieux remplaçant le cartilage calcifié. La seconde hypothèse suppose que l'ossification endochondrale tire son origine d'un phénomène d'invasion des osteoblastes du périoste, répondant à un besoin de renforcement des tissus osseux par des forces mécaniques accrues au cours de la terrestrialisation [16,17]. Figure 2 : Etapes hypothétiques menant à la formation d'un gène ancestral des collagènes fibrillaires. Adapté de [21] Un point de divergence subsiste cependant : la séquence primaire en acides aminés des collagènes fibrillaires des Vertébrés diverge de celles des autres animaux . Elle possède une séquence d'environ 7 résid us supplémentaire au niveau du propeptide carboxy-terminal, dans la région co dant le domaine de sélection et de trim érisation des chaines polypeptidiques. Il a été suggéré que cette séquence additionnelle confèrerait un avantage lors de la sélection des chaines pour la formation du trimère, puisque de nombreux collagènes peuvent être exprimés à un même moment au sein d'une même cellule [22]. Il ne semble cependant pas exister de relation entre la complexité de l'organisme et le nombre de collagènes qu'il exprime : Caenorhabditis elegans, un petit nématodes de la famille des Rhabditidae, transparent, d'environ un millimètre pour un total de 959 cellules exactement pour la forme hermaphrodite, et 1031 pour le mâle [23], possède au moins 150 gènes codant des collagènes exprimés au 4 niveau de la cuticule 6 [24]. En comparaison, le génome humain permet l'expression de 28 types de collagènes différents, codés par 42 gènes [25]. L'évolution est ainsi faite, qu'au sein de toute la diversité d'organismes vivants, des exceptions existent toujours. Bien qu'ils apparaissent comme essentiels, les collagènes fibrillaires ne sont ainsi pas retrouvés partout dans le règne animal. En effet, bien que la drosophile et le ver C.elegans expriment des collagènes, ils ne forment pas de fibrilles [26]. La résistance mécanique dont ont besoin l'exosquelette de la drosophile et la cuticule du ver leurs serait alors apportée par la chitine et (très) nombreux collagènes non-fibrillaires, qui les composent, respectivement. 6 Exosquelette synthétisé par l'hypoderme sous-jacent 5 1. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE 1.1. LES MATRICES EXTRACELLULAIRES Les MECs sont la composante acellulaire de tous les tissus et organes. Elles fournissent non seulement un support physique essentiel aux constituants cellulaires, mais initient et transduisent également des signaux biochimiques et biomécaniques nécessaires à la morphogenèse, à la différenciation et à l'homéostasie [27]. Les MECs sont à l'origine des caractéristiques biomécaniques et biochimiques de chaque organe, tels que la résistance à la traction et à la compression ou l'élasticité, et interviennent également dans le maintien de l'homéostasie extracellulaire par une action tampon et de rétention d'eau. Ce sont près de 300 protéines qui constituent le noyau principal du matrisome, avec notamment les 43 sous-unités de collagène, 36 protéoglycanes (PG) différents et plus de 200 glycoprotéines [28]. Figure 3 : Le contenu en collagène de type I détermine la rigidité tissulaire. Des analyses de protéomique quantitative de différents échantillons humain et murins (tissus et cellules) ont révélé la relation entre leur micro élasticité E et le contenu en collagène (déterminé sous forme du ratio stoïchiométrique collagène de type I : peptide de lamine) [29]. Les spécificités de chaque MEC seront essentiellement dues à la composition et à la topologie unique adoptée par ces différentes protéines, PG et glycoprotéines, et ce, de manière totalement dédiée au tissu qu'elles composent. Les propriétés biochimiques et biomécaniques, protectrices et organisationnelles des MECs varient énormément d'un tissu donné à l'autre (poumons, peau ou os), au sein d'un tissu (par exemple, cortex rénal versus médullaire rénale), ainsi que d'un état physiologique à un autre (normal versus cancéreux). Ainsi, la teneur en collagènes au sein d'un tissu donné est directement liée à ses propriétés mécaniques, et variera donc entre chaque organe (Figure 3). Ainsi, au contraire des tissus mous, tels que le cerveau ou les reins, les tissus les plus rigides comme les os sont particulièrement riches en collagène de type I (Col I), le plus abondant des collagènes chez les Vertébrés [29]. Les collagènes sont également régulés de manière tissu-dépendant dans leur assemblage. Une véritable hiérarchie structurelle est mise en place, s'étendant depuis l'échelle de la molécule de collagène, qui s'assemblent en fibrilles, elles-mêmes regroupées en un réseau de faisceaux (ou fibres) pouvant contenir de plusieurs centaines à des milliers de fibrilles. Le diamètre des fibrilles, la fraction du tissu qu'elles occupent et leur disposition dans l'espace, dépendent du tissu et du stade de développement [30]. Figure 4 : Observation par microscopie électronique à balayage de l'organisation spatiale tissu – spécifique des fibres de collagène de type I dans (A) le ligament mature de rat ou (B) la cornée du singe (source : http://www.d jastrow.de/WAI/EM/EMKollagenE.html - consultée le 07/08/2019) et des fibres de collagènes de types II dans (C) le cartilage articulaire humain mature (source : http://arthritisresearch.com/content/4/1/30/figure/f1?highres=y – consultée le 07/08/2019). Ainsi, dans les tendons et ligaments embryonnaires, les fibrilles (de diamètre compris entre 30 et 35 nm) sont disposées en faisceaux parallèles et alignées le long de l'axe du tissu (Figure 7 4.A). Bien que l'alignement parallèle soit maintenu dans le tendon adulte, les fibrilles grossissent en diamètre afin d'accroître la rigidité mécanique et la résistance. Au niveau de la cornée, les fibres de collagènes organisées en couches successives et perpendiculaires, maintiennent une distribution uniforme de leur diamètre et une disposition spatiale optimale jusqu'à maturité, préservant ainsi la transparence optique du tissu (Figure 4. B). Enfin, dans le cartilage articulaire, les fibres de collagène de type II (Col II), sont courtes et fortement ramifiées, formant un véritable maillage conférant au tissu sa résistance aux forces de compression ([31] - Figure 4.C). Par conséquent, au-delà de la composition biochimique, l'organisation tridimensionnelle joue un rôle primordial dans la détermination des propriétés tissulaires. Les MECs peuvent en effet diriger la morphogenèse tissulaire et la fonction physiologique en interagissant notamment avec les récepteurs de surface des cellules, telles que les intégrines [32], et les syndécans [33,34]. L'adhésion cellulaire induit le couplage du cytosquelette à la MEC, déclenchant alors la transduction d'un signal régulateur de l'expression génique, conduisant par exemple à la migration cellulaire à travers la MEC [35]. 1.1.1. Homéostasie et composition physiologique Les MECs sont des structures très dynamiques, en constant remodelage, que ce soit par voie enzymatique ou non-enzymatique, et ses composants moléculaires sont soumis à une myriade de modifications post-traductionnelles. Les MECs sont essentiellement composées de deux grandes classes de macromolécules : les PG, et les protéines fibreuses, notamment des collagènes, l'élastine, la fibronectine et des laminines. 1.1.1.1. Les Protéoglycanes Les PG occupent la majorité de l'espace interstitiel extracellulaire des tissus sous forme d'un hydrogel. Leurs propriétés uniques de tamponnage, d'hydratation, de liaison et de résistance aux forces mécaniques leurs confèrent une large variété de fonctions. Par exemple, au niveau rénal, le perlécan aurait un rôle dans la filtration glomérulaire [36], alors que la décorine, le biglycan et le lumican s'associent aux fibres de collagène dans les tissus épithéliaux canalaires et génèrent un réseau supramoléculaire essentielle aux propriétés mécaniques du tissu. Les PG sont composés de chaînes de glycosaminoglycanes (GAG) liées de manière covalente à une protéine coeur (à l'exception de l'acide hyaluronique) [37]. Les PG sont classés en trois familles principales en fonction de leur protéine coeur, de leur localisation et de leur composition en GAG : les petits PGs riches en leucine (SLRP), les PGs modulaires et les PGs de surface cellulaire. Les GAGs sont des chaînes de polysaccharides non ramifiées et 8 composées d'unités disaccharidiques répétées [N-aceltylglucosamine sulfaté ou non, acide Dglucuronic ou L-iduronic et galactose (−4 N-acetylglucosamine-β1,3-galactose-β1)] pouvant être subdivisée en GAGs sulfaté (chondroïtine sulfate, héparane sulfate et kératane sulfate) et non sulfatés (acide hyaluronique) [38]. Ces molécules sont extrêmement hydrophiles et, en conséquence, adoptent des conformations très étendues essentielles à la formation d'hydrogel et permettent notamment aux MEC de résister à des forces de compression élevées. 1.1.1.2. Les protéines fibreuses Les protéines fibreuses, sont par définition, des protéines pouvant s'assembler en fibres et former de larges réseaux macromoléculaires jouant essentiellement un rôle structurel dans les tissus. Les collagènes, qui, quantitativement sont les plus importantes des protéines fibreuses, font l'objet d'une revue plus exhaustive dans ce manuscrit (§II). 1.1.1.2.1. Fibronectine La fibronectine (FN) est largement exprimée par de multiple types cellulaires et joue un rôle critique dans le développement des Vertébrés, comme le montre la létalité précoce embryonnaire dans des souris déficientes [39]. La FN est sécrétée sous forme d'un dimère lié par deux liaisons disulfures au niveau C-terminal et possède plusieurs sites de liaison à d'autres dimères de FN, aux collagènes, à l'héparine et également aux récepteurs de surface cellulaire telles que les intégrines [40]. La liaison à ces dernières est essentielle pour permettre la fibrillogenèse des molécules de FN. De surcroît, la contraction du cytosquelette d'actomyosine conduit à l'augmentation locale de la concentration en intégrine à la surface des cellules, et favorise ainsi l'assemblage de fibrilles de FN [41]. La FN participe étroitement à l'organisation de la MEC en tant que mécano-régulateur extracellulaire. Elle peut en effet être étirée sur plusieurs fois sa longueur au repos par des forces de traction cellulaires, exposant alors des sites de liaison aux intégrines camouflés jusqu'alors [42]. 1.1.1.2.2. Elastine Les fibres d'élastine, comme leur nom l'indique, fournissent l'élasticité et le recul nécessaire aux tissus subissant des étirements répétés (systèmes sanguin et pulmonaire, et ligaments notamment). L'assemblage en fibres fortement réticulées les unes aux autres se fait par la formation de cross-links entre les résidus lysines, sous l'action des enzymes de la famille des lysyl oxydase (LOX - [43]). Collagènes et élastine sont stabilisés par ces cross-links enzymatiques. Cependant, dans les fibres d'élastine, leur fonction est de limiter les étirements excessifs, tandis que dans le cas des collagènes, ils agissent en rendant les fibrilles pratiquement 9 inextensibles [44]. Les fibres d'élastine peuvent s'assembler avec d'autres microfibrilles de glycoprotéines, principalement des fibrillines qui sont essentielles à l'intégrité de la fibre d'élastine, ou de collagène, mais qui limite alors considérablement leurs propriétés d'étirement. Assemblées très précocement dès le développement embryonnaire, les fibres d'élastine ont une remarquable stabilité et présentent un renouvellement très faible, voire inexistant. Chez l'adulte, les fibres élastiques endommagées sont souvent mal réparées, et leur fonction est altérée [45]. 1.1.1.3. Les protéines matricellulaires, matrikines et matricryptin Au sein des MEC résident de nombreuses protéines qui ne sont pas des éléments structurels, notamment les thrombospondines-1 et -2, SPARC (secreted protein acidic and rich in cysteine), la tenascin-C et -X et l'ostéopontine (OPN). Ces protéines dites matricellulaires sont exprimées à un fort niveau durant le développement ou en réponse à une blessure et modulent les interactions cellules - MEC et certaines fonctions cellulaires, telles que la réparation des tissus [46]. Dans certains cas, les fragments protéolytiques d'une protéine structurelle de la matrice, peuvent remplir des fonctions différentes de leur protéine parent, notamment via l'interaction avec des récepteurs spécifiques : ce sont les matrikines [47]. C'est notamment le cas des collagènes dont les produits de clivage carboxy-terminaux remplissent des fonctions diverses : l'endostatine, issue du collagène de type XVIII (Col XVIII), présente des propriétés antiangiogéniques puissantes par inhibition spécifique de la prolifération endothéliale [48]. Le propeptide carboxy-terminal du collagène de type II (CPII) jouerait un rôle dans la dégradation du cartilage articulaire via un mécanisme dépendant de l'interleukine-1β, après internalisation par les chondrocytes [49] ou dans l'angiogenèse, de concert avec le propeptide carboxyterminal du collagène de type I (CPI) [50]. En outre, le tripeptide PGP issus des collagènes serait impliqué dans la réponse inflammatoire lors d'une lésion des tissus, notamment au cours de la première étape de recrutement des neutrophiles [47]. Le terme matricryptine désigne des fragments de protéines des MEC portant une activité enzymatique au niveau d'un site cryptique [51,52]. Ces sites sont expos suite à une dégradation enzymatique, une multimérisation, une dénaturation ou suite à des forces mécaniques exercées par les cellules environnantes, telle que la FN qui révèle des sites d'adhésion une fois étirée [42]. Ainsi, les collagènes disposent de différents sites RGD qui ne sont accessible qu'après dégradation enzymatique par des métalloprotéinases matricielles (MMP), et qui vont médier l'adhésion cellulaire via l'intégrine ανβ3. 10 1.1. . Homéostasie et cycle circadien Les collagènes disposent d'une remarquable stabilité. Synthétisés au cours de l'embryogenèse [53] et durant la croissance (Figure 9. A), ils persistent dans les tissus sains toute la vie sans se renouveler. Des données indiquent en effet que le turnover des collagènes, chez l'Homme, atteindrait 15 ans dans la peau [54], et jusqu'à 200 ans au niveau des disques intervertébraux [55] contre 12 ans pour l'agrécane [56] dans ce même tissu. Leur nature immuable contraste avec les mécanismes homéostatiques classiques qui remplacent les protéines endommagées par de nouvelles copies, ainsi qu'avec la synthèse persistante observée des collagènes à l'âge adulte. Par ailleurs, leur renouvellement quasi inexistant soulève des questions intrigantes sur la manière dont le réseau de collagène se maintient au cours de la vie malgré d'innombrables cycles de charges et de stress mécaniques. L'étude de la régulation des MEC par le cycle circadien n'en est qu'à ses premiers pas, cependant elle a déjà permis de réconcilier ces deux dogmes. En effet, il a été mis en évidence chez la souris que le transport, l'assemblage et la dégradation des collagènes, suivent une expression rythmique séquentielle dépendante de l'horloge circadienne. Ainsi, il en résulte la néosynthèse nocturne d'un pool de collagène « sacrificiel », l'assemblage diurne de fibrilles de collagène et le maintien de l'homéostasie par la dégradation rythmique par la Cathepsin K (CTSK) qui présente une forte activité collagénase. Ce cycle circadien ne concernant qu'une fraction très limitée de l'ensemble des collagènes assemblés dans la MEC, permet le maintien du réseau de collagène per [57,58]. 1.1.2. Quand les MEC vont mal L'importance des MECs est illustrée de manière frappante par le large éventail de syndromes à faible prévalence résultant d'anomalies génétiques dans les protéines qui les composent [59], ou au contraire, dans les pathologies à forte prévalence telles que fibroses et cancers. En outre, le vieillissement normal du sujet sain conduit à l'accumulation de protéines altérées et est également caractérisé par des défauts des MECs. 1.1.2.1. Fibrose Dans le cas d'une atteinte à l'intégrité d'un tissu, la machinerie fibrogénique induit la cicatrisation (Figure 5). Ce processus physiologique est caractérisé par l'infiltration des neutrophiles et des monocytes sur le site de la lésion, recrutés par chimiotactismes des matricryptines libérées lors de l'atteinte tissulaire [47]. La différenciation rapide des monocytes en macrophages [60] va conduire à la sécrétion de facteurs de croissance, de MMPs et de 11 cytokines, qui favorisent l'angiogenèse et stimulent la migration des fibroblastes et leur prolifération [61], afin qu'ils déposent en grandes quantité des protéines de la MEC, notamment Col I et collagène de type III (Col III), FN et acide hyaluronique. Dans un tissu sain, une fois la plaie réparée, un retour strict à l'état basal est mis en place pour assurer la restauration de l'homéostasie des tissus et la résolution de la fibrose. Figure 5 : Implication des facteurs de croissance lors de la cicatrisation. Les monocytes migrant sur le site de la lésion, et se fixe à FN (fibronectine), permettant leur différenciation en macrophage sécrétant de multiples facteurs de croissance. Le TGF-β (transforming growth factor – β) va stimuler la production d'une MEC (matrice extracellulaire) riche par les fibroblastes. En parallèle, le complexe FGF (fibroblast growth factor) – HSP (heparan sulfate porteoglycans) induit la migration des cellules endothéliales. Alors que les matrikines issues du clivage des lamines par des MMPs (matrix metalloprotinases) induit la migration des fibroblastes. Coll : collagènes ; HA : acide hyaluronique ; PGs : protéoglycanes ; VEGF : vascular endothelial growth factor. Adapt é de [ 61] .
49,280
21/hal.parisnanterre.fr--hal-01674372-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
1,992
2,975
Les droits des justiciables face au bon fonctionnement des juridictions administratives. Note sous CE , ler Les droits des justiciables face au bon fonctionnement des juridictions administratives. Note sous CE 11 juillet 2007, USMA Tatiana Gründler Le Conseil d'Etat a affirmé la compatibilité sous condition de sa dualité fonctionnelle et de l'article 6§1 de la CESDH. Il conclut à la légalité de la réforme du contentieux administratif mise en place par le décret du 23 décembre 2006. Au coeur de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 11 juillet 2007 se trouve la question de l'équilibre entre, d'une part, la protection des droits des justiciables (effectivité du droit au recours et garantie d'impartialité du tribunal) et, d'autre part, le bon fonctionnement des juridictions administratives. Il en ressort que certaines précautions doivent être prises dans l'organisation interne de la juridiction administrative de façon à ce que la dualité fonctionnelle soit compatible avec le principe d'impartialité, tandis que sont admises des dérogations aux principes de la procédure contentieuse dans un souci de bonne administration de la justice. I- Compatibilité conditionnée de la dualité fonctionnelle avec l'article 6§1 CESDH La question du respect du principe d'impartialité se posait en l'espèce puisque le décret dont la légalité était mise en cause devant le Conseil d'Etat avait été soumis, au stade du projet, à sa formation consultative Le Conseil d'Etat affirme ici qu'après avoir été consulté sur un projet de décret il peut, dans sa formation contentieuse, juger de sa légalité sans méconnaître la règle d'impartialité consacrée par l'article 6§1 de la CESDH. S'il confirme une solution antérieure qui admet le principe de la dualité fonctionnelle, il innove en confrontant de façon explicite cette pratique française traditionnelle à la CESDH1 et, en particulier, au principe d'impartialité objective tel que dégagé par la Cour européenne2. Une telle solution apparaît conforme à la jurisprudence européenne qui ne sanctionne pas la dualité fonctionnelle française en tant que telle3 mais uniquement les cas dans lesquels l'institution intervient dans ses deux fonctions, consultative puis juridictionnelle, à propos d'un même acte dans une composition, partiellement ou totalement, identique4. Or, effectuant une appréciation in concreto, le Conseil d'Etat souligne qu'en l'occurrence aucun des membres ayant participé à la consultation n'a, par la suite, siégé dans la formation de 1 A la question de la dualité fonctionnelle, le Conseil d'Etat répondait auparavant qu'elle n'entraînait pas d'irrégularité de procédure (CE 6 juillet 1994, Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, cons. 1), ne constituait « aucune atteinte aux principes généraux relatifs à la composition des juridictions » (CE 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, Rec. 118, cons. 12). Ce n'est que récemment qu'il s'est référé à l'art 6 §1 de la CESDH (CE 27 février 2006, Association Alcaly, cons. 6 et 7), et encore, seulement quand il reprenait l'argumentation des requérants et qu'il citait les stipulations de la Convention ; en revanche, dans son analyse, le juge administratif mentionnait simplement la règle d'impartialité sans référence textuelle. 2 Sur les deux dimensions, subjective et objective, de l'impartialité, CEDH 1 er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, n° 8692/79, cons. 30. Voir également A. Cabanes, A. Robbes, « L'impartialité objective du juge en Europe : des apparences parfois trompeuses », AJDA 2004, p. 2375. 3 Le juge européen refuse en effet de « statuer dans l'abstrait sur la compatibil organique et fonctionnelle de la consultation du Conseil d'Etat en ce qui concerne les projets de loi et les décrets d'application » (CEDH, 9 novembre 2006, Sacilor-Lormines c. France, n° 65411/01, cons. 71). 4 « () le seul fait que certaines personnes exercent successivement à propos de la même décision les deux types de fonction est de nature à mettre en cause l'impartialité structurelle de ladite institution », CEDH, 28 septembre 1995, Procola c/ Luxembourg, n° 14570/89, Série A, n° 326, AJDA 1996, p. 383, cons. 45. jugement5. Il renonce ainsi à sa jurisprudence Gadiaga6 dans laquelle il avait admis – contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement d'ailleurs – que le président d'un tribunal administratif qui a rendu un avis sur un arrêté municipal participe ultérieurement à la formation de jugement statuant sur le recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté pour faire, désormais, à l'instar de son homologue européen, de la non identité des personnes participant aux deux formations la condition de la compatibilité entre la dualité fonctionnelle et le principe d'impartialité7. Il est en outre remarquable que, dans une sorte d'obiter dictum, le Conseil d'Etat ajoute qu'il « n'est pas l'auteur de l'acte », dans la mesure où cette affirmation se distingue de la jurisprudence classique selon laquelle il est le co-auteur des décrets en Conseil d'Etat8. Si les formulations jurisprudentielles ont sensiblement évolué sur ce point, la Haute juridiction ne se référant plus, en cas d'omission de la consultation, à la méconnaissance par le Premier ministre de « la compétence que le Conseil exerce conjointement avec le gouvernement »9, il n'en reste pas moins que, du point de vue du contentieux administratif, ce défaut de consultation demeure sanctionné au titre de l'incompétence de l'auteur de l'acte 10. Cette précision, qui ne paraissait pas utile au regard des faits de l'espèce, peut se comprendre comme la volonté du juge national de rassurer le juge européen sur le rôle de conseiller du Conseil d'Etat et sur l'absence d'incompatibilité, en quelque sorte intrinsèque, de cette fonction avec le droit européen, en particulier avec l'article 6§1 CESDH. Après avoir admis le double rôle du Conseil d'Etat concernant ce décret, le juge examine contenu. II- Légalité du décret restreignant l'accès au juge Le texte contesté qui tente d'adapter la procédure contentieuse à la réalité juridictionnelle comporte deux volets. Le premier est destiné à mettre en oeuvre l'aspect contentieux de la loi relative à l'immigration du 24 juillet 2006 qui instaure l'obligation de quitter le territoire français (OQTF)11. La réforme législative du droit des étrangers exige en effet, compte tenu de l'importance du contentieux des étrangers, un aménagement des règles 5 Une telle situation est susceptible de se présenter puisque la double appartenance est un véritable principe d'organisation de la juridiction administrative (art. R. 121-3 CJA). 6 CE, 25 janvier 1980, Gadiaga, AJDA 1980, p. 283. 7 La Cour administrative d'appel de Paris avait déjà eu l'occasion d'affirmer que cette identité des membres des formations administrative et juridictionnelle du tribunal administratif méconnaissait les principes généraux relatifs à la composition des juridictions (CAA Paris 23 mars 1999, Sarran, AJDA 1999, p. 623, cons. 3). La Haute juridiction avait considéré pour sa part que des dispositions ne prévoyant pas d'incompatibilité entre les deux fonctions « ne portent par elles-mêmes aucune atteinte » à ces principes (CE 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, CE 27 février 2006, Association Alcaly). On peut en déduire qu'une telle atteinte résulterait de la mise en oeuvre de ces dispositions, ce qui semble comprendre le cas, par exemple, où la juridiction statuerait par une formation de jugement ayant la même composition que la formation collégiale appelée à se prononcer pour avis (R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 2006, 12e éd. p. 1001). 8 R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, 2001, 15e éd., p. 1027 ; F. Raynaud, P. Fombeur, « Chronique de jurisprudence administrative », AJDA 1998, p. 784 (qui appellent cependant à une évolution jurisprudentielle sur ce point ). 9 CE 9 juin 1978, SCI du 61-67, boulevard Arago, cons. 2 ; CE 16 novembre 1979, Syndicat national d'éducation physique, cons. 1. 10 CE 15 avril 1996, Union française des pharmacies, cons. 3. 11 Le Code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile dispose depuis la loi de 2006 qu'en cas de refus de délivrance, de refus de renouvellement ou de retrait d'un titre de séjour, l'administration peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français qui fixe le pays de destination. cédure. Le second procède, au-delà du droit des étrangers, à une réforme de la procédure contentieuse administrative. Le gouvernement poursuit ainsi un double objectif : remédier à l'encombrement des juridictions administratives et rendre possible un jugement rapide dans le contentieux des étrangers. Malgré leurs conséquences restrictives sur le plan de l'accès au juge, le Conseil d'Etat conclut à la légalité de l'ensemble de ces dispositions réglementaires. Parmi les dérogations spécifiques au contentieux des étrangers, les plus notables portent sur le délai de recours12, et ce, afin de permettre le respect du délai de trois mois imparti au juge, par le législateur, pour statuer sur les requêtes dirigées contre un refus de titre de séjour assorti d'une OQTF. En premier lieu, le texte réglementaire prévoit que le délai de recours est abrégé à un mois13, ce que le Conseil d'Etat juge suffisant « eu égard à l'intérêt qui s'attache au règlement rapide de la situation des étrangers ». En second lieu, il est précisé que l'exercice d'un recours administratif ne proroge pas le délai du recours contentieux, dérogation dont la Haute juridiction admet également la légalité, conformément à une jurisprudence ancienne14. Pour désengorger les juridictions administratives, en particulier les tribunaux qui connaissent un contentieux relatif au droit des étrangers important, le décret autorise un enregistrement unique et une instruction commune des différentes requêtes dirigées contre un refus de titre de séjour assorti d'une OQTF fixant le pays de destination. Contrairement à ce que soutenaient les auteurs du recours, le fait que le juge puisse procéder à la jonction des affaires n'est pas considéré par le Conseil d'Etat comme rendant plus difficile l'accès au juge dans la mesure où cette faculté n'empêche pas le requérant de contester séparément la légalité du refus de séjour, de l'OQTF et de la désignation du pays de renvoi. Le Conseil affirme par ailleurs la faculté pour le requérant de former un référé contre le refus de séjour. Il s'agit d'une précision importante puisque l'effet suspensif du recours en annulation exercé contre la décision de refus de titre de séjour assortie d'une OQTF ne vaut que pour la mesure d'OQTF et non pour la décision de refus de titre. Cet objectif de lutte contre l'encombrement des juridictions qui préside au renforcement des conditions de recevabilité du recours contre la nouvelle mesure d'éloignement des étrangers se trouve plus largement au centre du texte réglementaire. C'est effet également dans ce but que le décret élargit le champ d'application des ordonnances de rejet permettant aux présidents des formations de jugement de rejeter des requêtes sans avoir à respecter les principes de collégialité15, d'instruction contradictoire ou encore de publicité des débats16. Désormais, le rejet par ordonnances peut concerner non seulement des requêtes irrecevables – dès lors qu'elles ne sont pas régularisables ou n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai 12 D'autres mesures dérogatoires existent. Ainsi, s'agissant des étrangers placés en rétention il convient de souligner que leur affaire peut être transmise par le tribunal initialement saisi au tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le centre. 17 Sont ainsi visées cinq hypothèses : les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. 18 Comme le souligne le Président Chabanol, tous les différends n'appellent pas l'intervention juridictionnelle, en particulier, ceux qui ne sont que la traduction de la mauvaise humeur d'un citoyen, de façon à concentrer « les mécanismes lourds et sophistiqués propres à garantir, à l'issue d'un procès équitable, la qualité et l'impartialité de la décision rendue () » sur les vrais litiges (D. Chabanol, « Le décret du 23 décembre 2006 : vers une refonte de l'accès au juge? », AJDA 2007, p. 306). 19 La Cour européenne semble néanmoins admettre que les juridictions se prémunissent par des règles de procédure contre des requêtes qui n'en sont pas afin justement d'éviter leur encombrement (CEDH 19 février 1998, Allan Jacobsson c. Suède)..
53,305
tel-04214969-CALAIS_Theo.txt_10
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Exploration des nanotechnologies ADN pour l'auto-assemblage de nanoparticules d'aluminium et d'oxyde de cuivre : application à la synthèse de matériaux énergétiques. Autre. Institut National Polytechnique de Toulouse - INPT, 2017. Français. &#x27E8;NNT : 2017INPT0002&#x27E9;. &#x27E8;tel-04214969v2&#x27E9;
None
French
Spoken
7,154
11,253
D’autres a uteurs ont dé veloppé e xpérimentalement et t héoriquement d’ autres stratégies d’agrégation par la fonctionnalisation de nanoparticules et étudié l’influence de cette f onctionnalisation s ur l es c inétiques d’ agrégation. P armi c es s tratégies, on t rouve l’agrégation de na noparticules d’ or f onctionnalisées pa r un groupe bi otine dont l’agrégation est assurée par l’ajout de Streptavidine (Connolly et al., 2001). Souza et al. ont é tudié l a s tructure d’ agrégats de na noparticules d’ or f onctionnalisées a vec de s br ins d’ADN en fonction de la longueur du brin et de la concentration en oligonucléotide et ont montré une influence de ces deux paramètres sur la densité des agrégats obtenus (Souza and M iller, 2001). P lus r écemment, A nanth et al. ont ut ilisé la thé orie D LVO pou r calculer l’énergie barrière de nanoparticules d’or fonctionnalisées avec des brins d’ADN monobases (à partir de bases A et bases C), en fonction du temps et du pH afin d’évaluer la stabilité des solutions colloïdales (Ananth et al., 2013). Ils ont ainsi montré qu’après un premier t emps d’ instabilité, l es pa rticules de 5 0 nm f onctionnalisées a vec d es br ins composés uni quement de ba ses C s ’agrégeaient en a grégat de 260 nm, pl us s tables, conformément à une énergie barrière calculée plus importante, comme illustré en Figure 92. 1. Agrégation de Nanoparticules Figure 92 : Energie d’interaction entre deux nanoparticules en fonction de la distance de séparation et du temps. La courbe pleine est obtenue juste après synthèse des nanoparticules d’or fonctionnalisées avec les brins d’ADN composés de bases C, tandis que la courbe discontinue est obtenue après douze jours de vieillissement. Dans ces travaux étudiants la cinétique d’agrégation de nanoparticules, la DLS est la technique la pl us u tilisé pour m esurer l ’évolution du r ayon h ydrodynamique RH des particules e n s olution colloïdale e n f onction du t emps s uivant une l oi pu issance, caractérisée par un exposant α (Meakin et al., 1985; Trinh et al., 2009; Weitz et al., 1984, 1985b) : RΔ (t) ∝ RΔ (0)α Avec : α≡ Et : z= z Of 1 1−λ (4.4) (4.4a) (4.4b) L’indice df étant l a « dimension fractale de l’agrégat obt enu, caractérisant s a compacité et ave c z caractérisant l es m écanismes d’ agrégation à t ravers l e pa ramètre d’homogénéité λ (Ball et al., 1987; Broide and Cohen, 1992) : • Lorsque λ = 0, le régime est limité par la diffusion des particules. • Lorsque λ = 1, le régime es t l imité pa r l a pr obabilité d’ adhérence des particules. • Lorsque z > 1, les agrégats les plus gros s’agrègent le plus vite, entraînant une augmentation moyenne de la masse des agrégats plus importante que lors d’un régime limité par la diffusion (Trinh et al., 2009). Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites • Lorsque z < 1, la probabilité d’adhérence des petits agrégats entre eux est plus grande que l a pr obabilité d’ adhérence de s gros a grégats, i mpliquant une augmentation de la masse moyenne plus lente. La compacité de l ’agrégat obt enu, caractérisée pa r l e coefficient df, est t rès dépendante du r égime d’ agrégation. La di mension f ractale car actéristique de s s tructures obtenues e n D LCA e st ~ 1,8. Les a grégats obt enus e n D LCA apparaissent f ortement dendritique e t pe u de nses (Weitz et a l., 1985b), alors que c eux o btenus en R LCA s ont plus compacts, avec une dimension fractale ~ 2,1. Enfin, nous pouvons r ajouter que l e r égime DLCA e st qua lifié « d’universel », c ar indépendant d e l a na ture chi mique d es p articules ( cf. Figure 93) (Klein a nd M eakin, 1989). Les images TEM de la Figure 93 ci-dessous illustrent l’universalité de la structure fractale des colloïdes obtenus en fonction du régime d’agrégation. Figure 93 : I mages T EM d’ agrégats de nanop articules d’ or, d’ oxyde de s ilicium e t d e pol ystyrène obtenus en régime DLCA (gauche) et RLCA (droite), ainsi que le résultat de simulations (images du bas ). On pe ut n oter l a s imilarité de s s tructures obt enues ai nsi que l a différence m orphologique de s a grégats suivant le régime d ’agrégation : ouverts lorsque le régime est limité par la diffusion, et plus denses lorsque le régime est limité par la réaction. A partir de ces quelques exemples tirés de la littérature, nous percevons la complexité des m écanismes qui r égissent l ’agrégation de na noparticules, dé pendant fortement de l a nature d e l a s olution, de l a chi mie d e s urface des pa rticules, de l a t empérature... Les expériences, s upportées pa r de s m odèles pe rmettant d’ avoir de s va leurs de r éférence d e force ionique et d’exposants α pour rationaliser les cinétiques d’agrégation obtenues dans Nanoparticules notre c as. N ous r etiendrons donc que l es c inétiques d’ agrégation pe uvent ê tre caractérisées par deux régimes d’agrégation de nanoparticules : 1. Régime Limité par la Diffusion, notée DLCA. La cinétique d’agrégation est, dans c e c as, di rectement dé pendante du t aux de c ollision de s pa rticules e n solution, e t donc de l eur di ffusion. La di stribution e n m asse d es a grégats au cours du temps augmente de façon homogène et linéaire. 2. Régime L imité par l a Réaction, not ée R LCA. Ici, l a cinétique d’ agrégation dépend d e l a pr obabilité d’ adhérence entre de ux na noparticules. E lle e st donc beaucoup pl us l ente que da ns l e pr emier cas et directement d épendante de l a force ionique de la solution et de la charge surfacique des particules. Nous r etiendrons é galement q ue l a com pacité et l a di mension fractale de l ’agrégat obtenu dépend du régime d’agrégation : ~ 1,8 en DLCA et ~ 2,1 en RLCA. En transposant ces observations à notre cas d’étude, i.e. les colloïdes d’Al et de CuO, nous pr oposons d’ initier e t c ontrôler l ’agrégation de s na noparticules e n j ouant s ur l a charge i onique d e l a s olution, par ajout de NaCl, pui sque nous ne pouvons a pr iori pas greffer une aut re es pèce s ur l a s urface de s n anoparticules, qui pour rait ent raîner u ne dégradation de la fonctionnalité de l’ADN. A la lumière de l’état de l’art, il apparaît donc nécessaire de se placer dans un régime RLCA, où les cinétiques d’agrégation sont plus lentes e t l es a grégats obt enus pl us c ompacts. En e ffet, da ns c e r égime d’ agrégation, l’hybridation des br ins d’ ADN e st f avorisée e t d irige l’ assemblage, alors qu’ en régime DLCA, l’agrégation des particules est indépendante de la fonctionnalisation ADN. Avant d’étudier les paramètres expérimentaux (concentration ionique et température) favorables à un régime RLCA, nous proposons dans la prochaine section de déterminer la séquence du br in d’ ADN opt imale d’ un poi nt de vue t hermodynamique e t t opologique pour favoriser une hybridation complète, rapide et stable des deux nanoparticules. Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites 2. Conception des brins d’ADN Nous a vons vu da ns l ’état de l ’art pr écédent et l e C hapitre 1 que de nom breux paramètres (longueur et nature du spacer, concentration en NaCl...) pouvaient impacter l’assemblage et la cristallisation de l’agrégat. Cependant, la question de la définition de la séquence a é té pe u abordée, et de nom breuses s tratégies d’ hybridation i mpliquant de s brins à la séquence variable en taille et dans le code ADN ont été étudiées (cf. Chapitre 1). C ’est pour quoi nous pr oposons da ns c ette s ection de dé finir l a s équence qu e l ’on utilisera pour l a r éalisation de na nobiocomposites. C es r ésultats ont é té publ ié d ans l’article (Calais et al., 2016). 2.1. Choix d’une séquence d’oligonucléotide de la littérature Nous nous sommes d’abord appuyés sur les travaux d’Oleg Gang, qui font référence dans le domaine, et avons sélectionné les séquences proposées dans l’article (Zhang et al., 2013b), présentant une méthode générique pour la fonctionnalisation de différents t ypes de na noparticules ( or, p alladium, o xyde de f er ou quantum dot s). Le b rin d’ADN e st constitué d’ un spacer de 15 bases T r épétées de f açon à él oigner l a partie « codée » destinée à s ’hybrider de la surface de la particule, elle-même composée de 15 ba ses. De plus, suivant le type de greffage choisi, l’extrémité du brin d’ADN peut être modifiée par une fonction biotine thiol. Les séquences, tirées de (Zhang et al., 2013b) et notées ssALit et ssB-Lit, sont reportées dans le Tableau 17. Tableau 17 : Séquences des brins d’ADN tirées de ( Zhang et al., 2013b). Nom Modification (5’) Séquence (5’ à 3’) ssA-Lit Biotine (T)15-AAT-AGG-TGA-AGG-TTA ssB-Lit Biotine (T)15-TAA-CCT-TCA-CCT-ATT Cependant, une analyse précise d e l a s équence n ous a pe rmis de remarquer qu’ une hybridation partielle e ntre de ux br ins c omplémentaires é tait pos sible à c ause de la répétition des qu atre ba ses A GGT de ux f ois d ans l a s équence (AAT-AGG-TGA-AGGTTA). De pl us, un r epliement du br in s ur l ui-même e st pos sible lor sque le spacer est composé de bases T, la séquence devenant ((T)12-TTT-AAT-AGG-TGA-AGG-TTA). Ce possible r epliement es t cr itique car pe ut em pêcher t oute h ybridation avec l e br in complémentaire. En outre, ce r epliement pe ut s e t raduire pa r de s i nteractions « brin à brin » lorsqu’une quantité importante de brins à la séquence identique est en solution. Ces interactions parasites sont schématisées en Figure 94. 166 2. Conception des Brins d’ADN Figure 94 : Schéma r eprésentant l es i nteractions par asites possibles du br in d’ADN à la s équence issue d e (Zhang e t al., 20 13b). ( a) hy bridation at tendue, sur l a t otalité d u brin d’ ADN, ( b) hy bridation partielle av ec un br in complémentaire, ( c) r epliement du br in s ur l ui-même o u, a fo rtiori, av ec un br in identique. L es do ubles bas es v ertes i ndiquent l es bas es h ybridées, l es bas es r ouges i ndiquent l es bas es intégrant le spacer, et les bases blanches indiquent les bases neutres vis-à-vis de l’hybridation. Nous pensons que ces interactions parasites peuvent provoquer des perturbations dans le pr ocessus d’ agrégation de s pa rticules pa r h ybridation de s br ins c omplémentaires. Compte te nu de la littérature peu dé veloppée s ur l a génération d’ une s équence de br ins d’ADN opt imisée d’ une l ongueur pr oche de celle né cessaire i ci, nous a vons é laboré un algorithme pe rmettant de dé finir une s équence e n s upprimant l es i nteractions non spécifiques. 2.2. Optimisation de la séquence de l’oligonucléotide 2.2.1. Définition du problème et de la démarche suivie Nous c herchons à dé finir une s équence d’ oligonucléotide c ourte p ermettant l ’autoassemblage d e n anoparticules pa r l ’hybridation de br ins d ’ADN com plémentaires d ’une longueur variant entre 4 et 40 ba ses, tout en supprimant des interactions non-désirables, telles que l e r epliement d’ un br in s ur l ui-même ou un a ppariement de de ux br ins non désiré. Notons tout d’abord que le nombre possible de séquences d’ADN d’une longueur de N bases es t de 4 N. Ce nombre at teint ai nsi r apidement de s va leurs i ncalculables pa r ordinateur dès lors que N dépasse 5 ba ses. Il n’apparaît donc pas judicieux de construire toutes les séquences possibles, mais plutôt de construire la séquence en prenant en compte les contraintes du système afin de diminuer le nombre de séquences possibles. Le nombre des Nanobiocomposites de contraintes influe donc directement sur la longueur et le nombre de séquences, qu’elles soient d’ ordre t hermodynamique, c inétique ou t opologique. N ous pr oposons d onc de générer t outes l es s équences pos sibles, base à b ase, par une approche bottom-up, où à chaque étape, la base aj outée (A, T, G ou C) n’est retenue que si la séquence r ésultante répond a ux c ontraintes que nous de vons f ixer. N ous a vons c onsidéré pr incipalement quatre t ypes de cont raintes, schématisées en Figure 95. Les ol igonucléotides s ont représentés pa r l es ba rres : l es ba rres rouges co rrespondent au spacer (par e xemple une série d e b ases T ), une pa rtie qui n’ est pa s destinée à i nteragir, les ba rres bl eues correspondent aux brins d’ADN dont la séquence est déterminée par l’algorithme, et les barres v ertes co rrespondent aux br ins d ont l a s équence es t l e p arfait com plémentaire d e celle calculée par l’algorithme. Figure 95 : I llustration des c ontraintes ut ilisées dans l ’algorithme. ( a) L e r epliement de l’oligonucléotide sur lui-même n’est pas possible. (b) Les interactions partielles ou totales entre deux brins d’ADN identiques est évité. (c) L’hybridation partielle entre deux brins complémentaires n’est pas possible. (d-f) Conditions l ocales d’ hybridation e ntre de ux br ins c omplémentaires. ( d) D éfinition du nom bre minimum de bases adjacentes nécessaire pour une hybridation. (e,f) Prise en compte d’une ou deux bases non-complémentaires entre les bases complémentaires dans l’hybridation. Tout d’ abord, l e br in d’ ADN généré ne doi t pa s s e r eplier s ur l ui- même, afin de conserv er sa spécificité biologi que (Figure 95 (a)). En effet, une complémentarité courte sur une pa rtie de l a s équence (trois ou qua tre ba ses) p eut pot entiellement c réer c e repliement. La bouc le de r epliement es t un paramètre d ’entrée d e l ’algorithme et es t initialement f ixée à 4 bases. Ensuite, il es t né cessaire que l e brin ne pos sède a ucune complémentarité, totale ou partielle, avec un brin à la séquence identique (Figure 95 (b)). 2. Conception des Brins d’ADN Dans la perspective de l’utilisation du brin d’ADN en solution, il est en effet inévitable de retrouver de nombreux brins identiques capables d’interagir les uns avec les autres. Enfin, il est primordial que le brin considéré s’hybride sur la totalité de la partie complémentaire de l ’autre br in, d e f açon à m ieux c ontrôler l ’hybridation ( Figure 95 (c)). N otons pa r ailleurs que la contrainte (b) est plus restrictive que la contrainte (a), car elle ne nécessite pas de bouc le pour l ’hybridation : l’ application de la c ontrainte ( b) inclut donc la contrainte (a). Le qua trième t ype de co ntraintes r epose s ur la d éfinition des c ritères d’ hybridation (Figure 95 (d-f)). L’utilisateur choisit d’abord de considérer le nombre minimum de bases adjacentes générant une hybridation (noté NM) (d), en a yant la possibilité d’inclure une (e) ou deux bases (f) non-complémentaires entre ces bases adjacentes. La valeur de NM est fixée par défaut à 3, conformément aux énergies de Gibbs reportées dans la littérature (John SantaLucia and Hicks, 2004). De cette façon, le nombre de possibilités est suffisamment réduit pour un calcul par ordinateur. U ne représentation schématique de l a g énération de l a s équence « base à base » dite « en forme d’arbre » est donnée en Figure 96. Figure 96 : Exemple schématique de la construction base par base de l’algorithme. A chaque étape, l’ajout de s 4 bases A, T, G e t C est réalisée (les bases e n noi r s ur le s chéma). L a s équence est ensuite évaluée par rapport aux contraintes choisies, et les séquences dont la dernière base ajoutée ne convient pas (en rouge sur le schéma) sont arrêtées et récupérées. Notons que cette a pproche ne pe ut p as p rendre en c ompte de s c ontraintes d’ ordre thermodynamiques qui nécessitent une évaluation a posteriori de la séquence construite. Grâce à l a m éthode de Santa Lucia (John S antaLucia a nd H icks, 2004 ), l es pa ramètres telles que l a t empérature d e f usion ou l ’énergie d ’hybridation d e de ux br ins complémentaires s ont calculées en fixant l a co ncentration en N aCl à 1 mM et 1 M respectivement (John S antaLucia and Hicks, 200 4). Les s équences s ont e nsuite classées suivant la température de fusion, qui est facilement interprétable en termes de stabilité des brins h ybridés pour l ’expérimentateur. C e choix pr opre à not re utilisation pe ut naturellement être modifié suivant l’application visée. Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites Enfin, not ons que pour not re a pplication, nous a vons c onsidéré l ’existence d’ un spacer constitué de plusieurs bases T répétées conformément à la séquence d’Oleg Gang (représentées en rouge dans la Figure 95 (a-c)), pris en compte dans la construction de la séquence p ar l ’algorithme. Le détail du fonctionnement de l ’algorithme, codé e n C, e st disponible dans le Supplementary File de la référence (Calais et al., 2016). 2.2.2. Génération de séquences optimisées Le nombre de séquences étant dépendant des contraintes appliquées, nous avons dans un premier temps fixé le nombre de bases adjacentes permettant une hybridation à deux bases, e t a vons f ixé l a l ongueur du spacer à s ept ba ses T 18. Le nom bre de s équences générées e n f onction de l a l ongueur d e la s équence et d es cont raintes appliquées es t présenté d ans l a Figure 97. La cour be r ouge correspond à l a p rise en compte de s contraintes (b, c) (hybridation partielle entre deux brins identiques ou c omplémentaires), tandis que l a cou rbe b leue cor respond à l a p rise en compte de s co ntraintes ( a, c) (repliement du br in sur l ui-même e t h ybridation partielle e ntre de ux br ins complémentaires). Pour c haque l ongueur de s équence, l a t empérature de f usion du br in d’ADN est calculée par la méthode de Santa Lucia avec une concentration en ADN et en NaCl respectivement fixées à 1 mM et 1 M. 103 102 101 0 2 4 6 8 10 12 14 Nombre de bases Contraintes (b, c) Température de fusion moy. Contraintes (a, c) 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 -20 -40 -60 Température de fusion (°C) Nombre de séquences 104 Figure 97 : N ombre de s équences ca lculées en f onction d u n ombre de bases d e l a séquence en considérant l’hybridation possible dès deux bases adjacentes et les contraintes (b, c) pour la courbe rouge, et l es c ontraintes ( a, c ) pou r l a c ourbe bleue. L a t empérature de f usion m oyenne d e l ’ensemble de s séquences calculées pour chaque longueur est donnée avec son écart type en noir et est encadrée par les valeurs minimales et maximales. Ici, la longueur du spacer n’a pas d’impact sur la séquence générée. Ainsi, les séquences générées sont équivalentes quelle que soit la longueur du spacer, qu’il soit composé de 7 ou 15 bases. 2. Conception des Brins d’ADN Dans le cas très restrictif où l’hybridation partielle entre deux mêmes brins ou entre deux br ins c omplémentaires e st int erdite ( courbe r ouge), le nom bre ma ximal de séquences e st d e 350, atteint r apidement pour u ne l ongueur de 7 ba ses, pui s di minue rapidement à 0 dès que la séquence atteint 10 bases. Ainsi, seules 2 % des 16 384 (soit 47) séquences pos sibles av ec s ept ba ses r espectent ce ni veau de contraintes. On note pa r ailleurs une t empérature de f usion relativement élevée com pte t enu de l a l ongueur de s séquences, de 42 °C à 60 °C pour une longueur comprise entre 7 et 9 ba ses, témoignant d’une bonne stabilité des brins hybridés à température ambiante. En relaxant les cont raintes, i.e. en considérant uniquement le repliement du br in sur lui-même (courbe bleue), on observe que le nom bre maximal de séquence est augmenté d’un f acteur 10, a vec 5 766 pos sibilités obt enues pour une l ongueur d e 10 ba ses. Le nombre de pos sibilités diminue é galement r apidement a u-delà d e c ette l ongueur pour atteindre 0 pour une longueur de 15 bases. La relaxation de s c ontraintes a donc pe rmis l ’obtention de l ongueurs du br in davantage con formes à ce qui es t ut ilisé da ns l a l ittérature ( entre 7 et 4 0 bases). Cependant, l’utilisation de la contrainte (a) impose l’utilisation de brins d’ADN isolés, ce qui e st r arement l e c as da ns l es na notechnologies A DN pou r l ’auto-assemblage d e particules. D e pl us, l es températures de fusion r estent f aibles, car l a l ongueur du b rin d’ADN r este t rop courte. Il es t do nc né cessaire d’alléger en core l es cont raintes, afin de disposer d’une plus large gamme de longueurs de brins et de températures. Nous r elaxons donc l es c ontraintes e n a ugmentant l e nom bre m inimal de ba ses adjacentes pe rmettant l ’hybridation à t rois, en retenant l es contraintes ( b-e), i.e. l’interdiction d’ avoir de s h ybridations pa rtielles e ntre br ins i dentiques ou br ins complémentaires e t i nclusion de ba ses non -complémentaires ent re l es t rois ba ses adjacentes. O n t rouve alors un nom bre m aximal de s équences pos sibles de 31 018 possibilités, atteint pour une longueur de 14 bases. Ce nombre décroit ensuite rapidement pour a tteindre 0 au-delà de 29 ba ses (cf. courbe r ouge de l a Figure 98). U n br in de 29 bases offre une longueur adapté au besoin technologique d’assemblage de nanoparticules. Notons que les températures moyennes calculées sur l’ensemble des séquences croissent très r apidement d e 5 °C à 75 °C pour une l ongueur de 5 b ases à 15 b ases, a vant de s e stabiliser à 9 0 °C ( cf. courbe noi re de l a Figure 98). N ous pouvons c onsidérer que l es températures de f usion obtenues a u-delà de 10 bases, donc s upérieures à 75 °C, s ont suffisamment é levées p our a utoriser un us age technologique de s br ins d’ ADN a insi conçus. Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites Nombre de séquences 100 104 50 103 0 2 10 -50 101 100 -100 0 5 10 15 20 Nombre de bases 25 30 Température de fusion moy. (°C) 150 105 -150 Contraintes (b, e) Température de fusion moy. Figure 98 : Nombre de séquences obtenues en fonction du nombre de bases en considérant trois bases adjacentes né cessaires à l ’hybridation e t l es c ontraintes ( b, e ) av ec i nclusion de bas es non complémentaires entre les trois bases adjacentes (courbe rouge). Dans l e Tableau 18 sont r épertoriés l es s équences générées pa r l ’algorithme possédant l a t empérature de f usion l a pl us é levée. P our ne pa s a lourdir l e m anuscrit, seules que lques s équences s ont r épertoriées d ans l e Tableau 18 ci-dessous, l e t ableau complet étant donné en Annexe 10. Tableau 18 : L iste de séquences opt imisées de l ongueur de 4 à 31 bas es obt enues apr ès t ri de s séquences en fonction de leur température de fusion. Ces séquences prennent en compte un spacer constitué de 7 bases T. Nombre de bases Séquence 4 GCGA 1 5 CCG CA 28 6 CCG CAC 42......... 14 ACG GCA CCT CGC TT 85 15 AGC GGG TGC CTT GGA 86......... 27 CCT AAT GTA TCG CAG AGT TGA CGG GCT 87 28 GGT AAT CTA TGC GAC ACT TCA GCC CGT T 87 172 Température d fusion (°C) e 2. Conception des Brins d’ADN Rappelons que ces séquences ont été conçues en considérant un spacer de 7 bases T pour c haque br in. C e d ernier p eut ê tre r emplacé pa r s ept ba ses A, o u s upprimé et remplacé pa r un spacer organique c omme l e P oly-Ethylène G lycol ( PEG), ce qui modifient l es s équences. Le résultat d es s équences m odifiées es t di sponible da ns l e Supplementary File de la référence (Calais et al., 2016). 2.3. Synthèse Parmi l a l iste de s équences r eportées da ns l e t ableau 2, nous s électionnons l a séquence d ’une l ongueur de 15 ba ses en considérant un spacer de 15 ba ses T pour être comparable av ec l es s équences d’ Oleg G ang. Ces s équences, appelées ssA-Opt et ssBOpt ou « brins op timisés », s ont r épertoriées d ans l e Tableau 19 avec l es s équences tirées de la littérature (Zhang et al., 2013b), appelées ssA-Lit et ssB-Lit ou « brins nonoptimisés » dans l e r este de l ’étude. Les valeurs t héoriques de l a t empérature de fusion des deux brins sont également données (pour une concentration en ADN de 1 mM et une concentration en NaCl à 1 M). On peut par ailleurs noter une valeur théorique supérieure de 15 °C l orsque l e br in d’ ADN e st opt imisé par l e l ogiciel, dé montrant l e gain d e stabilité à température ambiante des brins optimisés. Tableau 19 : Séquences des brins d’ADN utilisés pour l’auto-assemblage de nanoparticules d’Al et de CuO et températures de fusion théoriques correspondantes, calculées pour une concentration en ADN et en NaCl de 1 mM et 1 M respectivement. Nom Modification (5’) Séquence (5’ à 3’) ssA-Opt Biotine (T)15-AGC-GGG-TGC-CTT-GGA ssB-Opt Biotine (T)15-TCC-AAG-GCA-CCC-GCT ssA-Lit Biotine (T)15-AAT-AGG-TGA-AGG-TTA ssB-Lit Biotine (T)15-TAA-CCT-TCA-CCT-ATT Température de fusion théorique (°C) 85,8 °C 69,8 °C 173 Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites 3. Synthèse de d’assemblage nanobiocomposites Al -CuO : Pr otocole L’auto-assemblage de na noparticules d’ Al e t de C uO pour f ormer l e nanobiocomposite é nergétique e st obt enu e n m élangeant l es de ux s olutions c olloïdales après f onctionnalisation de s na noparticules pa r l es br ins d’ ADN c omplémentaires précédemment choi sis (cf. Tableau 19). Avant t out, nous dé finissons i ci l e rapport stœchiométrique Φ décrivant la proportion relative des deux types de nanoparticules par l’équation ci-dessous : Φ= NAA NCCO (4.6) Avec NAl et NCuO le nom bre de na noparticules d’ Al e t de C uO pr ésents da ns l e mélange de solutions colloïdales. Sauf mention contraire, les mélanges sont effectués en proportion stœchiométrique, i.e. le rapport stœchiométrique Φ est é gal à 1, c ompte t enu du di amètre hydrodynamique moyen en solution très proche pour les deux particules. Ainsi, 4,5 m L de s olutions c olloïdales de na noparticules d’ Al s ont m élangées à 9,5 mL de s olution c olloï de C uO. Q uelques di zaines de m icrolitres de s olution mère NaCl de c oncentration 2 M s ont e nsuite a joutés à l a s olution pour i nitier l ’agrégation. Sauf mention contraire, la concentration en NaCl est fixée à 35 mM. La concentration en nanoparticules d’ Al ou de C uO est a lors é valuée à 3,8 x 10 9 NP.mL-1. Les ci nétiques d’agrégation s ont s uivies pa r D LS dont l a m éthode a é té dé crite da ns l e cha pitre précédent. Afin de valider que l’agrégation soit bien contrôlée par l’hybridation des deux brins d’ADN com plémentaires g reffés à l a s urface de s na noparticules d’ Al et de C uO, nous avons c omparé l ’évolution du di amètre h ydrodynamique d’ une s olution c olloïdale de nanoparticules non-fonctionnalisées avec celle de nanoparticules fonctionnalisées par des brins d’ ADN complémentaires opt imisés. D e plus, c haque s olution c olloïdale a ét é soumise à un cycle d e t empérature caractérisé pa r un e al ternance de pé riodes à température a mbiante (25 °C ) a vec de s pé riodes de c hauffage ( 80 °C ) d e 30 m in, pour valider l a r éversibilité de l ’hybridation de s br ins d’ ADN. La concentration e n N aCl e st dans les deux cas fixée à 35 mM. Les résultats sont présentés dans la Figure 99. 174 2000 Sans ADN ss-Opt 100 1500 80 60 1000 40 500 Température (°C) Diamètre hydrodynamique (nm) 3. Synthèse de Nanobiocomposites 20 0 0 1 2 3 Temps (h) Figure 99 : Evolution du diamètre hydrodynamique moyen d’une solution colloïdale de nanoparticules d’Al e t de C uO no n-fonctionnalisées ( courbe bl eue) e t f onctionnalisées av ec des br ins d’ ADN complémentaires (courbe rouge) pour une concentration en NaCl de 35 mM en fonction de la température (courbe grise). On observe de façon nette les agrégations à température ambiante et désagrégations à 80 °C s uccessives d es n anoparticules d ’Al et d e C uO f onctionnalisées a vec de s br ins d’ADN complémentaires (courbe rouge). Le diamètre hydrodynamique passe de 250 nm à 1 500 nm l ors de s p remières 30 m in à t empérature ambiante, pui s d écroît de 800 à 500 nm l ors de l a pr emière m ontée e n t empérature. Le di amètre h ydrodynamique augmente à nouve au l or s du r efroidissement à t empérature a mbiante, pa ssant de 500 à 1 300 nm, puis diminue à 400 nm à la fin du deuxième palier à 80 °C . Au c ontraire, on n ’observe pa s d ’agrégation c ontrôlée s ur l es s olutions d’ Al e t d e CuO non-fonctionnalisées (courbe bleue). On note cependant, aux premiers instants, une augmentation du diamètre hydrodynamique rapide, similaire à l a courbe rouge (diamètre passant de 2 50 à 1 500 nm ) a vant de c huter quelques m inutes avant l e c hauffage pour atteindre une valeur de 200 nm après 1 h d’ expérience. Puis le diamètre hydrodynamique reste cons tant quelle que s oit l a t empérature. C eci dé montre que l e phé nomène d’agrégation obs ervé l ors de l a pr emière de mi-heure r epose s ur de s i nteractions irréversibles non-spécifiques. Cette première expérience démontre bien que l’agrégation des nanoparticules d’Al et de C uO est r égie pa r l ’hybridation d es b rins d’ ADN greffés à l eur s urface, ma is nous voyons aussi qu’il existe des phénomènes d’agrégation non-spécifiques et non-réversibles dans nos conditions expérimentales. La section qui suit a pour objectif d’analyser plus en détail l ’influence d es p aramètres ex périmentaux sur l ’assemblage et d’ identifier le s interactions à l’origine de l’agrégation. Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites 4. Etude des cinétiques d’agrégation de nanoparticules d’Al et de Cu O : I nfluence des co nditions ex périmentales et des brins d’ADN 4.1. Influence de la concentration en NaCl Nous a vons vu e n dé but de c hapitre que l a c harge i onique de l a s olution e st un paramètre cl é da ns l ’agrégation des p articules i nfluençant fortement l es régimes d’agrégation. Dans notre cas, les nanoparticules sont fortement chargées négativement à cause de la répulsion électrostatique due au potentiel négatif renforcé par le greffage des brins d’ ADN e t r endant l a s olution s table ( potentiels Z eta i nférieurs à 45 m V da ns l es deux cas ( cf. Chapitre 3 )). Il es t al ors né cessaire d’ écranter l es cha rges né gatives pour initier l’agrégation. Nous avons choisi d’augmenter progressivement la force ionique de la s olution par aj out de s el N aCl. Conformément à la ma jorité de s publ ications, la concentration saline sera réglée entre 15,5 mM (état initial de la solution colloïdale à base de P BS 0,1 X ) et 250 mM, t out e n m aintenant c onstant l a c oncentration e n nanoparticules. L’évolution du di amètre h ydrodynamique m oyen de s na noparticules en s olution, fonctionnalisées par des brins d’ADN non-optimisés (ss-Lit) ou optimisés (ss-Opt) est suivie au cours du temps par DLS et les courbes obtenues en fonction de la concentration saline sont présentées en Figure 100. Figure 100 : Evolution du diamètre hydrodynamique moyen des agrégats Al-CuO au cours du temps, en fonction de la concentration en NaCl. 176 4. Cinétiques d’Agrégation de Nanoparticules d’Al et de CuO On distingue de façon nette sur ces courbes les deux régimes présentées en section 1. du chapitre : 1. Agrégation d e C olloïdes L imitée p ar Réaction (RLCA) pour une concentration en NaCl variant de 30 à 50 mM. 2. Agrég ation d e C olloïdes L imitée p ar D iffusion ( DLCA) pour une concentration en NaCl supérieure à 75 m M . Dans le régime RLCA, les cinétiques sont fortement dépendantes de la concentration en s el, de f açon hom ogène e t r égulière. L’agrégation de s pa rticules e st r égie par l’hybridation de s br ins d’ ADN. L’approche de de ux pa rticules f onctionnalisées e ntraîne une hybridation des brins complémentaires. La cinétique de cette réaction impose alors la cinétique d’ agrégation. Plus l a f orce i onique d e l a s olution a ugmente, moins l ’énergie nécessaire à l ’hybridation de de ux brins es t i mportante, ce qui accél ère l a ci nétique d’hybridation et explique l’évolution des cinétiques observée. Au-delà de 75 mM de NaCl, les cinétiques ne dépendent plus de la concentration en sel. Les ci nétiques s ont rapides et i dentiques, avec un di amètre h ydrodynamique m oyen passant de 250 nm à 2 250 nm. Par ailleurs, la mesure du di amètre hydrodynamique est ici ar rêtée qu and celui-ci di minue à nouve au, à c ause de l a s édimentation des pl us gros éléments. Dans ce cas, l’agrégation est régie par la rencontre des nanoparticules, et n’est donc pl us l imitée que p ar l a di ffusion de ces d ernières da ns l e s olvant. Leur ollision entraîne une agrégation i rréversible, où l ’hybridation des brins d’ADN n’intervient p lus directement. Notons qu’ en de çà d ’une c oncentration s aline d e 30 m M, a ucune agrégation n’ est observée, prouvant la stabilité des solutions colloïdales analysée dans le Chapitre 3. Pour c onfirmer l e changement de r égime, nous a vons utilisé une r égression nonlinéaire par une loi puissance d’exposant α (cf. équation 4.4) pour décrire les cinétiques d’agrégation en fonction de la concentration en NaCl. L’évolution du coefficient α est donnée e n Figure 101. Pour c omparaison, nous a vons é galement é tudié l ’évolution du coefficient α pour d es n anoparticules non f onctionnalisées. La c orrespondance e ntre l es courbes expérimentales et les équations obtenues sont présentées en Annexe 11. Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites 0,5 0,4 α 0,3 0,2 0,1 ss-Opt ss-Lit Sans ADN 0,0 -0,1 10 100 [NaCl] (mM) Figure 101 : Evolution du coefficient puissance α en fonction de la concentration saline décrivant les cinétiques de trois composites, avec ADN optimisés, ADN non-optimisés et sans ADN. Les lignes pointillées sont tracées en tant que support visuel. On identifie clairement s ur le graphique l es de ux r égimes d’ agrégation de nanoparticules fonctionnalisées. De 15 à 40 mM, le coefficient α augmente de 0 à 0,5. Au-delà de 50 mM, le coefficient diminue et se stabilise à environ 0,42. Ces résultats sont conformes aux résultats de (Pamies et al., 2014). De plus, on pe ut remarquer l’influence de la fonctionnalisation des nanoparticules car, sans ADN, le coefficient α augmente de 30 mM à 100 mM dont l’allure rappelle celle obtenue par (Trinh et al., 2009), démontrant une l imite ent re l es de ux r égimes dé calée de 1 5 mM envi ron. La c aractérisation plus pointue du coefficient α avec la détermination des coefficients z et df nécessitent pa r contre d’ autres ana lyses qui n’ ont pa s pu êt re r éalisées d ans c es t ravaux. On constate cependant qu’ en approximant l e coe fficient z à 0,8 c onformément a ux m esures expérimentales r eportées da ns l a l ittérature (Lin et al., 1990; T rinh et al., 2009), on obtient une di mension f ractale e ntre 1,78 e t 2,0 en r égime D LCA, s oit t rès pr oches de s résultats donnés dans la littérature (df = 1,8 ± 0,1) (Lin et al., 1990). La Figure 102 donne le potentiel Zeta d e ces mê mes solutions, c'est-à-dire pour l es brins no n-optimisés (courbe r ouge) e t pour l es brins opt imisés (courbe noi re) en fonction de la concentration saline. 178 4. Cinétiques d’Agrégation de Nanoparticules d’Al et de CuO Potenti el Zeta (mV) -10 -15 -20 -25 -30 -35 ss-Opt ss-Lit -40 10 30 50 70 100 300 [NaCl] (mM ) Figure 102 : Evolution du potentiel Zeta de nanoparticules Al et CuO fonctionnalisées avec des brins complémentaires non-optimisés (courbe rouge) et optimisés (courbe noire), en fonction de la concentration en NaCl. Les mesures sont prises aux premiers temps de l’agrégation. Comme attendu, le potentiel Zeta évolue très fortement avec la concentration saline, passant de -39 mV pour une concentration initiale en NaCl de 15 mM, à -15 mV pour une concentration e n N aCl de 250 m M. P lus pr écisément, on obs erve un s aut de pot entiel entre 30 et 50 mM. Le saut de potentiel est plus marqué pour les colloïdes fonctionnalisés avec les brins non-optimisés, passant de -33 mV à -23 mV entre 40 et 50 mM, tandis que le s aut de pot entiel e st plus hom ogène pour l es c olloïdes f onctionnalisés avec l es brins optimisés, entre 30 et 40 mM. La chimie de s urface c omplexe i ntervenant da ns l es de ux cas r end difficile t oute interprétation de ces légères différences observées suivant l’optimisation de la séquence. Cependant, ces résultats confirment les observations sur les cinétiques d’agrégation avec notamment le changement de régime entre RLCA et DLCA entre 50 et 75 mM. A partir de ces résultats, la gamme de concentration en NaCl favorisant l’agrégation des na noparticules d’ Al e t C uO pa r l ’hybridation de s br ins c omplémentaires e n r égime RLCA e st d e 35 à 45 mM, c ar l es cinétiques obtenues à 50 m M s ont t rop pr oches de celles obtenues en régime DLCA au-delà de 75 mM, notamment lorsque les brins ne sont pas optimisés. Nous choisirons pour la suite une concentration en NaCl égale à 35 mM. 179 Chapitre 4. Structure et Propriétés Energétiques des Nanobiocomposites 4.2. Influence de la séquence de l’oligonucléotide Nous c omparons i ci l es c inétiques d’ agrégation pr ésentées e n Figure 103 de ci nq mélanges de na noparticules A l et C uO r éalisées da ns l es m êmes condi tions expérimentales, avec une concentration en NaCl de 35 mM à 25 °C : 1. Agrégation entre nanoparticules d’Al et de CuO fonctionnalisées avec des brins complémentaires et optimisés (ssA-Opt + ssB-Opt) (symboles bleus pleins). 2. Agrégation entre nanoparticules d’Al et de CuO fonctionnalisées avec des brins complémentaires n on-optimisés (ssA-Lit + ssB-Lit) ( symboles r ouges pleins). 3. Agrégation entre nanoparticules d’Al et de CuO fonctionnalisées avec des brins optimisés mais i dentiques, donc s upposés non-complémentaires (ssA-Opt pour les deux types de particules) (symboles bleus vides). 4. Agrégation entre nanoparticules d’Al et de CuO fonctionnalisées avec des brins optimisés et identiques, s upposés non-complémentaires ( sA-Lit pour l es deux types de particules) (symboles rouges vides). 5. Agrégation entre nanoparticules d’Al et de CuO non-fonctionnalisées, i.e. sans Diamètre hydrodynamique (nm) brin d’ADN ou de Streptavidine à la surface (symboles noirs).
54,937
64/hal-hceres.archives-ouvertes.fr-hceres-02039741-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
2,581
3,790
Licence professionnelle Systèmes d'électronique marine embarqués Formations Licence professionnelle Systèmes d'électronique marine embarqués ● Université de Bretagne Occidentale - UBO La licence professionnelle (LP) des métiers de l'industrie, Industrie navale et maritime, spécialité Systèmes d'électronique marine embarqués (SEME), créée en 2008, est le résultat d'une coopération entre le département d'Electronique de l'UFR Sciences et Techniques de l'UBO et le Lycée d'enseignement général et technique La Croix-Rouge de Brest et une convention a été mise en place entre les deux établissements. La LP est proposée en formation initiale classique et en alternance, par contrats de professionnalisation, et a pour objectif de former des professionnels de niveau assistants-ingénieurs dans le domaine de l'électronique marine embarquée. Cette LP recrute principalement des étudiants titulaires de BTS ou de DUT. Synthèse de l'évaluation La LP SEME forme des assistants-ingénieurs dans le domaine de l'électronique marine embarquée. Elle trouve tout naturellement sa place en région Bretagne et est unique sur le plan national. Elle entretient de très bons liens avec le tissu socio-économique de la région. Le nombre d'abandons (un à deux par an) et le nombre non négligeable de poursuites d'études (jusqu'à quatre selon les années) sont à surveiller et à considérer compte-tenu de la finalité professionnelle de cette formation. En outre, le pilotage de la formation, assuré par une seule personne, représente une charge très lourde et comporte des risques importants. Une meilleure répartition des tâches et un portage plus collégial serait nécessaire et vivement recommandé. Si la formation participe à former des profils d'assistants-ingénieurs indispensables à l'industrie, elle doit poursuivre sa démarche d'amélioration en développant l'usage du portfolio, l'évaluation des enseignements, le conseil de perfectionnement Le dossier aurait sans doute pu être mieux structuré et les redondances évitées. Une distinction plus claire aurait pu être faite entre ce qui relève du champ de formation Sciences, technologies et santé (STS) et de la formation proprement dite. Formation unique sur le plan national. ● Très bon ancrage de la formation dans la région Bretagne. ● Ouverture à l'alternance en contrat de professionnalisation. ● Bonne attractivité de candidatures étrangères (près d'un quart des candidatures). Un pilotage de la formation assuré par une seule personne : une charge lourde et comportant des risques. ● Nombre d'abandons (un à deux par an) à surveiller. ● Peu de points d'amélioration dans le dossier qui soient propres à cette licence professionnelle. 3 ● Des insuffi sances relevées dans : - le suivi de l'acquisition des compétences, - la structuration du dossier, redondances et tableau de l'équipe pédagogique incomplet. Une meilleure répartition des tâches et un portage plus collégial gagneraient en efficacité. ● Poursuivre une démarche qualité en développant davantage l'usage du portfolio, l'évaluation des enseignements ou le conseil de perfectionnement est souhaitable. Analyse La LP SEME a pour objectif de former des professionnels de niveau assistants-ingénieurs dans le domaine de l'électronique marine embarquée. Cette formation trouve tout naturellement sa place en région Bretagne et en lien avec ses activités de l'industrie de la métallurgie. La formation s'articule autour de connaissances et de compétences scientifiques et techniques complétées par des enseignements de préparation à la vie professionnelle. La formation est constituée de 450 heures de cours, TD, TP, de 150 heures de projet tuteuré et d'un stage de 14 semaines (formation initiale) ou d'une présence en entreprise de 30 semaines (contrats de professionnalisation). Les enseignements dispensés dans cette licence professionnelle sont cohérents et en totale adéquation avec le type et la qualification des métiers visés. Peu de précisions sont données sur la manière dont cohabitent les étudiants en formation initiale classique et les alternants. La licence professionnelle Systèmes d'électronique marine embarqués, appartenant au champ Sciences, technologies et santé, vient compléter l'offre de formation des licences professionnelles existantes à savoir les licences professionnelles portées par l'IUT de Brest : Electrotechnique et électronique de puissance et Systèmes automatisés et réseaux Industriels. La licence professionnelle SEME est unique en France. En dehors du domaine de la marine, on retrouve des formations proches de la licence professionnelle SEME dans les domaines de l'électronique et des systèmes embarqués telles que, par exemple, les licences professionnelles Systèmes embarqués dans l'automobile (Université de Rennes 1) et Maintenance aéronautique (Université Toulouse 2). L'environnement de Brest et de la Bretagne est propice aux collaborations avec des entreprises ou organismes du domaine de l'électronique marine. En effet, la formation bénéficie du soutien appuyé de l'Union des Industries des Métiers de la Métallurgie du Finistère (UIMM 29). Pour certains étudiants/salariés, la formation permet d'obtenir un Certificat de Qualification Paritaire de la Métallurgie (CQPM). La formation est également labellisée par le Pôle Compétitivité/Mer. Tous les deux ans, les étudiants de la formation participent, alternativement, à l'automne au salon ITECH' Mer de Lorient et à la SEA TECH Week à Brest. On peut également noter une bonne implication des professionnels extérieurs par leurs interventions dans la formation, les sujets de stages proposés, l'encadrement de projets tuteurés, l'envoi de certains de leurs salariés en formation continue ou par le biais de la taxe d'apprentissage. L'équipe pédagogique est composée d'enseignants universitaires de l'établissement (UBO) et d'enseignants du Lycée La Croix-Rouge de Brest, ainsi que de professionnels du secteur industriel ou d'instituts travaillant dans le domaine de l'électronique marine embarquée. Le tableau de l'équipe pédagogique est bien fourni en annexe mais il est regrettable qu'il manque le nombre d'heures et le nom des modules dans lesquels chacun des membres intervient. A travers ce tableau, rien ne permet de dire si les extérieurs interviennent dans le coeur de métier de la formation. L'implication des professionnels dans les enseignements dispensés est une caractéristique forte de la licence professionnelle SEME annoncé dans le 4 dossier, mais ici encore aucun chiffre dans les annexes fournies ne permet de l'attester. Le pilotage de la formation semble reposer sur une seule personne qui a en charge l'organisation des emplois du temps, la responsabilité du suivi des stages et des projets tuteurés, le suivi personnalisé des étudiants, la coordination et la cohérence des enseignements et l'organisation du conseil de perfectionnement. Cela représente une charge lourde et constitue un risque important. Une meilleure répartition de la charge de travail et des responsabilités est vivement recommandée. L'effectif de la LP SEME oscille entre 13 et 21 étudiants par an sur les cinq dernières années avec une baisse notable en 2013 (7 étudiants). Aucune explication n'en est donnée dans le dossier. La formation, dont le nombre de places est limité à 20, peine à faire le plein en raison de désistements plus ou moins importants selon les années. Il ne semble pas évident d'anticiper les effectifs en raison des candidatures multiples et de l'accès aux stages et contrats de professionnalisation, mais les effectifs sont globalement satisfaisants. Les étudiants recrutés provi t majoritairement de BTS et DUT dont 5 en moyenne suivent la formation en contrat de professionnalisation. Le taux de pression moyen est de l'ordre de 1,6. Il n'y a pas eu d'étudiants issus de L2 dans la formation, mais il faut noter que depuis la rentrée 20152016 un étudiant de L2 a intégré la formation en contrat de professionnalisation. Les actions menées auprès des étudiants de L2 doivent être poursuivis. Le taux de réussite est bon (autour de 80 % ces cinq dernières années), mais le serait davantage (100 %) s'il n'y avait pas autant d'abandons. En effet, on comptabilise 1 à 2 abandons par année sur les cinq dernières années, ce qui n'est pas négligeable. Concernant l'insertion professionnelle, sur les trois dernières promotions, les résultats des enquêtes sont disparates d'une année sur l'autre. Le taux de réponses est excellent. L'accès à l'emploi n'est pas immédiat mais pas non plus critique avec, en moyenne, 33 % des diplômés en recherche d'emploi à six mois. Le taux de poursuite d'études est non négligeable : 4 étudiants en 2011, 2013 et 2014, soit environ 25 %. La vocation de la licence professionnelle n'est pas la recherche. Néanmoins, une part significative d'enseignants-chercheurs du Lab-STICC (Laboratoire des sciences techniques de l'information, de la communication et de la connaissance) intervient dans la formation. La formation dispose d'une bonne adéquation entre son contenu et les connaissances/compétences attendues par le milieu professionnel. Par ailleurs, elle entretient d'excellentes relations avec le monde socioéconomique : nombreux intervenants professionnels, présence de l'alternance, implication des professionnels dans les jurys et l'organisation, participation des professionnels à de nombreux projets tuteurés. Les étudiants visitent un salon professionnel chaque année. L'UBO propose des outils de professionnalisation (connaissance de l'entreprise, conduite de projet et qualité, économie et gestion, communication et insertion dans le milieu professionnel) La fiche RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) est très détaillée, peut-être juste un peu longue. Le projet occupe 25 % de la formation hors stage. Il est le plus souvent avec participation de professionnels dans sa définition et parfois sa réalisation. Il est parfois effectué en préparation au stage. Le stage principal en fin d'année dure 14 semaines en formation initiale, avec visite du tuteur en entreprise. L'évaluation est classique par un rapport et une soutenance. Des outils fournis par l'UBO (application « Pstage ») responsabilisent l'étudiant en lui donnant plus d'autonomie dans la rédaction de la convention de stage et dans l'autoévaluation. Les alternants effectuent des périodes de 5 semaines en entreprise intercalées de 4 semaines de cours. Ils ont un livret de l'alternant fourni 5 par une structure globale de l'établissement qui définit et suit des objectifs pédagogiques sur chaque période. On retrouve en fin d'année une évaluation classique par rapport et soutenance. Depuis 2014, l'équipe pédagogique est en recherche de nouvelles entreprises partenaires de la région PACA. Près du quart des candidatures provient d'étudiants étrangers dont une partie est intégrée à la formation. Il semble qu'aucun stage ne soit effectué à l'étranger. Des cours d'anglais sont dispensés aux étudiants. Une réflexion est menée avec l'Université de Haï Phong (ville portuaire) au Vietnam avec pour objectif de créer un partenariat avec cette université qui permettrait d'accueillir des étudiants vietnamiens dans la formation, mais également de trouver des entreprises partenaires susceptibles d'accueillir des stagiaires. Les dossiers de candidatures proviennent principalement de la région Bretagne mais aussi de certaines régions proches de la mer (PACA, LoireAtlantique et Normandie). A noter également, qu'environ un quart des candidatures provient d'étudiants étrangers, ce qui témoigne d'une bonne attractivité de cette LP à l'étranger. La formation accueille des étudiants provenant quasi exclusivement de DUT et de BTS, de diverses spécialités. La formation est ouverte en alternance (contrat de professionnalisation) et en formation initiale classique. Les étudiants commencent l'année par un module d'harmonisation des compétences (UE1). Les étudiants en ayant besoin ont accès à des UE passerelles, mais celles-ci, peu usitées, représentent un surcoût remis en question à ce jour une mutualisation entre formations est envisagée. Des procédures d'aide à la réussite apparemment assez classiques sont mises en place par l'établissement : encadrement individuel en cours de formation assuré par le responsable de la formation ou le président de jury, tutorat en langues, tuteur pédagogique en relation avec l'étudiant et tuteur de stage en entreprise. Des actions de communication de la licence professionnelle sont menées auprès des étudiants de L2 STS et pour la première fois un étudiant de L2 a été accepté en licence professionnelle à la rentrée 2015. La formation est proposée en alternance (contrat de professionnalisation) et en formation initiale classique. L'anglais est obligatoire. L'ensemble des enseignements se fait en présentiel à l'UBO ou dans les locaux du Lycée La Croix-Rouge de Brest. Une plateforme « Moodle », utilisée de manière basique et de façon très hétérogène, permet l'échange de documents entre enseignants et étudiants. L'équipe pédagogique pourrait renforcer son utilisation des TICE, alors que l'Université organise des formations TICE à destination du personnel. D'ailleurs, l'UBO est membre d'Unisciel. Des aménagements sont prévus pour les étudiants salariés, en situation de handicap ou sportifs de haut niveau. Les VAE (validation des acquis de l'expérience) sont organisées de la même façon au niveau de la licence STS. Les étudiants sont évalués de façon classique sur la base d'épreuves écrites ou orales, de travaux pratiques, contrôles continus tandis que le projet tuteuré et le stage font l'objet d'une évaluation sur la base d'un rendu écrit et d'une soutenance impliquant des membres de l'équipe pédagogique et des professionnels. Les crédits européens sont justement répartis et il y a peu d'éléments sur les modalités de réunions des jurys d'examen propres à la licence professionnelle. On note que l'UE1 d'harmonisation n'apporte pas d'ECTS et ne compte pas pour la validation de la LP. Pour les étudiants en formation initiale classique, il y a très peu d'éléments relatifs à l'utilisation d'un portefeuille de compétences. Pour les contrats de professionnalisation, les compétences s'évaluent par le biais d'un carnet de bord étudiant/entreprise/universitaire pour les alternants. 6 La fiche descriptive est bien fournie au dossier et satisfaisante. Des enquêtes sont réalisées par un observatoire (Cap'Avenir) de l'établissement UBO mais également en interne (depuis 2012). L'enquête interne menée par l'équipe pédagogique sur la situation professionnelle et le devenir des diplômés à six mois montre que les emplois occupés sont bien dans le domaine de la licence professionnelle. Sur les trois dernières promotions, les résultats sont disparates d'une année sur l'autre sans qu'on puisse en tirer une tendance. Le taux de réponses est excellent (de l'ordre de 100 %), mais aucun commentaire n'est fait quant à la manière dont ces enquêtes sont prises en compte au sein de la formation. On peut cependant noter qu'en 2012 et 2014 le nombre de diplômés à la recherche d'un emploi était de six soit un peu moins de 40 %. L'accès à l'emploi n'est pas immédiat mais pas non plus critique avec 33 % des diplômés en recherche d'emploi à six mois. Toutefois, il est mentionné dans le dossier qu'une enquête téléphonique interne menée neuf mois après l'obtention du diplôme permettait de constater que ces diplômés avaient trouvé un emploi. Il aurait été judicieux de mettre le tableau à jour avec ces données. Aucun chiffre de l'enquête nationale n'est communiqué dans le dossier sur les trois dernières années. On constate également un taux de poursuite d'études non négligeable pour une licence professionnelle (environ 25 %) représentant quatre étudiants en 2011, 2013 et 2014. L'établissement organise un sondage en ligne auprès des étudiants, mais le taux de participation est extrêmement faible (souligné dans le dossier). Dans le dossier, il est également stipulé qu'un questionnaire est élaboré par l'équipe pédagogique. S'agit-il de deux évaluations distinctes/complémentaires s'agit-il de la même? Un point d'éclaircissement aurait été nécessaire. A la suite de ces évaluations, un compte rendu est rédigé et présenté en réunion de jury mais, à aucun moment, on ne peut apprécier comment ce dernier est pris en compte dans l'évolution de la formation. Un conseil de perfectionnement est en place et semble fonctionnel. Cependant, il est difficile d'en évaluer les retours et comment ils sont pris en compte dans l'évolution de la formation. Les comptes rendus des réunions auraient pu être joints au dossier. Il y a peu d'éléments dans le dossier sur les modalités de réunions pédagogiques (fréquence, contenu et manière dont elles sont prises en compte pour l'évolution de la formation). Une autoévaluation des formations a été effectuée au sein de l'établissement et de la composante, mais il est difficile d'en évaluer les retours et dans quelle mesure ils ont été pris en compte dans l'évolution de la formation puisque très peu d'éléments sont donnés dans le dossier. En outre, peu de points d'amélioration propres à la licence professionnelle sont mentionnés dans le dossier (bien souvent ils concernent le champ STS dans son ensemble)..
42,498
35/tel.archives-ouvertes.fr-tel-02113890-document.txt_14
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,386
14,818
4_ Structures particulières 4_1_ La structure « si et si » Nous employons la structure « si et si » pour désigner les hypothétiques coordonnées. Autrement dit, il s'agit d'une relation de coordination établie entre deux propositions subordonnées introduites par la conjonction si ; ce qui donne lieu à doubles hypothétiques. Selon les grammairiens de l'époque médiévale, la structure « si et si » est un phénomène répandu dans les textes de l'ancienne langue. En effet, Buridant signale qu'il « n'est pas exceptionnel que deux conditionnelles encadrent une principale »1. Il arrivait dans certains cas de figure que la conjonction si ne soit pas répétée en tête de la deuxième proposition. Dans ce cas, la deuxième proposition, en rapport de juxtaposition avec la première proposition, est introduite par le simple et. Il importe de mentionner par ailleurs que la formule « si et si » demeure vivante dans les siècles qui suivent. Comme le souligne Christiane Marchello-Nizia (1979 : 291), la construction de type « si et si » reste, à la différence des cas de reprise de si par que, majoritaire jusqu'au XVème siècle. Une telle observation est de même soutenue par Bernard Combettes et Simone Monsonego (1983 : 232). Le phénomène de répétition de la conjonction si dans les doubles hypothétiques est encore en usage en français préclassique. En effet, dans nos extraits, nous avons relevé quatre occurrences dans lesquelles la subordonnée introduite par si est en rapport de coordination, au moyen de la conjonction et, avec une deuxième subordonnée qui est introduite, à son tour, par si. (1) Si je n'ay plus la faveur de la Muse, Et si mes vers se trouvent imparfaits, Le lieu, le temps, l'aage où je les ay faits, Et mes ennuis leur serviront d'excuse. (Joachim Du Bellay, 46) (2) Toutesfois s'il estoit permis à un bon vouloir de bien esperer, et si l'amour estoit si bon maistre qu'on gaignast quelque loyer en son fidelle service, j'oserois bien promettre à moy seul l'heur dont j'estime tout le monde indigne : (Jacques Yver, 1572 : 1200) 1 Buridant, C. (2000), p. 635. (3) Au contraire si j'avois le courage aussi mauvais que uy, et si j'estois animé de pareille rage, il me seroit facile de l'exterminer et de le releguer au village d'où son père est sorti pour venir emplir, (Jean-Pierre Camus, 1625 : 212) (4) S'il veut, et si la generosité n'y est point offensée, il sçaura feindre, il sçaura desguiser ; (Nicolas Faret, 1636 : 69) Ces exemples ont en commun le fait que les deux propositions coordonnées, introduites par la conjonction si, sont à l'indicatif. Signalons que l'emploi de ce mode dans les doubles hypothétiques constitue un vestige du système de l'ancienne langue. Comme le montre Brunot : « il arrivait aussi qu'en s'abstenant de répéter si, on mettait les deux verbes à l'indicatif »1. Nous remarquons, de plus, l'emploi d'une seule forme verbale dans les deux propositions coordonnées. La répétition d'une même forme verbale indique que la subordonnée introduite par et si maintient la même valeur hypothétique exprimée dans la première proposition. Nous pensons que l'emploi de la deuxième proposition peut se justifier, sur le plan sémantique, par le fait qu'une seule condition est insuffisante pour la réalisation du procès exprimé dans la principale. En termes plus précis, les deux conditions sont nécessaires pour en déduire la conséquence exprimée dans la proposition principale. Signalons par ailleurs que la problématique des hypothétiques coordonnées a retenu l'attention des remarqueurs de la langue française. En effet, Vaugelas propose d'introduire la deuxième proposition par la conjonction que au lieu de répéter la particule si parce que cet emploi est plus élégant : « cette particule estant employée au premier membre d'une , peut bien estre employée au second joint au premier, par la conjonction et, mais il est beaucoup plus françois et plus elegant, au lieu de le repeter au second membre, de mettre que » 2. Ce faisant, il nécessite l'usage du subjonctif après que. Cette remarque est également soutenue par Chiflet : « au lieu de repeter deux fois la conjonction si, l'on met au second membre de la periode la conjonction que, avec l'optatif »3. Rappelons en fin de cette section que la structure « si et si », considérée comme archaïque depuis le XVIIème siècle (Haase, 1975 : 388), n'est plus en usage dans la langue moderne. 4_2_ La structure « si et que » Rappelons d'abord que le tour « si et que » est attesté dans les textes de la langue médiévale. Une telle structure était en concurrence, en ancien français, avec le tour « si et si ». Comme le signale Foulet : « l'ancien français connaît des constructions analogues. Il répète la conjonction [] ou la remplace par que »1. Dans le même ordre d'idées, nous nous référons à Brunot qui a écrit : « ceci se rencontre dès le XIIe s. En m. f. [moyen français], l'usage de remplacer les autres conjonctions par un que se généralisa »2. Cependant, nous constatons que l'emploi du mode ― indicatif ou subjonctif ― après que n'est pas sujet d'unanimité chez les spécialistes de grammaire médiévale. Autrement dit, dans l'éventualité où si est substitué par la conjonction que, la deuxième proposition peut se construire, à l'époque médiévale, soit avec l'indicatif, soit avec le subjonctif. En effet, les auteurs du Manuel du français du moyen âge disent : « que reprenant si se fait normalement suivre du subjonctif »3. Dans le même ordre d'idées, Buridant souligne que la proposition introduite par que est généralement au subjonctif quels que soient le mode et le temps de la proposition introduite par la conjonction si. Ceci s'explique, selon lui, par le fait que le subjonctif sert à marquer « l'hypothèse en équivalence du se hypothétique » 4. Toutefois, l'auteur de la Grammaire de l'ancien français signale que la structure « si + indicatif et que + subjonctif est très rare »5 à cette époque. Dans les données de notre corpus, nous avons rencontré 18 attestations schématisées selon la formule « si et ». Les constructions en question sont extrêmement déterminantes dans la mesure où elles permettent de donner une image du système verbo-temporel spécifique de la langue préclassique. L'importance des énoncés formulés selon le schéma « si et que » réside dans le fait qu'ils permettent de rendre compte de l'alternance indicatif/subjonctif. Il s'agit de contextes linguistiques 1 Foulet, L. (1982) p. 231. Brunot, F. (1936), p. 706. 3 Martin, R. et Wilmet, M. (1980), p. 61. 4 Buridant, C. (2000), p. 635. 5 Moignet, G. (1979), p. 246. 2 356 spécifiques dans lesquels le locuteur semble placé devant un choix entre l'indicatif et le subjonctif. Cette alternance est clairement observable dans les constructions suivantes. (6) Et elle saigna encore de mesme lors qu'en voulant cueillir de roses les espines la picquerent ; que si les roses qui estoient blanches ne se fussent alors metamorphosees en rouges, et que cela fust encore à faire, ce seroit du sang de Charite que l'on atendroit ce miracle (Charles Sorel, 1627 : 87) Nous remarquons que les verbes « falloir » (5) et « être » (6) sont au subjonctif. À partir de cette observation, nous pouvons constater que l'usage de cette forme verbale derrière la conjonction que commence à s'imposer dans les énoncés structurés selon le schéma « si et que » dès la deuxième moitié de la période préclassique. À ce sujet, nous renvoyons à Nojgaard (1970). Cet auteur précise que l'emploi du subjonctif, après la conjonction que reprenant la particule si, est reconnu à partir du XVIIème siècle. Dans le même ordre d'idées, nous pouvons affirmer que, dans un tel emploi, la langue française commence à abandonner progressivement l'indicatif, donné à voir comme trait distinctif de la langue médiévale, au profit du subjonctif. Au terme de cette section, il est indispensable de mentionner que le subjonctif est régulièrement employé, en français moderne, derrière le marqueur que reprenant la conjonction si. Une telle règle est reconnue par la plupart des grammairiens de la langue d'aujourd'hui. À titre d'exemple, nous nous référons à Grevisse selon qui l'usage le plus soigné consiste à construire la deuxième proposition avec le subjonctif : « après que remplaçant si [] dans la coordination de propositions conditionnelles, on met, selon le meilleur usage, le subjonctif »1. Quant aux auteurs de la Grammaire du français classique et moderne ils écrivent : « si l'on veut indiquer [] que la seconde hypothèse dépend en quelque manière de la première on substitue à si la conjonction de reprise que. Dans ce cas, le verbe de la seconde proposition dépendante se met au subjonctif »2. Pareillement, les auteurs de la Grammaire méthodique du français soutiennent cette idée : « on l'emploie [le subjonctif] également dans une subordonnée coordonnée par que à une proposition introduite par si »3. 4_3_ Si + conditionnel En français médiéval, le conditionnel peut être utilisé dans la subordonnée introduite par la conjonction si. À la suite de Brunot (1936 : 827) selon qui la valeur éventuelle s'exprime en ancien français par une proposition commençant par si avec le conditionnel, Buridant (2000 : 634) souligne que l'emploi de cette forme verbale après 1 Grevisse, M. (1993), p. 1673. Wagner, R. L. et Pinchon, J. (1991), p. 645. 3 Riegel, M. Pellat, J.-C. et Rioul, R. (1994), p. 326. 2 358 si est précisément documenté dans les textes continentaux ainsi que dans les oeuvres de l'anglo-normand. Si l'emploi du conditionnel dans les constructions hypothétiques en si demeure encore vivant jusqu'à l'époque préclassique, ce type d'usage est néanmoins rarissime puisque une seule et unique attestation a été relevée dans les extraits de notre corpus : (1) Martin baston en fera l'office. En faulte de baston, le Diable me mange si je ne la mangeroys toute vive, comme la sienne mangea Cambles roy des Lydiens. (François Rabelais, 1552a : 101) L'emploi du conditionnel dans cette construction ne semble pas poser problème dans la mesure où il ne peut pas revêtir plusieurs significations. Cette forme verbale indique que le procès décrit, ne coïncidant pas avec le moment de l'énonciation, est situé dans d'ultériorité par rapport au passé. Le procès « manger » désigne un événement qui ne s'est pas réalisé parce que sa réalisation est simplement supposée être connue, par le locuteur, dans le présent. Alors, ce procès situé temporellement dans un repère non-coïncidant avec le moment de l'énonciation, renvoie à une situation autre celle de l'énoncé. Autrement dit, il est posé comme indéterminé et indéfini, voire incertain. Nous pensons que le locuteur se contente d'imaginer d'avance un tel événement pour en déduire une conséquence. C'est à partir de cette hypothèse, à valeur de supposition, que le locuteur envisage un procès donné à voir comme pouvant se produire dans son propre présent. Nous pouvons constater que la combinaison « si + conditionnel », bien que étrange, peut fournir une situation hypothétique « parfaite » pour servir de repère à une conséquence comportant un procès réalisable dans la réalité. En conséquence, les constructions de ce type oscillent entre la valeur modale de l'incertain et de la simple imagination. Soulignons par ailleurs que ce type de construction est rejeté par les remarqueurs de la langue française. 6_ Conclusion L'objectif de ce chapitre consistait à étudier les emplois de si hypothétique et à donner une image de la distribution modale et temporelle distinctive du système hypothétique de la langue préclassique. Compte tenu de la diversité des constructions 1 Oudin, A. (1632), p . 205 . Brunot , F. (1967c ), p . 1011 . 3 Picoche, J. et Marchello-Nizia, C . (1989 ), p. 293 . 4 Brunot, F. (1936), p. 890 . 5 Grevisse, M. (1993), p. 1670 . 2 360 introduites par si, nous avons choisi de les regrouper, en fonction des combinaisons temporelles exploitées par les écrivains préclassiques, en deux sous-parties selon que la particule si est suivie de l'indicatif ou du subjonctif. Ce faisant, nous avons constaté que le système modal et temporel caractérisant les tours hypothétiques de la période préclassique est, à la différence de la langue moderne où le mécanisme linguistique ne permet pas de faire usage, après si, de n'importe quelle forme verbale, très hétérogène. Autrement dit, l'emploi des modes et des temps verbaux dans les constructions en si n'est soumis, dans la littérature préclassique, à aucune restriction dans le sens où toutes les combinaisons semblent sporadiquement possibles. En somme, l'emploi du subjonctif et du conditionnel derrière si, les combinaisons de l'imparfait de l'indicatif avec le futur simple ou le subjonctif et du passé simple avec le futur simple, l'emploi de l'indicatif dans les constructions de type « si et que » et la présence de la structure « si et si », disparus aujourd'hui, sont des traits spécifiques de la langue préclassique. 361 Chapitre III Locutions conjonctives associées à si en français préclassique 362 1_ Introduction Parmi ses particularités, le mot si est susceptible de donner lieu à la construction d'expressions composées appelées locutions conjonctives. Ces expressions, dont le sens s'élargit avec le temps en un ensemble de plus en plus grand de contextes, sont sujettes à différents changements. Bien que certaines locutions aient disparu au fil du temps, d'autres locutions perdurent jusqu'à la période préclassique, voire jusqu'à la langue d'aujourd'hui. Nous remarquons que la littérature préclassique dispose d'une palette de mots composés qui sont construits sur la base du terme si. Dans les extraits de notre corpus, nous avons repéré 156 séquences formulées autour de la particule si. Ce sont en fait les expressions si est-ce que, si que, si bien que, si ce n'est que, si non que, si jamais et même si, qui sont à considérer comme marques caractéristiques du fonctionnement du mot si en français préclassique. L'objectif de ce chapitre consiste à étudier le fonctionnement de chacune des locutions conjonctives attestées en français préclassique. Nous essayons également de tracer le processus d'évolution de chaque séquence formulée sur la base de si tout au long de l'histoire de la langue française. Ceci va nous permettre de distinguer en général les spécificités du système linguistique de la langue préclassique et de signaler en particulier les formes qui ont disparu ainsi que celles qui perdurent jusqu'à la langue moderne. Le présent chapitre sera organisé autour de deux sections. Dans la première section, nous étudierons les locutions qui ne sont pas en usage en français moderne. Pour ce faire, nous essayerons de donner une certaine cohérence à notre description en organisant les expressions repérées en fonction de leurs fréquences d'emplois dans les textes de notre corpus. Dans la deuxième section, nous aborderons les séquences qui demeurent vivaces dans la langue moderne. 2_ Les emplois disparus Cette section sera consacrée à l'étude des locutions construites autour de la particule si qui ne sont pas en usage dans la langue moderne. Soulignons d'abord que nous trouvons, dans la langue préclassique, des survivances d'anciennes formules : les 363 séquences si est-ce que, si que et si non que, attestées dans les anciens textes de la langue française, sont encore vivantes dans la littérature de la période que nous considérons. Pour ce faire, nous proposons de présenter, pour chaque cas de figure, un aperçu historique permettant de donner une image des emplois qu'a parcourus la locution en question depuis sa première apparition dans les textes de la langue française. Après avoir étudié ensuite le fonctionnement des locutions attestées dans les extraits de notre corpus, nous essayons de donner une idée approximative de la disparition d'un tel ou tel emploi. 2_1_ La locution si est-ce que Soulignons d'abord que de la locution conjonctive si est-ce que résulte de la combinaison de l'adverbe si avec le morphème interrogatif est-ce que. L'emploi de cette locution remonte, d'un point de vue historique, à l'époque médiévale. Bien qu'elle soit attestée dans l'ancienne langue, cette expression se développe notamment, selon Jacqueline Picoche et Christiane Marchello-Nizia (1989 : 299), dans les textes du moyen français. Rappelons en outre que locution si est-ce que a précisément vu le jour au XIIème siècle. Par la suite, elle se développe progressivement dans les siècles qui suivent. En effet, Sabine Lardon et Marie-Claire Thomine (2009 : 343) soulignent que cette séquence commence à se répandre depuis le XIVème siècle. Une telle observation est aussi confirmée par Christiane Marchello-Nizia qui précise que « cette séquence connaît un relatif succès à partir du XVe siècle »1. Dans la lignée de Christiane Marchello-Nizia (1985 : 209), nous soulignons que le développement de la locution conjonctive si est-ce que se poursuit continuellement jusqu'à la période préclassique. En effet, cette séquence emplit la littérature de cette période dans la mesure où 66 occurrences ont été repérées dans les extraits de notre corpus. Nous remarquons que les constructions dans lesquelles apparaît la locution conjonctive si est-ce que présentent une variété d'emplois. Quant à son statut 1 Marchello-Nizia, C. (1985), p. 209. 364 syntaxique, nous observons que cette expression est apte à s'intégrer, le plus souvent, dans des tours corrélatifs. Dans un tel emploi, la séquence si est-ce que se trouve en rapport de corrélation avec combien que, comme dans (1), encore que, comme dans (2), quoi que, comme dans (3). (1) Et combien que sa responce fust telle qu'il appartenoit à une princesse et vraye femme de bien, si est-ce que, le voyant tant beau et honneste comme il estoit, elle luy pardonna aisement sa grande audace. (Marguerite de Navarre, 1550 : 728) (2) Encore que vous m'ayez tant montré de faveur et d'amitié, si est ce que je n'ose vous suplier, que de ce que facielement vous otroiriez au plus estrange de la terre. (Louise Labé, 1555 : 59) (3) Et quoy que la mort de son père l'eust contrainte de porter le dueil, et que la tristesse de don ame accompagnast fort bien l'habit qu'elle avoit, si est-ce que ce desplaisir n'avoit point amoindry sa beauté, tant s'en faut, il luy avoit adjousté je ne sçay quele douceur au visage, (Honoré d'Urfé, 1610 : 116) Comme le montrent les exemples ci-dessus, la locution si est-ce que fonctionne comme « le corrélatif en tête de la principale d'une conjonction marquant la concession »1, selon les propos de Marie-Madeleine Fragonard et Éliane Kotler. Elle est également susceptible d'être employée, sans aucun rapport corrélatif, en tête d'une proposition, comme dans (4). (4) Mais elle couvre tant qu'elle peut sa douleur pour ne me donner opinion qu'elle aye mal-contentement contre moy, si est-ce que la playe seignera tousjours jusques à ce que l'appareil y soit donné, Sur le plan sémantique, nous observons que les attestations relevées peuvent introduire des nuances de sens peu diverses. Considérons d'emblée les exemples suivants : (5) Et combien que sa responce fust telle qu'il appartenoit à une princesse et vraye femme de bien, si est-ce que, le voyant tant beau et honneste comme il estoit, elle luy pardonna aisement sa grande audace. (Marguerite de Navarre, 1550 : 728) (6) Quand Jésus Christ disputoit avec les Juifs, combien qu'ils fussent fort ipiniastres, si est ce que quelquefois par une seule parolle de verité évidente il les convainquoit tellement qu'ils demouroint tous muets, sans luy respondre ung seul mot, (Sébastien Castellion, 1562 : 32) 1 Fragonard, M-M. et Kotler É. (1994), p. 108. (7) Quelle affection peut estre plus aspre et plus juste, qu celle des amis de Pompeius, qui estoient en son navire, spectateurs de cet horrible massacre? Si est-ce que la peur des voiles Egyptiennes, qui commençoient à les approcher, l'estouffa, de manière qu'on a remerqué qu'ils ne s'amuserent qu'à haster les mariniers, (Michel de Montaigne, 1592 : 76) (8) Ceux cy me semblent avoir un beaucoup meilleur stile ; et encore que ces deux pieces soyent necessaires, et qu'il faille qu'elles s'y trouvent toutes deux, si est ce qu'à la verité celle du sçavoir est moins prisable que celle du jugement. (Michel de Mont aigne, 1592 : 140) (9) Jaçoit que tout l'esté soit bon pour chaponner, si est-ce que le mois de Juin en est la meilleure saison : partant ne le laissera-on escouler sans l'employer à chaponner tous les cochets qui s'en treuveront capables . (Olivier de Serres, 1603 : 392) À première vue, la séquence si est-ce que met en relation deux situations contradictoires. Il semble cependant que le locuteur établit un rapport logique fondé sur la causalité. En effet, le procès décrit dans l'énoncé introduit par si est-ce que peut s'interpréter soit comme conséquence, tels que « elle luy pardonna aisement sa grande audace » (5), « il les convainquoit » (6) et « la peur des voiles Egyptiennes l'estouffa » (7), soit comme explication, tels que « celle du sçavoir est moins prisable » (8) et « le mois de Juin en est la meilleure saison » (9), du fait exprimé dans la principale. Il s'ensuit donc que l'emploi de la séquence si est-ce que laisse ainsi penser que nous sommes en présence d'une fonction justificative et explicative dans le sens où elle est suivie d'une proposition véhiculant une clarification. De la sorte, elle permet d'assurer une sorte de transition, voire d'enchaînement, dans la succession de thèmes composant l'énoncé dans lequel elle figure. Nous signalons que la locution si est-ce que peut aussi établir une relation d'opposition entre deux situations différentes. Ceci s'observe notamment dans les constructions ci-dessous : (10) Encore que vous m'ayez tant montré de faveur et d'amitié, si est ce que je n'ose vous suplier, que de ce que facielement vous otroiriez au plus estrange de la terre. (Louise Labé, 1555 : 59) (11) Encores que l'on eust heureusement compris Et la doctrine Grecque, et la Romaine ensemble, Si est-ce (Gohory) qu'icy, comme il me semble, On peult apprendre encor', tant soit-on bien appris. (Joachim Du Bellay, 1558 : 142) 366 (12) Et combien que le siège souverain de ceste image de Dieu ait esté posé en l'esprit et au coeur, ou en l'âme et ses facultez, si est-ce qu'il n'y a eu nulle partie, jusques au corps mesme, en laquelle il n'y eust quelque estincelle luisante. (Jean Calvin, 1560a : 211) (13) Mais elle couvre tant qu'elle peut sa douleur pour ne me donner opinion qu'elle aye mal-contentement contre moy, si est-ce que la playe seignera tousjours jusques à ce que l'appareil y soit donné, (François d'Amboise, 1584 : 215) (14) Or jaçoit qu'Alexandre severe empereur eut donné aux soldats et leurs enfants de pareille vocation que les peres, des terres en heritages : ainsi que dit Lampride, si est-ce que les comites de son temps, ne tenoyent pas en propre les villes, provinces, chasteaux, ou offices qui leur estoyent données en gouvernement, (Claude Fauchet, 1601 : 74) (15) Car encor qu'aucuns medecins s'ayent imaginé un tiers estat ou disposition du corps humain entre la santé et la maladie : si est-ce que, pour en parler avec les Philosophes, c'est sans doubte que tout animal est ou sain ou malade, comme raisonable ou irraisonnable, (Scipion Dupleix, 1607 : 140) (16) Et quoy que la mort de son père l'eust contrainte de porter le dueil, et que la tristesse de don ame accompagnast fort l'habit qu'elle avoit, si est-ce que ce desplaisir n'avoit point amoindry sa beauté, tant s'en faut, il luy avoit adjousté je ne sçay quele douceur au visage, (Honoré d'Urfé, 1610 : 116) Le locuteur, visant à argumenter en faveur de la situation décrite dans l'énoncé introduit par si est-ce que, entreprend une comparaison entre deux situations différemment opposées. Cette séquence exprime une opposition forte entre deux contenus propositionnels contradictoires : se prêtant à une lecture contrastive, si est-ce que se laisser paraphraser, dans de tels emplois, par la locution conjonctive « bien que » signifiant actuellement l'opposition. En conséquence, l'emploi de cette expression peut s'interpréter comme une stratégie argumentative par laquelle le locuteur va dans le sens inverse de la conclusion attendue. À titre illustratif, dans l'exemple (10), la situation « m'ayez tant montré de faveur et d'amitié » représente un argument en faveur d'une certaine conclusion. Toutefois, le locuteur, tout en énonçant « je n'ose pas vous suplier », présente un autre argument fort inverse. Cet argument se donne ainsi comme expression explicite qui aboutit à une conclusion opposée. Notons de même que la relation, établie par l'intermédiaire de si est-ce que, s'instaure entre deux états. Comme le montrent les exemples suivants : 367 (17) Par exemple, encore que chasque animal, chasque homme, et arbre perisse et meure : si est-ce que toujours ces universels, ces natures communes, Animal, Homme, Arbre, s'eternisent et se conservent incorruptibles en la succession de leurs individus, (Scipion Dupleix, 1607 : 92) (18) Et quoy qu'il soit controversé s'ils sont aucunement corporels (car à la verité aucune fois ils se representent en diverses especes de corps) si est-ce que naturellement ils sont substances incorporelles : (Scipion Dupleix, 1607 : 110) Nous observons que le locuteur cherche à rapprocher deux états qui s'excluent mutuellement. En effet, l'opposition est traduite lexicalement par le contraste entre les verbes « périr et mourir » et « s'éterniser et se conserver » dans (18) et entre les adjectifs « corporels et incorporels » dans (19). Il apparaît, en définitive, que l'expression si est-ce que sert à marquer un rapport d'opposition dont l'un devrait entraîner l'impossibilité de l'autre. À ce sujet nous rejoignons la position de Maupas qui signale que cette séquence s'emploie « pour contredire a un propos precedant en amenant une raison contra »1. Signalons en outre que la séquence si est-ce que a retenu l'attention des remarqueurs de la langue française. Bien que Bouhours (1675 : 522) indique que cette locution est bonne à l'époque de Vaugelas (1647), Chiflet propose de la remplacer par la particule si. Cette substitution aboutit à ce qu'il appelle « une façon de parler bonne et elegante » (1659 : 127). À côté de ces remarques, nous évoquons l'observation de Brunot (1936 : 859) selon laquelle les grammairiens de la fin du XVIIème siècle, tout en rejetant l'expression si est-ce que, proposent de rejoindre la forme simple, à savoir si. Soulignons enfin que la locution si est-ce que, comme le montrent les occurrences attestées dans les extraits de notre corpus, demeure vivante tout au long de la période préclassique. 1 Maupas, C. (1632), p. 356-357. La locution si que D'un point de vue historique, la locution conjonctive si que est employée dans les textes de l'ancienne langue. Selon Sabine Lehmann (2013 : 72), cette locution apparaît plus précisément depuis le XIIème siècle. Dès sa première apparition, cette expression sert à dénoter, comme le souligne Buridant (2000 : 567), la valeur consécutive. Elle avait également le même fonctionnement sémantique pendant l'époque du moyen français. En effet, Christiane Marchello-Nizia écrit : « pour indiquer de façon spécifique la conséquence, le moyen français se sert de si que suivi de l'indicatif » 1. Dans le même ordre d'idées, les grammairiens abordant la langue du XVIème siècle, tel que Gougenheim (1974 : 224), et celle du XVIIème siècle, comme Haase (1975 : 376), rangent l'expression si que dans la catégorie des locutions exprimant le sens consécutif. Nous remarquons que la locution conjonctive si que est vivace dans la littérature préclassique. Nous avons relevé 35 occurrences de si que dans nos extraits. L'observation des constructions dans lesquelles s'intègre cette locution fait apparaître des nuances sémantiques plus ou moins diverses. Considérons d'abord les exemples suivants : (1) Il luy transperça les deux machouoires et la langue, si que plus ne ouvrit la gueule, (François Rabelais, 1552b : 1061) (2) Je fay, dont je me ri, mainte metamorphose, Si qu'obscur, imitant ma dignité premiere, Souvent je me transforme en Ange de lumiere, (Louis Des Masures, 1566 : 22) (3) Ainsi de plus en plus s'est allumé le brasier, qui me consume par la resistance que en vain luy ay voulu faire : si qu'il m'a fallu en toute diligence recourir au médecin, et vous faire entendre mon angoisse par lettres, (Jacques Yver, 1572 : 1240) (4) Poussant mille sanglots qui m'estoupoyent la voix, Si qu'étreinte de mal je ne luy peux rien dire, (Robert Garnier, 1585b : 33) (5) Ils ont quitté la France, et cuidant par les flots Tromper la main de Dieu qui fondoit sur leur dos, Ont esté devorez des ondes aboyantes, Si que rien n'est resté de ces troupes mechantes, (Robert Garnier, 1585c : 122) 1 Marchello-Nizia, C. (1997), p. 373. (6) La terre se prépare parfaictement-bien, si que deschargée de toutes durtés, racines et herbes, se rend déliée comme cendre, en en suite, fructifiante en toutes sortes de semences. (Olivier de Serres, 1603 : 93) (7) Par sa grande chaleur, les eschauffe très-bien, et par sa constance, ne les abandonne jamais : si que toutes telles qualités assemblées, causent la naissance de plusieurs poulets à la fois : (Olivier de Serres, 1603 : 392) (8) D'autant que le laict est de si grande efficace à ce jeune bestail, qu'il le poulse fort en con commencement, si que toute sa vie se ressent de telle bonne nourriture. (Olivier de Serres, 1603 : 335) Dans les constructions évoquées ci-dessus, la séquence si que permet d'établir un rapport causal entre deux situations connexes dans le même énoncé. Autrement dit, elle institue une relation logique de raison à conclusion. En effet, les procès « ne plus ouvrir la gueule » (1), « je me transforme en Ange de lumiere » (2), « il m'a fallu en toute diligence recourir au médecin » (3), « je ne luy peux rien dire » (4), « rien n'est resté de ces troupes mechantes » (5), « se rend déliée comme cendre » (6), « toutes telles qualités assemblées causent la naissance de plusieurs poulets à la fois » (7) et « toute sa vie se ressent de telle bonne nourriture » (8) se donnent comme conséquences déduites à partir de, respectivement, « il luy transperça les deux machouoires et la langue » (1), « je fay mainte metamorphose » (2), « ainsi s'est allumé le brasier » (3), « mille sanglots qui m'estoupoyent la voix » (4), « ils ont esté devorez des ondes aboyantes » (5), « la terre se pare parfaictement-bien » (6), « le laict est de si grande efficace à ce jeune bestail » (7) et « les eschauffe très-bien » (8). Il apparaît que la locution si que, ayant, dans un tel emploi, le sens d'un connecteur consécutif comme donc ou ainsi, indique que les états de choses exprimés sont ordonnés selon un ordre de succession logique à partir duquel le premier procès se donne comme la condition, nécessaire et suffisante, de la réalisation du second procès. Il s'agit ainsi d'une sorte de mode d'organisation qui tend à rattacher l'un à l'autre deux faits au moyen d'un lien causal. En outre, l'interprétation des constructions dans lesquelles figure si que relève d'un autre cas de figure : la situation exposée dans l'énoncé second est présentée comme étant une explication du fait décrit dans le premier énoncé. Ceci s'observe dans les exemples suivants : 370 (9) Qui par sa venue luy donna diverses traverses, si que et luy et elle ravis d'extrême aise, demeurerent long temps muets, (Jacques Yver, 1572 : 1239) (10) D'un extrême contentement, se coururent embrasser estroittement, se tenant serrez longuement bouche à bouche, comme pigeons qui bec à bec gemissent leur amour, si qu'ils ne pouvoient parler que par soupirs, et leurs coeurs battoient la vive alarme du combat qui se ensuivit. (Jacques Yver, 1572 : 1243) (11) Les Muses en leur sein pleurantes l'amasserent. Puis neuf fois à l'entour, en le charmant, danserent, Si que leur sein en fleurs tout soudain fut rendu, Fleurs qui ont tels printemps sur leur tombe espandu, (Pierre de L'Estoile, 1578 : 229) (12) En certaines centrées, la terre ne produit qu'herbages : en d'autres que blés : et ailleurs, que raisins : si qu'il est raisonnable de distinguer la terre en trois parties, donnant la première, comme aussi la plus antique, au bestail, qui se nourrit es herbages. (Olivier de Serres, 1603 : 30) Ces constructions véhiculent une valeur explicative dans le sens où le lien causal est détecté entre les procès. Ces procès sont donc organisés selon un schéma argumentatif. À titre indicatif, dans l'exemple (10), le procès « ils ne pouvoient parler que par soupirs » s'interprète, non seulement comme l'effet produit de « se coururent embrasser estroittement se tenant serrer longuement bouche à bouche », mais aussi comme l'éclaircissement d'un état de chose. D'où, la reformulation suivante : « ils se coururent embrasser étroitement, se tenant serrer longuement bouche à bouche au point qu'ils ne pouvaient parler que par soupirs ». Il s'avère ainsi que la locution conjonctive si que, glosable dans un tel emploi par la séquence « au point que », permet de créer un contenu informatif nouveau. Ce contenu propositionnel fournit un éclairage supplémentaire, voire une justification explicative, du fait exprimé dans la principale. Le procès de la subordonnée est ainsi utilisé pour étayer et justifier le procès réalisé dans la proposition qu'elle régit. En somme, toutes les constructions que nous venons de présenter ont en commun le fait que la proposition introduite par la locution si que présente une conséquence réelle qui s'est effectivement produite. Comme le montrent ces constructions, le procès décrit dans l'énoncé introduit par l'expression si que est exprimé au mode indicatif. Cependant, nous observons qu'il n'en va pas de même quand la locution si que se trouve suivie du subjonctif. Cet usage s'observe dans les exemples suivants : 371 (13) Mais, ô Seigneur, donne la faveur tienne, Si qu'Israel par toy victoire obtienne. (Louis Des Masures, 1566 : 63) (14) Envoyons Proculee, Qui appaste d'espoir son ame desolee, L'asseure de propos, si que puissions avoir Ses richesses et elle en notre plein pouvoir. (Robert Garnier, 1585c : 85) (15) Qu'il se flatte et caresse, et surtout se regente ; respectant et craignant sa raison et sa conscience, si qu'il ne puisse sans honte broncher en leur presence. (Michel de Montaigne, 1592 : 242) Nous pensons que la présence de cette forme verbale derrière la séquence si que indique que le locuteur réagit à une situation : par l'emploi du subjonctif, le locuteur émet un fait sans considérer sa réalité. Les procès « obtenir la victoire » (13), « pouvoir avoir ses richesses » (14) et « pouvoir broncher » (15) sont donc perçus comme simplement visés. En outre, nous pouvons envisager une sorte d'enchaînement entre le procès de la subordonnée et celui de la principale : le procès exprimé dans l'énoncé introduit par l'expression si que est en rapport de postériorité chronologique par rapport au fait exprimé dans la première proposition. Ceci revient à dire que le locuteur agit d'une certaine manière afin d'atteindre la visée. La séquence si que peut donc commuter, dans un tel usage, avec la locution « afin que » ou « pour que ». C'est ainsi que nous pouvons affirmer que les constructions de ce type manifestent une affinité étroite avec l'expression de la finalité. Cette analyse va de pair avec celle de Christiane MarchelloNizia (1997 : 298) selon qui la locution si que, suivie du subjonctif, est susceptible d'exprimer le but. Soulignons également que la séquence si que peut être suivie en français préclassique, au même titre que l'indicatif et le subjonctif, par le conditionnel. Ce type d'usage est très rare puisque seulement trois occurrences ont été relevées dans les textes de notre corpus : (16) Et tant esgoutté leurs vases spermaticques, qu'ils en restoient tous effilez, tous evirez, tous enervez et flatriz, si que, advenant le jour de bataille, plus tost se mettroient au plongeon comme canes, (François Rabelais, 1552a : 65) (17) D'autant que la terre portée par le soc s'emmoncelle au bout de la ligne, où le laboureur se retourne, si qu'à la longue la terre s'y rehausseroit par trop : (Olivier de Serres, 1603 : 114) 372 (18) Prévoyant par artifice au mal qui avient à la vigne, et par les pluies et par le naturel de la terre, dont elle est avalée en bas : si que n'estant par là retenue, les ceps d'en-haut, à la longue se treuveroient desnués de terre, (Olivier de Serres, 1603 : 206) L'emploi du conditionnel indique que le procès exprimé dans l'énoncé introduit par si que est envisagé comme contraire à la réalité actuelle du locuteur. Autrement dit, le locuteur signale, par l'intermédiaire du conditionnel, qu'il ne donne pas pour vrai ce qu'il exprime. Supposant ainsi la réalité du contenu de la subordonnée, le locuteur énonce un fait fictif et imaginaire. La conséquence, envisagée comme irréelle, a tendance à être interprétée comme contrefactuelle. Notons par ailleurs que l'usage de la locution si que, par les écrivains de la période préclassique pour dénoter les valeurs de la causalité, la conséquence et la finalité, est condamnée par les remarqueurs de la langue française. C'est en particulier Vaugelas qui signale que l'emploi de cette expression est moins « élé », voire « barbare », dans le sens où il « tres-familier à plusieurs personnes »1. Pour cette raison, il propose de la remplacer par la séquence si bien que. Cette formule relève, selon lui, d'une haute éloquence. Pareillement, Brunot ajoute que la séquence si que « est blâmée par Malherbe chez Desportes : « c'est un vieil langage, dont on n'use plus, et qui étoit déjà hors d'usage du temps de des Desportes » »2. Soulignons de plus que la locution si que n'est plus en usage dans la langue d'aujourd'hui. Comme il est difficile, voire impossible, d'indiquer avec précision la date de la disparition de cette locution, nous pouvons signaler que son emploi commence à régresser depuis la deuxième moitié de la période préclassique. Signalons, par voie de conséquence, que la diminution des usages de la locution conjonctive si que peut s'expliquer par le fait que cette expression cède le pas à la locution si bien que, largement employée, en français moderne, pour traduire la valeur consécutive. En effet, à la suite de Haase (1975 : 376) qui déclare que la séquence si que est tombée en désuétude au XVIIème siècle, Sabine Lehmann écrit : « c'est la locution si bien que qui est devenue, à partir du XVIe siècle, le successeur de la locution « maltraitée » si que »1. 2_3_ La locution si non que La conjonction sinon est étymologiquement héritée de la réunion de se nun. Cette séquence prend en ancien français la signification de « excepté ». À l'époque médiévale, le tour se nun, qui peut aussi être graphié se non, s'emploie le plus souvent après une proposition négative mais parfois affirmative. Ce tour introduit une proposition dénotant la valeur exceptive. Selon Buridant, les éléments se et non se soudent depuis le XIIIème siècle en sinon. La victoire de sinon est conçue comme « le résultat d'une tendance à antéposer la modalité négative par rapport aux éléments sur lesquels elle porte »2. D'un point de vue historique, la séquence si non que apparaît pour la première fois au XIVème siècle selon l'observation de Moignet (1973 : 109). À cette époque, elle se trouve graphiée sous les formes si non que ou se non que. Cette expression résulte de l'assemblage de la conjonction sinon et du marqueur que. Nous remarquons que la locution si non que est vivante, bien que très rarement utilisée, dans la littérature préclassique. Dans notre corpus, seulement quatre constructions ont été relevées dans lesquelles est employée cette expression. (1) Ilz ne donnent aultre raison, si non que à la porte est un cherubin tenant en main une espée flambante. (François Rabelais, 1552a : 180) (2) Il s'excusoit sur le commandement que lui en avoit fait un grand, sans l'avoir jamais voulu nommer mesmes à la question, si non qu'on le tenoit pour la seconde personne de France. (Pierre de L'Estoile, 1574-1575 : 65) (3) Bref, le bruit de la Cour de ces temps n'estoit autre, si non que le Roy n'avoit pas de quoi avoir à disner, (Pierre de L'Estoile, 1574 1 2 Lehmann, S. (2013), p. 73. Buridant, C. (2000), p. 728. (4) Voller un Magistrat qui aura bien de quoi , Estre bon Maquereau, Bouffon et Sodomiste, Mesdire d'un chascun, tuer à l'improviste, Et n'avoir de raison, si non il plaist au Roy ; Les exemples ci-dessus ont en commun le fait que la locution conjonctive si non que apparaît toujours derrière un énoncé de polarité négative, à la différence de l'ancienne langue où elle peut s'employer aussi bien après une construction négative qu'affirmative. Dans cet emploi, elle introduit une hypothétique d'exception. En effet, l'emploi de l'indicatif ― « est » (1), « tenoit » (2), « avoit » (3) et « plaist » (4) ― derrière si non que indique que le procès exprimé dans la subordonnée appartient au monde du locuteur. Celui-ci rejette ce procès en dehors du champ du fait de la proposition régissante. L'énoncé introduit par si non que s'interprète comme le seul et l'unique fait excepté vis-à-vis de celui exprimé dans la proposition principale. Autrement dit, nous soulignons que la séquence si non que, signifiant « excepté que1 », se donne comme moyen invoqué pour faire écarter un fait en dehors de ce qui est courant. Notons en outre que l'emploi de si non que, telle qu'elle était dans la langue préclassique, ne plaît pas à Oudin. Parti de l'idée que la conjonction sinon n'a pas l'aptitude de véhiculer la « signification exceptive », ce remarqueur souligne que « si non que est plus encore mauvais que le précédent »2. Une telle remarque constitue le premier pas vers le déclin de l'emploi de la locution si non que. Ce rejet est confirmé par la suite par les grammairiens de la langue moderne. Par ailleurs, nous signalons que la locution si non est définitivement sortie de l'usage moderne. Vu la rareté des occurrences de si non que dans la littérature préclassique et compte tenu du fait que les attestations repérées sont empruntées à des textes relevant du début de la période préclassique, nous pensons que cette expression commence à disparaître depuis le milieu de cette période avant de disparaître définitivement vers la fin de la période considérée. Notre constatation peut aller de pair avec l'observation de Brunot et Bruneau (1969 : 422) qui signalent que la locution si non que est très rare au XVIIème siècle. 1 Gougenheim signale que la locution conjonctive si non que est remplacée en français moderne par « à moins que » (1974 : 231). 2 Oudin, A. (1632), p. 303. 375 3_ Les emplois conservés en français moderne Dans les extraits de notre corpus, nous rencontrons, au même titre que les locutions sorties de l'usage moderne, quelques expressions, formulées aussi sur la base de si, qui sont restées en usage dans la littérature de la période préclassique. Ce sont en fait les locutions si bien que, si ce n'est que, même si et si jamais qui continuent d'exister dans les textes de la langue moderne. Nous proposons d'étudier dans les lignes qui suivent le fonctionnement des locutions attestées dans notre corpus tout en les organisant en fonction de la fréquence d'emploi de chaque séquence. Nous visons également à dégager l'originalité de chaque emploi tel qu'il se manifestait dans la littérature préclassique par rapport à la langue moderne. 3_1_ La locution si bien que La locution conjonctive si bien que résulte de la soudure des éléments si, bien et que. Soulignons d'abord que l'adverbe bien, issu du latin bene, s'emploie en ancien français « avec un verbe, un participe passé, puis également un adjectif pour marquer un haut degré » 1. Servant dans la langue médiévale à la signification du degré de l'intensité, selon Moignet (1979 : 267) et Ménard (1994 : 243), l'adverbe bien, progressivement désémantisé, est entré dans plusieurs locutions telles que bien que ou si bien que. D'un point de vue étymologique, la locution conjonctive si bien que a précisément vu le jour, selon le Dictionnaire historique de la langue française 2, en 1530. Cette séquence résulte de la fusion de si bien qui appartient à l'origine à la proposition principale et du que qui fonctionne comme introducteur d'une subordonnée consécutive. La locution si bien que était en concurrence pendant la période préclassique avec l'expression si que dans la mesure où 32 occurrences de si bien que ont été repérées dans les extraits de notre corpus. Nous proposons de répertorier les attestations relevées suivant le mode employé derrière si bien que. Examinons d'abord les constructions où 1 2 Rey, A. Tomi, M. Hordé, T. et Tanet, C. (2006), p. 217. Ibid. p. 3497. 376 cette locution est suivie de l'indicatif. Ce type d'usage s'observe dans les exemples suivants : (1) Mais, à cause que le rideau, tant du lict de son maistre et d'elle que des serviteurs de l'autre cousté, couvroit les murailles si bien que l'on ne povoit veoir l'ouverture qu'il avoit faicte, (Marguerite de Navarre, 1550 : 719) (2) Amadour, qui estoit fort vigilant, entendit le bruict, assembla incontinant le plus grand nombre qu'il peut de ses gens, et se defendit si bien que la force de ses ennemys fut long temps sans luy pouvoir nuyre. (Marguerite de Navarre, 1550 : 766) (3) Je ne chante (Magny) je pleure mes ennuys, Ou, pour le dire mieulx, en pleurant je les chante, Si bien qu'en les chantant, souvent je les enchante : (Joachim Du Bellay, 1558 : 71) (4) Chien barbet (avec ses puces) entra en la cour (où est enclos ledit puits) lequel vint courir après une compagnie de boures qu'il trouva sur le fumier, lesquelles effrita si bien qu'une d'entre elles en volant alla tomber dans ledit puits. (Philippe d'Alcripe, 1579 : 52) (5) Une belle fontaine qui prenoit sa source tout contre la porte du temple ou plutost cabinet, serpentoit par l'un des costez, et l'abreuvoit si bien que l'herbe fraische, et espaisse, rendoit ce lieu tres-agreable. (Honoré d'Urfé, 1610 : 176) (6) Mais à mesure qu'elle s'en esloignoit, on remarqua que sa voix, comme celle des ecos se perdoit en l'air et diminuoit peu à peu, si bien qu'arrivant chez elle on la vit toute accoisée et d'un esprit assez tranquille pour en les amiables propositions d'un nouveau mary. (Jean Pierre Camus, 1625 : 314) (8) Mais comme capitaine, il avoit tout domté, Et puis comme Monarque il s'estoit surmonté ; Si bien qu'on le nommoit, adorant sa vaillance, Roy des Roys estrangers, et Père de la France. (Nicolas Vauquelin Des Yveteaux, 1648 : 58) Dans ces constructions, l'énoncé introduit par si bien que présente des procès de différents ordres : il peut s'agir d'une action, comme « alla tomber dans ledit puits » (4), d'un état, comme « rendoit ce lieu tres-agreable » dans (5), d'un acte de langage, comme « on le nommoit Roy des Roys estrangers » dans (8). Malgré cette hétérogénéité, nous pensons que la séquence si bien que sert à exprimer la consécution en faisant dépendre l'avènement de la conséquence de la réalisation du procès exprimé dans la principale. Cela se vérifie, à titre illustratif, par le lien existant entre les procès « couvrir les murailles » et « on ne pouvait voir l'ouverture » dans (1). Une telle lecture 377 nous paraît valable pour le reste des exemples dans la mesure où la locution si bien que, traduisant dans tous les cas un rapport logique de causalité, présente la conséquence comme un fait réel et « objectif ». Autrement dit, il s'agit d'un rapport de causalité directe dans le sens où le procès de la principale se donne comme la cause immédiate de celui évoqué dans la subordonnée. Dans le même ordre d'idées, soulignons que certaines consécutives, introduites par si bien que, entretiennent un lien ténu avec la manière. Comme le montrent les exemples ci-dessous dans lesquels la valeur consécutive est corrélée avec l'expression de la manière, la séquence si bien que, qui peut être glosable par « de sorte que », exprime la façon dont se déroule le procès, (9) Il alla coucher avec l'hostesse entre les courtines, si bien qu'il s'en alla avec son contentement : (Jacques Yver, 1572 : 1257) (10) Palombe qui par son mary avoit appris de ses nouvelles les avoit teuës à ses filles à la façon des femmes, qui ne disent ce qu'elles ne sçavent point, si bien qu'attaqué de toutes parts par ces becqs bien affilez, il estoit tout estonné de voir que ses affaires fussent si connuës en Tarragone. (Jean Pierre Camus, 1625 : 363) (11) Et ce bonheur là dont je ne puis trouver en moi la cause, mais seulement en v re generosité, me console si bien que j'ose quelquefois me vanter de rire la plume à la main contre les plus enjoüez et le plus heureux. (Paul Scarron, 1645 : 2) Toutefois, il n'en va pas de même quand la locution si bien que est suivie par le subjonctif. Ce type d'usage est très rare dans notre corpus puisque seulement deux occurrences ont été repérées : (12) Il pouvoit, comme aussi faisoient en ce temps les gouverneurs des vielles et places, tant roiaux qu'autres, qui ne demandoient que plaie et bosse, comme les barbiers : si bien qu'enfin elle fust rendue illusoire, contre le gré et volonté de la Roine Mere, (Pierre de L'Estoile, 1574-1575 : 212) (13) En affermissant le vase joignant ledict cep, par bonnes attaches, contre les injures des temps : tout d'une main cimentans l'entrée des raisins, et si bien que vent ni humidité aucune n'y peusse entrer. (Olivier de Serres, 1603 : 268) L'emploi du subjonctif dans l'énoncé introduit par si bien que signale que le locuteur réagit à une situation. Cette forme verbale, ayant une valeur modale dans le sens où elle dénote l'attitude prise par le sujet parlant à l'égard du procès, marque une 378 nuance d'éventualité. Il est en fait question, non pas d'une conséquence simple, mais plutôt d'une conséquence intensionnelle et irréelle. Ce type de construction nous semble proche de celui où la locution si bien que se trouve suivie du conditionnel, comme le montre l'exemple suivant : (14) « Je suis ton serviteur, ou : « qu'il est ravissant! Qu'il a de bons oiseaux, de bons chiens! » pour écrire une lettre si bien qu'on ne la sçauroit lire ; (Jacques Du Lorens, 1646 : 29) À la différence de l'indicatif qui présente les faits avec objectivité, l'emploi du conditionnel derrière si bien que laisse transparaître le doute, voire l'hésitation, animant le locuteur. Créant une situation imaginaire au moyen du conditionnel, le locuteur démentit la réalisation du procès « on ne la sçauroit lire ». La conséquence qui relève de l'univers de la fiction est posée ainsi comme non atteinte. Par ailleurs, il est utile de préciser que la locution adverbiale si bien que est très courante dans la langue moderne. Les grammairiens considèrent cette séquence comme marqueur traduisant la fonction consécutive. En effet, à la suite de Grevisse (1993 : 1648) qui range si bien que parmi les mots de liaison exprimant la conséquence, Le Goffic signale qu'elle « prend un sens consécutif et marque un résultat » 1. 3_2_ La locution si ce n'est que D'un point de vue historique , l'emploi de la locution conjonctive si ce n'est que dans les textes de la langue médiévale est souligné par certains grammairiens. En effet, Moignet (1973 : 19) précise que cette séquence est utilisée dans les anciens tours hypothétiques pour servir à exprimer l'exception. Ménard (1994 : 245-246) souligne que cette expression était courante, en ancien français, pour introduire une construction dénotant la restriction. 1 2 Le Goffic, P. (1993), p. 413. Hybertie, C. (1996), p. 80. Nous observons que la locution conjonctive si ce n'est que demeure encore vivante dans la langue préclassique. L'emploi de cette séquence est rare puisque seulement dix constructions comportant si ce n'est que ont été repérées dans les extraits de notre corpus. Les attestations dégagées se regroupent en deux sous-catégories. Dans la première sous-catégorie, nous rangeons les constructions où si ce n'est que est suivie du subjonctif : (1) Quant à moy, je pense que c'est grande simplesse de demeurer longtemps veuf, si ce n'est qu'on veuille faire provision pour la seconde femme : (Jacques Yver, 1572 : 1167) (2) Charles fut en Espagne, pour monstrer une longue et difficile entreprise, a pris son fondement, veu que c'estoit plustost de Saxe, qu'il le falloit entendre, si ce n'est que l'on comprenne les voyages de Louys son fils. (Claude Fauchet, 1601 : 72) (3) Les Paronymes ne reçoivent pas proprement une pareille division : si ce n'est que nous apellions Parnymes ceux desquels les autres prennent leur denomination : (Scipion Dupleix, 1607 : 100) (4) Et ne sçavois pourquoy elle me traittoit de cette sorte, si ce n'est que je ne me fusse pas bien acquitté à son gré de l'entreprise que nous avions faite, (Honoré d'Urfé, 1610 : 133) (5) Il n'est pas en la puissance de la veuë, si ce n'est que les yeux fussent malins et remplis de venin, (François Garasse, 1623 : 181) (6) Sçachez que Dom Juan n'est pas autre que moy, Si ce n'est que bien tost Dom Juan vous assomme, (Paul Scarron, 1645 : 52) Il est question, à première vue, d'une sorte d élimination : la séquence si ce n'est que signale que l'élément exprimé dans l'énoncé qu'elle introduit est une exception dans un ensemble de faits. En effet, le fait exprimé dans la première proposition est susceptible d'être réalisé. Cependant, l'introduction de si ce n'est que signale que ce fait ne serait réalisé qu'à l'exception du procès exprimé dans la subordonnée. Signifiant ainsi l'exclusion, la locution si ce n'est que est à prendre au sens de « sauf que » ou « excepté que » dans la mesure où elle est utilisée pour exclure une situation parmi d'autres possibles. Mais, il importe de souligner que la locution si ce n'est que se trouve associée au subjonctif. Nous pensons que l'emploi de cette forme verbale est provoqué par une pesée hypothétique. À cet égard, nous nous référons à Brunot qui écrit : « quand il y 380 avait doute sur la réalité des faits, on employait si ce n'est que avec le subjonctif »1. Il en découle que la situation exprimée dans la subordonnée se donne à voir comme une condition exceptive. En ce qui concerne les constructions relevant de la deuxième sous-catégorie, c'est-à-dire celles dans lesquelles la locution si ce n'est que est suivie de l'indicatif, seulement quatre attestations ont été relevées dans nos extraits : (7) De leur figure, n'en pouvons dire autre chose ; si ce n'est qu'elle approchoit celle des nostre, estans ces tonneaux-là longs et ventreux par le milieu. (Olivier de Serres, 1603 : 258) (8) Lesquelles des deux definitions ne different aucunment l'une de l'autre, si ce n'est qu'en la seconde il a eu egard à la cause, en la premiere à l'effect. (Scipion Dupleix, 1607 : 89) (9) Et partant je n'appuye sur luy aucun jugement, si ce n'est qu'il me souvient d'avoir leu dans agatharchides, (François Garasse, 1623 : 117) (10) En ces parolles frenetiques, je n'entends rien, si ce n'est qu'il veut dire à mon advis, que la creance de l'eglise catholique est la creance des gueux, comme l'heresie de Calvin sera d'icy à quelques années, (François Garasse, 1623 : 181) Les constructions ci-dessus ont en commun le fait que la séquence si ce n'est que, suivie d'une forme verbale à l'indicatif, suit un énoncé de polarité négative : « n'en pouvons dire autre chose » (7), « lesquelles des deux definitions different aucunment l'une de l'autre » (8), « je n'appuye sur luy aucun jugement » (9) et « je n'entends rien » (10). Il se dessine ainsi une relation d'opposition entre l'énoncé introduit par si ce n'est que et le premier énoncé qui ne peut être retenu comme vrai. C'est au moyen de l'indicatif que le locuteur présente le contenu de l'énoncé introduit par si ce n'est que comme certain. Il s'agit en fait d'un contenu informatif nouveau par lequel le locuteur exprime une idée d'éloignement par rapport à une situation. En termes plus précis, le locuteur met à part, par l'intermédiaire de si ce n'est que, un fait réel qui peut se réaliser en tant que rectification explicative, voire exceptive.
17,940
09d268269292993ac7c755a34050a7a3_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Impact du changement organisationnel sur le développement des compétences dans le secteur bancaire au Mali
None
French
Spoken
187
400
• Hartmann L. (2003), « Fusions-acquisitions : les défis de l’intégration », Paris, Institut de l’entreprise. • J. Kotter (2016), Conduire le changement (feuille de route en huit étapes) Nouveaux Horizons. • Kotter J. (2016), Conduire le changement (feuille de route en huit étapes) Nouveaux Horizons • Le Moigne, J., (1999) Les épistémologies constructivistes. Paris, PUF ; • Levy-Leboyeur, C., (1996) La gestion des compétences. Paris, éditions d’organisation. • M., Duhautois R. et Gonzalez L. (2007), Les conséquences des fusions acquisitions sur la gestion de la main-d’œuvre Document de travail Dares. • Meston F. (1999), « Réussir les fusions-acquisitions : la culture, talon d’Achille », l’expansion management review, Juin, p.60 • Pichault, F., (2011). Critique de la gestion du changement. Perspectives critiques en management. Paris, De Boeck. • Richard Soparnot (2004) « Les effets des stratégies de changement organisationnel sur la résistance des individus » Revue Recherche en Sciences de Gestion, n°97, p. 23 à 43 • Thiétart R.A (2014), Méthodes de Recherche en Management, Paris, p. 224-256. • Yvon Pesqueux (2015) Du changement organisationnel. « Halshs-01235164 ». Revue Française d’Economie et de Gestion www.revuefreg.com Page 526.
10,717
19/tel.archives-ouvertes.fr-tel-02136793-document.txt_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,293
12,570
Ces estimations mondiales dévoilent l'importance du transport dans les voyages touristiques. Les déplacements terrestres sont extrêmement importants en Europe en raison des grandes zones géographiques desservies par la route et le rail. Le transport aérien connaît une croissance rapide en Asie en raison de la vaste masse terrestre, du terrain difficile à traverser et des grandes distances à parcourir. Comme le montrent les statistiques ci-dessus, dans un contexte international, le transport aérien n'est pas nécessairement aussi dominant que de nombreux commentateurs pourraient le laisser croire, les voyages en voiture représentant presque autant de voyages. III.2.1.2- Le Transport en faveur du tourisme Le transport en matière de tourisme se produit lorsque les moyens de transports font partie de l'expérience globale du tourisme, comme la croisière ou le voyage en train. Ceci est reflété dans La citation célèbre d'Eliot, incarnée dans le slogan utilisé par Cunard Line, une importante ligne de croisière introduite en 2006 sur le marché britannique pour les voyages sur le navire Queen Mary II : "à une époque où le voyage est mesuré en heures, nous sommes toujours fiers de le mesurer dans le luxe. » Certains des produits touristiques luxueux disponibles, tels que l'Orient Express en Europe, le train Rocky Mountaineer à travers les Rocheuses canadiennes et une multitude de croisières exclusives utilisent l'élégance, attribuent un service de qualité. Page (2007) souligne l'importance croissante des voyages de luxe dans les marchés touristiques en évolution, puisque les fournisseurs de transport ont reconnu ce créneau et cherchent à répondre à la demande. Ces approches fondamentales du tourisme ont conduit Lumsdon et Page (2004) à identifier un Essouaid Dhia | Traits d'interprétations paysagères 90 continuum de transport touristique dans lequel le transport en faveur du tourisme offre une faible valeur intrins que par rapport à l'expérience touristique globale. En effet, un touriste aura une variété de services tout au long de ce continuum Figure 9, ce qui en fait un processus complexe pour modéliser ou produire un plan de transport en faveur d'une expérience touristique. Le transport en matière de tourisme Le transport comme utilité Taxi ; Bus ; Métro Train Interurbain Voiture Scénique Vols Voyage en Autocar Croisière Marché et vacance à vélo train touristique Activités spéciales Expérience touristique Expérience touristique à faible valeur à valeur élevée Figure 9. Le continuum du transport touristique Source : Lumsdon et Page (2004, p7) Cette approche a été largement utilisée par les géographes et les économistes du transport, en particulier lorsqu'ils cherchent à modéliser et à analyser la concurrence entre les modes et la façon dont les différents consommateurs utilisent différents modes de transport. La section ci-dessous commence par une brève discussion portant sur les tendances récentes, qui sera suivie d'un aperçu sur les divers modèles de transport. III.2.2- Transport terrestre A travers cette section on va étudier trois principales formes de transport terrestre. La voiture, le bus et le train. Trois éléments clés dans les moyens de transport terrestre qui seront séparément traités. III.2.2.1- La voiture L'utilisation de la voiture dans le secteur touristique est malheureusement négligée dans les études sur le tourisme vu que c'est une pratique quotidienne largement utilisée par l'individu. La première étude, réalisée par Wall (1971) et Patmore (1983), identifie les changements fondamentaux dans la mobilité à travers la période post-guerre. Ces études décrivent également les caractéristiques comportementales des voyages récréatifs et des voyages touristiques vers les zones non urbaines, l'impact sur les parcs nationaux (Eckton, 2003) et les zones côtières de la voiture pose des problèmes de gestion pour les planificateurs. Ces études caractérisent l'effet majeur de la voiture sur les habitudes de déplacement. Malgré cela, des organismes comme l'UE ont introduit des politiques orientées vers l'utilisateur avec 60 mesures destinées (par exemple, le livre blanc de septembre 2001, la politique européenne des transports jusqu'en 2010). Des projets de recherche spécifiques et des politiques à la suite de cette action visent à inverser la baisse des voyages ferroviaires en Europe, pour augmenter l'utilisation du rail à 40% sur la période 1998-2010, avec une diminution de 6-10% du marché pour tout voyage. La voiture, comme une pratique négligée dans le transport touristique, a pu créer une nouvelle catégorie de touristes, du fait que le voyageur peut organiser et planifier son propre itinéraire et modes d'activité sans dépendre des moyens de transport existants. Un itinéraire est une méthode d'analyse de la façon dont un touriste se déplace de son lieu d'origine à une destination choisie, y compris les itinéraires empruntés, les points d'arrêt et les modèles d'activité. En modélisant un tel comportement, l'utilisation des modes de transport, comme la voiture, peut être mieux comprise par rapport aux destinations visitées, aux ressources touristiques consommées en cours de route et à 'impact probable de cette activité dans le temps et l'espace. Pourtant, comme l'observent McKercher et Lew : « peu de travaux empiriques ou conceptuels ont été menés pour examiner et modéliser les itinéraires touristiques, malgré le besoin longtemps compris d'étudier ce phénomène. l'une des raisons de ce manque de recherche est que l'étude des itinéraires présente d'importants problèmes pratiques dans la collecte des données. » (McKercher et Lew, 2004, p.36) III.2.2.2- Transport par bus Contrairement à la voiture, depuis les années 1930, l'évolution du transport par bus et autocar a été opérée au niveau de technologique, en créant des nouvelles destinations avec des Essouaid Dhia | Traits d'interprétations paysagères 92 voies plus accessibles. Jusqu'à la fin des années 1960, ces modes de déplacement ont également joué un rôle majeur en faveur des zones intérieurs des pays occidentaux, en offrant un mode de transport compétitif, de masse et à faible coût. Après les années 80, le célèbre réseau d'autocars Greyhound, aux Etas Unis, consacré pour les voyages à longue distance, a introduit le modèle low cost après qu'il a été connu pour son coût élevé. Dans l'UE, le mode de transport bus / autocar est utilisé par environ 12% de la population dont leurs activités en faveur du secteur touristiques (TPR Associates, 1999). Les pays qui présentent le nombre élevé des touristes qui pratiquent le transport pour le tourisme sont la Grèce, le Danemark, l'Allemagne et l'Espagne. Contrairement à ces pays, 5% des utilisations en faveur du tourisme ont été observés au Royaume-Uni, en Irlande, en Italie et en France. Les récents changements de politique dans l'UE, tels que le livre blanc et la politique européenne des transports en 2010, ont mis en évidence le potentiel de ce secteur, où le voyage en voiture a remplacé le transport par autobus / autocar. Les changements dans les approches politiques ont créé des nouvelles structures de marché pour encourager les voyages par autobus et autocar, d'un modèle de propriété publique à des approches axées sur le marché et à une concurrence importante. Le Royaume-Uni est un des pays qui ont travaillé sur le développement de grands op s des bus-et autocars tels que First, Stagecoach et National Express. Certains de ces opérateurs travaillent à l'échelles européenne et internationale, ainsi que l'acquisition de Coach USA par Stagecoach en juillet 1999 et l'exploitation de services en Nouvelle-Zélande. Donc la décision de Stagecoach au Royaume-Uni est de réduire les coûts afin de défier les compagnies aériennes à bas prix En août 2003, la compagnie de bus britannique Stagecoach a lancé un service de réservation à bas prix basé sur des voyages entre les principales villes du Royaume-Uni. Ses véhicules bleu foncé se vantaient fièrement des tarifs remontant à £ 1,00. III.2.2.3- Transport Ferroviaire Le transport ferroviaire en faveur du tourisme prend deux formes : les loisirs combinés et les voyages d'affaires. Les services de loisirs sont prévus afin que le voyage en train devienne l'objet de l'expérience touristique (Prideaux, 1999). Comme mentionné précédemment, le transport ferroviaire a été l'un des moteurs de la révolution des loisirs à l'époque victorienne et édouardienne, liée à l'essor des stations balnéaires puisqu'il offrait un moyen efficace de transporter les passagers d'une ville vers une destination côtière. Toutefois, pour que le transport ferroviaire devienne plus efficace et afin de garder la meilleure qualité ainsi que le service adéquat, des fonds fixes sont nécessaires. De nombreux réseaux ferroviaires actuels ont été construits grâce aux investissements privés à l'époque victorienne ensuite ont été développés sous la propriété de l'État. Dans le cas des voyages touristiques en train, le marché traditionnel des vacances ferroviaires d'après-guerre a vu émerger la concurrence avec d'autres formes de transport, notamment la voiture dans les années 1960 et, plus récemment, les compagnies aériennes à bas prix. Pourtant, les voyages de loisirs restent un élément clé du voyage en train, pour les loisirs et les affaires, tandis que les itinéraires à grande vitesse ont connu une croissance significative. En Europe, même si l'Autorail a été soumis à la dérèglementation de même s'il se comporte bien dans les émissions de carbone en tant que mode de transport touristique relativement durable, il reste un secteur qui a toujours besoin de fonds continus. Il est aussi remarquable que le voyage ferroviaire, dans le cadre « transport et tourisme », a touché le marché du luxe, comme le voyage en train Express, un produit touristique innovant basé sur le luxe, la nostalgie, la classe et la consommation opulente. Des exemples similaires ont été développés dans de nombreux pays, tels que Queensland Autorail, qui ont présenté des paysages et des sites touristiques comme éléments clés, comme l'a expliqué Prideaux (1999). En ce qui concerne le développement futur de l'Autorail à des fins touristiques, Page (2005) observe qu'en Europe, les investissements supplémentaires de l'UE pour créer un réseau paneuropéen à grande vitesse constituent un élément clé de sa politique de transport, afin de créer un réseau transeuropéen. Réseau européen (RTE) avec des projets d'infrastructure conçus pour fournir des liens à travers les frontières nationales. III.2.3-Transport Maritime Le transport par voie d'eau est souvent négligé dans de nombreuses études sur le tourisme, car le transport aérien domine les modes de déplacement mondiaux, bien qu'il ait été le principal moyen de transport à longue distance, incarné dans les années 1930 par les croisières transatlantiques. Dans le secteur du transport par voie d'eau, deux principales formes de transport peuvent être identifiées : la croisière, les Ferries. III.2.3.1- Les Croisières La croisière, un des secteurs plus pratiqués du marché des voyages en mer, ayant connu une régénération dans le marché touristique à travers les années 90 (Wood, 2000, 2004). Le produit de croisière peut prendre plusieurs formes ; Il existe des navires spécialisés à petite échelle pour transporter des clients de niche vers des destinations telles que les îles Galapagos ; et, à l'autre extrémité du spectre, il y a d'énormes navires de masse, qui sont eux-mêmes la destination. Comme le marché s'est transformé en un produit de masse, des fonds d'investissement ont été injectés afin que les nouveaux navires de luxe puissent avoir une capacité supérieure. La base de produits pour la croisière comprend à la fois le transport et l'hébergement, de même qu'un certain nombre de croisières hors de l'Asie ne vont « nulle part » puisqu'elles sont prévues pour le marché du jeu. En tant qu'activité, la croisière a vécu une évolution rapide, comme le reconnaît Peisley (2004), avec de grandes entreprises de croisière qui dominent le marché (par exemple, Carnival Cruises, www.carnival.com et Princes Cruises www.princess.com). Afin de permettre des économies remarquables, les navires ont vécu une révolution au niveau de la taille avec un poids qui dépasse les 100000 tonnes. Par exemple, en juillet 2006 le plus grand navire de croisière en Europe, qui comprend 3780 passagers ainsi que 112 000 tonnes de poids, est entré en service avec 1430 cabines afin d'illustrer l'ampleur des nouveaux navires de croisière. Aux États-Unis, la Cruise Lines International Association a touché un volume de passagers qui dépasse les 8,6 millions en 2002 et 9,5 millions en 2003, en sachant que les États-Unis dominent le marché mondial de la croisière, suivis par le Royaume-Uni et l'Europe. Dans le nouveau millénaire, la croisière a été relancée comme une activité de luxe plus accessible à un grand nombre de touriste, avec un éventail qui comprend diverses tranches d'âge (y compris les familles). L'intensification de la concurrence et la croissance des nouveaux navires de plus grande taille ont incité les exploitants de croisières à réduire leurs prix afin de Essouaid Dhia | Traits d'interprétations paysagères 95 remplir leur capacité. Le modèle low-cost choisi en 2005 avec l'essor de Easy.com et bandeEasy cruise est le bon exemple de concurrence accrue à côté de cette segmentation. III.2.3.2- Ferries Les ferries sont utilisées pour traverser les côtes où l'eau forme une barrière pour voyager. L'une des voies, plus anciennes et plus fréquentées du monde, depuis l'époque romaine, est le canal entre Douvres et Calais qui répondant au besoin de voyages touristiques. Les Ferries ont tendance à opérer des routes commerciales stratégiques enrichies par un mélange de passagers et de marchandises. En tenant compte de la croissance du nombre des navires, la reconnaissance, du fait que les Ferries pourraient être un « produit, » pouvait fournir une « expérience touristique » agréable aux voyageurs ainsi qu'une activité commerciale. Une telle tendance s'est intensifiée avec l'ouverture de l'un des plus grands projets d'infrastructures de transport touristique en Europe, sous la forme du tunnel sous le grand Canal. Cela a modifié les prestations sur cette route à la fin des années 1990 et a fourni une nouvelle forme de concurrence. Par suite, le produit offert a été rationalisé, réorganisé et repositionné pour concurrencer le nouvel opérateur. Dans certains endroits côtiers où le marché touristique est pratiqué durant la saison estive, comme les Highlands et les îles d'Écosse et de nombreuses îles scandinaves, les services de Ferries opèrent non seulement sous la forme d'une subvention gouvernementale pour subventionner l'opération, mais aussi comme une bouée de sauvetage. Des communautés et des situations sont pratiquées dans d'autres pays. En Ecosse, le volume de trafic sur ces services est d'environ 6 millions de passagers par an, dont près de 2 millions de passagers motorisés. Le marché touristique reste un élément clé dans l'activité des Ferries, soutenant le commerce touristique très saisonnier sur les îles éloignées et dispersées. Des modèles similaires existent également dans le cas des îles grecques. Les innovations les plus récentes, avec de nouvelles technologies pour améliorer la vitesse dans les traversées maritimes, ont pris la forme de catamarans pour offrir une alternative à grande vitesse aux Ferries, à peu près de la même manière que l'aéroglisseur dans les années 1970. III.2.4- Tourisme et Transport aérien Le voyage par avion, comparé aux autres modes de transport touristique, est l'innovation la plus récente qui a permis l'accès à des destinations internationales, auparavant uniquement possibles par les voyages maritimes à longue distance. Bien que le transport aérien date des années 1930, son utilisation s'est limitée aux voyageurs aisés jusque dans les années 1950 et 1960, c'est-à-dire jusqu'à la montée en puissance de l'avion affrété (Hanlon, 2004). L'affrètement aérien a permis de voyager à faible coût, d'abord vers des destinations courtcourriers à des fins de loisirs, et est largement reconnu pour le développement rapide des destinations en Méditerranée dans les années 1960 et 1970. Les innovations subséquentes dans le transport aérien à longue distance ont réduit progressivement le coût unitaire des voyages, avec l'avion DC10 dans les années 1960 et le Boeing 747 dans les années 1970. Les améliorations supplémentaires des coûts d'exploitation des avions à réaction ont réduit le coût relatif du transport aérien, en particulier sur les itinéraires court-courriers avec les variantes Boeing 737 et 1980 d'Airbus Industries. Les compagnies aériennes régulières sont celles qui décident selon un horaire clairement défini et publié, si le vol est complet ou non. Jusqu'aux années 1980, de nombreuses compagnies aériennes appartenant à l'État et étaient exploitées pour des raisons de prestige national ; un exemple classique de privatisation a eu lieu en 1987 avec British Airways. En revanche, les aéronefs affrétés sont loués à un tiers tel qu'un voyagiste qui peut utiliser l'avion pour un vol d'été ou d'hiver. Dans de nombreux cas, les grands voyagistes européens comme Airtours, Thomson First Choice possèdent leur propre compagnie aérienne. L'évolution du transport aérien est un domaine complexe historiquement déterminé par des organismes internationaux tels que l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et l'Association du transport aérien international (IATA). Les règlements qu'ils ont établis, combinés à des accords bilatéraux, ont établi le cadre du transport aérien international jusqu'à la déréglementation à la fin des années 1970. L'un des domaines les plus complexes est la réglementation politique du transport aérien qui remonte aux années 1930 et la Convention de Chicago de 1944. L'aviation d'aujourd'hui est réglementée par le droit international de l'aviation, ce qui fournit le contexte dans lequel opèrent les transporteurs nationaux et internationaux. Au niveau national, différents pays ont des approches différentes de la concurrence et de la réglementation de l'aviation. III.3- Tourisme et produit de Luxe Les nouvelles formes du produit touristique a rendu la définition de luxe difficile à définir. Le principe du luxe est relié avec les attentes et les rêves de chaque personne, ce qui la rend hautement subjective. Par conséquent, à travers différentes revues, on a établi quatre dimensions du luxe dont une compréhension plus profonde peut être acquise à travers cette section. III.3.1- L'ancien luxe contre le nouveau luxe Le terme moderne « luxe » est dérivé du mot latin « luxuria », qui signifie l'excès ou les extras de la vie et le contraire de la nécessité (Danziger, 2005). Lorsque les consommateurs discutent du luxe, ils en discutent souvent en termes fantastiques pour un sentiment d'accomplissement (Danziger, 2005). De nombreux érudits s'accordent à dire que les expériences de luxe sont profondément liées aux individus qui cherchent à s'épanouir grâce à une plus grande connaissance, appréciation de la beauté, sophistication spirituelle, paix, art, culture et esthétique (Danziger, 2005 ; Shaw, 2005, Michman et Mazze, 2006). Le luxe est interconnecté avec les espoirs et les rêves de chacun et par conséquent varie pour chaque individu. De ce fait, le terme luxe est hautement subjectif. L'ancien luxe a été considéré comme une forme de snobisme (Danziger, 2005, Granot & Brashear, 2008) ; Cependant, le nouveau luxe offre un moyen plus abordable d'expérimenter le Essouaid Dhia | ' paysagères 98 luxe et c'est ce que la plupart des consommateurs cherchent. Le nouveau luxe est apparu au milieu des années 1980 pour répondre aux besoins émotifs des Américains souhaitant plus de luxe (Danziger, 2005, Silverstein, Fiske et Butman, 2005). Danziger (2005) décrit cette tendance comme un luxe « de classe en masse ». Avec cette transition, le luxe est passé de très exclusif à largement accessible. Le développement de ce nouveau marché a encore déformé la définition du luxe. III.3.2- Le Nouveau luxe et ses quatre dimensions Bien que les perceptions des facteurs qui définissent le luxe soient subjectives, des efforts ont été faits pour décrire ce terme. Danziger (2005) catégorise le luxe en quatre dimensions qui mettent en perspective les nouveaux et anciennes idées du luxe. Ces quatre dimensions sont : « le luxe en tant que marque », « le luxe en tant que produit », « le luxe en tant que produit de nécessité » et « le luxe en tant que pouvoir pour poursuivre vos passions ». Gucci, Prada, Tiffany et Rolls Royce sont des exemples emblématiques de produits qui s'inscrivent dans la dimension « luxe en tant que marque ». Cette dimension du luxe concerne les individus qui achètent des produits ou des services de luxe parce qu'ils sont perçus par les autres comme étant luxueux. Les produits et services de qualité supérieure sont commercialisés comme étant les meilleurs en termes de qualité pour développer des sentiments d'accomplissement. Beaucoup de marques de luxe emblématiques ont travaillé à créer une image de qualité et un lien émotionnel avec leurs consommateurs pendant près d'un siècle. Cette façon de définir les harkens de luxe revient à l'ancien luxe en raison de son exclusivité, ce qui explique pourquoi seulement 24% des consommateurs de luxe acceptent cette première dimension. La deuxième dimension du luxe, le luxe en tant que produit, est défini en termes de caractéristiques, d'attributs et de qualités spécifiques. Par exemple, dans les luxes expérientiels, tels que les environnements d'hôtels, décor élégant, service attentionné, environnement tranquille, transformation d'un hôtel ordinaire en un extraordinaire, sont placés dans la dimension de "luxe comme caractéristique de produits de luxe". Cette dimension est pratiquée par 90% des consommateurs de luxe. La troisième du luxe, « le luxe comme nécessité », est aussi un mode de pensée généralement accepté. Cette troisième dimension définit le luxe par chaque consommateur et par ce qui est perçu par lui comme supérieur à un besoin fondamental. Cette dimension du luxe Essouaid Dhia | Traits d'interprétations paysagères 99 est hautement subjective et représente une manière individualiste de percevoir le luxe. Les consommateurs qui décident d'acheter un nouveau véhicule indépendamment de leur état actuel de fonctionnement des voitures est un exemple de cette dimension de luxe. III.3.3- Quatre indicateurs d'une expérience d'hôtel de luxe Barbara Talbott (2004), vice-présidente exécutive, Marketing des hôtels et centres de villégiature Four Seasons, présente un modèle pour quantifier une expérience d'hôtel de luxe avec quatre indicateurs spécifiques : confort, style, choyer et service. Pour cette étude, deux indicateurs de Talbott, le confort et le style, ont été désignés comme les indicateurs les plus liés à l'environnement bâti. Il convient de noter que les quatre indicateurs de luxe de Talbott sont spécifiques au secteur touristique ainsi que le domaine hôtelier, tandis que les quatre dimensions de luxe de Danziger offrent une définition plus large des produits, services et expériences de luxe. Les dimensions de Danziger sont considérées moins importantes pour cette étude que celles de Talbott, car elles ne décrivent pas directement l'expérience d'un hôtel de luxe. Cependant, les dimensions de Danziger fournissent un soutien pour expliquer comment et pourquoi les clients de l'hôtel peuvent expérimenter le luxe. Conclusion Le développement du tourisme doit être basé sur des critères de durabilité, tout en étant supportable à long terme économiquement et éthiquement et socialement équitable pour les populations locales. Les formes de tourisme identifiées par le mot « alternatif » sont nombreuses : tourisme écologique (écotourisme), tourisme vert (tourisme doux, rural et agrotourisme), tourisme communautaire, tourisme solidaire et tourisme responsable, tout cela s'opposant au tourisme de masse traditionnel. Selon certains spécialistes, seul le tourisme dans les réserves naturelles ou les parcs nationaux est considéré comme écologique (Jugănaru, 2007). Un concept Essouaid Dhia | Traits d'interprétations paysagères 100 plus large de tourisme écologique fait référence à cette forme de voyage responsable, développ dans les espaces naturels, qui contribue à la protection de l'environnement et à l'amélioration des conditions de vie de la population locale et du bien-être (Baddache, 2006). Le tourisme équitable est une forme de tourisme durable visant à appliquer dans le secteur du tourisme les principes du commerce équitable, respectant une série de critères axés sur le respect des résidents et leur style de vie, ainsi que la durabilité du développement touristique envers les communautés locales. Le tourisme solidaire consiste à établir un dialogue, une relation de solidarité entre les touristes et leurs hôtes (Jugănaru, 2007). Figure 10.Approche adoptée confrontant l'implantation et le tourisme de Luxe, (Essouaid, 2015) L'approche adoptée consiste en une multi-échelle qui associe la localité, la spécificité et les hautes exigences d'un tourisme de luxe. Cette approche est étroitement liée à la situation actuelle du tourisme en Tunisie (Figure 10). Notre analyse essayera de cerner (i) la dimension « lieu et implantation » et (ii) la nouvelle fonctionnalité de l'implantation par un tourisme de réflexivité. Actuellement et à se référant au Tableau 15, nous constatons que les voyageurs notamment les européens cherchent des vacances variées. Par contre, le tourisme tunisien se concentre principalement sur le tourisme balnéaire. Destinati on Vacances Balnéaires Archéologi e Histoire /Culture Beaut é Sport/ Aventur e Accepta ble Tourisme de Congrès Faible Santé/ Cure Tunisie Vacances balnéaire s Maroc Plusieurs objectifs Egypte Plusieurs objectifs Turquie Plusieurs objectifs Très fort Faible Faible Accep table Acceptable Fort Fort Fort Accepta ble Fort Accep table Fort Fort Fort Fort Fort Accepta ble Fort Accep table Fort Fort Fort Fort Fort Accepta ble Fort Accep table Fort Faible Attracti on À thème Faible Tableau 15. La position de la Tunisie par rapport aux pays concurrents Source : Equipe d'étude JICA (2001). Les données proposées nous amènent à dire qu'aujourd'hui, pour résister à la concurrence, le tourisme doit combiner deux facteurs : l'avantage comparatif et la compétitivité (Lafay, 1999), nouvelle donnée justifiée par l'Agence Internationale de Notation (AIN) « Fitch Rating, 2004 ». Selon cette Agence, l'industrie touristique tunisienne est « un modèle économique à rénover ». L'attractivité de la Tunisie, c'est d'abord le littoral. Selon les touristes enquêtés (JICA, 2002), la Tunisie ne valorise pas ses territoires face à une concurrence mondiale de plus en plus intense et à des comportements en évolution rapide, la destination « Tunisie » doit s'adapter à certaines conditions et s'organiser. Thomas (2003) montre l'objectif du tourisme durable à travers « l'air d'intersection des sphères sociétale, économique et environnementale ». Il ajoute que : « le mode de développement recherché est tout à la fois équitable, viable et vivable. Nous parlons, alors, d'objectif « à triple dividendes », gagnant sur les trois plans. A l'inverse d'une démarche sectorielle, seule une approche globale permet d'appréhender, de façon simultanée, les trois dimensions en analysant leurs interactions. Afin d'identifier les interdépendances et d'éviter les contradictions, une nécessaire transversalité s'impose. Après avoir identifié l'analyse conceptuelle de notre étude, nous sommes appelés à analyser l'étude de cas, tout en étant soutenu par une grande variété de sources et d'informations, afin de montrer clairement comment la planification ainsi que les infrastructures touristiques sont perçues. A ce sujet, il y a lieu de citer la preuve documentaire à partir d'un large éventail de sources et les publications des collectivités locales définissant les objectifs de la politique et des objectifs à long terme. Les associations et les entreprises du secteur privé offrent également une gamme de documents définissant la façon dont les projets urbains contribuent à changer le paysage. L'archive de la municipalité, les statistique de l'Institut National du Patrimoine (INS), offrent également un large éventail de données justificatives et informations statistiques, telles que les données économiques sur les dépenses d'infrastructure, les investissements, les enquêtes publiques et les données de recensement. Cependant, nous devons garder à l'esprit que de nombreuses sources d'information sont sujettes à des préjugés, à des objectifs politiques illustrant souvent l'opportunisme politique plutôt que le discours honnête. Pourtant, cela ne doit pas nécessairement poser de problème ; il peut y avoir des divergences entre les objectifs des politiques et les déclarations des médias, mais l'information est un point de départ important pour les entretiens. Notre méthodologie sera répartie en quatre parties. La première partie présente nos deux sites d'études, la deuxième expose l'évaluation des paysages culturel et touristique de la ville de Sousse. Dans un troisième temps, l'étude évoquera la rénovation d'une structure hôtelière implantée à la banlieue Nord. Finalement, comme le montre la Figure 11, nous allons proposer un guide afin de dé er une instrumentalisation néo-paysagère en faveur d'un tourisme de luxe. Démarche méthodologique Diagnostique et Interprétation Implication et intervention Evaluation d'un paysage culturel Evaluation des infrastructures hôtelières Evocation d'une structure hôtelière Evaluation des projets restaurés Observation et Analyse d'un projet touristique de luxe Mise en oeuvre d'une approche normative d'un tourisme de Luxe Labélisation et attractivité Valorisation Stratégie Démarche Condition Figure 11. Modèle analytique de la demarche doctorale ( Essouaid, 2017) 106 IV.1- Analyse paysagère adaptée à la région d'étude IV.1.1- Le choix du site d'étude Le premier site d'étude choisi, à travers cette recherche, est la ville de Sousse. Le choix du site se base essentiellement sur l'importance de la ville de point de vue socioéconomique, urbain, patrimoniale et paysager. De même, la ville de Sousse et l'une des destinations touristiques les plus importantes de la Tunisie qui, grâce à son infrastructure hôtelière, la qualité de ses services et aussi ses potentialités paysagères et culturelles a pu devenir un pôle touristique de renommée internationale. Néanmoins, le tourisme à la ville de Sousse est un tourisme de masse à vocation essentiellement balnéaire. Pour cela, nous avons pensé à profiter de la chaine hôtelière qui se trouve près de la Médina de Sousse pour mettre en place un nouveau modèle de tourisme de luxe qui renforce l'attraction de ces hôtels et leur permet d'attribuer un caractère culturel et patrimonial. D'autre part, le deuxième choix d'étude est porté sur la zone de la banlieue Nord de Tunis. Nous avons vu nécessaire d'examiner un cas d'hôtel qui nous donne l'exemple d'une reconversion à un tourisme de luxe, tout en préservant l'environnement et la qualité des paysages, dans le but de mettre en place un tel projet au niveau de la ville de Sousse. IV.1.1-Caractéristiques physiques : IV.1.1.1- Situation et Climatologie A l'échelle de la ville de Sousse Le territoire sahélien, précisément Sousse, est connu pour ses différents reliefs dont 75% de la zone a des faibles altitudes. Le littoral est réputé pour les plages de majorité sablonneuse. Le nord de la région a un relief accidenté qui configure des masses individualisées, assemblées par des piémonts vastes sous des pentes souvent raides. Les zones d'Enfidha et Bouficha au nord de la région sont caractérisées par un cordon littoral irrégulier et qui s'élonge jusqu'à la délégation de Hergla en passant par une série de marais salés, tandis que la zone intérieure qui comprend Sidi-Bouali, Msaken et Sidi-Elhani profite d'un axe anticlinorium. La région connaît deux types de bioclimats : un aride supérieur à hiver doux qui régissant la zone intérieure du gouvernorat et un bioclimat semi-aride à hiver chaud soumis à la zone côtière. Pluviométrie La pluviométrie est de faible densité. Généralement, la saison pluviale commence au mois de septembre et finit au mois de janvier avec une moyenne de 60 jours de pluie par an. Les précipitations varient entre 360 et 400mm. La ville de Sousse est connue pour un réseau hydrologique dense, soumis aux délégations situées à l'intérieur du gouvernorat et étant de faible densité dans la zone côtière. Devant les besoins de l'eau, auprès des établissements hôteliers, des projets agricoles et industriels, la région souffre d'une insuffisance au niveau des ressources en eau. La température Son étage bioclimatique majeur est dominé par l'aride supérieur à hiver doux avec un été chaud et humide. Les températures sont généralement tolérables entre une moyenne de 11,8°C pendant l'hiver et 27,6°C en été. Station S O N D J F M A M J J A Sousse 25.1 21 16.3 12.3 11.2 12.1 14 16 19 22.8 26.5 26.3 Kairouan 25.5 21 15.9 12 10.7 12 14 16.9 20.8 25.3 28.3 28.6 Hammamet 24.2 20.2 15.9 12.4 10.9 11.9 13.8 16.1 19.7 23.7 26.6 27 Tableau 16; Tempé rature m oyenne annuelle de Sousse (CRDA Sousse, 2016) Il est clair que cette diversité naturelle prévoit un rôle essentiel dans la promotion du secteur touristique de Sousse. Tout visiteur a intérêt à profiter des caractéristiques naturelles, en exerçant diverses activités qui conviennent. Le Tableau 16 indique la température moyenne annuelle enregistrée au niveau des stations de Sousse, de Kairouan et de Hammamet. La température oscille entre 11.2 °C et 26.3°C à Sousse et les amplitudes thermiques présentant des nuances fortes entre l'intérieur et les zones littorales. A l'échelle de la banlieue Nord de Tunis La zone d'étude est caractéris par un climat méditerranéen humide et doux qui passe de l'étage bioclimatique humide à l'étage subhumide. La mer agissant par son effet modérateur, donne une composante tempérée, en particulier, en hiver. Ainsi, les principales caractéristiques du climat sont : - Une chaleur permanente et forte en été ; - Une stabilité du climat pendant le reste de l'année ; - Des précipitations faibles et irrégulières. Notre zone d'étude appartient, dans son ensemble, à l'étage de végétation semi-aride et au sous-étage bioclimatique supérieur, à hiver doux. Pluviométrie La pluviométrie est comprise entre 500 et 600 mm/an, la période allant d'octobre à février est la période durant laquelle les précipitations sont les plus importantes avec une moyenne mensuelle comprise entre 61 et 67 mm par mois. Le nombre de jours de pluie dépasse rarement 120 jours et plus du quart des pluies ont un caractère torrentiel très irrégulier, à l'échelle annuelle et pluriannuelle, associé à une action qui peut être érosive. Les précipitations apparaissent donc avec une fréquence moyenne de 10 à 15 jours par mois. Les précipitations annuelles, qui sont de l'ordre de 450 millimètres, sont généralement enregistrées entre les mois d'octobre et de mars. Une pluie de plus de 55 millimètres par jour peut être enregistrée pendant cette période, mais d'une façon très rare. Les précipitations apparaissent avec une moyenne de 10 à 15 jours par mois. En été, on enregistre rarement une pluie de 5 à 10 millimètres par jour. Le tableau suivant présente la pluviométrie moyenne, mensuelle, saisonnière et annuelle calculée à la station de Tunis-Carthage. Tableau 17. Données Pluviométriques Pour La Ville De Tunis Institut National de Statistique (2016) La Température La moyenne annuelle est de l'ordre de 20°C, elle peut atteindre, en juillet, lors des vents du type Sirocco, des valeurs de l'ordre de 46°C, mais sa valeur moyenne, en été, est de l'ordre de 35°C. Les valeurs les plus basses sont enregistrées en décembre (10°C) et rarement, pour des conditions très particulières, température de l'air baisse jusqu'à 5°C. Le tableau ci-dessous récapitule les températures moyennes enregistrées à la station météo de Tunis-Carthage. Le Vent L'examen de la rose des vents établie pour le gouvernorat de Tunis montre la prédominance des vents du secteur N-NW en hiver, à E-SE en été. Du printemps à l'automne, les vents du secteur S-SW représentent une troisième composante. En plus de l'effet de la température, ces vents dont le degré hygrométrique n'est pas très important en particulier au cours de la journée, constituent une source d'évaporation non négligeable. En effet, ces vents constituent une source importante d'évaporation au niveau de la zone d'étude. IV.1.1.2- Géomorphologie et relief A l'échelle de la ville de Sousse Le relief est caractérisé par trois types de paysage variés résultant d'une évolution géomorphologique et tectonique quaternaire. Le premier paysage est constitué par la presqu'île de Monastir et par la bande côtière de khniss à Hiboun à Mahdia. Il s'agit d'un bas plateau peu incliné, peu disséqué par le réseau hydrographique et d'une altitude allant de 20m à Teboulba à 40m à Bodheur. Le talus oriental est longé d'une dune grésifiée qui s'étend de khnis à Sayada. - Le deuxième paysage est formé par les sebkhas de Monastir au nord et de Moknine au sud qui constituent l'exutoire des rares oueds de la région. - Le troisième paysage composé de dômes et de cuvettes formant l'arrière-pays. Il comprend le dôme de Ouerdanine, la cuvette de Jammel et le dôme de Zeramdine qui fait 176m d'altitude. Ces reliefs sont composés par des roches meubles et séparés par les dépressions de Jammel, constituant une plaine d' 4 à5 km de largeur qui se prolonge vers le nord-est par la Sebkha de Monastir séparée de la mer par le cordon sablonneux de Dkhila. Le secteur d'étude est situé à peu près au Nord Est de la feuille géologique de la ville de la Marsa. Sur cette feuille, on peut remarquer que les couches géologiques formant la zone d'étude sont surtout d'âge Quaternaire ; les affleurements d'âge Tertiaire sont très rares dans le secteur d'étude. La région correspond à un ancien estuaire où se superposaient plusieurs séries d'origine paralique. Elle est limitée à l'Ouest par le Djebel Ennahli, formé essentiellement de roches calcaires d'âge Crétacé, et au Nord-Est par les collines de Sidi Bou Saïd/Gammarth, datant du Miocène, composé surtout de roches sableuses, de conglomérats et d'argile. Les régions basses sont couvertes de séries de sable et d'argile d'âge Quaternaire. Les sédiments proviennent, en majeure partie, d'un ancien lit de la rivière de Medjerda. Une partie mineure a été déposée par les vents. Au cours du IIe siècle avant J.C, la Medjerda amorce sa migration vers le Nord. A l'origine, la Sebkha de l'Ariana a été formée comme un lagon communicant avec la mer. Au VIIIe siècle, la Sebkha a commencé à s'isoler à cause de la création du cordon littoral. Depuis cette période, la communication entre la mer et la Sebkha est probablement très limitée. Figure 12. Aspect géologique de la zone De Sidi Bousaid (Essouaid, 2015) Le village de Sidi Bou Saïd est construit sur les hauteurs du Djebel Manar, dont l'altitude s'élève environ à 140 mètres. La diminution du stock sédimentaire à la suite de la stabilisation des falaises de Sidi Bou Saïd et de Gammarth qui alimentaient la plage de Carthage et les interventions humaines imprévoyantes, a provoqué l'apparition de plusieurs signes de dégradation. Ainsi, la zone située dans la partie nord et qui est limitrophe à l'hôtel connaît une dégradation très rapide qui a fini par engendrer le phénomène de l'érosion marine. IV.1.2-C aractéris tique démographique : Sousse, la troisième ville du pays, vu son poids économique, est une ville située sur le littoral de la Tunisie, dans un couloir qui relie le nord et le sud du pays. Le gouvernorat de Sousse couvre 75km de la côte méditerranéenne. Son appartenance historique et géographique au sahel (Sousse, Monastir, Mahdia) lui a donné le nom de la perle du Sahel vu son importance. Sousse est entouré par cinq gouvernorats : celui de Nabeul au nord, ceux de Kairouan et Zaghouan à l'ouest, ceux de Monastir et Mahdia au sud, ainsi que la Méditerranée à l'est (Voir Figure 12). De nos jours, la région du Sahel, dont Sousse fait partie, constitue la deuxième région peuplée après le capital, soit 13,3% de la population totale du pays. Le gouvernorat de sousse couvre 612,310 habitants avec une superficie de 2669 km2 tandis que la ville dont 40% de la population s'y concentre, couvre 247,320 habitants. Suite aux offres d'emploi qu'elle présente, au niveau élevé des équipements et à la facilité des services, Sousse est connu pour son dynamisme démographique. Il faut noter que le littoral tunisien réunit 76% de la population du pays. Dans les 13 gouvernorats qui se situent sur le littoral, Sousse est le seul gouvernorat qui marque un taux de croissance annuelle égal à 4,12%. 112 Figure 13 : Carte du gouvernorat de Sousse Source : Elabor é à partir des cartes du Commissariat Général du Dévelopement Régional Depuis l'indépendance, suite au l'exode rurale, la ville a connu une forte concentration dans le centre-ville en compagnie d'un étalement urbain sur les périphériques (Figure 13). Il est à noter que la forte densité est concentrée dans le centre de la ville avec une densité de 16,636 habitants par km2 ; puis sur l'ensemble de la ville, la densité atteint 3832 habitants par Km2. Loin des chiffres élevés de la ville de Sousse la densité de ce gouvernorat est de 219 habitants par km2. Cet écart de densité s'explique tout simplement par le nombre d'emplois disponibles dans le centre-ville. La diversité urbaine donne à la ville de Sousse une identité unique. Le tissu urbain de la ville est fondé sur trois différentes zones : Essouaid Dhia | Traits d'interprétations paysagères 113 - Le centre-ville est une zone à forte densité qui couvre la médina et la ville coloniale - Les quartiers populaires qui sont des zones à moyenne densité. - Les quartiers résidentiels à faible densité dont on reconnaît les villas. IV.1.3- Caractéristiques Urbanistiques : A l'échelle de la ville de Sousse Après l'indépendance, la ville a vécu un étalement urbain non organisé. Un peu loin du centre-ville, d'autres centralités sont nées afin de délocaliser la pression sur la ville coloniale. Il est à remarquer que les nouveaux lotissements sont aménagés d'une façon aléatoire sans planification étudiée. Cette évolution est due, généralement, à l'extension des petits quartiers, soit à travers la volonté des acteurs privés en implantant des centres commerciaux à l'instar de Marhaba Centre et de Slim Centre sur la ligne côtière, en partant du centre-ville jusqu'à la délégation de Hammam-Sousse, tandis que le centre Promogro se trouve, lui, sur le côté ouest de la ville. Ces centres commerciaux ont vu l'apparition de nouveaux quartiers et résidences plus au moins chics, vu leur disposition proche de la côte 5. Juste derrière la ligne côtière, la cité Khezema puis Shaloul représentent la centralité de la classe moyenne. En se déplaçant vers le côté ouest, les autres centralités suivent une dégradation mineure au niveau social des habitants en association avec le coût du terrain et des maisons. La cité Riadh puis la Cité Zouhour sont connues comme étant des quartiers populaires où la majorité des nouveaux citoyens de la ville se concentrent. L'absence d'une vision planifiée pour donner suite au nouveau plan d'aménagements de la ville a permis l'apparition de multiples centres déconnectés. En conséquence, pas mal d'activités commerciales ou même administratives ont dû s'éloigner du centre-ville pour chercher un endroit parmi ces nouveaux quartiers modernes. Cependant, seules les activités « nuisibles » ont occupé le coeur de la ville, ce a compliqué la situation se présentant au centre-ville, en procréant des problèmes de circulation et la désertion des habitants originaires de la ville. Tous ces facteurs ont contribué à dévaloriser la ville coloniale ainsi que la Médina. Figure 14 : La croissance urbaine de la ville de S ousse après l'indépendance (Essou aid 2017) La départ de la majorité des anciens habitants de l'ancienne ville (la Médina) a permis à d'autres habitants d'un niveau social populaire de s'y installer. L'absence de la population aisée a représenté un obstacle à la modernisation et à l'évolution du centre-ville. Beaucoup de dépassements ont été signalés au niveau des monuments classés Patrimoine Mondial. Des édifices qui datent du au XVIIIe siècle ont été détruits pour être remplacés par des bâtiments soi-disant modernes. Les dépassements ont même touché les maisons de la Médina en l'absence des autorités responsables. « Cet éclatement de la centralité opère en faveur de certains périphériques au détriment des autres. Hormis les ''centres'' (généralement linéaires) des quartiers spontanés péri-urbains, naissent du foisonnement de petites activités. Des centres de plus en plus spécialisés (centre d'affaires, centre commercial, centre financier), et socialement sélectifs, c'est-à-dire plutôt réservés aux catégories sociales disposant de revenus élevés ou, à tout le moins, réguliers, même si les promenades, cafés sont susceptibles d'être fréquentés par des populations socialement assez mélangées » (Signoles,2006). Figure 15. L'apparition de nouvelles trames urbaines (Essouaid, 2015) Par ailleurs, on voit l'apparition de nouvelles trames urbaines parallèles à la mer aux nouvelles exigences touristiques. Une bande linéaire, tout le long du littoral, se propage petit à petit pour créer de nouvelles structures touristiques. Généralement, cette nouvelle urbanisation a obligé l'aménagement résidentiel de reculer et même de remplacer certains espaces agricoles par d'autres, suite à l'évolution démographique de la ville. Par conséquent, l'activité agricole s'est trouvée en arrière-plan. La contribution socio-économique des nouvelles centralités au sein de la grande ville a fait que beaucoup de sites, qui représentent l'histoire et l'authenticité de la ville, vont se trouver isolés dans le centre urbain de la ville. Tout ceci peut bien produire un déséquilibre urbain avec un centre-ville mal entouré et exempt de toutes ses qualités. Il est clairement urgent que les autorités doivent trouver des solutions aux problématiques engendrées par le dysfonctionnement du tissu urbain de la ville de Sousse avant qu'il ne soit tard. A l'échelle de la banlieue Nord de Tunis Sidi Bou Sid a pris son nom actuel depuis l'année 1893 suite à la structuration du siège d'une municipalité. Grâce à l'empreinte du Baron d'Erlanger et au modèle architectural de son palais qui a été suivi par le reste des habitations sur la colline, un décret a été imposé, afin d'assurer la protection du modèle architectural et d'empêcher toutes sortes de constructions anarchiques qui ne sont pas conformes au modèle connu dans le village. En 1979, le site de Sidi Bousaid, tout comme celui de Carthage a été classés patrimoine mondial par l'UNESCO. Le village de Sidi Bousaid doit faire face aux différents risques de dépassement au niveau du Souk ainsi qu'aux aménagements d'habitation afin de garder le titre du patrimoine mondial. Dans ce modèle, l'organisation de l'espace obéit aux règles de l'organisation de la ville arabo-islamique (Médina), où chaque quartier urbain représente à lui seul un espace très complexe régi par la structure familiale. Une autre caractéristique des résidences estivales à sidi Bousaid est d'ouvrir généralement sur des impasses et rarement sur les principaux axes de circulation. Les résidences sont ainsi très proches les unes des autres et forment une masse compacte entourée par des vergers et des parcelles agricoles. IV.2- Le tourisme, la ville et l'aménagement du territoire : de la Médina aux infrastructures hôtelières IV.2.1- Corpus d'étude : A travers la ville de Sousse, un circuit d'étude a été adopté afin d'interpréter le concept, les enjeux et les défis du paysage urbain de la ville touristique. Le circuit dispose de différents types de paysages : le premier type présente une composante importante de la ville de Sousse, à savoir la vieille ville arabe « la Médina » qui offre un paysage multiculturel. Ce riche patrimoine connaît toutes sortes de destructions en l'absence des mesures élémentaires nécessaires pour sa sauvegarde, sa protection, sa conservation et sa réhabilitation. Nombreux sont les monuments inscrits sur la liste du patrimoine national et mondial qui sont en train de disparaître sous leurs propres décombres ou sous de nouvelles constructions. Le modèle analytique retenu dans ce premier intervalle est basé sur l'interaction de trois aspects paysagers à travers le temps : la fonction, la forme et la signification. Le point départ choisi sera la porte « Bab el Finga », une porte située dans la côte Nord-Ouest de la vieille ville de Sousse « la Médina », en passant par la Rue des Aghlabides « Al-Aghalba » jusqu'à la grande Mosquée. Ce premier parcours, qui est principalement connu pour sa qualité patrimoniale, présente l'axe principal de la Médina. De nombreuses structures, évoquant l'histoire et 117 l'architecture de la vieille ville, sont présentées grâces à ce parcours historique et culturel du circuit d'étude. Figure 16. Circuit d'étude (Essouaid, 2016) 118 En arrivant à la grande place de la Médina, un lieu qui réunit la grande Mosquée et le Ribat, le circuit d'étude prend fin à la première tranche et à l'apparition du deuxième intervalle d'étude. Cette ligne est marquée par sa diversité urbaine, vu qu'elle relie le centre-ville où la ville coloniale à la route touristique. Un noyau économique qui comprend des espaces commerciaux, des hôtels, des banques et des immeubles résidentiels datant du XIXe siècle font l'objet de cette tranche d'étude. Une route de 9,7 km, qui marque l'existence de nombreux hôtels, existait depuis le centre-ville, passant par la promenade de Boujaafar, jusqu'à la station balnéaire d'El Kantaoui. 45 édifices hôteliers qui ont été implantés, tout au long de ce trajectoire, depuis l'indépendance jusqu'à la fin des années 90, seront traité. L'étude analytique de la deuxième tranche mènera à identifier quatre typologies d'édifices hôteliers qui seront traités en relation en fonction du degré de satisfaction des clients. Aujourd'hui, ces hôtels ont subi de différentes conséquences se présentant comme suit : démolition totale et reconstruction ; rénovation partielle ou intérieure en gardant les mêmes façades ; et l'état initial ; fermeture, faillite ou reconversion de l'activité. Tous ces points seront traités, à travers les outils de travail utilisés durant la recherche. IV.2.2- Le protocole d'analyse Diverses méthodes seront utilisées à travers ce corpus d'étude. La première tranche qui présente le paysage culturel de la ville de Sousse opte pour deux méthodes de recherche. La première consiste à mener un projet d'enquête en collaboration avec différentes techniques d'investigation scientifique directe et indirecte. Ces techniques combinent l'observation directe, les entretiens avec les acteurs patrimoniaux ainsi que l'étude des documents et archives. A travers cette méthode, un certain nombre de projets, relatifs à l'intérieur de la Médina, seront sélectionnés afin d'aboutir à la deuxième méthode de la première tranche. Quant à la deuxième méthode, celle-ci consiste à élaborer à une grille d'évaluation multi échelle formée de sept principes ou concepts opératoires qui permettent de critiquer la pertinence de l'intervention entreprise sur le patrimoine architectural. D'autre part, l'approche de recherche adoptée dans la deuxième partie du corpus d'étude était faite sur deux phases. La phase 1 expose la partie exploratoire où une méthode qualitative est appliquée. La méthode quantitative présente la méthode de recherche de la deuxième phase d'étude des infrastructures hôtelières. L'approche quantitative a été choisie parce que les dispositifs de mesure sont contrôlables (Singh, 2007). Le questionnaire utilisé pour collecter les données dans l'étude représentait également un instrument de collecte de données quantitatives. La deuxième raison réside dans l'objectivité de la recherche et de ses résultats (Ary, Jacobs et Sorensen, 2010). La troisième raison était que le chercheur aimerait généraliser les conclusions de la présente étude, vu qu'il existe quarante-cinq hôtels à travers ce corpus d'étude, les résultats de la recherche a pourraient être utiles et généralisables. La recherche quantitative, selon Singh (2007, p. 12,) peut satisfaire ce besoin et garantir les résultats. En revanche, dans le processus de collecte de données de la deuxième phase, les mesures qualitatives telles que l'interview approfondie et l'observation n'ont pas été utilisées, les données n'étaient donc pas qualitatives. Au lieu de cela, un questionnaire a été opéré pour recueillir les données qui étaient totalement quantitatives et numériques. L'analyse des données était également basée sur une analyse paramétrique. Une telle analyse fait appel à des dispositifs de mesures numériques telles que t-test, MANOVA et ANOVA. La présente étude a utilisé des mesures du t-test pour comparer les moyennes des résultats obtenus par le client aux attentes et à la performance du service dans le questionnaire.
7,180
60/halshs.archives-ouvertes.fr-halshs-00089683-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
4,353
6,737
Signes archaïques de numération dans les institutions pour enfants sourds : une énigme ethnolinguistique 1. Le système de numération standard Le système de numération en langue des signes française, issu du dialecte parisien, est bien connu. On le trouvera dessiné dans Moody & al. (1983 : 162-165). Il suit fidèlement la numération décimale écrite en chiffres arabes. Résumons-en les principales caractéristiques. De 1 à 9, on tend le nombre de doigts correspondant. Jusqu'à 5, seule la main dominante(1) est mobilisée. De 6 à 9, la main dominée indique 5, et la main dominante les unités additionnelles. Le nombre 10 est figuré par les deux mains présentant la configuration dite en pince(2). Un mouvement de retournement des mains oppose ce signe à IL N'Y A RIEN. Dans les deux cas, c'est un même sémantisme, celui du zéro, qui est impliqué. Les signes 11 à 19 sont des dérivés des signes 1 à 9. Les configurations sont les mêmes mais le mouvement diffère : de 11 à 15, la main e est projetée vers le haut ; de 16 à 19, les deux mains sont projetées vers le bas. De 20 à 50, les dizaines sont exprimées par d'autres dérivés des signes 2 à 5, le mouvement étant cette fois une ouverture / fermeture répétée de la main. 70, 80 et 90 s'expriment par la main dominée où chacun des cinq doigts écartés représente une dizaine, et par la main dominante qui montre simultanément les dizaines additionnelles : 20 pour 70, 30 pour 80, 40 pour 90. Pour tous les autres nombres, tels que 27, 53 ou 91, on suit étroitement leur représentation écrite : 2 suivi de 7, 5 suivi de 3, ou 9 suivi de 1. Au prix de l'apprentissage de quelques règles simples, tout nombre peut donc être aisément reconnaissable dans la forme des mains. Tous les signes sont réalisés à hauteur de la poitrine. Rien de plus simple ni de plus économique, et les sourds ironisent volontiers sur la maladresse des entendants qui, lorsqu'ils s'essayent à une gestuelle numérique pour exprimer par exemple 50, lancent cinq fois vers l'avant leurs deux mains ouvertes. (1) dépourvu de tout contenu sémantique : il n'est plus possible, comme les auteurs français le font couramment, de nommer U ce qui est tantôt la lettre manuelle U, tantôt une configuration spontanée de la langue des signes que, en collaboration avec Françoise Bonnal, j'ai baptisée « pinceau ». La configuration consistant à croiser le majeur sur l'index est la lettre manuelle R ; je ne lui ai pas attribué d'autre nom puisque, n'étant pas une configuration naturelle de la langue des signes, elle conserve toujours sa valeur alphabétique. Main dominante : main droite pour un droitier, main gauche pour un gaucher. Main dominée : main gauche pour un droitier, main droite pour un gaucher. Toutes les personnes dont les productions gestuelles sont dessinées ou décrites dans cet article sont droitières. (2) « Configuration » : terme technique qui, en linguistique des langues des signes, désigne les différentes formes de la main. Pour les noms des configurations, voir l'Annexe. J'ai innové en évitant toute référence à l'alphabet manuel, de manière à disposer d'un système purement descriptif 1 Ce système ne diffère guère de celui qui était en usage à l'institution de Paris au milieu du XIXe siècle (Pélissier, 1856 : pl. XIII) ; il y a seulement eu création de signes uniques pour les multiples de 10, qui, à l'exception de 60, ne se réalisent plus par l'indication du nombre de dizaines suivi du zéro. Il se répand aujourd'hui dans toute la France, éliminant progressivement des variantes régionales qui ont surtout porté sur les manières de distinguer entre 11-15 et 16-19. À Nantes, la main dominante formant les chiffres 1 à 5 frotte la paume de la main dominée vers l'avant de 11 à 15, et la tapote de 16 à 19. À Marseille, la main dominante tape la main dominée en poing de 11 à 15, mais en frotte la paume vers le haut de 16 à 19 ; on trouvera ces signes dessinés dans Sallagoïty (1987 : 194). Quels que soient les écarts entre ces variantes et ce qui se pratique à Paris, ils n'en remettent pas en cause le principe, qui est de suivre plus ou moins étroitement la numération écrite en chiffres arabes. Par commodité, je regrouperai donc sous l'appellation de système aussi bien la numération parisienne que ses nombreuses variantes régionales. du faubourg Stanislas, avec l'aide d'un professeur sourd, Claude-Joseph Richardin, qui pendant cinquante-sept ans instruira en langue des signes quelque mille deux cents élèves. En 1885, après la mort de Piroux, l'institution est transférée à Jarville la Malgrange et sa direction confiée à la congrégation des Soeurs de Saint-Charles. C'est aujourd'hui un « Centre de rééducation de l'ouïe et de la parole »(3). On y pratiquait avant-guerre le système de numération qui est représenté sur la fig. 1. La mémoire de mon informateur, Claude Canu (scolarisé de 1935 à 1944), lui a fait défaut pour les nombres 36, 38, 45, 46, 49, 52 à 59, défaillance bien compréhensible pour des signes qu'il n'a plus utilisés depuis une cinquantaine d'années. La plupart de ces signes ont pu être vérifiés grâce à deux enregistrements vidéo que JeanMarie Vanzo a réalisé à mon intention auprès de trois autres anciens élèves de la Malgrange : Édouard Szymcak (scolarisé de 1946 à 1954), Michel Billant (scolarisé de 1950 à 1964), Patrick Gérard (scolarisé de 1960 à 1976). On observe de légères différences d'emplacement ou de mouvement, quelques interversions entre nombres contigus, mais aussi, chez la plus âgée de ces trois personnes, deux signes qui diffèrent entièrement de ceux de Claude Canu. Ce sont le 19 (la main en pinceau tapote la poitrine du bout des doigts) et le 32 (la main en double crochet, paume vers l'arrière, tourne vers l'avant près de la joue). Édouard Szymcak a pu préciser les signes oubliés par Claude Canu, à l'exception de 45 et 57. Les voici : 36 : la main en double crochet, paume vers soi, passe une fois sur le front, de che à droite. 38 : le poing fermé à hauteur de la tête s'ouvre deux fois vers l'avant. 46 : la main en pince, pouce et index écartés, vient enserrer le bas du visage. 49 : la main en pinceau, paume vers soi, passe une fois sur le front, de gauche à droite. 52 : la main en double crochet, paume vers la gauche, descend le long de la joue. 53 : la main en petit croissant, pouce sur la bouche, est orientée paume vers soi avant qu'une vive rotation du poignet ne l'oriente vers l'avant. 2. Des signes atypiques Tout autres sont les signes dont il va maintenant être question, que j'ai découverts au cours de mes enquêtes de terrain auprès de sourds âgés de province. La méthode ethnologique que je pratique se caractérise par une immersion sans interviews ni questionnaires, ce qui oblige à travailler sur la longue durée mais conduit quelquefois à d'heureuses surprises, puisque c'est sans idée préconçue qu'on laisse venir à soi les informations. Beaucoup de ces signes ne sont plus en usage depuis des décennies. Ils sont enfouis dans les mémoires, renvoyant à une époque révolue. Pratiqués autrefois dans les cours de récréation, ils cessaient de l'être dès que, sortant de l'école, on participait à la vie associative, ou aux rencontres sportives au cours desquelles on était amené à côtoyer d'autres sourds de toutes régions. Le système standard était rapidement assimilé, et devenait le seul utilisé. Je présenterai ces signes par ordre de complexité décroissante. (3) Les renseignements historiques sur les institutions ont été puisés dans les travaux de De Parrel & Lamarque (1925), Prémilieu & Bonnot (1997), Bernard (1999). 2.1. À l'institution de Nancy En 1828, Joseph Piroux fonde à Nancy l'école 2 toutes les unités de 1 à 60 sont entièrement indépendantes les unes des autres. De ce point de vue, il est encore plus purement sexagésimal que le système sumérien, qui devait recourir à la dizaine comme unité auxiliaire pour décharger la mémoire (Ifrah, 1994 : 200). En revanche, 60 n'était pas utilisé comme base pour construire des unités d'ordre supérieur. À partir de 60, la numération redevenait décimale en suivant le français parlé : 70, 93, 118 s'exprimaient par les signes 60, 80, 100, suivis des signes 10, 13 et 18. Il y a cependant deux étonnantes exceptions à cette règle : lorsqu'Édouard Szymcak réalise 66 comme 60 suivi de 6, et 73 comme 60 suivi de 13, 6 et 13 sont encore de nouveaux signes! Pour ce 6, l'index vient pointer sur le menton, et pour ce 13, la main ouverte, paume vers soi, effectue un petit mouvement vertical redoublé devant la poitrine. Il est plausible que ce soient là d'anciens signes pour 6 et 13, auxquels auraient été substitués les signes présentés sur la fig. 1, mais qui se seraient maintenus dans les expressions figées 66 et 73 (sur le maintien d'anciens signes dans des expressions figées, cf. Delaporte, 2004). À la Malgrange, ce système atypique n'était pratiqué que par les garçons. Les deux sexes étaient séparés par de hauts murs, et les contacts se limitaient à l'échange clandestin de petits billets. 54 : le poignet de la main creuse, paume vers la gauche, tapote la tempe. 55 : le dessus du poignet de la main ouverte est posé au milieu du front, doigts oscillants. 56 : comme 16, mais le mouvement se fait de haut en bas. 58 : l'index en crochet, paume vers l'avant, tapote la joue. 59 : l'index en crochet pointant vers la gauche, paume vers le bas, oscille devant la bouche par une rotation répétée du poignet. 80 : les deux poings tournent l'un autour de l'autre. À quatre exceptions près (40, 47, 60 et 80), tous les signes sont réalisés avec une seule main, et la plupart le sont à proximité du visage. Ce système présente trois particularités stupéfiantes – au point que les nombreuses personnes sourdes de toutes régions à qui je l'ai montré ont eu beaucoup de mal à admettre la réalité des faits. En premier lieu, hormis 1, 2, 4, 5 et peut-être 50, les signes n'ont aucun rapport avec ceux de la numération standard. En second lieu, il n'y aucune relation apparente entre chaque signe et le nombre auquel il réfère. Il n'est jamais possible de deviner quel nombre est représenté, ni même qu'il s'agit d'un nombre. Nous sommes dans l'arbitraire sémiotique le plus complet ; et ceci dans une langue dont on sait qu'elle est au contraire dominée par l'iconicité (Cuxac, 2000). En troisième lieu, les formes des signes ne présentent aucune récurrence. Rien, notamment, qui rappellerait des traces du système décimal : aucun point commun, par exemple, entre les signes 9, 19 et 29. Au caractère arbitraire de chaque signe considéré isolément, s'ajoute donc une absence totale de interne(4). Ce système évoque une numération à base soixante : comme dans une telle numération, 2.2. À l'institution de Villeurbanne Fondée en 1872, l'institution accueille filles et garçons. Reconnue d'utilité publique en 1896, elle devient école publique de la ville de Lyon en 1913. Elle ferme en 1946, la plupart des filles étant alors transférées au quartier des filles de Chambéry. La numération y offre un cas de figure particulièrement intéressant, formant passage entre le système nancéen et ceux que l'on examinera par la suite. Les signes 11 à 15 sont des variantes locales du système standard : le pouce touche la joue, puis la main part vers l'avant, paume vers le bas, en présentant les configurations 1 à 5. Pour 16, le pouce touche successivement chacune des deux joues. Comme à Pont-de-Beauvoisin, on peut peutêtre y voir un rappel de la configuration de la main dominante dans le système standard. Les signes 17, 18 et 19 sont empruntés à Cognin, ce qui s'explique aisément par les contacts fréquents entre les élèves des deux institutions, et les passages de l'une à l'autre. Aussi récemment que dans les années 1980, six signes atypiques permettaient de nommer des multiples de dix : 20, 30, 40, 50, 60, 80 (fig. 4). Sur cette figure, le signe 60 est identique au 16 tel que je viens de le décrire. Pour d'autres informateurs, il s'en distinguait légèrement : soit exécuté sur le menton au lieu de la joue, soit avec la configuration dite en clé. La proximité entre 16 et 60, si elle n'est pas due au hasard ou à une contagion paronymique, pourrait être l'un des très rares cas de motivation interne repérables dans l'ensemble des systèmes décrits ici. Comme à Pont-de-Beauvoisin, 70 et 90, ainsi que les nombres compris entre les dizaines à partir de 20, suivaient la numération orale. 2.3. Au quartier des filles de l'institution de Chambéry (Pont-de-Beauvoisin) L'institution nationale des sourds-muets de Chambéry a été fondée en 1841. D'abord oeuvre privée, elle devient établissement public en 1846. Filles et garçons sont séparés, les premières étant éduquées au Couvent des dames du Sacré-Coeur, les seconds par les Frères des Écoles chrétiennes. Après le rattachement du duché de Savoie à la France, l'institution devient impériale en 1861. À partir de 1887, les enseignants sont choisis parmi ceux de l'institution nationale des sourds-muets de Paris. En 1908, le quartier des filles est établi à Pont-de-Beauvoisin, à une trentaine de kilomètres de celui des garçons. Vers 1960, l'école est fermée et les filles rejoignent les garçons à Cognin. La numération pratiquée à Pont-de-Beauvoisin comprenait seize signes atypiques : d'une part tous les nombres de 11 à 19, d'autre part les dizaines : 10, 20, 30, 40, 50, 60, 80 (fig. 3). Comme dans tous les cas présentés ici, ces signes n'évoquent en rien les nombres correspondants, à l'exception des signes 11 à 12 dont les configurations finales sont en 1 et en 2, et du signe 30 proche du signe standard à la localisation près. De la même manière qu'à Villeurbanne, 70 et 90, ainsi que les nombres compris entre les dizaines (ici, à partir de 20), étaient calqués sur la numération orale. Le signe pour 100, non représenté sur la fig. 3, a une étymologie assez claire : il est identique au signe LIMITE (le tranchant de la main dominante s'abat sur la paume de la main dominée). 2.5. Au quartier des garçons de l'institution de Chambéry (Cognin) Établi à Cognin, le quartier des garçons de l'institution nationale des sourds-muets de Chambéry est rejoint par les filles vers 1960 (cf. supra, Pont-de-Beauvoisin). C'est aujourd'hui l'un des quatre instituts nationaux de jeunes sourds. La numération standard qui y est pratiquée est perturbée par trois nombres atypiques 17, 18 et 19 (fig. 5). En raison de la place que l'institution de Chambéry occupe dans la culture des sourds français, ce sont les seuls signes atypiques à être quelquefois connus de sourds d'autres régions. Deux d'entre eux (18 et 19) sont aussi les seuls à avoir été enregistrés dans un recueil de signes régionaux (Commission de langage gestuel, 1982). Ils sont encore en usage aujourd'hui. Ces trois signes chambériens, jusqu'ici considérés comme une sorte de bizarrerie isolée, viennent donc prendre place dans un ensemble de faits beaucoup plus vaste. Chez d'anciens élèves passés par l'institution dans les années 1970, j'ai également observé les 2.4 . À l'institution de Bourg-en-Bresse L'institution Saint-François de Sales a été fondée en 1847. Longtemps réservée aux filles et dirigée par la congrégation des Soeurs de SaintJoseph, elle est mixte depuis 1965, et dirigée par des laïcs depuis 1992. Auparavant, les garçons originaires du pays bressan devaient aller à l'institution de Chambéry ou à celle de SaintÉtienne. 4 signes 11 et 12 de Pont-de-Beauvoisin, emprunts évidents dus à la récente arrivée des filles à Cognin. Chez d'autres, j'ai observé une variante pour 17 : l'index en crochet enserre le nez effectue un petit mouvement de bascule de droite à gauche. en revanche la numération orale. Il y a lieu de supposer que cette manière de faire, observée à Villeurbanne, Pont-de-Beauvoisin et Bourg-enBresse, y témoigne du passage d'un système archaïque où toutes les unités différaient les unes des autres comme à Nancy, à un système mixte où certaines unités sont réutilisées pour désigner les nombres situés entre les dizaines. Ce sont donc des numérations entièrement atypiques, du genre de celle de Nancy, qui pourraient avoir été utilisées partout dans l'est et le sud-est de la France(5) avant d'être refoulées peu à peu par le système standard, les groupes qui ont le mieux résisté étant les nombres compris entre 11 et 19, ainsi que les multiples de 10. Si ces signes relevaient essentiellement du domaine de l'entre-soi, il est également arrivé que des religieuses y recourent en classe pour se faire comprendre (institution de Nancy). Les élèves pouvaient les utiliser pendant les cours de mathématiques, lorsqu'ils avaient la chance d'avoir un professeur qui les tolérait. En réponse à la question « Combien font 10 et 3? », on montrait le signe 13 propre à l'institution, tout en articulant le mot « treize » (quartier des filles de Chambéry). 3. Deux systèmes en concurrence Dans ces cinq écoles, ont donc été utilisés des signes de numération présentant les trois caractéristiques dégagées dans le cas nancéen : signes sans aucun rapport avec la numération standard, entièrement arbitraires en synchronie, sans motivation interne. Les descriptions achevées, on peut maintenant y adjoindre une quatrième caractéristique, qui n'est pas la moins surprenante : ces signes variaient en outre entièrement d'une institution à l'autre. Hormis de rares emprunts ponctuels qui s'expliquent pour des raisons historiques, il n'y a pas un seul exemple de signe atypique qui aurait la même forme et le même sens dans deux écoles. Partout, ce sont deux systèmes qui semblent entrer en concurrence, le système standard et un système atypique, en s'interpénétrant à des degrés divers. Le 3 de Nancy et le 28 de Villeurbanne sont particulièrement éclairants. Le premier est un signe atypique dans une série standard (1-5), le second est un îlot standard dans une série (25-30) atypique, qui est elle-même intercalée entre deux séries standard (20-24 et 31-39). Cette interpénétration observable en synchronie suggère une évolution dans le temps. De la réalité de cette évolution, nous avons deux preuves précises. Dans un ouvrage publié par un enseignant de l'institution de Lyon (Pellet, 1938 : 173), on peut lire cette phrase : « De 10 à 20, chaque nombre possède un signe particulier, créé sans autre règle, semble-t-il, que la fantaisie ». C'est probablement la seule allusion à l'existence de ces signes qui ait jamais été publiée. Entre les années trente, période où enseignait Pellet, et les années quarante période où ma principale informatrice était scolarisée, les signes atypiques 10 à 14 ont disparu, remplacés par des signes standards. Patrick Gérard, le plus jeune informateur nancéen, pratiquait pendant sa scolarité un système mixte : signes atypiques pour 6-19, ainsi que pour les dizaines à partir de 30. Tous les nombres compris entre les dizaines à partir de 20 suivaient 4. Hypothèses Les signes différant entièrement d'une institution à l'autre, parler d'un système archaïque pratiqué dans un vaste ensemble régional ne veut évidemment pas dire que ce système aurait été composé des mêmes unités, mais qu'il était partout fondé sur une morphogenèse identique. Sur cette morphogenèse, je n'ai pas d'informations. Toutes les personnes qui m'ont montré ces signes n'avaient elles-mêmes aucune idée de leur origine. Y'a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu Y'a deux testaments, l'ancien et le nouveau Y'a trois [Troyes] en Champagne etc. Chez les enfants entendants, ces comptines sont souvent accompagnées de mouvements rythmiques et de gestes (Caprile, 1995 : 105). Cet auteur observe que l'on pourrait « développer un tel type de numération sans passer obligatoirement par les mathématiques occidentales ». Sur la base des comptines que l'on vient de citer, il serait aisé de créer un système de numération où 3 serait représenté par bois, 6 par cerise, 9 par neuf, 12 par rouge ; ou bien 1 par cheveu, 2 par testament, 3 par champagne, etc. Cela n'a probablement jamais été imaginé par des enfants entendants, tout simplement parce qu'ils n'en ont pas eu besoin, l'institution scolaire pesant de tout son poids dans l'enseignement de la numération officielle. Il en allait peut-être différemment chez les enfants sourds, la répression de leur langue les conduisant à produire des formes spécifiques d'organisation sociale et de représentations du monde (Delaporte, 2002 : chapitre 8). On pourrait ainsi imaginer, dans le système nancéen, quelque chose comme : Quarante t'es pas poli Quarante et un tu fais chier Quarante-deux t'es mort Quarante-trois t' es qu' un menteur Quarante-quatre tu pars au service militaire Quarante-sept tu te maries 4.2. Des compt ines numériques? Certains des signes atypiques se trouvent être homonymes de signes ayant une toute autre signification. Dans le système nancéen, on repère 11 (CATHOLIQUE), 18 (MALADROIT), 19 (PERDU), 20 (FOU), 40 (IMPOLI), 41 (S'ENNUYER), 42 (TUER), 43 (MENTIR), 44 (SALUT MILITAIRE), 47 (MARIAGE). Cette liste est suggestive. On y reconnaît d'une part les étapes qui jalonnent le parcours d'une vie humaine (le baptême, le service militaire, le mariage), dont l'emploi ludique est attesté dans le folklore de l'enfance. D'autre part des signes à connotation péjorative (MALADROIT, PERDU, FOU, IMPOLI, S'ENNUYER, TUER, MENTIR), évoquant des jeux de cours de récréation. Il en va de même pour les trois signes de Cognin : 17 (JE N'Y CROIS PAS), 18 (C'EST DU PIPEAU), 19 (FLEMMARD). À Pont-de-Beauvoisin, on repère MENTIR (18) et 60 (OUBLIER). Et, à Villeurbanne : 15 (SORCIÈRE?), 16 (FAUTE), 40 (CURIEUX), 50 (CHIANT). Cette séduisante hypothèse se heurte à une unique objection, mais de taille : je n'ai pas trouvé, ni sur le terrain, ni dans la littérature du XIXe siècle – il est vrai fort pauvre en informations sur les rituels propres aux enfants sourds-muets –, la moindre preuve que de telles comptines aient jamais été en usage. 4.3. Des anthroponymes? Parmi les différentes sources de création des anthroponymes sourds, figurent les matricules qui étaient attribués aux élèves lors de leur entrée dans certaines institutions (Delaporte, 2002 : 208-211). Cela s'est pratiqué à Nancy : Édouard Szymcak est lui-même nommé 40 ; un autre exemple est indiqué dans l'autobiographie de Claude Canu (1998 : 22). On peut donc faire l'hypothèse d'une relation qui s'établirait non pas du numéro matricule vers l'anthroponyme, mais en sens inverse, de l'anthroponyme vers un numéro. Soit le signe nancéen 15 : supposons un élève d'origine asiatique qui porte le nom gestuel YEUX BRIDÉS, et qui a reçu le numéro matricule 15 ; le nom gestuel aurait pu être transféré sur le nombre 15, se transmettant aux générations suivantes d'élèves. Il serait vain de chercher à repérer d'autres exemples, comme on l'a fait ci-dessus en pointant des signes de numération identiques à des unités lexicales, puisque, contrairement à ces dernières, les anthroponymes constituent un corpus à peu près illimité de formes possibles. Un argument en faveur de cette hypothèse est que l'on connaît des exemples de transferts d'anthroponymes sur d'autres objets, en l'occurrence des toponymes. À Louhans (Saôneet-Loire), le signe local pour CORSE n'est rien d'autre que le nom gestuel du premier Corse qui est venu y habiter. Le procédé ne date pas d'hier, puisqu'il est décrit par un professeur de l'institution de Paris au début du XIXe siècle : GRANDS YEUX est le nom d'un élève originaire de Bolbec (Seine-Maritime). Deux ou trois générations d'élèves plus tard on a complètement oublié cet élève, mais son signe a été conservé 7 5. Conclusion Voilà donc posées trois hypothèses, qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement exclusives les unes des autres. La solution se trouve peut-être parmi elles, peut-être ailleurs(6). La présence de ces signes énigmatiques sur une large partie du territoire français exclut en tous cas qu'ils soient dus à la seule « fantaisie » (Pellet, op. cit.) mais implique au contraire une morphogenèse commune dont la motivation nous échappe, comme elle échappe à celle des locuteurs. (6) bricoler des signes de numération sans aucun rapport avec la manière d'écrire les chiffres au tableau noir, ce qui n'aurait fait que compliquer l'apprentissage du calcul plutôt que le faciliter. Enfin, lors du débat qui a suivi cette communication au colloque de l'ARILS, Gilles Bras (sourd) a proposé une autre hypothèse, fondée sur le fait que, dans les institutions dirigées par des congrégations religieuses, les enseignants utilisaient de grandes illustrations numérotées, telles des scènes spectaculaires de la vie des saints, qui ne pouvaient que frapper l'imagination des enfants sourds. Marc Renard m'a proposé de voir dans ces signes archaïques la trace de numérations non-décimales authentiquement sourdes, renvoyant à une tradition très lointaine. À l'inverse, un informateur qui les a pratiqués émet l'hypothèse que ce pourrait avoir été des signes inventés de toutes pièces par les enseignants entendants après l'interdiction de la langue des signes en 1880. Il est exact que la nécessité d'instaurer une communication minimale avec les élèves a conduit des enseignants à inventer des signes ; mais on imagine mal des entendants Remerci création de signes de numération. Sophie Dalle m'a signalé l'ouvrage de René Pellet, qui m'a été procuré par Françoise Bonnal. Avec Marc Renard, ingénieur sourd, naguère chef de rubrique sur le serveur Surditel et aujourd'hui directeur des Éditions 2-AS, j'ai eu des discussions toujours stimulantes ; c'est lui qui m'a indiqué l'ouvrage de Georges Ifrah. Une première version de ce travail a été exposée en mars 1999 au séminaire de Jean-Pierre Caprile, « Construction du lexique et du texte en situation, cognition humaine et variété des langue et des cultures » (université de Paris III). À tous, j'exprime ma gratitude. Cette étude est fondée sur les informations procurées par d'anciens élèves des institutions citées, notamment Claude Canu (Nancy), Gisèle Clerc (Villeurbanne), Yvette Pelletier (Pont-deBeauvoisin), Armand Pelletier (Cognin), Raphaëlle Recollon et Kheira Lamada (Bourg-enBresse). Grâce à la générosité de Jean-Marie Vanzo, interprète à l'institution de la Malgrange, j'ai pu utiliser un enregistrement vidéo des signes qui lui ont été montrés par Michel Billant, Patrick Gérard et Édouard Szymcak. C'est Isabelle Toustain, éducatrice sourde à l'institution de Paris, qui m'a suggéré l'hypothèse que les anthroponymes pourraient avoir été une source de.
29,306
dumas-03976637-Pharmacie_2023_Paquet.txt_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Développement de Christensenella minuta Xla1 dans le traitement de l'obésité et des maladies métaboliques : de la découverte à la première administration chez l'Homme. Sciences du Vivant [q-bio]. 2022. &#x27E8;dumas-03976637&#x27E9;
None
French
Spoken
7,313
12,529
L'exposition au HFD45% a rapidement induit une prise de poids par rapport au régime normal (ND) (Figure 18 A), cependant les animaux traités par Orlistat n'ont pas pris de poids et ont gardé un poids similaire au ND. Les animaux traités par Xla1 ont présenté une évolution du poids similaire à celle des groupes ND et HFD-Orlistat. La prise alimentaire quotidienne était similaire pour tous les groupes de traitement. En revanche, l'efficacité alimentaire était réduite dans les groupes Orlistat et Xla1 (Figure 18 B). La glycémie basale à jeun était homogène entre les groupes, cependant après 4 semaines sous HFD45% elle était significativement augmentée dans le groupe traité par placebo, alors qu'elle restait stable dans les groupes Orlistat et Xla1 (Figure 18 C). Globalement, les résultats de cette étude apportent une démonstration supplémentaire de la validité du modèle choisi et des contrôles associés. Cette étude confirme également l'efficacité de Xla1 sous sa forme GMP-like à 1,5x109 UFC/jour. Le milieu de culture sans animaux utilisé pour la culture de Xla1 inoculé ici n'a pas 89 affecté l'impact de la bactérie sur la physiologie de l'hôte. Dans l'ensemble, les résultats de cette étude confirment la poursuite du programme de développement préclinique de Xla1 en vue de son utilisation comme LBP pour le traitement de l'obésité. Figure 18. Effet de Xla1 sur le poids corporel et la glycémie induit s par l'HFD . La prise de poids et l'hyperglycémie ont été significativement réduites sous traitement GMP-like Xla C . minut a. Au fil du temps, les animaux sous HFD traités par placebo ont gagné du poids de manière significative par rapport à la ND, alors que les animaux sous Orlistat et Xla1 n'en ont pas gagné (A, n=10 ( ND-Placebo), 9 ( HFD- Placebo ), 10 (HFD -Orlistat ), 9 (HFD - Xla1) ; # p<0,05 pour ND-Placebo vs HFD-Orlistat ; * p<0,05 pour ND-Placebo vs HFD - Xla 1). L'aire sous la courbe (AUC) de l'efficacité alimentaire de J4 à J27 a augmenté de façon drastique dans les groupes HFD-Placebo, Orlistat et Xla1 (B). La glycémie à jeun a augmenté dans les groupes HFD-Placebo et Orlistat mais est restée inchangée sous Xla1 (C). Les données sont représentées sous forme de moyenne ± SEM (***p<0,001, **p <0,01, *p <0,05 ). 90 e. Étude de sélection de la dose Une étude préclinique in vivo de six semaines (rapport d'étude LNC01p19_5) a été menée pour identifier une efficacité dose-dépendante putative de Xla1 dans un modèle de souris DIO. La version Bonnes Pratiques de Laboratoire (BPL)-like de Xla1 a été utilisée pour traiter les animaux. Soixante-dix (n=70) souris mâles C57Bl/6J ont été incluses dans l'étude et ont subi une acclimatation et une accoutumance avec une alimentation normale (ND) pendant deux semaines. Soixante (n=60) des souris sont ensuite passées au régime HFD45% pour induire l'obésité ont reçu Xla1 (version BPL-like) à 4 concentrations différentes per os par gavage quotidien pendant 6 semaines comme suit : très faible concentration (gamme : 107 UCF/jour) (n = 10), faible concentration (gamme : 108 UCF/jour) (n=10), une concentration de travail normale (109 UFC/jour) (n=10), et une concentration élevée (1010 UFC/jour) (n=10). Dix (10) souris ont reçu du HFD45% et un véhicule (milieu de culture stérile) comme contrôle négatif (Placebo) ; et 10 ont reçu du HFD45% et de l'Orlistat 20 mg/kg/jour (traitement antiobésité standard) comme contrôle positif. Pour référence, 10 souris sont restées sous ND et ont reçu le véhicule pendant la période de traitement de 6 semaines. L'exposition au HFD45% a rapidement induit un gain de poids par rapport au ND. Les animaux traités avec les différentes concentrations de Xla1 ont montré une évolution du poids similaire à celle du HFD-Orlistat (Figure 19 A), et des réductions significatives du gain de poids par rapport au Placebo. La prise alimentaire quotidienne était similaire pour tous les groupes de traitement. L'efficacité alimentaire globale était réduite dans les groupes Orlistat et Xla1 (quelle que soit la concentration) (Figure 19 B). La glycémie basale à jeun était homogène entre les groupes, mais après 6 semaines sous HFD45%, elle a diminué de manière significative dans les groupes Orlistat et Xla1 (Figure 19 C), par rapport aux contrôles du véhicule. Il n'y avait pas de différences significatives dans le poids des organes entre toutes les souris nourries au HFD45%, quel que soit le traitement. Les résultats globaux de cette étude soulignent que l'efficacité à moyen terme de Xla1 sur le gain de poids ne dépend pas de la concentration du produit actif lorsqu'il est administré entre 107 et 1010 UFC par jour. 91 Figure 19. Effet de la dose de Xla1 sur la masse corporelle et la glycémie induites par HFD. Le gain de poids et l'hyperglycémie ont été réduits sous les traitements par Xla1-107 UCF/mL, Xla1-109 UCF/mL, Xla1-1010 UCF/mL. Au fil du temps, les animaux sous HFD traités par placebo ont pris du poids par rapport à la ND, alors que le gain de poids a été empêché chez les animaux sous Orlistat et Xla1 (A, n=10 (ND-Placebo), 10 (HFD-Placebo), 10 (HFDOrlistat), 10 (HFD-Xla1 107 UCF/mL) 10 (HFD-Xla1 108 UCF/mL), 10 (HFD-Xla1 109 UCF/mL), 10 (HFD-Xla1 1010 UCF/mL). L'aire sous la courbe de l'efficacité alimentaire (AUC) de J4 à J41, a été considérablement augmentée dans les groupes HFD-Placebo, Orlistat et Xla1 (B). La glycémie à jeun était stable dans le groupe HFD-Placebo. Les groupes Orlistat et Xla1 (quelle que soit la concentration) ont connu une diminution significative après 6 semaines par rapport au groupe HFD-Placebo 1(C). Les données sont représentées sous forme de moyenne ± SEM (***p<0,001, **p<0,01, *p<0,05). 92 f. Pharmacocinétique de Xla1 sur le modèle triple-SHIME Les études traditionnelles de pharmacocinétique des BPL et de distribution tissulaire n'ont pas été réalisées pour Xla1. Étant donné que Xla1 est composé d'un organisme vivant et répliqué que l'on trouve en quantités variables chez les individus sains, les études pharmacocinétiques traditionnelles ne sont pas appropriées. De plus, il n’existe pas de modèles in vivo normalisés permettant de simuler avec précision les interactions entre l’hôte et le microbiome, en particulier dans le e des pathologies métaboliques (178). Nous avons ainsi mené une étude en utilisant le modèle validé du Simulateur de l'écosystème microbien de l'intestin humain (SHIME®) pour étudier la biodistribution et l'efficacité in vitro de Xla1. L'objectif principal de l'étude était d'étudier l'interaction à long terme in vitro entre Xla1 et le microbiome après des doses répétées. Le modèle SHIME est un modèle in vitro validé qui simule la complexité du tractus gastrointestinal. Par rapport aux alternatives in vivo, SHIME utilise le microbiote intestinal humain fraîchement extrait de donneurs et ne présente pas de facteurs extrinsèques, tels que le système immunitaire de l'animal hôte, de réaction contre le produit testé après administration. SHIME est bien adapté aux études à long terme et permet un échantillonnage facile de tous les compartiments pour une analyse en aval et une reproduction précise du microbiote intestinal. Des inoculums fécaux représentatifs de différents donneurs peuvent être sélectionnés pour optimiser la représentativité. Le SHIME ne simule pas seulement le microbiome luminal, mais recrée également l'environnement muqueux, permettant une greffe préférentielle des microorganismes pertinents. Cette étude est un SHIME à administration répétée avec Xla1 (2,0 x 109 UCF/mL) administré une fois par jour pendant une période d'intervention de 3 semaines. Trois populations de microbiote intestinal ont été isolées à partir des selles de donneurs obèses présélectionnés pour leur faible richesse/absence en Christensenellaceae. Chaque microbiote intestinal individuel a ensuite été injecté dans un système SHIME distinct, de sorte qu'il y a un seul SHIME par donneur de microbiote. La configuration typique des réacteurs du SHIME consistait en une succession de cinq réacteurs simulant les différentes parties du tractus gastro-intestinal humain. Le temps de rétention et le pH des différents réacteurs sont choisis de manière à ressembler aux conditions in vivo dans les différentes parties du côlon. L'étude s'est déroulée en quatre étapes : 93 1) une période de stabilisation du microbiote de 2 semaines ; 2) une période de contrôle de 2 semaines au cours de laquelle les paramètres microbiens de base sont établis ; 3) une période d'intervention de 3 semaines de traitement par Xla1 pour évaluer l'impact de l'administration répétée de Xla1 sur le microbiome ; et 4) une période de suivi d'une semaine a été enregistrée à la fin du traitement afin d'évaluer la persistance putative de l'effet du produit sur la période d'étude. Au cours de l'étude, l'impact de la prise répétée de Xla1 a été évalué sur l'activité (Acides Gras à Chaines Courtes (AGCC), lactate, AGCC ramifiés, production d'ammoniac et métabolisme des acides biliaires) et la composition du microbiote de l'hôte (séquençage shotgun peu profond). La biodistribution et la prise de greffe de Xla1 ont également été évaluées dans les compartiments luminal et muqueux par qPCR. Les résultats ont montré que Xla1 était particulièrement enrichi dans le compartiment luminal du côlon proximal. À l'arrêt du traitement, Xla1 a été éliminé par lavage, ce qui suggère que les bactéries n'ont pas pu s'insérer dans la communauté microbienne. Ces résultats renforcent la probabilité que les effets observés du traitement soient au moins partiellement dus aux effets de la souche testée sur la composition globale de la communauté microbienne. Xla1 a augmenté de manière significative la fermentation saccharolytique, le lactate et les acides gras à chaîne courte [AGCC] (acétate et propionate). Il est à noter que les effets sur la production de butyrate et de lactate étaient significatifs mais dépendaient du donneur. On a constaté une nette tendance à la réduction de la concentration du marqueur de fermentation protéolytique. Les effets sont restés significatifs après la période de lavage, ce qui indique que l'impact de Xla1 peut persister même si les bactéries ne sont plus présentes. g. Études de la toxicologie de Xla1 chez l’animal i. Étude de la translocation de Xla1 in vivo sur des souris DIO C.minuta a été identifiée dans le sang humain une fois lors d'une infection causée par un cas aigu d'appendicite (179). L'analyse a révélé qu'il s'agissait d'une infection mixte avec Desulfovibrio desulfuricans. Il s'agit du seul rapport de C. minuta liée à une infection systémique. Pour démontrer que Xla1, lorsqu'il est administré à la dose de travail, ne présente aucun risque d'infection bactérienne induite par le traitement, nous avons men é une étude nonBPL pour évaluer le potenti el de translocation de Xla 1 seul chez des souris souffrant d 'ob ésité induit e par le régi me alimentaire (DIO). Il a été démontré que, comme chez l'homme, l'obésité 94 induite par le régime alimentaire chez la souris induit une hyperperméabilité intestinale par rapport aux sujets maigres (180). Le modèle de souris obèses DIO est donc considéré comme un modèle pertinent pour l'obésité humaine. L'objectif de cette étude était d'évaluer les capacités de translocation de Xla1 hors de l'intestin lorsqu'elle est inoculée per os. Après un gavage quotidien pendant 7 jours consécutifs à la dose de travail normale connue (109 UFC/jour de Xla1 sous forme GMP-like), la présence de Xla1 viable en dehors du tractus gastro-intestinal a été évaluée. Douze (n=12) souris mâles C57Bl6 obèses, âgées de 18 semaines sous HFD60% ont été traitées quotidiennement pendant 7 jours avec Xla1 (n=10) ou une solution témoin (n=2) per os. Au cours de la période 'étude, la nourriture et le poids corporel ont été mesurés deux fois. Le dernier jour du traitement, les animaux ont été sacrifiés et les tissus pertinents (sang, foie, rate, rein et ganglions lymphatiques mésentériques) disséqués, pesés et congelés. Les tissus ont été broyés et ensemencés et placés en condition anaérobie pour être mis en culture dès leur arrivée dans les installations de microbiologie. Après 5 jours, la présence de Xla1 a été évaluée visuellement (comptage sur plaque d'agar) et génétiquement (16S qPCR utilisant des amorces spécifiques à Xla1). Les résultats n'ont pas montré de différences significatives en termes de poids corporel, d'apport alimentaire et de poids des organes entre le groupe témoin et le groupe traité. Ni l'approche visuelle ni l'approche génétique a permis d'identifier Xla1 dans des cultures d'homogénats provenant d'animaux témoins ou traités par Xla1. Ces résultats n'indiquent aucune preuve de translocation de Xla1 dans un modèle de fuite de la barrière intestinale. Ces données indiquent donc un très faible risque de septicémie induite par Xla1 et soutiennent le profil sûr d'un traitement à base de Xla1 vivant. ii. Étude de tolérance d’une dose aigüe et de lavage sur des souris saines Nous avons évalué l'impact d'une exposition aiguë à la plus forte concentration techniquement réalisable de Xla1 (1010 UFC/jour) chez des animaux sains. La première partie de cette étude a évalué tout effet toxique associé à Xla1 induit après une exposition à haute dose. La deuxième partie de l'étude a évalué la persistance de Xla1 dans les fèces après une dose aiguë de 109 UCF/jour dans des échantillons de selles de souris pendant 3 semaines 95 Neuf (n=9) souris mâles saines C57Bl/6J âgées de 4 semaines à la réception ont d'abord été acclimatées à leur environnement pendant 14 jours. Les souris ont été nourries avec un régime standard et ont reçu une administration orale aiguë de Xla1 à la dose la plus élevée techniquement réalisable de 1010 UCF/jour (n=3) ou un contrôle salin (n=3). Après le gavage, l'état de santé général des animaux a été étroitement surveillé et le poids mesuré tous les 2 jours. Les souris ont été sacrifiées 48 heures après le traitement afin d'évaluer une éventuelle toxicité à court terme d'une dose élevée de Xla1 (1010 UCF/jour) par rapport au contrôle. Des examens pathologiques du foie, des reins, de la rate, du cœur, du cerveau et de l'iléon ont été effectués pour évaluer la toxicité. Pour évaluer la pharmacocinétique de Xla1, un autre groupe de souris (n=3) a été maintenu sous un régime alimentaire normal et leurs fèces ont été collectées à différents moments pendant 3 semaines après le traitement afin d'évaluer la survie de Xla1 dans les fèces après un dosage aigu par PCR en temps réel (qPCR), en utilisant la fluorescence SYBR green. Cette étude de sécurité non-BPL a révélé que les poids des organes, les examens macroscopiques et microscopiques des organes sélectionnés (cerveau, cœur, iléon, rein, foie et rate) étaient tous dans les limites normales. Chez les souris traitées avec une dose aiguë de Xla1 à 1010 UFC/jour, les données relatives au poids corporel et au poids des organes prélevés étaient similaires entre les groupes. Dans les fèces collectées pendant 3 semaines après le traitement, Xla1 n'a pas persisté plus d'un jour dans l'intestin des souris qui ont reçu une dose unique de bactéries par gavage oral. Cette étude suggère que la nouvelle substance expérimentale Xla1, actuellement étudiée, est sûre et rapidement lavable dans ce modèle de sécurité non clinique chez la souris. C. Caractérisation de la souche C. minuta Xla1 Le premier clone de C. minuta Xla1 a été isolé à partir de matières fécales humaines d’un donneur sain âgé de moins de 35 ans à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection, Marseille, France. Christensenella minuta Xla1 (C. minuta, Xla1) est une bactérie à croissance lente, Gram-négative, strictement anaérobie et non sporulée, en forme de bâtonnet court avec des extrémités effilées, présente en chaînes ou en paires (Figure 20). 96 Figure 20. Profil morphologique de Xla1. A. Croissance de Xla1 sur boîte de pétri formant des petites colonies entre 48h et 72h d’incubation à 37°C. B. Coloration Gram négative C. et D. Photographies de Xla1 par microscopie électronique à transmission 200kV avec coloration négative au nano-tungstène. C.minuta Xla1 est tolérant pH alcalin et aux concentrations élevées de bile (démontrant une croissance robuste à pH 6.0 - 9.0 et jusqu'à 20% de bile). Une caractérisation biochimique de C. minuta Xla1 a été effectuée. C. minuta Xla1 peut fermenter divers sucres à base d'acide produit à partir de glucose, salicine, xylose, arabinose et rhamnose, et est positif pour l'α-arabinosidase, la β-galactosidase, la β-glucosidase, l'acide glutamique décarboxylase, la phosphatase acide et la naphtol-AS-BI- phosphorylase. Le génome de C. minuta Xla1 a une taille de 2 855 754 pb avec un contenu G+C d'ADN de 51,8 % molaire. Aucun plasmide ou ADN supplémentaire n'a été détecté. Un total de 2 705 séquences d'ADN codantes (CDS) ont été annotées, y compris 6 ARNr et 49 ARNt. D'après l'antibiogramme par dilution en gélose, C. minuta Xla1 est sensible à une variété d'antibiotiques cliniquement pertinents utilisés pour traiter les infections anaérobies, notamment la clindamycine, le métronidazole, la pipéracilline/tazobactam, le méropénème, la moxifloxacine et le chloramphénicol, et est résistant à la tétracycline (CMI > 32 μg/mL et à l'ampicilline (CMI = 2 μg/mL). 97 Enfin, sur la base de ces résultats, et d'un score total d'hybridation ADN-ADN de 97,80%, on peut conclure que C. minuta Xla1 partageait les mêmes caractéristiques que la souche-type YIT 12065T initialement décrite par Morotomi et al. (145). Cette souche bactérienne, qui fait partie de la collection DSMZ sous le code DSM 33407, répond à la définition du CDC (2017), à savoir qu'il s'agit d’« agents bien caractérisés qui ne sont pas nus pour causer systématiquement des maladies chez les humains adultes immunocompétents » et est considérée comme une souche bactérienne BSL1 non infectieuse. Ces résultats non cliniques nous ont ainsi permis de confirmer le potentiel de Xla1 dans le traitement de l’obésité et des maladies métaboliques, tout en garantissant sa sécurité et sa bonne tolérance (Tableau 3Tableau 4). Nous avons pu construire le dossier IND (Investigational New Drug) au format CTD que nous avons soumis à la FDA afin d’obtenir l’autorisation de démarrer une étude clinique de Phase I aux États-Unis. 98 Tableau 3. Résumé des études de pharmac ologie Étude type Administration Traitement Espèces, genre et Résultats notables nombre Sélection du modèle Orale DSMZ-22607 (109 UFC/jour) ou placebo C57BL/6J souris mâles C57BL/6J souris mâles â g ées de n=20 7 jours sous régime gras à 45% est le modèle le plus approprié Sélection de la souche Orale Souche C.minuta Xla1 C57BL/6J souris mâles La souche de C.minuta Xla1 est Souche C.minuta Xla2 n=75 sélectionnée S ouche C.minuta Xla 1 (109 UFC /jour) C57BL /6J souris mâles Xla1 réduit la prise de poids Orlistat n=40 Souche C.minuta Xla3 Souche C.minuta Xla4 Orlistat Placebo Efficacité in vivo Orale Placebo Sélection de la dose Orale Souche C.minuta Xla1 (107 UFC/jour) 8 Souche C.minuta Xla1 (10 UFC/jour) C57BL/6J souris mâles L’effet de Xla1 ne dépend pas de n=70 la concentration en substance Souche C.minuta Xla1 (109 UFC/jour) active et la dose sélectionnée est Souche C.minuta Xla1 (1010 UFC/jour) 109 UFC/jour Orlistat Placebo 99 Tableau 4. Résumé des études de toxicologie Étude type Administration Traitement Espèces, genre et Résultats notables nombre Translocation Orale Souche C.minuta Xla1 (109 UFC/jour) C57BL/6J souris mâles Aucune évidence de n=12 translocation de de Xla1 l’intestin Dose de tolérance aigüe Orale et suivi Souche C.minuta Xla1 (109 UFC/jour) C57BL/6J souris mâles Aucune atteinte macroscopique n=9 ou microscopique des organes et Xla1 est rapidement éliminé après la fin du traitement 100 PARTIE III/ Première administration de Christensenella minuta Xla1 chez l’Homme Étude CAUSALITY Cette étude de phase I, randomisée, partiellement contrôlée par placebo et en double aveugle, visait à évaluer l'innocuité, la tolérance et l'impact sur le microbiote intestinal chez des volontaires sains et des adultes en surpoids/obèses de Xla1. Pour aboutir à un protocole clinique adéquat à nos objectifs, nous avons formé un comité consultatif médical constitué de pontes mondiaux dans l’obésité et le microbiome. A. Méthodologie clinique a. Type d’étude L’étude CAUSALITY est une étude clinique expérimentale de phase I. Il s’agit de la première administration chez l’Homme de Xla1. Elle a été effectuée en deux parties : - Partie 1 : une phase ouverte chez des volontaires sains de poids normal recevant tous Xla1 - Partie 2 : Une phase randomisée, parallèle, en double aveugle, contrôlée par placebo chez des patients adultes en surpoids ou obèses recevant soit Xla1 soit un placebo. b. Population de l’étude En plus des critères d'inclusion et d'exclusion énumérés ci-dessous, en raison de la pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19), les sujets devaient avoir un test d'amplification en chaîne par polymérase (PCR) COVID-19 négatif pour pouvoir être recrutés dans l'étude. i. Critères d’inclusion Une personne remplissait tous les critères suivants pour pouvoir participer à l'étude : Pour les volontaires sains : 1. Femme ou homme. 2. Âge compris entre 19 et 65 ans, inclus. 3. IMC compris entre 18,5 et 24,9 kg/m2, inclus. 4. Bon état de santé général et mental sans anomalies cliniquement significatives dans les antécédents médicaux, confirmé par l'examen physique. 5. Les sujets féminins hétérosexuels actifs et en âge de procréer (par exemple, non stériles chirurgicalement au moins 6 mois avant la première dose ou naturellement ménopausées depuis 101 au moins 1 an avant la première dose) doivent utiliser l'une des formes de contraception suivantes et accepter de continuer à l'utiliser jusqu'à la fin de l'étude : - hormonale (par exemple, orale, anneau vaginal, patch transdermique, implant, injection) de façon constante pendant au moins 3 mois avant la première dose, - double barrière (c.-à-d. préservatif avec spermicide ou diaphragme avec spermicide) de façon constante pendant au moins 2 semaines avant la première dose, - dispositif intra-utérin pendant au moins 3 mois avant la première dose, - partenaire exclusif qui a été vasectomisé pendant au moins 6 mois (inclus) avant la première dose. Les sujets féminins en âge de procréer qui n'avaient pas actuellement de rapports hétérosexuels ont accepté d'utiliser l'une des méthodes de contraception ci-dessus, au cas où elles auraient des rapports hétérosexuels au cours de l'étude (et jusqu'à la visite finale de l'étude) : Les sujets féminins en âge de procréer doivent avoir subi l'une des procédures de stérilisation suivantes au moins 6 mois avant la première dose : - stérilisation hystéroscopique - ligature tubaire bilatérale ou salpingectomie bilatérale - hystérectomie - ovariectomie bilatérale - stérilisation transcervicale ou occlusion tubaire (par exemple, implantation d'Essure®). Ou être ménopausée avec une aménorrhée pendant au moins 1 an avant la première dose et des niveaux d'hormone foll -stimulante (FSH) compatibles avec le statut de ménopause selon le jugement de l'investigateur. 6. Poids corporel stable depuis au moins 3 mois (fluctuation de moins de 5 % et ne dépassant pas 4 kg). 7. Acceptation de ne pas modifier ses habitudes en matière de nourriture, de boisson, d'activités physiques et de consommation d'alcool pendant toute la durée de l'étude. 8. Volonté et capacité de participer à l'étude en se conformant aux procédures du protocole, y compris le traitement des fèces, comme le prouve un ICF daté et signé. Pour les volontaires en surpoids et obèses : 1. Femme ou homme. 2. Âge compris entre 19 et 65 ans, inclus. 102 3. IMC compris entre 25 et 35 kg/m2, inclus. 4. Tour de taille > 94 cm pour les hommes (> 90 cm pour les hommes des groupes ethniques d'Asie du Sud-Est, de Chine et du Japon sur la base de l'ethnicité autodéclarée) et > 80 cm pour les femmes. 5. Avec au moins l'une des conditions suivantes, non traitées, liées à un trouble métabolique : - taux de triglycérides ≥ 1,5 g/L (1,71 mmol/L) - taux de cholestérol HDL < 0,4 g/L (1,03 mmol/L) pour les hommes et < 0,5 g/L (1,29 mmol/L) pour les femmes - une glycémie à jeun ≥ 1 g/L (5,6 mmol/L). 6. Les sujets féminins hétérosexuels actifs et en âge de procréer (par exemple, non stériles chirurgicalement au moins 6 mois avant la première dose ou naturellement ménopausées depuis au moins 1 an avant la première dose) doivent avoir utilisé l'une des formes de contraception suivantes et avoir accepté de continuer à l'utiliser jusqu'à la fin de l'étude : - hormonale (par exemple, orale, anneau vaginal, patch transdermique, implant, injection) de façon constante pendant au moins 3 mois avant la première dose - double barrière (c.-à-d. préservatif avec spermicide ou diaphragme avec spermicide) de manière constante pendant au moins 2 semaines avant la première dose - dispositif intra-utérin pendant au moins 3 mois avant la première dose - partenaire exclusif qui a été vasectomisé pendant au moins 6 mois (inclus) avant la première dose Les sujets féminins en âge de procréer qui n'avaient pas actuellement de rapports hétérosexuels ont accepté d'utiliser l'une des méthodes de contraception ci-dessus, au cas où elles auraient des rapports hétérosexuels au cours de l'étude (et jusqu'à la visite finale de l'étude) : Les sujets féminins qui n'étaient pas en âge de procréer avaient subi l'une des procédures de stérilisation suivantes au moins 6 mois avant la première dose : - stérilisation hystéroscopique - ligature tubaire bilatérale ou salpingectomie bilatérale - hystérectomie - ovariectomie bilatérale - stérilisation transcervicale ou occlusion tubaire (par exemple, implantation d'Essure®) Ou être ménopausée avec une aménorrhée pendant au moins 1 an avant la première dose et des niveaux FSH compatible avec un statut de ménopause . 7. Poids corporel stable pendant au moins 3 mois (fluctuation inférieure à 5 % et ne dépassant pas 4 kg). 8. Acceptation de ne pas modifier ses habitudes en matière de nourriture, de boisson, d'activités physiques et de consommation d'alcool pendant toute la durée de l'étude. 9. Volonté et capacité de participer à l'étude en se conformant aux procédures du protocole, y compris le traitement des fèces, comme le prouve un ICF daté et signé. ii. Critères d’exclusion Un individu remplissant l'un des critères suivants a été exclu de l'étude : 1. Participation simultanée à d'autres essais cliniques ou participation antérieure dans les 30 jours précédant la randomisation. 2. Tout trouble métabolique congénital ou acquis confirmé cliniquement et incompatible avec le déroulement de l'étude selon l'avis de l'investigateur (y compris, mais sans s'y limiter : diabète, hypothyroïdie, hypercholestérolémie familiale, etc.). Les sujets atteints d'hypothyroïdie sous dose stable de lévothyroxine depuis au moins 3 mois et dont l'hormone thyréostimulante se situait dans la fourchette normale lors de la sélection ont pu participer. 3. Trouble cardiaque, inflammatoire, rénal, gastro-intestinal ou cérébro-vasculaire cliniquement significatif, selon le jugement de l'investigateur. 4. Pression artérielle de ≥ 140/90 mmHg, température buccale de ≥ 37,8°C, fréquence du pouls de ≥ 100 bpm, lors du dépistage après 5 minutes de repos en position couchée. Tous les sujets dépistés ayant une pression artérielle de ≥ 140/90 mmHg ont été adressés à leur médecin traitant. 5. Antécédents médicaux de tout type de cancer, à l'exception d'un carcinome cutané spinocellulaire ou basocellulaire ou d'un carcinome in situ du col utérin traité chirurgicalement excision locale au moins 24 semaines (6 mois) avant l'inscription. 6. Intervention chirurgicale majeure au cours des 6 derniers mois. 7. Tout antécédent de chirurgie bariatrique. 8. Patients ayant des antécédents d'hypersensibilité au produit expérimental ou à ses excipients (Xla1 ou Placebo). 9. Obésité génétique, c'est-à-dire obésité secondaire à une condition génétique ou médicale, telle que le syndrome des ovaires polykystiques, l'hypothyroïdie, le syndrome de Cushing, le déficit en hormone de croissance, l'insulinome, les troubles hypothalamiques (par exemple, le syndrome de Froelich, le syndrome de Bardet-Biedl, le syndrome de Prader-Willi), 104 ou utilisation de tout médicament connu pour avoir un impact sur le poids corporel au cours des 6 derniers mois (par exemple, les antipsychotiques). 10. Patients présentant des anomalies de laboratoire cliniquement significatives, selon le jugement de l'investigateur. 11. Patients ayant une sérologie positive connue pour le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) - 1 ou 2, le virus de l'hépatite B ou le virus de l'hépatite C. 12. Femmes enceintes ou allaitantes. 13. Traitement concomitant ou antécédents médicaux de traitement (dans les 6 derniers mois avant l'inscription) avec des médicaments considérés comme agissant sur le poids corporel tels que : - anticonvulsivants - thérapie anti-VIH - anti-TNFα - anticoagulants - Médicaments contre l'obésité approuvés par la FDA : o Phentermine (Adipex®, Suprenza®) o Diéthylpropion (Tenuate®) o Phendimétrazine (Bontril® PDM) o Benzphétamine (Regimex®, Didrex®) o Orlistat (Xenical®) o Phentermine/Topiramate (Qysmia®) o Liraglutide (Saxenda®) o Naltrexone-bupropion (Contrave®) 14. Traitement concomitant ou antécédents médicaux de traitement (dans les 2 derniers mois précédant l'inscription) avec des agents agissant sur la mobilité gastro-intestinale (laxatifs) indépendamment du mode d action, antibiotiques (oraux, intramusculaires, intraveineux). 15. Moins de 3 mois depuis le début de la contraception hormonale, c'est-à-dire la pilule contraceptive, le timbre contraceptif, l'anneau vaginal, l'implant contraceptif, l'hormonothérapie injectable à libération prolongée et les dispositifs intra-utérins hormonaux. 16. Changements significatifs des habitudes alimentaires ou de l'activité physique au cours des 6 derniers mois précédant l'inscription. 17. Antécédents médicaux ou personnels de troubles alimentaires. Consommation de plus de 3 verres standard de boisson alcoolisée par jour pour les hommes ou 2 verres standard par jour pour les femmes (un verre est défini comme 5 onces [150 ml] de vin ou 12 onces [360 ml] de bière ou 1,5 once [45 ml] d'alcool fort). 19. Patients ayant des antécédents récents (moins de 2 ans) de consommation excessive chronique d'alcool (≥ 20 g/jour) ou une indication clinique d'abus et de dépendance à l'alcool. 20. Consommation de drogues récréatives et/ou trouble de l'usage de substances au cours des 2 dernières années. 21. Fumeurs actuels ou anciens fumeurs, fumeurs de cigarettes électroniques ou utilisateurs de tout produit à base de nicotine (y compris les traitements de substitution à la nicotine) pendant la période de 3 mois précédant l'inclusion. 22. Personne sous protection juridique (tutelle, curatelle) ou privée de ses droits suite à une décision administrative ou judiciaire. 23. Présentant une incapacité psychologique ou linguistique à signer la ICF. c. Protocole de l’étude i. Objectifs et critères et de jugements de l’étude • Objectifs Primaires 1. Évaluer la sécurité et la tolérance de Xla1 chez des volontaires adultes sains (HV) [Partie 1], puis chez des adultes en surpoids et obèses de classe I [Partie 2]. Secondaires 1. Évaluer les effets de Xla1 sur l'écologie du microbiome intestinal des sujets. 2. Évaluer la prise de greffe de Xla1 dans le tractus gastro intestinal (TGI). Exploratoires 1. Évaluer les effets de Xla1 sur les mesures anthropométriques (poids corporel, IMC, tour de taille, rapport taille/hanche). 2. Évaluer les effets de Xla1 sur les paramètres métaboliques (métabolisme du glucose, profil lipidique). 3. Évaluer les effets de la1 sur les indicateurs de laboratoire des comorbidités liées à l'obésité. 4. Évaluer les effets de Xla1 sur les biomarqueurs de l'obésité. 5. • Critères de jugements de l’étude Primaires 1. Événements indésirables graves (EIG) tout au long de l'étude. 2. Événements indésirables (EI) et événements indésirables d'intérêt particulier (EISP) relatifs au TIG tout au long de l'étude. 3. Examens physiques et signes vitaux à chaque visite sur le site : - Pression artérielle (PA) - Température orale - Fréquence du pouls 4. Paramètres de laboratoire à chaque visite du site : - Panel chimique : albumine, protéines totales, aspartate aminotransférase (AST)/alanine aminotransférase (ALT)/gamma-glutamyl transférase (GGT), bilirubine, azote uréique du sang (BUN), acide urique, créatinine, clairance estimée de la créatinine selon la formule de Corckroft-Gault, Ca2+, PO43-, HCO3-, Na+, K+, Cl-) - Panel hématologique : formule sanguine complète (CBC) : globules rouges (RBC), volume corpusculaire moyen (MCV), hémoglobine corpusculaire moyenne (MCH), concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (MCHC), hémoglobine (Hb), hématocrite (HCT), plaquettes (PLT), globules blancs (WBC), vitesse de sédimentation des érythrocytes (ESR). - Marqueur de l'inflammation systémique : protéine C-réactive de haute sensibilité (hs CRP). 5. Macro-examen des selles (à l'aide de l'échelle des selles de Bristol). Secondaires 1. Composition du microbiote en utilisant le séquençage shotgun de la métagénomique complète. 2. Évaluation de la présence de Xla1 dans les selles pendant l'étude à l'aide d'amorces spécifiques de réaction en chaîne par mér ase quantitative (qPCR). Exploratoires 1. Poids corporel (kg) 2. IMC (kg/m2) 3. Tour de taille (cm) 107 4. Rapport taille/hanche (ratio) 5. Glycémie à jeun 6. Indicateurs de qualité de vie rapportés par le sujet et spécifiquement liés au poids : version courte du questionnaire SF-36 (181) et échelle visuelle analogique (VAS) de la satiété(182). 7. Profil lipidique : - Cholestérol total - Triglycérides - Lipoprotéine de haute densité (HDL) - Lipoprotéines de basse densité (LDL) - Rapport LDL/HDL 8. Métabolisme du glucose à jeun et postprandial du matin (y compris la sensibilité à l'insuline) : - Glycémie (à jeun, 15, 30, 45, 60 et 120 minutes postprandiales) - Hémoglobine glyquée, hémoglobine A1c (HbA1C [à jeun]) - Insuline sérique (à jeun, 15, 30, 45, 60 et 120 minutes postprandiales) - Évaluation du modèle homéostatique de la résistance à l' insuline ( HOMA-IR) (183) 9. Biomarqueurs d'obésité postprandiaux matinaux : - GLP-1 (à jeun, 15, 30, 45, 60 et 120 minutes postprandiales) - Leptine et adiponectine (à jeun) - Acides biliaires sériques (à jeun) 10. Analyse des selles : - Acides biliaires dans les selles - Acides gras à chaîne courte dans les selles 11. Marqueurs d'inflammation : facteur de nécrose tumorale α (hs-TNFα) et interleukine-6 (IL-6) à haute sensibilité. i i. Design de l’étude Cette étude a été conçue comme un premier essai clinique de phase I sur l'homme (FIH) évaluant la sécurité, la tolérance et l'impact sur le microbiote intestinal de Xla1. L'étude a été réalisée en 2 parties : - Partie 1 : Une phase 1 ouverte chez des volontaires adultes sains de poids normal recevant Xla1. 108 - Partie 2 : Une phase I randomisée, parallèle, en double aveugle, contrôlée par placebo chez des patients adultes en surpoids et obèses de classe 1 recevant soit Xla1 soit un placebo. L'étude a commencé par le recrutement de 8 volontaires sains (VS) et l'administration de Xla1 en 2 ensembles de 4 individus chacun, recrutés à intervalles de 2 semaines (Partie 1). Les 4 premiers VS ont reçu Xla1 pendant une période de 2 semaines, si l'investigateur et le représentant médical du sponsor ont convenu qu'aucun signal de sécurité n'a été identifié après 2 semaines de traitement et la fin de la visite d'étude, le deuxième ensemble de 4 VS a commencé exactement le même traitement (Figure 21). Figure 21. Design clinique de l'étude CAUSALITY Le screening des patients en surpoids et obèses (partie 2) a commencé après examen des données de sécurité recueillies dans les 2 semaines suivant le traitement de la première série de 4 VS. Dans la partie 2, 30 sujets ont été randomisés dans un rapport 2:1 pour recevoir des capsules de Xla1 ou de Placebo, en restant dans le régime de nutrition isocalorique (le régime de nutrition isocalorique exige que le sujet conserve le même apport calorique pendant l'étude qu'avant l'étude). Le sponsor, les sujets et les investigateurs sont restés en aveugle tout au long de l'étude. Les sujets ont été invités à remplir un journal quotidien tout au long de l'étude. La sécurité a été évaluée à partir du signalement des effets indésirables. Les sujets qui avaient satisfait à tous les critères d'éligibilité de l'étude se sont présentés sur le site afin de disposer de suffisamment de temps pour commencer le traitement le jour 1 109 (v1a/b). Le repas précédent le plus récent a été pris au moins 8 heures avant la prise du médicament à l'étude. Les sujets pouvaient manger dans les 30 minutes la prise du médicament. Chaque sujet a reçu la première dose de Xla1 sur le site de l'étude et a continué à prendre Xla1 pendant 12 semaines. Les sujets sont revenus à la fin des semaines 1, 2, 4, 8, 12 et 16 avec une fenêtre de visite de ±2 jours. Lors de chaque visite sur le site (semaines 1, 2, 4 et 8), les sujets ont également reçu suffisamment de médicament pour couvrir leur dose quotidienne entre les visites. La gélule était prise à jeun avec un verre d'eau, idéalement 30 minutes avant le petitdéjeuner. La visite de la semaine 16 était une visite de suivi, 4 semaines après l'administration de la dernière dose de Xla1. iii. Sélection de la dose Par rapport à d'autres classes de médicaments, il n'existe pas d'approche spécifique pour déterminer la dose humaine d'un produit biothérapeutique vivant (LBP) sur la base de son développement préclinique. La FDA propose dans la directive "Estimating the Maximum Safe Starting Dose in Initial Clinical Trials for Therapeutics in Adult Healthy Volunteers" plusieurs approches pour convertir les doses des modèles animaux précliniques en essais cliniques humains (184). Cependant, ces indices de conversion sont basés sur des médicaments standard et ne s'appliquent pas à la spécificité du mode d'action des bactéries et à leur capacité inhérente à se reproduire dans l'hôte (biothérapies vivantes). De plus, la méthode générique prend en considération la distribution corporelle et ne tient pas compte de la compartimentation restreinte d'un LBP dans le GIT. Par conséquent, nous avons proposé une approche alternative pour estimer la dose équivalente humaine (DEH) du produit Xla1. La ligne directrice mentionnée ci-dessus propose dans la section 5.C.2 que les produits thérapeutiques administrés dans des compartiments anatomiques qui ont peu de distribution ultérieure en dehors du compartiment soient normalisés entre les espèces en fonction de la taille du volume du compartiment et des concentrations du produit thérapeutique. Nous avons suivi cette ligne directrice en utilisant une portion pertinente du TGI et avons proposé d'utiliser la surface des organes comme référence. Pour affecter l'hôte, le microbiome doit interagir avec la surface du TGI, et la seule présence dans le compartiment GI ne garantit pas une interaction réussie. 110 À notre connaissance, aucune donnée sur la distribution de C. minuta le long du compartiment GI humain n'est disponible et l'ensemble du GI a été considéré pour la détermination du rapport de dose. Les données utilisées pour transposer notre dose animale à l'essai du DFI sont basées sur les études de Hugenholtz et de Vos, 2018, Casteleyn et al, 2010, et Helander et Fändriks, 2014 (185–187). Les auteurs ont comparé le TGI et ses sous-sections entre les souris et les humains. Ils ont observé que la surface totale du TGI (y compris les microvillosités) est 25 fois plus grande chez l'homme que chez la souris, soit respectivement 35 m2 et 1,41 m2. La dose murine montrant une efficacité in vivo était de 150 μL/jour à 1010 UCF/mL. Cela correspond à 1,5 × 109 UCF administrées par jour et par animal. Pour calculer la DHA quotidienne de Xla1, YSOPIA Bioscience a multiplié cette dose par 25. Ainsi, sur la base des données accumulées sur la dose de travail classique chez les rongeurs, la DHM quotidienne finale à administrer serait de 3,75 × 1010 UCF/jour. Cependant, les résultats de l'étude d'escalade de dose ont montré que le produit actif présentait une magnitude d'efficacité similaire pour les 4 différentes doses testées (1,5 × 107 ; 1,5 × 108 ; 1,5 × 109 ; 1,5 × 1010 UCF/jour). Sur la base de ces données, nous avons considéré qu'une fourchette d'efficacité équivalente chez l'homme se situerait entre 3,75 × 108 et 3,75 × 1011 UCF/jour. Enfin, il est important de noter que la dose calculée avec cette méthode est conforme à la littérature la plus récente récapitulant les études cliniques à base de microbes (188) et à la fiche d'information des National Institutes of Health (NIH) destinée aux professionnels pour le dosage des probiotiques (189). Afin d'opérer de la manière la plus sûre dans cet essai, nous avons proposé d'utiliser une seule dose de Xla1 égale à 7 × 109 UCF/jour qui a été acceptée par la FDA. iv. Variables d’efficacité et de sécurité de Xla1 et collecte d’échantillons Afin de répondre au mieux aux objectifs et critères de jugement de l’étude, nous avons déterminé plusieurs variables et marqueurs d’intérêt pertinents au regard du contexte clinique. Il était important que les collectes puissent conserver l’intégrité des échantillons biologiques tout en s’alignant aux Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) (190,191). Et si les tests urinaires et sanguins sont des tests effectués en routine dans une étude clinique, les tests requérants de la matière fécale le sont moins. En effet, Xla1, en tant que biothérapie vivante ne passant pas la barrière intestinale, les échantillons fécaux sont précieux pour suivre la cinétique et en 111 particulier l’élimination de notre produit. De plus, d’autres analyses récentes comme la métagénomique et la métabolomique nécessitent cette même matrice. La matière fécale requière des conditions strictes de prélèvements et de conservation afin de préserver leur intégrité et il a été décidé que cette collecte s’effectuerait par le volontaire à son propre domicile. Il a donc fallu dans un premier temps élaborer un kit de prélèvement (voir Annexe 1), puis former et sensibiliser le personnel de la clinique de l’étude à cette collecte pour qu’ils puissent à leur tour le transmettre aux volontaires. Pour la partie 2 de l’étude, plusieurs marqueurs ont été étudiés afin d’évaluer l’efficacité du traitement. • Les marqueurs anthropologiques : différentes variables anthropométriques ont été mesurées comme le poids corporel, la taille, le tour de taille et le tour des hanches au jour 1, à la semaine 4, 8, 12 (fin du traitement) et 16 (suivi). Ces mesures ont permis le calcul de l’IMC ainsi que le ratio tour de taille/tour des hanches et ont été effectuées par Celerion. • Les marqueurs du profil lipidique : un profil lipidique a été établi, comprenant le cholestérol total, les triglycérides (TG), les HDL, les LDL et le rapport LDL/HDL. Le profil lipidique a été évalué le jour 1, la semaine 4, la semaine 8, la semaine 12 et la semaine 16 (suivi). L'analyse des échantillons de sang pour les profils lipidiques a été effectuée par Celerion. • Les marqueurs de métabolisme du glucose post-prandial et sensibilité à l’insuline : Le métabolisme du glucose a été évalué par hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) par des mesures de l’insulinémie et de la glycémie ainsi que de l’homeostatic model assessment for insulin resistance (HOMA-IR). Ce test imposait aux volontaires de venir le matin à jeun à la clinique pour faire un premier prélèvement, puis, un petit déjeuner leur était offert. L’HGPO a été effectué au jour 1, la semaine 8, la semaine 12 (fin du traitement) et la semaine 16 (suivi). L'hémoglocine glyquée (HbA1c) et l'HOMA-IR ont été évalués uniquement à jeun, tandis que la glycémie et l'insuline sérique ont été évaluées à jeun et à 15, 30, 45, 60 et 120 minutes postprandiales. L'analyse des échantillons de sang pour le métabolisme du glucose a été effectuée par Celerion. • Les marqueurs de l’obésité : les marqueurs de l’obésité ont été effectués au jour 1, la semaine 12 (fin du traitement) et à la semaine 16 (suivi) et comprenait les tests de laboratoire suivants : le glucagon-like peptide-1 (GLP-1), la leptine et 112 l’adiponectine (192). Il s’agit de trois hormones de satiété qui sont fréquemment diminuées chez les personnes en surpoids ou obèses. Le sang était prélevé le matin à jeun et jusqu’à 2 heures post prandiales (aux minutes 15, 30, 60 et 120). L'analyse des échantillons de sang pour les marqueurs de l’obésité ont été effectuée par un laboratoire externe à Celerion et YSOPIA. • Les marqueurs de l’inflammation : l’hyper-sensitivity C-reactive Protein (hs-CRP), l’hyper-sensitivity tumor necrotic factor alpha (hs-TNFa) ainsi que l’IL-6 ont été évalués pour permettre l’évaluation de l’état inflammation des volontaires. Il s’agit de cytokines pro-inflammatoires souvent associées à la pathogenèse de l’obésité et du diabète de type 2 (193). Alors que l’hs-CRP a été mesurée à toutes les visites par Celerion, l’IL-6 et l’hs-TNFa ont été mesurés dans un laboratoire externe à Celerion et YSOPIA. • La qualité de vie : l’évaluation de la qualité de vie des volontaires a été effectuée par la version courte du questionnaire SF-36 et par le VAS de la satiété. Le SF-36 est un questionnaire de 36 items rapportés par le sujet qui couvre 8 domaines de santé : fonctionnement physique, limitations de rôle dues à la santé physique, douleurs corporelles, santé générale, vitalité, fonctionnement social, limitations de rôle dues à des problèmes personnels ou émotionnels, et santé mentale. Les scores pour chaque domaine vont de 0 à 100, un score plus élevé définissant un état de santé plus favorable. Les scores des domaines de la santé ont été calculés en additionnant les réponses à un sousensemble de questions du questionnaire, puis transformés en une échelle de 0 à 100 en fonction des scores les plus bas et les plus élevés possibles pour le sous-ensemble de questions.
8,175
12/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01037903-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,996
15,938
administration : SHS-PE quipe d'accueil 3400 ARCHE THÈSE présentée par : Nicolas LEFORT soutenue le : samedi 28 septembre 2013 pour obtenir le grade de : Docteur de l'Université de Strasbourg Discipline/ Spécialité : HISTOIRE Patrimoine régional, administration nationale : la conservation des monuments historiques en Alsace de 1914 à 1964 Volume 1 THÈSE dirig ée par : M. François IGERSHEIM Professeur émérite Strasbourg. d'histoire de l'Alsace, Université de RAPPORTEURS : MME Catherine BERTHO LAVENIR Professeur d'histoire culturelle et des médias, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3. M. Laurent BARIDON Professeur d'histoire de l'art contemporain, Université Lumière Lyon 2. AUTRES MEMBRES DU JURY : M. Claude MULLER MME Arlette AUDUC MME Anne-Marie CHÂTELET Professeur d'histoire de l'Alsace, Université de Strasbourg. Agrégée d'histoire et docteur de l'EPHE. Conservateur en chef du patrimoine, chef du service patrimoines et inventaire de la Région Île-de-France. Professeur d'histoire et de culture architecturales, École nationale supérieure d'architecture de Strasbourg. 3 Remerciements Je remercie d'abord M. François Igersheim d'avoir accepté de diriger ce travail et de m'avoir apporté ses conseils durant ces six années de recherches et d'écriture. Je remercie également Mme Anne-Marie Châtelet de m'avoir invité à participer à son séminaire à l'École nationale supérieure d'architecture de Strasbourg et à M. Franck Storne de m'avoir ouvert les archives de cette École. Je remercie le ministère de la culture, direction générale des patrimoines, de m'avoir apporté son soutien financier au titre de l'année 2011 ; M. Jean-Daniel Pariset de m'avoir autorisé à utiliser les photographies de la Base Mémoire pour illustrer ce travail ; M. Alain Hauss et M. Simon Piéchaud de m'avoir permis de consulter les archives de la DRAC Alsace. Mes remerciements vont aussi au personnel des services d'archives et des bibliothèques où j'ai travaillé ces dernières années, en particulier la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, les Archives départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, et la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Je tiens à remercier tout particulièrement les personnes qui m'ont communiqué une partie des archives en leur possession : M. Bruno Gélis, M. Hugues Herz et M. François Monnet. Je remercie aussi M. Daniel Gaymard de m'avoir accordé un long entretien, M. Michel Spitz pour ses renseignements sur le mannswillerkopf, M. Jean-Paul Lingelser pour son accueil à la Société des amis de la cathédrale de Strasbourg, et M. Raymond Theiller pour ses renseignements. L'écriture d'une thèse est une aventure longue et difficile. Je remercie toutes les personnes qui m'ont apporté leur soutien et leurs encouragements au cours de ces dernières années : mes amis, mes collègues et ma famille. Je dédie cette thèse à ma compagne Julie Heitzler. Sans son appui et sa patience, ce travail n'aurait jamais pu aboutir. 5 Sommaire VOLUME 1 Sommaire 5 Remerciements 3 Introduction 11 Repères historiographiques 13 Notre enquête sur les monuments historiques d'Als ace de 1914 à 1964 18 Nos sources 20 re 1 partie. Les monuments historiques d'Alsace face au retour à la France 23 Chapitre 1. La protection des monuments et oeuvres d'art dans les territoires recouvrés de l'Alsace (1914-1919) 23 I. Les enjeux de la conservation des monuments historiques pendant la Grande Guerre (1914-1918) 24 II. Les premières mesures de protection de l'administration militaire française dans les territoires reconquis de l'Alsace (1914-1916) 30 III. Le service de protection et d'évacuation des monuments et oeuvres d'art du front est en Alsace (1917-1919) 34 IV. Le service de récupération des oeuvres d'art en Alsace (1918-1919) 45 Chapitre 2. Les monuments historiques et les sites d'Alsace et de Lorraine : un régime juridique particulier (1919-1925) 53 I. L'élaboration du régime des monuments historiques et des sites en France et en Alsace-Lorraine (1830-1918) 54 II. L'introduction particulière en Alsace et en Lorraine de la loi française de 1913 sur les monuments historiques : l'arrêté Millerand du 20 juin 1919 76 III. L'introduction de la législation sur les sites et la réglementation de l'affichage 102 IV. La législation sur l'urbanisme 114 Chapitre 3. La réorganisation des services d'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine (1918-1922) 121 I. L'organisation des services de l'architecture et des beaux-arts en Alsace-Lorraine et en France en 1918 122 II. L'organisation des services d'architecture et des beaux-arts d'Alsace-Lorraine après le retour à la France (1918-1922) 137 Chapitre 4. Inventorier, classer et protéger les monuments historiques, les objets mobiliers et les sites en Alsace après le retour à la France (1919-1925) 187 I. Les monument s classés, les monuments inscrits et l'inventaire en Alsace avant 1918 188 6 II. Les nouveaux classements, la réception de la liste Wolff et la pour suite de l'inventaire par la commission de l'architecture et des beaux-arts d' Alsace et de Lorraine (1919-1925) 197 III. Un cas : le classement et la protection des vestiges et souvenirs de guerre 206 IV. L'étude et le classement des monuments des XVIIe et XVIIIe siècles « français » 219 V. Une administration impuissante à protéger les objets et oeuvres d'art d'Alsace? 232 VI. Les commissions départementales des sites et monuments naturels de caractère artistique de la loi de 1906 238 VII. Le rôle des associations régionales de protection 246 Chapitre 5. Les monuments historiques dans le budget d'Alsace et de Lorraine : les crédits des Beaux-Arts et des Cultes (1919-1925) 255 I. Le budget des Beaux-Arts d'Alsace et de Lorraine (1919-1924) 256 II. L'apport du budget des Cultes d'Alsace et de Lorraine (1919-1925) 270 III. L'absence de crédits départementaux en faveur des monuments historiques (19191925) 276 Chapitre 6. La restauration des monuments historiques de l'Alsace et sa réception après 1918 278 I. La réception des restaurations de monuments historiques de l'Alsace antérieures à 1918 280 II. L'achèvement des travaux du pilier nord de la cathédrale de Strasbourg 293 III. Des dommages de guerre concentrés dans le Haut-Rhin 297 IV. Le cadre de la reconstruction en Alsace 303 V. La restauration des monuments historiques endommagés par la guerre dans le Haut-Rhin 307 VI. La reconstitution de l'aspect traditionnel des villes et villages d'Alsace endommagés par la guerre 325 Chapitre 7. La construction d'un lieu de mémoire : le monument national de l'Hartmannswillerkopf (Vieil-Armand) 332 I. L'administration des Beaux-Arts face au tourisme de guerre sur le front d'Alsace 332 II. L'administration des Beaux-Arts face à la multiplication des projets de monuments commémoratifs au Hartmannswillerkopf 337 III. Le plan d'ensemble de l'architecte Paul Gélis (avril 1921) 352 IV. Les travaux du service des monuments historiques au Hartmannswillerkopf (été 1921) 359 V. Le projet de l'architecte Robert Danis (1922-1925) 363 e 2 partie . La centralisation à Paris (1925-19 39) 379 Chapitre 8. Le rattachement des services de l'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine à Paris (1921-1925) 379 7 I. Un rattachement envisagé dès la préparation du budget de 1922 379 II. La défense de la direction de l'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine 381 III. Le débat autour du rattachement 383 IV. L'étude des modalités du rattachement 386 V. L'organisation provisoire en vue du rattachement (janvier-février 1923) VI. Le décret de rattachement (19 avril 1923) 396 VII. Les différents projets de réorganisation des services d'architecture et des beauxarts et le maintien de l'organisation provisoire 398 VIII. Des fonctionnaires germanophiles à la direction de l'architecture et des beauxarts? 408 IX. Une série de critiques à l'encontre des services de l'architecture et des beaux-arts 409 X. L'incorporation du personnel dans les cadres généraux de l'administration des beaux-arts 411 XI. La fin du régime transitoire (1925) 414 Chapitre 9. Les réformes des services d'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine après leur rattachement à Paris (1926-1940) 416 I. La transformation du bureau de liaison en section de bureau des monuments historiques (1927-1929) 416 II. Les difficultés du service d'architecture des bâtiments publics (1927-1929) 418 III. La création de deux postes d'inspecteurs des monuments historiques chargés de l'inventaire supplémentaire (1929-1930) 423 IV. Les services d'architecture d'Alsace-Lorraine face aux restrictions financières (1933-1934) 425 V. Une institution locale en débat : architectes agréés et contrôle des travaux communaux (1933-1939) 438 VI. Au service d'architecture des monuments historiques : le remplacement de Robert Danis par Paul Gélis (1937-1939) 451 VII. La transformation de la section de bureau des monuments historiques en service administratif des Beaux-Arts (1939-1940) 452 Chapitre 10. Régularisation, évolution et lacunes du régime des monuments historiques et des sites d'Alsace et de Lorraine jusqu'en 1939 455 I. L'évolution du régime français des monuments historiques après 1918 456 II. La régularisation législative incomplète en Alsace et en Lorraine 459 III. La nouvelle loi sur les monuments naturels et les sites (2 mai 1930) 475 III. La nouvelle réglementation relative à l'affichage 483 Chapitre 11. La protection des monuments historiques et des sites d'Alsace après la centralisation à Paris (1925-1939) 490 I. La commission des monuments historiques à Paris (1925-1939) 491 8 II. Le classement et l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en Alsace de 1926 à 1939 494 III. La protection du Vieux Strasbourg 512 IV. Le conflit entre le service des monuments historiques et la fondation de l'OEuvre Notre-Dame relatif aux travaux de la cathédrale (1925-1938) 540 V. La lutte contre les curés embellisseurs : l'église de Niederhaslach (1925-1930) 553 VI. La protection des monuments naturels et des sites d'Alsace 555 Chapitre 12. La « grande pitié » du budget des monuments historiques d'Alsace (19251939) 573 I . Le budget des monuments historique s de l'État après le rattachement 573 II. Les crédits budget des Cultes d' Alsace et de Lorraine : un maigre complément pour les monuments historiques 589 III. Les fonds de concours des communes 592 IV. Les fonds de concours départementaux pour les monuments historiques et les édifices cultuels 597 V. La répartition des crédits : le rôle des commissions départementales 630 VI. Un bilan des travaux de l'entre-deux-guerres : des chantiers nombreux mais de faible importance 653 VOLUME 2 3e partie. Les monuments historiques d'Alsace, la Deuxième Guerre mondiale et la Reconstruction 657 Chapitre 13. Les monuments historiques d'Alsace dans la Deuxième Guerre mondiale 657 I. Les monuments historiques d'Alsace et la marche à la guerre (1935-1939) 658 II. Les monuments historiques d'Alsace dans la guerre (septembre 1939 – juin 1940) 664 III. Les services des Beaux-Arts d'Alsace et de Lorraine repliés en Dordogne 674 IV. Les monuments historiques en Alsace annexée de fait (1940-1944) 678 V. Les dommages de guerre 688 Chapitre 14. La réorganisation des services d'architecture et des beaux-arts d'Alsace de 1945 à 1964 : des monuments historiques aux bâtiments de France 692 I. La réorganisation des services centraux et de leur échelon administratif régional 692 II. L'épuration dans les services d'architecture d'Alsace et de Lorraine 695 III. L'organisation d'un service des antiquités et objets d'art en Alsace 697 IV. Le contrôle des fouilles archéologiques 706 V. Le service des sites, perspectives et paysages 711 VI. La réorganisation du service d'architecture des monuments historiques d'Alsace 714 9 VII. Une grande réforme inspirée du modèle alsacien-lorrain : la création du corps des architectes et des agences des bâtiments de France 729 VIII. Le contrôle des travaux aux édifices cultuels d'Alsace : des bâtiments civils aux monuments historiques 742 IX. La crise de l'agence départementale des monuments historiques du Haut-Rhin 747 X. Un alignement progressif des agences du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle sur le reste de la France ou l'inverse? 754 XI. Le nouvel échelon régional de la direction de l'architecture : la conservation des bâtiments de France de Strasbourg 759 Chapitre 15. Le retour des pénuries budgétaires et la recherche de nouveaux modes de gestion des crédits (1945-1964) 766 I. Le budget des monuments historiques de l'État 766 II. Le service des monuments historiques face à la pénurie 775 III. La planification et les lois de programme 781 IV. Le budget des Cultes de l'État 794 V. Les crédits départementaux pour les édifices cultuels du Bas-Rhin et du Haut - Rhin 797 VIII. Les fonds de concours départementaux pour l'entretien des monuments historiques dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin 819 Chapitre 16. La deuxième reconstruction d'après-guerre en Alsace 843 I. La nouvelle législation sur les monuments historiques 844 II. La Reconstruction : nouveau ministère et nouvelle loi 850 III. Les défis de l'après-guerre 851 IV. Les étapes de la reconstruction 859 V. Les choix du service en matière d'architecture 882 Chapitre 17. Recensement et protection des monuments historiques d'Alsace après la Seconde Guerre mondiale (1945-1964) 904 I. De l'inventaire des monuments historiques à l'inventaire général du patrimoine. 905 II. Les nouvelles mesures de protection 929 III. Une politique de protection issue de la Seconde Guerre mondiale 937 III. Les objets mobiliers 960 Chapitre 18. Monuments historiques, sites et urbanisme en Alsace : le tournant des années 1960 964 I. L'abrogation jurisprudentielle de la réglementation locale relative à l'affichage (1961) 965 II. La protection des abords 969 III. Les sites 978 IV. Les secteurs sauvegardés 983 Conclusion générale 1003 Sources 1011 10 Bibliographie 1052 Annexes 1097 Index des noms de personnes 1170 Index des noms de lieux (monuments et sites) 1184 Table des tableaux 1195 Table des graphiques 1198 Table des illustrations 1200 Table des matières 1207 11 Introduction « Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques 1. » La formulation de l'article 1er de la loi française du 31 décembre 1913 contraste apparemment avec celle du professeur d'histoire de l'art de l'Université de Strasbourg, Georg Dehio, initiateur du nouvel inventaire scientifique des monuments de l'Alsace et de la Lorraine et auteur de son exposé des motifs, longuement évoquée lors du débat au Parlement régional d'Alsace et de Lorraine de 1912 : « Nous ne conservons pas un monument parce que nous le croyons beau, mais parce que c'est un élément de notre existence nationale. La conservation des monuments historiques ne procède pas du plaisir esthétique, mais d'un devoir de piété 2. » Et pourtant, avec la notion souple et changeante « d'intérêt public » de la loi française, les deux définitions expriment une même réalité : c'est celui qui classe qui décide de l'intérêt « public » – nécessairement national? – du « monument historique. » Si celui qui classe est en dernière instance l'État, ce n'est pas lui qui décide seul de l'intérêt public de protéger un monument, et l'intérêt « national » est susceptible de définitions plus ou moins larges. Une constante cependant, la nécessité de tenir compte, voire de s'inspirer des « piétés » locales et régionales, quand elles ne sont pas en conflit avec l'intérêt national que définit l'État. C'est ainsi que l'on a procédé dès les premiers classements de la Monarchie de Juillet. Et l'expérience de la vie dans un État fédéral qu'ont connue l'Alsace et la Lorraine de 1871 à 1918 ne garantit pas nécessairement la prise en compte des intérêts locaux et provinciaux par une bureaucratie gouvernementale recrutée à l'extérieur. Cependant, l'Alsace et la Lorraine avaient connu un régime largement décentralisé, où les députés, les conseillers généraux et les municipalités pesaient fortement sur les décisions politiques et administratives, où les grandes lignes des budgets et des comptes 1 Journal officiel de la Ré publique française, Lois et décrets , dimanche 4 janvier 1914, p. 130. Loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, article 1er. 2 Georg Dehio, Denkmalschutz und Denkmalpflege im neunzehnten Jahrhundert, Rede zur Feier des Geburstages Sr. Majestät des Kaisers gehalten in der Aula der Kaiser-Wilhelms- Universität Strass burg , Strasbourg, He itz und Mündel , 1905, 25 p. Sur l'histoire de l'inventaire Dehio, voir François Ig ersheim , L' Als ace et ses historiens, 1680-1914, La fabri que des monument s , Strasbourg, Presse s universit aires de Strasbourg , 2006 , p. 425 - 426 . 12 locaux et régionaux dépendaient largement de leur vote, déterminé par les pressions des collectivités et des associations. Cela était aussi le cas pour les monuments historiques. Après le retour à la France de 1918-1919, l'Alsace et la Lorraine tenaient à conserver cette capacité d'influer sur les décisions de l'État centralisé où elles reprenaient leur place. Le député du Bas-Rhin Eugène Muller, professeur à la Faculté de Théologie catholique de Strasbourg, intervint longuement à la Chambre, lors de la discussion du budget des beaux-arts de 1923, pour réclamer la régionalisation du service des monuments historiques afin d'en améliorer fonctionnement, d'en augmenter les ressources financières et de développer les initiatives locales pour la conservation des monuments 3. Ancien président de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, député au Parlement d'Alsace-Lorraine et cheville ouvrière de sa commission de l'éducation et de la culture, membre de l'ancienne commission des bâtiments civils du Reichsland d'Alsace-Lorraine (Landesbaukommission) qui avait été créée en 1908, de la commission de l'architecture et des beaux-arts d'Alsace de Lorraine de 1919 à 1925, et de la commission des monuments historiques à partir de 1923, le député Eugène Muller avait pu comparer les avantages et les inconvénients de l'organisation fortement centralisée du service des monuments historiques en France et de l'organisation régionale de la Denkmalpflege qui s'était mise en place en Alsace et en Lorraine au tournant des XIXe et XXe siècles. Au moment où Muller prit la parole à la Chambre, le gouvernement français était en train de préparer la centralisation des services d'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine au ministère de l'instruction publique et des beaux-arts à Paris. Or, coexistant avec un droit allemand pénal, commercial, civil, etc., progressivement introduit, l'Alsace et la Lorraine avaient conservé le régime des cultes hérité de la France, qui s'appliquait aussi aux nombreuses églises classées et à leurs objets d'art. Elles disposaient également d'une législation locale en matière de protection des sites. Certaines institutions, telles que les archives régionales des monuments historiques d'Alsace-Lorraine (Denkmalarchiv), n'avaient pas d'équivalent en France. On peut donc se demander quelle législation et quelle pratique administrative de la conservation des monuments historiques le gouvernement français appliqua-t-il en Alsace et en Lorraine recouvrées? Quelle autonomie fut laissée aux départements, aux municipalités et aux associations pour la conservation de leurs monuments? Quelles institutions particulières à l'Alsace et à la Lorraine furent conservées et éventuellement 3 Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des députés, 12 décembre 1922, p. 4054. 13 étendues au reste de la France? Enfin, comment l'intervention du service des monuments historiques en Alsace fut-elle reçue par les élus et par l'opinion? Repères historiographiques Créé en 1830, le service des monuments historiques n'est devenu un objet d'étude que tardivement. Son histoire est désormais bien connue 4. Elle fut d'abord écrite par ses propres administrateurs qui cherchaient ainsi à en légitimer l'existence et le développement. En 1917, le chef des services d'architecture Paul Léon publia Les monuments historiques, Conservation, restauration ouvrage dans lequel il retraçait l'histoire des monuments historiques de leurs origines prérévolutionnaires à la veille de la Première Guerre mondiale. Il y décrivait la création, l'organisation et les réalisations du service 5. Paul Léon occupa le poste de directeur des beaux-arts de 1919 à 1932. Son ouvrage fut augmenté en 1951 pour intégrer l'évolution de la législation depuis la loi de 1913, les dommages des deux guerres mondiales et leur réparation 6. En 1926, le chef du bureau des monuments historiques Paul Verdier publia La protection des monuments historiques en France 7, puis en 1934, une étude d'histoire administrative plus étoffée pour le Congrès archéologique de France, qui célébrait alors le centenaire du service des monuments historiques et de la Société française d'archéologie 8. L'histoire critique du service des monuments historiques se développa après le tournant que constituèrent l'Année européenne du patrimoine (1975) et l'Année du patrimoine en France (1980). Dans un article célèbre paru dans la Revue de l'Art, JeanPierre Babelon et André Chastel s'interrogèrent, les premiers, sur l'émergence et la 4 Voir le bilan historiographique établi par Arlette Auduc, Quand les monuments construisaient la nation, Le service des monuments historiques de 1830 à 1940, Paris, Comité d'histoire du ministère de la culture, 2008 (Travaux et documents n°25), p. 13-18. Voir également mon rapport d'étape : Nicolas Lefort, La conservation des monuments historiques en Alsace de 1919 à 1959, mémoire pour le diplôme d'études approfondies « arts, histoire et civilisations de l'Europe » sous la direction de François Igersheim, université Marc Bloch, Strasbourg, 2004, 261 p. dactyl. 5 Paul Léon, Les monuments historiques, Conservation, restauration, Paris, Henri Laurens, 1917, 380 p. 6 Paul Léon, La vie des monuments français, Destruction, restauration, Paris, Picard, 1951, 584 p. 7 Paul Verdier, La protection des monuments historiques, Paris, Touring-Club de France, 1926 (Comité des sites et monuments), 61 p. 8 Paul Verdier, « Le service des monuments historiques, Son histoire, Organisation, administration, législation (1830-1934) », dans Société française d'archéologie, Centenaire du service des monuments historiques et de la Société française d'archéologie, Congrès archéologique de France, XCVIIe session tenue à Paris en 1934, tome 1, Paris, Picard, 1936, p. 53-286, 14 définition de la notion de patrimoine 9. François e Bercé s'intéressa au rôle des sociétés savantes dans la conservation des monuments 10. Elle publia les premier s procès-verbaux de la commission des monuments historiques et les relevés des architect du service 11. Puis elle consacra un ouvrage aux chantiers de restauration de monuments historiques 12. JeanMichel Leniaud voua sa thèse d'École des chartes à l'architecte des édifices diocésains Jean-Baptiste Lassus 13, puis sa thèse de doctorat au service des édifices diocésains 14, ainsi que plusieurs essais au patrimoine 15. Dans Les lieux de mémoires publiés sous la direction de Pierre Nora en 1984, sept contributions portèrent sur la notion de patrimoine, les acteurs et les institutions de sa connaissance et de sa conservation au XIXe siècle 16. Dominique Poulot revint sur « la naissance du monument historique 17. » Les années 1990 et 2000 virent la multiplication des études consacrées aux politiques du patrimoine. Depuis 1993, le comité d'histoire du ministère de la culture réunit des historiens et des administrateurs du patrimoine. Son séminaire sur les politiques du patrimoine aboutit en 2003 à la publication d'un ouvrage collectif riche d'une trentaine de contributions intégrant pleinement le XXe siècle 18. Les grandes thèses qui posèrent les jalons de l'histoire du service des monuments historiques étaient alors en cours d'écriture. La thèse de l'EPHE d'Arlette Auduc retraça, à partir des archives administratives et des journaux officiels, l'histoire institutionnelle du service des monuments historiques de sa 9 Jean-Pierre Babelon et André Chastel, « La notion de patrimoine », dans Revue de l'Art, 49, 1980, p. 5-32 ; repris dans Jean-Pierre Babelon et André-Chastel, La notion de patrimoine, Paris, Éditions Liana Levi, 1994, 141 p. 10 Françoise Bercé, « Les sociétés savantes et la protection du patrimoine monumental », dans Actes du 100e Congrès national des sociétés savantes, Paris, CTHS, 1976, p. 155-167. 11 Françoise Bercé, Les premiers travaux de la commission des monuments historiques, 1837-1848, Procèsverbaux et relevés d'architectes, Paris, A. et J. Picard, 1979 (Bibliothèque de la sauvegarde l'art français), 452 p. 12 Françoise Bercé, Des monuments historiques au patrimoine du XVIIIe siècle à nos jours ou « Les égarement du coeur et de l'esprit », Paris, Flammarion, 2000, 226 p. 13 Jean-Michel Leniaud, Jean-Baptiste Lassus (1807-1857) ou le temps retrouvé des cathédrales, Paris, Société française d'archéologie, 1980 (Bibliothèque de la Société française d'archéologie, 12), 296 p. 14 Jean-Michel Leniaud, Les cathédrales au XIXe siècle, Étude du service des édifices diocésains, Paris, Economica 1993, 984 p. 15 Jean-Michel Leniaud, L'utopie française, Essai sur le patrimoine, Paris, Mengès, 1992, 181 p. Jean-Michel Leniaud, Les archipels du passé, Le patrimoine et son histoire, Paris, Fayard, 2002, 361 p. 16 Pierre Nora, dir., Les lieux de mémoire, 3 tomes, Paris, Gallimard, 1997 (Quarto), 4755 p. « La notion de patrimoine » (André Chastel), « Naissance des musées de province » (Édouard Pommier), « Alexandre Lenoir et les musées des monuments français » (Dominique Poulot), « Arcisse de Caumont et les sociétés savantes » (Françoise Bercé), « Guizot et les institutions de mémoire » (Laurent Théis), « Mérimée et l'inspection des monuments historiques » (André Fermigier), « Viollet-le-Duc et la restauration » (Bruno Foucart). 17 Dominique Poulot, « Naissance du monument historique », dans Revue d'histoire moderne et contemporaine, XXXII, juillet-septembre 1985, p. 418-450. 19. La thèse de Patrice Gourbin étudia l'organisation du service des monuments historiques sous le régime de Vichy et la IVe République, la grande réforme des bâtiments de France, dont il évoqua les origines alsaciennes et lorraines, et les problèmes d'architecture et d'urbanisme liés aux destructions de la Seconde Guerre mondiale 20. La thèse d'École des chartes de Xavier Laurent s'intéressa à la politique du patrimoine monumental d'André Malraux à Jacques Duhamel (1959-1973) : la planification et les lois de programme, la politique des sites et des abords, les secteurs sauvegardés, la naissance de l'Inventaire et l'élargissement du champ d'intervention patrimonial 21. Il voua également un article aux relations entre l'État et les collectivités locales dans la conservation des monuments historiques 22. Les principaux jalons ont donc été posés. Mais cette histoire du service des monuments historiques, vue de Paris, ne rend pas compte des particularités régionales, départementales et locales qu'il reste largement à explorer. En Alsace, le colloque de Strasbourg en 2004, « Monuments historiques, Denkmalpflege, et image des lieux de mémoire en France et en Allemagne », permit de faire le point 23. En 2006, François Igersheim publia sa somme historiographique sur L'Alsace et ses historiens de 1680 à 1914 24. Il y étudiait le développement de la sensibilité aux monuments puis aux sites et aux paysages, les débuts de la conservation des monuments historiques, la naissance et le rôle de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, et après 1870, 'organisation de la Denkmalpflege sur le modèle allemand. Son séminaire d'histoire de l'Alsace fut le cadre de nombreuses études sur le patrimoine régional. L'histoire de la conservation des monuments historiques en Alsace au XXe siècle restait presque entièrement à écrire. En 1930, le juriste Gabriel Vernhette s'étonnait des 19 Arlette Auduc, Quand les monuments construisaient la nation, Le service des monuments historiques de 1830 à 1940, Paris, Comité d'histoire du ministère de la culture, 2008 (Travaux et documents n°25), 640 p. Notre compte-rendu dans Revue d'Alsace, 135, 2009, p. 499-502. 20 Patrice Gourbin, Les monuments historiques de 1940 à 1959, Administration, architecture, urbanisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008 (Art & Société), 286 p. Notre compte-rendu dans Revue d'Alsace, 134, 2008, p. 474-477. 21 Xavier Laurent, Grandeur et misère du patrimoine d'André Malraux à Jacques Duhamel (1959-1973), Paris, 2003 (Mémoires et documents de l'École des chartes n°70, Travaux et documents du comité d'histoire du ministère de la culture n°15), 380 p. 22 Xavier Laurent, « Les monuments historiques, l'État et les collectivités locales : partenariat ou tutelle? », dans Philippe Poirrier et René Rizzardo, dir., La coopération entre le ministère de la culture et les collectivités territoriales (1959-2009), Paris, Comité d'histoire du ministère de la culture, 2009 (Travaux et documents n°26), p. 239-259. 23 Monuments et paysages d'Alsace entre France et Allemagne (= Revue d'Alsace, 131, 2005), 667 p. 24 François Igersheim, L'Alsace et ses historiens, 1680-1914, La fabrique des monuments, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2006, 524 p. 16 spécificités du régime alsaci en et lor rain de conservation des monuments historiques et avouait ne pas les comprendre 25. En 1952, Robert Brichet consacra quelques pages de son étude sur le régime des monuments historiques au statut particulier des monuments historiques d'Alsace et de la fondation de l'OEuvre Notre-Dame chargée de la conservation de la cathédrale de Strasbourg 26. En 1937, l'inspecteur des monuments historiques d'Alsace Paul Lechten dressa un bilan de l'activité de l'administration des beaux-arts en Alsace depuis le retour à la France en 1918 27. Son étude cherchait à montrer que, malgré la pénurie des crédits, le service des monuments historique s était parvenu à entretenir les 250 monuments classés que comptait alors la région, à restaurer les plus emblématiques d'entre eux, et à développer leur connaissance par l'organisation d'expositions et des publications. À partir du milieu des années 1970, plusieurs articles furent consacrés à l'architecte allemand Johann Knauth, tantôt qualifié de « sauveur » de la cathédrale de Strasbourg, tantôt présenté comme un « martyr » de l'administration française en raison de son expulsion en 192128. Un récent mémoire de master a porté sur l'architecte Robert Danis 29, directeur des services d'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine de 1919 à 1925, architecte en chef des bâtiments civils, palais nationaux et monuments historiques d'Alsace durant l'entre-deux-guerres, puis directeur général de l'architecture à la Libération. Les autres architectes du service des monuments historiques d'Alsace restent très mal connus malgré la stature nationale, voire internationale de certains d'entre eux 30. Marie-Noële Denis a mené l'enquête sur le rôle de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace dans la définition et la protection du patrimoine 25 Gabriel Vernhette, La protection des monuments historiques et des objets d'art en France et en Italie, thèse de droit, Lyon, 1930, 151 p. 26 Robert Brichet, Le régime des monuments historiques en France, Paris, Librairies techniques, Librairie de la Cour de cassation, 1952, 237 p. 27 Paul Lechten, « L'oeuvre de l'administration des beaux-arts », dans L'Alsace depuis son retour à la France, premier supplément, Strasbourg, Comité alsacien d'études et d'informations, 1937, p. 124-156. 28 Jean-Richard Haeusser, « À la mémoire de Johann Knauth (1864-1924), dans Bulletin de la Société des Amis de la cathédrale de Strasbourg, 2e série, XI, 1974, p. 10-13. Jean-Richard Haeusser, « En l'honneur d'un grand architecte de l'OEuvre Notre-Dame : Johann Knauth », dans Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, XII, 1976, p. 83-85. H. Hering et A. Schimpf, « Les travaux de consolidation du pilier supportant la tour de la cathédrale de Strasbourg, conduits par Johann Knauth et Charles Pierre », dans Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, XIII, 1978, p. 7-40. François Uberfill, « Johann Knauth, dernier architecte allemand de l'OEuvre Notre-Dame (1905-1920) : un destin tragique », dans Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, XXVI, 2004, p. 53-70. 29 Claire Johann, Robert Danis, 1879-1949, Un architecte entre monuments historiques et palais nationaux, de Paris à Paul Gélis, qui fut à l'origine de la protection du village de Pérouges et du quartier Saint-Jean à Lyon, auteur de la reconstruction de Bergues, n'a fait l'objet d'aucune étude jusqu'à ce jour. De même pour Bertrand Monnet, qui fut pourtant président de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques, invité à donner des conférences à l'étranger et décoré par le Saint-Siège de l'ordre de SaintGrégoire-le-Grand pour son oeuvre de restauration de la cathédrale de Strasbourg et de reconstruction des églises d'Alsace. 17 régional 31. Des études partielles ont été consacrées à la protection et à la mise en valeur des vestiges et souvenirs de guerre de la Première Guerre mondiale 32. Le cas du champ de bataille du Linge est désormais traité 33, celui de l'Hartmannswillerkopf restait en grande partie à écrire, bien qu'il ait récemment attiré l'attention 34. La protection des sites et paysages des Vosges a fait l'objet de notre étude en 2006 35. La politique patrimoniale du département du Haut-Rhin dans l'entre-deux-guerres a été esquissée dans mon mémoire de maîtrise 36, celle du Bas-Rhin dans un mémoire de première année de master 37. Elle restait entièrement à écrire pour l'après Seconde Guerre mondiale. Pour la période de l'annexion de fait à l'Allemagne nazie (1940-1944), seule la politique des fouilles archéologiques est bien connue 38 : il y aurait encore beaucoup à dire sur le Landesdenkmalamt et son chef, le Dr. Joseph Schlippe. La période de la reconstruction a été peu étudiée. En 1970, l'architecte en chef des monuments historiques Bertrand Monnet livra un rapide bilan de l'action du service des monuments historiques en Alsace depuis la Libération 39. Depuis quelques années, le séminaire d'Anne-Marie Châtelet à l'École nationale supérieure d'architecture de Strasbourg est le cadre de recherches sur la reconstruction qui ouvrent des perspectives 40. 31 Marie-Noële Denis, « La Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace aux origines de la notion de patrimoine régional », dans Cahiers alsaciens d'archéologie, d'art et d'histoire, XLI, 1998, p. 141-155. 32 André Claverie, « L'éthique d'un classement de monuments historiques commémorant la guerre 19141918 en Alsace », dans Dialogues transvosgiens entre les trois régions Alsace/Franche-Comté/Lorraine, Aspects d'hier et d'aujourd'hui, 10, 1995, p. 121-127. 33 Florian Hensel Le Lingekopf, De 1915 à nos jours, Destruction – Remise en état – Revalorisation d'un champ de bataille alsacien de la Première Guerre mondiale, Colmar, Jérôme Do Bentzinger Éditeur, 2013, 267 p. 34 Thierry Ehret, « Hartmannswillerkopf : un monument national de la Grande Guerre », dans Guerres mondiales et conflits contemporains, 235, 3-2009, p. 61-73. L'architecte Michel Spitz a bien voulu nous communiquer son rapport diagnostic sur le monument national de l'Hartmannswillerkopf. 35 Nicolas Lefort, « La protection des paysages dans les Vosges (1923-1939) », dans Revue d'Alsace, 132, 2006, p. 283-317. 36 Nicolas Lefort, La conservation des monuments historiques dans le Haut-Rhin de 1919 à 1939 : continuité et innovations, mémoire de maîtrise en histoire sous la direction de François Igersheim, université Marc Bloch, 2 tomes, Strasbourg, 2003, 220 p. dactyl. Notre enquête sur les monuments historiques d'Alsace de 1914 à 1964 La présente enquête porte sur l'évolution législative, l'organisation administrative, le budget, la politique de protection et les réalisations concrètes du service des monuments historiques en Alsace, ainsi que sur la politique des départements du Bas-Rhin et du HautRhin en faveur du patrimoine monumental, y compris les édifices cultuels non protégés au titre des monuments historiques. Le plan chronologique s'est imposé pour rendre compte des continuités et des ruptures. Il est divisé en trois parties chronologiquement inégales, mais relativement équilibrées dans le texte. Les bornes chronologiques de notre étude n'avaient rien d'évident au départ. 1914 a été préféré à 1918 pour pouvoir évoquer les mesures de protection des monuments historiques prises par l'administration militaire française dans la partie de la Haute Alsace que la France occupa dès août 1914, le fonctionnement du service de protection et d'évacuation des monuments et oeuvres d'art, et surtout, les réflexions de la Conférence d'Alsace-Lorraine sur le régime des monuments historiques à appliquer aux territoires supérieure d'architecture de Strasbourg, Strasbourg, 2012, 75 p. dactyl . Travaux en cours sur la reconstruction de l'Ancienne Douane et la reconstruction du quartier Gutenberg à Strasbourg. 41 L'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France (= Saisons d'Alsace, 33-34, 1970), 199 p. 42 Jean-Philippe Meyer, « Le service de l'inventaire du patrimoine culturel et sa documentation », dans Revue d'Alsace, 134, 2008, p. 389-417. 43 Marie Laurent, Le secteur sauvegardé de Strasbourg, plan de sauvegarde et de mise en valeur, mémoire de master sous la direction de François Igersheim, université Marc Bloch, Strasbourg, 2008, 240 p. Mémoire récompensé par la Société des Chauvin, Politique de du , Le cteur La période qui s'étend de 1914 à 1925 fut en effet celle du retour de l'Alsace et de la Lorraine à la France. Un commissariat général de la République fut créé à Strasbourg pour administrer les provinces recouvrées. Il introduisit en Alsace et en Lorraine la législation française sur les monuments historiques, les sites et l'affichage de manière particulière et incomplète. Il créa une direction de l'architecture et des beauxarts d'Alsace et de Lorraine qui réorganisa le service des monuments historiques d'Alsace et recruta de nombreux architectes. Une commission de l'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine fut recréée pour étudier les propositions de classement et les projets de restauration de monuments. Des commissions départementales furent chargées de la protection des sites et monuments naturels. On se préoccupa de réparer les dommages de guerre, de protéger et de mettre en valeur les sites de guerre de l'ancien front d'Alsace. L'année 1925 marqua une première rupture. Le commissariat général de la République, la direction et la commission de l'architecture et des beaux-arts d'Alsace et de Lorraine furent supprimés. L'organisation alsacienne et lorraine des services d'architecture fut maintenue mais le service des monuments historiques d'Alsace fut rattaché au ministère des beaux-arts. Les questions relatives aux monuments historiques d'Alsace furent centralisées à Paris par la commission des monuments historiques. L'introduction législative fut régularisée et étendue. Les anciens classements furent mis à jour et de nouvelles protections furent prononcées. Les crédits du budget d'Alsace et de Lorraine furent intégrés au budget général. Toutes ces mesures ne manquèrent pas de soulever des protestations et des difficultés. Les départements prirent le relai de l'ancienne région en votant des crédits pour les monuments historiques et les édifices cultuels. Le début de la Seconde Guerre mondiale constitua une seconde cassure. La guerre bouleversa le fonctionnement du service des monuments historiques d'Alsace. Après l'armistice de juin 1940, l'Alsace et la Moselle furent annexées de fait à l'Allemagne nazie. Les Allemands réorganisèrent un service de conservation des monuments historiques ou Landesdenkmalamt. Les bombardements alliés et les combats de la Libération causèrent de nombreux dommages dans les monuments historiques. À la Libération, la direction générale de l'architecture lança la grande réforme des « bâtiments de France » sur le modèle alsacien-lorrain. Les années 1950 et 1960 furent marquées par la reconstruction et ses difficultés. La tâche du service était immense, ses crédits très insuffisants. De nouveaux modes de gestion des crédits durent être mis au point. 20 Le choix du terminus ad quem de notre enquête a été plus difficile. Notre projet de départ allait jusqu'à la première décentralisation du début des années 1980. Il s'est avéré trop ambitieux. Par ailleurs, les archives relatives aux années 1970 et 1980 n'ont pas toutes été versées. Nos sources Notre enquête repose sur le dépouillement d'archives administratives et d'imprimés officiels. Les archives nationales se sont avérées peu intéressantes pour notre sujet. Seul le fonds de l'administration provisoire de l'AlsaceLorraine de 1914 à 1919 a été vraiment utile. En effet, le service des monuments historiques dispose de son propre dépôt d'archives : les fonds de la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine à Charenton-le-Pont ont permis d'étudier les questions relatives à la législation, à l'organisation, au personnel et au budget du service des monuments historiques, les débats de la commission supérieure des monuments historiques et de ses sous-commissions, et des exemples de chantiers de restauration. Les archives du service des monuments historiques d'Alsace ont été scindées en deux fonds départementaux en 1945 : ils ont été versés respectivement aux archives départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Ils renseignent sur l'organisation du service et sa pratique administrative quotidienne. Malheureusement, le fonds du Bas-Rhin est lacunaire et certaines archives se trouvent encore dans les services, au palais du Rhin à Strasbourg. De même, les archives générales de la conservation régionale des bâtiments de France n'ont pas encore été versées. Certains dossiers de personnels ont cependant pu être consultés directement dans les services. 21 Aux archives départementales du Bas-Rhin, les fonds du commissariat général de la République (1918-1925) et de la direction générale des services d'Alsace et de Lorraine (1918-1940) ont permis d'étudier la législation particulière aux départements recouvrés, les réorganisations des services après la Première Guerre mondiales, et les questions plus politiques. Les papiers des préfectures du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont également été consultés. Aux archives de la ville et de la communauté urbaine de Strasbourg, nous s dépouillé les archives de la direction des travaux municipaux, de la fondation de l'OEuvre Notre-Dame de la cathédrale de Strasbourg, et les papiers du chanoine Eugène Muller. Nous sommes allés à la recherche des archives personnelles des architectes des monuments historiques qui ont oeuvré en Alsace. Seuls les papiers de Bertrand Monnet (1910-1989) ont été versés à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Les papiers de Paul Gélis (1887-1975) ont été conservés par son petit-fils Bruno Gélis, architecte DPLG à Paris, qui a numérisé pour nous des documents biographiques, des pièces de correspondance et une collection de photographies des oeuvres de son grand-père. L'architecte des bâtiments de France Hugues Herz nous a prêtés des documents relatifs aux monuments historiques et à l'agence des bâtiments de France du Haut-Rhin. Il nous a également accordé un long entretien en 2008. Les archives de l'architecte des monuments historiques Charles Czarnowsky (1879-1960) et de l'architecte en chef de la Ville de Strasbourg Robert Will (1910-1998) ont été léguées à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Par contre, les papiers des architectes des bâtiments de France Charles Henri Arnhold et Fernand Guri n'ont pas été retrouvés, et les archives de Robert Danis (1879-1949), qui ont été conservées, n'ont pu être consultées. Les sources imprimées sont très importantes. Les textes introduisant la législation française en Alsace et en Lorraine, les décrets organisant les services d'architecture, les arrêtés de nomination des personnels, les arrêtés et listes de classement de monuments et de sites ont été publiés au Bulletin officiel d'Alsace et de Lorraine (1918-1940). L'édition des Lois et décrets du Journal officiel de la République française a été surtout utile pour la période postérieure. Nous avons également eu recours à l'édition des Débats parlementaires. Les procès-verbaux de la conférence d'Alsace-Lorraine (1914-1918), puis du conseil supérieur (1919-1920) et du conseil consultatif d'Alsace et de Lorraine (19201924) ont été très utiles, le budget d'Alsace et de Lorraine également. Les rapports, procèsverbaux et budgets des conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont été dépouillés pour toute la période (1919-1964), ainsi que les Recueils des actes administratifs des deux 22 départements. Les périodiques régionaux et les nombreuses coupures de presse retrouvées dans les archives du service des monuments historiques ont permis d'étudier la réception par l'opinion régionale des réalisations du des monuments historiques. Il resterait toutefois beaucoup à faire sur ce dernier point. 1 re partie. Les monuments historiques d'Alsace face au retour à la France Chapitre 1. La protection des monuments et oeuvres d'art dans les territoires recouvrés de l'Alsace (1914-1919) Dès le début de la Première Guerre mondiale au mois d'août 1914, l'armée française parvient à occuper la partie sud de la Haute-Alsace 1. Elle y retrouve plusieurs monuments historiques : la collégiale Saint-Thiébaut de Thann (classée par la commission des monuments historiques en 1841), les ruines du château d'Engelbourg (classées par l'administration allemande en 1898), la chapelle de l'ancienne abbaye de Masevaux (1898) et l'église de Vieux-Thann (1904) 2. I. Les enjeux de la conservation des monuments historiques pendant la Grande Guerre (19141918) La guerre qui commence en août 1914 se révèle rapidement très différente des précédents conflits. Les monuments historiques y tiennent une place particulière. A. Les monuments historiques au centre de la propagande de guerre Le 19 septembre 1914, le bombardement et l'incendie de la cathédrale de Reims suscitent un très vif émoi. Dès le lendemain, le gouvernement français proteste fortement contre cet acte de vandalisme 3. L'opinion publique s'indigne également de cette manifestation de la barbarie allemande. Dès lors, la destruction des monuments et des oeuvres d'art constitue un thème majeur de la propagande de guerre et leur préservation devient un enjeu politique et idéologique. Le caricaturiste alsacien, Jean-Jacques Waltz dit Hansi 4, engagé dans l'armée française dès la déclaration de guerre, publie dans Le Matin du 27 septembre 1914, un dessin satyrique intitulé « Un remède pire que le mal », par lequel il dénonce la destruction de la cathédrale de Reims et les méthodes allemandes de restauration des monuments historiques. En effet, le dessin montre un gros Allemand qui, apprenant la nouvelle de l'incendie de la cathédrale de Reims à la lecture du Strassburger Post, fait la réflexion : « La gadédralle de Reims? C'est peu de chose ; nous la reconstruirons après la gonquête, 3 Yann Harlaut, « La restauration de la cathédrale de Reims : enjeux et ingérences », dans Philippe Poirrier et Loïc Vadelorge, dir., Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d'histoire du ministère de la culture, 2003 (Travaux et documents n°16), p. 255. 4 Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, 15, 1412. Notice par Pierre Marie Tyl. Jean-Jacques Waltz dit Hansi (1873-1951). 25 comme le Hoh-Koenigsburg 5! » Il oppose donc le caractère authentique des restaurations françaises au pastiche et à la lourdeur des restaurations allemandes. En Allemagne, les suites du bombardement de la cathédrale de Reims ont un effet rassembleur chez les élites intellectuelles et artistiques dans leur soutien aux dirigeants allemands 6. Avant guerre, l'historien de l'art Paul Clemen, professeur à l'université de Bonn et inspecteur des monuments de la Rhénanie avait vanté la conservation des monuments historiques en France 7. Mais dans un article paru en 1915, le même Paul Clemen reproche à la République française d'avoir abandonné l'entretien des églises de France en votant la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905. Il accuse aussi l'armée française d'avoir provoqué l'incendie de la cathédrale de Strasbourg en 1870 et le bombardement de la cathédrale de Reims en 1914 par l'utilisation de leurs tours comme postes d'observation, ce que conteste formellement le traducteur français du texte, Louis Dimier 8. Dans les territoires belges et français occupés, Paul Clemen organise progressivement le Kunstschutz, un service de protection des monuments et oeuvres d'art, dont l'objet est de prouver au monde que l'Allemagne est une nation civilisée qui se préoccupe de « préserver l'art de l'ennemi 9. » Côté français, le chef des services d'architecture au ministère de l'Instruction publique et des beaux-arts Paul Léon prend différentes mesures de protection et de réparation provisoire des monuments endommagés 10. En 1916, à l'initiative du Journal, la Ville de Paris organise, sous le patronage du sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts, « une exposition d'oeuvres d'art mutilées ou provenant des régions dévastées par l'ennemi. » Les objets exposés au Petit Palais ont été recueillis sur les diverses parties du front par l'inspecteur général des monuments 5 C ité dans Yann Harlaut , « La restauration de la cathédrale de Reims : enjeux et ingérences », dans Philippe Poirrier et Loïc Vadelorge, dir., Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d'histoire du ministère de la culture, 2003 (Travaux et documents n°16), p. 256. 6 Christina Kott, Préserver l'art de l'ennemi? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupées, 1914-1918, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2006 (Comparatisme et société n°4), p. 43-45. 7 Paul Clemen, Die Denkmalpflege in Frankreich, Berlin, 1898, cité par Paul Léon, La renaissance des ruines, Maisons, monuments, Paris, Henri Laurens, 1918 (La guerre et l'architecture), p. 67-68. 8 Paul Clemen, « La protection allemande des monuments de l'art pendant la guerre », traduit et commenté par Louis Dimier, dans Correspondance historique et archéologique, 1914-1915, p. 243-265. 9 Sur l'histoire du Kunstschutz, voir : Christina Kott, Préserver l'art de l'ennemi? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupées, 1914-1918, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2006 (Comparatisme et société n°4), 441 p. 10 Arlette Auduc, Quand les monuments construisaient la nation, Le service des monuments historiques de 1830 à 1940, Paris, Comité d'histoire du ministère de la culture, 2008 (Travaux et documents n°25), p. 389391. 26 historiques Paul Ginisty avec l'aide des autorités civiles et militaires. Parallèlement, Paul Léon répond aux accusations d'incurie de Paul Clemen dans un petit livre intitulé La renaissance des ruines. Il y consacre un chapitre à « La reconstitution monumentale de la France » dans lequel il oppose nettement les méthodes française et allemande de restauration des monuments historiques en prenant pour exemple les églises d'Alsace (Ill. 1 et 2) : Le respect du passé nous a fait souvent accuser de négligence par nos ennemis. Il suffit d'examiner la restauration de l'église de Thann ou celle de l'église de Sewen faites par les architectes du gouvernement impérial pour comprendre l'irréductible opposition de leurs méthodes 11 Exposition d'oeuvres d'art mutilées ou provenant des régions dévastées par l'ennemi organisée sous le patronage du sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts par la Ville de Paris sur l'initiative du « Journal », Paris, 1916, p. 56-57. 12 Arsène Alexandre, Les monuments français détruits par l' Allemagne , Enquête entreprise par ordre de M. Albert Dalimier, sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts, Paris-Nancy, Berger-Levrault, 1918, p. 1. 27 et des nôtres. À Thann, le remplacement des statues anciennes de la façade par une galerie à colonnettes de la plus burlesque invention, l'invraisemblable coloris de la toiture, la décoration peinte de la nef, permettent de juger si notre abstention n'est pas préférable à leur zèle 13. 13 Paul Léon, La renaissance des ruines, Maisons, monuments, Paris, Henri Laurens, 1917, p. 71. 28 Ill. 1 : La façade occidentale de la collégiale Saint-Thiébaut de Thann avant et après restauration par Charles Winkler Ill. 2 : L'intérieur de l'église de Sewen après la restauration allemande 29 B. Les monuments historiques d'Alsace, un enjeu national La récupération de l'Alsace étant l'un des principaux buts de guerre de la France, ses monuments historiques deviennent plus que jamais un enjeu national. En 1917, l'historien de l'art Émile Mâle fait paraître L'art allemand et l'art français du Moyen Âge. Il y défend la thèse selon laquelle les Français ont inventé l'art roman et l'art gothique que les Allemands n'ont fait que copier, d'où leur « acharnement » contre la cathédrale de Reims. Émile Mâle explique que l'architecture gothique s'est diffusée en Alsace avant l'Allemagne et que la province était donc tournée vers la France dès le Moyen Âge : Les Allemands ont essayé de nous faire croire que l'Alsace du Moyen Âge était orientée du côté de l'Allemagne et que les Vosges formaient entre elle et nous une barrière infranchissable. Il n'en est rien. L'Alsace a connu la croisée d'ogives avant l'Allemagne. Les plus anciennes de ces croisées d'ogives se voient dans l'église de Murbach à demi détruite, mais si magnifique encore dans sa solitude. Murbach, grandiose abbaye de l'ordre de Cluny, a conservé plus d'un trait clunisien dans son architecture. Elle fut élevée vers 1150, et c'est peu après cette date qu'elle reçut sur le choeur et le transept des croisées d' gives très archaïques d'aspect, et sans clef de voûte. D'où lui venait l'invention nouvelle? Sans doute de la Bourgogne à laquelle tant de liens la rattachaient 14. Émile Mâle consacre également de nombreuses pages à la cathédrale de Strasbourg : Ces influences de la région parisienne, nous allons les retrouver dans une cathédrale que l'Allemagne croit sienne, mais qui est presque toute française : la cathédrale de Strasbourg. Jamais ni les Allemands ni les Français n'ont parlé avec sang-froid de cette cathédrale de Strasbourg, placé comme une pierre milliaire à la limite de deux mondes. [] On sent que la haute flèche est l'enjeu d'une terrible guerre que deux races se livrent depuis des siècles 15. Pour le prouver, il répertorie les influences françaises à la cathédrale de Strasbourg : Chartres pour le bras sud du transept et le pilier des Anges, la basilique SaintDenis pour la nef, Notre-Dame de Paris pour la façade occidentale et sa rose centrale, Reims pour les statues de l'Église et de la Synagogue du portail sud. Il rappelle aussi les incertitudes relatives à Erwin de Steinbach et dénigre les maîtres allemands Ulrich d'Ensingen et Jean Hültz : 14 15 Émile Mâle, L'art allemand et l'art français du Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 1923, p. 117-118. Émile Mâle, L'art allemand et l'art français du Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 1923, p. 150-151. 30 À quoi donc se réduit la part de l'Allemagne? À l'étage de la tour nord qui porte la flèche et à la flèche elle-même. [] C'est la partie la plus célèbre de la cathédrale de Strasbourg et c'est la moins belle. [] Peut-être pourrait-on ajouter qu'on retrouve dans cette étrange conception quelques-uns des traits les plus frappants du génie allemand : goût du colossal, complication infinie, profond savoir qui s 'applique avec une patience inlassable, mais qui ne sait faire naître ni la clarté, ni la beauté 16. II. Les premières mesures de protection de l'administration militaire française dans les territoires reconquis de l'Alsace (1914-1916) Lorsque la guerre débute en août 1914, le service des monuments historiques n'a prévu aucun plan d'ensemble pour la protection et l'évacuation des monuments et oeuvres d'art de la zone des armées. Les premières destructions d'ampleur forcent les autorités civiles et militaires à réagir. Malgré la proximité des lignes allemandes, les autorités militaires françaises du territoire reconquis d'Alsace ne prennent d'abord aucune mesure de protection pour les monuments historiques de la région, pensant sans doute que les Allemands ne tireraient pas sur des édifices qu'ils comptaient bien récupérer 17. Beaucoup moins confiant, le clergé local s'inquiète tout particulièrement du sort de la « reine des églises », la collégiale SaintThiébaut de Thann : Durant toute la guerre, nous étions anxieux sur le sort du merveilleux sanctuaire de Saint-Thiébaut. En apprenant par les feuilles publiques, de quelle manière les Vandales et Suédois de notre temps se comportaient à l'égard des églises et des cathédrales de Belgique et du Nord de la France, personne n'avait lieu d'être assuré que la flèche de Thann ne serait pas aussi le but des canons allemands 18. C'est pourquoi, le 15 août 1914, le curé de Thann Charles Pesseux refuse de donner à un commandant de l'armée française la clé de la tour, de crainte qu'elle ne soit prise pour cible par les Allemands. Dans les jours qui suivent, il en confie toutefois la garde à un général français contre la garantie que personne n'y accèdera pendant la durée de la guerre. 16 Émile Mâle, L'art allemand et l'art français du Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 1923, p. 161-162. C'est en tout cas l'analyse que fait le critique d'art André Hallays. André Hallays, À la France, Sites et monuments, L'Alsace (le Haut-Rhin – le Bas-Rhin), Paris, Touring-Club de France, 1929, p. 10 18 Gilles Sifferlen, « État actuel de nos églises du front de guerre dans le Sundgau », dans Bulletin ecclésiastique de Strasbourg, 38, 1919, p. 68. 17 31 Par conséquent, les Allemands ne peuvent accuser les Français de se servir de la flèche de la collégiale comme observatoire 19. Malgré cela, les bombardements allemands de décembre 1914 et janvier 1915 prennent notamment pour cible la collégiale de Thann et y occasionnent de sérieux dégâts. Les autorités militaires françaises prennent alors conscience du danger que court le monument. Elles se rendent également compte que sa préservation constitue un enjeu politique et idéologique particulièrement important. Parmi les sculptures de la collégiale figurent des oeuvres de « l'école française du XIVe siècle », comme les statues de saint Jean l'Évangéliste et du roi Saint Louis. La collégiale ayant été classée par la commission des monuments historiques à Paris avant l'annexion de 1870, l'administration française se doit de la protéger. Par conséquent, les autorités militaires décident de charger un expert de cette question : en février 1915, e Pimienta 20, sculpteur à Paris et officier de réserve, est spécialement affecté dans le territoire de Thann-Masevaux pour y assurer la conservation des objets d'art 21. À Thann, Gustave Pimienta fait déposer une douzaine de statues de la collégiale Saint-Thiébaut pour les mettre à l'abri dans la cave voûtée de la maison de Jules Scheurer à Bitschwiller. Il fait aussi protéger les stalles en bois sculpté, les deux grands portails et leurs tympans sculptés par des échafaudages de planches et un matelassage renforcé de sacs de coton 22 (Ill. 3). 19 Gilles Sifferlen, « État actuel de nos églises du front de guerre dans le Sundgau », dans Bulletin ecclésiastique de Strasbourg, 38, 1919, p. 69. 20 Michel Florisoone, Gustave Pimienta, sa vie, son oeuvre, Paris, Institut de France, 1986. Gustave Pimienta (Paris, 1er août 1888 – Préban, Maine-et-Loire, 1982), sculpteur français. Originaire d'Alsace par sa mère et d'Espagne par son père. 21 Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL 626. Extrait du rapport numéroté à 200 exemplaires, publié par l'Administration militaire de l'Alsace en 1917 sur l'organisation du territoire de Thann (24 novembre 1914-14 novembre 1916). Rapport du commissaire de police mobile Barthelet au contrôleur général des services de recherches judiciaires, 16 juin 1927. 22 Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL 626. Extrait du rapport numéroté à 200 exemplaires, publié par l'Administration militaire de l'Alsace en 1917 sur l'organisation du territoire de Thann (24 novembre 1914-14 novembre 1916). Rapport cité dans : Joseph Baumann, « Restaurations et rénovations de la collégiale de Thann à travers les siècles (suite et fin) », dans Annuaire de la société d'histoire des régions de Thann-Guebwiller 1979-80, 13, 1981, p. 36. Voir également : Gilles Sifferlen, « État actuel de nos églises du front de guerre dans le Sundgau », dans Bulletin ecclésiastique de Strasbourg, 38, 1919, p. 68-71. 32 Ill. 3 : Les portails de la collégiale Saint-Thiébaut de Thann protégés par les militaires français en 1915 (Ministère de la culture, médiathèque de l'architecture et du patrimoine, D0000362) Les premières mesures prises par les militaires français à la collégiale de Thann montrent une certaine efficacité. Le 15 février 1916, un obus écla te dans les or gues et bris le plus haut bas-relief du tympan supérieur du portail occidental représentant le Couronnement de la Vierge. Celui-ci entraîne dans sa chute les statues de la Vierge à l'enfant, de la Nativité et de la Mise en croix des deux tympans inférieurs. Mais au lieu de s'abîmer sur le sol, les fragments tombent dans les sacs de coton installés un an plus tôt, permettant ainsi de les recueillir, de les classer et de les mettre à l'abri en attendant leur remise en place après la guerre. Les vitraux modernes de la Chapelle de la Vierge restés en place sont d'ailleurs soufflés par une explosion. Vu la durée du conflit, les échafaudages de soutien de la collégiale Saint-Thiébaut sont vérifiés tous les mois, le coton tassé par la pluie est régulièrement rehaussé, les sacs à terre renouvelés. Enfin, les militaires français prennent des empreintes et exécutent des moulages des plus beaux éléments de la collégiale pour pouvoir les reconstituer en cas de destruction. À Vieux-Thann, l'église est encore plus gravement touchée par les bombardements de 1914-1915. La plupart des vitraux sont anéantis en septembre 1914. En février 1915, les militaires français en rassemblent les nombreux fragments, les classent et les mettent à l'abri. Sous le bombardement, ils parviennent à récupérer presque intact le Vitrail de la Vierge, « une des oeuvres les plus précieuses de la peinture sur verre en Alsace. » De même, une Vierge à l'enfant est descendue d'un contrefort extérieur du choeur. À l'intérieur de l'église, le Tombeau du Christ est entièrement recouvert de sacs de sable, les orgues sont démontés et envoyés à Kruth. Le rapport de l'Administration militaire française en Alsace sur les mesures de protection prises entre 1914 et 1916 souligne que ces oeuvres appartiennent à « l'école allemande. » L'église n'a d'ailleurs pas été classée par la commission des monuments historiques avant 1870, mais par l'administration allemande en 1904. Les autorités militaires montrent ainsi qu'en nation civilisée, la France préserve aussi bien les oeuvres d'art de style allemand que de goût français 24. 23 Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL 626. Extrait du rapport numéroté à 200 exemplaires, publié par l'Administration militaire de l'Alsace en 1917 sur l'organisation du territoire de Thann (24 novembre 1914-14 novembre 1916). 24 Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL 626. Extrait du rapport numéroté à 200 exemplaires, publié par l'Administration militaire de l'Alsace en 1917 sur l'organisation du territoire de Thann (24 novembre 1914-14 novembre 1916). 34 III. Le service de protection et d'évacuation des monuments et oeuvres d'art du front est en Alsace (1917-1919) Au cours de la guerre, les monuments situés dans la zone du front sont exposés à un danger croissant lié au perfectionnement des armements : pendant la bataille de la Marne de septembre 1914, les monuments atteints sont seulement mutilés ; durant les batailles de Verdun et de la Somme en 1916, les édifices touchés sont complètement pulvérisés. En outre, la zone des destructions s'est étendue, et la deuxième retraite allemande du 24 février 1917 cause des dégâts très importants 25. C'est pourquoi, le sous-secrétariat des Beaux-Arts et le ministère de la Guerre créent, le 21 mai 1917, un « service de protection des monuments et oeuvres d'art situés dans la zone des armées » qui est placé sous la direction d'une commission interministérielle 26.
34,252
2021AIXM0386_7
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,021
Introduction à l'approche intentionnelle de l'enseignement-apprentissage de l'anglais de spécialité : de la théorie à la pratique
None
French
Spoken
7,105
11,009
Après avoir examiné les définitions des études de cas existantes (Legendre 1993, Mucchieli 1984, Erskine, Leenders & Maufette-Leenders 1981, Boeher & Linksy 1990 ; Lynn Jr. 1999, cité par Lalancette 2014 ; Lalancette 2014 ; Thomas 1993 ; Thomas 2003), nous les considérons ici comme une technique pédagogique qui incite les apprenants, souvent en groupes, à analyser une situation, à la diagnostiquer, à la résoudre et à présenter des réflexions sur cette situation sous forme écrite et/ou orale. La situation en question s’appuie sur des faits réels ou s’inspire de tels faits. D’après Lalancette (2014), les études de cas en général s’inscrivent au sein de plusieurs classifications de stratégies pédagogiques : typologie classique, typologie de Chamberland, Lavoie et Marquis, et typologie de Prégent. Selon la typologie classique, qui divise les stratégies pédagogiques en six groupes, (méthodes expositoires, méthodes démonstratives, méthodes d’entraînement, méthodes interrogatoires, méthode de la redécouverte guidée et méthode de la découverte), l’EAEC se rattache aux méthodes interrogatoires (Lalancette 2014). Ensuite, conformément à la typologie de Chamberland, Lavoie et Marquis et ses trois dimensions qui caractérisent une approche ou un outil (contrôle de l’apprentissage, organisation du groupe et médiatisation de la stratégie pédagogique), les études de cas sont « pédocentrées » (contrôle de l’apprentissage), « sociocentrée » (organisation du groupe) et moyennement « médiatisée » (médiatisation) (ibid. : 19). D’après la typologie de Prégent et les trois catégories de travail qu’elle distingue – « exposés », « discussion ou travail d’équipe » et « apprentissage individuel » – l’EAEC fait partie de la deuxième catégorie : « discussions ou travail d’équipe » (id. : 19-20). Ces classifications sont largement applicables aux études de cas dans le cadre d’enseignement-apprentissage des langues étrangères. D’ailleurs, en ce qui concerne les langues étrangères, il est également possible de mentionner ici une quatrième classification. Il s’agit de la classification des cas selon les objectifs recherchés : recherche scientifique pour acquérir des connaissances profondes sur la situation donnée, recherche pratique (situation de la vie réelle qui requiert une réflexion) et cas éducationnels (situations langagières typiques avec pour but de pratiquer le vocabulaire ou la grammaire) (Hurynovich 2016). Le caractère varié des études de cas dans le cadre de l’enseignement-apprentissage en général et en langues étrangères en particulier s’explique par les critères suivants : le type de tâche assignée aux apprenants 70 (analyse, décision, critique, etc.), le caractère complet des données (cf. la méthode de Pigors où un minimum de données est fourni aux apprenants), l’« engagement des apprenants » (récits, témoignages, dramatisation, jeux 70 En fonction de la tâche attribuée aux apprenants, les cas adoptent soit une direction diagnostique, soit une direction de recherche de la solution, soit une direction analytique, soit une combinaison des trois (Thomas 1993). 117 de rôle), et le support de données (textes, vidéos, audio, TIC, etc.) (Guilbert & Ouellet 1997, cités par Lalancette 2014 : 21-23). Les études de cas illustrent une méthode inductive et expérimentale (Hurynovich 2016). L’EAEC, issu des théories (socio)constructivistes, partage ainsi certains principes avec l’enseignement-apprentissage par tâches, par problèmes et/ou par projets (Fischer 2005). Par exemple, les études de cas sont centrées sur l’apprenant, elles intègrent plusieurs compétences (oral, audition, lecture), elles favorisent le développement de la pensée critique et analytique chez les apprenants pour résoudre des problèmes, elles procèdent par apprentissage à l’aide de contenus et de matériaux authentiques, elles responsabilisent les apprenants et elles se manifestent sous forme de jeux de rôles, de simulations et de discussions en petits groupes (Grosse 1988). Néanmoins, la particularité majeure de cette approche, comme son nom l’indique, se trouve dans l’emploi de cas, autour desquels se déroule l’enseignement-apprentissage. Les cas se décrivent à l’aide de trois variables : le temps (des cas qui ont eu lieu ou des cas qui sont d’actualité), le médium (sur papier ou en ligne) et la structure (ouverte – les apprenants complètent les données fournies par l’enseignant, et fermée – l’enseignant fournit toutes les informations nécessaires) (Fischer 2005). Si les études de cas sont employées sur une base régulière pour une durée définie (par exemple douze séances d’un minimum de deux heures) il ne s’agit plus d’un outil pédagogique, mais d’une stratégie pédagogique (Mucchielli 1984 ; Van Strappen 1989a ; cité par Lalancette 2014). Cette approche présente quelques inconvénients, dont certains sont similaires à ceux mentionnés précédemment. D’abord, les enseignants rencontrent certaines difficultés : l’absence de formation adéquate, un investissement important au niveau du temps de préparation et de l’énergie pour concevoir le contenu des cours, un nouveau rôle/statut, et les évaluations 71 (Lalancette 2014 ; Thomas 2003). Un problème supplémentaire touche les enseignants des LSP : le manque de connaissances spécialisées. Ensuite, les apprenants tendent à généraliser leurs analyses et les solutions aux problèmes présentés par les cas (Ostiguy 2012, cité par Lalancette 2014). Il faut noter en outre que les banques de cas, restant majoritairement anglophones (Lalancette 2014), participent à l’anglicisation de l’enseignement. De plus, la complexité des situations réelles ne se reflète 71 Les évaluations génèrent occasionnellement des effets négatifs sur la motivation des apprenants (Thomas 1993). 118 que très rarement, voire jamais, dans les études de cas utilisées à des fins éducatives (Rechdane Karam & Mawad 2014 : 4). Enfin, l’inconvénient typique de l’application de cette approche est l’actualité des cas : les cas utilisés à plusieurs reprises perdent leur nouveauté et leur pertinence assez rapidement, ce qui oblige l’enseignant à élaborer de nouveaux cas (Thomas 2003). Malgré ces inconvénients, les atouts de l’enseignement-apprentissage des langues étrangères par études de cas sont considérables. D’abord, les apprenants développent simultanément leurs compétences langagières passives et actives. D’ailleurs, Grosse considère les études de cas comme une approche intégrée : les apprenants travaillent en même temps sur les compétences de lecture, de l’oral (souvent négligé), de l’audition et de l’écriture 72 (Fischer 2005 ; Fischer et al. 2006 ; Grosse 1988 ; Thomas 2003). De plus, la pratique de la langue est davantage motivée, ce qui améliore ainsi les compétences communicatives (Hurynovich 2016 ; Thomas 2003). Deuxièmement, à l’aide des études de cas, les apprenants améliorent leurs aptitudes transversales (compétences à produire une présentation, stratégies pour résoudre des problèmes, travail en groupe, esprit critique et analytique, compétences organisationnelles, capacités à synthétiser et à intégrer les informations, créativité, tolérance à l’incertitude et confiance en ses décisions et prise de responsabilités) (Fischer et al. 2006 ; Grosse 1988 ; Hurynovich 2016 ; Lalancette 2014 ; Thomas 2003). Troisièmement, les apprenants perfectionnent les compétences relatives au processus d’apprentissage : mémoire, motivation, curiosité et intérêt, meilleur effet sur les attitudes et les comportements envers l’apprentissage et, enfin, transfert et mobilisation de l’apprentissage (Boehrer & Linksy 1990 ; Guilbert & Ouellet 1997 ; Ostiguy 2012 ; Van Strappen 1989a ; cité par Lalancette 2014 ; Fischer 2005 ; Ficher et al. 2006 ; Lalancette 2014). De surcroît, les études de cas conjuguent la théorie à la pratique, puisqu’elles se rapprochent de situations réelles, elles s’appuient sur des connaissances professionnelles et elles se focalisent sur le contenu en lieu et place d’exercices grammaticaux ou lexicaux, elles recourent à des matériaux spécifiques à la discipline et à des supports authentiques et, enfin, elles estompent les barrières interdisciplinaires 73 (Fischer 2005 ; Grosse 1988 ; Hurynovich 2016 ; Lalancette 2014 ; 72 Christine Grosse (1988) ne mentionne pas l’écriture parmi les compétences développées, mais il semble logique de l’ajouter ici compte tenu du fait que les étudiants, dans la plupart des cas, produisent un document écrit. 73 D’ailleurs, les apprenants expriment une nette préférence pour cette approche qui se concentre sur leurs besoins (Grosse 1988 ; Lalancette 2014). 119 Thomas 2003). Somme toute, les études de cas promeuvent une meilleure interaction entre les professeurs de différentes disciplines et, par conséquent, une amélioration de leur statut (Fischer et al. 2006). Les auteurs soulignent également le caractère enrichissant de ce type de travail du point de vue de l’acquisition de nouvelles connaissances et de l’extension des modèles d’activités utilisés au sein des cours (par exemple l’enseignement par tâches ou par problèmes) (Lalancette 2014 ; Fischer et al. 2006). En termes pratiques, la mise en œuvre idéale d’une étude de cas, au sein d’un cours de langue étrangère et d’un cours de LSP plus précisément, consiste soit à utiliser une étude existante, soit à en adapter une aux besoins des apprenants et des enseignants, soit à en créer une nouvelle. Il est conseillé de tester les cas avant leur application, ou d’en demander la relecture par un spécialiste en la matière. Contrairement à certaines pratiques manipulatrices, les études de cas ne doivent pas piéger les apprenants en fournissant des données inexactes ou en omettant des données essentielles. Ensuite, il importe de privilégier un moment adéquat pour mener une étude de cas (lorsque les apprenants possèdent les connaissances nécessaires). Les enseignants sont encouragés à adapter le niveau de complexité des études de cas. Il importe également d’établir une ambiance de confiance et de respect pour le travail collaboratif. Les enseignants sont incités à limiter les supports techniques et à éviter l’abondance de chiffres. En revanche, ils peuvent introduire des personnages pour rendre les problématiques plus attrayantes. Le travail est souvent organisé en groupes de quatre ou cinq étudiants. Le rôle de l’enseignant consiste alors à s’abstenir de toute critique en proposant à la place orientation, assistance ou suggestions aux apprenants. À la fin de l’activité et après analyse des différentes situations dans un contexte défini, les étudiants présentent leurs résultats, de préférence de manière orale devant un jury comprenant un ou plusieurs enseignants 74 ou sous forme écrite, et les enseignants évaluent ensuite ce rendu selon les critères adaptés (Fischer 2005 ; Lalancette 2014 ; Thomas 1993 ; Thomas 2003). 74 D’ailleurs, dans le cas des cours de LSP, un enseignant de matière spécialisée peut intégrer le jury afin d’assurer une meilleure validité et fiabilité de l’accomplissement du travail. 120 Exemples de pratiques pédagogiques Parmi les ressources consultées, nous avons trouvé trois exemples d’application pédagogique de l’enseignement-apprentissage par études de cas dans le contexte LANSAD 75. Le premier exemple décrit la mise en place de l’approche par études de cas à l’IUT de Caen à destination d’étudiants en gestion des entreprises et administrations (Thomas 1993). Les groupes d’étudiants sont invités à examiner la situation délicate de la compagnie Swatch, rendue la plus crédible possible, qui perd une partie du marché au profit de l’entreprise Benetton. L’objectif de cette analyse, fondée sur deux à quatre documents authentiques, est de rédiger un rapport de deux pages adressé à la direction, dans lequel les apprenants précisent les stratégies commerciales qu’ils préconisent pour rendre sa compétitivité à la compagnie. Outre le rapport, les groupes préparent des jeux de rôle qui se tiennent dans la salle de réunion en vue de rendre l’exercice plus réaliste. Les étudiants évaluent positivement ce travail et remarquent l’efficacité de l’approche. L’enseignant se rend compte que ses apprenants sont beaucoup plus motivés, et il observe une meilleure acquisition du vocabulaire. Néanmoins, l’auteur soulève plusieurs difficultés (le choix du thème du cas, le niveau de complexité, la définition de la problématique, la sélection des documents selon leur contenu général et spécifique, la clarté, le style), auxquelles il propose de remédier par le bon sens, l’intuition, la créativité et la coopération avec les apprenants. La deuxième illustration d’application pédagogique de l’approche par études de cas est présentée par Van der Yeught (2017). Il s’agit d’une étude de cas en anglais financier adressée aux étudiants de master 2 en économétrie, banque, finance à l’École d’économie d’Aix-Marseille. Les étudiants, placés dans une situation de simulation, représentent un club d’investisseurs. À chaque réunion du club, deux de ses membres, après analyse approfondie d’une entreprise (profil général, résultats économiques, performance boursière, extraits de presse 76), présentent aux autres membres du club les résultats et expriment leur avis quant à l’opportunité d’investir dans cette entreprise. Cette 75 Bien qu’un des exemples décrive une expérience menée dans une université belge, les conditions du cours s’apparentent à celles des universités françaises. 76 Le dossier de quatre pages est composé de documents authentiques, souvent « adaptés et/ou abrégés » (ibid. : 26). 121 présentation, accompagnée de diapositives, dure approximativement 20 minutes, et est suivie d’une discussion avec le groupe. Le dernier exemple détaille le module d’enseignement-apprentissage par études de cas mis en place par l’auteur de la présente thèse (Lyu 2020). Le module est construit autour du cas de l’expérimentation psycho-orthophonique Monster Study, que les étudiants en 3e année de licence et en 1re année de master en psychologie et orthophonie, divisés en groupes, étudient sous divers angles. Cette étude préliminaire de documents authentiques permet d’atteindre l’objectif principal du module : sensibiliser les étudiants à la déontologie de leur discipline. Pour ce faire, les apprenants, toujours en groupes, déterminent l’aspect éthique de l’expérimentation en se fondant sur les codes éthiques pour les psychologues et/ou orthophonistes en vigueur dans trois pays : aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Belgique. À la fin de cette étape, les groupes rédigent un rapport dans lequel ils expriment leurs opinions concernant le caractère éthique/non-éthique de l’expérimentation, et ils proposent des sanctions potentielles si une telle étude était réalisée à l’heure actuelle selon les associations de psychologues/orthophonistes. L’auteur remarque l’efficacité de l’approche en termes de compétences linguistiques et professionnelles : les apprenants acquièrent les connaissances déontologiques professionnelles ainsi que les termes clés de la déontologie. Parmi les difficultés rencontrées, les éléments suivants sont soulignés : l’hétérogénéité des niveaux en anglais, la complexité du travail, l’organisation et la gestion du travail en groupe. Intégration du spécialisé Comme dans le cas des enseignement-apprentissage par problèmes et par projets, l’enseignement-apprentissage par études de cas est peu documenté dans la littérature scientifique. Deux des trois exemples présentés ci-dessus (Van der Yeught 2017 ; Lyu 2020) reflètent l’application explicite de la théorie intentionnelle – sujet de ce travail. D’ailleurs, le premier exemple (Thomas 1993), bien qu’il ne soit pas construit à partir la théorie intentionnelle, s’inscrit indirectement dans des principes apparentés. Les études de cas reposent sur des documents authentiques et représentent des cas réels. Par conséquent, elles incorporent du spécialisé et permettent ainsi l’entrée dans l’univers intentionnel d’un domaine spécialisé. En travaillant sur les cas, les étudiants développent implicitement la maîtrise de l’encyclopédie spécialisée. Conclusion 122 L’utilisation des études de cas se justifie par la nécessité d’atteindre des objectifs multiples : développer les compétences langagières ainsi que les compétences plus générales d’apprentissage, comme, par exemple, les capacités à analyser, à synthétiser et à juger (Van Strappen 1990, cité par Lalancette 2014). Les liens entre les connaissances théoriques et la réalité se forgent, tout comme l’acquisition implicite de l’expérience professionnelle (Lynn Jr. 1999 ; Shapiro 1984 ; Shwartz 2002 ; Van Strappen 1990 ; cité par Lalancette 2014). Malgré les avantages observés, notamment la possibilité d’intégrer le spécialisé, les études de cas restent relativement rares par rapport aux approches traditionnelles (Lalancette 2014). D’une part, cette discrétion s’explique probablement par la complexité de mettre les études de cas en place par les enseignants (temps de préparation, manque de connaissances spécialisées, formation souvent inadéquate, acceptation d’un nouveau rôle, obsolescence rapide des cas, etc.). D’autre part, la performance linguistique ne représente plus une finalité en soi, ce qui dissuade les praticiens des LSP d’employer des études de cas de façon plus régulière. et conclusions Dans cette section, nous avons examiné les approches actionnelles (l’enseignement- apprentissage par tâches, par problèmes, par projets et par études de cas), ainsi que leur utilisation dans le cadre de cours de LSP. Enseignement-apprentissage par tâches (EAT) Dans cette partie, après avoir analysé quelques définitions du concept de « tâche » pédagogique déjà présentes dans la littérature, nous avons proposé de formaliser celle que nous employons dans ce travail. Ensuite, nous avons distingué la tâche de l’activité, cette dernière étant un moyen d’accomplir la tâche finale. Nous avons alors précisé les sept étapes d’organisation d’un programme de cours fondé sur l’EAT : analyse des besoins, types de tâches, élaboration des tâches pédagogiques, développement d’un programme, sélection d’une méthode/pédagogie, évaluation des apprenants et évaluation du programme. Nous avons également mentionné les dix principes méthodologiques élaborés par Doughty et Long (2003, cités par Whyte 2013), et nous avons clôturé la partie en présentant cinq exemples d’application pédagogique de l’EAT dans les formations de l’enseignement supérieur français. Enseignement-apprentissage par problèmes Cette partie a permis de souligner les similitudes et les divergences entre l’enseignement-apprentissage par problèmes par rapport à d’autres approches déjà étudiées. Nous avons précisé quels types de problèmes l’enseignant doit privilégier (adaptés au niveau des apprenants, ouverts, mobilisant des connaissances existantes, comportant un élément de controverse). Ensuite, les quatre étapes du travail sur les problèmes en classe ont été indiquées, notamment la présentation et la définition des problèmes, l’organisation de la discussion des problèmes, la réduction du nombre de solutions, la vérification des solutions et la présentation des résultats. Nous avons conclu cette section par une illustration d’utilisation des problèmes pour enseigner l’espagnol de spécialité, à défaut d’exemple sur l’ASP. Enseignement-apprentissage par projets Cette section a permis d’établir les traits que l’enseignement et l’apprentissage par projets partagent avec d’autres approches actionnelles : l’enseignant dans le rôle de facilitateur pédagogique, la nature réaliste des contenus, les formes de travail. Nous avons 124 également spécifié la caractéristique typique de cet enseignement – la place centrale des projets dans un programme du cours. Ensuite, nous avons indiqué l’importance de la conception d’un produit livrable par les étudiants lors de la finalisation du projet. Contrairement à tous les autres types d’enseignement considérés jusqu’à présent dans ce travail, nous avons illustré cette approche grâce à deux applications au sein des milieux universitaires grec et japonais. Enseignement-apprentissage par études de cas Ici, nous avons déterminé les caractéristiques des études de cas (interrogatoires, pédocentrées, sociocentrées, médiatisées), proposé la classification des cas selon les objectifs (recherche scientifique, recherche pratique, cas éducationnels) et défini les critères qui décrivent les études de cas (type de tâches, nature des données et support sur lequel elles sont présentées, activités). Ensuite, nous avons désigné la particularité de ce type d’enseignement – l’emploi de cas pour concevoir le contenu de l’enseignement/ apprentissage. Puis nous avons mis en évidence les trois variables qui permettent la description des cas : le temps, le médium et la structure. Nous avons terminé cette partie en proposant trois exemples d’utilisation de l’enseignement-apprentissage par études de cas : un exemple datant de 1993 et les deux autres, plus récents, issus de la théorie intentionnelle – sujet de la présente thèse. Dans chacune de ces quatre sections, nous avons souligné les inconvénients et les atouts de la mise en œuvre de ces approches. Après les avoir analysées séparément, nous avons constaté que les quatre approches partagent peu ou prou les mêmes avantages et désavantages. Par exemple, en ce qui concerne les difficultés qui y sont associées, il faut noter de manière récurrente l’acceptation d’un nouveau rôle par l’enseignant, le temps et l’énergie à investir dans la préparation des cours, l’organisation et la gestion du travail en classe, souvent en groupe, la complexité des contenus et, par conséquent, le besoin de les adapter aux différents niveaux des apprenants, le manque de formation pour les enseignants77, ainsi que le caractère utilitaire de la langue enseignée. En revanche, les avantages sont significatifs et concernent le développement de diverses compétences 77 Selon l’étude menée par Tano (2016), seuls 38 % d’enseignants ont bénéficié de formations sur les approches actionnelles. 125 (transversales, linguistiques, professionnelles), la nature réaliste de l’enseignement, le caractère authentique des supports, la présence du contenu spécialisé, l’intégration aisée du spécialisé et l’augmentation de la motivation chez les apprenants. En définitive, le choix de l’approche de l’enseignement-apprentissage des LSP dépend souvent des approches et des méthodes préconisées par une discipline donnée : par exemple, l’enseignement-apprentissage par problèmes est plus courant pour l’anglais médical, tandis que les études de cas sont privilégiées pour l’enseignement de l’anglais financier (Woodrow 2018 : 135). Anthony (2018) souligne que les enseignements par tâches, par projets et par problème sont complémentaires à l’approche ESP. Cependant, il n’est pas sans intérêt de remarquer que, malgré les avantages incontestables et les encouragements du CECRL à employer les approches actionnelles pour enseigner des langues étrangères, ces approches restent proportionnellement minoritaires (Tano 2016). Il ne nous reste qu’à supposer les raisons du recours relativement rare à ce type d’enseignement. Peut-être n’est-il pas connu par les enseignants78 ? Demande-t-il trop de changements à effectuer (acceptation d’un nouveau rôle et d’un statut différent de la langue enseignée par le praticien, gestion du travail en classe) ? Représente-il trop de travail (le choix d’un thème, la sélection de supports et leur adaptation) ? Est-ce que le composant professionnalisant et la présence importante du contenu spécialisé semblent difficiles à aborder pour les enseignants, linguistes de formation ? 78 Selon Tano (2016), 25 % d’enseignants ne connaissent pas l’approche actionnelle. Conclusions de la Partie I L’objectif de la Partie I consiste à examiner comment les LSP sont enseignées dans le contexte de l’enseignement supérieur en France et, plus précisément, si et comment le spécialisé est intégré dans ces enseignements. Après avoir passé en revue les diverses approches de l’enseignement-apprentissage des LSP, notamment l’approche ESP, les approches linguistiques et discursives, les approches par contenu disciplinaire et les approches actionnelles, ainsi que les pratiques pédagogiques issues de ces approches, nous constatons que la majorité des approches et des pratiques sont d’ordre linguistique et placent la langue ainsi que ses aspects au cœur du processus d’enseignementapprentissage. Certaines d’entre elles intègrent le spécialisé, mais de façon marginale et/ou incomplète. D’abord, la majorité des enseignements issus des approches linguistiques et discursives sont centrés sur la langue et ses diverses facettes. Ensuite, les enseignements résultant des approches par contenu disciplinaire, même s’ils s’appuient sur des contenus spécialisés, ne sont pas tous compatibles avec l’enseignement des LSP. Dans le cas de l’enseignement disciplinaire en anglais, la langue ne fait pas objet d’étude ; c’est-à-dire le développement de l’encyclopédie spécialisée ne s’y produit pas. Quant à l’enseignement d’une matière par l’intégration d’une langue étrangère, malgré l’objectif double d’un tel enseignement, la langue se trouve souvent repoussée à la périphérie, et la maîtrise de l’encyclopédie spécialisée n’est pas travaillée. Enfin, théoriquement, les approches actionnelles sont les mieux adaptées pour intégrer le spécialisé dans des pratiques pédagogiques de manière holistique. Néanmoins, à l’exception de l’enseignement-apprentissage par les tâches, les pratiques fondées sur les approches actionnelles restent assez rarement exploitées. Outre les remarques concernant l’intégration du spécialisé dans les pratiques pédagogiques existantes, nous avons dégagé une série de sous-conclusions. Sous-conclusion 1 Les approches et les pratiques décrites dans la Partie I ne reflètent qu’une partie émergée de l’iceberg pédagogique des LSP. Nous imaginons que le nombre de pratiques pédagogiques dans l’enseignement des LSP en France est plus élevé par rapport aux pratiques décrites et examinées dans cette thèse. Dès lors, nous avons fondé notre 127 classification sur les descriptions écrites de ces pratiques, qui ont, en même temps, un certain rapport avec la discipline à laquelle appartiennent les apprenants. Néanmoins, nous ne pouvons que présumer la réelle diversité des pratiques dans le secteur LANSAD en France, qui incluent des pratiques traditionnelles, centrées sur la langue, où la place dominante est accordée à l’étude d’aspects linguistiques qui ne sont pas liés à la spécialité des apprenants. D’ailleurs, certains auteurs indiquent que beaucoup de praticiens des LSP enseignent la grammaire de façon traditionnelle (Tano 2016), ou qu’ils recourent à la traduction, ce qui représente « un modèle didactique peu innovant », bien que restant « l’activité la plus pratiquée 79 » (Rault 2014 : §30-32). De plus, les praticiens recourent souvent à des textes écrits en tant que supports pédagogiques, et ils proposent diverses tâches sur cette base (traduction, travail sur le lexique, explication de texte, commentaire d’un passage, etc.), ce qui n’est guère étonnant compte tenu de la formation linguistique/littéraire des praticiens (Isani 1993 : 244). Sous-conclusion 2 Les approches linguistiques et discursives (par le lexique, par les corpus, par les discours, par les genres) et les pratiques qui en découlent, bien qu’elles se fondent sur des contenus authentiques et qu’elles développent des compétences professionnalisantes, tendent à être décontextualisées et, par conséquent, à se révéler moins attrayantes pour les apprenants des LSP. Sous-conclusion 3 L’enseignement disciplinaire en anglais, abordé précédemment, n’est pas une approche d’enseignement des langues, y compris des LSP. Il est indéniable que le processus d’apprentissage 80 de l’anglais s’y produit, mais de manière secondaire et implicite. Dès lors, notre recherche, appartenant au domaine de la didactique des LSP, ne considérera pas l’enseignement disciplinaire en anglais comme l’une des approches d’enseignement-apprentissage des LSP. 79 Rault (2014) précise que la traduction est « l’activité la plus pratiquée en Licence LEA », mais il nous semble que cette constatation peut s’étendre au secteur LANSAD en général. 80 Nous soulignons ici le processus de l’apprentissage de la langue et non de l’enseignement car ce dernier ne fait pas objet de cette approche. Sous-conclusion 4 Nous avons observé une corrélation entre la présence d’un contenu pertinent pour les apprenants et l’augmentation de leur motivation. Par exemple, l’approche ESP, centrée sur les besoins de l’apprenant, reflète la spécificité des contenus et des compétences à développer ; l’enseignement-apprentissage par le lexique permet d’entrer dans la communauté spécialisée et le domaine spécialisé et de comprendre la culture professionnelle ; l’enseignement-apprentissage par les corpus montre des modèles et des exemples de communication professionnelle ; l’enseignement-apprentissage par les discours familiarise les étudiants avec les « pratiques discursives des cultures professionnelles » (Bhatia 2014 [2004] : xviii) en leur permettant un accès plus facile à une communauté disciplinaire ; l’enseignement-apprentissage par les genres facilite l’acceptation dans une communauté discursive ; l’enseignement-apprentissage par la FASP sensibilise les apprenants avec le discours spécialisé de leur domaine ainsi qu’avec sa culture professionnelle ; les approches actionnelles se fondent sur des documents authentiques produits au sein des domaines de discours spécialisés respectifs, et elles placent les apprenants dans des situations similaires à celles de la vie professionnelle réelle. Par conséquent, les étudiants, non spécialistes en langue, se sentent davantage impliqués dans leur apprentissage puisqu’ils estiment que les cours sont pertinents visà-vis de leur future vie professionnelle. Sous-conclusion 5 Certaines approches, notamment l’enseignement-apprentissage par la FASP, par problèmes, par projets, ou par études de cas, requièrent une bonne maîtrise de l’anglais, ce qui peut se révéler problématique si leur emploi s’effectue au début du parcours universitaire des étudiants. Sous-conclusion 6 Les chercheurs se posent des questions quant au rôle et au statut de la langue anglaise. En ce qui concerne le rôle de l’anglais, il est souvent souligné que la langue devient un outil et non un objectif en soi, surtout dans le cas des approches actionnelles, ce qui inquiète certains linguistes. En ce qui concerne le statut de la langue, les inquiétudes qui sont exprimées concernent les aspects liés à l’anglicisation ou à l’américanisation de 129 l’enseignement. C’est le cas des enseignements/apprentissages par la FASP, par les études de cas, par les corpus et l’EMILE. Sous-conclusion 7 Nous avons constaté une tendance générale, parmi les praticiens des LSP, à favoriser le travail de groupe ou en paire. Le travail de groupe est particulièrement répandu dans les approches actionnelles, mais il apparaît également dans les approches linguistiques et discursives (par le lexique, les corpus) et dans l’approche par contenu disciplinaire, l’ECI. Le travail en paire a fréquemment lieu lors de l’enseignement-apprentissage par les genres et par les tâches, et, occasionnellement, lors de l’enseignement-apprentissage par le lexique. D’ailleurs, les résultats de l’enquête menée par Tano (2016) auprès des enseignants de langue révèlent que 70 % d’entre eux estiment bénéfique le travail en équipe. Sous-conclusion 8 Les informations objectives qui concernent l’efficacité des approches analysées en termes d’acquisition des compétences linguistiques, professionnalisantes, transversales, etc., sont presque inexistantes dans la Partie I. Même si les auteurs-praticiens remarquent une amélioration des attitudes de leurs apprenants et qu’ils caractérisent leurs pratiques comme motivantes et efficaces, ces conclusions restent subjectives. Sous-conclusion 9 Les approches et leurs applications pratiques étudiées dans la Partie I soulèvent des problèmes considérables pour le praticien d’une LSP. Il s’agit à la fois de questions logistiques (la sélection des matériaux, la conception des cours qui se révèle coûteuse en temps et en énergie, la gestion du travail en classe) et d’éléments de fond (l’acceptation du changement de rôle et de statut, la formation de l’enseignant). La première catégorie, certes importante, reste assez commune à tous les enseignants. En revanche, la deuxième catégorie mérite une attention accrue de notre part. Nous avons remarqué que le recours à certaines approches, notamment aux approches actionnelles, demandent de la part du praticien la reconsidération de son rôle de passeur de connaissances qui lui était traditionnellement attribué : dorénavant, il devient facilitateur de l’acquisition des connaissances et guide dans le processus d’apprentissage. Le problème associé aux formations de l’enseignant se décline en deux volets : d’un côté, 130 il est question des formations en rapport avec l’enseignement des langues en général et des LSP en particulier81 (Isani 1993) ; et d’un autre côté, des formations liées au savoir disciplinaire, qui « s’acquiert [...] douloureusement et imparfaitement [...] sur le tas » (ibid. : 251). Sous-conclusion 10 L’objectif du travail de description des approches et des pratiques pédagogiques en LSP n’intègre pas l’analyse des programmes des cours puisque nous nous sommes intéressée aux applications pédagogiques de certaines approches effectuées par des praticiens des LSP, qui sont rarement des concepteurs de ces programmes (Sionis 1994 : §2). Néanmoins, il nous paraît manifeste que peu de cours en LANSAD bénéficient de programmes cohérents et clairement énoncés, et en cela nous nous rejoignons Sionis (1994 : §3) qui expose le problème comme suit : Dans ce domaine [domaine des LSP], nombre de cours sont dépourvus de logique de progression interne ou bien sont liés à une mince ligne directrice structurale ou lexicale sur laquelle se greffent des textes dits « spécialisés » provenant en fait souvent de la presse généraliste. La conception des programmes, selon Sionis (ibid. : §46), permet d’établir l’ordre hiérarchique des objectifs et de segmenter le contenu d’un cours à enseigner. Sous-conclusion 11 L’analyse des approches et des pratiques pédagogiques décrites dans la Partie I nous amène à la déduction suivante : il n’existe pas d’approche et/ou de méthode unique, ou d’approche universelle pour enseigner les LSP. Comme le souligne Anthony (2018 : 113), « une approche éclectique » prédomine. Dans le meilleur des cas, les enseignants choisissent souvent une approche et/ou une méthode préconisée par la discipline (Dudley-Evans & St John 1998 ; Woodrow 2018), et, dans le pire des cas, aucune approche n’est employée. Certains expliquent ce cas de figure par la trop grande variété des LSP, qui compliquerait la conception de l’approche applicable à toutes les disciplines (Galova 2007 : 2, cité par Tardieu 2014a : 95). D’un autre point de vue, Henry Widdowson, par 81 Isani (1993 : 243) observe un phénomène toujours présent dans l’enseignement supérieur : « il semblerait que l’enseignement des langues soit perçu comme une discipline qui ne requiert aucune formation spécifique – toute personne ayant suivi des études relatives à la langue ou étant natif de la langue peut être considérée apte à l’enseigner. » 131 exemple, estime qu’une LSP n’existe qu’avec la discipline de sa spécialité et que, par conséquent, elle ne peut pas avoir d’approche qui lui soit propre, mais qu’elle doit s’appuyer sur celle de la discipline (Sionis 1994 : §44). Les conclusions élaborées ci-dessus éclaircissent les raisons d’être de la présente thèse, dont l’objectif défini est de contribuer au développement de la didactique des LSP. Les chercheurs européens en LSP semblent moins impliqués dans les questionnements pédagogiques et didactiques ; ils considèrent la pédagogie comme « un don de la nature », contrairement à leurs homologues britanniques et américains (Isani 1993 : 248 ; Robinson 1991, cité par Isani 1993). Néanmoins, il paraîtrait que l’enseignement des LSP soit spécifique et diffère de l’enseignement des langues générales (Isani 1993 ; Sarré 2017 ; Sarré & Whyte 2016 ; Van der Yeught 2019). Par conséquent, comprendre ces spécificités permettrait de construire la didactique des LSP en tant que champ d’étude bien distinct, qui, à son tour, servirait de fondements pour des pratiques pédagogiques adaptées au secteur LANSAD, et pour la conception de formations à destination des praticiens des LSP afin de démystifier ce « don » pédagogique. Plus précisément, nous avançons l’idée que construire une didactique des LSP à partir de la théorie intentionnelle (Van der Yeught 2016a ; 2017 ; 2019 ; à paraître) permettrait d’intégrer le spécialisé, en tant qu’élément différenciateur, dans la conception des cours LSP. Mettre le spécialisé au cœur du processus de l’enseignement-apprentissage des LSP offrirait des solutions à des problèmes soulevés ci-dessus et des réponses aux questions les plus récurrentes. Dans la Partie II, nous explicitons les fondements de l’approche intentionnelle des LSP qui nous ouvrons la voie à une théorisation de la didactique des LSP, que nous appelons, compte tenu son origine épistémologique, didactique intentionnelle (DI) des LSP. La définition et l’ensemble des caractéristiques de la DI des LSP sont énoncées. Les relations entre la DI et d’autres éléments, comme des disciplines connexes, des recherches et théories en LSP, des prescriptions officielles, des recommandations et des pratiques d’enseignement-apprentissage, seront également présentées. Enfin, sur ces prémisses théoriques, nous avancerons un schéma général de la conception d’un cours LSP. Partie II Didactique intentionnelle des LSP : de la théorie à la pratique PARTIE II Didactique intentionnelle des LSP : de la théorie à la pratique Dans la Partie I, nous avons examiné diverses approches relatives à l’enseignement- apprentissage des VSA, et des VSL en général, et des pratiques pédagogiques issues de ces approches. Parmi ces dernières figurent les approches linguistiques et discursives, les approches par contenu disciplinaire, les approches actionnelles et l’approche ESP. Ces pratiques pédagogiques présentent des combinaisons d’avantages et de défauts, mais leur mise en œuvre découle souvent de l’expérience individuelle des enseignants et/ou dépendent d’« habitudes institutionnelles » (Commission Formations de la SAES 2011, section 4.3). Autrement dit, les conditions où se développe l’enseignement-apprentissage des VSA/VSL sont souvent sujettes à des impératifs circonstanciels, parfois subjectifs, en tout cas fragiles et changeants. Afin de dépasser ce caractère circonstanciel et subjectif de l’enseignement des VSA/VSL, des efforts qui visent à améliorer « la réflexion sur le positionnement épistémologique de la didactique dans le domaine de l’ASP » se multiplient depuis 2011, et ils ont abouti en 2014 à la création au sein du GERAS d’un groupe de travail consacré à la didactique de l’anglais de spécialité – DidASP (« Dossier de création 2014 » : 1). Contrairement à leurs homologues anglo-saxons, les praticiens des VSL en France estiment que la didactique des LSP (et plus précisément de l’ASP) existe en tant que discipline propre puisque l’enseignement-apprentissage des VSL est distinct de celui des langues générales (Isani 1993 ; Sarré & Whyte 2016 ; Sarré 2017 ; Van der Yeught 2019). Malgré le travail persévérant des chercheurs en LSP, la didactique consacrée à leur enseignement-apprentissage peine à se construire pleinement. Sarré (2017 : 61) décrit ainsi cette situation : « le champ disciplinaire de la didactique des LSP est encore en chantier ». Faute de disposer de propositions didactiques appropriées et applicables à toutes les VSL, le secteur LANSAD « reste un territoire pédagogique immense aux contours imprécis et aux caractéristiques extrêmement hétérogènes » (Van der Yeught 2014 : §27). Bien que certaines pratiques pédagogiques offrent des expériences réussies, tant en termes de transmission des connaissances qu’au niveau de la motivation de l’apprenant, bien d’autres semblent répondre aux particularités du secteur avec difficulté. Par exemple, O’Connell et Chaplier (2019 : 23) soulignent « l’inadéquation des concepts didactiques existants dès lors que l’on cherche à les appliquer au secteur LANSAD ». Cette situation s’explique, nous semble-t-il, par l’absence de théorie finalisée sur les LSP, ce qui complique l’évolution de la didactique des LSP. Van der Yeught (2016a : 42) suggère que le positionnement des LSP dans un cadre purement pratique, où l’ESP est considéré comme une démarche d’enseignement des langues dans la tradition anglosaxonne (Hutchinson & Waters 1987 ; Dudley-Evans & St John 1998), a éloigné les recherches relatives à la théorisation des LSP, qui ne forment toujours pas « un domaine structuré de la recherche scientifique ». Étant donné que la discipline LSP précède la didactique des LSP, qui devrait naturellement en découler, il paraît difficile de développer la seconde sans préciser préalablement les fondements scientifiques de la première. Cette observation nous a conduit à nous demander si les efforts de théorisation des LSP sont entrepris à l’heure actuelle. Si c’était le cas, ces avancées permettraient d’assurer des fondements solides à la discipline de la didactique des LSP, qui répondrait, à son tour, aux demandes du secteur LANSAD et, par conséquent, aux besoins des praticiens des VSL. Les résultats de notre enquête ont mis en évidence l’effort engagé par Van der Yeught (2016a ; 2017 ; 2019 ; à paraître) pour établir les fondements scientifiques de l’étude des LSP. Il s’agit d’une approche théorique appelée approche intentionnelle des LSP. Cette approche s’inspire du système philosophique élaboré par le philosophe américain John Searle (1995 ; 2010), qui fait de « l’intentionnalité collective » l’un des fondements du construit social. Van der Yeught (2016a ; 2017) entreprend de rendre compte des VSL comme des construits sociaux à partir de ce cadre d’intellection. L’approche intentionnelle des LSP se démarque des approches engagées jusque-là, notamment de l’ESP anglo-saxonne, parce qu’elle situe le spécialisé au centre du système explicatif, tandis que les démarches traditionnellement retenues par les linguistes placent la langue et les capacités communicationnelles au centre du cadre théorique. Dans ce contexte, l’approche intentionnelle des LSP semble ouvrir des perspectives théoriques prometteuses pour lancer des hypothèses didactiques fondées sur une épistémologie adaptée aux LSP. Nous proposons ainsi d’avancer une théorisation didactique particulière, la didactique des LSP, adossée à l’approche intentionnelle qui considère le spécialisé comme l’élément permettant de différencier les VSL des langues générales et, par conséquent, de différencier la didactique des LSP de la didactique des langues générales. Compte tenu de l’origine épistémologique de la didactique des LSP que nous retenons, nous proposons de la nommer didactique intentionnelle (DI) des LSP. 136 En résumé, pour répondre aux besoins urgents du secteur LANSAD (aux besoins des apprenants ainsi qu’à ceux des enseignants), un cadre théorique pour conceptualiser les LSP est en phase de développement. Nous émettons l’hypothèse que cette théorisation peut utilement contribuer à l’élaboration d’une didactique des LSP et à l’élaboration de propositions didactiques théoriquement fondées et susceptibles de répondre aux besoins des deux publics. La Partie II est structurée de la façon suivante. Le chapitre 5 décrit au préalable la théorie de l’intentionnalité telle qu’elle a été initialement proposée par le philosophe John Searle, et il expose ensuite la manière dont elle a été adaptée par Van der Yeught à l’étude des LSP. Dans le chapitre 6 nous définissons la discipline de la didactique intentionnelle des LSP sur la base des propositions théoriques de Van der Yeught et nous précisons ses caractéristiques ainsi que ses particularités. Le chapitre 7 élabore la procédure de la conception d’un programme de cours LSP fondé sur les principes de la didactique des LSP. L’expérience, que nous avons menée au cours des années universitaires 2018-19 et 2019- 20 et que nous détaillons dans la Partie III, permettra d’illustrer chaque étape de ce travail didactique. 137 Chapitre 5 spécialité Théoriser l’étude des langues de Pour comprendre comment la théorie de l’intentionnalité peut être utile aux LSP, nous offrons ici un aperçu de la théorie telle qu’elle existe en philosophie et telle qu’elle a été décrite par John Searle. Cette présentation nous permettra ensuite de comprendre comment elle peut éclairer le phénomène des VSL 82. 5.1. L’intentionnalité en philosophie et les propositions de John Searle La métaphysique, et plus particulièrement l’ontologie 83, ont intéressé de nombreux philosophes qui ont essayé, et qui essaient toujours, d’analyser les conditions et les facteurs permettant à notre monde d’être tel que nous le connaissons/percevons hic et nunc. Nous explorons ici le cadre explicatif mis en avant par le philosophe américain John Searle (1983 ; 1995 ; 2004 ; 2010), pour qui la société et son organisation doivent être analysées à partir des états mentaux collectif de ses agents. Afin de comprendre ces états mentaux qui sont « une manifestation de l’intentionnalité collective », il faut saisir le sens de l’intentionnalité individuelle et, par conséquent, des état mentaux intentionnels de chaque individu (Searle 2010 : 26). 5.1.1. Intentionnalité individuelle, conscience, états intentionnels et forme aspectuelle Le terme intentionnalité vient de la scholastique médiévale et il a été repris au XIXe siècle par Franz Brentano qui l’employa pour établir une distinction entre le monde mental et le monde physique. La notion réapparaît ensuite au XXe siècle, dans les années 1960-70, lorsque les philosophes Roderick Chisholm, Wilfrid Sellars et Willard Quine ont tenté de la redéfinir (Audi 1999 : 441). Dans ce travail, nous nous intéressons à 82 Notre objectif de recherche ne se situant pas en philosophie, nous ne présentons dans cette partie que les éléments clés de la théorie de l’intentionnalité de John Searle, sans prétendre à un exposé exhaustif. Ainsi, nous invitons le lecteur curieux à se référer aux ouvrages de l’auteur cités dans cette thèse. L’ontologie est définie comme une « branche de la métaphysique qui s’intéresse à tout ce qui existe » (Blackburn 1996 : 269). La métaphysique, quant à elle, est « appliquée à tout questionnement concernant la réalité précédant et suivant celui capable d’être abordé par des méthodes scientifiques » (ibid. : 240). 138 l’intentionnalité telle que la notion est développée par le philosophe américain John Searle. Searle (2004 : 19) définit l’intentionnalité comme : that capacity of the mind by which mental states refer to, or are about, or are of objects and states of affairs in the world other than themselves. Bien que cette définition se rapporte à l’usage traditionnel du terme intentionnalité en philosophie, l’intentionnalité searlienne comporte certaines caractéristiques permettant de la dissocier de l’emploi conventionnel. Premièrement, il existe des états mentaux et des événements qui ne sont porteurs d’aucune intentionnalité, c’est-à-dire qui ne sont pas orientés vis-à-vis de quelque chose et qui ne se rapportent pas à quelque chose (ibid.). Searle donne des exemples d’états mentaux, comme la dépression, l’angoisse, l’exultation, afin d’illustrer une absence possible d’intentionnalité. Deuxièmement, Searle (id. : 2) souligne que l’intentionnalité n’équivaut pas la conscience (id.), même si les deux sont les produits de processus neurobiologiques (Searle 2010 : 25) : l’intentionnalité requiert la conscience pour son existence, autrement dit, « l’intentionnalité vient avec la conscience » (Searle 1995 : 6). Néanmoins, les états conscients ne sont pas nécessairement intentionnels, tout comme certains états intentionnels ne sont pas conscients.
46,450
19/hal.inrae.fr-hal-02608174-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
3,482
6,059
4.4 À la conception : limiter l'impact des polluants La charge surfacique (surface de l'ouvrage rapportée au nombre d'EH de la Steu en amont), notion-clé pour le dimensionnement des filtres plantés de roseaux, peut également être déterminante pour le dimensionnement des ZRV, selon les objectifs poursuivis. Sinbio souligne que la charge surfacique conditionne certaines fonctions hydrauliques (infiltration, évapotranspiration) ainsi que des mécanismes épuratoires, notamment l'adsorption des nutriments par les plantes et la sédimentation, ainsi que les mécanismes aérobies de dégradation biologique, pour lesquels le transfert d'oxygène est limité par la surface. Une répartition et un écoulement homogènes des eaux à traiter sur toute la largeur de la ZRV réduisent considérablement les courts-circuits hydrauliques (Figures 10 et 11, page suivante), et assurent un maintien du temps de séjour prévu lors de la conception de l'ouvrage (chapitre 1). Ainsi, tel que le rappelle Sinbio, les différents éléments créant des pertes de charge au sein de la ZRV (seuils, enrochements, végétation) doivent être perpendiculaires et non parallèles au sens de l'écoulement. De même, l'alimentation en entrée et la reprise des eaux en sortie de la ZRV doivent se faire sur toute la largeur de l'écoulement. Plantation en bande Plantation en îlots Plantation en bande a © a, b E. Villemagne - A FB Figure 10. Écoulement plus ou moins homogène sur toute la section selon le type de plantation. Adapté de Kadlec, R,. Wallace, S. 20092 b Figure 11. Tout aménagement doit être homogène sur toute la section d'écoulement. a/ Plantation en îlot ; b/ Plantation en bande. IRH IC et Sinbio préconisent également de créer des variations de profondeurs d'eau et des types de plantation différents le long du profil de la ZRV afin de créer une gamme de conditions physicochimiques aussi large que possible. IRH IC recommande en particulier la mise en place de seuils poreux (rondins de bois, gabions contenant du sable grossier et fin) afin de créer une rupture dans le profil en long et un gradient hydraulique amont-aval. En plus d'être un support de biofilms bactériens, il assure l'oxygénation grâce à la chute créée. 2- Kadlec, R,. Wallace, S. 2009 : Treatment Wetlands, Second Edition, CRC Press, Boca Raton, Florida, USA, 1016 pages Pour optimiser la réduction des micropolluants par photodégradation naturelle (UV solaires), plusieurs éléments sont relevés par Irstea : n une vitesse d'écoulement appliquée au sein de l'ouvrage suffisante pour limiter le développement de végétaux flottants (qui bloquent l'arrivée des UV dans la colonne d'eau) dans les ZRV de type « bassin » peu profond ; n une limitation de la profondeur des bassins, avec une hauteur d'eau maximale recommandée de 20 à 30 cm (pour limiter le développement de macrophytes, le fond des bassins peut être recouvert de galets comme sur le site de Meyssac-19) ; n un temps de séjour hydraulique minimum d'une dizaine de jours. Ces recommandations conduisent à concevoir des ZRV de surface importante, ce qui n'est pas toujours possible localement. Pour certaines molécules, et selon leurs propriétés physico-chimiques, il est possible d'obtenir un abattement optimisé suivant une conception spécifique favorisant les mécanismes susceptibles de les éliminer : biodégra- dation, photodégradation, phyto-accumulation, adsorption, sédimentation, filtration Le projet Zhart a abouti à des choix de conception de dimensionnement pour quelques micropolluants ciblés. Le projet d'Irstea publiera quant à lui ses recommandations de conception fin 2018. à plus de 70 % : la plupart des médicaments (propranolol, sotalol, sulfaméthoxazole, diazépam, ibuprofène, carbamazépine), ainsi que l'octylphénol et le nonylphénol. Le projet a également constaté l'élimination partielle de certains pesticides (atrazine et simazine) et le NP1EC avec un rendement Rw de 40 à 70 %. Ces matériaux sont en test dans le cadre du projet Biotrytis (33), par comparaison au charbon actif. Une adsorption est également relevée lors d'écoulement sur des remblais contenant de l'argile, pour ce même projet. Concernant les macropolluants, le recours à une ZRV n'est pas justifié en sortie des stations dont les concentrations rejetées sont déjà très faibles. Ce point a été démontré par l'étude AEAG, qui déconseille également de remplacer un 2e étage de FPR par une ZRV (dont le rôle pour la nitrification n'est pas avéré). La ZRV peut toutefois conserver son intérêt en tant que tampon hydraulique, quelle que soit la station en amont. Le projet d'Irstea publiera quant à lui ses recommandations de conception fin 2018. La présence d'un filtre à sable en sortie, mis en oeuvre dans les premiers projets de Suez, aide à obtenir des performances élevées sur les matières en suspension. Toutefois, les colmatages surviennent dans les premières années de fonctionnement : le remplacement (réhabilitation) voire la suppression de ces ouvrages est souvent nécessaire au maintien du bon écoulement des effluents. L'élimination des polluants peut être encore am éliorée par l'utilisation de matériaux ad sorbants rapportés Les bassins doivent présenter une hauteur de revanche suffisante pour faire face à un pic de débit, permettre le (argile expansée, ou zéolite), telle que décrite dans le projet Armistiq (Choubert et al., 20153). L'argile expansée est plus efficace que la zéolite. Huit micropolluants sont adsorbés stockage de sédiments et subir éventuellement une mise en charge partielle du fait du développement localisé de la végétation. 4.5 À la conception : anticiper l'entretien et le suivi La conception des différents bassins et fossés doit permettre autant que possible le passage d'engins mécaniques, afin de limiter les tâches d'entretien manuelles, fastidieuses et coûteuses. La possibilité de réaliser des vidanges de bassins doit également être anticipée (by-pass, surverses réglables), notamment pour le curage des boues. La mise en place de canalisations ou de tuyaux intermédiaires est à éviter. Les retours d'expérience de l'étude AEAG montrent que ceux-ci se bouchent facilement par la végétation (feuilles, débris, racines). Les liaisons entre ouvrages doivent s'effectuer autant que possible de manière douce grâce à des surverses ou des fossés. Malgré tout, si des canalisations sont installées, leur accès doit être facile et sécurisé pour permettre le nettoyage. Les bassins et fossés doivent présenter une pente douce (< 30°) pour faciliter les accès et éviter l'érosion des berges. La présence de paliers au niveau des berges, favorable à la diversité d'espèce, est également recommandée. Une végétation basse avec un fort système racinaire doit être privilégiée. Les arbustes et les arbres ne doivent pas être plantés trop près des berges : comme l'a quelquefois observé IRH IC, ceux-ci risquent de s'effondrer dans la ZRV et de bloquer l'écoulement des eaux, notamment si l'entretien fait défaut. Enfin, il est fortement recommandé, lorsque c'est économiquement possible, de disposer de mesures en lien avec l'hydrologie des ZRV, pour en assurer un suivi de qualité et le cas échéant prévoir des actions de gestion. Le projet Zhart préconise de mettre en place une instrumentation pour les paramètres s : débit entrant dans la ZRV (généralement mesuré en sortie de Steu) et sortant vers le milieu récepteur (eau superficielle) ; n données météorologiques (pluviométrie, température) ; n niveaux d'eau dans les bassins (si existants). Ces mesures doivent être suffisamment précises pour permettre le calcul des stockages / déstockages ; n hauteur de la nappe et variabilité dans le temps (cycles saisonniers). C'est un point important car une nappe haute peut impacter les flux d'infiltration voire alimenter la ZRV. n 3- Choubert, J . M., Cré tol lier, C., Tahar , A., Budzinski, H., E speranza , M., Dherret, L., Le Menach , K., No yon , N., Miège , C., Co query , M. (2015). Quel s micropoll uants peut-on éliminer par les procédés extensifs de traitement des eaux usées domestiques?. Techniques Sciences Méthodes, n° 3, p. Concernant la fréquence du faucardage (Figure 13), plusieurs cas sont à distinguer : n dans un milieu de type prairie humide, en milieu ouvert, Loin de se limiter à la tonte des espaces verts, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, il comprend le faucardage de un faucardage annuel est préconisé, ces milieux n'existant pas sous nos latitudes en état d'équilibre naturel ; n dans les milieux plus stables, comme les roselières ou les zones en eau de plusieurs décimètres de profondeur, qui n'évoluent que très lentement, un faucardage pluriannuel suffit. la végétation aquatique, l'entretien des abords, le curage des boues et la lutte contre les animaux indésirables. Les contraintes d'exploitation sont d'autant plus importantes qu'il existe des défauts de conception (difficulté d'accès des engins, impossibilité de vidange) nécessitant des interventions manuelles. En outre, faucardage et curage doivent être réalisés de préférence de manière progressive et hors saison végétative. Au besoin, une seule zone sera faucardée pour ne pas détruire tous les écosystèmes en place. © B.Chancerel, PhytoSERPE À titre d'exemple, dans l'étude AEAG, l'entretien d'une ZRV de 0,5 ha en sortie d'une Steu à boues activées de 5 000 EH, avec vocation pédagogique, représente environ 30 minutes par jour de travail réalisé par le personnel communal et 4 000 € HT / an de sous-traitance auprès d'un établissement et service d'aide par le travail (Esat). Ces ordres de grandeur sont confirmés par Veolia qui lors d'une enquête réalisée en 2012 avait noté des temps d'entretien pouvant aller jusqu'à une à deux heures par semaine, et des coûts complémentaires pour des interventions plus ponctuelles (faucardage,) pouvant aller jusqu'à 3 000 €/an (sur un site de 10 ha environ dont la conception ne permettait pas le passage d'engins mécaniques). Le faucardage des plantes aquatiques et le fauchage de la végétation des berges doivent être réalisés régulièrement. Ils permettent entre autres de : n Figure 13. Dans un milieu de type prairie humide, un faucardage annuel est préconisé. contenir le développement des arbres et arbustes, les fortifier et identifier les problèmes liés au développement de leurs racines (obstruction de canalisations par exemple) ; n contenir le développement de la végétation et limiter le développement des espèces invasives (Figure 12) ; n limiter les débris végétaux qui viennent obstruer les liaisons hydrauliques entre ouvrages ; n limiter les ilots denses de végétation qui conduisent à des hausses du niveau d'eau ; n contrôler l'état des ou s et maintenir les accès aux regards ; n extraire éventuellement certains polluants stockés dans les plantes. Si la récolte a pour objectif d'exporter les nutriments, il semble préférable de la réaliser lorsque les parties aériennes sont toujours vertes. Sinbio explique que, lorsqu'elles jaunissent, les nutriments sont transférés dans les racines et rhizomes. Leur récolte après flétrissement conduirait à des exportations plus faibles, souvent dans des conditions de travail plus laborieuses. Cependant, une exportation en fin d'hiver permet de préserver davantage la fonction d'habitat de la ZRV. © Irstea L'envasement des ZRV nécessiterait un curage (Figure 14) au moins tous les cinq ans, selon le retour d'expérience Figure 12. Bassin d'une zone de rejet végétalisée envahi par des lentilles. 16 d'IRH IC. Cette opération permet de préserver le fonctionnement hydraulique de la ZRV mais aussi d'extraire certains polluants accumulés dans les sédiments (métaux, phosphore, par exemple) et d'éviter la fermentation, émettrice de gaz à effets de serre. Un remodelage des berges peut être effectué en parallèle. © IRH In génieur Conseil Figure 14. L'envasement des ZRV nécessite un curage. Il convient cependant de limiter les impacts du curage sur les habitats (vase, végétaux). Dans le cadre de interventions tout au long de l'année en fonction des différents ouvrages de la ZRV, du développement des végétaux, etc. Les indicateurs pour déclencher un curage ou un faucardage complet de la zone varient selon les constructeurs et les ZRV. À titre d'exemple, dans le cas d'une ZRV constituée de fossés végétalisés, les tâches effectuées pour l'entretien et leurs fréquences préconisées par Veolia sont les suivantes : n surveillance régulière (minimum deux fois par mois) de l'accumulation de dépôts dans le fossé, de l'obstruction des canalisations d'arrivée / sortie, de l'état des végétaux, de la couleur de l'eau et des proliférations (et enlèvement le cas échéant) ; n débroussaillage des abords (deux fois par an) ; n taille des arbres (tous les trois ans, voire plus souvent pour les saules) (Figure 16) ; © ESAT DE BOISSOR l'étude de l'AEAG, les recommandations suivantes ont été proposées et mises en oeuvre pour le curage des boues de deux sites étudiés : n le curage a lieu à l'automne ou au printemps, avant ou après les phases de reproduction et de croissance de la faune et de la flore. Si la zone n'est alimentée qu'une partie de l'année, le curage est effectué pendant la période de repos de la ZRV ; n lorsque la ZRV est composée de différents secteurs, le dépôt de sédiments est progressif. Pour ne pas détruire les écosystèmes en place, une seule zone sera curée au besoin ; n dans l'intérêt écologique du site, les éléments retirés sont stockés temporairement à proximité du site afin de re un retour au milieu de la faune ; les boues sont déposées en tas à même le sol, sur une zone plane, afin d'éviter les ruissellements. Pour ne pas perturber l'équilibre écologique de la ZRV, Sinbio préconise de favoriser autant que possible un « entretien différencié » : cela consiste à moduler les Figure 16. Entretien des végétaux non aquatiques des berges par de la taille. Un assèchement (Figure 15) une fois par an pour minéraliser la matière organique n'est pas toujours une solution. Selon Sinbio, une minéralisation par mise à sec n faucardage annuel des végétaux semi-aquatiques des berges à l'automne (15 cm au-dessus du niveau d'eau) avec export des résidus ; n curage à réaliser lorsque 25 % du volume d'un fossé est comblé, ou si la hauteur de sédiments est supérieure à 20 cm. périodique peut parfois empêcher le colmatage des substrats filtrants ou surfaces d'infiltration (ce qui permet de maintenir la filtration des matières en suspension en surface). Cependant l'alternance des phases peut conduire à un relargage massif de certaines formes ioniques (des nutriments, métaux lourds et autres polluants) issus des sédiments. Des travaux conduits par Irstea devraient fournir des éléments de réponse sur le mode d'alimentation. © Suez Enfin, la présence de ragondins est quasi-systématique sur les ZRV. Pour éviter la destruction des berges, des campagnes de piégeage sont à réaliser a minima deux fois par an par du personnel habilité. Figure 15. L'assèchement une fois par an n'est pas toujours une solution. 17 Conclusion et perspectives En réponse aux fortes attentes que suscitent les zones de rejet végétalisées et au développement croissant qu'elles connaissent auprès des collectivités, la présente publication a proposé un état des lieux des connaissances scientifiques et techniques sur les principales fonctions qui leur sont attribuées, dont la réduction des débits sortants et l'élimination des polluants. À la lueur d'un ensemble de projets de recherche récents, elle s'est attachée à mettre ces fonctions attendues en lien avec les mécanismes physico-chimiques qui les sous-tendent, puis à en tirer des recommandations consensuelles de conception et d'entretien, visant à optimiser l'efficacité des futures ZRV pour une ou plusieurs fonction(s) donnée(s). Il en ressort que, si les impacts, positifs mais aussi parfois négatifs, des ZRV ont pu être confirmés et mesurés dans un certain nombre de cas, ils sont toujours très dépendants du contexte (type de sol, traitements présents en amont, charge polluante en entrée) et des options de conception retenues. © Irstea À défaut de solutions clés-en-mains, il demeure donc essentiel d'appuyer tout projet sur une étude préalable complète (incluant l'étude de la capacité d'infiltration du sol) et sur une définition claire et partagée des objectifs poursuivis par la ZRV. Des éléments nouveaux pour l'aide à la décision et à la conception sont attendus à court et moyen termes, à l'image du projet Onema-Irstea mené à 18 Bègles (33), Nîmes (30) et Lyon (69), qui proposera une typologie des ZRV en fonction des attentes des projets, et apportera une première grille de dimensionnement fin 2018. L'entretien de la ZRV est également une condition-clé de son bon fonctionnement, et donc de ses performances attendues. Son absence peut entrainer une détérioration de la qualité de l'eau en sortie de ZRV et un impact sur le milieu récepteur. Il doit être pensé dès la conception, et mené au cours du temps selon un calendrier adapté. Les recommandations listées dans le dernier chapitre de cette publication seront complétées par un guide pratique consacré à l'entretien des ZRV, diffusé par le groupe Epnac à l'horizon 2017/2018. La prévision des performances d'abattement des ZRV et leur amélioration, selon les polluants ciblés et les configurations, restent quant à elles un sujet de recherche : des connaissances nouvelles seront disponibles au cours des prochaines années, avec les résultats de différents travaux en cours et le retour d'expérience des ZRV dotées d'une instrumentation scientifique. À l'issue de l'ensemble de ces études, les aspects réglementaires des zones de rejet végétalisées pourraient être amenés évoluer. Pour en savoir plus n Nom du projet : Epec (Épuration en eau courante) Partenaires : IRH IC, Fluvial. , LRGP, Irstea, Isa Site web : http://extranet.groupeirhenvironnement.com/epec/ Contact mail : [email protected] n Nom du projet : projet interne Veolia Eau Partenaires : Setude, Sinbio Principales références : C.Pagotto, L.Sergent, J.Serre, B.David, Les zones de rejet intermédiaire en assainissement : observations de terrain et comportement des polluants au sein de ces zones, TSM n° 7/8 , Juillet-Août 2014, pp 43-50 . Christelle Pagotto, Zones humides artificielles : épurer et protéger la qualité des eaux naturelles, Colloque zones huides, GRESE, 6 février 2014, Limoges n Nom du projet : Azhurev (Aménagement d'une zone humide à Reims pour l'épuration et le vivant) Partenaires : Sinbio, REIMS METROPOLE, Esope, Metis ingénierie, LRGP, Agence de l'eau Seine Normandie Contact mail : [email protected] n Nom du projet : Zhart (Zone humide artificielle) Partenaires : Suez (Cirsee et Eau France), Rive sarl, Nymphea, Citeres (Université de Tours), Leres (Ecole des hautes etudes de santé publique), Eurofins. Site web : http://www.poledream.org/zhart Principales références : Projet ZHART, 2016. Re commandations pour la conception, le suivi et la gestion de nouveaux concepts de zones de rejet végé talisées . Application en sortie de stations de traitement des eaux usée s municipales . Rapport publique du projet de recherche ZHART ( lauréat FUI 14 ). Pen ru Y., T. Polard, J. Schuehmacher, M. Lafforgue, P. Prohin, M.A. Lebas, M. Bacchi, K. Lemenach, H. Budzinski, M.P. Som, L. Perridy, M. Chambolle, S. Martin Ruel. Performance d'élimination des micropolluants par les ZRV. Actes des Journées Information Eaux (JIE), octobre 2016 , Poitiers Contact mail : [email protected] ; ludovic . per ridy @su ez. com n Nom du projet : Suivi de la zone de rejet végétalisée de la station d'épuration Horizon de Coutières Partenaires : Saur, ImaGeau, CPIE 79 Principales références : V. Jauzein, J-P. Bellot, F. Nauleau , « Su ivi de l'infiltration d'une zone de rejet végétalisée par un système d'observation de la qualité de l'eau en continu, cas de Coutières (Deux-Sèvres) », Sciences, Eaux et Territoires, n°16, 2015, p12-16 Saur, « Fonctionnement de la Zone de Rejet Végétalisée de Coutières (79) », dans ASTEE « Ingénierie écologique appliquée aux milieux aquatiques, pourquoi? comment? », Chap. 4, 2013, p 172-176 "V. Jauzein, F. Nauleau. Suivi de l'infiltraiton d'une zone de rejet végétalisée par un système d'observation de la qualité de l'eau en continu, cas de Coutières (79). : Vincent Jauzein, [email protected], 01.30.60.84.48 n Nom du projet : Devenir de 81 substances médicamenteuses et de leurs métabolites au sein des Zones de rejet végétalisées Partenaires : L'Ecole nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg (Engees) & l'Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) à Strasbourg Site web : https://engees.unistra.fr & http://ibmp.ustrasbg.fr Contact : Maximilien Nuel (Icube/Engees/Unistra/IBMP, [email protected]), Dimitri Heintz (IBMP, [email protected]) & Adrien Wanko (Icube/Engees/Unistra, [email protected]) n Nom du projet : Suivi experimental du fonctionnement des ZRV et des mileux récepteurs associés Maître d'ouvrage : Agence de l'eau Adour-Garonne (mandataire IRH IC) Contact : [email protected] n Nom du projet : Programme de recherche IrsteaOnema sur les ZRV Partenaires : Université de Bordeaux, Bioforsk, Nimes Métropole, Bordeaux Métropole, Commune de Mionnay Site web : http:// zrv.irstea.fr Contact : [email protected] n Nom du projet : Atelier ZRV du groupe de travail national Epnac Partenaires : Onema, Irstea, conseils généraux (Satese), agences de l'eau, ministère en charge de l'environnement, ministère en charge de la santé, Oieau Site web : https://epnac.irstea.fr/ Principales références : https://epnac.irstea.fr/zones-derejet-vegetalisees/ Contact : Catherine Boutin ( [email protected]), Stéphanie Prost-Boucle ([email protected]) n Nom du projet : « Évaluation de l'hydrodynamique de trois zones de rejet végétalisées par opération de multitraçage, SIA de Lutter-Raerdersdorf, Commune de Liebsdorf » et « Retour du suivi de fonctionnement de trois ZRV dans le Haut-Rhin de 2009 à 2013 » Partenaires : Icube, Engees, Agence de l'eau Rhin-Meuse pour le 1er projet et AERM, Satese 68, SIA de Lutter-Raerdersdorf, commune de Liebsdorf et Sivom de Wahlbach-Zaessingue pour le 2e projet Site web : www.eau-rhin-meuse.fr, en cours de mise en ligne site de l'AERM et document de synthèse en cours de réalisation par l'AERM Principales références : pour le 1er projet J. Laurent, P. Bois, A. Wanko, juillet 2013, pour le 2e projet N. Venandet (AERM), F.
6,892
56/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01473197-document.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
7,403
13,401
Nous remarquons que dans 26% des cas le ratio Kappa/Lambda est normal (entre 0.3 et 4). L'utilisation de ce ratio comme critère de clonalité lorsqu'il est diminué ou augmenté 65 peut donc conduire à méconnaitre un SLPC B biclonal. Ceci s'explique par le fait que tous les patients pour lesquels le ratio est normal présentent des clones qui ont une chaîne légère différente ou bien une absence d'immunoglobuline de surface pour l'un des deux clones. Ce ratio ne doit donc pas être utilisé seul dans la recherche d'un SLPC B. Tous les marqueurs utilisés pour calculer le score de Matutes doivent être analysés. Dans un seul de nos prélèvements, aucun de ces marqueurs ne différait entre les 2 clones, seul le niveau d'expression des chaînes légères ou l'expression de CD10 permettaient de les différencier. Le type de chaîne légère de l'immunoglobuline est le paramètre qui permet le plus souvent de distinguer les deux clones. La mise en évidence d'une expression identique des autres marqueurs pour toutes les cellules exprimant la même chaîne légère permet alors de suspecter un SLPC et la différence d'expression de ces marqueurs notamment de FMC7 permet alors d'évoquer la présence de deux populations clonales. Lorsque la chaîne légère est identique il faut porter une attention particulière au niveau d'expression de celle-ci, légère ou forte. La mise en évidence du processus de clonalité et de la présence de deux populations n'est ainsi pas toujours aisée. Dû au faible nombre de patients dans chaque groupe de SLPC non LLC, seuls les résultats biologiques et cliniques des patients présentant au moins un clone de LLC pourront être discutés. 64 Dans notre étude, nous n'avons pas mis en évidence de différence significative entre l'âge moyen au diagnostic des patients chez qui nous retrouvons un clone de LLC associé à un autre clone et l'âge médian donné par le réseau Francim en 2012, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Hommes et femmes confondus, lorsque nous comparons cette moyenne dans notre étude (76 ans) à celle trouvée par Sanchez et al., 62 nous ne retrouvons pas non plus de différence significative. Au moment de la réalisation de l'immunophénotypage, 69 % des patients pouvaient être classés dans le stade A de la classification de Binet. Ce pourcentage n'est pas significativement différent de l'étude de Sanchez et al.,62 ou de celui donné par Binet dans sa proposition de classification. 38 Lorsque nous comparons la présence d'adénopathie, de splénomégalie ou d'hépatomégalie à l'étude de Sanchez et al., 62 nous ne retrouvons pas non plus de différence significative. Lorsque nous comparons les données biologiques toujours à cette même étude nous observons que les patients possédant plus d'un clone ont des LDH significativement plus faibles que ceux qui n'en n'ont qu'un seul (p<0.01). Nous n'observons en revanche pas de différence significative pour la valeur de l'hémoglobine, la numération plaquettaire et la numération des lymphocytes. Ces résultats diffèrent quelque peu de la littérature. Dans l'étude de Sanchez et al., 62 les patients avec un clone de LLC associé à au moins un autre clone (LLC ou non LLC) présentaient plus souvent une splénomégalie que les patients avec un seul clone de LLC (p=0.02). Cependant le taux de survie était identique dans les deux groupes. Les patients présentant un de LLC associé à un clone non LLC étaient plus âgés (p=0.05) et nécessitaient un recours au traitement dans les 18 mois plus fréquents (p=0.03) que les patients présentant une LLC monoclonale ou deux clones de LLC. Dans l'étude de Kern et al., 61 les patients présentant un clone de LLC associé à au moins un autre clone de SLPC ont une médiane de survie sans traitement plus courte, mais non significative, que ceux qui n'ont qu'un seul clone de LLC (67.3 mois vs 104.9 mois, p=0.08). Döhner et al., 60 ont analysé en FISH les prélèvements sanguins de 325 patients avec une LLC et ont corrélé leurs résultats aux données cliniques. Des anomalies chromosomiques ont été détectées chez 268 patients (82%). La relation clonale entre deux populations peut être étudiée grâce à l'étude du réarrangement des gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines (IGH) car chaque lymphocyte possède une immunoglobuline unique qui reste stable au cours de toutes les divisions cellulaires. 69 Dans les cellules B normales ou dans les lymphocytoses polyclonales il y a une diversité importante des réarrangements IGH de telle sorte qu'un même réarrangement ne sera pas retrouvé dans plus de 1 à 2 % des lymphocytes. La présence d'un réarrangement retrouvé à plus de 2 % traduit un processus clonal. Dans notre étude nous avons choisi d'étudier les réarrangements IGH par séquençage nouvelle génération. En effet le séquençage Sanger classiquement utilisé dans le laboratoire n'est pas adapté à l'étude d'échantillons bialléliques ou contenant plus d'un clone. Avec cette technique la différenciation des deux séquences et leur quantification est difficile et devient impossible lorsque l'on dépasse le nombre de trois séquences. 66 Pour trois patients, l'analyse NGS n'a pas permis de retrouver un réarrangement IGH surreprésenté, remettant ainsi en cause la notion de clonalité pourtant mise en évidence à l'immunophénotypage lymphocytaire. Ceci pourrait s'expliquer par certaines limites de la technique. Les amorces utilisées pour encadrer la séquence d'intérêt se situent entre VH (FR2) et JH. 70 Les deux séquences obtenues sont de 150 pdb et ne se chevaucheront donc que si la distance entre les deux segments est inférieure à 300 pdb. Si le réarrangement a généré une séquence comprenant plus de 300 pdb il est possible que celui ne soit alors pas détecté par cette technique. Ce phénomène théorique n'a cependant pas été observé dans l'expérience du laboratoire. Il faut de plus noter que pour les patients N° 11b, 25, 31 et 46 les deux populations qui semblent dériver du même clone ne portent pas la même chaine légère. Cela impliquerait que l'évènement oncogénique à l'origine des deux clones ait eu lieu après le réarrangement du gène des chaines lourdes mais avant celui des chaînes légères. Bien que théoriquement envisageable ce phénomène a peu été décrit dans la littérature.71 Nos observations supposent de plus le respect du phénomène d'exclusion allélique. En effet, la présence de plusieurs réarrangements IGH productifs a été décrite dans des populations de LLC. 72 La détection de deux réarrangements IGH productifs peut être alors expliquée par la présence de deux réarrangements ayant eu lieu sur un des deux allèles de deux clones différents ou par la présence de deux réarrangements ayant eu lieu sur les deux allèles d'un même clone. La règle de l'exclusion allélique permet normalement de garantir que chaque cellule ne possède qu'un seul réarrangement IGH productif. Si la première tentative de réarrangement échoue alors seulement le deuxième sera réarrangé, si le réarrangement du second allèle échoue à son tour le lymphocyte entre en apoptose. Cependant des études suggèrent que des cellules de LLC peuvent ne pas suivre cette règle et deux réarrangements productifs IGH peuvent ainsi être retrou dans un même clone suite à un phénomène de remplacement VH. 73, 74 Pour d'autres équipes la présence de deux réarrangements IGH productifs traduit bien la présence de plusieurs clones indépendants comme avait pu le suggérer la présence de deux populations cellulaires de phénotypes différents à l'immunophénotypage lymphocytaire. 75 Dans l'étude de Kern et al., 61 la présence de deux réarrangements était plus fréquente dans les prélèvements biclonaux que dans les prélèvements monoclonaux (37.1% vs 2.7%, p<0.001). En l'absence d'analyse en « single cell » il est difficile de répondre à cette question avec certitude, or la technique que nous avons utilisée a été réalisée sur un culot lymphocytaire sans tri lymphocytaire préalable. Dans la littérature l'analyse en « single cell » a été réalisée par Kriangkum et al. 76 Sur 198 patients étudiés 26 possédaient plus d'un réarrangement IGH. 19 étaient bialléliques et ils 67 étaient tous composés d'un réarrangement productif et d'un réarrangement non productif. 7 étaient biclonaux. Ils n'ont ainsi mis en évidence aucun patient ne suivant pas la règle de l'exclusion allélique. Seule la présence d'au moins trois réarrangements différents peut permettre d'affirmer la présence de deux clones distincts avec certitude. Cela concerne 4 patients dans notre étude. La présence de trois chromosomes 14 (où est localisé le gène des chaînes lourdes des immunoglobulines) doit également être envisagée. Pour les deux patients pour lesquels un caryotype a été réalisé, aucune trisomie 14 n'a été retrouvée. La comparaison des pourcentages en NGS et en CMF s'est avérée plus difficile que prévue. En fonction des tailles des réarrangements des effets de compétition peuvent biaiser les pourcentages observés et on ne peut pas exclure qu'il s'agisse des deux allèles du même clone. Cependant, de l'expérience du laboratoire, la présence de deux réarrangements sur les deux allèles d'un même clone retrouve rarement des pourcentages si différents. Dans notre étude, 18 patients étaient déjà suivis pour un SLPC. Il n'a pas été retrouvé d'allusion à la présence de deux clones dans les dossiers. Cela pourrait être un argument en faveur d'une évolution de la pathologie avec apparition d'un deuxième clone. Cependant devant le faible pourcentage des clones dans certains cas et la difficulté de mettre en évidence les deux clones lorsque ceux-ci diffèrent par un faible nombre de marqueurs, il n'est pas exclu que le ère biclonal ait pu passer inaperçu jusque-là. Il semble que lorsque deux clones ont clairement été identifiés, le choix de la chimiothérapie a été guidé par les recommandations de prise en charge des lymphomes classiques et le clone le plus agressif constituait la cible du traitement quelle que soit la proportion de celui-ci vis-à-vis de l'autre clone. Dans certains cas ce traitement pouvait également être utilisé pour traiter le deuxième mais la chimiothérapie ne figurait pas toujours dans les recommandations de traitement du deuxième clone. Il est intéressant de noter que parmi les clones identifiés 31 pouvaient être définis comme des lymphocytoses B monoclonales (MBL). Cette entité qui est apparu dans la classification OMS de 2016 est définie comme la présence d'une population B monoclonale dans le sang périphérique à un taux inférieur à 5 G/l et présentant un phénotype de LLC, de LLC atypique ou de non LLC en l'absence de signe de maladie lymphomateuse. Elle est retrouvée à l'immunophénotypage chez 3,5% des patients ayant un taux de lymphocytes normaux. Tous les cas de LLC sont précédés d'un stade MBL. Une MBL avec des signes d'atteinte ganglionnaire peut correspondre à la dénomination de certaines formes de LLC en 68 « lymphome lymphocytique ». Dans notre étude 45% des patients ne présentaient pas d'adénopathie ou de splénomégalie, le terme MBL était donc justifié. Dans 5% des cas la présence de ces signes était associée à celle de deux MBL, l'une des deux aurait donc pu être qualifiée de lymphome lymphocytique. Pour les 50% des cas restants la présence d'adénopathie ou de splénomégalie ne pouvaient pas être imputable au clone MBL ou à un autre clone lymphomateux, la dénomination exacte était alors impossible à définir. Les MBL de faible nombre (< 0.5 G/l) doivent être distinguées des MBL de nombre élevé. Les MBL de faible nombre ont peu de risque de se développer en LLC et ne requièrent pas de suivi. A l'inverse les MBL de nombre élevé présentent des similarités avec les LLC de stade O dans la classification de RAI du point de vue phénotypique et génétique et nécessitent une surveillance annuelle. Les MBL de type non LLC ont été, pour certains, décrits comme étant proche des LZM. Le risque annuel des MBL de type LLC de nombre élevé de développer une LLC nécessitant une chimiothérapie est de 1 à 2%, ce taux est similaire au risque de développer un myélome multiple chez les patients avec une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS). CONCLUSION L'incidence des SLPC avec plus d'un clone de 3.4% des SLPC calculée dans notre étude correspond aux données de la littérature. Pour les patients présentant au moins un clone de LLC les quelques différences qui étaient observées dans la littérature ne semblent pas se retrouver dans notre étude : résultats biologiques classiques, analyse cytogénétique, mutations du gène des chaînes lourdes des immunoglobulines, caractéristiques cliniques. Aucune modification de la prise en charge par rapport aux patients monoclonaux ne semble être justifiée à l'heure actuelle. Et d'une manière générale pour tous les types de lymphomes. L'analyse en NGS a été réalisée sur 24 patients. Il n'a pas été retrouvé de réarrangement clonal pour 3 patients, remettant ainsi en question les résultats de l'immunophénotypage. L'analyse des réarrangements et des profils immunophénotypiques nous a permis de suspecter une évolution clonale dans 5 cas et la présence de deux clones distincts dans 12 cas, dont 4 cas ont été confirmés. Pour les 4 derniers patients l'origine reste incertaine. La confirmation de la coexistence de 2 clones est facilitée par l'apport du NGS mais reste encore incertaine dans quelques cas. Il faudra tenir compte des résultats des 2 techniques pour conclure entre une évolution clonale et un lymphome composite notamment pour les cas où peu de marqueurs diffèrent en CMF. Le clone le plus agressif semble guider le choix du traitement. Les comptes rendus de cytométrie en flux devraient ainsi mettre en avant ce clone quel que soit son pourcentage et non le clone prédominant comme c'est le cas à l'heure actuelle. Nous n'avons pas le même recul pour tous les patients, trois ans et demi pour les premiers, presque nul pour les derniers patients inclus. Il serait intéressant de continuer nos observations et de calculer le pourcentage de recours au traitement à 18 mois pour tous les patients. Nous pourrions également suivre si un ou plusieurs clones sont retrouvés en cas de rechute. Il serait également intéressant de continuer à inclure des patients pour augmenter le nombre de patients présentant au moins un clone de LLC mais surtout d'autres types de lymphomes. 1 Charles A. Janeway et al., Immunobiologie (De Boeck Supérieur, 2009). 2 César Cobaleda et al., "Pax5: The Guardian of B Cell Identity and Function," Nature Immunology 8, no. 5 (May 2007): 463–470. 3 J. Familiades et al., "PAX5 Mutations Occur Frequently in Adult B-Cell Progenitor Acute Lymphoblastic Leukemia and PAX5 Haploinsufficiency Is Associated with BCR-ABL1 and TCF3-PBX1 Fusion Genes: A GRAALL Study," Leukemia 23, no. 11 (2009): 1989–1998. 4 Anne Plonquet, "Différenciation Lymphocytaire B Normale," Revue Francophone Des Laboratoires 2013, no. 452 (2013): 27–35. 5 Ivan M. Roitt, Jonathan Brostoff, and David Male, Immunologie. 3ème édition (De Boeck Supérieur, 2002). 6 Judy Owen, Jenni Punt, and Sharon Stranford, Immunologie - 7e édition: Le cours de Janis Kuby avec questions de révision (Dunod, 2014). 7 "IMMUNOGLOBULINES - STRUCTURE ET FONCTION," accessed May 30, 2016, http://www.microbiologybook.org/French-immuno/immchapter4.htm. 8 "GENETIQUE DES IMMUNOGLOBULINES," accessed May 31, 2016, http://www.microbiologybook.org/French-immuno/immchapter6.htm. 9 Yves Levy, "Mécanisme D'hypermutation Somatique Des Gènes Des Immunoglobulines," Hématologie 5, no. 6 (2000): 469–479. 10 Janet Stavnezer, "Immunoglobulin Class Switching," Current Opinion in Immunology 8 (1996): 199–205. 11 Hamblin et al., "Unmutated Ig VH Genes Are Associated With a More Aggressive Form of Chronic Lymphocytic Leukemia," Blood 6 (September 15, 1999): 1848–1854. 12 Jean Feuillard and Martine Raphael, "Différenciation Lymphocytaire B et Lymphomes B Périphériques," Hématologie 6, no. 5 (December 21, 2000): 345–359. 13 Ralf Küppers "Mechanisms of B-cell Lymphoma Pathogenesis," Nature Reviews Cancer 5, no. 4 (April 2005): 251–262. 14 Swerdlow et al., "THE UPDATED WHO CLASSIFICATION OF HEMATOLOGICAL MALIGNANCIES: The 2016 Revision of the World Health Organization Classification of Lymphoid Neoplasms," Blood 127, no. 20 (May 19, 2016): 2375–2390. 15 Alain Monnereau et al., "Estimation Nationale de L'incidence," 2013, http://www.ecancer.fr/content/download/95869/1020796/file/Estimation-nationale-incidence-mortalite-par-cancer-France-19802012-Partie-2-Synthese.pdf. 16 Christian Grisselbrecht, Les Lymphomes Non Hodgkiniens (John Libbey Eurotext, 2008). 17 Félix Reyes, Les lymphomes malins non hodgkiniens (John Libbey Eurotext, 2000). 18 F. Drouet et al., "Lymphomes Malins Non Hodgkiniens," Cancer/Radiothérapie 14 (2010): 210–229. 19 "BFA - Unité de Biologie Fonctionnelle et Adaptative - CNRS UMR 8251 - Principe de La Cytométrie En Flux et Du Tri Cellulaire," accessed June 6, 2016, http://www.bfa.univ-paris-diderot.fr/spip.php?rubrique99. 20 IUIS-WHO Nomenclature Subcommittee, "Nomenclature for Clusters of Differentiation (CD) of Antigens Defined on Human Leukocyte Populations," Bulletin of the World Health Organization 62, no. 5 (1984): 809. 22 M. C. Bene et al., "Immunophenotyping of Acute Leukemia and Lymphoproliferative Disorders: a Consensus Proposal of the European LeukemiaNet Work Package 10," Leukemia 25, no. 4 (2011): 567–574. 23 Magali Le Garff-Tavernier, Myrto Costopoulos, and Hélène Merle-Béral, "Place de La Cytométrie En Flux Dans Le Diagnostic et Le Suivi Des Syndromes Lymphoprolifératifs B," Revue Francophone Des Laboratoires 2013, no. 452 (2013): 37–48. 24 F. E. Craig and K. A. Foon, "Flow Cytometric Immunophenotyping for Hematologic Neoplasms," Blood 111, no. 8 (January 11, 2008): 3941–3967. 25 Matutes et al, "The Immunological Profile of B-cell Disorders and Proposal of a Scoring System for the Diagnosis of CLL," Leukemia 8, no. 10 (October 1994): 1640–1645. 26 Moreau et al., "Improvement of the Chronic Lymphocytic Leukemia Scoring System With the Monoclonal Antibody SN8(CD79b)," American Journal of Clinical Pathology 108, no. 4 : 378–382. 27 M. Dungarwalla, E. Matutes, and C. E. Dearden, "Prolymphocytic Leukaemia of B- and T-cell Subtype: a State-of-the-art Paper: B- and T-prolymphocytic Leukaemia," European Journal of Haematology 80, no. 6 (June 2008): 469–476. 28 Juehua Gao et al., "Immunophenotypic Variations in Mantle Cell Lymphoma," American Journal of Clinical Pathology 132, no. 5 (November 2009): 699–706. 29 Giuseppe A. Palumbo et al., "CD200 Expression May Help in Differential Diagnosis Between Mantle Cell Lymphoma and B-cell Chronic Lymphocytic Leukemia," Leukemia Research 33, no. 9 (September 2009): 1212– 1216. 30 Horatiu Olteanu et al., "CD23 Expression in Follicular Lymphoma: Clinicopathologic Correlations," American Journal of Clinical Pathology 135, no. (January 2011): 46–53. 31 Francine Garnache Ottou et al., "Peripheral Blood 8 Colour Flow Cytometry Monitoring of Hairy Cell Leukaemia Allows Detection of High-Risk Patients," British Journal of Haematology 166, no. 1 (July 2014): 50–59. 32 L. Baseggio et al., "Relevance of a Scoring System Including CD11c Expression in the Identification of Splenic Diffuse Red Pulp Small B-cell Lymphoma (SRPL)," Hematological Oncology 29, no. 1 (March 2011): 47–51. 33 Christine B. Kost, Jeannine T. Holden, and Karen P. Mann, "Marginal Zone B-cell Lymphoma: A Retrospective Immunophenotypic Analysis," Cytometry Part B: Clinical Cytometry 74B, no. 5 (September 2008): 282–286. 34 Sergej Konoplev et al., "Immunophenotypic Profile of Lymphoplasmacytic Lymphoma/Waldenström Macroglobulinemia," American Journal of Clinical Pathology 124, no. 3 (September 2005): 414–420. 35 Virginie Eclachea and Fanny Baran-Marszaka, "Intérêt de La Cytogénétique et de La Biologie Moléculaire Pour Le Diagnostic Des SLP B Eclache.pdf," Revue Francophone Des Laboratoires 452 (05/20103): 49–59. 44 J.P. Delville et al., "Biclonal Low Grade B-cell Lymphoma Confirmed by Both Flow Cytometry and Karyotypic Analysis, in Spite of a Normal Kappa/lambda Ig Light Chain Ratio," American Journal of Hematology 82, no. 6 (June 2007): 473–480. 45 J. Gonzalez-Campos et al., "Chronic Lymphocytic Leukemia with Two Cellular Populations: a Biphenotypic or Biclonal Disease," Annals of Hematology 74, no. 5 (1997): 243–246. 46 Zahid Kaleem et al., "Composite B-Cell and T-Cell Non-Hodgkin Lymphoma of the Tibia," American Journal of Clinical Pathology 123, no. 2 (February 2005): 215–221. 47 Leonardo Boiocchi et al., "Composite Chronic Lymphocytic Leukemia/Small Lymphocytic Lymphoma and Follicular Lymphoma Are Biclonal Lymphomas: A Report of Two Cases," American Journal of Clinical Pathology 137, no. 4 (April 2012): 647–659. 48 Andrei TURBATU et al., "Composite Diffuse Large B-Cell Lymphoma and Follicular B-Cell Lymphoma–Case Report and Review of Literature," Maedica 9, no. 2 (2014): 204. 49 Endi Wang et al., "Composite Lymphoid Neoplasm of B-cell and T-cell Origins: a Pathologic Study of 14 Cases," Human Pathology 45, no. 4 (April 2014): 768–784. 50 Céline Acker et al., "Leucemie lymphoide chronique biclonale ou biphenotypique une reponse par le traitement.pdf," Ann Biol Clin 69 (2011): 325–330. 51 Florian Rabiller et al., "Lymphome composite : association d'un lymphome folliculaire et d'une leucémie lymphoïde chronique," Annales de Pathologie 28, no. 1 (February 2008): 41–44. 52 M.-L. Sanchez, "Incidence and Clinicobiologic Characteristics of Leukemic B-cell Chronic Lymphoproliferative Disorders with More Than One B-cell Clone," Blood 102, no. 8 (October 15, 2003): 2994–3002. 53 Cu , "Pitfalls in the Diagnosis of Lymphoma and Leukemia from the Pathologist's Point of View.," Proceedings of the Second National Cancer Conference., 1954, 554–557. 54 Henry Rapaport, "Follicular Lymphoma: A Re-evaluation of Its Position in the Scheme of Malignant Lymphoma, Based on a Survey of 253 Cases.," Cancer 9 (August 1956): 792–820. 55 Hun Kim, Michael R Hendrickson, and Ronald F Dorfman, "Composite Lymphoma," Cancer 40 (September 1977): 959–976. 56 NADIA M. Mokhtar, "Composite Lymphoma," J Egyptian Nat Cancer Inst 19 (2007): 171–175. 57 A. Furlan et al., "Sequential Development of Large B Cell Lymphoma in a Patient with Peripheral T-cell Lymphoma," Haematologica 93, no. 1 (January 1, 2008). 58 András Matolcsy et al., "Clonal Evolution of B Cells in Transformation from Low- to High-Grade Lymphoma," European Journal of Immunology 29, no. 4 (April 1999): 1253–1264. 59 M. 73 66 Lili Wang et al., "SF3B1 and Other Novel Cancer Genes in Chronic Lymphocytic Leukemia," New England Journal of Medicine 365, no. 26 (2011): 2497–2506. 67 B. Austen, "Mutations in the ATM Gene Lead to Impaired Overall and Treatment-Free Survival That Is Independent of IGVH Mutation Status in Patients with B-CLL," Blood 106, no. 9 (November 1, 2005): 3175–3182. 68 Terry J. Hamblin et al., "Unmutated Ig VH Genes Are Associated With a More Aggressive Form of Chronic Lymphocytic Leukemia," Blood 94, no. 6 (September 15, 1999): 1848. 69 Ralf Küppers, Ulrich Dührsen, and Martin-Leo Hansmann, "Pathogenesis, Diagnosis, and Treatment of Composite Lymphomas," The Lancet Oncology 15, no. 10 (2014): 435–446. 70 J J M van Dongen et al., "Design and Standardization of PCR Primers and Protocols for Detection of Clonal Immunoglobulin and T-Cell Receptor Gene Recombinations in Suspect Lymphoproliferations: Report of the BIOMED-2 Concerted Action BMH4-CT98-3936," Leukemia 17, no. 12 (December 2003): 2257–2317. 71 Koichi Miyamura et al., "Single Clonal Origin of Neoplastic B-Cells with Different Immunoglobulin Light Chains in a Patient with Richter's Syndrome," Cancer 66, no. 1 (July 1, 1990): 140–144. 72 A. W. Langerak et al., "Immunoglobulin Sequence Analysis and Prognostication in CLL: Guidelines from the ERIC Review Board for Reliable Interpretation of Problematic Cases," Leukemia 25, no. 6 (2011): 979–984. 73 Laura Z. Rassenti and Thomas J. Kipps, "Lack of Allelic Exclusion in B Cell Chronic Lymphocytic Leukemia," The Journal of Experimental Medicine 185, no. 8 (1997): 1435–1446. 74 Stamatopoulos K et al., "Evidence for Immunoglobulin Heavy Chain Variable Region Gene Replacement in a Patient with B Cell Chronic Lymphocytic Leukemia.," Leukemia 10, no. 9 (1996): 1551–1556. Karla Plevova et al., "Multiple Productive Immunoglobulin Heavy Chain Gene Rearrangements in Chronic Lymphocytic Leukemia Are Mostly Derived from Independent Clones," Haematologica 99, no. 2 (February 4, 2014): 329. 76 Jitra Kriangkum et al., "Single-Cell Analysis and Next-Generation Immuno-Sequencing Show That Multiple Clones Persist in Patients with Chronic Lymphocytic Leukemia," ed. Derya Unutmaz, PLOS ONE 10, no. 9 (September 9, 2015). 77 Andy C. Rawstron et al., "Monoclonal B Lymphocytes with the Characteristics of 'indolent' Chronic Lymphocytic Leukemia Are Present in 3.5% of Adults with Normal Blood Counts," Blood 100, no. 2 (2002): 635– 639. 78 Ola Landgren et al., "B-cell Clones as Early Markers for Chronic Lymphocytic Leukemia," New England Journal of Medicine 360, no. 7 (2009): 659–667. ANNEXES Annexe 1 : Préparation des échantillons pour la cytométrie en flux Marquage des sous populations lymphocytaires : - incubation de 50μl de sang total ou de moelle osseuse anticoagulés par EDTA (tubes de 2, 4.5 ou 7 ml) ou de 100 μl pour les liquides pleuraux, pendant 15 minutes à température ambiante et à l'abri de la lumière dans un tube à hémolyse avec le panel d'anticorps monoclonaux; - lyse des globules rouges avec 500μl de BD FACSLysis (BD biosciences) pendant 15 minutes à température ambiante et à l'abri de la lumière ; - acquisition sur le cytomètre. Marquage des lymphocytes B : - incubation de 100μl de moelle osseuse totale ou de sang total anticoagulé par EDTA (tubes de 2, 4.5 ou 7 ml) ou 200μl de liquide pleural pendant 15 minutes à température ambiante et à l'abri de la lumière dans un tube à hémolyse avec le panel d'anticorps monoclonaux ; - lyse des globules rouges avec 2ml de BD FACSLysis à 10% (BD biosciences) pendant 15 minutes ; - lavage des cellules avec 2 ml de CellWash (BD biosciences) et reprise dans 250μl de cette même solution ; - acquisition sur le cytomètre. FITC PE PECF594 CD16 10 μl PerCP 5.5 PC7 APC AA700 APCG7 BV421 BV510 CD56 CD4 CD8 CD3 CD45 CD19 5 μl 2 μl 2 μl 5 μl 1.5 μl 1.5 μl TBNK FMC7 LAMBDA CD79B CD5 KAPPA CD45 CD23 CD19 3 μl 6 μl 3 μl 1.5 μl 6 μl 1.5 μl 1.5 μl 1.5 μl ROR CD43 CD180 CD200 CD22 CD20 CD45 CD10 CD19 5 μl 3 μl 10 μl 5 μl 2 μl 2 μl 1.5 μl 2 μl 1.5 μl Matutes Lymphome CD103 CD123 CD11C CD45 CD25 CD19 3 μl 3 μl 1.5 μl 5 μl 1.5 μl Tricho. Les suspensions cellulaires ensuite été étalées sur des lames, dénaturées et colorées pour obtenir des bandes RHG : - aspiration et élimination des surnageants et remise en suspension des culots à l'aide d'une pipette pasteur en verre à pointe fine ; - dépôt d'une goutte de chaque suspension au milieu de plusieurs lames à l'intérieur d'un Thermotron (enceinte régulée) ; 77 - immersion des lames pendant 5 minutes dans du méthanol pur puis rinçage dans deux bains d'eau distillée ; - immersion dans une solution de phosphate préalablement chauffée à 88°C, pendant un temps déterminé localement chaque jour, puis trempage dans deux bains successifs d'eau fraiche ; - coloration des lames avec du Giemsa à 4% pendant 2mn 30 à 3 minutes puis rinçage sous l'eau du robinet. Après l'étalement, la recherche des mitoses est faite sur un microscope automatique (le Métafer), programmé pour distinguer les mitoses au grossissement x63. Après tri des images le caryotype est réalisé informatiquement sur vingt mitoses. 78 Annexe 3 : Préparation des échantillons pour l'hybridation in situ en fluorescence (FISH) En raison de la présence de fluorochromes, la manipulation s'effectue à l'abri de la lumière. Préparation des lames : - la préparation et l'étalement des lames est identique à l'analyse caryotypique ; - trempage des lames successivement dans 4 bain d'éthanol à 70%, 80%, 90% et 100% pendant 3 minutes chacun à température ambiante ; - séchage à température ambiante ; Dénaturation des lames : - dépôt de 125 μl de Formamide 70%/2xSSC pH7 sur les lames et ajout d'une lamelle ; - chauffage 3 minutes sur une plaque de dénaturation à 70°C ; - trempage des lames dans un bain de 2xSSC à 4°C après avoir enlevé la lamelle ; - déshydratation des lames dans 5 bains successifs d'éthanol à 70%, 80%, 90%, 100% et 100% pendant 3 minutes à 4°C. - séchage à température ambiante ; Dénaturation de la sonde : - préparation des sondes dans des microtubes de 0.5 ml ; - dénaturation dans le thermocycleur ; Hybridation : - dépôt de 5 μl de sonde sur chaque lame et ajout d'une lamelle ; - incubation des lames toute une nuit à 37°C dans une chambre humide ; Lavage post-hybridation : - 0.4 SSC/0.3 NP40, 3 minutes à 68°C ; - 2 SSC/0.1 NP40, 30 secondes à température ambiante ; Contre coloration : - dépôt d'une goutte de DAPI sur chaque lame et ajout d'une lamelle. 79 Annexe 4 : Sondes utilisées pour l'hybridation in situ en fluorescence (FISH) TP53 : 17p13 80 ATM : 11p22 81 Annexe 5 : Protocole d'extraction de l'ADN - ajout de 600 μl de Nuclei Lysis Solution dans le tube contenant le culot préalablement décongelé ; - ajout de 3 μl de RNAse Solution ; - incubation 30 minutes à 37°C au bain marie ; - ajout de 200 μl de Protein Precipitation Solution et conservation dans la glace pendant 5 minutes ; - centrifugation 4 minutes à 16000g ; - transfert du surnageant dans un tube contenant 600 μl d'isopropanol ; - centrifugation 1 minutes à 16000 g ; - élimination du surnageant et ajout de 600 μl d'éthanol à 75% ; - centrifugation 1 minute à 16000 g et élimination du surnageant ; - reprise de l'ADN dans 100 μl de DNA Rehydratation Solution. 82 Annexe 6 : Protocole PCR1 multiplex FR2 Préparation du mix : Réactifs H2O TAQ GOLD 360 qI_VH1-FR2 qI_VH2-FR2 qI_VH3-FR2 qI_VH4-FR2 qI_VH5-FR2 qI_VH6-FR2 qI_VH7-FR2 qI _ JH1245 q I_JH3 qI_JH 6 Volume (μl) 3.5 10 10 0.25 4 μl d'ADN à 150 ng/μl sont ajoutés au mix et la PCR1 est lancée en plaque : - 1 cycle, 3 minutes à 98°C ; - 30 cycles, 10 secondes à 98°C, 30 secondes à 60°C, 1 minute à 72°C ; - 1 cycle, 5 minutes à 72°C puis pause à 4°C. Annexe 7 : Protocole post-PCR1 - centrifugation des plaques ; - purification sur billes (Agencourt Ampure XP Beads, beckman Coulter) à l'aide du robot : o transfert des billes dans la plaque de purification (16μl) ; o transfert des produits de PCR dans la plaque de purification (20μl) ; o incubation 5 minutes ; o transfert sur l'aimant et incubation 4 minutes ; o retrait du surnageant ; o deux lavages en éthanol 80% (VWR) ; o séchage 5 minutes ; o ajout du tampon d'élution Buffer EB (Quiagen) 10 mM Tris-HCl pH 8.5 (33μl) ; o mélange à la pipette o transfert sur l'aimant et incubation 4 minutes ; o transfert des éluâts dans une nouvelle plaque. - centrifugation de la plaque ; - préparation du mix : - Réactifs Buffer HF 5X DNTP 10 mM (Cliniscience) H2O Phusion 5U/μl - ajout de 2.5 μl d'ADN au mix et aux index ; - centrifugation de la plaque ; - lancement de la PCR2 : o 98°C, 3 minutes ; o 98°C, 10 secondes ; o 55°C, 30 secondes ; o 72°C, 30 secondes ; o 72°C, 5 minutes ; o 4°C, pause. Volume (μl) 3 0.3 4.1 0.1 - centrifugation de la plaque ; - deuxième purification sur billes à l'aide du robot (volume de billes : 16 μl, volume de PCR : 15 μl, volume d'élution : 30 μl) ; - centrifugation de la plaque ; - dosage fluorimétrique : o préparation d'une gamme d'ADN contrôle (λ DNA standard); o distribution de 45 μl de TE 1X dans tous les puits d'une plaque ; o ajout à chaque puits de 5 μl de produits de purification issus de la PCR2 ou de 50 μl de la gamme ; o distribution de 50 μl de solution de Picogreen dans chaque puit ; o centrifugation de la plaque ; o lecture sur Fluoroskan. 84 Annexe 8 : Quantification de la librairie - dilution de la librairie au 1/1000ème ; - préparation du mix : - o Master Mix + primer premix : 6 μl ; o H2O : 3 μl. ajout de 9 μl de mix par puit et 1 μl de points de gamme (Std 1, 2 et 3) ou de dilution de la librairie ; - quantification sur un Light cycler : o 95°C, 5 minutes ; o 25 cycles de 15 secondes à 95°C et 20 secondes à 60°C. 85 Annexe 9 : Amorces utilisées pour le NGS qI_VH1-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGCTGGGTGCGACAGGCCCCTGGACAA qI_VH2-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGTGGATCCGTCAGCCCCCAGGGAAGG qI_VH3-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGGGTCCGCCAGGCTCCAGGGAA qI_VH4-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGTGGATCCGCCAGCCCCCAGGGAAGG qI_VH5-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGGGGTGCGCCAGAT CGGGAAAGG qI_VH6-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGTGGATCAGGCAGTCCCCATCGAGAG qI_VH7-FR2 TCGTCGGCAGCGTCAGATGTGTATAAGAGACAGTTGGGTGCGACAGGCCCCTGGACAA qI_JH1245 GTCTCGTGGGCTCGGAGATGTGTATAAGAGACAGACCTGAGGAGACGGTGACCAGGGT qI_JH3 GTCTCGTGGGCTCGGAGATGTGTATAAGAGACAGTACCTGAAGAGACGGTGACCATTGT qI_JH6 GTCTCGTGGGCTCGGAGATGTGTATAAGAGACAGACCTGAGGAGACGGTGACCGTGGT 86 Annexe 10 : Exemple de profil NGS 87 Hb. g/dl PQ G/l Ly. G/l Cel. ly. % (G/l) LDH UI/l ASAT UI/l ALAT UI/l Electro. des prot. Immuno fix. Antécédents SLPC +/- traitement ND ND ND ND M 14,5 160 6,4 15 (1,90) 348 26 27 normale IgM κ non non non non A M 14,9 171 39 0 198 30 23 hypo γ abs. d'anom. non oui oui oui B 11 hyper γ, 1 pic γ IgG κ non non non non non non non non Age Sexe 1 86 M 2 75 3 59 Hépato mégalie Spléno mégalie Adénopat. Stade Binet Stade Ann Arbor Prise en charge thérapeutique et évolution ND surveillance ND 6 cycles R-FC 4 81 M 5 85 M 6 68 F 12,7 189 7,9 0 335 23 14 normale non non non non 7 83 F 13,9 137 41,8 0 196 16 10 hypo γ LLC (2001) non non oui A surveillance 8 95 M 12,9 182 8,6 0 195 25 17 hypo γ non non oui oui A surveillance puis Chloraminophene à 36 mois hypo γ LLC en rémission non non non C 9 93 F 9,1 77 1,65 6,4 459 2,1 51 16 surveillance décès 6 cycles R-CHOP + 6 Rituximab 12 mois (rechute): 4 cycles R-DHAOX puis autogreffe conditionnée BendaEAM 60 66 hypo γ IgG λ non non oui oui 3,6 0 199 22 16 normale abs. d'anom. érythrodermie avec prurit non non non 5,4 sézary 30% 184 21 12 normale - non non oui non non oui II non non oui III surveillance III 6 cycles R-CHOP + 6 Rituximab 15 mois (rechute): 4 cycles R-DHAOX 20 mois (rechute): Rituximab + Idelalisib 30 mois : autogreffe conditionnée BendaEAM 200 1,3 11a 88 M 12,7 216 188 336 surveillance à 3 ans majoration thrombopénie: Rituximab C 199 13,5 13,6 0 6 cycles R-CD 0 M M 30 normale 56 91 83 57 10 11b 0 12 54 F 11,9 221 3,9 non 213 25 38 normale IgM κ LLC (infiltration rénale) 13 69 M 13,4 155 2,8 15 (1) 133 20 7 normale abs. d'anom. non III Methotrexate A Acitrétine 6 cycles R-CD 14 51 M 12,8 137 3,4 66 (17,20) 433 76 36 hypo γ non non oui oui 15 66 M 13,7 222 23.3 0 143 19 33 normale ND ND ND ND 16 93 M ND ND ND ND 17 77 M non non non oui A surveillance LLC (2008) : Chloranbucil/R-FC (2009)/Bendamustine Rituximab (2013)/DHAC (2014)/Idelalisib (2014) non oui oui C Ibrutinib en ATU A 16,1 344 3,5 0 18 58 F 10,4 25 13,8 0 19 68 F 10,7 233 7,4 0 20 91 F 13,4 271 5,7 0 normale IgG λ et IgM λ ND ND 277 31 71 2 pics 1 pic β LLC (2009) non oui non I surveillance 179 18 13 normale ND ND ND ND ND non non non I surveillance 10 mois (AEG et adénopathies médiastinales (stade IV Ann Arbor)): 6 cycles R-CD ND ND ND ND non A surveillance 12 mois (majoration neutropénie): 8 cycles RCHOP C R-Bendamustine 21 68 F 12,9 203 5,6 0 174 10 8 1 pic γ IgM λ lymphome lymphoplasmo. 22 85 M 9,1 35 1,5 0 1244 51 17 pic γ IgG κ ND 23 71 M 13,3 155 11,8 0 158 18 18 hypo γ 24 84 M 11,1 188 103 0 303 21 18 normale IgG λ LLC (1995) oui oui oui 25 76 M 14,2 162 6,3 0 2 pics γ IgG κ et IgM κ non non non non 2,2 tricho. 11 (0,46) hypo γ leucémie à tricho. (2005): 2-CDA non non non I Cladribine 1 pic LLC à tropisme rénal non non non IV R-Bendamustine 26 27 59 83 M M 12,9 12,9 79 172 2,8 0 167 9 13 non IgG κ non non surveillance Annexe 11 : Paramètres clinico-biologiques et traitements N° Cel. ly. % (G/l) LDH UI/l ASAT UI/l ALAT UI/l Electro. des prot. 329 6.6 0 304 25 13 normale 276 12,3 0 23 25 12,3 179 3,2 0 20 47 13,9 246 5,8 0 69 7,4 tricho. 9 (0.81) Age Sexe Hb. g/dl PQ G/l 28 85 M 14,5 29 82 M 12 30 74 M 31 87 M 145 1 pic γ Immuno fix. IgM normale hyper γ profil oligoclonal Spléno mégalie Stade Ann Arbor Antécédents SLPC +/- traitement Hépato mégalie Adénopat. Stade Binet Prise en charge thérapeutique et évolution non non non non oui oui A surveillance non non A non non non non surveillance surveillance non non non non surveillance non non non oui 32 53 F 9,9 33 69 M 13,1 57 50,1 0 non oui oui oui 34 76 0 14,2 166 6,9 0 normale abs. d'anom. non non non non 35 67 M 15,2 107 4,6 (+ omb.) 0 normale abs. d'anom. lymphome (2002): ACVBP et 3 Holoxan - VP-16 + Méthotrexate non oui oui 36 82 M 9,6 256 2,5 0 non oui oui oui 37 80 M 11,9 208 0,84 0 ND ND ND ND 38 76 F 10,9 163 1,43 7 (0.2) non oui oui oui 39 69 M 12,4 140 159 15 15 LLC stade A non oui oui A R-FC 40 51 M 14,8 180 27,3 (+ omb.) 0 143 12 23 LLC stade A non non non A surveillance 41 80 F 11,7 399 6,3 0 176 27 23 non non non non A surveillance non non oui IV non non non I Témozolomide + Rituximab non non oui III 4 cycles R-CD rechute : R-Bendamustine non non I R-CVP 8 cycles I surveillance 128 147 15 20 79 52 68 66 hypo γ hyper γ hypo γ normale abs. d'anom. lymphome manteau (2001): chimio + autogreffe/R-CHOP et R-FC (2011)/Rbendamustine Ibrutinib (2004) lymphome primitif du SNC maladie de Waldenström 42 72 M 10,3 125 0,5 0 43 83 M 13,4 273 4,1 0 44 66 M 11,3 180 1,8 0 270 25 25 pic γ 45 75 F 9,6 332 1,8 0 120 20 18 hypo γ, 1 pic β non non 46 85 M 14,9 119 1,6 0 normale non non oui non 47 87 M 15,3 153 11,9 (+ omb.) 0 non non non non 48 84 F 9 124 5,1 0 non non oui oui 49 86 M 9 218 0,8 0 maladie de Waldenström ND ND ND 50a / 50b 76 M 9,8 124 2,4 0 non oui non non 266 32 19 2 pics pic en γ 159 43 20 1 pic β et 1 γ 23 18 pic γ 51 71 M 11,1 404 1,7 0 13 31 hypo γ, 1 pic β 52 70 M 14,5 259 2,1 fol. 7 (0.6) 31 36 hypo γ 53 89 F 274 15 18 pic γ 156 23 7 normale 54 83 M 13,3 118 0,2 62 (10.9) 55 87 M 8,3 114 1,6 0 IgM κ IgM κ IgM λ et κ libre IgM λ et κ libre IgM κ II III A 4-6 cycles de Pentostatine décès surveillance I surveillance 6 cycles R-Bendamustine ND IV A chimiothérapie (?) décès I surveillance III Chloraminophene + EPO Chloraminophene + EPO I surveillance non non splé nect. non I Prednisone leucémie à LGL non oui oui III R-CHOP + entretien Rituximab ND ND ND ND non oui oui ND maladie de Waldenström (1998) non non oui abs. 73 M 12,8 569 5,1 0 29 50 normale non non non non d'anom. non : absence ; oui : présence ; ND : non disponible ; adénopath. : adénopathies ; Hb. : hémoglobine ; PQ : plaquettes ; Ly : lymphocytes ; Cellules ly. : cellules lymphomateuses ; omb. : ombres cel 56 C Annexe 11 : Paramètres clinico-biologiques et traitements Ly. G/l N° ND R-Chloraminophene A I surveillance I surveillance 89 Annexe 12 : Caryotype N° 3 Formule caryotype Conclusion 46,XY,del(11)(q21q24),del(13)(q13q22)<15>/46,idem, Présence d'une délétion 11q/ATM- associée à une délétion 13q Evolution clonale avec délétion 6q Caryotype complexe de haut risque dans le cadre des LLC Présence d'une délétion 20q dans 5/20 mitoses Anomalie non spécifique d'un lymphome del(6)(q16q23)<3>/46,XY<2> 5 46,XY,del(20)(q11)<5>/46,XY<15> 10 46,XY<20> Absence d'anomalie chromosomique 12 46,XX<20> Absence d'anomalie chromosomique 13 46,XY<20> Absence d'anomalie chromosomique 14 47,XY,t(5;6)(q31;p22),t(14;18)(q32;q21),+der(18)t(14; 18)<4>/46,XY<16> 46,XX,der(6)del(6)(q13q21) del (6)(q24q26), der (9)t(9;? 18 10 )(p 12; p 13), der (10) t (10;11)( p 12; q 21), der(11)t(9;11)( p12 ; q21),der t(8;17)(q13;p11)<18>/46,XX<2> 21 46,XX,t(11;18)(q21;q21)<20>/46,XX<1> 23 46,XY<20> 24 32 35 46,XY,del(7)(q22q36),?add(19)(p13)<16>/47,XY, +12<3>/47,sl,del(11)(q21q23)<2> 46,XX,t(13;16)(q14;q24)<20> 45,XY,+3,add(3)(p11),-19,-21,-22,+mar<9>/46, XY<11> 36 46,XY,del(13)(q14q14)<9>/46,XY<11> 39 47,XY,+12<9>/48,sl,+18<2>/46,XY<10> 46,XY,t(3;7)(q12;q35)<2>/46,sl,del(13)(q11q21)<1>/4 40 6,XY,del(13)(q14q14)<3>/46,XY,del(13)(q13q22)<1>/ 46,XY<14> 45 46,XX,i(7)(q10)<2>/46,XX<18> 41,X,-X,dic(1;5)(q44;p15),der(8;17)(q10;q10), add(11)(p15),-13,add(13)(q34),-20,add(20) 48 (q13)<3>/41,sl,-dic(1;5),+der(1;5)(1pter->1q23::1q12>1q44::5p15->5qter)<7>/46,XX<10 > Présence d'une translocation t(14;18) (confirmée par FISH) avec duplication du dérivé (18), dans 20 % des cellules Caryotype compatible avec une dissémination hématogène de lymphome folliculaire Présence d'une délétion 6q associée à une translocation t(8;17) déséquilibrée générant un 17p-/TP53- et une trisomie 8q, et à un remaniement complexe entre les chromosomes 9, 10 et 11, dans 18/20 mitoses A noter, la présence de nombreuses anomalies non clonales témoin d'une instabilité chromosomique Car e compatible avec une LLC de mauvais pronostic Présence d'une translocation t(11;18) dans 20/21 mitoses analysées Caryotype compatible avec un lymphome de MALT Absence d'anomalie chromosomique détectée. Présence de 2 clones indépendants : - un clone majoritaire de 16 mitoses comportant une délétion 7q - un clone de 5 mitoses comportant une trisomie 12 isolée dans 3 mitoses et associée à une délétion 11q/ATM- dans 2 mitoses, compatible avec une LLC Caryotype compatible avec une double pathologie lymphoïde Présence d'une translocation t(13;16) générant une probable délétion 13q14 dans toutes les mitoses analysées Caryotype compatible avec une LLC Présence d'un clone hypotriploïde à 45 chromosomes comportant une trisomie 3q associée à des monosomies 19, 21 et 22 et à un chromosome marqueur Caryotype compatible avec un Lymphome de la zone marginale Présence d'une délétion 13q dans 9/20 mitoses Présence d'une trisomie 12 isolée dans 9/21 mitoses et associée à une trisomie 18 dans 2 mitoses Caryotype compatible avec une LLC Présence d'une délétion 13q de taille variable dans 7/20 mitoses Cette délétion est associée à une translocation t(3;7) dans 1 mitose et la translocation t(3;7) est présente de façon isolée dans 2 mitoses Caryotype compatible avec une LLC Présence d'un isochromosome 7q générant une trisomie 7q et une monosomie 7p, dans 2/20 mitoses Anomalie atypique dans un LNH-B Présence d'un clone hypodiploïde à 41 chromosomes comportant : - des monosomies X, 13 et 20, - des remaniements des chromosomes 1, 5, 8, 11, 13, 17 et 20 générant entre autre un 17pEvolution clonale avec remaniement du dicentrique dic(1;5) générant une trisomie 1q partielle dans 7 mitoses Caryotype complexe compatible aussi bien avec une LLC atypique qu'un lymphome B 47,XY,+4,der(6)t(3;6)(q22;q26),i(8)(q13),add(21)(q22) 49 <4> ,sl,add(17)(p11),add(21),+21<3>/48,sdl,add(19 )(q13),+mar<3>/46,sl,-4,add(12)(p12)<2>/46,XY<8> 53 46,XX,del(13)(q14q14)<10>/46,XX<11> Présence de 4 clones comportant en commun : - une trisomie 4, - une translocation t(3;6) déséquilibrée générant une trisomie 3q partielle, - un remaniement d'un chromosome 8 générant une trisomie 8q partielle Variations avec : - remaniement d'un chromosome 21 dans 4 mitoses, - un remaniement d'un 17 générant un 17p dans 3 mitoses associé à un remaniement d'un chromosome 19 et à un chromosome marqueur dans 3 mitoses, - perte d'un chromosome 4 et remaniement d'un chromosome 12 dans 2 mitoses. Caryotype complexe compatible avec un Waldenström Délétion 13q dans 10/21 mitoses Caryotype compatible avec une LLC B cell chronic lymphoproliferative disorders (B-CLPD) correspond to a clonal malignant B cell proliferation. KEY WORDS : chronic B lymphoproliferative disorders / lymphoma / composite lymphoma / biclonality / immunophentotyping / flow B AVEC PLUS D'UN CLONE TECTES PAR CYTOMETRIE EN FLUX RESUME : Les syndromes lymphoprolifératifs chroniques B matures (SLPC-B) correspondent à la prolifération maligne d'un clone lymphocytaire B. Ils représentent un groupe relativement hétérogène d'hémopathies malignes tant par la nature des cellules malignes et l'origine des différentes entités qui les composent que par les stratégies thérapeutiques spécifiques ou leur pronostic variable. Dans environ 4 à 5% des cas, on peut retrouver lors d'un immunophénotypage deux ou trois populations B clonales. Ces cas sont appelés SLPC-B biclonaux, ils font partie d'un groupe plus large d'hémopathies appelées lymphomes composites. Nous avons réalisé une étude rétrospective sur 56 patients pour lesquels un immunophénotypage effectué entre janvier 2013 et fin aout 2016 a mis en évidence un nombre de populations clonales supérieur ou égal à deux. Pour ces patients nous avons étudié les données immunophénotypiques, les résultats issus du caryotype et du séquençage nouvelle génération (NGS) de la partie variable du gène des chaînes lourdes des immunoglobulines ainsi que les données cliniques et biologiques. Aucune clonalité n'a été mise en évidence par NGS dans 3 cas sur 24. La présence de plusieurs clones a pu être confirmée dans 4 cas, sans nécessité de trier les différentes populations monoclonales avant analyse, et suspectée dans 8 cas. Une évolution clonale avec modification du phénotype a été suspectée dans 5 cas. Enfin, pour les 4 derniers patients l'origine reste incertaine. Ces patients ne semblent pas présenter de différence significative avec les patients présentant des SLPC-B monoclonaux du point de vue biologique, clinique ou pronostique. Il ne semble ainsi pas justifié de modifier leur prise en charge..
51,340
35/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01949478-document.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
11,137
16,506
La tâche employée respecte les quatre règles d'élaboration d'une tâche de numérosité (Tableau IV). L'hypothèse n'a pas été cette fois vérifiée. Selon le test binomial, les enfants désignent la quantité composée des gros points (et non celle comportant le plus grand nombre de points) : M = 37,93 ; p < 0,001. Le plus étonnant est qu'ils n'y parviennent pas, même durant la phase d'entraînement, lorsque les quantités paraissent particulièrement simples à comparer (Figure 12b). Ils n'y parviennent pas même lorsqu'on encadre ces quantités (Figure 12c) afin de faciliter la localisation du point manquant. Cette dernière expérience réalisée sur un petit groupe d'élèves de 5 ans (N = 27) n'a pas été intégrée à l'expérience 2, mais elle a été utile dans la mesure où elle a conduit à la recherche d'une autre configuration. Cette configuration « 5-5 » semble au final inaccessible aux enfants de cet âge. Elle exigerait peutêtre trop de balayages visuels horizontaux et les enfants de 5 ans ne seraient pas encore capables d'en produire autant au regard de leur développement oculomoteur (Vurpillot, 1968). Expérience 3. L'hypothèse est que des enfants de 5 ans (N = 44) peuvent comparer en moins de 5 secondes deux grandes quantités de points (8 < n < 15) organisées 69 au moyen de certains groupements configurés, même si l'aire occupée par les points de la quantité la plus grande est plus petite que celle occupée par les points de la quantité la plus petite. La tâche utilisée respecte les quatre règles d'élaboration d'une tâche de numérosité (cf. expérience 3 de l'étude 1). La configuration employée est cette fois une configuration ovale non usuelle (Figure 7c). Elle nécessiterait moins balayages horizontaux que la configuration « 5-5 ». Les résultats ont montré que l'hypothèse était vérifiée. Selon le test binomial, les enfants réussissent aisément à comparer les points lorsque les collections sont organisées au moyen de groupements configurés ovales (M = 0,81 ; p < 0,0001). Ces derniers résultats suggèrent que les propriétés numériques des groupements configurés ne résultent pas de l'enseignement du système décimal (cf. 2.4.2). Les propriétés numériques des groupements configurés précéderaient et rendraient possible la représentation de grandes quantités d'objets au moyen de groupements configurés plus usuels (les barres de dizaine, les configurations « 5-5 »). 70 Article 1 Comment évaluer la sensibilité à la numérosité? Une revue des différentes tâches Cette thèse est une thèse par articles. Conformément aux normes de présentation de ce type de thèse, cet article est présenté tel qu'il a été soumis le 27 mars 2015 à la revue Psychologie Française. Il respecte pour cette raison les normes de soumission de cette revue. Comment évaluer la sensibilité à la numérosité? Une revue des différentes tâches How to evaluate the sensibility to numerosity? A review of different tasks Sébastien Miravète*, André Tricot et Franck Amadieu Laboratoire CLLE-LTC, Université Toulouse-II, France -Sébastien Miravète*, Doctorant en psychologie cognitive, CLLE-LTC (UMR 5263), Université de Toulouse Jean-Jaurès, 5 Allées A. Machado, 31058 Toulouse Cedex. Thèmes de recherche : psychologie des apprentissages, psychologie de l'éducation, cognition numérique Contacts : téléphone : 06 98 82 61 77, mail : [email protected], adresse postale où faire parvenir les manuscrits : 20 avenue du Pic Du Midi, Spéhis, 31210, Clarac, France -André Tricot, Professeur d'Université en psychologie cognitive, CLLE-LTC (UMR 5263), Université de Toulouse Jean-Jaurès, 5 Allées A. Machado, 31058 Toulouse Cedex. Thèmes de recherche : psychologie des apprentissages, documents numériques, ergonomie, théorie de la charge cognitive. -Franck Amadieu, Maître de conférence en psychologie cognitive, CLLE-LTC (UMR 5263), Université de Toulouse Jean-Jaurès, 5 Allées A. Machado, 31058 Toulouse Cedex. Thèmes de recherche : Concept mapping, apprentissage avec technologies (hypertextes, animations, tablettes tactiles ), TICE, lecture à l'écran. Les recherches en cognition numérique sont devenues un important champ d'investigation depuis une cinquantaine d'années. Elles vérifient si certaines espèces animales sont sensibles au nombre d'objets que comporte une collection et étudient de quelle manière cette sensibilité se déploie chez les êtres humains dans l'apprentissage des mathématiques. Cette revue de littérature a pour objectif d'analyser les différentes tâches employées en cognition numérique pour mesurer la sensibilité des participants au nombre d'objets. Nous voulons évaluer si ces tâches dites de « numérosité » permettent de prouver l'existence d'une sensibilité à la numérosité chez les êtres humains et les animaux. Il se pourrait en effet que ces tâches mesurent d'autres formes de sensibilité. Mots-clefs : cognition numérique, numérosité, concept de nombre , compréhension du nombre Resume: Numerical cognition research has become an important field of investigation for fifty years. It is studied whether certain species are sensitive to the number of objects contained in a collection (sensitivity to numerosity) and how this sensitivity is deployed by humans in mathematics' learning. This literature review aims to analyze different tasks used in numerical cognition to measure participants' sensitivity to numerosity. We want to verify whether these numerosity tasks prove existence of sensitivity to numerosity in humans and animals. Indeed, these tasks could measure other forms of sensitivities and do not show existence of numerical cognition. It was analysed all papers identified in Ebscohost database (psycINFO, psycARTICLES, psycCRITIQUES, Psychology and Behavioral Sciences Collection) for 12 years, with keywords "number comprehension" and "number concept". Five distinct objects of research were be delimited: subitizing, Approximate Number System (ANS), counting and language, number conservation and one-one correspondance, plurality. Nineteen types of numerosity task were be identified, described and classified in six 74 categories: comparison tasks, search tasks, semantic tasks, equinumerical tasks, counting tasks, approximate tasks. It was showed that these tasks do not respect at least one of four fundamental rules discovered by numerical cognition research. Indeed, different studies show that non numerical paramaters (area of objects, ) or non numerical strategies (repeating last word spoken, using a new word after modification of collection's cardinality, ) could explain success of participants in numerosity tasks. Moreover, other studies suggest that subitizing (sensitivity to small quantities) and ANS (sensitivity to large quantities) systems do not represent numerosity. For these innate systems, a number of objects is a set of individual objects (subitizing) or a continuous magnitude (ANS). Thus with their subitizing and ANS systems, participants could success in numerosity tasks, even if they do not understand what is a number of objects. In resume, this review shows that numerical cognition researches have to control four potential interferences in numerosity tasks: non numerical paramaters (first rule), subitizing and its different extensions (second rule), ANS (third rule), pragmatical strategies (fourth rule). In conclusion, it is proposed an example of numerosity task which respects these four rules. Keywords: numerical cognition, numerosity, number concept, number comprehension Ce travail s'inscrit dans le cadre des recherches conduites en cognition numérique. Depuis les travaux de Piaget et Szeminska sur des enfants (1941) et de Moyer et Landauer sur des animaux (1967), les recherches expérimentales dans ce domaine n'ont en effet cessé de se développer et sont devenues aujourd'hui un important champ d'investigation (Fayol, 2012 ; Dehaene, 2010). Les êtres humains et certaines espèces animales se révèlent capables d'être 75 sensibles au nombre d'objets situés dans leur environnement. En d'autres termes, ils sont sensibles à la « numérosité ». Les chercheurs en cognition numérique essaient de déterminer les mécanismes cognitifs à l'origine de cette faculté. Dans une telle perspective, la sensibilité à la numérosité demeure la donnée la plus fondamentale et la plus importante à évaluer. Nous dirons que cette sensibilité se mesure à l'aide de « tâches de numérosité ». A l'aide de cellesci, nous pouvons vérifier expérimentalement si telle ou telle catégorie de participants (rats, singes, poussins, bébés, jeunes enfants, ) possède ou non une sensibilité à la numérosité. Notre objectif est de procéder à un examen de toutes ces tâches. Nous souhaitons en particulier évaluer si celles-ci permettent effectivement de mesurer la sensibilité à la numérosité. Pour y parvenir, nous avons analysé tous les articles de psychologie recensés depuis 12 ans (2002-2014) dans la base de données Ebscohost (psycINFO, psycARTICLES, psycCRITIQUES, Psychology and Behavioral Sciences Collection) en recourant aux motsclefs « number comprehension » et « number concept ». Nous avons d'abord identifié cinq objets d'études relativ distincts (Cf. Tableau I). Nous avons ensuite observé que certaines tâches servent de modèles pour l'élaboration d'autres tâches. Il n'existe pas une infinité de tâches absolument distinctes, mais des variations autour de tâches de référence (Cf. Tableau II). Nous avons ainsi réussi à mettre à jour les différentes formes de sensibilité à la numérosité étudiées par les chercheurs en cognition numériques et la façon dont ils les évaluent. En d'autres termes, nous avons recouru à ces deux classements (domaines de recherche en cognition numérique, types de tâches de numérosité) parce qu'ils nous offrent une image d'ensemble des recherches en cognition numérique. Ils révèlent en effet les objets et les méthodes caractéristiques de ces recherches. Mais quels sont plus précisément ces objets et ces méthodes? 76 Selon Carey (2009), les recherches en cognition numérique semblent avoir découvert chez les êtres humains et chez certains animaux trois systèmes numériques innés : la subitisation, l'ANS (Approximate Number System) et la sensibilité à la pluralité. Le premier permettrait de comparer, d'ajouter et de soustraire de petites quantités d'objets, inférieures ou à égales à 3 (ou 4). Le second nous conférerait le moyen de comparer approximativement des quantités strictement supérieures à 3 (ou 4) : l'ANS d'un adulte réussirait à distinguer 50 et 60 objets, mais non 50 et 52 objets. Le troisième nous donnerait la possibilité de faire la différence entre un objet et plusieurs objets, c'est-à-dire entre un objet et plus qu'un objet. Ajoutons que la subitisation, l'ANS et la sensibilité à la pluralité fonctionneraient dès le plus jeune âge (Izard, Sann, Spelke & Streri, 2009 ; Barner et al., 2007 ; Wynn, 1992b) et qu'ils précéderaient par conséquent tout apprentissage du comptage ou encore des mots servant à désigner des quantités (« trois », « sept », « vingt-quatre », ). Ces systèmes numériques seraient en ce sens « préverbaux ». Ces capacités numériques innées restent néanmoins limitées : la subitisation demeure cantonnée à des opérations sur 3 (ou 4) objets ; l'ANS quantifie approximativement et ne peut distinguer deux quantités proches ; la sensibilité à la pluralité ne différencie pas les quantités entre elles (pour elle, elles sont simplement des collections comportant plusieurs objets au lieu d'un seul). Aucune de ces capacités n'est par exemple en mesure de différen cier 7 et 8 objets. C'est pourquoi de multiples recherches tentent de comprendre de quelle manière un système cognitif acquiert une sensibilité au nombre d'objets plus fine ou plus étendue. Certaines études s'intéressent en particulier au rôle du langage : compréhension précoce des mots servant à désigner des quantités exactes (Slusser & Sarnecka 2011 ; Wynn, 1992a) ; utilité du comptage (Sarnecka & Wright, 2013 ; Frank et al., 2012). D'autres soulignent l'importance d'habiletés non verbales : disposition linéaire des nombres sur une droite 77 (Siegler & Booth, 2004), chunking (Rosenberg & Feigenson, 2013 ; Feigenson & Halberda, 2008), correspondance terme à terme (Franck, Everett, Fedorenko & Gibson, 2008). Toutes ces études supposent toutefois que nous soyons en mesure d'évaluer si un enfant est sensible au caractère numérique d'une collection. Sinon, il s'avère impossible de déterminer dans quelles conditions un enfant le devient. En d'autres termes, nous devons disposer de tâches de numérosité susceptibles de mesurer si un enfant ou un adulte est sensible ou non au caractère numérique d'une collection. En l'absence de telles tâches, nous ne pouvons pas prouver expérimentalement que la cognition numérique existe. Les nativistes considèrent que la sensibilité à la numérosité est innée, les constructivistes soutiennent plutôt qu'elle est acquise (pour une revue de littérature, voir Izard, Streri & Spelke, 2014). Dans les deux cas, la sensibilité à la numérosité requiert d'être évaluée à l'aide de tâches de numérosité. C'est de cette façon que nous pouvons vérifier si la sensibilité à la numérosité est inscrite ou non dans notre patrimoine génétique. Quelles que soient les orientations théoriques, les tâches de numérosité restent par conséquent les plus indispensables et les plus décisives. Nous trouvons depuis une dizaine d'années dans la littérature de multiples tâches censées évaluer si un individu est sensible ou non à la numérosité. Celles-ci varient essentiellement en fonction du domaine étudié (cf. Tableau I). Les premières proviennent des études de la subitisation et les deuxièmes de celles de l'ANS. Les troisièmes s'intéressent au rôle du comptage et du langage (des mots-nombres comme « six », « trois », ). Les quatrièmes évaluent la capacité des individus à réaliser des correspondances terme à terme pour construire des collections égales ou pour considérer que deux quantités sont égales, même lorsque les éléments de la première occupent une surface plus grande que ceux de la seconde. Les cinquièmes essaient d'établir que des enfants sensible à la pluralité sont déjà sensibles à la numérosité. (insérer par ici tableau I) 78 A partir de l'examen de ces cinq domaines de recherche, nous pouvons considérer qu'il existe six types de tâche de numérosité (cf. Tableau II) : tâche de comparaison, tâche de fouille, tâche sémantique, tâche équinumérique, tâche de comptage, tâche approximative. Cette classification se fonde sur l'observation de tâches récurrentes dans la littérature scientifique : une première étude propose une nouvelle forme de tâches de numérosité, puis d'autres la reprennent en y apportant des modifications. De cette façon, nous pouvons nous faire une idée relativement précise des différentes tâches de numérosité employées en cognition numérique depuis une dizaine d'années. En résumé, dans une tâche de comparaison, il est proposé aux participants de comparer deux collections d'objets. De cette façon, on estime s'ils sont capables de choisir une collection en fonction du nombre d'objets qu'elle comporte. Dans une tâche de fouille, on place des objets dans une boite fermée. L'intérieur de la boite est invisible. Mais l'expérimentateur et le participant peuvent glisser leurs mains à l'intérieur, à travers une fente. Dans un premier temps, l'expérimentateur et le participant retrouvent conjointement une partie des objets. Dans un second temps, on mesure si le participant continue ou non à chercher les objets restants. On devine ainsi s'il sait qu'il reste un certain nombre d'objets dans la boite ou s'il croit que tous les objets ont été retrouvés. Dans une tâche sémantique, on évalue la compréhension des mots servant à désigner des quantités (« six », « dix », ). On présente aux participants une ou plusieurs collections d'objets et on lui demande par exemple : « Où sont les six tortues? ». Le participant doit alors montrer la collection contenant les six tortues. On estime de cette façon s'il comprend la signification du mot « six ». Dans une tâche équinumérique, le participant est invité à comparer ou à construire deux collections « équinumériques » (les deux collections sont égales et les éléments peuvent être mis en correspondance terme à terme). On mesure alors s'il comprend que le nombre 79 d'objets est le même dans les deux collections, ou s'il se révèle capable d'élaborer une collection comportant un nombre d'objets égal à une autre collection. Dans une tâche de comptage, le participant compte une collection d'objets. On devine de cette manière s'il est en mesure de déterminer le nombre d'objets que comporte une collection ou de rapporter le nombre d'objets qu'on lui demande. Enfin, dans une tâche approximative , le participant doit réaliser approximativement des estimations, des calculs et des positionnements de nombres sur une droite. On estime de cette manière s'il peut mobiliser spontanément son ANS, dans des tâches où il ne peut recourir à un comptage ou à une autre méthode de dénombrement. (insérer par ici tableau II) Certaines de ces tâches de numérosité ont cependant suscité des critiques de la part de chercheurs en cognition numérique. Quatre de ces critiques paraissent essentielles. Premièrement, Clearfield et Mix (1999) ont montré que l'aire totale des objets n'est pas contrôlée dans la tâche de comparaison surprenante proposée par Wynn (1992b) : on ne sait pas si les bébés sont sensibles au nombre d'objets ou à l'aire totale qu'ils occupent. En d'autres termes, le contrôle des paramètres non numériques se révèle insuffisant. Deuxièmement, pour Feigenson (2005), la subitisation se contente en vérité de traquer chaque objet. Elle détecte ainsi si tel ou tel objet a disparu. Par exemple, un bébé ne se rend pas compte que deux objets sur trois ont disparu. Il piste individuellement chaque objet et remarque que cet objet et cet autre ont disparu. Les bébés sont donc moins sensibles à la numérosité qu'à l'individualité de chaque objet. Tout se passe comme s'ils détectaient la disparition de l'objet A et de l'objet B et non celle de 2 objets. Autrement dit, la sensibilité à l'individualité peut expliquer la réussite des bébés à la tâche de comparaison surprenante. Troisièmement, pour Feigenson, Carey et Hauser (2002a), l'ANS ne se représente pas une multiplicité d'objets, mais une grandeur continue, semblable à un segment plus ou moins long. De cette façon, le système cognitif ignore qu'une quantité se compose de plusieurs 80 objets. Pour l'ANS, une quantité n'est constituée que d'un seul objet de taille variable. Pour le dire autrement, une augmentation numérique ressemble à ses yeux à l'étirement d'un élastique et non à l'ajout successif d'objets à une collection. Il ne serait donc pas sensible à la numérosité. L'ANS coderait toute quantité perçue sous la forme d' grandeur continue. Il demeurerait pour cette raison capable de réagir à des variations numériques, mais incapable de se les représenter. Il n'aurait aucune sensibilité interne à la numérosité. Il ignorerait fondamentalement ce qu'est un nombre d'objets. Dès lors, les tâches approximatives, censées évaluer l'efficacité de l'ANS, ne pourraient constituer des tâches de numérosité. Quatrièmement, la tâche de conservation initialement créée par Piaget et Szeminska (1941) a elle aussi suscité une importante critique. Rappelons que dans cette tâche, l'expérimentateur présente à un enfant de 4 ans deux quantités identiques, occupant la même surface, et leur demande quelle quantité contient le plus d'objets. Les enfants répondent que la première en comporte autant que la seconde. Puis, l'expérimentateur écarte, sous le regard de l'enfant, les objets de la première et agrandit ainsi la surface sur laquelle elle s'étale. Il repose ensuite la même question. La très grande majorité des enfants considèrent alors que la première quantité contient plus d'objets que l'autre. Ces enfants ne conserveraient donc pas le nombre : ils confondraient la différence numérique et la différence entre les aires délimitées par les objets. Cependant, McGarrigle et Donaldson (1974) se sont demandés si l'enfant n'utilisait pas tout simplement une stratégie que l'on pourrait qualifier de « pragmatique » : l'enfant supposerait qu'il s'est trompé la première fois où il a répondu, puisque l'expérimentateur lui repose la même question. Ces quatre critiques consistent en résumé à souligner la nécessité de contrôler les paramètres non numériques, la sensibilité à l'individualité, la manière dont la quantité est codée et les stratégies pragmatiques. Notons toutefois que ces quatre critiques n'ont été formulées qu'à l'encontre de certaines tâches. Elles n'ont jamais été appliquées 81 systématiquement et simultanément à l'ensemble des recherches en cognition numérique. C'est pourquoi nous proposons de le faire. Nous voulons ainsi mettre en relief deux idées fondamentales pour ce domaine de recherche : (1) ces quatre critiques imposent respectivement quatre règles à respecter dans l'élaboration d'une tâche de numérosité (cf. Tableau III) ; (2) il n'existe pas pour le moment de tâche de numérosité susceptible d'échapper à l'une de ces critiques. (insérer par ici tableau III) La première partie sera consacrée à la subitisation. Nous verrons que les recherches dans ce domaine nous invitent à contrôler les paramètres non numériques (cf. 2.1) et la sensibilité à l'individualité (cf. 2.2). Nous nous rendrons alors compte que la sensibilité à l'individualité peut expliquer la réussite aux tâches de subitisation. Nous observerons dans une deuxième partie que les études sur l'ANS contrôlent en règle générale les paramètres non numériques (cf. 3.1). Mais elles n'éliminent pas la possibilité d'un codage non numérique de la quantité sous la forme d'une grandeur continue. L'analyse des modèles théoriques de l'ANS se révélera sur cette question particulièrement instructive (cf. 3.2). Nous constaterons aussi que les tâches de calcul et de positionnement de nombres sur une droite réalisables par l'ANS peuvent être réussies à l'aide d'un tel codage non numérique (cf. 3.3). Dans une troisième partie, nous remarquerons que les systèmes cognitifs peuvent individualiser les objets au moyen d'un comptage (cf. 4.1) et de stratégies pragmatiques recourant à des correspondances terme à terme entre deux collections égales (cf. 4.2). 2. La subitisation 2.1. Contrôler les paramètres non numériques Des bébés peuvent-ils réaliser de petites opérations (ajouts, retraits) sur de petites quantités (inférieures ou égales à 3)? Wynn (1992b) semble l'avoir démontré dans une expérience devenue célèbre. Une figurine est placée devant un bébé de 4 mois. Ce dernier l'observe durant un certain temps, puis un cache se dresse et la figurine disparaît derrière lui. Le bébé voit alors l'expérimentateur ajouter une seconde figurine derrière le cache. L'expérimentateur retire enfin le cache. Wynn constate que l'attention du bébé augmente significativement, lorsqu'il ne découvre qu'une seule figurine (tâche de comparaison surprenante). De même, il paraît surpris lorsque 3 figurines apparaissent. Il s'attend donc à n'observer que 2 figurines. Wynn en déduit que pour le bébé, « 1 + 1 = 2 ». Wynn ne contrôle pas cependant l'aire formée par la réunion des 3 figurines ou l'aire délimitée par celles-ci (cf. Figure 1). En effet, la différence entre 2 et 3 figurines ou entre 2 et 1 figurine n'est pas seulement de nature numérique. 3 figurines occupent une aire totale plus grande que 2 figurines (cf. Figure 1b). Aussi, nous pouvons nous demander si les bébés sont surpris de trouver plus ou moins d'objets que prévu ou de découvrir des aires plus ou moins importantes. Sont-ils sensibles au nombre d'objets ou aux aires que ces objets forment par 83 leur rassemblement (cf. Figure 1b) ou encore aux aires qu'ils délimitent (cf. Figure 1c)? (insérer par ici figure 1) Lorsque l'on contrôle en effet l'aire totale, on se rend compte que les bébés cessent de réagir à la numérosité (Feigenson , Carey & Spelke, 2002b). On présente à des bébés âgés entre 10 et 12 mois, une suite d'images comportant toujours le même nombre d'objets (phase d'habituation) et on mesure en même temps leur attention (tâche de comparaison par habituation sur de petites quantités). Puis, on leur montre une nouvelle image dans laquelle le nombre d'objets varie. Comme prévu, les bébés réagissent immédiatement. Mais le plus intéressant est qu'ils ne réagissent plus quand l'image comporte un nombre différent d'objets, sans que l'aire totale de ces objets n'est changée - on rétrécit la taille des objets pour que deux objets occupent la même surface que trois objets. Si les bébés étaient sensibles à la numérosité, ils devraient réagir. En outre, ils réagissent lorsque le nombre est constant et l'aire totale variable. 2.2. Renoncer aux tâches réalisables par une individualisation des objets Nous venons de voir que les bébés sont capables de « subitiser » de petites quantités d'objets : ils parviennent à détecter la disparition ou l'apparition de 1, 2 ou 3 objets dans un ensemble composé d'1 à 3 objets. Nous allons montrer à présent que la subitisation n'a pas besoin pour fonctionner d'additionner ou de soustraire des objets, même dans les situations où les paramètres non numériques sont contrôlés. Cela va nous permettre d'en déduire que la subitisation n'est pas forcément un système numérique et que toute tâche réalisable par un acte de subitisation ne peut, pour cette raison, constituer une tâche de numérosité. Dans une tâche d'habituation par comparaison sur de petites quantités, Feigenson (2005) a constaté que les bébés redevenaient sensibles à la numérosité d'un petit ensemble d'objets, lorsque ces derniers étaient en apparence suffisamment différents. Elle a donc mis à jour la condition selon laquelle les objets doivent visuellement différer les uns des autres pour être subitisés, dans une situation où les paramètres non numériques sont contrôlés. Or la découverte de cette condition ne l'a pas incitée à supposer que les bébés réagissaient au nombre d'objets, mais plutôt à la présence ou à la disparition de tel ou tel objet. Tout se passe 85 comme si les bébés pistaient chaque objet indépendamment des autres. Pour Feigenson (2011), les objets sont fichés. En d'autres termes, ils sont traités par le système cognitif comme étant des objets possédant des caractéristiques individuelles. Conformément à cette hypothèse, les bébés ne se rendraient donc pas compte qu'il manque 1 ou 2 s au total, mais qu'il manque simplement tel objet, ou tel objet et tel autre objet. Tout se passe comme si le système cognitif faisait l'appel et constatait l'absence de telle ou telle personne : il n'aurait pas besoin dans ce cas de comptabiliser le nombre de personnes absentes. Dans cette perspective, les bébés ne comparent donc pas des petites quantités entre elles. Pour ainsi dire, ils notent simplement la disparition ou l'apparition de A, de B, de C, de A et C, de B et A, etc. Ils traitent chaque objet comme s'ils étaient des individus distincts. Ils « individuent » chaque objet. Les objets ne leur apparaissent pas comme les éléments d'un même objet, mais comme plusieurs éléments. Il va donc de soi que dans ce protocole, les images et les sons diffèrent uniquement par leur nombre. Mais cette comparaison entre trois objets visuels et trois sons pourrait tout à fait s'expliquer au moyen d'une individuation. La possibilité de pouvoir associer chaque objet visuel à chaque son pourrait conduire le bébé à la conclusion suivante : chaque son est le son d'un objet ou si l'on préfère un son et un objet ne forment qu'un seul et même objet, qu'un seul et même « individu ». Chaque image se trouve associée à un son, comme lorsque nous associons l'image d'une personne qui frappe trois coups sur une porte et le son des trois coups. Dès lors, nous pouvons supposer que le bébé s'attend à voir trois objets au moment où il entend les trois sons. A la place, il ne perçoit qu'un disque noir, c'est-à-dire qu'un seul objet. Il est donc surpris. En revanche, lorsqu'il n'entend que deux sons, il n'a pas la possibilité d'associer à chaque son, le souvenir de chaque objet qu'il vient de voir. Il ne peut donc pas supposer que chaque son est le son d'un objet. Il ne peut pas individuer un son et un objet, en d'autres termes en faire les manifestations sensorielles d'une seule et même chose. Il n'a donc aucune raison d'être surpris par l'apparition du disque noir ou des deux sons qu'il assimile à de nouveaux objets, à de nouveaux individus. Nous pouvons faire la même hypothèse dans l'étude de Feron, Gentaz et Streri (2006) où l'on remplace la modalité visuelle (les images) par une modalité tactile (des objets déposés dans la main du bébé) et la modalité sono (les sons) par une modalité visuelle (des images). Le bébé se demande peut-être si les objets qu'il voit ne sont pas tout simplement ceux qu'on vient de lui déposer dans la main, car il peut associer à chaque information tactile une information visuelle (tâche de comparaison par habituation sur de petites quantités). Pour le dire autrement : si dans deux situations immédiatement successives, le système cognitif peut associer à chaque élément de la première situation, un unique élément de la seconde sans en omettre un seul, alors les éléments associés peuvent former un individu, même si les éléments relèvent de modalités sensorielles distinctes (principe d'individuation). Dès lors, si la tâche peut être réalisable en respectant ce principe, alors elle ne constitue pas une tâche de numérosité. Kobayashi, Hiraki, Mugitani et Hasegawa (2004) font varier eux-aussi les modalités sensorielles (tâche de comparaison surprenante). Ils reprennent le protocole de Wynn (1992b) en remplaçant parfois une figurine par un son. Les bébés ne sont pas surpris lorsqu'ils ont vu une figurine, entendu un son, et découvert ensuite derrière le cache 2 figurines. En revanche ils sont surpris si 3 figurines apparaissent. A la suite de Wynn, les auteurs supposent que les bébés ajoutent les figurines et les sons entre eux et réalisent ainsi des opérations sur de petites quantités. Les bébés seraient donc sensibles à la numérosité. Mais une nouvelle fois nous pouvons simplement hypostasier que les bébés ont associé le son entendu à la figurine. Pour eux une figurine ou un son peuvent être les manifestations sensorielles d'une seule et même entité. En effet, ils peuvent associer à chaque élément de la première situation, un seul élément de la seconde, sans en oublier un seul. Les deux situations sont équipotentes comme dans Starkey et al. (1990) et Feron et al. (2006). Elles respectent ce que nous venons de nommer « le principe d'individuation ». Les bébés peuvent en conclure que le son entendu dans la première situation n'est rien d'autre que celui qui correspond à la figurine de la situation suivante (en effet, le son est produit au moment où l'objet entre visuellement en contact avec son support). En définitive, le bébé est moins sensible à la numérosité qu'à la question de savoir si tel son est ou non le son de tel objet. Il est sensible à l'individualité des objets. Du m , nous pouvons le supposer afin de remettre en doute les conclusions de ces études. Les tâches proposées dans celles-ci contrôlent effectivement la présence de paramètres non numériques (voir aussi Kobayashi, Hiraki & Hasegawa, 2005). Mais elles ne contrôlent 88 pas pour ainsi dire « l'intention » du bébé. Celui-ci se soucie peut-être moins de la numérosité dans les situations proposées, que de l'individualité des objets en présence. C'est pourquoi nous ne pouvons être certains que ces tâches réalisées dans diverses modalités sensorielles sur de petites quantités constituent des tâches de numérosité. En effet, elles ne respectent pas cette seconde règle tout aussi indispensable que la première : la tâche ne doit pas être réalisable uniquement par individualisation des éléments en présence (Règle 2). Il est vrai que la subitisation peut optimiser ses capacités de stockage en groupant les objets (Feigenson & Halberda, 2008). On peut alors avoir l'impression que l'enfant réussit à se représenter des quantités supérieures à 3 sous la forme de 2 groupes de 2 groupes de 2 objets par exemple. Il saurait que : « 8 = (2 + 2) + (2 + 2) ». Dans une tâche de fouille par « chunk », Rosenberg et Feigenson (2013) disposent 4 groupes de 2 balles devant une boite (00 00 00 00). Dans une seconde condition, elles disposent 4 balles à gauche de la boite en les groupant 2 à 2, et 4 balles à droite en les groupant de la même façon (00 00 | 00 00). Elles montrent à des bébés de 14 mois ces balles. Puis, elles les mettent dans une boite fermée. Elles invitent alors le bébé à retrouver les balles. Elles extraient avec lui une partie ou la totalité des balles. Elles mesurent ensuite si lorsqu'il reste des balles dans la boite, le bébé continue, tout seul, de les chercher. Elles comparent alors le temps mis par le bébé lorsque toutes les balles ont été extraites conjointement et lorsque seulement une partie des balles a été retrouvée. Elles évaluent ainsi si le bébé sait ou non qu'il reste encore des balles dans la boite. Elles observent alors que les bébés paraissent ignorer qu'il reste des balles lorsque les balles ont été organisées en 4 groupes de 2 (00 00 00 00). En revanche, ils semblent le savoir lorsque les balles ont organisées en 2 groupes de 2 groupes de 2 (00 00 | 00 00). Ces résultats sont conformes aux limites de la subitisation. Dans la première condition, le bébé 89 doit mémoriser 4 objets (4 groupes de 2). Or, la subitisation est limitée à 3 objets. Il ne peut donc les mémoriser. En revanche, dans la seconde condition, il doit mémoriser seulement 2 objets et se souvenir que ces deux objets comportent 2 paires d'objets. « Chunker » les 4 groupes de 2 objets en 2 grands groupes de 2 paires d'objets améliore par conséquent les capacités de la subitisation. 3. L'ANS 3.1. Contrôler les paramètres non numériques Les êtres humains possèdent un système inné : l'ANS. Celui-ci leur donne le moyen de comparer approximativement des quantités d'objets. Izard et al. (2009) présentent par exemple à des enfants âgés de deux jours, des séries de 4 ou 12 sons successifs et identiques - la durée totale de la série de 4 sons est identique à celle des 12 sons (tâche de comparaison par habituation sur de grandes quantités). Durant toute l'expérimentation, le nouveau-né n'entend soit que des séries de 4 sons, soit que des séries de 12 sons. Pendant la première étape, le nouveau-né perçoit des séries successives de sons et reste devant un écran noir. Lors de la seconde étape, l'écran s'allume. On lui montre alors des images qui contiennent le même nombre d'éléments que le nombre de sons, ou des images qui ne possèdent pas le même nombre d'éléments. Lorsque le nombre d'éléments et la quantité de sons diffèrent, le ratio est de 200% (4 sons pour 12 éléments, 4 éléments pour 12 sons, 6 sons pour 18 éléments, 6 éléments pour 18 sons) ou de 100% (4 sons pour 8 éléments, 8 éléments pour 4). Les chercheurs constatent que les nouveau-nés fixent plus longuement les images qui contiennent approximativement (ratio = 100%) le même nombre d'éléments que la série sonore. Les nouveau-nés réussissent donc à comparer des quantités, même lorsque ces dernières appartiennent à deux modalités sensorielles distinctes (son et image visuelle). Toutefois, le rapport entre les deux quantités ne doit pas être inférieur à trois. Les nouveaunés paraissent pour cette raison sensibles au nombre d'objets que comportent les collections, et non à leur apparence. Ces résultats confirment le caractère inné et plurimodal de l'ANS. Ajoutons que de multiples animaux en dehors de l'être humain possèdent eux aussi cette faculté (Rugani, Cavazzana, Vallortigara & Regolin, 2013b ; Reznikova & Ryabko, 2011). 91 L'ANS ne semble pas être une capacité typiquement humaine, mais plutôt le fruit de l'évolution de diverses espèces. Moyer et Landauer (1967) ont été les premiers à découvrir chez l'être humain l'existence de l'ANS. Ils ont proposé à des adultes de comparer deux nombres présentés sous la forme d'une écriture chiffrée (« 65 » et « 64 », ) et ont mesuré les temps de réponse. Ils ont alors constaté que plus les nombres sont proches et plus le temps de réponse est long. Il nomme ce fait « l'effet de distance » : comme pour les nouveau-nés, plus les nombres sont proches, plus ils sont difficiles à différencier. De plus, l'estimation de l'ANS est plus ou moins fine. Tous les ANS n'ont pas la même « acuité ». Autrement dit, le temps de réponse respecte une « loi de Weber » : le temps de réponse est le même lorsque le ratio entre deux nombres est identique. Les individus mettent autant de temps pour comparer « 20 » et « 40 » que pour comparer « 10 » et « 20 » (ratio = (40-20)/20 = (20-10)/10 = 100%). De nombreux travaux ont depuis répliqué cette expérience avec succès (pour une revue de littérature, cf. Dehaene, 2007). Pour mesurer l'évolution de l'acuité d'un ANS, on recourt le plus souvent au dispositif suivant (tâche de comparaison par approximation sur de grandes quantités) : sur un écran, on présente à des enfants ou à des adultes deux images (pour une revue de littérature sur cette tâche susceptible d'identifier l'acuité de l'ANS, voir Feigenson, Dehaene & Spelke, 2004 ; Brannon, 2006). Les deux contiennent de multiples points et les points les moins nombreux sont toujours plus gros, afin que la somme des aires des points soit toujours la même des deux côtés de l'écran. Il est demandé aux participants de désigner le plus rapidement possible l'image qui contient le plus grand nombre de points. Les chercheurs observent que l'ANS opère très rapidement. Les points ne sont effectivement présentés que durant 200 ms. En outre, son acuité s'affine avec l'âge (Libertus & Brannon, 2009) et l'instruction (Pica, Dehaene, Lemer & Izard, 2004) : le ratio minimum pour distinguer deux collections diminue 92 avec le temps et l'enseignement. Toutefois, il ne s'annule jamais. Des adultes qui ont été scolarisés confondront encore 55 et 60 objets perçus (Piazza et al., 2010) : l'acuité de leur ANS avoisine les 15%. Les études sur l'ANS sont multiples (Dehaene, 2010). Elles accordent une attention particulière aux contrôles de paramètres non numériques comme l'aire totale ou encore la luminosité (Izard et Dehaene, 2008 ; Dehaene, Izard et Piazza, 2005). 3.2. Renoncer aux tâches réalisables par l'ANS : les modèles théoriques de l'ANS Dès 1983, Meck et Church ont proposé d'assimiler l'ANS à une machine analogique. Ce modèle théorique provient de la manière dont on conçoit l'activité d'un neurone. Les chercheurs ne comptabilisent pas le nombre de décharges produites par un neurone. Ils mesurent la fréquence de ses décharges. Plus un neurone est actif, plus son rythme de décharge s'accélère. L'important est moins de mesurer le nombre de décharges réalisées par le neurone que la vitesse à laquelle il les a générées. Le tempo de décharge augmente lorsqu'un 93 neurone s'active de plus en plus et diminue lorsqu'il ralentit son activité. Aussi, un neurone n'est pas un élément actif ou non actif, mais un élément plus ou moins actif. Dans le modèle de Meck et Church, dont dérivent tous les autres modèles, plus le nombre d'objets augmente, plus un neurone accumulateur s'excite. Autrement dit, plus le nombre d'objets croît, plus la fréquence de ce neurone s'intensifie (fig. 3a). Or, la fréquence d'un neurone se comporte dans ces modèles à l'instar d'une variable continue. La croissance ou la décroissance d'une fréquence ne ressemble pas à l'ajout ou au retrait successif d'objets, à un ensemble d'objets. Elle s'apparente plutôt à un élastique que l'on étire plus ou moins. C'est pourquoi la plupart des auteurs représentent dans leur modèle la fréquence sous la forme d'un segment (fig. 3b) (Feigenson et al., 2002a) qui s'allonge ou d'une surface (fig. 3c) (Dehaene & Changeux, 1993, Leslie et ., 2008) qui s'étend plus ou moins. (insérer par ici figure 2) Lorsque la fréquence de décharges du neurone accumulateur franchit un certain seuil, elle active le neurone du nombre qui correspond à ce seuil. Si la fréquence de décharge du neurone accumulateur pour 1 objet vaut par exemple 50, elle déclenche le neurone du nombre 2 lorsqu'elle atteint 100 (2 x 50), le neurone du nombre 3 lorsqu'elle atteint 150 (3 x 50), et ainsi de suite. Toutefois, la fréquence de décharge du neurone accumulateur pour 1 objet n'est jamais constante. Elle oscille. Dans notre exemple, pour 1 objet, elle peut valoir entre 50 et 65. Aussi, pour 4 objets, elle peut valoir entre 200 et 265. Comme le seuil du neurone du nombre 5 est 250, 4 objets pourront déclencher aussi bien le neurone du nombre 4 que celui du nombre 5. Dans le cas de 7 objets, la fréquence oscille entre 350 et 455. Elle active donc aussi bien les neurones des nombres 7 (350), 8 (400) et 9 (450) – l'acuité de l'ANS est environ ici de 42% (adapté de Gallistel & Gelman, 2000). Le fonctionnement de l'ANS reposerait par conséquent sur la coordination entre des neurones accumulateurs et des neurones du nombre - les neurones accumulateurs auraient été 94 observés dans la région LIP du cerveau et les neurones du nombre dans la région VIP (Nieder & Dehaene, 2009). Dans cette perspective, seuls les neurones accumulateurs sont véritablement responsables du caractère approximatif de l'ANS. En outre, ce sont eux qui varient en fonction de la quantité présente : plus le nombre d'objets s'accroît, plus la fréquence de ces neurones augmente. La quantité d'objets perçue serait donc codée dans notre système cognitif sous la forme d'une grandeur continue (la fréquence de décharge des neurones accumulateurs). Tous les modèles théoriques supposent par conséquent que l'ANS se représente les quantités sous la forme de grandeurs continues. Autrement dit, pour l'ANS, un nombre d'objets n'est rien d'autre qu'une grandeur continue. A ses yeux, un nombre ne se compose pas de multiples éléments. Il n'est pas une somme d'unités ou un ensemble d'objets. Il est une grandeur dépourvue d'éléments semblable à un liquide. D'un point de vue théorique, l'ANS représente les nombres par des grandeurs non numériques. Il est vrai qu'un nombre réel se représente géométriquement à l'aide d'une grandeur continue. C'est pourquoi Gallistel et Gelman (2000) considèrent que l'ANS représente les nombres d'objets par des nombres réels. Cependant, il faudrait pas confondre la grandeur et la mesure de cette grandeur. Représenter un nombre en géométrie ne consiste pas seulement à tracer un segment, mais à symboliser un rapport entre ce segment et le segment qui sert d'unité. Représenter le nombre 3 revient par exemple à tracer un segment dans lequel on peut reporter trois fois le segment servant d'unité de mesure. La représentation géométrique d'un nombre requiert par conséquent deux grandeurs continues : la grandeur mesurée et l'unité de mesure. L'ANS ne peut de toute évidence représenter un nombre au moyen d'une unique grandeur continue. En d'autres termes, la fréquence de décharge d'un neurone accumulateur ne peut, à elle seule, représenter un nombre réel ou entier. Dans la mesure où elle n'est qu'une grandeur 95 continue, elle n'est pas un nombre. 3.3. Calcul, dénombrement et positionnement Certains auteurs proposent aux enfants de réaliser des tâches approximatives dans lesquelles des enfants de moins de 6 ans doivent réaliser des opérations sur de grandes quantités (tâche approximative de calcul ; Gilmore, McCarthy & Spelke, 2010 ; McCrink & Wynn, 2003) ou encore dans lesquelles les expérimentateurs les incitent à évaluer très rapidement un certain nombre d'objets (tâche approximative de dénombrement ; Le Corre & Carey, 2007). Conformément aux hypothèses de ces auteurs, les enfants recourent à l'ANS pour réaliser ces différentes tâches. Cependant, si ces expériences montrent que les motsnombres peuvent être associés aux représentations de l'ANS afin de pouvoir réaliser certains calculs, elles ne démontrent pas toutefois que ces enfants sont sensibles à la numérosité. En 96 effet, l'ANS ne se représente pas les collections sous la forme de nombre d'objets, mais sous celle de grandeurs continues (cf. 3.2.). Les mots-nombres ne sont pas associé dans ce cas à des quantités, mais à des grandeurs continues (cf. Figure 2). Ces tâches ne respectent donc pas la règle 3 (la tâche ne doit pas être réalisable par l'ANS). C'est pourquoi elles ne sont pas des tâches de numérosité. Pour la même raison, la tâche approximative de positionnement proposée par Siegler et Booth (2004) ne mesure pas la sensibilité à la numérosité. Ces auteurs demandent à des enfants âgés entre 5 et 8 ans de positionner sur une ligne non graduée comprise entre 0 et 100, des nombres présentés sous la forme d'écriture chiffrée (« 43 », « 57 », ). On observe dans un premier temps que le placement des nombres respecte une loi logarithmique caractéristique de l'ANS : plus les nombres sont grands, plus s se confondent, aussi le nombre 10 peut être placé au milieu de 0 et 100. Puis, au fur et à mesure de la scolarité, les auteurs constatent que ce placement s'affine et devient linéaire : chaque nombre est enfin placé à peu près au bon endroit. L'ANS semble s'être calibré (Izard & Dehaene, 2008). Cependant, calibré ou non, l'ANS ne produit en théorie que des représentations de grandeurs continues. « 57 » ne désigne théoriquement qu'une certaine longueur ou plus précisément qu'une certaine fréquence de décharge. Aussi, la tâche de positionnement ne nous assure en rien que ces enfants seraient plus ou moins sensibles à la numérosité en fonction de leur âge. 4. Comptage, conservation du nombre et correspondance terme à terme 4.1. Les tâches réalisables par un comptage Pour vérifier si un enfant est sensible à la numérosité, on peut simplement lui demander de compter une collection d'objets (tâche de comptage « combien »). Toutefois, 97 rien ne nous garantit que la réponse de l'enfant désigne une quantité d'objets. L'enfant peut simplement associer à chaque objet, un mot de la file numérique verbale (« un », « deux », « trois », ) et répéter machinalement le dernier mot qu'il prononce (Sarnecka & Carey, 2008 ; Fuson, 1988). Le résultat du comptage n'est alors pour lui qu'un mot dépourvu de signification ou un mot servant uniquement à désigner le dernier objet compté. C'est pourquoi Wynn (1992) propose de demander plutôt aux enfants d'aller chercher n objets (tâche de comptage « donne-n »). Elle leur pose par exemple la question : « Peux-tu me rapporter huit voitures? ». Si l'enfant ramène huit voitures, alors cela montre que le mot « huit » désigne pour lui les huit voitures. Cependant, comme le remarquent Davidson, Eng et Barner, (2012), l'enfant peut tout aussi bien se contenter de ramener tous les objets qui ont été pointés durant le comptage. A ses yeux, le mot « huit » désigne le dernier objet compté, comme le « un » le premier, le mot « deux » le deuxième, etc. Il ne rapporte donc pas huit fois une voiture, mais la première voiture, la seconde voiture, la troisième voiture, etc. Il nomme pour ainsi dire chaque objet et ramène machinalement tous les objets nommés. Les tâches dans lesquelles les enfants peuvent compter, ne respectent donc pas la règle 2 (tâche non réalisable par une individualisation des objets, cf. 2.2.). On peut toujours considérer effectivement que la file numérique permet de personnifier momentanément chaque objet, de l'individualiser, comme nous pourrions le faire avec la suite des lettres de l'alphabet (« voici l'objet A, puis l'objet B, »). Par voie de conséquence, les enfants pourraient réussir ces tâches, sans comprendre que le résultat du comptage désigne un nombre d'objets. Cette dernière hypothèse nous semble très importante dans la mesure où comme le rappelle Sarnecka et Wright (2013), la tâche de comptage donne-n (« Give-n task ») est de nos jours la plus utilisée pour évaluer la sensibilité à la numérosité des enfants. La corrélation 98 de cette tâche avec une tâche sémantique complexe a pour beaucoup contribué à cette situation. Sarnecka et Carey (2008) montrent en effet que les enfants capables de rapporter n objets comprennent ce qu'elles appellent « le principe de succession ». Elles placent dans une boite 4 petits tubes contenant des jouets identiques et s'assurent que les enfants ont retenu que la boite contient « quatre » tubes (« Unit-task »). Puis elles ajoutent 1 ou 2 tubes et demandent alors à des enfants capables de ramener 6 objets : « Y en a-t-il à présent cinq ou six? ». Elles observent que les enfants capables de ramener « six » objets ne répondent pas au hasard. Ils comprendraient au moins que passer du mot « quatre » au mot « cinq » revient à ajouter un objet et que passer du mot « cinq » au mot « six » revient à ajouter un objet supplémentaire. Ils auraient saisi le principe de succession : passer d'un mot de la file numérique au suivant revient à ajouter 1. Cependant, nous pourrions tout à fait considérer que les enfants comptent ou surcomptent (au lieu de partir du premier objet, ils démarrent leur comptage à partir du quatrième). Certes, l'expérimentateur dit aux enfants de ne pas compter si ces derniers essaient de le faire. Mais rien ne nous assure qu'ils ne le font pas dans leur tête au moment même où les expérimentateurs ajoutent les bacs dans la boite. Les enfants passent en effet l'épreuve six fois de suite – les deux premières servent en outre d'entraînement. Ils savent par conséquent qu'ils vont être interrogés sur la quantité d'objets que contient la boite. Ils peuvent dès lors réussir la tâche sémantique complexe à l'aide d'un comptage. 'est pourquoi cette tâche sémantique ne respecte pas la règle 2, au même titre que la tâche de comptage « donnen ». Nous pouvons en outre faire cette hypothèse interprétative dans toutes les expériences recourant à des tâches sémantiques complexes dans lesquelles les enfants sont conduits à choisir entre deux mots-nombres, à la suite d'une opération d'ajout ou de retrait réalisée sur 99 une ou plusieurs collections d'objets (Brooks, Audet & Barner, 2012 ; Condry & Spelke, 2008 ; Sarnecka & Gelman, 2004) – nous exposerons plus loin ces autres tâches. 4.2. Les tâche de conservation et de correspondance Dans une expérience célèbre, Piaget et Szeminska (1941) présentent une rangée de jetons à des enfants âgés de 4 à 5 ans (tâche équinumérique de conservation). Puis, ils placent à côté de celle-ci une autre rangée de jetons comportant le même nombre de jetons. Ajoutons 100 que les deux rangées sont parfaitement symétriques. Les auteurs font alors remarquer à l'enfant que les deux rangées possèdent la même quantité de jetons. Devant l'enfant, les auteurs écartent alors les jetons d'une des deux rangées et demandent à l'enfant si la rangée ainsi modifiée dispose toujours du même nombre de jetons. Ils observent que les enfants ne conservent pas la quantité : ils disent que la rangée modifiée comporte plus de jetons et maintiennent leur réponse même si on leur fait recompter les deux rangées (« il y a 7 jetons ici, 7 jetons là, mais moi je dis qu'il y en a quand même plus là »). Certains auteurs ont considéré que dans la tâche de conservation l'enfant est induit en erreur par le questionnement de l'adulte et non parce qu'il serait incapable à cet âge de conserver la quantité. McGarrigle et Donaldson (1974) ont répliqué l'épreuve piagétienne en introduisant une nouvelle condition : dans la première situation, la rangée est modifiée par l'expérimentateur, dans la seconde, par un ours en peluche. Ils notent que 13 enfants conservent la quantité dans le premier cas, alors que 50 enfants le font dans le deuxième. Ils en déduisent que l'enfant recourt à ce que les chercheurs appellent aujourd'hui une « stratégie pragmatique » (Brooks et al., 2012). L'expérimentateur pose en effet à l'enfant deux fois la même (« est-ce qu'il y a plus de jetons d'un côté que de l'autre? »). L'enfant suppose peut-être qu'il s'est trompé la première fois, puisqu'on le réinterroge. Cette hypothèse pragmatique de l'épreuve piagétienne a été l'objet d'une importante controverse (pour une revue de littérature, voir Vilette, 1996). Elle n'en demeure pas moins intéressante parce qu'elle révèle une nouvelle règle indispensable à la constitution d'une tâche de numérosité : la tâche ne doit pas être réalisable par une stratégie pragmatique ne nécessitant pas d'être sensible à la numérosité (règle 4). Ce biais induit par des stratégies pragmatiques ne concerne pas en effet que la tâche de conservation de Piaget. Les résultats obtenus respectivement par Sarnecka et Gelman (2004), Condry et Spelke (2008) et Brooks et al. (2012), pourraient tout à fait s'expliquer au moyen d'une stratégie pragmatique. 101 On place cinq voitures dans une boite et on dit à un enfant âgé entre 2 et 4 ans : « regarde, je mets cinq voitures dans cette boite » (tâche sémantique complexe). Puis, on ferme la boite. On secoue alors la boite ou on ajoute un élément. On interroge enfin l'enfant : « y a-t-il cinq ou six voitures dans cette boite? ». On constate que l'enfant répond « cinq » quand la boite a été simplement secouée et « six » lorsque le nombre d'objets dans la boite a été modifié – au préalable, on s'assure que les enfants ne savent pas compter jusqu'à 5 ou 6. Sarnecka et Gelman (2004) et Condry et Spelke (2008) en déduisent que les enfants savent que les mots-nombres « cinq » et « six » ne désignent pas la même quantité. Autrement dit, ils comprennent que chaque mot-nombre désigne spécifiquement telle quantité, avant même de savoir laquelle. Toutefois, comme le remarquent Izard et al., (2014), les enfants pourraient tout aussi bien supposer qu'un mot ne désigne qu'une seule chose et que l'ajout d'un élément à une chose la transforme. Dès lors, puisque ce n'est plus la même chose, alors ce n'est plus le même mot qui la désigne. Certes, Sarnecka et Gelman (2004) observent que les enfants continuent à dire que la boite contient 5 voitures, lorsqu'on se contente de la secouer. Cependant, secouer une boite ne revient nullement à en modifier le contenu. L'addition d'un élément à un objet altère en revanche la composition même de l'objet (Brooks et al., 2012). L'enfant a alors l'impression que l'objet n'est plus le même : c'est pourquoi il choisit peutêtre de lui conférer un nouveau nom (« six » au lieu de « cinq »). La tâche équinumérique de conservation de Piaget ne soulève pas cette seule difficulté. Tout d'abord, elle ne respecte manifestement pas la règle 1. Piaget contrôle l'aire délimitée, mais non l'aire totale (cf. Figure 1). L'enfant pourrait n'être sensible qu'à la quantité de matière et non au nombre d'objets. C'est peut-être le cas dans l'expérience réalisée par Mehler et Bever en 1967 (tâche de comparaison simple) dans laquelle l'aire délimitée par 6 bonbons au chocolat est plus petite que celle délimitée par 4 bonbons. Il est 102 vrai que dans cette expérience les enfants choisissent les 6 bonbons, même si leur aire délimitée est plus petite. Les auteurs omettent cependant que l'aire totale des 6 bonbons est plus grande. Aussi, les enfants de 2 ans préfèrent-ils les 6 bonbons ou la possibilité de pouvoir ingérer plus de chocolat? De même, lorsque des enfants réussissent la tâche équinumérique de conservation (De Neys, Lubin & Houdé, 2014 ; Piaget & Szeminska, 1941), préfèrent-ils le nombre d'objets à l'aire délimitée par les objets, ou leur aire totale à leur aire délimitée? La tâche équinumérique de conservation pose un autre problème : nous pouvons la réussir au moyen d'une correspondance terme à terme. Cette tâche n'est d'ailleurs pas la seule. Il existe de nombreuses expériences dans lesquelles on demande aux participants de réaliser des correspondances terme à terme entre deux collections égales ou de construire par ce moyen deux collections égales (Butterworth, Reeve, Reynolds & Lloyd, 2008 ; pour une revue de littérature, voir Izard et al., 2014). Mais toutes ces tâches équinumériques de correspondance ne respectent pas plus que la tâche équinumérique de conservation la règle 3. En effet, l'ANS peut tout à fait intervenir lorsque les quantités comparées sont égales. Il ne permet évidemment pas de faire correspondre à chaque objet un autre objet. Mais il peut produire une représentation de la quantité des deux collections sous la forme de deux grandeurs continues. L'égalité entre les deux collections n'est pas ici représentée sous la forme de deux quantités égales, mais sous celle de deux grandeurs continues égales. C'est pourquoi le succès à une tâche réalisable par une correspondance terme à terme n'est pas obligatoirement la manifestation d'une sensibilité à la numérosité. Ces tâches équinumériques ne respectent pas enfin la règle 2. Premièrement, la tâche équinumérique de conservation est réalisable par un comptage. Deuxièmement, les tâches équinumériques de correspondance consistent à associer un élément à un autre. Tout se passe comme si l'on désignait ou nommait un objet par un autre. Dans une tâche de correspondance terme à terme, on fait simplement correspondre à chaque objet, un unique objet. 5. La pluralité Wynn (1992a) considère que les enfants savent relativement tôt que les mots-nombres (« trois », « cinq ») servent à désigner des quantités. Pour le prouver, elle pose à des enfants âgés de 2 à 3 ans la question suivante : « Peux-tu me montrer les quatre ballons? » (tâche sémantique simple). L'enfant doit alors indiquer de quel côté d'une carte se trouvent les quatre ballons – un côté présente cinq ballons, l'autre quatre. Elle observe que des enfants, incapables de trouver les quatre ballons, réussissent toutefois lorsqu'on leur expose un ballon et quatre ballons. Ces enfants savent donc au moins que le mot-nombre « quatre » désigne des objets et non un unique objet. Ils sont sensibles en ce sens à la pluralité. Ils comprennent la différence numérique entre un objet et plus qu'un objet. Cette sensibilité demeure incapable de différencier les quantités supérieures à un objet. Pour elle, toutes ces quantités sont les mêmes. Elles ont toutes pour propriété commune de comporter plusieurs objets et non un seul. Comme le souligne Carey (2009), cette sensibilité ignore le principe de succession. Elle sait que l'on obtient une quantité supérieure à un par l'ajout d'une unité. Mais elle ne sait pas qu'une addition répétée d'unités engendre à chaque fois une nouvelle quantité. Pour elle, toutes les quantités produites par le principe de succession sont identiques. Elle ne connaît donc pas la notion de quantité exacte, puisque cette dernière repose sur la possibilité de 104 différencier les quantités entre elles, par l'ajout ou le retrait d'un unique élément. Cette sensibilité à la pluralité n'en demeure pas moins une sensibilité à la numérosité, dans la mesure où elle comprend la différence nu mérique entre un objet et plus qu'un objet. Toutefois, on peut s'interroger sur la présence de cette sensibilité chez le bébé. Jusqu'à 20 mois, les bébés ne paraissent pas dotés de cette aptitude. Certes, ils se révèlent capables de comparer dans certaines conditions 1 et 3 objets (Feigenson, 2005) ou encore 16 et 32 objets (Lipton & Spelke, 2003). Mais ils ne réussissent pas pour autant à comparer 1 et 4 objets (Feigenson & Carey, 2005) ou encore 2 et 4 objets (Xu, 2003 ; Feigenson & Carey, 2003). Comment expliquer ce résultat étonnant? Tout d'abord, il doit exister deux systèmes distincts : la subitisation pour les quantités inférieures à 3 et l'ANS pour les quantités plus grandes (Feigenson et al., 2004 ; Xu, 2003). La subitisation assure la comparaison entre 1, 2 et 3 objets. L'ANS réalise quant à lui la comparaison entre des quantités supérieures ou égales à 4. Notons toutefois que l'ANS semble actif, même pour des quantités inférieures à 4, comme le dévoilent les techniques de neuro-imagerie (Izard, Dehaene-Lambertz & Dehaene, 2008) et de multiples études sur les animaux et les jeunes enfants (pour une revue de littérature, voir Rugani et al., 2013b). Par conséquent, deux hypothèses semblent s'imposer : (1) l'ANS de ces bébés réussit à comparer 1 et 4 objets, mais son résultat n'est pas pris en compte par le système cognitif (Izard, 2009) ; (2) L'ANS se représente les ensembles d'objets sous la forme de grandeurs continues (cf. Figure 2) et c'est pourquoi il ne peut distinguer 1 objet de plusieurs objets (Barner, Wood, Hauser & Carey, 2008 ; Feigenson & Carey, 2005) – cette hypothèse est par ailleurs conforme aux modèles théoriques de l'ANS (cf. 3.2.). Soulignons que cette seconde hypothèse élimine définitivement de l'ANS toute sensibilité à la pluralité et donc à la numérosité. En outre, selon Feigenson et Carey (2005), la subitisation est sensible à l'individualité et non à la pluralité (cf. 2.2.). Aussi, dans cette 105 perspective, ni l'ANS, ni la subitisation, ne sont sensibles à la pluralité. La sensibilité à la pluralité et par voie de conséquence à la numérosité, émergerait plus tard. La sensibilité à la pluralité apparaîtrait aux alentours de 22 mois chez des bébés anglophones (Barner et al., 2007). Ces derniers deviendraient alors capables de distinguer 1 et 4 objets. Devant un bébé d'environ une douzaine de mois par exemple, Feigenson et Carey (2005) disposent des balles dans une boite fermée (la tâche de fouille ordinaire). Puis, elles autorisent le bébé à prendre une balle dans la boite. Elles mesurent ensuite la durée prise par l'enfant pour retrouver les autres balles. Les enfants passent autant de temps à chercher 4 balles qu'une seule balle. En revanche, ils passent plus de temps à chercher 2 ou 3 balles. Cependant, des bébés de 22 et 24 mois passent plus de temps à chercher 4 balles qu'une unique balle (Barner et al., 2007). Les bébés américains deviendraient donc sensibles à la pluralité vers 22 mois. Cette hypothèse paraît étayée par une autre étude réalisée à l'aide d'une tâche proche de celle utilisée par Wynn (Kouider, Halberda, Wood & Carey, 2006). On présente à des bébés de 20, 24 et 36 mois deux images. La première contient 1 objet alors que l'autre en contient 8 – l'aire totale est contrôlée (cf. Figure 1). Les bébés entendent alors des phrases. Celles-ci diffèrent au niveau des marques du pluriel : « look at the blicket » vs « look at the blickets ». On mesure alors si les bébés regardent l'image contenant plusieurs objets lorsqu'ils entendent des marques du pluriel (ici le « s » prononcé à la fin du mot) ou l'image contenant un seul objet lorsqu'ils n'en entendent pas. Les auteurs montrent que les bébés de 20 mois sont insensibles aux marques du pluriel, alors que les bébés plus âgés le sont. Ces résultats à cette tâche sémantique simple reproduisent donc bel et bien ceux obtenus à la tâche de fouille ordinaire. Li et al. (2009) montrent toutefois que l'âge d'accession à la pluralité varie en fonction des nationalités. Ils font passer à des bébés japonais et chinois âgés entre 20 et 28 mois les 106 deux tâches que nous venons de décrire (la tâche de fouille et la tâche sémantique simple). Ils observent alors que les bébés japonais de 20 mois réussissent la tâche de fouille. Ils constatent surtout que les bébés chinois réussissent à la première, mais échouent à la seconde. Ils en déduisent que la sensibilité à la pluralité est une sensibilité non verbale. Selon eux, la sensibilité à la ité et à la numérosité précède la compréhension et l'acquisition d'un langage capable de désigner des nombres d'objets. Cette hypothèse semble confirmée par la réussite de singes à une tâche de comparaison simple (Barner et al., 2008). On dépose devant un singe un certain nombre de pommes dans une boite, puis on regarde si le singe se révèle capable de choisir la boite contenant le plus grand nombre de pommes. Les singes réussissent à comparer 1 et 2 pommes et 1 et 5 pommes alors qu'ils ne parviennent pas à comparer 2 et 4 pommes ou encore 2 et 5 pommes. L'ANS des singes ne semble donc pas avoir réalisé ces différentes comparaisons : en effet le ratio entre 2 et 4 et entre 2 et 5 est égal ou supérieur à celui que l'on trouve entre 1 et 2. Si l'ANS avait comparé 1 et 2 pommes, il aurait dû pouvoir comparer 2 et 4 pommes ou encore 2 et 5 pommes. Nous pourrions croire aussi que la subitisation est à l'origine de la comparaison entre 1 et 5 pommes. Mais celle-ci paraît limitée à 4 objets chez les singes (Hauser, Carey & Hauser, 2000). Ces derniers réussissent en effet à comparer 2 et 4 pommes (et non 2 et 5 pommes) lorsque l'on veille à déposer les pommes une par une dans la boite (et non toutes en même temps) : on facilite ainsi le fichage successif des objets. Dès lors nous pouvons nous demander de quelle manière les singes parviennent à comparer 1 et 5 pommes. Barner et al. (2008) supposent que les singes sont sensibles à la pluralité : ils comprennent la différence entre un et plus qu'un. La sensibilité à la pluralité ne reposerait donc pas sur les seules capacités de l'ANS et de la subitisation. Soulignons en effet que la règle 2 (tâche irréalisable par individualisation, cf. 2.2.) est respectée dans ces études puisque l'expérimentateur propose des collections dont 107 les éléments ne sont pas « chunkés » (Feigenson & Halberda, 2004) et dont la cardinalité excède les capacités de la subitisation. La règle 3 (tâche irréalisable par l'ANS) est respectée, dans la mesure où l'on vérifie que l'ANS n'est pas actif en soumettant aux participants des comparaisons auxquelles ils échouent (2 et 5 pommes) et dont le ratio est pour supérieur à celui d'autres comparaisons auxquelles ils réussissent (1 et 2 pommes). Les règles 2 et 3 paraissent donc respectées dans la plupart de ces différentes tâches susceptibles de détecter la sensibilité à la pluralité des singes et des bébés. Nous pouvons toutefois nous interroger sur le respect de la règle 1 (contrôle des paramètres non numériques). Dans ces tâches de fouille, dans ces tâches de comparaison simple, ou dans ces tâches sémantiques complexes, utilisées pour mesurer la sensibilité à la pluralité des participants, l'aire délimitée (cf. Figure 1) par les objets n'est jamais contrôlée. En outre, dans toutes ces études sur la pluralité, l'aire totale (cf. 6. Conclusion Nous venons de parcourir successivement les principaux domaines de recherche actuels en cognition numérique. Cet examen a été l'occasion de présenter les différentes tâches de numérosité utilisées depuis une dizaine d'années. A partir essentiellement des travaux de Clearfield et Mix (1999), nous avons relevé la nécessité de contrôler les paramètres non numériques, lorsque nous essayons de mesurer la sensibilité à la numérosité des participants. Les expériences de Feigenson (2005) nous ont rappelé la nécessité de contrôler la sensibilité à l'individualité. La nature du codage de la quantité par le système cognitif doit elle aussi être contrôlée, comme nous y incitent fortement les études de Barner et al. (2008) et de Feigenson et Carey (2005), ainsi que les analyses théoriques de l'ANS réalisées par Feigenson et al. (2002a). Enfin, les investigations expérimentales d'Izard et al. 109 (2014) et de McGarrigle et Donaldson (1974) nous ont contraint à nous méfier de la présence d'éventuelles stratégies pragmatiques. Ces différentes données empiriques et théoriques nous ont permis au final de mettre à jour 4 règles d'élaboration des tâches de numérosité (cf. Tableau IV). (insérer par ici tableau IV) Tel est le premier résultat de cette revue de littérature. Il est vrai que toutes ces règles ont déjà été énoncées séparément et sous d'autres formes dans tous ces travaux et dans d'importantes revues de littérature comme celles d'Izard (2009), de Carey (2009) ou encore de Mix et al. (2002). Cependant, ces règles n'avaient jamais été jusqu'à présent réunies dans une même revue de littérature. Au regard de la diversité des recherches en cognition numérique depuis dix ans, il nous semblait indispensable de regrouper. En effet, sans leur usage conjoint, nous pouvons toujours nous demander si telle ou telle tâche employée en cognition numérique mesure bel et bien la sensibilité à la numérosité. Rappelons que dans la première partie de ce travail, nous avons montré essentiellement que, chez les hommes et les animaux, la subitisation pourrait être sensible à l'individualité des objets en présence, et non à leur numérosité. Dans une seconde partie, nous avons vu que l'ANS des hommes et des animaux code les quantités sous la forme de grandeurs continues. Il ignore peut-être pour cette raison ce qu'est une multiplicité d'objets et par conséquent ce qu'est un nombre d'objets.
3,755
26/hal.univ-grenoble-alpes.fr-tel-01131633-document.txt_17
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
7,639
11,323
279 sont efforcés de rédiger un texte où les doctrines les plus modernes entraient en application. En Allemagne, par exemple, la constitution doit beaucoup à M. Preuss ; en Autriche, au remarquable théoricien de droit public Hans Kelsen, etc. »913. Ces doctrines dont il est question peuvent correspondre à des pratiques restées jusque là coutumières. Voici la synthèse que propose M. Duverger : « les nouvelles Constitutions européennes établies après 1919 avaient cherché à codifier, à préciser et à réglementer des pratiques jusque-là coutumières, en les modifiant dans un sens rationnel et logique »914. On trouve dans cette définition deux critères : « codifier, préciser et réglementer » (le critère technique). Mais il est aussi question de « modifier dans un sens rationnel et logique » (le critère finaliste). 331 - Pour ce qui est du second critère, les Constitutions de l'Europe d'après-guerre semblent le faire correspondre avec un renforcement de l'organe législatif au détriment de l'organe exécutif et ce, en raison du mauvais souvenir laissé par ce dernier. Ainsi, l'origine de la notion est caractérisée d'abord par une emprise croissante des règles techniques (critère technique), ensuite par une finalisation de ces règles au profit du Parlement (critère finaliste). Il n'est cependant pas possible de définir la rationalisation à partir de la manière dont se présentaient les deux critères après la première guerre mondiale. En effet, après la seconde et notamment en France, l'emprise des règles juridiques est renforcée vers une tout autre fin : brider la toute puissance parlementaire et renforcer l'exécutif. L'analyse de l'évolution de la notion est donc nécessaire pour parfaire la définition. B. L'évolution de la no 332 - L'évolution de la rationalisation depuis l'entre-deux-guerres est riche d'enseignements. L'observation des régimes politiques en reconstruction après 1945 (1.) montre que le critère technique s'est maintenu et qu'il s'est même considérablement développé. Il demeure ainsi l'élément fondamental de la notion. Quant au critère finaliste, il s'est inversé. Contrairement aux régimes nés après 1919, ceux qui apparaissent après 1945 913 bid , p et 13. 914 DU VER GER ( M .), Institution s politiques et droit constitutionnel, Les grands systèmes politiques, . cit. p. 193. 280 reposent pas sur la crainte de l'organe exécutif. Il s'agit même de le renforcer au détriment de l'organe législatif, rendu responsable de l'instabilité gouvernementale. Mais si le critère finaliste a changé de sens pour limiter les prérogatives parlementaires, il n'en demeure pas moins que la notion de rationalisation nécessite l'addition des deux critères (2.). 1. L'observation des régimes politiques au sortir de la seconde Guerre mondiale. 333 - Les développements qui suivent sont très connus en droit constitutionnel français mais il importe de rappeler la démarche finalisée qui caractérise la rationalisation qui a suivi la seconde Guerre mondiale afin d'embrasser la notion dans son ensemble. Si au lendemain de la première Guerre mondiale Mirkine-Guetzévitch constate que certains régimes tentent d'instaurer « la prédominance du pouvoir législatif »915, on comprend que la IIIème République française n'a pas eu le même souci. L'évolution du régime politique avait en effet permis au Parlement d'occuper le premier plan au détriment de l'exécutif, particulièrement du chef de l'Etat. Mais l'affaiblissement de celui-ci est aussi la cause du renforcement de celui-là. Lorsque Grévy déclara au Sénat que, « soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, [il n'entrerait] jamais en lutte contre la volonté nationale, exprimée par ses organes constitutionnels »916, il fit tomber en désuétude la technique de la dissolution, ce qui contribua à asseoir la domination du Parlement. Or, il s'agit précisément du résultat recherché par la rationalisation observée par Mirkine-Guetzévitch après 1919. 334 - Le trop-plein de pouvoirs dont disposaient des assemblées maître de leur règlement intérieur et dont les commissions pouvaient refaire le projet de budget, a entraîné une instabilité chronique du régime de la IIIème République. Les constituants de la IVème République ont alors « procédé à une indispensable rationalisation du système politique »917. Il leur semblait qu'il suffisait d'introduire dans la Constitution des règles techniques dont l'objet serait d'assurer la stabilité gouvernementale qui faisait défaut sous la IIIème 915 MIRKINE-GUETZEVITCH (B.), Les Constitutions de l'Europe nouvelle, op cit., p. 12. 916 Extrait du message de Jules Grévy au Sénat, le 6 février 1879, JO du 7 février 1879. 917 GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 444. 281 République918. Mais la rationalisation qu'elle a mise en place se solda par un échec, en même temps que le régime ne sut pas gérer la crise algérienne. La fin poursuivie ne fut absolument pas satisfaite. Vingt-deux cabinets se succédèrent en douze ans. 335 - Quelques années plus tard, la Constitution allemande recourut aussi à la rationalisation. La Loi Fondamentale pour la République fédérale d'Allemagne du 23 mai 1949 contient des règles juridiques « destinées à préserver la stabilité et l'autorité du gouvernement, en l'absence d'une majorité parlementaire constante »919. L'article 67 en est une illustration. Il introduit le système de « la motion de défiance constructive » : « Le Bundestag ne peut exprimer sa défiance envers le chancelier fédéral qu'en élisant un successeur à la majorité de ses membres et en demandant au président fédéral de révoquer le chancelier fédéral. Le président fédéral doit faire droit à la demande et nommer l'élu ». Dans tous ces exemples, les règles techniques qui caractérisent la rationalisation du régime parlementaire ont pour objet d'éviter les crises ministérielles dues à l'instabilité gouvernementale. Les techniques assurent au Gouvernement l'appui d'une forte majorité parlementaire, comme la nécessité d'un vote d'investiture après le choix du Gouvernement ou la multiplication des formalités présidant à la mise en jeu de sa responsabilité politique. Mais la rationalisation peut s'étendre de manière générale à des éléments autres que les deux évoqués, et notamment à la dissolution »920. 336 - Ainsi, après l'échec de la rationalisation sous la IVème République921, la Constitution du 4 octobre 1958 organise une rationalisation à la fois plus poussée et plus large. Dans son discours du 27 août 1958 devant le Conseil d'Etat, Debré oquait « une longue et coûteuse expérience » et énumérait « certains mécanismes très précis qui n'auraient pas leur place dans un texte de cette qualité si nous ne savions pas qu'ils sont nécessaires 918 La réglementation se traduisit essentiellement par « la suppression du contrôle politique de la seconde chambre sur le Gouvernement, l'établissement d'une solidarité quasi contractuelle entre le président du conseil et l'Assemblée nationale et la systématisation de la mise en cause de la responsabilité politique ». GICQUEL (J.), ibid., p. 444 et 445. 919 AVRIL (P.), GICQUEL (P.), Lexique, Droit constitutionnel, op. cit., p. 111. 920 PACTET (P.), Institutions politiques, Droit constitutionnel, op. cit., p. 147 et 148. 921 A la fin de la IVème République, de nombreux projets visant à réviser le régime politique virent le jour. Les débats s'animèrent particulièrement à partir de la remise par Vedel des rapports au Comité d'études pour la République. La proposition consistait à se tourner vers le régime présidentiel, seul compatible avec la « structure divisée de l'opinion publique ». « Le thème fut repris par Duverger » qui y apporta quelques modifications. Enfin, deux projets gouvernementaux respectivement déposés le 16 janvier et le 22 mai 1958 par les présidents du conseil Gaillard et Pflimlin avec pour objectif de « restaurer l'autorité du gouvernement et lui permettre d'assurer la plénitude de ses responsabilités ». Pourtant votés par l'Assemblée nationale, aucun n'aboutit. MORABITO (M.), Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), op. cit., p. 405 et 406. 282 pour changer les moeurs »922. Les professeurs Avril et Gicquel établissent une liste des mécanismes de rationalisation insérés dans le texte de 1958. De nombreuses règles techniques tendent à renforcer les prérogatives du Gouvernement, comme le vote bloqué923 et l'inscription à l'ordre du jour924. D'autres limitent directement les pouvoirs parlementaires comme l'encadrement de la motion de censure925, l'irrecevabilité financière926 et l'établissement d'un contrôle de constitutionnalité des lois927. Il ne s'agit donc pas seulement de renforcer le lien entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire. Il s'agit plus généralement d'une organisation minutieuse des rapports entre les organes exécutif et légi latif928, au détriment du second. 2. L'addition du critère technique et du critère finaliste. 922 DEBRE (M.), Discours devant le Conseil d'Etat du 27 août 1958, in Constitution française du 4 octobre 1958, Paris, La Documentation Française, n°1.04, 1996, p. 17. 923 « Si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ». Article 44, alinéa 3. 924 « Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui ». Article 48, alinéa 1er. Le 3ème alinéa prévoit seulement qu' « une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée ». 925 « L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l'alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire ». Article 48, alinéa 2. Ce n'est que si la motion de censure est malgré tout adoptée que, comme le prévoit l'article 50, le premier ministre doit remettre au président de la République la démission du Gouvernement ». 926 « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Article 40. 927 « Les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la constitution ». Article 61, alinéa 1. « Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le premier ministre, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ». Article 61, alinéa 2. L'introduction, en 1958, du contrôle de constitutionnalité des lois assure la suprématie du texte constitutionnel sur les lois et donc une possible remise en cause du pouvoir du Parlement. L'ajout à l'alinéa 2 de l'article 61 de « ou soixante députés ou soixante sénateurs » par une révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 ne procède pas de la même démarche, l'objectif étant alors de donner des prérogatives à l'opposition parlementaire. 928 De nombreuses définitions emploient ces termes. Celle de M. Pactet s'en rapproche le plus : « le régime parlementaire rationalisé est donc celui qui organise de manière minutieuse et détaillée les rapports du gouvernement et des assemblées et il se traduit toujours par une grande complexité ». PACTET (P.), Institutions politiques, Droit constitutionnel, op. cit., p. 148. 283 337 - En définitive, la rationalisation du régime parlementaire est principalement caractérisée par l'encadrement juridique du pouvoir politique, ce qui se manifeste par le développement de règles techniques. Mais pour que cela ne s'analyse pas « comme [une] altération du parlementarisme, mais, au contraire, comme son perfectionnement rationaliste »929, il est nécessaire que le critère technique soit doublé du critère finaliste. Dans l'hypothèse où seul le critère technique serait réuni, il n'y aurait pas lieu de parler de rationalisation mais simplement de technicité croissante des rapports entre le Gouvernement et le Parlement. Dans le cas d'un régime doté d'une Constitution écrite de plusieurs centaines d'articles relativement complexes, il n'y aurait pas nécessairement rationalisation. Encore faudrait-il que le recours à la réglementation minutieuse et détaillée soit orientée vers une fin déterminée, telle le renforcement d'un organe au détriment d'un autre. Il n'est pas possible d'envisager, à l'inverse, l'hypothèse où seul le critère finaliste serait réuni. Il a nécessairement un caractère secondaire puisqu'il n'a d'existence qu'à l'égard des règles qu'il anime. 338 - Non seulement les deux critères doivent être réunis pour que l'on puisse parler de rationalisation mais encore, le premier critère apparaît plus important que le second. C'est ce qu'indique M. Lauvaux : « le concept de base reste le même qu'auparavant, c'est-à-dire la croyance en la vertu des dispositions formelles en vue d'assurer le bon fonctionnement des institutions politiques »930. Lorsque l'on rassemble les éléments de définition livrés par l'observation des régimes politiques de l'entre-deux-guerres puis de l'après 1945, l'on s'aperçoit que le champ de la rationalisation est très vaste. Mirkine-Guetzévitch constatait l'emprise des règles techniques de manière étendue mais surtout, dans les deux séries d'hypothèses, elles n'ont absolument pas la même finalité. De nombreuses règles peuvent donc relever du processus de rationalisation. Pour s'en convaincre, nous pouvons nous rapporter à ce qu'écrit M. Gicquel au sujet de la tentative de rationalisation réalisée par la Constitution de 1946. Dans une partie intitulée « La tentative de rationalisation du parlementarisme », il traite de « l'institutionnalisation de la souveraineté parlementaire » puis de « l'effort de systématisation », et dans ce second point d'un ensemble de règles très diverses : « la suppression du contrôle politique de la seconde chambre sur le Gouvernement », « l'établissement d'une solidarité quasi contractuelle entre le président du 929 Ibid., p. 22. 930 LAUVAUX (P.), Le parlementarisme, op. cit., p. 81. 284 conseil et l'Assemblée nationale », « la systématisation de la mise en cause de la responsabilité politique » et « l'assouplissement relatif du droit de dissolution »931. Les deux premiers aspects peuvent même sembler contradictoires alors pourtant qu'ils figurent tous deux dans la Constitution du 27 octobre 1946. De la même manière, le Constituant de 1958 a imaginé encore d'autres règles. Cela témoigne de la diversité des règles pouvant être associées à un tel processus. Plus encore, contrairement à ce qui transparaît des définitions de la notion, il ne nous semble pas que celle-ci ne désigne que les règles inscrites dans une Constitution écrite. Prenons l'exemple de l'article 40 de la Constitution de 1958. Il n'est pas possible de considérer que la disposition qu'elle contient et qui réglemente financièrement le pouvoir des parlementaires en matière d'amendement constitue une technique de rationalisation, et dans le même temps, considérer que la même disposition, inscrite dans le règlement intérieur d'une Assemblée, ne constituerait pas une technique de même nature. Ce serait accorder trop d'importance à la forme des textes susceptibles d'opérer la rationalisation. L'hypothèse n'est pas théorique. En France, on trouve des dispositions encadrant le pouvoir des amendements à l'article 86 du règlement intérieur de la Chambre des députés de 1920. N'est-ce pas, eu égard à l'état antérieur du droit un changement qui répond aux critères de la rationalisation? Il s'agit bien d'une règle technique qui a pour effet de diminuer les prérogatives parlementaires lors du vote du budget. Il n'est pas non plus possible de lier la notion de rationalisation au support constitutionnel dans la mesure où cela empêcherait de considérer que des règles identiques, prises dans une forme différente et adoptées dans un Etat qui ne possède pas de Constitution écrite, puissent constituer des techniques de rationalisation. On aurait tort d'adopter une vision trop étroite d'une notion aussi riche d'enseignements. Cela interdirait de s'interroger sur l'existence d'un tel phénomène en Angleterre en raison du caractère insaisissable de « sa » Constitution. Aussi convient-il de retenir une définition large de la rationalisation du régime parlementaire, l'emprise croissante de règles techniques (critère technique) au profit d'un organe et au détriment d'un autre (critère finaliste). 931 GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 443 et 444. 285 § 2. L'apparition de la rationalisation en Angleterre dès le XIXème siècle. 339 - Sans doute les procédures caractéristiques du régime parlementaire n'ont-elles jamais été écrites en Angleterre. Mirkine-Guetzévitch pouvait justement observer la nouveauté de la tendance qui consistait à codifier dans l'Europe d'après-guerre les procédures de mise en jeu de la responsabilité politique et éventuellement de dissolution de l'une des deux assemblées au moins. En conséquence, si la rationalisation ne correspond qu'à la codification des poids et contrepoids fondamentaux, il est aussi absolument exclu de considérer qu'un pareil phénomène ait existé à quelque moment que ce soit en Angleterre. Mais comme nous l'avons observé, la notion est plus riche dans la doctrine constitutionnelle. Elle recouvre un ensemble de règles qui n'ont pas forcément trait à ces deux mécanismes. En dépit du caractère coutumier de la Constitution britannique, nous pouvons observer que ce que recouvre la notion de rationalisation du parlementarisme s'est développé en Angleterre entre le XVIIIème et le XIXème siècle. Dans son discours devant le Conseil d'Etat le 27 août 1958, Debré explique : « il n'est rien [dans le projet constitutionnel de 1958] qui ne soit justifié par notre passé [] rien de ce qui est contenu dans le projet n'est nouveau, car on le trouve dans les Constitutions ou les traditions des pays parlementaires, notamment de la Grande-Bretagne »932. En effet, en 1958, la rationalisation existait déjà dans le système britannique. Pendant un temps après la Révolution de 1688, les usages avaient suffi seuls à organiser les rapports entre les organes exécutif et législatif. Mais il a été progressivement nécessaire d'en codifier un grand nombre et plus généralement d'encadrer les rapports politiques par le droit. Cette emprise croissante des règles techniques correspond au premier critère de la rationalisation (A ). Le plus étonnant que l'on peut lire, sous la plume d'éminents auteurs anglo-saxons933, que cette réglementation a alternativement servi les intérêts du Parlement et du Gouvernement, ce qui constitue le second critère (B.). 932 DEBRE (M.), Discours devant le Conseil d'Etat, op. cit., p. 18. 933 Erskine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, Londres, LexisNexis UK, 23ème éd. de MACKAY (W.), 2004, pp. 1 à 11. Introduction. Les différents aspects de cette finalisation de règles techniques sont développés plus loin. Voir infra, n°347 et s. 286 A. L'emprise croissante des règles techniques (critère technique). 340 - Le droit parlementaire en tant que corps de règles est d'abord apparu en Angleterre parce que le Parlement s'est rapidement imposé au sein des institutions politiques. Avant la Révolution de 1688 et dans les décennies qui suivirent, ce sont les usages qui régissent le fonctionnement des assemblées mais aussi les différentes procédures qui les font intervenir. Comme il n'y pas de Constitution écrite, le droit parlementaire tend à tout englober. Mais contrairement à l'image qu'il donne parfois à l'observateur étranger, ce droit n'est pas resté coutumier. Au tournant du XVIIIème siècle, la Chambre de Communes a commencé à adopter des résolutions dans une forme écrite : les orders of the House, ancêtres des standing orders (1.). Mais c'est au cours de la période suivante que l'on peut observer une emprise considérable des règles techniques. Les standing orders sont de plus en plus nombreux et sont même complétés par des statutes, le tout en vue d'organiser de manière minutieuse les rapports entre les organes, et l'ensemble obéissant au système des précédents (2.). 1. La naissance du droit parlementaire et les origines des standing orders. 341 - En matière de droit parlementaire, on peut établir un remarquable parallèle entre deux ouvrages majeurs qui synthétisent les droits parlementaires anglais et français, respectivement les traités de May et de Pierre. Voici ce que remarquaient les professeurs Avril et Gicquel à cet égard le 17 avril 1989 dans un avant-propos consacré au traité de Pierre : « il est saisissant de comparer la démarche de Pierre avec celle de Thomas Erskine May, son homologue et prédécesseur britannique, dont le Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament parut en 1844, quarante-neuf ans avant la première édition du Traité de droit politique, électoral et parlementaire ». Ils poursuivent en constatant un certain mimétisme entre leurs démarches respectives : codifier les règles du droit parlementaire tout en recherchant « par quelles séries d'évolutions se sont formés les principes actuellement établis »934. La seule différence est que, « plus heureux que celui de 934 PIERRE (E.), Traité de droit politique, électoral et parlementaire, Paris, Loysel, 1989 (reproduction de la 5ème éd. de 1924), tome 1, p. II. Avant-propos des professeurs Avril et Gicquel. Pierre, le Treatise de May continue régulièrement à être tenu à jour »935. Le traité de Pierre n'a plus été réédité après la 5ème édition de 1924 alors que celui de May a connu une 23ème édition en 2004. Le parallèle n'est pas anodin et la comparaison peut être transposée aux droits parlementaires des deux Etats qui présentent, à notre sens, une semblable emprise des règles techniques. Contrairement à ce qu'écrivait Pierre avec Poudra dans la préface de son Traité en 1878, le droit parlementaire anglais ne nous paraît pas « exclusivement fondé sur l'usage », les standing orders participant à une même tendance de codification écrite que « les lois constitutionnelles ou organiques, et les règlements »936. 342 - Dans la période qui s'étend de l'adoption du Bill of Rights en 1689 jusqu'à l'adoption du Reform Act en 1832, on n'observe pas de recrudescence des règles techniques. Cette époque dite du Parliamentary practice (pratique parlementaire) constitue cependant les prémices de la rationalisation qui apparaît ensuite. Les procédures commencent à se préciser. Cela fait longtemps que le système du voice vote (le vote par yeahs et noes) s'est établi tout comme le vote par division (la sortie par deux portes distinctes derrière le Speaker, une pour le oui, une pour le non). Le système des commissions s'est aussi consolidé autour de l'institution du Committee of the Whole House qui naît en 1607. C'est aussi au début de cette période que le principe de l'Appropriation est consacré937. Mais le plus remarquable est ce que fit la Chambre des Communes en 1707 puis en 1713 et qui préfigure l'évolution ultérieure. Elle prit le soin de codifier des principes procéduraux fondamentaux en leur donnant la forme de standing orders. En 1706, elle prit une résolution consacrant l'initiative exclusive de la Couronne en matière financière et en 1713 elle l'adopta sous la forme d'un standing order. En 1707, elle adopta un second standing order au terme duquel les affaires financières doivent être préalablement examinées en Committee of the Whole House (Commission de la Chambre Entière)938. Deux choses doivent retenir l'attention. D'abord, il s'agit de la matière financière, ce qui préfigure 935 Ibid., p. II, note 6. 936 Ibid. 937 Sur tous ces points, voir CAMPION (Lord G. C. B.), An introduction to the procedure of the House of Commons, op. cit., pp. 1 à 55. L'auteur présente quatre périodes dans le développement de la procédure parlementaire. Celle qui nous intéresse ici est la troisième : 1660 à 1832 (pp. 29 à 36). Pour une présentation de cette période en français, voir BEAUTE (J.), Le Règlement intérieur de la Chambre des communes britannique d'hier à aujourd'hui, RDP, n°6, 1996, p. 1564 et 1565. 938 CAMPION (Lord G. C. B.), An introduction to the procedure of the House of Commons, op. cit., p. 36. Ces deux standing orders sont examinés en détail par la suite mais on peut aussi consulter la thèse de M . Molin ier sur la formation de ces deux textes : MOLINIER (J.), La procédure budgétaire en Grande-Bretagne , op. cit., p . 191 et 198. 288 l ' application que nous propos ons de la rationalisation à la procédure du vote du budget. Mais ensuite, il ne s'agit pas seulement de dispositions techniques comparables à ce que l'on trouve habituellement dans un règlement intérieur. Certes, les standing orders constituent un équivalent aux règlements intérieurs généralement adoptés par les assemblées 939 représentatives. Mais une assimilation totale est impossible. Surtout, les deux premiers standing orders, de 1707 et 1713, régissent bien au-delà des règlements intérieurs habituels. Sous la Vème République, ce type de dispositions figure même dans la Constitution (respectivement les articles 43 et 40). Avant 1832 cependant, le critère technique de la rationalisation n'est pas encore satisfait. Ce fut l'oeuvre de la période ultérieure au cours de laquelle le droit parlementaire reçoit une véritable codification. 2. La codification du droit parlementaire : le développement des standing orders, les statutes et le système des précédents. 343 - De nombreux auteurs, comme ceux qui rééditent le traité de May, annoncent généralement que la procédure parlementaire anglaise, et notamment budgétaire, « repose sur [un ensemble] de coutumes et de traditions multiséculaires »940. Toutefois, « les éléments de la procédure parlementaire ont été codifiés dans des standing orders ou – plus rarement – le droit écrit »941. La tendance à organiser et encadrer la procédure parlementaire est très ancienne942. Pour May, elle remonte au Reformation Parliament sous Henry VIII en 1530943 et la première utilisation de l'expression « standing orders » date même de 1678, c'est-à-dire avant la 939 L'intitulé de l'article de M. Beauté précité est éloquent : « Le Règlement intérieur de la Chambre des communes britannique d'hier à aujourd'hui », op. cit., p. 1555. Mais nous pouvons remarquer que la période « d'hier à aujourd'hui » indique qu'il ne s'agit pas d'un Règlement tout à fait comparable aux règlements adoptés périodiquement par une assemblée, comme en France. 940 MOLINIER (J .), La procédure budgétaire en Grande-Bretagne , op . cit., p. 11. 941 Er skine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, op. cit., 23ème éd., 2004, p. 3. 942 On trouve un exposé remarquable de l'évolution de la procédure suivie par la Chambre des Communes dans le premier tome de l'ouvrage de Redlich (son Livre premier est intitulé « Historical »). REDLICH (J.), The procedure of the House of Commons, A Study of its History and Present Form, Londres, Archibald Constable and Co, 1908, surtout tome 1, 212 p. 943 Erskine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament op. cit., 23ème éd., 2004, p. 4. 289 « Glorieuse Révolution »944. Dans la préface de l'édition de 1893 de son Treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, May admettait que son édition de 1844 présentait, à l'exception de dispositions concernant l'initiative financière de la Couronne, la procédure en vigueur sous le Long Parliament de 1640945. Mais 1832 constitue une année charnière : c'est le début d'une codification sans précédent. Dans la préface à la dixième édition du traité de May, Palgrave communique des chiffres qui témoignent de l'expansion considérable qu'ont alors connue les standing orders. Il écrit que lors de la première édition, c'est-à-dire en 1844, ils étaient 14, et que cinquante ans plus tard seulement, ils étaient déjà 97946. On peut continuer : en 1969, il y en avait 120 et en 2005, 163. En dépit du caractère relativement récent de certains standing orders, le fondement des procédures est très ancien. Certaines ont même été conçues par des Cours médiévales ou des Conseils ecclésiastiques947 et il est parfois difficile de déterminer les origines exactes d'une pratique déterminée. Cela ne correspond-il pas « à codifier, à préciser et à réglementer des pratiques jusque-là coutumières »948 comme l'écrivait M. Duverger lorsqu'il définissait le parlementarisme rationalisé? 344 - Dans la mesure où la codification de l'ensemble du droit parlementaire anglais ne vient que sanctionner une pratique longuement éprouvée et même si la nomenclature a évolué, il ne semble pas que les procédures visées par les standing orders puissent un jour être supprimées. Si l'un d'entre eux venait à disparaître, la procédure coutumière qui la soustend subsisterait . En 1948, la Chambre des Communes a désigné une « Commission spéciale d'enquête sur les procédures », mais au terme de ses travaux, elle a renoncé à toute proposition de réforme949. 944 Ibid., p. 5. 945 Ibid., p. 6. 946 Traité des lois, privilèges, procédures et usages du Parlement, Paris, Giard et Brière, 11ème éd. de PALGRAVE (T.), 1909, tome 1er, p. XXI. Cette édition contient les préfaces des première, dixième et donc onzième éditions. 947 Erskine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, op. cit., 23ème éd., 2004, p. 4. 948 DUVERGER (M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Les grands systèmes politiques, op. cit., p. 193. Voici ce que constatait Reid : « bien qu'elle reconnaisse que, parmi les « standing orders » relatifs aux finances publiques, certains d'entre eux sont d'une antiquité considérable et ne fournissent qu'une expression très imparfaite de la pratique moderne, elle les avait laissé intacts car leur révision nécessiterait des connaissances techniques spéciales et impliquerait un travail et une recherche pour lesquels il n'existe pas actuellement de temps disponible ». REID (G.), The politics of financial control, Londres, Hutchinson Au Royaume-Uni, la procédure ordinaire est divisée entre les projets gouvernementaux (Public Bills) dont les lois de finances font partie et les propositions parlementaires (Private Bills). Il existe des standing orders pour les deux formes de procédures dans les deux Chambres, ce qui fait quatre listes. Les Chambres les modifient année après année et tiennent des listes régulièrement mises à jour. En 2005, on dénombre à la Chambre des Communes 163 standing orders pour les Public Bills et 249 pour les Private Bills et à la Chambre des Lords 88 pour les Public Bills et 217 pour les Private Bills950. Lord Campion explique que la réforme par le biais des standing orders à partir de 1880 a substitué « a technical, strictly regulated system for the old easy-going methods of parliamentary practice »951 (un système technique, strictement régulé aux vieilles méthodes souples de la pratique parlementaire). Un corps de règles techniques a donc remplacé un système beaucoup plus souple, antérieur au XVIIème siècle, qui reposait sur « quelques règles résultant d'un accord général basé sur l'expérience »952. S'ils sont relativement nombreux, il reste qu'en marge des standing orders (par la suite SO), certaines pratiques sont réglementées comme si un SO s'appliquait à elles. Le n°48 prescrit ainsi l'initiative exclusive de la Couronne en matière de dépenses publiques mais elle ne la prévoit pas pour les recettes. A l'origine, « the granting of supply » (le vote d'un crédit) recouvrait tant la dépense que le moyen d'y pourvoir. Ce n'est que par la suite que deux fonctions ont été clairement distinguées : « the voting of sums of money (the recent usage of the term « supply ») and the provision of revenue by taxation » (le vote de sommes s'argent -l'usage récent du terme « supply »- et l'attribution d'une recette par la taxation). University Library, 1966, p. 12 et 13. Traduction rapportée par Molinier, La procédure budgétaire en GrandeBretagne, op. cit., p. 10. 950 Voir annexe pour un tableau récapitulatif de l'ensemble des modifications apportées aux standing orders. 951 CAMPION (Lord G. C. B.), An introduction to the procedure of the House of Commons, Londres, MacMillan and Co, 1958, pp. 38 à 40. L'auteur consacre des développements nourris à l'évolution de la procédure budgétaire. 952 « Parliamentary practice and the old usage depended, first, on a few rules resulting from a general agreement based on experience as to the right and natural – or, at any rate, the traditional – way of doing business ». CAMPION (Lord G. C. B.), ibid. 953 « Thereafter, it was accept ed without any question by te House of Commons that the rule applied to both of the now clearly distinguished functions of Supply and of Ways and Means, as well as to any business which belonged to either of these classes ». Er skine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, op. cit., 23ème éd., 2004, p. 854, surtout note 1. Si les nombreux SO ont souvent un champ d'application plus vaste que ce qu'ils prévoient textuellement, la cohérence de l'ensemble du droit parlementaire dépend essentiellement de l'action du Speaker. Certains d'entre eux, comme Harley (1701-1705) et Onslow (1728-1761), ont joué un rôle déterminant dans l'organisation des procédures, le second usant même de ses connaissances « encyclopédiques » des précédents procéduraux pour faire accepter une interprétation uniforme du droit parlementaire qui dépend donc de la continuité de l'activité de la Chambre des Communes et dont la force est assurée par l'existence de précédents954. Peu à peu, les standing orders ont été « précisés et leur lacunes comblées »955. En effet, il n'est pas possible que l'ensemble du droit parlementaire, et certains SO en dépassent l'acception stricte, soit réglé par 163 SO ou 400 si l'on ajoute ceux qui portent sur les Private Bills. Ils sont donc complétés par un ensemble de précédents. Si les SO forment la colonne vertébrale du droit parlementaire, la liste des précédents, qui témoigne de l'organisation minutieuse des procédures, est susceptible de décourager un parlementaire nouvellement élu. Selon Reid, « les procédures financières de la Chambre ne sont complètement compréhensibles que pour les rares qui travaillent à leur contact »956. Dans la 23ème édition du traité de May, un sommaire de huit pages leur est consacré entre la table des matières et la liste des abréviations. Au XIXème siècle, la réglementation écrite du droit parlementaire s'est enrichie de textes législatifs. On trouve, dans la 23ème édition du traité de May quelques exemples de statutes qui ont eu un effet direct sur la procédure de la Chambre des Communes. Il s'agit ement de textes récents : « the Oaths Act 1978 », « the Provisional Collection of Taxes Acts 1913 and 1968 », « the Royal Assent Act 1967 », « the Defamation Act 1996 », « the Deputy Speaker Act 1855 », et « the Parliament Acts 1911 and 1949 »957. Les deux derniers, qui sont les plus connus, sont même souvent qualifiés d'éléments écrits de la Constitution britannique. 346 - L'ensemble des règles techniques (SO et lois) qui déterminent les procédures parlementaires britanniques a toujours constitué une préoccupation essentielle. 955 MOLINIER (J.), La procédure budgétaire en Grande-Bretagne, op. cit., p. 10. 956 « The financial procedures of the House are fully comprehensible only to the few who work close to them ». REID (G.), The politics of financial control, op. cit., p. 12. 292 nombreuses reprises, des select committees ont été désignés pour analyser les procédures et formuler des propositions en vue de les améliorer. Reid en cite douze qui se sont intéressés à la matière financière dans la bibliographie sélective de The politics of financial control. Des select committees furent donc réunis en 1857, 1888, 1902, 1914, 1918, 1931-32, 1936-37, 1945-46, 1956-57, 1958-59, 1962-63 et 1964-65. Les plus importants nous semblent être ceux de 1888 et 1902958. En définitive, il ne fait aucun doute que l'ensemble des règles ( critère technique) que nous avons décrit es mé riten t d'être comparées à l'emprise exercée par le droit sur le pouvoir politique telle que Mirkine-Guetzévitch l'observait en 1928 dans certains pays d'Europe Centrale. Leur propension à devenir de plus en plus détaillées et complexes959 se justifie en ce qu'elles reflètent la variété et la complexité du travail auquel le Parlement doit faire face. Mais en plus d'une grande rigueur juridique, ces règles poursuivent des finalités déterminées. Lord Campion intitule un paragraphe de son ouvrage « Reform by standing order » pour montrer que c'est par cette voie que la procédure a pu être plus strictement encadrée960. Il apparaît que leur usage a alternativement favorisé les organes législatif et exécutif. B . La finalisation des règles techniques (critère finaliste). 347 - Tel quel, le considérable développement de l'emprise du droit en Angleterre ne retiendrait pas plus l'attention. Certes, l'on ne s'attend peut-être pas à ce que les procédures anglaises soient aussi encadrées par l'écrit. Toujours est-il que cela ne figure pas nécessairement un processus de rationalisation. Encore faudrait-il que l'ensemble de ces règles soient portées à servir les intérêts d'un organe au détriment de l'autre. Ce critère finaliste n'est certes pas l'élément central de ce que l'on appelle la rationalisation. Mais il lui confère tout son intérêt. La différence est immense entre un texte technique, seulement complexe, dans lequel les procédures s'additionnent, même de manière harmonieuse, et un texte dans lequel toutes les règles ont pour finalité de renforcer les prérogatives d'un organe 957 MOLINIER (J.), La procédure budgétaire en Grande-Bretagne, op. cit., p. 10. 958 REID (G.), The politics of financial control, op. cit., p. 168 et 169. 959 En anglais dans le traité de May : « more detailed and complex » et « this simply reflects the variety and complexity of business which Parliament has now to discharge », Erskine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, op. cit., 23ème éd., 2004, p. 10. 960 CAMPION (Lord G. C. B.), An introduction to the procedure of the House of Commons, op. cit., p. 38 et 39. 293 au détriment d'un autre961. L'examen du droit parlementaire anglais montre que si la naissance du droit parlementaire est l'expression des prérogatives des assemblées (1.), sa codification a pour finalité d'assurer la primauté du Gouvernement (2.). Reid explique à ce titre que « de man générale, les SO sont des instruments de contrôle. Certains diraient de contrôle des débats »962. 1. La naissance du droit parlementaire, expression des prérogatives des assemblées. 348 - Selon le traité de May, « le développement de règles expressément permanentes est intervenu, de manière significative, lorsque les partis politiques sont entrés dans la Chambre »963. Chaque SO ou procédure observée par la Chambre des Communes est né dans un contexte politique déterminé qui a présidé à son apparition. Au cours de la troisième période décrite par Lord Campion (1660-1832), et principalement au cours du XVIIIème siècle, « les membres de la Chambre [étaient] plutôt inactifs », ce qui fit réagir le « grand Speaker de l'époque Arthur Onslow964 » qui craignait « de voir le rôle de la Chambre s'amoindrir »965. Voici les propos que Campion lui attribue : « that nothing tended more to throw power into the hands of the administration, and those who acted with the majority of the House of Commons, than a neglect of, or departure from, the rules of proceeding »966 (que rien ne pouvait plus s'analyser en un transfert du pouvoir entre les mains de l'administration, et ceux qui gouvernent en s'appuyant sur la majorité à la Chambre des Communes, que la négligence, voire l'irrespect, des règles de procédure). On comprend ses 961 On pense à la Loi fondamentale allemande de 1949, à la Constitution française de 1958 mais aussi à la Constitution autrichienne de 1920 et la Constitution allemande de 1919. Lorsque nous utilisons le terme « texte », nous désignons aussi ceux qui ont une valeur moindre mais qui répondent aussi aux critères. En matière financière, l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 paraît tout à fait les réunir. 962 « On the whole the SO are instruments of control. Some people may say control of debate ». REID (G.), The politics of financial control, op. cit., p. 20. 963 Ibid., p. 5. 964 Il occupa cette fonction de 1727 à 1761. 965 BEAUTE (J.), Le Règlement intérieur de la Chambre des communes britannique d 'hier à aujourd'hui , op. cit., p. 1565. 966 CAMPION (Lord G. C. B.), An introduction to the procedure of the House of Commons , op . cit . , p. 29. Bentham envisageait les règles de la même manière : « Without rules the power of the Assembly either evaporates in ineffectual struggles, or becomes a prey to the obstinate and overbearing » (Sans règles, soit le pouvoir de l'assemblée s'évapore dans des luttes infructueuses, soit il devient la proie des obstinés et des dominateurs). REID (G.), The politics of financial control, op. cit., p. 14. 294 propos si l'on se souvient qu'à cette époque le pouvoir a été déplacé du monarque à un cabinet politiquement responsable. A la fin du XVIIème siècle, les représentants étaient sortis victorieux de leur lutte contre le monarque. Le Bill of Rights de 1689 en constitue même le symbole. Mais il est compréhensible que les députés se soient quelque peu montrés inactifs après des siècles de lutte acharnée. Onslow avait déjà compris le danger qui guettait la Chambre des Communes et ses mots prirent tout leur sens dès le XIXème siècle967. 349 - Ainsi, pour l'illustre Speaker, les procédures parlementaires devaient permettre à l'organe législatif d'affirmer les prérogatives qui avaient été conquises. Cela devait le protéger de l'ascension de l'institution gouvernementale. Les procédures qui se sont affermies à cette époque sont précisément d'ordre budgétaire. Lord Campion consacre la plupart de ses développements concernant cette période à des techniques financières telles l'apparition des commissions financières, la mise à l'écart de la Chambre des Lords au profit des Communes et le développement des moyens de contrôle de l'activité gouvernementale. Pour ne prendre qu'un exemple, au XVIIème siècle, les parlementaires prirent l'habitude de se réunir en Commission de la Chambre Entière (Committee of the Whole House) pour discuter des questions financières. Les auteurs anglais suggèrent qu'ils le firent pour échapper au contrôle envahissant du Roi (« to evade intrusive royal scrutiny »)968. En effet, les débats étaient facilités par l'absence du Speaker qui était alors considéré comme l'émissaire du monarque. Le mouvement s'est inversé au XIXème siècle et la réglementation a cessé de protéger les parlementaires. Citons un exemple procédure coutumière qui a d'abord eu pour vocation de servir les intérêts des parlementaires mais dont la codification a servi une fin opposée. Contrairement à ce qui a pu être avancé, l'usage qui attribue l'initiative financière à la Couronne969 n'est pas plus ancien que la Révolution de 1689970. Le Supply procedure and the Work of the Clerk of Supply publié par le Public Office de la Chambre des Communes 967 M. Beauté indique le danger s'est révélé au XXème siècle. S'il est clair que l'asservissement des Chambres est alors manifeste, il nous semble que le processus était entamé au cours du siècle précédent. BEAUTE (J.), Le Règlement intérieur de la Chambre des communes britannique d'hier à aujourd'hui, op. cit., p. 1565. 968 Erskine May's treatise on the law, privileges, proceedings and usage of Parliament, op. cit., 23ème éd., 2004, p. 5. 969 Nous nous contentons d'utiliser cet exemple pour montrer qu'une règle peut alternativement servir un organe puis l'autre. La règle est analysée par la suite, infra, n°427 et s. 970 L'idée de ce que la pratique était établie bien avant 1713 peut être datée de la 14ème édition du traité de May, publié par Lord Campion. Elle est pourtant absente du travail de Hatsell (Precedents of proceedings in the House of Commons) et des 9 premières éditions du traité de May. L'erreur introduite dans le traité de 1946 s'est maintenue par la suite. Supply procedure and the Work of the Clerk of Supply, Londres, House of Commons Public Office, 2005, p. 205, note 38. 295 (2ème éd.) apporte un correctif à la 23ème éd. du traité de May sur ce point971. Mais l'usage repose sur une pratique qui, pour sa part, est antérieure au XVIIème siècle. Comme le roi avait obligation d'utiliser d'abord les ressources de son domaine, la Chambre entendait se garder de lui offrir spontanément des fonds. C'est pourquoi elle attendait que la Couronne formule expressément ses demandes par le biais de ministres responsables devant elle seule avant de lui accorder le moindre fonds. La règle est donc d'abord apparue pour obliger le Roi à faire des demandes de subsides, sans qu'aucun parlementaire ne puisse proposer d'en offrir spontanément. Mais au début du XVIIIème siècle, la règle n'eut plus le même objectif. La pratique fut codifiée, non plus pour rappeler la Couronne à une certaine orthodoxie financière, mais pour empêcher les parlementaires de faire des propositions déraisonnées972. Or de tels comportements ont été dénoncés par les constituants français en 1958, la rationalisation sous la Vème République ayant précisément pour but de les limiter973. Cette règle de l'initiative financière a en conséquence acquis une nouvelle signification : « instrument contre la prodigalité des monarques, [elle] sert désormais de procédé de défense contre la prodigalité des parlementaires »974. Cela préfigure la codification massive des procédures parlementaires à partir de 1832, qui a eu soit pour objet soit pour effet de limiter les prérogatives parlementaires. C'est ce qu'observe Reid à propos de la procédure du vote du budget : « les règles prises au XVIIème siècle en vue d'aider la Chambre [des Communes] dans son contrôle de la prodigalité du monarque ont été adaptées au XXème siècle pour subordonner une assemblée démocratiquement élue à la volonté de l'Exécutif 975. 2. La codification du droit parlementaire, expression de la primauté gouvernementale. 971 « It has sometimes been suggested that the procedural initiative of the Crown's servant's in the House of Commons in relation to Supply had been long-established by the early eighteenth century. In fact, the establishment of the financial initiative of the Crown in the House's Supply proceedings can be definitely dated to the period after 1689 » (Il a parfois été soutenu que la règle procédurale de l'initiative des serviteurs de la Couronne à la Chambre des Communes en matière de dépenses avait été établie bien avant le XVIIème siècle. En réalité, l'établissement de la règle doit être daté de la période postérieure à 1689). Supply procedure, Ibid., p. 205. 972 MOLINIER (J.), La procédure budgétaire en Grande-Bretagne, op. cit., p. 191. 973 Debré a ainsi contribué à encadrer les « agissements » des parlementaires par la proposition d'un certain nombre de procédures comme, par exemple, le contrôle de constitutionnalité du règlement intérieur des assemblées, article 61, alinéa 1er. 974 MOLINIER (J.), La procédure budgétaire en Grande-Bretagne, op. cit., p. 193.
16,871
02/hal.archives-ouvertes.fr-jpa-00207415-document.txt_2
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
3,667
5,855
Appendice habillé. la figure 12 montre que, lorsque a 0 ou Tr/2, c'est-àdire lorsque le croisement est de première espèce, la résonance disparaît en pompage longitudinal, mettant ainsi bien en évidence la différence essentielle entre croisement de première et deuxième espèce. Enfin, bien qu'une étude systématique n'ait pu être faite en raison du rapport signal/bruit insuffisant, il apparaît clairement que cette résonance ne subit pas un élargissement de radiofréquence. Lorsqu'on fait varier col/co jusqu'à 1, la largeur est toujours du même = - 1) OPÉRATEURS connus [16]. bien DE SYMÉTRIE ATOMIQUE. Ils sont Pour un spin J, l'opérateur S s'écrit - d'autre part, où Ko est l'opérateur conjugaison complexe dans la base standard associée à J', JZ. Les observables atomiques se transforment de la façon suivante : 2) OPÉRATEURS DE TRANSFORMATION DU CHAMP RF Le problème est un peu moins simple, dans la mesure où l'on doit considérer l'ensemble des modes du champ électromagnétique et non pas uniquement celui qui est rempli. On peut cependant dans certains cas choisir les modes propres servant à quantifier le champ, de façon que leur structure géométrique soit invariante dans les opérations de symétrie (2). On peut alors ignorer l'existence des modes vides, puisque les opérateurs du mode plein considéré sont transformés en des opérateurs du même mode. Pour décrire le champ RF de polarisation parallèle à Ox, nous prendrons un mode stationnaire, de QUANTIFIÉ. - Variations de l'intensité de la résonance en fonction FIG. 12. du caractère longitudinal ou transversal du pompage. Pour 0 ou ce 3 co/2 est de première a 90°, le croisement COo espèce et la résonance disparaît en pompage inal (fi 0). : - = = = = (2) Remarquons qu'un tel choix exclut circulaire, car elle n'est pas invariante par temps. Les opérateurs champ magnétique Hl trique E s'écrivent alors : et champ élec- qui permet d'écrire, en dérivant ment nulle â1 Jeb &#x3E; : la quantité identique- EX, Ey, Ez sont les vecteurs unitaires des 3 axes. Pour ce choix particulier du mode décrivant le champ RF, S et T se déterminent simplement : a) S doit changer H, en - H, et E en conditions sont réalisées si SaS' = - a et on E. Ces vérifie Enfin, si l'on tient compte de la relation : que une solution [il suint de remarquer que, pour fonction analytique f, on a la relation est une On déduit de b) T doit changer Hl en - Hl et garder E invariant : Par ailleurs, T est antiunitaire et anticommute avec i. Il suffit donc que T vérifie T a T' == - a pour que T soit l'opérateur antiunitaire cherché. On en déduit que T peut s'écrire sous la forme : où Ko est l'opérateur conjugaison complexe dans la base { 1 n &#x3E; }. Ko commute évidemment avec a et a+, puisque leurs éléments de matrice sont réels dans la base considérée. Finalement, les opérateurs qui décrivent les opérations S et T pour l'atome habillé ont les expressions suivantes : Ko étant la conjugaison complexe dans la base Appendice II : Etude de l'ordre relatif de deux niveaux Nous avons quelconques d'un spin J = 2 habillé. déterminé au paragraphe 2.1 l'ordre relatif de deux niveaux quelconques d'un spin J = 2 habillé dans le cas où le champ RF a une polarisation vr ou a +. Nous nous proposons dans cet Appendice d' tudier l'ordre des niveaux dans le cas plus compliqué où le champ RF a une polarisation cohérente quelconque (superposition des polarisations a +, 6- et?r). (A. II. 2), l'égalité importante : qui démontre le résultat annoncé. Ainsi, pour que deux niveauxâ &#x3E; etb &#x3E; de l'atome habillé soient d'ordre relatif zéro, il suffit que la quantité a1 Jzb &#x3E; ne soit pas identiquement nulle. Pour étudier l'ordre de deux niveaux quelconques mn &#x3E; et1 m'n' &#x3E; (m, m' - ± 2), nous allons donc calculer les éléments de matrice mn1 Jzm' n' &#x3E;. Nous effectuerons ce calcul au voisinage du champ statique nul et nous le limiterons au cas où la polarisation du champ habillant est linéaire, car nous connaissons alors, en champ Ho nul, l'expression analytique exacte des fonctions d'onde de l'atome habillé, ce qui facilite considérablement le calcul de l'ordre relatif des niveaux. Nous verrons d'ailleurs qu'il est possible de généraliser aisément les résultats obtenus au cas où la polarisation de la RF est elliptique. L'expression des états )mn &#x3E; pour un champ polarisé linéairement en champ Ho faible, se déduit aisément des résultats de la référence [2]. Nous sup- - Pour déterminer l'ordre de deux niveaux, amené à calculer des expressions de la forme on est Nous allons montrer que ces expressions sont en fait proportionnelles à l'élément de matrice de J. entre 1 a &#x3E; etb &#x3E;. En effet, on déduit immédiatement de l'expression (l.l) du hamiltonien de l'atome habillé la relation : Fic. 13. 552 poserons que Ho et H, font un angle 0 et nous alignerons comme nous l'avons fait dans tout cet article Ho le long de Oz (voir Fig. ). Nous désignerons par 1 ± &#x3E; Z les états de spin + t et - 2 le long de Oz, par1 ± &#x3E;0 les états de spin + 2 et - 2 dans la direction de H1,1 ± &#x3E;, se déduisant de1 ± &#x3E; Z par une rotation d'angle 8 : En champ Ho nul, les états propres de l'atome habillé simplement les produits tensoriels définis par la sont relation En présence d'un petit champ Ho, on déduit les niveaux d'énergie de l'atome habillé des niveaux calculés en champ nul en diagonalisant la perturbation cvo Jz dans chaque multiplicité1 ± &#x3E; 01 n:f: &#x3E;. champ statique. Nous sommes à présent en mesure de déterminer l'ordre relatif de deux niveaux de l'atome habillé pour un champ linéaire de polarisation quelconque : On déduit alors de (A. Il.15) que si n - n' est pair les niveaux1 + n &#x3E; et1 + n' &#x3E; sont d'ordre relatif zéro. Nous avons vu au paragraphe 2.1 que ces niveaux sont alors de même symétrie. Nous savons également que si n - n' est impair ces deux niveaux sont de symétries différentes et leur ordre relatif est alors infini. Il résulte d'autre part de (A. II16) que les niveaux1 + n &#x3E; et 1 - n' &#x3E; sont d'ordre relatif zéro si n - n' est impair (ces niveaux sont alors, comme nous l'avons vu au § 2.1 de même symétrie). Si n - n' est pair au contraire, nous savons (cf. § 2.1) que1 + n &#x3E; et 1 - n' &#x3E; sont de symétries différentes et leur ordre relatif est donc infini. Nous avons ainsi déterminé l'ordre relatif d'un couple quelconque des On peut donc dire que les deux niveaux parallèles 1 + n &#x3E; et1 + n' &#x3E; sont d'ordre relatif zéro si n - n' est pair. Si n - n' est impair, on peut simplement constater que la quantité + n1 Jz1 + n' &#x3E; est nulle à l'ordre zéro en co,. En fait un calcul de perturbations des niveaux poussé à l'ordre suivant en + nu1 Jz1 + n' &#x3E; n'est coo permet de montr que pas dans ce cas identiquement nul. On en déduit que deux niveaux quelconques1 + n &#x3E; et1 + n' &#x3E; sont également d'ordre relatif zéro, quelle que soit la parité de n - n'. En conclusion, dans le cas d'une polarisation linéaire cohérente quelconque de la RF, deux niveaux arbitrairement choisis de l'atome habillé sont d'ordre relatif zéro. Cette propriété ne dépend d'ailleurs pas du caractère On doit dans b) CHAMP RF EN POLARISATION u. (A II12) et (A. II.13) faire 0 = t/J = 7T/2 ce qui donne - niveaux pour ordre est soit concernés ont RF en polarisation cr. Cet soit infini suivant que les niveaux nul, ou non même symétrie. un champ POLARISATION LINÉAIRE COHÉRENTE QUELCONQUE RF. - 8 et r sont alors différents de zéro et Tr/2. On constate alors sans peine (A. sont 554 des croisements de Majorana. proposons de déterminer dans cet Appendice l'ordre relatif de deux niveaux de l'atome habilléJmn &#x3E; etJm' n' &#x3E; qui se croisent, dans le cas d'un spin J &#x3E; 2. Dans ce but, nous nous servirons de la définition (3. 1) des niveauxJmn &#x3E; : Appendice III : ordre - Nous nous lequel les J + m premiers spins sont t, les J - m derniers dans l'état - 1 l'opérateur de symétrisation. vecteur pour dans l'état + S,m est ou E P est la somme des (2 J)! permutations possibles p L'état perturbéJmn &#x3E; peut lui-même être décrit comme une superposition symétrique de 2 J spins'en présence de n photons de radiofréquence ; (J + m) spins sont dans l'état + 2 et (J - m) dans l'état - 2 1 non de 2 J particules. Enfin aj,,, est malisation : une constante de nor- * Nous écrirons donc : Ces notations étant le produit scalaire Dans cette Compte est le expression, tenu de (3.1), définies, étudions pour commencer nous L'opération unitaire UA peut être décomposée comme un produit commutatif [2] d'opérateurs agissant sur chacun des 2 J spins et décrivant le branchement successif sur chacun de ces spins de la radiofréquence et du champ statique : Tenant compte du caractère commutatif des relation : qui permet de mettre (A. III. 4) sous la forme soit encore, compte tenu de (A. III1) : opérateurs unitaires UA(i), on déduit sans peine de (A. III. 5) la 555 S l'opérateur symétrique commutant avec SJm SJ+m = Enfin, en SJm, simplifier (A.III. 8) sous constatant que l'action de sur le vecteur on obtient : L'opérateur symétrique SJm1 on en compte de la relation tenant la forme : l'opérateur symétrique ( + )J+m" ( - )J-m' &#x3E; U:.A (1) ddUA(1) g n'agit dcoo peut, que q le sur (8)1 n' &#x3E; spin p 1 est On équivalent à 2 J fois celle en 0 et laisse tous les autres inchangés. Il en résulte que dans le développement du vecteur &#x3E;, 2 J sont seuls les état s pour lesquels les spins 2, 3, rangés dans le même ordre que dans le vecteur donnent une contribution non Sym1 (+)J+." (-)J-., &#x3E; de l'opérateur déduit que ne différent de zéro que sim - M' 1 peut être 1. 1 ( + )J+m, ( - )J-m &#x3E; nulle à l'élément de matrice ( JmndwoJm'n' il effet que le premier spin qui peut se trouver dans deux états différents dans le bra et dans le ket car lui seul peut être affecté par l'opérateur n'y a en Ce résultat important va nous permettre de déterminer l'ordre relatif des niveaux pour une valeur quelconque de Am = m - m'. Nous exclurons toutefois le cas m - m' = 0 (correspondant à deux niveaux parallèles du diagramme ne se croisant jamais) qui ne présente pas d'intérêt pour l'étude de l'ordre des croisements de niveaux. de (le facteur [J + ont leurs m - spins 2, 3, 1]! [J - m]! correspond au nombre d'états 2 J occupant les mêmes états que montre que dans le cas Am = 1, la quantité Lorsque m - m' = + 1, (A. III. 10) l'équation qui dans la on décomposition dans1 (+ )J+m, (-)J-m &#x3E;). Jmn ddwoJm' n' est à un facteur de La relation (A.III.11), numérique près, identique à m - m' = - 1). pour Am celle que l'on calculerait pour un spin t (une relation analogue peut être démontrée Envisageons à présent deux niveaux1 Jmn &#x3E; etJm' n' &#x3E; de Am &#x3E; 1. Pour déterminer leur ordre nous devons construire la chaîne = relatif, 556 d'ordre le plus bas permettant de les relier. Nous de montrer que chaque maillon de cette chaîne à un Am au plus égal à 1. Il faut donc au moins 1 m - m' 1 - 1 états intermédiaires pour relier Jmn &#x3E; àJm' n' &#x3E; : les deux niveaux sont d'ordre relatif au moins égal à 1 m - m' 1 - 1. En fait, les niveaux peuvent être d'un ordre relatif supérieur, par exemple infini, si les niveaux sont de symétries différentes. Nous allons maintenant essayer de préciser cet ordre pour chaque polarisation de la radiofréquence. d) CHAMP RF venons Les états a) CHAMP RF EN POLARISATION 7T. propresJmn &#x3E; ne dépendent pas du champ Ho, tous - d les produits de la forme Jmn nuls et l'ordre relatif d'un couple niveaux est infini. Jm' n' dquelconque ( sont de CHAMP RF EN POLARISATION u,. Nous savons que si les deux niveauxJmn &#x3E; etJm' n' &#x3E; sont tels que leur Am + An est différent de zéro, ces niveaux sont de symétries différentes. Leur ordre 0 les relatif est alors infini. Par contre si dm + An niveaux ont même symétrie. On peut les relier par 1 m - m' 1 - 1 états intermédiaires, puisque chaque maillon (correspondant à un Am 1 et An = + 1) b) - CONQUE. EN POLARISATION maillonJmn Jmn COHÉRENTE QUEL d Jm - 1, n' - Chaque -(A. III.12) proportionnel à de la chaîne est alors différent de zéro effet quel que soit n' nul quels que soient n et n' pour cette la plus générale possible de la RF). Il existe donc bien une chaîne àm - m' 1 - 1 états intermédiaires reliant les niveaux Jmn &#x3E; etJm' n' &#x3E; qui sont alors d'ordre | m - m' 1 - 1. On peut résumer tous les résultats précédents de la façon suivante : deux niveaux quelconquesJmn &#x3E; et 1 Jm' n' &#x3E; de l'atome habillé (m #- m') sont d'ordre relatifm - m' 1 - 1, à moins qu'une raison de symétrie ne rende cet ordre infini. est en non polarisation = = - Appendice IV : interprétation d'une résonance de croi- sement de niveaux de deuxième espèce en termes de processus d'absorption et d'émission de photons RF. - Pour maximum la discussion, nous étudions le d'un niveau atomique excit é de moment cinétique J 1, de largeur naturelle r , interagissant avec un champ RF de polarisation 6. L'atome est préparé 1 par dans le sous-niveau Zeeman J 1, m excitation optique 6- à partir du niveau fondamental f de moment cinétique J 0 ; on mesure la probabilité de transfert S _ i, + i vers le sous-niveau J = l, m + 1 en détectant la lumière u, réémise. D'après les résultats du paragraphe 3, les niveaux de l'atome habillé issus des états non perturbés 1, n &#x3E; et1 + 1, n &#x3E; forment en coo 0 un croi1 sement de deuxième espèce d'ordre 1. La résonance associée à ce croisement, que l'on observe en balayant Wo autour de 0, correspond à un transfert résonnant de population entre les états non perturbées 1 - 1, n &#x3E; simplifier au cas = est proportionnel à = = - = et se trouve alors effectivement différent de zéro Appendice 1 II relatif à l'ordre des -, n + 1 &#x3E; pour un (voir + n &#x3E; et spin t). L'ordre des niveaux est alors m - M' 1 - niveaux1 précisément égal à 1. - et leur ordre relatif est infini. Si Am et An ont la même parité, les deux niveaux sont par contre de même Il suffit que de la chaîne ce chaque maillon (A. III12) change la parité de à effectivement non nul l'ordre des niveaux1 + n &#x3E; (+ n pour que d /d (voir Appendice maillon, proportionnel spin = - c) CHAMP RF EN POLARISATION u. Si les deux niveauxJmn &#x3E; et jJm' n' &#x3E; ont un dm et un An de parités opposées, ils sont de symétries différentes symétrie. = n w0 II et 1 - n' &#x3E; soit relatif à pour un 2 ). Il existe donc effectivement une chaîne àm - m' 1 - 1 états intermédiaires, changeant un même nombre m m' 1) de fois la parité de m et la parité de n et permettant de relier les deux niveauxJmn &#x3E; et 1 Jn1' n' &#x3E; ; ces derniers sont alors effectivement d'ordre relatifm - m' 1 - 1. (j FIG. 14. Diagrammes schématisant à l'ordre le plus bas les amplitudes de diffusion d'un photon optique (ligne brisée) par un atome interagissant avec des photons RF (lignes ondulées). - 557 les notations et le formalisme développés dans la référence [3]. Le hamiltonien d'interaction couple à l'ordre le plus bas les étants 1 - 1, n &#x3E; et1 + 1, n &#x3E; aux états 1 0, n + 1 &#x3E; et0, n - 1 &#x3E;, les éléments de matrice étant tous égaux à une constante réelle v (si l'on confond.J n et +1) (3). Les deux diagrammes de Feynman qui, à l'ordre le plus bas, sont associés au de diffusion d'un photon optique (ku- --+ k' Q+) par l'atome interagissant avec les photons RF sont représentés sur les figures 14a et 14b (comme dans la référence [3], les photons optiques sont représentés par des lignes brisées, les photons RF par des lignes ondulées). Vis-à-vis de la radiofréquence, les processus représentés en 14a et 14b sont des processus Raman qui ne difi'èrent que par l'ordre dans lequel les photons sont absorbés et émis. Les amplitudes de probabilité associées à 14a et 14b valent respectivement : B- étant l'amplitude d'absorption d'un photon En et1 + 1, n &#x3E;. Nous nous proposons d'interpréter cette résonance en termes de processus d'absorption et d'émission de photons RF par l'atome, en utilisant ln optique a - d'énergie Ek, B' l'amplitude d'émission d'un photon u,. On voit que pour Ek voisin de Eo et coco voisin de 0, chacune des amplitudes (A. IV. la) et (A. IV. 1 b) présente deux dénominateurs résonnants. Si l'on ne conservait qu'une seule de ces deux amplitudes, on obtiendrait en l'élevant au carré 4 dénomi- on se trouverait ainsi dans une situation identique à celle envisagée dans la référence [3] sous le nom de double résonance (conservation de l'énergie à l'issue de l'absorption du photon optique d'une part, à l'issue des transitions RF d'autre part). processus Ek Eo et co, 0, les deux amplitudes (A. IV. la) et (A. IV.1 b) interfèrent quasi destructivefait, pour = = ment et le nombre de dénominateurs résonnants obtenus lorsqu'on élève au carré la somme de (A. IV.la) et (A. IV.1 b) passe de 4 à 2. Pour le voir de manière plus précise, développons nateurs résonnants et voisinage deEk et (A. IV. 1 b) : au = Eo. Il vient en ajoutant (A. IV. la) On voit ainsi que pour Ek - Eo et oeo - 0, le numérateur de (A. IV. 2) compense l'un des deux dénominateurs résonnants et qu'il ne reste plus alors dans l'amplitude globale qu'un seul dénominateur résonnant. L'interprétation de la résonance observée en terme de double résonance (optique puis Raman RF) n'est donc pas tout à fait valable. On peut par contre réécrire (A. IV. 2) pour co, F et E. - Eo sous la forme approchée : représenter l'amplitude globale de la somme de deux termes associées aux diagrammes 15a et 15b. Sur ces diagrammes, les lignes en traits renforcés représentent les états propres 1 + 1, n &#x3E; est 1 - 1, n &#x3E; de l'atome habillé calculés à l'ordre le plus bas en v qui permettra l'absorption d'un photon u- et la réémission d'un photon (1+. Par exemple, dans 15b l'état ) 2013 1, n &#x3E; peut être ce (3) Si l'on néglige tous les autres états du atome + RF et si l'on se limite aux 4 états1 + 1, n on se trouve dans une situation qui rappelle système global &# x3E;,0, n :f: 1 &#x3E;, celle du modèle simple présenté dans le paragraphe 2 de la référence [1], tant en ce qui concerne la variation avec coo des énergies non perturbées que la forme de la matrice représentant le couplage. C'est d'ailleurs l'étude de ce problème précis qui nous a suggéré le modèle simple de la référence [1]. LE JOURNAL DE PHYSIQUE. qui permet de diffusion comme se 558 FIG. 15. Diagrammes schématisant les amplitudes de diffusion associées aux deux termes de A. IV. 3. Les lignes en traits renforcés correspondent aux états+ 1, n &#x3E; et1 - 1, n &#x3E; de l'atome habillé. - v par absorption d'un photon u-, mais il faut par contre considérer sa contamination en - v2101532 par l'état[ + 1, n &#x3E; (voir résultats du § 2 de la référence [1] concernant les états propres perturbés relatifs au modèle simple) pour obtenir la réémission d'un photon 6+ ; c'est ce qui explique le préparé à l'ordre 0 en facteur 2 (B-) -, B w2 terme de (A.IV. 3). qui figure On peut donc considérer que la résonance observée sur e - 1 1 + 1 provient d'une interférence entre deux amplitudes contenant chacune un dénominateur résonnant différent associé à un état propre différent de l'atome habillé. REMARQUE. - Comme!T -,,, 1 subit une variation résonnante, on pourrait croire que la différence de population entre les états - 1 et + 1 se comporte de la même façon et que le signal précédent est observable en orientation pure. En fait, on peut montrer qu'il existe également un transfert résonnant entre les niveaux 1 - 1, n &#x3E; et0, n ± 1 &#x3E; qui affecte également la population du niveau - 1. Il résulte du bilan global de ces processus que la différence de population entre les états - 1 et + 1 ne varie pas au voisinage du champ nul. Par conséquent, l'orientation atomique ne peut pas résonner. Dans l'expérience décrite ici (excitation en u-, détection en u ), on prépare et on détecte à la fois de l'orientation et de l'alignement atomique. Ce sont les variations de l'alignement qui sont responsables de la résonance observée sur Nous décrivons dans la référence [15] une résonance en champ nul analogue, observable en alignement longitudinal..
20,619
03/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01392713-document.txt_19
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
10,944
17,227
Or, Duguit n'entend présenter aucune analyse philosophique sur la propriété, comme celle, par exemple, de Marx et Engels. « Ses critiques à l'égard du droit subjectif de propriété tendent surtout á démontré l'impuissance de cette notion à rendre compte d'un certain ordre juridique. Et cela, ses analyses ne sont pas entièrement nouvelles »1669. Qui plus est, Hans Kelsen remarque que la doctrine duguiste cherche à réhabiliter la propriété privée en la caractérisant comme fonction sociale1670, ce qui fait d'elle une doctrine avant tout défensive1671. E. État et service public L'objectivisme juridique formulé par Duguit n'est pas seulement à la base de sa conception du droit, mais aussi de la théorie de l'État qu'il expose et qui, comme l'on sait, cherche principalement la soumission des autorités à l'ordre juridique. Pour ce faire, il commence par affirmer l'autonomie et la priorité du droit par rapport à l'État. De fait, pour lui le concept d'État procède de certaines notions juridiques primaires, « et s'il répond à une réalité, cette réalité est limitée par ce qu'il y a de réel dans la solidarité sociale, la règle de droit, le pouvoir objectif et la situation juridique subjective », de sorte que « l'homme a conçu le droit avant de concevoir l'État, et non l'État avant de concevoir le droit »1672. Cette prééminence du droit – qui sert à Duguit à déterminer plusieurs éléments de la organisation étatique, par exemple, ses fonctions juridiques1673 – et son approche réaliste l'amènent à 1668 Loc. cit. Par ailleurs Duguit soutient que « le propriétaire capitaliste est investi d'une fonction sociale déterminée. Son droit subjectif de propriété, le nie ; son devoir social, je l'affirme. Tant que la classe capitaliste remplira la mission qui lui est assignée, elle vivra. Du jour où elle la négligerait, elle disparaîtrait, comme ont disparu en 1789 la noblesse et le clergé » (Le Droit social, le droit individuel et la transformation de l'État, 2e éd., cit., p. 120). A. Mestre, suivant la doctrine classique, conteste la conception de propriété de Duguit et affirme que l'établissement des obligations à la tête du propriétaire n'est pas incompatible avec le concept propriété-droit (MESTRE, Achille, « Remarques sur la notion de propriété d'après Duguit », Archives de Philosophie du Droit et de Sociologie Juridique, no 1-2, Paris, Sirey, 1932, p. 164). Un autre privatiste, G. Morin, considère qu'il est possible d'accorder la notion traditionnelle de propriété et celle de Duguit, car pour lui la propriété est « un pourvoir qui participe, tout à la fois, du droit (liberté dans l'intérêt de son titulaire) et de la fonction (obligation au service de personnes autres que le fonctionnaire) » (MORIN, Gaston, « L'oeuvre de Duguit et le droit privé », cit., p. 159). 1669 PISIER, É., Le service public dans la théorie de l'État de Léon Duguit, cit., pp. 47-48. 1670 Ainsi le relève C. M. Herrera, « Duguit et Kelsen : la théorie juridique, de l'épistémologie au politique », op. cit., p. 343. 1671 BLANQUER, Jean-Michel, MILET, Marc, « Les idées politiques de Lé on Duguit », cit ., p. 13. Ceci est évident lorsque l'on lit dans le Traité : « On a beau crier que la propriété est un droit ; on est impuissant à la défendre contre les attaques des communistes. On ne la sauvera qu'en montrant qu'elle est une fonction impliquant des devoirs, et que le propriétaire ne peut exercer ses prérogatives que dans la mesure où il exerce sa fonction et remplit ses devoirs » (Traité de droit constitutionnel, tome II, cit., p. 97). 1672 L'État, le droit objectif et la loi positive, cit., p. 226. 1673 En effet, à partir de la distinction entre actes-règles, actes-conditions et actes subjectifs (voir supra n. 1653), Duguit propose une typologie des fonctions juridiques de l'État (Traité de droit constitutionnel, tome II, cit., p. 153). En premier lieu, « l'État exerce la fonction législative, quel que soit l'organe qui intervient toutes les fois qu il fait un acte-règle, [] modifiant sur un point quelconque et d'une manière quelconque le droit objectif, tel qu'il existe au moment où il intervient » (ibidem, p. 156). En deuxième lieu, « l'État exerce la fonction administrative toutes les fois qu'il accomplit un acte-condition ou un acte subjectif ou quand ses agents procèdent, pour assurer le fonctionnement d'un service public, à l'accomplissement d'actes purement matériels » (loc. cit.). Finalement, pour déterminer la spécificité matérielle de la fonction juridictionnelle, qui 336 désavouer les théories qui saisissent l'État comme une personne collective souveraine et qui pour lui sont de plus en plus accueillies en France – en particulier par Esmein1674, Hauriou et Léon Michoud (1855-1916) – grâce à l'influence de la doctrine allemande, spécialement celle de Georg Jellinek1675. C'est pour cette raison que Duguit considère qu'il ne vaut pas la peine de poser la question de la légitimité du pouvoir exercé par l'État, car du point de vue empirique elle est insoluble1679. « Le pouvoir politique, quelle que soit sa forme, n'est donc jamais légitime par son origine. [] Mais, si le pouvoir politique n'est jamais légitime par son origine, s'il est en soi un fait étranger au droit, il peut devenir légitime par la manière dont il s'exerce ; il peut devenir un Rechtsstaat, par la manière dont il s'exerce »1680. En effet, comme « tout but est légitime quand il est conforme à la loi sociale, et [] la règle de droit est la règle de la légitimité des buts »1681, la force matérielle qui exerce l'État « devient légitime si ceux qui la peut se confondre avec la fonction administrative (ibidem, p. 420) ou avec la fonction législative (ibidem, p. 489), Duguit affirme qu'elle s'accomplit par des actes complexes : « L'acte juridictionnel est donc en substance l'acte d'ordre juridique accompli par un agent public comme conséquence logique de la constatation qu'il a faite qu'il y avait ou non violation du droit objectif ou atteinte à une situation objective ou à une situation subjective » (ibidem, p. 423). Il n'en demeure pas moins que Duguit rejet le principe de séparation des pouvoirs qu'il qualifie de « singulière illusion » (« La séparation des pouvoirs et l'Assemblée Nationale de 1789 », cit., p. 99). 1674 Voir supra pp. 303 et suiv. 1675 L'État, le droit objectif et la loi positive, cit., pp. 230, 237. 1676 Ibidem, p. 240. 1677 Pour Duguit, « 'abstraction interprète un fait naturel, la fiction invente un fait qui n'existe pas dans la nature » (ibi dem , p. 236). 1678 Ibidem, p. 242. Voir aussi : « Des fonctions de l'État moderne », cit., p. 165 ; Traité de droit constitutionnel, tome I, cit., p. 655. 1679 L'État, le droit objectif et la loi positive, cit., p. 250. 1680 Ibidem, pp. 255-256. 1681 Ibidem, p. 18. 337 détiennent l'emploient à l'accomplissement des obligations négatives et positives que leur impose la règle de droit, c'est-à-dire l'emploient à la réalisation du droit »1682. Une fois fixée cette conception de l'État, Duguit lui associe la notion de service public et lui attribue la fonction de prendre les mesures qui garantissent son exécution. C'est pourquoi, comme l'explique F. Melleray, cette notion apparaît dans l'oeuvre du professeur bordelais de manière tardive, étant absente des deux premiers travaux importants, L'État, le droit objectif et la loi positive de 1901 et L'État, les gouvernants et les agents de 19031683. Ce n'est que dans Les transformations du Droit public, publié en 1913, que Duguit l'aborde systématiquement, raison pour laquelle ce livre « présente une importance particulière pour sa théorie réaliste de l'État. Il y expose l'idée que le service public est l'élément essentiel de la structure de l'État : c'est le point de vue général qui domine tout cet ouvrage »1684. En effet, on y lit que « la notion de service public remplace le concept de souveraineté comme fondement du droit public »1685, au point que l'État n'est plus conçu comme « une puissance qui commande, une souveraineté ; il est une coopération de services publics organisés et contrôlés par des gouvernants »1686 ; en d'autres termes, selon Duguit « ceux qui en fait détiennent le pouvoir n'ont point un droit subjectif de puissance publique ; mais ils ont le devoir d'employer leur pouvoir à organiser les services publics, à en assurer et à en contrôler le fonctionnement »1687. Si l'État existe en fonction des services publics, il est nécessaire d'offrir une définition de ceux-ci Duguit la formule dans l'un des extraits de ses travaux les plus connus et les plus cités. Le service public y est conçu comme « toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, 1682 Ibidem, p. 15. Il semble alors que pour Duguit le consensus parmi les gouvernés ne joue aucun rôle dans la légitimité du pouvoir politique des gouvernants. Cette omission serait le produit d'un « vice de méthode que l'on peut qualifier de réalisme mal compris. Voir la force et ne pas voir le consensus, c'est croire que l'acier des sables est plus réel que le moral de ceux qui les affrontent. et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée complètement que par l'intervention de la force gouvernante »1688. S'il y a un signe qui révèle l'importance d'un service public ce sont les effets socialement intolérables de son interruption, étant ainsi sa continuité l'un de ses caractéristiques essentielles1689. Or, la tâche de définir les activités précises que les gouvernants doivent assurer afin de réaliser l'interdépendance sociale ne peut pas être confiée aux pouvoirs publics, car ceci impliquerait de céder au subjectivisme. De même que l'État ne crée pas le droit mais se limite à le constater, l'existence d'un service public ne dépend pas d'un acte de volonté d'une autorité étatique mais de la condition de la solidarité sociale à un moment donné, qui se reflète dans le droit objectif1690. Par conséquent, les activités correspondant à un service public évoluent dans le temps et s'adaptent à chaque société, de sorte qu'« à mesure que la civilisation se développe, le nombre des activités susceptibles de servir de support à des services publics augmente et le nombre des services publics s'accroît par là même »1691. Toutefois, Duguit ne conclut pas de cette observation que les pouvoirs des gouvernants s'affermissent inévitablement. Bien au contraire, outre la possibilité que les services publics soient assurés par les particuliers1692, il ne les envisage pas seulement comme une fonction mais surtout comme un devoir. C'est même pour cela que « les pouvoirs des gouvernants sont limités à cette activité de service public, et tout acte des gouvernants est sans valeur quand il poursuit un but autre qu'un but de service public. Le service public est le fondement et la limite du pouvoir gouvernemental »1693. De toute façon, bien que le propos de Duguit d'« instaurer une régulation sociale croisée entre social et politique », « ce pari comporte un risque majeur : la surpolitisation du social, c'est-à-dire en fait son absorption par un État qui pour n'être que de service public n'en demeure pas moins État 1688 Traité de droit constitutionnel, tome II, cit., p. 61. Comme l'indique E. Pisier, « il y a donc bien coexistence, chez Duguit, d'une notion organique et d'une notion matérielle du service public » (PISIER, É., op. cit., p. 145). 339 trouvant dans cette emprise un puissant aliment pour sa croissance »1694. Par conséquent, cet auteur « qui s'est tellement opposé à la puissance de l'État et à sa souveraineté finisse par revenir à l'État sous la forme de services publics qui seront assurés sous son autorité »1695. Il est alors possible de dire qu'« il s'agit là d'une refondation de la doctrine de l'État et non de sa réfutation »1696, qu'il a voulu nier la souveraineté « juridique » sans parvenir à exclure la souveraineté « politique »1697, qu'il « n'en a pas fini avec les " fantasmes " de la souveraineté »1698. III. La diffusion du droit constitutionnel : Mirkine-Guetzévitch La doctrine juridique française du début du XXe siècle a trouvé chez Duguit l'un de ses plus célèbres diffuseurs. Dans ses ouvrages, dans les traductions qui en ont été publiées, dans les conférences que lui-même a donné à l'étranger, le professeur bordelais ne s'est pas limité à exposer ses propres idées, mais aussi celles de plus réputés représentants de la pensée juridique à son époque, même s'il le faisait en assumant une posture critique à leur égard. Or, s'il y a quelqu'un qui a beaucoup stimulé la connaissance et la diffusion du constitutionnalisme, en particulier du droit constitutionnel de la période de l'entre-deuxguerres, tant celui de la France que celui d'autres pays d'Europe, c'est Boris MirkineGuetzévitch. Né à Kiev, il a développé sa carrière académique principalement en France, où il est arrivé en 1920 après son exile de la Russie sous le régime bolchevique (il obtient la nationalité en 1933), raison pour laquelle la plupart de ses travaux sont rédigés en langue française1699. Parmi ceux-ci, l'on peut souligner ses textes critiques sur le régime soviétique, qui lui ont permis de se faire connaitre en France comme l'un des précurseurs de la 1694 LE GOFF, J., « Juristes de gauche et Droit social dans les années 1880-1920 », cit., p. 28. En d'autres termes, « Duguit rejette tout ce qui évoque pouvoir, autorité, souveraineté, prérogative, au profit des notions de devoir, de mission, de service. Or, substituer le devoir au droit, la mission à la prérogative, le service public à la puissance publique, c'est substituer le contenu au contenant, le fond à la forme, la réalité de l'activité à l'autorité ou au sujet qui en est investi, en un mot c'est substituer au critère formel le critère matériel, et avec cette substitution apparaît le postulat du duguisme qui – intimement lié à celui du service public – commande toute sa théorie et notamment tout ce qui s'oppose à la loi de solidarité » (DUBOUCHET, Paul, La pensée juridique avant et après le code civil, cit., pp. 216-217). 1695 MARYIOLI, Aglaé, « La crise du droit au XX siècle », in BILLIER, Jean-Cassien, MARYIOLI, Aglaé, Histoire de la philosophie du droit, Paris, A. Colin, 2001, p. 220. Dans le même sens voir aussi : MULLER QUOY, I., « Que reste-t-il des transformations du droit public de Léon Duguit? », cit., pp. 340 « soviétologie »1700, ses articles sur les conséquences juridico-politiques de la Révolution française1701, mais surtout les études où il présente et analyse les divers constitutions promulguées en Europe après la Première Guerre mondiale, notamment Les constitutions de l'Europe nouvelle1702, Les nouvelles tendances du droit constitutionnel1703, Droit constitutionnel international1704 et Les constitutions européennes1705, outre les articles éparses et de peu d'étendue publiés dans plusieurs revues, en particulier dans Revue Politique et Parlementaire1706. L'influence que Mirkine-Guetzévitch a exercé sur les réformes constitutionnelles de plusieurs pays du monde et sur les débats doctrinaux qui les ont accompagnés est similaire, voire même supérieure, à celle de Duguit. Toutefois, son oeuvre est assez méconnue et les Parmi ces travaux voir : La Constitution de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes (U.R.S.S.), Paris, M. Giard, 1925 ; La Théorie générale de l'État soviétique, Paris, M. Giard, 1928. Sa posture critique est évidente lorsqu'il déclare que « si la théorie soviétique nie la valeur intrinsèque du Droit, l'État est considéré par le législateur et le juriste soviétique comme une dictature extra-juridique » (MIRKINEGUETZÉVITCH, Boris, « La Théorie générale de l'État soviétique », Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l'Étranger, tome 42, 1925, p. 511). 1701 Mirkine-Guetzévitch trouve dans la Révolution française les fondements des institutions constitutionnelles qui se profilent après la Première Guerre mondiale. Pour lui, « la Révolution française est pour le droit public moderne ce que le droit romain fut pour le droit civil » (MIRKINE-GUETZÉVITCH, Boris, « De l'étude du contentieux administratif du Gouvernement ré ionnaire », in CASSIN, René (dir.), Le Conseil d'État : livre jubilaire publié pour commémorer son cent cinquantième anniversaire, Paris, Recueil Sirey, 1952, p. 74). Parmi les travaux de cet auteur sur ce sujet, outre celui qu'il a élaboré avec Joseph Barthélemy (Le droit public de la Révolution, Paris, Recueil Sirey, 1937), voir aussi : « L'influence de la révolution française sur le développement du droit international dans l'Europe orientale », Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, tome 22, 1928, pp. 295-458 ; « La Révolution française et l'idée de renonciation à la guerre », La Révolution française : revue historique, tome 82, 1929, pp. 255-268 ; « La Révolution française et les projets d'union européenne », La Révolution française : revue historique, tome 84, 1931, pp. 322-335 ; « Le parlementarisme sous la Constituante », Revue d'Histoire politique et constitutionnelle, vol. 3, 1939, pp. 311-321. 1702 MIRKINE-GUETZÉVITCH, Boris, Les constitutions de l'Europe nouvelle, Paris, Delagrave, 1928 ; 2e éd., 1930 ; 10e éd., 1938. 1703 MIRKINE-GUETZÉVITCH, Boris, Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, Paris, M. Giard, 1931 ; 2e éd., Paris, LGDJ, 1936. 1704 MIRKINE-GUETZÉVITCH, Boris, Droit constitutionnel international, Paris, Recueil Sirey, 1933. 1705 MIRKINE-GUETZÉVITCH, Boris, Les constitutions européennes, Paris, PUF, 1951, 2 vols. 1706 Par exemple : « Les nouvelles tendances du droit constitutionnel », Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l'Étranger, tome 45, no 1, 1928, pp. 5-53 ; « Le renforcement de l'Exécutif et le régime parlementaire », Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l'Étranger, tome 47, 1930, pp. 490-529 ; « Les nouvelles tendances des Déclarations des droits », in Annuaire de l'Institut international de droit public, Paris, Presses Universitaires de France, 1930, pp. 265-281 ; « Le référendum et le parlementarisme dans les nouvelles constitutions européennes », in Annuaire de l'Institut international de droit public, Paris, Presses Universitaires de France, 1931, vol. II, pp. 285-334 ; « L'exécutif dans le régime parlementaire », Revue Politique et Parlementaire, tome 148, no 440, 1931, pp. 155-163 ; « La nouvelle Constitution Espagnole », Revue Politique et Parlementaire, tome 150, no 446, 1932, pp. 127-142 ; « La vision constitutionnelle », Revue Politique et Parlementaire, tome 155, no 462, 1933, pp. 337-349 ; « La révision de la Constitution française », L'Année politique française et étrangère, 9e année, no 1, 1934, pp. 130 ; « Le régime parlementaire dans les constitutions européennes d'après guerre », in Annuaire de l'Institut international de droit public, 1936, Paris, Sirey, 1937, pp. 39-85 ; « Les problèmes constitutionnels », Revue Politique et Parlementaire, tome 186, no 552, 1946, pp. 1-19 ; « Le parlementarisme sous la IVe République », Revue Politique et Parlementaire, tome 191, no 567, 1947, pp. 225-234 ; tome 194, no 574, 1948, p. 118-125 ; « Les tendances internationales des nouvelles constitutions », Revue Générale de Droit international public, no 3-4, 1948, pp. 375-386 ; « Le régime parlementaire dans les récentes Constitutions européennes », Revue internationale de droit comparé, vol. 2, n° 4, 1950, pp. qui s'y intéressent ne sont que peu nombreuses1707. Ceci ne s'explique pas seulement par le fait qu'il n'a pas pu obtenir l'agrégation et devenir professeur dans les facultés de droit françaises, mais aussi et peut-être même surtout parce qu'il s'est écarté des présupposés de la doctrine constitutionnelle dominante à l'époque, en particulier de son caractère conceptuel et dogmatique. Comme S. Pinon l'explique, Mirkine-Guetzévitch « se situe très loin de la dogmatique allemande, très loin de la doctrine telle que la pratiquait Paul Laband ou Raymond Carré de Malberg en France ; il est au contraire plus proche de l'ultra-empirisme des auteurs anglo-saxons (Walter Bagehot, Sidney Low, James Bryce, Harold J. Laski ou Lawrence Lowell) qui montrent les institutions dans la réalité vivante de leur fonctionnement pratique »1708. De là résulte que son influence sur le développement ultérieur de la doctrine constitutionnelle française est assez limitée, surtout si l'on la compare à celle d'Esmein, de Duguit, de Maurice Hauriou ou de Carré de Malberg1709. Il n'en demeure pas moins que l'ascendant qu'ont eu ses conceptions et propositions dans le domaine constitutionnel à l'étranger est tout à fait remarquable, montrant une capacité singulière de diffusion internationale, situation qui justifie à elle seule de présenter ses aspects centraux1710. Il convient alors de commencer par quelques allusions aux notions 1707 Outre quelques mentions dans les manuels de droit constitutionnel, il faut faire allusion aux brefs articles de Georges Langrod In memoriam : Boris Mirkine-Guetzévitch, 1892-1955 », Revue Politique et Parlementaire, vol. 57, no 648, 1955, pp. 169-178) et Henry Puget (« Mirkine-Guetzévitch et le droit public », Re vue Politique et Parlementaire, vol . 59, no 667 , 1957 , pp . 79-84 ), ainsi qu'à l'hommage publié par École libre des hautes études à New York (Hommage à Boris Mirkine-Guetzévitch, 1892-1955, New York, École libre des hautes études, 1955), qui inclut les témoignages de Paul Bastide, René Cassin, Jean-Jacques Chevallier, Pierre Mendès France, Carl Friedrich et Julien Laferrière. Face à cette absence d'études, c'est le mérite de S. Pinon d'offrir les analyses les plus détaillées et systématiques de la doctrine constitutionnelle de cet auteur : PINON, Stéphane, « Les idées constitutionnelles de Boris Mirkine-Guetzévitch », in HERRERA, Carlos-Miguel (dir.), Les juristes face au politique. Le Droit, la gauche, la doctrine sous la IIIe République, Paris, Kimé, 2003, tome II, pp. 61-123 ; ID., « Boris Mirkine-Guetzévitch et la diffusion du droit constitutionnel », Droits. Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, no 46, 2007, pp. 183-212. 1708 PINON, S., « Les idées constitutionnelles de Boris Mirkine-Guetzévitch », cit., p. 67. Plus encore, « si l'oeuvre de Mirkine est à ce point délaissée aujourd'hui, c'est qu'il fut tout au long de sa vie scientifique un " irrespectueux ". Irrespectueux à l'égard des grands maîtres du droit constitutionnel. Dès qu'il commence à écrire dans la discipline, à la fin des années vingt, il se singularise. On perçoit que l'auteur d'origine ukrainienne se situe à part, loin des " vielles théories livresques " – comme il les dénoncera plus tard – enseignées dans les Facultés de droit françaises » (ibidem, p. 69). De toute façon, il est possible de discerner quelques influences sur la doctrine de cet auteur: « En sus escritos se nota sobre todo el influjo de la doctrina francesa: Jèze, Barthélemy y Duez, Berthélemy y, aún para criticarlo, Duguit; y de la alemana, pero sin desdeñar a los italianos y a sus amigos españoles: Gascón y Marín, Posada, Álvarez Gendín y Pérez Serrano. Mirkine se fundamenta en la Revolución francesa desde donde inició sus estudios sobre los derechos individuales y los derechos sociales []. En esa sede se ocuparía de la obra de Georg Jellinek o la de Marcaggi; por otra parte, Mirkine se sitúa ante los maestros alemanes que ostentaban el dominio científico en esos temas. Se ocupa de analizar La Teoría general del Estado de Hans Kelsen y su escrito sobre "El problema de la soberanía y la teoría del Derecho internacional"; pero, también, atacará mediante un profundo análisis las teorías dualistas de Triepel, su máximo adversario en materia de Derecho internacional. En apoyo de sus teorías sobre la unidad del Derecho acude, principalmente, a los tratadistas franceses, como Guy Grand [] o Vermeil [], junto a los Tratados y Manuales clásicos de Esmein, Barthélemy, Duez, Hauriou o sus críticas a Duguit » (GUILLÉN KALLE, Gabriel, « Estudio preliminar. Ius Gentium pacis ¿Un nuevo derecho internacional? », in MIRKINE-GUETZÉVITCH, Boris, Derecho constitucional internacional, trad. Luis Legaz y Lacambra, Madrid, Reus, 2009, p. 67). 1709 PIN ON , S ., « Boris Mirkine - Guetz évitch et la diffusion du droit constitutionnel », cit., p. 212. 1710 En effet, la diffusion de la pensée constitutionnelle de Mirkine-Guetzévitch en dehors des frontières françaises est manifeste (PINON, S., op. cit., p. 187), ce que nous constaterons plus loin (infra p. 344). Chez lui est évident le besoin de « sortir le droit constitutionnel français de l'ornière nationale ; il veut l'exposer au grand air régénérant du droit comparé. Partager une passion commune pour l'analyse des pouvoirs publics, 342 politiques et juridiques qui servent de fondement à sa doctrine, pour reprendre ensuite sa conception sur la circulation du droit constitutionnel et la manière dont il l'a effectivement encouragée suivant ses propres prémisses méthodologiques comparatives. A. Le républicanisme de Mirkine-Guetzévitch Malgré les changements et ajustements qu'il est possible de constater dans la doctrine constitutionnelle de Mirkine-Guetzévitch, il a toujours soutenu une conception de la démocratie libérale proche du républicanisme français de la Troisième République1711. De fait, c'est en raison de sa défense d'un régime démocratique de type occidental pour la Russie, et la subséquente condamnation à mort des bolcheviks en 1920, qu'il a dû abandonner ce pays1712. Son optimisme est encore évident en 1933 lorsqu'il affirme que « la démocratie va triompher, parce qu'elle représente la seule forme de gouvernement correspondant à la raison de l'évolution historique des peuples »1713. Même après l'expérience dramatique de la Deuxième Guerre mondiale1714 il n'abandonne pas son républicanisme démocratique et soutient que « la démocratie est une croyance en même temps qu'une justification rationnelle de la Cité libre. Le concept de liberté est à la fois normatif et historique : un démocrate sait que le régime libre est le meilleur, qu'il exister et qu'il existera parce que non seulement la démocratie est une éthique mais aussi un devenir, une forme sociale qui correspond à l'évolution humaine »1715. Cet évolutionnisme historique qui inévitablement conduira aux sociétés de son temps vers la république démocratique l'amène à conclure que « la démocratie n'est pas une formule dogmatique mais une vérité historique qui correspond à l'évolution politique des peuples libres. Le parlementarisme démocratique sera réaffirmé, rejustifié ou rétabli dès que l'Europe connaîtra l'ambiance nécessaire hors de laquelle le technique de la liberté – but de la science constitutionnelle contemporaine – n'est pas possible »1716. 343 trente du XXe siècle1717 et qu'elle a été remplacée dans plusieurs pays d'Europe par des régimes autoritaires ou des dictatures1718. C'est par cette voie qu'il énonce sa célèbre notion du droit constitutionnel compris comme la « technique de la liberté » : « dans notre conception, la technique constitutionnelle a sa méthode, ses procédés, mais ne constitue pas un but. La technique constitutionnelle est seulement un moyen. Le droit constitutionnel est un procédé technique pour assurer la liberté politique, et la technique constitutionnelle est la technique de la liberté. La démocratie reste, pour le droit public moderne, un postulat et un criterium. [] La démocratie, répétons-le, est le principe téléologique de la technique constitutionnelle »1719. De cette manière il accorde au droit constitutionnel une dimension finaliste1720, fortement marqué par la quête de la liberté qui est, pour sa part, la condition principale de la réalisation de la démocratie. Ordre juridique et régime démocratique sont ainsi attachés, dans la mesure où le droit constitutionnel « est étroitement lié à l'idéal démocratique, non pas parce que les théoriciens du droit constitutionnel ont été et seront toujours des démocrates, mais parce que la démocratie exprimée en langue juridique, c'est l'État de droit, c'est la rationalisation juridique de la vie, parce que la pensée juridique conséquente mène à la démocratie, comme l'unique forme de l'État de droit. La démocratie peut réaliser la suprématie du droit ; c'est pourquoi le droit constitutionnel général est l'ensemble des formes juridiques de la démocratie, de l'État de droit »1721. Il n'est alors pas surprenant que Mirkine-Guetzévitch conçoive la démocratie comme le but définitif de son constitutionalisme à caractère téléologique, dans lequel le droit constitutionnel, le dispositif juridique de rationalisation de l' t et du pouvoir, est le principal moyen pour l'atteindre. Pour autant, ce constitutionnalisme ne tient pas à rester dans le seul domaine de l'Étatnation. Il surpasse les frontières et constitue le fondement essentiel de la doctrine internationaliste de Mirkine-Guetzévitch, de sorte que droit constitutionnel et droit international se présentent comme les deux faces d'une même pièce. Un facteur qui explique cette intégration est l'évolution historique des peuples, bien qu'elle ne soit que le point d'acmé d'un parcours dans lequel le droit international public était relégué au second plan face au droit public interne. 344 peuples cherchent à transformer leur vie interne en remplaçant l'autocratie par des régimes libéraux »1723. Toutefois, que ce soit inéluctablement l'aboutissement s'explique également par la manière dont le droit existe par rapport à la vie humaine en communauté : « Le droit [] qui est le reflet de la conscience juridique des hommes, change et varie dans le processus historique ; mais ce processus lui-même est un et indivisible ; l'homme n'a pas deux consciences, une conscience extérieure et une conscience intérieure. La division entre l'histoire extérieure et l'histoire interne est seulement une méthode de classification et d'étude. L'unité de conscience nous conduit à l'unité du droit public »1724. Il s'agit alors d'une unité empirique que l'on constate par l'expérience et qui permet à MirkineGuetzévitch d'écarter l'unité du droit public à caractère logique selon le modèle de Kelsen et des autres représentants de l'École de Vienne1725. Or, ce principe de l'unité du droit public n'opère que lorsque les règles du droit constitutionnel sont en concordance aves les règles du droit international. Ceci implique l'établissement d'un droit interne de la paix, d'un Ius Gentium pacis, un « droit constitutionnel international » qui impose aux autorités de chaque État l'accomplissement des traités internationaux et la renonciation à la guerre1726. Au final, les deux niveaux du droit, l'interne et l'international, répondent à deux techniques qui poursuivent deux objectifs différents mais profondément liés : « la technique de la paix, nous l'avons toujours soutenu, est inséparable de la technique de la liberté. [] Et ne pas voir l'interdépendance historique du de constitutionnel et du progrès du droit international, c'est ne pas voir la réalité politique d'aujourd'hui dominée par l'indivisibilité de la paix et de la liberté »1727. B. L'étude historique et comparative du droit constitutionnel et sa capacité à circuler Une révision méthodologique substantielle est à la base des principales conclusions de la doctrine publiciste de Mirkine-Guetzévitch, tant celle du caractère historique de la démocratie, à laquelle mène inéluctablement l'évolution politique des sociétés bénéficiées d'un régime constitutionnel, que celle de l'unité du droit public qui joint l'ordre interne à l'ordre international1728. Il affirme que c'est l'examen direct des faits ce qui lui permet d'arriver auxdites conclusions, d'autant que, selon lui, sa méthode ne procède pas au moyen de raisonnements abstraits, mais elle « limite le champ d'observation à l'étude de la réalité Ibidem, p. 262. MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Le droit constitutionnel et l'organisation de la paix », Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, tome 45, 1933, p. 677. 1725 GUILLÉN, G., op. cit., p. 72. 1726 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Ius Gentium pacis », cit., p. 274. C'est pour cette raison que « la unidad del Derecho público consiste en que los pueblos libres dueños de sus destinos, influyan directamente, por medio de sus Parlamentos, en los acuerdos de sus gobernantes respecto a la política extranjera. El Ius Gentium de la paz sólo es posible merced a los progresos de la democracia » (ibidem, p. 275 ). 1727 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les constitutions européennes, cit., tome I, p. 119. 1728 Parmi les travaux que l'auteur d'origine ukrainienne consacre aux méthodes d'étude du droit public l'on peut souligner les suivants : « L'étude comparative de la technique parlementaire », Annales de l'Institut de Droit comparé de l'Université de Paris, vol. I, 1934, pp. 169-183 ; « L'Histoire constitutionnelle compar ée », Anna les de l'Institut de Dro it compar é de l'Université de Paris, vol. II, 1938, pp . 85-98 ; « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », Revue internationale de droit comparé, vol. 1, no 4, 1949, pp. 397-417. 1723 1724 politique »1729. Pour ce faire, il a recours à plusieurs méthodes qui malgré leur diversité ont toutes en commun leur caractère empirique1730 et qui, en dernier ressort, peuvent être synthétisés en deux approches indispensables. D'abord, la « méthode de science politique »1731 ou « empirisme historique », qui « doit embrasser tous les phénomènes juridiques, c'est-à-dire le droit écrit et la conscience juridique. Mais cet empirisme juridique – poursuit-il – ne peut jamais être observé dans une situation stabilisée, figée. Cet empirisme est vivant ; aussi la méthode empirique est-elle, par sa nature même, un procédé historique s'exprimant par l'observation des phénomènes juridiques, considérés non dans leur immobilité abstraite mais dans leur évolution historique continuelle »1732. Dans le cas du droit constitutionnel, cette méthode implique d'étudier « non seulement sous son aspect théorique et doctrinal mais encore sous son fonctionnement pratique. L'examen d'une réalité constitutionnelle, l'étude des résultats que donne dans un pays l'application de telle ou telle institution constitutionnelle, c'est la méthode de la science politique »1733. En définitive, Mirkine-Guetzévitch souhaite rompre avec l'étude des systèmes constitutionnels par le biais des grands principes de cette branche du droit qui sont au fondement de la discipline depuis la Révolution française. Il cherche alors à ne pas la confiner à la seule analyse de la règle de droit, pour qu'elle s'occupe aussi de la manière dont la règle est appliquée au sein d'un système constitutionnel donné1734. Sur ces postulats et pour comprendre, par exemple, les régimes parlementaires « il ne suffit pas de lire les textes constitutionnels, où quelquefois le régime parlementaire est seulement indiqué en quelques lignes, ou, souvent, n'est pas mentionné du tout ; il faut connaître le rôle et l'attitude des partis politiques, le rôle de l'exécutif, les changements et les affirmations de l'opinion publique, de la presse, les facteurs internationaux, etc. »1735. La méthode comparative est la deuxième approche sur laquelle centre son attention Mirkine-Guetzévitch. De fait, il est l'un des premiers constitutionnalistes qui en France a explicitement soutenu l'exigence d'y faire appel, non pas comme un simple outil accessoire MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « L'exécutif dans le régime parlementaire », cit., p. 155. En effet, « derrière une complexité apparente, cet imbroglio méthodologique est le reflet de la volonté de Boris Mirkine-Guetzévitch d'étudier le droit constitutionnel au prisme d'une approche empirique » (CUVELIER, Claire, HUET, Delphine, JANSSEN-BENNYNCK, Clémence, « La science française du droit constitutionnel et le droit comparé : les exemples de Rossi, Barthélemy et Mirkine-Guetzévitch », Revue du droit public et de la science politique France et à l'étranger, tome 130, no 6, 2014, p. 1572). 1731 Mirkine-Guetzévitch soutient qu'« on peut, certes, étudier les régimes politiques du point de vue du droit uniquement. Mais on peut, et on doit, les étudier sur le plan de la science politique. Ainsi, le monde anglo-saxon réserve une place d'honneur à cette science, à la science du gouvernement qui est basée non pas sur l'analyse juridique, mais sur l'observation du fonctionnement des institutions » (MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », cit., p. 398). 1732 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, 1e éd., cit., pp. 1961 97. Ce type de considérations permettent de conclure que la méthode de Mirkine-Guetzévitch est « radicalmente opuesto al que utilizó Kelsen: el lógico formal, o al de la unidad de una cultura de los valores procedente de Heller []. Aussi bien la méthode comparative que la méthode historique servent le même propos : celui de surpasser les approches dogmatiques et abstraites dominantes au sein de la doctrine constitutionnelle jusqu'alors. Les deux méthodes sont profondément liées et l'une ne peut être employée sans l'autre, de sorte que « dans le droit public, la méthode comparative rejoint la méthode historique. On étudie les institutions sociales en confrontant leurs structures (droit comparé) et leur fonctionnement (science politique). Or, pour comprendre la structure et le " rendement " des institutions sociales, il faut connaître leurs origines et leur devenir juridique, c'est-à-dire leur évolution historique »1737. Plus encore, pour Mirkine-Guetzévitch « l'application à l'histoire constitutionnelle de la méthode comparative n'est pas seulement un complément à la méthode historique, elle est souvent un élément indispensable pour l'étude de l'histoire constitutionnelle nationale »1738. Il propose ainsi une méthode « d'observation historico-comparative » qui n'a pas seulement une fonction descriptive, mais qui permet aussi de « dégager certaines tendances, de prévoir quelle réalisation auront ces tendances dans l'avenir »1739. Le rôle central qui occupe dans son oeuvre la démarche comparative autorise à conclure – comme le proposent C. Cuvelier, D. Huet et C. Janssen-Bennynck – qu'à son époque il est l'un des rares auteurs à engager « une réflexion significative sur la nécessité d'étudier le droit constitutionnel en utilisant, à titre principal, la méthode comparative »1740. En définitive, « Mirkine-Guetzévitch met la comparaison entre les systèmes juridiques au profit d'un usage plus ambitieux : elle constitue un outil de renouvellement de la théorie générale du droit constitutionnel »1741. MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », cit., p. 410. Ibidem, p. 397. 1738 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « L'Histoire constitutionnelle comparée », cit., p. 88. Outre ces deux formes de comparaison cet auteur propose une troisième , qui compléterait les précédent es : « la comparaison simultanée " dans le temps " et " dans l'espace ". Il faudrait, à notre avis, pour étudier le régime parlementaire contemporain en France, le comparer non seulement à celui de l'Angleterre d'aujourd'hui, mais à celui de la France de la IIIe République, de Louis-Philippe, de l'Angleterre des XVIIIe et XIXe siècles. Ces comparaisons devraient ensuite être confrontées avec l'étude de l'influence de chacun de ces régimes dans le monde contemporain. Nous aurions ainsi une comparaison à " trois dimensions ", qui servirait la science constitutionnelle et la science politique » (MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », cit., pp. 402-40 3). 1739 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « L'étude comparative de la technique parlementaire », cit., p. 183. 1740 CUVELIER, C., HUET, D., JANSSEN-BENNYNCK, C., op. cit., p. 1576. 1741 Ibidem, p. 1577. 1736 1737 347 On pourrait penser, de prime abord, que sur ces présupposés méthodologiques le professeur d'origine ukrainienne considère sans ambages que l'un des facteurs principaux de l'évolution du droit constitutionnel est la circulation d'un pays à l'autre de normes et institutions. Or, il est possible de trouver dans ses travaux des formules qui font dépendre le droit directement de la conscience que présente à chaque société, ce qui en principe entrave toute forme de diffusion. En effet, lorsque Mirkine-Guetzévitch avance le principe de l'unité du droit public, il soutient que celui-ci « est le reflet de la conscience juridique d'une époque donnée. Le droit public interne et le droit public international sont le produit d'un même milieu historique »1742. Il semblerait alors que l'on est en présence d'une version de la théorie du miroir qui en soumettant le droit au contexte social empêche sa circulation1743. Toutefois, cet auteur fait fréquemment allusion à quelques exemples de ce phénomène, en particulier concernant les constitutions promulguées après la Première Guerre mondiale. L'un de leurs traits caractéristiques, qui marque une tendance commune, est l'influence qu'elles ont reçue de textes constitutionnels qui leur précédent : « En dehors du rôle des savants, il faut également signaler le rôle joué par les modèles des anciennes Constitutions éprouvées des pays de l'Occident. Il mentionne également un exemple de diffusion du XIXe siècle, qui a eu pour objet la Constitution espagnole promulguée à Cadix en 1812. D'après lui, ce texte « a influencé tous les mouvements libéraux de l'Europe » et « devint un programme, un mot d'ordre »1745. C'est ainsi que cette Constitution « a été considéré partout comme une véritable charte de la liberté. À Naples ou à Milan, au lieu de convoquer une Constituante et chercher les formes nationales de la vie constitutionnelle, on promulgue le texte de 1812. La Constitution de Cadix fait le tour de l'Europe méridionale ; elle a impressionné l'Europe entière »1746. Or, ce qui est encore plus remarquable c'est que Mirkine-Guetzévitch relève que ce texte ne fait que renouveler la Constitution française de 1791, ce qui s'érige comme 1742 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, 1e éd., cit., p. 53 ; en ce sens voir aussi : ibidem, pp. 78-79 et 196-197 ; Les constitutions de l'Europe nouvelle, 10e éd., cit., p. 8. Le caractère évolutif du droit est la conséquence de cette même situation : « Le droit lui-même ne se compose pas de formules figées. Il évolue constamment ; il change ; il n'est que le reflet de la conscience juridique, qui n'est elle-même ni absolue, ni immuable » (MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », cit., p. 400). 1743 Voir supra p. 189. 1744 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, 1e éd., cit., p. 45. 1745 MIRKINE-GUE ÉVITCH, B., « La Constitution espagnole de 1812 et les débuts du libéralisme européen (Esquisse d'histoire constitutionnelle comparée) », in Introduction au droit comparé. Recueil d'Études en l'honneur d'Édouard Lambert, Paris, Recueil Sirey, LGDJ, 1938, vol. II, § 84, p. 218. 1746 Loc. cit. Voir aussi : « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », cit., pp. 403-405. 348 un exemple de lieu intermédiaire ou de traduction, situation que l'on trouve habituellement dans les processus de diffusion d'une norme juridique1747. Il convient en plus de tenir compte d'un autre cas de circulation de normes constitutionnelles qui attire l'attention du professeur franco-ukrainien : après avoir signalé l'ascendant de la Constitution suisse de 1874 sur celles de l'Allemagne de 1919 et de l'Autriche de 1920, et de la Constitution des États-Unis sur celle de la Finlande de 1919, Mirkine-Guetzévitch rappelle « les emprunts que les Constitutions nouvelles se sont faits les unes aux autres »1748. Ainsi, par exemple, celle de l'Allemagne qui « a une grande variété d'institutions juridiques, [] a exercé immédiatement son influence sur les constitutions ultérieures, et il en a été de même pour les constitutions de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie »1749. Qui plus est, l'auteur ne restreint pas ses mentions au seul déplacement des normes et il aborde aussi le phénomène de l'influence des pratiques politico-constitutionnelles d'un pays à l'autre. Ses présupposes méthodologiques lui offrent l'assise nécessaire. Il soutient que « le droit constitutionnel comparé peut et doit étudier non seulement les différents systèmes constitutionnels, les différents principes de l'organisation politique, mais, surtout, dégager les éléments de la technique comparative du fonctionnement des régimes constitutionnels »1750. Sur ces bases il observe quelques cas : par exemple, « en France, en 1814, quand les inspirateurs et les premiers commentateurs de la Charte parlaient de l'application en France du système anglais, il ne s'agissait nullement d'un emprunt mécanique ; au contraire, en voulant transplanter en France la pratique anglaise, on a créé la orie du régime parlementaire »1751, étant donné qu'« au début du XIXe siècle, les Anglais n'avaient pas encore repensé leur propre régime : ils en avaient dégagé certaines tendances, mais n'en avaient pas formulé la théorie »1752. Finalement, il faut signaler que Mirkine-Guetzévitch arrive à critiquer explicitement ceux qui refusent d'emblée la convenance de la réception d'une constitution venue d'ailleurs. Il trouve ce type d'attitude chez Anatole de Monzie (1876-1947), ministre des finances et de l'Éducation nationale pendant l'entre-deux-guerres, qui critique les hommes de la Révolution parce qu'ils voulaient imposer leur type constitutionnel à tous les peuples en oubliant que la vie réelle est dominée par la diversité des formes constitutionnelles et que l'Europe n'a jamais su copier les bons types constitutionnels. 349 constitutionnel " peut appeler quelques réserves. Faut-il rappeler que la Constitution belge de 1831, inspirée par les idées françaises de 1830, a fait un véritable tour d'Europe? On copie donc les Constitutions et parfois on copie bien. D'autre part, le droit constitutionnel de la Révolution française se retrouve toujours à la base de plusieurs Constitutions »1753. Malgré toutes ces références à plusieurs cas de circulation des normes et institutions, Mirkine-Guetzévitch n'explique pas comment concilier ce phénomène avec l'idée de la détermination du droit par la conscience juridique d'un peuple – idée qui évoque même le « l'esprit du peuple » (Volksgeist) de Savigny1754. Une possibilité de réponse apparaît quand il fait mention à certaines conditions sociales qui facilitent la diffusion normative, notamment lorsqu'il essaie d'identifier les « types constitutionnels d'État ». Ceux-ci ne sont pas « les types créés plus ou moins arbitrairement par les théoriciens » ; au contraire, ils sont « les types réels, ces types communs créés dans les différents États aux mêmes époques sous l'influence des mêmes conditions politiques, sociales, nationales ou économiques »1755. L'auteur insiste sur l'exemple du droit constitutionnel de l'entre-deuxguerres, où l'on trouve « des types communs parce que les Constituantes de Tchécoslovaquie, de Pologne, d'Allemagne ou des pays baltes travaillant au même moment, ont alors adopté des institutions constitutionnelles similaires sous l'influence directe de la même ambiance politique et sociale de l'Europe d'après-guerre, des mêmes facteurs sociaux, nationaux et même internationaux »1756. Néanmoins, par-delà ces références ponctuelles à quelques cas spécifiques Mirkine-Guetzévitch ne développe pas une analyse qui lui permette de justifier ladite conciliation. Il en est de même des allusions qu'il fait tant aux lieux intermédiaires ou de traduction qu'à la transmutation d'une pratique en théorie par le biais de sa transplantation d'un lieu à l'autre, qui sont tout à fait remarquables mais sur lesquelles il ne fournit pas d'autres explications. Ce désintérêt à élaborer une véritable théorie sur le rapport entre droit et société et sur le phénomène de la circulation des produits juridiques est une conséquence concrète de « la faiblesse doctrinale de sa pensée », car « il possédait une capacité à décrire, moins à théoriser », raison pour laquelle « on peut aisément parler d'une doctrine " minimaliste " »1757. Sa technique comparative demeure alors assez incomplète, car « si, tout au long de ses travaux, l'auteur démontre que la MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les constitutions de l'Europe nouvelle, 10e éd., cit., pp. 71-72. Voir supra p. 58. 1755 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « L'Histoire constitutionnelle comparée », cit., p. 86. Pour le cas spécifique du droit constitutionnel il est possible de trouver des formules similaires. En effet, pour l'auteur « dans chaque constitution on trouve un amalgame entre les traditions nationales et l'idéal de l'État de droit, élaboré par la conscience juridique des peuples civilisés. Ce compromis entre les traditions nationales el l'idéal de l'État de droit est toujours défini par les conditions politiques dans lesquelles a pris naissance telle ou telle constitution » (MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, 1e éd., cit., p. 13). 1756 Ibidem, p. 87. Un autre exemple qui mentionne l'auteur est la reprise de la Constitution espagnole de 1812 par la révolution de 1820, appelée « El Pronunciamiento ». Pour Mirkine-Guetzévitch cet événement n'a pas eu un caractère purement national, car il est possible de trouver dans d'autres endroits des mouvements similaires qui ont pris le modèle constitutionnel que le Pronunciamiento avait récupéré à son tour de la Constitution de Cadix. « Ainsi, dans tous les coins de l'Europe, il existait dans les années 1820 des facteurs et des mouvements identiques. Santa Rosa à Turin, Capodistria en Moldavie ou les Décabristes à SaintPétersbourg, sont les mêmes hommes romantiques, avec la même foi, la même croyance en la nécessité de la force pour libérer le peuple qui ne dési pas sa libération » (MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « La Constitution espagnole de 1812 et les débuts du libéralisme européen », cit., p. 217). 1757 PINON, S., « Les idées constitutionnelles de Boris Mirkine-Guetzévitch », cit., p. 66. 1753 1754 350 comparaison est une méthode d'observation du fonctionnement des régimes politiques, il reste à déterminer comment comparer le fonctionnement d'un régime au fonctionnement d'un autre régime mais aussi quels systèmes constitutionnels comparer »1758. En tout cas, ces embarras méthodologiques n'affectent pas son rôle, difficilement contestable, de divulgateur du constitutionnalisme. Comme le rappelle S. Pinon, « il favorisa un intense échange d'idées aussi bien en France qu'à l'étranger. À cet égard, son rôle peut être également apparaître comme celui d'un " passeur " []. Il a renouvelé l'étude du droit constitutionnel entre les deux guerres en laissant y pénétrer tous les courants venus de l'étranger »1759. Plus encore, il a promu la diffusion, depuis la France jusqu'à nombreux pays, des innovations normatives et institutionnelles du constitutionalisme de son époque. C. D'une conception normative à une conception politico-empirique de la constitution Assurément l'une des notions centrales de la doctrin e de Mirkine-Guetzévitch est celle de « rationalisation du pouvoir ». Elle explique l'évolution progressive de la démocratie « en tant que tendance à embrasser dans le réseau du droit l'ensemble social de la vie, en tant que tendance à remplacer le fait métajuridique du pouvoir par les règles du droit écrit »1760. La primauté normative du droit constitutionnel est ainsi affirmée, en lui accordant une capacité à régir et à organiser les événements et les forces politiques. Bien que l'auteur reconnaisse que hors du droit constitutionnel écrit existe un ample domaine de la vie politique, les textes des constitutions jouent un rôle fondamental et deviennent des facteurs indépendants de réorganisation de l'État1761. C'est de cela dont témoigne sa critique à l'encontre de la conception empirique de constitution de Ferdinand Lassalle (18251864)1762 : « Lassalle n'avait pas raison quand il affirmait dans son célèbre discours que les constitutions par elles-mêmes ne modifient pas la vie politique, que les textes constitutionnels ne font qu'exprimer le rapport réel de forces qui existe dans tel pays entre la réaction et la liberté. [] On ne peut pas dire aujourd'hui que le suffrage universel, par exemple, proclamé dans une constitution, ne crée pas de réalités politiques ; le fait même d'appeler à la vie politique de larges masses humaines est un événement qui mérite de retenir 'attention, c'est un facteur qui, sinon immédiatement, du moins dans un avenir plus ou moins proche, peut changer la corrélation réelle des forces. Voilà pourquoi, bien que la vie politique dans certains pays s'éloigne nettement des textes constitutionnels, bien que les formes constitutionnelles se remplissent d'un contenu social opposé, les nouveaux textes n'en sont pas moins, par eux-mêmes, un élément de progrès. En eux sont encloses les CUVELIER, C., HUET, D., JANSSEN-BENNYNCK, C., op. cit., p. 1567. PINON, S., op. cit., p. 108. 1760 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les constitutions de l'Europe nouvelle , 10e éd., cit., p. 9. Dans un premier temps, Mirkine-Guetzévitch perçoit dans les textes promulgués après la Première Guerre mondiale la confirmation de l'évolution vers la primauté normative de la constitution. Pour lui, « l'idée même du pouvoir constituant, l'idée de la suprématie de la Constitution aboutit à la superlégalité constitutionnelle des lois constitutionnelles par comparaison avec la législation ordinaire »1764. Cette suprématie, point d'acmé du processus de rationalisation du pouvoir, trouve sa meilleure garantie dans le contrôle de la constitutionnalité des lois, institution reconnue par la plupart des nouvelles constitutions européennes1765. Néanmoins, celui-ci et d'autres mécanismes de garantie de la valeur normative de la constitution ne parviennent à empêcher qu'à partir de la fin des années vingt se présente un décalage de plus en plus majeur entre la vie politique réelle et les dispositions des nouvelles constitutions des États d'Europe centrale et orientale1766. Ainsi, l'empirisme historique mène Mirkine-Guetzévitch à reconsidérer sa conception de la constitution1767. Il n'avait pas d'autre choix dans la mesure où, pour lui, « le droit constitutionnel comparé, l'histoire constitutionnelle comparée doivent être des sciences de la réalité »1768. C'est ainsi que – comme l'explique S. Pinon – après la promulgation de la Constitution espagnole du 9 décembre 1931, qui fait renaître l'espoir de cet auteur par rapport aux nouveaux textes, en 1933 dans un article intitulé « La révision constitutionnelle » se produit un revirement définitif1769. Le professeur franco-ukrainien y reconnaît que « les savantes Constitutions européennes d'après-guerre [] ont fait faillite », et même si « la crise profonde de la démocratie en Europe Centrale et Orientale n'est pas seulement due aux textes constitutionnels », il considère que « ce les causes politiques et sociales résultant de la non adaptation de ces peuples à la liberté qui ont provoqué la MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, 1e éd., cit., pp. 11-12. Ibidem, p. 32. 1765 Comme lui-même l'explique « plusieurs Constitutions nouvelles ont reconnu le contrôle de la constitutionnalité des lois. En Irlande (art. 16), en Roumanie (art. 103), en Grèce (art. 5), on a adopté le système américain. En Autriche, en Tchécoslovaquie, au contraire, on a créé un organe spécial de contrôle constitutionnel, et celui-ci fonctionne non pas sur l'initiative des personnes privées, mais à la demande des institutions de l'État ; la loi reconnue comme non constitutionnelle pour un cas donné perd sa force par ce fait même et est abrogée » (ibidem, p. 33). 1766 Selon Mirkine-Guetzévitch, « l'ensemble constitutionnel qui a été créé en Europe après la guerre [] n'a pas pu être réalisé par suite de différentes circonstances historiques []. L'étude des nouvelles tendances du droit constitutionnel ne pouvait être fructueuse si elle ne distinguait pas entre les principes proclamés dans les Constitutions et leur application pratique. [] Sous l'influence de quels facteurs historiques, les textes constitutionnels ont été remaniés ou déviés soit par les révisions constitutionnelles, soit par la législation ordinaire, soit même par la non application de telle ou telle disposition constitutionnelle » (ibidem, p. VIII). 1767 Comme l'explique S. Pinon, « enchaîner ses positions aux fluctuations de l'histoire – tel que l'impose sa méthode " historico-empirique " – risquait d'entraîner de nombreux revirements ou pire, de conduire à une désaffection de la science constitutionnelle surtout dans le contexte incertain de l'entre-deux-guerres » (PINON, S., « Les idées constitutionnelles de Boris Mirkine-Guetzévitch », cit., p. 77). 1768 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Les méthodes d'étude du droit constitutionnel comparé », cit., p. 401. Par ailleurs, « ce revirement épistémologique, en un temps où la rivalité entre les deux disciplines – le droit constitutionnel et la science politique – est à son comble, ne pouvait évidemment favoriser la ception de ses idées par la doctrine constitutionnelle française » (PINON, S., « Boris Mirkine-Guetzévitch et la diffusion du droit constitutionnel », p. 194). 1769 PINON, S., « Les idées constitutionnelles de Boris Mirkine-Guetzévitch », p. 78 ; ID., « Boris MirkineGuetzévitch et la diffusion du droit constitutionnel », pp. 192-193. 1763 1764 352 faillite des textes », au point que « le juriste doit reconnaître que la construction constitutionnelle des nouveaux États de l'Europe Centrale et Orientale ne correspondait pas aux exigences sociales et politiques modernes »1770. Son scepticisme à l'égard de la capacité de ces constitutions de contenir l'action des autorités publiques est encore plus évidente lorsqu'il remarque les risques de l'établissement d'une juridiction constitutionnelle. Pour lui, ceux qui soutiennent cette institution « ne connaissent probablement pas assez la pratique du contrôle constitutionnel des lois ; s'ils connaissaient les résultats néfastes donnés par le veto judiciaire aux États-Unis, ils ne seraient pas aussi enthousiastes »1771. Il en est de même de la rationalisation du pouvoir en ce qui concerne le fonctionnement du régime parlementaire, comme on le verra plus loin1772. En somme, tant ses présupposés méthodologiques que le contexte politico-constitutionnel des années vingt et trente expliquent le changement qui s'opère chez Mirkine-Guetzévitch et qui affecte sa conception sur la nature et l'origine de la constitution : « les institutions et les lois ne sont jamais une simple application de doctrines. Toute Constitution est beaucoup plus une oeuvre de circonstances que de logique juridique. Les Constitutions sorties du cerveau des théoriciens sont rarement viables. Le plus souvent, une Constitution est le fruit de transactions, de compromis ; mais la transaction est le stade final de l'oeuvre constituante. Auparavant doit se produire un choc salutaire des attitudes, des opinions. [] Méfionsnous, en matière constitutionnelle, des formules, des dogmes, de la terminologie »1773. Un autre article publié en 1934 sur le même sujet de la révision de la constitution insiste sur le fait que « l'expérience des Constitutions très complètes et très savantes que les peuples de l'Europe centrale et orientale se sont données après la guerre, ne paraît pas très rassurante. La plupart de ces Constitutions sont, à l'heure actuelle, révisées, abolies ou ne présentent aucune réalité politique. En matière de droit constitutionnel, la base véritable du fonctionnement normal de la Constitution, c'est la confiance du peuple, c'est l'opinion publique. La croyance démesurée dans les bienfaits de Constitutions longues, savantes, contenant les institutions les plus approfondies, nous semble, à l'heure actuelle, sans fondement »1774. À partir de ces présupposés, Mirkine-Guetzévitch considère que pour ce qui est du problème de l'opportunité ou de la nécessité de la révision constitutionnelle en France, il n'y a rien de plus sûr, pour redresser le régime parlementaire, que « un Exécutif fort » : « Pour qu'il soit fort, il faut une majorité stable, et, pour obtenir cette majorité stable, il faut trouver des facteurs politiques favorables qui ne peuvent être inscrits ni dans les lois, ni dans la Constitution. Ces observations montrent plus explicitement que Mirkine-Guetzévitch « considère la norme constitutionnelle comme incapable d'encadrer les phénomènes du pouvoir et de s'imposer sur les aléas politiques. Cette recherche d'émancipation intellectuelle par rapport aux textes le conduit de plus en plus à inscrire dans son champ d'analyse des facteurs extrajuridiques : la pratique des institutions, l'histoire constitutionnelle, les idéologies politiques notamment. [] C'est la naissance du " second Mirkine " »1776. Même après la Deuxième Guerre mondiale il n'abandonne pas la conception empirique de constitution : « Quelques trente-cinq ans d'études politiques nous ont appris la relativité constitutionnelle. Les textes ne créent pas la démocratie : les hommes, les moeurs, les traditions, les partis sont les éléments les plus importants d'une constitution démocratique » ; ce qui importe c'est « les constitutions et les institutions non pas dans leur existence normative, logique, mais dans leur fonctionnement »1777. D. La garantie des droits et libertés et leur caractère social On a déjà indiqué que Mirkine-Guetzévitch a une conception finaliste du droit constitutionnel. Le but que celui-ci cherche à atteindre est la réalisation complète de la démocratie, à tel point que « la plupart de ces constitutions [celles promulguées après la Première Guerre mondiale] marquent le triomphe des principes démocratiques. Elles instituent immédiatement la république ou elles démocratisent certaines monarchies constitutionnelles »1778. Or, aux côtés de la démocratie l'auteur place la liberté de l'individu comme un autre objectif du droit constitutionnel ou, du moins, comme l'un de ses contenus essentiels. C'est de cela dont témoigne sa formule « technique de la liberté » pour le définir. Il considère ainsi que « la technique du droit constitutionnel est telle que le texte nel ne peut que sanctionner le principe général de la liberté individuelle »1779. Il est même permis de dire que dans le cas où se présente une éventuelle contradiction entre la garantie de la liberté individuelle et le principe démocratique, Mirkine-Guetzévitch semble se résoudre en faveur de la première. En effet, dans Les nouvelles tendances du droit constitutionnel il soutient que « les textes constitutionnels n'ont pas exprimé seulement le pouvoir du nombre, le pouvoir de la majorité ; [] on y voit apparaître non seulement la " démocratie de fait ", mais aussi la " démocratie de droit ", qui se traduit par la rationalisation juridique de la " volonté générale ", la " volonté du peuple " se justifiant non seulement parce qu'elle est la " volonté " de la majorité, mais aussi parce qu'elle s'insère dans des formes qui garantissent l'expression la plus raisonnable et la plus juste de Ibidem, p. 24. Pour J. Gicquel et L. Sfez, ce type de considérations justifie de classer MirkineGuetzévitch parmi les « antirévisionnistes » (GICQUEL, Jean, SFEZ, Lucien, Problèmes de la réforme de l'État en France depuis 1934, Paris, PUF, 1965, p. 8), dont la posture confrontait celle d'une partie importante de la classe politique qui durant les années vingt et trente a soutenu la nécessité d'une réforme des lois constitutionnelles de 1875 (voir supra pp. 224 et suiv.). 1776 PINON, S., « Les idées constitutionnelles de Boris Mirkine-Guetzévitch », cit., p. 79. Voir dans le même sens : GUILLÉN, G., op. cit., pp. 51-52. 1777 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., « Les problèmes constitutionnels », cit., p. 19. 1778 MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Les nouvelles tendances du droit constitutionnel, 1e éd., cit., p. 8-9. 1779 Ibidem, p. 34. 1775 354 cette " volonté ", rapprochant l'État libre de la véritable anthropocratie »1780. Plus encore, pour l'auteur d'origine ukrainienne ladite contradiction ne peut que difficilement se déclencher, « la rationalisation du pouvoir, historiquement, est liée à ce que la démocratie se propose l'homme pour fin. C'est la personnalité humaine qui est l'idée régulatrice de la rationalisation de l'État et du pouvoir. Quand il n'y a pas de similitude absolue entre le pouvoir et le droit, le principe de l'État de droit est violé, les droits de la personnalité humaine sont insuffisamment garantis. Au contraire, si l'identité est parfaite entre le pouvoir et le droit, le sens de l'État de droit réside précisément dans la garantie la plus complète des droits de l'individu »1781. C'est justement la question de la garantie des droits et libertés qui intéresse le plus Mirkine-Guetzévitch. Il admet qu'il y a plusieurs théories sur leur nature et origine – il mentionne « l'ancienne conception » des droits individuels, naturels, inaliénables, antérieurs à l'État, et la conception « objective » développée par la science juridique moderne1782. Il reconnaît également que leur proclamation dans les articles des constitutions est une expression notable de la tendance de rationalisation démocratique de la vie publique1783. Toutefois, pour lui le centre du problème des libertés se trouve dans leur garantie juridique face à l'action des autorités publiques qui, cherchant le respect de l'ordre public et la réalisation de la discipline sociale, les limitent inévitablement et restreignent leur exercice. Pour éviter que cette situation donne lieu à un pouvoir discrétionnaire, la restriction des libertés est encadrée juridiquement tant au point de vue matériel que dans la forme. Dans le premier cas, elle l'est « par l'impossibilité de recourir par exemple à l'esclavage, aux tortures, aux confiscations arbitraires », tandis que formellement elle l'est par la définition des institutions qui sont compétentes pour procéder de cette manière, c'est-à-dire « par le fait que la question ne relève plus de la compétence du pouvoir exécutif, qu'elle a été remise à d'autres organes et surtout qu'elle est l'objet d'une procédure spéciale »1784. Dans ce cas et suivant la doctrine de Gaston Jèze (1869-1953), Mirkine-Guetzévitch considère que la limitation des libertés individuelles au nom de l'ordre public est de la compétence exclusive du législateur au moyen des lois générales et impersonnelles. Il s'agit d'une garantie effective non pas parce que la loi exprime une supposée volonté générale, mais en raison de « la procédure même de la législation : les débats pleinement contradictoires et une large publicité C'est donc la procédure seule de la limitation discrétionnaire des libertés individuelles par voie législative qui est la garantie de ces libertés dans l'État moderne »1785. Cependant, cette garantie formelle n'est pas suffisante et les contenus substantiels des droits et libertés doivent être également protégés par les tribunaux à travers les recours juridictionnels, par exemple l'habeas corpus. Or, si le législateur limite les libertés individuelles, mais en promulguant une loi contraire aux principes proclamés par la Constitution, le contrôle judiciaire des lois se présente comme la seule garantie juridique effective. Mirkine-Guetzévitch signale que la tradition constitutionnelle française depuis la Ibidem, p. 9. MIRKINE-GUETZÉVITCH, B., Droit constitutionnel international, cit. p. 190. 1781 355 révolution de 1789 voyait les meilleures garanties face à cette menace dans la séparation des pouvoirs, dans le principe de la souveraineté du peuple, et surtout dans le principe de la légalité. « Mais le principe de la légalité – affirme l'auteur – ne peut pas être considéré comme l'unique garantie des libertés individuelles ; garantissant l'individu contre l'arbitraire du pouvoir exécutif, il laisse le citoyen sans défense devant l'arbitraire du législateur, capable de promulguer une loi contraire au principe de la liberté individuelle proclamé par la Constitution. Voilà pourquoi le contrôle de la constitutionnalité des lois est une garantie supplémentaire des libertés individuelles »1786. Plus encore, si le texte d'une constitution prévoit que les libertés individuelles peuvent être limitées par la loi, seul le contrôle de la constitutionnalité garantit que ces limitations essentielles des libertés ne finissent par éliminer dans la pratique le principe proclamé1787. Par ailleurs, Mirkine-Guetzévitch s'intéresse à évolution qui affecte directement la nature des droits et libertés. Il s'agit de l'introduction, à côté des libertés individuelles, des droits à caractère social qui répondent à des conditions différentes des premières : « En 1789 et 1793, on a inscrit ceux des Droits de l'Homme et du Citoyen qui correspondaient à l'époque. Évidemment aucun d'eux n'a vieilli, mais la liste elle-même est incomplète pour le XXe siècle : la vie actuelle exige non seulement la sauvegarde de tous les droits de la Déclaration de 1789, mais encore celle des nouveaux droits nés de l'évolution de la vie sociale. Et, à cet égard, les nouvelles constitutions européennes, se sont conformées à cette évolution »1788. En effet, l'auteur remarque que constitutionalistes de la période turbulente et conflictuelle de l'entre-deux guerre ont élaboré un nouveau droit qui s'accorde aux exigences des certaines groupes et intérêts dans la société et qui, surtout, correspond aux nouvelles nécessités de la vie sociale. Ce sont alors des conditions objectives – et non pas l'action de certain parti ou groupe politique – qui ont imposé cette transformation du contenu des droits1789, conditions qui sont habituellement synthétisées au moyen de l'expression de « question sociale »1790 et qui impliquent qu'il est de plus en plus difficile de distinguer entre l'individu politique et l'individu social. Tout cela mène à la transformation des présupposés conceptuels tant de la théorie générale de l'État que de la doctrine des droits individuels.
6,995
tel-04092110-Galvan_Laurie_th%C3%A8se_definitive.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Étude de l'implication potentielle des marqueurs du striatum dans la maladie de Huntington. Neurosciences. Université Paris Sud 11, 2011. Français. &#x27E8;NNT : 2011PA11T024&#x27E9;. &#x27E8;tel-04092110&#x27E9;
None
French
Spoken
7,075
12,233
Les récepteurs A2A en position post-synaptique sont liés à un phénomène protoxique dans la MH (Pour revue(Popoli et al., 2007)). Les souris transgéniques N17182Q, dont le gène pour les récepteurs A2A a été invalidé (HD A2A-/-), montrent une légère diminution de leur espérance de vie (-15%), de la taille du striatum (-7%) et une légère aggravation du déficit moteur (Mievis et al., 2011a). Les récepteurs A2A quelque soit leur expression (pré/post-synaptique) pourraient concourir à la toxicité induite par la htt-m dans la MH. VI.3 Le récepteur aux cannabinoïdes de type 1 (CB1) Le système endocannabinoïde (ligand, récepteur, enzyme de synthèse) est très exprimé dans différentes régions du cerveau contrôlant l’humeur, la mémoire, la cognition et la coordination motrice. On les retrouve présents dans les ganglions de la base. Le récepteur aux cannabinoïdes de type 1 (CB1) est le principal récepteur aux cannabinoïdes Les récepteurs CB1 sont particulièrement exprimés en position pré-synaptique des terminaisons des MSN du striatum (Mailleux and Vanderhaeghen, 1992) qui projettent au GP et à la SN. Les CB1 sont aussi présents sur les terminaisons pré-synaptiques des neurones de la voie cortico-striatale. Les récepteurs CB1 modulent la transmission des ganglions de la base en agissant sur la transmission glutamatergique, GABAergique et dopaminergique. Les animaux modèles de la MH (R6/1, R6/2 et HD94), en absence de perte cellulaire et à des étapes pré-symptomatiques de la pathologie, présentent une perte de l’expression des récepteurs CB1 et une perte de fonction des récepteurs restants. Ces phénomènes ont aussi été observés dans des échantillons post-mortem de patients à des stades précoces de la maladie (Glass et al., 2000). L’administration d’agonistes des récepteurs CB1 in vitro induit une protection vis-à-vis des effets toxiques de la htt-m (Scotter et al., 2010). Les souris transgéniques HD CB1-/- issue la lignée des souris N171-82Q dont le gène pour les récepteurs CB1 a été invalidé présentent une aggravation du phénotype moteur sans modification anatomique (Mievis et al., 2011b). Une intoxication chronique au 3NP chez les souris HD CB1-/résulte d’une augmentation de la taille de la lésion et de la vérité du déficit moteur indépendamment d’une modification différentielle de la SDH (Mievis et al., 2011b). Ces événements précoces dans le développement de la pathologie et en amont de la perte neuronale participeraient à la vulnérabilité des ganglions de la base et plus particulièrement du striatum (Pour revue (Fernandez-Ruiz, 2009). VI.4 Ras homolog enriched in striatum (Rhes) Ras homolog enriched in striatum (Rhes) est une petite protéine G enrichie dans le striatum (Vargiu et al., 2001). Elle est ancrée à la membrane plasmique par 69 farnésylation. Rhes serait localisée au niveau du réticulum endoplasmique (RE) (Subramaniam et al., 2010). Rhes est un partenaire protéique de la htt. Son affinité pour la htt-m est plus forte que pour la htt sauvage. La surexpression de Rhes diminue le nombre d’agrégats, augmente la quantité de htt-m soluble et la mort cellulaire. Cette toxicité est due à l’activité E3 ligase de Rhes qui est capable d’induire la SUMOylation de la htt-m et ainsi d’en diminuer sa dégradation (Subramaniam et al., 2009). Rhes interagit avec la protéine de l'autophagie, mTOR (Subramaniam et al., 2010). Rhes pourrait être capable de moduler la signalisation dopaminergique (Errico et al., 2008). En effet, il semblerait qu’elle puisse exacerber les effets des agonistes sur les récepteurs D1 en agissant avec AGS1/Dexras1 sur l'AMPc (Harrison and He, 2010). Rhes serait un facteur pro-toxique pour le striatum dans la MH (pour revue Galvan et al; 2010, AnnexeIII). VII. Objectifs des études Bien que l’expression de la htt-m soit ubiquitaire, le striatum est la première zone affectée dans la MH. L’expression d’un pattern de gènes qui lui est propre pourrait être à l’origine de sa vulnérabilité vis à-vis de la htt-m. L’identification de ces "marqueurs" du striatum, c'est-à-dire des gènes sélectivement exprimés dans la structure, a été le premier pas pour bien cerner la physiologie du striatum en condition pathologique. Une étude génomique des différentes régions du cerveau de souris, et validée chez l’homme, a permis d’établir une librairie de gènes particulièrement exprimés dans chaque région par la méthode de Serial Analysis Gene Expression (SAGE) (AnnexeIV). SAGE permet le séquençage de la signature de chaque ARN messager (ARNm) avec une queue de polyadénylation (polyA) et ainsi d’en déterminer son abondance. SAGE est une méthode semi-quantitative, le nombre de fois où la signature de l’ARNm est séquencée dans une région est représentatif de sa « densité » tissulaire. Dans les études sur lesquelles nous nous sommes basés pour ce travail, un gène est considéré comme un « marqueur » d’une région si son expression en SAGE dans cette région est au moins cinq fois plus importante que dans six autres régions du cerveau (de Chaldee et al., 2003; Brochier et al., 2008). La librairie du striatum comprend une centaine de marqueurs parmi lesquels nous en avons sélectionné cinq (Table 3) : 2010001M06rik (St102), μ Crystallin (Crym), Coupled receptor 88 protein (Gpr88), Tmem90a (Capucine) et Dclk3 (de Chaldee et al., 2003; Brochier et al., 2008). Ces cinq transcrits ont un enrichissement striatal (noyau caudé / putamen) conservé chez l’homme. La nature des protéines codées par ces gènes est à inclure comme paramètre du crible afin d’explorer plusieurs fonctions biologiques, et composants cellulaires. Leur fonction de ces transcrits n'est pas à ce jour connue. De plus, leur expression est fortement diminuée dans les modèles de la MH et/ou chez les patients. 71 Table 3 : Quantification de l’abondance des transcrits enrichis dans le striatum dans le cerveau de souris. Dans chaque colonne se trouve le nombre de fois où l’étiquette (TAG) du transcrit a été détectée dans la région d’intérêt par la méthode SAGE. DARPP-32, Penk1 et D2R ont été insérés pour relativiser le niveau d’expression (D’après (Brochier et al., 2008)). 72 VII.1 St102 (2010001M06rik ou Wbscr26) St102 possède une séquence d'ADN pour laquelle on ne peut pas différencier les introns des exons. Les différentes prédictions de traduction suggèrent que St102 est un ARN non codant. St102 dispose d’une queue de polyadénylation indiquant que c’est un ARN mature. Sa fonction est inconnue. Le gène de St102 se localise dans la région chromosomale 7q11 (Micale et al., 2008). La délétion de cette région est responsable d’une maladie du développement, la maladie de Williams-Beuren. Du fait que St102 soit positionnée aux abords d’une région chromosomique instable, il n’est pas exclu qu’elle puisse être impliquée dans cette pathologie (Micale et al., 2008). St102 est sélectivement exprimée dans le striatum (de Chaldee et al., 2003). Son expression est fortement diminuée (-70%) dans le striatum de souris R6/2 (Brochier et al., 2008). VII.2 Crystalline μ (Crym) Crym est une protéine cytosolique qui se lie à une hormone thyroïdienne, la 3, 5, 3’-triiodo-L-thyronine (T3) de manière dépendante du NADPH. La Crym se dimérise afin de pouvoir fixer deux molécules de NADPH qui permettent l’ouverture du site de capture de la T3 (Suzuki et al., 2007). L’expression stable de la Crym dans une lignée de cellule dérivée de la glande pituitaire (GH3) montre qu’elle permet à la fois d'augmenter de l’influx de la T3 dans les cellules et de diminuer son efflux. La Crym faciliterait donc l’entrée et le transit cytoplasmique de la T3 jusqu’au noyau où la T3 peut agir comme facteur de transactivation. Les souris KO pour la Crym ne présentent pas de modifications significatives de la gestion de la T3 (Suzuki et al., 2007). Les mutations de la Crym, que l’on retrouve chez l’homme, ont pour conséquence une surdité non syndromique (Abe et al., 2003; Oshima et al., 2006). Il s‘avère que la Crym est très exprimée dans les fibroblastes de l’oreille interne (Abe et al., 2003; Oshima et al., 2006). Dans le cerveau de rat adulte, Crym est particulièrement exprimée dans le noyau accumbens et le striatum alors que son expression dans la glande pituitaire est modérée (de chaldée 2003). Le noyau accumbens est aussi désigné sous le terme de «striatum ventral ». Il fait partie du système de récompense impliquée notamment dans l’addiction aux drogues. 73 Crym est une protéine du cristallin, son expression a donc aussi été vérifiée dans la rétine. Son expression dans la rétine est sélective aux cellules en bâtons du segment externe (Segovia et al., 1997). Crym pourrait être impliquée dans la dégénérescence maculaire chez le primate non humain (Umeda et al., 2005). Il semble cohérent que les fonctions régulées par le NADPH et /ou par la T3 soient affectées par une modification de l’expression de Crym. Le transcrit de Crym est fortement diminuée dans les échantillons de thalamus provenant de patients schizophrènes (Martins-De-Souza et al., 2010). L’expression de la Crym dans les thalamus médiodorsal de patients schizophrènes est négativement corrélée à la durée des traitements médicamenteux et à l’évolution de la maladie. L’expression de Crym est aussi diminuée de 50% dans les souris R6/2 (Brochier et al., 2008) et chez les patients atteints de la MH (Hodges et al., 2006). VII.3 G coupled receptor 88 protein (Gpr88) Gpr88 est un récepteur à sept domaines transmembranaires couplé à la protéine G (GPCR). Son ligand est inconnu. Gpr88 est sélectivement exprimé dans le striatum (Mizushima et al., 2000; de Chaldee et al., 2003; Lein et al., 2007; Mazarei et al., 2009). La protéine Gpr88 s’exprime suivant un gradient débutant en position dorsolatérale jusqu’en position ventromédiane (Massart et al., 2009). Gpr88 est très fortement exprimé dans les neurones et plus particulièrement dans les MSN exprimant l'enképhaline et la substance P (Cahoy et al., 2008; Massart et al., 2009) et sublocalisé dans les compartiments somatodendritiques (Massart et al., 2009). Il existe une relation fonctionnelle entre Gpr88 et la voie dopaminergique. La lésion unilatérale des neurones dopaminergiques par la 6-OHDA induit une diminution d’expression de Gpr88 dans les MSN exprimant l’ENK et une augmentation dans les MSN exprimant la SP. L’utilisation d’agonistes des récepteurs D1 et D2 conduit à la modification d’expression de Gpr88 ce qui la à penser que la régulation génique de Gpr88 soit sous le contrôle du système (Massart et al., 2009). Les souris KO pour Gpr88 présentent une plus grande sensibilité suite à une activation pharmacologique activant la voie dopaminergique. Ceci serait possiblement dû à une hypersensibilité des récepteurs post-synaptiques D2 (Logue et al., 2009). L’expression de Gpr88 est diminuée dans les souris R6/1 modèle de la MH (Desplats et al., 2006) et chez les patients de la MH (Hodges et al., 2006). 74 VII.4 Capucine (Tmem90a) Capucine est une protéine de 237 acides aminés de fonction inconnue. Elle possède 2 domaines transmembranaires. Capucine est très enrichie dans le striatum de souris et de l'homme (de Chaldee et al., 2003; Mazarei et al., 2009). Sa localisation est cis - golgienne (de Chaldee et al., 2006). Sa fonction est inconnue. L'expression de Capucine est fortement diminuée dans les cultures de neurones exprimant la htt-m (de Chaldee et al., 2006) et dans les modèles transgéniques de la MH : R6/1 (Desplats et al., 2006)et R6/2 (de Chaldee et al., 2006). VII.5 Double Cortin Like Kinase 3 (Dclk3) Dclk3 fait partie de la famille des “Double Cortin Like Kinase” (Ohmae et al., 2006). Les membres de cette famille (Dclk1, 2 et 3) expriment avec plus ou moins d’homologie de séquence, deux domaines spécifiques. 1) Un domaine « Double Cortin » (DC) dans leur partie N-terminale qui leur permettrait leur accrochage aux microtubules. 2) Un domaine kinase dans leur partie C-terminale similaire à la Ca2+/calmodulin kinase I/IV (CaMK I/IV). Dclk3 a la plus faible homologie pour le domaine DC. Dclk3 est une protéine de fonction inconnue. Dclk3 est préférentiellement exprimée dans le striatum (de Chaldee et al., 2003; Lein et al., 2007) La déafférentation dopaminergique le MPTP chez les souris conduit à une induction de son expression (Brochier et al., 2008). Son expression a tendance à être diminuée dans les souris R6/2 (Brochier et al., 2008). VII.6 Paradigme expérimental BACHD L'expression des ARNm des marqueurs striataux choisis a été vérifiée par qPCR chez des souris BACHD âgées de 6 mois. L'expression d’autres marqueurs striataux tels que la préproenképhaline (penk1) est fortement réprimée alors que celle de la « Purkinje cell protein 4 » (Pcp4) n'est pas modifiée. L'expression des marqueurs choisis est significativement diminuée (résultats non publiés) à l'exception de Dclk3 et St102 dès 6 mois (Figure 15). 75 Figure 15: Diminution des transcrits des marqueurs sélectionnés dans le striatum de souris BACHD âgées de 6 mois. L'expression des marqueurs dans les BACHD (n=5) est exprimée en pourcentage de leur niveau expression dans le striatum de souris non transgéniques témoins du même âge (n=5). Des marqueurs connus du striatum comme DARPP-32 et Penk-1 sont réprimés tandis que Pcp4 n'est pas modifié. Gpr88, Crym et Capucine sont significativement diminués. Dclk3 et St102 ont tendance à être réprimés. * Student t test, P<0.005. Marqueur du striatum adulte Les transcrits de Capucin, Crym, Dclk3, Gpr88 et St102 ont été identifiés dans le striatum adulte de souris. Nous avons vérifié leur expression dans les neurones du striatum en culture issus d’embryons de rat (E14.5). Ces gènes n’ont pas été détectés dans les extraits de neurones issus de culture de DIV 7 à DIV 28 (résultats non montrés). Le traitement des cultures par des facteurs de différenciation neuronale tels que BDNF (50ng/ml), IGF-1 (50ng/ml) et CNTF (50ng/ml) n’a pas permis d’induire l’expression des marqueurs évaluée par qPCR. Ces gènes pourraient n’être exprimés que dans le striatum en développement ou adulte. Nous avons étudié l’expression des marqueurs choisis dans le striatum de rat Wistar de la naissance (P1) au jeune adulte (P35) en PCRq (résultats obtenus en Master). Les décours temporels montrent que l’expression des marqueurs à l’exception de St102, augmente in vivo, après la naissance pour atteindre un maximum à l’âge adulte. St102 est détectable dès P1. Son induction semble se situer entre E14.5 et P1 76 (Figure16). L’ensemble des marqueurs présente un pic d’expression à P28 qui se situe dans la période du sevrage. Figure 16 : Décours d’expression temporel des ARNm des marqueurs du striatum in vivo chez le rat. Les extraits de striatum des ratons de P0 (jour de la naissance) à P35 (J35) ont été analysés par PCR quantitative en temps réel. Les résultats sont exprimés en fonction de l’âge des animaux (en jour) et du facteur d’induction (%). Le facteur d’induction est le pourcentage d’augmentation d’expression d’un gène normalisé par PPIA (peptidylprolyl isomerase A) dans une par rapport à son taux d’expression contrôle chez l’adulte P35 (100%). Suite à ces observations, nous avons privilégié l'étude des cinq marqueurs du striatum dans le contexte de la MH chez l’animal adulte. Modèle lentiviral de la MH Les marqueurs ont été clonés et insérés dans des vecteurs lentiviraux sous promoteur PGK afin d’être surexprimés. Des shRNA dirigés contre chaque marqueur ont été conçus et insérés dans des vecteurs lentiviraux sous le promoteur PGK (Annexe V). L’efficacité et la validité de ces constructions ont été testées et validées in vivo. Le vecteur témoin pour les expériences de surexpression est le vecteur codant pour la β galactosidase (LV-LacZ) et celui pour les expériences d’invalidation est le vecteur codant pour le shRNA dirigée contre la luciférase (LV-shLuc), une protéine non exprimée chez les mammifères. Nous avons injecté par stéréotaxie 77 dans le striatum de souris C57Bl6 des combinaisons de vecteurs suivant le protocole expérimental décrit en Figure17. La toxicité intrinsèque des vecteurs lentiviraux codant les protéines étudiées (Crym, St102, Dclk3, Capucine et Gpr88) ou les shRNA correspondant a été étudiée après l’injection des différents vecteurs (100ng de P24/μL). Les effets modificateurs de ces protéines vis-à-vis de la toxicité de la httm ont été évalués en les injectant avec le LV-Htt171-82Q (Htt82Q). Les vecteurs permettant la surexpression ou l'invalidation de ces marqueurs ont été comparés aux effets du vecteur contrôle codant soit la β galactosidase (LacZ) (témoin de surexpression) soit le shRNA contre la luciférase (Luc) (témoin d’invalidation). Figure 17 : Protocole expérimental du modèle lentiviral de la MH. Un délai de six semaines post infection a été respecté afin de permettre une bonne expression des transgènes. Dans tous les cas, les quantités totales de particules virales sont similaires (total de 250ng de 24/μL, 2μL). À l' issue des semaines, les cerveaux ont été analysés par histochimie de la COX et en ICH pour NeuN, 78 DARPP-32 et ubiquitine. ARTIC 80 In vivo assessment of Capucin as a potential modifier of mutant Huntingtin toxicity Laurie Galvan1,2, Naďa Lepejová3, Marie-Claude Gaillard1,2, Carole Malgorn1,2, Martine Guillermier1,2, Diane Houitte1,2, Fanny Petit1,2, Noëlle Dufour1,2, Patrick Héry3, Matthieu Gérard3, Jean-Marc Elalouf3, Nicole Déglon1,2, Emmanuel Brouillet1,2 and Michel de Chaldée 3 1 CEA, DSV, I2BM, Molecular Imaging Research Center (MIRCen), F-92265 Fontenay-aux-Roses, France 2CNRS CEA URA 2210, F-92265 Fontenay-aux-Roses, France 3 CEA, iBiTecS, Service de Biologie Intégrative et Génétique Moléculaire (SBIGeM), F-91191 Gif-sur- Yvette Cedex, France Correspondence should be addressed to E.B. ([email protected]) or M.d.C. ([email protected]). E.B. and M.d.C. were co-PIs for this work. Correspondence: Emmanuel Brouillet, URA CEA-CNRS 2210, MIRCen, I2BM, CEA, 18 route du Panorama, BP 6, 92265 Fontenay-aux-Roses, France. Telephone: +33 1 4654 9622. Fax: +33 1 4654 9116. E-mail: [email protected]; Michel de Chaldée, iBiTecS, SBIGeM, Bâtiment 144, CEA Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex, France. Telephone: +33 1 6908 8865. Fax: +33 1 6908 4712. E-mail: [email protected] Huntington’s disease (HD) is caused by a mutation in the ubiquitously expressed Huntingtin gene. The mechanisms underlying the preferential vulnerability of striatal neurons to mutant Huntingtin (mHtt) are unknown. One hypothesis is that genes selectively expressed in the striatum may be involved. We have previously shown that the expression of the Capucin (or Tmem90a) gene, which encodes a protein of unknown function, is enriched in the striatum and downregulated in HD models. Here, we investigated whether perturbations of Capucin expression in the mouse striatum could modify the neurotoxicity induced by intrastriatal injection of a lentiviral vector encoding a short N-terminal fragment of mHtt. To this end, we engineered a Capucin knockout mouse line and developed a lentiviral vector for the intrastriatal shRNAmediated knockdown of Capucin expression. Constitutive Capucin deficiency in knockout mice did not induce major anatomical abnormalities in the striatum or significantly modify the toxicity of the mHtt fragment in vivo. In contrast, shRNAknockdown of Capucin expression in the adult wild-type striatum significantly enhanced vulnerability to the mHtt fragment. Lentiviral expression of recombinant Capucin in the adult wild-type striatum had no marked effects. These results that striatal expression levels of Capucin have a limited impact on mHtt toxicity. Keywords : Huntington 's neuro de generation , disease, basal lentiviral ganglia, vector, 82 Capu cin, striatal KO marker, mice. INTRODUCTION Huntington's disease (HD) is a fatal neurodegenerative disorder with no effective treatment. It is caused by the expansion of a polyglutamine-encoding CAG repeat in the Huntingtin (Htt) gene (The Huntington's Disease Collaborative Research Group, 1993). Polyglutamine expansion confers toxicity on Htt, leading to a severe disturbance of major cellular functions, including transcription, protein degradation, mitochondrial energy production, calcium homeostasis and neurotransmission (Gil and Rego, 2008). The resulting mutant Huntingtin (mHtt) can aggregate, forming Ubiquitin-positive intranuclear inclusions in affected neurons (Difiglia et al.,1997). Although mHtt is ubiquitously expressed in the brain, the most prominent neuronal loss occurs in the striatum, a structure that plays a key role in movement initiation and cognitive functions (Vonsattel et al.,1985). This particular vulnerability may be conferred by factors that are enriched in the striatum, such as the GTP-binding protein Rhes, which has been shown to bind to mHtt and promote its cytotoxicity (Subramamiam et al., 2009), and D2 dopamine receptors, whose stimulation has been reported to increase neuronal sensitivity to mHtt by downregulating mitochondrial complex II expression (Charvin et al., 2005; Benchoua et al., 2008). Other factors that are enriched in the striatum may also modulate the sensitivity of striatal neurons to mHtt and thereby provide novel perspectives for HD therapy. Recently, we compared the transcriptomes of 11 regions of the mouse brain and found ~100 genes that are preferentially expressed in the striatum (Brochier et al., 2008). Among them, the expression of the Capucin gene (also referred to as Tmem90a) is highly enriched in the striatum. Capucin is a 237amino-acid protein of unknown function, with no recognizable motif other than two predicted carboxyterminal transmembrane domains. The heterologous expression of the tagged protein in cultured cells indicates a cis-Golgi localization, irrespective of the cell line, the tag or its position relative to the protein. Notably, lower Capucin mRNA levels have been detected in the R6/2 transgenic mouse model of HD and in primary cultures of rat striatal neurons expressing a mutant fragment of human Htt than in the corresponding controls (de Chaldée et al., 2006). The same observation has been 83 made in the R6/1 transgenic mouse model (Desplats et al., 2006), suggesting a possible contribution of Capucin downregulation to the pathogenesis of HD. In the present study, we examined whether perturbations in Capucin expression could modify striatal vulnerability to mHtt in mice. For this purpose, we used a model of mHtt toxicity originally developed in rats (de Almeida et al., 2002), in which a lentiviral vector encoding a short N-terminal fragment of human Htt containing either 82 (mutant) or 18 (wild-type) glutamine residues is injected into the striatum of mice (Faideau et al., 2010). Different approaches were used to disturb Capucin expression: knockout in mice, lentivirus-mediated intrastriatal shRNAknockdown and lentivirus-mediated intrastriatal expression. To achieve a Capucin knockout, we engineered a novel mouse line that is described in the present paper. For each approach, striatal vulnerability was assessed by histological evaluation: both the volume of the lesion induced by the mHtt fragment and the density of Ubiquitin-positive inclusions were quantified. 84 MATERIALS AND METHODS Animals Adult male C57BL/6J mice (25 g each; Charles River, Saint-Germain-sur-l’Arbresle, France) and adult male Capucin knockout mice (generated as described below) were used for lentiviral infections. Animals were housed in a temperature-controlled room maintained on a 12 hr light/dark cycle. Food and water were available ad libitum. All experiments on mice were supervised by an investigator licensed by the Ministère de l’Agriculture, in conformity with French regulations and in strict accordance with the recommendations of the European Commission (86/609/EEC) concerning the care and use of laboratory animals. Generation and genotyping of Capucin knockout mice A 2,820-bp-long genomic fragment (nucleotides 86,018,915 to 86,021,734 on mouse chromosome 12) encompassing the entire Capucin coding region was replaced by a cassette containing the beta-galactosidase reporter gene (Fig. 1a) through homologous recombination in AT1 ES cells (Buchou et al., 2003), according to established procedures (Tessarollo et al., 2001). Homozygous knockout mice and wild-type littermates were obtained on a mixed (25 % 129, 75 % C57BL/6N) background. Expression of the reporter gene was visualized by X-Gal staining according to standard protocols. For genotyping, we developed a fast and convenient multiplex PCR assay using three primers (forward: 5’ CCTGCCTGCGGAACCAT 3’; knockout reverse: 5’ TGGGTAACGCCAGGGTTTT 3’; wild-type reverse: 5’ GGCAGCAGTGGGTTCTGT 3’) and two TaqMan probes (Life Technologies, Carlsbad, CA) labeled with distinct ATCCCGTCGTTTTACAACG-MGBNFQ; dyes wild-type (knockout probe: probe: VIC6FAM- AGAGCCTGAGTGAAC-MGBNFQ). Amplification occurs from the forward and knockout reverse primers for the knockout allele, and from the forward and wild-type reverse primers for the wild-type allele, yielding, respectively, a 68-bp-long product detected by the knockout probe and a 53-bp-long product detected by the wild-type 85 probe. PCR was performed in a volume of 20 μl containing 1 x TaqMan Universal PCR Master Mix (Life Technologies), 500 nM forward primer, 400 nM knockout reverse primer, 400 nM wild-type reverse primer, 200 nM knockout probe, 200 nM wild-type probe and 30-40 ng of tail genomic DNA. Fluorescence was directly detected by an ABI prism 7300 or 7000 thermal cycler (Life Technologies) programmed for an initial incubation at 50 °C for 2 min, followed by 95 °C for 10 min, and 35 amplification cycles (95 °C for 15 sec; 60 °C for 1 min). Each individual was genotyped in duplicate. Lentiviral vector construction, production and infection DNA sequences coding for GFP and for C-terminal HA-tagged mouse Capucin were cloned into the SIN-W-PGK lentiviral vector (de Almeida et al., 2002) to generate LVGFP and LV-Capucin-HA, respectively. A Capucin-directed shRNA (target sequence: 5’ GAGAGCCTGAGTGAACTA 3’) and a Luciferase-targeted shRNA (target sequence: 5’ CGTACGCGGAATACTTCGA 3’) were cloned into a bicistronic lentiviral vector (Drouet et al., 2009), in such a way that the infected cells expressed the reporter protein GFP. The resulting constructs were designated as LV-CapucinshRNA and LV-Luc-shRNA, respectively. LV-Htt171-82Q, LV-Htt171-18Q (Faideau et al., 2010) and the lentiviral vector expressing beta-galactosidase (LV-βgal) (Diguet et al., 2009) have been described previously. Viral particles were produced as described elsewhere (Hottinger et al., 2000). The particle content of the viral batches was determined by ELISA for the p24 antigen (Gentaur, Paris, France). LV-Htt17182Q and LV-Htt171-18Q were used at a concentration of 150 ng/μl of p24, LVCapucin-HA, LV-Capucin-shRNA, LV-Luc-shRNA and LV-βgal at a concentration of 100 ng/μl of p24, and LV-GFP at a concentration of 50 ng/μl of p24. A total volume of 2 μl of lentiviral suspension was injected into the mouse striatum as previously reported (Faideau et al., 2010), using the following stereotaxic coordinates: 1.0 mm anterior and 2.0 mm lateral to the bregma, at a depth of 2.7 mm from the dura, with the tooth bar set at 0.0 mm. 86 Histological analyses After deep anesthesia by intraperitoneal injection of a sodium pentobarbital solution (50 μg per gram of body weight), mice were transcardially perfused with 100 ml of phosphate buffer containing 4 % paraformaldehyde at 8 ml/min. The brains were removed, post-fixed overnight in the same solution, then cryoprotected by immersion in a 15 % sucrose solution for 24 hours followed by immersion in a 30 % sucrose solution for another 24 hours. Free-floating 30-μm-thick serial coronal sections throughout the striatum were collected using a freezing sliding microtome (SM2400; Leica Microsystems, Wetzlar, Germany). For immunohistochemistry, sections were treated with 0.3 % hydrogen peroxide for one hour, washed three times in phosphate-buffered saline (PBS), blocked in PBS containing 4.5 % normal goat serum for one hour, then incubated overnight at 4°C in PBS containing 3 % normal goat serum and one of the following antibodies: rabbit anti-DARPP-32 (Santa Cruz Biotechnology, Santa Cruz, CA; 1:1000), mouse anti-NeuN (Millipore, Molsheim, France; 1:200), rabbit anti-Ubiquitin (Wako Chemicals, Neuss, Germany; 1:1000), or mouse anti-HA (Covance, Princeton, NJ; 1:500). Sections were rinsed three times in PBS before incubation with the appropriate anti-IgG biotinylated antibody (Vector Laboratories, Burlingame, CA) at a 1:5000 dilution for one hour. Staining was visualized by the addition of avidinbiotinylated peroxidase (Vector Laboratories) and incubation with DAB or VIP substrate (Vector Laboratories) for one minute. For NeuN immunostaining, we used the M.O.M. immunodetection kit (Vector Laboratories). Stained sections were mounted on microscopic slides. The area of the striatal lesions resulting from LV-Htt171-82Q infection was delineated manually by identifying the border of the lesion on each coronal brain section. The corresponding surface was calculated using the MCID image analysis software (InterFocus Imaging, Cambridge, UK). The volume of the striatal lesion was determined using the Cavalieri method (Diguet et al., 2009). The number of Ubiquitinpositive inclusions was quantified as previously described (Diguet et al., 2009) with the following modifications: the inter-section distance was 210 μm (i.e. one in every seven sections was used) and observations were performed using a 10X objective on 87 an Axioplan 2 Imaging microscope (Carl Zeiss, Le Pecq, France). With this set-up, objects with an apparent cross-sectional area of over 5 μm2 could be reliably detected. For GFP fluorescence analysis, equidistant 30-μm-thick coronal brain sections (intersection distance: 210 μm) were randomly sampled throughout the striatum. Observations were performed using a 10X objective on a motorized Axioplan 2 Imaging microscope (Carl Zeiss) equipped with an X-Cite 120PC Q fluorescence excitation system (Lumen Dynamics, Mississauga, Canada) allowing controlled excitation intensity and homogeneity throughout the field of view. Images were automatically acquired and analyzed using Fluo’Up and Mercator softwares (Explora Nova, La Rochelle, France). Care was taken to optimize image acquisition and avoid image saturation. On each section, the fluorescence level of each LV-GFP-infected striatum was determined by subtracting the background fluorescence level measured outside the infection site from the mean fluorescence level within the infected area. A mean fluorescence level was then calculated across sections for each striatum. qRT-PCR and Northern blot analysis Adult mice were deeply anesthetized by intraperitoneal injection of a sodium pentobarbital solution (50 μg per gram of body weight) before decapitation. The brains were immediately removed and positioned in a coronal brain matrix (Ted Pella, Redding, CA). For Capucin mRNA level measurements in knockdown experiments, 1-mm-thick brain sections were examined under a fluorescence microscope (DM6000 M; Leica Microsystems) and the striatal area expressing the GFP reporter protein was sampled using a 1.5-mm-diameter punch (Ted Pella). For the quantification of Tmem90b mRNA levels in knockout mice, the striatum was dissected out using a scalpel from 1-mm-thick brain sections. Total RNA extraction and qRT-PCR were carried out according to standard procedures, using the primers 5’ GAGGAGGAGAGCGATGGG 3’ Capucin, and and 5’ CAGGGTGAGGAAGGCGTC 3’ 5’ GTTGCCCTCATTGCCTACCT 3’ for and 5’ TGTCTCTTCTCTGCCCTCGTACA 3’ for Tmem90b. For Northern blot analysis, a 5-mm-thick block containing the entire striatum (between grooves 3 and 8 of the matrix, groove 1 being the most anterior (Brochier et al., 2008) was removed from 88 each brain and processed for mRNA extraction. Twenty-five-microgram total RNA samples were denatured in a glyoxal-dimethylsulfoxide solution, electrophoresed on a 1 % agarose gel, and then transferred onto a Hybond-XL nylon membrane (GE Healthcare, Little Chalfont, UK). Hybridization was carried out at 65°C in Rapid-Hyb buffer (GE Healthcare) using an [α-32P]dCTP random prime-labeled (Prime-It II; Agilent Technologies, Santa Clara, CA) 706-bp-long Nco I fragment of the Capucin transcribed DNA sequence as a probe (Fig. 1 ). An [α-32P]dCTP random primelabeled 554-bp-long Nco I fragment of the striatally enriched Phactr1 transcribed DNA sequence (de Chaldée et al.,2006, Allen et al.,2004) was used to control for RNA input. RESULTS Development of a Capucin knockout mouse line To create a new resource for studying Capucin function, we developed a Capucin knockout mouse line. Homozygous knockout mice were obtained at a similar ratio to homozygous wild-type littermates (of the 715 mice genotyped so far 159 were homozygous knockout mice, 171 were homozygous wild-type mice and 385 were heterozygous mice). Knockout mice are apparently healthy and their behavior is normal at the gross level. Both males and females are fertile. The brain shows no overt anatomical abnormalities. In particular, morphometric analysis indicates a striatal volume similar to that of wild-type littermates (6.152 ± 0.310 mm3 in knockout mice, 6.413 ± 0.334 mm3 in wild-type littermates; n = 10 knockout and 10 wild-type adult mice). Knockout mice lack the entire coding region of the Capucin gene (Fig. 1a). The absence of transcripts containing even a part of the Capucin coding region in the striatum of knockout mice was confirmed by Northern blot analysis using the coding sequence as a probe (Fig. 1b). To assess whether the lack of a conspicuous phenotype could be attributable to sequence redundancy, we measured striatal mRNA levels of Tmem90b, the closest paralog of Capucin (45 % amino-acid identity) (de Chaldée et al., 2006), using real-time quantitative RT-PCR (qRT-PCR). No significant difference was observed between genotypes (Tmem90b mRNA levels in Capucin-knockout striata were 88.1 ± 10.7 % of those in wild-type samples; P = 0.209, unpaired Student’s t-test, n = 7 knockout and 7 wild-type mice), arguing against functional compensation of Capucin deficiency by Tmem90b overexpression. We took advantage of the beta-galactosidase gene to investigate the spatiotemporal pattern of expression driven by the Capucin gene promoter. As expected, X-Gal staining was intense in the striatum of adult knockout animals (Fig. 1c). During development, X-Gal staining was first observed in the medulla oblongata of 15.5 dpc (days post-coitum) embryos, and in the olfactory bulbs and discrete regions of the diencephalon, mesencephalon and rhombencephalon of 16.5 dpc embryos, predicting Capucin gene expression in nuclei of the adult thalamus, midbrain and hindbrain, in particular in the trigeminal, facial and hypoglossal nuclei (de Chaldée et al., 2006; Lein et al.,2007). Staining in the striatum was first clearly 90 detected five days after birth. We also examined adult peripheral tissues and observed stained patches in the pancreas. We therefore measured serum concentrations of glucose in adult knockout mice (n = 22) and wild-type littermates (n = 24) after a six-hour fast but found no difference between genotypes (1.38 ± 0.09 g/l in knockout mice, 1.41 ± 0.10 g/l in wild-type littermates), arguing against a major role of Capucin in the endocrine function of the pancreas. Effect of Capucin knockout on striatal vulnerability to a mutant Htt fragment in vivo Adult Capucin knockout mice and wild-type littermates were intrastriatally injected with a mixed suspension of lentiviral vectors encoding a wild-type or mutant Htt fragment (LV-Htt171-18Q or LV-Htt171-82Q, respectively) and green fluorescent protein (GFP; LV-GFP). GFP fluorescence was used to monitor neuronal survival, as loss of fluorescence has been shown to be correlated with neuronal death (Arrasate and Finkbeiner, 2005). Histological evaluation was performed six weeks postinfection. At this time point, GFP fluorescence was much fainter in LV-Htt171-82Qthan in LV-Htt171-18Q-infected striata (Fig. 2a), consistent with the expected toxicity of the mHtt fragment. Immunostaining for DARPP-32, a well-known marker of striatal neurons, and for NeuN, a widely used neuronal marker, revealed the presence of a lesion around the injection site in LV-Htt171-82Q- but not in LV-Htt171-18Q-infected striata (Figs. 2b,c; 4a,b and 5b,c). Brain sections were also examined for Ubiquitinpositive inclusions. They were detected in LV-Htt171-82Q- but not in LV-Htt171-18Qinfected striata (Figs. 2d, 4c and 5d). Comparison between knockout and wild-type LV-Htt171-82Q-infected striata indicated a trend towards a more severe loss of fluorescence in knockout striata, although this difference did not reach statistical significance (Fig. 2a). In line with this observation, the lesion volume, as determined by DARPP-32 (Fig. 2b) and NeuN (Fig. 2c) immunostaining, was not significantly different between knockout and wildtype striata. No significant difference in the density of Ubiquitin-positive inclusions was detected between genotypes (Fig. 2d). To test whether the re-expression of Capucin in knockout striata could modify vulnerability to mHtt, we injected a mixed suspension of LV-Htt171-82Q and a lentiviral vector encoding hemagglutinin-tagged 91 Capucin (LV-Capucin-HA) into the striata of knockout mice. Six weeks after infection, recombinant Capucin expression was verified in all LV-Capucin-HA-infected striata using anti-HA immunohistochemistry (Fig. 3a). DARPP-32 (Fig. 3b) and NeuN (Fig. 3c) immunostaining revealed no significant difference in lesion volumes between LVCapucin-HA- and LV-GFP-infected knockout striata. No difference in the density of Ubiquitin-positive inclusions could be detected either (Fig. 3d). Effect of lentivirus-mediated Capucin shRNA-knockdown on striatal vulnerability to a mutant Htt fragment in vivo Since non-significant trends in Capucin knockout mice could result from compensatory mechanisms during brain development and maturation, we investigated the effect of a Capucin knockdown in the adult striatum on vulnerability to a mutant Htt fragment. The knockdown of Capucin expression in mouse striata was achieved by stereotaxic injection of a lentiviral vector expressing a Capucintargeted shRNA (LV-Capucin-shRNA). Knockdown efficiency was measured six weeks post-infection by qRT-PCR. The results show that endogenous Capucin mRNA levels in extracts from LV-Capucin-shRNA-infected striata (n = 5) are 9.2 ± 2.0 % of those in extracts from striata infected with a lentiviral vector expressing a Luciferase-targeted shRNA (LV-Luc-shRNA; n = 5). This difference is statistically significant (P = 0.017, unpaired Student’s t-test). A mixed suspension of LV-Capucin-shRNA and LV-Htt171-82Q was injected into the striatum of wild-type mice. Histological evaluation performed six weeks postinfection revealed that the lesion volume, as estimated by DARPP-32 immunostaining, was significantly larger in striata infected with LV-Capucin-shRNA than in striata infected with LV-Luc-shRNA (Fig. 4a), suggesting that the Capucin knockdown may exacerbate the striatal dysfunction or degeneration induced by the mHtt fragment. However, NeuN immunostaining showed no significant difference in lesion volumes between LV-Capucin-shRNA- and LV-Luc-shRNA-infected striata (Fig. 4b), indicating that the Capucin knockdown had no effect on actual cell death. Despite a trend towards a higher density of Ubiquitin-positive inclusions in LVCapucin-shRNA-infected striata as compared to LV-Luc-shRNA-infected controls, this difference did not reach statistical significance (Fig. 4c). 92 Effect of lentivirus-mediated Capucin expression on striatal vulnerability to a mutant Htt fragment in vivo We next delivered a mixture of LV-Htt171-82Q and LV-Capucin-HA into the striatum of wild-type mice. Expression of recombinant Capucin in the striatum of infected mice was checked six weeks post-infection by anti-HA immunohistochemistry (Fig. 5a). At this time point, neither DARPP-32 (Fig. 5b) nor NeuN (Fig. 5c) immunostaining revealed any significant change in lesion volume in LV-HA-Capucin-infected striata as compared to striata infected with a beta-galactosidase-encoding lentiviral vector (LV-βgal). Notably though, the density of Ubiquitin-positive inclusions was significantly lower in LV-Capucin-HA-infected striata (Fig. 5d), suggesting that enhanced Capucin expression may promote the elimination the mHtt fragment or mitigate its accumulation. DISCUSSION The mechanisms underlying the preferential degeneration of the striatum in HD remain unknown. Using a combination of in vivo approaches (knockout mice; intrastriatal shRNA-mediated knockdown or expression using lentiviral vectors), we tested the hypothesis that the Capucin gene, whose expression is highly enriched in the striatum and downregulated in transgenic HD models (de Chaldée et al., 2006), may play a role in the striatal sensitivity to mHtt. Our results suggest that the shRNA-mediated knockdown of Capucin expression in the adult mouse striatum can exacerbate the lesion induced by a mutant Htt fragment, as indicated by DARPP-32 but not NeuN immunostaining. A trend towards a higher density of Ubiquitin-containing inclusions, although not significant, was also observed. The differential effect of the Capucin knockdown on DARPP-32 and NeuN staining may reflect the involvement of these markers at different levels of neuronal physiology. Whereas most post-mitotic neurons express the nuclear marker NeuN (Mullen et al., 1992), recently identified as the alternative pre-mRNA splicing regulator Fox-3 (Kim et al., 2009), DARPP-32 is specifically enriched in striatal projection neurons (Ouimet et al., 1984), where it acts as a 93 downstream effector of dopamine signaling (Nishi et al., 1997). It is therefore likely that DARPP-32 expression is more sensitive to striatal dysfunction than NeuN expression. Interestingly, a similar differential effect on DARPP-32 and NeuN expression has been reported in an HD model in which the intrastriatal injection of a lentiviral vector encoding a large fragment of mHtt causes a decrease in DARPP-32 but not NeuN staining (Régulier et al., 2003). Consistent with knockdown experiments, the lentivirus-mediated expression of Capucin in the mouse striatum resulted in a significantly lower density of mHttfragment-induced Ubiquitin-positive inclusions However, no significant changes in lesion volume could be observed using either DARPP-32 or NeuN immunostaining. This limited impact of recombinant Capucin expression in the striatum may be due to the already high levels of endogenous Capucin mRNA. Capucin mRNAs are among the most abundant transcripts expressed preferentially in the striatum, with levels similar to that of DARPP-32 transcripts in the mouse (Brochier et al., 2008). It may therefore be difficult to achieve an effective overexpression of Capucin in this region. The intrastriatal shRNA-mediated knockdown approach was developed as a complement to initial experiments performed on the novel Capucin knockout mouse line described in the present paper. Being fertile and apparently healthy, Capucin knockout mice can be conveniently used in a variety of behavioral tests, including in late adulthood, and can be crossed with other mouse lines. The absence of the entire Capucin coding sequence in knockout mice was ascertained at both the genomic and transcript levels. Although non-significant, a trend towards more severe fluorescence loss in knockout striata co-expressing GFP and a mutant Htt fragment than in wildtype controls suggested that striatal vulnerability to mHtt was increased in the absence of Capucin. However, no statistically significant difference in either the lesion volume or the density of Ubiquitin-positive inclusions could be established between genotypes. The re-expression of Capucin in knockout striata did not result in a significant change in vulnerability to the mHtt fragment. The discrepancies between the knockdown and knockout results may be attributed to the difference between acute depletion in adulthood versus constitutive deficiency. Knockdown was achieved by the intrastriatal delivery of a lentiviral vector expressing a Capucintargeted shRNA, resulting in an acute and profound depletion of Capucin transcripts 94 (9.2 % residual expression). In this case, the adult brain may not have had the capacity to compensate for Capucin deficiency. In contrast, the effects of the Capucin knockout could be attenuated by developmental plasticity. Reporter gene expression analysis suggested that Capucin expression in the striatum was not required before birth, allowing for compensatory mechanisms to develop. Although we verified that Capucin knockout was not compensated for by the overexpression of its closest paralog, Tmem90b, functional compensation by proteins with unrelated sequences cannot be ruled out. Milder phenotypes with gene knockouts than knockdowns have been reported in a variety of cases. For instance, the knockdown of the glutamate transporter EAAC1 by the intraventricular administration of antisense oligonucleotides in rats causes staring-freezing episodes associated with epileptiform electrographic recordings (Sepkuty et al., 2002), while EAAC1-null mice exhibit only a decrease in spontaneous locomotor activity in an open field test (Pegnini et al., 1997). Altogether, our data suggest that Capucin may be modestly neuroprotective against mHtt toxicity. The function of Capucin is unknown. At the transcriptional level, its expression is strongly downregulated in HD models (de Chaldée et al., 2006; Desplats et al., 2006). The downregulation of a number of striatally enriched transcripts has been reported in both HD models (Brochier et al., 2008; Desplats et al., 2006) and patients (Hodges et al., 2006), and may result from the functional disruption of striatum-specific transcriptional activators such as Bcl11b (Desplats et al., 2008). Depending on the transcript, this phenomenon could be either protective or detrimental to striatal neurons. For instance, the downregulation of the signaling protein CalDag-GEFI has been shown to be neuroprotective (Crittenden et al., 2010), while the downregulation of the sodium channel subunit beta-4, which can promote neurite outgrowth in cultured cells (Oyama et al., 2006), is expected to increase neuronal vulnerability. Similarly, the downregulation of Capucin expression may contribute to the disease process through a mechanism that remains to be elucidated. CONCLUSION In the present work we used a combination of in vivo approaches to provide an extensive investigation of the possible involvement of Capucin in the striatal sensitivity to mHtt. Our results suggest that Capucin expression levels have a limited impact on mHtt toxicity, and that the downregulation of Capucin expression in HD may exacerbate striatal vulnerability to mHtt. ACKNOWLEDGMENTS The authors thank Nicolas Caudy (CEA, iBiTecS, SPI), Hélène Humbertclaude (CEA, iBiTecS, SBIGeM) and Sylvie Jounier (CEA, iBiTecS, SBIGeM) for technical assistance. They are grateful to Muriel Vernet (CEA, iRCM, SCSR) for providing AT1 ES cells and to Catherine cier (CEA, DSM Saclay, UPSE, LABM) for supervising glycemia analysis.
13,456
9a62cfc4700ce1f92592cbde4da1bf34_16
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
1,904
Recherches de morphologie phylogénétique sur les molaires supérieures des ongulés, par Florentino Ameghino ...
None
French
Spoken
7,634
14,432
La différence la plus notable entre les deux genres apparaît dans la plus grande largeur des molaires qui résulte du grand développement du denticule supplémentaire médian antérieur e, et du moindre degré de réduction du denticule postérieur interne pi. Sur les molaires de Pantolambda (fig. 525), le denticule postérieur interne pi s’est réduit jusqu'au point qu'il n’est plus possible de le distinguer du bout interne du bourrelet transversal postérieur (,,), tandis que sur le coin opposé, c'est-à-dire sur l’antérieur interne, il n’y a que le bourrelet transversal antérieur (,), car le tubercule ANAL. Mus. Nac. Bs. As., SERIE 8°, T. at. ABriz 12, 1904. 26 402 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. supplémentaire médian antérieur ne s’est pas développé. Il n’y a pas de différences entre l’un et l’autre genre dans la forme de la … crête interne en arc de cercle et des sommets en V des denticules externes &e, pe, dans la correspondance des crêtes perpendiculaires m et aa, dans la réduction du bassin central {o) et dans la disposition des deux vallées en croissant |( et ) |. En suivant la même voie de transformation des genres de ce groupe, celui qui s'éloigne le plus de son point de départ est Heteroglyphis (fig. 526) dans lequel le denticule postérieur interne pi céda sa place à l’antérieur interne «ai, et celui-ci laissa la sienne au tubercule supplémentaire médian antérieur e;la substitution estsi parfaite qu'au premier coup d'œil on prendrait les deux denticules internes de cette molaire pour les homologues de l’antérieur interne ai et du postérieur interne pi des molaires des autres mammifères, tandis qu'il n'en est pas ainsi. Le dentiFig. 596. Heteroglyphis Devoletskyi Roth. Molaire supérieure gauche, vue par la face masticatrice, grossie trois diamètres (5) de la grandeur naturelle, Crétacé supérieur de Patagonie (astraponotéen?). Collection du Musée de La Plata. Cule postérieur interne pi, poussé en arrière par l'avancement de l'antérieur inj 1 terne ai et dans la même di- rection, diminua graduellement jusqu'à disparaître, se fondant avec le boutinterne du bourrelet transversal postérieur (,,). Le denticule antérieur interne ai, devenu très grand, se déplaça en arrière jusqu'à prendre la même place qu'occupait avant le postérieur interne pi; en outre il se fusionna avec le denticule médian postérieur »2p, constituant avec lui une crête oblique-transverse et en arc de cerele qui coupa la communication primitive entre l’entrée de la vallée transversale médiane (+) et le bassin central (0); l'entrée (w) de la vallée resta en communication avec la fossette périphérique postérieure (0,) qui conserva sa forme primitive de sillon transver- sal, mais à l'intérieur du bassin, la prolongation interne ou branche antérieure (v') de la même vallée transversale médiane s’est couservée encore visible, Le déplacement en arrière du denticule anté- | | ; LC 08LA ts AMEGHINO: le, É9 MORPHOLOGIE ARS ” PHYLOGÉNÉTIQUE. 403 rieur interne ai fut suivi pari passu par un grossissement correspondant du denticule supplémentaire médian antérieur e qui finit par remplacer l’antérieur interne dans sa position et dans sa forme. Pour compléter la similitude avec la conformation primitive, les deux tubercules ai et e restèrent séparés par une fente transversale « qui est en communication avec la fossette périphérique antérieure (o’) en forme de sillon transversal,. - le tout simulant parfaitement la forme de la véritable vallée transversale médiane disparue. Ces changements si considérables sur le côté interne, non seulement n’ont pas modifié l’externe, sinon que les mêmes denticules médians ma, mp sont restés à leur place primitive. XV. La transformation des molaires dans les tillodontes. Les tillodontes sont des mammifères fossiles de l'éocène de l'Amérique du Nord, que l’on sépare habituellement des ongulés à cause de leurs phalanges onguéales qui sont comprimées latéralement, + arquées et pontues, destinées à recevoir des griffes et non des | sabots. Aujourd'hui cette séparation n’a plus de raison d’être, car sans | tenir compte des nombreux représentants de l'ordre des Typotheria et des Ancylopoda, on trouve dans les couches crétaciques de Patagonie une foule de mammifères, évidemment du super-ordre … des ongulés et qui avaient cependant des griffes et non des sa| bots; les isotemnidés, les acélodidés, les trigonostylopidés, et même des formes aussi spécialisées que les albertogaudryidés présentaient | une conformation semblable. Par conséquent, j'inclus les représentants de l’ordre de Tillodonta parmi les ongulés. Je le fais avec | d'autant plus de raison que dans les couches crétaciques de Pata. | gonie, ily a de nombreux mammifères onguiculés pour lesquels je ne trouve pas les moyens ou les caractères pour les séparer | comme ordre des tillodontes de l'Amérique du Nord, et qui pré- sentent pourtant de nombreux rapports avec beaucoup d’ongulés | | provenant des mêmes couches, 404 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. Les représentants de cet ordre se caractérisent très bien par leurs molaires du type triangulaire parfait, et par une paire d'incisives supérieures et inférieures hypertrophiées ou avec une tendance à l'hypertrophie. Les autres incisives, les canines et la première molaire sont plus ou moins atrophiées ou manquent complètement. Chez eux, la trigonodontie a été obtenue par le rapprochement des deux denticules internes qui se sont fusionnés, et par l'inclusion des deux tubercules médians ax centre de la surface coronale, où ils disparaissent par fusion avec les trois crêtes du triangle: en outre les deux bourrelets antérieur et postérieur restent indépendants, même dans les formes les plus spécialisées. Ces caractères permettent de reconnaître très facilement les molaires de ce groupe. Les tillodontes ont le même point de départ que les amblypo- Fig. 527. Microstylops monoconus Amgh. Cinquième Fig. 528. Microstylops clarus Amgh. supé- Cinquième molaire supérieure droi- rieure droite, vue par la face masticatrice, grossie quatre diamètres te, vue par la face masticatrice grossie quatre diamètres (4) de la (D dela grandeur molaire naturelle. Cré- grandeur tacé supérieur de Patagonie tostylopéen, partie basale ). (no- rieur de Patagonie partie basale). naturelle. Crétacé supé- (notostylopéen, des; les uns et les autres ont pris leur origine dans la famille des Pantostylopidae. Nous savons déjà que chez les représentants de ce groupe il s’est manifesté de bonne heure une tendance à la formation de crêtes transversales, et à la réduction des denticules médians; dans quelques genres comme Wicrostylops, par exemple, ces derniers éléments sont excessivement réduits. Chez Microstylops monoconus (fig. 527) on n’en voit qu'un seul, le médian antérieur, sous la forme d’un petit tubercule conique ma, placé au centre du bassin central (0); le médian postérieur s’est complètement effacé. Chez Microstylops clarus (fig. 528) on ne voit pas la moindre trace d’aucun mn te AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 405 des deux denticules médians, tout l’espace compris entre les trois crêtes étant occupé par un grand bassin central (0). Les deux denticules internes aë, pi sont bien séparés et les deux bourrelets antérieur (,) et postérieur (,,) conservent leur bout interne complètement indépendant du denticule correspondant, caractère qui se conserve chez tous les représentants de ce groupe. Pantostylops est un genre voisin de Microstylops mais qui conserve les deux denticules médians, quoique petits et confinés au centre du bassin central. Chez Pantostylops typus (fig. 529), le denticule médian antérieur ma est complètement isolé au centre du bassin central comme dans Microstylops monoconus. Le médian postérieur #p se trouve à côté du précédent mais il s'unit à la 4 Fig. Fig. 529. Pantostylops typus Amgh. Amgh. Ji] 7 SE 580. Pantostylops completus Molaire supérieure droite, Cinquième molaire supérieure gauche, vue par la face masticatrice, grossie six vue par la face masticatrice, grossie quatre diamètres (+) de la diamètres grandeur (5) de la grandeur naturelle. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen, partie basale). naturelle. rieur de Patagonie péen, partie basale). Crétacé supé- (notostylo- crête postérieure cp par une crête longitudinale très étroite quoique proportionnellement assez longue. Les deux denticules internes ai, pisont un peu plus rapprochés que dans le genre précédent, mais les deux bourrelets antérieur (,) et postérieur (,,) ont absolu- ment la même conformation. À partir de cette espèce, le développement des tillodontes peut se suivre pas à pas. Dans les molaires de Pantostylops completus (fig. 530), on voit que le tubercule médian antérieur #4 s'est uni au médian postérieur »p,et celui-ci à la crête transversale postérieure. Les deux denticules médians constituent ainsi une crête longitudinale dont le bout antérieur se conserve libre dans le bassin central, tandis EE, 406 MUSEO NACIONAL DE BUENOS PTT AIRES. que le bout postérieur se fusionne avec la crête postérieure; entre cette crête longitudinale étroite et basse, constituée par les deux denticules médians et la grande crête externe de la molaire, il y a une vallée longitudinale étroite et profonde qui ressemble à une fente ou sillon; la partie antérieure de ce sillon correspond à la vallée en croissant antérieure ((), et la partie placée plus en arrière, à la vallée en croissant postérieure ()). Dans cette espèce les deux denticules internes ai, pè sont un peu plus rapprochés, et ils se relient en outre l’un à l’autre par une crête longitudinale qui arrive ou descend jusqu'aux deux tiers de la longueur des denticules. On remarque aussi que le denticule antérieur interne est devenu plus gros au détriment du postérieur interne qui est devenu proportionnellement plus petit. Les molaires d’Æntelostylops, un représentant de la famille des Notostylopidae, ne sont que des molaires plus grosses de Pantosty- TA \é 1 Fig. 531. Entelostylops incolumis Amgh. Cinquième molaire supérieure droite; a, vue par la face masticatrice, et b, vue par le côté interne, grossie trois diamètres (3) de la grandeur naturelle. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). lops completus avec la crête constituée par les denticules médians ma, mp plus grosse et plus elargie, et les deux denticules internes ai, pi plus rapprochés. La transition de ces caractères se voit très bien sur les molaires d'Entelostylops incolumis (fig. 531). La crête transversale postérieure n’est pas encore soudée à l’externe, mais elle envoie en avant un prolongement très long en forme de crête qui représente les deux denticules »a, mp de Pantostylops qui sont iei complètement fusionnés et dont le développement a diminué la profondeur du bassin central. L’inégalité de grandeur des deux denticules internes qui avait commencé à se manifester dans Pantostylops completus, est ici arrivée presque à son apogée; AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 407 le denticule antérieur interne ai est tellement grand qu'il occupe les deux tiers de la face interne. Les deux denticules a, pi sont unis presque jusqu’au sommet, mais il reste sur la face interne le sillon interlobulaire », dernier vestige de l’entrée dela vallée transversale médiane. Dans les molaires d'Entelostylops completus (fig. 532), les deux tubercules médians ma, mp sont encore plus gros et ils forment une crête beaucoup plus large qui occupe une partie considérable de la fosse centrale, celle-ci étant aussi plus réduite, moins profon- 1) té (mi) 44) Ra CIE io Àà ra UCSA Gi 4‘. | 17 Fig. 532. Entelostylops completus Amgh. face masticatrice, et ce, vue par le côté Molaire supérieure droite; «, vue par la interne, grossie trois diamètres (5) de la grandeur naturelle. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). de et avec la couche d'émail qui la couvre considérablement amincie. Les deux denticules internes ai, pi sont encore plus inégaux, le postérieur interne pi étant devenu si petit qu'il s’est porté plus vers le côté externe; la fusion de ces denticules est plus complète, ne restant indépendants que leurs sommets, lesquels à leur tour ne sont plus reconnaissables aussitôt que les molaires sont un peu usées. Sur le côté interne, il se conserve encore un petit vestige du sillon interlobulaire », dernière trace de l’ancienne séparation des deux denticules ou lobes internes. Le passage est graduel entre les molaires d’Æntelostylops et celles de Notostylops. Les molaires de Notostylops complexus (fig. 533) ne diffèrent de celles d'Entelostylops complets (fig. 532) que par les deux denticules internes @,pi encore plus rapprochés et complètement fusionnés jusqu'à leur sommet. Sur le côté interne se conserve encore un vestige du sillon interlobulaire », mais très court, car il disparaît bien avant d'arriver au col de la molaire et il n'yen a pas A08 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. de traces sur la racine. Sur la couronne se conserve aussi la crête longitudinale formée par les deux denticules médians ma, mp, mais cette crête est plus haute, de sorte qu'elle partage le bassin central en deux parties, une interne et l’autre externe, chacune ayant la forme d'une fosse longitudinale étroite et profonde. Sur la dernière Fig. 533. Notostylops compleæus Amgh. Les trois dernières molaires supérieures du côté gauche, vues par la face masticatrice, grossies un demi-diamètre la grandeur naturelle. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). (&: de molaire, le denticule postérieur interne s’est complètement atrophié, tandis que l’antérieur interne est très grand, poiutu et qu’il occupe tout le côté interne de la molaire. Fig 584. Notostylops promurinus Amgh. che; a, vues par la face masticatrice, Les molaires supérieures du côté gau- et b, vues par le côté interne, grossies un demi-diamètre (5) du naturel. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). Les molaires de Notostylops promurinus (fig. 534) ne diffèrent de celles de l'espèce précédente que par l’absence du sillon interlobulaire interne » de manière que le côté interne des molaires est complètement arrondi. Dans cette espèce, on voit sur la face mastica- AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. trice des deux dernières remplaçantes 409 (m 3 et 4) la même crête longitudinale des molaires postérieures, mais il n’y a que le creux externe qui soit en forme de fossette longitudinale étroite, l’interne ayant plutôt la forme de fosse arrondie ou elliptique. Ces molaires (m 3 et 4) sont en outre très remarquables côté interne très haut et très arrondi, presque en forme de colonne. Dans Notostylops murinus (fig. 535), les molaires sont par leur devenues si simples que sur la face masticatrice on ne remarque plus rien des creux, sillons, crêtes, etc. des espèces et genres précédents. Pour en Fig. 535. Notostylops nrurinus Amgh. Les molaires supérieures 4 à 6 du côté examiner les molaires absolument neuves, non encore usées jaturelle. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). apercevoir des vestiges il font chus Pa fe nat ou qui ne faisaient que d'entrer en fonction, comme celle représentée sur la figure 536. Alors, sur la surface de la couche excessivement mince d’émail qui couvre la couronne et qui disparaît aussitôt que commence l'usure, on remarque comme des lignes superficielles qui reproduisent d’une ma- 4 77 mn ] (0) TEE “404 Fig. 536. Notostylops murinus Amgh. Molaire supérieure gauche très neuve et presque pas usée; «, vue par la face masticatrice, et b, vue par le côté interne, grossie deux diamètres (+) du naturel. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). nière plus ou moins parfaite les creux et sillons que nous avons observés sur les molaires des représentants plus primitifs du même groupe. Les différentes formes figurées se placent sur la ligne qui conduit 410 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. à Notostylops murinus, mais il y a de nombreuses formes latérales plus ou moins divergentes. Tel est, par exemple, le genre Æostylops (fig. b37) dont les molaires, tout en ayant la surface masticatrice aussi simple que celles de Notostylops murinus, ont conservé le contour quadrangulaire primitif. Sur le côté interne, le lobe postérieur interne pi ne s’est pas réduit, mais les deux lobes in- Fig. 587. Æostylops obliquatus Amgh. Cinquième molaire supérieure droite; a, vue par la face masticatrice, et b, vue par la face interne, grossie deux diamètres (?) de la grandeur naturelle, Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen) ternes se sont un peu rapprochés et fusionnés jusqu'au sommet; cependant, sur les molaires peu usées, les deux cuspides ai, pi sont encore séparées par une très faible dépression du bord interne qui se prolonge sur la face interne en constituant un faible sillon interlobulaire » qui ne s'arrête pas sur la couronne, sinon qu'il se con- Fig. 538. Zsostylops fretus Amgh. Molaire supérieure gauche; a, vue par la face masticatrice, et b, vue par la face interne, grossie deux diamètre (1) de la grandeur naturelle. Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen). tinue aussi sur la racine. Sur la muraille externe, contrairement à ce qui caractérise le genre Notostylops par l'effacement de l’arête intermédiaire antérieure ëa, chez ÆEostylops l’arête en ques- AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 411 tion est très forte, en forme de demi-cône qui termine vers le col dans un bourrelet basal également très fort; cependant la partie qui correspond à l'élément surangulaire sa est très faiblement déve- loppée. | | Fig. 539. Tillotherium fodiens Marsh. Crâne, vu par la face palatine, d'après Marsb, réduit aux trois huitièmes (à) de la grandeur naturelle. Eocène de l'Amé- rique du Nord. Isostylops fretus (fig. 538) est un autre notostylopidé à molaires très simples mais quadrangulaires, comme dans le genre précédent, et à sillon interlobulaire interne mais ce dernier est limité EPA 412 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. uniquement à la couronne. Les deux lobes internes aë,pi sont d’égale grandeur. Sur la face externe, l’arête intermédiaire antérieure : Fig, 540, Notostylops brachycephalus Amgh. Crâne, vue par la face palatine, de grandeur naturelle, Crétacé supérieur de Patagonie (notostylopéen ). ia est plus forte que chez Notostylops, mais moins que chez Æostylops et sans le fort bourrelet basal de ce dernier, En plus, ilya 1. AMEGILINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE, 413 aussi et assez fortement prononcée l'arête intermédiaire postérieure ip qui manque toujours sur les molaires de Notostylops, ou l'on n'en voit que des vestiges peu appréciables, L'espace entre les deux arêtes intermédiaires est fortement excavé, Je ne m'arrêterai pas sur les autres formes du même groupe propres à la Patagonie, mais je vais faire un rapide examen de leurs rapports avec celles de l'Amérique du Nord. On a généralement mis en doute que les formes de Patagonie puissent rentrer dans le même groupe que les tillodontes de l'Amérique du Nord, mais on n'a donné aucune raison qui puisse justifier lo doute. Pour qu’on puisse se faira nne juste idée de ces rapports et de leur importance, je reproduis la vue palatine du crâne de Tillotherium (fig. 539), publiée par Marsh, à côté de celle de Notostylops (fig. 540). Certes je ne crois pas à la parenté des notostylopidés avec toutes les formes qu'on a nommées tillodontes et téniodontes, mais leurs raprorts avec les familles des tillothéridés et exthonychidés me paraissent trop évidents; ces rapports sont surtout notables si l’on tient compte que dans les deux cas il s'agit, non d'animaux à sabots, mais d'animaux à griffes et, que si l’on ne prenait en considération que la conformation des extrémités, tous ces animaux devraient être placés non avec les ongulés mais avec les onguiculés, Les deux figures des crânes de ANotostylops et de Tüillothevèum font bien voir que la conformation des deux genres est absolument la même dans ses grandes lignes. La forme du palais et la position des arrière-narines sont identiques. Les molaires concordent exactement aussi bien dans leur disposition générale que dans leur conformation particulière, Ces dents ont dans les deux genres leur contour triangulaire ou sous-triangulaire, selon l'âge, et leur diamètre transverse est beaucoup plus considérable que le diamètre longitudinal; la couronne est très courte et couverte par une couche d’émail très mince qui disparaît aussitôt que ces organes commencent à être usés, constituant une couronne dont la face masticatrice est uniforme, et dont la dentine reste à décou- vert. Les premières molaires sont petites et deviennent graduellement plus grosses vers l'arrière jusqu’à l’avant-dernière, La première molaire manque dans les deux genres; la canine et les incisives externes manquent ou sont atrophiées tandis que l'incisive interne est au contraire très grande, Je ne veux pas donner d’autres figures ni entrer dans des détails D re {14 LS MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. sur la conformation de toutes les parties du crâne car, je le répète, ce n’est pas le but de mon travail, mais je ferai mention seulement de quelques-uns des caractères communs les plus saillants. La mandibule, par exemple, présente le même contour dans les deux genres et, en ce qui concerne la denture inférieure, la seule différence notable consiste dans la paire d’incisives internes atrophiées de Notostylops qui manque dans Zi/lotherium; dans ce genre, la deuxième incisive à pris la place de la première, atteignant un développement en correspondance avec la grande incisivé supérieure hypertrophiée. Si au lieu du Tillotherium on fait le parallèle avec Æxthonyx qui représente un type plus primitif du même groupe, on voit alors dans la partie antérieure de la mandibule une paire d'incisives internes petites en voie d’atrophie et une paire d'incisives externes en voie d’hypertrophie, absolument comme dans la mandibule de Notostylops. ; Fig. 41, Exthonyx acutidens Cope. Molaires supérieures, d'après Cope, vues par la face masticatrice, grossies deux diamètres {?) de la grandeur naturelle. Eocène de l'Amérique du Nord. ” Que la trigonodontie des tillodontes de l'Amérique du Nord ait été obtenue par la même voie que celle des notostylopidés, c'està-dire par le rapprochement des deux denticules internes et la persistance à l’état indépendant des deux bourrelets antérieur et postérieur, on peut s'en convaincre par la conformation identique de la moitié interne des moluires. Celles de Tillotherium fodiens figurées plus haut sont trop usées pour permettre de voir les bourrelets, mais celles beaucoup plus jeunes d'ÆExthonyæ acutidens, figurées par Cope (fig. b41), montrent très bien les deux bourrelets basals antérieur (,) et postérieur (,,), avec leurs bouts internes absolument indépendants comme chez Notostylops. AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 415 Tillotherium diffère de Notostylops par sa taille beaucoup plus considérable; par la forme plus allongée du crâne; par ses incisives hypertrophiées qui sont beaucoup plus grosses avec une bande antérieure d’émail qui va d’un bout à l’autre et à base ouverte; par la partie antérieure du palais plus étroite et plus allongée en rapport avec le développement des incisives; par les dents en nombre plus réduit, et surtout par l’absence de la grande boule tympanique du genre patagonien, Tous ces caractères qui distinguent 74lotherium de Notostylops indiquent un plus haut degré de spécialisation, c’est-à-dire des formes qui dans leur évolution étaient bien plus avancées que celles de Patagonie, En plus, d'après les matériaux connus, les différences qui séparent les tillothères des exthonychidés sont bien plus considérables que celles qui existent entre les tillothères et les notostylopidés, Par conséquent, jusqu’à plus ample information et des preuves évidentes du contraire, je considère les tillodontes de l'Amérique du Nord comme les descendants des notostylopidés de Patagonie. XVI. La transformation des molaires dans la ligne des macrauchénidés. | Parmi les molaires des ongulés, il y en a très peu qui soient aussi caractéristiques et aussi faciles à distinguer que celles du genre pampéen Macrauchenia (fig. 542 et 543). Leur contour rectangulaire avec le fût allongé et très arqué; les racines très courtes; les trois ou quatre puits circulaires tapissés d’émail à leur intérieur et si profonds qu'ils arrivent presque jusqu'à la base, donnent à ces molaires un cachet si spécial qu'il ne permet pas de les confondre avec celles d'aucun autre mammifère. L'’explication de l’origine de ces puits aurait été à peu près impossible sans connaître leur histoire paléontologique. Heureusement, la ligne phylogénétique des macrauchénidés est maintenant l’une des mieux connues et l’une de celles qu'on peut suivre le plus L. 416 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. loin dans les temps géologiques. C’est un groupe qui se sépare des condylarthres dans l’époque crétacique et qui traverse toute l'époque tertiaire jusqu'aux temps quaternaires sans donner origine à des branches latérales divergentes ou parallèles de quelque importance. C’est une branche unique, représentée à chaque époque par un tout petit nombre de genres qui ont apparu et disparu par une modification gradnelle, se transformant lentement les uns dans les autres. il da b Fig. 542. Macrauchenia patachonica Ow. Dernière molaire supérieure du côté droit; &, vue par la face masticatrice, et b, vue par le côté interne, de grandeur naturelle; ra, racine antérieure; rp, racine postérieure; ri, racine interne unique. Pampéen supérieur (bonaréen). Collection du Musée National. On peut commencer à suivre cette ligne à partir du genre condylarthre Lonchoconus (fig. 544), de la partie inférieure des couches à Notostylops. Le contraste entre la molaire de Macrauchenia figurée plus haut et celle de Lonchoconus ne peut pas être plus grand. La molaire de ce dernier genre a sor plus grand diamètre dans le sens transversal, et celle du premier dans le sens longitudinal; la couronne de la molaire de Zonchoconus est excessivement courte au lieu d’être longue, et la face masticatrice est couverte par des AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 21jl7 tubercules coniques isolés, très hauts et pointus au lieu d’avoir de grands puits séparés par une surface plane comme dans celle de Macrauchenia. On va voir comment les molaires de Lonchoconus se sont transformées en celles de Macrauchenia. Les molaires de Didolodus multicuspis (fig. 545) sont une modification de celles de Lonchoconus; le diamètre transverse est proportionnellement un peu moins considérable et le contour est un a b Fig. 543. Macrauchenia patachonica Ow. dente; a, vue par la face externe, turelle. et b, vue La même molaire de la figure précé- par le côté antérieur, de grandeur na- peu plus carré. Le denticule supplémentaire médian externe # qui dans Lonchoconus est rudimentaire et à son commencement, est bien développé dans Didolodus et sert d’intermédiaire pour l’union des deux denticules externes ae, pe qui dans l’autre genre se conservent isolés. Tous les denticules sont plus gros, avec le sommet plus mousse, et séparés par des creux plus étroits et moins profonds. Le bourrelet postérieur (,,)est plus fort et le denticule supplémentaire médian antérieur e est plus gros et plat. On voit déjà dans ce genre une déviation du denticule médian postérieur mp qui, surtout dans la sixième dent, s’est déjà porté un peu plus en avant,laissant le denticule postérieur interne pi comme séparé du Anaz. Mus. Nac. Bs. As., SERIE 8°, 7. 11. ABkIL 18, 1904. 27 {LS MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES, reste de la dent par la fossette périphérique postérieure (0,) en forme de rainure transversale qui aboutit sur le côté interne à l'entrée v de \ “Semen \ NTN \ \ Fig, BA, Lonchoconus lanceolatus Amgh. Cinquième molaire supérieure droite; a, vue par ln face mastioatrice, à, vue par le côté interne, 6, vue pur la face antérieure, et d, vue par la face postérieure, grossie quatre diamètres (4) de la grandeur naturelle, Crêtaoé supérieur de Patagonie (notostylopéen inférieur), la vallée transversale médiane. C'est un pas vers le type trigonodonte, mais malgré cela le dentioule postérieur interne pi est aussi LAN UK (| NT NX Fig, dB, Didolodus multieuspis Amgh, Cinquième et sixième molaires supérieus res gauohes, vues par la face mastiontrioe, grossies quatre diamètres (f) de la grandeur naturelle, Orôtaoë supérieur de Patagonie (notostylopéen ), AMÉGHINO: PHYLOGÉNÉTIQUE, 419 gros où même plus gros que l’antérieur interne ai, ebil avance plus que le dernier dans l'intérieur du palais, Ces caractères sont encore plus visibles sur la dernière molaire (fig. 546) qui montre le tubercule postérieur interne pi encore plus gros et plus séparé des autres denticules, et le médian postérieur encore plus dévié en avant. Le triangle est plus défini que dans les molaires antériou- ; Pig, | Dernière | MORPHOLOGIE 56, Argh. Fig, moluire supérieure droite, vue Didolodus mullicuspin Amgh. 647, Didolodus Cinquibme erannicuupin molaire #upé par ln face masticutrice, grousie trois diamètres (Ÿ) de ln grandeur naturelle, rieure gauche, vuu par In face man ticatrice, grossie trois dinmétren Crétacé supérieur tylopéen ), (4) de la grandeur naturelle, Cré tucé supérieur de Patagonie (notostylopéen ). de Patagonie (notow- | | res de la même espèce, En outre, sur la partie postérieure 1] y a un fort gros mais très bas tubercule supplémentaire médian postérieur ee qu'on n'observe pas sur les molaires Bb et 6, du moins sur celles déjà un peu usées, car je n'en connais pas d'absolument neuves et non usées, Didolodus crassicuapis (Mig, 547) a des molaires avec les denticules encore plus gros et plus bas que dans l'autre espèce, Le denticule interlobulaire interne a pris un développement exa. géré. Les deux bourrelets antérieur (,) et postérieur (;,) et les tubercules médians supplémentaires e et ee sont aussi trés forts, L'espace entre le bourrelet basal antérieur (,)et la crête antérieure qui unit le denticule médian antérieur ma avec l'antérieur interne di est large, avec une fosse périphérique postérieure (0,) qui devient sur : " 420 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. le côté interne beaucoup plus profonde et qui est le commencement du grand puits que l’on voit sur l'angle antérieur interne des molaires de Macrauchenia. Le genre Didolodus s'est transformé au genre Lambdaconus qui comprend un nombre considérable d'espèces et qui constitue la souche du sous-ordre des Litopterna; les deux familles principales de ce sous-ordre, les Proterotheriidae et les Macrauchenidae ont pris origine dans des espèces de ce genre, dont les premiers représentants apparaissent daïis la partie supérieure des couches à Notostylops et dont les derniers ou plus récents disparaissent dans la partie supérieure des m 0 couches à Pyrotherium. La figure 548 représente ASS une molaire d’une des espèces qui se placent dans la ligne qui conduit aux macrauchénidés. La dent a un contour carré encore plus parfait que dans Didolodis, le diamètre transverse ayant diminué par rapport au diamètre antéro-postérieur. Le lobe postérieur interne pè Fig. 51S, Lambdaconus mamma Amgh. Cins'est porté plus sur le quième molaire supérieure du côté droit, vue KT AN dl par la face masticatrice, grossie trois diamètres côté externe et il se trou- D raie murale Crtacésatire surlamêmeligneque i l’antérieur interne at; les deux lobes internes ont à peu près la même grandeur. Les denticules se sont encore élargis davantage mais ils ont perdu la forme conique, leur sommet terminant en une surface plate. Les creux qui séparent les denticules sont encore plus étroits et quelques-uns tendent à disparaître à canse du commencement de fusion entre les denticules contigus, mais il y en a qui, tout en se rétrécissant, deviennent plus profonds, La fosse périphérique antérieure (0°) est encore plus profonde que dans Didolodus crassicuspis. Le bassin central {o) est devenu plus profond et chez les successeurs, il se transformera au grand puits du centre de la face masticatrice des molaires de Macrauchenia. Sur le côté interne, les deux denticules ai, pi se sont fusionnés jusqu'à leur sommet en obstruant complètement l'entrée de la vallée transversale médiane, — | | AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 421 mais il est resté sur la muraille interne un sillon interlobulaire #, étroit et profond presque en forme de fente, sillon qui se transformera au puits médian [ou périphérique interne (0.)] du bord interne des molaires de Macrauchenia. A cause surtout de ses molaires tuberculeuses, Lambdaconus est considéré comme formant encore partie de l’ordre des condylarthres. Son descendant Profheosodon, des couches à Pyrotherium, est déjà un vrai macrauchénidé par tous ses caractères. Entre les deux genres, il y a un petit hiatus qui correspond au genre ou genres encore inconnus qui ont dû exister pendant l’époque correspondant aux couches à Astraponotus. Malgré ce hiatus, la correspondance entre les deux types reste encore parfaite, les différences qui les distinguent étant précisément celles qui rapprochent Protheosodon (fig. 549) des autres macrauchénidés. GC HN mt pe Fig. 549. Protheosodon conifer Amgh. Cinquième 74 molaire supérieure droite; a, 19 vue par la face masticatrice, et b, vue par le côté externe, au double (f grandeur naturelle. Crétacé le plus supérieur de Patagonie (pyrothéréen). de la La plus grande différence avec Lambdaconus consiste dans les deux tubercules externes &e, pe qui ont perdu leur forme conique et leur isolement pour prendre la forme en croissant avec pointe en V, et dans le grand développement des trois crêtes externes angulaire antérieure aa, médiane » et angulaire postérieure ap. Dans le contour des molaires et dans le reste de la conformation, il n'y a presque pas de différences, sauf dans le bourrelet postérieur (;,) qui est un peu plus fort dans le genre plus récent, et dans la réapparition du petit tubercule supplémentaire interlobulaire interne 7. Cependant, tout en étant un vrai macrauchénidé comme le 422 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. prouvent le reste de la denture et les parties connues du squelette, Protheosodon paraît représenter une branche latérale sans descendance. La ligne qui aboutit aux représentants plus récents est celle qui se suit par Oroacrodon (fig. 550). La dernière molaire supérieure de ce genre ne diffère essentiellement de celle de Lambdaconus que par le tubercule médian postérieur mp qui s’est porté plus en avant et s’est uni à l’antérieur interne ai et au postérieur externe pe, par une ligne oblique-transversale qui a laissé en arrière le tubercule postérieur interne pi comme une partie séparée ou apparemment surajoutée., Une autre ligne o a ad oblique unit le denticule aù avec l’antérieur externe ”, 0, pi XUNLES N nm LA va Fig. 550, Oroacrodon ligatus (Roth) Amgh. a@e, en englobant le médian antérieur »#4a pour constituer ainsi le triangle (ou trigon) quenous avons déjà vu s’ébaucher dans les molaires de. "un Ti: Didolodus (fig. 546). Voilà la vraie origine du fameux trigon des molaires des ongulés. , Ici, le tubercule rieur interne pi est Dernière molaire supérieure droite, vue par mensions encore la face masticatrice, grossie trois diamètres bles, mais dans tion du Musée n'être postéde di- considérad’autres li- séparable du (De grandeur mule Ont ot eme il s'est réduit jusqu'à de La Plata. plus bourrelet postérieur, et les molaires ne restent alors constituées que par la partie principale triangulaire. Dans cette molaire (fig. 550), le denticule médian postérieur mp s'est fondu avec la ligne oblique-transversale postérieure, mais on reconnaît encore son emplacement qui correspond à un grossissement de la crête; en outre, il reste encore un petit vestige de la vallée en croissant postérieure ()) qui séparait le denticule médian mp du postérieur externe pe. Sur la ligne oblique-antérieure, le denticule médian »#a se conserve plus apparent et se trouve séparé de l’antérieur externe ae par la vallée en croissant antérieure (() parfaite. Il faut prêter une attention spéciale aux creux de cette molaire, car on y voit déjà indiqué l'emplacement des cinq puits qu'on trou- | | | AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 493 ve sur les molaires parfaites de Macrauchenia (fig. 542). Le bassin central (0), comme j'ai déjà eu l’occasion de l'indiquer, correspond au puits central; la grande dépression périphérique antérieure entre le trigon et le bourrelet antérieur (,) correspond au puits (0’)de l’angle antérieur; la fossette périphérique postérieure (0,), entre le trigon etle bourrelet postérieur (;,), représente le-puits de l’angle postérieur interne; la vallée en croissant antérieure (() se transformera au puits antérieur (0°), et le sillon interlobulaire » du côté interne donnera origine au puits médian du bord interne, c’est-àdire à la fossette périphérique interne (0.). Dans ce genre comme dans tous les précédents, la couronne est encore très basse ag et les racines très longues. , La ligne se continue avec P 2. RÉEL les genres Polymorphis (Roth), des couches à Astraponotus et Caliphrium (Amgh.), des couŸ ches à Pyrotherium; malheu(9 reusement, nous n’en connaissons pas les molaires supéDre En temps nous rapprochant géologiques plus des ré- cents, nous arrivons aux mMmacrauchénidés des couches à Fig. 551. Cramauchenia normalis Amgb. Dernière molaire supérieure droite, vue par la face masticatrice, grossie deux ea D £ocène inférieur donéen). de a ne Patagonie (colpo- Colpodon de la base du tertiaire, Ils ne sont représentés jusqu’à présent que par le seul genre Cramauchenia; ses molaires (fig. 551) ressemblent tellement à celles d'Oroacrodon qu’elles ne laissent aucun doute sur leur parenté. La différence la plus notable consiste dans la couronne des molaires de Cramauchenia qui est devenue un peu plus longue, Dû aussi à cet allongement, les crêtes sont devenues plus hautes et les creux plus profonds, surtout ceux qui correspondent au bassin central (o) et aux deux périphériques antérieur (0°) et postérieur (0,). Les deux crêtes qui partent du denticule antérieur interne ai et qui délimitent le triangle sont parfaites, quoique sur l’antérieure on distingue encore le denticule médian antérieur ma. Le denticule postérieur interne pi est devenu un peu plus petit et plus bas, représentant apparemment comme une partie accessoire qui aurait apparu après le trigon, ce que selon je l'ai démontré plus haut (pags. 165, 169, etc.) n’est pas exact. Du reste, parmi les molaires des ongu- 424 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. lés, celles de ce genre représentent le type triangulaire le plus parfait et prouvent qu'au commencement du tertiaire, au point de vue de l'évolution dentaire, les mammifères passaient par le même stade aussi bien dans l'Amérique du Sud que dans celle du Nord et en Europe. Je dois faire cependant remarquer que cette diminution du den- ticule postérieur interne pi n’est pas si considérable sur les molaires cinq et six, ce qui d'ailleurs est d'accord avec la règle à peu près générale d'après laquelle, pour des raisons que j'ai déjà expliquées, la dernière molaire a le contour plus triangulaire que l’avant-dernière. Cette dernière dent de Cramauchenia IN AN (fig. b52), ainsi que & v Fig. 502, Cramauchenia normalis Amgh. Sixième molaire supérieure gauche, peu usée, vue par la face masticatrice, grossie deux diamètres 1) de la grandeur naturelle. Kocène inférieur de Patagonie (colpodonéen), Fie, 558 Cramauchenia normalis Amgh. Sixième molaire supérieure gauche, très usée, vue par la face masticatrice, grossie deux diamètres (4) de la grandeur naturelle, Eocène inférieur de Patagonie (colpodonéen). celle qui la précède, ont un contour plus quadrangulaire qui devient encore plus prononcé à mesure qu'elles sont entamées par l'usure (fie. 53). Jusqu'à maintenant, nous avons eu à faire à des genres dont les molaires ont un diamètre transverse plus considérable que le diamètre antéro-postérieur; nous avons vu diminuer graduellement le diamètre transverse à partir du genre Lonchoconus. Avec le genre Cramauchenia, nous arrivons à un stade dans lequel les molaires supérieures persistantes ont un diamètre transverse sensiblement égal au diamètre antéro-postérieur. Sur la molaire usée figurée plus haut (fig. bB3), il reste un vestige de la vallée en croissant antérieure (() complètement isolé, ressemblant à un puits dont le contour est elliptique. AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 495 Cramauchenia insolita, de taille plus considérable que la précédente, a des molaires (fig. 554) avec le trigon encore plus prononcé, mais malgré cela les denticules médians #4, mp se conservent visibles ainsi que les deux vallées en croissant | (et )] qui les séparent des denticules externes ae, pe. Dans le genre T'heosodon, de la formation santacruzienne, les molaires cinq et six conservent les mêmes proportions de longueur et de largeur des couronnes (fig. 555) que dans Cramauchenia. La mo- & S> EZ WIN “UN SNS IN Fig. 554, Cramauchenia insolita Amgh. Sixième molaire supérieure droite, vue par la face masticatrice, grossie deux diamètres (+) de la grandeur naturelle. Eocène inférieur de Patagonie (colpodonéen). Fig. 555. Theosodon Lydekkeri Amgh. Cinquième molaire supérieure droite, vue par la face masticatrice, grossie huit septièmes (5) du naturel. Eocène supérieur de Patagonie (santacruzéen). dification la plus considérable consiste dans l'effacement du trigon de sorte que les molaires ont repris la forme quadrangulaire parfaite. Cette transformation ou retour à la tétragonodontie s’est accompli par un rapprochement du sommet du denticule postérieur interne pi vers la crête oblique transversale postérieure du trigon avec laquelle il termina par se fusionner en constituant une saillie postérieure interne séparée de l’antérieure par le sillon interlobulaire »; cette fusion a effacé aussi l'entrée v de la vallée transversale médiane et a modifié l'étendue et la forme du bourrelet postérieur (,,) qui est plus court, plus arqué et qui entoure une fossette périphérique postérieure (0,) plus petite mais plus profonde. En avant, la fossette périphérique antérieure (0°) correspondante s’est portée plus sur le côté interne où elle s’est transformée en un puits. La vallée en croissant postérieure a complètement disparu 426 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. etil reste des vestiges de l’antérieure (() au fond d’une fossette antérieure complètement isolée, La dernière molaire (fig. 556) diffère de l’avant-dernière par son contour plus triangulaire dû à l’atrophie du lobe postérieur qui non seulement a diminué d'avant en arrière, mais aussi dans la direction transversale; sous ce rapport il y a un contraste bien prononcé entre le denticule postérieur interne pi de Theosodon qui n'arrive pas à la même ligne du bord interne du denticule antérieur ai et entre le denticule postérieur interne pi de son ancien antécesseur Didolodus qui est proportionnellement beaucoup plus gros et qui avance à l’intérieur du palais plus que l’antérieur interne ai. =agHIT: An. // } m4. 17LI71] Fig. 556. Theosodon karaikensis Amgh. Dernière par la face masticatrice, grossie deux diamètres Eocène supérieur de Patagonie (notohippidéen). molaire supérieure droite, vue (4) de la grandeur naturelle. Pseudocoelosoma est un macrauchénidé de la partie supérieure de l'étage santacruzéen qui ressemble à Theosodon, mais les molaires supérieures (fig. bb7) s'en distinguent par la réapparition du tubercule supplémentaire interlobulaire interne# en face du sillon interlobulaire »; le sillon reste en partie couvert par le tubercule et se transforme en une fossette périphérique interne (o.) qui est le même puits médian du bord interne des molaires de Macrauchenia. Après la formation santacruzienne de Patagonie, la plus ancienne des formations fossilifères connues dans notre pays est la formation entrerrienne de Paranä, mais entre ces deux formations, il AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 497 s’est écoulé un temps considérable. Il y a un grand hiatus géologique qui correspond à une interruption dans la continuation progressive de notre ligne. Dans le tertiaire de Paranä, nous nous trouvons en présence de nombreux macrauchénidés dont la forme du crâne s'éloigne beau- À 7 E) A L Ni à es \) SAN A ; 770 & 0 É li "HAT EE < » MU A" AL a l Q pi Fig. patagonica Amgh. Cinquième et sixième molaires su5 557. Pseudocoelosoma Ê 1 périeures gauches; &, vues par la face masticatrice, et b, vues par la face interne, grossies un demi-diamètre (5) de la grandeur naturelle, Eocène supérieur de Patagonie (santacruzéen supérieur) coup de ceux de la formation santacruzienne. Dans les molaires les différences sont moins considérables. Le plus primitif de tous et qui s'éloigne le moins de Theosodon et de Pseudocoelosoma est Paranauchenia (fig. 558 et 559), Les molaires de ce genre se rapprochent de Macrauchenia par les fossettes coronales que nous avons déjà constatées dans les au- 428 MUSEO NACIONAL tres genres, ; mais qui 1! (fig. 5 b58) DE BUENOS AIRES. se sont transformées ici en des puits elliptiques circulaires très profonds, Il se rapproche des genres du tertiaire ancien (Cramauchenia, Theosodon) parce qu'il con- Fig. 558. Paranauchenia denticulata Amgh. Les molaires 4 à 7, en place sur un morceau de maxillaire, vues par la face masticatrice, de grandeur naturelle. Oligocène supérieur de Paranû (mésopotaméen), Collection du Musée National de Buénos Aires. serve le même contour carré de leurs molaires, avec le diamètre an- téro-postérieur sensiblement égal au diamètre transverse, Il se rap- Fig. 559. Paranauchenia denticulata Amgh. Les quatre molaires précédentes, vues par le côté externe dans le morceau de maxillaire pour montrer la longueur des racines par rapport à la couronne, aux trois quarts (34) de la grandeur naturelle, proche aussi de toutes les formes anciennes tertiaires et crétacées parce qu'il est encore brachyodonte parfait, avec des molaires à couronne très basse et à racines excessivement longues (fig. 559). | AMEGHINO: MORPHOLOGIE PHYLOGÉNÉTIQUE. 429 C’est le dernier genre de la ligne qui se trouve dans ces conditions. Le bourrelet basal du côté externe qu’on trouve sur les molaires de toutes les espèces du tertiaire ancien est encore plus fort sur celles de Paranauchenia. Dans le genre Oxyodontherium (fig. 560), nous voyons encore un avancement vers la forme des macrauchénidés plus récents. Les ï À Fig. 560, Oxyodontherium À ris ER Ê PA je 0. pt Zeballosi Amgh. Les trois dernières molaires supérieu- res du côté gauche, vues par la face masticatrice, de grandeur naturelle, Oligocène supérieur (mésopotaméen) de Paranä, Collection du Musée National de Buénos Aires, couronnes des molaires cinq et six ont augmenté leur diamètre antéro-postérieuretdiminué leur diamètre transverse de manière qu’elles sont un peu plus longues que larges; mais la dernière conserve la forme courte d'avant en arriëre comme chez T'heosodon. Les couronnes de ces molaires sont Ho un peu plus hautes, et les ra5 cines un peu plus courtes que dans les mêmes dents de Paranauchenia. Dans le genre Scalabrinithe- PE qui CN 7 { ue || rium qui se trouve couches 7 | un dans les < les plus supérieures , CE da Pts Fig. 561. Scalabrinitherium molaire molaires qui ontcomplètement sopotaméen supérieur), perdu la forme carrée à angles Musée la constatons notable L formation, nous un changement très même danss le contour des 4 0, po um Cinquième de f Rothi Amgh, supérieure droite, déjà assez usée, vue par la face masticatrice, grossié cinq quarts (5) du natu16 14 (HNET AE rel, Oligocène supérieur de Paran4 (mé- National de Collection du Buénos Aires, droits et à côtés égaux pour prendre celle de rectangles à diamètre longitudinal notablement plus considérable que le diamètre transverse (fig. 561), c'est- 430 MUSEO NACIONAL DE BUENOS AIRES. à-dire une conformation complètement opposée à celle des formes crétaciques, celles du tertiaire moyen tenant le milieu entre les deux. Cette disposition dans le contour de la couronne des molaires et Ja relation de leurs deux diamètres longitudinal et transverse, se conservent jusqu'aux formes les plus récentes sans aucun autre changement que celui de s'accentuer encore davantage. Ce changement dans les deux diamètres maximum et minimum des molaires est accompagné d'une modification dans la relation de la couronne par rapport aux racines; la brachyodontie parfaite de Paranauchenia et des genres plus anciens a disparu, étant remplacée par un stade intermédiaire entre la brachyodontie et l'hypsodontie. Quand les molaires sont encore jeunes, elles ont une cou- P ss fi CS Ga f s + — ine te E= Fig. 062, Scalabrinitherium Bravardi Amgh. Cinquième molaire supérieure droite, très usée; a, vue par la face masticatrice, et b, vue par la face externe, de grandeur naturelle, Oligocène supérieur de Paranû (mésopotaméen supérieur). Collection du Musée National de Buëénos Aires.
9,032
dumas-04313888-THESE%20LORETTE%20MORSIANI%20FINIE%20LE%201711.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Interconnexion entre la qualité du sommeil et le microbiote intestinal : optimisation de la qualité de vie. Sciences pharmaceutiques. 2023. &#x27E8;dumas-04313888&#x27E9;
None
French
Spoken
7,621
12,867
La composition du SNE Il s’agit de la partie du système nerveux autonome qui contrôle le système digestif pour l’activité motrice, les sécrétions et la vascularisation.(90) Il fonctionne de manière indépendante des deux autres centres nerveux. On le nomme ainsi le « deuxième cerveau ». Figure 52 : Composition du SNE (89) L’innervation intrinsèque intestinale comprend des neurones afférents, des interneurones et des neurones efférents en relation avec les effecteurs : les fibres musculaires lisses, les glandes, les vaisseaux et les cellules immunitaires. C’est grâce à ses trois structures, formant des arcs reflexes, que le SNE est capable de fonctionner de manière autonome en produisant des réflexes locaux, aussi appelés reflexes entéro-entériques. 77 Le SNE est composé de plusieurs filets de ganglions, appelés plexus entériques (Figure 52). Les deux plexus principaux portent le nom de plexus submuqueux de Meissner et le plexus myentérique de Auerbach. (91) Le plexus myentérique se trouve dans la couche musculaire, ce qui explique son rôle dans les contractions du tube digestif. (90) Sans lui, le tube digestif ne pourrait se contracter et les aliments ne progresseraient pas dans le tube digestif. L'autre plexus est situé dans la couche submuqueuse, où il y commande les sécrétions gastro-intestinales et le flux sanguin. Ces deux plexus communiquent entre eux. 1.2.2.2. Les neurones fonctionnels du SNE Figure 53 : Les neurones du SNE https://asso.adebiotech.org/wp-content/uploads/2021/09/1-Knauf.pdf C’est un système intégratif composé de différents neurones entériques : - Neurones afférents primaires intrinsèques (IPANs) ou neurones sensoriels : ils reçoivent l’information sensitive et régulent l’activité des interneurones. Ils sont multimodaux et peuvent répondre à des stimuli de nature différente. (Figure 53) - Neurones moteurs : ils peuvent être excitateurs ou inhibiteurs par la sécrétion de neurotransmetteurs. Les excitateurs stimulent les cellules effectrices en libérant les neurotransmetteurs excitateurs (acétylcholine...) alors que les inhibiteurs libèrent les neurotransmetteurs qui réduisent activité des cellules effectrices (monoxyde d’azote...). - Interneurones : ils forment un réseau dense au travers duquel les informations transitent. Ils permettent de multiples connexions entre les neurones afférents et les neurones efférents. (Figure 53) 78 1.2.3. L’interaction entre le SNE et le SNA Comme nous le démontre la partie précédente, le SNC est en interaction permanente avec le tube digestif via les voies nerveuses sympathiques, parasympathiques et le SNE. Ceci met en évidence une étroite connexion bidirectionnelle entre l’intestin et le cerveau. 1.2.3.1. Les mouvements intestinaux Les centres de contrôle de commande du péristaltisme intestinal sont situés dans la paroi digestive. Les cellules entérochromaffines présentes dans cette paroi réagissent aux stimuli mécaniques ou chimiques en libérant la sérotonine ou encore l’ATP à proximité des terminaisons nerveuses des neurones sensibles présents dans l’intestin. Lorsque la sérotonine est détectée par les récepteurs 5-HT, elle active ces neurones qui, à leur tour, stimulent des interneurones, responsables eux, de l’activation de deux types de neurones qui innervent les fibres musculaires : (87) - Les neurones moteurs excitateurs dont l’axone se projettent vers le haut et qui produisent l’ACh et la substance P. Une fois libérées, elles induisent une contraction musculaire en amont du stimulus (Figure 54). (87) Figure 54 : Le péristaltisme intestinal http://www.dilingco.com/DilingcoPro/contenttf/physio4_4.htm 79 - Les neurones moteurs inhibiteurs dont l’axone se projettent vers le bas et produisent des neurotransmetteurs comme le monoxyde d’azote (NO), ou encore l’ATP. Une fois libérés, ils entrainent une relaxation musculaire en aval du stimulus. (87) Ainsi se crée une contraction en a mont du bol alimentaire et une relaxation en aval facilitant la propulsion du contenu colique. Une forte stimulation sympathique inhibe le péristaltisme intestinal, contrôle les sphincters et induit un ralentissement de la progression du bol alimentaire dans l’intestin. Alors qu’une forte stimulation parasympathique stimule le péristaltisme et relâche les sphincters induisant une accélération de la progression du bol alimentaire. 1.2.3.2. La régulation de l’absorption intestinale Outre le fait que l’absorption des nutriments et des électrolytes soit dépendante de la perméabilité paracellulaire, des études récentes ont montré que l’activation des neurones entériques par activation du système nerveux parasympathique conduit à un renforcement de la barrière, caractérisée par une diminution de la perméabilité paracellulaire. Ainsi les neurones entériques ont la capacité de moduler la perméabilité paracellulaire en fonction du type de neuromédiateurs libérés. (93) 2. L’axe microbiote-intestin-cerveau Le concept d’axe microbiote-intestin-cerveau, également connu sous le nom d’axe tripartite, représente un système de communication bidirectionnelle et complexe entre le microbiote intestinal, l’intestin et le cerveau. Cet axe est actuellement un domaine de recherche en plein essor. Il est de plus en plus évident que le microbiote intestinal joue un rôle essentiel sur notre cerveau et vice-versa. Ces divers mécanismes par lesquels le microbiote peut affecter les fonctions neurologiques restent complexes et ne sont pas totalement élucidés. Toutefois, cette interaction dynamique entre le microbiote intestinal, l’intestin et notre cerveau suscite beaucoup d’intérêt dans le domaine de la santé. 2.1. La barrière hémato-encéphalique (BHE) Lorsqu’il s’agit d’axe microbiote-intestin-cerveau, la BHE joue le rôle de barrière protectrice entre la circulation sanguine et le cerveau, empêchant l’entrée de substances potentiellement nocives dans le SNC. Cependant, la BHE est également impliquée dans la régulation de la communication entre le microbiote intestinal et le cerveau. Des études ont montré que des perturbations du microbiote intestinal peuvent avoir un impact sur l’intégrité et la fonctionnalité de la BHE. Des altérations du microbiote peuvent entraîner une augmentation de la perméabilité de la BHE, également appelée « fuite de la barrière hémato-encéphalique ». Cette fuite peut permettre à certaines molécules potentiellement nocives de pénétrer le cerveau et d’influencer son fonctionnement en déclenchant par exemple une inflammation chronique associée à divers troubles neurologiques et psychiatriques tels que la maladie d’Alzheimer, la dépression ou encore l’anxiété. D’autres études ont montré que les AGCC produits par le microbiote peuvent traverser la BHE et agir sur les neurones du système nerveux central, modulant ainsi les fonctions cérébrales et le comportement. Ces AGCC peuvent donc affecter la libération de neurotransmetteurs comme la sérotonine et le GABA, qui jouent un rôle crucial dans la régulation de l’humeur, du stress et du sommeil. Les perturbations de la BHE liées au microbiote peuvent donc être associées à divers problèmes de santé. Cependant, il est important de noter que la compréhension de ces interactions est encore au cours de développement. 2.2. Les voies de communication entre le microbiote intestinal et le cerveau La communication entre le microbiote intestinal et le cerveau se fait par le biais de plusieurs mécanismes complexes (Figure 55) : - Voie métabolique ou voie sanguine : le microbiote intestinal est impliqué dans la dégradation et la fermentation des aliments, ce qui génère des métabolites spécifiques. Certains sont absorbés dans la circulation sanguine et vont atteindre le cerveau, où ils peuvent influencer l’activité neuronale et les fonctions cognitives. - Voie immunitaire : le microbiote intestinal interagit avec le système immunitaire local de l’intestin, ce qui peut avoir un impact sur la fonction immunitaire et inflammatoire localement et à distance. L’inflammation chronique et les déséquilibres immunitaires peuvent affecter la fonction cérébrale et le comportement. 81 - Voie endocrinienne : le microbiote intestinal peut influencer le cerveau en produisant des hormones et des métabolites qui sont libérés dans la circulation sanguine. Ces substances bioactives peuvent traverser la BHE et influencer directement les fonctions cérébrales. - Voie neurologique ou voie nerveuse : le microbiote intestinal communique avec le cerveau via le SN. Les micro-organismes intestinaux produisent des substances bioactives telles que des neurotransmetteurs. Elles peuvent être détectées par les terminaisons nerveuses situées dans la paroi intestinale. Les signaux sont alors transmis au cerveau via le nerf vague. Figure 55 : Les différentes voies de communication entre le microbiote intestinal et le cerveau (94) 2.2.1. La voie neurologique : le Nerf Vague Le nerf vague est le principal nerf qui relie l’intestin au cerveau. 82 Les micro-organismes présents dans le microbiote intestinal produisent des neurotransmetteurs, des acides aminés et des métabolites qui vont stimuler les terminaisons nerveuses situées dans la paroi intestinale. Cette stimulation génère des signaux qui sont ensuite transmis au cerveau par le nerf vague. Ainsi, les informations du microbiote intestinal sont relayées au cerveau, où elles peuvent influencer divers aspects de la fonction cérébrale, telle que l’humeur, le comportement. (Figure 56) En retour, le cerveau peut envoyer des signaux au microbiote intestinal par le biais du nerf vague, ce qui influencera la composition et l’activité du microbiote. Le nerf vague est également le constituant principal du système nerveux parasympathique. Figure 56 : Voie de communication entre le microbiote intestinal et le cerveau par le nerf vague et le système immunitaire https://www.biocode microbi institute. 2.2.2. La voie immunitaire Le système immunitaire intestinal, le microbiote intestinal et le cerveau entretiennent une communication étroite et complexe formant un réseau d’interactions appelé axe microbioteintestin-cerveau-immunité. 83 Le système immunitaire GALT, constitue environ 70% de l’ensemble du système immunitaire. Il interagit avec le SNC, le SNE et le SNA et joue un rôle essentiel dans la défense contre les bactéries pathogènes. Par ailleurs, une dysbiose peut influencer de manière significative les réponses inflammatoires de l’organisme. Des composés bactériens associés aux agents pathogènes comme les LPS sont capables de déclencher une série de voies de signalisation qui activent les facteurs de transcription stimulant à leur tour la production de médiateurs proinflammatoires comme les interleukines et le TNF-alpha. Ces médiateurs peuvent interagir avec le nerf vague et engendrer une dysbiose. Ceci entrainera une augmentation du passage de substances pro-inflammatoires dans la circulation sanguine et donc une inflammation au niveau du SNC. (Figure 56) 2.2.3. La voie métabolique avec les AGCC Les bactéries du microbiote intestinal fermentent les fibres alimentaires non digestibles, telles que les prébiotiques pour produire des AGCC notamment l’acétate le propionate et le butyrate. Les AGCC sont ensuite libérés dans l’intestin et peuvent influencer le fonctionnement du cerveau de plusieurs manières : 2.2.3.1. Par la signalisation neurochimique Les AGCC agissent comme des signaux chimiques et se lient à des récepteurs spécifiques dans les cellules nerveuses de la paroi intestinale et du cerveau, modulant ainsi l’activité ale et la transmission des signaux dans le SN. 2.2.3.2. Par la BHE Comme nous avons pu le voir précédemment, certaines bactéries, comme celles des genres Bacteroides ou les Clostridium, sont capables de produire des AGCC, comme le butyrate. Ils sont capables de traverser la BHE et d’influencer l’activité neuronale. Le butyrate a également la capacité de restaurer l’intégrité de celle-ci. Dans le cerveau, le butyrate agit sur certains récepteurs présents sur les neurones comme les récepteurs GPR41 et GPR43. (95) Une fois lié à ces récepteurs, il peut stimuler la libération de certains neurotransmetteurs tels que la sérotonine ou encore le GABA. 84 2.2.3.3. Inflammation et perméabilité intestinale Le butyrate a également des effets anti-inflammatoires dans le cerveau en inhibant la production des cytokines pro-inflammatoires. En réduisant ainsi cette production, il aide à atténuer les réponses inflammatoires excessives dans l’intestin. (96) Ce butyrate modifie le comportement des cellules immunitaires présentes dans la paroi intestinale. Il favorise l’expansion de certaines cellules immunitaires régulatrices telles que les lymphocytes T régulateurs qui jouent un rôle dans la suppression des réponses immunitaires inappropriées. D’autre part, le butyrate peut également être métabolisé par les cellules épithéliales de l’intestin pour former d’autres métabolites anti-inflammatoires. Par exemple, il peut être transformé en bêta-hydroxybutyrate aux propriétés anti-inflammatoires. En régulant l’inflammation de manière bénéfique, ces AGCC contribuent à maintenir l’équilibre du microbiote intestinal et à prévenir les déséquilibres inflammatoires qui peuvent conduire à des maladies intestinales inflammatoires comme la maladie de Crohn. (96) Malgré tout, il est important de savoir que la communication via les AGCC est en cours de recherche et que des études supplémentaires sont nécessaires pour élucider les mécanismes précis et les effets spécifiques des AGCC sur la fonction cérébrale et la santé mentale. (96) 2.2.4. La voie endocrinienne : métabolisme du tryptophane Le tryptophane est un acide aminé métabolisé par les bactéries du microbiote intestinal en produisant des métabolites spécifiques comme le dérivé indole et sérotoninergique (appelé 5hydroxytryptophane (5-HTP). La sérotonine, neurotransmetteur essentiel pour la régulation du sommeil, est synthétisé à partir de ce 5-HTP. Ces métabolites peuvent être ensuite absorbés dans la circulation sanguine à partir de l’intestin. Une fois dans la circulation systémique, ils pourront atteindre le cerveau en traversant la BHE. De ce fait, les métabolites peuvent influencer le SNC en agissant sur des récepteurs spécifiques. Par exemple, certains pourront moduler l’activité de la sérotonine. Il est important de noter que la régulation du métabolisme du tryptophane par le microbiote intestinal est complexe et peut être influencée par différents facteurs comme l’alimentation, les médicaments et le mode de vie. Des déséquilibres du microbiote intestinal peuvent altérer la production de métabolites du tryptophane et avoir des implications sur la santé mentale et neurologique. IV. INTERACTION ENTRE LE MICROBIOTE INTESTINAL ET LA QUALITÉ DU SOMMEIL Le sommeil est vital pour notre santé, mais il est souvent perturbé. Nous allons essayer de comprendre comment l’interaction entre le microbiote intestinal et la qualité de sommeil peut influencer notre bien-être. 1. Les neurotransmetteurs du microbiote intestinal dans la modulation du sommeil Les neurotransmetteurs sont des substances chimiques qui transmettent des signaux entre les neurones et les cellules cibles. (97) Le microbiote intestinal joue un rôle essentiel dans la production et la régulation des neurotransmetteurs. Nous allons développer les plus importants. 1.1. Le tryptophane (Trp) Figure 57 : Rôle du tryptophane Le tryptophane est un acide aminé fourni par l’alimentation car le corps n’est pas capable de le produire lui-même. Le L-Trp est le seul isomère utilisé dans la synthèse des protéines car il est capable de traverser la BHE. (98) Il participe à divers processus biologiques essentiels, mais son rôle principal est la synthèse de protéines. 86 Il est également le précurseur de deux voies métaboliques : la synthèse de la kynurénine et de la sérotonine. Il est également le précurseur de la vitamine B3, jouant un rôle dans la production énergétique du métabolisme. (98) Le tryptophane est en constante communication avec le système gastro-intestinal et le SNC. (99) Une carence importante en L-tryptophane dans l’organisme peut provoquer des troubles de l’humeur, une dégradation de la qualité du sommeil et des effets négatifs sur les mouvements intestinaux en cas de SCI. (98,100) Pour les personnes souffrant de MICI, on observe un faible niveau de tryptophane. Ce niveau bas de Trp pourrait engendrer une malabsorption du tryptophane. Ces problèmes peuvent être traités avec l’aide de compléments alimentaires que l’on abordera dans la dernière partie. 1.2. La sérotonine Elle joue un rôle important dans l’axe cerveau-microbiote intestinal. Plus de 95% de sérotonine présente dans le corps se trouve dans le tractus gastro-intestinal.(84) C’est une protéine, neurotransmetteur entérique, qui stimule l’hypersensibilité viscérale, augmente la perméabilité des muqueuses, modifie la motilité intestinale, active le système immunitaire et induit l’inflammation.(97) Elle est principalement synthétisée par les cellules entérochromaffines. Elle est produite à partir du L-tryptophane (Trp) dérivé du contenu alimentaire dans lequel le tryptophane hydrolase (TPH1) convertit le Trp en 5-hydroxytryptophane (5-HTP), précurseur direct de la sérotonine (5-HT). Cette activation de ’hydrolase dépend du microbiote résident et de leurs métabolites. (Figure 58) La sérotonine (5-HT) libérée peut se lier à divers récepteurs comme le 5-HTRs sur les cellules immunitaires et induire une inflammation des muqueuses de l’intestin. Elle peut aussi moduler la motilité gastro-intestinale en stimulant le SNE. Une fois libérée, elle est absorbée par le transport de recapture de sérotonine (SERT) puis, dégradée par la monoamine oxydase (MAO) en acide 5-hydroxyindol-acétique (5-HIAA) dans les cellules, qui permettra la transmission de l’influx nerveux. (Figure 58) La sérotonine influence donc la composition bactérienne du microbiote intestinal. 87 Figure 58 : Rôle de la sérotonine (101) Elle joue également un rôle essentiel dans la régulation de notre humeur et de notre bien-être. En son absence, des épisodes de dépression et d’anxiété se font ressentir. Le manque de sérotonine peut également perturber notre capacité à nous endormir. En effet, la nuit, elle se transforme en une autre protéine : la mélatonine. Les troubles de l’humeur associés au stress peuvent entrainer un désir de consommer des aliments riches en sucre ce qui favorisera un apport en glucides et donc le passage de tryptophane vers le cerveau. Tout cela va stimuler la production de sérotonine, qui réduira l’anxiété par la suite. 1.3. La mélatonine L’interaction entre notre microbiote intestinal et notre cycle de sommeil est un élément crucial à considérer. Notre horloge biologique règle nos cycles sur 24h. Lorsque la nuit tombe, elle commence à produire la mélatonine, essentielle pour la qualité de notre sommeil. Le maintien d’un rythme naturel d’alternance entre la lumière du jour et l’obscurité est fondamental pour le bon fonctionnement de cette horloge et de notre microbiote intestinal. Les perturbations de ce rythme, par exemple le décalage horaire ou encore les patients postés, ont un impact sur la 88 composition de notre microbiote intestinal. Une altération chronique du rythme biologique peut augmenter le risque de développer des èmes de santé tels que l’obésité, le diabète de type 2, les maladies inflammatoires de l’intestin. 2. La relation entre le microbiote intestinal et les troubles du sommeil Des recherches récentes établissent un lien entre les troubles du sommeil et les troubles de la santé. Ainsi les études récentes montrent que de petites irrégularités telles que le décalage horaire entre le week-end et la semaine peuvent suffire à affecter notre microbiote intestinal et de ce fait avoir un impact sur notre santé. 2.1. Hyperperméabilité intestinale et perturbation du rythme circadien La dysbiose intestinale et les perturbations du rythme circadien sont associées dans diverses pathologies comme l’obésité ou encore les maladies inflammatoires de l’intestin. Une étude récente met en évidence le fait qu’une perturbation du rythme circadien favorise l’hyper perméabilité intestinale, entrainant un changement dans la composition de notre microbiote intestinal. Les phylums bactériens Firmicutes et Proteobacteria sont retrouvés en abondance et le phylum des Bacteroidota est diminué. Cette modification est d’autant plus prononcée si elle est associée à un régime riche en graisses et en sucres. Elle suggère également que cette perturbation du rythme circadien peut avoir des implications sur la composition du microbiote et de ce fait avoir des répercussions sur la santé. 2.2. Insomnie, stress et dépression Le stress joue un rôle significatif dans l’apparition de l’insomnie et de la dépression. Souvent, les patients atteints de troubles du sommeil ou de dépression manifestent des symptômes d’anxiété. (102) Récemment, des chercheurs ont établi un lien entre la dysbiose le stress et l’insomnie. (103) Par exemple, les individus qui travaillent en horaires décalés ont souvent de courtes périodes de sommeil perturbant ainsi leurs rythmes circadiens. (104) Ces perturbations déclenchent toute une série de réactions physiologiques liées au stress qui altèrent la composition du microbiote entérique. (102) Le microbiote altéré peut influer sur le fonctionnement du système nerveux et du système immunitaire réduisant ainsi la capacité de l’individu à faire face au stress. (104) 89 L’hyperactivité de l’axe HH (hypothalamo-hypophysaire) causée par le stress et l’insomnie peut perturber l’équilibre intestin-microbiote en augmentant la perméabilité de la muqueuse intestinale et en activant l’immunité intestinale provoquant une réponse inflammatoire. L’inflammation et les infections par des agents pathogènes sont les phénomènes précurseurs qui peuvent entrainer de l’anxiété de la dépression et des troubles du sommeil. (106) On sait que les bactéries intestinales peuvent produire une variété de neurotransmetteurs comme la sérotonine, la dopamine, le GABA et la mélatonine et agir sur l’activité de notre cerveau. Certains Lactobacilles et Bifidobactéries sont capables de sécréter du GABA. Une diminution de ce neurotransmetteur est observée chez les patients insomniaques et dépressifs. Plusieurs études ont démontré une fréquente augmentation des Bacteroides et Protéobactéries chez les patients atteints de dépression. 2.3. Troubles du sommeil et obésité Outre le facteur de la pense énergétique impliqué dans l’obésité, il existe une relation entre l’obésité, le stress, le sommeil et le microbiote intestinal que les scientifiques ont mis en évidence dans plusieurs études. Le premier lien réside dans la perturbation des hormones régulant le sommeil et le métabolisme induit par le manque de sommeil.(107) Les individus privés de sommeil présentent une augmentation du taux de cortisol, hormone du stress liée à la prise de poids et de la ghréline, hormone stimulant l’appétit. De plus, le manque de sommeil entraîne une diminution de l’hormone leptine, qui signale au cerveau la sensation de satiété, entrainant une augmentation de l’apport alimentaire. Le corps subit donc une prise de poids conduisant à long terme à l’obésité. (107) Ensuite, d’autres recherches révèlent que le stress joue un rôle central dans la liaison entre le sommeil et le métabolisme en activant l’axe hypothalamique-hypophyso-surrénalien (HPA). (108) Des hormones, comme la mélatonine, modulent le cycle éveil-sommeil.(108) Deux nuits consécutives de restriction du sommeil peuvent entrainer une augmentation de la faim et de l’appétit mais surtout de l’appétence pour les produits riches en énergie et de faible qualité nutritionnelle. Six nuits consécutives de restriction de sommeil entrainent une augmentation précoce du niveau de cortisol dans la journée influant sur l’insulino-résistance, la faim et le développement d’une obésité abdominale. 90 Une diminution de consommation du glucose s’effectue la nuit. En cas d’insomnie, la régulation glycémique se dérègle et un impact négatif s’observe sur la satiété. Ceci explique le gain de poids possible induit par la perte de sommeil. (108) (109) C’est un cercle vicieux : On dort moins, on a faim, on prend du poids, on bouge moins donc on ne dort plus. Les changements métaboliques peuvent également affecter l’architecture du sommeil. Il existe une relation entre la prise d’aliments le soir et les habitudes du sommeil. Il en est de même pour la restriction alimentaire qui peut augmenter la latence du début de sommeil. (110) 2.4. Troubles du sommeil et troubles gastro-intestinaux 2.4.1. Insomnies et inflammation Une autre cause de l’insomnie pourrait impliquer un facteur important : l’activation proinflammatoire. (111) Des études ont pu démontrer que la privation de sommeil a été associée à une augmentation des cytokines pro-inflammatoires, dont l’interleukine-6 (IL-6). Produites par diverses cellules de l’organisme, elles régulent la réponse immunitaire et l’inflammation. (111) La privation de sommeil chronique peut donc déclencher une réponse immunitaire. Le niveau d’IL-6 augmente en réponse à cette inflammation quelques heures après une nuit de sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité. L’IL6 agit comme une molécule de signalisation dans l’inflammation qui peut engendrer des conséquences néfastes sur la santé. Selon le contexte, elle peut stimuler ou inhiber l’inflammation. (111) D’autres études ont été menées sur des patients souffrant d’insomnies aigues et chroniques par rapport à un « bon dormeur ». (112) Les patients insomniaques avaient un taux de cytokines inflammatoires (IL-1B IL-6 et TNF-a) bien plus élevé que les dormeurs témoins et ce taux augmentait avec la sévérité de l’insomnie. (113) Cela implique que les niveaux de cytokines pro-inflammatoires peuvent augmenter la gravité des symptômes de l’insomnie.(112) En plus de la production de ces cytokines, leur microbiote est aussi altéré avec un appauvrissement de certaines bactéries qui produisent les AGCC, molé anti-inflammatoires. On observe également une diminution de la production de butyrate, associée à une augmentation des marqueurs inflammatoires. Ceci explique le niveau élevé d’inflammation chez les patients souffrant d’insomnie chronique. Malgré toutes ces preuves, des recherches sont encore nécessaires sur la relation entre le microbiote intestinal, l’insomnie et les cytokines inflammatoires. 2.4.2. Insomnies et Maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) Les maladies inflammatoires de l’intestin se caractérisent par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, due à une dérégulation du système immunitaire. Elles évoluent par poussées inflammatoires de durée et de fréquence variables en alternance avec des phases de rémission. (114) Ces MICI dépendent de nombreux facteurs dont le microbiote intestinal. En effet, l’absence de certaines bactéries bénéfiques dans la population bactérienne peut encourager le développement d’une réponse immunitaire anormale et déclencher ces MICI. (115) Le stress et la privation de sommeil font partie des autres causes possibles déclenchantes de MII. Dans le cas de la privation de sommeil, la concentration en mélatonine sérique ne change pas mais les niveaux de l’hormone dans le côlon et les fèces sont diminués. (115) La mélatonine sérique produite par la glande pinéale n’est pas impactée mais celle des cellules entérochromaffines de l’intestin oui. La diminution de mélatonine peut baisser les effecteurs anti-inflammatoires de l’intestin et favoriser des situations telles que les MICI. (115) Donc, le stress ou la privation de sommeil entrainent un changement du microbiote intestinal. Les Lactobacilles, bactéries bénéfiques à l’intestin, sont diminués sous privation du sommeil et les genre Bacteroides et Clostridium, connus pour favoriser l’inflammation, augmentées. Les bactéries colitogéniques, favorisant les colites, sont également augmentées durant un stress ou un trouble de sommeil.(116) En ce qui concerne l’impact de la variation circadienne dans les maladies inflammatoires de l’intestin, des études ont montré que la motilité gastro-intestinale est supprimée pendant le sommeil par les ondes lentes, puis, augmentée lorsque nous nous réveillons. (117) Cette variation quotidienne démontre l’importance que jouent les rythmes circadiens dans le maintien d’une bonne santé intestinale. (117) Par ailleurs, le système immunitaire de l’intestin est également sous régulation circadienne. Les médiateurs inflammatoires suppriment l’expression du gène de l’horloge circadienne entrainant donc des troubles du sommeil.(117) Cette observation démontre l’impact de l’horloge sur la perméabilité des cellules intestinales en tant que déclencheur de poussées de maladie inflammatoire de l’intestin (MII). 92 Figure 59 : Facteurs entrainant une perturbation du sommeil dans les maladies inflammatoires de l'intestin 2.4.3. Insomnies et syndrome de l’intestin irritable (SII) ou syndrome du côlon irritable (SCI) Pour rappel le SII, est un trouble gastro-intestinal, chronique et fonctionnel, ayant de réels impacts sur la qualité de vie des personnes dont notamment la qualité de sommeil. Les symptômes sont similaires au cas de « Leaky Gut » c’est-à-dire : diarrhée ou constipation, ballonnements, inconfort et douleurs abdominales récurrentes. Les patients souffrant de syndrome du côlon irritable (SCI) possèdent des anomalies au niveau de la concentration en sérotonine. Il existe différent sous-types de SII dans lesquels on constate une différence dans les niveaux d’hormones : - Lorsque la maladie est à prédominance de diarrhées (SII-D), la recapture de sérotonine est diminuée. - Lorsqu’elle est à prédominance de constipation (SII-C), la libération du neurotransmetteur est anormale. Dans les deux cas, la mélatonine, qui découle de la sérotonine, est aussi touchée ce qui pourrait entrainer des troubles de sommeil chez les patients souffrant de SII. (118 ) V. AMELIORATION DE LA QUALITÉ DE SOMMEIL VIA LE MICROBIOTE INTESTINAL ET VICE-VERSA Le sommeil est une composante essentielle de notre bien-être jouant un rôle vital dans la régénération de notre corps. Toutefois, de nos jours, de nombreuses personnes luttent contre les problèmes de sommeil affectant ainsi leur qualité de vie. Parallèlement, la science a fait d’importantes avancées dans la compréhension du microbiote intestinal. Ce qui était autrefois considéré comme une simple cohabitation, s’est révélé être une relation complexe où le microbiote intestinal et la qualité du sommeil sont étroitement liés. Cette synergie fascinante entre notre système digestif et notre cycle de sommeil offre donc des opportunités passionnantes pour améliorer notre santé globale. 1. Conduite à tenir devant une plainte de sommeil Lorsqu’un patient se plaint d’insomnie au comptoir, il est essentiel d’aborder ce problème en tenant compte de son histoire personnelle et de son environnement. Il faut explorer l’ensemble des symptômes diurnes et les conséquences sur la vie personnelle, sociale et professionnelle du patient. Par exemple, on va lui fournir un agenda du sommeil (Figure 60) permettant une autoévaluation de sa durée hebdomadaire de sommeil et sa rythmicité de sommeil. Cet agenda est disponible sur le site de l’HAS : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/201506/fm_-_agenda_sommeil-eveil_2015-06-12_09-40-51_769.pdf Figure 60 : Agenda du sommeil – HAS 94 Mais aussi, très récemment, depuis la pandémie de COVID-19, le Docteur PHILIPP a créé l’application « KANOPEE ». Il s’agit d’un agenda de sommeil sur application mobile qui fournit des conseils personnalisés pour améliorer son sommeil après un bilan rapide. (Figure 61) Figure 61 : Application KANOPEE Figure 62 : L'application KANOPEE 95 2. Bonne hygiène du sommeil Tout d’abord, avant toute autre initiative, il faut commencer par quelques conseils de règles hygiéno-diététiques. Pendant longtemps, les principes de bases de l’hygiène du sommeil ont été négligés pour se concentrer principalement sur le traitement de l’insomnie. Or, comme le dit si bien le Docteur Pierre PHILIP, dans son livre Réapprenez à dormir : « avant de passer à un traitement chimique, il faut d’abord respecter les trois grands principes qui suivent. » La première règle fondamentale de l’hygiène de sommeil repose sur la régularité du lever et par conséquence du coucher. Cette approche a pour but de respecter votre rythme biologique naturel et d enseigner à votre corps le moment optimal pour se réveiller. La deuxième règle repose sur la durée de sommeil et donc sa qualité. Elle doit être la plus régulière entre la semaine et le week-end. On peut se fixer un objectif comme le fait de manger 5 fruits et légumes par jour. La troisième règle est d’éviter tous les facteurs qui modifient les différents stades du sommeil ou sa continuité. D’autres conseils de règles hygiéno-diététiques peuvent être appliqués pour améliorer son sommeil (119). Au cours des réveils nocturnes, si vous ne parvenez pas à vous endormir, il vaut mieux quitter la chambre et vous occuper jusqu’au prochain cycle de sommeil. Le sommeil ne parvient pas à venir si nous nous acharnons à le trouver. Éviter de faire des siestes si vous avez des difficultés d’endormissement car vous allez « consolider » votre nuit. La pression homéostasique, un des mécanismes qui nous aide à dormir, est conditionnée par la durée de veille. Une petite sieste peut différer l’heure de l’endormissement ou créer des éveils intra-nocturnes ce qui empiètera sur notre qualité de sommeil. 96 L’exercice physique est recommandé mais 4 à 5 h précédant le coucher. Il augmente la température du corps et provoque une excitation tant physique que psychologique incompatible avec un bon sommeil. Éviter les bains trop chauds juste avant d’aller se coucher, tout comme éviter la température de la chambre trop élevée. Elle doit se situer entre 18 et 20° pour aider au sommeil. Il est également recommandé de maintenir des horaires de repas constants et d’éviter les repas trop lourds en fin de soirée. Éviter tous les excitants après 16h comme le café, les cigarettes et l’alcool. Pensez plutôt aux tisanes le soir. Éviter les lumières artificielles le soir (comme téléphone, la tv, la tablette...) et privilégier la lecture par exemple avec une lumière tamisée. Éviter l’automédication par somnifère sans avis médical. Comme le soutient l’HAS, ces règles peuvent suffire à restaurer le sommeil en cas d’insomnies légères. Toutefois à elles seules, elles ne peuvent prétendre résoudre un problème d’insomnie plus sévère. Elles doivent être associées à d’autres mesures thérapeutiques. (120) 3. Les compléments alimentaires 3.1. Le tryptophane Comme abordé précédemment, le tryptophane provient de l’alimentation. Cet acide aminé se retrouve essentiellement dans les graines de soja, la viande de dinde, le thon, les flocons d’avoine, le chocolat, les bananes, les prunes ou encore les cacahuètes. L’apport journalier recommandé est de 3,5 à 6mg/kg de masse corporelle pour un adulte et pour les nouveau-nés de 12mg/kg de masse corporelle (100). Une étude a démontré qu’un petit déjeuner et un diner riches en L-tryptophane peuvent favoriser un bon sommeil. 97 Une supplémentation en tryptophane favoriserait un sommeil de qualité en augmentant la production de mélatonine et de ce fait améliorerait le microbiote intestinal. En exemple, nous pouvons citer le laboratoire NHCO qui commercialise du L-Tryptophaneâ associé aux vitamine B3 et B6. Une gélule est à prendre le soir au coucher. Le Tryptocalmâ de chez Dissolvurol associe lui aussi le tryptophane aux vitamines B3 et B6. Un à deux comprimés sont à prendre en dehors des repas. Ils sont à avaler avec un grand verre d’eau. Le Neurobianeâ de chez Pileje associe quant à lui, du tryptophane à du magnésium et de la vitamine B6. Une gélule à prendre le soir, avec un verre d’eau. Ces trois compléments alimentaires sont déconseillés chez femme enceinte. Par ailleurs, ces compléments peuvent entrainer de la fatigue, des étourdissements, des nausées, des diarrhées, maux de tête. Il est conseillé de consulter son médecin avant de les prendre, surtout si vous prenez des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), des triptans ou du dextromethorphane (Tussidaneâ) Le traitement des troubles du sommeil par le tryptophane ne limite pas les performances cognitives contrairement aux médicaments qui nécessitent une ordonnance. Il améliore l’apnée obstructive du sommeil mais pas l’apnée centrale. (98) 3.2. La sérotonine Comme notre intestin représente le site principal de production de sérotonine, une dysbiose entrainerait une diminution de celle-ci et, de ce fait un trouble de sommeil et vice versa. Des recherches ont établi des liens entre les micro-organismes intestinaux et le sommeil et ont 98 prouvé que la prise de probiotiques à base de lactobacilles augmenterait l’expression des SERT, mécanisme important pour la régularisation des taux de sérotonine dans l’intestin.(121) Quelques aliments augmenteraient la production de sérotonine. On retrouve les poissons riches en oméga 3 : sardines, maquereaux et saumons. En effet, la synthèse de la sérotonine dans le cerveau est modulée par les AG oméga 3. Le thé matcha ou le thé vert, riches en polyphénols. Ils ont un effet antioxydant puissant et anxiolytique. Le chocolat noir est également une source de production de sérotonine. Outre l’alimentation, des compléments alimentaires peuvent booster notre sérotonine. On peut identifier le 5-HTP, les vitamines B, la rhodiola (plante adaptogène luttant contre le stress et favorisant un meilleur équilibre émotionnel), le magnésium, le millepertuis (plante améliorant les niveaux de sérotonine du cerveau) ou encore la L-Théanine. Ce dernier est un acide aminé naturel présent dans le thé vert ayant la capacité d’augmenter la sérotonine du cerveau et le niveau de GABA. Ceci permet d’améliorer l’anxiété et le sommeil. En exemple, nous pouvons citer le Griffoniaâ de chez Nutrimea dont la posologie est de trois gélules par jour. Dans une gélule on retrouve 150mg de sérotonine. La L-théanineâ de chez Solgar est à prendre deux fois par jour en dehors des repas. Le Ergystress serenâ de chez Nutergia est associé au L-trp, à la rhodiola, au magnésium et aux vitamines B3, B6 et B9. 99 3.3. La mélatonine La prise de mélatonine permet de réduire le temps de latence et d’endormissement et améliore la qualité de sommeil. Elle n’entraine pas de syndrome de sevrage à l’arrêt ni d’insomnie de rebond. Elle permet aussi de synchroniser le rythme veille/sommeil. Il existe deux formes de mélatonine à libération immédiate pour les personnes qui se réveillent qu’une fois dans la nuit et à libération prolongée pour les personnes qui se réveillent plusieurs fois dans la nuit. Attention, on la déconseille aux personnes souffrant de maladie auto-immune, aux femmes enceintes et allaitantes et aux enfants. Les personnes asthmatiques, épileptiques ou souffrant de troubles de l’humeur pourront en prendre sur avis médical uniquement. Vérifier le dossier pharmaceutique si patients sont traités par antiagrégants plaquettaires, anticoagulants, anti-inflammatoires, antidépresseurs ou antiépileptiques. 3.3.1. Dans le SCI et les MICI Pour les patients souffrant de SCI, pathologie chronique et récurrente, une guérison complète est peu plausible. En revanche, fixer des objectifs thérapeutiques raisonnables comme une diminution de la douleur abdominale est plus réaliste. 25 à 50% des patients atteints de SCI signalent des troubles de sommeil. (122) Dans une première étude, un apport exogène en mélatonine dosée à 3mg au coucher sur deux semaines, a permis de soulager les symptômes comme les douleurs abdominales, la distension abdominale et la sensation anormale de défécation pour les personnes souffrant du SCI. Cette amélioration se fait par l’action de la mélatonine sur le SNC et le système immunitaire. Elle agit sur les deux types de SCI et diminue la motilité de l’intestin par antagonisme des récepteurs à la sérotonine. Elle régule le sommeil mais a aussi un effet régulateur sur la motricité et la sensibilité du tube digestif. (122) Les actions de la mélatonine semblent également être liées à un effet d’hypersensibilité de l’intestin. Le mécanisme n’est pas encore totalement défini et cette étude ne suffit pas à influencer assez la qualité de vie ou à déterminer un effet sur le sommeil. A ce stade, on sait juste que la mélatonine a diminué les scores de symptômes du syndrome du côlon irritable et a amélioré la qualité de vie. La mélatonine permet donc de diminuer les douleurs abdominales, les ballonnements sans pour autant influer sur le sommeil chez l’individu souffrant de SCI. La mélatonine a suscité à un intérêt considérable dans les MICI, en raison de sa capacité à réguler la réponse inflammatoire, à neutraliser les radicaux oxygène réactifs et à prévenir et traiter la colite dans les modèles animaux. (117) Dans une étude sur la poussée de la maladie inflammatoire avec l’utilisation de mélatonine dosée à 3mg, les symptômes se sont améliorés sur une période de 3 mois. Cependant, les symptômes sont revenus à l’arrêt de la prise. 3.3.2. Dans l’obésité Une autre étude porte sur l’administration de la mélatonine sur une personne atteinte d’obésité, ayant une alimentation riche en graisse et dont les rythmes circadiens sont altérés. Pour rappel, il existe trois types de cellules graisseuses : blanches, beiges et brunes. Les beiges et brunes, les « plus bénéfiques » sont capables de brûler un maximum d’énergie car elles contiennent beaucoup de mitochondries. Les blanches, quant à elles, possèdent des capacités de stockage importantes et moins de mitochondries. Le corps humain possède plus de graisses blanches que de brunes ou beiges. (123) Il est donc possible de favoriser la maturation des cellules brunes et beiges par l’administration de mélatonine.(103) Elle va inhiber la différenciation des cellules souches en adipocytes ; ses propriétés antiinflammatoires la rendent capable de réguler l’inflammation générée par un excès de graisse ; elle va augmenter la quantité de leptine (hormone de satiété) et induire le brunissement des cellules adipeuses blanches en augmentant l’activité de leurs mitochondries. (123) Bien que la mélatonine puisse offrir des perspectives prometteuses en termes de traitement, il est essentiel de rappeler que l’obésité est une maladie complexe. Elle ne peut être solue uniquement en recourant à un complément en mélatonine ou en stimulant cette hormone. 3.4. Les prébiotiques Outre la mélatonine, on a pu observer les bienfaits de la prise de prébiotiques pour améliorer la qualité de sommeil et la flore intestinale. 101 Figure 63 : Les pré biotiques (124 ) En premier lieu, il faut savoir que les prébiotiques sont des substances naturelles présentes dans certains aliments. Ce sont des fibres alimentaires, un enchaînement de glucides, non digérées par l’organisme. Lorsque les prébiotiques arrivent dans l’intestin, les bactéries vont les décomposer, libérant des composés bénéfiques pour l’organisme (dont le propionate, le butyrate, les AGCC). Cela va améliorer le sommeil et augmenter la résilience au stress en influençant les bactéries intestinales et métabolites qu’elles produisent (Figure 63). Ces fibres nourrissent les micro-organismes qui vivent dans nos intestins et permettent une relation en symbiose avec notre cerveau et notre comportement. Les prébiotiques contribuent donc à la prolifération et au maintien des probiotiques dans notre appareil digestif. Cependant, toutes les fibres ne sont pas des prébiotiques. Ils doivent respecter des critères scientifiques particuliers. Ces prébiotiques comprennent des FOS, fructooligosaccharides ou des GOS, galacto-oligosaccharides. L’inuline est le FOS le plus utilisé. On le retrouve dans : la chicorée (composée d’inuline), l’artichaut, l’ail, l’oignon, les poireaux, les asperges, les bananes, l’avoine (complet), l’orge et les grains entiers. Les GOS sont présents dans les produits laitiers fermentés ou encore le lait maternel. Prendre des prébiotiques permettrait une meilleure récupération face à un stress et une meilleure qualité de sommeil. On sait qu’être dans un état de stress constant peut conduire à une excitation accrue du et donc engendrer des difficultés à dormir et inversement. Des chercheurs ont démontré qu’après un régime riche en prébiotique, on dort plus longtemps, avec un sommeil plus réparateur. Ils ont prouvé qu’après un épisode de stress et un régime riche en prébiotiques, le sommeil REM avait une durée plus longue alors que ceux qui n’ont pas été soumis à un régime riche en prébiotiques, avaient un sommeil non réparateur et une baisse de 102 leur diversité du microbiote intestinal. (125) Cette étude nous prouve que l’ingestion de prébiotiques améliore le sommeil non perturbé par les mouvements oculaires non rapides (NREM) et qu’il favorise l’augmentation du sommeil REM après une exposition au stress. Le stade du sommeil paradoxal est associé à la restauration et à la récupération du corps ce qui suggère un meilleur sommeil. (126) Dans une autre étude, les prébiotiques alimentaires induisent des modifications positives dans le microbiote intestinal naturel et diminuent la susceptibilité de l’organisme aux perturbations induites par le stress notamment dans le sommeil. Les mécanismes ne sont pas encore complètement élucidés mais des données suggèrent l’implication possible de micro-organismes intestinaux et de leurs métabolites. Bien évidemment prendre uniquement des prébiotiques ne suffira pas à rétablir un bon sommeil, il faudrait apporter une autre alternative : le cocktail pré/probiotiques en réduisant les « mauvaises » bactéries et en augmentant les « bonnes » dans l’intestin par exemple. On parle à ce moment-là de symbiotiques. 3.5. Les probiotiques Figure 64 : Le mécanisme d'action des probiotiques (118) Ce sont des micro-organismes vivants (bactéries, levures) qui, ingérés en quantité suffisante, ont un effet bénéfique sur la santé en améliorant l’équilibre de la flore intestinale. (127) 103 Ils aident à rééquilibrer la flore intestinale en consolidant les jonctions serrées, renforcent l’immunité, luttent contre diverses infections, améliorent le sommeil par la libération de plusieurs neurotransmetteurs. Une nouvelle solution a émergé en 2019, par Pierre et Chrystèle CRESSARD, il s’agit de « Nahibu ». C’est un kit d’analyse du microbiote intestinal pour prendre le probiotique le plus adapté à sa flore. Comment cela fonctionne? Vous pouvez vous connecter directement sur leur site : https://nahibu.com. Commandez votre kit d’analyse et l’envoyer à un laboratoire. Votre bilan complet détaillé sera transmis et mis en ligne sur leur site sécurisé. (Figure 65) Grâce à l’option « shido » vous pourrez découvrir les aliments adaptés à votre microbiote intestinal et ceux à bannir de votre alimentation et trouver une liste de probiotiques à prendre en fonction de votre flore intestinale. (128) (Figure 65,66) Figure 65 : Résultats d'analyses sur le site Nahibu Figure 66 : Conseils sur l'alimentation et les types de probiotiques à prendre selon le bilan du microbiote intestinal avec l'option "Shido" 104 En novembre 2020, des chercheurs ont démontré qu’il existait un lien entre les bactéries intestinales et la production de la éine.(129) Ils ont découvert qu’une diminution massive de Lactobacilles et de Bifidobactéries entrainait une décroissance de sérotonine dans l’intestin, et que ces bas niveaux de sérotonine affectaient les cycles veille/sommeil. (129) Par conséquent les probiotiques pourraient avoir un effet sur la production de celle-ci et pourraient agir sur le microbiote pour les personnes ayant des troubles du sommeil. (129) Les bactéries probiotiques les plus fréquemment utilisées sont les Lactobacilles et Bifidobactéries. (130) Ce sont des bactéries pouvant produire des substances psychoactives comme la sérotonine ou encore le GABA qui agissent à travers l’axe cerveau-intestin sur le sommeil. D’autre part, les personnes stressées peuvent avoir du mal à s’endormir car le stress mobilise les systèmes nerveux, hormonaux et immunitaires de manière excessive. Les probiotiques pourraient alors rééquilibrer la flore intestinale et de ce fait rétablir le sommeil. Un chirurgien a mené une étude sur le stress et le sommeil des travailleurs postés et leur microbiote avec deux souches de probiotiques : le Lactobacillus acidophilus et Bifidobacterium UABla-12 (131). L’utilisation du probiotique Bifidobacterium UABla-12 sur les sujets a apporté une amélioration de 22% de la qualité du sommeil. (131) Certaines souches bactériennes comme la Lactobacillus plantarum PS128 ont également amélioré la qualité du sommeil chez les patients souffrant d’insomnie.(132) (133). Cette souche a prouvé une action favorable sur la régulation du sommeil en améliorant la phase de sommeil profond et en diminuant la latence d’endormissement. (132) Le laboratoire Synergia propose Neurobiotique PS128â (Figure 67) comprenant du Lactobacillus plantarum PS128 associé à de la vitamine B12 et de l’inuline. Figure 67 : Probiotique Neurobiotique PS128 de chez Synergia 105 Le Serenitas de chez Symbiosis, se compose de safran (qui contribue à l’équilibre émotionnel), de vitamine B6 (pour le fonctionnement normal du SN) et de Bifidobacterium (pour l’équilibre de la flore intestinale). (Figure 68) Le Probiolog sommeilâ de chez Probiolog, se compose de Lactobacilles et de Bifidobactéries associés à de la mélatonine. Il faut prendre 1 gélule par jour, 1 heure avant le coucher avec un grand verre d’eau. (Figure 68) Le Micro bior stress sommeilâ de chez Albior se compose de souches probiotiques associées à des extraits de plantes dont la mélisse et l’ashwagandha KSM-66. Il est nécessaire de prendre une gélule de probiotique avec une gélule de plantes par jour pendant 14 jours en phase d’attaque. Ensuite, il faut prendre une gélule de probiotique un jour, puis, une gélule de plante l’autre jour sur une période d’un mois ou deux. Ces probiotiques peuvent être associés à des prébiotiques pour une meilleure efficacité. (Figure 68) Figure 68 : Probiolog sommeil, Micro Bior stress sommeil associés aux prébiotiques et Serenitas de chez Symbiosis CONCLUSION Adopter un rythme de sommeil irrégulier peut favoriser la prolifération de bactéries intestinales nocives dans notre microbiote intestinal et donc l’apparition des troubles intestinaux et de l’humeur. Ceci souligne l’importance de maintenir des horaires de coucher et de lever réguliers, y compris les week-ends, pour préserver notre santé. Dans l’intestin, la sérotonine est produite à partir du tryptophane. Une altération du microbiote bloquerait la production de sérotonine, hormone principale dans la régulation de l’horloge interne car à l’origine de la production de mélato . Ainsi, la compréhension de la relation bidirectionnelle entre le microbiote intestinal et la qualité du sommeil nous ouvre la voie vers une nouvelle ère de soins de santé. Il est de plus en plus évident que nos habitudes de sommeil influencent la santé de notre microbiote intestinal et vice versa.
6,195
21/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00011841-document.txt_8
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,709
17,572
• ok représente la nouvelle propriété à prouver ; Elle est calculée comme la conjonction de okInit et okInv ; • okInit représente la validité de la propriété après un passage dans l'itération initiale. Elle est définie comme l'implication hypo_init => okInv c'est-à-dire « si l'hypothèse est vraie après un passage dans la boucle alors la propriété est vraie après un passage dans la boucle ». hypo_init et okInit sont calculées en découpant les équations définissant les variables assumeOK et guaranteeOK et ok selon l'algorithme classique ; • okInv représente la préservation de la propriété hypo => prop le long de l'itération. On doit prouver que si hypo => prop est vraie à un étage quelconque de l'itération (hypothèse représentée par la variable HPAcc) alors la propriété est vraie à l'étage suivant de l'itération (représenté par la variable HPInv).HPAcc sont HPInv sont calculées en propageant l'algorithme présenté plus haut aux variables calculant l'hypothèse assumeOK => guaranteeOK et la propriété ok ; • Les autres variables sont générées par la propagation décrite au paragraphe 8.5.3. 8.5.6 Conclusion Dans le chapitre 10, nous montrerons l'usage de ces transformations appliquées aux exemples des chapitres 6 et 7. Nous verrons que cette méthode est essentiellement intéressante sur les structures très régulières, mais que ce sont ces structures que nous avons le plus rencontrées dans les études de cas. Nous l'avons déjà souligné plus haut, cette approche présente certaines limitations évidentes. Une première limitation est due au fait qu'on renforce nécessairement la propriété à traiter en un invariant des itérations du programmes. Il existe des techniques de calcul d'invariant à partir des propriétés à prouver que nous n'avons pas étudiées, puisque la technique proposée suffit pour exemples que nous avons étudié. Par ailleurs, nous avons souligné des limitations dans la prise en compte de la structure du réseau d'opérateurs du programme. On pourrait imaginer des extensions à la méthode proposée pour prendre en compte des formes plus générales, en traitant par exemple les itérations utilisées pour calculer les initialisations des itérations utilisées pour la propriété. Ce travail pourrait s'orienter vers des méthodes 8.5 Manipulation de programmes itératifs Lust de slice plus générales sur les programmes comme celles déjà mis en place dans LuDiC [Gau03]. Une autre extension possible pourrait consister, lorsque le réseau paraît trop compliqué pour appliquer la méthode décrite au paragraphe précédent, à encourager l'utilisateur à découper l'application en sous-composants et à donner des contrats pour ces sous-composants. On pourra alors utiliser ces contrats dans la preuve pour la simplifier (comme suggéré au paragraphe 8.5.5). A l'inverse, on peut proposer l'expansion simple des noeuds utilisés si l'utilisateur la juge plus utile que l'utilisation du contrat. Globalement, notre méthode est intrinsèquement incomplète. Elle pourrait raffiné pour prendre en compte d'autres cas de structures de programmes, mais resterait incomplète. Nous donnons l'algorithme implémenté dans notre prototype dans l'annexe B. 214 node prop(init_fill : int; tab_in : intˆsize) returns (ok : bool); var tab_out : intˆsize; T1, T2, T3, T4, T5 : intˆsize; varOut, res3, res4 : int; let varOut, T1 = fillT;size(init_fill); T2 = mapS;size(T1); res3, T3 = map_redR;size(1, tab_in); res4, T4, T5 = map_redQ;size(0, T2, T3); tab_out = mapN;size(T4); ok = redP;size(true, tab_out); tel F IG. 8.29 – Propriété mettant en jeu diverses itérations. init_fill S T2 T1 T 0 T5 N true P varOut 1 R Q res4 tab_in res3 T4 tab_out T3 F IG. 8.30 – Réseau d'itérations de l'observateur prop. ok 8.5 Manipulation de programmes itératifs Lustre node g_cascade_dup1(initP_init : bool; initP_inv : bool; elt_T_init : int; elt_T_inv : int; propTrueRankN : bool; assumeOK_acc : bool; accIn_acc : bool; elt_I_init : int; elt_I_inv : int; sum_acc : int; tousPositif_acc : bool) returns (ok : bool); var okInit, okInv : bool; propTrueRankNp1 : bool; hypoTrueRankN : bool; hypoTrueRankNp1 : bool; hypo _init , ok_init : bool; assumeOK_init : bool; assumeOK_inv : bool; guaranteeOK_init : bool; guaranteeOK_inv : bool; guaranteeOK_acc : bool; sum_init : int; sum_inv : int; tousPositif_init : bool; tous Positif_inv : bool; HPAcc : bool; HPInv : bool; let – la propriété à prouver ok = (okInit and okInv); – la propriété est vrai après un passage dans l'itération okInit = (hypo_init => ok_init); ok_init = g_unPositif(initP_init, elt_T_init); hypo_init = (assumeOK_init => guaranteeOK_init); – la propriété est préservée par le noeud itéré okInv = (HPAcc => HPInv); HPAcc = (hypoTrueRankN => propTrueRankN); HPInv = (hypoTrueRankNp1 => propTrueRankNp1); hypoTrueRankN = (assumeOK_acc => guaranteeOK_acc); hypoTrueRankNp1 = (assumeOK_inv => guaranteeOK_inv); propTrueRankNp1 = g_unPositif(propTrueRankN, elt_T_inv); – propagation du découpage des itérations assumeOK_init = g_unPositif(true, elt_I_init); assumeOK_inv = g_unPositif(assumeOK_acc, elt_I_inv); guaranteeOK_init = (g_unPositif(true, sum_init) and tousPositif _ init); guaranteeOK_inv = (g_unPositif(true, sum_inv) and tousPositif_inv); guaranteeOK_acc = (g_unPositif(true, sum_acc) and tousPositif_acc); tousPositif_init = g_unPositif(true, elt_T_init); tousPositif_inv = g_unPositif(tousPositif_acc, elt_T_inv); sum_init = g_plus(0,elt_T_init); sum_inv = g_plus(sum_acc,elt_T_inv); tel F IG. 8.31 – Résultat de l'algorithme appliqué à l'exemple de la figure 8.28. 215 elt_T3_init : int; elt_T3_inv : int; - sortie de R res3_init : int; res3_inv : int; F IG. 8.32 – En-tête du noeud obtenu pour le noeud prop. res3_init,elt_T3_init = R(1, elt_tab_in_init); res3_inv,elt_T3_inv = R(accIn_R, elt_tab_in_inv); varOut_init,elt_T1_init = T(init_fill); varOut_inv,elt_T1_inv = T(accIn_T); res4_inv,elt_T4_inv,elt_T5_inv = Q(accIn_Q, elt_T2_inv, elt_T3_inv) elt_T4_inv : int; elt_T1_init : int; elt_T1_inv : int; res4_init,elt_T4_init,elt_T5_init = Q(0, elt_T2_init, elt_T3_init); - sorties de T varOut_init : int; varOut_inv : int; - sortie de Q res4_init : int; elt_T5_init : int; res4_inv : int; elt_T5_inv : int; elt_T2_init = S(elt_T1_init); elt_T2_inv = S(elt_T1_inv); let okInit = P(true, tab_out_init); okInv = (propRankN => propRankNp1); propRankNp1 = P(propRankN, tab_out_inv); tab_out_init = N(elt_T4_init); tab_out_inv = N(elt_T4_inv); init_fill : int; elt_tab_in_init : int; accIn_R : int; elt_tab_in_inv : int;) elt_T4_init : int; tab_out_inv : int; propRankNp1 : bool tab_out_init : int; - sorties de S elt_T2_init : int; elt_T2_inv : int; okInv : bool; accIn_Q : int; accIn_T : int; node prop_dup (tab_out_acc33 : int; propRankN : bool; returns (ok : bool); var okInit : bool; Chapitre 8 : Manipulation des itérations elt_tab_in_inv varOut_inv S res3_inv accIn_R elt_T1_inv accIn_T R S Q elt_T3_inv res4_inv 0 Q elt_T4_inv N elt_T4_init elt_T5_init true ⇒ N propRankNp1 P propRankN res4_init elt_T5_inv elt_T3_init elt_T2_init accIn_Q res3_init R elt_T2_inv elt_tab_in_init 1 elt_T1_init varOut_init true true ok_inv ok_init P AND ok 8.5 Manipulation de programmes itératifs Lustre 217 F IG . 8.33 – Réseau d'opérateurs de l'observateur prop_ dup. 218 Chapitre 8 : Manipulation des itérations Chapitre 9 Manipulations de contrats ans ce chapitre, nous montrons comment tirer partie des contrats dans la validation des systèmes. On s'intéressera à deux formes de validation, d'un côté les validations locales (comme l'adéquation d'une implémentation vis-à-vis de son contrat) de l'autre les validations globales (liées essentiellement à la composition des noeuds à contrats). On étudiera aussi l'utilisation des contrats pour la validation des itérations. Enfin, on tentera de montrer l'impact des contrats des méthodes de validation associées dans une idée de cycle de développement des systèmes. D 9.1 Introduction Nous avons déjà insisté (voir chapitre 5) sur l'utilité des contrats dans le processus de construction des systèmes. Nous souhaitons maintenant présenter les apports de l'approche proposée en termes de validation. En terme de simulation, on va pouvoir utiliser les contrats Lustre pour déterminer plus facilement l'origine d'un bogue. Nous revenons sur ce point à la section 9.3, dans lequel nous présentons le travail de magistère de Marc Vareille autour du débogueur LuDiC de Fabien Gaucher. Dans cette thèse, nous nous intéressons plus à l'utilisation des contrats dans la vérification des systèmes. Nous avons identifié deux niveaux de prise en compte. Prise en compte locale – Premièrement, les contrats vont nous aider à valider l'implémentation d'un composant donné (voir paragraphe 9.4.1). On ne s'intéresse pas ici à savoir si le composant est correctement utilisé dans son environnement, mais seulement à savoir si l'implémentation qu'on en donne est conforme à la spécification donnée par le contrat. Nous verrons plus loin comment vérifier qu'un corps de composant satisfait bien son contrat, ou comment s'assurer qu'un contrat est implémentable (c'est-à-dire qu'il est possible de trouver une implémentation le réalisant). Prise en compte globale – Ensuite, les contrats permettent de mettre en place une méthodologie de développement mêlant des approches ascendante et descendante de conception. On pourra considérer des systèmes en cours de développement où certains composants sont entièrement implémentés et d'autres seulement partiellement. Tous ces composants sont décrits par leur contrats. Les différentes définitions données au paragraphe 9.4.2 sont des outils qui nous permettrons de donner au développeur une plus grande confiance dans les connexions qui existent entre différents composants. Il 'agit par exemple de vérifier que deux contrats peuvent être composés, de déterminer l'adéquation d'un Chapitre 9 : Manipulations de contrats découpage en sous-composants (dont on connaît les contrats) vis-à-vis de la spécification (elle aussi donnée par contrat) du composant global. Itérations et contrats – Enfin, nous nous sommes intéressés aux possibilités de validation apportées par l'utilisation des contrats dans le cas des itérations. On montrera comment utiliser les contrats pour s'assurer qu'une itération est, dans une certaine mesure, compatible avec le contrat du noeud itéré. La section 9.4 présente ces différents aspects de l'utilisation des contrats pour la vérification des composants. 9.2 Travaux connexes : modèles compositionnels Dans les travaux qu'on a présentés au chapitre 5, on ne parlait quasiment jamais de l'utilisation faite des contrats. La seule qui était proposée (le plus souvent) était l'exécution défensive des composants. Nous nous intéressons dans ce paragraphe aux travaux portant sur l'exploitation des contrats ou de formes de spécifications partielles des composants dans le processus de validation. Les auteurs des différents travaux présentés maintenant s'intéressent à ce qui est communément appelé les « modèles compositionnels », c'est-à-dire une description des systèmes en un agencement de sous-systèmes composés à l'aide de règles de compositions formelles. Ce découpage permet de faciliter la validation d'un système (au niveau global) en la ramenant à la validation des composants constituant le système. Les propriétés globales sont alors déduites en composant des propriétés prouvées localement sur les différents composants. Ceux-ci sont en général spécifiés à l'aide de deux propriétés, A et G (nos assume et guarantee) spécifiant ce que le composant suppose sur son environnement (A) et ce que celui-ci peut attendre du composant (G). Lorsque l'on compose deux composants P 1 (spécifié par (A1, G1)) et P 2 (spécifié par (A2, G2)) en un composant P 1kP 2, on doit montrer que G1 ne viole pas A2 et inversement que G2 ne viole pas A1. Si l'on prouve ces deux obligations, on peut en conclure que P 1kP 2 peut être décrit par un couple (A, G) où G est une conséquence de A, G1 et G2. Cette méthode est appelée raisonnement assume-guarantee. Nous présentons les travaux les plus significatifs dans ce domaine au paragraph suivant. Le paragraphe 9.2.2 présente plusieurs applications de cette approche au model-checking. 9.2.1 Raisonnement assume-guarantee La preuve compositionnelle consiste à ramener la validation d'une composition de composants à la validation des composants eux-mêmes. Cette méthode a été proposée la première fois par Misra et Chandy dans [MC81]. Ils proposent une règle de composition qui permet de déduire la spécification d'un réseau de composants à partir de la spécification des composants eux-mêmes. Cette règle, reprise dans les travaux de Stark [Sta85] puis d' Abadi et Lamport [AL93, AL95] permet d'établir que le composant P 1kP 2 satisfait une garantie G tant que l'assertion A est valide lorsque les conditions suivantes sont validées : • Chaque composant P i satisfait Gi sachant Ai ; • Chaque V assertion Ai peut être déduite de l'assertion A et des garanties Gj des autres composants (A ∧ j Gj ⇒ Ai ) ; • G V peut-être déduite de l'assertion A ainsi que des garanties Gj de chaque composant (A ∧ j Gj ⇒ G). Ce principe de composition est important pour nous puisque d'après [AL93], « il est valide si toutes les clauses assumes et tous les clauses guarantee sont des propriétés de sûreté », ce qui est le cas en Lustre, où chacune de ces propriétés est décrite avec un observateur. Dans [KL93], Lamport et Kurshan appliquent une variante de la règle de décomposition à la vérification d'un multiplicateur. Pour cet exemple, les auteurs utilisent un model-checker pour vérifier que chaque composant satisfait sa spécification, puis un theorem prover pour montrer que le composant complet satisfait sa spécification si chacun des composants satisfait la sienne. Dans [Sha98], Shankar présente une alternative au raisonnement assume-guarantee de AbadiLamport appelée « lazy compositional verification ». Cette méthode se différencie de celle de [AL93] par plusieurs aspects liés à la forme de composition utilisée. Nous commentons maintenant ces deux approches et identifions les points qui nous semblent importants pour notre travail. • Abadi/Lamport proposent d'utiliser la conjonction comme opération de composition. Cette méthode a l'avantage de préserver les propriétés des composants au niveau de la composition. Shankar souligne cependant un problème associé : chaque transition de la composition doit aussi être une transition de chaque composant. Cet aspect pose des problèmes d'explosion de l'espace d'état dans le cas de systèmes asynchrones (puisqu'on va générer des transitions inutiles pour certains composants) mais est tout à fait naturel pour des systèmes synchrones. 9.2.2 Model-checking compositionnel Dans les méthodologies que nous venons de présenter, il n'est pas précisé comment sont prouvés les contrats des sous-systèmes. Plusieurs travaux ont proposés d'appliquer ce découpage de la preuve d'un système directement au coeur des outils de model-checking. Pnueli [Pnu84] puis Grumberg et Long [GL94]1 se sont intéressés à l'utilisation de règles de composition (comme celle présentée dans le travail de Abadi et Lamport) directement dans le modelchecking de formules CTL ou de ses variantes. Mocha (outil développé par Henzinger et al. [AHM+ 98, AdAG+ 01]) est un model-checker pour systèmes spécifiés à l'aide des Reactive Modules [AH96] dont nous avons déjà parlé au chapitre 5. Comme nous l'avons vu alors, les Reactive Modules ne permettent pas vraiment la séparation claire d'un assume et d'un guarantee depuis une spécification. Dans [HQR98], Henzinger et al. proposent 1 Un nombre considérable de travaux ont porté, durant les 20 dernières années sur le model-checking compositionnel. Nous ne présentons ici que ceux qui nous paraissent les plus importants, de manières relativement subjective. une règle assume/guarantee leur permettant d'assurer d décomposition d'un système en sous-systèmes. Dans [McM97], McMillan propose une règle de vérification pour le raffinement de designs matériels. Le raffinement consiste simplement à proposer les composants Si qui peuvent décomposer un composant S donné. On peut définir des « refinement maps » (voir [AL91]), c'est-à-dire un ensemble de règles qui permette de construire les spécifications des Si à partir de la spécification de S. Le travail présenté dans [ 97] nous intéresse car il porte sur la validation de systèmes matériels (donc possédant certaines contraintes en commun avec les programmes Lustre). Dans [McM00], McMillan propose une méthodologie pour la vérification des systèmes matériels. Cette méthodologie repose sur un ensemble de techniques de preuve, parmi lesquelles, on trouve : • l'utilisation de relations de raffinement (similaire à celles proposées dans [McM97] ; • l'utilisation du principe de raisonnement assume/guarantee circulaire tel que vu plus haut ; • l'utilisation de techniques de réduction de symétrie basées sur l'utilisation de scalarset (identiques à la méthode (évoquée au chapitre 8) proposée par Dill et Ip dans Murφ [ID93a]). 9.2.3 Autres travaux De nombreuses personnes se sont attachées à appliquer la vérification compositionnelle à différents types de systèmes. Kim Larsen et al. [JLS00, LL95] ont intégré des règles de preuve compositionnelle à l'outil Uppaal dédié à la vérification des systèmes temps-réels. Dans [ZS01], Zulkernine et al. proposent la spécification de contrôleurs par couples assume/guarantee. Le contrôle d'un système complexe est réalisé à l'aide de contrôleurs décrits pour chaque composant du système. Des règles assume/guarantee ont été proposé pour des réseaux flots de données dans les travaux de Ketil Stølen [Stø96] ou de Manfred Broy [Bro98]. Ces travaux considèrent des composants similaires aux noeuds Lustre et proposent des contrats formées de deux propriétés : un assume portant sur l'histoire des valeurs d'entrées et un guarantee portant sur l'histoire des valeurs d'entrées et de sortie. Les Interface Automata que nous avons présenté plus permettent aussi l'application du raisonnement assume-guarantee. Dans [dAH01a], la définition formelle des Interface Automata donnée par DeAlfaro et Henzinger permet notamment de définir des vérifications de compositions et d'implémentation (dans le cadre du raffinement) similaires à celle que nous proposons plus loin. Dans [Hol00], Leszek Holenderski a proposé une méthodologie de vérification compositionnelle pour les réseaux synchrones. Holenderski propose des stratégies de preuve tout à fait similaires à notre approche : la composition de composants synchrones est décrite par une conjonction et les règles de preuve de validité d'une composition (essentiellement basées sur des manipulations purement logiques des formules assume/guarantee) sont similaires à celles que nous proposons au paragraphe 9.4. Ces derniers travaux s'appliquent au même type de s que ceux développés en Lustre. Par ailleurs, ils donnent des définitions formelles de la composition similaire à la composition des composants Lustre ainsi qu'une notion de raffinement, proche de notre notion d'implémentabilité (voir paragraphe 9.4.1.1). Notons que ces deux notions sont toute fois différentes. Jan Mikac a étudié dans 9.3 Débogage défensif 223 son DEA à Verimag une notion de raffinement pour les programmes Lustre [Mik02]. Néanmoins, ils appliquent tous le raisonnement assume-guarantee (preuve compositionnelle) avec son aspect « global » : ils cherchent à déduire une propriété globale d'un ensemble de propriétés locales. Nous ne proposons pas de méthode de preuve compositionnelle globale, mais d'utiliser les contrats pour diverses vérification locales ainsi que pour vérifier la cohérence des compositions. 9.3 Débogage défensif Dans [Var02], Marc Vareille a étudié l'interprétation des contrats dans le débogueur LuDiC de Fabien Gaucher. Le fonctionnement de LuDiC a rapidement été présenté au paragraphe 2.3.5. Les contrats n'était pas prévus dans la conception originale de LuDiC. Le travail de M. Vareille a donc tout d'abord consisté à rendre possible leur prise en compte. Il a fallu définir un format pour l'association des noeuds assume/guarantee du contrat d'un noeud N au noeud N lui-même. Dans ce format, on donne les noeuds assume/guarantee et les noeuds décrivant l'implémentation des corps séparément. On spécifie l'association de ces noeuds entre eux à l'aide d'un fichier « lien ». Ce format est ensuite traduit en un programme Lustre interprétable par LuDiC où les informations du fichier lien en variables intermédiaires définies à l'aide d'appel aux noeuds assume et guarantee. L'analyseur syntaxique de LuDiC a enfin été modifié pour prendre en compte ces variables locales : celles-ci ne sont pas utilisées pour calculer une sortie du noeud N et sont donc normalement oubliées par LuDiC. M. Vareille a ensuite étendu LuDiC selon deux approches. L'algorithme de « débogage algorithmique » implémenté dans LuDiC consiste à parcourir le graphe d'appel des noeuds d'un programme pour déterminer quel noeud est la source d'un bogue. Lorsqu'il trouve un appel de noeud, l'algorithme demande à l'utilisateur si les valeurs qu'il a calculé à l'instant où le bogue a été découvert sont correctes ou pas. M. Vareille a proposé de remplacer l'oracle humain par évaluation à la volée de l'expression booléenne assume ⇒ guarantee . La seconde proposition de M. Vareille tente de répondre à la question souvent posé dans le domaine de l'interprétation des contrats : « lorsqu'un contrat est violé, quel composant doit être incriminé : l'appelant ou l'appelé? » : • Si une clause assume d'un noeud N est fausse, on regarde si la clause assume du noeud appelant N est fausse aussi, auquel cas, on reporte la faute sur lui. Si la clause assume du noeud appelant N est vraie, le bogue vient nécessairement de l'instanciation de N ; • Si une garantie d'un noeud M est violée, on évalue les garanties des noeuds appelés par M. Si une de ces garanties est violée, l'erreur doit être attribuée au noeud appelant correspondant. Si aucune garantie appelée n'est violée, c'est M qui est fautif (qui viole son propre contrat). 9.4 Validation Nous décrivons maintenant les différentes vérifications possibles autour des contrats. On distingue deux grandes catégories : les vérifications locales et globales. • Au niveau local, on va s'intéresser à la validité du contrat considéré indépendamment de l'utilisation qui en est faite : le contrat est-il implémentable? l'implémentation qu'on en a donné est-elle valide (c'est-à-dire réalise-t-elle bien le contrat donné)? etc. ; • Au niveau global, on va s'intéresser à la validité du contrat dans son environnement. Est-il possible de composer deux composants d'après leurs contrats? Peut-on utiliser un composant donné 224 itre 9 dans la description d'un composant plus gros? Dans les paragraphes suivants, nous décrirons ces vérifications en terme de step-relations. Pour chaque vérification, on obtient une obligation de preuve que nous pouvons exprimer directement en Lustre. Cela nous permet de profiter de toute la puissance des outils de vérification dédiés à Lustre. Typiquement, chaque vérification décrite ci-dessous va être effectuée en deux étapes : • On commence par générer un observateur Lustre représentant la propriété à vérifier ; • On utilise par exemple un model-checker pour vérifier cette propriété. Ces vérifications s'inscrivent dans la méthodologie de développement que nous préconisons au paragraphe 9.5. Les vérifications locales font en quelques sortes office de validation unitaire des composants. Cette étape de validation sera mise en place très tôt dans le processus de développement. Les vérifications globales permettent une validation d'intégration des composants. Cette étape peut être entamée une fois que les composants les plus simples ont été validés : on vérifie la composition des contrats. On propage les contraintes apportées par des contrats de composants appelant vers les contrats des composants qu'ils utilisent, afin d'évaluer leur compatibilité. 9.4.1 Vérifications locales On propose principalement deux vérifications locales. La première permet de vérifier qu'un contrat donné peut être implémenté. La seconde permet de vérifier qu'un corps de composant implémente bien le contrat associé. 9.4.1.1 Implémentabilité d'un contrat Dans la suite, on utilise les notations introduites au paragraphe 3.4.6.3, page 59. Définition 25 - Un contrat est-il implémentable? Soit un composant C = (I, O, L, A, G, Sa, Ja, Sg, Jg, Sb, Jb), on dit que le contrat spécifié par (Ja, Sa) et (Jg, Sg) est implémentable (c'est-à-dire qu'il existe au moins un corps le satisfaisant) si et seulement si la condition suivante est vérifiée : (Sa, Ja)bIcdI ∪ Oe ⊆ (Sg, Jg)bI ∪ Oc (9.1) La condition 9.1 signifie simplement que les comportements autorisés par l'assertion du contrat doivent aussi être autorisés par la garantie. Les traces décrites par (Sa, Ja) sont des traces sur les variables de I ∪ A, alors que celle décrites par (Sg, Jg) sont sur I ∪ O ∪ G. On ne peut donc pas les comparer directement. On compare donc l'ensemble des comportements sur les variables I ∪ O autorisés par (Sa, Ja) (c'est-à-dire où les variables de O peuvent prendre n'importe qu'elle valeur) et les comportements sur I ∪ O autorisés par (Sg, Jg). Notons que la notion d'implémentabilité n'est pas comparable avec celle de cohérence présentée au paragraphe 5.3.4. Les deux exemples suivants l'illustrent. - Considérons un composant spécifié par le contrat suivant : I = {i} et O = {o} ; Ja = Jg = true ; Sa = i ≥ 0 ; Sg = (o ≥ 2 × i) ∧ (o ≤ 100). Validation Sg implique une contrainte sur i (i < 50) qui est plus forte que Sa. Ce contrat est implémentable : on peut construire un composant qui prend un i dans [0, 50] et rend une sortie o dans [0, 100]. Mais il n'est pas cohérent puisque i ≥ 0 6⊆ (∃o.(o ≥ 2 × i) ∧ (o ≤ 100)). - Fin de l'exemple 39 - Considérons maintenant un composant spécifié par : – I = {i} et O = {o} ; – Ja = Jg = true ; – Sa = true ; – Sg = (o > 50) ∧ (o ≤ 49). Ce contrat est cohérent (puisque il n'y a simplement pas de contrainte exprimée sur i dans Sa, ni dans Sg. Par contre, ce contrat n'est pas implémentable, puisque la contrainte Sg est contradictoire. - Fin de l'exemple 40 Exemple 40 Traduction en obligation de preuve Lustre – Soit N un noeud possédant l'interface : node N(I) returns (O); Son contrat est spécifié par les noeuds assumeN et guaranteeN qui ont pour interface : node assumeN(I) returns (assumeOK : bool); node guaranteeN(I,O) returns (guaranteeOK : bool); Pour prouver que le contrat de N est implémentable, on vérifie que l'ensemble des comportements autorisés par l'assertion est contenu dans l'ensemble des comportements autorisés par la garantie. On génère pour cela l'observateur suivant : node contractEstImplemetable(I) returns (ok : bool); var O; let ok = assumeN(I) => guaranteeN(I,O); tel Notons que ce noeud possède une variable locale indéfinie. Celle-ci signifie que l'on souhaite en fait montrer que, pour chaque va de I, il est possible de trouver au moins une valeur pour la variable O. Comme nous l'avons déjà souligné, un tel observateur ne pourra pas être fourni tel que à un modelchecker. On pourra par contre envisager (voir perspectives, chapitre 13) de le simuler. 9.4.1.2 Vérifier qu'un noeud implémente son contrat Une fois qu'une implémentation pour un composant est connue, on va vérifier que cette implémentation est valide vis-à-vis du contrat du composant. Pour cela, on va montrer que lorsqu'on fournit au composant des valeurs d'entrées autorisées par l'assertion du contrat, alors le composant produit bien des sorties qui sont conformes à la garantie du contrat. Chapitre 9 : Manipulations de contrats Dé finition 26 - Un corps de composant satisfait-il son contrat? Soit un composant C = (I, O, L, A, G, Sa, Ja, Sg, Jg, Sb, Jb), On dit que le corps de ce composant, spécifié par (Jb,Sb) implémente le contrat spécifié par (Ja, Sa) et (Jg, Sg) si et seulement si, pour chaque trace d'entrées satisfaisant (Ja, Sa) toutes les traces de sorties satisfaisant (Jb, Sb) satisfont aussi (Jg, Sg). c'est-à-dire, si et seulement si : (Sa, Ja)bIcdI ∪ Oe ∩ (Sb, Jb)bI ∪ Oc ⊆ (Sg, Jg)bI ∪ Oc Traduction en obligation de preuve Lustre – Soit N un noeud possédant l'interface : node N(I) returns (O); Son contrat est spécifié par les noeuds assumeN et guaranteeN qui ont pour interface : node assumeN(I) returns (assumeOK : bool); node guaranteeN(I,O) returns (assumeOK : bool); Pour prouver que N implémente bien son contrat, on vérifie que lorsqu'on fournit à N des entrées pour lesquelles assumeN répond vrai, alors N produit des sorties pour lesquelles guaranteeN répond vrai. node contratEst Satisfait (I) returns (ok : bool); var O; let O = N(I) ok = assumeN(I) => guarantee(I,O); tel - On considère le composant rMFF décrit au paragraphe 5.3.1. Nous avons considéré un contrat constitué : • d'une assertion stipulant que l'entrée du composant est toujours vraie pendant au moins 2 instants consécutifs ; • d'une garantie stipulant que si la sortie du composant est toujours vrai e pendant au moins 3 instants consécutifs. Chacune de ces propriétés était spécifiée par un automate. Les noeuds Lustre correspondant était donnés à la figure 5.14. Nous avons aussi proposé un automate pour une implémentation de ce contrat (voir figure 5.8). Le noeud Lustre correspondant est donné à la figure 9.1. Pour vérifier que rMFF implémente bien son contrat, on génère l'obligation de preuve représentée par le noeud lustre verifContract de la figure 9.2. Cet observateur est ensuite envoyé (par exemple) au model-checker lesar qui, dans ce cas, répond « propriété vraie ». - Fin de l'exemple 41 Exemple 41 9.4.2 Vérifications global es On appelle « vérifications globales » les propriétés que l'on souhaite vérifier lorsque des composants sont connectés les uns aux autres. 9.4 Validation node rMFF(a : bool) returns (b : bool); var q0, q1, q2 : bool; let q0 = true -> (pre(q0) and not pre(a)) or (pre(q2) and not pre(a)); q1 = false -> (pre(q0) and pre(a)) or (pre(q1) and pre(a)) or (pre(q2) and pre(a)); q2 = false -> (pre(q1) and not pre(a)); b = false -> pre(q1) or pre(q2); tel F IG. 9.1 – Le noeud Lustre rMFF. node verifContract(a : bool) returns (contractOK : bool); var b : bool; assume, guarantee : bool; let b = rMFF(a); assume = assumeRMFF(a); guarantee = guaranteeRMFF(b); contract OK = assume => guarantee ; tel F IG. 9.2 – Obligation de preuve construite pour vérifier l'implémentation rMFF. On propose principalement trois vérifications globales. La première permet de vérifier que deux composants sont compatibles, c'est à dire qu'il peuvent être composé. La seconde permet de la cohérence d'une décomposition d'un composant en sous-composants. La troisième vérification est utilisée dans le cadre des itérations : on va vérifier que le contrat du noeud itéré autorise bien les connexions induites par l'itération. 9.4.2.1 Compatibilité de deux composants Au chapitre 5, nous avons présenté la composition synchrone de composants. Or, avant même de composer deux composants, on peut se poser la question de savoir si les contrats correspondants « autorisent » cette composition. Le cas le plus simple est celui d'une composition purement séquentielle où il n'y a pas de rebouclage de définition. Exemple 42 - Considérons deux noeuds C1 et 2 possédant les interfaces suivantes : node C1(i1 : int) returns (o1, o2 : int); node C2(i2, i3 : int) returns (o3 : int); Un contrat est associé à chacun des noeuds. Nous ne donnons que la garantie de C1 : G1 : o1 > 0 and o2 <= 0 et l'assertion de C2 : A2 : i2 ≤ 0 and i3>0 Chapitre 9 : Manipulations de contrats Admettons que l'on souhaite composer C1 et C2 en identifiant : • o1 avec i2 ; • o2 avec i3 ; Pour vérifier que les contrats de C1 et C2 autorisent cette composition, on va devoir vérifier que G1 ⇒ A2 en identifiant les variables concernées par la composition comme indiqué ci-dessus. On doit donc montrer que : o1 > 0 and o2 ≤ 0 ⇒ o1≤0 and o2>0; qui est trivialement fausse. Si maintenant on veut composer C1 et C2 en identifiant : • o1 avec i3 ; • o2 avec i2 ; on doit vérifier que : o1 > 0 and o2 ≤ 0 ⇒ o2≤0 and o1>0; qui est trivialement vraie. Ainsi, la deuxième composition est possible tandis que la première ne l'est pas. - Fin de l'exemple 42 En général, la composition de deux composants peut impliquer des rebouclages : une entrée de C1 peut dépendre d'une sortie de C2 et une entrée de C2 peut en même temps dépendre d'une sortie de C1. C'était le cas notamment de la composition présentée au paragraphe 5.3.5 (figure 5.13, page 5.13). On donne maintenant une règle permettant de vérifier que les contrats de deux composants qu'on compose sont compatibles. Nous appelons variables de branchements les variables de C1 et C2 qui servent à composer les deux composants. Comme nous l'avons vu dans la composition, on suppose que les variables de branchements portent des noms identiques dans les deux composants. Dans la pratique, ce ne sera pas nécessairement le cas. On suppose que les composants sont branchés directement, c'est-à-dire sans composant intermédiaire. On dit que C1 et C2 peuvent être composés seulement si la garantie de C1 (resp. de C2) ne contraint pas les variables de branchements que l'assertion A2 (resp. de A1) reçoit en entrée, plus que A2 (resp. A1) elle-même. Définition 27 - Compatibilité de deux Composants On dit que 2 composants Ci = (Ii, Oi, Li, Ai, Gi, Sai, Jai, Sgi, Jgi, Sbi, Jbi ) (avec i = 1, 2), sont compatibles pour la composition C1 × C2 définie au paragraph e 5.3.5 si : (Sg2, Jg2 )bO2 ∩ I1c ⊆ (Sa1, Ja1 )bI1 ∩ O2c et (Sg1, Jg1 )bO1 ∩ I2c ⊆ (Sa2, Ja2 )bI2 ∩ O1c Cette notion de compatibilité ne nous permet pas de déclarer que deux composants ne « peuvent » pas être connectés l'un à l'autre, mais simplement d'avoir une plus grande confiance dans la composition, en cas de réponse positive. Considérons par exemple deux composants branchés en séquence avec une variable x (voir figure 9.3). Si la garantie G1 du premier composant n'implique pas l'assertion A2 du second composant, on peut prévenir le développeur que le producteur de x ne suffit pas à assurer les contraintes du second composant . Pour vérifier que les deux composants sont compatibles pour cette composition, on va générer une obligation de preuve vérifiant que : • la partie de la garantie de C1 portant sur j2 implique bien la partie de l'assertion de C2 portant sur j2, c'est-à-dire que : (∃i2, o2.j10 > 0 ∧ o02 > j10 ) ⇒ (∃i1.j1 ≥ 0 ∨ (j1 < 0 ∧ i01 < 0)) ; • la partie de la garantie de C2 portant sur j1 implique bien la partie de l'assertion de C1 portant sur j1, c'est-à-dire que : (∃o1, i2, i1. j10 > 0 ∧ o02 > j10 ) ⇒ (∃i2.j20 > 0 ∨ (j20 ≤ 0 ∧ i02 < j20 )) ; - Fin de l'exemple – Dans l'exemple précédent, on obtient des contraintes existentielles, du fait qu'on « cache » les variables qui ne sont pas utilisées dans la connexion. Comme nous l'avons déjà dit plus haut, ces contraintes ne vont pas pouvoir être exprimées par un observateur Lustre classique : ces variables quantifiées existentiellement correspondraient à des variables locales indéfinies. On peut par contre toujours décrire ces contraintes par un observateur à variables locales indéfinies dont la sémantique est donnée au paragraphe 3.4.3. Cela implique une limitation sur les possibilités d'exploitation de ces observateurs. On ne pourra notamment pas les fournir tels quels aux outils de vérification (puisque ceux-ci utilisent des observateurs déterministes). La génération d'observateurs Lustre (qui nous concerne spécialement pour l'instant) est aussi simple que dans les cas précédents. Nous en donnons un exemple ci-dessous. Par contre, l'utilisation qui peut être faite de ces observateurs est différente. Nous reviendrons plus loin sur ce point. - Nous considérons à nouveau la composition décrite à la figure 5.13. Nous avons exprimé ci-dessus les contraintes permettant de vérifier que la composition de C1 et C2 est possible Exemple 44 230 Chapitre 9 : Manipulations de contrats au vu de leur contrat. La figure 9.4 donne un observateur à variables locales in défini es permettant de vér ifier la compatibilité des contrats de C1 et C2. Nous utilisons deux variables intermédiaires pour faciliter la lecture de la propriété. branch1OK représente le fait que la garantie de C2 implique l'assertion de C1 vis à vis de la variable de branchement j1. 9.4.2.2 Propagation des contraintes exprimées par un contrat On s'intéresse ici à la propagation des contraintes exprimées par des contrats à l'intérieur de noeuds. Considérons par exemple un composant N dont le contrat est exprimé par un couple de noeuds assumeN et guaranteeN. N utilise éventuellement un noeud M pour lequel on a aussi défini un contrat par les noeuds assumeM et guaranteeM. Les branchements de M avec d'autres composants à l'intérieur de N peuvent être étudiés grâce aux propriétés que nous avons évoquées portant sur la compatibilité de deux composants. Par contre, on peut aussi vouloir « comparer » les contrats de M et N. Imaginons (figure 9.5) qu'une variable d'entrée i de N soit directement utilisée comme entrée de M. Les contrats de N et M représentent tous les deux des contraintes sur i et il paraît intéressant de « comparer » ces contraintes, par exemple pour savoir si assumeN est une contrainte assez forte pour que l'on soit sûr que M est utilisé avec des valeurs pour l'entrée i acceptables. On pourra utiliser ce type de comparaison pour évaluer si des valeurs potentiellement produites par M (acceptées par sa garantie) peuvent violer la garantie de N. De manière générale, cela permet de se faire une idée partielle de la bonne utilisation d'un composant par son environnement direct. On s'intéresse à la comparaison des contraintes exprimées dans les clauses assume et guarantee des deux contrats. On propose deux formes de propagation de contraintes : une version « ascendante » et une version « descendante ». Dans le premier cas, on va propager les contraintes exprimées sur i par M dans le contrat de N. Dans le second cas, on va propager les contraintes exprimées sur i par N dans le contrat de M. On pourra ensuite vérifier, par exemple, que le contrat ainsi obtenu toujours implémentable (au sens de ce que nous avons décrit au paragraphe 9.4.1.1). Nous donnons maintenant les définitions des propagations ascendantes et descendantes d'un contrat. 231 9.4 Validation N i i assumeM assumeN I M F IG. 9.5 – Illustration de la propagation de contraintes. Définition 28 - Propagation ascendante d'un contrat Soient 2 composants Ci = (Ii, Oi, Li, Ai, Gi, Sai, Jai, Sgi, Jgi, Sbi, Jbi ) (avec i = 1, 2) tels que C1 utilise C2. node assumeM(i1, i2 : int) returns (assumeOK : bool); let assumeOK = i1 < 0 and i2>0; tel node guaranteeM(i1, i2, o1, o2 : int) returns (guaranteeOK : bool); let guaranteeOK = o1>0 and o2<0; tel node assumeN(i : int) returns (assumeOK : bool); let assumeOK = i < =0; tel node guarantee N (i, o : in t ) returns ( guarantee OK : bool); let guarantee OK = o> =0; tel F IG. 9.7 – Les contrats des composants M et N de la figure 9.6. Affaib lissement/Renforcement d'un contrat – A plusieurs moments dans la validation d'une application on peut renforcer ou affaiblir le contrat d'un composant. Soit en utilisant la propagation de contraintes que nous venons de décrire, soit simplement parce qu'on souhaite raffiner (ou généraliser) son comportement. A chaque fois il faudra s'assurer la validité du nouveau contrat par rapport à son implémentation. Deux cas particuliers peuvent être traités très facilement. Si on renforce l'assertion d'un contrat dont on a prouvé la validité, celle-ci est conservée pour le nouveau contrat. Un composant qui suppose un ensemble de comportements (représenté par une contrainte A) sur ses entrées pour fonctionner correctement, fonctionnera correctement aussi si il est placé dans un environnement représenté par une contrainte A' telle que A'⊆A). Un exemple trivial est celui où A n'exprime aucune contrainte sur les entrées du composant (A = true). On peut placer le composant dans un environnement n'importe quelle contrainte A', il fonctionnera de la même façon. De manière symétrique, on peut sans problème affaiblir la garantir G en la remplaçant par une contrainte G' telle que G⊆G'. Par exemple, si les comportements des sorties du composant satisfont G alors ils satisfont aussi une G' si G' = true. Donc, si on renforce l'assertion ou que l'on affaiblit la garantie d'un contrat, il n'est pas nécessaire de re-valider l'implémentation du contrat vis-à-vis du nouveau contrat. Dans tous les autres cas (affaiblissement de l'assertion, renforcement de la garantie), on devra à nouveau prouver la validité du contrat. 9.4.2.3 Manipulations des contrats dans le contexte des itérations Nous avons présenté au paragraphe 5.3.9 comment peut calculer le contrat d'un composant « itération » à partir du contrat du composant itéré. Le contrat d'une itération de taille n est construit itérativement en composant des contrats 1) du composant itéré 2) d'une itération de taille n − 1. Le contrat d'une itération de taille 1 est celui du composant itéré lui-même. Or, lors d'une composition de composant à contrat, on a proposé (paragraphe précédent) de vérifier que cette composition était possible « vis-à-vis des contrats des composants que l'on compose ». Dans le cas d'une itération, on doit pouvoir vérifier que le composant utilisé est bien itérable c'est-à-dire que les contraintes représentées par son contrat sont bien compatibles avec la composition imposée par l'itération. Vérifier qu'un contrat est itérable – Dans le cas d'une itération map, aucune vérification n'est nécessaire, puisque les instances du noeud itéré ne sont pas connectées. Dans le cas des autres itérations, par contre, on devra s'assurer que les contraintes imposées par la garantie du noeud itéré sur sa sortie accumulateur et les contraintes imposées par son assertion sur son entrée accumulateur sont compatibles. Ces variables accumulateurs sont en effet les seules variables utilisées pour connecter les différentes instances du composant entre elles. Il suffit de vérifier une composition de deux instances du noeud itéré, puisque les branchements dans l'itération sont tous identiques. Nous donnons maintenant une définition formelle de cette notion. Ensuite, nous montrons comment cette propriété peut-être traduite en un observateur Lustre. Définition 30 - Un contrat est-il itérable? Soit 1 composant C = (I, O, L, A, G, Sa, Ja, Sg, Jg, Sb, Jb), tel que I = {ain } et O = {aout } ∪ f (où e (resp. f ) représente les entrées (resp. sorties) correspondant aux éléments de tableaux et aout correspond à l'accumulateur de sortie et soit s un entier quelconque. on dit que l'itération iter(C, s) (où iter ∈ {red, f ill, map_red}) définie au paragraphe 5.3.9 est possible vis-à-vis du contrat de C si : ((S g , J g)b{a_out}c)[a_out←a] ⊆ ((Sa, Ja)bI1 ∩ {a_in}c)[a_in←a] Traduction en obligation de preuve Lustre – Soit N un noeud possédant l'interface : node N(a_in, I) returns (a_out, O Chapitre 9 : Manipulations de contrats Son contrat est spécifié par les noeuds assumeN et guaranteeN qui ont pour interface : node assumeN(a_in, I) returns (assumeOK : bool); node guaranteeN(a_in, I, a_out, O) returns (assumeOK : bool); Pour prouver que le noeud N est itérable, on vérifie que l'ensemble des comportements de la variable accumulateur de sortie (la variable a_out) autorisés par la garantie du contrat sont tous des comportements autorisés pour la variable accumulateur d'entrée (a_in) par l'assertion de N. On génère ainsi l'observateur suivant : node contractEstIterable(a_out) returns (ok : bool); var I,O, a_in let ok = guaranteeN(a_in, I, a_out, O) => assumeN(a_out, I); tel 9.5 Méthodologie de développement Dans le chapitre 5, nous avons montré l'intérêt d'une méthodologie de spécification par contrat dans la description des systèmes. Les manipulations que nous avons proposées ci-dessus s'inscrivent dans une approche de validation par morceaux des systèmes et de manière générale de développement de programmes corrects. D 10.1 Gyroscope Au chapitre 6, nous avons présenté l'application du Gyroscope. Nous avons montré le découpage de cette application en plusieurs composants principaux décrits d'abord à l'aide de contrats avant d'être implémentés par des noeuds Lustre. Nous allons maintenant voir comment les techniques présentées aux chapitres 8 et 9 peuvent être utilisées pour aider à valider cette application. Concernant la manipulation des contrats, nous allons tout d'abord valider les implémentations visà-vis des contrats. Ensuite, nous montrerons les vérifications à mettre en place lors de la composition des composants de base et illustrerons l'implication que peut avoir cette phase de validation sur le développement des composants. Concernant la manipulation des itérations, nous montrerons comment appliquer les techniques proposées sur l'itération du noeud EvaluateAxis. 10.1.1 Manipulation des contrats Nous commençons par étudier les composants Channel et Voter. Pour valider les contrats de ces deux composants, nous avons généré des observateurs en suivant la proposition du paragraphe 9.4.1.2. Ensuite, nous étudierons la connexion de ces composants au sein du noeud EvaluateAxis. 10.1.1.1 Validation du noeud Channel Comme nous l'avons déjà souligné au paragraphe 6.7, la spécification du Channel et sa validation ont été progressives : nous avons validé différentes versions du contrat avec les implémentations correspondantes. En suivant la méthode du paragraphe 9.4.1.2, on génère à chaque fois un observateur de la forme suivante : 235 236 Chapitre 10 : Retour sur Exemples node isContract For _g_ Channel_F ulfilled (inChannel : Faulty _ChannelT ; delta : int ; ideal : in t ; delta_ to _ ideal : in t ) returns (contract IsFul filled : bool); var outChannel : Valid_ChannelT; assume_isValid : bool; guarantee_isValid : bool; let outChannel = Channel(inChannel, delta, ideal, delta_to_ideal); assume_isValid = assumeChannel(inChannel, delta, ideal, delta_to_ideal); guarantee_isValid = guaranteeChannel(inChannel, delta, ideal, delta_to_ideal, outChannel); contractIsFulfilled = ((assume_isValid) => (guarantee_isValid)); tel La première version ne prenait pas en compte la propagation temporelle des erreurs ni la détection des fautes croisées. Nous avons écrit une version du Channel qui n'utilise pas Maintain ni CrossFailDetect. Le contrat correspondant est plus simple que celui donné au chapitre 6. Il stipule que : • Soit une erreur locale est détectée par le channel (ici, cette erreur est instantanée) ; • Soit la valeur courante de la sortie n'est pas trop loin des valeurs courantes des entrées. La seconde version que nous avons développée prend en compte les erreurs de capteurs. Elle utilise donc le noeud Maintain. Le contrat utilisé est celui donné au paragraphe 6.4.3. La dernière version est celle que nous avons présentée au chapitre 6. Elle prend en compte à la fois les erreurs de capteurs et les erreurs liaisons. Le contrat du Channel pour cette nouvelle version est légèrement modifié. La garantie est identique, mais l'assertion est renforcée : on suppose maintenant que parmi les trois channels voisins du channel qu'on traite, au moins 1 n'a pas émis d'erreur locale à l'instant précédent. Comme l'assertion du contrat a été renforcée, celui-ci reste valide et ne doit pas être vérifiée à nouveau (voir paragraphe 9.4.1.2). Les trois versions du Channel ont été validées à l'aide de l'outil nbac [Jea00]. Cet outil est bien adapté à pour cette preuve car le contrat de Channel manipule des variables numériques. Les modelcheckers classiques abstraient ces variables et ne sont pas capables de prouver la propriété. 10.1.1.2 Validation du noeud Voter Pour le Voteur, nous n'avons développé qu'une version, donnée au paragraphe 6.4.4. L'observateur généré pour prouver la compatibilité de l'implémentation avec le contrat est le suivant : node isContractFor_Voter_Fulfilled(channels : Valid_ChannelTˆ4; ideal : int; delta_to_ideal : int) returns (contractIsFulfilled : bool); var vote : int; assume_isValid : bool; guarantee_isValid : bool; let vote = Vot er (channels, ideal, delta_to_ideal); assume_isValid = assumeVoter(channels, ideal, delta_to_ideal); guarantee_isValid = guaranteeVoter(channels, ideal, delta_to_ideal, vote); contractIsFulfilled = ((assume_isValid) => (guarantee_isValid)); Nous avons tout d'abord essayé de prouver cette propriété à l'aide de l'outil nbac, mais celui-ci ne gère pas (pour l'instant) les divisions par des valeurs non constantes (comme celle utilisée dans le Voter pour calculer la valeur de vote). Nous avons par contre prouvé cette propriété à l'aide des outils Gloups1 et PVS. Gloups permet, à partir d'une propriété Lustre de générer des objectifs de preuve PVS. Il a fallu ensuite prouver ces objectifs de preuve dans PVS. 10.1.1.3 Composition du Channel et du Voter L'étape suivante dans la validation du Gyroscope consiste à vérifier que la composition des instances de Channel avec le Voter est valide vis-à-vis de leurs contrats. On doit tout d'abord construire un contrat pour l'itération map_redChannel;4(mapredInit,[0,1,2,3],channels). On obtient le contrat suivant grâce à la définition donnée au paragraphe 5.3.9.4 : Assertion – On suppose que parmi les previousOutChannel, le nombre de channel déclarés en failure est inférieur à 3. On n'a fait que propager l'as due à la détection des fautes de transmission (nécessaire au noeud CrossFailDetect). Garantie – La garantie de l'itération est déduite facilement de la garantie du noeud Channel. On garantit que, pour chaque channel, soit il déclare une erreur, soit la valeur calculée n'est pas trop loin des valeurs qu'il reçoit en entrée (modulo le décalage temporel introduit par Maintain). Lorsqu'on compose l'itération map_redChannel;4 avec le Voter, on doit vérifier l'inclusion des traces de la garantie du premier dans les traces de l'assertion du second, avec la méthode proposée au chapitre 9. On se rend compte que les contrats ne sont pas complètement compatibles : Pour chaque channel, la contrainte sur les entrées de Voter est : local_failure or local_valueideal<delta_to_ideal, alors que la contrainte sur les sorties de Channel est : local_value - valuea < delta AND local_value - valueb < delta. De plus, Voter suppose qu'au moins un channel fonctionne bien (que sa valeur local_failure est fausse), ce qui n'est pas du tout garantie par Channel. Dans l'application originale, le fait qu'au moins un channel fonctionne bien est garantie par les channels eux-mêmes. Ils sont implémentés de telle façon que lorsque 3 channels tombent en panne, alors le quatrième ne peut pas tomber un panne (il passe dans un mode de type « sauvetage »). On pourrait très bien prendre en compte cette caractéristique. On modifierait pour cela le contrat ainsi que l'implémentation du Channel. Dans cette nouvelle version, la composition du Channel avec le Voter sera valide (au sens du paragraphe 9.4.2.1). Nous n'avons néanmoins pas implémenté cette version. 10.1.1.4 Validation du contrat de EvaluateAxis Dès lors qu'on a validé la composition ci-dessus, l'implémentation de EvaluateAxis satisfait son contrat. Pour prouver cela, nous avons simplement à remarquer que la propriété garantie par le Voter est exactement celle que doit garantir EvaluateAxis. Nous n'avons cependant pas encore développé cette version. 1 Gloups L'outil est disponible sur http://www-verimag.imag.fr/∼mikac/Gloups/Gloups-index.html. Il implémente les idées dévelopées dans [DC00] 238 10.1.1.5 Chapitre 10 : Retour sur Exemples Conclusion Les contrats des composants Channel et Vote nous ont permis de nous rendre compte qu'ils n'étaient pas entièrement compatibles. Cette étude des contrats permet d'illustrer la méthodologie que nous avons présentée au paragraphe 9.5. Après la phase de spécification descendante que nous avons mis en place sur l'exemple au chapitre 6, nous venons de montrer comment mettre en place la validation ascendante correspondante. On a commencé par valider localement les composants, sans nous intéresser au contexte dans lequel ils étaient utilisés. On a ensuite étudié leur composition et nous avons montré que les contrats n'était pas compatibles. Cette phase de validation de l'intégration des composants n'a pas été détaillée, mais elle met en jeu une série de modifications, de spécialisation des composants afin de les adapter à l'environnement dans lesquels ils sont utilisés. Comme nous l'avons dit dans le chapitre 9, nous ne prétendons pas montrer la validité d'une propriété globale sur le système. Par contre, toutes ces vérification locales, et ces vérifications des compositions permettent de s'assurer d'une cohérence partielle entre les composants de l'application. Ces vérifications sont des outils qui permettent à l'utilisateur de raisonner sur les différents composants. Le programme complet est trop complexe pour que les outils « classiques » de validation puissent être utilisés pour prouver une propriété globale. Il est indispensable de pouvoir découper le système et de le valider partie par partie. 10.1.2 Manipulation autour de l'itération principale La propriété principale présentée au paragraphe 6.6 est calculée à l'aide d'une itération appliquée sur le tableau secure_values, lui-même calculé par un map de EvaluateAxis. On reconnaît une forme intéressante pour la méthode proposée au chapitre 8. Au paragraphe 8.5.2.5, nous avons vu que la présence de tableaux explicites pouvait être traitée de différentes façons. Nous étudions maintenant ces différentes solutions sur l'exemple. 10.1.2.1 Abstraction des tableaux explicites Si l'on choisit d'abstraire ces tableaux explicites, on se retrouve à prouver la propriété suivante : node propOnGyroscope(axis : Faulty_Array; deltas, deltas_to_ideals, ideals : intˆ3) returns (isValid : bool); var secure_values : intˆ3; let secure_values = FSTGyroscope(axis); isValid = redValueIsSecure;3(true,secure_values, ideals,deltas_to_ideals) tel On peut commencer par expanser le noeud FSTGyroscope, pour obtenir l'objectif de preuve suivant : 10.1 Gyroscope 239 node propOnGyroscope(axis : Faulty_Array; deltas, deltas_to_ideals, ideals : intˆ3) returns (isValid : bool); var secure_values : intˆ3; let secure_values = mapEvaluateAxis;3(axis,deltas,deltas_to_ideals,ideals); isValid = redValueIsSecure;3(true, secure_values, ideals,deltas_to_ideals) tel L'itération mapEvaluateAxis;3 peut être encapsulée dans un noeud mapEvaluateAxis dont on construit le contrat grâce à la définition donnée au paragraphe 5.3.9.2. On obtient le contrat suivant, spécifié par les noeuds assumeMAP et guaranteeMAP. Assertion – assumeMAP exprime que toutes les entrées de l'itération doivent satisfaire l'assertion du noeud itéré EvaluateAxis. Il est défini par : node assumeMAP(axis : Faulty_Array, delta_to_ideals, ideals : intˆ3) returns (okAssume : bool); let okAssume = rediteratedAssume;3(true, axis,delta_to_ideals, ideals); tel où le noeud ite Assume est construit à partir de l'assertion du noeud EvaluateAxis : node iteratedAssume(acc_in : bool; oneAxe : Faulty_ChannelTˆ4, delta,delta_to_ideal, ideal : int) returns (acc_out : bool); let acc_out = acc_in and assumeEvaluateAxis(oneAxe,delta,delta_to_ideal,ideal); tel Garantie – de la même façon, on construit la guarantee en itérant iteratedGuarantee : node guaranteeMAP(axis : Faulty_Array, delta_to_ideals, ideals : intˆ3; secure_values : intˆ3) returns (okGuarantee : bool); let okGuarantee = rediteratedGuarantee;3(true, axis,delta_to_ideals, ideals); tel où le noeud iteratedGuarantee est construit à partir de la garantie : du noeud EvaluateAxis : node iteratedGuarantee(acc_in : bool; oneAxis : Faulty_ChannelTˆ4, delta,delta_to_ideal, ideal : int; secure_values : int) returns (acc_out : bool); let acc_out = acc_in and guaranteeEvaluateAxis(oneAxis,delta, delta_to_ideal,ideal,secure_values); tel 240 Chapitre 10 : Retour sur Exemples Le nouvel observateur qu'on doit considérer est simplement : node propOnGyroscope(axis : Faulty_Array; deltas, deltas_to_ideals, ideals : intˆ3) returns (isValid : bool); var secure_values : intˆ3; let secure_values = mapEvaluateAxis(axis,deltas,deltas_to_ideals,ideals); isValid = redValueIsSecure;3(true, secure_values, deltas_to_ideals,ideals); tel On peut maintenant appliquer algorithme de manipulation des itérations. Celui-ci va rencontrer le noeud mapEvaluateAxis et proposer d'utiliser son contrat. Il va dans un premier temps générer le nouvel objectif de preuve suivant : node propOnGyroscope(axis : Faulty_Array; deltas, deltas_to_ideals, ideals : intˆ3; secure_values : intˆ3) returns (isValid : bool); var assumeMAPV, guaranteeMAPV : bool; let isValid = redValueIsSecure;3(true,secure_values, ideals,deltas_to_ideals, assumeMAPV = rediteratedAssume;3(true,axis,deltas,deltas_to_ideals); guaranteeMAPV = rediteratedGuarantee;3(true,axis, deltas,deltas_to_ideals,ideals,secure_values); assert assumeMAPV => guaranteeMAPV; tel L'assertion a été construite à partir du contrat de mapEvaluateAxis. On peut alors appliquer l'algorithme proposé au paragraphe 8.5. On obtient ainsi l'observateur de la figure 10.1. Cet observateur a la structure classique que nous avons présentée au paragraphe 8.5.4.1. La propriété (représentée par la variable ok) est découpée en deux sous-propriétés okInit pour le cas de base et okInv pour l'invariance de l'induction. A chaque fois la propriété générée est une implication Hypothèse => Propriété où Hypothèse représente la validité du contrat que nous avons transformé ci-dessus en implication assumeMAPV => guaranteeMAPV et où Propriété représente la validité de la propriété représentée par ValueIsSecure. Cas de base – On doit prouver que la propriété est vraie après un passage dans l'itération, on a donc généré un appel du noeud ValueIsSecure avec les variables init correspondant à chaque variable du programme : deltas_to_ideals_init, ideals_init, deltas_init et secure_values_init. Invariance – On doit prouver que propriété est préservée par un passage dans l'itération. On génère pour cela la variable HPAcc qui représente la validité de l'implication Hypothèse => Propriété à un rang N de l'itération, ainsi que la variable HPInv qui représente la validité de l'implication au rang N+1. propOnGyroscope(secure_values_init : int; secure_values_inv : int; deltas_to_ideals_init, deltas_to_ideals_inv : int; ideals_init, ideals_inv : int; deltas_init, deltas_inv : int; propTrueRankN : bool; assumeMAPV_acc, guaranteeMAPV_acc : bool; accIn_acc_in : bool; elt_axis_init, elt_axis_inv : Faulty_ChannelTˆ4) returns (ok : bool); var isValid_init : bool; propTrueRankNp1 : bool; hypo_init : bool; assumeMAPV_init, assumeMAPV_inv : bool; guaranteeMAPV_init : bool, guaranteeMAPV_inv : bool; hypoTrueRankN : bool, hypoTrueRankNp1 : bool; HPAcc : bool, HPInv : bool; okInv : bool, okInit : bool; let ok = ((okInit) and (okInv)); – cas de base de l'induction okInit = ((hypo_init) => (isValid_init)); hypo_init = ((assumeMAPV_init) => (guaranteeMAPV_init)); isValid_init = ValueIsSecure(true, secure_values_init, deltas_to_ideals_init, ideals_init); – invariance okInv = ((HPAcc) => (HPInv)); HPAcc = ((hypoTrueRankN) => (propTrueRankN)); HPInv = ((hypoTrueRankNp1) => (propTrueRankNp1)); propTrueRankNp1 = g_ValueIsSecure(propTrueRankN, secure_values_inv, deltas_to_ideals_inv, ideals_inv); hypoTrueRankN = ((assumeMAPV_acc) => (guaranteeMAPV_ )); hypoTrueRankNp1 = ((assumeMAPV_inv) => (guaranteeMAPV_inv)); assumeMAPV_init = iteratedAssume(true, elt_axis_init, elt_deltas_init, deltas_to_ideals_init, ideals_init); assumeMAPV_inv = iteratedAssume(assumeMAPV_acc, elt_axis_inv, elt_deltas_inv, deltas_to_ideals_inv, ideals_inv); guaranteeMAPV_init = iteratedGuarantee(true, elt_axis_init, elt_deltas_init, deltas_to_ideals_init, ideals_init, secure_values_init); guaranteeMAPV_inv = iteratedGuarantee(guaranteeMAPV_acc1, elt_axis_inv, elt_deltas_inv, deltas_to_ideals_inv, ideals_inv, secure_values_inv); tel F IG. 10.1 – Résultat des manipulations tableaux sur le gyroscope. Chapitre 10 : Retour sur Exemples 10.1.2.2 Prise en compte des tableaux explicites Si l'on ne souhaite pas abstraire les tableaux explicites, la technique dont nous avons parlé au paragraphe 8.5.2.5 peut être appliquée. On commence par appliquer les même transformations que précédemment (construction du contrat de l'itération, etc.). On doit alors traiter l'observateur suivant : node propOnGyroscope(axis : Faulty_Array; secure_values : intˆ3) returns (isValid : bool); var assumeMAPV, guaranteeMAPV : bool; let isValid = redValueIsSecureII;3(true, secure_values, [DELTA_TO_IDEAL_ROLL, DELTA_TO_IDEAL_PITCH, DELTA_TO_IDEAL_YAW], [IDEAL_ROLL,IDEAL_PITCH, IDEAL_YAW]); assumeMAPV = redite ;3(true,axis, [DELTA_ROLL, DELTA_PITCH, DELTA_YAW], [DELTA_TO_IDEAL_ROLL, DELTA_TO_IDEAL_PITCH, DELTA_TO_IDEAL_YAW]); guaranteeMAPV = rediteratedGuarantee;3(true, axis,[DELTA_ROLL, DELTA_PITCH, DELTA_YAW], [DELTA_TO_IDEAL_ROLL, DELTA_TO_IDEAL_PITCH, DELTA_TO_IDEAL_YAW], [IDEAL_ROLL,IDEAL_PITCH, IDEAL_YAW], secure_values); assert assumeMAPV => guaranteeMAPV; tel À partir de cet observateur, on peut générer un observateur ressemblant à celui de la figure 10.1 où les instances des variables deltas_init, deltas_to_ideals_init et ideals_init ont été remplacées par les valeurs constantes correspondantes pour le premier passage dans l'itération. En ce qui concerne le cas init, on doit générer une assertion indiquant qu'elles valeurs peuvent être utilisées, en même temps pour ces différentes variables. 10.1.2.3 Symétrie La propriété que nous avons étudiée jusqu'ici est en fait parfaitement symétrique. On veut en fait montrer que la valeur produite par le système pour chaque axe n'est pas trop loin de la valeur idéale correspondante. 10.2 ELMU Nous revenons maintenant sur l'application du ELMU que nous avons présentée au chapitre 7. Nous avons montré alors l'intérêt des contrats et des itérations en terme de spécification. Comme nous venons de le faire pour le Gyroscope, nous tentons de montrer maintenant ce qu'apportent ces deux aspects en terme de validation de l'application. 10.2.1 Chapitre 10 : Retour sur Exemples Manipulation des contrats Nous avons évoqué, au chapitre 7, l'existence, dans la spécification du ELMU d'une bibliothèque de composants de base, intensivement utilisés dans toute l'application. L'exemple du rMFF introduit au paragraphe 5.3.1 est notamment tiré de cette étude de cas. Les manipulations des contrats qu'on a proposé au chapitre présentent ici un grand intérêt : elles permettent de valider l'utilisation qui est faite de chacun de ces composants. A chaque endroit où un composant est utilisé, on vérifie la cohérence de l'appel. On peut aussi propagée les contraintes décrites dans ces contrats pour exprimer des contraintes sur des paramètres de composants appelant. Cette propagation permet de renforcer la description qu'on a de telle ou telle partie de l'application. Par exemple, on peut se rendre compte que des contraintes exprimées sur des paramètres d'un noeud N sont contradictoires avec l'utilisation qui en est fait par un noeud spécifié par contrat et ce de manière semi-automatique (en appliquant les méthodes du chapitre 9). L'application telle que nous l'avons étudié ne permet pas cette démarche : même si certains composants sont spécifiés, ils le sont de manière trop informelle pour que l'information correspondante soit exploitée. Les méthodes que nous proposons ne permettent pas une validation globale de l'application. Mais à chaque fois que le développeur fait l effort de donner un contrat pour un composant, il en tirera une plus grande confiance dans l'utilisation qui est faite du composant.
40,682
hal-04482389-BUMED_MSPM_2019_BASIN_MYLENE.txt_3
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
Les Accidents Exposant au Sang : état des lieux à l’Hôpital Neuchâtelois en Suisse et propositions d’actions d’amélioration pour la sécurité du personnel. Santé publique et épidémiologie. 2019. &#x27E8;hal-04482389&#x27E9;
None
French
Spoken
5,807
11,017
La déclaration des AES dans le système de notification des incidents/accidents Les données statistiques permettent de dégager une vision globale des risques d’accidents et de fixer des priorités de façon générale mais restent insuffisantes pour poser un bon diagnostic de santé et sécurité au travail et pour définir une bonne politique de prévention. L’analyse qualitative par la méthode de l’arbre des causes en tant que démarche systémique considère l’accident comme le résultat d’un dysfonctionnement dans l’entreprise en interrogeant l’ensemble des composantes du système et leurs interactions [48]. Cette démarche nous permettrait de comprendre le scénario d’un AES et ses conséquences multifactorielles pour éviter qu’un accident ne se reproduise. Ces évènements seraient présentés chaque mois en Comité de Direction. Les ressources humaines et financières ont été allouées, le système devrait être opérationnel dès septembre 2019. 2. Matériels sécurisés Pour les aiguilles à ailette, l’utilisation d’un seul modèle (« Push Button ») est envisagée :  les aiguilles à ailette « Safety Lok » seront remplacées dès le mois prochain par les aiguilles à ailette « Push Button » (facilité de remplacement de ce dispositif car il provient du même laboratoire que le « Push Button ») avec information auprès des services de soins du remplacement du matériel ;  uniformisation des aiguilles à ailettes (« Push Button » / « Venofix Safety »). Le service des achats étudie la faisabilité de garder un seul type d’aiguille à ailette (le « Push Button ») en fonction des pratiques d’utilisation dans les services de soins. Une étude de coût auprès des 2 partenaires industriels est en cours.    déploiement des aiguilles de prélèvement sécurisées S Monovette Sarstedt (21 et 22 Gauge) dans tous les services, avec mise en place d’une information de remplacement de matériel et évaluation du nouveau matériel. Retrait des anciens stocks dans les services ; réflexion sur l’introduction de seringues d’insuline avec aiguille s/c sécurisée ; réflexion sur l’introduction des lames de bistouri rétractables et d’aiguille courbe mousse, en discussion entre le service des achats et la Direction Médicale. 3. Formation du personnel Le turn-over important chez les médecins assistants et les infirmières dans certains services a été pris en compte lors de la réflexion de ces interventions.  cette intervention est inscrite au projet 2020 pour le SMdT. Une séance entre le SMdT, les cliniciennes et un partenaire industriel est prévue en septembre 2019 pour la mise en œuvre d’ateliers de prévention ciblant le personnel soignant du service des urgences de Pourtalès et d’un service de médecine de la Chaux de Fonds dans un 1er temps (Phase pilote). L’objectif de 32  ces ateliers sera d’informer les professionnels de santé sur les risques, la prévention et la conduite à suivre en cas d’AES et de les sensibiliser aux bonnes pratiques d’utilisation des collecteurs à aiguilles, des précautions standard et du matériel sécurisé ; la réflexion s’est orientée également pour intervenir lors des 1⁄2 journées d’accueil des nouveaux collaborateurs qui se déroulent chaque début de mois. Elles sont présentées sous la forme d’ateliers animés par différents intervenants (UPCI : hygiène des mains ; Unité Qualité : déclaration des incidents ; Service formation : Système de gestion documentaire (GED) ; Service sécurité : prévention incendie). Le SMdT souhaiterait intégrer ces 1⁄2 journées sous forme d’atelier de prévention dont l’objectif serait d’informer les professionnels de santé sur les risques les risques associés à l’exposition au sang et aux liquides biologiques, les mesures préventives, y compris les précautions standard et l’usage correct des conteneurs à aiguilles et des dispositifs médicaux sécurisés. Cette mesure pourrait être bénéfique pour les médecins assistants compte-tenu des périodes de stage courtes (entre 1et 2 ans) ainsi qu’aux personnels soignants en formation (ASSC, infirmiers). 4. Plaidoyer auprès de la Direction Générale quant à la nécessité de soutenir nos actions lors de la restitution des résultats de cet état des lieux en accentuant sur la situation du bloc toire qui nécessiterait des actions immédiates. Méthodologie Au sein du service de médecine du travail, nous étions conscients de l’importance des AES mais nous ne disposions d’une méthodologie structurée pour orienter nos actions de prévention de façon stratégique. Nous avons opté pour une méthodologie avec recueil de données quantitatives au détriment d’un recueil qualitatif qui cependant nous aurait permis de connaître au mieux les demandes des professionnels de santé, d’investiguer les situations de non-observances ainsi que l’environnement de travail. Les informations recueillies auprès des accidentés telles « les problèmes datant depuis plusieurs années et majorés depuis la nouvelle organisation des blocs opératoires induisant une surcharge de travail sur le site de Pourtalès», « la résistance dans l’utilisation d’aiguilles émoussées »,« des demandes des soignants accidentés dans l’utilisation des mécanismes de sécurité du matériel » ainsi que les demandes des soignants relayées par les infirmières cliniciennes, pointent potentiellement l’intérêt d’approches qualitatives. Cette méthode a été écartée compte-tenu de nos observations sur le terrain dans le cadre de la détermination des dangers, et du travail conséquent imposé par cet état des lieux. Cette dernière pourrait éventuellement être utilisée pour une intervention future au bloc opératoire. Facteurs limitants et facilitants rencontrés lors de la mise en place de l’intervention La littérature regorge d’études concernant les AES notamment aux Etats-Unis et en France. Ces pays avaient déjà mesuré l’importance de ce phénomène et disposent des mesures pour les prévenir depuis de nombreuses années. Depuis 2000, les Etats-Unis avait légiféré l’introduction des dispositifs sécurisés [17]. En France et dans les autres pays de l’Union Européenne, la Directive 2010/32/UE, a permis de renforcer les mesures déjà en [32,33]. La France présente un taux d’incidents pour 100 lits 5 fois moins élevés que nos chiffres [2]. Ces données nous permettent de réfléchir d’une part au contexte législatif des AES en Suisse et d’autre part à la prise de conscience collective du groupe de travail qu’il est tout à fait possible de diminuer le nombre d’AES dans notre établissement. La loi sur le travail [7] et ces différentes ordonnances [8-10] restent très floues et ne légifèrent pas la spécificité des AES comme l’ont fait d’autres pays. Ces mesures ne permettent pas un cadre légiféré et donc des stratégies communes pour mettre en place un système efficace de prévention face à ces accidents. Chaque structure hospitalière met en place ses propres mesures selon les recommandations de la SUVA et de l’OFSP qui dans ce contexte non légiféré ne sont ni contrôlées et ni évaluées. Il n’y a pas de sanction applicable. Ces différentes recommandations [4,5] concernant les AES ont été rédigées il y a plusieurs années maintenant et soulignaient déjà l’importance des mesures d’ordre technique, organisationnelles et de 33 protection du personnel que l’on retrouve également dans les orientations pour la mise en application de la Directive Européenne. Cette directive insiste également sur l’intérêt d’un système de notification des blessures qui faisait souvent défaut par manque de clarté et d’information quant à la nécessité de notifier les incidents. La culture santé et sécurité au travail est encore très récente en Suisse et à l’HNe. Elle peut freiner l’application de mesures de sécurité. En effet, la Directive MSST, concrétise depuis 2000 l’obligation qui incombe à l’employeur de faire appel à des spécialistes de la sécurité au travail. La détermination des dangers en fait partie. Elle a été mise en place en 2012 à l’HNe. Ce travail s’est effectué dans un contexte de surcharge de travail avec de nombreux projets en cours sur l’établissement, des contraintes budgétaires et des impératifs liés à la réorganisation avec parfois des difficultés d’accéder aux informations et aux données nécessaires pour cette étude. Le travail chronophage de standardisation des données en début de projet a permis d’avancer plus vite ensuite pour définir une méthodologie afin d’intégrer les AES dans le système de notification des incidents. Le constat des consultations non facturées s’est également rajouté à ce travail, puisque la totalité des facturations manquantes a été reprise par notre service. L’animation et la coordination du groupe projet ont été facilitées par une bonne connaissance du terrain couplée à un apport méthodologique en intervention en promotion de la santé. La collaboration développée entre les différents membres du groupe de travail et le partenariat avec les industriels ont permis de mutualiser les connaissances et les compétences de chacun autour de cette problématique. La prise en en compte des contraintes de chacun a confirmé l’importance du travail en commun pour aboutir à des actions efficientes. Portée des résultats et perspectives Ce travail est un outil d’aide à la décision, il a permis de décrire les caractéristiques des accidents et les mesures déjà en place à l’HNe pour comprendre comment aiguiller nos stratégies efficacement. Concernant les caractéristiques des AES, à postériori, une analyse plus spécifique (analyse croisée) aurait pu nous permettre d’obtenir des résultats ciblant de manière plus précise le public nécessitant une intervention selon le service et selon les caractéristiques des AES. Les résultats présentés reflètent plutôt une tendance générale des AES. Le nouveau système de recueil de données devrait nous permettre d’avoir des résultats plus précis et sera évaluer en fin d’année. La situation du bloc opératoire reste une préoccupation pour le groupe de travail malgré qu’aucune intervention spécifique n’ai été retenue au vu du contexte actuel. Nous attendons le soutien de notre Direction après la présentation de ce travail. Cependant, la réflexion sur l’introduction de matériel sécurisé couplée à d’éventuels ateliers de prévention lors des 1⁄2 journées d’introduction du nouveau personnel, pourrait déjà participer à la prévention des AES pour les médecins assistants premières victimes d’AES au bloc opératoire. Pour le personnel engagé sur des courtes périodes tels que les stagiaires, les étudiants, les médecins assistants ceux-ci ne doivent pas être écartés des actions de prévention bien au contraire puisqu’ils sont plus à risque d’être exposés. Il faut souligner également le contexte multisites de l’HNe. Même si les AES ont été décrits sur les sites principaux et majoritairement sur le site de Pourtalès, les sites secondaires moins touchés probablement par un contexte de travail plus stable et moins impacté par les réorganisations ne doivent pas être écartés des stratégies de prévention et de promotion de la santé en cours. Lors de la détermination des dangers, dans ces services, des pratiques de soins parfois non sécuritaires ont été observées. L’intégration du matériel sécurisé reste récente dans notre établissement. Les premiers dispositifs sécurisés ont été intégrés en 2014 et n’ont pas toujours été bien accompagnés dans les services. Une évaluation par observation est programmée fin d’année afin de comparer la situation avant et après cet état des lieux dans les services de soins. 34 L’analyse des coûts qui ne reflète cependant pas la totalité des dépenses liées au AES nous permettra tout de même de justifier et d’appuyer les demandes d’investissement dans la prévention des AES. L’investissement financier au épart serait probablement rentabilisé à long terme en diminuant les AES. Outre la description des coûts engendrés, elle nous aura permis d’identifier des points d’amélioration dans la facturation des consultations qui seront évalués en fin d’année par le SMdT et le service de facturation. Cette étude nous a permis de proposer des actions d’amélioration en prenant en compte les déterminants politiques, économiques, environnementaux et comportementaux qui promeuvent ou entravent la santé de nos collaborateurs exposés au risque d’AES. Afin que le personnel puisse prendre conscience de l’importance des AES et de participer activement à la leur diminution, les résultats de cet état des lieux seront présentés lors des ateliers de prévention mis en place en 2020 par les cliniciennes, le SMdT et un de nos partenaires industriels. Cet état des lieux sera présenté en comité de Direction Générale début juillet 2019, afin qu’elle puisse à son tour mesurer l’importance de ce problème impactant la sécurité du personnel et nous permette de plaidoyer en faveur du personnel du bloc opératoire impacté fortement par ces accidents. L’objectif étant d’être soutenu dans nos actions, de contribuer à une dynamique de culture sécurité et de développer un partenariat avec la Direction afin de pérenniser nos actions. CONCLUSION Cet état des lieux a mis en évidence qu’il existe dans notre institution des moyens de prévention déjà en place depuis plusieurs années tels que la surveillance des AES, une politique vaccinale contre l’hépatite B, un système de prise en charge des AES accessible et plutôt bien organisé, l’introduction progressive de matériels sécurisés. Malgré ces mesures, les AES restent toujours une réalité qu’il est possible d’améliorer et les efforts doivent être soutenus. Cette analyse met en évidence l’importance d’une stratégie intégrée de prévention des AES qui doit prendre en compte l’environnement les contraintes de travail dans lesquels évoluent les professionnels de notre institution. L’utilisation des matériels de sécurité a fait ses preuves dans la diminution des AES et doit continuer à progresser dans notre établissement. Cependant, mal utilisé, un matériel de sécurité peut devenir un matériel d’insécurité d’ò la nécessité d’accompagner les professionnels de santé lors de l’introduction de nouveau matériel mais également d’évaluer leur utilisation et la satisfaction du produit. Ensemble, ces mesures, couplées à une formation, une information et une sensibilisation régulière des risques liés aux AES et de l’observance des précautions standard pourraient avoir des effets positifs et prévenir ces accidents. La surveillance des déclarations des AES doit se poursuivre en analysant précisément les mécanismes ayant conduit à l’exposition. La démarche d’analyse des causes est une approche de gestion des risques qui, dans ce contexte a toute sa place pour permettre à la fois de sanctuariser les efforts de prévention et de continuer à faire progresser la prévention autour des accidents tout en évaluant les actions mises en place. L’impact économique de la prise en charge des AES est non négligeable pour un hôpital. Bien que le coût de la prévention puisse sembler élevé, ils se révèlent finalement être le contraire à long terme. Ce travail souligne l’importance d’un travail en concertation, d’une réflexion commune des acteurs impliqués dans la prévention des AES et témoigne d’une culture santé et sécurité au travail encore très récente en Suisse. La prévention des risques professionnels est une véritable opportunité de progrès et de plus value pour notre structure. Comme le souligne le préambule de la Directive Européenne, « la santé et la sécurité des travailleurs sont primordiales et sont étroitement liées à la santé du patient ». BIBLIOGRAPHIE [1] Wilburn S, Eijkemans G. Prévention des accidents par piqûres et de l’exposition professionnelle aux agents pathogènes véhiculés par le sang dans le cadre professionnel. The Global Occupational Health Network [en ligne]. 2005, n°8, [consulté le 06/04/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.who.int/occupational_health/publications/newsletter/gohnet8fr.pdf > [2] Réseau AES Raisin. Maladies infectieuses. Surveillance des accidents avec exposition au sang dans les établissements de santé français ; Résultats 2015. Santé publique France [en ligne]. Janvier 2017, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet :<http://www.cpias-ile-defrance.fr/surveillance/aes/AES_raisin2015.pdf> [3] Tarantola A. Les risques infectieux après accident exposant au sang ou aux liquides biologiques. Revue Hygiènes [en ligne]. Janvier 2003, [consulté le 14/01/2019]. Disponibilité sur internet :<http://www.geres.org/wp-content/uploads/2017/05/hg03risqueinfectieuxetAES.pdf > [4] Jost M, Francioli P, Iten A, et al. Prévention des maladies infectieuses transmises par voie sanguine dans le secteur sanitaire. SUVA Pro [en ligne]. Avril 2006, [consulté le 14 janvier 2019]. Disponibilité sur internet : <https://re.srb-group.com/web1/images/pdf/infomaterialien/suva-f/02869_30-f.pdf > [5] Zysset F, Kammerlander R, Francioli P, et al. Prise en charge du personnel de santé après accident exposant au sang ou d’autres liquides biologiques (AES). Mise à jour 2007 des recommandations. Office Fédérale de la Santé Publique [en ligne]. Juillet 2007, n°31, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/suche.html#accident%20exposant%20au%20sang > [6] Colombo C Ledergeber B, Zysset F, et al. Exposition au risque infectieux VIH, VHB et VHC chez le personnel des établissements de soins en Suisse de 2001 à fin juin 2008. Office Fédéral de la Santé Publique [en ligne]. Janvier 2010, n° 3, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_64ED6EE3C448.P001/REF > [7] Confédération Suisse. Secrétariat d’Etat à l’Economie. Loi Fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce. Loi sur le travail et Ordonnances [en ligne]. Août 2000, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Arbeit/Arbeitsbedingungen/Arbeitsgesetz-undVerordnungen.html > [8] Confédération Suisse. Secrétariat d’Etat à l’Economie. Ordonnance 3 relative à la loi du travail. Protection de la santé [en ligne]. Août 1993, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : < https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19930254/201510010000/822.113.pdf> [9] Confédération Suisse. Secrétariat d’Etat à l’Economie. Ordonnance du 19 décembre 1983 sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles (OPA) [en ligne]. Juin 1993, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.admin.ch/opc/fr/classifiedcompilation/19830377/index.html> [10] Confédération Suisse. Secrétariat d’Etat à l’Economie. Ordonnance du 25 août 1999 sur la protection des travailleurs contre les risques liés aux microorganismes (OPTM) [en ligne]. Juin 2012, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.admin.ch/opc/fr/classifiedcompilation/19994946/index.html> 36 [11] Saarto A, Verbeek JH, Lavoie MC, Pahwa M. Blunt versus sharp suture needles for preventing percutaneous exposure incidents in surgical staff. Cochrane Database of Systematic Reviews [en ligne]. 2011, n°CD009170, [consulté le 02/02/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD009170.pub2/abstract > [12] Nidegger D, Castel O, Peltier MP. Évaluation du coût de la prise en charge des accidents exposant au sang dans un centre hospitalo-universitaire en 2000 Médecine et maladies infectieuses [en ligne]. Janvier 2004, Vol.1 n°34, [consulté le 02/02/2019]. Disponibilité sur internet :<https Saia M, Hofmann F, Sharman J, Abiteboul D, Campins M, Burkowitz J. Needlestick Injures : incidence and cost in the United States, United Kingdom, Germany, France, Italy, and Spain. Biomedicine International [en ligne]. 2010, Vol. 1, [consulté le 02/02/2019]. Disponibilité sur internet :<https://pdfs.semanticscholar.org/94e0/7434a951e73439887a9732475380f3cc7683.pdf> [14] Zisset F. Association Suisse des médecins d’entreprise des établissements de soins. Journée de formation de la SOHF. Prévenir les accidents exposant au sang (AES) sur le terrain : Que faire? [en ligne]. Septembre 2009, [consulté le 02/02/2019]. > [15] Confédération Suisse. Office Fédérale de la Santé Publique. Centres de référence pour les infections transmissibles par le sang dans le secteur sanitaire. Recommandations pour le personnel de santé infecté par les virus de l’hépatite B, de l’hépatite C ou de l’immunodéficience humaine : prévention du risque de transmission aux patients [en ligne]. Septembre 2013, [consulté le 10/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=2ah UKEwjCyudr6jiAhVNzYUKHTkGDrQQFjAAegQIBBAC&url=https%3A%2F%2Fwww.bag.admin.ch%2Fdam %2Fbag%2Ffr%2Fdokumente%2Fmt%2Fi-und-b%2Frichtlinien-empfehlungen%2Fempfehlungenspezifische-erreger-krankheiten%2Fhepatitis%2Fpraevention-blutuebertragbarer-krankheitenpatienten-personal-gesundheitswesen-hepatitis-b-c-hiv.pdf.download.pdf%2Fprevention-du-risque-detransmission-aux-patients.pdf&usg=AOvVaw006eWZIqH3vHl3rV9K4Rp7> [16] Wassilew N, Bonfilon C, Yerly S, Calmy A. La prophylaxie post exposition dans tous ses états Revue Médicale Suisse [en ligne]. 2013, Vol.9, n°383, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.revmed.ch/RMS/2013/RMS-383/La-prophylaxie-postexposition-dans-tousses-etats > [17] CDC. Evaluation of Safety Devices for Preventing Percutaneous Injuries Among Health-Care Workers During Phlebotomy Procedures — Minneapolis-St. Paul, New York City, and San Francisco, 1993-1995. Morbidity and Mortality Weekly Report [en ligne]. January 1997, Vol.46, n°2, [consulté le 02/02/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.cdc.gov/mmwr/PDF/wk/mm4602.pdf > [18] Lot F, Desenclos JC. Epidémiologie de la transmission soignant / soigné. Risque lié au VIH, VHC et VHB. Revue Hygiènes [en ligne]. 2003, Vol.11, n°2, [consulté le 10/01/2019]. Disponibilité sur internet :<http://www.geres.org/wp-content/uploads/2016/11/hg03fl.pdf> [19] Meyer U, Chuard C, Regamey C. Accidents avec risque de transmission du VIH, du virus de l'hépatite B et du virus de l'hépatite C dans le secteur médical. Revue Médicale Suisse [en ligne]. 2005, Vol.1, n°36, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.revmed.ch/RMS/2005/RMS-36/30694 > 37 [20] Cardo DM, Culver DH, Ciesielski CA, et al. A case-control study of HIV seroconversion in health care workers after percutaneous exposure. Centers for Disease Control and Prevention Needlestick Surveillance Group. New England Journal of Medicine [en ligne]. November 1997, Vol.337. [consulté le 10/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJM199711203372101?url_ver=Z39.882003&rfr_id=ori%3Arid%3Acrossref.org&rfr_dat=cr_pub%3Dwww.ncbi.nlm.nih.gov [21] Mast ST, Woolwine JD, Gerberging JL. Efficacy of gloves in reducing blood volumes transferred during simulated needlestick injury. Journal Infectious Diseases [en ligne]. December 1993, Vol.168, n°6, [consulté le 12/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8245553> [22] Lazor-Blanchet C. Centre de Référence pour les AES de Lausanne. Réseau national de surveillance des accidents professionnels d’exposition au sang et liquides biologiques (AES) : résultats 2012. Décembre 2013. [23] Druet-Cabanac M, Szopinski M, Tibarbache H, Dumont D. Étude des causes de non-déclaration des accidents d'exposition au sang au CHU de Limoges. Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement [en ligne]. 2003, Vol.64, n°7-8, [consulté le 02/02/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.em-premium.com/showarticlefile/72941/pdf_57395.pdf> [24] INVS. GERES. Surveillance des contaminations professionnelles par le VIH, le VHV et le VHB chez le personnel de santé. Situation au 31 décembre 2009 [en ligne]. Décembre 2010, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <http://invs.santepubliquefrance.fr/publications/2010/vih_vhc_vhb_personnel_sante_2009/rapport_vih _vhc_vhb_personnel_sante_2009.pdf [25] Health Protection Agency Center for Infections & Collaborators. Occupational transmission oh HIV. Summary Published Reports [en ligne]. Mars 20015, [consulté le 15/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://webarchive.nationalarchives [26] Centers for Disease Control and Prevention. National Center for HIV/AIDS, Viral Hepatitis, SDT, and TB Prevention. Divison of HIV/AIDS Prevention. Occupational HIV Transmission and Prevention among Health Care Workers [en ligne]. June 2015, [consulté le 15/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.cdc.gov/hiv/pdf/workplace/cdc-hiv-healthcareworkers.pdf > [27] Conseil national du sida et des hépatites virales, ANRS. Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Recommandation du groupe d’expert. Prise en charge des accidents d’exposition sexuelle et au sang chez l’adulte et l’enfant [en ligne]. Septembre 2017, [consulté le 15/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://cns.sante.fr/wp-content/uploads/2017/10/experts-vih_aes.pdf [28] Confédération Suisse. Secrétariat d’Etat à l’Economie. Loi Fédérale du 20 mars 1981 sur l’assurance-accidents (LAA). Assurance accident et prévention des accidents [en ligne]. Septembre 2015, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet :< https://www.admin.ch/opc/fr/classifiedcompilation/19810038/200107010000/832.20.pdf [29] Confédération Suisse. Commission Fédérale de coordination pour la sécurité au travail. La méthode MSST 6508 [en ligne]. Janvier 2017, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <http://www.ekas.ch/index-fr.php?frameset=20 > [30] Santé 21. Convention collective de travail 2017-2020 du secteur de la santé du canton de Neuchâtel [en ligne]. [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.cctsante21.ch/sites/default/files/attachments/CCT_Droit%20privé_2017-2020.pdf > 38 [31] Confédération Suisse. Office Fédérale de la Santé Publique. Commission fédérale pour les vaccinations. Recommandations pour la prévention de l’hépatite B [en ligne]. Mars 2019, [consulté le 08/04/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/gesundleben/gesundheitsfoerderung-und-praevention/impfungen-prophylaxe/richtlinien-empfehlungenimpfungen-prophylaxe.html [32] Journal officiel de l’Union européenne. Directive 2010/32/UE du conseil du 10 mai 2010 portant application de l’accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire [en ligne]. Juillet 2009, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:13 66:0072:FR:PDF > [33] European Biosafety Network. Prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier. Orientation pour la mise en application de l’Accord-cadre UE, de la Directive du conseil et de la législation nationale associée [en ligne]. [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur : <https://www.europeanbiosafetynetwork.eu/wp-content/uploads/2017/01/EU-Sharps-InjuriesImplementation-Guidance_FRENCH.pdf > [34] Hôpital Neuchâtelois. Rapport d’activité 2017 [en ligne]. Mai 2018, [consulté le 07/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.hne.ch/documents/20182/28585/Rapport+d%27activité+2017/b6f4f594-d0f6-4dfd882e-e805583fefec > [35] Hygiène, prévention et contrôle de l’infection. Précautions standards. Guide romand pour la prévention des infections associées aux soins [en ligne]. Avril 2017, [consulté le 12/01/2019]. Disponibilité sur internet: <https://www.hpci.ch/sites/chuv/files/HPCI_Guide_PS_2017_1.pdf> [36] Lot F, Miguères B, Yazdanpanah Y, et al. Séroconversion professionnelles par le VIH et le VHC chez le personnel de santé en France, le point au 30 juin 2001. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire [en ligne]. Mars 2002, n° 12/2002, [consulté le 08/04/2019]. Disponibilité sur internet : <http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2002/12/beh_12_2002.pdf > [37] GERES. Prévention des AES chirurgie – bloc opératoire [en ligne]. [consulté le 08/04/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.geres.org/wp-content/uploads/2016/11/ftchir.pdf > [38] Abiteboul D, Fargeot C, Deblangy C, Lucet JC. Le gant et les AES. Revue Hygiènes [en ligne]. Janvier 2003, [consulté le 08/04/2019]. Disponibilité sur internet : <http://www.geres.org/wpcontent/uploads/2017/01/hg03da.pdf > [39] Floret N, Abiteboul D, Ayzac L, Bervas C, Bouvet E, Jarno P. Suivi des AES dans les établissements de santé. Place et intérêt des matériels de sécurité. Feuillet de biologie [en ligne]. Novembre 2012, Vol. 3, n°309, [consulté le 18/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.researchgate.net/publication/234842432_Suivi_des_AESdans_les_etablisseme nts_de_santePlace_et_interet_des_materielsde_securite > [40] GERES. Ministère de la santé et des sports. INRS. Guide des matériels de sécurité et des dispositifs barrière 2010 [en ligne]. [consulté le 18/01/2019]. Disponibilité sur internet :<http://nosobase.chulyon.fr/recommandations/geres/2010_materiel_geres.pdf > [41] Petit-Laignel A, Doutrellot-Philip C, Nowak C, Flipon E, Desablens F, SmailA et Al. Prevention of blood exposure accidents at the hospital : the choice of secured medical devices. Journal de pharmacie clinique [en ligne]. Juin 2004, Vol. 23, n°2, [consulté le 18/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.jle.com/en/revues/jpc/edocs/politique_de_prevention_des_accidents_dexposition_au_sang_a_lhopital_choix_des_dispositifs_ medicaux_securises__263053/article.phtml > 39 [42] Van der Molen HF, Zwinderman KAH, Sluiter JK, Frings-Dresen MHW. Interventions to prevent needle stick injuries among health care workers. Work IOS Press [en ligne]. 2012, Vol.41, [consulté le 18/01/2019]. > [43] Office Fédéral de l’environnement, des forêts et des paysages. Elimination des déchets médicaux [en ligne]. 2004, [consulté le 04/05/2019]. Disponibilité sur internet :<http://www.svmd.ch/_docs/meddent/OFEFP-2004.pdf > [44] Confédération Suisse. Ordonnance sur le mouvement des déchets du 22 juin 2005 [en ligne]. Janvier 2018, [consulté le 04/05/2019]. Disponibilité sur internet :<https://www.admin.ch/opc/fr/classifiedcompilation/20021080/index.html > [45] Johanet H, Tarantola A, Bouvet E et le GERES. Moyens de protection au bloc opératoire et risque d’exposition. Résultats d’une enquête nationale. Annales de chirurgie [en ligne]. 2000, Vol.125, [consulté le 12/01/2019]. Disponibilité sur internet : <https://www.emconsulte.com/showarticlefile/5062/main.pdf > [46] Ministère de l’économie de l’industrie et de l’emploi. Ministère du travail, des relations sociales, de la famille de la solidarité et de la ville. DARES. Première synthèses informations. Les expositions aux risques professionnels des personnels soignants en 2003 [en ligne]. Octobre 2009, n°41.4, [consulté le 02/05/2019]. Disponibilité sur internet :<https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2009-10-41-4-2.pdf > [47] Berguer R. Key strategies for eliminating sharps injuries during surgery. AORN Journal [en ligne]. Juillet 2011, Vol.94 n°1, [consulté le 29/01/2019]. Disponibilité sur internet :<https://aornjournal.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1016/j.aorn.2011.05.002 > [48] INRS. L’analyse de l’accident du travail. La méthode de l’arbre des causes [en ligne]. Novembre 2013. [ é le 02/05/2019]. DES ANNEXES ANNEXE 1 : Cartographie de l’HNe ANNEXE 2 : Répartition des catégories professionnelles ANNEXE 3 : Algorithme de vaccination contre l’hépatite B OFSP - Mars 2019 ANNEXE 4 : Carte statut immunitaire hépatite B collaborateur ANNEXE 5 : Protection du personnel : précautions standard ANNEXE 6 : Déchets ANNEXE 7 : Résumé AES prise en charge aux urgences « Pense bête médecins » (format A6) ANNEXE 8 : Hotline AES ANNEXE 9 : Kit AES : Document prise en charge AES (document recto/verso) ANNEXE 10 : Algorithme prise en charge patient source VHB/VIH/VHC SMdT HNe 2019 ANNEXE 11 : Planning prévisionnel ANNEXE 12 : Matériels piquants/tranchants dans les services de soins – recensement marsavril 2019 HNe 41 ANNEXE 1 : cartographie des 6 sites HNE 42 ANNEXE 2 : Effectif moyen selon la catégorie professionnelle 43 ANNEXE 3 : Algorithme de vaccination contre l’hépatite B chez le personnel de santé OFSP - Mars 201931 ANNEXE 4 : carte statut immunitaire hépatite B collaborateur 44 ANNEXE 5 : précautions standard 45 ANNEXE 6 : Déchets ANNEXE 6 : Protection du personnel Département médical Unité prévention et contrôle de l (UPCI) Déchets 1. Objectif Prévenir la transmission de micro-organismes lors de la manipulation de déchets. 2. Recommandations Lors de la manipulation des déchets, il est demandé de:  porter des gants des soins à usage unique pour les déchets à risque infectieux (B) et infectieux (C);  pour le personnel d'intendance: porter des gants kevlar pour la collecte des sacs de déchets;  stocker provisoirement les déchets de type A, B et C dans des contenants ou des locaux fermés, accessibles aux seules personnes autorisées;  ne jamais compacter ou comprimer les sacs contenant des déchets de type B et C;  transférer les déchets de type B et C jusqu’à l’usine d’incinération par l’intermédiaire d’entreprises d’élimination spécialisées et au bénéfice d’une autorisation cantonale;  trier et évacuer les déchets en appliquant les directives en vigueur pour les différentes filières d’élimination des déchets (Ordonnance sur les mouvements des déchets OMoD). 3. Remarques  Seuls les liquides biologiques (sang, urine, pus, liquides de drainage et liquides prélevés par aspiration) contenus dans des récipients vidangeables peuvent être éliminés directement dans les égouts (vidoir, WC).  Les déchets médicaux coupants/tranchants (déchets type B2) seront stockés dans un «safebox» réglementaire (pas de bouteille en PET) et seront éliminés dans la filière des déchets médicaux infectieux.  Les safebox doivent être remplis au maximum jusqu’aux 2⁄3 de leur capacité avant leur élimination. Ils seront par la suite fermés hermétiquement et ne doivent en aucun cas être rouverts.  Les flacons-ampoules contenant des restes de médicaments sont à considérer comme des déchets spéciaux médicaux et doivent être éliminés dans la filière des déchets de type B2. 4. Classification des déchets de soins selon l’ordonnance sur les mouvements des déchets (OMD) (pour plus d'informations: voir document spécifique) 46 ANNEXE 7 : Résumé AES prise en charge aux urgences « Pense bête médecins » ( format A6) 47 ANNEXE 8: HOTLINE AES Procédure AES pour le site de Pourtalès Val de Ruz, Laboratoire Pourtalès Procédure AES site Chaux de Fonds, La Chrysalide, Le Locle, Val de Travers + Laboratoire et Centre de transfusion la Chaux de Fonds 48 ANNEXE 9 : Kit AES : Document prise en charge AES (document recto/verso) 49 Kit AES : Document prise en charge AES (document recto/verso) 50 Feuillet AES : protocole prise en charge AES Pourtalès et la Chaux de Fonds 51 Feuillet AES : protocole prise en charge Le Locle, la Chrysalide, Val de Ruz et Val de Travers 52 Feuillet AES : demande d’analyse de laboratoire en urgence « personne blessée » 53 Feuillet AES : demande d’analyse de laboratoire en urgence « patient source » 54 ANNEXE 10 : Algorithme prise en charge patient source VHB/VIH/VHC SMdT HNE 2019 55 56 57 ANNEXE 11 : calendrier prévisionnel Calendrier prévisionnfl Diagnost ic Projet AES 2018-2019 - , ,._ , ,... -....... • 1.S St~ Ac:Nt 1.6 U:lllc:itf.wi..MIOn "'--·"""' '"" ),J ~AB2011 1., COIAAftJOll,1 S llWcf<llt~ M.t~Mfl c' ÔllfllMSJOll MCt •S.,..._, _...1:1...,.. Met \ J r \ 1 l.:11 ANNEXE 12 : Matériels piquants/tranchants dans les services de soins – recensement avril 2019 HNe Prélèvements veineux Aiguille de prélèvement pour S Monovettes Safety 21 G (vert), 0,8x38mm. Présent à l’HNE depuis 12/2018 Introduction 1 er trimestre 2019 dans les services Chir 3- Méd 2- SI –Gynéco/maternité site de Pourtalès. Urgences site de la Chaux de Fonds Dispositif pour prélèvement sanguin sécurisé Safety-Lok 21G Utilisé pour le prélèvement des Quantiféron uniquement. Font partie d’un Kit déjà préparé. Présent depuis 2014 Aiguille de prélèvement pour S monovette non sécurisée 21G (vert) 0,8x 38 mm – 22G (noir) 0,7 x38 mm. Présent dans l’ensemble des services sur tous les sites de l’HNe Unité à ailettes. Sécurité automatique « Push Button » 21 G avec adaptateur et corps prémontés. Rétractation automatique de l’aiguille dans la veine par activation du bouton poussoir. Utilisée pour les Hémocultures. Présente dans tous les services de l’Hne depuis 2016. 59 Aiguille de prélèvement à ailette Venofix Safety 21G. Activation du système de sécurité avec une seule main. Présent dans tous les services depuis 2010 pour les prélèvements sanguins. A adapter au monovette à l’aide d’un adaptateur. Présent depuis 2015 Prélèvement capillaire Auto piqueur Single –Let sécurisé. Activation automatique, l’aiguille se rétracte et se verrouille. Présent dans tous les services depuis 2016. Injection d’insuline Aiguille de sécurité pour stylo à insuline AutoSchield Duo. Après l’injection, lors du retrait de l’aiguille de la peau, le protège aiguille se verouille automatiquement. Dans l’ ensemble des services H Ne. Introduit en 2016 Cathéter chambre implantable Surcan Safety II 20 G x20 mm- 20G x32 - 19Gx25 - 19Gx15mm-cathéter pour chambre implantable. Système de sécurité bimanuel : verroullage irreversible et indicateur sonore et visuel de la mise en sécurité. Introduction en 2018 sur l’ensemble des sites HNe. Cathéter veineux sécurisé Vasofix Safety 14-16-18-10-22 G Technique de clip à activation automatique. Présents dans tous les services depuis 2014 60 Prélèvement artériel Seringue à insuline Seringue pour prélèvement de sang artériel et bouchon sécurisés 23 G. Munie d’une gaine de sécurité uni manuelle Présent dans tous les services de l’HNe depuis 2014. Seringue à insuline + aiguille s/c Système non sécurisé Seringue d’Héparine de Bas Poids Moléculaire (HBPM) Seringue pré-remplie Calciparine© Non sécurisée Seringue pré-remplie sécurisée Clexane 0,2 -0,4 - 0,6 -0,8ml. Manchon de sécurité qui s’active automatiquement une fois la totalité du produit injecté – introduit en 2014 61 Seringue pré remplie sécurisée Arixtra. Activation semi-automatique déclenchée par l’utilisateur- introduit en 2014 Lames(scalpel/bistouri) Aiguille de suture courbe Lames de bistouri à usage unique non sécurisée Aiguille de suture courbe2-0 non sécurisée 62 RESUME Contexte : Malgré la mise en place de mesures de prévention depuis plusieurs années, les Accidents Exposant au Sang (AES) restent une réalité quotidienne pour les collaborateurs de l’Hôpital Neuchâtelois en Suisse. Objectif : L’objectif était d’effectuer un état des lieux des AES et de proposer des mesures correctives afin de diminuer le nombre de ces accidents à l’Hôpital Neuchâtelois en Suisse d’ici fin 2021. Méthode : L’état des lieux comprenait une description des AES recensés au Service de Médecine du Travail et des côuts engendrés par ces accidents pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018, ainsi qu’un recensement du matériel piquant/tranchant dans les services de soins. Résultats : Au total, 225 AES ont été déclarés. L’incidence était de 26 AES pour 100 lits. Les AES sont survenus notamment au bloc opératoire, (34,7%), dans les services de médecine (14,2%) et aux urgences (13,8%). Ils touchaient majoritairement les infirmiers (31,6%) et les médecins assistants (21,3%). Etaient comptabilisées 67% de piqûres qui se répartissaient principalement lors de tâches hors contact avec le patient (40%). Un grand nombre de matériels sécurisés existe dans les services de soins mais pas toujours uniformisés sur l’ensemble de l’hôpital. La prise en charge de ces AES engendre des coûts non négligeables pour l’HNe pour les 2 années d’étude (59 123CHF). Conclusion : Ces résultats traduisent la mise en place de mesures de prévention déjà présentent sur l’hôpital qui doivent être régulièrement renforcées, la nécessité de surveiller ces accidents, l’introduction accompagnée du matériel sécurisé, une formation régulière. Mots clefs : Accident exposant au sang , AES , prévention, matériel sécurisé, surveillance, coût. ABSTRACT Context: Despite the implementation of preventive measures for several years, the blood and body fluid exposure (BBFE) remains a daily reality for employees of the Neuchâtel Hospital (HNe) in Switzerland. Objective: The objective was to carry out an inventory of BBFE and propose corrective measures to reduce the number of these accidents at the HNe in Switzerland by the end of 2021. Method: The inventory included a description of the BBFE identified in the Occupational Medicine Service, and the costs incurred by these accidents for the period from January 1, 2017 to December 31, 2018, as well as a census of sharp equipment in care services. Results: A total of 225 BBFE were reported. The incidence was 26 BBFE per 100 beds The BBFE occurred mainly in the operating room, (34.7%), in the medical services (14.2%) and in emergencies room (13.8%). They mainly affected nurses 31.6% and interne (21.3%). 67% of injuries happened with materiel left behind, not with direct contact with patient (40%). A large number of secure equipment exists in the care services but not always standardized throughout the hospital. The management of these AES generates significant costs for the HNe for the 2 years of study (59 123CHF). Conclusion: These results reflect the implementation of prevention measures already present on the hospital must be regularly updated, with the need to monitor these accidents, introduction accompanied by secure equipment, regular training. Keywords : Blood and body fluid exposure, BBFE, prevention, secure harware, surveillance, cost.
34,017
34/tel.archives-ouvertes.fr-tel-02070606-document.txt_20
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
9,710
17,771
Si César ne le fit pas bénéficier de la clémence qu'il avait accordée aux victimes des tribunaux pompéiens de 52, Antoine semblait en revanche plus disposé à le restituer. Il avait sans doute les mêmes raisons que César en 49 : recruter des partisans reconnaissants et donc loyaux. Certes, Cicéron ne fait que supposer que Rufus pourrait être restauré, mais, dans une autre lettre, il nous apprend l'existence d'un sénatus-consulte Sempronianus qu'il classe parmi les falsi de l'époque13. Le Sénat pourrait avoir décidé, à l'instigation d'Antoine qui s'appuyait soi-disant sur les papiers de César, de restituer Sempronius ou bien de lui confier 1 J. H. D'Arms, « Republican Senators' Involvement in Commerce in the Late Republic : Some Ciceronian Evidence », dans J. H. D'Arms et E. C. Kopff, The Seaborne Commerce of Ancient Rome : Studies in Archaeology and History, Rome, 1980, p. 81. 2 Cic., Att., 5, 2, 2 ; Fam., 8, 8, 1. 3 Cic., Fam., 8, 8, 1. 4 L.-A. Constans et J. Bayet, Cicéron. Correspondance, IV, Paris, 1950, p. 56 n. 9 ; Lintott, Violence, p. 122 n. 2. 5 E. J. Weinrib, « Prosecution of Magistrates-Designate », Phoenix, 1971, 25, p. 149 n. 8. Shackleton Bailey, CLF, 1, n° 84, p. 398. 7 Cic., Fam., 8, 8, 1. 8 Mommsen, Droit Pénal, 2, p. 180-184. 9 Mommsen, Droit Pénal, 2, p. 184-185. Cf. chapitre 9.2.3.8. 10 Cic., Fam., 8, 8, 1 : maximo plausu. 11 Il avait mis le feu à la curie en faisant le bûcher de Clodius : voir surtout Ascon. p. 36 et 55-56 C. 12 Cic., Att., 14, 14, 2. Cicéron précise qu'il parle de l'ami de Vestorius ce qui ne laisse aucun doute sur l'identification du Ruf us en question . 13 Cic., Fam., 12, 29, 2. 6 325 une mission après sa restitution ou bien Sempronius était le promoteur de la décision, preuve qu'il avait retrouvé son rang. En effet, la correspondance de Cicéron avec Q. Cornificius, gouverneur d'Afrique en 44-421, fait état de difficultés à la fin 44 et au printemps 43 avec un Sempronius qui pourrait être notre personnage2. Dernier indice, les commentateurs d'Horace parlent d'un Sempronius Rufus qui aurait montré aux Romains comment manger les cigognes et qui est qualifié de praetor chez Acron et de praetorius chez Porphyre3. Fr. M. EPIDIUS [2] DATE DE avant J.-C.? LA CONDAMNATION DE CALUMNIA : fin de la première moitié du Ier siècle RÉFÉRENCES PROSOPOGRAPHIQUES : J. Brzoska, RE, 6/1, 1907, col. 59, n° 2 s. v. Epidius ; M. Dürkop, Neue Pauly, 3, 1997, col. 1104-1105 s. v. Epidius ; David, Patronat, p. 787 (surtout p. 105). SOURCES : Suet., Gr. Rhet., 28, 1 : <M .> Epidius calumnia notatus, ludum dicendi aperuit docuitque inter ceteros M. Antonium et Augustum : quibus quondam Cannutius obicientibus sibi quod in re publica administranda potissimum consularis Isaurici sectam sequeretur : malle – respondit – Isaurici esse discipulum quam Epidii calumniatoris. (M.) Epidius, marqué d'infamie pour calomnie, ouvrit une école de rhétorique et, parmi d'autres, y eut pour élèves M. Antonius et Auguste. Ceux-ci, un jour qu'ils reprochaient à Cannutius d'apprendre à gérer les affaires publiques en se faisant le disciple d'Isauricus, le consulaire, s'entendirent répondre : je préfère être l'élève d'Isauricus que celui d'Epidius, le calomniateur (trad. J.-M. David). 1 MRR, 2, p. 327-328 ; 345 et 360-361 Cic., Fam., 12, 22a, 2 et 12, 25, 3 et 5. 3 Acron et Prophyre sur Hor., Sat., 2, 2, 49-50. 4 Fr. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1436-1437, n° 79 s. v. Sempronius. 5 MRR, 2, p. 465 en fait un prétorien en 44. 6 Gruen, The Last Generation, p. 351. 2 326 NOTICE : M. Epidius, dont le prénom n'est conservé que dans l'index du traité de Suétone, était un rhéteur probablement contemporain de Cicéron puisque nous apprenons qu'il eut Marc Antoine et Auguste pour élèves par la suite. Selon J.-M. David, il « appartenait à ce milieu d'orateurs d'origine municipale qui cherchaient à faire carrière à Rome en profitant des possibilités offertes par l'accusation populaire »1. Il était de ce fait probablement chevalier. Malheureusement une affaire tourna mal et il fut condamné pour calomnie. Bien que Suétone n'indique pas devant quelle quaestio il fut déclaré calumniator et que nous ne puissions donc pas déterminer les peines infligées, il ne faut pas douter qu'il subit des sanctions infamantes dont le principal objectif était de l'exclure de la vie judiciaire2. Ayant perdu le ius accusandi et surtout tout crédit, il mit fin à sa carrière à Rome et se résigna à ouvrir une école de rhétorique. Il devait jouir d'une grande réputation d'orateur puisqu'il attira des élèves de l'aristocratie romaine comme Marc Antoine, peut-être Virgile, et même le futur Auguste. Malgré tout, l'humiliation de sa condamnation le poursuivait : « la calumnia le marquait par épithète »3, situation rappelant le K qué sur le front dont parlait Cicéron4. À cause de la différence de prénom, on ne croit pas pouvoir l'identifier à C. Epidius qui, d'après Pline, avait écrit des commentarii sur les prodiges5. En revanche, il est possible que C. Epidius Marullus, le tribun de la plèbe de 446, fût son fils ou son neveu7. 6.5. CONDAMNÉS DANS UN PROCÈS INDÉTERMINÉ CLAUDIUS NERO : cf . notice n° 51. DATE DE LA CONDAMNATION : vers 195 avant J.-C. M. AEMILIUS LEPIDUS PORCINA [83] : cf. notice n° 13. DATE DE LA CONDAMNATION : vers 125 avant J.-C. 171) P. OPPIUS [17] DATE DE LA CONDAMNATION : 71 avant J.-C. RÉFÉRENCES PROSOPOGRAPHIQUES : Fr. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 740, n° 17 s. v. Oppius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 8, 2000, col. 1266, [I 3] ; Zumpt, Criminalprocess, p. 493 ; Alexander, Trials, p. 95, n° 187. 1 David, Patronat, p. 105. Cf. chapitre 9.2.3.8. 3 David, Patronat, p. 105. 4 Cic., Rosc. Am., 57. 5 Plin., n. h., 17, 243. 6 Fr. Münzer, RE, 6/1, 1907, col. 59-60, n° 3 s. v. Epidius. Sur le tribunat de 44 : MRR, 2, p. 324. 7 Hypothèse de David, Patronat, p. 787. 2 327 SOURCE S : Cic ., Frg. Orat., 3, 1 Puccioni ( ap . Quint . , Inst . Or . , 5, 10, 69) : Facit hoc Cicero pro Opp io : « Utrum cum Cottam adpetisset, an cum ipse se conaretur occidere, telum e manibus ereptum est? » C'est ce qu'a fait Cicéron parlant pour Oppius : « Est-ce parce qu'il avait attaqué Cotta ou qu'il voulait se tuer qu'on lui a arraché l'arme des mains? » (trad. J. Cousin). Cic., Frg. Orat., 3, 1 Puccioni (ap. Quint., Inst . Or . , 5, 13, 30) : « At enim non ueri simile est tantum scelus M. Cottam esse commentum. Quid? hoc ueri simile est, tantum scelus Oppium esse conatum? » « Mais, dira-t-on, il n'est pas vraisemblable que M. Cotta ait conçu le projet d'un crime aussi monstrueux. Alors, est-il vraisemblable qu'Oppius ait tenté un crime aussi monstrueux? » (trad. J. Cousin). Cic., Frg. Orat., 3, 4a Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 5, 13, 17) : Obicitur Oppio quod de militum cibariis detraxerit ; asperum crimen , sed id contrarium ostendit cicero, quia idem accusatores obiecerint Oppio quod is uoluerit exercit um largiendo corrumpere. On reproche à Oppius d'avoir fait des prélèvements sur les rations des soldats ; accusation grave, mais Cicéron montre qu'on se heurte à une contradiction, puisque les mêmes accusateurs lui ont reproché d'avoir voulu corrompre l'armée par des largesses (trad. J. Cousin). Cic., Frg. Orat., 3, 4b-c Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 5, 13, 20-21) : superba, ut in Oppium ex epistula Cottae reum factum. Perinde praecipites, insidiosae, inpotentes deprehenduntur ; ex quibus tamen fortissime inuaseris quod est aut omnibus periculosum, [] ut pro Oppio monet pluribus ne illud actionis genus in equestrem ordinem admittant. NOTICE : P. Oppius ne nous est connu que grâce au récit de Dion Cassius et aux fragments du Pro Oppio de Cicéron transmis principalement par Quintilien. Il était le questeur de M. Aurelius 328 Cotta, le consul de 74, dans sa province de Bithynie où il mena la guerre contre Mithridate 1. Il fut vraisemblablement maintenu ensuite comme proquesteur2. Dans un premier temps, Cotta le soupçonna de corruption et de conspiration et le renvoya à Rome3. Cet épisode pourrait être celui signalé par le Pseudo-Asconius4 et il faudrait alors y voir un jugement prononcé par le gouverneur contre un des membres de sa cohorte qu'il chassa de sa province5. Toutefois, une lettre du proconsul adressée au Sénat, dans laquelle il dénonçait la conduite du proquesteur, suivit le retour d'Oppius6. Quintilien précise bien que la lettre déclencha le procès : ex epistula Cottae reum factum. Contrairement à ce que supposait Fr. Münzer et qui fait depuis l'unanimité7, il n'y avait aucune raison d'attendre le retour de Cotta pour ouvrir le procès puisque le iudicium publicum fonctionnait d'après l'accusation publique8. Pourquoi caractériser l'accusation de Cotta de superba s'il était présent pour appuyer les propos tenus dans la lettre? Dernier indice, Cicéron fit au cours du procès une allusion à la nécessité de maintenir l'exceptio legis dont jouissait l'ordre équestre et cela pourrait se rattacher aux débats qui précédèrent la lex Aurelia iudiciaria de 709. Ces différents indices nous conduisent à dater le procès d'Oppius non du retour de Cotta mais de celui d'Oppius lui-même, vraisemblablement vers 71 au moment où se posait la question d'une réforme des jury s. Une telle date concorde avec l'interprétation d'E. S. Gruen qui voyait dans l'affaire Oppius une façon pour Cotta de détourner l'attention de ses difficultés dans sa campagne en Orient10. Nous pourrions alors supposer qu'Oppius fut renvoyé à Rome vers 72 et que son procès s'ouvrit l'année suivante, en 71. Nous disposons de diverses indications sur les accusations formulées contre Oppius qui ne permettent cependant pas de déterminer sous quel titre elles furent rassemblées. Cotta reprochait à Oppius d'avoir corrompu les soldats, d'avoir détourné une partie des fournitures de l'armée, d'avoir fomenté une mutinerie et même d'avoir tenté de le tuer11. A. W. Zumpt supposait que le plus simple était de supposer qu'Oppius avait été poursuivi d'après une loi générale sur l' « Amtsverbrechen » (fautes commises durant une magistrature)12. Il reste toutefois difficile de réunir les accusations de mutinerie, d'atteinte à la personne même du proconsul et de détournement de fonds sous une seule loi. La deuxième désigne clairement le péculat tandis que les deux premières pourraient relever de la maiestas. Cicéron semble d'ailleurs reconnaître qu'Oppius avait sorti son arme devant Cotta puisqu'il pose seulement le problème de ses motivations13. Comme Cicéron ne prononça qu'un seul discours, puisque les fragments ne font état que d'un unique Pro Oppio, et qu'il semble pourtant traiter de l'ensemble des délits reprochés, il nous paraît peu probable qu'il y ait eu deux procédures parallèles, l'une de maiestate et l'autre de peculatu par exemple. En définitive, Oppius fut 1 MRR, 2, p. 100-101 et p. 103. Cf. notice n° 143. MRR, 2, p. 111. 3 Sall., H., 3, 59-60 ; Dio. Cass., 36, 40, 3-4. 4 Ps.-Ascon., p. 236 St. 5 Sall., H., 3, 60 va dans ce sens : Cotta dimittere Oppius après avoir dicere c'est-à-dire prononcer un jugement. 6 Quint., Inst. Or., 5, 13, 20. 7 Fr. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 740, n° 17 s. v. Oppius date le procès du retour de Cotta soit en 69. 8 La nature des accusations va dans le sens d'un iudicium publicum. En outre, la participation de Cicéron à la défense pourrait être un autre indice puisque le grand orateur préférait les causes importantes et plaidées devant un large public afin de favoriser sa carrière. 9 Nicolet, L'Ordre équestre, 1, p. 641-642 a montré quelle importance avait ce principe dans les discours de Cicéron. Cf. J.-L. Ferrary, « Cic et la loi judiciaire de Cotta (70 av. J.C.) », MEFRA, 1975, 87, p. 321-348 pour l'attitude de Cicéron envers la loi qui, sans prendre vraiment parti, fit néanmoins l'éloge des jurys équestres. 10 Gruen, The Last Generation, p. 269. 11 Quint., Inst. Or., 5, 10, 69 ; 5, 13, 17 et Dio. Cass., 36, 40, 3-4. 12 Zumpt, Criminalprocess, p. 493. 13 Quint., Inst. Or., 5, 10, 69. 2 329 peut-être accusé devant la quaestio de peculatu avec un facteur aggravant, la conspiration pour protéger ses délits, ou devant la quaestio de maiestate mais en l'état actuel de nos connaissances, il est impossible de conclure1. : ὡς δ' ἦσαν ἰταμοὶ καὶ τοὺς ἄλλους ἐθώπευον ὑποτρέχοντες, ἐκείνῳ δ' ἐπολέμουν, τὸν μὲν πρῶτον αὐτὸς καταγνοὺς περὶ πίστιν ἐν κληρονομίᾳ γεγονέναι πονηρόν, ἀπήλασε τοῦ ταμιείου, δευτέρῳ δέ τινι ῥᾳδιουργίας προὔθηκε κρίσιν. Κάτλος Λουτάτιος ὁ τιμητὴς ἀνέβη βοηθήσων, ἀνὴρ μέγα τὸ τῆς ἀρχῆς ἔχων ἀξίωμα, τὸ δὲ τῆς ἀρετῆς [ἔχων] μέγιστον, ὡς πάντων δικαιοσύνῃ καὶ σωφροσύνῃ Ῥωμαίων διαφέρων· ἦν δὲ καὶ τοῦ Κάτωνος ἐπαινέτης καὶ συνήθης διὰ τὸν βίον. Ὡς οὖν ἡττώμενος τοῖς δικαίοις ἐξῃτεῖτο φανερῶς τὸν ἄνθρωπον, οὐκ εἴα ταῦτα ποιεῖν αὐτὸν ὁ Κάτων· ἔτι δὲ μᾶλλον προσλιπαροῦντος, « αἰσχρόν » εἶπεν « ὦ Κάτλε, σὲ τὸν τιμητὴν καὶ τοὺς ἡμετέρους βίους ὀφείλοντα δοκιμάζειν, ὑπὸ τῶν ἡμετέρων ὑπηρετῶν ἐκβάλλεσθαι ». Ταύτην τὴν φωνὴν ἀφέντος τοῦ Κάτωνος, ὁ Κάτλος προσέβλεψε μὲν αὐτὸν ὡς ἀμειψόμενος, εἶπε δ' οὐδέν, ἀλλ' εἴθ' ὑπ' ὀργῆς εἴθ' ὑπ' αἰσχύνης ἀπῆλθε σιωπῇ δι ηπορημένος. Οὐ μὴν ἥλω γ' ὁ ἄνθρωπος, ἀλλ' ἐπεὶ μιᾷ ψήφῳ τὰς ἀφιείσας ὑπερέβαλλον αἱ καθαιροῦσαι, καὶ Λόλλιος Μᾶρκος εἷς συνάρχων τοῦ Κάτωνος ὑπ' ἀσθενείας ἀπελέλειπτο τῆς δίκης, πέμπει πρὸς τοῦτον ὁ Κάτλος, δεόμενος βοηθῆσαι τῷ ἀνθρώπῳ, κἀκεῖνος ἐν φορείῳ <μετα>κομισθεὶς <εἰς> [μετὰ] τὴν δίκην, ἔθετο τὴν ἀπολύουσαν. Οὐ μὴν ἐχρήσατό γε τῷ γραμματεῖ [ὁ] Κάτων, οὐδὲ τὸν μισθὸν ἀπέδωκεν, οὐδ' ὅλως ἐνάριθμον τοῦ Λολλίου τὴν ψῆφον ἔσχεν. Comme ils [les scribes] étaient effrontés et se mirent à lui faire la guerre, tout en flattant et flagornant ses collègues, il convainquit lui-même le premier de fraude dans une affaire de succession et le chassa du Trésor, puis il intenta un procès à un second pour négligence coupable. Le censeur Lutatius Catulus se présenta pour défendre ce dernier. Catulus tirait de sa charge un grand prestige, et un plus grand encore de sa vertu, car il l'emportait sur tous les Romains en équité et en sagesse ; d'ailleurs, il était lié avec Caton et l'admirait à cause de sa conduite. Se voyant battu sur le terrain du droit, il demanda ouvertement la grâce de l'accusé. Caton eut beau le prier de n'en rien faire, il insista davantage encore. Alors Caton lui dit : « Il serait honteux, Catulus, pour toi qui est censeur et qui dois surveiller nos vies, de te faire chasser par 1 L'interprétation d'A. M. Ward, « Cicero's Support of Pompey in the Trials of M. Fonteius and P. Oppius », Latomus, 1968, 27/4, p. 805-808, selon laquelle Oppius aurait tenté de fragiliser Cotta pour permett re à Pompée de lui prendre son commandement contre Mithridate, nous paraît avoir été définitivement réfutée par E. S. Gruen, « Pompey, Metellus P ius, and the Trials of 70 -79 B.C. : The Perils of Schematism », AJPh, 1971, 92, p. 13-16. 2 Cf. notice n° 143. 3 Ainsi Zumpt, loc. cit. ; Münzer, loc. cit. et Alexander, Trials, p. 95, n° 187. 4 Cf. chapitre 9.2.3.5. NOTICE : Dans sa biographie de Caton d'Utique, Plutarque, qui transmet l'image de l'incorruptible aristocrate républicain, rapporte une affaire mettant aux prises Caton et deux scribes anonymes1. Ces derniers connaissent un destin différent, mais nous préférons par commodité étudier les deux ensemble. L'épisode se déroule en 64 lors de la questure de Caton2. Les scribes étaient des personnages à la lisière de l'ordre équestre, jouissant de relations privilégiées avec les aristocrates romains ainsi qu'en témoigne ce récit3. Le point de départ est une dispute entre Caton et l'ordre des scribes qui mena le descendant du Censeur à lancer une offensive en poursuivant quelques appariteurs4. Le premier scribe fut accusé de fraude dans une affaire de succession 5. À cette date, le procès se déroulait devant la quaestio de falsis instaurée par Sylla et la peine prévue par la lex Cornelia testamentaria nummaria était l'interdiction de l'eau et du feu6. Plutarque, en rapportant l'exclusion du Trésor du scribe, indiquerait donc seulement une conséquence du bannissement. Cependant, son choix d'une telle périphrase est d'autant plus surprenant que préciser que Caton le fit exiler aurait été plus élogieux pour ce dernier et aurait été en accord avec l'âpreté de la lutte entre le questeur et les scribes qu'il décrit. Autrement dit, l'exclusion du Trésor pourrait être plutôt la seule peine qui le frappa, ou du moins la peine la plus significative (il se vit peut-être infligé également une amende par exemple). Dans ce cas, l'appariteur était peut-être accusé pour une faute non pas privée mais liée à l'exercice de sa fonction7, de même que le scribe. Il s'agirait alors d'un procès disciplinaire comparable à celui de Matrinius8, devant des magistrats choisis et dont la conséquence serait l'exclusion des décuries de scribes. Nous sommes mieux renseignés sur le procès du second scribe. Le motif indiqué par Plutarque, « négligence coupable », ne peut que désigner un procès disciplinaire à propos de l'exercice même de la charge de scribe. À bien des égards, le procès de ce scribe ressemble à celui de Matrinius9. Ce dernier avait bénéficié de la défense de Cicéron tandis que notre personnage reçut l'appui d'un censeur en charge, Q. Lutatius Catulus10. L'épisode offre à Plutarque l'occasion de faire l'éloge de Caton qui osa donner des leçons de morale, lui simple questeur, à un censeur11. L. Petersen et Kl. Wachtel, PIR2, 6, 1997, p. 342-343 : Tac., Ann., 6, 48, 4 : Albucilla inrito ictu ab semet uulnerata iussu senatus in carcerem fertur. Stuprorum eius ministri, Carsidius Sacerdos praetorius ut in insulam deportaretur, Pontius Fregellanus amitteret ordinem senatorium. Albucilla, qui s'était elle-même blessée d'un coup mal assuré, est, sur l'ordre du Sénat, portée en prison. Les artisans de ses débauches sont condamnés, l'ancien préteur Carsidius Sacerdos à la déportation dans une île, Pontius Fregellanus à la perte du rang sénatorial (trad. P. Wuilleumier). NOTICE : Pontius Fregellanus ne nous est connu que par ce passage de Tacite. Cependant R. Syme3 a suggéré une identification possible à C. Pontilius Fregellanus, consul suffect pour une année inconnue, attesté par une inscription4. Notre personnage n'est cité qu'en raison de son implication dans le scandale d'Albucilla qui lui vaudra d'être condamné à être exclu de l'ordre sénatorial (amittere ordinem senatorium) en 37. Albucilla, ancienne épouse de Satrius Secundus, fut principalement accusée d'impietas in principem à laquelle on associa l'adultère5. Tacite cite plusieurs complices de ces crimes mais il faut distinguer deux groupes. Le premier, composé de Cn. Domitius, Vibius Marsus et L. Arruntius, rassemble les conscii et adulteri tandis que le second, dans lequel figurent, outre Pontius, Carsidius Sacerdos et Laelius Balbus n'est composé que des stuprorum eius ministri. Parmi les membres du premier groupe, seul Arruntius, déjà âgé, se suicida6, Domitius et Marsus parvenant à échapper à la condamnation7. En revanche, les trois personnages du second groupe furent condamnés et punis. Or non seulement ces derniers étaient apparemment accusés d'un crime moins grave, stuprum et non maiestas, mais en outre ils furent chacun 1 Plut., Cat. min., 16, 10. M. Corbier, L'aerarium Saturni et l'aerarium militare, Rome, 1974, p. 675 suppos e que les deux scribe s fur ent forcés de démissionner. 3 R. Syme, Revue de H. Fuchs, P. Cornelius Tacitus, Annalium, JRS, 1948, 38, p. 130 et « Personal Names in Annals I-VI », JRS, 1949, 39, p. 13. 4 R. Hanslik, RE, 22/1, 1953, col. 28, n° s. v. Pontilius ; C. Pontilius Fregellanus, PIR2, 1997, p. 340, P 788 connu par CIL, 3, 8715 = Dessau, ILS, 960. 5 Tac., Ann., 6, 47, 2-3 et Dio. Cass., 58, 27, 4. R. A. Bauman, Impietas in principem, Munich, 1974, p. 130-135 ; Rivière, Délateurs, p. 208. 6 Tac., Ann., 6, 48, 1-3. 7 Tac., Ann., 6, 48, 1. 2 332 frappés d'une peine différente : Sacerdos fut déporté dans une île, Pontius perdit le rang sénatorial et Balbus fut déporté et privé du rang sénatorial. Dernière source d'étonnement, Pontius, qui semble être le moins connu des trois – Sacerdos est dit praetorius alors que Balbus est un orateur reconnu –, est celui qui eut la sanction la plus douce. Le récit de Tacite montre de façon indéniable que la perte du rang sénatorial de Pontius était la conséquence de sa condamnation dans l'affaire d'Albucilla. Il s'agit donc d'une peine prononcée contre son stuprum. Cependant, en raison de l'état mutilé du texte, une question se pose : l'exclusion de l'ordre sénatorial était-elle la seule sanction infligée à Pontius? Il en découle une autre interrogation sur les raisons d'une telle indulgence à son égard. Tout d'abord l'unique manuscrit de la première hexade, le Mediceus prior, donne pour le verbe indiquant la première peine deportatur, corrigé par le Beatus Rhenanus en deportaretur. Nous pourrions supposer que dans le texte original se trouvait en réalité deportarentur s'il n'y avait une certaine cohérence dans la construction. D'une part le second verbe désignant une peine, amitteret – que l'on pourrait aussi corriger en amitterent –, se situe après le deuxième nom, et si nous devions tout mettre au pluriel cela donnerait une structure bancale. D'autre part, Tacite nous apprend ensuite que Balbus fut frappé des eadem poenae, précision qui ne se justifie pas si tous les trois se virent infliger les mêmes sanctions. Il nous semble donc qu'il faille bien conserver le texte en l'état et accepter que Sacerdos, Pontius et Balbus reçurent chacun une peine différente. Cette dernière attire notre attention puisque Tacite indique que Pontius fut exclu de l'ordo senatorius et non du Sénat. Les deux expressions peuvent être synonymes, mais elles peuvent aussi désigner deux procédures distinctes. Tacite n'utilise cette expression que pour désigner l'exclusion de L. Junius Silanus1, celle de Plautius Lateranus2 et celle de Pontius3. En 48, année de leur exclusion, Silanus n'avait que 22 ou 23 ans et Lateranus devait avoir un âge similaire, de sorte qu'ils n 'avaient pas atteint la senatoria aetas. Trop jeunes pour être sénateurs, ils furent exclus néanmoins de l'ordre sénatorial, honneur dont ils s'étaient montrés indignes. Nous pourrions supposer qu'il en fut de même pour Pontius. L'identification proposée par R. Syme devrait alors être rejetée mais cela expliquerait d'une part l'absence d'informations sur Pontius à la différence de Sacerdos et Balbus4 et d'autre part l'indulgence dont il bénéficia. L'adultère avec Albucilla pouvait être considéré comme un écart de jeunesse et l'exclusion de l'ordre sénatorial, qui signifiait l'anéantissement de tout espoir de carrière, était une peine déjà bien rude pour un jeune homme. Assurément, Pontius ne dut pas être relégué dans l'ordre équestre mais bien écarté de toute situation honorifique et par là de toute perspective de cursus. DATE CONDAMNATION : 48 après J.-C. RÉFÉRENCES PROSOPOGRAPHIQUES : M. Hofmann, RE, 21/1, 1951, col. 30, n° 42 s. v. Plautius ; L. Petersen et Kl. Wachtel, PIR2, 6, 1997, p. 188-189, P 468 ; W. Eck, Neue Pauly, 9, 2000, col. 1117, [II 8]. 1 Tac., Ann., 12, 4, 3. Cf. notice n° 191. Tac., Ann., 13, 11, 2. Cf. notice n° 174. 3 Tac., Ann., 12, 52, 3 rapporte les retraits volontaires de l'ordre sénatorial en raison de la perte du patrimoine. Dans ce cas, Tacite choisit à raison une expression volontairement large. 4 Alors que Sacerdos est qualifié de praetorius, si notre homme était bien C. Pontilius Fregellanus, alors Tacite aurait certainement précisé consularis à moins que le consulat ne soit situé après cet épisode, ce qui est douteux. 2 333 SOURCES : Tac., Ann., 11, 36, 4 : Suillio Caesonino et Plautio Laterano mors remittitur, huic ob patrui egregium meritum. Suillius Caesoninus et Plautius Lateranus échappent à la mort, celui-ci grâce au mérite éclatant de son oncle (trad. P. Wuilleumier et J. Hellegouarc'h). Tac., Ann., 13, 11, 2 : Secutaque lenitas in Plautium Lateranum quem ob adulterium Messalinae ordine demotum reddidit senatui, clementiam suam obstringens crebris orationibus. Et il [Néron] poursuivit par un geste d'indulgence envers Plautius Lateranus, qui avait été chassé de l'ordre sénatorial pour adultère avec Messaline : il le rendit au Sénat, en s'engageant à pratiquer la clémence dans de fréquents discours (trad. P. Wuilleumier). NOTICE : Plautius Lateranus était le neveu d'A. Plautius1, qui avait été honoré de l'ouatio pour sa campagne de Bretagne en 43-472, et donc probablement le fils de Q. Plautius3, consul ordinaire en 364. Jeune homme impliqué en 48 dans le scandale de Messaline5 dont il était l'un des amants, Claude l'épargna lors de la répression par égard pour son oncle6. Nous apprenons plus tard qu'il avait été exclu de l'ordre sénatorial7. Les termes employés par Tacite ne laissent aucun doute tant sur la sanction que sur son motif : ob adulterium Messalinae ordine demotus. L'exclusion, bien que non précisée par Tacite lors de son récit de la féroce répression contre Messaline et ses complices, avait été prononcée à titre de peine à cette occasion. En revanche, la manière de procéder de Claude et, surtout, de l'affranchi Narcisse pour mener à bien la répression est peu claire. R. A. Bauman a montré qu'il n'y avait pas eu de véritables procès ni pour Messaline ni, probablement, pour ses complices8. Le délit était notoire (manifestus) si bien que les prétoriens réclamaient des punitions (poenae), non des procès (iudiciae). En outre, la plupart des inculpés avouèrent et furent exécutés rapidement. Il en conclut qu'aucun procès ne fut intenté contre Lateranus, ni d'après la lex Iulia de adulteriis ni celle de maiestate. Son cas fut étudié par Narcisse et Claude parce qu'il avait été un des amants adultères de Messaline9 et par là suspect de complicité dans ses projets séditieux. Les accusés comparurent vraisemblablement devant l'empereur, secondé efficacement de Narcisse, devant un tribunal installé dans camp prétorien10, donc sans consultation du Sénat. La procédure expéditive aboutit à l'exécution de la plupart des complices à l'exception de Suillius Caesoninus et de Lateranus. R. A. Bauman supposait que Lateranus avait été acquitté puisque la mort était la seule peine possible11. Or l'exclusion de l'ordre sénatorial dont fut victime Lateranus contredit apparemment cette hypothèse. Soit la peine de mort de 1 M. Hofmann, RE, 21/1, 1951, col. 27-29, n° 39 s. v. Plautius ; L. Petersen et Kl. Wachtel, PIR2, 6, Berlin, 1997, p. 184-185, P 457 ; W. Eck, Neue Pauly, 9, 2000, col. 1116, [II 3]. 2 Tac., Ann., 13, 32, 2 ; Agr., 14, 1 ; Suet., Claud., 24, 6. 3 M. Hofmann, RE, 21/1, 1951, col. 29-30, n° 41 s. v. Plautius ; L. Petersen et Kl. 334 Lateranus fut commuée en exclusion du Sénat, soit il y avait une échelle de peines selon le degré de culpabilité. Cette dernière option s'accorde mal avec la brièveté et la dureté de la répression. Il est bien plus probable que Lateranus fût gracié par Claude qui le punit toutefois de l'exclusion de l'ordre sénatorial1. Le jeune homme méritait d'être châtié pour sa conduite et l'amitié de l'empereur pour son oncle, grandement honoré l'année précédente, ne pouvait le conduire à fermer totalement les yeux sur des fautes aussi graves. Toutefois, nous ne pensons pas que Lateranus fut banni2 sinon Tacite aurait indiqué que Néron le rappelait d'exil et non qu'il lui redonnait son rang3. La peine infligée à Lateranus rappelle celle de Pontius Fregellanus4, également exclu de l'ordo senatorius et non du Sénat. Or, comme ce dernier, Lateranus était probablement encore un tout jeune homme en 48. Après son rappel par Néron, en 55, il fut consul désigné pour 65 5 ce qui nous permet d'estimer sa naissance autour de 25, date qui concorde avec le consulat de son père en 36. Les vers de Juvénal laissent entendre qu'en 65 Lateranus est alors maturus, terme convenant à un quadragénaire, et l'expression indulge ueniam pueris pourrait être une allusion à la clémence de Claude en 486. À cette date, Lateranus n'avait sans doute pas encore atteint l'aetas senatoria et n'était pas sénateur. Ne pouvant être exclu du Sénat, il fut radié de l'ordre sénatorial. Si Claude lui avait évité la mort, il l'humiliait cependant en l'excluant d'un rang honorifique ainsi que de toute possibilité de carrière publique, aussi bien sénatoriale que, très probablement, équestre. Quelques années plus tard, incité par Sénèque à faire preuve de clémence, Néron restitua Lateranus7. Toutefois le texte de Tacite offre un contraste entre la peine, l'exclusion de l'ordre, et la grâce, le retour au Sénat. Non seulement Néron permit à Lateranus d'appartenir de nouveau à l'ordre mais il le fit également sénateur. Il le « rendit au Sénat » (reddidit senatui), non pas qu'il avait été exclu, puisqu'il n'était pas sénateur, mais parce qu'en le radiant de l'ordre, Claude avait privé le Sénat de son entrée éventuelle. Cet acte de clémence ne manque pas de nous surprendre. Tout d'abord la culpabilité de Lateranus n'est à aucun moment mise en doute par Tacite. 1 L'expression de Tacite, mors remittitur, va également dans le sens de R. A. Bauman. La mort était l'unique peine infligée aux coupables, mais Claude fit une exception pour ces deux individus. 2 C'est l'opinion de J. Clack, « To Those Who Fell On Agrippina's Pen », CW, 1975, 69/1, p. 47. 3 Tac., Ann., 13, 11, 2. Cela est d'autant plus probable que Tacite livre plusieurs informations en précisant l'exclusion de l'ordre, son motif et la grâce accordée par Néron qui le reddidit senatui. 4 Cf. notice précédente n° 173. 5 Degrassi, Fasti, p. 17. 6 Juv., 8, 165-170 : Breue sit quod turpiter audes, quaedam cum prima resecentur crimina barba. Indulge ueniam pueris: Lateranus ad illos thermarum calices inscriptaque lintea uadit maturus bello Armeniae Syriaeque tuendis amnibus et Rheno atque Histro (« Les dérèglements honteux doivent être courts, il y a des fautes qu'on doit retrancher avec la première barbe. Garde ton indulgence pour les petits jeunes gens : mais Lateranus, dans les thermes, va droit aux coupes et aux enseignes peintes sur toile alors qu'il est mûr pour défendre militairement les fleuves d'Arménie et de Syrie, le Rhin et l'Hister », trad. P. de Labriolle et F. Villeneuve). 7 Tac., Ann., 13, 11, 2. 8 Juv., 8, 146-182. 9 E. Koestermann, Cornelius Tacitus. Annalen, III, Heidelberg, 1967, p. 254 suppose que la grâce fut proposée par Néron au Sénat qui l'accorda. 335 Selon toute vraisemblance, Lateranus put se lancer dans une carrière sénatoriale sans souffrir de son humiliation sous Claude puisqu'il parvint au consulat pour 651. Pourtant, il fut un des principaux membres de la conjuration de Pison, d'après Tacite par amor rei publicae2. Le complot dévoilé, il est aussitôt arrêté et exécuté3. Comme l'indique le récit de la mort de Lateranus chez Tacite, ce dernier avait des enfants4 mais nous ne savons rien d'eux. Cependant, on se souvint vraisemblablement de leur père plus pour sa participation à la conjuration et sa mort héroïque que comme l'amant de Messaline. 175) SUILLIUS P. F. CAESONINUS [2 / S 698] DATE DE LA CONDAMNATION : 48 après J.-C. RÉFÉRENCES PROSOPOGRAPHIQUES : P. v. Rohden et H. Dessau, PIR, 1898, p. 279-280, S 698 ; M. Fluss, RE, 4A/1, 1931, col. 718, n° 2 s. v. Suillius ; W. Eck, Neue Pauly, 11, 2001, col. 1092 [1] ; M. Heil et K. Wachtel, PIR2, 7/2, 2006, p. 356, S 967. SOURCES : Tac., Ann., 11, 36, 4 : Suillio Caesonino et Plautio Laterano mors remittitur, huic ob patrui egregium ; Caesoninus uitiis protectus est, tamquam in illo foedissimo coetu passus muliebra. Suillius Caesoninus et Plautius Lateranus échappent à la mort, celui-ci grâce au mérite éclatant de son oncle, Caesoninus protégé par ses vices, pour avoir, dans cette ignoble compagnie, joué le rôle de femme (trad. J. Hellegouarc'h). NOTICE : Suillius Caesoninus est très probablement le fils de P. Suillius Rufus5, délateur notoire et très influent sous le règne de Claude mais à la carrière mouvementé, et donc le frère de Suillius Nerullinus6, consul ordinaire en 507. Jeune aristocrate promis à un bel avenir, nous n'avons malheureusement aucune information sur ses éventuels débuts dans la carrière sénatoriale. Son frère étant consul en 50, si l'écart d'âge n'était pas trop important entre eux deux, il est possible qu'il eût profité de l'influence de sa tante, épouse de Caligula8, et de son père, familier de Claude, au moins pour réussir à entrer au Sénat. En 47, il fut insulté par Valerius Asiaticus que son père accusait alors. Il insinuait qu'il avait fait preuve de sa virilité aux fils de Suillius Rufus9. Ces propos étaient-ils une bravade sans fondement ou bien la révélation d'une réalité embarrassante pour son accusateur? Il est difficile de trancher et C. A. Williams ne prend pas vraiment parti10. Pourtant les événements de l'année 48 éclairent sous un jour intéressant cette injure. Caesoninus fit en effet partie des personnages impliqués dans les débauches de Messaline mais Claude épargna sa vie « pour 1 Degrassi, loc. cit. Tac., Ann., 15, 49 et 53, 2. 3 Tac., Ann., 15, 60, 1 ; Arrien, Epict., 1, 1, 19. 4 Tacite précise qu'il fut exécuté sans avoir pu les embrasser. 5 M. Flus s, RE, 4A/1, 1931, col. 719-722, n° 4 s. v. Suillius ; W. Eck, Neue Pauly, 11, 2001, col. 1092-1093 [3] et M. Heil et K. Wachtel, PIR2, 7/2, 2006, p . 357-358, S 970. 6 M. Fluss, RE, 4A/1, 1931, col. 718-719, n° 3 s. v. Suillius ; W. Eck, Neue Pauly, 11, 2001, col. 1092 [2] et M. Heil et K. Wachtel, PIR2, 7/2, 2006, p. 356-357, S 969. 7 Degrassi, Fasti, p. 14. 8 Milonia Caesonia : Plin., n. h., 7, 39. 9 Tac., Ann., 11, 2, 1. 10 C. A. Williams, Roman Homosexuality, New-York, 1999, p. 196-197. 2 336 avoir, dans cette ignoble compagnie, joué le rôle de femme » affirme Tacite1. Les paroles d'Asiaticus étaient peut-être fondées. Cependant, si Claude prétexta cette raison pour ne pas faire exécuter Caesoninus, l'influence de son père dut jouer un rôle important, comme dans le cas de Plautius Lateranus2. Il est vrai qu'en avouant ses vices, Caesoninus se présentait comme un personnage indigne et incapable d'être une menace3. Néanmoins, il nous semble que la protection de son père dut tenir une place au moins aussi importante4. Toutefois, s'il garda la vie sauve, il fut très certainement exclu de l'ordre sénatorial comme Lateranus. En outre, le blâme pouvait s'appuyer sur son aveu de muliebra pati qui en faisait un gender deviant, c'est-à-dire un homme qui refusait sa masculinité5, conduite incompatible avec la uirtus et la dignité sénatoriale6. L'insinuation d'Asiaticus n'était peutêtre pas le premier scandale auquel était mêlé Caesoninus et il est possible que son genre de vie lui avait attiré une mauvaise réputation dont il se servit pour se protéger lors de la répression des complices de Messaline. Le fait surtout que les commentateurs tirent tous son surnom de sa tante, Milonia Caesonina, demi-soeur de son père et épouse de Caligula, pourrait d'ailleurs en être un indice. Caesoninus n'était peut-être pas un cognomen mais un sobriquet rappelant, par l'association à Caligula, son goût pour les débauches. Dix ans plus tard, lorsque son père fut banni aux Baléares, Caesoninus n'apparut pas parmi les héritiers qui récupèrent une partie de son patrimoine grâce à la clémence de Néron7. Seuls sont mentionnés Nerullinus et une petite-fille de Rufus que l'on suppose être la fille de Caesoninus8. On suppose généralement soit qu'il était mort entre 48 et 58, soit qu'il était en exil. L'exil nous paraît peu probable pour les mêmes raisons que Lateranus9. En revanche, une troisième possibilité être envisagée : Caesoninus aurait été déshérité par son père. Afin de ne pas être entaché par le scandale, sa famille avait probablement décidé de rompre toute relation avec Caesoninus. Nous comprendrions alors pourquoi, bien que Valerius Asiaticus eût insulté les deux fils de Rufus, Nerullinus parvint au consulat deux ans après notre épisode. En condamnant ouvertement son frère, en le sacrifiant, il proclamait son attachement aux bonnes moeurs. Rufus lui-même poursuivit sa carrière sans être gêné par cette affaire et obtint le proconsulat d'Asie vers 53-5410. Supposer une mort assez jeune de Caesoninus, du moins avant son père, est une explication simple mais qui ne permet pas d'expliquer pourquoi sa famille ne souffrit pas de son implication en 48 et des scandales sur ses moeurs. 1 Tac., Ann., 11, 36, 4. Cf. notice précédente n° 174. Nous renvoyons à cette notice pour étudier la répression réalisée par Claude. 3 C. A. Williams, loc. cit. Sur le mépris envers les homosexuels passifs à Rome, voir le chapitre 12.2.2.4. 4 Si P. v. Rohden et H. Dessau, PIR, 1898, p. 279-280, S 698 mettaient en avant l'influence du père, celle-ci disparaît dans les notices postérieures. 5 C. A. Williams, Roman Homosexuality, op. cit., p. 210-215. 6 Fl. Dupont et Th. Éloi, L'érotisme masculin dans la Rome antique, Paris, 2001, p. 87-89. 7 Tac., Ann., 13, 43, 5. 8 K. Nipperdey et G. Andresen, Cornelius Tacitus, 2, Berlin, 1880, p. 144 ; M. Fluss, RE, 4A/1, 1931, col. 718, n° 2 s. v. Suillius ; E. Koestermann, Cornelius Tacitus Annalen, 3, Heidelberg, 1967, p. 321 ; M. Heil et K. Wachtel, PIR2, 7/2, 2006, p. 356, S 967. 9 Cf. notice n° 174. 10 Tac., Ann., 13, 43, 1. D. Magie, Roman Rule in Asia Minor, Princeton, 1950, 2, p. 1421 n. 70 et p. 1582. 2 337 176) HOSTILIUS FIRMINUS [14 / H 225] DATE DE LA CONDAMNATION : 98 après J.-C. RÉFÉRENCES PROSOPOGRAPHIQUES : K. Kadlec, RE, 8/2, 1913, col. 2506, n° 14 s. v. Hostilius ; L. Petersen, PIR2, 4, 1943, p. 101, n° 225 ; Bleicken, Senatsgericht, p. 163-164, n° 24 ; Eck, Senatoren, p. 41 ; Jones, Senatorial Order, p. 107, n° 129 ; Talbert, Senate, p. 510, n° 30 ; B. E. Thomasson, Fasti Africani, Stockholm, 1996, p. 106, n° 20. SOURCES : Plin., Ep., 2, 12, 2-4 (à Arrian us ) : Firminus inductus in senatum respondit crimini noto . Secutae sunt diuersae sententiae consulum designatorum. Corn utus Ter tullus censuit ordine mou endum , Acutius Nerua in sortitione prouinciae rationem eius non habendam. Quae sententia tamquam mitior uicit, cum sit alioqui durior tristi orque . Quid enim miserius quam exsectum et exemptum honoribus sen atoriis, labore et molestia non carere? Quid grauius quam tanta ignominia adfectum non in solitudine latere, sed in hac altissima specula conspiciendum se monstrandumque praebere? Praeterea quid publice minus aut congruens aut decorum notatum a senatu in senatu sedere, ipsisque illis a quibus sit notatus aequari ; summotum a proconsulatu quia se in legatione turpiter gesserat, de proconsulibus iudicare, damnatumque sordium uel damnare alios uel absoluere ! Firm inus, introduit de vant le Sénat, répon dit à l'accusation dont il connaissait la teneur . NOT ICE : Originaire d'Italie du Nord, Hostilius Firminus fut le légat du proconsul d'Afrique Marius Priscus en 97-981. Ce dernier, accusé par Pline au Sénat, fut condamné et Hostilius fut également poursuivi parce qu'il avait aidé Priscus et qu'il avait lui-même accepté de l'argent sous un faux titre2. La culpabilité ayant été prouvée, le Sénat fut interrogé sur la peine à lui infliger. A. N. Sherwin-White avait fait remarquer qu'Hostilius n'avait pas été formellement accusé par les provinciaux3, ce qui signifie peut-être que, contrairement à ce que pensait P. A. Brunt, il ne s'agissait pas d'un procès de repetundis4. Cela expliquerait le débat au Sénat sur la peine à infliger à Hostilius. En effet, la loi prévoyait l'exclusion du Sénat et la réparation du tort5, pourtant les sénateurs hésitèrent entre l'exclusion et une sanction plus douce, l'écarter du tirage au sort des provinces, solution qui fut finalement adoptée 6. Une telle peine présuppose vraisemblablement le rang prétorien comme le notait B. E. Thomasson7. A. N. Sherwin-White rapproche cette sanction de l'épisode où Cornelius Dolabella avait 1 B. E. Thomasson, Fasti Africani, Stockholm, 1996, p. 106, n° 20. Plin., Ep., 2, 11, 23 et 12, 2. Brunt, « Charges », p. 227, n° 37 et supposent une accusation de repetundis . 3 A . N. Sherwin-White , The Letters of Pliny. A Historical and Social Commentary, Oxford, 1966, p. 172. 4 Brunt, « Charges », p. 227, n° 37 suivi par Bleicken, Senatsgericht, p. 163, n° 23. 5 Cf. chapitre 9.2.1.8. 6 Plin., Ep., 2, 12, 2. B. E. Thomasson, loc. cit. 2 338 voulu instaurer une interdiction de faire participer au tirage au sort les personnages marqués par l'infamia1, mesure refusée par Tibère. Aussi nous paraît-il faux de dire, comme P. A. Brunt, qu'Hostilius fut condamné sine infamia parce qu'il fut maintenu au Sénat. Au contraire, les méfaits commis en Afrique lui attirèrent une mauvaise réputation telle que les sénateurs jugèrent préférable de ne pas lui accorder une province, convaincus qu'il s'y livrerait à des vols et des pillages. Nous ne disposons d'aucune information ni sur la fin de sa vie, ni sur ses éventuels descendants. 7. APPLICATION DE DISPOSITIONS LÉGALES 177 ) Q. SERVILIUS Q. F. CN. N. CAEPIO [49] DATE DE L'APPLICATION DE LA LOI : 104 avant J.-C. RÉFÉRENCES PROSOPOGRAPHIQUES : Fr. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1783-1786, n° 49 s. v. Servilius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 11, 2001, col. 464-465, [I 12] ; Rosenstein, Imperatores Victi, p. 200, n° 81 ; Shatzman, Senatorial Wealth, p. 285-286, n° 74 ; Rüpke, Fasti Sacerdotum, 2, p. 1280, n° 3057. SOURCES : ad Heren., 1, 24 : Purgatio est cum consulto negat se reus fec isse. Ea diuiditur in inprudentiam, fortunam, necessitatem : fortunam, ut Caepio ad tribunum plebis de exercitus amissione. L'excuse consiste pour l'accusé à dire qu'il n'a pas agi intentionnellement. Elle se subdivise en ignorance, hasard malheureux et force majeure. En hasard malheureux, comme lorsque Caepio s'est défendu devant un tribun de la plèbe après avoir perdu son armée (trad. G. Achard). Cic., Balb. , 28 : Neque solum dicatione, quod in calamitate clarissimis uiris [] Q. Caepioni, P. Rutilio Zmyrnae uidimus accidisse, ut earum ciuitatum fierent ciues, <cum> hanc ante amittere non potuissent quam hoc solum ciuitatis mutatione uertissent, sed etiam postliminio potest ciuitatis fieri mutatio. Ainsi d'éminentes personnalités, lors de leur disgrâce, [] Q. Caepio, P. Rutilius de Smyrne, et ce ne fut pas seulement par une déclaration solennelle qu'ils de vin citoyens de ces cités, puisqu'ils ne pouvaient perdre leur qualité de Romains avant d'avoir émigré d'ici et changé de résidence ; bien plus, le changement peut se faire aussi par retour à la cité d'origine (trad. J. Cousin). Cic., Brut., 135 : Nam flamen Albinus etiam in numero est habitus disertorum ; Q. etiam Caepio, uir acer et fortis, quoi fortuna belli crimini, inuidia populi calamitati fuit. Quant à Albinus le flamine, il comptait au nombre des gens sachant parler, ainsi que Q. Caepio, homme d'énergie et de courage, dont le hasard malheureux d'une guerre fit un accusé et la haine du peuple un coupable (trad. J. Martha). Cic., Part. Battu dans une rencontre avec les mêmes ennemis Cimbres], le consul Cn. Manlius et le proconsul Q. Servilius Caepio furent aussi dépouillés chacun de leur camp et perdirent, selon Antias, 80 000 soldats et 40 000 valets d'armes et vivandiers près d'Orange. Caepio, par la témérité duquel la défaite avait eu lieu, fut condamné, vit ses biens confisqués, pour la première fois depuis le roi Tarquin, et son imperium abrogé (trad. P. Jal). Strab., 4, : καὶ τοὺς Τεκτόσαγας δέ φασι μετασχεῖν τῆς ἐπὶ Δελφοὺς στρατείας, τούς τε θησαυροὺς τοὺς εὑρεθέντας παρ' αὐτοῖς ὑπὸ Καιπίωνος τοῦ στρατηγοῦ τῶν Ῥωμαίων ἐν πόλει Τολώσσῃ τῶν ἐκεῖθεν χρημάτων μέρος εἶναί φασι, προσθεῖναι δὲ τοὺς ἀνθρώπους καὶ ἐκ τῶν ἰδίων οἴκων ἀνιεροῦντας καὶ ἐξιλασκομένους τὸν θεόν· προσαψάμενον δ' αὐτῶν τὸν Καιπίωνα διὰ τοῦτο ἐν δυστυχήμασι έψ βίον ὡς αἰσχρῶς ἀπολέσθαι. Πιθανώτερος δ' ἐστὶν ὁ Ποσειδωνίου λόγος· τὰ μὲν γὰρ εὑρεθέντα ἐν τῇ Τολώσσῃ χρήματα μυρίων που καὶ πεντακισχιλίων ταλάντων γενέσθαι φησί, τὰ μὲν ἐν σηκοῖς ἀποκείμενα τὰ δ' ἐν λίμναις ἱεραῖς, οὐδεμίαν κατασκευὴν ἔχοντα, ἀλλ' ἀργὸν χρυσίον καὶ ἄργυρον. En ce qui concerne les Tectosages, on assure qu'ils participèrent à l'expédition de Delphes et que les trésors sacrés trouvés chez eux dans la ville de Toulouse par le général romain Caepio provenaient des richesses rapportées de là-bas, mais augmentées cependant des offrandes privées faites par les habitants de cette ville pour consacrer au dieu ces dépouilles et solliciter sa miséricorde. Pour y avoir touché, Caepio devait finir misérablement sa vie, à ce qu'on dit : il fut exilé pour sacrilège par sa patrie et les deux filles qu'il laissait après sa mort, après avoir été livrées à la prostitution, comme le rapporte Timagène, moururent dans l'ignominie. Le récit de Posidonius est pourtant plus probant : les richesses trouvées à Toulouse atteignaient une valeur d'environ 15 000 talents et consistaient non pas en objets façonnés, mais uniquement en lingots d'or et d'argent brut, déposés en partie dans des sanctuaires, en partie dans des lacs sacrés (trad. F. Lasserre). Val. Max., 4, 7, 3 : Tribunus enim plebis Caepionem in carcerem coniectum, quod illius culpa exercitus noster a Cimbris et Teutonis uidebatur deletus, ueteris artaeque amicitiae memor publica custodia liberauit nec hactenus amicum egisse contentus etiam fugae eius comes accessit. Pro magnum et inexuperabile tuum numen, amicitia! Cum ex altera parte res publica manum iniceret, ex altera tua illum dextera traheret, et illa ut sacrosanctus esse uellet exigeret, tu exilium indiceres – adeo blando uteris imperio – supplicium honori praetulit. En effet il [Lucius Rheginus] était tribun de la plèbe quand Caepio fut jeté en prison pour la responsabilité qu'on lui attribuait dans l'anéantissement de nos troupes par les Cimbres et les Teutons : se rappelant l'amitié qui le liait depuis longtemps et de très près à lui, Rheginus le libéra de la prison où l'État le tenait et, non content d'avoir mené jusque là son rôle d'ami, il se joignit à lui pour l'accompagner dans sa fuite. Quelle puissance, impossible à repousser, tu possèdes, amitié! D'un côté l'État jetait sa main sur lui, de l'autre tu l'entraînais de ta main, l'un exigeant qu'il se sentît pourvu d'une puissance sacro-sainte, et toi lui prescrivant l'exil : – tant ont de charme les ordres que tu donnes –, il a préféré une condamnation à la charge qu'il remplissait (trad. R. Combès). Val. Max., 6, 9, 13 : Crassum casus acerbitate Q. Caepio praecucurrit : is namque, praeturae splendore, triumphi claritate, consulatus decore, maximi pontificis sacerdotio ut senatus patronus diceretur adsecutus, in publicis uinculis spiritum deposuit, corpusque eius funesti<s> carnificis manibus laceratum in scalis Gemoniis iacens magno cum horrore totius fori Romani conspectum est. Mais par rapport à Cassius, en fait de cruauté du destin, Q. Caepio est arrivé bien plus loin. Car l'éclat de sa préture, la splendeur de son triomphe, la gloire de son consulat, la charge sacrée de grand pontife, lui ont valu d'être appelé le protecteur du Sénat, et il était en prison quand il a expiré, et son cadavre, déchiré de la main d'un bourreau sinistre, est resté gisant sur l'escalier des Gémonies, inspirant une horreur profonde à tous ceux qui se trouvaient sur le forum, d'où on l'apercevait (trad. R. Combès). Val. Max., 8, 5, 2 : M. etiam Aemilius Scaurus, princeps senatus, C. Memmium repetundarum reum destricto testimonio insecutus est, item C. Flauium eadem lege accusatum testis proscidit : iam C. Norbanum maiestatis crimine publicae quaestioni subiectum ex professo opprimere conatus est. Nec tamen aut auctoritate, qua plurimum pollebat, aut religione, de qua nemo dubitabat, quemquam eorum adfligere potuit. M. Aemilius Scaurus, prince du Sénat, poursuivit aussi C. Memmius accusé de repetundis par un témoignage mordant, de même comme témoin il diffama C. Flavius qui avait été accusé par la même loi : déjà il 340 tenta ouvertement d'accabler C. Norbanus jeté devant une quaestio publica pour crime de maiestas. Et cependant il ne put abattre aucun de ceux-ci ni par son autorité, qui était très puissante, ni par sa probité, de laquelle personne ne doutait. Ascon., p. 78 C : L. Cassius L. f. Longinus tribunus plebis C. Mario C. Flauio coss. plures leges ad minuendam nobilitatis potentiam tulit, in quibus hanc etiam ut quem populus damnasset cuiue imperium abrogasset in senatu ne esset. Tulerat autem e maxime propter simultates cum Q. Seruilio qui ante biennium consul fuerat et cui populus, quia male aduersus Cimbros rem gesserat, imperium abrogauit. L. Cassius L. f. Longinus tribun de la plèbe sous le consulat de C. Marius et de C. Flavius porta plusieurs lois destinées à diminuer le pouvoir de la noblesse ; l'une d'elles interdisait que fît partie du sénat celui que le peuple aurait condamné, ou dont il aurait abrogé le commandement. Il l'avait proposée avant tout par hostilité contre Q. Servilius, consul deux ans auparavant, et dont le peuple avait abrogé le commandement à cause de sa mauvaise campagne contre les Cimbres (trad. J.-L. Ferrary). Gell., 3, 9, 7 : Eadem sententia est illius quoque ueteris prouerbii, quod ita dictum accepimus : « Aurum Tolosanum ». Nam cum oppidum Tolosanum in terra Gallia Quintus Caepio consul diripuisset multumque auri in eius oppidi templis fuisset, quisquis ex ea direptione aurum attigit misero cruciabilique exitu periit. C'est aussi le sens du vieux proverbe que nous avons entendu en ces termes : « L'or de Toulouse ». Comme le consul Quintus Caepio avait pillé la ville de Toulouse dans le pays gaulois, et comme il y avait beaucoup d'or dans les temples de cette ville, tous ceux qui touchèrent à l'or provenant de ce pillage, périrent d'une mort pitoyable et cruelle (trad. R. Marache). Justin, 32, 3, 9-11 : Tectosagi autem, cum in antiquam patriam Tolosam uenissent conprehensique pestifera lue essent, non prius sanitatem recuperauere quam aruspicum responsis moniti aurum argentumque bellis sacrilegiisque quaesitum in Tolosensem lacum mergerent, quod omne magno post tempore Caepio, Romanus consul, abstulit. Fuere autem argenti pondo centum decem milia, auri pondo quinquies decies centum milia. Quod sacrilegium causa excidii Caepioni exercituique eius postea fuit. Romanos quoque Cimbrici belli tumultus uelut ultor sacrae pecuniae insecutus est. Quant aux Tectosages, arrivés à Tolosa, leur ancienne patrie, ils avaient été atteints par le fléau de la peste : ils ne recouvrèrent pas la santé avant d'avoir, sur consultation des haruspices, immergé dans le lac de Tolosa l'or et l'argent acquis par les guerres et les sacrilèges, un trésor que, bien longtemps après, le consul romain Caepio enleva tout entier. Il y avait cent dix mille livres d'argent et un million et demi de livres d'or. Ce sacrilège causa par la suite la perte Caepio et de son armée et le tumulte de la guerre des Cimbres suivit, comme le vengeur de l'argent consacré (trad. M.-P. Lindet). Vir. Ill., 73, 5 : et aurum dolo an scelere Caepionis partum ad emptionem agrorum conuertit. et il [Saturninus] détourna pour l'achat de terres l'or procuré par la fourberie ou le crime de Caepio. Oros., 5, 15, 25 : Caepio proconsule capta urbe Gallorum, cui nomen est Tolosa, centum milia ponderis auri et argenti centum dece milia e templo Apollinis sustulit. Quod cum ad Massiliam, amicam populo Romano urbem, cum praesidiis misisset, interfectis clam – sicut quidam contestantur – quibus ea custodienda et peruehenda commiserat, cuncta per scelus furatus fuisse narratur. Vnde etiam magna quaestio post Romae acta est. NOT : Q. Servilius Caepio est le fils de Q. Servilius Caepio, le consul de 140 1, et d'après les déductions de G. V. Sumner il serait né vers 1522. De 129 à 126 il est légat en Asie sous M'. Aquillius3. Préteur en 109, il obtient comme province l'Espagne Ultérieure, prorogé en 108, il vainc les Lusitaniens et célèbre un triomphe sur eux en 1074. De retour à Rome, il serait devenu grand Pontife en 107 au plus tôt5. Consul en 106, il s'affirme à cette occasion comme un des chefs de file des optimates en faisant voter une loi qui soit redonnait intégralement aux sénateurs les jurys de la quaestio de repetundis soit les partageait avec les chevaliers6. Sa carrière, jusque-là brillante et au service de la noblesse dont il est un des meilleurs représentants, explique que Valère Maxime le désigne comme senatus patronus, c'est-à-dire comme jouissant d'une grande influence sur le Sénat7. Le sort lui octroya la Gaule Narbonnaise, et, après être parti pour sa province, il prit Toulouse et s'empara de l'or sacré que la légende faisait provenir du pillage de Delphes par les Celtes en 270. Il fit transporter cet or jusqu'à Marseille pour l'envoyer à Rome, mais le trésor n'y parvint jamais, ce qui souleva certains soupçons8. Néanmoins l'année suivante il est prorogé et doit aider le consul de 105, Cn. Mallius, contre les Cimbres et les Teutons qui menaçaient l'Italie. Refusant d'obéir à un homo nouus et de coopérer avec un adversaire politique9, Caepio sembla en grande partie responsable du désastre d'Orange, le 6 octobre 105, qui coûta la vie à des milliers de légionnaires10. Immédiatement rappelé à Rome, le pe abrogea son imperium11, selon J.-L. Ferrary, sur une rogatio du tribun Norbanus1. Ce serait à cette occasion que les tribuns T. Didius et 1 Fr. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1783-1786, n° 48 s. v. Servilius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 11, 2001, col. 464, [I 11]. 2 Sumner, Orators, p. 85, n° 96. 3 MRR, 3, p. 194 corrige MRR, 1, p. 505 qui en faisait un tribun militaire : M. Holleaux, « Études d'histoire hellénistique. X., Le décret de Bargylia en l'honneur de Poseidonios », REA, 1919, 21, p. 7-16 ; C. P. Jones, « Diodoros Pasparos and the Nikephoria of Pergamon », Chiron, 1974, 4, p. 192 n. 49 ; J. et L. Robert, Bull. Epig., 1963, p. 165, n° 220. 4 MRR, 1, p. 546. 5 Rüpke, Fasti Sacerdotum, 1, p. 110-111. 6 MRR, 1, p. 553. Cic., Inv., 1, 92 ; de Or., 2, 199 et 223 ; Brut., 161-164 ; Cluent., 140 et Val. Max., 6, 9, 13. La tradition livienne (Liv., Per. , 66) parle d'un partage avec l'ordre équestre tandis que Tac., Ann., 12, 60 et Ascon., p. 79 C. indiquent une exclusivité sénatoriale. Cf. chapitre 9.2.1.5. 7 Val. Max., 6, 9, 13. Cf. Y. Roman, « Q. Servilius Caepio, patronus Senatus, et les luttes politiques romaines à la fin du IIe siècle avant J.-C. », dans Y. Le Bohec, Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Bruxelles, 1994, p. 387. 8 Strab., 4, 1, 13 citant Posidonius et Timagène ; Gell., 3, 9, 7 ; Dio. 27 fr. 90 ; Justin., 32, 3, 9-11 ; Oros., 5, 15, 25. J. Carcopino, Des Gracques à Sulla, Paris, 19523 (1932), p. 336 suppose que seul un des convois fut attaqu é par des bandits que certains pens èrent pay és par Caepio. M. Labrousse , Toulouse antique, Paris, 1968, p . 132 , suppose une déception des Romains à la vue des sommes parvenues à Rome alors que le trésor des Gaulois était faramineux selon la légende. Caepio aurait peut-être gonflé l'importance du trésor, et l'écart entre ses annonces et la réalité lui aurait été cruellement rappelé plus tard, et à cette occasion il aurait dû inventer une histoire de brigands. Cette hypothèse se fonde sur l'idée qu'une partie de l'or parvint à Rome parce Vir. Ill., 73, 5 signalerait l'emploi de cet or pour la fondation de colonies par Saturninus. Selon nous, ce passage renvoie plutôt aux biens confisqués de Caepio qui aurait, selon l'opinion des contemporains, accru sa fortune grâce au vol du butin (cf. infra). 9 Voir Y. Roman, « Q. Servilius Caepio », art. cité, p. 384 qui parle de « préjugés aristocratiques » et p. 386 de l'élection de Mallius grâce à des soutiens populares. 10 Cic., de Or., 2, 197 ; Sall., Iug., 114, 1 ; Vell., 2, 12, 2 ; Ps. Quint., Decl., 3, 13 ; Plut., Mar., 11, 8 et 16, 5 et 19, 2 ; Luc., 27, 7 ; Sert., 3, 1 ; Tac., Germ., 37 ; App., Illyr., 4 ; Justin., 32, 3, 11 ; Flor., 1, 38, 4 ; Gran. 342 L. Aurelius Cotta, dévoués aux optimates et aux Metelli2, tentèrent en vain d'opposer leur intercessio car Norbanus eut recours à la violence, ce qui lui valut un procès de maiestate une dizaine d'années plus tard, vers 953. L'année suivante, en 104, le tribun de la plèbe L. Cassius Longinus fit voter une loi qui provoquait l'exclusion du Sénat de ceux dont l'imperium aurait été abrogé ou condamné à une amende par le peuple4. Cette loi aurait été selon Asconius, notre unique source, dirigée contre Caepio qui en fut la première victime5. En effet, Longinus était un rival des Metelli et de manière générale des optimates, faction à laquelle appartenait Caepio6. En 104 Caepio fut exclu du Sénat en vertu de la nouvelle loi, mais ses ennuis ne s'arrêtèrent pas là. Après ce premier coup, l'histoire de l'or de Toulouse revint dans les esprits et on intenta à Caepio, soit par effet d'aubaine soit par inimitié, un procès à ce propos devant une quaestio extraordinaria auri Tolosani7. J. Lengle a bien montré que ce premier procès se situait peu après la lex Cassia de 104 et qu'il n'était pas capital8. Un fragment de Dion Cassius9 nous apprend que cette procédure ne visait pas uniquement Caepio même si nous pouvons supposer qu'après les déboires récents et surtout le désastre d'Orange, le peuple était prêt à le soupçonner d'avoir détourné l'or10. Nous ne savons pas quelle fut l'issue du procès, soit un acquittement soit une condamnation à une amende selon J. Lengle11. Caepio apparaissait désormais comme une cible facile pour de jeunes populares ambitieux tels que L. Appuleius Saturninus12. Tribun la plèbe en 103, il le convoqua devant les comices pour perduellio à cause de la défaite d'Orange13. Caepio se défendit en prétextant la 1 Ferrary, « Saturninus et Glaucia, II », p. 93-95 propose, selon nous, la reconstruction la plus pertinente. Il met en avant l'impossibilité que Norbanus et Saturninus soient tribuns la même année, en 103, et résout le problème de l'intercession en deux étapes d'abord de T. Didius et L. Aurelius Cotta puis L. Antistius Rheginus. Il s'oppose en cela à l'opinion dominante chez les historiens depuis les travaux de J. Lengle, « Die Verurteilung der römischen Feldherrn von Arausio », Hermes, 1931, p. 302-316. 2 Gruen, RPCC, p. 165.
51,415
046358854e58064f531f48dfebd67b2f_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,012
Proportion d'actifs rémunérés travaillant à plein temps dans la population âgée de 25 à 64 ans d'actifs rémunérés diplômés de l'enseignement tertiaire, selon le sexe (2010)
None
French
Spoken
7,222
15,070
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932681352 104 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 Pourcentage d’élèves dont la mère est peu instruite1 Comment les élèves issus de l’immigration réussissent-ils à l’école ? – Indicateur A5 chapitre A Tableau A5.2. Concentration d’élèves issus de l’immigration dans les établissements d’enseignement selon divers indicateurs Résultats fondés sur les déclarations des élèves Pourcentage de l’effectif d’élèves issus de l’immigration dans les quartiles supérieurs Pourcentage d’élèves issus de l’immigration dans l’effectif total d’élèves des quartiles supérieurs Quartiles de concentration définis selon : Quartiles de concentration définis selon : Autres G20 OCDE Le pourcentage d’élèves issus de l’immigration dans l’effectif des établissements Le pourcentage Le pourcentage d’élèves issus d’élèves issus de l’immigration de l’immigration Le pourcentage dans l’effectif parlant une autre d’élèves dont la mère langue en famille est peu instruite1 des établissements Le pourcentage d’élèves issus de l’immigration Le pourcentage parlant une autre d’élèves dont la mère langue en famille est peu instruite1 Australie Autriche Belgique Canada Chili Rép. tchèque Danemark Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Islande Irlande Israël Italie Japon Corée Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal Rép. slovaque Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis % 55.9 68.3 69.6 64.0 c 76.0 66.3 82.4 81.2 70.3 59.7 72.0 68.3 76.2 55.0 59.4 71.9 c c 41.7 95.8 70.2 53.3 63.8 c 72.3 c 71.9 66.2 66.0 47.5 c 80.0 68.7 Er. T. (3.7) (4.4) (3.4) (4.1) c (5.8) (3.5) (2.6) (4.2) (4.8) (4.7) (4.0) (6.5) (5.7) (5.9) (4.7) (2.3) c c (0.8) (1.2) (4.8) (3.3) (5.1) c (3.4) c (2.5) (3.3) (5.0) (4.0) c (2.7) (4.2) % 53.4 65.8 58.4 60.4 c 59.8 58.0 29.7 78.0 63.3 47.7 61.3 35.7 73.1 47.8 55.4 64.8 c c 37.5 36.0 62.4 52.6 60.5 c 52.3 c 66.6 54.1 62.9 42.9 c 75.0 67.5 Er. T. (4.3) (5.3) (5.1) (4.5) c (7.4) (4.8) (7.1) (5.4) (5.8) (5.4) (5.7) (6.6) (6.0) (5.7) (5.2) (2.7) c c (0.8) (3.6) (6.8) (3.3) (5.1) c (6.8) c (3.1) (4.4) (4.8) (4.0) c (4.2) (4.8) % 30.0 46.5 48.6 29.8 c 32.1 51.0 18.5 34.3 53.0 43.9 42.1 20.8 35.1 25.6 17.5 28.4 c c 35.9 47.1 57.5 25.2 31.4 c 10.5 c 43.2 22.3 41.6 37.0 c 50.1 53.5 Er. T. (4.2) (5.9) (4.4) (4.4) c (8.8) (4.0) (6.1) (8.4) (6.7) (4.9) (5.8) (4.9) (6.1) (5.0) (4.2) (3.2) c c (0.8) (5.5) (6.6) (3.5) (5.5) c (2.7) c (2.7) (3.7) (6.6) (3.8) c (6.7) (6.4) % 51.6 36.1 39.0 65.4 1.7 6.5 20.6 29.5 8.5 39.0 40.9 19.9 5.5 6.3 17.3 45.9 13.3 1.1 0.1 67.6 6.0 33.7 52.7 17.2 0.1 15.3 2.0 20.1 25.2 30.6 44.7 2.1 34.3 54.8 Er. T. (2.0) (2.3) (2.6) (2.0) (0.3) (0.5) (1.7) (2.3) (0.7) (3.0) (2.9) (1.7) (0.5) (0.9) (1.0) (2.6) (0.5) (0.2) (0.1) (1.2) (0.4) (4.2) (1.4) (1.6) (0.1) (1.0) (0.4) (1.2) (1.1) (2.8) (1.5) (0.5) (2.8) (2.2) % 44.0 32.2 29.0 54.4 0.5 3.9 14.9 7.3 7.5 29.2 21.8 15.0 2.7 5.3 12.1 37.9 10.9 0.4 0.1 52.4 2.0 25.2 48.9 14.3 0.0 8.8 0.9 17.0 17.4 26.7 33.4 0.6 31.2 51.2 Er. T. (3.5) (3.0) (3.2) (4.1) (0.2) (0.7) (1.9) (2.3) (0.9) (4.0) (2.8) (2.2) (0.6) (0.9) (1.8) (4.2) (0.7) (0.1) (0.1) (1.1) (0.3) (5.2) (2.0) (2.0) (0.0) (1.7) (0.3) (1.2) (1.7) (2.9) (3.7) (0.2) (3.4) (3.5) % 20.1 20.5 23.7 23.7 0.2 2.3 13.9 4.9 2.9 24.7 21.1 10.3 1.4 2.4 3.7 11.2 4.3 0.4 0.0 44.2 2.7 25.6 16.5 5.9 0.0 1.0 0.9 10.4 6.2 14.8 25.3 0.2 20.9 36.4 Er. T. (3.7) (3.4) (3.2) (3.9) (0.1) (0.8) (1.9) (2.0) (1.0) (4.8) (3.2) (2.0) (0.5) (0.6) (1.3) (3.5) (0.7) (0.2) (0.0) (1.1) (0.4) (4.9) (2.9) (1.8) (0.0) (0.5) (0.4) (0.9) (1.3) (3.5) (3.1) (0.1) (3.8) (4.8) Moyenne OCDE Moyenne UE21 67.6 68.9 (0.8) (1.0) 56.5 56.9 (1.0) (1.2) 36.2 37.1 (1.0) (1.3) 25.1 24.0 (0.3) (0.4) 19.4 17.4 (0.4) (0.5) 11.8 12.3 (0.4) (0.5) Argentine Brésil Indonésie Fédération de Russie Shanghai (Chine) 79.0 100.0 c 51.3 c (5.0) (0.0) c (6.6) c 51.5 21.2 c 38.3 c (9.7) (8.5) c (7.7) c 45.5 26.4 c 29.7 c (9.3) (9.8) c (8.2) c 11.8 3.0 1.2 25.0 2.1 (1.5) (0.4) (0.4) (2.9) (0.3) 6.7 0.6 1.1 13.7 0.8 (2.0) (0.3) (0.4) (4.1) (0.2) 5.4 0.8 0.3 10.0 1.1 (1.5) (0.3) (0.2) (4.6) (0.3) Moyenne G20 72.4 (1.2) 52.6 (1.8) 39.8 (2.0) 22.0 (0.4) 16.8 (0.6) 10.7 (0.7) 1. Par mères peu instruites, on entend les mères qui ne sont pas titulaires du diplôme de fin d’études secondaires. Source : Base de données PISA 2009 de l’OCDE. Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932681371 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 105 A5 chapitre A Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage Tableau A5.3. Pourcentage d’élèves scolarisés dans un établissement d’enseignement défavorisé (selon le niveau de formation de leur mère) et dont les parents exercent une profession peu prestigieuse A5 Autres G20 OCDE Résultats fondés sur les déclarations des élèves Élèves dont la mère est peu instruite scolarisés dans un établissement défavorisé, en pourcentage de l’effectif total d’élèves dont la mère est peu instruite1 Élèves dont la mère est très instruite scolarisés dans un établissement défavorisé, en pourcentage de l’effectif total d’élèves dont la mère est très instruite2 Pourcentage d’élèves scolarisés dans un établissement défavorisé dont la mère est très instruite et dont les parents exercent une profession peu prestigieuse3 Élèves issus de l’immigration Élèves issus de l’immigration Élèves issus de l’immigration Élèves autochtones Élèves autochtones Élèves autochtones % Er. T. % Er. T. % Er. T. % Er. T. % Er. T. % Er. T. Australie Autriche Belgique Canada Chili Rép. tchèque Danemark Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Islande Irlande Israël Italie Japon Corée Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal Rép. 1. Par mères peu instruites, on entend les mères qui ne sont pas titulaires d’un diplôme de fin d’études secondaires. 2. Par mères très instruites, on entend les mères titulaires d’un diplôme de fin d’études tertiaires. 3. Par parents exerçant une profession peu prestigieuse, on entend les parents dont l’indice HISEI (soit l’indice socio-économique international de statut professionnel le plus élevé des deux parents) est inférieur à 40 points. Source : Base de données PISA 2009 de l’OCDE. Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932681390 106 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 Comment les élèves issus de l’immigration réussissent-ils à l’école ? – Indicateur A5 chapitre A Tableau A5.4. Performance des élèves selon le quartile d’établissements d’enseignement défavorisés et selon le niveau de formation de leur mère Résultats fondés sur les déclarations des élèves Les élèves dont la mère est très instruite ou peu instruite Les élèves dans le quartile inférieur et les élèves le quartile supérieur d’établissements défavorisés Difference de score entre : Dont la mère est très instruite Dont la mère est peu instruite Dans le quartile supérieur d’établissements défavorisés Dans le troisième quartile d’établissements défavorisés Dans le deuxième quartile d’établissements défavorisés Dans le quartile inférieur d’établissements défavorisés Score moyen sur l’échelle de compréhension de l’écrit des élèves : Autres G20 OCDE Score Score Score Score Score Score Écart Écart moyen Er. T. moyen Er. T. moyen Er. T. moyen Er. T. moyen Er. T. moyen Er. T. de score Er. T. de score Er. T. Australie Autriche Belgique Canada Chili Rép. tchèque Danemark Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Islande Irlande Israël Italie Japon Corée Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal Rép. slovaque Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis 544 520 563 544 511 503 525 506 546 565 571 527 566 518 533 536 544 561 572 539 485 551 553 508 519 538 514 548 518 526 555 527 531 538 (5.3) (7.3) (7.9) (3.5) (5.5) (6.4) (5.1) (5.1) (4.2) (11.7) (5.6) (4.4) (5.2) (3.0) (5.5) (5.7) (3.3) (7.6) (5.0) (2.0) (3.6) (7.8) (5.5) (5.0) (5.4) (5.7) (5.7) (1.9) (3.9) (6.0) (8.0) (7.3) (5.5) (8.5) 523 493 534 530 462 502 496 510 537 539 543 503 533 504 506 514 514 553 559 503 440 535 542 511 503 499 510 532 490 497 525 471 511 514 (4.5) (9.5) (6.1) (3.0) (5.7) (5.7) (6.0) (7.1) (4.5) (8.1) (5.6) (7.4) (6.2) (2.9) (6.1) (5.3) (3.7) (5.6) (4.7) (2.1) (3.9) (17.1) (6.7) (5.3) (6.1) (3.7) (4.7) (2.5) (3.4) (5.8) (7.5) (8.1) (4.4) (5.4) 506 499 499 527 432 491 487 507 536 477 518 494 501 492 488 474 478 519 540 425 418 498 529 502 501 478 474 464 471 486 483 447 490 483 (4.8) (8.8) (6.3) (4.5) (5.1) (8.7) (4.8) (5.4) (4.5) (9.2) (7.4) (6.5) (6.1) (3.3) (8.5) (8.1) (4.5) (6.4) (6.4) (2.7) (3.1) (10.3) (4.7) (5.4) (4.7) (6.7) (7.8) (1.9) (4.0) (5.4) (4.8) (5.7) (6.4) (7.0) 489 438 463 512 409 454 484 502 523 441 453 433 440 488 474 395 432 456 492 421 388 458 499 495 476 450 447 433 450 476 451 434 471 461 (6.0) (10.3) (6.4) (3.7) (5.6) (7.3) (4.5) (3.9) (4.3) (11.0) (7.8) (11.7) (6.6) (3.2) (6.8) (7.1) (4.5) (8.4) (7.7) (2.3) (4.3) (7.4) (6.9) (3.9) (4.2) (6.1) (8.4) (2.0) (4.2) (5.6) (3.8) (4.7) (6.5) (4.7) 471 404 465 491 416 432 451 467 496 456 448 444 421 477 461 401 459 483 504 436 408 479 493 465 444 470 384 440 460 447 463 454 454 458 (4.3) (6.6) (3.9) (4.7) (3.4) (7.4) (3.7) (6.6) (4.7) (4.6) (4.2) (6.2) (6.0) (3.2) (4.0) (6.3) (2.6) (7.3) (7.2) (2.6) (1.9) (5.8) (4.0) (6.0) (5.1) (3.2) (11.3) (3.8) (2.5) (6.1) (3.9) (3.2) (5.4) (4.3) 541 499 535 537 487 496 512 511 547 529 529 506 534 520 519 516 503 542 555 503 455 526 551 516 553 531 503 516 509 513 522 523 516 525 (2.8) (4.0) (2.5) (1.7) (3.6) (4.9) (2.5) (3.4) (2.4) (4.4) (4.2) (3.9) (4.6) (2.2) (3.3) (3.8) (2.4) (3.6) (4.9) (2.7) (2.4) (5.5) (3.2) (2.8) (3.9) (4.5) (4.2) (2.7) (2.8) (3.2) (3.5) (7.5) (2.7) (4.8) 55 82 100 31 102 49 40 4 23 125 118 94 125 30 60 141 112 106 80 118 97 93 54 13 43 88 66 115 68 50 104 94 60 77 (7.9) (13.6) (10.8) (5.0) (7.6) (9.7) (6.7) (6.7) (5.9) (17.7) (10.0) (12.4) (8.3) (4.4) (8.7) (9.1) (5.6) (11.2) (9.3) (3.1) (5.5) (11.1) (9.1) (6.3) (7.1) (8.7) (10.5) (2.8) (5.6) (8.5) (9.2) (8.5) (9.2) (9.7) 70 95 70 46 71 65 62 44 50 73 81 62 113 43 58 115 44 59 51 67 47 47 58 51 109 61 119 76 49 66 58 68 63 67 (4.3) (7.1) (4.5) (4.8) (4.4) (7.9) (4.1) (7.0) (4.5) (6.4) (5.7) (5.5) (7.4) (4.1) (4.2) (6.7) (3.2) (7.6) (7.2) (3.6) (2.3) (5.3) (4.5) (5.7) (6.4) (4.8) (11.9) (4.7) (3.4) (6.5) (4.7) (7.3) (6.3) (5.8) Moyenne OCDE Moyenne UE21 535 536 (1.0) (1.3) 513 514 (1.1) (1.5) 489 489 (1.1) (1.4) 458 458 (1.1) (1.5) 453 448 (0.9) (1.2) 520 518 (0.6) (0.8) 77 78 (1.5) (2.0) 67 70 (1.0) (1.3) Argentine Brésil Indonésie Fédération de Russie Shanghai (Chine) 481 486 442 472 608 (8.4) (5.7) (8.5) (5.4) (4.9) 415 412 408 470 568 (10.5) (8.3) (7.4) (4.7) (5.2) 386 402 389 472 541 (7.7) (4.9) (6.2) (5.9) (6.5) 362 389 374 432 510 (9.6) (3.8) (5.6) (7.1) (7.2) 369 393 390 397 532 (4.8) (2.6) (3.2) (12.3) (3.5) 429 437 437 468 582 (5.6) (4.9) (8.3) (3.2) (3.2) 119 97 68 40 98 (12.3) (6.8) (9.9) (7.7) (9.0) 60 44 46 71 50 (6.4) (4.9) (8.1) (12.0) (4.8) Moyenne G20 529 (1.6) 498 (1.5) 475 (1.5) 443 (1.7) 448 (1.3) 507 (1.1) 86 (2.4) 59 (1.6) Remarque : les quartiles d’établissements défavorisés sont définis à l’échelle nationale en fonction du pourcentage d’élèves dont la mère est peu instruite dans l’effectif d’élèves. Source : Base de données PISA 2009 de l’OCDE. Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932681409 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 107 A5 Indicateur A6 dans quelle mesure le niveau de formation des parents influe-t-il sur l’accès à l’enseignement tertiaire ? • La probabilité qu’un adulte âgé de 20 à 34 ans entame des études tertiaires est faible si ses parents ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Dans les pays de l’OCDE, les jeunes adultes dont les parents sont peu instruits ont plus de moitié moins de chances de suivre des études tertiaires, compte tenu du pourcentage que représente ce type de ménages dans la population (rapport de cotes : 0.44). • Dans les pays de l’OCDE, un jeune adulte dont au moins l’un des deux parents est diplômé de l’enseignement tertiaire est, en moyenne, presque deux fois plus susceptible de suivre des études tertiaires, compte tenu du pourcentage que représente ce type de ménages dans la population (rapport de cotes : 1.9). Cette surreprésentation d’étudiants dont les parents sont très instruits n’est inférieure à 50 % qu’au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Islande, au Luxembourg, en Norvège et en Suède (rapport de cotes inférieur à 1.5). • Les inégalités qui s’observent au début de la scolarité selon le milieu socio-économique sont en forte corrélation avec les inégalités dans l’enseignement tertiaire. De plus, l’impact du milieu socio-économique sur la performance des élèves à l’âge de 15 ans (cycle PISA 2000) explique 37 % de la variance entre les pays de l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire dont les parents sont peu instruits en 2009. • C’est en Australie, au Canada, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en France, en Irlande, en Islande, aux Pays-Bas et en Suède que les jeunes adultes (non scolarisés âgés de 25 à 34 ans) dont les parents sont peu instruits ont le plus de possibilités d’apprentissage : ils sont au moins 25 % à être diplômés de l’enseignement tertiaire et moins de 30 % à ne pas avoir terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Graphique A6.1. Participation à l’enseignement tertiaire des étudiants dont les parents sont peu instruits (2009) Nouvelle-Zélande1 Canada2 États-Unis2 Slovénie Belgique Rép. tchèque Suisse Hongrie Grèce France Norvège Autriche Allemagne Luxembourg Pologne Finlande Italie Moyenne OCDE Australie1 Espagne Pays-Bas Suède Danemark Irlande Royaume-Uni Portugal Islande Turquie % 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Pourcentage de jeunes adultes (20-34 ans) scolarisés dans l’enseignement tertiaire dont les parents sont peu instruits (axe de gauche) Pourcentage de parents peu instruits dans la population totale de parents (axe de gauche) Rapport de cotes Rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire des individus dont les parents sont peu instruits (axe de droite) 0.9 0.8 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0.0 Remarque : l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire est sous-estimé en Australie, au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande par rapport aux autres pays car il ne comprend que les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A, tandis que l’effectif d’étudiants des autres pays inclut les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A et/ou CITE 5B. L’absence de données sur les effectifs des formations de niveau CITE 5B peut donc entraîner, dans ces pays, une sous-estimation de la mobilité intergénérationnelle. 1. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2006. 2. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2003. Les pays sont classés par ordre décroissant du rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire. Source : OCDE. Tableau A6.1. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678369 Lecture du graphique Ce graphique indique la probabilité (rapport de cotes) qu’ont les individus dont les parents sont peu instruits de suivre des études tertiaires. Le concept du rapport de cotes consiste à comparer le pourcentage de parents peu instruits dans l’effectif total de parents au pourcentage d’individus dont les parents sont peu instruits dans l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire. Prenons, à titre d’exemple, le cas du Royaume-Uni : les individus dont les parents sont peu instruits représentent 25 % de l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire (le segment bleu clair) et les parents peu instruits représentent 42 % de la population de parents (le segment en bleu foncé), soit un rapport de cotes (le triangle noir) de 0.61. Au Royaume-Uni, si les jeunes adultes dont les parents sont peu instruits étaient aussi susceptibles de suivre des études tertiaires que ceux dont les parents sont très instruits, l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire serait constitué de 42 % d’individus dont les parents sont peu instruits, soit un rapport de cotes égal à 1. 108 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 Contexte L’éducation est un levier majeur pour lutter contre les inégalités dans la société, car les revenus, l’emploi, la richesse et le bien-être des individus y sont fortement corrélés. Offrir à tous les jeunes la possibilité de suivre des études de qualité est une composante essentielle du contrat social. Il est de la plus haute importance de lutter contre les inégalités dans l’éducation pour préserver la mobilité sociale et alimenter le vivier de candidats à l’enseignement tertiaire et à l’exercice de professions très qualifiées. Indicateur A6 Il est crucial que les pays disposent d’une main-d’œuvre instruite et compétente pour se démarquer sur le marché mondial de l’économie du savoir et doper leur croissance à l’avenir. Avec la délocalisation d’emplois peu qualifiés vers des pays où les salaires sont moindres, l’existence de nombreux travailleurs peu qualifiés dans la population risque d’alourdir le fardeau social et de creuser des inégalités qu’il est aussi difficile que coûteux de combler après la fin de la formation initiale. Dans ce contexte, il est important de garantir des conditions équitables aux jeunes dont les parents sont peu instruits. Diverses politiques, consistant notamment à maintenir le coût de l’enseignement tertiaire à un niveau raisonnable et à proposer un système performant d’aides aux étudiants, peuvent être utiles à cet égard. Permettre à tous d’accéder à l’enseignement tertiaire et de réussir une formation de ce niveau est important, mais réduire les inégalités dès le tout début de la scolarisation l’est aussi. Il n’est guère possible de remédier aux mauvais résultats au dernier niveau d’enseignement sans en compromettre la qualité. Autres faits marquants • Dans les pays de l’OCDE, en moyenne 66 % des étudiants dont au moins l’un des deux parents est diplômé de l’enseignement tertiaire décrochent leur diplôme de fin d’études tertiaires, alors qu’ils ne sont que 37 % à y parvenir si leurs parents sont au plus diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire (CITE 3) ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire (CITE 4). Un individu sur cinq seulement (soit 20 %) dont les parents sont peu instruits obtient un diplôme de fin d’études tertiaires. • C’est aux États-Unis, en Italie, au Portugal et en Turquie que les individus dont les parents sont peu instruits sont les moins susceptibles d’atteindre un niveau de formation supérieur à celui de leurs parents. Dans ces pays, plus de 40 % d’entre eux n’arrivent pas au terme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et moins de 20 % décrochent un diplôme de fin d’études tertiaires. • Les jeunes femmes sont nettement avantagées par rapport aux jeunes hommes lorsqu’il s’agit de dépasser le niveau de formation de leurs parents. Les écarts de mobilité ascendante sont particulièrement nets en Espagne, en Grèce, en Islande, en Norvège, au Portugal et en Slovénie, où les jeunes femmes sont plus susceptibles, dans une mesure égale à 10 points de pourcentage, d’appartenir à ce groupe que les jeunes hommes. • Les jeunes adultes dont les parents ont un niveau de formation équivalent au deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou à l’enseignement post-secondaire non tertiaire sont 21 % à atteindre ce niveau sans aller plus loin. En Allemagne, en Autriche, en République slovaque, en République tchèque, en Slovénie et en Suisse, ils sont même plus de 30 %, ce qui reflète l’importance de ce niveau d’enseignement – surtout en filière professionnelle – dans ces pays. Tendances Avec le développement des systèmes d’éducation dans de nombreux pays de l’OCDE, à la fois dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, l’enseignement post-secondaire non tertiaire et l’enseignement tertiaire, les jeunes adultes ont désormais la possibilité d’atteindre un niveau de formation supérieur à celui de leurs parents. En moyenne, 37 % d’entre eux affichent un niveau de formation supérieur à celui de leurs parents, alors que 13 % seulement n’arrivent pas à les égaler. Dans tous les pays, sauf en Allemagne, en Estonie et en Islande, la mobilité du niveau de formation est plus souvent ascendante que descendante, ce qui reflète le développement des systèmes d’éducation dans la plupart des pays. Le système d’éducation s’est particulièrement développé en Australie, en Grèce, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Pologne et en République tchèque, où l’on observe un écart égal ou supérieur à 40 points de pourcentage entre la mobilité ascendante et la mobilité descendante en matière de formation. Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 109 chapitre A A6 Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage Analyse Inégalités d’accès à l’enseignement tertiaire dans les pays de l’OCDE Une certaine prudence s’impose lors de l’interprétation des résultats du tableau A6.1, car une partie de l’enseignement tertiaire, en l’occurrence le niveau CITE 5B, est exclue de l’enquête ALL (Adult Literacy and Lifeskills), dont proviennent les données de l’Australie, du Canada, des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande, ce qui peut créer des biais lors de la comparaison avec les autres pays inclus dans le module ad hoc sur les transitions de 2009, qui inclut des données sur le niveau CITE 5B (voir la section « Définitions » à la fin de cet indicateur pour plus de précisions). L’exclusion des données sur le niveau CITE 5B pourrait entraîner une sousestimation de la mobilité ascendante, dans la mesure où les individus dont les parents sont peu instruits qui décrochent un diplôme de niveau CITE 5B sont exclus des chiffres sur les diplômés de l’enseignement tertiaire. Pour évaluer les inégalités dans l’accès à l’enseignement tertiaire, on rapporte le pourcentage d’individus qui entament des études à ce niveau d’enseignement aux pourcentages de parents à chaque niveau de formation dans la population totale de parents. Par exemple, le rapport de cotes d’un individu dont les parents sont peu instruits est estimé sur la base du pourcentage d’étudiants en formation tertiaire dont les parents sont peu instruits parmi l’effectif total de parents peu instruits dans la population totale. Un rapport de cotes inférieur à 1 dénote une probabilité peu élevée d’accéder à l’enseignement tertiaire, et un rapport de cotes supérieur à 1, une probabilité élevée d’y parvenir. Un rapport de cotes proche de 1 dénote une situation d’égalité des chances. Comme le montre le graphique d’introduction (le graphique A6.1), les jeunes adultes ont peu de chances d’entamer des études tertiaires si leurs parents n’ont pas terminé leurs études secondaires. Le rapport de cotes – soit le rapport entre le pourcentage d’étudiants de l’enseignement tertiaire dont les parents sont peu instruits et le pourcentage de parents peu instruits dans l’effectif total de parents – est nettement inférieur à 1 dans tous les pays. La probabilité que ces jeunes entament des études tertiaires n’est supérieure à 50 % que dans neuf pays, à savoir au Danemark, en Espagne, en Irlande, en Islande, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède et en Turquie. Au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, la probabilité que les individus âgés de 20 à 34 ans dont les parents sont peu instruits suivent des études tertiaires est inférieure à 30 % (voir le tableau A6.1). Sachant que, dans les pays de l’OCDE, un tiers des parents n’ont pas terminé leurs études secondaires, le problème est important dans de nombreux pays. En Allemagne, en Finlande, en Norvège et en Nouvelle‑Zélande, où les parents non diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire sont au plus 15 %, le pourcentage de jeunes qui doivent surmonter cet obstacle particulier à l’accès à l’enseignement tertiaire est moins élevé (voir le graphique A6.1). Le graphique A6.2 analyse la situation à l’autre extrémité du spectre : il indique la probabilité qu’ont les jeunes dont les parents sont très instruits d’entamer des études tertiaires. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, près de la moitié des étudiants en formation tertiaire (48 %) sont issus de familles très instruites, dont au moins l’un des deux parents est diplômé de l’enseignement tertiaire. Au Canada, au Danemark, aux États-Unis, en Estonie, en Finlande et en Nouvelle-Zélande, les individus dont l’un des deux parents est titulaire d’un diplôme de fin d’études tertiaires représentent plus de 60 % de l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire. Toutefois, dans ces pays, au moins 40 % des parents sont diplômés de l’enseignement tertiaire, des pourcentages parmi les plus élevés de l’OCDE. C’est pourquoi, exception faite de la Nouvelle-Zélande, le rapport de cotes y est dans l’ensemble moins élevé que dans les autres pays (voir le graphique A6.2). Dans l’ensemble, les individus dont les parents sont plus instruits sont plus susceptibles d’entamer des études tertiaires. En moyenne, les adultes âgés de 20 à 34 ans dont les parents sont très instruits sont près de deux fois (1.9) plus susceptibles de faire des études tertiaires par comparaison avec le pourcentage de ce type de ménages dans la population. Le rapport de cotes le plus élevé les concernant s’observe au Portugal et en Turquie (où il est supérieur à 3). En Autriche, en Espagne, en Grèce, en Hongrie, en Italie, en République slovaque et en 110 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 Dans quelle mesure le niveau de formation des parents influe-t-il sur l’accès à l’enseignement tertiaire ? – Indicateur A6 chapitre A République tchèque, les jeunes adultes sont plus de deux fois plus susceptibles de suivre des études tertiaires si leurs parents sont diplômés de ce niveau d’enseignement, par comparaison avec le pourcentage de ce type de ménages dans la population (voir le tableau A6.1). L’avantage d’être né de parents très instruits est moins important dans les pays où les diplômés de l’enseignement tertiaire sont nombreux dans la population, ainsi que dans ceux où le coût privé de l’enseignement tertiaire est relativement peu élevé. Les pays nordiques – le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède –, l’Estonie et le Luxembourg se démarquent à cet égard : le rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire y est inférieur à 1.5 chez les individus dont les parents sont très instruits (voir le graphique A6.2). Graphique A6.2. Participation à l’enseignement tertiaire des étudiants dont les parents sont très instruits (2009) Pourcentage de jeunes adultes (20-34 ans) scolarisés dans l’enseignement tertiaire dont les parents sont très instruits (axe de gauche) Pourcentage de parents très instruits dans la population totale de parents (axe de gauche) Danemark Islande Norvège Luxembourg Suède Estonie Finlande Pays-Bas Canada2 Slovénie Suisse États-Unis2 Allemagne Royaume-Uni Belgique Irlande Australie1 Moyenne OCDE Pologne Nouvelle-Zélande1 France Autriche Grèce Espagne Rép. slovaque Hongrie Italie Rép. tchèque Turquie Portugal 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Rapport de cotes Rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire des individus dont les parents sont très instruits (axe de droite) % 4.0 3.5 3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 0.0 Remarque : l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire est sous-estimé en Australie, au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande par rapport aux autres pays car il ne comprend que les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A, tandis que l’effectif d’étudiants des autres pays inclut les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A et/ou CITE 5B. L’absence de données sur les effectifs des formations de niveau CITE 5B peut donc entraîner, dans ces pays, une sous-estimation de la mobilité intergénérationnelle. 1. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2006. 2. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2003. Les pays sont classés par ordre décroissant du rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire. Source : OCDE. Tableau A6.1. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678388 Le pourcentage d’individus dont au moins un des deux parents est diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire (niveau CITE 3 ou 4) dans l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire est, en moyenne, proportionnel au pourcentage de parents ayant ce niveau de formation dans la population de parents. Hommes et femmes sont nettement avantagés si leurs parents sont diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire en Italie, au Portugal et en Turquie (le rapport de cotes y est supérieur à 1.5). Au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, en revanche, la probabilité qu’ont les jeunes hommes de suivre des études tertiaires est inférieure à 50 % si leurs parents sont diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire (voir le tableau A6.1). Inégalités au début de la scolarité et dans l’enseignement tertiaire Les pays où l’effectif de l’enseignement tertiaire a augmenté ces dernières années sont généralement ceux où le pourcentage d’étudiants issus de milieux moins favorisés a augmenté. Toutefois, l’élévation du niveau de formation, que montre l’écart de niveau entre les 25-34 ans et les 45-54 ans, explique moins de 5 % de la variation de la probabilité qu’ont les individus de suivre des études tertiaires si leurs parents sont peu instruits (voir l’indicateur A1, tableau A1.3a). Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 111 A6 chapitre A A6 Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage Le parcours scolaire antérieur a nettement plus d’impact sur l’accès à l’enseignement tertiaire chez les individus dont les parents sont peu instruits. Les résultats du cycle PISA 2000 permettent d’évaluer la situation. Les données de l’enquête PISA et celles présentées dans cet indicateur permettent de décrire la qualité et les inégalités de l’éducation à l’âge de 15 ans, puis dans l’enseignement tertiaire, dans les pays de l’OCDE. Les données sur l’accès à l’enseignement tertiaire se rapportant à 2009, année où la plupart des participants au cycle PISA 2000 avaient désormais 24 ans, soit l’âge typique de ceux qui suivent des études tertiaires dans de nombreux pays. Dans cette analyse, la tranche d’âge étendue retenue concernant l’accès à l’enseignement tertiaire (entre l’âge de 20 et de 34 ans) risque cependant de réduire la corrélation entre les deux variables. Le graphique A6.3 situe les pays en fonction de l’impact du milieu socio-économique sur la performance des élèves lors du cycle PISA 2000 et du rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire chez les individus dont les parents sont peu instruits. Les inégalités en début de scolarité sont en forte corrélation avec l’accès à l’enseignement tertiaire des individus dont les parents sont peu instruits (ce facteur explique 37 % de la variance). Les pays qui réussissent à dispenser un enseignement de qualité à tous les élèves, quel que soit leur milieu socio-économique, durant leur scolarité obligatoire comptent également parmi ceux où le rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire est plus favorable chez les individus dont les parents sont peu instruits (voir le graphique A6.3). Graphique A6.3. Impact du milieu socio-économique sur la performance des élèves lors du cycle PISA 2000, et rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire pour un individu dont les parents sont peu instruits (2009) Rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire des adultes âgés de 20 à 34 ans dont les parents sont peu instruits (2009) 0.8 Islande 0.7 Portugal Irlande 0.6 Espagne 0.5 Finlande 0.4 Pologne Italie Grèce 0.3 Danemark Suède Norvège Autriche Australie1 Hongrie Belgique Suisse Rép. tchèque États-Unis2 Canada2 0.2 Allemagne Nouvelle-Zélande1 0.1 R2 = 0.37 0.0 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 Impact de l indice PISA de statut économique social et culturel (SESC) sur la performance des élèves en compréhension de l’écrit (2000) Remarque : l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire est sous-estimé en Australie, au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande par rapport aux autres pays car il ne comprend que les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A, tandis que l’effectif d’étudiants des autres pays inclut les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A et/ou CITE 5B. L’absence de données sur les effectifs des formations de niveau CITE 5B peut donc entraîner, dans ces pays, une sous-estimation de la mobilité intergénérationnelle. 1. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2006. 2. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2003. Source : OCDE. Tableau A6.1 et tableau A6.4, disponible en ligne. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678407 Isoler l’impact de l’indice PISA de statut économique, social et culturel (SESC) sur la performance des élèves en compréhension de l’écrit pour évaluer la variance intra- et inter-établissements est le prolongement logique de ce qui précède (voir le tableau A6.1 et le tableau A6.4, en ligne). Une relation positive s’observe entre le rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire chez les individus dont les parents sont peu instruits et un impact peu élevé de l’indice SESC sur la performance des élèves en compréhension de l’écrit (elle explique entre 20 % et 25 % de la variance entre les pays, selon le modèle utilisé). Ce constat donne à penser que les pays qui 112 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 Dans quelle mesure le niveau de formation des parents influe-t-il sur l’accès à l’enseignement tertiaire ? – Indicateur A6 chapitre A réussissent à dispenser un enseignement de qualité dans les établissements défavorisés sont aussi ceux où les individus dont les parents sont peu instruits sont plus nombreux à suivre des études tertiaires. Par ailleurs, la corrélation intra-établissement entre la performance des élèves et le milieu socio-économique est étroitement liée au rapport de cotes inférieur de l’accès à l’enseignement tertiaire chez les individus dont les parents sont très instruits (elle explique 27 % environ de la variance entre les pays). De même, la probabilité supérieure qu’ont les individus dont les parents sont très instruits de suivre des études tertiaires diminue nettement dans les pays où l’enseignement est de qualité durant la scolarité obligatoire. La corrélation entre la performance moyenne en compréhension de l’écrit lors du cycle PISA 2000 et le rapport de cotes de l’accès à l’enseignement tertiaire chez les individus âgés de 20 à 34 ans dont les parents sont très instruits explique un tiers de la variance entre les pays (voire la moitié de la variance entre les pays si les scores moyens du cycle PISA 2003 sont utilisés ; R2 : 0.44). Dans l’ensemble, garantir un enseignement de qualité (dont l’indicateur est un score moyen élevé aux épreuves PISA) et la mixité sociale au sein des établissements (dont l’indicateur est une corrélation intraétablissement plus forte de l’indice SESC) semble important pour permettre aux individus dont les parents sont peu instruits de faire jeu égal avec ceux dont les parents sont très instruits, qui sont nombreux à en retirer un avantage important. Ces résultats donnent à penser que l’apprentissage auprès des pairs a un réel impact et que bénéficier d’un bon soutien parental est moins important dans les pays où l’enseignement est de qualité. Faire en sorte qu’aucun établissement n’échoue (avec comme indicateur un impact peu important de l’indice SESC) est un facteur de choix pour améliorer l’accès des individus dont les parents sont peu instruits à l’enseignement tertiaire. Réussir dans l’enseignement tertiaire – Où les individus dont les parents sont peu instruits y parviennent-ils ? Décrocher un diplôme de l’enseignement tertiaire est source d’avantages substantiels, tant pour les individus que pour la société. Il est donc tout à fait sensé sur le plan économique de faire en sorte que ceux qui entament des études tertiaires les réussissent, en particulier s’ils sont de condition modeste. Le tableau A6.2 indique le niveau de formation des adultes non scolarisés âgés de 25 à 34 ans en fonction du niveau de formation de leurs parents. Dans les pays de l’OCDE, en moyenne 66 % des individus dont au moins l’un des deux parents est très instruit ont terminé avec succès leurs études tertiaires, contre 37 % seulement chez ceux dont les parents ne sont pas allés au-delà du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou post-secondaire non tertiaire (niveau CITE 3 ou 4). Enfin, 20 % seulement des individus dont les parents sont peu instruits sont diplômés de l’enseignement tertiaire. La probabilité de décrocher un diplôme de l’enseignement tertiaire est nettement moins élevée chez les jeunes hommes que chez les jeunes femmes. À cet égard, l’écart représente, en moyenne, 7 points de pourcentage si les parents sont peu instruits, 9 points de pourcentage si les parents sont diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire (niveau CITE 3 ou 4), et 10 points de pourcentage si les parents sont diplômés de l’enseignement tertiaire. Le graphique A6.4 analyse de plus près l’élévation du niveau de formation, ou mobilité ascendante, chez les individus dont les parents sont peu instruits : il compare le pourcentage de jeunes adultes non scolarisés dont les parents sont peu instruits qui, d’une part, ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et, d’autre part, sont diplômés de l’enseignement tertiaire (entre ces deux extrêmes, l’intermédiaire étant un niveau de formation équivalent au deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou à l’enseignement post-secondaire non tertiaire). C’est dans les pays situés dans le quadrant supérieur droit du graphique que les jeunes adultes dont les parents sont peu instruits ont le plus de chances d’élever leur niveau de formation (mobilité ascendante). Leur probabilité de terminer avec succès des études tertiaires est supérieure à 25 % au Canada, au Danemark, en Finlande, en France, aux Pays-Bas et en Suède, et à 30 % en Australie et en Irlande. Ces jeunes adultes sont partout moins de 30 % à ne pas avoir décroché leur diplôme de fin d’études secondaires (voir le graphique A6.4). Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 113 A6 chapitre A Graphique A6.4. Où les individus dont les parents sont peu instruits réussissent-ils ? (2009) Niveau de formation des adultes non scolarisés âgés de 25 à 34 ans dont les parents ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire Pourcentage d’adultes non scolarisés diplômés de l’enseignement tertiaire dont les parents sont peu instruits Islande Moyenne OCDE Espagne Royaume-Uni Nouvelle-Zélande1 Luxembourg Norvège Portugal Italie Australie1 40 35 Irlande Pays-Bas France Belgique Suède Finlande Canada2 Danemark Allemagne 30 25 Moyenne OCDE Suisse États-Unis2 Grèce Turquie 45 Moyenne OCDE A6 Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage 20 Slovénie 15 Pologne Autriche 10 Hongrie 5 Rép. tchèque 80 70 60 50 Pourcentage d’adultes non scolarisés dont le niveau de formation est inférieur au deuxième cycle de l’enseignement secondaire et dont les parents sont peu instruits 40 30 20 0 10 0 Remarque : l’effectif d’étudiants de l’enseignement tertiaire est sous-estimé en Australie, au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande par rapport aux autres pays car il ne comprend que les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A, tandis que l’effectif d’étudiants des autres pays inclut les étudiants suivant une formation de niveau CITE 5A et/ou CITE 5B. L’absence de données sur les effectifs des formations de niveau CITE 5B peut donc entraîner, dans ces pays, une sous-estimation de la mobilité intergénérationnelle. 1. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2006. 2. Source des données : Adult Literacy and Lifeskills Survey (ALL) de 2003. Source : OCDE. Tableau A6.2. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678426 En Autriche, en Hongrie, en Pologne, en République tchèque et en Slovénie (dans le quadrant inférieur droit), les jeunes adultes non scolarisés âgés de 24 à 35 ans dont les parents sont peu instruits sont moins nombreux à avoir terminé avec succès des études tertiaires, mais plus nombreux à avoir décroché leur diplôme de fin d’études secondaires. En Espagne, en Islande, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni (dans le quadrant supérieur gauche), ils sont relativement nombreux à être diplômés de l’enseignement tertiaire, mais relativement nombreux aussi à ne pas avoir dépassé le niveau de formation de leurs parents. Aux États-Unis, en Italie, au Portugal et en Turquie (dans le quadrant inférieur gauche), plus de 40 % des jeunes adultes dont les parents sont peu instruits ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, et moins de 20 % d’entre eux sont diplômés de l’enseignement tertiaire. Élévation du niveau de formation entre les générations Dans l’ensemble, l’élévation du niveau de formation entre les générations, ou mobilité intergénérationnelle, est en forte corrélation avec l’accroissement de la scolarisation, tant dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire et l’enseignement post-secondaire non tertiaire (niveau CITE 3 et 4) que dans l’enseignement tertiaire. Dans les pays où les taux de scolarisation n’ont pas autant progressé aux niveaux supérieurs d’enseignement, la mobilité intergénérationnelle dépend de l’intensité de la relation entre le niveau de formation des parents et celui de leurs enfants. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, environ la moitié des adultes non scolarisés âgés de 25 à 34 ans ont le même niveau de formation que leurs parents : 13 % ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, 22 % sont titulaires d’un diplôme de niveau intermédiaire (niveau CITE 3 ou 4) et 15 % sont 114 Regards sur l’éducation   © OCDE 2012 chapitre A Dans quelle mesure le niveau de formation des parents influe-t-il sur l’accès à l’enseignement tertiaire ? – Indicateur A6 diplômés de l’enseignement tertiaire. Plus d’un tiers d’entre eux (37 %) ont dépassé le niveau de formation de leurs parents, mais 13 % ne l’ont pas atteint (voir le tableau A6.3). Les pourcentages de femmes et d’hommes non scolarisés âgés de 25 à 34 ans qui ont atteint le même niveau de formation que leurs parents sont du même ordre. Toutefois, la probabilité qu’ont les jeunes femmes de dépasser le niveau de formation de leurs parents est supérieure de 5 points de pourcentage à celle des jeunes hommes (40 %, contre 35 %), et les jeunes hommes sont plus susceptibles que les jeunes femmes de ne pas atteindre le niveau de formation de leurs parents (15 %, contre 11 %). Les différences de mobilité ascendante sont particulièrement marquées en Espagne, en Grèce, en Islande, en Norvège, au Portugal et en Slovénie, où les jeunes femmes sont plus susceptibles que les jeunes hommes d’appartenir à ce groupe (dans une mesure égale ou supérieure à 10 points de pourcentage). Le graphique A6.5 montre l’élévation du niveau de formation entre les générations dans les pays de l’OCDE : il indique le pourcentage d’adultes non scolarisés âgés de 25 à 34 ans dont le niveau de formation est supérieur à celui de leurs parents (mobilité ascendante), inférieur à celui de leurs parents (mobilité descendante) ou équivalent à celui de leurs parents (statu quo), les parents étant répartis en trois catégories (peu instruits [niveau inférieur], instruits [niveau intermédiaire] et très instruits [niveau supérieur]). En Hongrie, en Irlande et en Pologne, plus de la moitié des jeunes adultes âgés de 25 à 34 ans ont dépassé le niveau de formation de leurs parents, et rares sont ceux qui ne l’ont pas atteint. En Australie, en Espagne, en France, en Grèce, en Italie, en République tchèque et en Suède, ils sont au moins 45 % à avoir dépassé le niveau de formation de leurs parents. En France et en Suède, toutefois, ils sont au moins 10 % à ne pas avoir atteint le niveau de formation de leurs parents.
14,489
2021AIXM0498_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,021
Etude du potentiel énergétique d'un réseau d'adduction d'eau
None
French
Spoken
8,457
15,603
Pour déterminer la température de l’eau, il est nécessaire d’évaluer l’échange de chaleur entre la conduite et le sol. Trois modèles issues de la littérature sur le calcul de la température de l’eau dans les réseaux ont été évalués. Les hypothèses qui sont faites pour le calcul conduisent à une erreur importante sur la valeur de l’énergie échangée ou sur la température de l’eau à l’équilibre. Dans cette thèse, il a alors été proposé d’utiliser la méthode de Barletta et al. Il s’agit d’une méthode qui a été développée pour l’industrie pétrolière permettant le calcul de la température dans une conduite seule. Cette méthode a été implémentée pour le calcul sur des réseaux d’eau complet. Les logiciels Epanet et Epanet MSX sont utilisés pour le calcul. Le calcul a été réalisé pour une année entière sur le réseau du canal de Provence, il s’agit d’un réseau d’adduction d’eau constitué de 5600 km de canalisations. Les résultats obtenus ont été validés avec des mesures sur le réseau. Une erreur maximale de 10 % sur le débit est obtenue. La racine carrée de l’erreur quadratique moyenne sur la température de l’eau est de 0, 84◦C. 186 Conclusions et perspectives – L’impact de l’ajout d’échanges de chaleur sur le réseau a ensuite été étudié. Plusieurs utilisations sont envisagées, en particulier, le refroidissement avec une puissance échangée constante et le chauffage (ou climatisation) de bâtiments. Dans ce dernier cas, l’évolution des consommations d’énergie des utilisateurs doit être déterminée. Un modèle thermique dynamique des bâtiments a été défini. Les bilans d’énergie pour le bâtiment et la PAC sont résolus le logiciel Simulink. Le modèle du deuxième chapitre est repris et les échanges de chaleur ont été ajoutés. L’influence de l’échange sur la température de l’eau est visible principalement dans les conduites de fort diamètre dans lesquelles circule un débit d’eau important. Pour ces conduites, plusieurs dizaines de kilomètres sont nécessaires pour atteindre l’équilibre thermique avec le sol. Dans les conduites de plus faible diamètre, le temps de séjour est généralement plus long et l’équilibre thermique avec le sol est atteint plus rapidement. A notre connaissance, il n’existe pas d’étude sur le calcul du potentiel d’échange des réseaux entiers. Pour combler ce manque, un algorithme a été développé, il permet d’évaluer l’échange de chaleur maximal avec le réseau en imposant une température minimale (pour la production de chaleur) ou une température maximale (pour la production de froid). L’évaluation du potentiel hydrodynamique du réseau est un problème similaire, la méthode a donc été adaptée pour ce calcul en imposant une contrainte de pression minimale en tout point du réseau. Pour les réseaux qui ont été modélisés, le potentiel thermique pour le chauffage et le refroidissement est de plusieurs centaines de gigawatt-heures. La valeur obtenue pour ces réseaux a été extrapolée sur l’ensemble du canal de Provence. Le potentiel pour le chauffage est de 6500 GW h.an −1, il est de 3000 GW h.an −1 pour le refroidissement. Le potentiel pour la production d’hydroélectricité est de 80 GW h.an −1. Ces valeurs sont la borne supérieure de la chaleur qu’il est possible d’échanger avec le réseau pour une application donnée avec une contrainte fixée. La possibilité d’alterner les applications de chauffage et de refroidissement pourrait permettre d’augmenter la chaleur échangée au-delà de ces valeurs. Le calcul a montré que le potentiel n’est pas uniformément réparti sur le réseau ; il se concentre sur les conduites de fort diamètre dans lesquelles circule une quantité d’eau importante. Le calcul qui a été effectué montre également une forte variabilité temporelle du potentiel. Une difficulté de l’utilisation de ce type de source de chaleur réside dans la variation temporelle du débit et de la température de l’eau. Une méthode de dimensionnement des échangeurs a été développée. Basée sur la minimisation de la création d’entropie en régime dynamique, cette méthode permet de prendre en compte l’aspect dynamique du fonctionnement des systèmes d’échange. L’utilisation de la création d’entropie comme critère d’optimisation permet de rassembler l’ensemble des irréversibilités en une seule valeur. Cette valeur peut alors être utilisée comme fonction objectif. Le fonctionnement dynamique des systèmes étant inévitable dans la réalité, la méthode 187 Conclusions et perspectives – qui a été développée permet de proposer une alternative au dimensionnement en régime permanent des systèmes. Pour évaluer la création d’entropie au cours du temps, un modèle d’échangeur a été développé. Le calcul a été réalisé pour des échangeurs contre-courant à tubes concentriques. Dans ce calcul, les dissipations visqueuses sont prises en compte. Pour le calcul, les conditions en entrée de l’échangeur sont spécifiées. Pour chaque fluide, il faut spécifier deux paramètres parmi : — la température en entrée, — le débit massique, — la chaleur échangée par le fluide. La méthode a été appliquée sur deux cas d’étude : le refroidissement d’un datacenter et le chauffage d’un bâtiment. Comme référence, l’échangeur est dimensionné en régime permanent. Avec cette méthode, il nécessaire de fixer certains paramètres de dimensionnement, ici, la vitesse des fluides a été fixée à 1 m.s −1. Dans les deux cas d’étude, la méthode développée permet de réduire la création d’entropie de 40 % par rapport au dimensionnement de référence en régime permanent. Perspectives Installation de systèmes sur le réseau Cette thèse a mis en avant un potentiel des réseaux pour les échanges de chaleur qui semble intéressant. L’impact des échanges a été évalué avec un modèle numérique. Une des perspectives des travaux de thèse est donc l’installation de systèmes sur le réseau. Ces installations pourraient permettre d’obtenir des mesures et de les confronter aux résultats de modélisation. En particulier, l’ajout d’échange de chaleur dans le modèle de réseau ne peut être validé expérimentalement qu’avec l’ajout d’une installation réelle. Deux projets d’utilisation thermique du canal de Provence sont actuellement à l’étude : le refroidissement d’un datacenter et le chauffage et la climatisation de certains bâtiments de la SCP. Pour le datacenter, la température du canal de Provence permet un refroidissement direct sur une partie de l’année. Le gain d’efficacité énergétique dans ce cas semble alors intéressant. Les bâtiments de la SCP qu’il est envisagé de chauffer se situent à proximité du réseau avec un débit d’eau important. L’installation aurait alors une très faible influence sur la température d’eau. Ce projet pourrait permettre d’évaluer le gain d’efficacité énergétique des systèmes de chauffage dans un cas de fonctionnement réel. Un troisième projet a été étudié durant la thèse, il s’agit du refroidissement de compresseur d’air industriel. Les niveaux de température requis auraient permis d’utiliser un échange direct pour le refroidissement. Les compresseurs étant actuellement refroidis avec une machine frigorifique et des aérocondenseurs, la réduction des consommations d’énergie au été importante. Cependant, la longueur de canalisa- 188 Conclusions et perspectives – tion à installer pour dévier l’eau vers le système est trop importante (environ 2 km). La distance au réseau apparaît alors comme un facteur important pour évaluer la faisabilité des projets. Une des perspectives qui apparaît alors est le développement d’un outil, permettant de localiser les besoins d’échange en regard des potentiels qui ont été calculés dans cette thèse. Dans cette étude, il a également été mis en avant le besoin d’estimer au mieux les besoins de l’utilisateur (puissance à échanger et niveau de température). Calcul de la minimisation de la création d’entropie La minimisation de la création d’entropie en régime dynamique a été proposée pour le dimensionnement des échangeurs de chaleur. Les perspectives pour cette méthode sont d’abord la prise en compte d’autres géométries. Le cas co-courant a été développé et le développement pour les échangeurs à plaques est en cours. Le modèle a été développé de telle sorte qu’il peut être facilement adapté à d’autres problèmes. Il peut servir de base pour le calcul de la création d’entropie dans des évaporateurs, dans des condenseurs et dans des réacteurs tubulaires. Dans cette étude, l’eau du réseau échange directement avec le fluide de travail (fluide caloporteur ou fluide frigorigène). Dans certains cas, afin de garantir la qualité de l’eau, il sera nécessaire d’ajouter une boucle d’eau entre le réseau et l’utilisateur. Cette configuration dégrade l’efficacité du système en modifiant les niveaux de température des fluides, il serait donc intéressant d’optimiser ce type de système. Ensuite, la méthode pourrait être appliquée à des systèmes énergétiques plus complexes, en particulier, les pompes à chaleur et les machines frigorifiques. Pour ces systèmes, une partie du travail a déjà été réalisée puisqu’ils comportent des échangeurs. Il faut alors calcul la création d’entropie pour les autres parties des systèmes (compresseur et vanne de détente) et proposer une méthode pour réunir les différents éléments. Les pertes de charge dans l’échangeur ont été prises en compte pour le calcul de la création d’entropie, cependant la création d’entropie liée aux pertes de charge du réseau n’a pas été calculée. Si les pertes de charge de l’échangeur sont compensées par l’ajout d’une vanne sur le réseau, les pertes de charge du réseau ne sont pas négligeables. Il serait donc nécessaire de prendre en compte la création d’entropie du réseau dans le calcul d’optimisation. Il faudrait s’intéresser aux mécanismes de création d’entropie dans l’échange de chaleur. En particulier, les questions d’équipartition de la production d’entropie font actuellement l’objet d’un nombre important d’études. Ce type de considérations pourrait permettre de proposer des critères de dimensionnement plus généraux. Étude d’autres types de réseaux Plusieurs autres types de réseau ont été envisagés dans la littérature pour les échanges de chaleur. Il serait intéressant d’appliquer les méthodes développées ici à ces réseaux. En particulier, les réseaux d’eau urbains semblent intéressant, car ils sont nombreux et 189 Conclusions et perspectives – proches de nombreux utilisateurs éventuels. Les réseaux d’eaux usées sont également nombreux et les contraintes de température de l’eau dans ces réseaux sont plus faibles. Transport de chaleur avec le réseau L’utilisation du canal de Provence a été considérée soit pour des applications de chauffage ou de refroidissement. Il peut être intéressant d’alterner les usages, ainsi, la chaleur (ou le froid) évacuée par un utilisateur pourrait être valorisée par un autre utilisateur en aval. Plutôt qu’une source de chaleur, le réseau jouerait alors un rôle de vecteur énergétique. Le réseau pourrait permettre de transporter des quantités d’ nergie très importantes. Comme il a été montré dans le quatrième chapitre, le transport d’énergie s’effectue sur des longueurs importantes dans les conduites de gros diamètre. Cette utilisation fait alors apparaître une problématique importante concernant la synergie entre les utilisateurs. En effet, les utilisateurs en aval sont dépendants de ceux en amont. Ce type de problématique est étudié au sein de l’équipe de recherche au laboratoire, notamment avec le concept de Blueprint développé pour l’étude des symbioses industrielles. L’étude de la synergie entre les utilisateurs est donc une des perspectives du travail de cette thèse. Par exemple, un outil, basé sur la modélisation des réseaux, qui permettrait d’identifier les utilisateurs dont les besoins sont complémentaires pourrait être développé. Évaluation de l’impact du changement climatique sur la température de l’eau La dernière perspective qui a été identifiée concerne l’évaluation de l’impact du changement climatique sur la température de l’eau dans le réseau. En effet, le modèle de température dans le réseau permet de déterminer, à partir de données météorologiques, la température de l’eau dans le réseau. Il est alors possible d’utiliser ce modèle ainsi que les projections sur les climats futurs (déterminée à partir des scénarios d’émission de CO2 ) pour déterminer ce que pourrait être la température de l’eau dans le réseau dans le futur. 190 Bibliographie [1] S. A CEVES -S ABORIO, J. R ANASINGHE et G. M. R EISTAD. « An Extension to the Irreversibility Minimization Analysis Applied to Heat Exchangers ». en. In : Journal of Heat Transfer 111.1 (fév. 1989), p. 29-36. ISSN : 0022-1481. DOI : 10.1115/1.3250654 (cf. p. 138). [2] Agir En Cohérence Avec Les Ambitions. Rapp. tech. Haut conseil pour le climat, juin 2019 (cf. p. 20). [3] C. A GUDELO -V ERA, Mirjam B LOKKER et I. P IETER -QUIRIJNS. « Early Warning Systems to Predict Temperature in the Drinking Water Distribution Network ». In : Proced ia Engineering. 12th International Conference on Computing and Control for the Water Industry , CCWI2013 70 (jan. 2014 ), p. 23-30. ISSN : 18 777 058. DOI : 10.1016/j. pro eng.2014.02.004 (cf. p. 42, 43). [4] Claudia A GUDELO -V ERA, Stefania AVVEDIMENTO, Joby B OXALL et al. « Drinking Water Temperature around the Globe : Understanding, Policies, Challenges and Opportunities ». en. In : Water 12.4 (avr. 2020), p. 1049. ISSN : 2073-4441. DOI : 10.3390/w12041049 (cf. p. 30, 41). [5] Bjarne A NDRESEN. « Current Trends in Finite-Time Thermodynamics ». en. In : Angewandte Chemie International Edition 50.12 (mar. 2011), p. 2690-2704. ISSN : 14337851. DOI : 10.1002/anie.201001411 (cf. p. 123). [6] Bjarne A NDRESEN et J. M. G ORDON. « Optimal Paths for Minimizing Entropy Generation in a Common Class of Finite-Time Heating and Cooling Processes ». In : International Journal of Heat and Fluid Flow 13.3 (sept. 1992), p. 294-299. ISSN : 0142-727X. DOI : 10.1016/0142-727X(92)90043-9 (cf. p. 124). [7] José A NDÚJAR M ÁRQUEZ, Miguel M ARTÍNEZ B OHÓRQUEZ et Sergio G ÓMEZ M EL GAR. « Ground Thermal Diffusivity Calculation by Direct Soil Temperature Measurement. Application to Very Low Enthalpy Geothermal Energy Systems ». en. In : Sensors 16.3 (fév. 2016), p. 306. ISSN : 1424-8220. DOI : 10.3390/s16030306 (cf. p. 78). [8] F. A NGULO -B ROWN. « An Ecological Optimization Criterion for Finite-time Heat Engines ». In : Journal of Applied Physics 69.11 (juin 1991), p. 7465-7469. ISSN : 0021-8979. DOI : 10.1063/1. 347562 (cf. p. 123, 124). [9] Rosalind A. A RCHER, O& APOS et Michael J. S ULLIVAN. « Models for Heat Transfer from a Buried Pipe ». Anglais. In : SPE Journal 2.02 (juin 1997), p. 186-193. ISSN : 1086-055X. DOI : 10.2118/36763-PA (cf. p. 44). 191 Bibli ographie [10] Bjarne B ACH, Jesper W ERLING, Torben O MMEN et al. « Integration of LargeScale Heat Pumps in the District Heating Systems of Greater Copenhagen ». en. In : Energy 107 (juil. 2016), p. 321-334. ISSN : 03605442. DOI : 10.1016/j. energy.2016.04.029 (cf. p. 31). [11] Messaoud B ADACHE, Parham E SLAMI -N EJAD, Mohamed O UZZANE et al. « A New Modeling Approach for Improved Ground Temperature Profile Determination ». In : Renewable Energy 85 (jan. 2016), p. 436-444. ISSN : 0960-1481. DOI : 10.1016/j.renene.2015.06.020 (cf. p. 70). [12] A. B ARLETTA, E. Z ANCHINI, S. L AZZARI et al. « Numerical Study of Heat Transfer from an Offshore Buried Pipeline under Steady-Periodic Thermal Boundary Conditions ». en. In : Applied Thermal Engineering 28.10 (juil. 2008), p. 11681176. ISSN : 1359-4311. DOI : 10.1016/j.applthermaleng.2007.08.004 (cf. p. 43, 45, 57, 58, 60, 71, 72, 204-206). [13] Haim H. B AU et S.S. S ADHAI. « Heat Losses from a Fluid Flowing in a Buried Pipe ». en. In : International Journal of Heat and Mass Transfer 25.11 (nov. 1982), p. 1621-1629. ISSN : 00179310. DOI : 10.1016/00179310(82)901417 (cf. p. 44). [14] A. B EJAN. « The Concept of Irreversibility in Heat Exchanger Design : Counterflow Heat Exchangers for Gas-to-Gas Applications ». en. In : Journal of Heat Transfer 99.3 (août 1977), p. 374-380. ISSN : 0022-1481, 1528-8943. DOI : 10. 1115/1.3450705 (cf. p. 125, 134, 135). [15] Adrian B EJAN. « Second-Law Analysis in Heat Transfer and Thermal Design ». en. In : Advance in Heat Transfer. T. 15. Elsevier, 1982, p. 1-58. ISBN : 978-0-12020015-3. DOI : 10.1016/S0065-2717(08)70172-2 (cf. p. 124). [16] Adrian B EJAN. Entropy Generation Minimization : The Method of Thermodynamic Optimization of Finite-Size Systems and Finite-Time Processes. CRC press, 1995 (cf. p. 122-125, 128, 135, 137, 138, 168). [17] Adrian B EJAN. « Entropy Generation Minimization : The New Thermodynamics of Finite-size Devices and Finite-time Processes ». In : Journal of Applied Physics 79.3 (fév. 1996), p. 1191-1218. ISSN : 0021-8979. DOI : 10.1063/1.362674 (cf. p. 123, 124). [18] Adrian B EJAN. « Maximum Power from Fluid Flow ». In : International Journal of Heat and Mass Transfer 39.6 (avr. 1996), p. 1175-1181. ISSN : 0017-9310. DOI : 10.1016/0017-9310(95)00209-X (cf. p. 123). [19] Adrian B EJAN. « Method of Entropy Generation Minimization, or Modeling and Optimization Based on Combined Heat Transfer and Thermodynamics ». In : Revue Générale de Thermique 35.418 (nov. 1996), p. 637-646. ISSN : 0035-3159. DOI : 10.1016/S0035-3159(96)80059-6 (cf. p. 124). 192 Bibliographie [20] Adrian B EJAN. « Fundamentals of Exergy Analysis, Entropy Generation Minimization, and the Generation of Flow Architecture ». en. In : International Journal of Energy Research 26.7 (juin 2002), p. 0-43. ISSN : 0363-907X, 1099-114X. DOI : 10.1002/er.804 (cf. p. 124). [21] Adrian B EJAN. Advanced Engineering Thermodynamics. John Wiley & Sons, 2016 (cf. p. 124). [22] C. H. B LANCHARD. « Coefficient of Performance for Finite Speed Heat Pump ». en. In : Journal of Applied Physics 51.5 (1980), p. 2471. ISSN : 00218979. DOI : 10.1063/1.328020 (cf. p. 26). [23] Mirjam B LOKKER, A. M. van O SCH, R. H OGEVEEN et al. « Thermal Energy from Drinking Water and Cost Analysis for an Entire City ». en. In : Journal of Water and Climate Change 4.1 (mar. 2013), p. 11-16. ISSN : 2040-2244, 24089354. DOI : 10.2166/wcc.2013.010 (cf. p. 32-36, 42, 43). [24] Mirjam B LOKKER et E. J. P IETERSE -QUIRIJNS. « Modeling Temperature in the Drinking Water Distribution System ». In : Journal (American Water Works Association) 105.1 (2013), E19-E28. ISSN : 0003-150X (cf. p. 42, 43, 46, 56). [25] P. B OGACKI et L. F. S HAMPINE. « A 3(2) Pair of Runge Kutta Formulas ». en. In : Applied Mathematics Letters 2.4 (jan. 1989), p. 321-325. ISSN : 0893-9659. DOI : 10.1016/0893-9659(89)90079-7 (cf. p. 153). [26] Lucien B OREL et Daniel FAVRAT. Thermodynamique et énergétique. fre. Nouvelle édition entièrement revue et augmentée. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005. ISBN : 978-2-88074-545-5 (cf. p. 122). [27] G. E. P. B OX et K. B. W ILSON. « On the Experimental Attainment of Optimum Conditions ». en. In : Journal of the Royal Statistical Society : Series B (Methodological) 13.1 (1951), p. 1-38. ISSN : 2517-6161. DOI : 10.1111/j.25176161.1951.tb00067.x (cf. p. 160). [28] Sadi C ARNOT. « Réflexions Sur La Puissance Motrice Du Feu et Sur Les Machines Propres à Développer Cette Puissance ». In : Annales scientifiques de l’École normale supérieure 1 (1872), p. 393-457. ISSN : 0012-9593, 1873-2151. DOI : 10.24033/asens.88 (cf. p. 25, 123). [29] James E. C ARSON. « Analysis of Soil and Air Temperatures by Fourier Techniques ». In : Journal of Geophysical Research 68.8 (1963), p. 2217-2232 (cf. p. 70). [30] Yunus A. Ç ENGEL et Michael A. B OLES. Thermodynamics : An Engineering Approach. Eighth edition. New York : McGraw-Hill Education, 2015. ISBN : 978-0-07-33 7-4 (cf. p. 139). [31] Yunus A. Ç ENGEL et Afshin J. G HAJAR. Heat and Mass Transfer : Fundamentals & Applications. eng. 5th edition. New York, NY : McGraw-Hill Education, 2015. ISBN : 978-0-07-339818-1 (cf. p. 129). 193 Bibliographie [32] Paul C HAMBADAL. Les centrales nucléaires. fre. Collection Armand Colin N° 321. Paris : Armand Colin, 1957 (cf. p. 123). [33] Chauffer et Rafraichir Avec Une Énergie Renouvelable. Rapp. tech. Ademe, 2017 (cf. p. 29). [34] Jincan C HEN. « The Efficiency of an Irreversible Combined Cycle at Maximum Specific Power Output ». en. In : Journal of Physics D : Applied Physics 29.11 (1996), p. 2818. ISSN : 0022-3727. DOI : 10. 1088 /0022 3727 /29 /11 / 014 (cf. p. 124). [35] Jincan C HEN, Zijun YAN, Guoxing L IN et al. « On the Curzon–Ahlborn Efficiency and Its Connection with the Efficiencies of Real Heat Engines ». In : Energy Conversion and Management 42.2 (jan. 2001), p. 173-181. ISSN : 0196-8904. DOI : 10.1016/S0196-8904(00)00055-8 (cf. p. 123). [36] Lingen C HEN, Chih W U et Fengrui S UN. « Finite Time Thermodynamic Optimization or Entropy Generation Minimization of Energy Systems ». en. In : Journal of Non-Equilibrium Thermodynamics 24.4 (jan. 1999). ISSN : 0340-0204. DOI : 10.1515/JNETDY.1999.020 (cf. p. 123, 124). [37] Lingen C HEN, Chih W U et Fengrui S UN. « Finite Time Thermodynamic Optimization or Entropy Generation Minimization of Energy Systems ». In : Journal of Non-Equilibrium Thermodynamics 24.4 (2005), p. 327-359. DOI : 10.1515/ JNETDY.1999.020 (cf. p. 124). [38] Lixuan C HEN et Zijun YAN. « The Effect of Heat-transfer Law on Performance of a Two-heat-source Endoreversible Cycle ». In : The Journal of Chemical Physics 90.7 (avr. 1989), p. 3740-3743. ISSN : 0021-9606. DOI : 10. 1063 / 1. 455832 (cf. p. 124). [39] A. C HERVINSKY et Y. M ANHEIMER-T IMNAT. « Transfer of Liquefied Natural Gas in Long Insulated Pipes ». en. In : Cryogenics 9.3 (juin 1969), p. 180-185. ISSN : 00112275. DOI : 10.1016/0011-2275(69)90212-4 (cf. p. 43). [40] Yong C HO et Rin Y UN. « A Raw Water Source Heat Pump Air-Conditioning System ». en. In : Energy and Buildings 43.11 (nov. 2011), p. 3068-3073. ISSN : 03787788. DOI : 10.1016/j.enbuild.2011.07.028 (cf. p. 31). [41] R. L. C ORNELISSEN et G. G. H IRS. « Thermodynamic Optimisation of a Heat Exchanger ». In : International journal of heat and mass transfer 42.5 (1999), p. 951-960 (cf. p. 139). [42] Mathias C UNY. « Etude de l’impact des conditions géologiques et climatiques sur l’efficacité énergétique des systèmes géothermiques de surface ». fr. Thèse de doct. Université de Strasbourg, sept. 2017 (cf. p. 78). [43] F. L. C URZON et B. A HLBORN. « Efficiency of a Carnot Engine at Maximum Power Output ». In : American Journal of Physics 43.1 (1975), p. 22-24 (cf. p. 123, 124). 194 Bibliographie [44] A. M. D E PASQUALE, A. G IOSTRI, M. C. R OMANO et al. « District Heating by Drinking Water Heat Pump : Modelling and Energy Analysis of a Case Study in the City of Milan ». In : Energy 118 (jan. 2017), p. 246-263. ISSN : 0360-5442. DOI : 10.1016/j.energy.2016.12.014 (cf. p. 32-36, 42, 44-46, 56-58, 62). [45] Alexis D E V OS. « Thermodynamics of Photochemical Solar Energy Conversion ». en. In : Solar Energy Materials and Solar Cells 38.1 (jan. 1995), p. 11-22. ISSN : 0927-0248. DOI 10.1016/0927-0248(94)00210-X (cf. p. 123). [46] Si-Bo D UAN, Zhao-Liang L I, Hua L I et al. « Validation of Collection 6 MODIS Land Surface Temperature Product Using in Situ Measurements ». en. In : Remote Sensing of Environment 225 (mai 2019), p. 16-29. ISSN : 00344257. DOI : 10.1016/j.rse.2019.02.020 (cf. p. 69). [47] E. J. D UNLOP. « Cubic Interpolation from Moody Diagram for 2.000< Re< 4.000 ». In : WADI users’ manual, Local Government Computer Services Board, Dublin, Ireland (1991) (cf. p. 40). [48] J. A. E LIAS -M AXIL, Jan Peter VAN DER H OEK, Jan H OFMAN et al. « Energy in the Urban Water Cycle : Actions to Reduce the Total Expenditure of Fossil Fuels with Emphasis on Heat Reclamation from Urban Water ». In : Renewable and Sustainable Energy Reviews 30 (fév. 2014), p. 808-820. ISSN : 1364-0321. DOI : 10.1016/j.rser.2013.10.007 (cf. p. 31). [49] Michel F EIDT. « Optimal Thermodynamics—New Upperbounds ». en. In : Entropy 11.4 (sept. 2009), p. 529-547. ISSN : 1099-4300. DOI : 10.3390/e11040529 (cf. p. 123). [50] Michel F EIDT. « Thermodynamics Applied to Reverse Cycle Machines, a Review ». In : International Journal of Refrigeration 33.7 (nov. 2010), p. 1327-1342. ISSN : 0140-7007. DOI : 10.1016/j.ijrefrig.2010.07.016 (cf. p. 26). [51] Michel F EIDT. Thermodynamique et optimisation énergétique des systèmes et procédés. fre. Nouvelle édition. Paris : Tec & Doc Lavoisier, 2016. ISBN : 978-27430-2027-9 (cf. p. 123). [52] Michel F EIDT. « Thermodynamique Optimale En Dimensions Physiques Finies TODF ». In : ref. article : be8010 (2017) (cf. p 123). [53] Michel F EIDT, Monica C OSTEA et Renaud F EIDT. « Échangeurs de chaleur Fonctionnement en transitoire ». fr. In : (2019), p. 25 (cf. p. 132). [54] Michel F EIDT, Monica C OSTEA, Camelia P ETRE et al. « Optimization of the Direct Carnot Cycle ». In : Applied Thermal Engineering 27.5 (avr. 2007), p. 829839. ISSN : 1359-4311. DOI : 10. 1016 / j. applthermaleng. 2006. 09. 020 (cf. p. 123). [55] Michel F EIDT et Jean-Pierre F INANCE. Thermodynamique optimale en dimensions physiques finies. fre. Collection Thermique. Paris : Lavoisier Hermes Science, 2013. ISBN : 978-2-7462-4542-6 (cf. p. 124). 195 Bibliographie [56] David F ISCHER, Tobias W OLF, Jeannette WAPLER et al. « Model-Based Flexibility Assessment of a Residential Heat Pump Pool ». en. In : Energy 118 (jan. 2017), p. 853-864. ISSN : 0360-5442. DOI : 10.1016/j.energy.2016.10.111 (cf. p. 26). [57] Volker G NIELINSKI. « Heat Transfer Coefficients for Turbulent Flow in Concentric Annular Ducts ». In : Heat Transfer Engineering 30.6 (mai 2009), p. 431-436. ISSN : 0145-7632. DOI : 10.1080/01457630802528661 (cf. p. 144, 147). [58] G OUY. « Sur l’énergie utilisable ». fr. In : Journal de Physique Théorique et Appliquée 8.1 (1889), p. 501-518. ISSN : 0368-3893. DOI : 10.1051/jphystap: 018890080050101 (cf. p. 125). [59] Giuseppe G RAZZINI et Fabio G ORI. « Entropy Parameters for Heat Exchanger Design ». en. In : International Journal of Heat and Mass Transfer 31.12 (déc. 1988), p. 2547-2554. ISSN : 0017-9310. DOI : 10.1016/0017-9310(88)90180-9 (cf. p. 136). [60] Ariane G RISEY, Fabien P OMMIER, Nina C HANTRY et al. Utilisation rationnelle de l’énergie dans les serr es. fr. Rapp. tech. Ademe, 2007 (cf. p. 30). [61] Xiaofeng G UO et Martin H ENDEL. « Urban Water Networks as an Alternative Source for District Heating and Emergency Heat-Wave Cooling ». en. In : Energy 145 (fév. 2018), p. 79-87. ISSN : 0360-5442. DOI : 10.1016/j.energy.2017.12. 108 (cf. p. 31, 32). [62] Daniel H ILLEL. Environmental Soil Physics. San Diego, CA : Academic Press, 1998. ISBN : 978-0-12-348525-0 (cf. p. 78). [63] Magnus H OLMGREN. X Steam, Thermodynamic Properties of Water and Steam. en. https ://www.mathworks.com/matlabcentral/fileexchange/9817-x-steamthermodynamic-properties-of-water-and-steam (cf. p. 148). [64] Guojie H U, Lin Z HAO, Xiaodong W U et al. « New Fourier-Series-Based Analytical Solution to the Conduction–Convection Equation to Calculate Soil Temperature, Determine Soil Thermal Properties, or Estimate Water Flux ». In : International Journal of Heat and Mass Transfer 95 (avr. 2016), p. 815-823. ISSN : 0017-9310. DOI : 10.1016/j.ijheatmasstransfer.2015.11.078 (cf. p. 70, 78). [65] Helga H UBECK -G RAUDAL, Jonas Kjeld K IRSTEIN, Torben O MMEN et al. « Drinking Water Supply as Low-Temperature Source in the District Heating System : A Case Study for the City of Copenhagen ». en. In : Energy 194 (mar. 2020), p. 116773. ISSN : 0360-5442. DOI : 10. 1016 / j. energy. 2019. 116773 (cf. p. 32-36, 42, 44, 46, 56). [66] Frank P. I NCROPERA, David P. D E W ITT, Theodore L. B ERGMAN et al., éd. Principles of Heat and Mass Transfer. eng. 7. ed., international student version. Singapore : Wiley, 2013. ISBN : 978-0-470-50197-9 978-0-470-64615-1 (cf. p. 43, 129, 131, 147). 196 Bibliographie [67] I NTERGOVERNMENTAL PANEL ON C LIMATE C HANGE. Global Warming of 1.5° C : An IPCC Special Report on the Impacts of Global Warming of 1.5° C above PreIndustrial Levels and Related Global Greenhouse Gas Emission Pathways, in the Context of Strengthening the Global Response to the Threat of Climate Change, Sustainable Development, and Efforts to Eradicate Poverty. Intergovernmental Panel on Climate Change, 2018 (cf. p. 20). [68] Eivind J OHANNESSEN et Signe K JELSTRUP. « A Highway in State Space for Reactors with Minimum Entropy Production ». en. In : Chemical Engineering Science 60.12 (juin 2005), p. 3347-3361. ISSN : 00092509. DOI : 10.1016/j.ces.2005. 01.026 (cf. p. 124). [69] W. M. K AYS et A. L. L ONDON. Compact Heat Exchangers (3rd Edition). Undetermined. S.l. : Scientific International, 2018. ISBN : 978-93-87938-03-8 978-15231-2179-3 (cf. p. 129). [70] Joseph K ESTIN. « Availability : The Concept and Associated Terminology ». en. In : Energy. Second Law Analysis of Energy Devices and Processes 5.8 (août 1980), p. 679-692. ISSN : 0360-5442. DOI : 10.1016/0360-5442(80)90088-2 (cf. p. 124). [71] Abdelhamid K HEIRI et Michel F EIDT. « Modélisation Numérique Du Comportement Instationnaire Des Échangeurs de Chaleur Monophasique. Etude Des Paramètres Thermiques et Entropiques ». In : () (cf. p. 132, 139, 140). [72] Diego K INGSTON et Adrián C. R AZZITTE. « Entropy Production in Chemical Reactors ». In : Journal of Non-Equilibrium Thermodynamics 42.3 (2017), p. 265275. ISSN : 0340-0204. DOI : 10.1515/jnet-2016-0066 (cf. p. 124). [73] Signe K JELSTRUP et Trond Vegard I SLAND. « The Driving Force Distribution for Minimum Lost Work in a Chemical Reactor Far from Equilibrium. Oxidation of SO2 ». en. In : Computers & Chemical Engineering 23 (juin 1999), S987-S990. ISSN : 00981354. DOI : 10.1016/S0098-1354(99)80233-6 (cf. p. 124). [74] Moncef K RARTI et Jan F. K REIDER. « Analytical Model for Heat Transfer in an Underground Air Tunnel ». In : Energy Conversion and Management 37.10 jan. 1996), p. 1561-1574. ISSN : 0196-8904. DOI : 10.1016/0196-8904(95)00208-1 (cf. p. 44, 45). [75] P. L E G OFF, T. C ACHOT, Viviane R ENAUDIN et al. « La Thermodynamique Chimique En Temps Fini ». In : Entropie 36.224-25 (2000), p. 26-31 (cf. p. 123). [76] Le Soutien Aux Énergies Renouvelables. Rapp. tech. Cour des comptes, mar. 2018 (cf. p. 21). [77] Peter L INSTROM. NIST Chemistry WebBook, NIST Standard Reference Database 69. en. 1997. DOI : 10.18434/T4D303 (cf. p. 148). [78] S. A. M AC A LLER. « Potential for Heat Recovery from Danish Drinking Water Supply ». MSc Thesis. Technical University of Denmark, 2013 (cf. p. 42). 197 Bibliographie [79] K. M ANJUNATH et S. C. K AUSHIK. « Second Law Thermodynamic Study of Heat Exchangers : A Review ». In : Renewable and Sustainable Energy Reviews 40 (déc. 2014), p. 348-374. ISSN : 1364-0321. DOI : 10.1016/j.rser.2014.07.186 (cf. p. 123, 133). [80] Manuel d’utilisation de QGIS — Documentation QGIS Documentation. https ://docs.qgis.org/3.16/fr/docs/user_manual/ (cf. p. 49). [81] K.B. M AO, Y. M A, X.L. TAN et al. « Global Surface Temperature Change Analysis Based on MODIS Data in Recent Twelve Years ». en. In : Advances in Space Research 59.2 (jan. 2017), p. 503-512. ISSN : 02731177. DOI : 10.1016/j.asr. 2016.11.007 (cf. p. 46). [82] Andreas M OERMAN, E. J. M. B LOKKER, J. H. G. V REEBURG et al. « Drinking Water Temperature Modelling in Domestic Systems ». In : Procedia Engineering. 16th Water Distribution System Analysis Conference, WDSA2014 89 (jan. 2014), p. 143-150. ISSN : 1877-7058. DOI : 10.1016/j.proeng.2014.11. (cf. p. 43, 56). [83] Hany Ahmed M OHAMED. « Entropy Generation in Counter Flow Gas to Gas Heat Exchangers ». en. In : Journal of Heat Transfer 128.1 (jan. 2006), p. 87-92. ISSN : 0022-1481, 1528-8943. DOI : 10.1115/1.2130407 (cf. p. 138). [84] I. I. N OVIKOV. « The Efficiency of Atomic Power Stations (a Review) ». en. In : Journal of Nuclear Energy (1954) 7.1-2 (août 1958), p. 125-128. ISSN : 0891-3919. DOI : 10.1016/0891-3919(58)90244-4 (cf. p. 123, 124). [85] Lars N UMMEDAL et Signe K JELSTRUP. « Equipartition of Forces as a Lower Bound on the Entropy Production in Heat Exchange ». en. In : International Journal of Heat and Mass Transfer 44.15 (août 2001), p. 2827-2833. ISSN : 00179310. DOI : 10.1016/S0017-9310(00)00321-5 (cf. p. 125). [86] Lars N UMMEDAL, Signe K JELSTRUP et Monica C OSTEA. « Minimizing the Entropy Production Rate of an Exothermic Reactor with a Constant Heat-Transfer Coefficient : The Ammonia Reaction ». en. In : Industrial & Engineering Chemistry Research 42.5 (mar. 2003), p. 1044-1056. ISSN : 0888-5885, 1520-5045. DOI : 10.1021/ie020319n (cf. p. 124). [87] Lars N UMMEDAL, Audun R OSJORDE, Eivind J OHANNESSEN et al. « Second Law Optimization of a Tubular Steam Reformer ». In : Chemical Engineering and Processing : Process Intensification 44.4 (avr. 2005), p. 429-440. ISSN : 0255-2701. DOI : 10.1016/j.cep.2004.06.005 (cf. p. 124, 125). [88] Sunhee O H, Yong C HO et Rin Y UN. « Raw-Water Source Heat Pump for a Vertical Water Treatment Building ». en. In : Energy and Buildings 68 (jan. 2014), p. 321328. ISSN : 03787788. DOI : 10.1016/j.enbuild.2013.09.011 (cf. p. 31). 198 Bibliographie [89] Antonie O OSTERKAMP, Tor Y TREHUS et Sondre T. G ALTUNG. « Effect of the Choice of Boundary Conditions on Modelling Ambient to Soil Heat Transfer near a Buried Pipeline In : Applied Thermal Engineering 100 (mai 2016), p. 367-377. ISSN : 1359-4311. DOI : 10.1016/j.applthermaleng.2016.01. 057 (cf. p. 43, 46). [90] Juan Carlos O RDÓÑEZ et Adrian B EJAN. « Entropy Generation Minimization in Parallel-Plates Counterflow Heat Exchangers ». In : International Journal of Energy Research 24.10 (2000), p. 843-864 (cf. p. 137). [91] R. K PACHAURI, Leo A M EYER et G ROUPE INTERGOUVERNEMENTAL D ’ EXPERTS SUR L’ ÉVOLUTION DU CLIMAT. Changements climatiques 2014 : rapport de synthèse. French. 2015 (cf. p. 20). [92] Marco P ELLEGRINI et Augusto B IANCHINI. « The Innovative Concept of Cold District Heating Networks : A Literature Review ». en. In : Energies 11.1 (jan. 2018), p. 236. DOI : 10.3390/en11010236 (cf. p. 30). [93] P. P IERSON et J. PADET. « Etude théorique et expérimentale des échangeurs en régime thermique instationnaire. Simulation d’une phase de relaxation ». fr. In : International Journal of Heat and Mass Transfer 31.8 (août 1988), p. 1577-1586. ISSN : 0017-9310. DOI : 10.1016/0017-9310(88)90270-0 (cf. p. 132). [94] Jadwiszczak P IOTR et Niemierka E L ŻBIETA. « Water Pipe Network as a Heat Source for Heat Pump Integrated into a District Heating ». en. In : E3S Web of Conferences 22 (jan. 2017), p. 00210. ISSN : 2267-1242 (cf. p. 32, 35, 36). [95] Jean Leonard P OISEUILLE. Recherches Expérimentales Sur Le Mouvement Des Liquides Dans Les Tubes de Très-Petits Diamètres. Imprimerie Royale, 1844 (cf. p. 40). [96] Programmation Pluriannuelle de l’énergie. Rapp. tech. Ministère de la Transition écologique et solidaire, avr. 2020 (cf. p. 20, 21). [97] Redresser Le Cap, Relancer La Transition. Rapp. tech. Haut conseil pour le climat, juil. 2020 (cf. p. 20). [98] Lewis A. R OSSMAN. « EPANET 2 : Users Manual ». In : (2000) (cf. p. 33, 39, 40). [99] Lewis A. R OSSMAN et Paul F. B OULOS. « Numerical Methods for Modeling Water Quality in Distribution Systems : A Comparison ». en. In : Journal of Water Resources Planning and Management 122.2 (mar. 1996), p. 137-146. ISSN : 07339496, 1943-5452. DOI : 10.1061/(ASCE)0733-9496(1996)122:2(137) (cf. p. 42, 55, 57). [100] Morton H. RUBIN. « Optimal Configuration of a Class of Irreversible Heat Engines. I ». In : Physical Review A 19.3 (mar. 1979), p. 1272-1276. DOI : 10.1103/ PhysRevA.19.1272 (cf. p. 124). 199 Bibli ographie [101] Oliver RUHNAU, Lion H IRTH et Aaron P RAKTIKNJO. « Time Series of Heat Demand and Heat Pump Efficiency for Energy System Modeling ». en. In : Scientific Data 6.1 (oct. 2019), p. 189. ISSN : 2052-4463. DOI : 10.1038/s415970190199-y (cf. p. 26, 85). [102] B. S AHIN, A. KODAL et H. YAVUZ. « Efficiency of a Joule-Brayton Engine at Maximum Power Density ». en. In : Journal of Physics D : Applied Physics 28.7 (1995), p. 1309. ISSN : 0022-3727. DOI : 10.1088/0022-3727/28/7/005 (cf. p. 124). [103] S. S ARANGI et K. C HOWDHURY. « On the Generation of Entropy in a Counterflow Heat Exchanger ». In : Cryogenics 22.2 (1982), p. 63-65 (cf. p. 138). [104] D. P. S EKULI Ć. « Entropy Generation in a Heat Exchanger ». en. In : Heat Transfer Engineering 7.1-2 (jan. 1986), p. 83-88. ISSN : 0145-7632, 1521-0537. DOI : 10. 1080/01457638608939647 (cf. p. 124, 136). [105] D. P. S EKULI Ć et C. V. H ERMAN. « One Approach to Irrever Minimization in Compact Crossflow Heat Exchanger Design ». In : International communications in heat and mass transfer 13.1 (1986), p. 23-32 (cf. p. 124, 136). [106] R. K. S HAH et Dušan P. S EKULI Ć. Fundamentals of Heat Exchanger Design. en. Hoboken, NJ : John Wiley & Sons, 2003. ISBN : 978-0-471-32171-2 (cf. p. 129). [107] Lawrence F. S HAMPINE et Mark W. R EICHELT. « The Matlab Ode Suite ». In : SIAM journal on scientific computing 18.1 (1997), p. 1-22 (cf. p. 153). [108] Lawrence F. S HAMPINE, Mark W. R EICHELT et Jacek A. K IERZENKA. « Solving Index-1 DAEs in MATLAB and Simulink ». In : SIAM review 41.3 (1999), p. 538552 (cf. p. 153). [109] Feng S HANG, James G. U BER et Lewis A. R OSSMAN. « EPANET Multi-Species Extension User’s Manual ». In : Risk Reduction Engineering Laboratory, US Environmental Protection Agency, Cincinnati, Ohio (2008) (cf. p. 42). [110] Arjun S HARMA, S. K. S HUKLA et Ajeet Rai K UMAR. « Finite Time Thermodynamic Analysis and Optimization of Solar-Dish Stirling Heat Engine with Regenerative Losses ». en. In : Thermal Science 15.4 (jan. 2011), p. 995-1009. ISSN : 0354-9836 (cf. p. 124). [111] Smart Cooling System for Pharmaceutical Processes. en-US. http ://www.cityzensmartcity.eu/ressources/heating-and-cooling/smart-cooling-and-heatingsystems-for-pharmaceutical-processes/. Sept. 2016 (cf. p. 32). [112] Société Du Canal de Provence. https ://canaldeprovence.com. 2020 (cf. p. 21, 47). [113] Driss S TITOU et Michel F EIDT. « Nouveaux Critères Pour l’optimisation et La Caractérisation Des Procédés Thermiques de Conversion Énergétique ». In : International Journal of Thermal Sciences. A Tribute to Bernard Spinner (19402004) 44.12 (déc. 2005), p. 1142-1153. ISSN : 1290-0729. DOI : 10. 1016 / j. ijthermalsci.2005.08.013 (cf. p. 123). 200 Bibliographie [1 14] Aurel S TODOLA. Steam and Gas Turbines : With a Supplement on the Prospects of the Thermal Prime Mover. T. 2. McGraw-Hill, 1927 (cf. p. 125). [115] Stratégie Nationale Bas Carbone. Rapp. tech. Ministère de la transition écologique et solidaire, mar. 2020 (cf. p. 20). [116] P. K. S WANEE et Akalank K. J AIN. « Explicit Equations for Pipeflow Problems ». In : Journal of the hydraulics division 102.5 (1976) (cf. p. 40). [117] Marie-France T ERRIER et Brice T RÉMÉAC. « Pompe à chaleur : technologies et applications dans le résidentiel ». fr. In : (2021), p. 33 (cf. p. 84, 86). [118] Kurtis T HOME. Terra | The EOS Flagship. https ://terra.nasa.gov/ (cf. p. 46). [119] Iskander T LILI. « Finite Time Thermodynamic Evaluation of Endoreversible Stirling Heat Engine at Maximum Power Conditions ». en. In : Renewable and Sustainable Energy Reviews 16.4 (mai 2012), p. 2234-2241. ISSN : 13640321. DOI : 10.1016/j.rser.2012.01.022 (cf. p. 124). [120] E. T ODINI et S. P ILATI. « A Gradient Method for the Analysis of Pipe Networks ». In : International Conference on Computer Applications for Water Supply and Distribution, Leicester Polytechnic, UK. 1987 (cf. p. 39, 40). [121] D. T ONDEUR. « Equipartition of Entropy Production : A Design and Optimization Criterion in Chemical Engineering ». In : Finite-Time Thermodynamics and Thermoeconomics. T. 4. Taylor & Francis New York, 1990 (cf. p. 124). [122] Daniel T ONDEUR. « Optimisation thermodynamique Équipartition : exemples et applications ». fre. In : Techniques de l’ingénieur Thermodynamique et énergétique base documentaire : TIB216DUO.ref. article : be8018 (juil. 2006) (cf. p. 125). [123] Daniel T ONDEUR. « Optimisation thermodynamique Équipartition de production d’entropie ». fre. In : Techniques de l’ingénieur Thermodynamique et énergétique base documentaire : TIB216DUO.ref. article : be8017 (juil. 2006) (cf. p. 124, 125). [124] Daniel T ONDEUR et Eric K VAALEN. « Equipartition of Entropy Production. An Optimality Criterion for Transfer and Separation Processes ». en. In : Industrial & Engineering Chemistry Research 26.1 (jan. 1987), p. 50-56. ISSN : 0888-5885, 1520-5045. DOI : 10.1021/ie00061a010 (cf. p. 125). [125] Jan Peter VAN DER H OEK. « Towards a Climate Neutral Water Cycle ». In : Journal of Water and Climate Change 3.3 (2012), p. 163-170 (cf. p. 30, 31). [126] Jan Peter VAN DER H OEK, Stefan M OL, Sara G IORGI et al. « Energy Recovery from the Water Cycle : Thermal Energy from Drinking Water ». en. In : Energy 162 (nov. 2018), p. 977-987. ISSN : 0360-5442. DOI : 10.1016/j.energy.2018.08.097 (cf. p. 31, 32). 201 Bibliographie [127] W. WAGNER, J. R. C OOPER, A. D ITTMANN et al. « The IAPWS Industrial Formulation 1997 for the Thermodynamic Properties of Water and Steam ». In : Journal of Engineering for Gas Turbines and Power 122.1 (jan. 2000), p. 150-184. ISSN : 0742-4795. DOI : 10.1115/1.483186 (cf. p. 148). [128] Z. WAN, S. H OOK et G. H ULLEY. « MOD11A1 MODIS/Terra Land Surface Temperature/Emissivity Daily L3 Global 1km SIN Grid V006 [Data Set] ». In : NASA EOSDIS Land Processes DAAC (). DOI : 10.5067/MODIS/MOD11A1.006 (cf. p. 46, 70). [129] Z WAN, S. H OOK et G. H ULLEY. « MYD11A1 MODIS/Aqua Land Surface Temperature/Emissivity Daily L3 Global 1km SIN Grid V006 [Data Set] ». In : NASA EOSDIS Land Processes DAAC (). DOI : 10.5067/MODIS/MYD11A1.006 (cf. p. 46, 70). [130] Chaoyang WANG, Ming L IU, Yongliang Z HAO et al. « Entropy Generation Analysis on a Heat Exchanger with Different Design and Operation Factors during Transient Processes ». en. In : Energy 158 (sept. 2018), p. 330-342. ISSN : 03605442. DOI : 10.1016/j.energy.2018.06.016 (cf. p. 133, 139-141). [131] Chaoyang WANG, Ming L IU, Yongliang Z HAO et al. « Thermodynamics Analysis on a Heat Exchanger Unit during the Transient Processes Based on the Second Law ». en. In : Energy 165 (déc. 2018), p. 622-633. ISSN : 03605442. DOI : 10. 1016/j.energy.2018.09.189 (cf. p. 133, 139-141). [132] Jianhui WANG, Jizhou H E et Zhaoqi W U. « Efficiency at Maximum Power Output of Quantum Heat Engines under Finite-Time Operation ». In : Physical Review E 85.3 (mar. 2012). ISSN : 1539-3755, 1550-2376. DOI : 10.1103/PhysRevE.85. 031145 (cf. p. 124). [133] K. WANG, J. J. Z HANG, B. Y U et al. « Numerical Simulation on the Thermal and Hydraulic Behaviors of Batch Pipelining Crude Oils with Different Inlet Temperatures ». en. In : Oil & Gas Science and Technology Revue de l’IFP 64.4 (juil. 2009), p. 503-520. ISSN : 1294-4475, 1953-8189. DOI : 10.2516/ogst/ 2009015 (cf. p. 43). [134] Wenhui WANG, Shunlin L IANG et Tilden M EYERS. « Validating MODIS Land Surface Temperature Products Using Long-Term Nighttime Ground Measurements ». en. In : Remote Sensing of Environment 112.3 (mar. 2008), p. 623-635. ISSN : 00344257. DOI : 10.1016/j.rse.2007.05.024 (cf. p. 46). [135] Kezhen Z HANG, Ming L IU, Yongliang Z HAO et al. « Ent Generation versus Transition Time of Heat Exchanger during Transient Processes ». en. In : Energy 200 (juin 2020), p. 117490. ISSN : 0360-5442. DOI : 10.1016/j.energy.2020. 117490 (cf. p. 133, 139-141). 202 Annexes 203 Bibliographie – A. Calcul des valeurs des paramètres A et B du modèle de Barletta et al. A. Calcul des valeurs des paramètres A et B du modèle de Barletta et al. Ce paragraphe a pour but de présenter la méthode de calcul des paramètres A et B pour le calcul du transfert thermique. La méthode est présentée par Barletta et al. [12]. Le problème initial est celui qui est résolu par §2.4.2.1. Il consiste à résoudre l’équation de la chaleur dans un plan orthogonal à la canalisation 2.9a. Une variation sinusoïdale pour la température de surface est imposée. Les coordonnées dans le plan initial sont x et y. Barletta et al. montrent que la résolution de ce problème est équivalent à la résolution du système éq. A.1 soumis aux conditions éq. A .2. ∇∗2 θ0 = 0 (A.1a) ∗2 (A.1b) ∗2 (A.1c) ∇ θ1 = −Ωθ2 ∇ θ2 = −Ωθ1 1 ; θ1 = 0; θ2 = 0 Ξ θ0 = 0; θ1 = 1; θ2 = 0 à la surface de la conduite (A.2a) à la surface du sol (A.2b) Sur les frontières bases et verticales (A.2c) θ0 = ~ n ·~ ∇∗0 ~∗ ~∗ = 0;~ n · ∇ θ1 = 0;~ n · ∇ θ2 = 0 L’exposant ∗ désigne le domaine sans dimension où les coordonnées sont x ∗ = x/r et y ∗ = y/r (r est le rayon de la conduite). L’origine du repère est le centre de la conduite. Le problème à résoudre est présenté dans la figure A.1. ∂L ∗ est la frontière de la conduite dans le domaine sans dimension ; ~ n est le vecteur normal ∂L ∗ ; et ∗ ~ ∇ = R~ ∇. θ0, θ1 et θ2 sont des variables sans dimensions introduites pour la résolutions. Le flux transféré à la conduite est donné en fonction de ces variables éq. A.3. ̧ μZ μZ ·Z ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ~ ~ ~ ~ ~ ~ n · ∇ θ1 d l · cos(ωt ) n · ∇ θ1 d l · sin(ωt ) + n · ∇ θ0 d l + Φ = k·A m · ∂L ∗ ∂L ∗ ∂L ∗ (A.3) Le résolution du problème pour le calcul de θ0 correspond au problème de conduction stationnaire. Le premier terme de l’équation A.3 est donné en fonction du facteur de forme par éq. A.4. Ξ est un paramètre sans dimension donné par éq. A.5. Les termes A et B sont alors respectivement donné par éq. A.6a et éq. A.6b. Z 2π ~ (A.4) Ξ n ·~ ∇∗ θ0 d l ∗ = Λ0 (σ) = acosh(σ) ∂L ∗ 204 Bibliographie – A. Calcul des valeurs des paramètres A et B du modèle de Barletta et al. Ξ= Am Tcext (A.5) − Tm Z 1 ~ n ·~ ∇∗ θ1 d l · A= Λ0 ∂L ∗ Z 1 ~ · n ·~ ∇∗ θ2 d l B= ∗ Λ0 ∂L (A.6a) (A.6b) En substituant les équations A.4, A.6a et A.6b dans l’équation A.3 le flux transféré est donné par l’équation A.7 . Φ = k · (T a − Tm )Λ0 [1 + Ξ (A · sin(ωt ) + B cos(ωt ))] (A.7) Contrairement au problème initial, le système éq. A.1 est stationnaire. Il est résolu par la méthode des éléments finis en utilisant Matlab (fonction "createpde"). Le domaine de calcul et les conditions aux limites sont présentés sur la figure A.1. Le maillage pour le calcul est semblable à celui du cas instationnaire 2.11a. Les paramètres A et B sont obtenus par intégration du gradient de θ1 et θ2 sur la surface de conduite (∂l ∗ ). L’intégration numérique est réalisée par la méthode des trapèzes. θ1 = 1 ; θ2 = 0 1 σ 1 5 x y θ =0 1 θ2 = 0 ~ n ·~ ∇∗ θ1 = 0 4 2 ~ n ·~ ∇∗ θ2 = 0 ~ n ·~ ∇∗ θ1 = 0 ~ n ·~ ∇∗ θ2 = 0 3 ~∗ ~ n · ∇ θ1 = 0 ; ~ n ·~ ∇∗ θ2 = 0 F IGURE A.1. – Domaine de calcul pour le calcul de A et B . Les valeurs recalculées pour A et B en fonction de Ω et σ sont données dans la figure A.2 et comparées avec celles obtenues par Barletta et al. [12]. Une différence maximale de l’ordre de 10−4 est obtenue. A une profondeur d’enfouissement donnée, les valeurs de A et B ne dépendent que du diamètre de la conduite. Pour une profondeur de 1 m, les valeurs sont présentées 205 Bibliographie – A. Calcul des valeurs des paramètres A et B du modèle de Barletta et al. sur la figure A.3. Pour des conduites dont le rayon est supérieur à 0.3 m, on peut remarquer que les valeurs de A et B ne dépendent presque pas du rayon. (a) (b) F IGURE A.2. – Valeur des paramètres A et B du modèle de Barletta et al [12] en fonction de Ω et σ 0.4 Valeurs de A et B [-] 0.2 0 A (H = 1 m) B (H = 1 m) A (H = 0.1 m) B (H = 0.1 m) -0.2 -0.4 -0.6 -0.8 -1 0 0.5 1 1.5 Diamètre de la conduite [m] F IGURE A.3. – Valeur des paramètres A et B du modèle de Barletta et al. en fonction du diamètre de la conduite. La profondeur d’enfouissement est donné par éq. 2.24 206 Bibliographie – B. Modification apportées au code source d’Epanet MSX B. Modification apportées au code source d’Epanet MSX Cette annexe présente les modifications qui ont été apportées au logiciel Epanet MSX. Trois modifications ont été apportées, la première concerne la possibilité d’utiliser le temps dans la définition des fonctions. La seconde permet de résoudre les équations différentielles linéaires du premier ordre sans méthode numérique. La dernière permet de spécifier des termes sources dont la valeur est négative. Les numéros de ligne indiqués ici sont ceux du fichier d’origine. B.1. Utilisation de la variable temps La version d’origine d’Epanet MSX ne permet pas d’utiliser le temps dans la définition des fonctions. Cependant, dans le modèle qui a été développé, la température de surface dépend du temps. Afin de pouvoir spécifier l’évolution de cette valeur, des modifications ont été apportées à Epanet MSX. L’objectif étant d’avoir une fonction qui renvoie le temps physique depuis le début de la simulation. Les modifications apportées sont présent ci-dessous. Fichier : mathexpr.c Ajout ligne 42 : 1 ** 29 = time ( ) Modification ligne 91 à 94 : 1 char * MathFunc [ ] = 2 3 4 { "COS", "SIN", "TAN", "COT", "ABS", "SGN", "SQRT", "LOG", "EXP", "ASIN", "ACOS", "ATAN", "ACOT", "SINH", "COSH", "TANH", "COTH", "LOG10", "STEP", NULL} ; Devient : 1 char * MathFunc [ ] = 2 3 4 { "COS", "SIN", "TAN", "COT", "ABS", "SGN", "SQRT", "LOG", "EXP", "ASIN", "ACOS", "ATAN", "ACOT", "SINH", "COSH", "TANH", "COTH", "LOG10", "STEP", "TIME", NULL} ; Ajout ligne 703 : 1 2 3 case 29: ExprStack [ stackindex ] = t ; break ; Fichier : mathexpr.h Modification ligne 29 : 1 double mathexpr_eval ( MathExpr * expr, double ( * getVal ) ( i n t ) ) ; 207 Bibliographie – B. Modification apportées au code source d ’ Epa net MSX Devient 1 double mathexpr_eval ( MathExpr * expr, double ( * getVal ) ( i n t ) ) ; Fichier : msxchem.c Modification ligne 364 : 1 s p r i n t f ( s, "term(%d, c, k, p, h) ", i ) ; devient 1 s p r i n t f ( s, "term(%d , c, k, p, h, t ) ", i ) ; Modification ligne 601 : 1 getPipeDcDt ( 0, Yrate, NumPipeRateSpecies, Yrate ) ; Devient 1 getPipeDcDt (MSX. Qtime, Yrate, NumPipeRateSpecies, Yrate ) ; Modification ligne 618 : 1 i e r r = r k 5 _ i n t e g r a t e ( Yrate, NumPipeRateSpecies, 0, t s t e p ) Devient 1 i e r r = r k 5 _ i n t e g r a t e ( Yrate, NumPipeRateSpecies, MSX. Qtime, MSX.
55,270
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00719316-document.txt_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
8,033
13,667
Validation des produits d'inversion des observations satellitaires CALIPSO/CloudSat pour la caractérisation des propriétés optiques et microphysiques des nuages de glace et en phase mixte Guillaume Mioche ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES FONDAMENTALES N° : 643 DOCTEUR D'UNIVERSITE Spécialité : Physique de l'Atmosphère par MIOCHE Guillaume Titulaire du Master Recherche spécialité Physico-Chimie de l'Atmosphère et du Climat Validation des produits d'inversion des observations satellitaires CALIPSO/CloudSat pour la caractérisation des propriétés optiques et microphysiques des nuages de glace et en phase mixte Soutenue publiquement le 30 Mars 2010 devant la commission d'examen : Président Wolfram Wobrock (LaMP, Clermont-Ferrand) Rapporteurs Hélène Chepfer (LMD, Palaiseau) Jacques Pelon (LATMOS, Paris) Examinateurs Dominique Bouniol (CNRM, Toulouse) Andreas Minikin (DLR, Oberpfaffenhofen) Jean-François Gayet (LaMP, Clermont-Ferrand) Alfons Schwarzenböck (LaMP, Clermont-Ferrand) N ° d'Ordre : D . U . 2026 ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES FONDAMENTALES N° : 643 DOCTEUR D'UNIVERSITE Spécialité : Physique de l'Atmosphère par MIOCHE Guillaume Titulaire du Master Recherche spécialité Physico-Chimie de l'Atmosphère du Climat Validation des produits d'inversion des observations satellitaires CALIPSO/CloudSat pour la caractérisation des propriétés optiques et microphysiques des nuages de glace et en phase mixte Soutenue publiquement le 30 Mars 2010 devant la commission d'examen : Président Wolfram Wobrock (LaMP, Clermont-Ferrand) Rapport eurs Hélène Chepfer ( LMD , Palaiseau ) Jacques Pelon (LATMOS, Paris) Examinateurs Dominique Bouniol (CNRM, Toulouse) Andreas Minikin (DLR, Oberpfaffenhofen) Jean-François Gayet (LaMP, Clermont-Ferrand) Alfons Schwarzenböck (LaMP, Clermont-Ferrand ) Remerciements Quel bonheur d'écrire enfin ces quelques pages de remerciements! 3 ans et demi de thèse, c'est long! Mais c'est une expérience unique! Et les résultats présentés dans les pages suivantes sont le fruit d'un travail d'équipe, de collaborations , d' échanges Une thèse, c'est donc beaucoup de rencontres, qui permettent toutes, à leur manière, un enrichissement au niveau professionnel ou personnel. Ces quelques pages vont enfin me permettre de remercier les personnes qui ont, de près ou de loin, contribué à ce travail de thèse, soit par une implication directe au niveau des travaux de recherche ou par une implication plus personnelle et « spirituelle ». Je remercie tout d'abord les directeurs successifs du LaMP, Nadine Chaumerliac puis Wolfram Wobrock, de m'avoir accueilli au sein du Laboratoire de Météorologie Physique. Je tiens ensuite à remercier les membres du jury d'avoir accepté de juger mon travail de thèse: Hélène Chepfer et Jacques Pelon, les rapporteurs, ainsi que Dominique Bouniol, Andreas Minikin et Wolfram Wobrock, les examinateurs. Merci d'avoir pris le temps de lire et critiquer mon manuscrit et ma soutenance. Merci pour vos commentaires qui auront permis d'améliorer et d'enrichir mon travail et mes connaissances. Ensuite, je voudrais apporter toute ma reconnaissance à Jean-François Gayet et Alfons Schwarzenböck, respectivement directeur et co-directeur de mes travaux de recherche, pour avoir encadré ma thèse et s'être assurés de son bon déroulement. Vous avez su, par votre complémentarité, votre expérience et vos conseils me guider et me motiver (et me remotiver quand c'était nécessaire) dans les différentes étapes de cette thèse. Merci de m'avoir formé pendant ces quelques années. Je tiens également à dédier un paragraphe à Christophe Gourbeyre, ingénieur de l'équipe microphysique, avec lequel j'ai été ravi de travailler! Sans toi, aucune des mesures présentées dans ce rapport n'auraient pu voir le jour Ton savoir faire, ton expérience ainsi que la qualité et la rigueur de ton travail sont pour beaucoup dans les résultats présentés ici. Merci Christophe pour ces fiches de consignes précises, ces traitements de données efficaces, ces fichiers « Mix » maintes et maintes fois corrigés, et bien sûr tes célèbres et parfaits fichiers Excel! Merci aussi pour les bons moments passés, (en compagnie d'une Fanziskaner et de PES) aussi bien à Longyearbean, Oberpf affenhofen ou Chamalières Un grand merci à Guillaume P., mon acolyte depuis 2002 avec qui j'ai partagé depuis l'IUT la même formation sur les bancs de l'université: la joie des cours de physique quantique ou de chimi e organique, le stage en collège en Licence, puis au LaMP en M1 et en M2, les coups de stress, les grandes questions sur le futur, ainsi que les formalités administratives Tu vois, je te l'avais dit, on y est quand même arrivé! Merci ég alement aux autres coll è gues du LaMP/OPGC avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler ou de discuter avec en particulier l'équipe de jeunes chercheurs dynamiques: Olivier J., Marie M., Fred S., Aurélie C., Laurent D., Vincent G mais aussi à Jean-François F., Valery S., Christophe D. et Guy F. Je voudrais maintenant remercier et apporter toute ma reconnaissance à toutes les personnes qui forment mon « environnement » plus personnel, en plus des personnes déjà citées. Et en ce qui me concerne, je suis heureux d'avoir autour de moi autant de gens sur lesquels je peux compter. En effet, je voudrais maintenant remercier toute ma famille, belle famille et amis qui m'ont soutenu, encouragé et qui se sont même parfois intéressés à mon travail. Et c'est vrai que je n'ai pas toujours été « facile à vivre » pendant ces 4 ans, parfois stressé, découragé ou désagréable Merci à mes parents pour leur soutien : vous avez toujours été présents et m'avez encouragé quand il le fallait. J'ai toujours pu compter sur vous et je vous en suis énormément reconnaissant. Merci Sabine pour les bons moments passés, les quelques « bagarres », les fous rires, et tes questions et réactions toujours pleines de bon sens (!) qui font retomber la pression de temps en temps depuis maintenant presque 26 ans Merci aux « Nony » : Christian, Mireille, Jérôme, Karine de m'avoir accepté sans hésiter Merci à la Musique, la BF, la JA, les copains, qui m'ont permis de m'évader et de décompresser en soufflant dans mon saxhorn, et autour de beaux projets et de quelques apéros Alex, Pierre, Patrice, Evelyse, Didier, Brigitte, Julien et tous les autres je suis heureux de partager ces moments avec vous! Et puis je tiens à adresser un merci tout particulier – mais ô combien important – à un certain nombre de personnes travaillant à Beaumont et à Saint-Etienne, que je n'oublierai jamais et à qui j'ai donné pas mal de travail un certain mois d'Août 2009 Merci Thomas P., Fred L . et Pierre M. et vos équipes, ainsi que Olivier R. et Philippe P. les champions du plateau canadien; sans vous, je n'aurais jamais pu écrire ces quelques lignes! Et enfin, il reste une personne que je n'ai pas encore remerciée: Marlène. Merci tout d'abord d'être passée sur mon chemin Merci de m'avoir supporté et merci surtout d'avoir pris inlassablement soin de moi, depuis la fameuse « tisane » aux « Arbres » jusqu'au « Oui » du 14 Novembre 2009 et pour encore un bon bout de chemin que nous allons faire ensemble! Merci pour tout, tout simplement! Table des matières CHAPITRE I INTRODUCTION GENERALE 1 I.1. CLIMAT ET PREVISION : LE ROLE DES NUAGES 1 I.2. MICROPHYSIQUE DES NUAGES : UN PEU D'HISTOIRE 6 I.2.1. Mais de quoi sont constitués les nuages? 6 I.2.2. Un développement fulgurant 7 I.3. MESURER LES NUAGES 8 I.3.1. Vers la télédétection 9 I.3.2. Télédétection passive et active 9 I.4. LE TRAIN SPATIAL : UNE PREMIERE MONDIALE 10 I.4.1. Le tandem CALIPSO-CloudSat 11 I.4.2. Validation 12 I.5. CAMPAGNES DE MESURES AEROPORTEES 13 I.5.1. En région Arctique 13 I.5.2. Cirrus 14 I.6. PLAN DE LA THESE 14 CHAPITRE II LES CAMPAGNES D'OBSERVATION ET L'INSTRUMENTATION IN SITU DE BASE 17 II.1. LES CAMPAGNES D'OBSERVATION 18 II.1.1. Objectifs scientifiques 18 II.1.1.1. En région Arctique 18 II.1.1.2. Etude des Cirrus aux moyennes latitudes: la campagne CIRCLE-2 19 II.1.2. Les avions de recherche 20 II.1.3. Bilan des vols et traitement systématique des mesures 22 II.2. DESCRIPTION DE L'INSTRUMENTATION IN SITU DE BASE 24 II.2.1. Les sondes PMS: FSSP, 2D-C et 2D-P 24 II.2.1.1. Généralités 24 II.2.1.2. Les sondes PMS FSSP (Forward Scattering Spectrometer Probe) 24 II.2.1.3. Les sondes PMS 2D-C (Cloud) et 2D-P (Precipitation) 25 II.2.1.4. Détermination des paramètres microphysiques 26 II.2.1.5. Précisions des mesures et limitations des sondes PMS 28 II.2.2. Le Néphélomètre Polaire 30 II.2.2.1. Principe de mesure 30 II.2.2.2. Détermination des paramètres optiques 31 II.2.2.3. Précision 32 CHAPITRE III LA SONDE CPI: TRAITEMENT DES MESURES ET DETERMINATION DU FACTEUR DE REFLECTIVITE RADAR 33 III.1. PRINCIPE DE MESURE ET METHODE DE TRAITEMENT 34 III.1.1. La méthode de classification des formes des particules 35 III.1.1.1. Rappel sur la méthode 35 III.1.1.2. Comparaisons des méthodes automatique et manuelle de reconnaissance de forme 38 III.1.1.3. Influence du diamètre de coupure 40 III.1.1.4. Evaluation de la méthode de reconnaissance de forme pour D>100μm 42 III.1.1.5. Conclusions 43 III.1.2. La méthode d'obtention des paramètres microphysiques 43 III.1.2.1. Rappel sur la méthode de calibrage 43 III.1.2.2. La méthode de traitement des mesures 45 III.1.3. La technique de reconstruction des images tronquées 48 III.1.3.1. Description de la technique 49 III.1.3.2. Quelques exemples de résultats 50 III.1.4. Comparaisons et validation avec les mesures des sondes PMS 2D-C et 2D-P 52 III.1.5. Détermination des incertitudes de mesure 54 III.1.6. Conclusions sur la précision des mesures du CPI 57 III.1.6.1. Reconstruction des images tronquées et précisions sur les mesures 57 III.1.6.2. Réglages pendant l'acquisition, sensibilité des lasers de détection et temps morts 58 III.2. CALCUL DU FACTEUR DE REFLECTIVITE RADAR A PARTIR DES MESURES CPI 59 III.2.1. Radars météorologiques : Théorie de Rayleigh 59 III.2.1.1. Observation de la pluie 59 III.2.1.2. Observation de la glace 60 III.2.1.3. Facteur de réflectivité radar équivalente Ze 61 III.2.2. Observation des particules nuageuses 62 III.2.2.1. Diffusion de Mie 62 III.2.2.2. Forme des particules 63 III.2.3. Conventions 64 III.2.3.1. Valeurs des constantes diélectriques 64 III.2.3.2. Choix du diamètre des particules 65 III.2.4. Application aux mesures CPI 66 III.2.4.1. Equations 67 III.2.4.2. Evaluation de la méthode : comparaisons avec les données PMS 2D-C et 2D-P 71 III.2.4.3. Calcul d'incertitude sur ZCPI 78 CHAPITRE IV VALIDATION CALIPSO: METHODE ET RESULTATS81 IV.1. METHODE DE VALIDATION DES PRODUITS DE CALIPSO 82 IV.1.1. Introduction 82 IV.1.2. Les Lidars CALIOP et LNG. Méthode de traitement. 83 IV.1.2.1. Le lidar spatial CALIOP de CALIPSO 83 IV.1.2.2. Le Lidar aéroporté LNG 84 IV.1.2.3. Méthode de traitement des mesures de CALIOP 85 IV.1.3. Les mesures in situ 91 IV.1.4. Méthode de collocalisation des observations satellitales 93 IV.1.4.1. Prise en compte de l'advection 93 IV.1.4.2. Résultats 97 IV.2. SUR LA VALIDATION DE CALIOP EN CIRRUS 98 IV.2.1. Analyse des situations des 23 Mai et 25 Mai 100 IV.2.2. Cas du 16 Mai 104 IV.2.2.1. La cohérence des mesures in situ 104 IV.2.2.2. La microphysique du nuage 105 IV.2.2.3. L'orientation privilégiée des cristaux de glace 106 IV.2.3. Cas du 26 Mai 110 IV.2.3.1. La cohérence des mesures in situ 110 IV.2.3.2. Rapport lidar 111 IV.2.3.3. La fragmentation des particules de glace 111 IV.2.3.4. La qualité de la synchronisation avion-satellite 112 IV.2.4. Paramétrisations pour l' version des données de CALIOP en cirrus aux moyennes latitudes 113 IV.3. SUR LA VALIDATION CALIPSO/CALIOP EN REGION ARCTIQUE 115 IV.3.1. Nimbostratus glacé: cas du 1er Avril 2008(POLARCAT) 115 IV.3.1.1. Etapes intermédiaires du traitement CALIOP 117 IV.3.1.2. Comparaisons des coefficients d'extinction 117 IV.3.2. Stratocumulus en phase mixte : cas du 9 Avril 2007 (ASTAR) 119 IV.3.2.1. Identification des scènes nuageuses 121 IV.3.2.2. Identification de la phase thermodynamique du nuage 121 IV.3.2.3. Rapport lidar et diffusion multiple 123 IV.3.2.4. Conséquences sur le coefficient d'extinction restitué 125 IV.4. CONCLUSIONS 126 CHAPITRE V VALIDATION CLOUDSAT: METHODE ET RESULTATS 129 V.1. CLOUDSAT ET LES PRODUITS NUAGES 130 V.1.1. La mission CloudSat 130 V.1.2. Le radar de CloudSat. Méthode de traitement 130 V.1.2.1. Le radar profileur de nuages de CloudSat 130 V.1.2.2. Méthode de traitement des mesures de CloudSat 132 V.1.2.3. Chapitre I I.1. Climat et prévision : le rôle des nuages Les nuages sont reconnus à l'heure actuelle comme une des clés majeures dans la régulation du climat de notre planète, et à une échelle temporelle plus courte, sur le temps qu'il va faire. Les nuages dominent le bilan énergétique de la Terre à travers leur influence sur l'échange d'énergie solaire et tellurique entre l'atmosphère, l'hydrosphère, la surface terrestre, la biosphère et l'espace. Ils ont une influence sur la quantité de rayonnement solaire qui atteint la surface de la Terre, et régulent également la quantité d'énergie solaire et tellurique qui repart vers l'atmosphère, comme l'illustre la figure I.1. Figure I.1: Bilan radiatif du système Terre-atmosphère. 1 Chapitre I Deux types de nuages en particulier ont une grande influence sur ce bilan radiatif (cf. figure I.2): les nuages liquides de basse altitude (stratus, stratocumulus), qui sont transparents au rayonnement tellurique et réfléchissent le rayonnement solaire, contribuent à un refroidissement de la surface terrestre : c'est l'effet parasol. D'autre part, les nuages glacés de haute altitude (cirrus), peuvent, s'ils sont assez fins, réfléchir le rayonnement tellurique et laisser passer le rayonnement solaire, contribuant ainsi à un réchauffement de la surface terrestre et donc à l'effet de serre, ou bien, si leur épaisseur optique est plus importante, avoir un effet plus refroidissant. Leur impact sur le climat est donc difficile à évaluer. Effet parasol Contribution à l'effet de serre Nuage Nuage Figure I.2: Effet parasol et effet serre des nuages. Les nuages ont également un rôle clé dans le cycle hydrologique de notre planète (cf figure I.3) : ils se forment à partir de la vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère, apportent l'eau de la troposphère au sol par le biais des précipitations, et la transportent d'une région à une autre du globe par les vents. Figure I.3: Bilan hydrologique de la Terre. 2 Chapitre I D' autre part, avec les enjeux écologiques et économiques actuels, le climat suscite aujourd'hui un intérêt considérable. Le dérèglement climatique et le réchauffement global de la planète, maintenant bien établi (IPCC, 2007), a conduit à concentrer les efforts de la communauté scientifique à étudier l'évolution du climat et surtout sa prévision afin de quantifier l'ampleur de ce réchauffement ainsi que l'influence anthropique. Les simulations climatiques par les modèles de circulation générale (les MCG) ont pour but de répondre à cet objectif. Depuis sa naissance au milieu du 20ème siècle (l'américain Charney effectue les premières prévisions en 1950 à partir d'un modèle atmosphérique), la modélisation de l'atmosphère se développe considérablement. Elle est désormais capable de prendre en compte les différents couplages de l'atmosphère avec les autres composantes du système climatique : océan, biosphère, cryosphère Les MCG doivent donc prendre en compte de façon réaliste toutes les variables qui décrivent le climat et son évolution. Ainsi, en réponse à une perturbation, la sensibilité climatique des modèles peut être très différente selon les paramétrisations utilisées. En effet, si une perturbation vient modifier le bilan radiatif de la Terre, et donc la température de la surface, comme un doublement de la concentration de CO2 de l'atmosphère par exemple, d'autres composantes comme la vapeur d'eau, les surfaces neigeuses et la couverture nuageuse seront également modifiées et auront à leur tour une influence sur le bilan radiatif et la température de la surface de la Terre. Ces phénomènes sont des rétroactions et peuvent renforcer (rétroaction positive) ou réduire (rétroaction négative) les changements initiaux. Parmi les principales rétroactions climatiques, celles dues à la vapeur d'eau et à l'albédo de surface sont positives. En effet, une augmentation initiale de la température aura pour effets : - une augmentation du contenu en vapeur d'eau – qui est un gaz à effet de serre – dans l'atmosphère, renforçant ainsi l'effet de serre - et la fonte de la couverture neigeuse, augmentant ainsi la quantité de rayonnement absorbée par la surface. La rétroaction nuageuse, quant à elle, est plus complexe, puisque tous les nuages n'ont pas les mêmes interactions avec les rayonnements solaire et tellurique. Ainsi, une perturbation initiale sur le bilan radiatif va modifier leur occurrence et leurs propriétés radiatives. Ce forçage radiatif des nuages souffre donc encore d'une grande incertitude (Soden et Held, 2006) comme le décrit le rapport du GIEC en 2007 et illustré par la figure I.4 qui représente le forçage radiatif des nuages simulé par 20 MCG qui utilisent des paramétrisations nuageuses différentes . Figure I.4: Forçage radiatif des nuages pour 20 modèles de circulation générale utilisant une paramétrisation nuageuse différente (d'après le rapport du GIEC, 2007). Ces résultats ont conduit la communauté scientifique à estimer la réponse des nuages comme l'une des plus importantes sources d'incertitudes sur la prévision du climat global et sur l'ampleur du réchauffement global de la Terre par les MCG. Des paramétrisations doivent ainsi être développées pour améliorer la représentation des paramètres nuageux dans la modélisation du climat global. Les paramétrisations utilisées dans les MCG pour représenter les nuages peuvent être divisées en deux axes majeurs. Un premier aspect consiste tout d'abord à prendre en compte la dynamique des nuages pour décrire leurs propriétés macroscopiques : zones de convection, mouvements des masses d'air, occurrence, distributions verticales, etc (Emanuel et Zivkovic-Rothman, 1999; Bony et al., 2004) A une échelle plus petite, les propriétés microphysiques et optiques des nuages (taille, nombre, phase thermodynamique des particules et forme des cristaux de glace) doivent être 4 Chapitre I prises en compte pour décrire les interactions avec le rayonnement. En effet, une mauvaise paramétrisation de ces propriétés peut causer des erreurs importantes sur le forçage radiatif des nuages. La figure I.5, d'après Kristjánsson et al. (2000), illustre par exemple la différence de forçage radiatif entre une simulation de référence qui prend en compte des nuages constitués de particules sphériques et trois simulations qui adoptent des paramétrisations microphysiques différentes (nuages composés de polycristaux unidimensionnels de 30 μm, de polycristaux multidimensionnels ou de colonnes). Figure I.5: Forçage radiatif des nuages simulé en utilisant trois paramétrisation différentes sur la microphysique des nuages (d'après Kristjánsson et al., 2000). Ces résultats montrent bien que selon le schéma employé pour représenter la microphysique des nuages dans le MCG, le forçage radiatif est entaché d'une grande incertitude. Réduire l'incertitude sur la prévision du climat consiste donc à améliorer la représentation des nuages dans les MCG, que ce soit de leurs propriétés dynamiques et macroscopiques ou de leurs propriétés microphysiques et optiques. L'étude des nuages, de leurs processus de formation et de croissance, de leurs propriétés macroscopiques, optiques et microphysiques est donc une science plus que d'actualité pour mieux appréhender leur description dans les modèles et donc améliorer les prévisions. 5 Chapitre I I.2. Microphysique des nuages : un peu d'histoire La microphysique des nuages est une science plutôt jeune : la plupart des informations que nous connaissons actuellement dans ce domaine ont été obtenues depuis les années 1940 environ. Cependant, l'intérêt de l'Homme pour le climat, la météorologie et les nuages est bien plus ancien. De tout temps, les nuages et le climat ont attiré l'attention des hommes, qu'ils soient juste observateurs, artistes ou scientifiques. Si l'on remonte le temps, on s'aperçoit que la prévision du temps qu'il va faire, donc la météorologie, présentait déjà un intérêt dès l'Antiquité: le chinois Nei Tsing Sou Wen par exemple, aurait publié le premier livre sur la météorologie, comprenant des prévisions, vers 3000 av. J.C., et son compatriote Hang Ying (1358 av. J.C.) remarqua déjà la structure hexagonale des cristaux de glace. La mousson en Inde fut par exemple la cause des premières mesures de pluviométrie vers ~ 400 av. J.C Cependant, ce n'est qu'au 17ème siècle que la « science du temps » prit petit à petit de l'importance jusqu'au du 20ème siècle où son essor est alors considérable. I.2.1. Mais de quoi sont constitués les nuages? Cette question, qui marque le début de la microphysique des nuages , commença à émerger à partir de 1672 quand Von Guericke introduit la notion de « bulles d'eau » qui constitue raient les nuages. Ce n'est ensuite qu'à partir du milieu du 19ème siècle et grâce aux travaux de Waller, Dines puis Assmann que la notion de goutte d'eau fut adoptée. L'Organisation de la Météorologie Mondiale définira en 1956 un nuage comme un ensemble visible de particules minuscules d'eau et/ou de glace en suspension dans l'air. D'autre part, une des premières contributions significatives à la météorologie fut la classification des nuages. Les premières classifications simples établies par Lamarck (1802) et surtout Howard (1803) furent à la base de la classification actuelle des types de nuages. Plus tard, et à partir de photographies, Hildebrandson (1879) introduira la notion d'atlas des nuages qui est depuis utilisée par l'Organisation Mondiale de la Météorologie dans son Atlas International des Nuages (1975, 1987). 6 Chap itre I Descartes (1635) fut un des pionniers dans le domaine de la microphysique des nuages en dessinant les premières formes typiques de cristaux de glace, suivi plus tard par Hooke, puis Scoresby qui, en 1820, remarqua l'influence de la température sur la forme des cristaux. Dines (1880), puis Wiesner (1895) furent également parmi les premiers à mesurer la taille de ces gouttes à l'aide d'un microscope ou de filtre. Toutes les observations des nuages et précipitations ont été effectuées au sol jusqu'en 1783, date à laquelle le français Charles utilisa le premier ballon instrumenté pour étudier l'atmosphère. Ce n'est qu'en 1903 que Wigand réalisa les premières mesures in situ avec un premier vol en ballon ayant pour but l'étude des nuages et la forme des particules les constituant. Les premières expériences en chambres à nuages vers la fin du 19ème siècle (Coulier puis Aitken) mettent en évidence le rôle prépondérant de la vapeur d'eau et des noyaux de condensation dans la formation des gouttes nuageuses. A partir de 1921, Khöler fut le premier à proposer une équation théorique du processus de condensation. La formation des cristaux de glace et le rôle des noyaux glaçogènes ont également suscité un grand inintérêt durant cette période : Wegener, puis Findeisen mettent en évidence la formation des particules de glace par dépôt de vapeur d'eau sur les noyaux glaçogènes, et Wigand propose le principe de congélation par contact. Les processus de croissance des particules nuageuses (agrégation, givrage et coalescence) sont proposés aux 17ème et 18ème siècles par Descartes, Barlow et DucarlaBonifas. La météorologie et l'étude des précipitations émergent dès la fin du 18ème siècle (Ducarla-Bonifas, de Saussure, Darwin) avec des théories sur le refroidissement des masses d'air et de la formation des précipitations. Le rôle de la phase glace dans les précipitations n'est seulement pris en compte qu'environ un siècle plus tard (Renou, Wegener), conduisant Bergeron en 1933 à l'hypothèse que la croissance des cristaux de glace se fait aux dépens des gouttelettes d'eau surfondues (c'est l'effet Bergeron). I.2.2. Un développement fulgurant Si depuis le 17ème siècle, plusieurs théories sur la formation et la croissance des nuages ont été établies, le développement des connaissances en physique et microphysique des 7 Chapitre I nuages reste plutôt lent jusqu'au début du 20ème siècle. Mais à partir de 1940 environ, tout s'accélère, et la recherche en physique des nuages prend son envol. Plusieurs raisons expliquent ce développement « brutal ». A des fins militaires et donc avec d'importants moyens humains et financiers, la recherche en météorologie se développe considérablement au cours de la seconde guerre mondiale. Le développement fulgurant de la technologie permet également à partir de cette période l'utilisation des avions et la mise en oeuvre de nouveaux moyens d'observations avec le développement des radars météorologiques dont l'un des pionniers est l'américain Atlas. L'avènement de l'ère du numérique enfin, avec l'évolution des outils tels que les ordinateurs et les moyens de communications a contribué de façon considérable à la recherche en physique des nuages, avec en particulier le développement de la modélisation et des algorithmes de traitement des mesures. I.3. Mesurer les nuages Tout scientifique, quelque soit son domaine, tentant de comprendre un phénomène émet des hypothèses et se doit de réaliser des mesures du système qu'il observe afin de vérifier sa théorie ou d'en concevoir une autre. En ce qui concerne la physique des nuages, depuis le 16ème siècle, les théories qui ont émergé sur la formation et la croissance des nuages ont essentiellement été élaborées à partir d'observations et de mesures. Ce n'est pourtant que très récemment, à la fin du 19ème siècle, que les premières mesures en altitude et directement dans les nuages furent effectuées à partir de ballons (le premier ballon sonde est envoyé en 1891 par Hermite). La technologie évoluant, et l'ère de l'aviation arrivant, les mesures aéroportées se développent, remplaçant les ballons et les premiers radars météorologiques voient le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale. L'instrumentation in situ, c'est-à-dire au coeur des nuages, se développe à partir des années 80 (Particle Measurement System, Stratton Park Engineering Company Incorporation), avec la mise au point de plusieurs types de capteurs et sondes de haute technologie capables de mesurer la taille, la forme et le nombre des particules nuageuses qui vont équiper les avions de recherche atmosphérique. Chapitre I I.3.1. Vers la télédétection Cependant, les mesures aéroportées ou à partir de radars au sol sont ponctuelles, avec une couverture spatiale qui reste faible. Or, si le 20ème siècle est le siècle de l'aviation et de la conquête du ciel, c'est aussi celui de la conquête spatiale, et sera, en termes d'observation de la Terre et de l'atmosphère, celui de l'observation à distance depuis l'espace : la télédétection. Il faut pourtant remonter au milieu 19ème siècle pour voir les débuts de la télédétection qui consistaient à prendre des photos aériennes depuis un ballon (Tournachon en 1859), puis pendant le premier quart du 20ème siècle depuis des avions. La recherche spatiale se développant avec en particulier la mise en orbite de satellites, la mission américaine Explorer-VI a permis en 1959 d'enregistrer la première photo de la Terre acquise depuis l'espace. Suite à ce succès, le premier satellite météorologique au monde, TIROS (Television and InfraRed Observation Satellite), a été lancé en 1960 par les américains, avec à son bord une caméra de télévision pour retransmettre en directe les images de la Terre (cf. figure I.6). A partir de cette date, les missions spatiales d'observation de la Terre avec des instruments embarqués sur satellite, offrant ainsi une couverture spatiale globale et en continu, vont alors se multiplier: citons par exemple parmi les premiers le programme américain d'observation de la surface terrestre LandSat, avec le premier des 7 satellites (Earth Ressources Technology Satellite 1) lancé en 1972, et le programme français SPOT (Satellite Pour l'Observation de la Terre) depuis 1986. Figure I.6: Première photo de la Terre acquise depuis l'espace par le satellite américain TIROS en Avril 1960. I.3.2. Télédétection passive et active Plusieurs techniques de télédétection sont ainsi mises en oeuvre à bord des satellites dans le but d'observer l'atmosphère terrestre. Certaines d'entre elles sont dites « passives », c'est-à-dire qu'elles n'émettent aucun signal et enregistrent uniquement, dans une gamme de fréquence choisie, le rayonnement électromagnétique émis ou diffusé par les cibles (nuages, surface terrestre), comme les radiomètres par exemple. L'autre technique est dite « active » 9 Chapitre I et consiste à émettre un signal électromagnétique à une fréquence choisie et enregistrer le signal rétrodiffusé par les cibles rencontrées, comme les nuages. Les radars (RAdio frequency Detection And Ranging) utilisent cette technique de télédétection active en émettant des ondes radio de fréquence comprise entre 3 et 100 GHz environ pour une utilisation météorologique par exemple. Plus récemment, depuis les années 60 (Smullin and Fiocco, 1962), une autre technique de télédétection active a été développée, très proche de celle du radar, mais utilisant des fréquences beaucoup plus élevées, couvrant le domaine des longueurs d'ondes visibles et ultraviolettes: le lidar (Light Detection And Ranging). I.4. Le train spatial : une première mondiale La maitrise de ces techniques de télédétection a abouti au début du 21ème siècle à une première mondiale : l'A-Train, une constellation de 6 satellites qui volent à quelques minutes d'intervalle sur une orbite héliosynchrone, à environ 700 km d'altitude et à une vitesse d'environ 7 km s-1 (cf. figure I.7). Ce train spatial, aussi appelé Afternoon Train car il franchit l'équateur à 13h30 locales, met en oeuvre toutes les techniques de télédétection actuellement connues pour étudier tous les domaines de l'atmosph : nuages, aérosols, cycle de l'eau, chimie, rayonnement Figure I.7: Les satellites de l'A-Train. L'intervalle de temps entre chaque satellite est indiqué. Le tableau I.1 résume les différents satellites qui constituent l'A-Train, avec leurs dates de mise en opération, leur instrumentation et leurs domaines d'étude. Les mesures des 10 Chapitre I différents instruments de l'A-Train sont complémentaires et fournissent un jeu de données sans précédent couvrant tous les domaines de l'atmosphère à une échelle spatiale planétaire, et sur plusieurs années, avec pour objectif principal l'amélioration des modèles de prévision du climat global, du temps et de la pollution. Satellite Domaine d'étude Objectifs de la mission AQUA 2002 Cycle de l'eau CloudSat (Cloud Satellite) 2006 CALIPSO (Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observation) 2006 PARASOL Propriétés optiques et microphysiques des nuages et précipitations Propriétés optiques et microphysiques des nuages fins et aérosols Instrumentation embarquée Radiomètres MODIS, CERES et AMSR Sondeurs infrarouges et micro-ondes Radar CPR 94 GHz Lidar CALIOP, imageur infrarouge IIR et caméra grand champ WFC 2004 Propriétés radiatives et microphysiques des nuages et des aérosols Radiomètre grand champ POLDER Prévu en 2010 Effet direct et indirect des aérosols Bilan énergétique de la Terre Polarimètre APS, radiomètre TIM et imageur visible AURA 2004 Qualité de l'air Ozone stratosphérique Evolution du climat Sondeurs HIRDLS et MLS Spectromètres TES et OMI OCO Echec au lancement en 2009 Mesure du dioxyde de carbone Spectromètres (Polarization and Anisotropy of Reflectances for Atmospheric Sciences coupled with Observations from a Lidar) GLORY (Orbiting Carbone Observatory) Tableau I.1: Dates de lancement, objectifs et instrumentation de chacun des satellites de l'A-Train. I.4.1. Le tandem CALIPSO-CloudSat Plus particulièrement, les satellites CloudSat et CALIPSO (Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observation), respectivement en 2ème et 3ème position dans l'ATrain, sont dévoués à l'étude des nuages et aérosols. L'instrumentation embarquée est composée d'un radar profileur de nuages à 94 GHz à bord de CloudSat et d'un lidar à rétrodiffusion (CALIOP), d'un imageur infrarouge (IIR) et d'une caméra grand champ (WFC) 11 Chapitre I sur CALIPSO. Ces instruments complémentaires vont fournir pour la première fois les profils verticaux des nuages et aérosols à une échelle globale et contribuer de façon significative à l'amélioration des connaissances des propriétés optiques et microphysiques des nuages. I.4.2. Validation Cependant, la télédétection est une technique de mesure indirecte. En effet, les instruments à bord de CALIPSO et CloudSat, comme tous les autres instruments embarqués sur satellites, mesurent en fait une puissance électromagnétique, qu'elle soit rétrodiffusée ou émise par les cibles (nuages et aérosols concernant CloudSat et CALIPSO). Une fois les mesures acquises, des algorithmes d'inversion doivent être appliqués afin de déterminer les propriétés nuageuses. Afin d'être ensuite utilisés scientifiquement et quantitativement dans les modèles, ces produits restitués, et donc les algorithmes d'inversion, doivent êtres validés. La validation des produits d'inversion satellitaires est donc un objectif incontournable de la télédétection spatiale. Plusieurs grands programmes de validation des observations de l'A-Train sont déjà en cours : TWP-ICE (Tropical Warm Pool-International Cloud Experiment), C3VP (Canadian CloudSat/CALIPSO Validation Project) par exemple. Ces programmes mettent en jeu des méthodes de validation diverses: certaines consistent par exemple à réaliser des mesures au sol avec la même instrumentation (radar, lidar) qu'à bord de CALIPSO et CloudSat, et d'autres sont basées à partir de mesures aéroportées de télédétection et/ou in situ afin de valider directement les produits nuages issus des algorithmes d'inversion. Un autre moyen de validation est la mise en oeuvre de plusieurs sites instrumentés avec des mesures de l'atmosphère en continu comme par exemple le réseau CloudNET ou bien le programme ARM (Atmospheric Radiation Measurement). Des études significatives impliquant des méthodes de traitement différentes afin d'évaluer les incertitudes sur les produits d'inversion satellitaires se développent également (Heymsfield, 2008). Chapitre I I.5. Campagnes de mesures aéroportées Tout au long de cette thèse, nous nous focaliserons sur les campagnes de mesures aéroportées qui ont pour objectifs la validation des produits nuages de CALIPSO et CloudSat. Nous nous intéresserons plus particulièrement à deux types de nuages faisant partie de ceux qui ont le plus d'impact sur le bilan radiatif de la Terre et son climat : les nuages en phase mixte en région Arctique et les cirrus aux latitudes tempérées. I.5.1. En région Arctique Dans le contexte actuel de dérèglement climatique, il a été observé que l'Arctique se réchauffe à une vitesse deux fois plus rapide que la moyenne globale (ACIA, 2004). De plus, les incertitudes dans les prévisions des modèles sont plus grandes en Arctique que dans le reste du monde (Holland et Blitz 2003 ; Kattsov et Kallen 2004). Il est reconnu que les nuages Arctiques de basses altitudes sont différents de ceux observés à des latitudes plus basses. Un faible ensoleillement, couplé avec de fortes inversions et une combinaison de glace de mer et d'océan produisent des nuages multicouches avec des profils de température stables. (Curry 1986; Curry et al., 1990; 1996). De plus, les expériences récentes (SHEBA (Uttal et al., 2002); M-PACE (Verlinde et al., 2007), FIREACE (Curry et al., 2000)), ont révélé que la phase mixte semble dominer dans ces nuages Arctiques de basse altitude et précipitants durant les 3⁄4 de l'année. Parmi les campagnes de mesures en région Arctique, les campagnes ASTAR (Arctic Study of Tropospheric Aerosol cloud and Radiation) et POLARCAT (Polar Study using Aircraft, Remote Sensing, Surface Measurements and Models, of Climate, Chemistry, Aerosols, and Transport) se sont déroulées respectivement en 2007 et 2008, et ont fait partie du programme de l'Année Polaire Internationale. Un des objectifs principaux de ces deux campagnes est l'étude de la phase mixte des nuages Arctiques et la validation des observations de CALIPSO et CloudSat. Les avions Polar-2 de l'AWI (Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research) et ATR-42 de SAFIRE (Service des Avions Français Instrumentés pour la Recherche en Environnement) ont été utilisés lors des campagnes ASTAR et POLARCAT respectivement. Ces campagnes ont été soutenues par le CNES, l'INSU, l'ANR, l'IPEV et l'AWI. Chapitre I I.5.2. Cirrus Les cirrus sont reconnus comme faisant partie des principaux types de nuages qui contrôlent le bilan radiatif de notre planète (Paltridge, 1980). Ces nuages, décrits morphologiquement comme des nuages détachés qui apparaissent fins, blancs, fibreux et filamenteux sont froids, de haute altitude et constitués de glace. Les cirrus fins causent un réchauffement net de la Terre car ils permettent à la lumière visible de passer et absorbent et réfléchissent le rayonnement infrarouge tellurique, contribuant ainsi à l'effet de serre. Les cirrus sont aussi très répandus avec une occurrence de leur couverture nuageuse comprise entre 28% et 42% (Lynch, 1996). La campagne de mesure aéroportée CIRCLE-2 (CIRrus CLoud Experiment) en 2007 a pour but de répondre en partie à ces objectifs, avec l'étude des cirrus aux latitudes nes et des vols synchronisés avec la trajectoire de l'A-Train pour la validation des produits d'inversion CALIPSO et CloudSat. CIRCLE-2 a vu la mise en oeuvre de l'avion Falcon-20 du DLR (Deutsches Zentrum für Luft und Raumfahrt à Oberpfaffenhofen) pour les mesures in situ et de l'avion Falcon-20 de SAFIRE pour les observations de télédétection aéroportée. Cette campagne a été soutenue par le CNES, l'INSU et le DLR I.6. Plan de la thèse Le travail que nous présentons ici concerne les résultats de la validation des produits d'inversion de CALIPSO et de CloudSat que nous avons obtenus lors des campagnes ASTAR, POLARCAT et CIRCLE-2 dans le cas des nuages Arctiques en phase mixte et des cirrus de moyenne latitude. Après l'introduction, le deuxième chapitre de cette thèse sera consacré à la description du cadre scientifique et des objectifs des trois campagnes de mesures ASTAR 2007, POLARCAT 2008 et CIRCLE-2. Nous décrirons également l'instrumentation in situ de base avec les sondes de types PMS et le Néphélomètre Polaire. La détermination des paramètres optiques et microphysiques des nuages (contenus en eau et en glace, coefficient d'extinction, itre I taille effective et concentrations des particules) à partir des mesures de ces instruments sera détaillée. Le troisième chapitre aura pour objet la description de l'instrument imageur de particules nuageuses CPI (Cloud Particle imager). Après un rappel du principe de fonctionnement, la méthode de classification des cristaux selon leur forme sera décrite ainsi que la méthode d'obtention des paramètres microphysiques. Les améliorations et modifications apportées au traitement des mesures seront ensuite largement discutées. Il s'agira tout d'abord de la prise en compte des particules tronquées et de la détermination du facteur de réflectivité radar équivalente à partir des données in situ acquises par le CPI avec pour objectif la validation CloudSat. Nous évaluerons enfin la précision et les incertitudes de mesures. La validation CALIPSO sera le sujet du quatrième chapitre. Nous décrirons tout d'abord la méthode de collocalisation des observations spatiales et aéroportées. Après une courte description des algorithmes d'inversion du lidar CALIOP pour la restitution des paramètres nuageux, la validation CALIPSO sera dans un premier temps consacrée aux produits en cirrus lors de la campagne CIRCLE-2. Quatre cas de validation en cirrus seront présentés et des paramétrisations pour retrouver le contenu en glace et le diamètre effectif seront proposées. On rappelle que les résultats ci-dessus ont fait l'objet d'une publication (acceptée dans le Journal of Geophysical Research : CALIPSO Special Issue). Une copie de cet article fait l'objet d'une annexe à la fin de cette thèse. Dans un second temps, nous présenteront deux cas de validation CALIPSO en région Arctique, et nous soulignerons l'effet de la phase mixte sur les observations CALIOP. Avec une structure similaire au chapitre quatre, le cinquième chapitre présentera les méthodes et résultats de validation CloudSat. Un cas de cirrus de latitude moyenne et un cas de nuage Arctique en phase mixte seront détaillés. Un bilan des résultats incluant toutes les situations de validation sera effectué. Enfin, des paramétrisations seront également proposées afin de déterminer les paramètres nuageux à partir du facteur de réflectivité radar équivalente. 15 Les campagnes d'observation et l'instrumentation in situ de base Chapitre II Chapitre II Les campagnes d'observation et l'instrumentation in situ de base Nous décrivons dans ce chapitre le contexte scientifique et logistique dans lequel se déroule le travail de cette thèse. Les données d'observation que nous utiliserons dans le cadre de la validation CALIPSO et CloudSat sont issues de trois campagnes internationales de mesures qui ont été réalisées en région Arctique (ASTAR et POLARCAT) et aux latitudes tempérées (CIRCLE-2). Ces observations ont été obtenues par trois avions de recherche atmosphérique spécialement équipés pour la mesure des propriétés microphysiques et optiques des nuages. Nous présentons tout d'abord les objectifs scientifiques de ces trois campagnes. Nous décrivons ensuite les performances des trois avions ainsi que le bilan des vols réalisés. Les instruments in situ de base (sondes PMS FSSP, 2D et Néphélomètre Polaire) qui composent la plate-forme aéroportée du Laboratoire de Météorologie Physique seront décrits en détail ainsi que les méthodes de traitement des mesures avec les précisions obtenues sur les paramètres microphysiques et optiques. La description de l'instrument Cloud Particle Imager (CPI) fera l'objet du chapitre III de ce travail avec les différentes méthodes de traitement pour obtenir les paramètres morphologiques et microphysiques des particules. Chapitre II II.1. Les campagnes d'observation II.1.1. Objectifs scientifiques II.1.1.1. En région Arctique Il est maintenant bien établi que l'Arctique est la région du globe la plus sensible au réchauffement global (Curry et al, 1999) de part les importantes rétroactions climatiques qui ont lieu, dues principalement aux interactions entre le rayonnement, l'albédo de surface élevé à cause de la couverture neigeuse, les nuages et les aérosols. La couverture nuageuse annuelle en Arctique représente 80 % en moyenne et est dominée par les nuages de basses altitudes à 70% (Curry and Ebert, 1992). Cependant, à cause de leur présence importante et de la grande variabilité de leurs caractéristiques, le rôle et l'impact des nuages en phase mixte sont encore mal appréhendés, et leurs représentations dans les modèles climatiques rendent difficiles les prévisions dans cette région du globe (Inoue et al, 2006). Les mesures directes afin de documenter les nuages Arctiques sont donc une des clés pour améliorer la compréhension des différents processus physiques mis en jeu, de leurs interactions et réduire les incertitudes sur leurs paramétrisations dans les modèles régionaux ou globaux. Les mesures de télédétection depuis l'espace sont un autre moyen de déterminer les propriétés des nuages Arctiques, et présentent l'avantage de réaliser des mesures en continu dans le temps et distribuées de manière homogène géographiquement, alors que les mesures directes restent ponctuelles. Cependant, les régions Arctiques présentent des difficultés pour l'observation depuis l'espace. En effet, la présence importante de nuages en phase mixte, donc composés à la fois de gouttes d'eau surfondue et de cristaux de glace, rend très complexe l'étud de l'interaction nuagesrayonnement. Ainsi, la mise en oeuvre de mesures in situ et de télédétection (aéroportée ou depuis l'espace) concomitantes, a pour but une meilleure détermination et la validation des propriétés nuageuses issus de la télédétection. II.1.1.1.1. La campagne ASTAR 2007 Dans ce contexte, la campagne ASTAR 2007 (Arctic Study of Tropospheric Aerosols, clouds and Radiation) s'est déroulée du 25 Mars au 19 Avril 2007 à Longyearbean (78°N, 15°E), au Spitzberg, sur l'archipel de Svalbard (Norvège) et avait pour principal objectif de documenter les propriétés des nuages et aérosols en région Arctique à partir de mesures aéroportées, avec des vols dédiés à la validation des mesures de télédétection spatiale 18 Les campagnes d'observation et l'instrumentation in situ de base Chapitre II (CALIPSO/CloudSat). Le choix de cette période (transition hiver-printemps) avait aussi pour but d'étudier le phénomène de brume Arctique (Arctic haze) rencontré habituellement à cette époque de l'année, ainsi que l'étude des transports de pollution en région Arctique. II.1.1.1.2. La campagne POLARCAT (Printemps 2008) Le second projet dédié – en partie – à l'étude des nuages en région Arctique que nous présenterons dans cette thèse est la campagne Printemps du programme international POLARCAT (POLar study using Aircraft, Remote sensing, surface measurements and models, of Climate, chemistry, Aerosols, and Transport). Ce programme international (18 pays et 22 campagnes de mesures) a pour but de quantifier l'impact des gaz trace, aérosols et métaux lourds transportés en région Arctique, leur forçage radiatif et leur contribution sur le changement climatique de cette région sensible du globe. Un des objectifs du projet POLARCAT est également l'étude des interactions aérosols-nuages et de l'effet indirect des aérosols à partir de mesures in situ et de télédétection. Cette campagne s'est déroulée du 28 Mars au 12 Avril 2008 à Kiruna (Suède) et a pour principaux objectifs l'étude des nuages et de la pollution en région Arctique et de son transport, avec également des objectifs de validation de télédétection spatiale (CALISPO/CloudSat/IASI). II.1.1.2. Etude des Cirrus aux moyennes latitudes: la campagne CIRCLE-2 Les nuages de haute altitude de type Cirrus, qui représentent environ 30 % de la couverture nuageuse de la surface terrestre (Wylie et al, 1994), ont une grande importance dans le bilan radiatif de la terre (Liou, 1986; Liou and Takano, 1994) de part leurs interactions avec le rayonnement solaire et terrestre. Cependant, leurs représentations et leurs paramétrisations dans les modèles à moyenne et grande échelle reste une des plus grandes sources d'incertitude dans la prévision du climat futur, à cause de la grande variété de ces nuages et du manque de connaissances de leurs propriétés microphysiques et optiques. La campagne de mesures CIRCLE-2 (CIRrus CLoud Experiment) a pour but d'apporter des réponses à ces problématiques. Les principaux objectifs de cette campagne sont d'améliorer la connaissance des processus microphysiques mis en jeu dans le cycle de vie des Cirrus à partir de mesures in situ et de télédétection, avec comme objectif également omniprésent la validation des produits dé e CALIPSO et CloudSat en Cirrus. La campagne CIRCLE-2 s'est déroulée à Oberpfaffenhofen (Allemagne) du 14 Mai au 26 Mai 2007. II.1.2. Les avions de recherche Au cours des campagnes décrites ci-dessus, trois avions de recherche différents ont été utilisés : il s'agit du POLAR-2 (figure II.1.a) de l'AWI (Alfred Wegener Institute), de l'ATR-42 (figure II.1.b) de SAFIRE (Service des Avions Français Instrumentés pour la Recherche en Environnement) et du Falcon-20 (figure II.1.c) du DLR (Deutschen Zentrums für Luft und Raumfahrt). Les performances de ces trois avions sont résumées dans le tableau II.1. On remarque que POLAR-2 et l'ATR-42 sont adaptés aux vols en basses couches ou moyennes avec une autonomie de vol scientifique de 3 heures, tandis que le Falcon-20 permet des vols à haute altitude avec une autonomie de 5 heures environ. L'instrumentation scientifique pour la caractérisation des propriétés microphysiques et optiques des nuages est également reportée dans le tableau II.1. Pour la campagne ASTAR, ce sont le Néphélomètre Polaire (NP), le Cloud Particle Imager (CPI) et le FSSP-100 qui ont été utilisés alors que POLARCAT a vu la mise en oeuvre de l'ensemble des instruments de la plateforme de mesures aéroportées du LaMP avec les PMS 2D-C et 2D-P. Lors de la campagne CIRCLE-2, le NP, le CPI, le 2D-C et le FSSP-300 ont été utilisés. Avion Autonomie POLAR-2 (AWI) dans ASTAR 2007 ~ 3h Plafond d'altitude (m) Vitesse moyenne Instrumentation in (m s-1) situ Instrumentation supplémentaire PN AMALi (AWI) CPI SMART (Mainz) FSSP-100 PN CPI CVI (LaMP) ATR-42 (SAFIRE) ~ 3h 7 000 100 FSSP-100 LNG (SA) dans POLARCAT 2D-C RASTA (CETP) 2D-P PN FALCON-20 Lidar WALES (DLR) CPI ~ 5h 12 000 200 (DLR) SMART (Mainz) FSSP-300 dans CIRCLE-2 2D-C Tableau II.1: Caractéristiques des trois avions de recherche atmosphérique et instrumentation aéroportée utilisés dans les campagnes ASTAR 2007, POLARCAT et CIRCLE-2. 3 300 80 20 Les campagnes d'observation et l'instrumentation in situ de base Chapitre II On signale par ailleurs l'instrumentation complémentaire qui a été mise en oeuvre sur les avions lors de ces campagnes (cf. tableau II.1). Il s'agit de l'albédomètre spectral SMART (Spectral Modular Airborne Radiation measurement sysTem, Wendisch and Mayer, 2003; Wendisch et al., 2004) de l'université de Mainz/Lepzig lors des campagnes ASTAR et CIRCLE-2, du lidar AMALi (Airborne Mobile Aerosol Lidar, Stachlewska et al., 2004)) de l'Alfred Wegener Institute de Bremenhaven dans ASTAR, du lidar WALEs (WAter vapor Lidar Experiment in Space) du DLR (Wirth et al, 2009) dans CIRCLE-2, et du CVI (Counterflow Virtual Impactor, Twohy et al., 1997) et du système RALI dans POLARCAT. On notera enfin que la campagne CIRCLE-2 a fait intervenir un deuxième avion de recherche : le Falcon-20 de SAFIRE qui a permis de réaliser des mesures de télédétection (lidar LNG : Léandre Nouvelle Génération, Pelon et al., 1990 ; Bruneau et al , 2003) du Service d'Aéronomie et radar RASTA (Radar Aéroporté et Sol de Télédétection des propriétés nuAgeuses, Protat et al., 2004) du CETP. b ) a) c) Figure II.1: Avions de recherche utilisés pour les campagnes de mesures: (a): POLAR-2 (AWI, ASTAR 2007); (b): ATR-42 (SAFIRE, POLARCAT) et (c): FALCON-20 (DLR, CIRCLE-2). 21 Les campagnes d'observation et l'instrumentation in situ de base Chapitre II II.1.3. Bilan des vols et traitement systématique des mesures Le tableau II.2 résume l'ensemble des vols en nuages effectués pour les trois campagnes, avec les lieux des observations, les types de nuages rencontrés et les domaines de températures étudiés. Au total, ce sont 25 vols qui ont été réalisés dont 12 en Arctique dans des nuages stratiformes de couche limite en phase mixte, 6 en Arctique dans des nuages glacés (cirrus et nimbostratus) et 10 dans des cirrus aux latitudes moyennes. D'une façon générale, l'ensemble des données obtenues au cours des vols ci-dessus a fait l'objet d'un traitement systématique. Les mesures validées ont été intégrées dans les bases de données de chaque campagne et sont à la disposition de la communauté scientifique (http://www.pa.op.dlr.de/pazi-falcon/circle2/index.html, /http://www.polarcat.no/ et http://www.pa.op.dlr.de/aerosol/astar2007). Concernant la validation des produits d'inversion des satellites CALIPSO et CloudSat, objectif central de cette thèse, ce sont les mesures de 8 vols qui ont été spécifiquement analysées car réalisées sous la trace des satellites. Pour ce qui concerne la validation CALIPSO en cirrus, ce sont les vols du 1er Avril 2008 de POLARCAT et des 16, 23, 25 et 26 Mai 2007 de CIRCLE-2 qui ont été exploités et représentent environ 130 minutes de mesures in situ quasi-colocalisées. Les vols du 7 et 9 Avril 2007 de ASTAR ainsi que du 1er et 10 Avril 2008 de POLARCAT concernent la validation de CloudSat dans les nuages Arctiques de type stratiforme en phase mixte. Les vols du 23 et 26 Mai 2007 de CIRCLE-2 concernent la validation CloudSat dans les cirrus ainsi que le 1er Avril 2008 de POLARCAT. Ces situations représentent au total environ 200 minutes de mesures in situ quasi-colocalisées.
56,004
bdfc9483aca9c1b57924df65eeb695a6_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
1,942
L'évolution de la morphologie dans le genre <i>Trypanosoma</i>
None
French
Spoken
6,904
12,770
REVUE CRITIQUE L’ÉVOLUTION DE LA MORPHOLOGIE DANS LE GENRE TRYPANOSOMA P a r G. LAVIER Le genre Trypanosoma compte actuellement un nombre consi­ dérable, et qui ne cesse de s’accroître, d’espèces parasites d’inver­ tébrés et de vertébrés. Aussi a-t-on, à diverses reprises, cherché à établir à son intérieur des coupures génériques ou subgénériques. Dès 1906, Woodcock, sous l’influence des vues théoriques de Schaudinn et de L. Léger pour qui les trypanosomes dérivaient d’organismes primitivement bi-flagellés, sépara du genre Trypano­ soma dont le flagelle unique lui paraissait devoir être morpholo­ giquement postérieur, l’espèce T. noctuæ, parasite de la chevêche, dont le flagelle était d’après lui originellement antérieur ; il établis­ sait pour cette espèce le genre Trypanomorpha qui ne rencontra d’ailleurs pas de crédit. La même année, Lühe, sur une conception également théorique mais différente de la précédente, créait un autre mode de division. Pour cet auteur, les trypanosomes avaient une origine double : les uns, véritablement uniflagellés, dérivaient des Crithidia : c’étaient T. lewisi et les espèces parasites de mammifères ; il les réunissait dans le genre nouveau Trypanozoon ; les autres avaient une ori­ gine primitivement biflagellée et pour eux, il remettait en vigueur l’ancien nom d ’Hæmatomonas usité bien antérieurement par Mitrophanow. Ces coupures, basées sur de purs concepts théoriques, ne pou­ vaient avoir aucune solidité ; aussi, en 1912, Laveran et Mesnil, tout en reconnaissant que le nombre des espèces est devenu si grand qu’il serait utile de pouvoir scinder le genre ajoutent aussitôt : « Mais nous ne voyons pas encore nettement comment faire cette coupure générique ». En fait, ils n’admettent, à côté du genre TryA n n . d e P a r a s it o l o g i e , t . X I X , n os 4-5-6. — 1942-1943, p . 168-197. Article available at http://www.parasite-journal.org or https://doi.org/10.1051/parasite/1942-1943194168 EVOLUTION DE LA MORPHOLOGIE DES TRYPANOSOMES 169 panosoma, que, « provisoirement tout au moins », le genre Schizotrypanum. Celui-ci avait été créé en 1909 par Chagas pour T. cruzi en raison des particularités de son développement tel que l’avaient signalé Chagas et Vianna, c’est-à-dire d’un stade non flagellé du parasitisme et d’une multiplication dans les globules rouges. Les travaux postérieurs ont montré l’erreur de Chagas et collaborateurs sur ce point et, dès 1909, Chagas lui-même abandon­ nait son genre nouveau et en réintégrait l’unique espèce dans le genre Trypanosoma. Cependant, le terme de Schizotrypanum a été depuis, et est encore parfois, usité par divers auteurs certainement plus par habitude que par raison voulue ; ce n’est que récemment que Dias l’a repris sur une base nouvelle que nous examinerons plus loin. En 1918, Chalmers publia un mode de classification des espèces trypanosomiennes suivant une hiérarchie compliquée qui peut se résumer ainsi : 1re Tribu : Cystotrypaneæ ; formes existant seulement chez les invertébrés. Divisée en genres : Rhynchoidomonas Patton 1910, Cystotrypanosoma Roubaud 1911, les autres restant dans le genre Trypanosoma sensu lato. 2° Tribu : Trypanosomeæ ; formes existant à la fois chez les invertébrés et les vertébrés à sang froid ; groupées toutes dans le genre Trypanosoma sensu stricto divisé en trois sections : trypano­ somes de poissons, d’amphibiens et de reptiles. 3e Tribu : Trypocastellaneæ ; formes existant à la fois chez les invertébrés et les vertébrés à sang chaud ; comprennent : lre sec­ tion, les trypanosomes d’oiseaux, laissés provisoirement dans le genre Trypanosoma sensu lato ; 2° section, les trypanosomes de mammifères divisés ainsi : formes non pathogènes (genres Lewisonella et Endotrypanum) ; formes pathogènes (genres Schizotry­ panum, Castellanella, Duttonnella) ; en outre, les formes ne ren­ trant pas dans ces genres et d’autre encore mal connues restent dans le genre Trypanosoma sensu lato. Il est inutile de faire ici la critique de cette classification qui, basée sur des caractères purement contingents et jamais sur la base morphologique, aboutit à des coupures sans aucune netteté et n’a même pas ainsi un caractère pratique comparable à celui des entrées de catalogue. Le système de Chalmers n’a d’ailleurs rencon­ tré aucun succès et il serait aujourd’hui entièrement oublié si l’on n’avait essayé récemment, comme nous le verrons plus loin, de le faire partiellement revivre sous une nouvelle forme. 170 G. L A M E R Dans son traité de 1926, Wenyon, après avoir fait la critique des genres Rhynchoidomonas et Cystotrypanosoma, conclut, en ce qui concerne le genre Trypanosoma proprement dit, que toutes les ten­ tatives faites pour subdiviser ce genre déjà compliqué n’ont abouti qu’à augmenter la confusion : « On morphological grounds alone, écrit-il, all the trypanosomes undoubtedly belong to one genus, Trypanosoma ». Cette opinion a été généralement adoptée. Cependant, dans ces dernières années, des tentatives ont eu lieu pour restaurer quelques-unes des coupures génériques abandon­ nées. Tout d’abord Dias (1934) a voulu justifier le genre Schizotrypanum, non plus sur la base primitive de Chagas mais sur le fait de sa multiplication intracellulaire ; dans ce genre, il joint à Trypanosoma cruzi l’espèce T. pipistrelli dont le mode de division a été décrit par Chatton et Courrier. Les arguments de Dias ont été soumis à une critique précise et fort pertinente de Hoare (1936) à laquelle je ne puis que me rallier entièrement. Dias est cepen­ dant resté sur sa position et, tout récemment, dans une révision des trypanosomes de Chéiroptères, il considère toutes les espèces du groupe T. vespertilionis comme devant rentrer dans le genre Schizotrypanum ; bien plus, constatant que les formes sanguicoles de chauves-souris brésiliennes sont morphologiquement indistingables de T. cruzi, il penche pour l’identité de T. vespertilionis avec T. cruzi. En fait, cependant, il ne réfute pas les critiques soli­ des de Hoare et la conclusion négative de ce dernier auteur persiste entière. D’autre part Jacono (1935) a repris en partie les vues de Chal­ mers exposées plus haut. Pour lui, le nom générique Trypano­ soma doit être réservé à l’espèce-type, T. rotatorium, les autres espèces appartenant au genre Castellanella Chalmers. Il est revenu en 1937 et 1938 sur ce point, insistant sur ce fait que chez T. rota­ torium, la forme qui se divise est la forme « adulte » grosse et arrondie (du moins dans les cultures, car il n’envisage la division ni chez l’hôte vertébré ni chez l’hôte invertébré) ; en outre, dans le genre Trypanosoma, comme le conçoit Jacono, le kinétoplaste n’est pas terminal mais situé à proximité du noyau, tandis que chez Castellanella il est toujours à proximité de l’extrémité postérieure. Une remarque s’impose ici : l’article de Jacono de 1938, en langue anglaise, a dû être complété par un article postérieur de J.-C. Swartzwelder qui en constitue une glose destinée à présenter et à « clarifier » cette classification (tel est du moins le propre terme de l’auteur américain qui, par ailleurs, se défend d’exprimer une opi­ nion personnelle quant à la validité des vues de Jacono). Il est EVOLUTION DE LA MORPHOLOGIE DES TRYPANOSOMES 171 exact que si l’on compare avec T. rotatorium un trypanosome comme T. lewisi, on peut être frappé par le caractère très dissem­ blable de position du kinétoplaste ; mais il ne faut pas oublier que d’autres et nombreuses formes existent, nous montrant entre ces deux termes éloignés toutes les transitions et l’on ne saisit pas bien à partir de quelle position exacte du kinétoplaste une espèce devra passer du genre Trypanosoma dans le genre Castellanella. Un seul exemple, mais bien typique, suffira à illustrer la faiblesse générale des classifications de Chalmers, de Dias, de Jacono. C’est F ig. 1. — Trypanosoma parroti B ru m p t d u Discoglossus pictus d ’A lgérie. F o r­ m es leish m a n o ïd e s de d iv isio n d a n s le foie et en b a s d e u x fo rm es a d u lte s du san g c irc u la n t, d ’a p rè s E. B ru m p t (1936, p. 300). celui de Trypanosoma parroti. Cette espèce (fig. 1) a été signalée en 1923 par E. Brumpt chez l’Amphibien Discoglossus pictus ; la forme sanguicole « adulte » est longue, très mobile, rappelant, dit Brumpt, le trypanosome de l’anguille ; son kinétoplaste est gros, transversal, subterminal ; la division s’effectue dans le foie sous forme de corps leishmanoïdes. Si l’on suit Chalmers, cette espèce doit donc rentrer dans le genre Trypanosoma sensu str. puisque parasitant un vertébré à sang froid ; cependant, pour Jacono, le kinétoplaste étant terminal, ce serait une Castellanella ; mais d’au­ tre part, le mode de division serait un argument pour le faire ren­ trer dans le genre Schizotrypanum si l’on suivait Dias. On voit ainsi avec quelle rapidité on tombe dans l’absurde en employant des bases de classification par trop artificielles et établies seule­ ment en considération de quelques espèces, abstraction faite du nombre énorme des autres qui, quand on les examine, ne peuvent 172 G. L A V I E R être intégrées dans ce statut. A la vérité, la conclusion que Wenyon formulait en 1926 est encore valable en 1942 : nous n’avons pas actuellement de bases pour un démembrement du genre Trypano­ soma. Toutefois, y a-t-il possibilité, sans vouloir créer des coupures génériques ou subgénériques, d’établir dans le genre unique des groupements d’espèces ? Wenyon a proposé en 1926 (p. 346) un classement dont il dit lui-même' qu’il a, si rien de plus, l’avantage de la commodité. Il fait pour cela intervenir le mode de transmis­ sion du parasite à l’hôte vertébré et le mode d’évolution du flagellé chez l’hôte invertébré. Ainsi sont reconnus deux groupes : A. — Rassemblant les trypanosomes qui chez l’invertébré ont leur forme métacyclique infectieuse en station postérieure, c’està-dire dans le rectum, il comprend : I o les trypanosomes de rongeurs, chéiroptères, insectivores, édentés, singes ; 2° l’espèce T. cruzi ; 3° les trypanosomes non pathogènes transmis par des Tabanides, des Pupipares ou autres Arthropodes, y compris les grandes formes rencontrées chez les bovidés et les antilopes B. — Groupant les trypanosomes dont les formes métacycliques apparaissent chez l’invertébré en station antérieure ou qui se sont adaptés secondairement au passage direct de vertébré à vertébré, il comprend : 1° les trypanosomes pathogènes transmis par des Arthropodes piqueurs ; 2° les trypanosomes pathogènes adaptés au passage direct ; 3° les trypanosomes d’oiseaux (?) ; 4° les trypanosomes de reptiles terrestres (?) ; 5° les trypanosomes de vertébrés aquatiques (reptiles, amphibiens, poissons) transmis par des sangsues. Hoare (1931) a repris ce classement en y introduisant une modi­ fication nécessitée par le mode d’évolution de Trypanosoma grayi : les trypanosomes des reptiles et amphibiens terrestres (groupe B 4°) doivent être transférés dans le groupe A. Il a développé avec Coutelen (1933) les vues de Wenyon en ce qui concerne principale­ ment les trypanosomes de mammifères et enfin, en 1936, donné pour ceux-ci un groupement en deux sections : A. — Caractérisée ainsi : morphologiquement, kinétoplaste non terminal, extrémité postérieure étirée et pointue ; division chez le vertébré sous forme crithidia ou leishmania (exceptionnellement sous forme trypanosome) ; biologiquement : multiplication dis- E VO LUTION DE LA MORPHOLOGIE DES TR YP A NOSOM E S 173 continue chez le vertébré : développement cyclique chez l’invertébré formes métacycliques en station postérieure ; transmission conta­ minative ; rôle pathogène nul ou faible ; culture facile. C’est le groupe de T. lewisi et de nombreuses formes voisines des petits mammifères auxquels sont joints T. cruzi et même T. theileri, T. melophagium, T. theodori. B. — Morphologie : kinétoplaste terminal ou subterminal ; extré­ mité postérieure arrondie ; division chez le vertébré sous forme trypanosome. Biologie : multiplication continue chez le vertébré ; développement cyclique chez l’hôte intermédiaire avec formes métacycliques en station antérieure (excepté dans le groupe evansi qui n’a pas de développement cyclique). Transmission inoculative (excepté chez T. equiperdum ) ; trypanosomes pathogènes, de cul­ ture difficile. Cette section comprend quatre groupes : gr. evansi : T. evansi, T. equinum, T. equiperdum. gr. vivax : T. vivax, T. capræ, T. uniforme. gr. congolense : T. congolense, T. simiæ. gr. brucei : T. brucei, T. rhodesiense, T. gambiense. Mais la base primitive prise par Wenyon pour sa classification, c’est-à-dire le mode de transmission et l’évolution chez l’invertébré, peut-elle amener à un groupement ayant une valeur naturelle ? Dans le nombre considérable des espèces trypanosoiniennes, il en est peu en effet dont nous connaissons le cycle complet et cela explique les points d’interrogation, mis par Wenyon, à côté de cer­ tains des groupes. D’autre part les trypanosomes pathogènes des mammifères transmis, ou non, par les glossines se trouvent dans une telle classification occuper une place explicable certes par leur importance médicale et vétérinaire, mais exagérée du point de vue zoologique. Enfin la morphologie du parasite chez le vertébré (sauf en ce qui concerne le groupement de Hoare pour les espèces de mammifères) n’entre pas en ligne de compte. Il est vrai que pour tout parasite évoluant cycliquement chez un vertébré et un inver­ tébré la question peut se poser de savoir lequel des deux hôtes est l’hôte primitif ou le plus important. 11 y a longtemps que le débat a été institué pour les trypanosomes et la thèse d’après laquelle ils étaient des parasites d’invertébrés, adaptés secondairement, a triomphé un certain temps et possède encore quelques défenseurs. Bien des faits en réalité parlent contre elle. On ne saurait en particulier ne pas être frappé par l’homo- 174 G. L A V I EH généité morphologique des espèces trypanosomiennes parasitant des vertébrés zoologiquement voisins et dont les vecteurs peuvent être cependant fort différents. Il me suffira ici d’un exemple typi­ que : les trypanosomes de reptiles ont, sous des variations plus ou nioins étendues, de grandes ressemblances d’aspect. Or, pour ceux dont nous connaissons l’évolution complète, nous savons qu’elle peut s’effectuer chez une sangsue (trypanosomes de chéloniens et de certains ophidiens) ; chez une glossine (tryp. de crocodile) ; chez un phlébotome (cas de T. hemidactyli d’un lacertilien) ; et les varia­ tions d’aspect que l’on peut observer ne coïncident pas avec la variation d’hôte intermédiaire. Tout montre que le vertébré est bien l’hôte primitif et que le trypanosome a trouvé, dans les parasites hématophages qu’offrait à celui-ci son milieu biologique, celui ou même ceux auxquels il a pu secondairement s’adapter. D’autre part les modalités de développement chez l’invertébré sont en nombre restreint et d’une répartition fort inégale. Le mode d’évolution de beaucoup le plus répandu, celui qui, on peut le dire, en est le type même pour le genre Trypanosoma, c’est celui où le développement se fait dans le tube digestif et aboutit dans celui-ci à l’apparition des formes métacycliques ; c’est la « station posté­ rieure » et l’infection du vertébré se fait par mode contaminatif, grâce aux déjections de l’invertébré ou encore par l’ingestion totale de celui-ci. L’invertébré se comporte somme toute comme un tube de culture et l’on comprend que l’adaptation ait pu, dans bien des cas, se faire avec facilité. Trypanosoma cruzi, par exemple, qui, dans la nature, évolue chez des réduvidés sud-américains, s’est montré capable, dans les conditions expérimentales, de se dévelop­ per entièrement chez plusieurs espèces de punaises, chez des aca­ riens ixodinés ou argasinés et même chez un pupipare, le mélophage. Ce n’est, en réalité, que lorsque l’hôte intermédiaire est une sangsue ou une glossine qu’il y a apparition possible des formes métacycliques au niveau de l’appareil piqueur. Pour certaines espèces trypanosomiennes de poissons et d’amphibiens, les formes infectantes se localisent en effet dans la gaine de la trompe ; ce processus, qui favorise évidemment l’infestation du vertébré, peut être considéré comme dérivant du mode plus habituel d’évolution totale dans le tractus digestif. En ce qui concerne les glossines, on sait qu’il y a chez elles quatre types différents d’évolution, l’un, celui de T. grayi, est le mode nor­ mal à « station postérieure » ; les trois autres correspondent à trois espèces (le mot étant pris au sens le plus large) pathogènes pour les mammifères et font l’objet chacun d’un paragraphe dans EVO LU T IO N OE LA MORPHOLOGIE DES TR YP A NOSOM E S 175 la section B de la classification Hoare ; cet auteur complète cette section en mettant à côté d’elles, formant un groupe distinct, les espèces T. cvansi et T. equiperdum qui n’ont pas d’évolution cycli­ que. A vrai dire, dans une classification basée en premier lieu sur le mode d’évolution, ces deux espèces devraient former une catégorie à part, de même importance que les groupes A et B de Wenyon ; cependant, les caractères morphologiques et certains caractères bio­ logiques les rapprochent en effet des espèces qui évoluent chez les glossines et légitiment en quelque mesure l’infraction que Wenyon et Hoare commettent à leur propre règle. Je reviendrai plus loin en détail sur cette question des affinités des espèces pathogènes de mammifères. Je me contenterai ici de souligner les similitudes mor­ phologiques étroites qui unissent à T. brucei, T. cvansi et T. equiperdum ; elles sont une preuve de plus que le mode d’évolution ne •saurait, dans un classement naturel, constituer qu’un élément secondaire. Reste donc la base primaire de toute classification, la morpholo­ gie ; celle du trypanosome chez le vertébré n’a jamais été utilisée pour un groupement d’ensemble. Cependant, ainsi que nous le ver­ rons, si elle ne permet pas d’établir des catégories tranchées de façon aiguë (qui ainsi auraient la valeur de sous-genres), elle permet d’établir des types de formes ; les difficultés memes de démarcation entre ces types ont un grand intérêt : elles nous donnent en effet des indications précieuses sur le mode d’évolution à l’intérieur du genre. Mais comme il ne faut comparer que des choses comparables, il est essentiel de préciser tout d’abord sur quelles formes pourra porter une telle étude. Au cours de l’infestation chez le vertébré, le trypanosome revêt en effet plusieurs aspects successifs ; les pre­ miers qui correspondent à des formes jeunes peuvent parfois diffé.rer notablement de ceux qui leur succéderont ; ces stades juvéniles sont intéressants par les affinités qu’ils décèlent, mais ils le sont beaucoup moins quand il s’agit de faire une comparaison d’ensem­ ble à cause de la pauvreté de leurs caractères. Les formes termi­ nales de l’infestation, de taille généralement bien plus grande, offrent au contraire le maximum de détails structuraux que puisse présenter le flagellé ; ce sont les formes « adultes », pour employer le ternie créé, je crois, par M. Robertson et que j ’emploierai ici en précisant toutefois qu’il n’implique aucune aptitude spéciale à la division ni chez le vertébré ni chez l’invertébré (en fait, cette apti­ tude peut ou non exister, mais elle existe aussi chez des formes bien plus jeunes) ; la forme adulte est en somme celle qui réalise l’épa­ nouissement morphologique de l’espèce. lîfi G. LAVIER Avant de passer en revue l’aspect de la forme adulte dans le genre Trypanosoma, il est encore un point à préciser. Des trypano­ somes ont été rencontrés chez des invertébrés ; pour certains il s’agit certainement de formes métacycliques d’espèces parasites de vertébrés ; mais d’autres ont été vus chez des insectes non piqueurs (drosophiles, par ex.). Il est à remarquer qu’ils n’ont pas un aspect identique à ceux des vertébrés ; ce sont, pour employer l’expres­ sion de Chatton, des « trypanoïdes » ; en attendant que soit réglé leur statut définitif, je les laisserai de côté. Cette étude ne portera donc que sur les trypanosomes de vertébrés. Quelques-uns de ceux-ci cependant seront d’abord réservés pour n’être envisagés que par la suite, ce sont ceux qui sont couramment appelés « try- 2. — T ry p an o so m e s de P o isso n s : 1, Trypanosoma rajæ de la ra ie , d ’a p rès M. R o b e rtso n (1909) ; 2, Trypanosoma carassii de Carassius auratus, d ’a p rès J.-D . T h o m so n (1908) ; 3, Trypanosoma granulosum de l ’a n g u ille, d ’après M in ch in (1909) . C ette figure e st au m êm e g ro ssisse m e n t q u e les su iv a n te s (1.000 env.). F ig. panosomes pathogènes des mammifères », c’est-à-dire lès espèces (au sens le plus large du mot) suivantes : T. evansi, T. equiperdum, T. brucei, T. congolense et T. vivax. Elles forment un groupe qui, en effet, se sépare nettement des autres, non pas tant à cause de leur pouvoir pathogène (car ce phénomène peut exister dans bien d’autres espèces) que par des caractères nouveaux dont un est précisément l’absence de forme adulte au sens que j’ai défini plus haut. J ’examinerai plus loin comment on peut envisager l’appari­ tion de ce groupe aberrant. Mais, le laissant en attendant délibéré­ ment de côté, je passerai en revue l’aspect de la forme adulte chez les vertébrés en suivant tout d’abord l’ordre zoologique de ceux-ci. Poissons. — Les trypanosomes de poissons sont singulièrement homogènes dans leur forme ; ils sont de grande taille, minces et allongés, avec une membrane ondulante bien développée et sinueuse; le cytoplasme est dense, parfois chargé d’inclusions et présente EVOLUTION DE LA MORPHOLOGIE DES TRYPANOSOMES 177 souvent un aspect de myonèmes. Le kinétoplaste est généralement volumineux et arrondi, subterminal ; dans la distance à laquelle il est situé de l’extrémité postérieure du flagellé, il y a des variations qui ne sont pas sans intérêt : chez les trypanosomes d’élasmobranches cette distance est nettement marquée, très marquée même chez certaines espèces comme T. rajæ (1, fig. 2). Ce caractère qu’il est donc permis de considérer comme très primitif se retrouve aussi chez certaines espèces parasites de téléostéens, mais généra­ lement moins marqué, par exemple chez T. gramilosum de l’an­ guille (3, fig. 2). Mais de nombreuses espèces montrent un kinéto- F ig. 3. — Trypanosomes d’Urodèles : 1, Trypanosoma diemyctyli de Diemyctylus viridescens, d’après Hegner (1921) ; 2 et 3, Trypanosoma tritonis de Triton pyrrhogaster, d’après Ogawa (1913). plaste bien plus rapproché de l’extrémité postérieure ; tel est le cas des parasites de Cyprinidés : T. cnrassii (2, fig. 2), T. iincæ, T. danilewskyi de la carpe, etc. ; il en est de même pour bien d’autres espèces parasitant des poissons d’eau douce (par ex. T. percæ, T. remaki du brochet) ou marins (T. soleæ, T. platessæ, etc.). Telle est la seule et faible variation que l’on observe dans ce que l’on peut légitimement considérer comme les formes les plus anciennes du genre. Amphibiens. — Si nous passons aux amphibiens, les urodèles nous présentent tout d’abord un type parfaitement semblable à celui des poissons : T. diemyctyli Tobey de Diemyctylus viridescens (1, fig. 3) et T. tritonis Ogawa (2 et 3, fig. 3) ont des formes allon­ gées et minces à membrane ondulante très développée ; le kinéto­ plaste est situé, comme dans le type le plus primitif des parasites piscicoles, à une certaine distance (de 4 à 10 μ) de l’extrémité posAsn . de P arasitologie, t . XIX, nos 4-5-6. — 1942-1943. 12. 178 G. LAVIER térieure. Il est à noter toutefois que la deuxième des espèces men­ tionnées a une tendance très nette à l’élargissement de la forme. La même chose s’observe chez T. cnjptobranclii Roudabush et Coatney de Crijptobrnnchus alleganiensis. Ainsi apparaît ici un phé­ nomène qui va ensuite se généraliser. F ig. 4. — Trypanosomes d’Anoures : 1, Trypanosoma leptodactyli de Leptodactylus ocellatus, d’après E. Brumpt (1928) ; 2, Trypanosoma nelspruitense de Rana angolensis, d’après Laveran (1904) ; 3, Trypanosoma karyozeukton de Bufo regularis, d’après E. Brumpt (1928) ; 4, Trypanosoma mega de Bufo regularis, d’après E. Brumpt (1928) ; 5, Trypanosoma inopinatum (forme undulans) de Rana esculenta, d’après E. Brumpt (1910) ; 6, Trypanosoma rotatorium (forme du têtard), d’après Nöller (1913) ; 7, Trypanosoma rotatorium (forme adulte), d’après Nöller (1913) ; 8, Trypanosoma chattoni de Bufo melanosticlus, d’après Mathis et Léger (1909) ; 9, Trypanosoma arcei Mazza et al. (= T. celestinoi Brumpt) de Leptodactylus ocellatus, d’après E. Brumpt (1936, p. 290). Chez certains anoures, l’aspect de trypanosome pisciaire se ren­ contre encore mais avec une modification : le déplacement vers l’arrière du noyau qui était jusque là médian ; cette déviation, déjà sensible chez T. parroti de Discoglossus pictus l’est plus encore chez T. nelspruitense (2, fig. 4) de Rana angolensis. Un autre ordre EVO LU T IO N DE LA MORPHOLOGIE D E S TR YP A NO SO M E S 17!) de modification se note également, c’est l’augmentation de la dévia­ tion vers l’avant du kinétoplaste, notable par exemple chez T. karyozeukton (3, fig. 4) de Bufo regularis. L’élargissement général du flagellé se produit en outre et nous aboutissons ainsi à des struc­ tures comme T. leptodactyli (1, fig. 4) de Leptodactylus ocellatus, T. inopinatum (dans sa forme undulans ) de diverses Rana (5, fig. 4), le très typique T. mega (4, fig. 4) de Bufo regularis et T. neveulemairei Brumpt 1928 de Rana esculenta. Dans ces deux dernières espèces, le noyau, ovalaire, présente son grand axe transversal, dis­ position qui se rencontre aussi dans certaines espèces parasites de reptiles et d’oiseaux. Enfin, toujours chez les anoures, nous voyons apparaître un type morphologique extrêmement curieux représenté par T. rotatorium qui par une ironie historique se trouve être le type du genre Try­ panosoma encore qu’il ne corresponde guère à l’idée que nous nous en faisons actuellement. C’est l’étude des formes jeunes et de leurs transformations successives qui nous révèle comment on aboutit à une telle structure : les individus du début de l’infection qui se rencontrent chez les têtards (Nöller) rappellent les trypanosomes d’urodèles et indiquent bien ainsi les affinités primitives (6, fig. 4). Les formes adultes (on pourrait peut-être dire ici hyperadultes), arrondies ou ovoïdes, compactes, striées avec un noyau sphérique ou arqué, au voisinage duquel est le kinétoplaste, ne leur ressem­ blent guère (7, fig. 4). Mais une telle déformation est encore dépas­ sée dans certaines espèces voisines où le kinétoplaste entre au contact immédiat du noyau et où le flagelle ondulant est réduit à un vestige ou même disparaît entièrement. Tel est le cas de T. chattoni Mathis et Léger de Bufo rnelanostictus (8, fig. 4) et plus encore celui de T. arcei Mazza, Gonzalez et Franke, 19-27 ( = T. celestinoi Brumpt, 1936) de Leptodactylus ocellatus (9, fig. 4). Ces curieuses espèces du type rotatorium constituent un cul-de-sac dans l’évolu­ tion de la forme chez les trypanosomes. Bien que fréquentes chez les anoures, elles ne sont pas limitées à eux et nous verrons des formes analogues chez certains reptiles. Reptiles. — Parmi les reptiles, c’est chez les chéloniens que les trypanosomes présentent les caractères les plus primitifs. T. chrysemidis Roudabush et Coatney de Chrysemis bellii et Chelydra ser­ pentina rappelle encore de façon frappante les espèces parasites de poissons ; mais chez d’autres espèces on note déjà des modi­ fications : élargissement du corps du flagellé ; migration vers l’arrière du noyau et vers l’avant du kinétoplaste : chez T. da- 180 G. LAVIER moniæ (1, fig. 5) de Damonia reevesii, le kinétoplaste est encore en situation assez postérieure mais chez T. vittatæ (2, fig. 5) d’Emyda vittata, il est plus éloigné de l’extrémité et le noyau est très nette­ ment dévié vers l’arrière. Il en est de même chez T. pontyi Bouet de Sternotherus derbianus et T. le royi Commes de Cinixys ho­ rnearía. Fig. 5. — Trypanosomes de Chéloniens : 1, Trypanosoma damoniœ de Damonia reevesii, d’après Laveran et Mesnil (1902) ; 2, Trypanosoma vittatæ d’Emyda vittata, d’après M. Robertson (1909). — Trypanosomes de Sauriens : 3, Trypa­ nosome d’Acanthosc.ura fruhstorferi, d’après Mathis et Léger (1909) ; 4, Try­ panosoma varani de Varanus niloticus, d’après Wenyon (1908) ; 5, Trypano­ soma boueti de Mabuia raddonii, d’après G. Martin (1907) ; 6, Trypanosoma martini de Mabuia maculilabris, d’après Bouet (in Laveran et Mesnil, 1912) ; 7, même espèce, d’après Schwetz (1931) ; 8, Trypanosoma hemidactyli d’Hemidactylus sp., d’après Shortt et Swaminath (1928). Un certain nombre de trypanosomes ont été décrits chez les sauriens, surtout chez ceux de ces reptiles qui sont facilement accessibles. Ils présentent des aspects, à première vue assez divers. Les uns, comme l’espèce non nommée (3, fig. 5) signalée par Mathis et Léger chez Acanthosaura fruhstorferi (Agamidé) rappellent les formes allongées déjà vues chez les anoures ; le plus grand nom­ bre, telles plusieurs espèces décrites chez des geckos (T. les- EVOLUTION VE LA MORPHOLOGIE DES TRYPANOSOMES 181 chenaultii Robertson, T. platydactyli Catouillard, etc.)> des mabuias (7'. mabuiæ Wenyon), des caméléons (Τ’, chamæleonis Wenyon) des varans (T. varani Wenyon) (4, fig. 5) correspon­ dent à des formes très arquées et larges, à kinétoplaste éloigné de l’extrémité postérieure et situé au voisinage du noyau. Mais toutes ces formes représentent-elles bien l’aspect adulte réel de l’espèce ? Elles semblent en réalité correspondre plutôt aux sta- KIG. 6. — Trypanosomes d’Ophidiens : 1, Trypanosoma aitali Brunipt d’Helicops modestus (Original, d’après une préparation de E. Brumpt) ; 2, Trypanosoma merremii de Radinia merremii, d’après Arantes et da Fonseca (1931) ; 3, Trypanosoma erythrolampri d’Erytholamprus æsculapii, d’après Wenyon (1909) ; 4, Trypanosoma primeti de Tropidonotus piscator, d’après Mathis et Léger (1909). — Trypanosome de Crocodilien : δ, Trypanosoma grayi de Crocodilus niloticus, d’après Brace et al. (1911). des qui chez T. rotatorium précèdent l’aspect globuleux final. Ce dernier aspect s’observe nettement, et en tout point comparable à T. rotatorium, chez T. boueti Martin de Mabuia raddonii (5, fig. 5) et T. hemidactyli Mackie, Gupta et Swaminath à’Hemidactylus de l’Inde (8, fig. 5). Il se pourrait donc bien que, pour les espèces con­ nues seulement par les formes arquées et trapues, la forme adulte soit dans la règle du type rotatorium ; il suffit, pour s’en rendre compte, de confronter les deux figures données l’une par Bouet, l’autre par Schwetz pour T. martini Bouet (6 et 7, fig. 5) de Mabuia maculilabris. Il y a en tout cas une tendance générale vers le type 182 G. L A V I E R Totatorium qui est aussi frappante chez les sauriens que chez les anoures. Chez les ophidiens, les espèces décrites se ramènent à deux types : l’un allongé et mince, l’autre long et large. Le premier, à mem­ brane ondulante bien développée, rappelle le type pisciaire, mais il présente une déviation nette du kinétoplaste vers l’avant et aussi du noyau en sens contraire. De ce type mince, on peut citer T. najæ Wenyon de Naja nigricoüis vu seulement à frais, le trypanosome de Bit is arietans vu et non nommé par Dutton, Todd et Tobey, le curieux T. erythrolampri Wenyon d’Erythrolamprus æsculapii (3, fig. 6) T. brazili Brumpt (1, fig. 6) d’Helicops modestus et T. butantanense Arantes et F. da Fonseca de Radinia merremii. Or, cette dernière espèce permet une remarque importante : Arantes et da Fonseca ont, chez le même hôte, à côté des formes minces et des formes en division qu’ils décrivent comme T. butantanense, rencon­ tré des formes larges dont ils font une espèce différente T. merremii (2, fig. 6) ; mais, à bien considérer les figures des auteurs, on est amené à se demander si la forme large n’est pas simplement la forme adulte d’une espèce unique ; il semble également que les exemplaires décrits par Wenyon pour T. erythrolampri étaient récemment sortis de division. Les formes minces pourraient bien en somme se rapporter uniquement à des stades préadultes et ne sauraient ainsi être utilisées pour caractériser une espèce. L’autre type, qui, ainsi, réaliserait l’aboutissement morphologique de toutes les espèces para­ sites d’ophidiens, est un trypanosome long et large, parfois même très large avec kinétoplaste très dévié vers l’avant et noyau à son voisinage. Tels sont par exemple T. clozeli Bouet de Tropidonotus fcrox et T. primeti Mathis et Léger (4, fig. 6) de Tropidonotus piscator et Hypsirhina chinensis. Ils rappellent beaucoup le T. mega des anoures. Chez les. crocodiliens, on ne connaît que T. grayi de Crocodilus niloticus ; c’est un grand trypanosome à cytoplasme strié avec kiné­ toplaste fortement dévié vers l’avant et au voisinage du noyau trans­ versal donc également du type mega (5, fig. 6). Oiseaux. — Les trypanosomes d’oiseaux sont ceux sur lesquels nos connaissances sont certainement les plus incomplètes. Il n’en est pas une seule espèce dont nous connaissions à l’heure actuelle le cycle évolutif certain. Ils ont dans leur ensemble des affinités par­ fois très fortes avec la forme grande des reptiles et des anoures. Certaines espèces avec cytoplasme dense et strié de myonèmes sont encore d’aspect nettement reptilien ; il est à noter cependant que EVOLUTION DE LA MORPHOLOGIE DES TRYPANOSOMES 183 la largeur relative du flagellé a diminué et que, si le kinétoplaste est toujours très dévié vers l’avant, le noyau, généralement médian, est assez éloigné de lui. Tels sont, parmi les mieux connus T. gallinarum des poules (4, fig. 7), T. noctuæ des chevêches (2, 3, fig. 7), T. hannai du pigeon. Mais un autre type se différencie, caractérisé par des formes moins grandes, plus trapues, avec membrane ondulante moins déliée, cytoplasme moins dense et déviation du kinétoplaste moins marquée vers l’avant. Tels sont T. catharistæ de l’urubu, T. numidæ de la pintade (5, fig. 7), T. paddæ du calfat (1, fig. 7). Certaines F ig . 7. — T ry p an o so m e s d ’O iseaux : 1, Trypanosoma paddæ de Padda oryziuora, d ’a p rès T h iro u x (1903) ; 2, Trypanosoma noctuæ d’Athene noctua (form e j e u ­ ne), et 3, fo rm e a d u lte , d ’a p rè s M inchin et W oodcock (1911) ; 4, l'rypanosoma gallinarum de la p o u le d’a p rè s B ruce et a l. (1911) ; 5, Trypanosoma numidæ de la p in ta d e , d ’a p rè s W enyon (1908). descriptions, comme celles de T. guganense, de T. tinami, de T. calmettei et d’autres, où cette modification de caractères est bien plus accusée, pourraient bien concerner des formes n’avant pas encore atteint la pleine maturité. Entre les deux types, la démarcation ne peut être établie de façon absolue. Il est d’ailleurs un fait digne de remarque : chez T. noctuæ, qui est l’espèce dont la morphologie est la mieux connue, la grande forme adulte, qui est encore de type reptilien, est précédée de formes trapues et à kinétoplaste peu dévié (« formes d’été » de Minchin et Woodcock) qui ressemblent beau­ coup aux formes adultes du deuxième type. Cela nous permet de comprendre la cause de la régression morphologique déjà commen­ cée et qui va s’accentuer désormais : tout se passe comme s’il y avait un raccourcissement dans l’évolution morphologique de l’in­ dividu, le stade préadulte devenant le dernier et le stade adulte primitif n’étant plus atteint. 184 G. LAMER Mammifères. —Ces deux types observés chez les oiseaux nous les retrouvons, mais plus marqués différentiellement, chez les mammi­ fères. La grande forme, encore typiquement reptilienne, à membrane ondulante bien plissée, à cytoplasme dense et marqué de myonèmes, à kinétoplaste très dévié vers l’avant et approché du noyau, s’observe chez les antilopes ; tels sont T. ingens (1, fig. 8), T. tragelaphi (2, fig. 8) ; appartiennent encore à ce type, avec toutefois Fig. 8. — Trypanosomes de Mammifères : 1, Trypanosoma ingens d’antilope, d’après Bruce et al. (1910) ; Trypanosoma tragelaphi d’antilope, d’après Kinghorn et Yorke (1915) ; 3, Trypanosoma theileri du bœuf, d’après Lühe (1906) ; 4, Trypanosome de Cercopithecus leucampyx, d’après Sclrwetz (1934) (une erreur d’indication de cette figure, rectifiable par le contexte, s’est glissée dans le texte de Schwetz) ; 5, Trypanosoma talpæ de la taupe, d’après Coles (1914) ; 6, Trypanosoma minasense de Hapale penicillatus, d’après Carini (1909) ; 7, Trypanosoma heybergi de Nycteris hispida, d’après Rodhain (1923) ; 8-10, Trypanosoma lewisi du rat, d’après Wenyon (1926) : 8 et 9, for­ mes observables au moment de la période de division ; 10, forme adulte. des caractères plus atténués, les grands trypanosomes non patho­ gènes d’autres ruminants tels T. theileri des bovidés (3, fig. 8), T. melophagium du mouton, T. theodori Hoare de la chèvre ; il n’est pas impossible qu’ils se rencontrent également chez d’autres mammifères : Schwetz (1934), par exemple, a représenté sans le nommer un trypanosome qu’il a observé chez un Cercopithecus leucampyx (4, fig. 8) et qui, par ses difnensions et la position du kinétoplaste et du noyau, s’apparente nettement à T. theileri. Le type trapu se retrouve également, mais avec une réduction nette de la taille ; il est assez largement distribué. Peuvent lui être E V O LU T IO N DE LA MORPHOLOGIE DES TR YP A NO SO M E S 185 rattachés : chez les édentés, T. legeri de Tamandua tridactyla ; chez les carnivores, T. pestanai du blaireau ; chez les insectivores, T. talpæ, des taupes (5, fig. 8) ; chez les chéiroptères, T. megadermæ de Lavinia frons, T. morinorum d’Hipposiderus tridens, T. heybergi de Nycteris hispida (7, fig. 8) ; enfin, chez les primates, T. minascnse d’Hapale penicillatus et H. jacchus (6, fig. 8). Un troisième type enfin peut encore être distingué chez les mam­ mifères ; c’est celui qui est bien caractérisé chez T. lewisi des rats (8-10, fig. 8). De nombreuses espèces à morphologie très semblable sont connues chez beaucoup d’autres rongeurs et aussi chez des insectivores (par ex. T. crocidura1, T. soricis), des chéiroptères (par exemple T. vespertilionis et plusieurs autres espèces voisines), des prosimiens (T. pterodictici Reichenow) et des primates (T. devei de Midas midas ; T. primatum des gorilles et chimpanzés). Enfin une espèce est à rattacher à ce groupe avec une situation à part, c’est T. cruzi, pathogène pour de nombreux mammifères, y compris l’homme, et dont l’hôte primitif n’est pas actuellement discernable ; peut-être s’agit-il de tatous qui constituent encore le principal réservoir de virus. Dans les aspects les plus typiques de ce groupe, le kinétoplaste est gros, transversal, situé en avant de l’extrémité postérieure qui s’effile en pointe plus ou moins aiguë ; le noyau montre une dévia­ tion nette vers l’avant. Ce type morphologique dérive manifeste­ ment du précédent : certaines espèces présentent encore une dévia­ tion notable du kinétoplaste vers l’avant et d’ailleurs, chez T. lewisi même, on rencontre des formes à extrémité postérieure très allon­ gée (8, fig. 8), réalisant l’aspect que Lingard avait nommé T. longocaudense ; d’autre part, les individus larges qui apparaissent dans le sang au moment de la multiplication de T. lewisi rappel­ lent aussi le deuxième type des trypanosomes de mammifères. L’évolution vers la forme adulte se ferait dans ce cas par l’amin­ cissement du corps et la déviation en avant du noyau ou plutôt l’étirement de la moitié du corps postérieure à celui-ci. Les affinités sont encore attestées par les espèces qui réalisent des formes de transition entre les deux types et pour lesquelles il est difficile de décider le rattachement à l’un plutôt qu’à l’autre. Ce dernier type dans le genre Trypanosoma compte beaucoup d’espèces parasites de rongeurs et semble donc s’être particuliè­ rement épanoui dans cet ordre. Mais il est bon de ne pas perdre de vue que les rongeurs sont très nombreux en espèces et sont, pour la recherche des trypanosomes, facilement accessibles et que, par 186 G. L A V I E R contre, il y a des ordres entiers de mammifères sur les trypanoso­ mes desquels nos connaissances sont très fragmentaires ou nuiles. *** Si maintenant nous reprenons dans son ensemble le genre Trypanosoma nous voyons que l’on peut y distinguer non pas des sous-genres tranchés mais un certain nombre de types morpholo­ giques entre lesquels des transitions existent. Í. Le premier et certainement le plus ancien est réalisé par un trypanosome grand, mince et allongé, à membrane ondulante bien développée, à kinétoplaste situé à une certaine distance de l’extré­ mité postérieure. Ce type, bien défini en T. rajæ, est celui des pois­ sons, chez qui il peut présenter une variation secondaire en impor­ tance : le kinétoplaste se rapprochant de l’extrémité postérieure pour devenir subterminal ou même terminal. Il se prolonge chez les urodèles avec une tendance à l’élargissement et chez les chéloniens avec élargissement et déplacement du noyau vers l’ar­ rière. Des formes de ce type ont encore été vues chez des ophidiens, mais la question se pose de savoir si elles ne se rapportent pas à des stades encore jeunes des espèces du type suivant. 2. Le second type succède au premier ; il en dérive par l’augmen­ tation du déplacement en avant du kinétoplaste, déplacement en arrière du noyau et enfin élargissement. Il apparaît chez les anoures et les reptiles, où il est représenté par de belles et grandes formes, dont T. mega est une des plus caractéristiques. Il se prolonge chez les oiseaux et chez les mammifères ; chez ces derniers, il aboutit aux grands trypanosomes de ruminants et à des formes de moins grande taille, dont certaines rencontrées chez des primates. 3. Un troisième type, dont T. rotatorium peut être pris pour chef de file, est dérivé du premier par une exagération de l’élargissement aboutissant, après une série de formes trapues, à des individus glo­ buleux n’ayant à première vue que bien peu de rapports avec les try­ panosomes. Ce type, qui s’est épanoui chez les anoures et les sau­ riens, représente un véritable cul-de-sac dans l’évolution du genre.
18,139
2003AIX22061_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,003
Localisation et concentration de la marche de Sinai
None
French
Spoken
7,385
13,361
Lemme 6.2.12. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour tout ǫ > 0 et tout δ > 0 il existe n0 ≡ n0 (ǫ, δ) tel que pour tout n > n0 et tout environnement α ∈ Cn, il existe δ1 > 0 tel que : (6.154) ¤¢ ¡ α £ 1 (ln n)2 η m̃0 →m̃0 ) ≤ L(ã, T ≤ max, E m̃ 0 a∈M∗ (ln n)2 nδ1 ηδ nδ1 et Q [Cn ] ≥ 1 − ǫ. (η > 0 vient de l’hypothèse H.3). Preuve. Il suffit d’appliquer le lemme 6.2.2 au lemme 6.2.14 ci dessous. ¥ On a également : Lemme 6.2.13. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour tout ǫ > 0 et tout δ > 0 il existe n0 ≡ n0 (ǫ, δ) tel que pour tout n > n0 et tout environnement α ∈ Cn, il existe δ1 > 0 tel que : (6.155) ¤¢ ¡ £ 1 0 (ln n)2 n1−δ1, max∗ Eα ≤ 0 L(ã, Tm̃0 ) a∈M ηδ et Q [Cn ] ≥ 1 − ǫ (η > 0 vient de l’hypothèse H.3). Preuve. on obtient ce résultat par le lemme 6.2.15 et le lemme 6.2.2. ¥ Pour montrer ces deux lemmes nous avons besoin des calculs exacts de la partie I chapitre 2, en particulier du lemme 2.1.11. On a également besoin du lemme 4.3.12. Étant donné que nous discuterons longuement des temps locaux dans la partie III, nous ne donnerons pas le détail des différentes preuves. Moyenne du temps local en a ∈ M∗ entre un temps de retour à m0 Lemme 6.2.14. So it a ∈ M∗, si a > m0 , on a : (6.156) ¤ αm̃0 I0 (ln n)2 £ αm̃0 m̃0 →m̃0 α ) ≤ L(ã, T ≤ E, m̃ 0 βã I0 (ln n)2 n δ a βã n δ a n et I0 = |a − m̃0 | . Si a < m0, on a : où δa = Sãn − Sm̃ 0 (6.15 7) ¤ βm̃0 I0 (ln n)2 £ βm̃0 m̃0 →m̃0 α ) ≤ L(ã , T ≤ E, m̃ 0 αã I0 (ln n )2 nδ a α ã nδa Preuve. On obtient 6.156 en utilisant le lemme 2.1.11 équation 2.66, 4.417 et 4.418. 6. 157 s’obtient de façon similaire. ¥ 120 6.3. Distribution limite pour la M.A.M.A récurrente Moyenne du temps local en a ∈ M∗ entre un passage de 0 à m̃0 Lemme 6. 2.15. Soit a ∈ M∗, on a : si 0 < ã < m̃0 ( 6.158) où ∆{a,m0 },a = maxk∈M∗, Si ã < 0 < m̃0 (6.159) o ù ∆{a,0},0 ¤ I0 (ln n)2 n∆{a,m0 },a £ n∆{a,m0 },a 0 ) ≤ L(ã, T ≤ Eα, m̃0 0 αã αã 3 ́ n n a<k<m̃0 S (k̃) − S (ã) et I0 = |a − m0 |. £ ¤ I0 (ln n)2 n∆{a,m0 },a n ∆{a,m0 },a 0 α L(ã, T ≤ E, ) ≤ m̃0 0 αã I0 (ln n)2 n∆{a,0},0 αã n∆{a,0},0 3 ́ = maxk∈M∗, a<k<0 S n (k̃) − S n (ã). Preuve. Pour le premier cas 0 < ã < m̃0, on utilise le lemme 2.1.11 égalité 2.57, puis 4.416 et enfin 4.418. Pour le second 0 0 cas il suffit de multiplier les estimations du premier cas par la probabilité Pα 0 [Tã < Tm̃0 ] et d’estimer cette dernière en utilisant 4.417 puis le lemme 4.3.13. ¥ 6.3 Distribution limite pour la M.A.M.A ré currente H. Kesten [55] et A. O. Golosov [38], donnent (indépendamment) la distribution limite de la M.A.M.A.. On reprend dans ce paragraphe la démarche de H. Kesten : Théo rème 6.3.1. Supposons H.1, H.2 et H.3 alors : (6.160) σ2 Xn → L, en distribution, ln2 n où (6.161) μ ¶ ∞ dQ [L ≤ x] 2 X (−1)k (2k + 1)2 π 2 = exp − |x|, dx π (2k + 1) 8 k=0 Par le théorème de localisation de Y. Sinai on a : (6.162) Xn → m0, en probabilité. (ln n)2 où m0 est la v.a. fonction du potentiel aléatoire (Stn, t ∈ R) définie paragraphe 4.2.2. On rappelle de plus que S[nt̃] converge en loi vers le mouvement brownien (W (t)t, t ∈ R, W (0) = 0) de variance tσ 2. On en déduit : (6.163) σ 2 m̃0 → L, en distribution, (ln n)2 où L est une fonctionnelle du mouvement Brownien standard (W (t), t ∈ R, W (0) = 0) que l’on caractérise ci-dessous, on en déduit : (6.164) σ 2 Xn → L, en distribution. (ln n)2 Les notions de vallées et raffinement pour le mouvement Brownien sont semblables à celles définies pour le potentiel aléatoire (Stn, t ∈ R), le lecteur peut donc se reporter à la page 50 pour un rappel des définitions. Notons {a′, b′, c′ } la plus petite vallée contenant le point 0 et de profondeur strictement supérieure à 1, cette vallée correspond à la vallée minimale "{M̃0′, m̃0, M̃0 }" définie au paragraphe 4.2.2. Pour obtenir cette vallée il suffit donc de reprendre les notions que l’on a développées pour le potentiel aléatoire Stn. Le point que nous 121 Chapitre 6. Preuves du théorème de Localisation notions m0 est donc ici b’, et on notera L ≡ b′. On va maintenant donner une caractérisation fine de L suivant les cas où L > 0 ou L < 0, on adopte pour cela les notations suivantes : m+ (t) = min{W (s) : 0 ≤ s ≤ t}, m− (t) = min{W (−s) : 0 ≤ s ≤ t}, T+ = inf{s : W (s) − m+ (s) = 1}, T− = − inf{s : W (−s) − m− (s) = 1}, s+ : temps pour lequel m+ (T+ ) est atteint, s− : temps pour lequel m− (T− ) est atteint, S + = max{W (s) : 0 ≤ s ≤ s+ }, S − = max{W (s) : s− ≤ s ≤ 0}, tS + = inf{t : W (t) = S + }, tS − = inf{t : W (t) = S − }. Remarque 6.3.2. On a conservé les notations de H. Kesten excepté pour S + et S − qu’il note (respectivement) M + et M −. Par rapport aux notations que l’on a adoptées pour (Stn, t ∈ R) on a : • s+ joue le rôle de m0 si m0 > 0, s− joue le rôle de m0 si m0 < 0. • T + ( respectivement T − ) joue le rôle de M̃0 (respectivement M̃0′ ) si m0 > 0 ( respectivement m0 < 0). On remarque aussi que, par construction, (W (t), t ∈ R∗+ ) est indépendant de (W (t), t ∈ R∗− ). W (t) S− S+ 1 a′ s− s+ = b′ 0 T+ 1 c′ > 1 W (t) S− a′ s− S+ s+ = b′ 0 T+ 1 c′ 2 > 1 Fig. 6.2 – La preuve se décompose en trois parties : on montre d’abord que L = s+ ou s− avec une probabilité égale à un. On caractérise ensuite les événements L = s+ et L = s−, puis on détermine la loi de s+ on en déduit celle de s− par symétrie. 6.3.1 L = s+ ou s− avec une probabilité un Lemme 6.3.3. on a : (6.165) Q [ L = s+ | L > 0] = Q [ L = s− | L < 0] = 1. 122 6.3. Distribution limite pour la M.A.M.A récurrente Preuve. On rappelle que l’on a posé L = b′, où {a′, b′, c′ } est la vallée minimale contenant 0 et de profondeur : d([a′, c′ ]) > 1. Supposons b′ > 0 montrons dans ce cas que L = b′ = s+ avec une probabilité 1. Par définition W (c′ ) − W (b′ ) ≥ d([a′, c′ ]) > 1, ainsi T + ≤ c′, on a alors deux choix possibles : Soit b′ ≤ T + ≤ c′ alors par définition de b′ on a donc b′ = s+. Soit T + < b′ < c′ dans ce cas on arrive à une contradiction. En effet, effectuons un raffinement à gauche de {a′, b′, c′ } : soient d′ et e′ tels que, (6.166) max a′ ≤d′ ≤e′ ≤b′ = W (e′ ) − W (d′ ), par hypothèse 0 ≥ s+ < T+ < b′ donc : W (e′ ) − W (b′ ) ≥ W (T+ ) − W (b′ ), (6.167) on en déduit : W (e′ ) − W (b′ ) > 1 p.s., (6.168) on aboutit donc à une contradiction puisque : Soit e′ < 0 < c′ et dans ce cas on a trouvé une plus petite vallée [e′, b′, c′ ] de profondeur > 1 d’après 6.168 contenant 0 ce qui contre dit la minimalité de [a′, b′, c′ ]. Soit a′ < 0 ≤ e′, alors nécessairement par définition de T + : 0 < T + ≤ e′ < b′ ce qui impliquerait l’existence d’un point b′′ (0 < b′′ < T + ) tel que W (T + ) − W (b′′ ) = 1 ce qui est en contradiction avec la minimalité de la vallée [a′, b′, c′ ]. Si on suppose maintenant b′ < 0 par le même type de raisonnement, on montre que L = s− p.s. ¥ 6.3.2 Caractérisation des événements L = s+ et L = s− Lemme 6.3.4. avec une probabilité 1 on a :  W (s− ) > W (s+ ) et S + < (W (s− ) + 1) ∨ S −, ou (6.169) L = s+ ⇐⇒ W (s+ ) > W (s− ) et S − > (W (s+ ) + 1) ∨ S +, (6.170) L = s− ⇐⇒  W (s+ ) > W (s− ) et S − < (W (s+ ) + 1) ∨ S +, ou W (s− ) > W (s+ ) et S − > (W (s+ ) + 1) ∨ S +. On fera la preuve de ce lemme dans le paragraphe 6.3.4. 6.3.3 Discussion heuristique sur le comportement de la M . A . M.A. avec L = s+ Ce paragraphe nous permet de comprendre heuristiquement pourquoi L = s+, c’est à dire, pourquoi la M.A.M.A. se concentre en s+ si le milieu vérifie : (6.171) W (s− ) > W (s+ ) et S + < (W (s− ) + 1) ∨ S −, ou (6.172) W (s+ ) > W (s− ) et S − > (W (s+ ) + 1) ∨ S +. • L’événement 6.171 s’écrit : (6.173) (6.174) 6.171 ⇐⇒ W (s− ) > W (s+ ) et S − < W (s− ) + 1 et S + < W (s− ) + 1, ou W (s+ ) > W (s− ) et S − > W (s− ) + 1 et S + < S −. 123 Chapitre 6. Preuves du théorème de Localisation Si on se place dans le cas 6.173, on a : (6.175) et S − < W (s− ) + 1 ⇐⇒ S − − W (s− ) < 1, S + < W (s− ) + 1 ⇐⇒ S + − W (s− ) < 1, (6.176) ainsi quelque soit les deux cas : S + < S − ou S + > S −, si la marche “tombe” dans le minimum en s− alors elle aura une barrière de hauteur strictement inférieure à 1 (S + − W (s− ) ou S − − W (s− )) pour passer de ce minimum au minimum plus profond s+. Si on se place maintenant dans le cas 6.174, on a : S − > W (s− ) + 1 ⇐⇒ S − − W (s− ) > 1, (6.177) or W (s+ ) < W (s− ) donc S − − W (s+ ) > 1, (6.178) comme S + < S − avec une probabilité tendant vers un la marche visitera s+ avant de visiter s− et comme elle ne peut pas (en un temps n) franchir des barrières supérieures à 1 elle ne visitera pas s− (en un temps n). Remarque dans le cas 6.173, si S + > S − la marche visitera le point s− avec une probabilité tendant vers 1, de même si S + < S − et que S − − w(s+ ) < 1 alors la marchera visitera d’abord s+ (avec une probabilité tendant vers 1), mais visitera également s− avec une probabilité proche de 1. • Événement 6.172 ( 6.17 9) 6.172 ⇐⇒ W (s− ) > W (s+ ) et S − > (W (s+ ) + 1) et S − > S +, S + < S − implique que la marche (avec une probabilité tendant vers un) commence par visiter s+ avant de dépasser S −, de plus S − > W (s+ ) + 1 ⇐⇒ S − − W (s+ ) > 1 implique qu’elle ne visitera pas s− avec une probabilité tendant vers un. 6.3.4 Preuve du lemme 6.3.4 On montre maintenant 6.169 : 1) Montrons l’implication suivante : (6.180) L = s+ et W (s− ) > W (s+ ) ⇒ S + < (W (s− ) + 1) ∨ S −, L = s+ ⇒ b′ > 0 donc a′ < 0 < b′ = s+ < c′, on distingue deux cas : • Si s− < a′ < 0 alors s− < a′ < 0 < tS + < T+ ≤ c′ (5 ) donc : (6.181) S − ≡ max W (s) ≥ max W (s) = W (a′ ), ′ s− ≤s≤0 a ≤s≤0 or par définition de la vallée {a′, b′, c′ } on a aussi ( 6 ) : W (a′ ) > S + p.s., (6.182) ainsi par 6.181 et 6.182 : (6.183) L = s+, s− < a′ < 0 ⇒ S − > S + p.s., 5t + S + est le temps d’atteinte de S. 6 W (a′ ) − W (s ) > 1 et S + − W (s ) + + < W (T + ) − W (s+ ) = 1. 124 6.3. Distribution limite pour la M.A.M.A récurrente • Si a′ < s− on a : a′ < s− < 0 < tS + < b′ = s+ < T +, effectuons un raffinement à gauche de la vallée {a′, b′, c′ } (comme en 6.166) on a donc W (e′ ) − W (b′ ) ≥ S + − W (s− ), (6.184) car W (e′ ) ≥ S + et W (s− ) > W (s+ ) = W (b′ ) par hypothèse. Raisonnons alors par l’absurde, supposons S + ≥ W (s− ) + 1, alors : W (e′ ) − W (b′ ) > 1 p.s.. (6.185) Deux cas possibles, contredisant la minimalité de la vallée {a′, b′, c′ }, peuvent alors se présenter : – Si e′ < 0, alors la vallée {e′, b′, c′ } contient le point 0 et d([e′, c′ ]) > 1 par 6.185 – Si e′ > 0, alors la vallée {a′, d′, e′ } est telle que 0 ∈ [a′, e′ ] et d([a′, e′ ]) > 1 car d([a′, e′ ]) ≥ W (e′ ) − W (s− ) ≥ S + − W (s− ) > 1 Q p.s. on en déduit : (6.186) L = s+, W (s− ) > W (s+ ) et a′ < s− < 0 ⇒ S + < W (s− ) + 1. De 6.183 et 6.186 on en déduit 6.180. 2) Réciproquement, montrons l’implication : W (s− ) > W (s+ ) et S + < (W (s− ) + 1) ∨ S − ⇒ L = s+, (6.187) on distingue deux cas : • s− < a′ < 0, ceci implique directement que b′ = s+ car s− ∈ / [a′, c′ ]. ′ ′ • a ≤ s−, le cas délicat serait que s+ ≥ c > 0, mais cela ne peut pas être le cas, en effet supposons s+ ≥ c′ > 0, alors : max W (s) = W (c′ ) ≤ max W (s) = S + < 1 + W (s− ), 0≤s≤c′ 0≤s≤s+ de plus L = b′ = s− car s+ ≥ c′, ce qui impliquerait : d([a′, c′ ]) ≤ S + − W (s− ) < 1 qui contredit l’hypothèse d([a′, c′ ]) > 1. Ce qui donne 6.187. Par un raisonnement similaire, on obtient les deux résultats suivants : L = s+ et W ( s + ) > W ( s− ) ⇒ S − > S + ∨ W (T+ ), (6.188) W (s− ) < W (s+ ) et S − > (W (s+ ) + 1) ∨ S + ⇒ L = s+. (6.189 ) De 6.180, 6.187, 6.188 et 6.188 on obtient 6.169. On refait un raisonnement similaire pour obtenir 6.170. 6.3.5 Calcul de la Transformée de Laplace de la v.a L avec L > 0. On a le résultat suivant : Proposition 6.3.5 . Soit θ > 0, on a : £ ¤ E e−θL IL>0 = (6.190) Preuve . Not ons : A1 A2 B1 B2 1 2θ μ 1− 1 √ cosh 2θ = W (s− ) > W (s+ ) et S + < (W (s− ) + 1) ∨ S −, = W (s+ ) > W (s− ) et S − > (W (s+ ) + 1) ∨ S + , = W (s− ) > W (s+ ) et S − < W (s− ) + 1 et S + < W (s− ) + 1, = W (s− ) > W (s+ ) et S − > W (s− ) + 1 et S + < S −. 125 Chapitre 6. Preuves du théorème de Localisation On a A1 = B1 ∪ B2, B1 ∩ B2 = ∅, avec ces notations et d’après les lemme 6.3.3 et 6.3.4 : (6.192) £ ¤ E e−θ L IL >0 = (6.193) = (6.191) = ¤ £ E e−θL IL=s + h i + E e−θS IA1 ∪A2 ¤ ¤ £ ¤ £ £ E e−θs+ IB1 + E e−θs+ IB2 + E e−θs+ IA2. Evaluons chacun des trois termes de la dernière égalité : ¤ ¤ £ £ (6.194) E e−θs+ IA2 = E e−θs+ IW (s+ )>W (s− ) et S − >(W (s+ )+1)∨S + ¤ £ (6.195) = E e−θs+ IW (s+ )>W (s− ), S − >(W (s+ )+1), S − >S + Z ∞ Z +∞ £ E e−θs+ IW (s+ )>−y, W (s+ )<−(1−x), S + <x, (6.196) = 0 1−y S − ∈dx, W (s− )∈(−dy) ¤. On utilise maintenant le fait que les processus (W (t), t > 0) et (W (t), t < 0) sont indépendants, ainsi : (6.197) (6.198) (6.199) ¤ £ E e−θs+ IA2 Z ∞ Z +∞ £ dy = dxE e−θs+ IW (s+ )>−y, ¤ d d £ − ¤ Q S ≤ x, W (s− ) ≤ −y dx dy 1−y 0 Z ∞ Z +∞ Z y ¤ d d £ − ¤ d £ Q S ≤ x, W (s− ) ≤ −y = − dy dx dz E e−θs+ IW (s+ )>−z, S + <x dz dx dy 0 1−y 1−x Z ∞ Z +∞ Z y £ ¤ ¤ d d d £ − dz E e−θs+ IW (s+ )>−z, S + <x dx dy = Q S ≤ x, W (s− ) > −y. dz dx dy 1−x 1−y 0 W (s+ )<−(1−x), S + <x Par les mêmes calculs : (6.200) = (6.201) = (6.202) = (6.203) = £ ¤ E e−θs+ IB1 ¤ £ E e−θs+ IW (s+ )<W (s− ), S − <(W (s− )+1), S + <W (s− )+1 Z ∞ Z 1−y ¤ ¤ d d £ − £ Q S ≤ x, W (s− ) ≤ −y dy dxE e−θs+ IW (s+ )<−y, S + <1−y dx dy 0 −∞ Z +∞ Z ∞ Z 1−y ¤ d d £ − ¤ d £ Q S ≤ x, W (s− ) ≤ −y dz E e−θs+ IW (s+ )<−z, S + <1−y d dy dz dx dy y −∞ 0 Z +∞ Z ∞ Z 1−y ¤ d d £ − ¤ d £ dz E e−θs+ IW (s+ )>−z, S + <1−y dx dy Q S ≤ x, W (s− ) > −y. dz dx dy y −∞ 0 de même : (6.204) = (6.205) = (6.206) = (6.207) = ¤ £ E e−θs+ IB2 ¤ £ E e−θs+ IW (s− )>W (s+ ), S − >(W (s− )+1), S + <S − Z ∞ Z +∞ ¤ d d £ − £ ¤ dxE e−θs+ IW (s+ )<−y, S + <x dy Q S ≤ x, W (s− ) ≤ −y dx dy 1−y 0 Z ∞ Z +∞ Z ∞ ¤ d d £ − £ ¤ d dy Q S ≤ x, W (s− ) ≤ −y dx dz E e−θs+ IW (s+ )<−z, S + <x dz dx dy 0 1−y y Z ∞ Z +∞ Z ∞ ¤ d d £ − ¤ d £ dz E e−θs+ IW (s+ )>−z, S + <x dx dy Q S ≤ x, W (s− ) > −y. dz dx dy y 1−y 0 Afin de déterminer ces intégrales H. Kesten montre le lemme suivant : 126 6.3. Distribution limite pour la M.A.M.A récurrente Lemme 6.3.6. Soient z ≥ 0, 0 ≤ x ≤ 1 pour tout θ > 0, on a :  √ sinh(x 2θ) √ si z ≤ 1 − x, ¤ £ d sinh((x+z) 2θ) √ E e−θs+ IW (s+ )≥−z, S + <x = (6.208) √ √ 2θ) sinh(x dz √ exp(− 2θ(z − 1 + x) coth( 2θ)) si z ≥ 1 − x. sinh( 2θ) 1⁄2 z si z ≤ 1 − x, d d (x+z)2 Q[W (s− ) ≥ −z, S − < x] = (6.209) (1 − y) exp (−(z − 1 + x)) si z ≥ 1 − x. dx dz de plus Q [S + > 1] = Q [S − > 1] = 0, (S + ≥ W (0) = 0, S − ≥ W (0) = 0). Preuve. H. Kesten montre 6.208 en considérant une marche aléaroire récurrente simple plutôt que le mouvement Brownien puis en passant à la limite. Nous avons laissé de côté cette partie de la preuve. ¥ On a : (6.210) = £ ¤ E e−θs+ IB1 Z Z ∞ Z 1−y dx dy 0 (6.211) (6.212) (6.213) (6.214) (6.215) 1 −∞ 1−y +∞ dz y +∞ d £ −θs+ IW (s+ )>−z, E e dz S + <1−y ¤ d d £ − ¤ Q S ≤ x, W (s− ) > −y dx dy ¤ d d £ − ¤ d £ −θs+ IW (s+ )>−z, S + <1−y E e Q S ≤ x, W (s− ) > −y dz dx dy y 0 0 √ Z 1 Z 1−y Z +∞ √ √ sinh((1 − y) 2θ) y √ = dy dx dz exp(− 2θ(z − y) coth( 2θ)) (x + y)2 sinh( 2θ) 0 0 y √ Z 1 Z +∞ √ √ sinh((1 − y) 2θ) √ dz dy = exp(− 2θ(z − y) coth( 2θ))(1 − y) sinh( 2θ) y 0 √ Z 1 Z +∞ √ √ sinh(x 2θ) √ dz dx = exp(− 2θ(z + x − 1) coth( 2θ))x sinh( 2θ) 1−x 0 √ Z +∞ Z 1 √ √ sinh(x 2θ) √ exp(− 2θ(z + x − 1) coth( 2θ))x, = dz dx sinh( 2θ) 0 1−z = Z dy Z dx Z dz l’avant dernière égalité est obtenue en faisant le changement de variable x = 1 − y, la dernière en changeant l’ordre d’intégration. sinh( 2θ) y 1−y 0 Z dy Z dx Z dz 127 Chapitre 6. Preuves du théorème de Localisation En sommant 6.217 et 6.220, on obtient : ¤ ¤ £ £ (6.221) E e−θs+ IB2 + E e−θs+ IA2 √ Z +∞ Z ∞ Z 1 √ √ sinh(x 2θ) √ dz dx dy exp(− 2θ(z − 1 + x) coth( 2θ))(1 − x) exp (−(y − 1 + x)) (6.222) = sinh( 2θ) 1−x 1−y 0 √ Z +∞ Z ∞ Z 1 √ √ sinh(x 2θ) √ (6.223) = dy dx dz exp(− 2θ(z − 1 + x) coth( 2θ))(1 − x) exp (−(y − 1 + x)) sinh( 2θ) 1−x 1−z 0 √ Z ∞ Z 1 √ √ sinh(x 2θ) √ dz exp(− 2θ(z − 1 + x) coth( 2θ))(1 − x). dx (6.224) = sinh( 2θ) 0 1−z En sommant 6.215 et 6.224 on obtient : ¤ ¤ £ ¤ £ £ (6.225) E e−θs+ IB2 + E e−θs+ IA2 + E e−θs+ IA1 √ Z ∞ Z 1 √ √ sinh(x 2θ) √ dx dz = exp(− 2θ(z − 1 + x) coth( 2θ)) ( 6.226) sinh( 2θ) 1−z 0 √ Z 1 Z √ √ sinh(x 2θ) +∞ √ (6.227) dx = dz exp(− 2θ(z − 1 + x) coth( 2θ)) sinh( 2θ) 1−x 0 √ Z 1 1 sinh(x 2θ) √ √ √ = dx (6.228) sinh( 2θ) 2θ coth( 2θ) 0 Ã! √ ¶ μ cosh ( 2θ) 1 1 1 1 √ √ √ √ = −√ = (6.229). 1− 2θ 2θ 2θ 2θ cosh( 2θ) cosh( 2θ) ce qui donne 6.230. ¥ Pour obtenir 6.161, H. Kesten utilise la représentation de Mittag-Leffer de (6.230) (6.231) £ ¤ E e−θL IL>0 = 1 2θ μ 1− 1 √ cosh 2θ ∞ 1 cosh(u) 1 16 X (−1)k π (2k + 1) (2k + 1)2 π 2 + 8θ k=0 Z +∞ 3 ́ ∞ 2 2 X (−1)k −y θ+(2k+1)2 π8 e = π (2k + 1) 0 k=0 Z +∞ 3 ́ ∞ 2 X (−1)k −y (2k+1)2 π82 e = e−θy, π (2k + 1) 0 = (6.232) (6.233) k=0 par identification on en déduit : (6.234) : ́ 3 ∞ 2 X (−1)k −x (2k+1)2 π82 dQ [L ≤ x, L > 0] = e, dx π (2k + 1) k=0 on obtient 6.161 par symétr ie. 128 Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l’éternité précédente et suivante, [...] je m’effraie. B. Pascal Partie III Concentration de la M.A.M.A. récurrente Dans cette partie on étudie le temps local de la M.A.M.A., plus particulièrement on s’intéresse au temps local de la M.A.M.A. dans un petit voisinage autour du point de localisation m̃0 et au point m̃0 lui même. Le premier chapitre de cette partie (chapitre 7 de la thèse) est consacré à l’énoncé des hypothèses qui seront utilisées ainsi qu’à la présentation des résultats. Dans un second chapitre (chapitre 8) on donne quelques résultats élémentaires sur le milieu aléatoire sous les hypothèses H.1, H.2 et H.3, ainsi qu’une caractérisation du point m̃ 0. Dans le troisième chapitre (chapitre 9) on fait l’étude de la Q variable aléatoire : ¤ £ m̃0 →m̃0 ), k ∈ V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }. Eα m̃0 L(k, T 0 ¤ £ m̃0 →m̃0 ) représente la moyenne du temps local de la M.A.M.A. en un point k entre deux passages Eα m̃0 L(k, T à m̃0 et V{M̃ ′,m̃0,M̃0 } ≡ {M̃0′, M̃0′ + 1, · · ·, m̃0, · · ·, M̃0 − 1, M̃0 } est l’ensemble des points contenus dans la vallée 0 ¤ £ m̃0 →m̃0 ), k ∈ V{M̃ ′,m̃0,M̃0 } minimale notée {M̃0′, m̃0, M̃0 }. Nous verrons que la variable aléatoire Eα m̃0 L(k, T 0 témoigne de la concentration de la M.A.M.A. dans un petit voisinage autour de m̃0. En effet nous montrerons dans le quatrième chapitre de cette partie (chapitre 10) qu’en plus d’être localisée pour un instant donné n (objet de la partie II) la marche est concentrée, c’est à dire qu’elle passe la quasi totalité de son temps n dans un voisinage de m̃0 de taille au plus de l’ordre de (ln ln n)2. Le second résultat que nous montrerons est que le temps local en m̃0 au temps n normalisé par n converge avec une Q probabilité aussi proche de 1 que nous voulons en Pα probabilité vers la Q v.a. : 1 i, m̃0 →m̃0 ) Eα m̃0 L(V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }, T h 0 h 3 ́i m̃0 →m̃0 où Eα L V, T est la moyenne du temps local dans la vallée V{M̃ ′,m̃0,M̃0 } entre deux ′ m̃0 {M̃0,m̃ 0,M̃0 } 0 passages à m̃0. Nous montrerons, enfin, que ces deux résultats ont des conséquences directes sur le maximum des temps locaux de la M.A.M.A. ainsi que sur son lieu favori. 129 130 Chapitre 7 Hypothèses et Résultats 7.1 Hypothèses et Notations Dans ce chapitre on conservera les deux hypothèses nécessaires pour obtenir une M.A.M.A. récurrente : (H.1) ̧ · 1 − α0 =0, EQ ln α0 (H.2) · ̧ 1 − α0 VarQ ln ≡ σ2 > 0. α0 Et l’on considérera de plus l’hypothèse de régularité suivante : (H.3) Q [η ≤ α0 ≤ 1 − η] = 1, 0<η≤ 1. 2 Cette dernière hypothèse remplace l’hypothèse plus faible H.6 (page 43) de la partie précédente. Nous discuterons dans la conclusion (page 221) des extensions possibles de nos résultats à des hypothèses plus faibles que H.3. Une première remarque sur H.3, cette hypothèse implique qu’il existe η0′ ≥ η et η0′′ ≥ η tels que : sup {x, Q [α0 ≥ x] = 1} = η0′, sup {x, Q [α0 ≤ 1 − x] = 1} = η0′′, (7.1) (7.2) pour simplifier les notations on supposera, sans perte de généralité, que η0′ = η0′′ ≡ η0. On remarque de plus que H.2 implique que η0 < 21, en effet : ̧ · 1 1 1 (7.3) < 1 ⇒ sup {x, Q [α0 ≥ x] = 1} < ⇔ η0 <. H.2 ⇒ Q α0 = 2 2 2 On adoptera la notation suivante : (7.4) Iη0 1 − η0, = ln η 0 μ ¶ 1 0 < η0 < . 2 Dans cette partie {M̃0′, m̃0, M̃0 } désignera la vallée "minimale" dans laquelle la M.A.M.A. est prisonnière (voir la partie II chapitre 5), on renvoie le lecteur au paragraphe 8.2.2 pour la définition des points m̃0, M̃0′ et M̃0. On notera : o n (7.5) V{M̃ ′ , m̃ 0, M̃ 0 } = M̃0 ′ , M ̃ 0 ′ + 1, · · · , m ̃0, · · · , M̃0 − 1, M ̃ 0, 0 131 Chap itre 7. Hypothèses et Ré sultats i.e. V{M̃ ′,m̃0,M̃0 } est l’ensemble des points appartenant à Z, contenus dans la vallée {M̃0′, m̃0, M̃0 }. Soit n > 3, 0 on notera (7.6) Vm̃0 ≡ Vm̃0 (f, n) = {m̃0 − f (n), · · ·, m̃0, · · ·, m̃0 + f (n)}, où f (n) = [F (ln ln n)2 ], F > 1 sera précisée dans le paragraphe suivant, Vm̃c 0 désignera le complémentaire dans Z de Vm̃0. On notera aussi : o n o n (7.7) Vm̃c,r0 = M̃0′, · · ·, m̃0 − f (n) − 1 ∪ m̃0 + f (n) + 1, · · ·, M̃0, qui est le complémentaire de Vm̃0 dans V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }. Enfin notons : 0 Vm̃∗ 0 Vm̃+0 Vm̃−0 (7.8) (7.9) (7.10) = Vm̃0 r {m̃0 }, = {m̃0 + 1, · · ·, m̃0 + f (n)}, = {m̃0 − f (n), · · ·, m̃0 − 1}. Soit k ∈ Z, on rappelle que L (k, T ) est le temps local de la M.A.M.A. en k en un temps T (où T peut être une variable aléatoire ou déterministe). So it A ⊂ Z on note (7.11) L (A, T ) ≡ X j∈A L (j, T ) = T X X i=1 j∈A I{Xi =j}. Une dernière notation avant d’énoncer nos résultats, si A ⊂ Z, |A| désignera le nombre d’éléments dans A. On a obtenu deux résultats principaux sur le temps local de la M.A.M.A. pour un instant donné n : les théorèmes 7.2.1 et 7.3.1, le premier concerne le : 7.2 Temps local dans un voisinage de m̃0 Théorème 7.2.1. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour toute suite (δn, n ∈ telle que h 3 N) positive£ décroissante i ¤ I 3 2 limn→∞ δn (ln ln n) = ∞ et limn→∞ δn = 0, tout ǫ > 0 il existe n0 ≡ n0 ǫ, Iη0, σ, EQ |ǫ0 |, Q ǫ0 < − η20, i ́ h I tel que pour tout n > n0 et tout α ∈ G′n on a : Q ǫ0 > η20 Pα 0 (7.12) et Q [G′n ] E= 2 4 1 [L (Vm̃0, n) ≥ n (1 − δn )] ≥ 1 − −O η0 δn F (ln ln n)2 2 2 μ 1 ln n ≥ 1−ǫ. Vm̃0 = {m̃0 −[F (ln ln n) ], · · ·, m̃0, · · ·, m̃0 +[F (ln ln n) ]}, F = 24R | ln σ 2 ǫ2 R ǫ |, et R = 1000. μ, (21E+1)(Iη0 ∨1) R ǫ (Q[ǫ0 <−Iη0 /2])1/2 Q[ǫ0 >Iη0 /2] 2 Remarque 7.2.2. L’ensemble des bons environnements G′ joue un rôle similaire à l’ensemble des bons environnements G de la partie II, il sera défini dans le chapitre 3 (page 181). Ce résultat montre que pour tout environnement α dans l’ensemble des "bons " environnements G′ la M.A.M.A. reste un temps supérieur à n(1 − δn ) (où δn → 0), dans un voisinage de m̃0 au plus de taille F (ln ln n)2 avec une Pα probabilité proche de 1. On a donc non seulement une localisation de la M.A.M.A. récurrente (résultat de Y. Sinai), mais également une concentration de la M.A.M.A. dans un petit intervalle. On remarque de plus que la taille du voisinage que nous avons trouvée pour la localisation (voir 6.1) n’est pas aussi réduite que celle que nous trouvons pour la concentration. 132, 7.3. Temps local au point m̃0 Pour montrer le théorème 7.2.1 nous avons étudié le potentiel aléatoire (Sm, m ∈ Z) dans le complémentaire du voisinage de m̃0 noté Vm̃c,r0, la proposition ci-dessous est le résultat clé sur le milieu aléatoire qui nous a permis de montrer ce thé orème : h 3 i ́ ¤ £ I Proposition 7.2.3. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour tout ǫ > 0, il existe n0 ≡ n0 ǫ, Iη0, σ, EQ |ǫ0 |3, Q ǫ0 > η20 tel que pour tout n > n0 on a : · ̧ ¤ £ 2 1 c,r m̃0 →m̃0 α ) > Q Em̃0 L(Vm̃0, T (7.13) ≤ǫ, η0 f (n) + 1 où 2 (7.14) E= f (n) = [F (ln ln n) ], 24R2 | ln σ 2 ǫ2 R ǫ | F = à (21E + 1)(Iη0 ∨ 1) Rǫ (Q [ǫ0 < −Iη0 /2])1/2 Q [ǫ0 > Iη0 /2]!2, et R = 1000. ¤ £ P L(k, T m̃0 →m̃0 ) tend vers 0 avec une Q probabilité proche de un. Ce résultat montre que la somme k∈V c,r Eα m̃ 0 m̃0 En particulier cela signifie, qu’avec une Q probabilité aussi proche de 1 que l’on veut, en moyenne, la M.A.M.A. n’atteindra aucun point k ∈ Vm̃c,r0 en un temps de retour à m̃0. Et ceci malgré le fait que α c,r |Vm̃ | 0 |V{M̃ ′,m̃ 0 0,M̃0 } que la M.A.M.A. reste la totalité de son temps dans V{M̃ ′,m̃0,M̃0 } avec une P probabilité proche de 1. | ≈ 1 et 0 Le second résultat montre la convergence en Pα probabilité de L(m̃n0,n) vers une variable dépendant uniquement du milieu α et de n avec une Q probabilité aussi proche de 1 que l’on veut : 7.3 Temps local au point m̃0 Le théorème ci-dessous précise le théorème 7.2.1 tout en se limitant au point m̃0, c’est un résultat de type loi faible des grands nombres pour le temps local de la M.A.M.A. en m̃0. Nous avons ainsi obtenu une convergence du temps local en m̃0 normalisé par n, du même type que celle qu’obtient Y. Sinai pour (Xn, n ∈ N), vers une quantité dépendant uniquement du milieu aléatoire et de n : Théorème 7.3.1. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour toute suite (δn, n ∈ N) positive décroissante telle que lim3n→∞ δn (ln ln n)2 = ∞ et lim h n→∞ δin = h0, pour tout i ́ ǫ > 0, tout δ > 0, tel que δμ < 1 il existe n0 ≡ £ ¤ I I n0 ǫ, δ, μ, Iη0, σ, EQ |ǫ0 |3, Q ǫ0 > η20, Q ǫ0 < − η20 tel que pour tout n > n0 et tout α ∈ G′n on a : ̄  ̄  ̄ ̄ δ 1/2 ̄ ̄ L ( m̃ , n) 4 1 4e− 2 n 1 0 α  ̄ ̄  h i ̄ > δ ≤ P0 ̄ − + n η0 F (ln ln n)2 δn δ m̃0 →m̃0 ) ̄ ̄ Eα m̃ 0 L(V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }, T (7.15) 0 et Q [G′n ] ≥ 1−ǫ. F = E2 = ln à μ (21E+1)(Iη0 ∨1) R ǫ (Q[ǫ0 <−Iη0 /2])1/2 Q[ǫ0 >Iη0 /2] Iη0 (Iη0 ∨1)(21E+1) R3 h i h i ́ h i Iη ǫ Q ǫ > Iη0 ∧Q ǫ <− Iη0 Q ǫ0 > 20 0 0 2 2! ¶2, μ = 3+,E= 24R2 | ln σ 2 ǫ2 2 h i Iη Q ǫ0 <− 20 η0 R ǫ |   Iη0 4 2e μ Iη0 1−e− 4 − ¶3 + (E2 +3) μ 1−e− Iη0 4 ¶2 + 3(E2 −1) 1−e− et R = 1000. On peut donner facilement une idée intuitive de ce résultat : on sait que la M.A.M.A. reste prisonnière 133 Iη 0 4  , Chapitre 7. Hypothèses et Résultats dans la vallée {M̃0′, m̃0, M̃0 } avec une probabilité proche de un (voir proposition 5.1.2) jusqu’à un instant donné que jusqu’à cet instant n le temps moyen de retour en m̃0 est égal à i h n. Ainsi on peut considérer m̃0 →m̃0 ), on peut donc découper l’intervalle de temps {1, · · ·, n} en L(m̃0, n) tranches L(V, T Eα ′ m̃0 {M̃0,m̃0,M̃0 } i h m̃0 →m̃0 ), d’où de longueur Eα L(V, T ′ m̃0 {M̃,m̃0,M̃0 } 0 i h L(m̃0, n) 1 m̃0 →m̃0 h i. ) ⇔ L(V, T ≈ (7.16) n ≈ L(m̃0, n)Eα ′ m̃0 {M̃0,m̃0,M̃0 } n m̃0 →m̃0 ) Eα m̃0 L(V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }, T 0 i h m̃0 →m̃0 ) est borL(V, T Une remarque importante est qu’avec une Q probabilité proche de un Eα ′ m̃0 {M̃0,m̃0,M̃0 } née par une constante ne dépendant pas de n, nous montrerons en effet dans le chapitre 9 (troisième de cette partie) la proposition suivante : h 3 £ ¤ Proposition 7.3.2. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour tout ǫ > 0 il existe n0 ≡ n0 ǫ, Iη0, σ, EQ |ǫ0 |3, Q ǫ0 > tel que pour tout n > n0 : ¤ ¤ £ £ m̃0 →m̃0 (7.17) ) >μ ≤ǫ, Q Eα m̃0 L(Vm̃0, T Iη 0 2 où (7.18) E2 = ln μ = 3+ à  −  Iη 0 4 2  (E2 + 3) 3(E2 − 1)  2e 3 ́3 + 3 ́2 + Iη0 , Iη0 Iη0 η0 1 − e− 4 1 − e− 4 1 − e− 4 Iη0 (Iη0 ∨1)(21E+1) R3 h i h i ́ h i Iη ǫ Q ǫ > Iη0 ∧Q ǫ <− Iη0 Q ǫ0 > 20 0 0 2 2!,E= 24R2 | ln σ 2 ǫ2 R ǫ |, et R = 1000. On remarque dans ce résultat le phénomène suivant : bien que Vm̃0 soit une fonction de n (|Vm̃0 | = 2F (ln ln n)2 + 1), avec une Q probabilité proche de un la M.A.M.A. en un temps deP retour à m̃0 £visite, en moyenne, au plus ¤ m̃0 →m̃0 ) soit bornée L(k, T quelques points de Vm̃0 un nombre de fois très limité (tel que la somme k∈Vm̃ Eα m̃ 0 0 par une valeur indépendante de n). Si on rassemble maintenant les résultats des propositions 7.2.3 et 7.3.2 on obtient (pour n suffisamment grand) : i h ¤ £ ¤ £ c,r m̃0 →m̃0 m̃0 →m̃0 m̃0 →m̃0 (7.19) ) ) + Eα Eα ) = Eα m̃0 L(Vm̃0, T m̃0 L(Vm̃0, T m̃0 L(V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }, T 0 (7.20) ≤ μ+ (7.21) ≤ 2μ, 2 F (ln ln n)2 i h avec une Q probabilité aussi proche de 1 que nous voulons. Ce qui montre bien que Eα L(V{M̃ ′,m̃0,M̃0 }, T m̃0 →m̃0 ) 0 est bornée par une constante indépendante de n avec une Q probabilité aussi proche de 1 que nous souhaitons. Du théorème 7.3.1 on en déduit le corollaire suivant : Corollaire 7.3.3. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour toute suite (δn, n ∈ telle que 3 N) positive£ décroissante h i ¤ I 2 3 limn→∞ δn (ln ln n) = ∞ et limn→∞ δn = 0, tout ǫ > 0, il existe n0 ≡ n0 ǫ, Iη0, σ, EQ |ǫ 0 | , Q ǫ0 < − η 20 , i ́ h I tel que pour tout n > n0 et tout α ∈ G′n on a : Q ǫ0 > η20 (7.22) Pα 0 · ̧ 1/2 1 n 4 1 L(m̃0, n) ≥ ≥1− − (2μ)e− 2μ n 2 2μ η0 F (ln ln n) δn 134 i ́ 7.4. Conséquences sur le maximum des temps locaux et le lieu favori de la M.A.M.A. et Q [G′n ] ≥ 1 − ǫ, F = E2 = ln à μ (Q[ (21E+1)(Iη0 ∨1) R ǫ ǫ0 <−Iη0 /2 )1/2 Q ǫ0 >Iη0 /2 ] [ Iη0 (Iη0 ∨1)(21E+1) R3 h i h i ́ h i Iη ǫ Q ǫ > Iη0 ∧Q ǫ <− Iη0 Q ǫ0 > 20 0 0 2 2! ] ¶2,E=, μ = 3+ 24R2 | ln σ 2 ǫ2 R ǫ | 2 η0   Iη0 4 2e μ Iη0 − 4 1−e − ¶3 + (E2 +3) μ 1−e et R = 1000. − Iη0 4 ¶2 + 3(E2 −1) 1−e− Iη0 4  , Ces résultats montrent donc qu’en plus d’être localisée la M.A.M.A. est concentrée et que le lieu de concentration et celui de la localisation sont extrêmement liés. Dans le paragraphe suivant nous montrons que ce phénomène de concentration de la M.A.M.A. a des conséquences sur le maximum des temps locaux et le lieu favori de la M.A.M.A. : 7.4 Conséquences sur le maximum des temps locaux et le lieu favori de la M.A.M.A. Rappelons la définition de l’ensemble des lieux favoris de la M.A.M.A. et du maximum des temps locaux pour un instant n fixé : Définition 7.4.1. 1⁄2 3⁄4 F̄(n) = k ∈ Z, L(k, n) = max{L(j, n)}, (7.23) j∈Z ∗ (7.24) L (n) = max (L(k, n)). k∈ Z Le corollaire 7.3.3 implique : Corollaire 7.4.2. Supposons H.1, H.2 et H.3, pour toute suite (δn, n ∈ telle que h 3 N) positive£ décroissante i ¤ I limn→∞ δn (ln ln n)2 = ∞ et limn→∞ δn = 0, tout ǫ > 0 il existe n0 ≡ n0 ǫ, Iη0 , σ , EQ |ǫ0 |3, Q ǫ0 < − η20, i ́ h I tel que pour tout n > n0 et tout α ∈ G′n on a : Q ǫ0 > η20 ̧ · 1/2 1 1 4 n ∗ − (2μ)e− 2μ n Pα ≥1− L (n) ≥, 0 2 2μ η0 F (ln ln n) δn (7.25) Q [ G′n ] ≥ 1 − ǫ (l’expression de μ est donnée en 7.18, celle de F en 7.14).
49,403
52f159daadc49910e11b9db82a958f06_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,022
Certificats d'optimalité pour Max-SAT. JFPC 2022, Jun 2022, Saint-Etienne, France. &#x27E8;hal-03737729&#x27E9;
None
French
Spoken
1,103
1,881
Certificats d’optimalité pour Max-SAT Matthieu Py, Mohamed Sami Cherif, Djamal Habet . aire et documents ques de niveau recherche, ou non établissement d’enseignement et français trangers Mohamed , Université CN , , . }@ univ-amu Résumé Dans ce papier, on présente un outil, MS-Builder, qui génère des certificats pour le problème Max-SAT, en appelant itérativement un oracle SAT pour générer une réfutation par résolution de la formule qui est ensuite rendue valide pour Max-SAT et appliquée sur la formule. Ce procédé est répété jusqu’à ce que la formule restante devienne satisfiable. On propose également un outil, MS-Checker, capable de vérifier les certificats Max-SAT basés sur l’application de règles d’inférence Max-SAT. Cet article résume les travaux publiés à la conférence SAT 2021 [4]. utilise les règles de la max-résolution [2] et du split [3]), puis appliquée sur la formule. Ce procédé est répété jusqu’à ce que l’oracle SAT détecte que la formule est devenue satisfiable. L’ensemble des transformations calculées, plus le modèle pour la formule résiduelle, forme un certificat d’optimalité pour le problème Max-SAT. On propose aussi un outil associé, MS-Checker, pour vérifier les certificats d’optimalité basés sur les règles d’inférence Max-SAT. Ces deux outils ont été testés expérimentalement sur les instances partielles non pondérées de la Compétition MaxSAT 2020 [1]. Mots-clés 2 Optimisation Combinatoire, Problème Max-SAT, Problème SAT, Certificats d’Optimalité Exemple 1. Soit φ = (x1 ∨ x3 ) ∧ (x1 ) ∧ (x1 ∨ x2 ) ∧ (x2 ) ∧ (x3 ) ∧ (x2 ∨ x3 ). Lecture du fichier : MS-Builder récupère la formule en lisant le fichier représenté dans la Figure 1. 1 Introduction Étant donnée une formule sous Forme Normale Conjonctive, le problème Max-SAT consiste à déterminer le nombre maximum de clauses qu’il est possible de satisfaire par une affectation des variables alors que le problème SAT consiste simplement à déterminer si la formule est satisfiable. Dans le contexte du problème SAT, une formule peut être démontrée insatisfiable à l’aide d’une séquence de résolutions [5], appelée réfutation par résolution, qui déduit de la formule initiale de nouvelles clauses jusqu’à en déduire la clause vide qui, par définition, est impossible à satisfaire. Ainsi, les solveurs SAT modernes, en plus de proposer la résolution du problème SAT, fournissent aussi la preuve de la réponse affirmée, soit sous forme de modèle (si la formule est satisfiable), soit sous forme de réfutation (si elle ne l’est pas). En revanche, si les solveurs Max-SAT sont de plus en plus efficaces chaque année, ils ne produisent pas encore de certificats d’optimalité sur la solution trouvée. Les systèmes de preuve pour Max-SAT, ont juste été étudiés théoriquement ou pour leur aptitude à à aider à la résolution du problème Max-SAT. Dans cet article, on propose un outil indépendant, MSBuilder, capable de produire des certificats d’optimalité pour le problème Max-SAT. Cet outil se base sur l’adaptation des réfutations par résolution pour Max-SAT [3]. Itérativement, l’outil fait appel à un oracle SAT pour obtenir une réfutation par résolution de la formule courante. Cette réfutation est adaptée pour Max-SAT en max-réfutation (qui F onction nement de MS -Builder c formule avec optimum = 2 1 -1 3 0 110 1 -1 2 0 1 -2 -3 0 1 -2 0 1 -3 0 1230 F IGURE 1 – Fichier avec formule Première itération : MS-Builder fait appel à un oracle SAT, qui retourne que la formule initiale est insatisfiable, avec la réfutation par résolution de la Figure 2, qui est adaptée en la max-réfutation de la Figure 3 puis appliquée sur la formule. La formule courante est maintenant φ = (x1 ∨ x3 ) ∧ (x1 ) ∧ (x1 ∨ x2 ) ∧ (x2 ∨ x3 ) ∧ □. x2 ∨ x3 x3 x2 x3 □ F IGURE 2 – Première réfutation par résolution x2 ∨ x3 x3 x2 c read-once refutation t msres < 1 2 3 | 1 -2 > t msres < 1 3 | 1 -3 > c semi-read-once refutation t msres < 1 -1 2 | 1 -2 -3 > t msres < 1 -1 3 | 1 -1 -3 > t msres < 1 1 | 1 -1 > o2 v 000 x3 x2 ∨ x3 □ F IGURE 3 – Adaptation de la première réfutation Deuxième itération : MS-Builder fait appel à un oracle SAT (en laissant de côté la clause vide), qui retourne que la formule initiale est insatisfiable, avec la réfutation par résolution de la Figure 4, qui est adaptée en la max-réfutation de la Figure5 puis appliquée sur la formule. La formule courante est maintenant φ = (x1 ∨ x2 ∨ x3 ) ∧ (x1 ∨ x2 ∨ x3 ) ∧ □ ∧ □. x1 x1 ∨ x3 x1 ∨ x2 x2 ∨ x3 x3 F IGURE 6 – Certificat d’optimalité Max-SAT 3 Expérimentations MS-Builder et MS-Checker sont mis à disposition de la communauté scientifique (https: //pageperso.lis-lab. fr /mat thieu . py /en/ software.html) et ont été testés expérimentalement sur les instances partielles non pondérées de la Compétition Max-SAT 2020 [1]. En particulier , MS-Builder a été capable de construire des certificats d’optimalité complets pour 163 instances sur 576 instances (Figure 7). x2 x3 □ F IGURE 4 – Deuxième réfutation par résolution x1 ∨ x3 x1 x1 ∨ x 2 x 2 ∨ x3 F IGURE 7 – Temps d’exécution (en secondes) pour la construction de certificats complets Références x1 ∨ x3 x1 □ F IGURE 5 – Adaptation de la deuxième max-réfutation Troisième itération : MS-Builder fait appel à un oracle SAT (en laissant de côté les deux clauses vides), qui retourne que la formule initiale est satisfiable, avec l’affectation x1 = x2 = x3 = 0. Il retourne donc le certificat Max-SAT représenté dans la Figure 6, constitué de cinq étapes de maxrésolution, plus l’affectation qui permet de satisfaire les clauses non vides restantes après transformation de la formule. [1] Fahiem Bacchus, Matti Järvisalo, and Ruben Martins. MaxSAT Evaluation, 2020. [2] María Luisa Bonet, Jordi Levy, and Felip Manyà. A complete calculus for MAX-SAT. In Theory and Applications of Satisfiability Testing - SAT 2006, volume 4121, pages 240–251, 08 2006. [3] Matthieu Py, Mohamed Sami Cherif, and Djamal Habet. Towards Bridging the Gap Between SAT and MaxSAT Refutations. In 32nd IEEE International Conference on Tools with Artificial Intelligence, ICTAI 2020, pages 137–144. IEEE, 2020. [4] Matthieu Py, Mohamed Sami Cherif, and Djamal Habet. A Proof Builder for Max-SAT. In Proceedings of the 24th International Conference on Theory and Applications of Satisfiability Testing (SAT), 2021. [5] John Alan Robinson. A Machine-Oriented Logic Based on the Resolution Principle. Journal of the Association for Computing Machinery, 12 :23–41, 1965.
25,678
49/hal.archives-ouvertes.fr-hal-01342284-document.txt_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
null
None
None
French
Spoken
10,368
15,440
Le Directeur juridique adjoint (« Deputy General Counsel ») est le représentant officiel de l'agence sur les questions éthiques (« Designated Agency Ethics Official ») et est en charge de l'ensemble de la gestion du programme éthique de l'EPA. Il est assisté dans cette mission par un représentant officiel adjoint (« Deputy Ethics Officer ») et par des conseilleurs adjoints (« Deputy counselors »). Les conseillers adjoints peuvent être des assistants administratifs, des directeurs du bureau, des administrateurs régionaux et des directeurs de directions. Ils sont en charge d'informer et de conseiller leurs employés sur les règles d'éthiques, de coordonner leurs conseils avec le représentant officiel sur l'éthique et d'approuver les demandes d'activité extérieure. Ils sont également responsables de la collecte, l'analyse et la sauvegarde des déclarations confidentielles d'emploi et des conflits d'intérêts. Les adjoints doivent également guider les employés à remplir les déclarations d'intérêts financiers si leurs missions et responsabilités concernent « des affaires affectant les intérêts financiers de ceux à l'extérieur du gouvernement »259. 2.2.1 Le rôle du Bureau du SAB Actuellement au sein du Conseil Consultatif du SAB de l'EPA, on trouve : - Un groupe de membres agrées du SAB, qui ont reçu un agrément de l'Administrateur (« Chartered SAB »), composé de personnalités scientifiques de divers domaines, Le Bureau du SAB est situé auprès du bureau de l'Administrateur. EPA, "Frequently Asked Questions about SAB, CASAC, and Council Membership and Establishment of Ad Hoc Panels and Committees", Ibid. 258 259 104 - Un Bureau du SAB (« Science Advisory Board Staff Office », qui s'occupe de la gestion du Conseil et de ses panels) - Sept comités permanents du SAB 260 et Un comité scientifique de l'agriculture 261. Les activités du Bureau du SAB consistent à 262 : - Gérer les requêtes de l'EPA pour de l'expertise technique et scientifique, et pour de l'évaluation par les pairs. En plus de cela, le Bureau du SAB forme des comités ad-hoc et des groupes de travail sur des questions scientifiques environnementales en lien avec les missions du SAB. A titre d'exemple, il y a actuellement à l'EPA 15 comités ad-hoc et groupes de travail, parmi lesquels le Panel consultatif sur le Rapport de l'EPA sur l'Environnement 2014, l'Evaluation du Benzo[a]pyrène, l'Evaluation sur l'ammoniac 264. Les informations sur la constitution de ces comités sont en règle générale disponibles au public, le Bureau ayant également mis en place un formulaire web sur la nomination des experts 265. Le directeur du Bureau du SAB est également le Responsable Adjoint à l'Ethique pour le bureau au sein de l'agence (« Deputy Ethics Official » (DEO)). L'Adjoint à l'Ethique est en charge d'évaluer et de résoudre des préoccupations d'éthique et de conflits d'intérêts concernant les membres des conseils consultatifs SAB, CASAC, Council et leurs souscomités et panels respectifs 266. Voir : http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/Web/AccomplishmentsReports?OpenDocument, consulté le 16 octobre 2015. 264 Voir la liste complète des comités ad-hoc et groupes de travail du SAB à l'EPA : http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/WebBOARD/SABAdHocCommitteesandPanels?OpenDocum ent, consulté le 19 octobre 2015. 265 Voir le formulaire de nomination d'un individu au sein des comités d'expertise de l'EPA : http://yosemite.epa.gov/sab/sabpeople.nsf/nominationpanelbf?OpenForm, consulté le 19 octobre 2015. 266 US Environmental Protection Agency, Office of Inspector General, "Can Better Document Resolution of Ethics and Partiality Concerns in Managing Clean Air Federal Advisory Committees", 2013, Ibid., p. 5. 263 2.2.2 Les membres des conseils consultatifs et des comités d'expertise à l'EPA L'Administrateur de l'EPA nomme les membres agréés du SAB (« chartered SAB ») ainsi que des comités permanents du SAB267. Il nomme également les membres des trois conseils consultatifs de l'EPA : le SAB, le CASAC et le COUNCIL. Le Bureau du SAB fournit des informations sur le processus de nomination annuelle et de réception de commentaires sur les experts candidats qui siègeront en tant que membres agréés du SAB et au sein des comités permanents du SAB. Ainsi, le Bureau du SAB fait chaque année, au mois d'octobre, des recommandations à l'Administrateur de l'EPA sur les membres du CASAC, les membres agréés du SAB et des comités permanents du SAB268. Le Bureau publie également tous les ans un avis au Registre fédéral demandant des nominations des membres de la part du public269. Le public peut également fournir des informations et des commentaires sur les experts candidats aux panels270. Pour plus d'information, voir le page web de l'EPA : http://yose mite .epa.gov /sab / sabproduct . nsf/ Web BOARD/ CommitteesandMembership?OpenDocument, consultée le 16 octobre 2015. 268 Pour plus d'informations, voir le page web de l'EPA : http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/WebAll/nominationcommittee?OpenDocument, consultée le 16 octobre 2015. 269 De par les instruments que l'EPA met en place, notamment au travers de son site web, le public a la possibilité de : - Nommer les candidats au sein des comités d'expertise sur le Web (formulaire de nomination à compléter en ligne) - Etre informé sur les experts candidats en train d'être évalués - Soumettre à l'EPA pour évaluation des informations, de la documentation et des éléments d'analyse avant la finalisation d'un comité ou d'un panel, pendant et après. 270 A titre d'exemple, sur la page web de l'EPA annonçant la tenue du Comité sur l'eau potable (« Drinking Water Committee »), il y a des informations sur l'objet du comité, la demande de nominations de la part du public, ainsi qu'une liste des candidats d'experts évalués par l'agence (« List and Biosketches of Candidates »). Cette liste contient une courte présentation de chaque expert et de son expérience professionnelle. L'agence invite le public à soumettre de commentaires à cette liste : « The SAB Staff Office identified 25 candidates based on their expertise and willingness to serve. We hereby invite public comments on the attached List of Candidates for consideration by the SAB Staff Office. Comments should be submitted to [X Designated Federal Officer], no later than November 30, 2015 at [email protected]. E-mail is the preferred mode of receipt. Please be advised that public comments are subject to release under the Freedom of Information Act ». Conseils consultatifs nommés (SAB, CASAC et Council) ainsi que des comités permanents sont nommés par l'Administrateur de l'EPA en tant qu'agents spéciaux du gouvernement SGE pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Les membres des comités ad-hoc ou des panels sont nommés pour la durée des activités d'expertise qu'on leur a assignées271. Les membres nommés par l'Administrateur au sein du SAB (« Chartered SAB ») sont des experts dans des domaines scientifiques et techniques variés et gardent généralement leur travail principal durant leur mandat au sein du SAB. Les membres du SAB siègent également dans un ou deux des 7 comités permanents. http://yosemite epa gov/sab/ product nsf/ / %20Information?OpenDocument, consulté le 2015. Pour plus d'informations sur les membres des comités de l'EPA, voir : US Environmental Protection Agency, Office of the Administrator, « Memorandum : EPA policy regarding communication between members of FACA committees and parties outside the EPA », Washington DC, 4 avril 2014. Disponible en ligne : http://yosemite.epa.gov/Sab/Sabproduct.nsf/WebFiles/Policycommunication/$File/Policy-gkf-04.11.14.pdf, consulté le 21 octobre 2015. ' a publié en US Environmental Protection Agency, Clarifying EPA Policy regarding Communications between Members of Scientific and Technical Federal Advisory Committees and Outside Parties", 18 novembre 2014. Disponible en ligne: http://yosemite.epa.gov/Sab/Sabproduct.nsf/WebFiles/2014Clarification/$File/ClarPol-11-2015-2.pdf, consulté le 21 octobre 2015. 272 United States General Accounting Office, "EPA's Science Advisory Board Panels: Improved Policies and Procedures Needed to Ensure Independence and Balance", 2001, Ibid., p. 4. 273 Voir le manuel à destination des experts de l'EPA: US Environmental Protection Agency, « Serving on the EPA Science Advisory Board: A Handbook for Members and Consultants », EPA-SABSO-12-001, Washington DC, mars 2012. Disponible en ligne : http://yosemite epa gov/sab/ product nsf 2.2.3 Les critères de sélection des experts à l'EPA Les membres des comités d'experts et des panels sont des personnes extérieures à l'EPA, tels que des scientifiques, des ingénieurs, des économistes et autres scientifiques des sciences sociales qui sont reconnus en tant qu'experts dans leur domaine 274. L'agence affirme sélectionner les experts selon leur capacité démontrée d'examiner et d'analyser des questions environnementales avec « objectivité et intégrité », ainsi que pour leurs capacités de communication « interpersonnelle, orale et écrite, et l'aptitude d'établir un consensus »275. Dans ses documents officiels, l'EPA mentionne cinq critères de sélection des experts pour ses comités d'expertise276 : 1) L'expertise scientifique et/ou technique nécessaire pour traiter le sujet ; 2) L'absence de conflit d'intérêts financier ; 3) La crédibilité scientifique et l'impartialité ; 4) Disponibilité et volonté de siéger ; 5) Capacité de travailler de manière constructive et efficace au sein des comités. 2.2.4 Les principales règlementations de l'EPA sur les conflits d'intérêts Les experts siégeant au sein des comités d'expertise de l'EPA, auprès d'un de ses Conseils consultatifs (SAB, CASAC ou Council) sont généralement des SGE et à ce titre, ils se soumettent aux lois fédérales sur les conflits d'intérêts et aux règlementations qui en US Environmental Protection Agency, "EPA Science Advisory Board Staff Invitation to a Session on Public Involvement in EPA Advisory Activities Supported by the SAB Staff Office", Federal Register, Vol. 76, No. 91, 11 mai, 2011, p. 27315. Disponible en ligne: http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/FR-2011-0511/pdf/2011-11560.pdf, consulté le 19 octobre 2015. 275 Ibid. 276 EPA, "Frequently Asked Questions about SAB , CASAC , and Council Membership and Establishment of Ad Hoc Panels and Committee s ", disponible en ligne : http:// yosemite .epa.gov/sab/sab product .nsf/WebSABSO/QsandAsMembership/$ File /Qs&AsMembershi p.pdf, consulté le 20 octobre 2015. 274 109 sont issues. Comme dans le cas d'autres agences fédérales, telle que la FDA, les membres des comités d'expertise de l'EPA sont tenus de respecter l'interdiction principale en matière de conflits d'intérêts relative à la loi pénale 18 USC 208(a) 277. Rappelons ici que selon cette dernière, un employé ne peut participer dans aucune affaire particulière où, à sa connaissance, lui-même ou une personne dont les intérêts lui sont imputés, a un intérêt financier sur lequel cette affaire particulière aura un effet direct et prévisible. Les SGE ont la possibilité cependant d'obtenir quelques exceptions à ces interdictions sur les conflits d'intérêts. Selon la disposition 18 USC 208(b)(3), un S siégeant dans un comité peut obtenir une dérogation (« waiver ») si le responsable qui l'a nommé certifie par écrit que le besoin de faire appel aux services de l'expert surpasse le potentiel d'un conflit d'intérêts lié à l'intérêt financier disqualifiant. L'Ordre 1000.28A de l'EPA précise que c'est uniquement le Responsable désigné de l'agence à l'Ethique (« Designated Agency Ethics Official ») ou son suppléant peut émettre une telle dérogation. Selon le Bureau du directeur des services juridiques de l'EPA (« Office of General Counsel »), ceci peut intervenir seulement après consultation avec le Bureau de déontologie de l'État des Etats-Unis278. Les SGE siégeant au sein des comités d'experts bénéficient également de certaines exceptions des interdictions du paragraphe 18 USC §208 telles que promulguées par le Bureau de déontologie de l'État, conformément au paragraphe 18 USC §208(b). La plus significative est celle concernant les intérêts financiers en lien avec l'emploi extérieur des SGE, contenue dans la disposition 5CFR 2640.203(g). Cette exception autorise le SGE siégeant dans un comité de type FACA de participer à des affaires d'application générale lorsque l'intérêt disqualifiant est lié à l'emploi non-fédéral du SGE ou à un emploi futur. Voir le Code de déontologie des fonctionnaires de l'Etat, 5CFR Partie 2635, sous-partie D. US Environmental Protection Agency, Office of Inspector General, "Can Better Document Resolution of Ethics and Partiality Concerns in Managing Clean Air Federal Advisory Committees", 2013, Ibid., p. 8. 277 278 110 Toutefois, il convient de noter que cette exception ne s'applique pas dans les cas suivants : l'affaire ne peut pas avoir un intérêt spécial ou distinct sur l'employeur fédéral ou non-fédéral du SGE ; l'exception ne couvre pas les intérêts liés à la possession par le SGE d'actions de l'employeur présent ou futur. Selon le Bureau du directeur des services juridiques de l'EPA, l'emploi non-fédéral doit impliquer une relation actuelle d'employéemployeur, en opposition avec une relation d'entrepreneur indépendant 279. Dans la règlementation de l'EPA, il est indiqué que la réception d'une subvention fédérale ne constitue pas un conflit d'intérêts financier. Le rapport de l'Office of Inspector Général de l'EPA de 2013 mentionne que l'agence ne considère pas la réception par un membre d'une subvention de l'agence ou d'une autre subvention de recherche fédérale, présente ou future, comme étant en mesure de poser les bases pour un conflit d'intérêt280. Le rapport mentionne que cette interprétation de l'EPA s'inscrit dans les lignes d'autres règlementations dans ce domaine. A titre d'exemple, le Bureau de la gestion et du budget (« Office of Management and Budget ») dans son bulletin sur l'évaluation par pairs281 mentionnait : « Lorsqu'un agence accorde une subvention par voie de concours qui comprend l'évaluation par les pairs, le potentiel de l'agence d'influencer la recherche du scientifique est limité. Ainsi, lorsque le scientifique décroche une subvention de recherche publique par voie de concours et d'évaluation par les pairs, il ne devrait pas y avoir généralement aucun questionnement de la capacité dudit scientifique de fournir une expertise indépendante et scientifique à l'agence dans le cadre d'autres projets282. Ibid, p. 9. Ibid. Texte original Engl. : « The EPA does not consider a prospective or current member's receipt of an agency or other federal research grant to create the basis for a financial conflict of interest.". Aux Etats-Unis, les agences fédérales doivent respecter des critères spécifiques pour l'évaluation par les pairs avant de diffuser des informations à caractère scientifique. Ces critères ont été publiés en 2004 par le Bureau de la gestion et du budget de la Maison Blanche dans un document intitulé : Bulletin de l'évaluation par les pairs (« Peer Review Bulletin »). Le document établit les normes appliquées par l'Etat fédéral pour les processus d'évaluation par les pairs. Disponible en ligne : https://www.whitehouse.gov/omb/memoranda_fy2005_m05-03/, consulté le 21 octobre 2015. 282 US Environmental Protection Agency, Office of Inspector General, "EPA Can Better Document Resolution of Ethics and Partiality Concerns in Managing Clean Air Federal Advisory Committees", 2013, Ibid., p. 9-10. Texte original Engl.: "When an agency awards grants through a competitive process that 279 280 111 Cependant, comme le précise le rapport OIG de 2013, cette règlementation n'indique pas que le travail d'un membre présent ou futur dans le cadre d'une subvention ou projet de recherche spécifique ne pourrait pas présenter potentiellement une préoccupation sur son indépendance. La recherche ou la subvention, présente ou future, d'un membre d'un comité d'expertise est un sujet de préoccupation potentiel si le comité FACA, le panel ou le sous-comité dont il fait partie planifie de traiter du travail exercé dans le cadre de la subvention de recherche de ce dernier. Dans ce contexte, les membres SGE de l'EPA, actuellement en fonction ou futurs, doivent signaler toute subvention de recherche reçue durant les deux dernières années (dans le Section 4 du formulaire de déclaration d'intérêts de l'EPA 3110-48)283. 2.2.5 Deux outils de la politique des conflits d'intérêts : la déclaration financière confidentielle et la formation à la déontologie En que SGE, les experts de l'EPA, comme dans le cas de la FDA, sont tenus de remplir une déclaration confidentielle d'intérêts financiers lorsqu'ils sont recrutés pour la première fois pour participer à une activité d'expertise et ensuite à la renouveler tous les ans. La déclaration utilisée par l'EPA est celle employée également par les fonctionnaires de l'Etat dans l'objectif de déterminer si des questions d'éthique se posent en lien avec l'activité d'un SGE au sein d'un comité d'expertise ou d'un panel : il includes peer review, the agency's potential to influence the scientist's research is limited. Voir l'EPA Form 3110-48 en annexes. Egalement disponible en ligne sur la page web du site de l'agence : http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/Web/Form3110-48exp2018/$File/EPA311048exp2018.pdf, consultée le 20 octobre 2015. 285 Sur son site web, l'EPA precise: "Members of advisory committees or panels may also be required to update the confidential form before each meeting while they serve as SGEs". Ibid. 221. 286 Voir en annexes. Disponible en ligne, sur le site web Bureau de déontologie de l'Etat : http://www.oge.gov/Forms-Library/Warning-about-Saving-OGE-Form-450/, consulté le 20 octobre 2015. 287 Disponible en ligne : http://www.oge.gov/Forms-Library/Warning-about-saving-the-OGE-Form-278(508-version)/, consulté le 20 octobre 2015. 288 Le cours, d'une durée d'une heure, est disponible en ligne : http://education.oge.gov/training/module_files/ogesge_wbt_07/10.html, consultée le 20 octobre 2015. 284 113 2.2.6 La procédure d'évaluation des déclarations d'intérêts Dans un rapport datant de 2013, le Bureau de l'Inspecteur Général (« Office of Inspector General ») mentionnait que les règlementations de la loi FACA ne s'appliquent pas aux sous-comités ou groupes de travail qui fournissent une expertise à un comité FACA parent. Cependant, l'EPA applique de nombreuses dispositions et procédures du FACA lors de la mise en place de ses sous-comités et panels. A ce titre, l'on pouvait remarquer que l'EPA : « exige des membres du futur comité FACA 289, des membres SGE des souscomités et des panels de compléter les déclarations d'intérêts financiers 290 », « examine minutieusement ces déclarations du point de des conflits d'intérêts financiers et de l'apparence de l'absence d'impartialité » et « prépare des grilles d'adhésion (« membership grids ») contenant des informations sur les qualifications et l'expérience de chaque membre proposé »291. La mise en place d'un comité d'experts au sein de l'EPA s'accompagne de la vérification de l'absence de conflits d'intérêts des candidats ainsi que de l'absence d'apparence d'une perte d'impartialité292. Cette vérification se fait sur la base de toute information pertinente, dont l'analyse de la déclaration confidentielle d'intérêts financiers de chaque candidat (le formulaire EPA 3110-48), les réponses à des questions de déontologie supplémentaires, les commentaires du public et les informations collectées par le personnel du SAB. Texte original Engl.: "prospective charter FAC, panel and subcommittee members", US Environmental Protection Agency, Office of Inspector General, "EPA Can Better Document Resolution of Ethics and Partiality Concerns in Managing Clean Air Federal Advisory Committees", 2013, Ibid., p. 9. 290 Il s'agit de Déclaration confidentielle d'intérêts pour les SGE siégeant dans les comités d'expertise de l'EPA (le formulaire EPA-3110-48). 291 US Environmental Protection Agency, Office of Inspector General, "Can Better Document Resolution of Ethics and Partiality Concerns in Managing Clean Air Federal Advisory Committees", 2013, Ibid., p. 6. 292 Texte original Engl.: "When forming an advisory panel, one component of that process is to ensure candidates are free from Conflicts of Interest and/or an appearance of a loss of impartiality", http://yosemite.epa.gov/sab/sabproduct.nsf/Web/ethics?OpenDocument, consulté le 20 octobre 2015. 289 Les remèdes possibles à un conflit d'intérêts sont la récusation de certaines parties, le désinvestissement de l'intérêt financier disqualifiant, l'application des exonérations prévues par les règlementations sur l'éthique ou une dérogation individuelle issue par l'EPA293. L'EPA mentionne que bien que la loi 18 USC 208(b)(3) lui autorise d'émettre des dérogations pour les SGE, après consultation avec le Bureau de déontologie de l'État et sous certaines conditions, ces dernières années le Bureau du SAB n'a pas demandé au Bureau du directeur des services juridiques (« Office of General Counsel ») d'émettre de telles dérogations, étant donné les dispenses règlementaires disponibles. Par exemple, le CFR 2640.203(g) donne le droit à une exemption qui permet à un SGE siégeant dans un comité FACA de participer dans des affaires particulières d'application générale (comme par exemple r du conseil sur l'élaboration de règlementations générales, des politiques ou des normes) dans la cas où l'intérêt disqualifiant concerne l'emploi nonfédéral de l'employé. La dérogation est en même temps assujettie d'une série de limitations importantes (elle ne couvre pas par exemple les intérêts liés à la possession par le SGE d'actions et l'affaire ne peut pas avoir un effet spécial ou distinct sur l'employeur fédéral ou non-fédéral du SGE, en dehors de ce cadre). Le rapport de l'OIG donne quelques éléments supplémentaires sur les procédures d'identification des conflits d'intérêts au sein de l'EPA 294. Nous avons vu que l'EPA exige tout d'abord que tout membre d'un de ses comités d'expertise remplissent la déclaration d'intérêts et que les membres actifs doivent mettre à jour leurs déclaration tous les ans Office of Inspector General, Report No. 13-P-0387, Ibid. 183, p. 9. Texte original Engl.: "The form includes sections for listing employment and consulting work, paid expert testimony, research or project funding for the past 2 years, and assets. The form also includes a section for describing prior activities or statements that could affect, or appear to affect, an expert's ability to provide impartial advice". 296 Entretien EPA, responsable du Bureau de l'Ethique, Washington DC, février 2015. 297 Ibid. 295 116 Enfin, on peut noter que selon le Rapport de l'OIG de 2013, la « pratique personnelle » du directeur du Bureau du SAB était de ne pas accorder des dérogations aux conflits d'intérêts financiers 298. Comme nous avons pu le voir au sein de cette deuxième partie du rapport, les agences fédérales FDA et EPA ont mis en place de nombreuses procédures et instructions afin de mettre en oeuvre les lois fédérales sur le fonctionnement des comités d'expertise (notamment le FACA) et les lois et règlementations fédérales sur les conflits d'intérêts et l'impartialité (le Code pénal et le Code de déontologie). Le principal outil de la politique de prévention et de gestion des conflits d'intérêts des experts semblent être, dans les deux cas, la déclaration d'intérêts financiers. Cette déclaration est confidentielle, conformément avec la règlementation fédérale. Les responsables de déontologie des deux agences analysent minutieusement les déclarations d'intérêts au regard de l'absence de conflits d'intérêts et d'impartialité, selon qu'il s'agit de membres votants et selon que le comité traite d'une « affaire particulière » ou de « portée générale ». Les deux agences, FDA et EPA, exigent que les déclarations d'intérêts soient complétées par les experts siégeant dans les com d'expertise lors de leur recrutement et également avant toute réunion du comité. Le rapport s'appuie sur l'analyse de 47 membres des comités, sous-comités et panels des conseils consultatifs CASAC et Council passés en revue entre 2002 et 2012. US Environmental Protection Agency, Office of Inspector General, "EPA Can Better Document Resolution of Ethics and Partiality Concerns in Managing Clean Air Federal Advisory Committees", 2013, Ibid., p. 9. Cette information a été également confirmée par notre entretien auprès de l'Adjoint à l'Ethique de l'EPA, directeur du SAB, Washington DC, juin 2015. Partie 3. Les pratiques de gestion des conflits d'intérêts de la FDA et de l'EPA Dans le cadre de notre étude sur les conflits d'intérêts au sein des agences d'expertise américaines, nous nous sommes également intéressés à la mise en oeuvre dans la pratique des politiques de prévention des conflits d'intérêts. Dans le contexte de nombreuses affaires liées aux conflits d'intérêts de scientifiques siégeant en tant qu'experts au sein des comités d'experts d'agences fédérales, nous avons voulu comprendre le décalage entre l'existence d'un cadre juridique vaste et détaillé en matière de conflits d'intérêts aux Etats-Unis (comme nous l'avons vu précédemment) et la persistance du phénomène des conflits d'intérêts au sein de l'expertise publique. Pour comprendre ce paradoxe, nous nous sommes rendus aux Etats-Unis, en vue de réaliser des entretiens et de collecter des informations au plus près des acteurs impliqués sur la question de la prévention des conflits d'intérêts à la FDA et à l'EPA. En particulier, nous avons voulu savoir comment ces deux agences ont renforcé leurs règlementations internes, étant donné les différentes affaires dont elles ont fait l'objet. A d'exemple, le Sénat a imposé à la FDA en 2007 un plafond de dérogations (un « waiver cap ») à accorder en cas de conflits d'intérêts. Toutefois, il semble que l'agence a demandé l'assouplissement de cette règle en 2012 au motif qu'il serait difficile de trouver des experts sans aucun conflit d'intérêt. Aussi, nous avons voulu comprendre comment ces agences gèrent dans la pratique les situations de conflits d'intérêt, étant donné que de nombreux « non-dits » accompagnent les règlementations juridiques dans ce domaine. 3.1 La gestion des conflits d'intérêts par les agences fédérales dans la pratique : les éléments collectés auprès de la FDA et l'EPA 3.1.1 EPA : deux entretiens, de nombreux éléments de réponse Nous avons contacté l'EPA deux fois, lors de nos deux voyages aux Etats-Unis : en février et en juin 2015. Dans le deux cas, nous avons obtenu une réponse favorable à notre demande d'entretien. Nous avons d'abord rencontré le responsable du Bureau de l'Ethique qui à la fin de ce premier entretien nous a recommandé un collègue pour aborder plus spécifiquement la gestion par l'agence des conflits d'intérêts des comités d'expertise. Lorsque nous l'avons contacté lors de notre seconde visite en mai, l'Adjoint à la déontologie et directeur du Bureau SAB, a accepté très facilement de nous rencontrer. Pour les deux entretiens, nous avons envoyé nos questions par e-mail au préalable. Le directeur du Bureau SAB nous a donné des éléments sur l'organisation des différents comités, sur les procédures de sélection des membres des comités d'expertise et sur l'octroi des dérogations et enfin, sur la participation du public au processus d'expertise. L'entretien avec le responsable de l'Ethique a révélé des informations sur les types de conflits d'intérêts que pouvaient avoir les fonctionnaires travaillant au sein de l'EPA, dont les experts. N°1 Entretien avec le responsable du Bureau de l'Ethique de l'EPA Date : 5 février 2015, Washington DC, siège fédéral de l'EPA Objectif et contexte de l'entretien : l'entretien avec la personne en charge des questions de l'éthique au sein de l'EPA a eu pour objectif de recueillir des éléments sur les règlementations portant sur les conflits d'intérêts au sein de l'agence. Ces règlementations concernent à la fois les fonctionnaires titulaires (« regular employees ») et les agents spéciaux qui siègent généralement au sein des comités (SGE). Le Bureau de l'Ethique de l'EPA gère ces questions des conflits d'intérêts : il reçoit et analyse les déclarations d'intérêts, répond aux questions des fonctionnaires en matière d'éthique et veille à ce que les fonctionnaires de l'agence complètent correctement les déclarations d'intérêts. En revanche, le déontologue et son service ne s'occupent pas des questions d'impartialité ou d'intégrité scientifique. C'est le SAB qui évalue l'impartialité d'un fonctionnaire dans des affaires générales ou particulières. Un autre service – le service de Recherche et Développement – s'occupe de l'évaluation de l'intégrité des scientifiques, en analysant aussi le matériel scientifique utilisé pour l'évaluation peerreview. Plus précisément, c'est le Scientific Integrity Official qui est en charge de ses questions (il n'a pas accepté d'entretien et nous a mis en contact avec son collègue au SAB, voir entretien plus loin). Points significatifs de l'entretien : - La fonction du déontologue à l'EPA : « Je suis le Reponsable de l'Ethique à l'EPA (« Senior Counselor for Ethics »). Je travaille à l'EPA depuis 27 ans et j'occupe poste depuis 7 ans. Mon rôle est d'aider les employés de l'EPA de comprendre le Code de déontologie sous lequel ils exercent leurs missions. Nous sommes une agence fédérale et nous travaillons pour le peuple américain. Et le peuple américain veut avoir confiance dans la manière dont exerçons nos missions et dans l'absence de conflits d'intérêts et d'impartialité. L'ensemble de l'Etat fédéral, toute personne qui travaille pour l'Etat fédéral, doit appliquer des normes de conduite spécifiques, qui sont contenues dans le Code de déontologie du personnel de la branche exécutive. L'EPA n'a pas de règlementation différente, toutes les agences fédérales emploient les mêmes règles déontologiques. - La définition de conflits d'intérêts : La clé de voute dans la manière dont les Etats-Unis gèrent son programme d'éthique est pour nous d'exiger une déclaration d'intérêts financière (« financial disclosure form »). Donc nous exigeons de nos employés, de certains employés, de remplir des formulaires qui nous disent ce qu'ils possèdent, ce que leurs conjoints possèdent et ce que leurs enfants possèdent. Nous parlons ici de leurs investissements, mais nous leur posons 121 également des questions sur toutes leurs activités extérieures, « qu'est-ce que vous faites d'autre? », qui pourraient soulever des interrogationsCar nous regardons toujoursLors de l'exercice de vos missions à l'EPA, est-ce qu'il y a quelque chose sur vous et est-ce que ce que vous possédez pourrait pousser quelqu'un à penser que vous n'êtes pas impartial ou que vous avez un conflit d'intérêts financier? Donc dans mon monde, le travail que je fais, le terme de « conflit d'intérêts » est un « terme d'art » (vocabulaire spécifique, ndlr) et se réfère à un conflit d'intérêts financier. Donc à chaque fois que j'utilise le terme de conflit d'intérêts je me réfère à des conflits d'intérêts financiers. J'utilise aussi la notion d'intérêt imputé, qui se réfère à tout ce qui est lié à vous par association, si vous êtes marié à une personne, ses revenus vous sont imputés ou si vous avez des enfants Ou si vous êtes dans le directoire d'administration d'une organisation extérieure, vous avez une responsabilité fiduciaire envers eux, les intérêts de cette organisation vous sont imputés, du point de vue des lois sur les conflits d'intér êts. Pour certains, cela peut paraitre des conflits d'intérêts personnels, mais pour moi il s'agit d'un conflit financier de par l'affiliation que la personne a avec cette entité extérieure, des intérêts de l'organisation qui lui sont imputés de par votre rôle fiduciaire en son sein. S'il s'agit d'un poste de direction, vous participez à la prise de décision de cette organisation, ce n'est pas comme si vous étiez un simple employé. Donc vous pouvez siéger dans un directoire d'une organisation, ce n'est pas interdit, mais selon les situations, nous devons étudier si cela ne pose pas de conflit, de problème lors de l'exercice de vos missions ». - L'intégrité scientifique : « Nous avons aussidisons que nous avons un scientifique et il a une opinion sur comment l'agence devrait traiter la question du changement climatique qui serait différente de l'opinion de l'agence. Que nous soyons dans l'administration Bush précédente, c'était les républicains, ou l'actuelle Obama, administration démocrate, il pourrait y avoir une différence de vision politique sur la question du changement climatique. Disons qu'on a un employé qui travaille durant les années Bush et il pense que le changement climatique est un grand problème mais l'administration politique n'est pas d'accord avec lui. Il pourrait ressentir cela comme un conflit d'intérêts : comment je fais alors que mon opinion scientifique est si différente de l'opinion politique de l'agence? Il voudrait publier un papier qui dirait les choses d'une certaine façon et ensuite la gestion politique ne serait pas d'accord car elle penserait différemment. Dans ce cas, en tant que scientifique, il pourrait penser que son intégrité scientifique pourrait être restreinte et lorsqu'il parle de cette frustration il utiliserait le terme de conflit d'intérêt. En effet, cela ne concerne pas les questions d'éthique dont je m'en occupe, le Code de déontologie, cela a un rapport avec l'intégrité scientifique. Et c'est une autre personne ici à l'agence qui s'occupe de ces questions d'intégrité scientifique »300. - L'évaluation des conflits d'intérêts : Il s'agit du Bureau de l'intégrité scientifique, dirigé par le Scientific Integrity Officer . Nous lui avons envoyé notre demande d'entretien, et elle nous a mis en contact avec son collègue du bureau du SAB (voir infra). 300 122 « Nous avons eu des experts de l'agence qui évaluaient les effets toxicologies de produits de nappes de pétrole. Et nous avons eu un employé qui travaillait chez Exxon et sur ces nappes de pétrole en Alaska il y a quinzaine d'années. Il avait rempli sa déclaration d'intérêts confidentielle localement, donc nous ne l'avons jamais eue ici. Lorsqu'il a été promu à un poste plus élevé, il a dû remplir la déclaration d'intérêts publique pour moi. Mon collègue analyse sa déclaration qui est complété pour nous pour la première fois et il rentre dans mon bureau est me dit qu'il y a un gros problème. Car ce chercheur qui travaillait chez Exxon sur les nappes de pétrole possède également 600 000$ d'actions chez Exxon. Ça c'est un conflit d'intérêts de nature pénale (« criminal conflict of interest »). Tu ne peux pas travailler sur ce que nous appelons une affaire spécifique quand tu possèdes plus de 15 000$ d'actions et lui il en possédait 600 000$. Donc on l'a appelé et on lui a dit qu'il devait vendre ses actions. Et il a dit « oui, bien sûr, je ne laisserai pas mon intégrité scientifique être affectée par les actions de mon épouse ». Donc ce n'était même pas ses actions mais celles de sa femme. Mais ce n'est pas comme ça que fonctionnent nos lois. Nos lois disent que tout ce que tu possèdes, ou ton conjoint ou tes enfants dépendants, t'appartient aussi cela t'es imputé. Donc cela ne nous importe pas que tu penses que ce n'est pas ton argent, c'est ton argent. Et tu ne peux pas travailler sur ça quand tu as autant d'argent. C'est un conflit d'intérêt, un conflit financier. Donc nous lui avons dit de vendre. Et nous avons ensuite l'obligation de rapporter cela à notre Inspector General, ici à l'EPA, pour investigation. Ils regardent ensuite s'ils peuvent engager des poursuites contre lui ou qu'est-ce qu'il doit faire pour régler le problème. Ils ont fait une enquête et ils ont décidé de ne pas engager des poursuites, car la personne avait rempli sa déclaration tous les ans. C'est simplement que quelqu'un n'a pas regardé cela et fait le lien. Celui qui analysait sa déclaration ne lui a pas dit qu'il avait un problème. Donc quand vous posiez la question de l'analyse des situations de conflits d'intérêts : écoutez, c'est important que les gens remplissent les déclarations d'intérêts, mais le plus important de l'évaluation est « est-ce que vous avez un conflit? » et « est-ce que vous comprenez ce que cela veut dire un conflit? ». C'est ce que nous essayons de faire comprendre aux gens dans notre Bureau ». « Vous cherchez à voir aussi si certains détails ne figurent pas sur la déclaration d'intérêts alors qu'ils devraient? Que les gens veuillent intentionnellement les dissimuler ou par omission?» « Nos lois disent qu'il ne faut pas mentir dans la déclaration. Mais les gens peuvent mentir oui, par omission ou de façon intentionnelle. Disons que quelqu'un remplit la déclaration et qu'ensuite je lui demande « hey, nous étions dans une réunion et tu as mentionné ta femme. Mais tu ne l'as pas mentionnée dans ta déclaration d'intérêts, tu n'as pas déclaré ses revenus. Y-a-t-il une raison à cela? ». Il me dit « oh, j'ai oublié ». Pas de problème, je te crois. Je crois les gens généralement, du moins la première fois (rires). Ce que nous faisons aussi c'est que nous analysons les déclarations de cette année avec les années précédentes, nous faisons des comparaisons d'année en année, pour voir ce qui manque ou ce qui est différent. Et nous voyons par exemple que quelqu'un ne déclare plus les revenus de sa femme. Je l'appelle et je lui pose la question « salut, qu'estce qui s'est passé? ». Il me dit « j'ai divorcé ». Ok, « désolé de m'immiscer, merci de me le dire, ». Ou cela peut être « comment ça se fait que tu ne déclares plus ton enfant? Il a plus de 18 ou de 21? », ce genre de choses. On garde ces déclarations six années de suite donc on suit leur évolution, et il y a beaucoup de choses ». « Faites-vous également des recherche supplémentaires, sur les activités extérieures de vos employés? S'il est dans une société, aller voir de quoi il s'agit?» 123 « Oui, absolument. C'est surtout [mon collègue assistant] qui le fait ». « Et l'Inspector General, il est au sein de l'EPA, s'occupe-t-il de ce genre de choses ou autres? » « L'Inspector General est responsable de tous les Inspecteurs généraux aux Etats-Unis. Chaque agence fédérale en a un. Il fait de la surveillance. Il est responsable d'investigation d'allégation de fraude, de gaspillage, d'abus et de corruption. Il est indépendant de l'agence. Il ne rapporte pas à l'Administrateur. Parfois, certaines petites agences n'en ont pas, elles partagent l'Inspecteur d'une autre agence. Il ne gère pas que les situations de conflits d'intérêts, mais tout problème lié à ce que j'ai mentionné, il peut s'agir d'informations déclarées sur un appel d'offre, si un approvisionnement en fourniture mentionne tel nombre mais en concerne moins, et bien d'autres ». « Encore une question sur l'évaluation des situations de conflits d'intérêts à partir de la déclaration d'intérêts : comment savez-vous qu'une situation rentre directement dans la case « c'est un conflit d'intérêts » et une autre ne l'est pas tout à fait, c'est une apparence seulement de conflit d'intérêts? » « Un conflit d'intérêts sera toujours en lien avec l'argent (« it is always about money »). L'apparence, c'est différent. Elle est liée à des relations (« relationships »). Ceci est la norme sur l'impartialité (en montrant le passage « impartiality standard » du Code de déontologie, ndlr). Il dit que les choses qui seraient liées à une absence d'impartialité sont en lien avec quelqu'un qui est dans ta maison, toute organisation ou un parent qui serait à la recherche d'emploinous détaillons toutes ces différentes situations. Don c nous les connaissons lorsque nous analysons les déclarations d'intérêts. Si on regarde le passage sur les conflits d'intérêts, qui est dans une autre partie du Code de déontologie, il est dit que tu ne peux pas travailler sur une affaire si tu as un intérêt financier et ensuite nous avons certaines « exemptions ». Donc si c'est un fond financier neutre comme « Fidelity » par exemple, cela ne compte pas. Il y a ensuite des sommes minimales, si tu détiens par exemple moins de 15 000$ d'actions dans une société, ça ne nous intéresse pas. « Donc il n'y a pas beaucoup de place pour l'interprétation? » « Pas pour la partie sur les conflits d'intérêts. Mais pour les questions sur l'impartialité, si, il y a une place pour interprétation. - La déclaration d'intérêts : publique et confidentielle : « Ensuite, toutes ces déclarations des hauts responsables de l'agence, des gens politiques qui sont nommés par le Président et confirmés par le Sénat, vont au Bureau de déontologie de l'Etat, qui les analyse et les signe. « Dans notre Département, nous en analysons 450 et il y en a 9 000 dans toute l'agence. » « Toutes les déclarations sont sous forme papier. Nous n'avons pas de programme informatique ». « Ceci est la déclaration confidentielle d'intérêt. Elle est relativement simple, elle contient les actions que tu possèdes, quel emploi extérieur, quels contrats avec d'autres organisations, quels cadeaux peut-on accepter, quelles sont les exceptions etc. Ces déclarations sont collectées par les adjoints à la déontologie (« deputy ethics officials ») 124 et sont en nombre de 9 000. Ce sont des formulaires confidentiels. Ce sont celles-là qu'on ne peut pas dévoiler au public, qui sont tenues dans un tiroir à clé, dans un placard fermé. » « Donc les gens qui remplissent ces déclarations savent que leurs informations sont dévoilées à une seule personne? » « Oui, une ou deux, trois maximum, c'est tout. Je travaille dans le Bureau de l'Avocat général (« Office of General Council ») et nous avons des personnes qui remplissent ces formulaires et ils les remplissent avec ma collègue. De nous trois, c'est elle qui les reçoit toutes, ce n'est pas moi ». « Et si les gens ont des questions? » « Ils nous appellent. » « Ou ils voient avec le responsable de leur service? » « Ils n'appellent jamais leur responsable, ils appellent toujours ici (rires) ». « Pour les déclarants publics, il s'agit des personnes séniors, donc le Président des EtatsUnis remplit ce formulaire, oui, bien sûr qu'il le fait, depuis 1988 je crois, oui. Donc ce formulaire est disponible sur le site web du Bureau de déontologie de l'Etat et on peut y consulter la déclaration du Président. Cette déclaration d'intérêts contient 11 pages à compléter. Elle est doit être complétée par les cadres supérieurs de l'agence (« senior career people ») et les employés politiques et ici à l'agence on a 450 personnes qui remplissent ce formulaire. Des fonctionnaires politiques et des hauts responsables de services, qui gèrent l'agence, ce sont des chefs. 125 Entretien N°2 Entretien avec le directeur adjoint de la déontologie, directeur du Bureau (Board Staff) du Science Advisory Board (SAB) de l'EPA Date : 16 juin 2015, Washington DC, EPA siège Objectif et contexte de l'entretien : l'entretien avec des représentants de l'EPA a eu pour objectif de recueillir des éléments sur la pratique de l'organisation en matière de gestion des conflits d'intérêts, en complément des informations disponibles sur son site web, les articles académique ou dans la presse. Points significatifs de l'entretien : - Le rôle de l'EPA : « Le Congrès passe des lois sur la protection de la santé, de l'air, de l'eau et l'EPA doit mettre en oeuvre ces lois et très fréquemment nous avons besoin de la science pour cela. Nous utilisons le travail des scientifiques extérieurs à l'Etat et nous finançons également des études par des scientifiques extérieurs lorsque nous avons des besoins spécifiques. Nous avons même un Département de la Recherche et du Développement. Nous nous appuyons sur cette science et cette science doit être analysée, rassemblée, elle conseille l'agence sur l'élaboration de ses politiques. Donc la science ne dit pas à l'agence ce qu'elle doit faire, mais la science sert de base pour cela. Et c'est important car dans le type de travail que nous faisons à l'EPA, il y a beaucoup d'argent en jeu, il y a de très nombreux intérêts puissants, une grande industrie, il y a des groupes environnementaux, il y a la santé humaine. C'est une question très polarisée. Il y a toujours des gensJe pense que l'EPA, plus que toute autre agence, fait l'objet d'attaques systématiques et des deux côtés. Donc il est important que le mondetous c qui nous regardent croient dans la science. Il faut que ce soit bien fait. Il y a deux aspects à cela. Un, c'est de s'assurer que l'agence fait de la science correctement. Deux, c'est de s'assurer que le monde extérieur qui l'observe a confiance que la science est correcte. Donc tu peux faire un boulot magnifique mais si personne ne croit pas en toi, t'as toujours un problème. - Précisions sur l'organisation : « Donc ce que nous faisons ici au SAB, moi je fais des rapports à l'Administrateur, elle rapporte au Président, donc nous sommes très haut dans l'organisation. J'ai environ 17 personnes, la plupart sont des docteurs en toxicologie, quelques ingénieurs santé publique, tous des scientifiques, sauf quelques administratifs. Ce que nous faisons c'est qu'une fois ou deux fois par an nous envoyons une lettre à l'ensemble de l'agence et nous demandons aux différentes parties de l'agence quels sujets scientifiques ou quels projets de règlementations nécessitent d'être évalués. Nous pouvons avoir environ 15-20 sujets collectés de toute l'agence. Nous les sollicitons. Les membres agréés du SAB, environ 50 personnes actuellement, peuvent en fait choisir tout sujet, même s'il n'a pas été soumis par les autres départements de l'agence, ils ont cette liberté. Donc ces sujets arrivent chez nous : nous travaillons avec les différents départements, nous leur disons qu'ils doivent présenter quelque chose, ils doivent dire « nous avons étudié la science, nous avons résumé ces études dans ce document » ; nous les encourageons à solliciter, à ce stade déjà, des commentaires publics et ensuite cela 126 arrive chez nous. Par la suite nous les aidons à formuler les questions à poser (« charge question ») : qu'est-ce que vous voulez savoir spécifiquement? Avons-nous utilisé les meilleures études scientifiques? Avons-nous fait correctement notre expertise? Avonsnous utilisé les meilleures données disponibles? Avons-nous adopté la bonne méthodologie? Avons-nous correctement évalué les risques? Enfin, ce genre de questions. Ensuite, nous publions un avis dans le Registre fédéral, qui est le moyen de communication de l'Etat avec le monde extérieur, et nous disons : un, nous allons avoir une évaluation, voici le sujet, voici la documentation que nous allons évaluer, tout ce que l'on fait ici est accessible au public, absolument tout. Et voici les questions à poser au public et ensuite nous demandons aux gens de soumettre leurs noms ou de nominer quelqu'un d'autre. Nous obtenons plus de 150 noms par sujet. Maintenant, au sein d'une évaluation donnée il peut y avoir six, sept, huit disciplines dont nous avons besoin : toxicologie, épidémiologie et autres et nous souhaitons généralement trois personnes dans chacun de ces domaines. Revenons à l'organisation : nous avons les membres agréés du SAB, ce sont des membres sélectionnés par l'Administrateur, il y a 47 personnes je crois. Nous faisons les nominations, ils peuvent se nominer et l'Administrateur peut prendre son téléphone et leur demander d'y siéger s'ils le veulent. Sur ces 47 c'est elle (l'Administrateur, ndlr) qui prend la décision. 127 - L'organisation des panels d'experts « Vous avez mentionné que les membres agréés du SAB président les panels d'experts? » « Il doit y en avoir un en tant que président, mais il peut y en avoir plusieurs. Mais généralement, un ou deux, pas beaucoup. Car tout ce que font les panels doit aller chez le SAB. Les panels sont constitués d'experts extérieurs. Le panel rédige un rapport autour de la question posée qui va ensuite chez le SAB, il l'évalueLa plupart du temps, il dit « est-ce que vous avez répondu aux questions, est-ce clair, est-ce correct », s'il y a un conflit, ils peuvent travailler dessusEt c'est uniquement le SAB qui peut signer ce document. Seulement lui. Les panels ne peuvent pas le faire. Et nous demandons également à tout le monde de ne pasDonc tout le monde peut parler à la presse, n'importe qui peut parler au Congrès, à tout moment, mais nous demandons de ne pas parler sur certaines expertises en cours. Nous disons, ok, si vous voulez parler de ce sujet, vous pouvez parler de A, B et C, mais je ne peux pas parler d'autre chose car c'est une expertise en cours et je ne donnerai que mon point de vue personnel et non pas celui du Board. Et lorsque le rapport final sort, nous demandons au président du panel d'être le porte-parole. Donc si la presse appelle, il parle à la presse. Le choix du président eston doit avoir un bon président de panel car c'est compliqué » « Avez-vous des cas où la décision du panel et celle finale du SAB divergent? » « Cela pourrait arriver, mais je n'ai jamais vu ça. Parfois, ce que nous avons, c'est le cas du panel avec un avis majoritaire et un avis minoritaire, ce qui ne pose pas de problème, mais ils le mentionnent ainsi. Donc le rapport stipule que la majorité du panel pense ainsi et la minorité n'a pas encore été en mesure de rendre une conclusion sur le sujet, ils ont besoin de plus de données ». - Le personnel en charge de la gestion des conflits d'intérêts « Combien de personnes avez-vous dans votre service en charge d'analyser les situations de conflits d'intérêts? » « Une ». « Et vous-même, vous étudiez également ces cas? » « Je suis l'Adjoint à la déontologie (« Deputy Ethics Official ») et j'ai une personne qui travaille pour moi et qui fait tout le travail administratif et autres « Et c'est cette personne qui évalue concrètement les situations de conflits d'intérêts? » « Oui. Donc elle fait l'analyse de base et 99% des dossiers sont bons. Lorsqu'elle a un problème, elle vient me voir et nous discutons ensemble et si ce n'est toujours pas trop clair alors nous allons voir [le Bureau de déontologie]. « C'est une fonction très importante. C'est elle qui m'évite les problèmes. Nous souhaitons que tout le personnel comprenne : la déontologie c'est très important. Nous avons un effectif de 8-9 personnes, docteurs en sciences. Ils ont des avis très fortsEn fait, nous faisons aussi venir du personnel [du Bureau de déontologie] : nous l'emmenons ici et nous discutons des points sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Nous discutons avec cette personne et nous l'écoutons. Parfois nous disons tous « ok, maintenant nous comprenons ». Et parfois nous ne sommes pas tous d'accord et alors c'est moi qui décide « ok, nous allons le faire ». Et c'est toujours le choix de la voie la plus sure. » - La participation du public : comment cela se passe dans la pratique « Lors de la réunion publique, le public a plusieurs possibilité d'intervenir. Il peut fournir des éléments écrits à tout moment, avant, pendant et même après. Les 128 commentaires oraux ont lieux à deux moments lors de la réunion. La première fois ils portent seulement sur la question posée. La deuxième fois ils portent sur la partie scientifique de l'é valuation. Et durant ces temps, le public peut présenter ce qu'il veut. Parfois, ils parlent juste de l'importance du sujet, il peut y avoir une association environnementale, cela peut ne pas porter sur la science, ils peuvent proposer leur propre analyse, cela peut être n'importe quelle choseLes commentaires publics dans le cas de certaines évaluations peuvent être faits par deux ou trois personnes, c'est tout. Dans d'autres, cela peut être 130.000 (pour « Water on the US », ndlr) ». « Tous les éléments reçus du publics sont collectés et mis sur le site web afin que ceux que le souhaitent puissent les voir. Et nous les donnons également aux membres des panels ». « Une autre chose qu'on fait, on vient de commencer () c'est la diffusion sur le web des grandes réunions d'expertise. Ainsi le monde entier, n'importe qui avec un ordinateur et une souris peut regarder, nous avons mis beaucoup de caméras et on peut voir les choses à l'écran. Cela a un effet intéressant : le premier c'est nous avons deux, trois, quatre cents personnes qui regardent. Nous avons des membres du Congrès et de leur personnel, nous pouvons parfois dire qui regarde, ou je reçois des mails durant l'expertise, du personnel qui me demande des choses « nous avons envoyé des éléments, est-ce que les membres du panel les ont, oui c'est dans leur dossier ». Mais la vraie surprise pour moi c'est lorsque l'on a les commentateurs du public, parce qu'ils sont sur le web maintenant, donc lorsqu'ils disent des choses, ils disent « nous pensons que l'EPA a tort, que vous devriez faire comme ci et cela et non pas comme ça ». Eh ben maintenant les membres des panels peuvent leur poser des questions. Parfois ces commentateurs du public cherchent à raconter une histoire, cette histoire pourrait marcher dans l'espace public, mais là ils sont en face de trente experts qui leur posent des questions très pointues, en affirmant « cela n'est pas vrai », ou « toutes les données montrent que ce que vous venez de dire n'est pas vrai ». A présent les commentateurs publics qui dans la plupart des cas sont payés par une entreprise ou par une organisation, cette organisation les regarde à l'écran et réalise que peut-être l'histoire n'est pas si bonne ou que le public peut s'en rendre compte. Don tout ça amène un degré d'honnêteté autour de la table et dans certaines expertises cela compte, c'est très visible ». « Est-ce que vous demandez aux membres du public qui interviennent lors d'un panel s'ils sont payés par une entreprise? » « Ils n'ont pas l'obligation de le dire, nous leur demandons, avant la réunion. Donc si quelqu'un dit « je veux être un commentateur public », le DFO (« Designated Federal Officer ») va leur dire « ok, je vous mets sur la liste, vous parlerez pour vous-même? » et la personne peut dire « je suis un simple citoyen » ou « je parle au nom de cette compagnie » ou « je suis financé par cette organisation ». Ensuite lorsque le DFO le présente durant la réunion, il dira quelle est l'affiliation. » - La pratique des conflits d'intérêts « On regarde les conflits d'intérêts avant que les réunions d'évaluation aient lieu ». « Généralement, parce qu'il y a tant d'yeux qui nous regardent, je veux être « clean ». Donc si on a un expert qui a quelques conflits d'intérêts, je vais préférer choisir quelqu'un qui est « clean ». Si lui ou elle est la seule personne, alors je peux obtenir une dérogation. Mais il vaut mieux pour moi de l'éviter tout simplement ». 129 Eléments de la discussion avec l'assistante de 'adjoint à la déontologie, en charge de l'analyse des déclarations d'intérêts : « Donc vous êtes en charge d'analyser toutes les déclarations d'intérêts des membres des panels? » « Oui, je travaille avec mon chef sur cela. Ils m'envoient la déclaration, je fais une première analyse et ensuite si j'ai des questions je reviens vers eux et s'il n'y en a pas, je l'amène au responsable pour signature. Il va analyser la déclaration et s'il voit que tout est en ordre, qu'il n'a pas de questions, il va la signer et la personne pourra participer à l'expertise. » - Les derogations "waivers": « Oui, nous avons des dérogations. Je peux demand er une dérogation. Si cet expert travaille pour une société qui peut profiter des résultats du panel je peux demander une dérogation, maisJe dois avoir une très, très bonne justification. Je dois la mettre par écrit et cela part ensuite dans une autre agence pour faire la décision. En deux ans, je n'ai jamais demandéaucunejamais ». « L'autre agence c'est le ministère de la justice. Je crois que c'est la politique de l'agenceje ne l'ai jamais fait. [Le responsable du Bureau de déontologie] m'a dit : « ne le demande pas, sauf si tu as une bonne raison et si tu le demandes, ne prends pas une décision sur un cas qui va en justice ». « Donc vous préférez ne pas en octroyer? » « Je n'en ai pas besoin! J'ai d'autres options. Disons que je ne prenne pas cet expert pour un panel, il est « out », le panel peut toujours inviter cet expert en tant qu'expert témoin, cette personne n'écrit pas le rapport, ne vote pas, juste elle vient et parle, comme un membre du publicDonc on peut l'inviter ». « Donc c'est la voie facile pour avoir un expert rare? » « Ce n'est pas tellement que c'est la voie facile, c'est la voie la plus « clean ». Car les gens, ils veulent que l'on fasse une petite erreur. Et si nous faisons une petite erreur, ils vont faire une très, très grande histoire de cela. Donc nous en parlons toujours ici : nous devons le faire au mieux, de façon plus intelligente et plus « propre ». Et il n'est pas difficile de le faire, vous savez, vous devez juste faire ces petites choses en plus. « Dans un panel nous avons eu beaucoup de scientifiques en conflit d'intérêts. Ils ont travaillé pour Exxon ou de grandes sociétés de pétrole et de gaz. [Le Bureau de déontologie] et son bureau fournissent des éléments sur les règlementations et leur application concernant le salaire. Si tu travailles pour Exxon et que tu te fais payer, cela ne compte pas, mais si tu as des actions dans la société, cela compte ». « Si un expert travaille pour une société cela ne pose pas de problème? » « En fait, il y a plusieurs aspects. Il y a cette chose appelée « affaire » ou « affaire particulière ». Une affaire est très générale et les règles sont un peu différentes, elles concernent surtout le fait de savoir si cette personne pourrait bénéficier financièrement de la décision du panel. Donc si c'est un sujet très vaste et que cette personne a un intérêt dans cette société, il est difficile de voir si cette décision va influencer son revenu. - Les conflits d'intérêts « intellectuels » ou l'absence d'impartialité « Les sujets dont vous traitez sont donc très politisés? » « Oui, beaucoup plus, oui. Il y a aussi des nuances. Supposons queDonc si on fait une expertise sur un sujet donné et que j'ai 30 experts de renom dans ce domaine, ils vont évaluer des choses qui contiennent leurs propres travaux, n'est-ce pasCela arrive tout le temps. Tant que ces travaux ne représentent pas une partie importante, ils peuvent être dedans, je veux dire, il n'y a pas de conflit. Mais si leurs travaux représentent une partie conséquente, une partie critique, alors nous pouvons leur demander de partir. Ou d'habitude ils vont venir vers nous en disant « Je crois que je dois me récuser car cela contient trop des recherches sur lesquelles je travaille ». « Considérez-vous cela comme étant un conflit? » « Oui » « Quel type de conflit? » "HumHm, un conflithum, un conflitEnfin, une absence d'impartialité" « Un biais? » « Oui, un biais. C'est quelque chose de différent » « Je vous le demande car on s'interroge sur d'autres conflits que ceux financiers, comme les conflits d'intérêts intellectuels ou idéologiques » « Absolument » « Donc prenez-vous en compte d'autres aspects que ceux financiers lorsque vous analysez les conflits d'intérêts des experts? » « Il y a donc la partie financière, qui est gérée par le responsable de l'Ethique. Et il y a l'impartialité où c'est moi qui prend la décision. » « Vous-même évaluez cela? » « Oui, c'est moi-même qui prend ces décisions. La règle est queJe dois savoir si le scientifique est libre de changer d'avis, d'exprimer son opinion. Donc si leur travail constitue une partie importante de l'expertise, ils peuvent faire deux choses. Nous pouvons leur demander de se retirer. Ou nous pouvons leur demander de récuser leurintervention dans cette portion de l'expertise. » « De récuser? » « Récuser, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent y contribuer, ils ne disent rien. Disons qu'il y a cinq chapitres et un chapitre porte sur l'impact sur la santé publique et qu'un scientifique a beaucoup travaillé sur cette partie-là, alors il pourrait ne pas en être auteur ou contribuer à ce chapitre.» « Ce n'est même pas que je le suspecte d'être biaisé, mais il s'agit de mettre quelqu'un pour évaluer son propre travail. C'est une absence d'impartialité, oui. C'est son propre travail. Et pour beaucoup, cela est lié au regard du monde extérieur sur ce que l'on fait. Si c'est seulement un chapitre, nous pouvons dire « récuses-toi simplement sur cette 131 partie-là », si c'est plus conséquent, si c'est une partie importante, alors nous demanderons à cette personne de ne pas être dans le comité. Cela fonctionne très bien ». - Les pratiques de gestion des situations de conflits d'intérêts « Il y a une autre modalité par laquelle je pourrais leur demander (les experts, ndlr) de ne pas siéger ou de se retirer. Ils font de la recherche, ils ont un résultat de recherche et maintenant ils veulent le partager avec le reste du monde. C'est très bien. Mais maintenant quelqu'un les embauche pour promouvoir ce sujet, une entreprise de produits chimiques dit : « Ce que vous racontez, nous plait, votre recherche nous plait, nous aimerions donc que vous ». Alors là ils ont la connexion financière pour promouvoir un certain résultat. Donc si des résultats nouveaux apparaissentj'ai mentionné avant que le scientifique doit être capable de changer d'avisDonc si maintenant il travaille pour cette société, il est payé pour promouvoir une idée qu'il a généré avec de la bonne science, mais maintenant on peut s'interroger sur le fait que ce scientifique puisse vraiment changer sa pensée et alors nous lui demanderions de se retirer - La déclaration d'intérêts « Quel genre de questions pouvez-vous avoir de la part des scientifiques sur les déclarations qu'ils doivent remplir? » "Une question typique serait celle sur les subventions reçues de la part de l'EPA. L'agence a un programme de financement de la recherche dont la règle est : si cela porte sur un sujet spécifique de l'expertise, ils sont en conflit et nous leur demandons de ne pas siéger. Si c'est autre chose, une subvention par concours, cela ne compte pas, cela n'empêche pas de siéger dans un panel. » « Vos déclarations d'intérêts sont confidentielles, c'est intéressant » « Oui, nous ne voulons pas les embarrasser. Une partie du « deal » c'est queOn doit trouver un équilibre. Pourquoi le ferait-onOn ne veut pasparce qu'il ne s'agit pas seulement de leur déclaration, mais de leur conjoint et de leurs enfants dépendants aussiDonc on ne veut pas » « Nous ne voulons pas que ce soit décourageant. - Les sanctions en cas de conflits d'intérêts « Qu'est-ce qui se passe si on découvre des conflits d'intérêts au sein d'un panel, quelles sont les sanctions? » « Cela dépend de quand ça arrive durant le processus. Si le rapport a déjà été finalisé et que nous avons appris par la suite, alors je lancerai une enquête et peut-être que nous réécrirons le rapport sans la participation de cette personne. Je pourrai demander au président : « est-ce que tu penses que l'influence de cette personne a indument modifié les choses ». Je veux dire, est-ce qu'il a été une partie du groupeIl pourrait me dire « oui, il en a fait partie, nous ne savions pas ». Cela n'est pas arrivé, donc j'imagine, mais je souhaiterais avoir quelque chose par écrit qui certifie que la participation de 132 cette personne n'a pas eu d'impact sur la décision finale, n'a pas fait « chavirer » le comitéOu, s'il y a eu un problème, je demanderai alors une ré-expertise, refaire le panel à nouveau. Si le rapport est toujours en cours d'écriture, alors il est facile d'éliminer le facteurmais l'on doit montrer queMaintenant, un autre problème qu'il pourrait y avoir c'est que le rapport soit écrit, cinq années passent, de nouvelles données apparaissent et un ancien membre du panel vient dire « le rapport que nous avons écrit est obsolète ou inexact ». Et cela se pourrait, cela nous est arrivé, qu'une personne le voit comme obsolèteNotre position sur cela est la suivante : lorsque nous avons écrit le rapport, c'était exact, nous ne sommes pas la police de la science (). Si vous avez des interrogations sur ce rapport, vous devriez le montrer à l'agence et s'ils veulent une autre expertise, ils devraient nous la demander ».
5,732