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Processus de mise en place et évolution des systèmes de volcans de boue
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Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 UNIVERSITE LILLE 1 SCIENCES ET TECHNOLOGIES
Eco
le
Doctorale Sciences de la Matière, du Rayonnement et de l’Environnement THESE Présentée par Matthieu Dupuis Intitulée : Processus de mise en place et évolution des systèmes de volcans de boue. En vue de l’obtention du grade de docteur de l’Université de Lille 1 Spécialité : Géosciences, Ecologie, Paléontologie, Océanographie Date de soutenance le 27 juin 2017 Devant
un
jury
composé de :
Lies LONCKE Maître de conférences, Université de Perpignan Rapporteur Éric DEVILLE Professeur, Institut Français du Pétrole Rapporteur Aurélien LACOSTE Maître de conférences, Université de Tours Examinateur Nicolas TRIBOVILLARD Professeur, Université Lille 1 Examinateur Vincent RIBOULOT Chercheur, Ifremer Examinateur Francis ODONNE Professeur, Université Toulouse III Encadrant Patrice IMBERT Chercheur, Total Encadrant Bruno VENDEVILLE Professeur, Université Lille 1 Directeur 1 © 2017 Tous droits réservés.
lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences UMR 8187 LOG ‐ CNRS Université Lille 1 Cité Scientifique – Bâtiment SN5 59655 VILLENEUVE D’ASCQ France 2 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 Table des matières
: Avant-propos __________________________________________________________ 7 1 Introduction générale ________________________________________________ 9 1.1 1.1.1 Classification _____________________________________________________________ 10 1.1.2 Situation géologique _______________________________________________________ 13 1.1.3 Début d’investigation, l‘arrivée de l’imagerie géophysique de surface _______________ 14 1.1.4 Mud volcano systems ______________________________________________________ 22 1.1.5 Le système profond en sismique _____________________________________________ 24 1.1.6 Déclenchement de remontée de fluide ________________________________________ 33 1.2 2 Etat de l’art – Volcans de boue __________________________________________ 9 Problématique ______________________________________________________ 40 Contextes géologiques du Bassin Sud Caspien et du delta du Niger __________ 43 2.1 Contexte géologique du Bassin Sud Caspien (BSC) et de la continuité onshore, le bassin de la Kura _______________________________________________________________ 43 2.1.1 Evolution structurale ______________________________________________________ 43 2.1.2 Stratigraphie _____________________________________________________________ 48 2.1.3 Stratigraphie sismique _____________________________________________________ 51 2.2 3 2.2.1 Evolution géodynamique ___________________________________________________ 52 2.2.2 Stratigraphie et structure ___________________________________________________ 52 2.2.3 Caractéristiques de la roche mère et régime thermique ___________________________ 54 2.2.4 Régime de pression dans le delta du Niger _____________________________________ 54 Données et méthodologie ___________________________________________ 55 3.1 Localisation des données _____________________________________________ 55 3.1.1 Onshore, données satellites _________________________________________________ 55 3.1.2 Offshore ________________________________________________________________ 55 3.2 4 Contexte géologique du delta du Niger __________________________________ 52 Méthodes __________________________________________________________ 56 3.2.1 Interprétation sismique ____________________________________________________ 56 3.2.2 Géomorphologie de terrain _________________________________________________ 57 3.2.3 Analyse du matériel argileux ________________________________________________ 57 3.2.4 Géochimie des fluides _____________________________________________________ 59 3.2.5 Modélisation analogique ___________________________________________________ 59 Résultats _________________________________________________________ 62
3 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
4.1
Les
systèmes de volcans de boue du
Bass
in Sud Caspien (BSC) et de sa
continu
ité onshore, le bassin de la Kura. _____________________________________________________ 62 4.1.1 Contexte géologique régional _______________________________________________ 62 4.1.2 Architecture d’un exemple type de système de volcan de boue, MV4 de la Structure 1 __ 62 4.1.3 Le système de volcan de boue d’Absheron _____________________________________ 71 4.1.4 Continuité du système en domaine onshore ____________________________________ 82 4.1.5 Apports de la modélisation analogique _______________________________________ 130 4.2 5 4.2.1 Environnement de dépôt, taux de sédimentation et régime de pression_____________ 144 4.2.2 Géomorphologie sismique de la zone d’étude _________________________________ 144 Modèles de mise en place des systèmes de volcan de boue ________________ 157 5.1 Processus de remobilisation ________________________________________________ 157 5.1.2 Profondeur de mise en place _______________________________________________ 158 5.1.3 Apports multiples de fluides et provenances différenciées _______________________ 160 5.1.4 Le modèle de mise en place d’un système de volcan de boue _____________________ 161 Evolution des édifices à morphologies plates ____________________________ 163 5.2.1 AA et Absheron : un sommet plat, subsidant et en compression radiale _____________ 163 5.2.2 Modèle Pousse-murailles __________________________________________________ 165 5.3 Application du modèle de système de volcan de boue : le Nigéria ___________ 170 5.3.1 Signification de la morphologie en « overlap » _________________________________ 170 5.3.2 Relations temporelles _____________________________________________________ 171 5.3.3 Modèle du complexe de systèmes de volcans de boue du delta du Niger ____________ 172 Discussion _______________________________________________________ 176 6.1 Liaison processus de surface – processus de fond _________________________ 176 6.1.1 La partie superficielle, de la morphologie aux processus _________________________ 176 6.1.2 Evolution du système de transfert ___________________________________________ 181 6.1.3 Aux sources des systèmes _________________________________________________ 186 6.2 7 Modèle d’
du système de transfert des systèmes de volcans de boue
157 5.1.1 5.2 6 Les systèmes de volcans de boue du delta du Niger _______________________ 142 Vie des systèmes et échelles de temps _________________________________ 188 6.2.1 Vie des systèmes à l’échelle humaine ________________________________________ 188 6.2.2 Vie des systèmes à l’échelle de la résolution sismique 3D ________________________ 188 6.2.3 Echelle intermédiaire manquante ___________________________________________ 190 6.2.4 Représentativité des observations in vivo _____________________________________ 190 Conclusion et Perspectives __________________________________________ 192
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© 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Annexes ____________________________________________________________ 196 Références __________________________________________________________ 209 Table des illustrations _________________________________________________ 217 Liste des tableaux ____________________________________________________ 226 Résumé ____________________________________________________________ 227 Abstract ____________________________________________________________ 227
5 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 6 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Avant-propos
Ce travail de thèse s’inscrit au départ dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « Géofluides 4D », initié par Patrice Imbert au sein de la société Total en 2012 et qui a pris fin en 2015. Il s’agissait d’un projet axé sur l’étude des marqueurs de migration de fluides au sein d’un bassin sédimentaire, et qui regroupait différents axes de recherches tels que les injections sableuses, les glissements de terrain, les marqueurs de surface (pockmarks, etc.) et les volcans de boue. Cette thèse se concentre plus particulièrement sur les modes de mise en place de systèmes de volcans de boue et sur l’évolution des édifices de surface que sont les volcans. Une grande partie de ces travaux sont réalisés sur des données du Bassin Sud Caspien ainsi que sur le terrain en Azerbaïdjan puisque Total a mis à disposition un grand nombre de données sismiques de haute qualité, ainsi que des facilités techniques pour organiser les différentes missions de terrain. Une seconde partie du travail a été d’appliquer les connaissances acquises sur un autre site d’intérêt : le delta du Niger. Les volcans de boue sont des édifices étudiés depuis moins de 50 ans, surtout en Mer Caspienne et en Méditerranée, mais qui sont présents dans différents contextes géologiques et donc répartis en de nombreux endroits sur la planète. L’étude de ces édifices s’oriente sur différents aspects de leur développement, depuis la géochimie des fluides qui sont apportés en surface depuis la source du système jusqu’à la morphologie des édifices de surface. Il n’y a toutefois aucune étude aujourd’hui, à ma connaissance, qui illustre la géométrie de la zone de fluidisation d’un système de volcan de boue. Le matériel extrudé permet la construction des volcans, qui peuvent avoir différentes morphologies, depuis les cônes pointus jusqu’aux édifices plats. Les processus régissant l’évolution de ces édifices de surface sont pour l’instant peu connus, notamment pour les édifices plats, tout comme la relation entre la source de boue (sa localisation le long du système) et les morphologies de ces édifices de surface. Dans ce travail de thèse, nous nous intéressons tout d’abord à la mise en place de ces systèmes de volcan de boue, notamment la mise en place de la source de boue différenciée de la source de fluides. Nous étudions ensuite les processus d’évolution des édifices de surface, à morphologies plates ou coniques. Pour ces deux parties, nous définissons des modèles de mise en place et d’évolution qui s’appliquent de façon générale aux volcans de boue. Pour finir, nous appliquons ces modèles pour contraindre une zone complexe, qu’il était jusqu’ici difficile d’interpréter. Les principaux résultats de ce travail doctoral ont été mis en avant dans une publication en cours de correction dans le journal Marine and Petroleum Geology. Deux autres articles sont en cours de rédaction, un premier article porte sur la structure de l’Ayaz Aktharma et un second article présente les travaux entrepris sur nos données de géochimie. 7 © 2017 Tous droits réservés.
lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 8 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
1 Introduction générale 1.1 Etat de l’art – Volcans de boue
Un volcan de boue est un édifice à morphologie circulaire construit en surface par l’extrusion de matériel argileux provenant d’une source en profondeur (Figure 1-1) (Jakubov et al., 1971 ; Ali-Zade et al., 1984 ; Dimitrov, 2002). La taille d’un volcan de boue est de l’ordre de plusieurs centaines de mètres de haut pour une base de plusieurs kilomètres de large, le Toragay (Azerbaïdjan) est le plus grand édifice à terre avec un sommet culminant à 400 m et une base de 4 km de diamètre (Rashidov, 2014). Ces objets peuvent avoir des morphologies coniques avec des flancs à pente de l’ordre de 15° jusqu’à des morphologies à sommets plats (Dimitrov, 2002 ; Kopf, 2002; Mazzini & Etiope, sous presse). Un cratère principal se trouve au sommet de l’édifice, différents points de sorties secondaires que l’on appelle « manifestations de surface », sont souvent visibles sur les flancs de ces édifices (Dimitrov, 2002 ; Mazzini & Etiope, sous presse). Le matériel argileux extrudé en surface est souvent une brèche, constituée de boue et de clastes provenant de toutes les formations traversées au cours de la remontée de la boue (Dimitrov, 2002). Cette remontée de boue est accompagnée de sorties d’huile et de gaz, pouvant engendrer des phases d’éruption violentes.
Figure 1-1: Structure d'un volcan de boue, d’après Dimitrov (2002).
9 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
De façon générale, un volcan de boue est l’édifice de surface d’un système permettant l’arrivée en surface de matériel argileux fluidisé depuis une source en profondeur en surpression de fluides (Dimitrov, 2002 ; Kopf, 2002 ; Mazzini & Etiope, sous presse). Les volcans de boue (MV) sont des structures géologiques que l’on retrouve à terre et en domaine marin. Ils ont été décrits pour la première fois par Pline l’Ancien dans « Naturalis Historia » en l’an 77. Ils ont ensuite été étudiés dans les zones où ils sont présents en grande quantité, notamment en Azerbaïdjan où ils sont étudiés depuis quelques décennies. Ces édifices sont étudiés depuis la fin des années 70, notre compréhension sur leur mode de fonctionnement s’améliore depuis, en partie grâce au perfectionnement des techniques géophysiques, géochimiques et aux techniques d’analyse des matériaux.
1.1.1 Classification
Ces édifices ont des tailles et des formes qui varient entre une morphologie conique à pente forte (de l’ordre de 15°) et sommet pointu (voir le Toragay, Figure 1-2A) appelé mud cone et une morphologie plate avec une bordure restreinte et un sommet étendu et plat appelé mud pie (voir l’Ayaz Aktharma, Figure 1-2B) (Dimitrov, 2002 ; Kopf, 2002). Des éruptions de boue à plus petite échelle, localisées sur les grands édifices ou en dehors sont appelées « manifestations de surface de MV » (Mazzini & Etiope, sous presse). Il s’agit de sorties de fluides qui créent des édifices de petite échelle (métrique). Ces manifestations de surface correspondent aux salse, gryphons, chalumeaux et pools. On retrouve ces « manifestations de surface » en surface de certains grands édifices (tel que le Dashgil, Hovland et al., 1997), ces objets peuvent également être observés dans des zones à l’écart de l’emprise d’un volcan de boue (e.g. le Pirekeskul, voir Jakubov et al., 1971). Les salse sont des piscines de boue, des objets métriques à décamétriques constitués de boue liquide et d’eau chargée en éléments dissous (Figure 1-3A), elles sont enracinées sur un conduit étroit d’où s’échappe du gaz qui forme des bulles en surface. Les gryphons sont des monticules formés de matériaux argileux, d’une hauteur de l’ordre du mètre pour une largeur du même ordre. Ces édifices peuvent être actifs et se construire par empilement de coulées de boue à chaque phase d’éruption, formant un édifice conique à pente jusqu’à 45° avec souvent un sommet plat avec un lac de boue d’où s’échappent les coulées. Lorsque l’activité décroit, le sommet plat sèche et le gryphon forme un cône de matériel argileux sec (Figure 1-3B). Ces monticules se positionnent en alignement le long de structures profondes telles que des failles (Mazzini & Etiope, sous presse). Les gryphons sont des constructions éphémères dont la morphologie évolue rapidement à chaque phase d’éruption ou sous l’impact des eaux météoriques qui les érodent rapidement. 10 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-2: A: morphologie plate de mud pie (Ayaz Aktharma, Azerbaïdjan), B : morphologie de mud cone (Toragay, Azerbaïdjan). Les images sont présentées avec une exagération verticale *3.
Les chalumeaux (sinter mounds, Hovland et al., 1997) correspondent à des monticules de matériel rouge et grenu en périphérie et noir et lisse au centre (Figure 1-3C). Ce matériel rouge et grenu correspond à de la boue cuite à haute température créant de la céramique par cuisson de l’argile à une température de l’ordre de 1000°C. La partie centrale correspond à du verre, car l’argile a été fondue à une température supérieure à 1200°C. Cette partie centrale correspond au point de sortie du gaz. Les pools sont des points de sortie circulaires de diamètre plus faible que les salse, de l’ordre de quelques décimètres, avec un conduit à morphologie en entonnoir (Figure 1-3D).
11 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-3: Différentes « manifestations de surface », A: salsa, B: Gryphon, C : Sinter mounds, D: Pool
On observe que les gryphons et les salse sont en général alignés (e.g. la suite de gryphons du Pirekeshkul). Les chalumeaux sont en général disposés sur les coulées de boue ainsi que sur les murs de caldera (e.g. Koturdag), avec une exception sur le Dashgil où ces sinter mounds sont alignés sur le sommet du volcan (Hovland et al, 1997). Plusieurs classifications des MV ont été proposées. Kalinko (1964) décrit une classification des volcans de boue basée sur leur mode d’éruption. Il définit trois types, en fonction de la morphologie de surface d’édifices en domaine onshore liée à l’activité des volcans. Le type I : « Type Lokbatan », le type II : « Type Chikislyar » et le type III : « Type Schugin » (Kalinko, 1964). Le type Lokbatan (type I) correspond plus ou moins aux volcans magmatiques explosifs. Ces édifices ont un mode d’éruption rare mais violent. Les éruptions sont ponctuées d’ignition de gaz, formant des flammes de plusieurs centaines de mètres de haut (Dimitrov, 2002) de façon épisodique (Stewart & Davies, 2006). Il s’agit d’une activité violente avec de longues périodes de calme (Dimitrov, 2002). Kalinko (1964) précise que ces édifices sont liés à du matériel extrudé de faible viscosité, responsable selon Dimitrov (2002) de leurs morphologies plates et larges. Les édifices de type Chikisllyar (type II) sont plus proches d’un type de volcan effusif, des édifices à éruptions plus continues et calmes. Ces volcans de boue émettent en continu de faibles quantités de boue et de gaz. Ils sont à
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réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 mettre en relation avec du matériel extrudé à haute teneur en eau responsables de leurs
morphologies
en dô
mes plats ou en remplissage de dépressions (Dimitrov, 2002). Les types I et II sont les deux extrêmes de la classification de Kalinko (1964). Le type III correspond à une activité entre le type I et le type II avec des émissions discontinues mais pas catastrophiques (Dimitrov, 2002). Il existe d’autres classifications, par exemple basées sur des corrélations avec la tectonique locale (Arhangelski, 1932) ou plus récente définie sur la morphologie des édifices (Mazzini & Etiope, sous presse).
1.1.2 Situation géologique
La Figure 1-4 montre l’étroite relation entre les zones de surpressions de fluide (Mourgues, 2003) et la localisation géographique des volcans de boue (Mazzini & Etiope, sous presse). Cette corrélation montre bien-sûr quelques lacunes puisque certaines zones en surpressions telles que la pointe est du Brésil ou la côte du Chili ne sont pas des zones à volcans de boue. Cette carte des surpressions mériterait d’être retravaillée avec les données acquises depuis, notamment sur des zones telles que le delta du Nil. On observe de manière générale une relation entre ces zones en surpression et la localisation des volcans de boue. Leur répartition mondiale montre que la plupart d’entre eux se trouvent en contexte compressif comme la Ride Méditerranéenne ou les bassins de Mer Caspienne (Dimitrov, 2002 ; Mazzini & Etiope, sous presse). A échelle plus locale, on observe une relation entre la localisation de structures géologiques plissées et celle de volcans de boue tel qu’illustré en Azerbaïdjan où les MV sont localisés sur les crêtes de grandes structures anticlinales (Jakubov et al., 1971, Figure 1-5 Figure 1-4: A : Carte des zones en surpression de fluides sur la planète, d’après Mourgues, 2003 ; B : Répartition des volcans de boue sur la planète, d'après Mazzini & Etiope, sous presse.
13 © 2017 Tous droits réservés
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lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-5: Répartition des différents volcans de boue localisés sur les axes des structures anticlinales en Azerbaïdjan. Modifié d'après Jakubov et al., 1971.
1.1.3 Début d’investigation, l‘arrivée de l’imagerie géophysique de surface
Dans les années 70 et 80, les campagnes en mer se sont multipliées et ont permis l’acquisition d’échantillons marins par dragage, combinés à l’imagerie géophysique de la bathymétrie, permettant de déterminer la mud breccia, la brèche, soit le matériel expulsé par les volcans de boue (Cita et al., 1981). Cette brèche est constituée de clastes de formes et de tailles variables jusqu’à décamétriques (Dimitrov, 2002), portés par la boue. Ces clastes proviennent de toutes les formations traversées lors de la remontée des fluides jusqu’en surface (Figure 1-1). Le matériel expulsé s’épanche en surface sous la forme de coulées de boue. Ces coulées peuvent couvrir des milliers de mètres carrés à chaque éruption du fait de leur haute fluidité. Akhmanov et al (2003) utilisent les clastes retrouvés dans la boue draguée en fond de mer pour reconstituer la colonne stratigraphique au travers de laquelle la boue est remontée en combinant datation et lithologies. Avec les données de leur 14 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 répartition géographique,
ils sont estimés à 1800 volcans répartis de manière à peu près égale à terre et en domaine sous-marin (Dimitrov, 2002). On trouve des MV à de nombreux endroits de la planète mais ils sont le plus connus en Méditerranée (Camerlenghi et al., 1995 ; Robertson & Kopf, 1998 ; Aloisi et al, 2000 ; Loncke et al., 2004, Dupré et al., 2008, Feseker et al., 2010) et le long de la ceinture Téthysienne où ils ont été le plus étudiés (Fowler et al., 2000 ; Yusifov & Rabionowitz, 2004 ; Stewart & Davies, 2006 ; Oppo et al., 2014 ; Javanshir et al., 2015 ; Wu, 2015). Ces études ont permis de définir les morphologies de surface des volcans de boue sous-marins. Il faut attendre les années 90 et l’arrivée du sonar pour que permettre une forte intensification de l’étude des volcans de boue. C’est pendant l’expédition Training Through Research Cruise (TTR-3) de 1993 que les scientifiques font la découverte de structures subcirculaires et montrant une forte réflectivité (Limonov, 1996). Cette campagne met en lumière un grand nombre de « diapirs de boue » et de « volcans de boue » (Limonov, 1996). Les auteurs décrivent les diapirs de boue comme des extrusions de matériel argileux sous forme de colonnes de boue remontant depuis les crêtes de structures profondes, telles que chevauchements et failles inverses, jusqu’en surface où ils forment des volcans de boue (Camerlenghi et al., 1995) Premoli Silva et al. (1996) ont effectué des études biostratigraphiques sur la boue constituant les « diapirs de boue » de la ride méditerranée et concluent que cette boue provient de niveaux sédimentaires d’âges Crétacé à Miocène. Robertson et al. (1998) utilisent des données de carottes de forages dans des volcans de boue de Méditerranée (les volcans Napoli et Milano). En couplant ces données à de la sismique, ils améliorent le modèle de mise en place des volcans de boue défini par Camerlenghi et al. (1995). Ils observent que les horizons qui se trouvent sous l’extrusion montrent des pendages orientés vers le centre des édifices. Les horizons au-dessus de l’extrusion viennent se terminer en biseaux, en onlap sur cette extrusion. Selon Camerlenghi et al (1995), cette géométrie représente le stade final de l’extrusion. Robertson et al. (1998) décrivent cette géométrie comme un stade intermédiaire. Pour eux le stade final de l’évolution d’un volcan de boue correspond à une morphologie de mud pie soit un volcan à sommet plat (Figure 1-6) (Robertson et al., 1998). La plupart des volcans de boue montrent des géométries de surface irrégulières, subcirculaires voire elliptiques. Plusieurs études ont été menées sur la géométrie des volcans (Bonini & Mazzarini, 2010 ; Paulsen & Wilson, 2010 ; Roberts et al., 2011). Une étude de Paulsen & Wilson (2010) est basée sur le fait que, pour les volcans magmatiques, les alignements de points de sortie de gaz apparaissent en surface de dikes. Paulsen & Wilson (2010) affirment qu’il est possible d’utiliser les géométries irrégulières des édifices volcaniques pour définir des orientations de contraintes tectoniques comme déjà décrit dans la littérature (voir par exemple Anderson, 1951 : Nakamura, 1977, Zoback, 1992) mais qu’il est également possible d'utiliser les alignements de points de sortie à morphologies irrégulières qui vont se former en surface de structures de dikes en profondeur pour trouver les champs de contraintes associés à ces structures (Paulsen & Wilson, 2010).
15 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-6: Schéma de mise en place des volcans en Méditerranée, modifié d'après Robertson & Kopf (1998). Bonini & Mazzarini (2010) appliquent une méthode d’étude de la géométrie des volcans de boue d’abord utilisée sur les volcans magmatiques. Ils considèrent les relations entre contraintes tectoniques maximale et minimale (sigma H et sigma h respectivement dans leur étude) et géométrie des volcans (Figure 1-7). Ils considèrent les alignements de points de sorties de gaz, huile et boue ainsi que l’allongement des édifices qu’ils relient à la contrainte tectonique horizontale maximale : les alignements de points de sortie ainsi que le grand axe d’un volcan sont parallèles à la contrainte maximale. Ils considèrent également l’excentricité elliptique des calderas qui s’alignent perpendiculairement à la contrainte horizontale principale. Roberts et al. (2011) utilisent également la distribution des points de sorties pour mettre en relation la géométrie des édifices volcaniques et les contraintes tectoniques, sur les volcans de boue d’Azerbaïdjan ainsi que sur les volcans de boue de l’île de Java.
16 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-7: Représentation schématique de l'impact d'une contrainte tectonique régionale sur la morphologie des volcans de boue, d’après Bonini & Mazzarini (2013).
SH correspond à la contrainte horizontale maximale
et
Sh à la contrainte horizontale minimal
e
. Toutes ces études montrent que les volcans à géométrie irrégulière, elliptique, ont un grand axe orienté parallèlement à la contra
inte tec
tonique régionale
maximale
. Les
align
ements de points de sorties sont également orientés
parallè
lement
à la contrainte tectonique maximale
. L’
allong
ement de l
’
édi
fice
par la formation de calderas se fait quant à lui perpendi
culaire
à la contrainte maximale. Impact de la remontée de matériel sur la morphologie de surface
Peu de travaux ont porté sur les processus de croissance des édifices volcaniques de boue. Ablay et al. (2008) fournissent un début de réponse en se basant sur une étude morphologique des édifices magmatiques. Ils ne considèrent pas les contraintes tectoniques mais se concentrent sur les contraintes locales induites par la remontée de matériel en surface. La déformation de surface dans ce cas ne dépend que de l’état de contrainte induit par les propriétés rhéologiques des matériaux en surface et la poussée des fluides migrant vers la surface. Par exemple, des ouvertures en étoiles par failles normales radiales sont typiques d’un contexte où la contrainte minimale est la contrainte horizontale tangentielle
17 © 2017 Tous droits réservés
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lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 (Ablay et al., 2008)
alors que dans un contexte où la contrainte minimale est la contrainte horizontale, la déformation se traduira par des morphologies d’injection de type sills (Figure 1-8) (Ablay et al., 2008). Dupré et al. (2008) ont étudié la morphologie de surface de deux mud pies appelés Amon MV et Isis MV. Ces volcans de boue sont localisés sur le delta du Nil. Dupré et al. (2008) imagent la bathymétrie à haute résolution (moins d’1 mètre de résolution horizontale) de ces édifices grâce à un AUV (Autonomous Underwater Vehicle). La surface de cet édifice montre des structures quasi-circulaires et concentriques de largeur environ 30 m pour des amplitudes de l’ordre de 3 m. Ces structures sont du centre de l’édifice et se recoupent par endroits. Selon Dupré et al. (2008), ces structures seraient des rides de pression qui seraient dues à une contrainte radiale venant du centre du volcan légère surélevé (environ 3 m de haut). La croissance de volcans de boue ne se résume pas à des extrusions successives qui se superposent. Différents mécanismes ont un impact important sur leur croissance. Un grand nombre d’études ont été faites sur les volcans de boue du delta du Nil. Les études sur les volcans North Alex et Giza (Figure 1-9A et Figure 1-9B) (Feseker et al., 2010) et Isis, Amon (Figure 1-10A et Figure 1-10B) (Dupré et al., 2008), portant sur l’âge des sédiments et des clastes émis par ces édifices montrent l’impact d’une extrusion verticale de matériel argileux induisant la légère surrection du point d’émission ainsi que la déformation de la surface de l’édifice de façon radiale autour du point d’émission, formant une succession de rides de longueur d’onde de l’ordre de quelques dizaines de mètres. D’autres études portent sur la géochimie des fluides émis par les volcans de boue (Mastalerz et al., 2007 ; Prinzhofer & Deville, 2011) qui est en majorité du gaz thermogénique (Etiope et al., 2009), sur la chimie des concrétions carbonatées présentes au-dessus des points de sorties de fluides (Gontharet et al., 2007), sur l’activité de ces points de sortie de fluides et l’impact d’un contexte de tectonique salifère sur leur répartition (Loncke et al., 2004).
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Figure 1-8: Représentation des contraintes à symétries de révolution et des fracturations associées à ses contraintes, d’après Ablay et al. (2008). HR correspond à la contrainte horizontale radiale, HC représente la contrainte horizontale de « circonférence » soit la contrainte tangentielle à la
formation radiale et V correspond à la contrainte verticale. 19 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-9: A : Bathymétrie du volcan de boue Giza, B : Bathymétrie du volcan de boue North Alex (modifié d’après Feseker et al.,
2010). 20 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de
Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
Figure 1-10: A : Bathymétrie du volcan de boue Amon (Dupré et al., 2008
),
B: Bathymétrie du volcan
de
boue Isis
(Dupré et al., 2008).
Une étude de Antonielli et al. (2014) vient renforcer l’idée d’une déformation de surface induite par compression depuis le centre de l’édifice car elle met en évidence des failles de décrochement en surface d’un édifice volcanique à morphologie de mud pie. Dans cette étude, les auteurs montrent que la surface de cet édifice est soumise à des mouvements verticaux (Figure 1-11). La surface de la moitié de l’édifice est en surrection alors que l’autre moitié est en subsidence continue sur une période de 5 ans. Ces mouvements sont interprétés comme résultant de variations de volume dues à des arrivées de matériel depuis une source plus profonde.
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de Mat
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Figure 1-11: Carte de l’Ayaz Aktharma (Azerbaïdjan) représentant le mouvement cumulé au cours de la période du 02 octobre 2003 au 10 novembre 2005. La moitié ouest est en subsidence (jusque 15 cm) et la moitié est en surrection (jusque 20 cm), d’après Antonielli et al., 2014. 1.1.4 Mud volcano systems
Les volcans de boue sont des édifices de surface. Ces édifices correspondent à la fin de tout un système depuis la source de fluides en profondeur jusqu’au volcan de boue à proprement parler. Stewart & Davies (2006) décrivent ce Mud Volcano System comme le chemin que parcourent les fluides depuis la source en surpression en profondeur jusqu’en surface en passant par tout un système de plomberie plus ou moins compliqué. Selon Stewart & Davies (2006) la source est une zone en surpression de fluides d’où du matériel argileux commence à migrer vers la surface. Ils appellent « zone dégonflée » cette source de boue. La boue se propage le long de failles quasi-verticales jusqu’en surface. La zone faillée permettant la migration de la boue peut faire 300 mètres de large. Lorsque la boue arrive en surface après avoir suivi ce chemin de migration, la zone comprise entre les failles se retrouve en déséquilibre, le matériel contenu dans la zone dégonflée étant maintenant en 22 © 2017 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017
surface, tout le système de migration s’effondre dans cette zone formant le cône inférieur de ce qu’ils appellent bicône à symétrie radiale (Figure 1-12). Le matériel qui est extrudé en surface forme ensuite le cône supérieur de ce bicône (Stewart & Davies, 2006). Ce qu’ils décrivent sur données sismiques comme des bicônes à symétrie radiale sont des paléovolcans. Le sommet de ce cône basal est marqué par une caldera. La mise en place du cône supérieur est ainsi liée à l’effondrement du cône inférieur (voir Fig. 8A de Stewart & Davies, 2006). L’extrusion de breccia peut se faire de manière continue ou de manière épisodique. Il est possible d’observer une superposition de bicônes radiaux. Chaque bicône correspond à un volcan qui s’est déposé sur le fond de mer de l’époque. Ces empilements de volcans constituent la morphologie en sapin de Noel (Christmas Tree de Stewart & Davies) visible en sismique (Stewart & Davies, 2006).
Figure 1-12: Diagramme de l'évolution en 3D d'un modèle de système de volcan de boue, d'après Stewart & Davies, 2006. De a à c, évolution temporelle conduisant à la formation du bicône, Pf = pression de fluide, n = contrainte horizontale, T = force de cohésion de la couverture. D, modèle 3D montrant la connexion entre la zone source de boue en profondeur et la surface, les terminaisons en biseaux de l’extrusion et l’effondrement du système de transfert, d’après Stewart & Davies (2006). Deville (2009) est le premier à faire une distinction claire entre source de fluide et source de boue (Figure 1-18). Il examine des systèmes volcaniques en domaine onshore et en domaine sous-marin. Il définit la source de fluides en profondeur, il peut d’ailleurs y avoir différentes sources entre gaz et eau. Cette source est différente de la source de boue qu’il identifie comme la « mud generation zone ». Cette zone devient la zone de formation de la boue, ce qui change des « réservoirs de boue » précédemment définis. Cette zone source de boue se trouve quelque part entre la source de fluides en profondeur et le volcan, édifice de surface (Deville, 2009). Cette zone de formation de boue correspond à une « chambre » où les fluides, qui migrent depuis une plus grande profondeur, entrent en interaction avec le sédiment afin de former de la boue qui sera ensuite extrudée en surface.
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1.1.5 Le système profond en sismique Cooper (2001) est le premier à utiliser la sismique 3D pour illustrer la géométrie de sub-surface sous un volcan de boue. Il n’y a cependant que peu d’études situant la source du matériel extrudé, notamment Stewart & Davies (2006) qui définissent une « depletion zone », c’est-à-dire une zone d’où du matériel a été évacué. Ces auteurs définissent le concept de « système de volcan de boue » en considérant le volcan comme l’édifice de surface de tout un système, système commençant à la source profonde des fluides, puis à leur migration vers la surface le long d’un chemin de migration, jusqu’à leur extrusion en surface. Ils basent leurs études sur 4 volcans de boue sous-marins localisés sur l’anticlinal d’Azeri-Chirag-Guneshli (ACG) qui se trouve dans le Bassin Sud Caspien (BSC). Le Maykop est le niveau stratigraphique considéré comme la roche mère principale dans le BSC, ainsi qu’en mer Noire. Davies & Stewart (2005), ainsi que Stewart & Davies (2006), proposent un modèle de formation de volcan de boue. Dans ce modèle, la source de la boue correspond au Maykop. Selon leur modèle, l’extrusion de matériel se fait le long de failles quasiverticales qui relient la source à la surface. Lors de l’extrusion, le domaine faillé finit par s’effondrer, créant un cône superficiel orienté pointe vers le bas. Lors d’une seconde phase d’éruption, le matériel extrudé se dépose sur ce cône inversé et compose un second cône à pointe vers le haut. L’association de ces deux phases éruptives constitue ce que Stewart & Davies (2006) appell un « bicône d’extrusion ». Ce bicône correspond à une lentille transparente en sismique constituée de matériel homogénéisé. L’activité épisodique des volcans de boue permet d’empiler des bicônes, ce qui aboutit à la morphologie en Christmas Tree (Figure 1-13 ; Stewart & Davies, 2006) en sismique (Figure 1-14). Figure 1-13: Différentes morphologies d'un volcan de boue à activité épisodique. A : Bicône simple situé à faible profondeur et relié à une source de boue en profondeur, B : Empilement de bicônes de tailles variées, C : Un épisode d'extrusion avec des variations du taux de sédimentation formant une morphologie en Christmas Tree, d’après Stewart & Davies, 2006.
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Figure 1-14: Système de volcan de boue à morphologie en “Sapin de Noël” : chaque cône correspond à un volcan de boue déposé en paléo-surface. La base du système est bien visible vers 3,5 s(TWT), (d’après Deville, 2009).
Sources de fluide à différentes profondeurs
Les volcans de boue sont l’expression de surface d’un processus naturel qui permet la remontée de fluides en surface, soit sur le fond marin soit à terre, depuis une zone en surpression en profondeur. Nous nous intéressons à ces phénomènes et aux facteurs permettant de créer des surpressions de fluides dans des contextes de volcans de boue. Lors de son dépôt, chaque sédiment possède un contenu en eau plus ou moins important. La sédimentation continuant, les sédiments sont petit à petit enfouis. Au cours de cet enfouissement, ces sédiments subissent un accroissement de la pression et de la température. Dans un système ouvert, c’est-à-dire permettant la circulation des fluides jusqu’à la surface ou fond de mer, la pression des fluides reste en équilibre avec la pression du milieu connecté jusqu’en surface de la mer ou jusqu’au toit de la nappe phréatique. Elle suit donc un gradient
hydrostatique représenté par la formule :
P=e
*g*h
(
éq.
1)
La pression (P) correspond au poids de la colonne d’eau (de masse volumique e) susjacente. Le gradient de pression hydrostatique est de l’ordre de 1 bar pour 10 mètres à ajouter à la pression atmosphérique d’environ 1 bar. Par ailleurs, un élément de subsurface est soumis à une contrainte verticale égale au poids des sédiments sus-jacents et le cas échéant (en milieu sous-aquatique) de la colonne d’eau. Cette contrainte verticale (v sur la Figure 1-15), communément appelée « pression lithostatique » dans le jargon pétrolier, est égale à l’intégrale de l’équation (1) depuis la surface jusqu’à l’élément considéré, où z est la densité à la profondeur z et g l’accélération de la gravité. Sous 10 mètres d’eau, la pression hydrostatique sera de 2 bars ; un fluide du réseau poreux d’une formation enfouie à 2 km par une profondeur d’eau de 2 km sera dans
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Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Matthieu Dupuis, Lille 1, 2017 un système
ouvert
à une
pression de 401
bars, le
long du
gradient
hydrostatique (point Pf sur Figure 1-15A). Les sédiments sont capables d’évacuer l’eau interstitielle pendant les premières phases d’enfouissement. Au cours de l’enfouissement et de la diagenèse, la perméabilité du sédiment diminue. Les surpressions de fluides apparaissent alors lorsque le sédiment n’est plus capable de se mettre à l’équilibre avec la pression hydrostatique. Cette profondeur limite est la Profondeur de rétention des fluides (Fluid Retenion Depth, Swarbrick et al., 2002). Le gradient de pression de pores à partir de ce niveau est supérieur au gradient hydrostatique, et la pression de pores augmente « plus vite » que la pression hydrostatique. La profondeur de la PRF est fonction du sédiment (taille des grains) mais également de la vitesse de sédimentation, plus le taux de sédimentation est élevé, plus la PRF est proche de la surface (Swarbrick et al., 2002). La situation extrême où la « fluid retention depth » représente le toit d’un système complètement fermé est représenté par le point v sur la Figure 1-15A. La pression va augmenter en suivant le gradient hydrostatique jusqu’à cette PRF. Une fois la PRF dépassée, la pression commencera à augmenter différemment, le long d’un gradient plus fort. Si le système est parfaitement fermé, la pression augmentera le long du gradient lithostatique (point Pf sur la Figure 1-15B). La profondeur de la PRF induit donc des différences importantes de pression en profondeur visibles entre les points Pf des Figure 1-15A et Figure 1-15B. Il s’agit ici d’un exemple théorique, dans la nature, il n’existe pas de système parfaitement fermé, la pression aux pores augmente en général de façon plus importante que la pression hydrostatique mais moins importante que la pression lithostatique. On parle de surpression de fluide pour tout point situé dans un environnement à pression supérieure à la pression hydrostatique. En d’autres termes, dès que la pression de pores devient supérieure à la pression hydrostatique, on définit l’environnement comme étant en surpression de fluide. L’état de surpression est un état de déséquilibre, un état transitoire, qui va tendre à retourner à son équilibre notamment par migration des fluides (Mourgues, 2003). Pour le point V du graphe (Figure 1-15), on a considéré l’environnement comme un système fermé, c’est-à-dire sans connexion entre les pores dans le sédiment. Les fluides qui étaient à l’équilibre en surface (à pression hydrostatique) se retrouvent avec une pression plus forte suivant le gradient lithostatique. Il s’agit d’une représentation théorique qui ne peut être atteinte dans la nature que si la contrainte verticale est la contrainte minimum. Le passage au-dessus de la pression lithostatique se traduit alors par la mise en place d’un sill ou d’une veine de fluide horizontale (cf. « beef » de Cobbold et al., 2013). Dans les cas où la contrainte principale maximum est verticale, la fracturation hydraulique du milieu se produira dès que la pression dépassera la contrainte principale minimum (horizontale par conséquent). Dans la plupart des contextes tectoniques passifs, la contrainte horizontale minimum est de l’ordre de 70-90% de la pression lithostatique (voir Osborne & Swarbrick, 1997).
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Figure 1-15: Diagramme de l'augmentation de pression avec la profondeur en fonction des gradients hydrostatique et lithostatique. La pression en tout point d’une colonne d’eau ou d’un système ouvert se trouve sur le gradient hydrostatique (bleu), la contrainte verticale induite par une colonne de roche se trouve sur le gradient lithostatique (rouge). La zone située entre les gradients hydrostatique et lithostatique correspond au domaine des surpressions de fluides.
La Profondeur de Rétention des Fluides induit des différences de pression à même profondeur. Dans certains cas naturels tel que le Graben Central de la mer du Nord, la pression de fluide peut montrer des variations brutales qui permettent d’imager des zones à forte perméabilité et les formations à plus faible perméabilité, les surpressions se localisant sous les formations les moins perméables (Figure 1-16).
Figure 1-16: Profils de pression montrant des variations de pressions de fluide dans des formations à faible perméabilité, A: Profil de pression de Flamboyant Field (Trinidad) montrant des variations brutales de pression de fluide ; B : Profil de pression dans le Graben Central de la Mer du Nord, les intervalles C – D et G – H sont en surpression (Mourgues, 2003).
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Processus de formation de surpressions
Selon Osborne & Swarbrick (1997), plusieurs processus peuvent engendrer des surpressions de fluides. Certains processus sont directement liés au dépôt du sédiment, d’autres sont liés aux réactions engendrées par l’augmentation de pression et de température dues à l’enfouissement. Certains processus sont indirectement liés au sédiment, mais plutôt induits par des contraintes extérieures. Enfouissement
L’enfouissement est le principal facteur de formation de surpression de fluide due à la compaction différentielle (Osborne & Swarbrick, 1997). La charge subie par une particule est égale au poids de la colonne de roche au-dessus (éq. 1). Les fluides présents dans la roche contrebalancent ce poids en soutenant une partie de la colonne. La force appliquée par les fluides va créer une contrainte effective qui correspond à la somme de la pression lithostatique (poids de la colonne) moins la poussée des fluides (principe de Terzaghi) : P’=P-Pf (éq. 2) avec P’ la contrainte effective, P la contrainte due à la colonne et Pf la pression appliquée par les fluides. Au cours de l’enfouissement, la pression exercée par la colonne va aller en augmentant (pression lithostatique), la porosité va avoir tendance à diminuer avec la compaction du sédiment (Figure 1-17). Une formation riche en sable aura une porosité au moment du dépôt de l’ordre de 40% et cette porosité va diminuer jusqu’à atteindre les 20% vers 2 kilomètres de profondeur (Osborne & Swarbrick, 1997). Une formation riche en argile va subir une compaction de façon continue, la porosité passera de 65 % à 80% au moment du dépôt à 10% à de grandes profondeurs (jusque 6 kilomètres) (Osborne & Swarbrick, 1997).
Figure 1-17: Courbes d’évolution de la porosité en fonction de la profondeur des sédiments, A : valeurs sur les 500 premiers mètres, B : valeurs sur la portion > à 500 m, d’après Velde (1996). Les fluides présents dans ces pores subissent cette diminution du volume des pores. Pour des formations avec une bonne connectivité, cette augmentation de pression se traduit par l’expulsion des fluides piégés dans la porosité. Pour les formations avec une mauvaise
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THE DAN L'EPILEPSIE ET MESURE DE MINIMISATION DES RISQUES
Mr Benjamin GUILLET Membres : Mr Guillaume HACHE Mme Véronique ANDRIEU Mme Solène DELPY
EXPOSITION UTERO AU VALPROATE DE SODIUM : STRATEGIE THERAPEUTIQUE DANS L'EPILEPSIE ET MESURE DE MINIMISATION DES RISQUES
Mr Benjamin GUILLET Membres : Mr Guillaume HACHE Mme Véronique ANDRIEU Mme Solène DELPY
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« L'Université n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. » 7 Remerciements
Mes remerciements s'adressent: A toutes les personnes qui ont contribué à ma réussite durant mes années à la faculté de pharmacie de Marseille et à l'aboutissement de celles-ci par la soutenance de ma thèse de docteur en pharmacie. A Mr. Guillaume Hache, qui a accepté d'être mon directeur de thèse, Pharmacien au Centre Européen Recherche en Imagerie Médicale (CERIMED) et maître de conférences en Pharmacodynamie à l'université d'Aix-Marseille, pour sa disponibilité et ses judicieux conseils, qui ont contribué à finaliser mon travail et ma réflexion. A Mr. Philippe Charpiot, anciennement Vice-Doyen de la faculté de pharmacie de Marseille, Directeur du Département de Biologie Pharmaceutique et enseignant-chercheur au Laboratoire de Biochimie Fondamentale, Moléculaire et Clinique pour avoir accepté d'être initialement mon directeur de thèse et pour m'avoir soutenue et aidée durant mon cursus. A mon président de thèse, Mr. Benjamin Guillet, Chef de service en radiopharmacie, directeur du CERIMED, et chef de service du laboratoire de Pharmacodynamie, pour l'honneur que vous me faites de présider cette thèse. A Mme Véronique Andrieu,
responsable de la filière Industrie
de la
facult
é de Marseille, m
aître de Conférence Universita
ire
en Pharmacie
Galénique, Biopharmacie, pour l'honneur que vous me faites de siéger parmi les membres du jury. Merci pour l'intérêt porté à ma thèse et votre disponibilité. A Mme Solène Delpy, Pharmacienne ayant exercée en pharmacovigilance, aujourd'hui pharmacienne en officine, pour avoir été une collègue attentive, d'un soutien sans faille et pour me faire l'honneur de siéger parmi les membres du jury. 8 Je dédie cette thèse : A mes parents, pour leur soutien constant et pour m'avoir permis de réaliser ces études dans les meilleures conditions possibles. Merci de m'avoir toujours fait confiance et d'être toujours là pour moi. A ma soeur, pour m'avoir si bien entourée et soutenue. A ma famille, Mamie, Delphine, qui ont suivi avec intérêt toutes mes années d'études. Merci pour vos encouragements. Une tendre pensée pour Papi également. A Adrien, pour tout ce que tu m'apportes. A mes ami(e)s de la fac : A mes fidèles amies de P1, ma petite Pascou et Mariannou. Ceux avec qui j'ai partagé mes années pharma, ma binôme Amandine et Manon, mais aussi à Robin, Hugo, Marie, Mehdi, merci pour ces beaux souvenirs. A mes ami(e)s de longue date : Jodie, Alison, Margaux, Mira, Mailys, Tom. A Clarisse, pour ta bienveillance. A mes ami(e)s et collègues, rencontrés à Sanofi : A David, pour ta revue, tes précieux conseils d'experts, et l'assistance informatique. A Rodrigue, Mélanie, Aline, Clémentine, Justine, Julie, Chiara. 9 Table des matières Préambule 14 1 2 La femme enceinte : une population dite « sensible » 17 2.1 Grossesse 17 2.2 Risque lié à la prise de médicament au cours de la grossesse 18 2.2.1 2.2.2 3 4 5 6 7 8 Les 6 niveaux de conduite à tenir au cours de la grossesse 18 Principe de l'évaluation et les différents niveau/libellé grossesse obtenus 18 2.3 Les essais cliniques chez la femme enceinte 20 2.4 Tératogénicité d'un médicament 21 L'épilepsie 23 3.1 Caractéristiques de la pathologie 23 3.2 Physiopathologie 25 3.3 Traitements 26 Le valproate 29 4.1 Indications 29 4.2 Mécanisme d'action 30 4.3 Efficacité 31 Epilepsie et grossesse 32 5.1 Fréquence des crises épileptiques durant la grossesse 32 5.2 Effets de la crise épileptique sur le foetus 33 5.3 Complications durant la grossesse et l'accouchement 34 Conséquences de l'exposition in utero au valproate 35 6.1 Au cours de la grossesse et à la naissance 35 6.2 Un risque malformatif élevé chez les enfants 36 6.3 La dysmorphie 37 6.4 Les troubles neurodéveloppementaux 37 6.5 Des maladies ou symptômes organiques évolutifs 39 Stratégie thérapeutique 40 7.1 Recommandations 40 7.2 Alternatives thérapeutiques au valproate chez la femme enceinte 42 Mesures de minimisation des risques 44 10 8.1 Le plan de gestion de risques 44 8.2 Arbitrage européen 45 8.2.1 8.2.2 8.3 Premier arbitrage européen 45 Deuxième arbitrage européen 48 Mesures menées par l'ANSM au niveau national 55 8.3.1 Rapport IGAS 55
8.3.2 Exposition à l'acide valproïque parmi les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer. 56 8.3.3 Exposition in utero à l'acide valproïque et aux autres traitements de l'épilepsie et des troubles bipolaires et risque de malformations congénitales majeures en France 59 8.3.4 Risque de troubles neuro-développementaux précoces associé à l'exposition in utero à l'acide valproïque et aux autres traitements de l'épilepsie en France 61 8.4 9 Résultats des mesures 63 Conclusion 65 10 Annexes 67 10.1 Annexe 1 : Brochure d'information à l'attention de la patiente et/ou de son représentant 67 10.2 Annexe 2 : Formulaire d'accord de soins - Traitement des patientes par valproate 84 10.3 Annexe 3 : Médicaments contenant du valproate et dérivés – Guide à destination des médecins prescripteurs 85 11 Bibliographie
110 ANSM: Agence Nationale de Sécurité du Médicament, 34 CERIMED: Centre Européen Recherche en Imagerie Médicale, 2 CNAMTS: Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, 51 CRAT: Centre de référence sur les agents tératogènes, 34 EMA: European Medicines Agency, 43 EURAP: Registre international sur les antiépileptiques et la grossesse, 26 FDA: Food and Drug Administration, 31 ICM: Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, 17 IGAS: Inspection générale des Affaires sociales, 50 MCM: Malformations congénitales majeures, 54 NICE: National Clinical Guideline Centre, 34 PGR: Plan de gestion des risques, 39 PRAC: Pharmacovigilance Risk Assessment Commitee, 40 QI: Quotient intellectuel, 32 RCIU: Retards de croissance intrautérin, 29 SNDS: Système National des Données de Santé, 56 SNIIRAM: Système national interrégimes de l'Assurance Maladie, 51 TDAH: Trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, 49
Figure 1: Six niveaux de conduite à tenir au cours de la grossesse
19
Figure 2
Les crises épileptiques sont dites « généralisées » ou « focales » 24
Figure 3 : Transmission synaptique lors d'une crise épileptique 25 Figure 4 : Recommandations pour la prise en charge de l'épilepsie chez l'adulte 27 Figure 5 Structure chimique du valproate de sodium 29 Figure 6 : Mécanismes d'action de différents antiépileptiques, incluant le valproate 30 Figure 7 : Pictogramme alertant sur les dangers de la prise de médicaments contenant du valproate ou un dérivé pendant la grossesse 51 Figure 8: Carte patiente valproate 53 Figure 9 : Évolution du nombre de femmes en âge de procréer avec au moins une délivrance d'acide valproïque ou ses dérivés 58
Pré
ambul
e
Afin de clôturer mes années universitaires, j'ai choisi de présenter une thèse sur un sujet d'actualité, qui a été largement médiatisé : celui du valproate de sodium et de son administration chez la femme enceinte épileptique. Introduction
Plus de 80 % des femmes sont exposées à un ou plusieurs médicaments pendant leur grossesse. De nombreux médicaments sont néfastes pour le foetus, via le passage placentaire entre la mère et le foetus : les médicaments présents dans la circulation maternelle atteignent la circulation foetale. Cependant face à certaines pathologies, un traitement médicamenteux peut être essentiel pour la santé de la femme enceinte et pour celle du foetus. L'épilepsie fait partie des troubles pour lesquels un traitement médicamenteux peut être nécessaire pendant la grossesse. Connue depuis l'Antiquité, les mécanismes responsables des troubles épileptiques ne sont pas encore complètement élucidés. Il existe ainsi une forte dynamique de recherche, aussi bien expérimentale que clinique afin d'améliorer les options thérapeutiques, qui restent insatisfaisantes pour près d'un tiers des malades (1). Commercialisé depuis 1967, le valproate de sodium fait partie des molécules disponibles pour la prise en charge de ces patients. Il s'est rapidement imposé comme l'un des traitements de référence de l'épilepsie, mais il est également utilisé dans le traitement des troubles bipolaires et des migraines. Il représente parfois la seule option médicamenteuse efficace des troubles épileptiques, faute d'alternative thérapeutique possible (2). La prise d'un médicament tel que le valproate comporte des risques pour le patient en général, il est également avéré qu'il présente des risques pour le foetus en cas d'administration pendant la grossesse. Le lien entre la prise de valproate et la survenue d'effets tératogènes a été établi dès le début des années 1980 (2). Courant des années 1980 et 1990, la connaissance du risque de malformations congénitales va être élargi à d'autres antiépileptiques, et celle associé au valproate va être de plus en plus é dans la littérature scientifique (3). Malgré l'appréhension de ce risque, la difficulté dans la prise en charge des patientes épileptiques est de trouver un équilibre entre la maladie, qui pourrait augmenter le risque pour le foetus, et le risque induit par le médicament, qui pourrait être plus élevé chez une femme ayant un bon contrôle de la maladie. Ainsi la stratégie thérapeutique chez une patiente épileptique est d'obtenir un contrôle optimal des crises avec un dosage médicamenteux le plus bas possible (4). Étant donné la gravité que peuvent avoir les manifestations de cette maladie chronique, il faut considérer les risques encourus par la mère et ceux encourus par le foetus. Dans un premier temps, nous aborderons les différents stades de la grossesse et les risques associés afin de déterminer en quoi la femme enceinte peut être considérée comme population « sensible ». Nous nous pencherons ensuite sur les caractéristiques de l'épilepsie et celle de son traitement de référence, le valproate de sodium. Afin de décrire les enjeux relatifs au traitement de la femme enceinte épileptique, nous retracerons les conséquences du risque d'exposition in utero au valproate, notamment les effets tératogènes et les troubles neurodéveloppementaux chez l'enfant exposé. Pour terminer, nous décrirons les mesures de minimisation de risques mises en place en Europe et en France. Ma thèse aura pour fil conducteur les différentes étapes de pharmacovigilance qu'un médicament peut connaître après sa commercialisation.
La femme enceinte : une population dite « sensible » 2.1 Grossesse
La grossesse est un état physiologique au cours duquel on peut distinguer deux grandes périodes de développement (6) : - la période embryonnaire, qui correspond aux trois premiers mois de grossesse : durant cette période, l'ébauche de tous les organes est mise en place. - la période foetale, après le premier trimestre : au cours de cette période, l'embryon se développe et les organes acquièrent une maturité fonctionnelle et histologique. En fonction de la période de la grossesse, certains médicaments sont susceptibles de provoquer des effets sur le développement embryo-foetal. On distingue : Les effets tératogènes (malformatifs) : ils se traduisent par la survenue de malformations chez l'embryon lors de son développement. Ces effets sont principalement liés aux expositions en début de grossesse (la période pendant laquelle le risque est maximal correspond au premier trimestre de la grossesse). Les effets foetotoxiques : ils se traduisent par un retentissement foetal ou néonatal à type d'atteinte de la croissance, ou de la maturation histologique ou la fonction des organes en place (la période pendant laquelle le risque est maximal débute au deuxième trimestre de la grossesse). Les effets néonataux : liés le plus souvent à des expositions survenues en fin de grossesse ou pendant l'accouchement. Les effets à distance de la naissance : ces effets délétères sont diagnostiqués chez l'enfant à distance de la naissance (par exemple : troubles cognitifs, troubles du comportement, troubles survenant à la seconde génération). Ce risque concerne toute la grossesse (quel que soit le trimestre). 2.2 Risque lié à la prise de médicament au cours de la grossesse 2.2.1 Les 6 niveaux de conduite à tenir au cours de la grossesse
Six niveaux de conduite à tenir au cours de la grossesse, du plus restrictif au plus ouvert sont proposés (cf. figure 1) (7). Ils résultent de l'appréciation des effets observés chez l'animal et du nombre de grossesses exposées au cours du premier trimestre sans augmentation du risque de malformation par rapport à celui observé dans la population générale : o la contre-indication o ne doit pas être utilisé sauf o l'utilisation déconseillée o à éviter par prudence o l'utilisation envisageable o l'utilisation possible
2.2.2 Principe de l'évaluation et les différents niveau/libellé grossesse obtenus
L'évaluation du risque du médicament lié à sa prise au cours de la grossesse repose sur l'intégration de deux types de données : - les données observées lors des études de toxicité chez l'animal, - les données cliniques d'observation chez les femmes exposées au cours de leur grossesse. Elle consiste à apprécier la pertinence des effets retrouvés chez l'animal et à déterminer, si possible, le taux de malformation observé chez les femmes exposées par rapport au taux connu de malformation de la population générale. La difficulté de cette évaluation réside dans la nécessité de prendre en compte d'autres paramètres comme des données de pharmacologie (pharmacocinétique, passage placentaire) existantes, mais également le bénéfice thérapeutique du médicament, et l'existence d'alternatives thérapeutiques. 18 Données issues des études réalisées chez l'animal
Données issues de femmes enceintes exposées Effet tératogène ou foetotoxique démontré Effet tératogène ou foetotoxique supposé ou suspecté Absence d'effet malformatif Données non concluantes ou effet tératogène Contre indiqué au cours de la Contre-indiqué au cours de la grossesse grossesse Les femmes en âge de procréer Les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception doivent utiliser une contraception efficace. efficace. Ne doit pas être utilisé au cours de Ne doit pas être utilisé au cours de la grossesse, sauf si la situation la grossesse, sauf si la
situation
clinique
rend le traitement clinique rend le traitement indispensable indispensable Les femmes en âge de procréer Les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception doivent utiliser une contraception efficace. efficace. Aucune ou moins de 300 Déconseillé au cours de la grossesse grossesses exposées au premier A éviter par prudence au cours de et chez les femmes en âge de procréer trimestre sans augmentation du la grossesse n'utilisant pas de contraception risque de malformation efficace Entre 300 et 1000 grossesses exposées au premier trimestre Utilisation envisageable au cours de A éviter par prudence au cours de sans augmentation du risque de la grossesse la grossesse exposées au premier trimestre Utilisation possible au cours de la Utilisation possible au cours de la sans augmentation du risque de grossesse grossesse malformation Plus de 1000 grossesses malformation
Figure 1: Six niveaux de conduite à tenir au cours de la grossesse Source : www.ansm-sante.fr
2.3 Les essais cliniques chez la femme enceinte
Pour des raisons éthiques, les programmes d'essai clinique d'un médicament, en cours de développement, inclut rarement les femmes enceintes. Pratiquement aucune information n'est disponible sur l'efficacité et la sécurité des médicaments avant l'autorisation de mise sur le marché (8). Cependant, certains traitements pharmacologiques ne peuvent pas être interrompus pendant la grossesse. Dans la plupart des essais cliniques dans lesquels des femmes en âge de procréer sont incluses, une contraception efficace doit être utilisée. Pour cette raison, les seules données disponibles pour évaluer le risque de reproduction lorsqu'un nouveau médicament est approuvé proviennent d'études non cliniques, et bien que ces études non cliniques puissent être utiles pour prédire le risque humain, l'étendue de la prévision doit être prise avec prudence. En conséquence, de nombreux médicaments sont sujets à des contre-indications ou des mises en garde spéciales car d'une part ils n'ont pas été suffisamment étudiés pendant la grossesse, d'autre part des études chez l'animal ont rév des effets indésirables sur le foetus (tératogène, foetotoxique ou autre). Une fois qu'un produit est commercialisé, l'objectif principal de la pharmacovigilance, vis-àvis de l'exposition des femmes enceintes, est de recueillir des informations sur l'innocuité du médicament, afin qu'une meilleure information puisse être fournie aux professionnels de santé et aux patients. Des informations sur l'exposition aux médicaments pendant la grossesse sont nécessaires pour identifier les agents nocifs pour le foetus en développement. Inversement, les données d'exposition durant la grossesse peuvent également établir que la toxicité foetale d'un produit est limitée. L'utilisation de médicaments pendant la grossesse n'est pas rare. 2.4 Tératogénicité d'un médicament
Les connaissances physiopathologiques et pharmacologiques ont conduit à abandonner la notion fortement ancrée de « barrière » placentaire protectrice au profit de celle de « zone d'échanges » entre la mère et le foetus. L'évaluation du risque, sa gestion et a fortiori l'appréciation du rapport bénéfice/risque, sont toujours peu aisées, en particulier dans le domaine, vaste et complexe à plus d'un titre, de la grossesse. Quelques grandes lignes directrices existent cependant avant d'envisager les informations propres à chaque molécule (10). Dans la population générale, environ 2 % des enfants présentent une malformation congénitale majeure dont moins de 5% sont liées à une cause médicamenteuse : même en dehors de toute prise médicamenteuse le « risque zéro » n'existe donc pas. Une erreur fréquente consiste à arrêter brutalement un traitement chronique ou à « soustraiter » une femme enceinte dans l'idée de faire courir moins de risque au foetus. Cela peut conduire à une décompensation de la pathologie avec des conséquences parfois majeures pour la mère et/ou l'enfant. Un tel risque peut être évité si un traitement efficace, adapté à la grossesse, est poursuivi. Aucune bonne décision ne se prend dans l'affolement. Il faut prendre le temps de bien interroger la patiente et d'aborder tous les aspects du problème : très peu de médicaments justifient d'envisager une interruption de grossesse. La chronologie est un des éléments les plus importants à prendre en compte dans l'appréciation d'un risque éventuel. La période d'exposition doit tenir compte de la durée d'élimination de la molécule : si la cinétique est linéaire, il faut 5 demi-vies pour éliminer 96% de la écule du compartiment plasmatique. Jusqu'au 12ème jour après la conception, les échanges materno-foetaux sont encore peu importants. On s'accorde à penser que le risque d'un retentissement d'un agent exogène sur l'embryon est faible. C'est au cours de la période embryonnaire (dite d'organogenèse) que les risques d'atteinte morphologique (= tératogène) sont les plus importants : du 13ème au 56ème jour après la conception. Pendant cette période, tous les organes se mettent en place selon un calendrier précis. Un médicament (ou tout autre agent exogène) ne peut plus interférer avec la mise en place d'un organe si celle-ci a déjà eu lieu. La période foetale, qui débute après l'organogenèse alors que la morphogenèse est pratiquement terminée, voit la croissance, la maturation et la différentiation des différents organes s'effectuer progressivement jusqu'à l'accouchement. Durant toute cette période et particulièrement en fin de grossesse, les effets des médicaments sur le foetus vont être de plus en plus semblables à ceux que l'on peut observer chez l'adulte (effet thérapeutique et effets secondaires), mais il n'y aura plus d'atteinte morphologique au sens strict. En cas de traitement maternel jusqu'à l'accouchement, à la naissance le nouveau-né est désormais seul pour éliminer le médicament présent dans son organisme, fonction que le foie et les reins maternels assuraient jusque-là. Les capacités métaboliques et excrétrices du nouveau-né sont encore faibles et la demi-vie de la plupart des molécules est bien plus longue chez lui que chez l'adulte. Le profil pharmacologique de la molécule permet, dans certains cas, d'anticiper les effets éventuels sur le nouveau-né et donc de prévoir une surveillance adaptée si nécessaire. Le choix d'un traitement en fin de grossesse doit donc être judicieusement effectué, en collaboration avec les différentes équipes médicales prenant en charge la patiente et en y associant en particulier les pédiatres de maternité. L'épilepsie 3.1 Caractéristiques de la pathologie
L'épilepsie est un trouble chronique qui affecte toutes les populations du monde et les personnes de tout âge. Environ 50 millions de personnes dans le monde souffrent d'épilepsie, ce qui en fait l'une des maladies neurologiques les plus répandues dans le monde. On recense environ 430 000 personnes touchées en France. C'est une maladie qui touche tous les âges, avec une fréquence plus élevée chez les enfants et les sujets âgés. La prévalence est estimée à 33 000 patients chaque année en France, selon l' Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM)(11). Elle est caractérisée par des crises récurrentes, qui sont de brefs épisodes de mouvements involontaires. Les crises épileptiques sont le résultat de décharges électriques excessives dans un groupe de cellules cérébrales. Elles ont des manifestations très diverses qui sont fonction de la localisation de la décharge électrique, mais aussi du caractère très localisé ou diffus de cette décharge. Deux grands types de crise peuvent être distingués, celles pouvant impliquer une partie du corps, on parle de crises focales, ou du corps entier, il s'agit dans ce cas de crises généralisées. (12) Les crises focales ou partielles (13): La décharge n'affecte qu'une partie restreinte du cerveau. Elle peut variablement activer les systèmes neuronaux de la motricité, des organisations cognitives, des émotions, des systèmes végétatifs, et même des comportements. Les symptômes sont alors fonction de la zone cérébrale touchée par la décharge : troubles du langage, troubles moteurs, sensoriels ou sensitifs, troubles de la mémoire (14)(15). Il y a autant de symptômes que de points de départ potentiels dans le cerveau. Ces crise partielles s'accompagnent ou non d'une altération de la conscience (auquel cas le patient n'est pas conscient de ce qu'il est en train de faire ou dire). Certaines de ces crises partielles peuvent évoluer vers une crise généralisée tonico-clonique (« convulsive »). Les crises généralisées (13): Elles se manifestent par des signes moteurs et des troubles de la conscience. Les troubles de conscience peuvent être de durée brève (quelques secondes) et constituer le principal signe de la crise au cours d'une absence, ou plus longs (quelques minutes) et associés à des signes moteurs marqués au cours d'une crise généralisée tonico-clonique. Les crises tonico-cloniques : les plus connues, les plus impressionnantes mais non les plus fréquentes. Elles se manifestent par des troubles de conscience avec chute, mouvements convulsifs (secousses bilatérales, synchrones, intenses, s'espaçant progressivement), morsure éventuelle de la langue. Les absences : Elles se manifestent par une brève rupture de contact (quelques secondes) avec arrêt de l'activité en cours, se traduisant par une immobilité et une fixité du regard. Elles touchent plutôt l'enfant ou l'adolescent qui ne se rend compte de rien et n'en garde aucun souvenir. Différentes parties du cerveau peuvent être le site de ces décharges.
Figure 2 : Les crises épileptiques sont dites « généralisées » ou « focales » Source : https://www.cen-neurologie.fr/deuxieme-cycle%20/epilepsies-lenfant-ladulte 24
3.2 Physiopathologie
À l'échelle du neurone (15), la crise épileptique correspond à la survenue transitoire de signes et/ou de symptômes dus à une activité neuronale cérébrale intense (hyperexcitabilité) et anormalement synchrone dans les réseaux neuronaux impliqués. Les mécanismes de la survenue d'une crise épileptique correspondent à une rupture d'équilibre à plusieurs niveaux (16)(17): Au niveau membranaire : l'activation de canaux ioniques voltage-dépendants ; Au niveau synaptique : déséquilibre entre s s inhibiteurs GABAergiques et systèmes excitateurs glutamatergiques, avec perturbation possible des systèmes neuromodulateurs ; Le taux de GABA (neurotransmetteur inhibiteur) au niveau synaptique est inférieur au taux habituel, tandis que celui du glutamate (excitateur) est anormalement élevé. Au niveau environnemental périneuronal intéressant les contacts interneuronaux, le couple glie-neurone, la barrière hématoencéphalique. Figure 3 : Transmission synaptique lors d'une crise épileptique
Source: Stafstrom CE. The pathophysiology of epileptic seizures: a primer for pediatricians. Pediatr Rev. 1998 Oct;19(10):342-51. 25
Pendant longtemps, l'épilepsie était considérée comme le fruit du déséquilibre entre les deux neurotransmetteurs : GABA et glutamate. Aujourd'hui, cette seule hypothèse ne suffit plus : d'autres voies cellulaires sont incriminées dans la genèse des crises. C'est notamment le cas dans certaines épilepsies d'origine génétique, pour lesquelles la mutation de gènes codant pour des protéines présentes à la surface des neurones et impliquées dans la transmission nerveuse a été identifiée (1). Par ailleurs, l'embrasement électrique (ou kindling) associé aux crises favoriserait la pérennisation de l'épilepsie grâce à l'activation de certains récepteurs à l'acide glutamique (récepteurs NMDA), capables de se réactiver ultérieurement plus facilement. Ce modèle de stimulation répétée a été étudié chez le rongeur au niveau de l'amygdale : une stimulation faible mais quotidienne ne provoquant pas de réaction cérébrale finirait par entrainer l'apparition de véritables crises (18). La prolongation de crises épileptiques pourrait également résulter de mécanismes endogènes protecteurs et de phénomènes réactionnels en cascade modifiant la plasticité neuronale. Dans ce cadre, l'activation des différents récepteurs glutamatergiques et l'accumulation intraneuronale de calcium occupent une place primordiale (16). Ainsi, réduire les épilepsies à un dysfonctionnement d'un neurotransmetteur ou d'un canal ionique est sans doute simpliste : c'est en général un réseau complexe qui est modifié par la maladie. 3.3 Traitements
La prise en charge de l'épilepsie va avoir pour but de supprimer les crises chez le patient. Outre les traitements médicamenteux, il est possible d'avoir recours à la chirurgie. Ce traitement demeure extrêmement limité et s'adresse uniquement aux patients qui ont une épilepsie partielle pharmaco-résistante. Le foyer épileptogène doit être localisé afin de ne créer aucun déficit fonctionnel (troubles du langage ou troubles de la mémoire). Les médicaments antiépileptiques sont des molécules qui réduisent le risque de récidive des crises ou qui permettent de contrôler totalement les crises. Ils n'agissent pas sur la cause de l'épilepsie (13). Chez environ 70 % des personnes souffrant d'épilepsie, les crises peuvent être contrôlées, la plupart du temps avec un seul médicament antiépileptique. 26 Les mécanismes d'action supposés des antiépileptiques sont les suivants (12) : renforcer l'inhibition synaptique (gabaergique) ; diminuer l'excitation synaptique (glutamatergique) ; stabiliser les membranes cellulaires (blocages des canaux à Na+ ou Ca2+ voltagesdépendants). D'après le Vidal (19), la stratégie thérapeutique de prise en charge de l'épilepsie chez l'adulte est la suivante :
Figure 4 : Recommandations pour la prise en charge de l'épilepsie chez l'adulte Source : www.vidal.fr
27 Ces recommandations sont soutenues par le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) et également confirmées dans la revue menée par Nevitt SJ et al. (20) En effet, dans cette dernière, la carbamazépine ou la lamotrigine sont recommandées pour les adultes et les enfants, en première intention pour les patients souffrant de crises partielles récemment diagnostiquées. Le valproate est recommandé pour les patients at s de crises tonicocloniques généralisées nouvellement diagnostiquées. Le valproate 4.1 Indications
L'acide valproïque est un antiépileptique, commercialisé en France depuis 1967. Son rapport bénéfice/risque l'a rapidement positionné comme un traitement majeur de l'épilepsie. Il est utilisé en particulier dans le traitement des crises généralisées, mais également pour les crises partielles. Il a ensuite été proposé, sous forme de valproate de sodium et de valpromide, comme traitement de seconde intention du trouble bipolaire. Il a également été commercialisé dans d'autres pays que la France pour traiter les crises de migraine (21). Dans le traitement de l'épilepsie, la dose doit être adaptée aux besoins de chaque patient afin d'obtenir un contrôle adéquat des crises. Les concentrations plasmatiques de valproate ne sont pas considérées comme un indice d'efficacité et, par conséquent, leur surveillance en routine n'est généralement pas utile (22).
Figure 5 Structure chimique du valproate de sodium Source : www.medicalisotopes.com 29
4.2 Mécanisme d'action
L'acide valproïque appartient à la famille des dérivés d'acides gras. Il a un profil pharmacologique suggérant une activité contre tous les types de crises d'épilepsie. Le mécanisme d'action du Valproate est complexe et n'est pas exactement connu. On pense principalement que l'acide valproïque permet d'améliorer la neurotransmission GABAergique centrale. Il existe également des preuves que l'acide valproïque inhibe la neurotransmission médiée par les acides aminés excitateurs (23). L'efficacité clinique de l'acide valproïque contre les crises d'absence peut s'expliquer par l'inhibition de la libération d'acide γ-hydroxybutyrique (GHB), tandis que son efficacité contre les crises généralisées tonico-cloniques peut résulter d'une duction de la transmission neuronale répétitive soutenue (24). Figure 6 : Mécanismes d'action de différents antiépileptiques, incluant le valproate
Source : Lee SK. Old versus New: Why Do We Need New Antiepileptic Drugs? J Epilepsy Res. 2014 Dec 31;4(2):39-44
4.3 Efficacité
Le valproate fait partie des médicaments de choix pour traiter les différentes formes de crises d'épilepsie : les crises partielles, les crises tonico-cloniques généralisées primaires, les crises d'absence et les crises myocloniques. C'est aussi un médicament de choix dans les syndromes épileptiques tels que le syndrome de Lennox-Gastaut en raison de son large spectre thérapeutique. Il est également utilisé dans les crises tonico-atoniques et les spasmes infantiles (23). Le valproate de sodium peut également être prescrit chez la femme en âge de procréer. La gestion de l'épilepsie pendant la grossesse est particulièrement difficile car toute évaluation des risques et des avantages doit tenir compte non seulement des besoins de la femme atteinte d'épilepsie, mais aussi des effets indésirables potentiels sur l'embryon et le foetus. Plus précisément, les risques pour le nourrisson après exposition de la mère aux médicaments antiépileptiques doivent être contrebalancés par les risques foetaux et maternels découlant des crises incontrôlées. L'épilepsie est une maladie grave et les crises peuvent avoir des effets profonds sur la santé maternelle (25).
Epilepsie et grossesse
L'épilepsie est ainsi une pathologie qui touche une large partie de la population, et donc une proportion importante de femmes épileptiques, désireuses d'avoir un enfant. En effet, il est estimé qu'en France, environ 1 femme sur 200 en âge de procréer est atteinte d'épilepsie (26). Dans une très grande majorité des cas, elles sont traitées par antiépileptiques. 5.1 Fréquence des crises épileptiques durant la grossesse
L'influence de la grossesse sur l'épilepsie reste cependant une des problématiques importantes, liée à cette pathologie. En effet, selon l'Association Américaine de Neurologie ainsi que le groupe d'étude EURAP (Registre international sur les antiépileptiques et la grossesse) (27), les études menées afin d'évaluer la fréquence des crises durant cette période sont associées à certains biais méthodologiques. Dans la majorité des cas, le nombre des crises pendant la grossesse a été comparé au nombre de crises pendant la période pré-gestationnelle chez la même patiente. Cependant il faut considérer deux éléments importants. Durant la grossesse, le nombre des crises était souvent recueilli de manière prospective, alors que pendant la période de référence pré-gestationnelle, ce recueil était effectué de manière rétrospective. Si l'on considère les modalités de l'étude rétrospective, un biais de sélection pourrait demeurer du fait que les médecins savent toujours s'il y a eu exposition et maladie chez les participants quand ils commencent l'étude. Par ailleurs, le suivi des femmes épileptiques étant potentiellement plus encadré pendant la grossesse, il pourrait également exister un biais de rappel, car tous les événements examinés dans ces études sont des événements passés. Divers facteurs ont cependant été identifiés comme pouvant avoir une influence potentielle sur la fréquence des crises durant la grossesse. Selon Harden (28), l'absence de convulsion avant la grossesse est probablement associée à un taux élevé d'absence de crises pendant la grossesse. D'après Battino (25), bien qu'une proportion importante de femmes épileptiques ne présente pas de crises épileptiques leur grossesse, une approche proactive doit être menée pour ajuster la dose des antiépileptiques, en particulier chez les femmes qui présentes des crises 32 épileptiques durant le premier trimestre de grossesse et pour celles exposées à la lamotrigine, pour qui le risque est plus élevé. Les concentrations plasmatiques élevées d'oestrogènes chez la femme enceinte, augmentent la fonction des cytochromes P450. Ces derniers sont responsables du métabolisme de la plupart des antiépileptiques. Ainsi, les concentrations en antiépileptiques seront plus faibles si la posologie n'est pas adaptée (29). Un mauvais contrôle des concentrations plasmatiques pourrait donc être responsable d'une augmentation des crises chez la femme enceinte. 5.2 Effets de la crise épileptique sur le foetus
Une crise épileptique peut être responsable d'une profonde altération de l'équilibre acide-base chez le sujet épileptique. Ainsi, ces changements de l'équilibre acido-basique chez la femme enceinte ont probablement un impact rapide sur l'équilibre acide-base chez le foetus. Teramo (30) décrit des altérations de la fréquence cardiaque foetale, enregistrées au cours du travail lors d'une crise maternelle, suggérant une acidose. Ces changements métaboliques ont certainement une répercussion foetale pouvant se produire lors d'une crise épileptique. Lorsque la toute première crise épileptique survient pendant la grossesse, celle-ci a lieu dans la majorité des cas, en milieu et en fin de grossesse. Au cours des derniers mois, il a été rapporté des détresses respiratoires chez le foetus n'ayant pas provoqués de complications majeures (31). Cependant, au cours du premier trimestre, il a été rapporté que les crises épileptiques ont pu être responsables de complications graves : avortement provoqué par disparition de la fréquence cardiaque foetale, hypoxie. Il est ainsi suggéré qu'il existe un risque de fausses couches légèrement plus élevé chez les patientes épileptiques et semble le plus souvent associé à des crises généralisées (32)(31). Par ailleurs, concernant les crises tonico-cloniques maternelles, il n'a pas été rapporté d'association avec la survenue de malformations chez le foetus (33). 33
5.3 Complications durant la grossesse et l'accouchement
Il a été mis en évidence que les contractions et l'accouchement sont associés à un risque important de survenue de crise. La probabilité de présenter une crise serait multipliée par 9 durant le travail et l'accouchement par rapport au reste de la grossesse (34). Selon l'Académie Américaine de Neurologie (28), les données sont les suivantes : - Un risque significativement augmenté du taux de césariennes est exclu. - Il n'existe pas d'argument suffisant pour affirmer ou réfuter un risque plus élevé de prééclampsie et d'hypertension induite par la grossesse. - Il n'y a pas de risque de menace ni d'accouchement prématuré chez les femmes prenant des antiépileptiques. Cependant il reste possible que ce risque soit élevé en cas de tabagisme associé. - Il n'y a pas de risque élevé de saignement en fin de grossesse - Les données ne sont pas pour l'instant suffisantes pour affirmer ou infirmer un risque d'avortement spontané augmenté en cas de sous antiépileptique.
Conséquences de l'exposition in utero au valproate
Les effets tératogènes du valproate impliquent : une mère épileptique, traitée par valproate et une grossesse, avec un ou plusieurs foetus « exposés », qui peuvent développer des atteintes variables. L'atteinte peut faire l'objet de manifestations in utero, post-natales, précoces ou tardives. Le diagnostic repose sur l'exposition maternelle au Valproate associée à la présence, chez l'enfant ou l'adulte, de critères morphologiques, de malformations ou anomalies somatiques, de pathologies neuro- développementales. La diversité et la sévérité du retentissement sont en partie liées aux doses du traitement maternel, aux autres médicaments éventuels et à des comorbidités (35). Ainsi, l'exposition de l'embryon et du foetus in utero au valproate, peut être responsable de 5 types de troubles du développement observés chez l'enfant, mais aussi chez l'adulte. Il existe un effet dose et une potentialisation si plusieurs anticonvulsivants sont associés. 6.1 Au cours de la grossesse et à la naissance
Le valproate peut être responsable de troubles de la croissance foetale, notamment de retards de croissance intrautérin (RCIU). Le premier cas rapporté de nourrisson, présentant des anomalies congénitales après exposition au valproate durant la grossesse, est apparu en 1980 (36). Depuis ce cas, un nombre important d'études et de cas de RCIU ont été rapportés avec le valproate, en monothérapie ou associé à d'autres traitements (37)(38)(39). Il existe également un risque de syndrome de sevrage chez le nouveau-né (40)(41). Les symptômes associés (irritabilité, hypotonie, convulsions, difficultés d'alimentation) apparaissent dans les 12 à 48 premières heures et semblent être corrélés à la dose (42)(43). 6.2 Un risque malformatif élevé chez les enfants
Le risque malformatif chez les enfants exposés in utero au valproate est d'environ 10%. Si l'on considère toutes malformations congénitales majeures, le risque avec le valproate est 2 à 7 fois supérieur, comparé à un autre antiépileptique (carbamazépine, lamotrigine, phénytoïne et phenobarbital) et 3 à 4 fois supérieur au risque de la population générale. Le risque est également majoré par l'association à d'autres antiépileptiques, voire à d'autres traitements. Un lien dose/effet a clairement été démontré (44). Aucune dose sans effet n'a été déterminée et le risque malformatif existe pour de faibles doses. Ainsi d'après le Centre de référence Anomalies du Développement et Syndromes Malformatifs de l'Ouest (35), le taux de malformations pour des doses journalières inférieures à 700 mg est estimé à 5,6 %. Ce taux passe à 10,4 % pour des doses comprises entre 700 et 1500 mg/j et à 24,2 % pour des doses supérieures à 1500 mg/j. Les principales malformations associées à l'exposition au Valproate in utero sont : - les anomalies du tube neural (spina bifida) (45)(46), Les anomalies de fermeture du tube neural ont une incidence de 2-3% chez les enfants exposés in utero au Valproate versus 0,1 % dans la population générale (44). La période à risque de fermeture du tube neural se situe entre la 4ème et la 6ème semaines d'aménorrhée (47). - les cardiopathies (48)(49) Concernant les malformations cardiaques, la période à risque se situe entre la 4ème et la 9ème semaine d'aménorrhée. Le risque de cardiopathie est 2 à 3 fois supérieur par rapport à la population générale. Ces malformations peuvent concerner communications interventriculaires ou interauriculaires, des sténoses aortiques ou pulmonaires ou encore des persistances au niveau du canal artériel (35). - les fentes palatines (50)(51), Ce sont des embryopathies de type fissuraire. Elles atteignent la lèvre supérieure, le seuil nasal, l'arcade alvéolaire, le palais osseux et le voile musculaire du palais. Des malformations plus rares telles que les craniosténoses (soudure prématurée des sutures) dont la période à risque se situe a priori durant toute la grossesse, les omphalocèles et atteintes oculaires. Les malformations les plus sévères peuvent être dépistées in utero.
6.3 La dysmorphie
La dysmorphie faciale est presque toujours présente, mais peut avoir des manifestations très diverses. Elle peut toucher les sourcils, les narines, les oreilles, etc. Elle est parfois facile à reconnaître ou plus délicate à décrire (35). La dysmorphie est généralement dépistée durant l'enfance, chez les enfants de 1 à 5 ans. Sa persistance à l'âge adulte n'est pas systématique, elle peut s'atténuer à partir de l'adolescence. Cependant dans certains cas, la dysmorphie peut avoir une évolution plus sévère avec une aggravation des signes cliniques. On peut également noter qu'il existe une variabilité des manifestations morphologiques au sein d'une même famille, pour des foetus exposés aux mêmes doses.
6.4 Les troubles neurodéveloppementaux
Le risque de troubles neurodéveloppementaux semble dose-dépendant mais les données disponibles ne permettent pas de déterminer une dose excluant ce risque. La période à risque pourrait concerner toute la grossesse (52). Ces troubles sont observés dans 30 à 40 % des cas et peuvent se manifester dès la petite enfance. Il s'agit de troubles du langage, de troubles moteurs, de troubles spécifiques des apprentissages et de troubles du comportement et des interactions sociales. Il existe également un risque de troubles sévères du développement comportant des troubles du spectre autistique et d'autres troubles du comportement atypiques. - D'après plusieurs études, l'exposition in utero au valproate peut être responsable d'une déficience intellectuelle chez ces enfants. En effet, d'après Meador, il existe une augmentation 37 significative de retard mental chez les enfants exposés au valproate (53). Une étude chez des enfants de moins de 6 ans a également montré que le quotient intellectuel, chez ces enfants, est en moyenne de 7 à 10 points inférieur à celui des enfants exposés à d'autres antiépileptiques (54). La FDA (Food and Drug Administration) rappelle également que plusieurs études épidémiologiques confirment que les résultats de tests cognitifs chez les enfants exposés in utero au valproate sont plus faibles que chez les enfants non exposés (55). Bien que le rôle des facteurs confondants ne puisse être exclu, il est prouvé que cette diminution de QI (quotient intellectuel) observée chez les enfants exposés in utero est indépendante du QI maternel. Le QI est le principal critère utilisé afin d'étudier la possibilité de déficience intellectuelle. Cependant d'autres critères ont également été étudiés comme l'impact sur les fonctions exécutives, mnésiques et l'augmentation de la fréquence de recours au soutien scolaire et à la rééducation orthophonique (44). - Les troubles envahissants du développement : Autisme, syndrome d'Asperger
L'autisme regroupe différents troubles, notamment des troubles des interactions sociales, des troubles de la communication verbale ainsi que des gestes répétitifs et comportements stéréotypés. Le diagnostic de syndrome d'Asperger se distingue du diagnostic d'autisme du fait que le développement du langage n'est pas affecté et que la personne ne présente pas de retard mental (56). Ainsi, il existe une augmentation de la prévalence des troubles autistiques chez les enfants exposés in utero au valproate, comparés à ceux exposés à d'autres antiépileptiques ou non exposés (57). Les données sur l'évolution de ces troubles à long terme sont limitées. Les données disponibles montrent que les enfants exposés in utero au valproate ont un risque accru de présenter des troubles envahissants du développement. Le risque de développer de tels troubles est de l'ordre de 3 pour les syndromes appartenant au spectre de l'autisme et de l'ordre de 5 pour les autismes infantiles, par rapport à celui des populations témoins (52).
38 - Un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité
Des données limitées à ce jour suggèrent que les enfants exposés in utero au valproate sont plus susceptibles de développer des symptômes de trouble du déficit de l'attention/hyperactivité (58).
6.5 Des maladies ou symptômes organiques évolutifs
D'autres pathologies peuvent être associées aux signes et symptômes caractéristiques de l'embryofoetopathie au valproate telles que : - Des hernies inguinales et ombilicales, trachéomalacie (59)(40)(60); - Des troubles musculo-squelettiques (40)(59)(61); - Des infections ORL fréquentes dans la petite enfance (par exemple otites séromuqueuses et rhinosinusites à répétition) (35). Stratégie thérapeutique
Le valproate est recommandé comme traitement de première intention dans les différentes formes cliniques d'épilepsie, selon les recommandations du National Clinical Guideline Centre (NICE) au Royaume-Uni (62). Dans tous les cas, il faut « prendre conscience du risque tératogène du valproate » et « discuter avec les femmes et les filles en âge de procréer (y compris les jeunes filles susceptibles d'avoir besoin d'un traitement) et leurs parents et/ou soignants ». Le risque de malformations et d'éventuelles altérations neurodéveloppementales chez l'enfant à naître doit également être discuté. En ce qui concerne les alternatives de traitement, si le patient a déjà été traité avec un autre médicament, il est probable qu'il ait été interrompu par manque d'efficacité ou de tolérance. Il ne constitue donc pas une réelle alternative dans ces cas. Si le patient est en polythérapie, l'élimination du valproate de l'association réduit l'efficacité qui doit être compensée (ces patients ont probablement échoué en monothérapie dans le passé et présentent déjà le risque le plus élevé pendant la grossesse). Il est possible d'augmenter les doses des autres molécules ou de remplacer le valproate par un autre médicament, avec les mêmes limitations que celles mentionnées ci-dessus. Dans l'ensemble, le remplacement du valproate pendant la grossesse par un autre traitement est souvent une question complexe et, dans certains cas, s'avère impossible sans compromettre le rapport bénéfice/risque individuel. Le principal critère de choix semble être l'état clinique. 7.1 Recommandations
D'après le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT)(63) et l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) (52), les recommandations sont les suivantes : Chez la femme en âge de procréer Il est préférable de prescrire un autre antiépileptique que l'acide valproïque. Chez la femme jeune, il faut s'assurer qu'il n'y a pas de grossesse en cours et qu'une méthode de contraception efficace est utilisée. 40 En prévision d'une grossesse Il est souhaitable de prévoir une consultation préconceptionnelle. L'objectif essentiel qui doit guider la prise en charge d'une femme enceinte épileptique est le maintien d'un traitement antiépileptique efficace tout au long de la grossesse. Il faut envisager l'arrêt de l'acide valproïque avant la conception et son relais par un autre antiépileptique. Si, après avis du spécialiste, l'acide valproïque est la seule option thérapeutique car son interruption risque de compromettre gravement l'équilibre maternel et qu'il n'existe aucune alternative acceptable, la poursuite du traitement n'est envisageable que sous réserve du maintien de posologies les plus faibles possibles.
Pour le traitement d'une femme enceinte
Compte tenu des risques de l'acide valproïque en cours de grossesse, un autre anticonvulsivant chez la femme enceinte est à instaurer quel que soit l'âge de la grossesse. En dernier recours, l'utilisation de l'acide valproïque ne sera envisagée qu'à la plus faible posologie possible. De plus, la monothérapie, l'usage de formes à libération prolongée, ou à défaut une répartition de la dose journalière minimale efficace en plusieurs prises pourra être privilégiée. Si la découverte de la grossesse a lieu pendant le traitement Il ne faut pas arrêter le traitement sans un avis spécialisé. Compte tenu des risques de l'acide valproïque en cours de grossesse, un changement de traitement chez la femme enceinte est à prévoir quel que soit l'âge de la grossesse. En dernier recours, l'utilisation de l'acide valproïque ne sera envisagée qu'à la plus faible posologie possible. En cas d'exposition à l'acide valproïque au 1er trimestre de la grossesse, la surveillance prénatale sera orientée sur le tube neural, le coeur, la face, le crâne, les reins, les organes génitaux externes et le squelette. En cas d'exposition après le 1er trimestre, la surveillance prénatale sera orientée sur le crâne. Si l'acide valproïque est poursuivi jusqu'à l'accouchement Un bilan d'hémostase sera nécessaire chez la mère avant l'accouchement (plaquettes, fibrinogène, TCA, temps de saignement). L'équipe de la maternité devra également être informée du traitement maternel pour lui 41 permettre d'adapter l'accueil du nouveau-né (fibrinogène, plaquettes et glycémie). De plus, une surveillance prénatale spécialisée sera instaurée en vue de détecter d'éventuelles anomalies touchant le tube neural ou d'autres anomalies. 7.2 Alternatives thérapeutiques au valproate chez la femme enceinte
o Lamotrigine L'anticonvulsivant qui soulève le moins d'inquiétude chez la femme enceinte à ce jour est la lamotrigine. Les données sont très nombreuses et rassurantes concernant l'aspect malformatif et le développement psychomoteur (64). o Lévétiracétam Les données sont également rassurantes pour les aspects malformatifs et psychomoteurs. L'utilisation du lévétiracétam est possible quel que soit le terme de la grossesse. (65) o Phénytoïne Les données récentes très nombreuses écartent le risque malformatif évoqué par les études anciennes et les données sur le développement psychomoteur sont rassurantes. L'utilisation de la phénytoïne est possible quel que soit le terme de la grossesse. (66) Dans l'espèce humaine, un syndrome particulier, dont ni la réalité ni la fréquence ne sont clairement établies à l'heure actuelle, a été évoqué pour la prise d'hydantoïnes au premier trimestre : anomalies craniofaciales, hypoplasie des phalanges distales, retard de croissance intra-utérin, retard psychomoteur. En tout état de cause, le risque tératogène lors d'une exposition au premier trimestre, s'il existe, apparaît faible. o Oxcarbazepine Les données sont très nombreuses et rassurantes pour l'aspect malformatif, mais il n'y a pas encore de données sur le développement psychomoteur. (67) L'oxcarbazepine est tératogène chez le rat à la plus haute dose testée.
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Open Science
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Phénomènes transpositifs à l’interface entre mathématiques et physique : le cas des structures mathématiques en mécanique quantique. Physique mathématique [math-ph]. Université de Montpellier, 2023. Français. ⟨NNT : 2023UMONS015⟩. ⟨tel-04231435⟩
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Γ1φ2 – Mais A† c’est A complexe transposée non, ou je sais plus, O un truc comme ça, c’est ça que tu veux dire? Le † tu peux l’écrire ∗t en fait. [transposée conjuguée] [...] Γ1 – Euh du coup, de la vidéo et du cours que Pφ a fait la dernière fois. Ok. Et peutêtre reprendre les questions machin. MM [...] Γ3 – Et du coup la question [...] c’est, vu que les ordinateurs classiques ils utilisent des propriétés quantiques [...]en quoi les ordinateurs quantiques sont plus quantiques que les ordinateurs classiques? Γ1 – Attends t’as dit que les ordinateurs classiques ils utilisaient les propriétés quantique aussi? Γ3 – Ouais. Γ1 – C’est-à-dire? QR 30 Γ1 – Oui c’est bien. Γ3 – Bah par exemple l’intérieur des transistors il y a des propriétés quantiques qui se font, on peu pas... Γ2 – Tout ce qui est à base de miniaturisation il faut du quantique. Γ3 – Alors c’est beaucoup moins on va dire 35 40 45 50 55 60 65 215 présent que dans un ordinateur quantique, qui utilise carrément ça pour fonctionner, mais d’un autre côté si on modifie un peu les propriétés quantiques - il faut que je me renseigne plus justement. Γ1 – Ah moi je sais pas en quoi on utilise le quantique dans les ordis comme ça. Γ2 – Bah c’est au niveau des transistors je crois qu’il y a des propriétés quantiques. Γ1 – Ah, mais après est-ce que c’est des propriétés voulus, genre c’est des choses qui se passent mais on les utilise pas, ou est-ce que c’est vraiment des choses qui se passent et on les utilise? QR Parce que parfois on contrôle pas qu’il y a un truc quantique qui se passe. Γ2 – Bah justement il faudrait regarder ça je ne sais pas trop. [...] Γ2 – Dans les transistors actuels il y a déjà des effets quantiques. Γ1 – Ouais mais du coup est-ce, la question ce serait est-ce qu’on utilise les effets quantiques qui se passent dans les transistors, dans ce cas-là si on utilise, ah c’est vrai que du coup, c’est un peu difficile de comprendre. Γ3 – À mon avis bien sûr qu’on les utilise, on n’envoie pas des impulsions, euh aléatoires tu vois. Γ1 – Après moi je sais pas, les ordis ça été fait, fin... est-ce qu’à ce moment-là on savait utiliser les propriéets quantiques, tout ça? On savait les exploiter de cette manière-là? Γ3 – Oui. Elle a été fait juste avant la mécanique quantique tu vois, donc direct après ils 6 Déroulé et transcriptions des échanges en classe 70 75 80 85 90 95 l’ont fait. Le premier microscope électronique il a été fait juste après. Γ2 – [...] les ordis à transistor ça commence dans les années 50, donc on arrivait bien à géré déjà. Parce que avant, d’ailleurs je sais pas mais bon, MM+T c’est un peu entre guillemets hors-sujet, mais avant les ordinateurs à transistors il y avait des ordinateurs plus vieux qui fonctionnaient sur des systèmes avec des sortes de tubes là, à électrons et tout enfin c’était hyper chiant. Γ1 – D’accord, parce que le transistor ça fait quoi, ça change la tension, quelque chose? Parce que moi j’avais vu que la plupart des ordinateurs leurs bits ils les faisaient en fonction de la tension en fait. Genre ils mettaient un seuil, et si c’était au-dessus de la tension seuil c’était 1, et si c
’était en-dessous c’était zéro. Γ2 – [sort un document] Parce que tu sais le transistor-là c’est un bail comme ça. T’as en gros l’entrée ici, alors je me souviens plus des nom, t’as porte [...] fin bref on s’en fout. MM+SM Mais t’as un circuit qui rentre et il ressort s’il se passe rien, mais si tu mets un courant à côté, ça bloque, c’est un peu comme un interrupteur électronique en fait... Γ1 – Ouais. 115 120 125 130 135 140 Γ2 – Ça bloque le courant, et ça je crois... 100 105 110 Γ1 – Ouais ça fait qu’il y a une tension ou qu’il n’y en ait pas, à la fin, et moi j’avais vu que le fait qu’il y en ait une ou pas c’était ça qui faisait le bit tu vois, qui faisait qu’il était dans l’état zéro ou un. Mais du coup je ne sais pas à quel moment on utilise du quantique là-dedans. T J’ai l’impression que ça se passe forcément du quantique, parce qu’il y en a de partout, tout le temps, mais je ne sais pas si vraiment on l’exploite là. Γ2 – Bah là en fait, bah le truc c’est qu’on utilise des semi-conducteurs pour faire ça, et les semi-conducteurs ont des effets quantiques, dans le sens ils utilsent des trucs vraiment genre avec les gaps, entre les couches de valence et les couches de conduction, tout ça. Γ1 – Dans ce cas la différence ce serait que c’est pas le phénomène quantique qui créé le 145 150 qubit [comprendre le bit], c’est pas ça qui est lié au qubit... Γ2 – Nan il est vraiment utilisé en fait... Γ1 – Il est pas utilisé mais pas au niveau du truc d’information, je sais pas. [...] Γ3 – Ce qui fait la diff entre un ordi quantique et un ordi normal, c’est que en fait, l’ordi quantique il utilise ces bits et ces quantum bits pour calculer, il utilise les propriétés quantiques pour faire les calculs, alors que l’ordi classique pas du tout. Tout ce qu’il se passe dans l’ordi, il y a du quantique, parce que c’est tout petit, c’est miniaturisé [...] il y a aussi des matériaux avec des semiconducteurs qui fonctionnent quantiquement, sauf que c’est pas l’essence même du calcul, je pense, c’est l’essence de comment ça fonctionne mais c’est pas l’essence du calcul. QR L’idée de l’ordi quantique quand même c’est d’utiliser le fait qu’il y ait la superposition quantique pour pouvoir genre faire plein de calculs en même temps, à mon avis c’est ça. D’ailleurs en quoi l’ordi quantique est quantique je pense qu’on peut répondre comme ça. Γ2 – Surtout aussi moi je vois plus une histoire de niveaux dans le sens où il y a des effets quantiques autant limite dans les deux ordis, classique et quantique, juste que dans les classiques ils servent à créer des trucs, qui eux serviront au calcul. Γ1 – Peut-être ouais. Γ2 – Alors que dans les ordis quantiques c
’est directement les effets quantiques qui calculent eux-mêmes. Γ1 – Peut-être ouais. Ouais ouais.
Γ
2 – Alors que là il y a un intermédiaire, en gros les ordis quantiques [lire classiques] servent à faire des trucs classiques...
Γ
3 – Des composants.
Γ2 –
Ouais ou
faire
fonctionner des composants classiques qui eux calculent. Alors qu’en fait on skipe cet étape dans un ordi quantique je pense Γ3 –Ouais on va plus à la
170 175 180
Γ1 – [récapitulant] Qu’est-ce qu’un qubit... Mais du coup c’est tellement, je trouve que c’est... C’est pour ça que personne ne m’a donné de réponse concrête à qu’est-ce c’est qu’un qubit, parce que tu peux pas donner de réponse concrète! SM C’est pas un truc pas concrèt en fait! Aah! Γ2 – [plaisantant] Mais concrètement qu’estce que c’est, eh bien... Γ1 – [plaisantant] Et bah c’est l’état d’une truc de... Γ2 – [plaisantant] Euh tu vois l’espace de Hilbert? Γ3 – C’est pour ça que Piq il était en mode, « Le modèle du qubit... » Γ1 – Mais moi j’étais en mode, mais le qubit, pas le modèle! Nan en fait c’est un modèle. Bref. Γ3 – Ouais parce qu’en fait tu peux en faire avec tout ce que tu veux. C’est comme un bit classique hein en vrai tu peux le faire avec, t’envoies de la lumière t’envoies pas de la lumière, je pense qu’il y a plein de manière de faire un bit en fait. Γ1 – Ouais carrément.
6.6.
2.3
5 10 15 200
Γ3 – Donc là c’est pareil sauf que le truc du qubit il faut en plus qu’il y ait une superposition d’états possibles en fait, et juste deux états, dans l’idéal juste deux états. [...] Γ1 – Mais du coup là, la question qu’il y a au tableau, comment éviter que l’état du qubit dépasse ∣1⟩, j’ai l’impression que ça n’a pas de sens. Γ3 – Si, parce qu’en fait dans le modèle du qubit ça peut pas dépasser ∣1⟩, mais sauf que dans la réalité, aha... Γ1 – Ouais par exemple si c’est un niveau d’excitation par
exemple. Γ3 – Voilà. 205
Γ1 – Oui mais imagine c’est le
spin
le truc
. SM Genre si c’est un spin haut spin bas, ça peut pas être plus que spin haut, tu vois. Dans ce cas je ne vois pas le sens. Γ3 – Oui je suis d’accord. 210 Γ1 – Mais si c’est un niveau d’énergie par contre ouais. Γ3 – Si c’est un niveau d’énergie... Imagine c’est un oscillateur anharmonique, t’as le niveau initial, premier niveau, et après du coup ça se ressert... comme ça. 190
Questionnement étudiant
Γ
φ2
Γ2φ2 – Moi j’ai : quels algorithmes peuvent utiliser l’aspect quantique des qubits? Après c’est par rapport à ce que j’ai regardé aussi de mon côté. QR+T [...] Γ1φ2 – Quels sont les intérêts des portes? [...] Quels sont les portes utilisées en quantique? Sur l’erreur des ordinateurs quantiques on peut dire, comme améliorer l’erreur, c’est dû à quoi? [...] Γ1φ2 – On pourrait proposer, quelles sont les erreurs en fonction des opérateurs? [...] Γ1 – Peut-être se poser des questions sur les espaces de Hilbert
tout ça nan? Ils l’ont
20
expliqué dans le cours-là.
T
Nan mais j’essaie de trouver des trucs là! Est-ce que l’ordinateur quantique ça sert à la téléportation? [...] Γ1 – J’essaie de trouver des questions. Γ2 – Ouais ouais je sais.
Γ1 – Quelles sont les erreurs de mesure du qubit? Car il doit y avoir des erreurs aussi, pour la mesure. Est-ce qu’il est possible de mal mesurer un qubit? Γ2 – Je pense que l’erreur c’est avant, de le mesurer, s’il y a une perturbation. Γ1 – Oui oui. Ensuite, qu’est-ce qu’on pourrait dire... [...] Comment l’ordinateur utiliset-il les qubits? Γ2 – Après c’est comme les ordinateurs 6 Déroulé et transcriptions des échanges en classe 35 classiques je pense, ça stocke les données et puis... Γ1 – Comment il les créé aussi nan? [...] L’ordinateur quantique en soi utilise-t-il la quantique ou les phénomènes quantiques? [...] Mais en gros, utilise-t-il la mécanique 6.6.3 5 10 15 20 25 30 35 40 quantique pour résoudre des trucs ou bien les phénomènes quantiques, c’est différent. Tu vois ce que je veux dire? [...] En gros estce qu’ils utilisent la quantique, ou est-ce que eux-mêmes sont quantiques? Discussion générale N – Il y a des trucs qu’on va continuer d’ouvrir et il y a des trucs qu’on va un peu fermer. Là par exemple le modèle que je vais vous distribuer, vous allez voir qu’on va aller dans un niveau de précision un peu supplémentaire, et du coup... Je vais prendre une analogie, quand vous apprenez des langues, le vocabulaire c’est un peu arborescent. Si un moment vous êtes en anglais et vous – d’ailleurs c’est en anglais ce que je vous distribue – et vous devez aller je ne sais pas dans une ferme ou faire de la voile SM+BCN ou je ne sais pas quoi, eh bien vous allez apprendre tout un tas de mots sur le sujet que vous allez faire, mais vous vous rendez bien compte que cette profondeur de vocabulaire que vous allez gagner, si voulez l’avoir sur toute la langue anglaise ça prendrait du temps. Bon après on peut le faire, ça prend des années, etc. Et donc là nous on va être un peu dans cette situation, on va zoomer sur un point, et on va peut-être comprendre que si on veut atteindre ce même... Dans ce niveau de précision, peut-être qu’on ne va pas pouvoir répondre à toutes les questions. Je prends un exemple concret, là par exemple vous avez parlé des différentes architectures possibles avec l’efficacité des algorithmes, là je pense qu’on va gagner de la compréhension à aller... On va zoomer vraiment, en prenant un modèle qui pour l’instant est encore un peu fictif, parce que c’est encore un peu simplifié, mais on va voir que ça déjà nous donner un peu de fil à retordre. Mais si on voulait aller ensuite décrire avec ce niveau de détails toutes les architectures ce serait un petit peu délicat. T Donc après ça va être à vous de décider, est-ce que du coup vous voulez quand même faire un truc un peu superficiel, ou est-ce que vous vous emparez là de ce niveau de détails. Γ1φ2 – Bah on en fait en cours, on fait de la mécanique quantique... N – Oui, mais c’est ça! Γ1φ2 – Donc forcément c’est, pour nous en fait c’est, peut-être on ne s’est pas posé la question mais – du moins pour ceux d’entre nous qui ont fait de la physique – on nous a toujours dit que c’était quantifié, T qu’il y avait des états... N – Oui, mais est-ce que vous vous souvenez de comment ça émerge, ces états? Γ1φ2 – Parce que c’est les seuls possiblités de niveaux d’énergie que doit avoir... le photon on va dire. N – Ok... Γ1φ2 – Il ne peut pas avoir d’autres niveaux d’énergie, enfin dans chaque cas il peut avoir, soit on a un spectre continu, soit on a un spectre discret, il peut pas avoir n’importe quelles énergies en fait. N – Et vous vous souvenez pourquoi, ou par quelles phénomènes, ou... Γ3μ1 – [à part lui] Vaguement mais... 40 45 Γ1μ1 – [à Γ3μ1 ] C’est pas avec la constante de Planck fois la fréquence fois... Γ3μ1 – Ouais si. [...] N – Juste pour motiver deux secondes, Pφ la dernière fois il nous avait parlé d’un système de spins, avec un spin up spin down, mais en fait ça va être par exemple un atome ou des ions, dans des cavités, et les atomes, le modèle 0, un puits infini ça peut convenir comme modèle 0, SM et parfois c’est un photon dans certains états. Tous les ordinateurs quantiques ne peuvent pas se ramener à ça, mais certaines architectures peuvent se ramener, encore une fois de façon la plus simplifiée, à un puits infini
, donc on va regarder ça. Figure 6.6 – Γ3φ1 expliquant la situation du puits infini 5
10 Γ3φ1 – [...] le problème il se présente comme ça, on a un potentiel infini là [...] du coup l’idée c’est qu’on a une particule qui est là-dedans là, hop, et on a une onde, parce que les particules en mécanique quantique sont décrites par des ondes, qui sont des kets, SM+BCN comme ça [∣ψ⟩ au tableau]. Du coup il y a le ket qui est dedans là, on a une onde là-dedans, et on veut savoir à quoi elle ressemble. L’idée c’est qu’en fait la particule, ici là, au bord-là, en x = 0 et x = l, la fonction d’onde doit valoir zéro, et du coup en fait ça impose à la particule d’avoir des modes propres. Et en gros bah il y a les modes propres comme ça [Dessine les modes au tableau], et après il y a le mode n = 2. Γ3μ1 – [À part soi] C’est quoi des modes? QR Γ3φ1 – Voilà, et après voilà jusqu’à l’infini, mais du coup en fait ça fait que c’est des modes discrets. Donc après mathématiquement ça donne des trucs du style [∣ψ⟩ = eiωt+kx écrit au tableau]. PN On a ça [∣ψ⟩] qui vaut l’amplitude et l’exponentielle – le iωt on le vire [...] parce qu’on est dans le cas stationnaire donc du coup... Et le sinus il vient... 35 N – Est-ce que tout au départ déjà, qu’est-ce qu’on a comme infos sur, là, cette particule et caetera. Là ce que tu viens d’écrire déjà, on l’obtient d’où? Γ3φ1 – Ouais ouais ouais. N – Si je puis me permettre ce n’est pas du tout sans rapport avec ce dont Pφ nous a parlé, T donc vous pouvez faire œuvre collective. [...] Laissez pas Γ3φ1 seul dans cette situation hein, il faut l’aider. [...] N – On peut aussi faire autrement. Quelles questions là, notamment vous qui n’avez jamais vu ça, quelles questions, je suppose qu’il y a des questions que ça vous pose, quels éclaircissements vous aimeriez avoir en premier là peut-être sur ce truc? PN Γ3μ1 – Qu’est-ce qu’on entend par onde sur le schéma? On parle du graphe dessiné par la particule? Γ3φ1 – Ouais c’est la particule en fait. Vu que la particule a une fonction d’onde, on considère que c’est une onde. O Mais globalement, en fait, ça marche entre guillemets un petit peu comme en électromagnétisme, où en électromagnétisme on a des... mais là c’est plus concret parce qu’on fait vraiment ça... [rires dans la salle] – enfin voilà, on a des guides d’onde, genre des plaques de métal en fait, littéralement. [...] Les conditions de continuité en électromagnétisme font que ici là et ici là [aux bords] le champ il vaille zéro, donc comme là en fait. SM Là la fonction d’onde elle peut pas, le potentiel, comment dire, elle peut pas valoir quelque chose là parce que ça veut dire qu’elle a un potentiel infini. Γ3μ1 – [À part soi] Ça d’accord. Γ3φ1 – Et du coup l’idée c’est qu’en fait [...] l’onde elle va avoir des modes propres comme ici [...] Un peu comme une corde de Melde, je ne sais pas si vous voyez ce que c’est. Γ3μ1 – C’est quoi un mode? QR
Γ3φ1 – Un mode? Euh, wouah... Nan mais en vrai c’est bien parce que genre c’est des trucs... T Γ3μ1 – Je connais pas du tout en fait. 40 45 Γ3φ1 – Pour moi ça va, mais en fait je saurais pas le réexpliquer, vu que c’est un mode où je fais ok c’est un mode. Je dirais... Un mode c’est quoi? Un mode d’oscillation je dirais. [...] ], avec ce truc là [...] bon après devant on met l’amplitude Γ3φ1 – L’idée c’est qu’avec ça là [sin nπx L [...] en fait l’idée d’écrire ça c’est que du coup, O on veut, on prend x = 0 et en x = L, et avec ça en fait on va avoir... [...] Γ1φ2 – Commence par celle stationnaire. T [...] 220
Figure 6.7 – Γ3φ1 expliquant la situation du puits infini (2) 50 55 60 65 70 75
Γ2μ2 – Cette formule c’est un postulat ou c’
est quelque chose qui est
...
Γ3φ1 – C’est un truc qui vient de Schrödinger pas stationnaire, si je me trompe pas c’est un truc comme ça...
N – Et
ça c’est quoi son
statut? QR+BCN
Γ3φ1 – Ça c’est l’équation de Schrödinger de manière générale, dans les postulats de la mécanique quantique la fonction d’onde obéit, enfin est décrite dans le temps pas ça. [...] Γ2μ2 – Mais du coup ça si j’ai bien compris ça définit notre fonction d’onde. On la caractérise par cette équation? Γ3φ1 – Ouais, bah en fait les fonctions d’onde qui sont autorisées, c’est celles-là. On restreint le champ des fonctions d’onde par... [...] Γ3φ1 – Et en fait ça [H∣ψ⟩ = E∣ψ⟩] c’est un problème à valeurs propres. O+SM
Don
c
là
[montrant] on va avoir une matrice avec son vecteur propre et, maintenant, PC valeur propre fois vecteur propre, et l’idée c’est de trouver les énergies qui conviennent au vecteur propre ψ, et quand on fait tout ça, on trouve qu’en fait on a une quantification, il y a certains niveaux d’énergie autorisés qui sont, qui vont jusqu’à l’infini, mais en gros ils sont dans N quoi. N – Est-ce que tu peux esquisser la méthode pour le puits infini pour nous donner un exemple?
[...] Γ2μ2 – Mais du coup ce qu’on disait avant, le fait que ce soit quantifié ça vient de ce problème de valeur propre? O Enfin, on peut le démontrer à partir de ce problème de valeurs propres? Γ3φ1 – Euh, bah oui. Globalement en fait tu retrouves des vecteurs propres qui sont avec un n quoi, et du coup des valeurs propres qui sont en n. En général les énergies elles s’écrivent – bon ça c’est pour l’oscillateur harmonique mais bon. Γ3φ1 – Euh, pourquoi c’est des vecteurs propres
?
80 85 Γ1φ2 – Parce que H en gros c’est un opérateur, et du coup t’as un problème en gros au valeurs propres, les seules solutions de cette équation-là ça va être des, tu vas trouver des valeurs propres qui vont être associées chacune à leur sous-espace de vecteurs propres en gros. PC Donc en gros tu vas avoir une solution qui va être en gros pour une espace de vecteurs propres qui correspond en fait à un mode, au final qui correspond du coup à ton [oscillation mimée] pour un n. Γ3φ1 – Parce qu’en gros H c’est une matrice et ψ c’est un vecteur, donc t’as juste... [montrant l’équation ESIT] E c’est une constante
.
O+SM
Γ1φ2 – En gros c’est comme si
t
’avais Ax
=
λx quoi. Γ3μ1 – Ouais ouais ok. Ah! Ah, E c’est quoi? MM Γ1φ2 – C’est une constante Ax = λx quoi. Γ3φ1 – C’est l’énergie, ça c’est complexe, je crois. Γ3μ1 – Ah j’ai compris c’est bon c’est bon, et donc H c’est une matrice là. Γ3φ1 – H ça appartient à H. 90 Γ1φ2 – H c’est un endomorphisme quoi. Γ3μ1 – Ouais c’est bon j’ai compris. Γ1φ2 – [à Γ3φ1 ] Non c’est un truc qui va de... les Hermitiens dans les complexes, une fontion qui va... Γ2φ2 – Et E il est réel? 95 Γ1φ2 – Ouais il est réel. Γ3φ1 – Il est réel E?
Γ1φ2 – E
il est réel ouais, c’est une énergie. 100 Γ3φ1 – Voilà. N – Alors est-ce que très concrètement on peut résoudre ça pour le potentiel qui est décrit par le puits infini? QR [...]
fé Figure 6.8 – Γ3φ1 expliquant la situation du puits infini (3) N – Qui dans la pièce sait résoudre ça ou considére qu’il ou elle sait résoudre ça? [...] Γ3μ2 – C’est une équation différentielle linéaire du second ordre à coefficients constants donc c’est... SM
Γ1μ1 – Ah ok oui. [puis à Γ3μ1 ] Premier semestre quoi. Γ3μ1 – Oui vu comme ça, mais c’est super chiant le fait [...]que j’arrive pas à comprendre ce que ça veut dire. Γ1μ1 – Ouais c’est parce qu’on n’a pas les mêmes notations. O Γ3μ1 – C’est ça. Γ1μ1 – C’est ça en fait. [...] [Donc on a :]
∣φ⟩
= A1 2i sin ( √ √ 2mE ̵ L) = 0 h 2mE kπ = (k ∈ N) ̵ h L kπ ∣φk ⟩ = Ak 2i sin ( x) L (6.1) (6.2) (6.3)
N – Moi j’ai quand même une question pour vous, du coup ça si je reprends votre nomenclature 105 de tout à l’heure là, quand vous aviez écrit le truc comme H∣ψ⟩ = E∣ψ⟩ vous aviez dit que c’est un problème de valeurs propres c’est ça? Du coup 6.3 c’est quoi par rapport à ça?
Figure 6.9 – En haut à droite un problème de valeurs propres, en bas à gauche un vecteur propre solution Γ2φ2 – Ça c’est un vecteur propre. Γ1φ2 – C’est un vecteur propre ça, qui est associé à la valeur propr 110 115 120
Γ3μ1 – [à N ] Et l’énergie elle est déterminée comment? N – Et comment on détermine l’énergie du coup? Effectivement on me pose la question là. [...] Γ3φ1 – Bah avec 6.2. N – 6.2 ça donne l’énergie qui du coup dépend de k c’est ça? Et donc là on a les valeurs propres. [...] Ok. Et est-ce que vous arrivez à connecter par rapport à ce qu’a dit Pφ il y a deux séances, Pφ il parlait de vecteurs propres, mais il parlait souvent de base de vecteurs propres, O est-ce que là on est dans cette situation? Γ1φ2 – Bah non, chaque vecteur propre il a une dimension. Chaque sous-espace propre il a une dimension dans le cas du puits infini, fin, non? Γ2φ2 – Ouais si. Γ1φ2 – Du coup en fait on peut prendre n’importe quel vecteur propre, par exemple là tous les ∣φk ⟩, ça va être notre base en fait. N – Ok, mais, et dans quel espace? 125 130 135 140 145 150 Γ1φ2 – C’est dans l’espace des fonctions d’onde? N – Enfin je dis ça, est-ce que c’est une question qui se pose, c’est une question qui se pose pas? QR+T Γ1φ2 – Oui. Bah c’est un espace de Hilbert dans lequel on a fait nos calculs quoi. PC Γ2φ2 – La particule ça va être une superposition de tous ces états. N – En tous cas est-ce que entre vous vous êtes d’accord? C’est aussi ça qui me... est-ce que vous êtes d’accord avec vous mêmes. Γ1φ2 – Ouais mais si on a tort... T+MM N – [plaisantant] Si je vous dérange... Ouais mais ça c’est une bonne question, si vous avez tort, qu’est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu’il faudrait vérifier dans des médias imprimés, vérifier ce que vous dites mais... Γ1φ2 – Vous pouvez pas nous le dire? N – Non mais là vous savez à peu près de quoi vous parlez. Je pense qu’il y a des petites choses qui se glissent, mais c’est dans les calculs. Enfin comment dire, vous avez raison de voir un lien entre ce qui est écrit au tableau et ce qu’il y a marqué [riant] sur ce que je vous ai distribué. [sérieux] T Si vous voulez un assentissement en passant. Mais justement toute la difficulté de cet exercice pour vous c’est que vous devez vous débrouiller avec... [...] N – Du coup là on a un exemple où il y a de la quantification qui émerge, donc aprés on peut revoir plein de questions que vous vous êtes posées à l’aulne de... c’est-à-dire que si on prend un puits infini, on a des niveaux, comment on fait pour rester sur les deux premiers, comment on fait pour calculer, SM+MM c’est un peu la fin du texte, ils disent un peu concrètement dans ces situations physiques comment est-ce qu’on calculerait avec, et en fait apparemment il y a des problèmes, c’est pour ça que c’est un truc un peu simplifié. [cf média numéro 6B etc. ] Γ2μ2 – Du coup là si on se réduit aux deux premiers on retrouve là ce que Piq nous avait déjà présenté lors de sa première intervention, avec le α∣0⟩ et β∣1⟩ c’est ça? Ça vient de là? Γ1φ2 – Ouais. Sauf que c’est pas le même système physique. [...] N – [après une hésitation à regarder le tableau] Je vais vraiment rien dire. [rires] Je vais vous laisser regarder votre vidéo – je vais prendre en photo ce très beau tableau – et puis voilà, on avance! Je sais pas, comment vous vous sentez?
6.6.4 Dernière phase (corde de Melde)
N – Là on a une corde fixée à ses deux extrémités, il y a un noeud là. Γ3μ2 – Il y a un nœud ouais. Γ3φ1 – Et deux ventres Γ1φ1 – Et deux ventres N – Donc ça c’est un mode stationnaire. C’est le mode avec 2, le mode numéro 2 quoi. Dans les sinus de toute à l’heure c’est le mode numéro 2. On va essayer de trouver le mode 3. Alors comment je trouve le mode 3, sachant que là je suis à 21 de fréquence? SM Dans les séries de Fourier c’est quoi le lien entre chaque mode? Γ1μ1 – Bah c’est le même écart de fréquence entre chaque mode? N – Ouais, c’est le même écart de fréquence, le premier c’est sin ω, le deuxième sin 2ω, sin 3ω. Donc là si je suis à 2ω = 21, je devrais tomber dessus autour de 32. [Assentissements de la classe.] On va essayer ça
. Γ1φ1 – Ah ça y est! Γ3μ2 – Ouais c’est bon là. N – Ça vous plaît? Donc là on est à 3, on va à 4? [...] Γ3μ2 – Ouais on voit bien les quatre là, un, deux trois, quatre. N – Vous êtes convaincu⋅es? Γ3μ1 – Ouais. N – Cool, j’arrête. C’est un système quantique ce truc? QR+BCN Γ3φ1 – [À son groupe] De fou! Γ2φ1 – [À son groupe] Excellente question, allez, ça part en question ça. Γ3μ1 – [À son groupe] Ah, directement! Γ2φ1 – [À son groupe] Est-ce un système quantique. Γ3φ1 – [À la classe] Aaah! Je pense que dans un sens ouais. Γ1
μ
1 – [À son groupe] Moi je dirais que non, c’est un peu trop gros! Γ2μ2 – [À la classe] Ce que Piq disait c’est que quantique ça voulait dire que les états étaient quantifiés, sauf que là tous les réglages pour passer d’un état à l’autre existaient donc, en soit c’était assez continu. Mais il y a des états assez particuliers qui sont quantiques. Enfin... Γ3φ1 – Normalement t’es pas supposé avoir d’onde quand tu passes de l’un à l’autre mais... Γ3μ2 – Les deux. Γ3φ1 – Mais ouais, bonne question. N – Et c’est quoi le lien peut-être, parce que si on suit la métaphore de la série de Fourier, donc on a dit il y a les modes propres c’est les sinus, ça c’est une base, mais du coup là ce serait une base de quoi? Γ3φ2 – Toutes les ondes possibles qui peuvent se propager dans la corde? Γ3μ2 – La somme infinie quoi. N – On peut imaginer qu’une onde quelconque peut être une somme des modes propres. Bon je vous laisse avec tout ça. Γ1φ1 – [À son groupe] Dans les questions tu mets, est-ce que c’est un système quantique une corde de Melde? N – Là vous avez plein de matériau nouveau pour réfléchir un peu à la question quoi, pourquoi les ordis quantiques sont-ils quantiques? 226 6.7
Séance de travail sur ordinateur encadrée par Piq, durant laquelle nous n’avons pas constitué de données pertinentes pour nos analyses. 6.8 PER817 mars 6.8.1 Temporalité des prises de données
première phase en groupe deuxième phase en groupe mise en commun 00:00 00:30 intervention de Pμ questions à Pμ intervention de N temps physique 01:30 1h 2h collectif n n
Figure 6.10 – Prises de données effectuées lors de la séance PER8
6.8.1.1
5 10 15
Questionnement étudiant
Γμ2 Γ2μ2 – [Q0c :] Quelles caractéristiques des systèmes quantiques sont partagées par les ordinateurs quantiques
? Bah ce qui est utilisé c’est justement la superposition quoi. Γ1μ2 – C’est-à-dire faire des calculs en même temps? Γ2μ2 – Oui c’est ça. Non seulement ça et puis utiliser les caractéristiques du fonctionnement, la superposition et l’intrication. Ce sont des caractéristiques des systèmes quantiques. [...] Γ1μ2 – On peut utilisation, justement, de la superposition pour faire des calculs en même temps. Γ2μ2 – Ça se tient.
20 25 30 Γ1μ2 –
Genre
l’avantage c’est qu’il prend beau-
227
coup moins de temps parce qu’il
fait
tout en même temps
, et
il
fait tout en
même temps grâce à la superposition! [...]
Γ
1
μ2 – Comment
tu fais concrè
tem
emnt pour faire un calcul avec un ordinateur quantique? [...] Est-ce que c
’est
forcément sur un serveur, ou est-ce qu’il y a un bloc qui ressemble un peu à un ordinateur normal? [...] Γ1μ2 – Oui enfin ça c’est le système pour permettre à l’ordinateur de fonctionner... Γ3μ2 – Bah c’est l’ordinateur... Γ1μ2 – Oui, mais tu vas pas rentrer dans la machine, enfin dans le truc où il fait zéro degré, ça doit être relié à... mais justement on peut y accéder à distance, ça c’est intéressant. [...] Pour
répondre à la question “Comment fonctionne un ordinateur quantique”. 6 Déroulé et transcriptions des échanges en classe
6.8.2 Discussion en classe 1 Γ2μ2 – Juste la question comment éviter que l’état du qubit dépasse ∣1⟩, Piq il avait... Enfin c’est vrai qu’il avait peut-être pas répondu avec précision, mais il avait déjà donné des idées, motamment sur le conditionnement du système. N – Ouais. Ouais absolument. Moi je trouvais qu’il y avait une question implicite là-dedans, BCN+T mais peut-être qu’en fait vous vous la posez pas spécialement. Mais c’était sur le fait que du coup il y ait plus que deux états, ce qui est quelque chose qu’on avait commencé à aborder l’avant-dernière fois, avec le puits infini, c’est un peu pour ça que je l’ai réécrite. Je suis d’accord que d’un point de vue technique, Piq nous a dit qu’il y a des façons, mais je voulais la reposer un peu, parce que ça peut entrer en résonnance avec des choses qu’on va regarder aujourd’hui, donc voilà, je voulais la rappeler ici. ∴ N – Et ensuite du coup je vous écris juste quelques écritures, en fait qu’on a déjà un peu vues mais juste pour refaire un point sur les séances précédentes aussi. O Je voulais juste déjà vous écrire en fait l’équation de Schrödinger dans un cadre un peu général. [...] Je ne vais pas faire beaucoup de commentaires, c’est un peu fait exprès, mais je vous écris les choses. Donc çà c’est Schrödinger qui dépend du temps : ̵ ih ∂ψ(t) = Hψ(t) ∂t t∈R Ensuite on peut chercher des solutions – ça avait été évoqué l’avant-dernière fois quand on a parlé du puits infini – on peut chercher des solutions de cette forme-là : iEt ψ(t) = e− h̵ φ t∈R Et ça ça nous ramène à une équation qui est un peu plus simple, ou en tous cas qui ne dépend plus du temps et qu’on appelle l’équation de Schrödinger stationnaire ou indépedante du temps, et qu’on peut écrire comme ça : Hφ = Eφ Et là on peut faire le lien avec ce que nous a dit Pφ il y a trois séances, où Pφ lui il a résolu une équation comme ça. Lui il l’écrivait comme ça : Ĥ∣+⟩ = E+ ∣+⟩ En fait il cherchait, il était dans un système à deux niveaux et il cherchait les vecteurs propres et les valeurs propres du Hamiltonien. Donc si je développe lui il avait une situation où le Hamiltonien était une matrice de taille 2 × 2 : E ( 0 W W ) ∣+⟩ = E+ ∣+⟩ E0 (6.4) Et pour en trouver les valeurs propres et les états propres, il l’a diagonalisée comme vous avez appr à faire à différents moments de vos carrières respectives et on ne va pas le refaire, mais en l’occurence ça donnait un truc comme ça : 1 ∣+⟩ = √ (∣0⟩ + ∣1⟩) 2 (6.5) Du coup il peut expliquer ces états propres du Hamiltonien – là c’est un état sur les deux – en fonction de la base de départ. Donc ça c’était un exemple. N – Ok, et tu te souviens un peu du contexte mathématique de ces choses-là? Γ3μ1 – Il fallait traduire un problème de dynamique classique en dynamique avec des Hamiltoniens, donc ça donnait, il y avait cet opérateur qui revenait. N – Ok. Et en fait juste le questionnement que je voulais un peu ouvrir à ce moment-là c’est que, là ici [équation 6.4] on était en dimension 2, on a fait une diagonalisation, et puis il y avait plein de manipulations, là je rappelle pas, T mais il y avait un moment on calculait des produits scalaires entre deux vecteurs, par exemple on a calculé des choses comme ça, ∣⟨0∣+⟩∣2, on prenait le module au carré... Enfin on, c’est plutôt Pφ qui nous a montré ça, et caetera. Et on pourrait se demander, en fait, je vous distribue un document dans un instant, mais, en fait, on se trouve souvent dans une situation où les deux états qu’on a ici [dans les systèmes à deux niveaux dont le premier est l’équation 6.5], en fait c’est les deux premiers états d’un environnement où on a plus d’états que deux, et on pourrait se demander, mais, est-ce qu’on peut pas trouver un cadre commun pour décrire les deux situations, parce qu’a priori on parle de la même chose. [Enfin sans même parler j’écris au tableau :] √ φn (x) = 2 nπx sin ( ) L L (6.7) [Puis par des traits de couleurs j’associe les deux problèmes de valeurs propres, équations 6.4 et 6.6 d’une part, et les états propres 6.5 et 6.7 d’autre part.] 6.8.3 Fin de la séance Le document sur les spectres est distribué et commenté (voir la partie précédente sur la fourniture médiatique pour le détail de notre intervention le commentant.) N – En gros nous la prochaine fois on va essayer d’écrire ces tableaux-là, ensemble, mais qui concernent que les systèmes que nous on a vu entre nous, toutes les modélisations, pour un peu voir à quel point on parlait toujours de la même chose, et caetera, et c’est comme ça qu’on va un peu comprendre... SM Les systèmes quantiques on a vu, on nous a donné certaines définitions. Il y avait la question, en quoi les qubits sont des systèmes quantiques, on a quand même pas mal et exploré ça. Là on regarde en quoi les qubits ils ont des spectres comme les sytèmes quantiques. Les spectres il y a aussi une version mathématique, qui est donnée dans un certain cadre. Voilà, donc on va essyer de comprendre qu’on parle toujours de la même chose, et que c’est aussi, voilà, que c’est peut-être dans ce sens là... Enfin ça va nous donner un peu des, ça va vous donner j’espère des billes en plus pour après répondre à votre façon. Je dis un dernier truc qui est vachement important quand même. Là on fait un mode d’enseignement qui est un peu différent, vous l’avez bien remarqué je pense, mais ça a une conséquence très concrète c’ que, là, quand on vous montre un cours de maths comme ça, ou quand on vous montre pareil avec le cours de ECφ 1 et caetera, ou moi quand je vous montre des documents, après il ne s’agit pas ensuite d’avoir une maîtrise technique des objets. T+PN C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’exam où vous allez devoir faire des exos, on ne va pas vous donner un opérateur et il faut faire le spectre, il faut montrer qu’il est adjoint et caetera. Mais vous voyez là ECμ 1 il vous a dit que si on creuse un peu on arrive vers des questions de mathématiques [ouvertes]. On est en L3, on va rester tranquille, enfin voilà, mais en même temps c’est aussi ça, quand vous apprenez un truc, en mode vous vous posez des questions et vous creusez, en fait on arrive très vite vers des trucs où on ne sait pas répondre, tout court. Et c’est aussi ça le jeu, donc le but c’est de... Enfin on est dans le vrai monde quoi. C’est un peu ça le but aussi. Donc ce que je veux dire c’est que c’est normal qu’il y ait beaucoup beaucoup d’inconnu, et qu’il y ait beaucoup d’ignorance, mais parce que plein de questions que vous pouvez poser moi je peux pas forcément y répondre non plus, voilà. 6.9 PER924 mars 6.9 PER924 mars 6.9.1 Temporalité des prises de données première phase en groupe 00:00 mise en commun 00:30 Γμ1 Γφ1 deuxième phase en groupe jeu de Piq 1h collectif vidéo fin de séance 01:30 2h temps physique Γμ1 Γφ1 • • n
Figure 6.11 – Prises de données effectuées lors de la séance PER9 6.9.2 Pre
mière phase
en groupe
N – Donc ça vous pouvez regarder tranquillement, vous avez pas mal d’éléments pour remplir les tableaux. C’est des cases vides que vous pouvez remplir avec des écritures que vous avez rencontrées, et caetera. Ensuite internet existe, MM et ensuite la vidéo va vous aider tout
à
l’heure, je distribuerai un peu des documents aussi. Là déjà en reprenant ce que Pμ a dit la dernière fois, ce que Pφ a dit quand il a fait son intervention, les choses qu’on a vues avec Piq, et caetera, vous avez pas mal d’éléments. En fait l’idée – enfin pour l’instant je vous laisse, mais si vous voulez un indice c’est ce dont je vous parlais dans mon mail du 25 février, il y avait deux tableaux qui ressemblaient un peu à ça. Donc ça c’est un truc sur lequel vous pouvez travailler, et il y a vos questiogrammes, et pour l’instant je ne vous fais pas davantage de commentaires.
6.9.2.1 5 Questionnement étudiant
Γμ1
Γ1
μ
1
–
Ensuite est-ce que il y a assez de mathématiques là-dedans? Γ3μ1 – Ouais, en fait toute la partie là, sur l’inversibilité, c’est que des maths, parce que tu vas pouvoir faire de la théorie sur le calcul (?), et surtout, quand je dis le qubit comme unité d’information en fait on va faire toute la théorie
du qubits, donc le Hamiltonien, le... Γ1μ1 – Ok, oui on va pas se contenter de dire ce qu’est un qubit, comment ça marche et tout. [...] Γ3 – Maintenant il faut qu’on remplisse le ta- 15 20 bleau. Γ1 – Ça va être beaucoup beaucoup de cases hein, parce qu’il y a combien de cases? [...] 13 par 9. Γ3 – Quoi? Mais tu déconnes mec. Γ1 – Ça fait beaucoup. 121 cases. QR [...] Γ3 – 13 par 9... Mec ça fait quoi ça fait ça fait 90, 100? Γ1 – 121. Γ3 – Oui c’est ça. [...] Non ça fait 111, ça fait pas 121 ça fait 111. 231
25
Γ1 – Bah nan 13 fois 9 ça fait 121, puisque 13 fois 10 ça fait 130, moins neuf, 121.
Γ
2 – Nan, moins 13.
65 Γ1
– Moins 13. Γ3 – Bah oui. 30 Γ1 – Ok ça fait cent... 70 Γ3 – Ça fait 111... Γ1 – Oui, sur R. Γ3 –...c’est ce que j’ai dit. Γ3 – OK.... T’es sûr que c’est la seule? Γ1 –...117 du coup. 40 Γ3 – Bah 13 fois 9, 90 (sic), 3 fois 9 27, 27+90, 117 ouais. Au temps pour moi. Γ1 – Et on est tous en fac de maths! [...] Γ3 – Ça fait quand même beaucoup. [...] Γ1 – Vecteur, R. Bah c’est un scalaire du coup. Γ2 – Quoi? 75 80 Γ3 – Ah oui oui. 45 Γ1 – Bah un vecteur dans R c’est un scalaire. [...] Je vais marquer scalaire. Γ3 – Ouais vas-y tu peux marquer scalaire, je suis assez convaincu. Γ1 – Vecteur, flèche du plan. 60 Γ – [plaisantant] Mec tu marques x avec une flèche dessus. O Γ2 – [plaisantant] Tu marques une flèches. Γ3 – [plaisantant] Tu sais tu marques le x avec une flèche au-dessus, comme on faisait au collège. Tu marques AB avec la flèche dessus. [...] Γ1 – Vecteur, Rn? [...] Base R. Γ2 – Bah c’est un scalaire, n’importe. Tout sauf 0. Γ3 – Marque 1, ou e1 comme ça on sait. Γ1 – Non ce n’est peut-être pas la seule, mais... toutes les normes sont équivalentes sur les espaces vectoriels normés. BCN (sic) [...] Γ1 – Forme linéaire sur l’espace vectoriel. Élément du dual.
Γ2 –
Fonctions de R dans R Γ3 – Oui c’est applications linéaires de R dans R. Γ1 – L’ensemble des applications linéaires ça s’écrit comment déjà? C’est quoi l’abréviation? Γ2 – Les endomorphismes. Γ3 – GLn (R).
Γ
1 – Merci.
3 50
Γ3 – Ouais, ou tu marques multiplication du dual. [...] Γ1 – Norme. Valeur absolue. Γ3 – C’est la seule?
Γ1 –...117... 35 Γ
3 – C’est un fois
λ
. [...]
Γ
1 –
Produit scal
aire...
x fois y? 90 Γ2 – GLn c’est inversible. Γ3 – Ah oui nan pardon.
Γ
2 – Les
endo
morphismes de R c’est E(R). 95 Γ1 – Oui mais endomorphismes c’est pas forcément linéaire. Γ3 – Si, si, si endomorphismes c’est linéaire, puisque morphisme c’est le mot compliqué pour dire linéaire.
O Γ1 – Opérateurs sur l’espace vectoriel
.
Γ3 – La composition des fonctions? 100 Γ1 – Multiplication, addition... 105
Γ3 – Nan mais là c’est en tant qu’op
érateur, donc c’est sur l’ensemble des endomorphismes quoi. Pour moi c’est la composition. Γ1 – Ok, et il y a aussi inversion du coup ou pas? Γ2 – La base orthonormée c’est 1. Γ3 – Ouais. Γ1 – C’est pas très compliqué! Vecteur développé selon la BON. 232 Γ3 – Bah c’est une composition. La fonction qui à u associe u−1 c’est une fonction analytique. Γ1 – Composition. 110 115 Γ1 – Pour moi c’est les compositions, parce que les opérateurs c’était sur les espaces?, mais c’était sur l’ensemble des applications, il me semble. Γ1 – Opérateurs hermitiens. Sur R. 125 130 135 140 145 155 Γ3 – Je sais plus. Γ1 – Bon, il y a plein de livres là-bas. 120 150 Γ3 – Il n’y a pas de problème de valeur propre? Mais sur R tout n’est pas valeur propre? Puisque tout n’est que dilatation à chaque fois. SM Donc il n’y a que des valeurs propres, en fait. Γ1 – Oui. Γ3 – Trop bizarre. Ça sert vraiment à rien en fait, les valeurs propres sur R du coup. SM Ça n’a aucun sens. Γ1 – En fait au lieu de tout remplir on remplit seulement ceux qui ont de l’intérêt. Γ1 – Oui non il va nous pêter la gueule. T Sinon il aurait fait que des cases qui ont de l’intérêt (?). [...] Γ1 – Système physique concerné. Γ3 – Tout ce qui avance tout droit, dans une seule dimension? Γ1 – Pas grand chose. On va laisser comme ça.
| 33,127
|
c834e4f0ef093caf4d2ed5c1f3168bd7_15
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,012
|
Évolution des taux d'accès à l'enseignement tertiaire (1995-2010)\
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,014
| 11,417
|
Sous l’angle de l’action publique, il est essentiel de tenir compte de ces motivations financières
pour comprendre le flux des effectifs dans le système d’éducation. Une forte hausse de la demande
d’éducation peut entraîner une forte augmentation des salaires et des rendements, bien avant
que l’offre ne s’ajuste à la nouvelle conjoncture. Ce type de phénomène doit alerter tant le système
d’éducation que les individus, car il est le signe qu’il faut investir davantage.
Indicateur A9
Dans certains pays, toutefois, le marché du travail ne met pas nécessairement cet aspect de la
demande en évidence, à cause du droit du travail et des cadres rigides, qui tendent à cloisonner
les salaires entre les niveaux de formation. Outre ces aspects liés au marché du travail, des
composantes majeures du rendement de l’éducation sont en rapport direct avec l’action
publique : l’accessibilité de l’enseignement, la fiscalité et la part du coût de l’éducation à charge
des individus. L’avantage financier que procure l’élévation du niveau de formation profite non
seulement aux individus, mais aussi à la société, au travers de la réduction des transferts sociaux
et de l’augmentation des recettes fiscales, dès l’entrée des individus dans la vie active. L’élévation
du niveau de formation des individus peut permettre de réduire les dépenses publiques au titre
des programmes d’aide sociale et d’aider les employeurs à trouver les compétences spécialisées
dont ils ont besoin lorsque l’offre de ces compétences est insuffisante par rapport à la demande. Il
est important de tenir compte de l’équilibre entre le rendement public et le rendement privé lors
de l’élaboration des politiques.
Autres faits marquants
• Les hommes diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement
post-secondaire non tertiaire peuvent compter, par comparaison avec ceux dont le niveau
de formation est inférieur, sur un avantage salarial brut supérieur à 200 000 USD pendant
toute leur vie active en Autriche, aux États-Unis, en Irlande, en Norvège, au Portugal et au
Royaume-Uni.
• L’avantage salarial brut associé à une formation tertiaire est important, tant pour les
hommes que pour les femmes. En Autriche, en Hongrie, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas,
au Portugal, en République tchèque et en Slovénie, les hommes diplômés de l’enseignement
tertiaire peuvent, par exemple, espérer gagner au cours de leur carrière au moins 400 000 USD
de plus que les hommes titulaires d’un diplôme de fin d’études secondaires ou post-secondaires
non tertiaires. Ce chiffre est proche de 675 000 USD aux États-Unis.
• Les individus qui investissent dans une formation tertiaire peuvent espérer en retirer
un avantage net conséquent d’un peu plus de 160 000 USD chez les hommes et de près
de 110 000 USD chez les femmes, selon la moyenne calculée sur la base des pays de l’OCDE
dont les données sont comparables. Aux États-Unis, en Irlande, au Portugal et en Slovénie, la
valeur actuelle nette de cet investissement est supérieure à 150 000 USD chez les femmes, ce
qui incite fortement à obtenir un diplôme de ce niveau d’enseignement.
• Les individus investissent environ 55 000 USD, en moyenne, pour obtenir un diplôme
de fin d’études tertiaires, compte tenu des coûts directs et indirects. Cet investissement
représente plus de 100 000 USD chez les hommes aux États-Unis, au Japon, aux Pays-Bas et
au Royaume‑Uni.
Regards sur l’éducation © OCDE 2012
169
chapitre A
A9
Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage
Analyse
Rendement financier de l’investissement dans l’éducation
Pour évaluer le bénéfice économique global de l’éducation, on peut estimer la valeur économique de
l’investissement, c’est-à-dire déterminer dans quelle mesure les coûts de l’élévation du niveau de formation
donnent lieu à une augmentation des revenus du travail.
Pour comprendre la répartition des coûts et bénéfices entre les individus et les pouvoirs publics, il faut identifier
avec précision les éléments pris en compte pour calculer chaque variable. Les bénéfices sont calculés compte tenu
des revenus, des recettes fiscales, des cotisations sociales et des transferts sociaux, ainsi que de la variation de la
probabilité de trouver du travail entre les niveaux de formation. Les coûts retenus sont les dépenses publiques et
privées directes, le manque à gagner durant les études – ajusté en fonction de la probabilité de trouver du travail –,
ainsi que le manque à gagner lié à la fiscalité, aux cotisations sociales et aux transferts sociaux. Cet indicateur se
base sur les données de 2008 ou les dernières données en date qui soient disponibles.
Dans les faits, l’élévation du niveau de formation génère un ensemble complexe d’effets fiscaux, au-delà de
ceux retenus ici. Comme les revenus augmentent généralement avec le niveau de formation, les individus plus
instruits consomment davantage de biens et services, et donc, contribuent davantage aux recettes fiscales.
Dans ce calcul, le rendement public est donc sous-évalué.
Les individus mieux rémunérés ont également tendance à financer davantage leur retraite : ils jouissent donc de
revenus supplémentaires une fois à la retraite, mais cet avantage n’est pas pris en compte dans cette analyse. De
même, de nombreux pays prévoient l’octroi de bourses et de prêts d’études à des taux inférieurs à ceux retenus ici.
Ces aides publiques peuvent avoir un impact considérable sur le rendement privé de l’éducation. Pour toutes ces
raisons, la prudence est de rigueur lors de l’analyse du rendement de l’éducation dans les différents pays.
Les coûts et bénéfices sont actualisés à un taux réel de 3 %, car les calculs sont réalisés en prix constants (voir
la section « Méthodologie » pour plus de précisions sur le taux d’actualisation). Les bénéfices financiers d’un
diplôme de l’enseignement tertiaire sont comparés à ceux d’un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement
secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire, lesquels sont comparés à un diplôme de niveau
inférieur. Les comparaisons portent sur la situation relative des femmes entre elles et des hommes entre eux.
Facteurs incitant les individus à investir dans l’éducation
Deuxième cycle de l’enseignement secondaire et enseignement post-secondaire non tertiaire
Le tableau A9.1 montre la valeur de chaque composante et la valeur actuelle nette de l’investissement global
dans l’obtention d’un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement postsecondaire non tertiaire, chez les femmes et chez les hommes.
À ces niveaux d’enseignement, chez les hommes, les coûts directs de l’éducation sont négligeables et le
manque à gagner pendant les études représente la part la plus importante du coût de l’investissement (voir
le graphique A9.2). Le manque à gagner varie fortement entre les pays, selon la durée des études, les niveaux
de salaire et la probabilité de trouver un emploi. Il est inférieur à 15 000 USD en Espagne, en Estonie, en
Hongrie, en République slovaque et en Turquie, mais supérieur à 35 000 USD en Allemagne, en Autriche, au
Danemark, en Italie et en Norvège. Si les jeunes non diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire
ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire ont de bonnes chances de trouver un emploi, le coût de
l’investissement dans la poursuite des études augmente.
Les effets liés aux revenus bruts du travail et au risque réduit de chômage durant la vie active sont imputés dans
les bénéfices de l’éducation. Dans la plupart des pays, les hommes diplômés du deuxième cycle de l’enseignement
secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire bénéficient d’un avantage salarial significatif
par rapport à ceux dont le niveau de formation est inférieur. La valeur associée à la diminution du risque
de chômage peut également être élevée. En Allemagne, en République slovaque et en République tchèque,
l’amélioration des perspectives des hommes bénéficiant de ce niveau de formation sur le marché du travail
représente l’équivalent de 75 000 USD au moins (voir le tableau A9.1).
170 Regards sur l’éducation © OCDE 2012
Quels sont les facteurs qui incitent à investir dans l’éducation ? – Indicateur A9
chapitre A
Dans l’ensemble, investir dans l’éducation génère un rendement important, tant pour les individus que pour
la société. Les hommes qui investissent dans une formation du deuxième cycle de l’enseignement secondaire
ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire peuvent espérer en retirer tout au long de leur vie active
un avantage net de plus de 90 000 USD par comparaison avec ceux dont le niveau de formation est inférieur.
Ce rendement varie toutefois considérablement entre les pays : il est supérieur à 150 000 USD en Corée, aux
États-Unis, en Irlande et en République slovaque, mais inférieur à 40 000 USD en Allemagne, en Estonie, en
Finlande, en Pologne et en Turquie (voir le tableau A9.1).
Graphique A9.2. Composantes de la valeur actuelle nette privée de l’obtention d’un diplôme
de fin d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires (CITE 3/4)
chez les individus de sexe masculin (2008 ou année de référence indiquée)
Coûts directs
Revenus bruts du travail
Effet des cotisations sociales
Effet du chômage
Manque à gagner
Effet de la fiscalité
Effet des transferts
206 461
États-Unis
Irlande
Corée
Rép. slovaque
Royaume-Uni
Autriche
Norvège
Rép. tchèque
Portugal
Suède
Israël
Canada
Moyenne OCDE
Australie
Espagne
Italie
France
Slovénie
Danemark
Hongrie
Nouvelle-Zélande
Pologne
Turquie
Finlande
Allemagne
Estonie
Équivalents USD -300 000
Valeur actuelle nette,
en équivalents USD
162 975
160 970
152 309
139 877
131 372
124 206
116 581
109 618
96 659
91 581
90 208
90 049
77 092
77 020
72 302
70 129
61 921
58 768
48 263
40 251
36 764
35 082
33 540
31 825
25 458
-200 000
-100 000
0
100 000
200 000
300 000
États-Unis
Irlande
Corée
Rép. slovaque
Royaume-Uni
Autriche
Norvège
Rép. tchèque
Portugal
Suède
Israël
Canada
Moyenne OCDE
Australie
Espagne
Italie
France
Slovénie
Danemark
Hongrie
Nouvelle-Zélande
Pologne
Turquie
Finlande
Allemagne
Estonie
400 000 Équivalents USD
Remarques : le Japon n’est pas inclus dans le graphique en raison de l’absence de données ventilées entre les premier et deuxième cycles du
secondaire. La Belgique et les Pays-Bas n’y sont pas inclus car le deuxième cycle de l’enseignement secondaire y est obligatoire.
Années de référence : 2005 pour l’Australie et la Turquie ; 2006 pour le Portugal ; 2007 pour la Slovénie ; et 2008 pour les autres pays.
Les flux de trésorerie sont actualisés à un taux d’intérêt de 3 %
Les pays sont classés par ordre décroissant de la valeur actuelle nette.
Source : OCDE. Tableau A9.1. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678654
Dans l’ensemble, un diplôme de fin d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires génère un
rendement plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Échappent à ce constat l’Espagne, l’Estonie, la
Hongrie, l’Italie et la Pologne. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, les femmes peuvent compter sur un
avantage net de 67 000 USD durant leur vie active. Certains pays prévoient des mesures de protection sociale
Regards sur l’éducation © OCDE 2012
171
A9
chapitre A
A9
Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage
qui peuvent dissuader les femmes d’investir dans la poursuite de leurs études, en particulier dans le deuxième
cycle de l’enseignement secondaire. Dans ces pays, des prestations sociales peuvent s’ajouter aux salaires
peu élevés des femmes non diplômées du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement
post-secondaire non tertiaire, ce qui réduit dans une certaine mesure l’avantage financier de l’obtention d’un
diplôme de fin d’études secondaires (voir le tableau A9.1).
Enseignement tertiaire
Le rendement net privé (chez les hommes et les femmes) de l’obtention d’un diplôme de l’enseignement
tertiaire est élevé : il est supérieur de plus de 60 % à celui associé à l’obtention d’un diplôme du deuxième
cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non tertiaire, ce qui montre que ce
diplôme de fin d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires est devenu la norme dans les pays de
l’OCDE. Dans certains pays, les individus doivent poursuivre des études jusque dans l’enseignement tertiaire
pour bénéficier pleinement de l’avantage financier associé à la poursuite des études au-delà de la scolarité
obligatoire (voir les tableaux A9.1 et A9.3).
L’investissement dans des études tertiaires génère un rendement plus élevé chez les hommes dans tous les
pays, sauf en Australie, où le rendement moyen est pratiquement équivalent chez les hommes et chez les
femmes, et en Espagne et en Turquie, où le rendement est plus élevé chez les femmes (voir le tableau A9.3). En
moyenne, dans les pays de l’OCDE, une femme qui investit dans une formation tertiaire peut espérer en retirer
un avantage net de 110 000 USD, et un homme, un avantage net de 162 000 USD.
La valeur actuelle de l’avantage salarial brut associé à un diplôme de l’enseignement tertiaire est élevée, tant
chez les hommes que chez les femmes. Les hommes diplômés de l’enseignement tertiaire peuvent espérer
gagner pendant leur vie active au moins 400 000 USD de plus que les hommes titulaires d’un diplôme de fin
d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires en Autriche, aux États-Unis, en Hongrie, en Irlande,
en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal, en République tchèque et en Slovénie. Quant aux femmes diplômées
de l’enseignement tertiaire, elles peuvent espérer gagner pendant leur vie active au moins 300 000 USD de
plus que les femmes titulaires d’un diplôme de fin d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires en
Autriche, aux États-Unis, en Irlande, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni et en Slovénie.
Le graphique A9.3 montre les composantes du rendement d’une formation tertiaire chez les hommes dans
les différents pays. Par comparaison avec une formation du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou
de l’enseignement post-secondaire non tertiaire, l’impact de la probabilité du chômage est moins marqué que
l’effet du différentiel salarial, et l’impact de la fiscalité et des coûts directs de l’éducation est plus important.
L’obtention d’un diplôme de l’enseignement tertiaire procure un avantage important aux hommes aux
États‑Unis et au Portugal : cet investissement génère un rendement de plus de 300 000 USD au cours de la
vie active, ce qui constitue une incitation financière convaincante. Ce constat est similaire pour les femmes au
Portugal où cet investissement génère un rendement de plus de 200 000 USD. Le rendement de l’enseignement
tertiaire est inférieur au Danemark, en Estonie, en Nouvelle-Zélande, en Suède et en Turquie, où les hommes
diplômés de ce niveau d’enseignement peuvent tabler sur un avantage net compris entre 52 000 USD et
74 000 USD au cours de leur vie active. Pour les femmes, cet avantage est inférieur au Danemark, en Estonie,
en Nouvelle-Zélande et en Suède, où elles peuvent compter sur un avantage net compris entre 32 000 USD
et 47 000 USD. La variation du rendement entre les pays est en grande partie imputable à la variation des
différentiels salariaux. Dans certains pays, des facteurs liés à la l’offre et à la demande de profils très qualifiés sur
le marché du travail ont un impact important, alors que dans d’autres, c’est la structure globale de rémunération
(compression des salaires) qui est la plus déterminante.
Réduire le coût de la poursuite des études est un moyen qui permet d’atténuer l’effet dissuasif d’un rendement
peu élevé sur le marché du travail. En plus de financer les coûts directs de l’éducation, un certain nombre de pays
prévoient l’octroi de bourses et de prêts d’études qui réduisent les coûts de l’investissement et en augmentent
l’intérêt, tout en favorisant l’accessibilité de l’éducation. Les bourses sont particulièrement importantes en
Autriche, en Finlande et aux Pays-Bas, où elles représentent entre 14 % et 15 % de l’investissement total
172 Regards sur l’éducation © OCDE 2012
Quels sont les facteurs qui incitent à investir dans l’éducation ? – Indicateur A9
chapitre A
privé (coûts directs et manque à gagner), tant chez les hommes que chez les femmes (voir le tableau A9.3). Au
Danemark, 45 % environ de l’investissement privé est subventionné.
De nombreux pays prévoient également l’octroi de prêts d’études généreux à des conditions avantageuses
qui réduisent les coûts de l’investissement et en augmentent l’intérêt. Les bourses et les prêts d’études
sont très importants pour inciter des individus de condition plus modeste à faire des études. Toutefois,
il est dangereux de se concentrer uniquement sur les aspects de l’investissement liés à l’offre. Comme les
générations plus jeunes sont plus mobiles, une structure de rémunération trop peu élevée pour les individus
hautement qualifiés engendrerait le départ de certains d’entre eux vers des pays où les revenus potentiels
sont plus élevés.
Graphique A9.3. Composantes de la valeur actuelle nette privée de l’obtention d’un diplôme
de fin d’études tertiaires (CITE 5/6) chez les individus de sexe masculin
(2008 ou année de référence indiquée)
Coûts directs
Revenus bruts du travail
Effet des cotisations sociales
Effet du chômage
Manque à gagner
Effet de la fiscalité
Effet des transferts
Effet des bourses
373 851
Portugal
États-Unis
Rép. tchèque
Pologne
Slovénie
Autriche
Irlande
Rép. slovaque
Hongrie
Corée
Moyenne OCDE
France
Italie
Canada
Pays-Bas
Finlande
Allemagne
Israël
Royaume-Uni
Japon
Belgique
Australie
Espagne
Norvège
Estonie
Turquie
Suède
Danemark
Nouvelle-Zélande
Équivalents USD -600 000
Valeur actuelle nette,
en équivalents USD
329 552
249 679
230 630
225 663
225 048
223 821
208 883
208 386
189 766
161 625
159 950
155 346
153 520
145 886
145 608
144 682
143 582
143 394
143 018
116 225
115 287
102 975
82 076
74 213
64 177
61 454
56 369
52 471
-400 000
-200 000
0
200 000
400 000
600 000
Portugal
États-Unis
Rép. tchèque
Pologne
Slovénie
Autriche
Irlande
Rép. slovaque
Hongrie
Corée
Moyenne OCDE
France
Italie
Canada
Pays-Bas
Finlande
Allemagne
Israël
Royaume-Uni
Japon
Belgique
Australie
Espagne
Norvège
Estonie
Turquie
Suède
Danemark
Nouvelle-Zélande
800 000 Équivalents USD
Remarque : années de référence : 2005 pour l’Australie, la Belgique et la Turquie ; 2006 pour le Portugal ; 2007 pour le Japon et la Slovénie ; et 2008
pour les autres pays.
Les flux de trésorerie sont actualisés à un taux d’intérêt de 3 %
Les pays sont classés par ordre décroissant de la valeur actuelle nette.
Source : OCDE. Tableau A9.3. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678673
Regards sur l’éducation © OCDE 2012
173
A9
chapitre A
A9
Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage
Les effets de la fiscalité et des coûts directs de l’éducation (frais de scolarité), qui dépendent dans une certaine
mesure du soutien des pouvoirs publics aux niveaux supérieurs d’enseignement, se neutralisent jusqu’à
un certain point. Dans les pays où les frais de scolarité sont faibles, voire nuls, les individus remboursent
généralement l’investissement consenti pour eux par les pouvoirs publics une fois entrés dans la vie active, au
travers d’un régime fiscal progressif. En revanche, dans les pays où une plus grande partie de l’investissement
dans l’éducation est à la charge des individus (au travers des frais de scolarité), ceux-ci jouissent également
d’une plus grande partie de leur avantage salarial, qui est lui-même plus élevé. Dans l’ensemble, il existe une
corrélation positive, bien que faible, entre les coûts directs privés de l’élévation du niveau de formation et sa
valeur actuelle nette.
Encadré A9.1. Méthode d’estimation du rendement de l’éducation
Dans l’ensemble, il existe deux approches principales pour estimer le rendement financier de l’éducation :
d’une part, celle basée sur la théorie de l’investissement décrite dans la littérature financière et, d’autre
part, celle basée sur le modèle économétrique proposée dans la littérature sur l’économie du travail.
À la base de l’approche sous l’angle de la théorie de l’investissement se trouve le taux d’actualisation
(la valeur temporelle de l’argent) qui permet de comparer les flux financiers dans le temps. Le taux
d’actualisation peut être estimé comme un taux de rendement interne, qui correspond au point
d’équivalence entre les coûts et les bénéfices, ou comme un taux prenant en compte le risque inhérent
à l’investissement, ce qui consiste alors à calculer une valeur actuelle nette, avec des bénéfices exprimés
en unités monétaires.
Avec l’approche économétrique, que l’on doit à Mincer (1974), le rendement de l’éducation est estimé
sous la forme d’une régression qui rapporte les avantages financiers à la durée de la formation, à
l’expérience professionnelle et à la durée de la carrière. Ce modèle élémentaire a été affiné par la suite
pour inclure le niveau de formation et l’impact de l’emploi, ainsi que des variables de contrôle, telles
que le sexe et les conditions de travail (travail à temps partiel, relations contractuelles, exploitation
des compétences, etc.). L’inconvénient de cette méthode réside dans la rareté des données, abstraction
faite des revenus bruts, qui rend difficile l’évaluation des facteurs qui incitent réellement les individus
à investir dans l’éducation.
Abstraction faite du problème de la disponibilité des données, la principale différence entre les deux
approches réside dans le fait que le modèle fondé sur la théorie de l’investissement est prospectif (même
si des données antérieures sont généralement utilisées), alors que le modèle économétrique cherche à
déterminer l’impact réel du niveau de formation sur les revenus du travail au moyen du contrôle d’autres
facteurs susceptibles d’influer sur les revenus et sur le taux de rendement. Cette différence n’est pas sans
conséquence pour les hypothèses à la base de l’estimation du taux de rendement de l’éducation et pour
l’interprétation de ce taux. Comme l’approche fondée sur la théorie de l’investissement se concentre
sur les facteurs d’incitation présents au moment où est prise la décision d’investir, il est prudent de
contrôler d’autres facteurs, comme les conditions de travail, qui interviennent dans le rendement
dont un individu peut espérer bénéficier lorsqu’il décide d’investir dans l’élévation de son niveau de
formation, mais qui sont inconnus à ce moment.
Les résultats des deux approches peuvent différer sensiblement à cause de l’effet des variables de
contrôle et de la pente des courbes de revenus. De même, les rendements peuvent également varier
entre des modèles d’actualisation selon les hypothèses retenues et l’importance des flux financiers et
leur répartition dans le temps. Il n’est donc pas pertinent de comparer les rendements entre les deux
approches.
174 Regards sur l’éducation © OCDE 2012
Quels sont les facteurs qui incitent à investir dans l’éducation ? – Indicateur A9
chapitre A
Rendement public de l’investissement dans l’éducation
Les tableaux A9.2 et A9.4 indiquent le rendement public de l’obtention, durant la formation initiale, d’un
diplôme de fin d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires, d’une part, et d’un diplôme de fin
d’études tertiaires, d’autre part. Le graphique A9.4 montre le coût public et le coût privé de l’investissement
dans une formation tertiaire chez les hommes. Dans les pays de l’OCDE, l’investissement dans une formation
tertiaire représente, en moyenne, plus de 92 000 USD chez les hommes. Ce montant comprend les coûts
publics et privés directs et indirects, soit le manque à gagner de l’individu pendant ses études et le manque à
gagner fiscal qui en résulte. Il passe la barre des 150 000 USD aux États-Unis, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni
(voir le graphique A9.4).
Graphique A9.4. Comparaison de l’investissement public et privé lié à l’obtention
d’un diplôme de niveau tertiaire (CITE 5/6) chez les individus de sexe masculin
(2008 ou année de référence indiquée)
Manque à gagner privé
Coûts directs publics/privés
Investissement total
(public + privé),
en équivalent USD
Manque à gagner public
Coûts privés
Coûts publics
180 628
Pays-Bas
États-Unis
Royaume-Uni
Danemark
Allemagne
Norvège
Suède
Autriche
Finlande
France
Irlande
Japon
Moyenne OCDE
Corée
Espagne
Italie
Nouvelle-Zélande
Canada
Australie
Israël
Belgique
Estonie
Slovénie
Rép. tchèque
Portugal
Pologne
Rép. slovaque
Hongrie
Turquie
Équivalents USD -150 000
Bourses en USD
14 371
161 777
153 502
2 244
145 792
25 189
132 122
6 021
128 120
6 226
120 880
8 341
114 510
9 852
112 722
8 730
108 141
3 620
103 494
4 361
137 116
92 178
5 296
91 096
88 761
87 267
3 330
86 658
1 891
80 157
1 103
6
71 057
68 732
862
61 658
56 155
200
52 359
47 085
46 603
42 083
1 742
39 797
1 250
38 865
1 283
23 845
-100 000
-50 000
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
Pays-Bas
États-Unis
Royaume-Uni
Danemark
Allemagne
Norvège
Suède
Autriche
Finlande
France
Irlande
Japon
Moyenne OCDE
Corée
Espagne
Italie
Nouvelle-Zélande
Canada
Australie
Israël
Belgique
Estonie
Slovénie
Rép. tchèque
Portugal
Pologne
Rép. slovaque
Hongrie
Turquie
300 000 Équivalents USD
Remarque : années de référence : 2005 pour l’Australie, la Belgique et la Turquie ; 2006 pour le Portugal ; 2007 pour le Japon et la Slovénie ; et 2008
pour les autres pays.
Les flux de trésorerie sont actualisés à un taux d’intérêt de 3 %.
Les pays sont classés par ordre décroissant des coûts totaux (publics + privés).
Source : OCDE. Tableaux A9.3 et A9.4. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932678692
Regards sur l’éducation © OCDE 2012
175
A9
chapitre A
A9
Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage
Le coût direct de l’éducation est généralement en grande partie à charge des pouvoirs publics, si ce n’est en
Australie, en Corée, aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni, où les coûts privés directs (les frais de scolarité,
par exemple) représentent plus de la moitié du total des coûts directs de l’investissement. Chez les hommes, le
coût global de l’investissement public, soit les coûts directs et les coûts indirects (le manque à gagner en termes
d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales), dans une formation tertiaire s’élève à plus de 50 000 USD en
Allemagne, au Danemark, en Finlande, en Norvège, aux Pays-Bas et en Suède, mais ne représente pas plus
de 15 000 USD en Corée et en Turquie. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, l’investissement public dans
l’obtention d’un diplôme de l’enseignement tertiaire s’élève à environ 36 000 USD chez les hommes (voir le
tableau A9.4).
L’investissement public dans l’enseignement tertiaire est élevé dans de nombreux pays, mais l’investissement
privé y est supérieur dans la plupart d’entre eux. Si les coûts directs et indirects sont pris en compte, hommes
et femmes investissent, en moyenne, plus de 100 000 USD dans l’obtention d’un diplôme de fin d’études
tertiaires aux États-Unis, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, les coûts
directs, tels que les frais de scolarité, représentent environ 20 % de l’investissement total consenti par les
individus pour obtenir un diplôme de l’enseignement tertiaire. Les coûts directs représentent plus de 60 % de
l’investissement aux États-Unis, et entre 35 % et 43 % au Canada, en Israël et au Japon, selon le sexe (voir le
tableau A9.3).
La décision de poursuivre des études tertiaires peut être difficile à prendre, car les enjeux en sont très
importants, surtout pour les jeunes de condition plus modeste. De nombreux pays proposent des bourses
aux étudiants pour alléger les coûts à leur charge. Les bourses sont particulièrement élevées au Danemark
(25 200 USD) et aux Pays-Bas (14 400 USD). Ces bourses ne sont pas incluses dans les coûts publics et privés
indiqués dans le graphique A9.4, mais elles sont chiffrées pour illustrer l’importance des transferts entre le
secteur public et le secteur privé. Au vu du rendement élevé, tant public que privé, de l’investissement dans une
formation tertiaire, les bourses et les prêts d’études sont importants pour éviter que des individus renoncent
à cet investissement à cause de problèmes financiers.
Le manque à gagner pendant les études représente une grande partie des coûts privés de l’investissement
dans une formation tertiaire, en particulier dans les pays où la durée des études est longue à ce niveau
d’enseignement, en l’occurrence en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède (voir l’indicateur B1). Le
manque à gagner dépend aussi des niveaux de salaire que les individus peuvent espérer et de la probabilité qu’ils
ont de trouver un emploi. La dégradation des perspectives qui s’offrent aux jeunes adultes sur le marché du
travail (voir l’indicateur C5) entraîne une diminution des coûts de l’investissement. Comme les individus plus
instruits s’en sortent mieux sur le marché du travail en temps de crise économique (voir l’indicateur A7), des
différentiels de revenus plus importants améliorent le rendement. Les incitations à investir dans l’éducation
sont donc susceptibles d’être plus fortes, tant pour les individus que pour les pouvoirs publics, dans la plupart
des pays de l’OCDE, ce que devraient confirmer les analyses de cet indicateur à mesure que les données des
années postérieures à 2008, soit celles de la crise économique mondiale, seront disponibles.
L’investissement dans l’éducation génère aussi un rendement public : l’élévation du niveau de revenus entraîne
l’augmentation des cotisations sociales et des recettes fiscales, et la diminution des transferts sociaux. Le
graphique A9.5 compare les coûts et bénéfices publics de l’investissement dans l’élévation du niveau de
formation des individus de sexe masculin pour atteindre, d’une part, le deuxième cycle de l’enseignement
secondaire ou l’enseignement post-secondaire non tertiaire et, d’autre part, l’enseignement tertiaire.
Chez les hommes, le rendement public de l’investissement dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire
et l’enseignement post-secondaire non tertiaire est positif dans tous les pays, sauf en Estonie. Le rendement
public net d’un diplôme de fin d’études secondaires ou post-secondaires non tertiaires s’élève à 36 000 USD, en
moyenne, dans les pays de l’OCDE. Il dépasse 70 000 USD en Autriche, en Irlande et au Royaume-Uni. Quant
à l’investissement dans la formation des femmes à ces niveaux d’enseignement, il génère un rendement public
moins élevé : il est inférieur de 14 000 USD à celui des hommes, en moyenne, dans les pays de l’OCDE (voir le
tableau A9.2). Toutefois, le rendement public représente, en moyenne, le double environ du coût public total
176 Regards sur l’éducation © OCDE 2012
Quels sont les facteurs qui incitent à investir dans l’éducation ? – Indicateur A9
chapitre A
d’une formation dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou l’enseignement post-secondaire non
tertiaire, tant chez les hommes que chez les femmes. Dans quelques pays, les individus doivent poursuivre
des études au-delà du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non
tertiaire pour maximiser le rendement public de l’élévation de leur niveau de formation.
Le rendement public d’une formation dans l’enseignement tertiaire est nettement plus élevé que celui d’une
formation dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou l’enseignement post-secondaire non
tertiaire, ce qui s’explique en partie par le fait que les individus prennent à leur charge une plus grande partie
de l’investissement. L’augmentation des recettes fiscales et des cotisations sociales et la diminution des
transferts sociaux qui résultent des niveaux de revenus plus élevés des diplômés de l’enseignement tertiaire
sont, toutefois, les facteurs les plus importants. Ce rendement, considéré sur toute la vie active des individus,
est supérieur à 260 000 USD aux États-Unis et en Hongrie (voir le tableau A9.4 et le graphique A9.5).
Graphique A9.5. Coûts et bénéfices publics de l’obtention d’un diplôme de fin d’études
secondaires ou post-secondaires non tertiaires et tertiaires chez les individus
de sexe masculin (2008 ou année de référence indiquée)
2e cycle du secondaire
ou post-secondaire
non tertiaire
35 227
80 742
39 235
0
32 303
22 981
0
89 929
1 921
35 490
29 110
35 544
17 553
23 521
52 629
74 468
11 671
0
25 084
52 400
1 450
51 574
54 408
63 886
11 429
12 537
11 371
-9 397
100 000
Équivalents USD
50 000
Tertiaire
Hongrie
États-Unis
Irlande
Italie
Belgique
Allemagne
Slovénie
Pays-Bas
Autriche
Pologne
Rép. tchèque
Israël
Moyenne OCDE
Finlande
Australie
Portugal
Royaume-Uni
France
Japon
Canada
Rép. slovaque
Corée
Norvège
Suède
Danemark
Nouvelle-Zélande
Espagne
Turquie
Estonie
67 088
150 000
Valeur actuelle nette,
en équivalents USD
Bénéfices publics
Coûts publics
0
254 984
232 779
172 602
168 693
166 477
156 125
155 664
133 560
132 103
118 266
115 790
107 436
101 116
95 947
93 236
89 464
86 550
81 545
67 411
66 845
58 159
55 367
55 318
42 683
38 421
33 912
25 591
21 724
4 587
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
300 000
Équivalents USD
Remarque : le Japon n’est pas inclus dans la partie gauche du graphique en raison de l’absence de données ventilées entre les premier et deuxième
cycles du secondaire. La Belgique et les Pays-Bas n’y sont pas inclus car le deuxième cycle de l’enseignement secondaire y est obligatoire.
Années de référence : 2005 pour l’Australie et la Turquie ; 2006 pour le Portugal ; 2007 pour la Slovénie ; et 2008 pour les autres pays.
Les flux de trésorerie sont actualisés à un taux d’intérêt de 3 %.
Les pays sont classés par ordre décroissant de la valeur actuelle nette pour l’obtention d’un diplôme de niveau tertiaire.
Source : OCDE. Tableaux A9.2 et A9.4. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/eag2012).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932680516
Regards sur l’éducation © OCDE 2012
177
A9
chapitre A
A9
Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage
En moyenne, dans les pays de l’OCDE, le rendement public net de l’investissement dans une formation dans
l’enseignement tertiaire est supérieur à 100 000 USD chez les hommes et à 52 000 USD chez les femmes. Même
compte tenu des bourses versées aux étudiants, le rendement public représente, en moyenne, le triple des
coûts chez les hommes et le double des coûts chez les femmes. En Hongrie, le rendement est 14 fois supérieur
au montant investi par les pouvoirs publics dans la formation des individus dans l’enseignement tertiaire.
Rendement de l’investissement, fiscalité et avantages sur le marché du travail
Le rendement public et privé de la formation dépend dans une grande mesure de la dispersion globale des
revenus du travail. Une structure resserrée induit généralement un rendement inférieur de l’élévation du niveau
de formation. C’est particulièrement vrai dans les pays nordiques (au Danemark, en Norvège et en Suède) et
en Nouvelle-Zélande. Les pays nordiques ont généralement compensé les effets de la structure salariale peu
élevée grâce à la quasi-gratuité des études supérieures et à l’octroi de bourses généreuses aux étudiants (voir
l’indicateur B5). En Nouvelle-Zélande, une partie des coûts directs est à charge des individus, mais la fiscalité
est peu élevée.
Les inégalités de revenus sont nettement plus grandes dans un certain nombre de pays, ce qui se reflète
également dans les avantages salariaux bruts dont jouissent les diplômés de l’enseignement tertiaire. Dans
quelques pays où les coûts sont globalement moins élevés, les différentiels de revenus sont imputables à l’offre
et à la demande.
Bien que la structure globale de coûts et de revenus soit peu élevée en Hongrie, en Pologne, au Portugal,
en République tchèque et en Slovénie, l’élévation du niveau de formation génère un avantage salarial brut
nettement plus élevé durant la vie active que dans le groupe précédent de pays. Le pourcentage d’actifs
diplômés de l’enseignement tertiaire est nettement inférieur à la moyenne de l’OCDE (voir l’indicateur A1) et
l’avantage salarial associé à ce niveau de formation est supérieur à la moyenne de l’OCDE (voir l’indicateur A8).
Ce constat suggère une pénurie de travailleurs plus instruits, qui a entraîné la hausse des salaires et creusé
les inégalités salariales au fil du temps. En conséquence, les incitations à investir sont plus fortes, comme
le confirme l’augmentation sensible des taux d’accès de l’enseignement tertiaire ces dernières années (voir
l’indicateur C3). Comme la demande de travailleurs plus instruits continuera vraisemblablement d’augmenter
à l’avenir, il faudra du temps pour atteindre un certain équilibre.
Comme les revenus bruts et les avantages salariaux varient sensiblement entre les pays de l’OCDE, la fiscalité
et le rendement public varient aussi dans une mesure qui est plutôt à l’opposé des idées reçues. En raison des
avantages salariaux peu élevés dans les pays nordiques, les revenus du travail des diplômés de l’enseignement
tertiaire sont généralement inférieurs à la tranche de revenus où des taux marginaux d’imposition élevés
sont appliqués. Les avantages publics de l’élévation du niveau de formation découlant de la fiscalité et des
cotisations de sécurité sociale sont généralement les plus élevés dans les pays où les différentiels de revenus
sont importants ou dans ceux où les niveaux moyens de revenus atteignent des tranches fortement imposées.
La fiscalité et les cotisations sociales supplémentaires à charge des diplômés de l’enseignement tertiaire sont
élevées en Allemagne, aux États-Unis, en Hongrie et aux Pays-Bas, par exemple, ce qui montre à quel point il
est important que les pouvoirs publics adoptent une approche globale pour prendre des décisions stratégiques
à propos de l’investissement dans l’éducation. Les politiques fiscales et sociales jouent également un grand
rôle dans l’amélioration de l’offre de main-d’œuvre, elles sont donc essentielles pour tirer pleinement parti de
l’investissement dans l’éducation.
Toutefois, il est important de souligner que dans un certain nombre de pays, la politique fiscale est telle qu’elle
réduit les impôts effectivement versés par les individus, en particulier dans les tranches élevées de revenus.
De nombreux pays ont instauré des allègements fiscaux au titre des prêts hypothécaires pour favoriser l’accès
à la propriété. Ces mesures favorisent essentiellement les individus plus instruits dont le taux marginal
d’imposition est élevé. Les incitations fiscales sont particulièrement élevées en matière d’immobilier au
Danemark, aux États-Unis, en Finlande, en Grèce, en Norvège, aux Pays-Bas, en République tchèque et en
Suède. Pour plus de précisions, voir Andrews et al. (2011).
178 Regards sur l’éducation © OCDE 2012
Quels sont les facteurs qui incitent à investir dans l’éducation ? – Indicateur A9
chapitre A
Méthodologie
La méthode retenue ici pour calculer le rendement de l’éducation est celle dite de la valeur actuelle nette de
l’investissement. Elle consiste à évaluer les coûts et bénéfices enregistrés durant toute la durée de vie et à les
rapporter au moment où l’investissement avait été effectué, c’est-à-dire à actualiser tous les flux financiers
depuis le début de l’investissement au moyen d’un taux d’intérêt (le taux d’actualisation). Le taux d’actualisation
est difficile à choisir, car il doit refléter non seulement le terme de l’investissement, mais également le coût
de l’emprunt ou le risque perçu de l’investissement. Pour simplifier l’équation et faciliter l’interprétation des
résultats, le même taux d’actualisation a été appliqué dans tous les pays de l’OCDE.
Ce sont les obligations d’État à long terme qui ont été utilisées comme référence pour choisir un taux
d’actualisation probant. En 2008, le taux d’intérêt à long terme était de l’ordre de 4.9 %, en moyenne, dans les
pays de l’OCDE. Dans l’hypothèse que les banques centrales ont réussi à ancrer les prévisions d’inflation à 2 %
au plus par an, un taux d’intérêt nominal à long terme de 4.9 % correspond à un taux d’intérêt réel de 2.5 %
à 3 %. Le taux d’actualisation retenu dans cet indicateur (3 %) reflète le fait que les calculs sont effectués en
prix constants. La modification du taux d’actualisation intervenue depuis l’édition de 2009 de Regards sur
l’éducation a un impact important sur la valeur actuelle nette de l’éducation, dont il y a lieu de tenir compte lors
de la comparaison des résultats entre les différentes éditions.
Grâce à l’actualisation des coûts et bénéfices au moyen de ce taux d’intérêt, le rendement financier de
l’investissement et la valeur des différentes composantes sont comparables dans le temps et entre les pays.
L’utilisation de la même unité d’analyse offre – autre avantage – la possibilité d’ajouter ou de retirer des
composantes entre des niveaux d’enseignement ou entre le secteur privé et le secteur public pour mieux
comprendre les interactions entre les différents facteurs.
La valeur actuelle nette est calculée selon la même méthode que le taux de rendement interne. La principale
différence entre les deux concepts tient à la manière de fixer le taux d’intérêt. Le taux de rendement interne se
calcule sur la base du taux d’intérêt correspondant au point d’équivalence entre le coût de l’investissement et
l’avantage financier qu’il procure, soit au moment où le seuil de rentabilité est atteint.
Dans le calcul de la valeur actuelle nette privée, les coûts privés de l’investissement comprennent le manque à
gagner après impôts, ajusté de la probabilité de trouver un emploi (dérivée du taux de chômage), et les coûts
directs de l’éducation. Ces deux flux financiers sont étalés sur la durée des études. Côté bénéfices, les différentiels
salariaux entre les niveaux de formation (inférieur au deuxième cycle de l’enseignement secondaire, équivalent
au deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou à l’enseignement post-secondaire non tertiaire et, enfin,
équivalent à l’enseignement tertiaire) sont calculés sur la base des profils de rémunération par âge.
Ces différences de rémunération brute sont corrigées en fonction des différences d’impôt sur le revenu, de
cotisations sociales et de transferts sociaux (allocations d’aide au logement et aides sociales sous condition
de ressources) pour obtenir des différences de rémunération nette. Les flux financiers sont ensuite corrigés
en fonction de la probabilité de trouver un emploi (dérivée du taux de chômage). Ces calculs sont effectués
séparément pour les individus de sexe masculin et féminin afin d’intégrer les différences de rémunération et
de taux de chômage entre les sexes.
Dans le calcul de la valeur actuelle nette publique, les coûts publics comprennent le manque à gagner fiscal
pendant les années d’études (impôt sur le revenu et cotisations sociales) et les dépenses publiques, compte
tenu de la durée des études. Le manque à gagner fiscal est peu élevé dans certains pays, car le salaire des
jeunes adultes est modeste. Les dépenses publiques au titre de l’éducation comprennent les dépenses directes
(la rémunération des enseignants, la construction des bâtiments, l’achat de manuels scolaires, etc.) et les
transferts publics aux entités privées (les bourses et les aides publiques aux ménages au titre de l’éducation
et les transferts aux autres entités privées au titre des formations en entreprise, etc.). Sont imputées dans les
bénéfices publics l’augmentation des recettes fiscales et des cotisations sociales et la diminution des transferts
sociaux (notamment les allocations d’aide au logement et les aides sociales qui ne sont plus versées au-delà
d’un certain niveau de revenus) qui résultent de l’élévation du niveau de revenus.
Regards sur l’éducation © OCDE 2012
179
A9
chapitre A
A9
Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage
Il convient d’émettre ici quelques réserves conceptuelles concernant l’estimation du rendement financier :
• Les chiffres rapportés ici sont uniquement des valeurs comptables. Les résultats seraient assurément
différents si les estimations économétriques se basaient sur des équations salariales et non sur le cumul des
revenus du travail tout au long de la carrière, dérivé des revenus moyens.
| 30,343
|
56/tel.archives-ouvertes.fr-tel-03332142-document.txt_15
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 8,486
| 12,829
|
Entretien XX, Aspen, 2015 Entretien
XX
, Aspen, 2015
803 Entretien
avec Moeketsi Modisenyane, Director of International Health Relations and Support at the National Department of Health, South Africa, Novembre 2015 et Novembre 2016 804 Aspen possède un modèle productif (business model) fondé sur l'exportation et l'ouverture aux marchés internationaux804 : lors d'un entretien en 2015 avec XX, employé chez Aspen804, celui-ci insiste dès le début de l'entretien sur le fait qu'Aspen est une compagnie multinationale, qu'elle est présente sur 75 marchés différents (en 2015) – l'identité sud-africaine est peu mise en évidence. 801 802 533 C'est notamment son insertion dans les fora destinés aux pays émergents qui est intéressante : XX est membre du Forum des chefs d'entreprises des IBSA (India Brazil South Africa) mais aussi- et surtout-il est conseilleur au sein du BRICS Business Council. C'est loin d'être anodin : XX a été nommé par le Ministre de l'Industrie et du Commerce pour remplir cette fonction. Les participations à ces fora traduisent une véritable politisation de l'entreprise, ou du moins de ses dirigeants. Lors d'un entretien avec XX en 2015805, celuici me confie qu'il est « advisor for the Trade Minister ». Puis il enchaîne sur les relations du gouvernement avec les pays BRICS, sans plus de transition. Nous pouvons imaginer qu'il fait le lien informel entre le Ministre et ces groupes étrangers, étant donné qu'il possède plus d'expertise à propos de ces marchés. A propos de son rôle dans les relations du gouvernement avec les « BRICS », XX m'explique qu'il occupe une position délicate dans les négociations. Il dit notamment qu'il est compliqué de ne pas rentrer dans un jeu politique un peu dangereux avec les acteurs gouvernementaux des pays concernés. L'enregistrement Selon XX, les marchés les plus stratégiques sont les marchés BRICS. En effet, les niveaux de régulation sont moins exigeants et permettent un accès plus facile aux marchés pour les entreprises émergentes : « for instance, the eurozone has got very different regulatory issues, far more difficult that here. It is very easy to operate in South Africa". Il s'agit moins alors d'entrer en concurrence avec les producteurs occidentaux pour l'enregistrement de produits pharmaceutiques que d'accéder à des marchés via d'autres modes d'enregistrement et d'autres agences de régulation. La pré-qualification est un enjeu de pouvoir important pour les entreprises pharmaceutiques locales deux raisons : -au niveau national, ces procédures permettent de boycotter temporairement le processus d'enregistrement du MCC, qui comme nous l'avons vu, est engorgé par un grand nombre de demandes d'enregistrement (parfois dupliquées)808 et requiert par conséquent des délais d'enregistrement trop importants. -au niveau international, la pré-qualification peut constituer un moyen alternatif pour enregistrer des médicaments et faire émerger de nouveaux producteurs ainsi que de nouveaux traitements. MM donne l'exemple de l'Indonésie : "Indonesia has been able to handle this arena and to change issues around vaccines. Prequalification programme has a real influence on the architecture of global health809". Selon Moeketsi Modisenyane, il s'agit d'une les pays du Sud via leurs experts et leurs industriels, ce qui est loin d'être le cas pour l'instant : « by West kick out Indian and Chinese manufacturers 6.1.2. L'accaparement de nouvelles zones de pouvoir au sein du gouvernement
Certains empowered traders finissent par infiltrer le secteur étatique en endossant des charges politiques au sein de l'exécutif, parallèlement à leurs activités au sein de l'industrie. Les acteurs industriels, à cheval entre l'appareil bureaucratique et le monde industriel, participent alors directement à la mise en forme de politiques publiques. A la faveur de cette porosité croissante entre l'Etat et l'industrie, le modèle néocorporatiste semble intégrer des caractéristiques de l'Etat développemental, fondé sur des élites bureaucratiques proches du gouvernement et qui assurent la coordination économique grâce à leur pouvoir délégué dans la formulation et la mise en oeuvre de politiques de développement. Cette sous-section met en évidence le glissement vers un modèle développemental dans lequel les élites industrielles sont également des élites bureaucratiques proches du gouvernement. Cela produit des acteurs pivots qui mobilisent un discours développemental au sein du secteur industriel en intervenant dans des organisations patronales. Dans un contexte où il existe une porosité croissante entre les secteurs étatique et non étatique, il est possible de mettre en lumière la trajectoire d'un acteur, XX, à cheval entre son entreprise Aspen et des instances gouvernementales. Cette infiltration possède deux facettes : dans un premier mouvement, XX entre dans le secteur étatique en tant que décisionnaire notamment sur des questions de développement économique et dans un second mouvement il exporte son mandat développemental dans le secteur privé. 6.1.2.1. Un décisionnaire comme les autres
XX occupe plusieurs postes au sein même de l'exécutif sud-africain, tant au niveau national que local : Au Department of Health XX est le "Chairman" du Public Health Enhancement Fund. Ce dernier constitue un dispositif de financement de projets de santé privés au nom du Ministère de la Santé. Au fond, il s'agit de déléguer aux entreprises le travail stratégique de mise en oeuvre d'une politique de santé publique. Cette initiative se compose de deux entités : d'une part le Social Compact Forum- le lieux de discussion entre les entreprises et le ministère de la santéet d'autre Part le Public Health Enhancement Fund (PHEF) qui est l'instrument de financement supervisé par le Forum. XX fait partie du Conseil responsable du pilotage du Fond. Il possède donc un pouvoir financier directement hérité de l'Etat. health sector, to the collective benefit of the health of all South Africans Au Department of Trade and Industry XX est particulièrement bien intégré au Dti. -Il est Conseiller spécial auprès du Ministre depuis plusieurs années 812. Il se positionne donc au sommet de l'Etat, au sein de l'exécutif. 812 Entretien XX, Aspen 537 -Il est également membre du Conseil des Zones Economiques Spéciales (Special Economic Zones Advisory Board). Ces zones économiques établies en avril 2015 par le Ministre Rob Davies sont présentées comme des outils prioritaires de développement industriel dont dispose le gouvernement 813. Ils visent notamment à attirer les investissements étrangers et domestiques via des mesures incitatives présentées dans le tableau 78 ci-dessous. Ce point est important à retenir car il fait montre de l'engagement de XX, et plus largement de la vocation d'Aspen à intégrer le marché sud-africain à une économie globale compétitive via le développement de capacités industrielles locales. Figure 78 Incitations pour les entreprises des zones économiques spéciale. Source : Special Economic Zones Advisory board, Annual Report 2017/2018 Special Economic Zones Advisory board, Annual Report 2017/2018, the Dti http://www.thedti.gov.za/industrial_development/docs/SEZ_Annual_Report.pdf Figure 79 Incitations générales pour les entreprises. Source : Special Economic Zones Advisory board, Annual Report 2017/2018
Dans la province du Gauteng XX est directeur du Gauteng Growth and Development Agency (GGDA). Cette Agence, établie par le gouvernement du Gauteng, vise à aligner les objectifs industriels de la province et les parties prenantes industrielles sur le territoire. Parmi les objectifs de l'agence, il s'agit de : Enable economic development that is focused on creating sustainable jobs through facilitating the focused delivery of key national and provincial policies. Drive growth in provincial GDP and employment rates. Strategically position the province as a globally competitive city region. Facilitate partnerships and create linkages across the province in order to maximize service delivery outcomes. Support the development of the Key Sectors of the Economy in line with established economic and industrial policies of the province. Source: Site internet de la Gauteng Growth and Development Agency (GGDA). L'ensemble de ces objectifs implique du Directeur une connaissance large tant du secteur industriel que des objectifs des provinces et du gouvernement. Au fond, XX infiltre à la fois le secteur étatique et le secteur industriel. Dans l'écrasante majorité des cas, XX fait partie des conseils de direction des organisations. La politisation de ces positions est forte ; en témoignent leurs conditions d'accès qui s'effectue assez fréquemment sur nomination par un membre du gouvernement. Il est important de souligner qu'il n'y siège pas en tant que consultant externe et n'est pas non plus présent en tant que représentant officiel d'intérêts industriels. Il fait partie intégrante des instances décisionnelles de ces organisations. Il y a un vrai poids décisionnel dans ces institutions ; il y est directeur ou fait partie du conseil. Nous constatons donc que certains acteurs se retrouvent à cheval entre le gouvernement et l'entreprise. A cette position d'entre-deux s'ajoute la transversalité de leur présence, des institutions liées à la santé à celles liées à l'industrie. Nous voyons plus particulièrement que ces acteurs interviennent sur un grand spectre de problématiques liées à l'industrie. Néanmoins, bien plus que des experts, ils y interviennent en tant que membres d'institutions publiques eux-mêmes. Les entreprises paraétatiques ou le mandat développemental des acteurs infiltrés
Plus précisément, XX possède un pouvoir sur l'organisation du paysage industriel national. Son investissement fort dans les entreprises paraétatiques marque la congruence voire la fusion des intérêts étatiques et industriels. L'acteur industriel se fait alors porteur d'un mandat développemental notamment via son rôle clef dans la mise en oeuvre d'objectifs développementaux. Ce rôle développemental passe notamment par la co-gestion d'industries paraétatiques entre l'Etat et les empowered traders. Formule de coopération Etat-industrie en Afrique du Sud, certaines entreprises paraétatiques ont résisté au choc de la fin d'apartheid et perpétuent la tradition historique de la gestion partagée de certains secteurs stratégiques comme la 540 distribution d'électricité (Eskom), les plateformes de transports (Transnet), les télécommunications (Telkom), le transport aérien (South African Airways). Pour rappel, les entreprises paraétatiques, comme définies par le Public Finance Management Act (PFMA), recouvrent les « government business enterprises » aussi appelées les state-owned enterprises (SOEs, entreprises possédées par l'Etat). Le PFMA définit le « national government business » comme une entité qui : (a) is a juristic person under the ownership control of the national executive; (b) has been assigned financial and operational authority to carry on a business activity; (c) as its principal business, provides goods or services in accordance with ordinary business principles; and (d) is financed fully or substantially from sources other than(i) the National Revenue Fund; or (ii) by way of a tax, levy or other statutory money; Notons que le paragraphe (a) précise que le contrôle des SOEs est attribué au pouvoir exécutif national « national executive », c'est-à-dire les ministères, selon le PFMA « executive authority"- (a) in relation to a national department, means the Cabinet member who accountable to Parliament for that department». Aussi, XX, de par ses contacts au Ministère de l'Industrie, se fait parachuter directement dans ces entreprises paraétatiques. Aussi, les entreprises paraétatiques sont financièrement sous tutelle de l'Etat- et, par extension, dans leur mandat. Selon l'auditeur général d'Afrique du Sud, "these SOEs are independent entities partially or fully owned by the state to achieve the various socio-economic goals of government – they are expected to full a dual commercial 541 and developmental mandate814". Aussi, il est important de noter que l'entreprise intègre un mandat public à son activité qui est fondamentalement commerciale. Ce qui entraîne des dynamiques néopatrimoniales par moments. Voir Roger Southall, "The ANC for Sale? Money Morality & Business in South Africa", Review of African Political Economy, Vol. 35, No. 116, The Politics of Capital (Jun., 2008), pp. 281-299: "One of the solutions was that, from the moment it moved into office, the ANC viewed its control over the civil service and parastatals as the instrument for extending its control "over the commanding heights of the economy". Parastatals accounted for around 15% of GDP. Nonetheless, the national democratic revolution charged the ANC with using state power to deracialise the economy. This predisposed the ANC to regard the parastatals as "sites of transformation". The ANC's control of the state machinery became a source of tenders for its cadres. This aspect has lent itself to corruption, patronage and the monetarisation of relationships within the ANC". 816 Nous développons cela plus tard. 817 Bruits de couloir notamment confirmé par des notes en marge de certains documents de « policies » qu'A. a bien voulu me montrer. 814 542 Au-delà du secteur du médicament, l'influence de XX se diffuse largement hors de son domaine de compétences818. XX a fait partie du conseil de trois entreprises paraétatiques depuis 2004 ; Transnet, SA Express Airways et Brand SA. Cette dernière entreprise est intéressante car elle incarne bien le rôle des acteurs privés et de l'entreprise dans la promotion du marché sud-africain. Organisation
Poste Accès au poste Date Transnet Directeur non exécutif de Transnet (deuxième entreprise étatique du pays) Directeur du Conseil Membre du Conseil Nommé par le Ministre des entreprises publiques 2004-2010 Nommé par le Ministre du Dti Nommé par le Président de la République d'Afrique du Sud 2005-2009 SA
Express
Airways
Brand SA
(
entreprise établie par l'Etat) 2013
Figure 80 Rôles et postes de XX au sein d'entreprises paraétatiques sud-africaines Source: Auteur
Brand SA est fondée en 2002 dans le but de créer une image de marque de l'Afrique du Sud dans un contexte où les investisseurs se font rares : « to help create a positive and compelling brand image for South Africa819 ». Ce projet comporte alors une ambiguïté forte dans le sens où il s'agit de développer un discours marketing sur l'Afrique du Sud via un organisme public. Ainsi, l'objectif principal de Brand SA "is the marketing of South Africa through the Brand South Africa campaign820". Créer un label sud-africain entre tout à fait dans le projet d'Aspen incarné par le « Pharmaceuticals Made in South Africa » (Pharmisa), cette association industrielle promouvant la production locale. X enseigne à l'Université du Witwatersrand Site Internet de Brand SA : "At that time, the world was unsure about what to think of South Africa, with many different messages being sent out by various sources. This did very little to build the country's brand and it was evident that to attract tourism and investment there was a need to coordinate marketing initiatives to make them more effective". https://www.brandsouthafrica.com/about-us dernier accès: 23/01/2019 820 Idem 818 819 543 Pour conclure, la Figure 81 ci-dessous récapitule la variété d'organisations dans lesquelles XX intervient ou est intervenu. Nous les avons regroupées par catégories : -en orange, les organisations industrielles ; -en vert, les organisations transnationales ; -en bleu, les entreprises paraétatiques ; -en gris, les administrations publiques. Organisation
Poste South African Président local Pharmaceutical Producers (PHARMISA) IBSA Forum Banque mondiale Business Unity South Africa (BUSA) BRICS Business Council (forum transnational) Gauteng Growth and Economic Development Agency (GGDA) (2013) Transnet SA Express Airways Membre Membre du Conseil Directeur alternant du Conseil de direction
Conseiller Accès au poste Date Présent Nommé par le Ministre du Dti Conseil de direction Nommé par le Gauteng Premier Directeur non exécutif de Transnet (deuxième entreprise étatique du pays) Directeur du Conseil Nommé par le Ministre des entreprises publiques 2004-2010 Nommé par le Ministre du Dti 2005-2009
544
Brand SA (entreprise établie par l'Etat) Membre du Conseil Dti Conseiller Nommé par le Président de la République d'Afrique du Sud Nommé par le Ministre du Dti 2013
Figure 81 Les différents mandats politiques de XX (consultatifs et exécutifs) Source : Auteur
6.1.2.2. Des trajectoires similaires dans d'autres projets industriels
L'on retrouve des trajectoires similaires, fondées sur un positionnement hybride entre fonctions bureaucratiques et activités industrielles, auprès d'autres acteurs. Nous pouvons évoquer brièvement le parcours de Skhumbuzo Ngozwana qui possède des similitudes avec celui de XX. S. Ngozwana commence sa carrière en entreprise jusqu'à obtenir des postes de direction ; il devient ainsi director adjoint (deputy CEO) de l'entreprise Cipla Medpro en 2008 (jusqu'en 2011). Au-delà de sa carrière dans le secteur, S.Ngozwana acquiert un rôle de direction au sein de l'association industrielle de défense des intérêts des génériqueurs, le GBM. S.Ngozwana devient ainsi Président de l'Association et est le principal artisan de l'inclusion de GBM dans l'association internationale des génériqueurs (IGBA). Extrêmement tourné vers l'inclusion du marché sud-africain dans le continent, il est également le président fondateur de la Southern Generic Medicines Associations ainsi que secrétaire et membre fondateur de la Federation of African Pharmaceutical Manufacturers Association (FAPMA). Aussi, S. Ngozwana développe un rôle de « leader » au sein du secteur pharmaceutique, tant du point de vue organisationnel que dans sa capacité à structurer une orientation stratégique et cognitive pour l'association. En parallèle, il développe une carrière de fonctionnaire international aux Nations Unies qui confirme ce positionnement sur l'élaboration stratégique d'une architecture régionale voire continentale de développement de l'industrie pharmaceutique. Sa participation au secteur publique international est particulièrement riche puisqu'il intervient en tant qu'expert notamment à l'OMS, à l'Organisation des Nations Unies pour le Développent Industriel (ONUDI), ainsi qu'au programme commun des 545 Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA). Il travaille également pour la Pharmacopée des Etats-Unis d'Amérique (USP). En tant que consultant pour l'ONUDI, Dr Ngozwana participe notamment à la rédaction du Pharmaceutical Manufacturing Plan for Africa adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement membres de l'Union Africaine en 2012. Cette implication dans la construction de politiques publiques d'industrialisation régionale se prolonge auprès du gouvernement sud-africain. Dr Ngozwana est membre du conseil des directeurs de l'Initiative Biovac, un partenariat public-privé de manufacture vaccins. Il accède à ce poste grâce à une nomination directe du Ministre des Sciences et Technologies (Department of Science and Technology). Au même titre que XX, nous constatons que Dr Ngozwana se positionne en tant qu'acteur intermédiaire entre le secteur industriel et le secteur étatique. Plus qu'un promoteur des politiques publiques édictées par le gouvernement- comme dans un modèle néocorporatiste classique- l'on constate que cet acteur parvient à formuler un message développemental diffusé tant auprès des acteurs publics que non publics. De par son rôle pivot dans la construction d'une architecture régionale d'industrialisation pharmaceutique, Dr Ngozwana joue par exemple un rôle de facilitateur de projets industriels qu'il promeut auprès des acteurs publics (la logique dépasse donc l'encadrement des paraétatiques : il existe des entreprises privées qui bénéficient de ces orientations politiques tandis que l'Etat assoit son influence sur ces entreprises). De ces synergies émergent de nouvelles initiatives industrielles comme Kiara Healthcare dont Dr Ngozwana est Président et CEO. Cette entreprise pharmaceutique sud-africaine distribue des produits africains sur le continent : « Kiara is a Pan African healthcare provider commercializing differentiated healthcaretechnologies that meet unmet needs in Sub- Saharan Africa »821. Plus précisément Kiara Healthcare a pour vocation de créer des hubs » industriels dans les marchés nationaux africains. Si l'entreprise produit des médicaments, elle est surtout orientée vers la distribution de produits manufacturés via sa marque déposée, le Kiara Health African Healthcare Portal®. Ce dernier est un instrument de partage 546 d'expériences et d'informations pour tous les acteurs de la santé (entreprises, praticiens) sur le continent africain : « a platform to act as a central online corridor to facilitate the flow of information and trade within Healthcare on the continent »822. 547 grâce à des ressources techniques dans le monde industriel et celle d'influencer le gouvernement dans la formulation de ses objectifs développementaux. En cela, l'intégration entre l'industrie est l'Etat est bouclée. Placés à la marge de la coalition santé, l'on retrouve les acteurs comme X, issus des « empowered enterprises », dans des arènes étatiques diverses et liées aux enjeux industriels du médicament. Si cette présence atteste de facto la capacité de ces individus à constituer des liens entre le marché public et les enjeux industriels de l'approvisionnement en médicaments, elle confère également à ces mêmes individus un pouvoir indéniable. En effet, ceux-ci investissent l'Etat et peuvent parler en son nom. 548
6.2. Section 2 : Des politiques publiques déformées par les pratiques des entreprises
La seconde section montre que ces dynamiques d'infiltration des sphères de l'exécutif par des individus issus de l'industrie ne sont pas neutres : elles réorganisent les politiques publiques autour de leurs propres stratégies de développement. Plus précisément, ce pouvoir de régulation se décline de deux façons. D'une part, l'attractivité d'un empowered trader comme Aspen contribue à déformer les politiques publiques qui ne font plus que soutenir leur « champion » industriel. D'autre part, ce pouvoir d'influence peut se manifester en négatif, par la capacité de certains industriels à entraver l'action publique notamment en refusant la coopération. Les acteurs industriels découragent les initiatives de développement partagé du médicament au profit du maintien d'une perspective commerciale du médicament. 6.2.1. La force centripète
d
'Aspen Aspen se place
progressiv
ement au
centre
du
secteur
du
médicament
:
la
réussite
de
son
«
business model
»
sud
-
africa
in,
fond
é sur des
capacités industrielles locales et la promotion
d'
un
«
Made in South Africa
», exercent un effet d'attraction fort sur les acteurs étatiques
(
Lascoumes
,
Lor
rain
2007
). Le «
modèle Aspen
» attire et l'
entreprise
« grossit si vite, son
modèle industriel
a une telle
influence
que beaucoup vont se trouver
at
tirer » (L
asco
umes, Lorrain 2007 :6). Nous expliquons cette force d'attraction par la capacité qu'a Aspen de diffuser ses pratiques jusque dans les discours étatiques. Voilà donc ce que nous appelons la force centripète des empowered traders : ces acteurs organisent l'ensemble du secteur étatique autour de leurs intérêts, quitte à déformer les pratiques des uns et des autres. Aspen est non seulement érigé en « exemple » par le gouvernement (a) mais il devient également l'artisan principal du discours national sur l'industrie en encourageant les « partenariats » du gouvernement et de l'industrie (b). Les acteurs étatiques s'en 549 remettent en effet à l'entreprise pour promouvoir les objectifs d'industrialisation nationale. 6.2.1.1. Aspen ou la vitrine sud-africaine
Un « business model » « sponsorisé » par le gouvernement Aspen Pharmacare se positionne comme un contributeur significatif à l'industrialisation du territoire sud-africain dans le secteur pharmaceutique. Il est alors érigé en vrai exemple par le Dti pour les autres investisseurs sud-africains. En effet, l'enjeu de l'exemplarité d'Aspen est grande : il s'agit pour le Dti de prouver la faisabilité de ses objectifs industriels. Aussi, les activités d'Aspen Pharmacare constituent une vitrine importante pour l'industrie pharmaceutique sud-africaine ; dans cette perspective, les hauts fonctionnaires du Dti voire le Ministre n'hésitent pas à multiplier les visites aux sites de production sud-africains d'Aspen. En avril 2016, le Vice-Président (aujourd'hui Président) Cyril Ramaphosa visite en personne le site de Port Elizabeth. Il s'agit d'une véritable campagne de propagande pour le « Made in South Africa » ; est également présente la Directrice de Proudly SA (Leslie Sidibe), une campagne née en 2001 du Presidential Job Summit (1998)825. Celle-ci déclare alors que « Aspen's investment in local manufacture and its state of the art facility is a clear demonstration of SA's global competitiveness in support of DTI's call to strengthen SA's industrialization programme through the support for local products 826". Aspen Proudly South African seeks to strongly influence procurement in public and private sectors, to increase local production, influence consumers to buy local and stimulate job creation. This is in line with government's plans to revive South Africa's economy so that millions of jobs can be created and unemployment can be decreased under the New Growth Path Plan. Proudly South African fits handin-glove with the broader national developmental agenda and the Local Procurement Accord signed in October 2011. The aim of the Proudly South African Campaign is to educate consumers to buy goods when doing their shopping and to get businesses to procure locally in so doing they will be injecting money back into the country and the economy. Proudly South African Campaign urges businesses to be members of the campaign and this is done to promote local goods and services and to make it easily identifiable to the consumers. The 12I Tax Incentive is designed to support Greenfield investments (i.e. new industrial projects that utilise only new and unused manufacturing assets), as well as Brownfield investments (i.e. expansions or upgrades of existing industrial projects). The both capital investment and
Figure 82 Inauguration du site Aspen par Rob Davies, Ministre du commerce et de l'industrie, Stephen Saad, le directeur exécutif du groupe Aspen ainsi que Branson Bosman, responsable des compétences techniques le 14 mai 2018 à Port Elizabeth. Source: 16 mai 2018, « New R1 billion Aspen facility set to create 240 jobs », News 24 https://www.news24.com/SouthAfrica/Local/PE-Express/new-r1-billion-aspen-facility-set-to-create-240-jobs20180514
La Figure 82 est une photo de Rob Davies, ministre du Dti, en compagnie de Stephen Saad, CEO d'Aspen et d'un responsable des infrastructures d'Aspen. Les deux premiers portent une écharpe aux couleurs du drapeau sud-africain, ce qui symboliquement les investit d'une mission semblable. De plus, c'est Rob Davies qui coupe le ruban d'inauguration, renforçant encore l'idée de communauté des intérêts entre l'entreprise et le ministère. A propos de la visite de M. Ramaphosa à Port Elizabeth en 2016, Aspen Holding News explique qu'il s'agit d'une opportunité de "discuss Aspen's economic growth and export contributions to South Africa, and to demonstrate its globally recognised specialized manufacturing technologies830". Aspen définit son rapport au marché sudafricain en termes de "contribution" (n'oublions pas que le marché sud-africain reste important pour l'entreprise au projet gouvernemental d'industrialisation : "Aspen has (April 14, 2016), "Aspen demonstrates economic growth and specialized technologies contributions to deputy president cyril ramaphosa" Aspen Holdings 830 552 ambitious global plans in selected niche, specialist therapeutic areas. These plans are consistent with and aligned to Government's industrialisation plans831". Ces stratégies alignées aux objectifs gouvernementaux se déclinent ainsi: "We remain committed to an ongoing contribution to diversify South Africa's economy, unlock local investments, further establish economic linkages with SME's, provide job and export opportunities and contribute to the overall challenge of tackling the stubborn inclusive growth challenge we face. Aspen is proof that technology-driven companies will continue to significantly contribute to South Africa's economic growth 832". Aspen incarnerait donc le modèle d'industrialisation sud-africain, combinant une production locale et une offre adaptée à la solvabilité des consommateurs sudafricains. Aspen, totem des objectifs industriels nationaux "Sponsorisé" par le Department of Trade of Industry, Aspen joue le rôle d'un véritable totem des objectifs d'industrialisation nationale : il incarne la réussite sudafricaine tout en devenant le protecteur, le porte-parole des efforts industriels nationaux. Aspen s'aligne en effet au principal objectif de la coalition industrielle, qui est de mettre en place une knowledge-based economy833 en Afrique du Sud via la progressive autonomisation des capacités industrielles locales : Développement graduel de capacités industrielles et technologiques Aspen possède un portefeuille thérapeutique assez large, avec une gamme de 45 produits (Integrated Report, 2017). La stratégie de développement de ce portefeuille
Stav
ros Nicolaou,
(
April 14, 2016), "Aspen
demonstrates economic growth and
specializ
ed
technologies
contributions to "
en Holdings
833
E
ntretien
Mo
eketsi
Modi
senya
ne
,
Director
:
International Health
Relations
and Support at
the
National Department of Health, South Africa
,
Novembre 2015,
Pretoria
831 553
repose sur la consolidation des aires
thérapeutiques
d'ores et déjà existantes (se reporter
à
l
'Integrated Report
) en se positionnant sur les produits de niche
: « strengthening our position as
a world-class manufacturer
of
complex
and
niche pharmaceutical API
s and FDF
products834
» (p.32)
. La sophistication du portefeuille d'Aspen a
un impact
sur les capacités industrielles développées sur le territoire ; l'entreprise possède ainsi le seul site de production de substances actives pharmaceutiques sur le territoire. L'ouverture du High Containment Suite en 2018 permet également le rapatriement de la production d'ampoules de Fraxiparine du site de Notre Dame de Bondeville, en France, à celui de Port Elizabeth, ce qui permet de transférer des « technical skills and manufacturing capability to South Africa 835» (p.32). La spécificité du portefeuille d'Aspen permet ainsi de développer des capacités industrielles riches et sophistiquées qui permettent de se passer de la dépendance aux producteurs de substances actives pharmaceutiques. La Figure suivante met en évidence la variété de la production ainsi que les capacités en termes de volumes d'Aspen sur le territoire sud-africain. Rétablissement de la balance commerciale Aspen constitue l'un des seuls réels contributeurs au rétablissement de la balance commerciale dans le secteur pharmaceutique, sachant que ce dernier comme nous vons long contribue de ière marginal aux ations nationales (à hauteur 0,48% IB. Source : DTI). Rob Davies, ministre du Department of Trade and Industry, rappelle ainsi la déconnexion entre une forte demande et une production locale lacunaire: "I think we can see that there are huge challenges in that we have a huge trade deficit of around R20 billion rand. This means we import R20 billion Rands of pharmaceutical products than we export838". Dans ce contexte, le nouveau site de production d'Aspen- le High Containment Suite- constitue une véritable exception. Néanmoins, SN. explique que le soutien du Dti n'est pas pour autant décisif dans la stratégie de développement industriel de l'entreprise sur le territoire national : il explique qu'en réalité l'entreprise ne reçoit que très peu d'incitations financières en comparaison à d'autres pays (il cite notamment la France qui fournit selon SN plus de soutien aux activités de Recherche et Développement (R&D). Dans un contexte où les aides gouvernementales ne sont apparemment pas pléthoriques, Aspen se décrit alors comme un investisseur non seulement économique mais également sociétal pour l'Afrique du Sud. Aspen développe ainsi une industrie porteuse de croissance nationale ; cette perspective semble entérinée par un souci constant de formuler des responsabilités rapport à un ensemble de parties prenantes et d'intérêts différents. Aspen se crée une responsabilité extrêmement large dans le paysage socioéconomique sud-africain ; il se définit alors un mandat assez large qui consiste à créer un environnement propice aux investissements dans le marché domestique. Le rapport 2017 (Integrated Report 2017) liste l'ensemble des parties prenantes avec lesquelles l'entreprise doit interagir directement dans le cadre de ses activités (par exemple ses employés) ou indirectement (par exemple les syndicats). Cette démarche de présentation des stratégies de l'entreprise est intéressante car elle révèle une posture Discours prononcé lors du lancement de Aspen High Containment Facility, Port Elizabeth 7 mai 2018 spécifique de l'entreprise par rapport à son environnement. Figure 84 Les interlocuteurs de l'entreprise Aspen : une perspective globale du secteur pharmaceutique. Source : Page du site web d'Aspen
6.2.1.2. Encourager un modèle de coproduction des décisions avec l'industrie : le rôle des organisations industrielles Aspen est plus qu'un exemple à suivre, il est l'artisan d'un discours sur les modalités de développement de politiques industrielles839. Nous voyons ici qu'il occupe une place grandissante dans la fabrication des politiques publiques et promeut des partenariats entre les membres de l'industrie et le secteur étatique. 839 D'où les deux facettes de la notion d'exemplum. Cette position intermédiaire tenue par les empowered traders s'incarne par la prolifération des partenariats entre le secteur étatique et ces acteurs industriels. Ces partenariats sont facilement visibles car ils sont institutionnalisés, formalisés et s'inscrivent dans la vogue des partenariats publics privés (PPP) et plus largement des collaborations entre les gouvernements et l'industrie840. Ce rapprochement dépasse le cadre strict des relations développées dans le marché public et trahit le positionnement stratégique des empowered traders, aux marges de la coalition santé : un employé d'Aspen Pharmacare évoque l'"impetus to jointly finding homegrown solutions to the challenges that face South Africa's economic and healthcare system. This collaboration also dispels some myths that Government and the private sector are at odds with one another841". Les initiatives de Business Unity South Africa, association industrielle présidée par XX, constituent un exemple frappant de la détermination de l'industrie de développer des partenariats avec le gouvernement. Ces collaborations, nous le verrons, ont pour corollaire l'intégration poussée des intérêts industriels des empowered traders au sein de la coalition santé. Business Unity South Africa est créée en 2003 et constitue l'organe de représentation du « business » en Afrique du Sud et comprend des membres variés (Corporate representative organisations, Chambers of commerce & industry, Professional organisations). Son mandat consiste à jouer "a constructive role in the country's economic growth, development and transformation to create an environment in which businesses of all sizes and in all sectors can thrive, expand and be competitive842". C'est donc un double mandat que possède l'association : d'une part, il s'agit d'une mission d'intérêt public puisqu'il s'agit de consolider l'économie nationale et d'autre part il s'agit Ils incarnent le rapprochement entre la coalition dominante les empowered traders, loin des conflits largement médiatisés entre les gouvernements et certaines entreprises multinationales et les gouvernements émergents. Voir notamment le chapitre 3. 841 SN, Aspen Senior Executive, Strategic Trade, avril 2016 dans le même temps de créer un environnement favorable aux industries présentes sur le territoire. Ce double registre témoigne du rôle que s'arroge l'industrie dans le secteur. Un compte rendu de réunion de 2013 entre le cabinet sud-africain et BUSA témoigne de la teneur des collaborations envisagées par les industriels843. L'ordre du jour de la réunion est le suivant : « stronger partnership between business and government ». Le Président Zuma ouvre la session en exprimant une certaine prudence : « President Zuma explained that the meeting is not one to take final resolutions and make binding commitments but one to exchange ideas on how best we can achieve the national objectives stated above844». Il s'agit pour le president d'alors d'insister sur le rôle que doit jouer l'industrie dans le développement économique national, au-delà de la poursuite de son propre profit : "He confirmed that his expectation was for the meeting to start giving some insights to what business can do to participate in growing the economy thereby creating the much needed jobs and inclusive economy845". Le National Development Plan (NDP) constitue en cela moins une politique publique formulée pour le développement industriel qu'une « platform for government and business to join forces to address the challenges that face the country and deal decisively with constraints to investment846». L'expression "join forces" est capitale car elle témoigne du rôle actif de l'industrie attendu par l'Etat. Une telle institutionnalisation du partenariat semble plutôt inédite dans l'histoire du néocorporatisme sudafricain. Elle témoigne à la fois de la rénovation des partenariats entre 843Business participation in the jobs summit media round
table briefing document, 3 Octobre 2018,
(PRESIDENT: Sipho M Pityana VICE PRESIDENT: Martin Kingston CEO: Tanya Cohen NEDLAC CONVENOR: Kaizer Moyane DIRECTORS: Busi Mavuso, Cas Coovadia, Christopher Campbell, Deidre Penfold, Gwarega Mangozhe, Joe Mwase, Maria Ramos, Roger Baxter, Stavros Nicolaou, Vusi Khumalo) http://busa.org.za/wp-content/uploads/2018/10/Media-RoundtableBriefing-Document-2018-1.pdf
844 MEETING BETWEEN SA CABINET AND BUSINESS ON 03 BRUARY 2013, .co.za/uploads/documents/library/general -meeting-gov-andbusiness-3-feb .pdf 845 MEETING BETWEEN SA CABI
l'industrie et l'Etat tout en révélant également l'importance d'entériner par de nouveaux procédés les transactions décennales entre les deux parties. Ce phénomène correspond à un mécanisme de dépendance au sentier (path dependance) qui souligne « le poids des choix effectués dans le passé et celui des institutions politiques sur les décisions présentes » (Palier 2010 :1). En effet, l'approfondissement des relations entre l'Etat et l'industeie débouche sur la porosité entre les deux parties et la quasi mise en commun des ressources financières, stratégiques, symboliques. Ainsi, l'impératif du maintien des relations entre les deux parties constitue une condition sine qua non à la mise en oeuvre de politiques publiques. Ces partenariats historiques contraignent donc l'action publique et constituent une priorité ; c'est ce phénomène que Bruno Palier décrit en évoquant les contraintes engendrées par le phénomène de dépendance au sentier : « il s'agit de mécanismes qui rendent un choix historique de plus en plus contraignant à mesure qu'il s'inscrit dans la durée, du fait de nombreux mécanismes de rendements croissants » (Palier 2010 :1). Elle s'inscrit dans un contexte de délégation accrue des activités publiques jusqu'à faire des partenaires industriels de véritables coproducteurs de politiques publiques847. En témoigne une intervention de M.Mabuza, directeur de BUSA : « One of the key objectives of the NDP is to create a capable state. To achieve this, it is important for business to understand how government operates, in the same manner that government needs to understand how business operates. For any identified gaps towards achieving a capable state, business stands ready to assist848". Cette intervention est importante car elle témoigne du rôle de l'industrie dans la construction d'un Etat « capable ». « Les modalités d'échange et de coopération entre les sphères publique et privée ne se réduisent pas à l'achat classique. A ses côtés se développe la délégation de missions plus larges et évolutives, où les responsabilités des uns et des autres circulent et s'entrecroisent. Ces phénomènes altèrent profondément les fonctions et de la nature de l'État. Désormais, il n'achète plus seulement des équipements ou des services (procurement) à des acteurs privés, il peut en déléguer ou en coproduire la conception ». (Lascoumes, Lorrain 2007 :4). Cette perception du partenariat dépasse les partenariats public-privés promus par les organisations internationales depuis une décennie. Un membre du gouvernement ajoute d'ailleurs l'importance du consensus entre les parties prenantes de l'action publique : "experience has proved that when social partners unite around specific objectives and outcomes, with their energy and efforts focused around the achievement of a common objective, success tends to be achieved". Cette recherche d'accords minimaux entre les différentes parties est caractérique du néocorporatisme, en témoigne l'exemple mobilisé par le fonctionnaire: "An example of this is how the country managed to quell the serial mining strikes after the key social partners met in October and worked out a plan to deal with the challenges presented by the strikes". Dans cette configuration, les partenaires industriels s'insèrent dans une temporalité et dans un mandat bien plus vaste que celui du « procurement »: « Business is encouraged by the level of engagement and the improved alignment within the government to address serious challenges facing the economy. This by no means implies that the work is done – it is just starting, and we are fully conscious of the long-term structural work that needs to be done to develop a diverse, globally competitive and job-rich economy". L'immixtion des entreprises dans la fabrique de l'action publique semble plus que jamais d'actualité malgré la fin de l'apartheid. Les modalités de coopération n'étant plus encadrées et institutionnalisées comme dans le cas des paraétatiques mais émergeant sous la forme de délégations implicites, les frontières entre acteurs publics et non publics (et notamment industriels) se brouillent et encouragent l'intervention des acteurs industriels directement dans les institutions publiques. Ceci témoigne de la persistance de relations néocorporatistes caractéristiques : « As the saying goes, the more we change, the more we stay the same849". Aussi, les empowered traders demandent à investir cette fois-ci directement de l'intérieur des institutions étatiques par Entretien SN, Représentant de Pharmisa, 11 août 2012 : https://pharmaboardroom.com/interview/interview-with-stavros-nicolaou-chairman-pharmisasouth-africa/ 849 562 excellence. Sous couvert de compétences et d'expertise, il s'agit de prendre en charge des institutions de contrôle du marché comme le Medicines Control Council850. Dans le même temps, les organisations de la société civile sont en partie neutralisées par les acteurs industriels. Fréquemment opposés au cours de procès ou de campagnes de communication (voir le chapitre 3 à ce sujet), les acteurs industriels et ceux de la société civile restent peu en contact. Seule une petite range des acteurs de la société civile sont perçus comme « amis » par les entrepreneurs. Un entretien avec JS, employé de Sanofi, le révèle851 : celuici explique, après une question portant sur leurs rapports avec les organisations de la société civile, que leurs relations avec ces dernières sont très ténues (la réponse s'accompagne de rires entendus avec son collègue). Il se reprend néanmoins et précise qu'ils sont proches des spécialistes de santé de MSF. C'est la branche politisée – notamment les acteurs responsables de la communication et du plaidoyer (advocacy) avec laquelle les rapports sont plus houleux ; cette dernière est progressivement marginalisée par les entreprises. 6.2.2. La capacité d'entraver
Cette dernière sous-section vise à mettre en lumière la face cachée du pouvoir des empowered traders : leur capacité d'entraver les actions de la puissance publique en empêchant soit activement, soit passivement, en « laissant faire ». Plus précisément, l'accroissement de l'indépendance des empowered traders comme Aspen dans la direction du secteur du médicament, l'autonomisation de leur logique d'action -autour de leur insertion dans le capitalisme global- finit par embarrasser les acteurs publics dans le déploiement de projets de santé, notamment ceux qui concurrencent ou du moins remettent en question l'autonomie des empowered traders. Il s'agit d'un véritable paradoxe où la délégation croissante de missions à l'industrie génère de l'ingouvernabilité. Ce phénomène d'empêchement rejoint le travail de Bachrach and Baratz sur les deux faces du pouvoir: "Of course power is exercised when A participates in the making of decisions that affect B. But power is also exercised when A devotes his energies to creating or reinforcing social and political values and institutional practices that limit the scope of the political process to public consideration of only those issues which are comparatively innocuous to A. To the extent that A succeeds in doing this, B is prevented, for all practical purposes, from bringing to the fore any issues that might in their resolution be seriously detrimental to A's set of preferences?" (Bachrach and Baratz 1962:948).
Council, une plateforme responsable de la rédaction d'un National Plan pour fournir des orientation dans la stratégi le Nous tentons ici de mettre en évidence via deux exempl
es
la capacit
é des
acteurs industriels à empêcher
le développement de projets de développement pharmaceutique via leur non-coopération. Plus précisément, nous constatons que les acteurs industriels mobilisent des arguments de faisabilité financière pour entraver des projets gouvernementaux. Les deux projets présentés ici sont tous les deux des partenariats publics privés avec des formules différentes : -le premier projet est le CAPRISA 004 Tenofovir Gel Trial ; nous présenterons la tentative infructueuse de mettre en place un partenariat public-privé pour le développement d'un gel antirétroviral préventif (sous-section 1). L'histoire du projet CAPRISA est analysée ici à partir de deux entretiens, celui de G., executive director de CONRAD aujourd'hui à la retraite, ainsi que celui de Carl Montague, chief opeations officer de CAPRISA; -le second projet, Ketlaphela, vise à mettre en place une entreprise paraétatique de fabrication de substances actives utilisés pour la formulation de traitements antirétroviraux (sous-section 2). Au bout du compte, nous constatons que les acteurs industriels découragent les initiatives de développement partagé du médicament au profit du maintien d'une perspective commerciale du médicament.
6.2.2.1. L'histoire de CAPRISA
L'histoire de CAPRISA marque l'opposition passive de certaines entreprises à des projets collaboratifs orientés autour de compromis sur les conditions de commercialisation des médicaments. Présentation de CAPRISA 004 : développer une recherche publique CAPRISA (centre du programme de recherche sur le sida en Afrique du Sud) est 565 fondé à Durban en 2002 grâce aux financements de cinq entités de recherche : l'Université du Kwazulu-Natal, l'université de Cape Town, le National Institute of Communicable Diseases, and Columbia University (New York). La dimension collaborative de CAPRISA est ainsi présente dans l'ADN même de l'organisation. Lorsque les chercheurs de CAPRISA, dont Salim Abdool Karim, commencent à s'intéresser au Tenofovir pour formuler un gel antirétroviral préventif, ils contactent une organisation publique aux Etats-Unis, CONRAD. CONRAD est un centre de recherche en santé intégré à la Eastern Virginia Medical School : « CAPRISA started showing interest in the Tenofovir gel and Salim Karim managed to get some money from an organization called CONRAD 854». Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, août 2015, (USA, téléphone). 854 566
Salim Abdool Karim
Docteur Salim Abdool Karim est un épidémiologue spécialisé dans les maladies infectieuses. Il est reconnu mondialement pour ses recherches sur le prévention du VIH/SIDA ainsi que son traitement. Il poursuit une carrière académique tant aux Etats-Unis, en tant que Professeur de santé globale au département d'épidémiologie à l'université de Columbia. En Afrique du Sud, il dirige le Centre for the AIDS Program of Research in South Africa (CAPRISA), Pro-Vice Chancellor à l'Université de KwaZulu-Natal de Durban. Il est également Professeur de Médecine à Cornell University. Sa contribution la plus notable est celle touchant aux microbicides dans le domaine de la prévention du VIH/SIDA, avec le point culminant de l'essai clinique CAPRISA 004 sur le tenofovir en gel. CAPRISA 004 a fourni la preuve selon laquelle les médicaments antirétroviraux peuvent empêcher la transmission par voie sexuelle de l'infection au VOH et le virus de l'herpès simplex de type 2 chez les femmes. Largement présent dans les organisations internationales de santé publique (ONUSIDA, OMS, l'Académie Africaine des Sciences), il est le lauréat du Prix Al-Sumait 2018 pour la santé. Figure 85 Dr Salim Abdool Karim. Source: Columbia University
CONRAD agit alors comme une instance médiatrice entre CAPRISA et le détenteur du brevet du Tenofovir (avec l'international programme for microbicides), l'entreprise Gilead Sciences (USA) : « Karim Karim Abdool Salim had an agreement with Gilead : they would provide sufficient amount of drugs to CONRAD to make gel for the study855 ». Ainsi, CONRAD est alors en charge de produire le gel pour CAPRISA à partir du Tenofovir dont il possède la licence octroyée par Gilead : Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone). 855 567 2. Gilead cède une licence 3. CONRAD produit le gel 1.CAPRISA lance une recherche sur le tenofovir gel 4. CAPRISA lance ses essais cliniques
Figure 86: Les parties prenantes du projet sur le Tenofovir Gel. Source : Auteur CAPRISA
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Autre parties : De plus, l'étude CAPRISA est notamment financée par l'US international agency for development856 : en cas de réussite, il est décidé que les licences seraient sans royalties en Afrique du Sud : « they asked for royalty free licence in South Africa ». Pour cette étude participative, la question de l'accès à l'innovation est en fait centrale : "So the idea was if you gonna use public money, for developing this product which multinational companies are not interested in doing, then we need to make sure that Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone). 856 568 if there is a successful product that has been made available to people who were funding the development857", affirme Carl Montague lorsqu'il évoque les motivations fondamentales du projet CAPRISA 004. Au fond, dès les essais cliniques effectués par CAPRISA, les acteurs réfléchissent déjà à modèle de propriété partagée entre différentes organisations publiques et des entreprises (fournisseurs de licences- producteurs). D'ailleurs, « that was at that time that the 2008 Act was developed; we used some of the project information to develop the act858". Le 2008 Act que cite Carl Montague est en fait l'Intellectual Property Rights from Publicly Financed Research and Development Act 2008 (Act No.51 of 2008). Cette loi régule la propriété et l'exploitation des droits de propriété intellectuelle émanant de la R&D financée par le secteur public et renforce notamment les droits de l'Etat sur les innovations issues des universités sud-africaines. Toutefois, il existe une rupture entre d'un côté cette innovation académique et de l'autre les entreprises implantées en Afrique du Sud. Si aux Etats-Unis par exemple, « Big Pharma collaborates with academia () because the scientists trained in those academic centres are working on similar research projects859", en Afrique du Sud, nous l'avons vu, les entreprises de R&D n'investissent que dans les essais cliniques, le marketing et les ventes: "the staff in these countries don't come from a research background860". Au fond, l'activité industrielle sur le territoire n'est pas connectée aux activités de R&D entreprises dans le secteur public: "The bottom line as I see it is that all of the pharmaceutical companies are mostly interested in manufacturing, have their license from elsewhere and selling them861". D'ailleurs, un directeur d'association industrielle interrogé ne connaît même pas lors de l'entretien en 2015 l'existence du Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone).
858 Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone). 859 Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone). 860 Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone). 861 Entretien avec Henry Gabelnick, ex-Directeur Exécutif de CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone). 857 569 « 2008 Act
862». CAPRISA 004 aboutit en 2010 à des résultats encourageants : « tenofovir gel, applied before and after sex, reduced HIV incidence by 39% (95% confidence interval 6 to 60), providing proof-of-concept that an antiretroviral agent can prevent sexual transmission of HIV in women863". Un éventail d'obstacles au : le retour à la réalité CAPRISA 004 est alors l'objet d'un enthousiasme général : une entreprise se place pour la commercialisation de l'éventuel produit "Cipla was recruited as a partner in case of eventual commercialization of the product and it was Cipla South Africa ». Au sein de l'entreprise, "there was a person there named who was vice president and he was very interested in this project and wanted to move it forward 864". Aussi, les acteurs publics officialisent la réussite des essais cliniques et en parallèle des investissements affluent pour le développement du produit : I see it [CAPRISA] as a partnership. And in fact when things were looking good, there was actually a meeting and then there was a press conference with the US ambassador and the South African Department of Science and Technology (DST). We were talking about the partnership and for clinical research certainly South Africans were in charge so to speak. But as I say for the part of development there's not a lot of interest. I will say this: when things were looking good for the Tenofovir gel there was a fair amount of money invested in planning to build a plant and other aspects of getting it to market.865" Cette citation est importante car elle met en évidence l'ambiguïté des partenariats: d'un côté, il existe un véritable engouement pour les résultats de la recherche, spectaculaire, mais la question du développement du produit pour permettre son Entretien VF, GBM-NAPM, 21 mai 2015, Centurion internet de CAPRISA, https://www.caprisa.org
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Entretien
avec
Henry
Gabelnick
,
ex-Directeur Exécutif
de
CONRAD, 23 septembre 2015, (USA, téléphone).
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ntretien
avec Henry Gabelnick, ex-Direct
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2015, (
USA
, téléphone). 862
marché semble consid gouvernement
». A la suite de CAPRISA 004, un essai clinique plus large est mis en place ; FACTS 001, dirigé par Helen Rees. Néanmoins, celui-ci donne pas les escomptés en termes d'adhérence aux traitements867 : "When CAPRISA finished", FACTS 001 lead investigator Helen Rees told Aidsmap, "We were faced with a decision. Should we proceed straight to apply for a licence for the gel? This, we felt, was unlikely to succeed868". La commercialisation du produit est donc compromise : "it became obvious that there isn t a great deal of interest in investing in innovative research and in developing new drugs in South Africa". Selon Dr Gabelnick, les recherches ne sont pas conduites avec la perspective de commercialisation du produit, ce qui nuit à l'efficacité des projets : « There are lots of very good clinical investigators in South Africa and CAPRISA does a lot of work, really good clinical research but they just do not have the pharmaceutical development, they don't have the aspect of it and I don't see really strong one elsewhere869".
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3. la conception d'un ensemble d'interfaces permettant les navigations entre ces différents territoires, à partir de leurs emboîtements / associations, les navigations dans cette vaste strate anthropologique ou
à partir d'elle. Chaque « document », chaque noeud, chaque lien constituant d'un certain point de vue, une dimension, un actant de ce territoire. Nous nous trouvons face à des réseaux de type fractal. Cette fractalité traverse les processus de circulation des informations, les processus de co-construction des savoirs et des connaissances. Elle joue un rôle important dans les pratiques au travail et elle génère de nouvelles formes d'organisation et de conflictualité socioéconomique. Au sens large, elle implique de nouveaux modes d'orientation. La mondialisation galopante suscite un retour au local parce que, entre autres motifs, les phénomènes déclenchés au loin, créent un besoin de « raccourcissement » de la distance entre les sujets ; s'investir et parler de son terroir est porteur de sens et peut, peut-être, rassurer quant aux menaces que ce lointain pourrait détenir. Les contrats de pays définis en France, par l'avènement de la loi dite Voynet sur l'aménagement du territoire, prennent en compte de façon soulignée, le développement de la communication et de la nouvelle économie ; la notion de pacte territorial devient incontournable d'une réflexion sur le système communicant local (Herbaux, 2006, p.237). Les acteurs du local, à l'instar de l'entreprise, ont besoin de visibilité pour anticiper et agir et il apparaît que les apports du traitement de l'information aux axes stratégiques, deviennent l'un des chantiers permanents du projet territorial. La mise en oeuvre d'un processus de sélection de l'information nécessaire aux donneurs d'ordre, s'appuie sur le développement des TIC. On peut considérer l'inadéquation d'une démarche de diffusion des TIC au sein du territorial va à l'encontre de son développement endogène (Op. Cit.). La mutualisation et le traitement des signaux et informations s'appuient sur une démarche d'échanges complexes dont la transmission électronique est l'un des volets. Les TIC sont un des outils de l'intelligence territoriale et l'un des instruments de sa pratique (Op. Cit., p.238).
1. Typologie des territoires du web
Dans son ouvrage paru en 2009 et intitulé « De la démocratie numérique », Nicolas Vanbremeersch élabore une typologie des espaces numériques présents sur le web. Figure 20. Les différents territoires du Web (adapté de Vanbremeersch, 2009, cité par Déprez, 2014, p.150)
2. La désinformation
L'entrée dans une société mondialisée de connaissance nécessite une bonne préparation des acteurs locaux aux défis territoriaux et un dépassement des effets de la propagande et de la « désinformation » (Haddad, 2008, p.99). Sur internet, certains acteurs écrivent des trucs faux soit pour faire la pub, soit pour faire de la désinformation, dans ce cas la connaissance devient fausse, altérée ou absente. Ces acteurs arrangent la réalité pour défendre ou manipuler leurs opinions. Nous avons introduit cette partie de la désinformation dans le but de montrer qu'il faut savoir choisir l'information de masse (domaine des médias qui vise le grand public), l'analyser pour connaitre sa source puisque l'information est considérée comme un processus de la connaissance pour suivre Haddad (2008, p.218) : « L'information est une source d'ambiguïté qui touche les différentes facettes de la société. Souvent, elle fait référence à l'ignorance et à l'incertitude (Buckland, 1991, p.3). Trouver une définition rigoureuse surtout quand "il faut interroger à nouveau l'expression de société de l'information" (Miège, 2004, p.56) à l'ère des réseaux, n'est pas chose facile. "Trop d'information tue peut-être l'information" (Bougnoux, 1993, p.11) ». La désinformation présente la capacité intellectuelle de faire admettre à autrui des choses que contredit parfois l'évidence, plus les moyens techniques de rendre ces illusions contagieuses, plus une stratégie utilisant des signes et des simulacres en guise d'armes. L'information qui a la propriété d'organiser et de désorganiser, de se cumuler ou de se thésauriser mais aussi de se contredire de se falsifier, de déterminer l'attaque, l'enjeu et la cible à la fois, participe forcément de nos affrontements, surtout symboliques. La désinformation s'apparente enfin à la persuasion, donc à la famille de la rhétorique, de la propagande, de l'influence, du « faire-croire que » et du « faire-croire 196 en »59. Les TIC offrent aujourd'hui des possibilités démultipliées de produire, transmettre, filtrer et analyser des flux de données, conduisant à une véritable hypertrophie informationnelle. On assiste à une virtualisation du réel qui se présente de plus en plus sous une forme numérisée, digitalisée, réductible à des séquences binaires 0/1. 197 pragmatisme, la cohérence, le raisonnable, la création et le caractère instrumental (Weick, 1995) » (Darantiere, 2009, p.8). « La désinformation est un processus d'imposition du sens qui peut s'ordonner rationnellement grâce aux ressources d'internet et des technologies de l'information en épousant le mécanisme social de construction du sens » (Darantiere, 2009, p.9). L'enjeu de la désinformation est d'opérer un glissement méthodologique : de la diffusion de masse d'une information manipulée par adjonction, suppression, invention ou commentaire, il s'agit d'aboutir au conditionnement d'une interprétation en agissant sur la construction des représentations sociales et sur l'adoption sélective de « disconnaissances » mémorisées (Op. Cit.).
3. Métadonnées et le Web sémantique
Le déploiement des écritures et des réseaux numériques entraîne une transformation des mémoires, des dispositifs de publication, des niches écologiques qui sont conditions de notre vie, de nos modes d'existence et ce, dans leurs dimensions publiques et privées (Noyer, Carmes, 2011, p.1 ; 2013, p.4). Ce déploiement est planétaire et il affecte, bien que de manière très différenciée et inégale en termes d'actualisation, nos anthropologies, nos pratiques sociales, nos pratiques sociocognitives, nos subjectivités, nos processus d'identification (Noyer, Carmes, 2013, p.4). Les nouveaux outils marquent l'advenue de modes d'écritures visant à prendre en compte la processualité et les hétérogenèses des agencements collectifs. Ils sont aussi les symptômes des dimensions démocratiques de la question socio-cognitive, des filtres participants de la définition, qualité, des niches écocognitives, des éthologies conceptuelles pouvant être mobilisées et mises en jeu dans l'univers des mémoires numériques hypertextuelles en réseau (Op
Cit., p.23). La transformation numérique a pénétré tous les secteurs de la société, des sciences, de la santé, de l'éducation, du commerce, des entreprises, des institutions etc et elle est amplifiée par la croissance extrêmement rapide de l'internet des objets. Ce que l'on appelle le « web des données » peut être vu comme un ensemble de procès qui convergent vers un objectif commun : la dissémination dans l'espace public et privé des données et la « réutilisation intelligente des données indépendamment de leur contexte numérique d'origine ». Cela pose aussi un certain nombre de questions et de difficultés, à la fois politiques, économiques et socio-cognitives (Noyer, Carmes, 2012, p.1). La question des métadonnées et celle du Web sémantique doivent donc être conduites sans préjuger des formes d'organisation plus ou moins optimales (selon quelles critériologies et fins?) et examiner les divers modèles de web sémantique ou socio sémantique et ce qu'ils autorisent (Noyer, Carmes, 2012, p.6). D'autres 198 interrogations sont à l'oeuvre dans le champ des Sciences Humaines et Sociales. Il convient de bien mesurer les évolutions des écritures numériques en particulier sous la forme de ce que l'on appelle, le web sémantique et socio-sémantique, ou bien encore la question des ontologies (Op. Cit.). Le Web sémantique et socio-sémantique, consiste à concevoir la question des métadonnées selon les inférences et les exploitations de données que l'on souhaite développer, selon les programmes de recherches, les usages que l'on a en vue. Ce que l'on appelle « la réutilisation » doit donc être compris de manière très extensive à savoir : utilisation dans d'autres contextes, exploitation, invention de nouvelles données, de savoirs nouveaux, encore une fois, pour une création de Valeur (Op. Cit., p.8). « Force est de constater pour suivre ici Maignien (Mai, p.13) que pour les Sciences Humaines et Sociales, la révolution numérique est à la fois l'objet et l'instrument du développement contemporain des SHS. Elle en est l'instrument : les infrastructures numériques, comme pour toutes les sciences, doivent équiper, instrumenter les diverses disciplines des SHS. En l'occurrence, face à la diversité et richesse sémantique et méthodologique des disciplines, loin d'être une structure monolithique, un projet d'infrastructure est d'une part l'organisation complexe des moyens génériques lourds (archivage pérenne, stockage, calcul, hébergement, publication, édition) allant vers une "grille de services", depuis les données primaires d'observation jusqu'à la mise en forme théorique de résultats opérationnels. Mais c'est aussi d'autre part une hiérarchie d'outils vers les applications spécifiques à telle ou telle discipline, au plus près des enjeux sémantiques les plus riches [] Ces outils spécifiques sont plus ou moins intégrés et interopérables selon les disciplines. Dans cette problématique du Web sémantique, socio-sémantique pour les SHS, le numérique ne peut avoir seulement statut d'instrument. Il doit dans le même temps être l'objet d'une analyse poussée et d'une théorisation des transformations de ce que le numérique produit dans la société, le travail, la culture, le savoir, l'éducation, l'information, l'organisation des territoires, les biopouvoirs, la communication, la création, l'économie mondialisée ou la politique » (Noyer, Carmes, 2013, p.5). « Un des problèmes nous le savons consiste, pour les SHS, et à partir d'une variation de vaste amplitude, à remettre sans cesse sur le tapis la question des collectifs humains / non-humains, des collectifs de pensée, des communautés d'oeuvre, en leur incomplétude même, de reprendre l'étude des narrations dont ils sont l'expression et l'exprimé, de saisir les conditions de leur métastabilité tant idéelles que matérielles. De manière un peu plus précise, la question de leur construction, des dynamiques qui les traversent, des hétérogenèses qui les habitent, des 199 schismogenèses qui expriment leur processus de différenciation, d'altération-création, mais aussi de destruction, toujours possible, cette question est au centre des enjeux scientifiques et critiques » (Op. Cit., p.12). Le programme SCOT (Social Semantic Cloud of Tags) est un exemple du premier type d'approches. Ce programme a pour but la description de la structure et des relations, dites sémantiques, d'un ensemble de « tags » afin d'en favoriser les usages sociocognitifs, et ce en s'appuyant sur le fait que les processus de « tagging » mettent en jeu des personnes (acteurs), des ressources et des « tags » (Noyer, Carmes, 2012, p.9). 4. L'Open Data D'un point de vue très général, l'Open Data (Données ouvertes) promeut l'idée d'un libre accès (et développe des dispositifs pour cela) à un certain nombre de données publiques afin d'en permettre une utilisation et une exploitation sans restrictions de droits d'auteur, de brevets ou d'autres mécanismes de contrôle (Noyer, Carmes, 2012, p.1). L'Open Data exprime la mise à disposition par les services publics et les gouvernements de certaines données publiques auprès des citoyens « pour qu'ils puissent par exemple les utiliser dans des services et applications ». Les données liées à la démographie, à l'économie, au tourisme, au transport, à la culture, l'environnementetc peuvent ainsi être publiées et accessibles (selon des formats très divers). Tous les domaines de description et de gestion des territoires et des populations sont potentiellement concernés (Op. Cit.). Ce qu'on appelle, les Open Data, les Big Data, les Small Data se trouvent donc au centre de tensions sociocognitives et politiques majeures, mais aussi au sein de débats épistémologiques importants, en particulier ceux portant à la fois sur la puissance de l'empirie numérique et de l'algorithmique statistique, sur la remise en cause de la place de la Théorie, sur l'efficace de ses dimensions spéculatives et de la modélisation conceptuelle (Op. Cit., p.5). Partie 2. Les dimensions du développement durable, les migrations et la mobilité 201 Chapitre 1 : Le développement durable et les modalités de la mobilité
Dans notre recherche, nous avons voulu relier l'intelligence territoriale à la mobilité durable en nous appuyant sur les S.I.C. pour mieux communiquer avec les acteurs de la mobilité (citoyens, entreprises, collectivités et organisations). Nous faisons l'hypothèse que la mobilité durable peut être envisagée comme une réponse possible pour le développement des territoires durables, à la coopération, aux échanges internationaux, professionnels et culturels. Dans ce chapitre, nous partons de l'origine du développement durable à la mobilité durable en prenant la durabilité comme un critère d'appréciation à la mobilité. Nous allons insister sur la dimension sociale du développement durable, une application à la mobilité. Nous allons traduire le développement durable en modalité de déplacement. Nous nous référons au « fameux rapport Bruntland publié sous l'égide de la Commission mondiale de l'environnement des Nations-Unies en 1986 qui demeure toujours aujourd'hui la grande référence publiée en français sous le titre Notre avenir à tous (1987) », pour suivre Férone et al. (2001, p.46 In Joyal, 2011, p.4). Émanant de la conférence internationale sur l'environnement de Stockholm en 1972, comme on le sait, la très connue définition suivante a été retenue : « Le développement durable est un développement apte à répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité des générations à venir. ». Elle fut assortie de trois grandes dimensions : environnementale économique - sociale. Ce dernier volet qui aurait été trop longtemps négligé permet, avec le volet économique de faire le lien avec le développement local et territorial comme le croit Loinger (dans Vandermotten, 2002) qui voit dans le développement able un nouvel horizon pour le territoire : « Le développement durable, parce qu'il est par essence systémique, est un puissant moteur de transformation des méthodes de travail des appareils administratifs au niveau local. » [] Ainsi, le développement durable ne serait plus le lot des experts, des gouvernements et des organisations internationales en devenant l'apanage des acteurs territoriaux (Joyal, 2011, p.4). I. De l'origine du développement durable à la mobilité durable
« Le développement durable est né des inquiétudes pour les ressources, en relation avec la croissance de la population60, des craintes pour les animaux, notamment pour les oiseaux qui se font pour surtout en Europe à la fin du XIXème siècle, pour les lieux de vie des oiseaux et pour la nature en général, c'est notamment le cas aux États-Unis à la fin du XIXème siècle. La 60 Malthus, Essai sur le principe de la population, 1798. création du Sierra Club en 1892, premier mouvement "écologiste" est l'une des réponses à ces peurs. Elles perdurent tout au long du XXème siècle et trouvent leur maximum d'expression avec les travaux du Club de Rome en 1968 et le rapport Meadows associé (1972). Des oiseaux et de leurs vies, on est passé à des inquiétudes pour l'ensemble de la planète et de ses ressources et à des questionnements sur l'avenir de l'humanité. De local le risque devient global (Veyret et Vigneau, 2004) et il se généralise (Beck, 2001) » (Veyret, 2007, p.215). « La réflexion sur le développement durable s'est inscrite d'emblée dans le cadre des régulations écologiques planétaires ("penser globalement") et a ensuite cherché à ("territorialiser") les principes d'actions qu'elle a définis ("agir globalement") (Torrès, 2005) » (Gardère, 2008, p.2). « Le concept de développement durable est apparu au sein de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) au début des années quatre-vingt. Il a été repris et popularisé par le rapport Brundtland, Notre avenir à tous, qui a servi de référence lors du Sommet mondial de Rio de Janeiro en 1992. De nombreuses institutions s'appuient sur ce concept pour élaborer de nouveaux instruments de mesure et d'analyse ou pour préconiser des interventions visant à faire émerger une économie plus solidaire (Lorthiois, 2002) » (Dubois, Mahieu, 2002, p.73). Le développement, par définition, se traduit par des changements structurels qui surviennent au sein d'une réalité socioéconomique complexe (Dubois, Mahieu, 2002, p.75 ; Ballet, Dubois, Mahieu, 2004, p.2). Vouloir introduire, dans ce contexte, de la durabilité peut sembler a contradictoire. Pourtant, lorsqu'on considère le concept de développement durable dans son sens écologique, on remarque qu'il a permis des réflexions originales ouvrant la voie à de multiples interventions publiques (Ballet, Dubois, Mahieu, 2004, p.2). « Nous définissons le risque naturel, comme une potentialité de survenue d'un aléa naturel qui affecterait un groupe social. Le déroulement du processus peut provoquer une crise ou une catastrophe et révéler la vulnérabilité des populations (Veyret, 2004) » (Veyret, 2007, p.215). Le développement durable peut donc se lire comme la réponse aux inquiétudes pour la nature, dont les sociétés sont responsables (Op. Cit., p.216). La mise en oeuvre d'une politique de développement durable exige une économie saine, l'équité socio-spatiale, une gestion conservatoire des ressources (Ibid.). Selon la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, le développement durable se définit comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations 203 futures de répondre aux leurs » (Decoster, Versini, 2005, p.108). Ses trois composantes – économiques, sociale et environnementale – doivent être équilibrées (Op. Cit.). « Le développement durable associe un volet environnemental ou écologique, un volet économique et un autre social et culturel, indissociablement liés » (Veyret, 2007, p.13). Les textes fondateurs du développement durable issus du Sommet de la terre sont la déclaration de Rio, l'agenda 21, la déclaration de principe sur la forêt et les conventions sur la biodiversité, la désertification et le changement climatique. Autrement dit les objectifs affichés à Rio concernent d'abord les aspects écologiques (Op. Cit., p.26). La déclaration finale ou déclaration de Rio précise que dans chaque pays doit être mise en place une politique de développement durable (avant 1995) qui s'inscrira dans un processus global et qui garantira que les tendances actuelles à la dégradation des ressources environnementales seront efficacement renversées tant au niveau local qu'international (Ibid.). Les principes du développement durable rappellent que toute connaissance ou action sur le territoire doit être abordée dans ses dimensions biophysiques et socioéconomiques. C'est ce que permettent des approches intégrées telles que les études d'impact sur l'environnement, les rapports intégrés sur l'environnement ou des modélisations globales (Walser, Thévoz, et al., 2011, p.64). Une gestion du territoire respectueuse de l'environnement suppose que l'on dispose d'informations aussi complètes que précises pour chacune des dimensions qui caractérisent un développement durable : économique, social, et écologique. Une part importante des informations concerne 'occupation et l'utilisation du sol et son évolution. Dans le passé, les images aériennes et la cartographie topographique et thématique fournissaient une part prépondérante des informations indispensable à l'aménagiste pour analyser une situation et proposer les changements souhaités (Op. Cit., p.89). La déclaration de Dublin (United Nations, 1992) et le Sommet de la terre de Rio, au début des années 1990, ont marqué la consécration de l'idée de développement durable comme objectif général et principe fondateur de la gestion des ressources naturelles, avec comme corollaire l'idée que des approches globales, holistiques et intégrées seraient seules à même de conduire à des pratiques plus durables dans ce domaine. Le 10ème principe de la Conférence de Rio (1992) sur le développement durable énonce que la participation des citoyens (du local au global) aux processus de décision les concernant constitue le versant social du développement durable. Mais pour autant participation signifiet-il débat démocratique? Avant la participation, il importerait que les décideurs informent clairement les citoyens de leurs projets, puis répondent à leurs éventuelles objections tout en facilitant les recours qu'ils peuvent faire contre les décisions prises et en expliquant le cas échéant les raisons de l'impossibilité de les satisfaire (Masson-Vincent, Dubus, 2013, p.6). Un développement durable, c'est aussi un développement harmonieux visant à mettre l'être humain au centre du système, à préserver le paysage, l'environnement et à favoriser le bienêtre de tous. Le développement durable (à la fois vision de long terme et objectif à décliner quotidiennement) doit être au coeur des politiques de développement (Collette, 2011, p.12). Le développement durable va bien au-delà des préoccupations environnementales. Notre territoire doit s'inspirer des expériences existantes pour développer des projets qui deviendront eux-mêmes des références pour les autres (Op. Cit., p.13). « Le développement durable, paradigme en construction (Brodagh, 2001 ; Waaub, 1991), tente d'associer, dans une même démarche transversale, les sphères de l'environnement, du social et de l'économique et, maintenant, du territoire et de sa gouvernance. Le paradigme de développement durable viable met l'accent sur l'humain, la qualité de vie, l'éthique, des valeurs d'équité et de justice sociale et ce, par une participation des populations locales à la maîtrise de leur territoire d'appartenance (Gagnon, 1994 et 2002 ; Laganier et al., 2002) » (Gagnon, Tellier, et al., 2006, p.600). À ce titre, il interpelle l'interdisciplinarité, l'intersectorialité ainsi que des approches d'analyse multiples et combinatoires. De même, le paradigme du développement territorial, aussi en construction, valorise l'approche intersectorielle, tant d'un point de vue heuristique que méthodologique (Lafontaine, 2005) (Op. Cit.). « Le développement durable consiste à travailler sur la projection désirable dans un autre possible pour tous, y compris les plus démunis. Et donc trouver les moyens de favoriser l'épanouissement de tous les êtres humains et améliorer la qualité de vie. Par conséquent, il ne s'agit pas uniquement d'améliorer le logement ou les espaces extérieurs, mais de mettre en place l'accompagnement nécessaire à l'épanouissement de chaque habitant. »61 (Creissels, Zolezzi, 2014, p.8). 61 Jean-Jacques Bernard, adjoint au maire de Chenôve. 205 « La participation est un
principe fondateur du développement durable. La déclaration de Rio de 1992 le rappelle dans son article 10 : la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens »62 (Thouret, OlivetoErtivi, 2010, p.23). La conférence de Johannesburg 2002 répond
à son compte les
grands
th
èmes de Rio (Veyret, 2007, p.27)
. Les aspects écologiques et la protection de la nature ne constituent pas des éléments coupés des réalités de gestion des territoires. Les acteurs internationaux (PNUD) comme
l'UI
CN
(
Union International
e pour la C
onservation de la Nature
) ont compris
la nécessité d'ancrer ces espaces à protéger dans les politiques de gestion et d'aménagement.
Dès lors
, la gestion du prix des « éléments naturels », celle des modes de gestion les plus efficaces inscrit ces éléments naturels dans les débats économiques et
plus large
ment politiques,
fa
isant du
développement durable
un
véritable choix
de
s
ociété
(Op. Cit., p.38).
context
Il est curieux de constater que le terme exact et originel de « Sustainable Development » a été traduit en français par Développement Durable. Or, la signification de « to sustain » est, à la fois, plus précise et plus ambivalente : c'est ce que je supporte quand je suis supporteur d'un club de sport, par exemple ; et en même temps, c'est ce que je suis prêt à accepter, à subir comme désagrément éventuel. Notre propos ici est d'essayer de montrer en quoi les orientations prises au nom du Développement Durable, que ce soit par des États, des entreprises, des organisations diverses, des associations ne font finalement qu'accompagner une phase nouvelle, l'ère de l'information et nécessite encore plus de prospective qu'auparavant. Nous présentons ici un survol rapide des étapes qui ont jalonné la prise en compte des questions dites « environnementales ». Le sens retenu de « écologie » ou encore « nature ». Mais il ne faut pas oublier que le terme « environnement », pour des ménages urbains, cela correspond avant tout à « mes relations sociales ». La première conférence mondiale sur le sujet de l'environnement s'est tenue à Stockholm en 1972. « L'homme et son milieu » et le slogan officiel « Une seule Terre ». La combinaison examinée entre Biosphère / Écosphère / Technosphère aboutit à considérer qu'il convient de définir des modèles de comportement collectif qui permettent aux civilisations de continuer de s'épanouir. Lors de la conférence, il fut également reconnu que les questions environnementales dans les pays en développement étaient souvent causées par le sousdéveloppement lui-même. Au slogan officiel « Une seule Terre », des ONG répondent « Un seul peuple ». Le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement) est créé dans la foule de la conférence de Stockholm avec son siège à Nairobi (Kenya). La même année 1972 est paru le rapport du Club de Rome « The limits to growth », appelé aussi « rapport Meadows » du nom du couple de chercheurs du M.I.T. (Massassuchets Institute of Technology) qui l'avait piloté, curieusement traduit en français – ça commençait déjà – par « Halte à croissance ». Le rapport Meadows signalait que développement et environnement devaient être traités comme un seul et même problème, car ils interagissaient entre eux ; on avait là une approche systémique. Cinq paramètres étaient pris en considération : population, production alimentaire, industrialisation, pollution, ressources non renouvelables. In fine, le rapport concluait que l'Humanité allait vers un clash écologique majeur à l'horizon 2050 si l'on continuait le développement sur la trajectoire suivie jusqu'alors. Les critiques envers le rapport Meadows ne manquèrent pas. En France, l'idée d'arrêter la croissance (croissance zéro) se heurta de plein fouet aux réactions convergentes du CNPF (prédécesseur du MEDEF) et du Parti communiste français, tous les deux prônant une croissance forte indispensable. Des critiques affûtées portèrent sur les caractères du projet sous-tendu par le rapport, le projet d'un « état d'équilibre global », d'une « société stable » ; or, la stabilité, que ce soit en biologie ou en sociologie, c'est la mort, la vie ne peut être que mouvement. Enfin des voix s'élevèrent contre ce qu'elles considéraient comme la promotion d'une écologie technocratique ; tandis que des économistes faisaient remarquer qu'il n'y avait aucune régulation par les prix d'envisagée. Nota = Comme nous ne sommes pas encore en 2050, on ne peut pas savoir si le rapport Meadows s'est trompé. Écodéveloppement = ce terme fut forgé par Michael Strong pour essayer de concilier les oppositions apparues à Stockholm, et utilisé lors du symposium tenu à Cocoyoc en 1974 et réunissant le PNUE (cf.supra) et la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le 207 Commerce et le Développement). Trois dimensions principales furent au coeur des besoins, prudence écologique ; tandis que les limites internes des besoins humains étaient corrélées avec les limites externes et ressources physiques de la planète. L'idée d'un NOEI (Nouvel Ordre Économique International) voyait le jour : plus humain et plus équitable, allant vers une « démocratie socioéconomique planétaire ». En 1980 fut créé l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) qui, comme son nom l'indique, a une vocation de connaissance de la biodiversité et de conservation des espèces. On notera néanmoins que si un organisme avait décrété le maintien en l'état de la biodiversité présente sur la planète il y a dix millions d'années, jamais l'homo sapiens ne serait apparu. L'année 1983 vit le début des travaux de la CMED (Commission mondiale sur l'Environnement et le Développement). Celle-ci, donnera naissance en 1987 au rapport « Brundtland » du nom de sa présidente, Gro Harlem Brundtland, premier ministre de Norvège et dont le titre final était « Our common future ». C'est alors la première fois que l'on voit une tentation de définition du Sustainable Development : « Ce n'est pas un état d'équilibre, mais plutôt un processus de changement dans lequel l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation du développement technique ainsi que le changement institutionnel sont déterminés en fonction des besoins tant actuels qu'à venir ». Le contexte est à noter. En 1986 eu lieu la catastrophe de Tchernobyl. En 1987 fut signé le protocole de Montréal qui mit fin à l'utilisation massive des CFC (ChloroFluoroCarbones) suspectés de mettre en danger la couche d'ozone stratosphérique. Et 1989, ce fut aussi la chute du mur de Berlin et la fin (provisoire?) de la guerre froide. Le rapport Brundtland conduisit à ce que les médias baptisèrent « Sommet de la Terre » et qui se tint à Rio de Janeiro du 03 au 14 juin 1992 : quarante mille personnes, 172 États représentés, 108 chefs d'États ou de gouvernements. - Enfin la Culture et la Gouvernance qui sont en même temps la « composante initiale » issue des pratiques passées des Hommes et celle du futur en ce sens que les pratiques de Développement Durable généreront des modifications dans la culture de départ. Ce sont également les valeurs culturelles qui permettent de mettre en oeuvre des projets « porteurs d'avenir ». À ces quatre piliers, FUTUROUEST, en 2002, a ajouté l'égalité femme-homme, comme fait porteur d'avenir et facteur structurant (shaping factor). II. La durabilité, un critère d'appréciation à la mobilité
Pour caractériser la durabilité du développement, il convient de prendre en compte ses multiples dimensions, notamment sociale, culturelle, politique, éthique, etc., et ainsi dépasser la seule durabilité environnementale qui est, de fait, le plus souvent perçue comme écologique (Veyret, 2007, p.38). Dans les textes fondateurs du développement durable, puis dans les documents officiels d'application qui en définissent les modalités comme, par exemple, le rapport Brundtland, l'Agenda 21 de la Conférence de Rio de Janeiro, les rapports annuels sur le développement humain durable, les déclarations du Conseil européen, etc., on retrouve toujours présentes les trois dimensions, économique, sociale et écologique (Op. Cit.) : - La durabilité économique s'exprime en termes de croissance autoentretenue. Elle s'appuie sur des principes macroéconomiques d'équilibre (équilibre budgétaire, équilibre de la balance des paiements, maîtrise de l'inflation, etc.) et sur des règles Fauchard et Mocellin (Op. Cit.) 209 d'investissement (allocations budgétaires et taux d'investissement sectoriels, coefficient de capital, niveau de productivité, ratio consommation-épargne, etc.) qui visent essentiellement à optimiser la croissance et à ne pas engendrer des charges d'endettement excessives qui seront répercutées sur les générations futures. - La durabilité environnementale met l'accent sur la lutte contre la pollution, la préservation des ressources non renouvelables, les économies d'énergie, et la transmission du capital naturel aux générations futures. Sur cette base, ont été élaborés des principes de conduite (durabilité forte et faible, principe de précaution) ainsi que des règles de gestion (règle d'Hartwick pour le remplacement des ressources détruites, protection des ressources non renouvelables droits de propriété, développement « propre », etc.). - La durabilité sociale demeure encore l'objet de peu d'investigations. Son analyse implique pourtant un renouvellement assez radical des modes de pensée du développement. Tout d'abord, elle conduit à la problématique d'un développement « socialement durable » qui ne réduit pas la dimension sociale au seul aspect de pauvreté, mais considère l'ensemble des interactions entre sphères économique, écologique et sociale et leurs effets sur les situations de pauvreté, de vulnérabilité ou d'exclusion. Ensuite, s'appuyant sur les capacités à réagir des personnes face à de telles situations, elle conduit à rechercher comment combiner de façon optimale ces capacités pour réduire la vulnérabilité, ce qui implique de bien connaître ces capacités et leur structure. Enfin, face aux conséquences pas forcément positives des politiques publiques sur les structures de capacité des personnes et ménages, on peut préconiser l'élaboration de principes de précaution sociale qui ont pour but d'assurer une durabilité sociale au développement. « Par rapport à une définition de la durabilité strictement environnementale (ou plutôt écologique) (Daly, 1996), on peut considérer qu'il faut envisager plusieurs dimensions pour caractériser la durabilité de manière correcte : sociale, culturelle, politique, éthique, etc. (Sachs, 1999) » (Dubois, Mahieu, 2002, p.76). III. L'écodéveloppement intègre la mobilité durable
L'écodéveloppement est un concept initié par Maurice Strong, (Secrétaire général de la conférence de Stockholm, 1972), qui le définit comme « des styles de développement écologique convenables ». Le concept sera ensuite repris et détaillé par Ignace Sachs (1997) 210 qui l'élargit en trois volets visant « à articuler le sociale, l'écologique et l'économique : les objectifs sont sociaux et éthiques, avec une contrainte environnementale, l'économie n'ayant qu'un rôle instrumental ». Dans ce concept, l'économie tient une place mineure par rapport à l'environnement et l'homme (Muis, 2008, p.76). L'écodéveloppement se caractérise par la prise en compte de cinq dimensions (sociale, économique, écologique, spatiale et culturelle) pour la mise en place d'un territoire « durable » ; la durabilité étant déterminée par l'équilibre maintenu dans le temps et l'espace entre le développement et l'environnement comme le montre la figure suivante (Op. Cit.). Figure 21. L'écodéveloppement, un équilibre écologique, social et économique pour une qualité de vie optimale et des territoires durables (Muis, 2008, p.76)
La durabilité sociale selon Sachs (1997), consiste à construire une civilisation basée sur un partage équitable des ressources, et l'amélioration de l'accès aux richesses. La durabilité est définie en rapport avec l'équilibre à trouver. La durabilité économique dépend d'une répartition et d'une gestion de ressources plus efficaces et d'un flux consistant d'investissements publics ou privés ce qui implique de changer les modes de fonctionnement économiques actuels. La durabilité écologique doit s'effectuer par une mise en valeur « du potentiel des ressources des différents écosystèmes », et par une minimisation des atteintes portées aux systèmes naturels dont dépend la vie sur notre planète. Pour Sachs, il ne s'agit pas de s'arrêter seulement sur ces trois volets, et il faut assurer une cohérence et un équilibre entre les différents territoires : c'est ce qu'il appelle la durabilité 211 spatiale. Il détermine la durabilité spatiale par rapport à l'équilibre du couple villes/campagnes, dénonçant une situation actuelle avec : Une concentration excessive dans les métropoles Une destruction des écosystèmes par les colonisations incontrôlées À cette durabilité, Sachs ajoute un cinquième et dernier volet concernant la culture où l'écodéveloppement doit se traduire sur les territoires par une pluralité de solutions locales, propres à chaque écosystème, chaque contexte du site concerné (Op. Cit., p.78). « La durabilité urbaine constitue un défi majeur aujourd'hui évident en tant que réponse à une crise de la ville : crise des grands ensembles et crise de l'étalement urbain. Le développement durable urbain présente ainsi comme un processus d'internalisation du développement durable dans l'urbanisme (Emelianoff, 2010) » (Jégou, 2011, p.65). IV. La dimension sociale du développement durable, une application à la mobilité
Le développement durable, par définition, « permet aux générations actuelles de satisfaire à leurs besoins sans compromettre pour autant la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Dubois, Mahieu, 2002, p.92). Dans ce contexte, la prise en compte de la dimension sociale soulève la question de la durabilité sociale et implique que « les politiques publiques – économiques, sociales et ne causent pas de dysfonctionnements sociaux tels qu'ils remettent en cause les possibilités d'amélioration du bien-être pour l'ensemble de la population actuelle comme à venir » (Op. Cit.). Autrement dit, un développement socialement durable relie la lutte contre la pauvreté, sous ses formes d'accessibilité (ou de droit) et de capacités (notamment à partir de l'accroissement des potentialités), à la régulation des formes correspondantes d'inégalités et de vulnérabilité. Cela ne fait que conforter les termes du rapport Brundtland : « satisfaire les besoins essentiels » et « favoriser un état d'harmonie entre les êtres humains » pour « les générations actuelles et futures » en se référant aux différentes dimensions du bien-être (Op. Cit., p.83). Il en résulte trois critères de durabilité : l'accessibilité de tous à l'ensemble des biens et services, le renforcement des capacités de toutes sortes et l'équité face à l'ensemble des potentialités disponibles et transmissibles. Sur cette base, il devient possible de veiller à ce que l'ensemble des acquis sociaux puisse être transmis d'une génération à l'autre sans que surgisse le risque d'une régression généralisée (Op. Cit.). On peut considérer le développement socialement durable comme : « un développement qui garantit aux générations présentes et futures l'amélioration des capacités de bien-être (sociales, économiques ou écologiques) pour tous, à travers la recherche de l'équité d'une part, dans la distribution intragénérationnelle de ces capacités et, d'autre part, dans leur transmission intergénérationnelle » (Ballet, Dubois, Mahieu, 2004, p.9). V. Le développement durable en Europe et en France, sa traduction en modalité de déplacement
« Le développement des transports, indispensable à la compétitivité de l'Europe, n'est pas sans risque pour le développement durable : déséquilibre entre les modes de transports, dégradation de l'environnement (émissions de gaz à effet de serre, nuisances et pollutions locales), émergence de risques pour les usagers des transports (insécurité routière, accidents aériens, terrorisme) » (Decoster, Versini, 2005, p.108). Il est vrai que les politiques environnementales conduites depuis quelques années en Europe par exemple n'ont pas fait de l'équité sociale leur priorité (Veyret, 2007, p.44). L'équité doit conduire à la satisfaction des besoins des populations, y compris la consommation des biens et de services, le désir de relations sociales, la participation aux décisions politiques. L'équité sociale est en fait « une fonction de durabilité » comme le soulignent Dubois et Mahieu (in Martin, 2002) (Veyret, Op. Cit.). Une stratégie européenne en faveur du développement durable (SDD), adopté lors du conseil européen de Göteborg des 15 et 16 juin 2001, et révisée par le Conseil européen en 2006, permet d'ajouter la dimension environnementale à la Stratégie de Lisbonne. L'objectif général fixé par la SDD est de « veiller à ce que les systèmes de transport répondent aux besoins environnementaux et socioéconomiques de la société tout en minimisant leurs incidences dommageables sur l'économie, la société de l'environnement ». Deux idées forces y sont avancées : la nécessité de dissocier la croissance du PNB (Point Noir du Bruit) du développement des transports et le transfert modal de la route vers le train, le transport maritime et fluvial et le transport public des passagers (Decoster, Versini, 2005, p.108 La SDD met en évidence les répercussions sur l'environnement des activités des transports, tant au niveau local, par exemple en cas d'accidents, qu'au niveau plus global avec la problématique du réchauffement climatique. L'exemple le plus emblématique concerne le transport maritime, qui a connu plusieurs catastrophes écologiques. L'exigence de développement durable impose par exemple l'adoption de mesures structurelles permettant d'orienter les flux de transports dans un sens plus favorable à l'environnement ainsi que la prise en compte nouvelle de l'organisation des transports en milieu urbain (Op. Cit., p109). « La problématique du développement durable fût connue depuis 1987 et pourtant, le fameux rapport Martre élaboré en 1994, n'en a fait aucune allusion. Il a fallu attendre le rapport Carayon (2003) pour citer l'objectif du développement durable comme une exigence de compétitivité de la France dans une économie mondialisée à travers une stratégie "gagnantgagnant" avec d'autres nations. En valorisant le rôle de l'échelon régional, il correspond à une intégration de l'intelligence territoriale dans l'intelligence économique (Bourret, 2008) » (Baaziz, Leveille, Dou, 2017, p.6). La France s'est engagée dans la voie du développement durable et cet engagement se lit au travers de plusieurs textes législatifs publiés dans les
années 1990 (Vincent, 2008, p.67). Dans le cadre de la lutte contre le changement
climati
que
, la
réduction
des
émissions de gaz
à
effet de serre constitue un enjeu majeur. Le secteur du transport représente encore à lui seul le quart des émissions totales de la France. La mise en oeuvre du Plan Climat, adopté en 2004, doit permettre à la France de respecter les objectifs de Kyoto à l'horizon 2008-2012 d'une stabilisation de ses émissions
par
rapport à 1990
(Op. Cit.
,
p.56
).
V.1. Les orientations en matière de développement durable
Nous pouvons citer quelques orientations en matière de développement durable à savoir : la Conférence environnementale du 17 septembre 2012 ; la Stratégie nationale de développement durable 2010-2013 ; le Grenelle de l'environnement de 2007 à 2012 ; ainsi que les programmes tels que l'Agenda 21 local, le Plan Climat-Energie Territorial (PCET), le Programme mondial d'action régional de l'innovation (AGIR- Action Globale Innovante pour la Région).
V.2. Stratégies nationales de développement durable
En 1992, le chapitre 8 programme Action 21 évoquait pour la première fois la notion de stratégies nationales de développement durable et donnait des indications sur la structure ou le contenu qu'elles devaient avoir. Les principes directeurs généraux concernant les stratégies nationales sont les suivants (OCDE, 2006) : 1. Intégration des politiques – les stratégies nationales doivent tenir compte des préoccupations environnementales, économiques et sociales dans les approches intégrées décrites par les plans et rapports nationaux. 2. Horizon intergénérationnel – les stratégies nationales doivent viser des horizons temporels éloignés compatibles avec des principes et indicateurs intergénérationnels. 3. Analyse et évaluations – il convient d'utiliser des outils d'analyse intégrés dans les rapports nationaux pour déterminer les coûts et les avantages environnementaux, économiques et sociaux des mesures et stratégies envisageables. 4. Coordination et institutions – un large éventail de services et organismes gouvernementaux devraient être pleinement impliqués dans la formulation et la mise en oeuvre des stratégies nationales, placées dans leur ensemble sous la responsabilité du cabinet du Premier ministre ou de son équivalent. 5. Gouvernance locale et régionale – les autorités locales et régionales devraient être pleinement impliquées dans la conception des stratégies nationales et certains aspects de leur réalisation devraient incomber aux niveaux infranationaux. 6. Participation des parties intéressées – les parties intéressées (entreprises, syndicats, organisations non gouvernementales, par exemple) devraient participer avec des représentants des pouvoirs publics aux commissions responsables de la conception et de la mise en oeuvre des stratégies nationales. 7. Indicateurs et objectifs – les stratégies devraient s'appuyer sur des systèmes structurés d'indicateurs (répertoriés dans les plans et rapports nationaux) facilitant le suivi des progrès accomplis et pouvant servir d'objectifs quantitatifs. 8. Suivi et évaluation – des organismes ou dispositifs indépendants devraient être établis pour surveiller la mise en oeuvre des stratégies nationales et formuler des recommandations visant leur amélioration.
V.3. Les programmes de développement durable a. Le Plan Climat-Energie Territorial (PCET)
Les Plans Climat Energie Territoriaux (PCET) sont des projets de territoire centrés sur les problématiques énergétique et climatique. La loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle 2) rend obligatoire d'ici le 31/12/2012, la mise en place de ces projets dans les régions, les départements, les communes et regroupements de plus de 50 000 habitants. Les PCET reposent sur un diagnostic et des engagements de l'ensemble des acteurs pour atténuer les effets du changement climatique et adapter le territoire (Thouret, OlivetoErtivi, 2010, p.10). Les PCET se caractérisent par des ambitions chiff de réduction des gaz à effet de serre (GES) et d'adaptation du territoire dans des contraintes de temps. Ils se calent également sur les ambitions et échéances définies par les négociations internationales et les plans nationaux, avec trois horizons : 2012, celui des obligations fixées par le protocole de Kyoto ; 2020, celui 215 du terme de la prochaine période d'engagement (« l'après-Kyoto ») et objectifs issus des engagements européens ; et 2050, celui d'une division par quatre des émissions françaises. Le protocole de Kyoto visait à réduire, entre 2008 et 2012, de 5,2 % par rapport au niveau de 1990, les émissions de six GES : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d'azote et trois substituts des chlorofluorocarbones. Pour 2020, les PCET devront adopter les objectifs européens des « 3 fois 20 », c'est-à-dire viser une réduction de 20 % des émissions de GES, améliorer de 20 % l'efficacité énergétique et porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie. Enfin, l'objectif fixé en 2050 ne pourra être atteint qu'après une évaluation des premières actions afin de gagner en qualité, précision et cohérence. Néanmoins, les horizons 2020 et 2050 constituent des échéances qui permettent d'envisager des transformations majeures, des évolutions de structure, des ruptures dans les comportements et les technologies (Déprez, 2014, p.99). b. L'Agenda 21 local « Un agenda 21 est un processus de réflexion stratégique proposé dans l'Agenda 21 de Rio pour mettre en place au niveau local un projet collectif de développement durable » (Vincent, 2008, p.60). « De façon unanime, l'A21L est reconnu comme une démarche méthodologique (Boutaud, Jury, Harpet, 2009) » (Déprez, 2014, p.82) : « Le dont la finalité consiste à mettre en oeuvre des politiques et/ou des projets de développement durable ; dont la forme la plus commune est celle d'un plan d'action (ou un catalogue de projets) ; dont le principe de gestion est l'amélioration continue, ce qui suppose une évaluation régulière et un renouvellement des plans d'action (en général, tous les 2 à 6 ans) ; qui s'appuie sur une démarche participative, pouvant impliquer une partie assez large de la société civile dans la définition des objectifs et/ou des actions. développement durable éclaire les limites à la fois sociales et environnementales de la coexistence entre êtres humains au sein du monde vivant et du monde physique (Brundtland, 1989). Dépassant la seu gestion des entités naturelles et des ressources, il pose donc la question des territoires pertinents pour résoudre des problèmes environnementaux et appelle à l'application de la subsidiarité entre les acteurs et entre les territoires (Héran, Zuindeau, 2001). C'est dans cet objectif qu'a été conçu l'agenda 21 lors du sommet de la terre de Rio en 1992 : programme déclinant court terme et long terme, "local" et "global" en agendas 21 locaux supposés s'insérer dans les politiques d'aménagement » (Veyret, 2007, p.289). L'agenda 21 « stratégie globale pour le développement durable » est en fait un plan d'action aussi bien global, national que local. Il aborde les problèmes majeurs et notamment les 216 questions de développement et d'environnement. L'agenda 21 instaure « un nouveau partenariat mondial pour le développement durable », insiste sur la coopération internationale qui doit accélérer la mise en place d'un développement durable dans les pays en développement (Op. Cit., pp.26-27). Suite au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, les collectivités locales sont invitées à mettre en place un agenda 21 local, projet de territoire qui les engage à réorienter leur développement vers un développement durable au cours du XXIème siècle (Thouret, Oliveto-Ertivi, 2010, p.9).
c. Le SCoT
Les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) remplacent depuis 2000 les Schémas Directeurs (SD). Ce sont des documents de planification qui, au vu d'un diagnostic et au regard de prévisions sur les évolutions des fonctions et des besoins d'un territoire, fixent, à l'échelle de plusieurs communes ou groupements de communes, les orientations générales de l'organisation de l'espace et déterminent les grands équilibres entre zones urbaines, industrielles, touristiques, agricoles et naturelles, dans le respect des principes énoncés par les articles L110 et L121-1 du Code de l'Urbanisme (CU). Ils ont vocation à donner de la cohérence aux politiques publiques sectorielles et à encadrer les principaux documents de la planification locale (Thouret, Oliveto-Ertivi, 2010, p.6). « L'intérêt d'un SCoT est de se projeter vers l'avenir, de réunir différents acteurs du territoire, notamment les élus, et de les faire travailler ensemble pour le développement harmonieux du territoire »65 (Thouret, Oliveto-Ertivi, 2010, p.19). « Il ne peut y avoir de SCoT sans projet. La prospective, qui consiste à regarder l'avenir pour anticiper l'action, aide justement à construire ce projet »66 (Op. Cit., p.36).
d. Les indicateurs de développement able
L'empreinte écologique représente la surface de sol et d'océans nécessaire pour fournir les ressources consommées par une population donnée et pour assimiler les rejets et déchets de cette population. Les ressources consommées peuvent provenir de surfaces productives situées en dehors du territoire occupé par cette population. Le déficit ou le crédit écologique d'un pays est le rapport entre son empreinte écologique et sa biocapacité, définie comme la surface productive disponible d'un pays. Ce type de calcul permet d'estimer si le pays vit audessus de ses moyens et s'il doit importer des ressources de l'étranger pour assurer sa subsistance. Cet indicateur a été conçu par Mathis Wackernagel (Université de Vancouver, 65 Jean Pierre Paris, Président du SCoT du Pays d'Autan. Réunion « SCoT et DD » n°1. Ivanie Saffores, chargée de mission SCoT, Conseil Régional de Midi- Pyrénées, Direction de l'Évaluation, de la Prospective et des Études. Réunion « SCoT et DD » n° 7. 66 217 sous la responsabilité de William Rees), qui a créé l'organisation Global Footprint Network chargée de son élaboration (Bovar, Demotes-Mainard, Dormoy et al., 2008, p.68). La question du développement durable qui pose le problème de la conciliation entre la croissance économique, la cohésion sociale et la préservation des ressources naturelles n'est pas nouvelle (Op. Cit., p.51). En 1992, le sommet de Rio, tenu sous l'égide des Nations Unies, officialise la notion de développement durable et celle des trois piliers (économie/écologie/social) : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Il affirme par ailleurs la nécessité de disposer d'une information quantitative pour mesurer les progrès vers la voie de la durabilité (Op. Cit., p.52). En 2001, l'Union européenne inscrit le développement durable à son agenda politique et adopte une stratégie de développement (Conseil européen de Göteborg). Cette stratégie décline des objectifs et instaure un dispositif de suivi et d'évaluation biennale fondé sur un ensemble d'indicateurs élaborés par Eurostat en concertation avec les États membres. En décembre 2007, la Commission européenne a ainsi rapporté au Conseil européen sur l'état d'avancement de la stratégie de développement durable sur la base de 116 indicateurs, dont 11 indicateurs « clés » (Op. Cit.). Aujourd'hui la mode est aux indicateurs qui contribuent à mesurer de nombreux aspects du fonctionnement des sociétés et qui concernent aussi le développement durable (Veyret, 2007, p.46). « La réflexion sur les indicateurs est récente, cependant les initiatives pour créer des indicateurs pertinents sont nombreuses émanant des Nations Unies, de l'OCDE, de l'Union européenne, des États (Institut français de l'Environnement) ou des ONG environnementalistes. Le concept d'indicateur trouve ses origines en sociologie. Il se définit comme "une variable observable utilisée pour rendre compte d'une réalité non observable" (Boulanger, Iddri, 2004) » (Veyret, 2007, p.46). Les indicateurs sociaux – et donc les indicateurs de développement durable – sont des objets scientifiques construits et communiqués en vue d'un usage politique. Leur construction est soumise à trois exigences parfois difficilement compatibles : la rigueur scientifique, l'efficacité politique et la légitimité démocratique (Boulanger, 2004, p.4). Chapitre 2. La mobilité, critère de traduction des migrations
« Le monde apparaît de plus en plus comme un vaste ensemble de systèmes relationnels où de nouvelles cartographies sont nécessaires pour habiter son intérieur. Cela résonne avec une évolution plus ou moins accentuée du "Politique" comme expérimentation généralisée et comme domination problématique des moyens et de la performativité des procédures sur les fins éthiques et politiques » (Noyer, Carmes, 2012, p.5). Le déplacement des populations, des biens et des capitaux a pris un caractère incontrôlable avec comme pendant les délocalisations et l'immigration non contrôlée qui marquent durement les territoires (friches, camps de réfugiés67). La réduction de la mobilité semble difficile à envisager à l'échelle planétaire marquée par ses disparités de développement, bien que se mettent en place des systèmes de taxation proportionnels aux dommages suscités par l'activité économique dans le domaine social et de l'environnement (taxe carbone, échange des émissions, tarification des infrastructures au coût global) (Pour la Solidarité, 2009, p.102). « De plus la pression que font peser sur ces problèmes, les crises des écologies sociales, des écologies mentales, des écologies et géopolitiques, enfin les schismogenèses (Bateson) de plus en plus chaotiques et la différenciation des actants dans le cadre de ces processus de mondialisation, cela associé à une perception toujours plus aiguisée de la finitude du monde, cette pression donc, ne cesse de croître. "Faire tenir ensemble", à tous les niveaux d'échelles, ces nouveaux collectifs comme associations ouvertes voire démocratiques est un défi colossal. Ce défi travaille les réflexions politiques, économiques ainsi que la fabrication idéelle et matérielle des dispositifs qui ont en charge la gouvernementalité , pour suivre ici Foucault » (Noyer, Chaalal, 2011, p.3). L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est un forum unique en son genre où les gouvernements de trente démocraties oeuvrent ensemble pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux, que pose la mondialisation. 67 Aux termes du Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967, un réfugié au sens de la Convention des Nations Unies est une personne qui, « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité » et ne peut y retourner (Simmons, 2002, p.21). 220 L'OCDE est aussi à l'avant-garde des efforts entrepris pour comprendre les évolutions du monde actuel et les préoccupations qu'elles font naître. Elle aide les gouvernements à faire face à des situations nouvelles en examinant des thèmes tels que le gouvernement d'entreprise, l'économie de l'information et les défis posés par le vieillissement de la population. « L'Organisation offre aux gouvernements un cadre leur permettant de comparer leurs expériences en matière de politiques, de chercher des réponses à des problèmes communs, d'identifier les bonnes pratiques et de travailler à la coordination des politiques nationales et internationales » (OCDE, 2006). Face à la mondialisation et à la déterritorialisation de certains pans d'une économie qui n'est que rarement à échelle humaine, l'économie alternative place ainsi l'homme au centre du système pour un développement local plus humain. L'alternative proposée, la solidarité et la participation qu'elle engendre, participent de la définition d'une économie du lien reposant sur une démarche de coconstruction des propositions et des décisions qui engagent l'avenir. « Il s'agit donc de travailler à la définition de projets locaux démocratiques, hors influence des marchés et des pouvoirs publics, en communiquant cette vitalité utopique incarnée dans la société civile » (Pelissier, Pybourdin, 2009, p.107). « La mondialisation est entrée dans le vocabulaire de la recherche et des théories sur la migration internationale, mais depuis peu, et portée par des problématiques assez différentes et généralement incomplètes. L'approche de Castles (2001, p.1) est représentative à cet égard. Elle est fondée sur la mondialisation, le terme revient de façon répétée, mais une seule phrase définit le phénomène, le présentant comme "une prolifération de flux transfrontaliers et de aux transnationaux" » (Simmons, 2002, p.16). Pour suivre Bruno Latour, () « Ce que l'on appelle, par des termes vagues, "mondialisation" ou "globalisation" ne sont que l'enregistrement et l'amalgame de toute la série des épreuves par lesquelles on apprend plus ou moins durement ou plus ou moins soudainement à dresser la liste hétérogène des êtres proches ou lointains, humains ou non humains, animés ou inanimés, dont on dépend » (Noyer, Carmes, 2011, p.4). Une partie du problème tient au fait que le terme mondialisation est largement utilisé, mais recouvre des sens très différents. Il renvoie parfois simplement aux liaisons créées à travers le monde par la multiplication des voyages et l'essor des communications, qui transforment profondément les liens sociaux et rendent les déplacements et la migration beaucoup plus faciles : « c'est l'acception retenue par Castles (2001) » (Simmons, 2002, p.27). D'autres auteurs, sans nier cet aspect, tendent à considérer les liaisons établies par les transports et les communications comme un simple rouage du nouveau système mondial 221 d'échanges commerciaux, à l'intérieur duquel ils voient les investissements, les emplois et la production se déployer et redéployer sans cesse à toute allure à travers le monde. D'autres encore font valoir qu'il ne suffit pas de prendre en considération l'évolution du commerce et de la production et ses conséquences pour les travailleurs (y compris la main-d'oeuvre immigrante), en oubliant que la mondialisation culturelle, les diasporas, les communautés transnationales, la porosité des frontières culturelles engendrent aussi divers types de mobilité et de migration internationale (Simmons, 2002, p.27). L'immigration internationale soumet les pays industrialisés à des pressions contradictoires (Simmons, 2002, p.7). Dans les pays occidentaux, la crainte suscitée par les événements du 11 septembre à l'égard des liens possibles entre migrants et attentats terroristes tend à attiser la méfiance envers les étrangers, en particulier originaires de pays non occidentaux moins développés. D'où le paradoxe des pays riches : leur économie a besoin de la main-d'oeuvre immigrante, mais ils sont traversés par des pressions politiques qui ont souvent pour effet de limiter l'immigration (Op. Cit., p.8). Les pays les plus pauvres ne sont pas épargnés par les pressions contradictoires qu'engendre la migration internationale. Les conditions de qui y règnent incitent beaucoup de leurs habitants à prendre en considération les avantages de la migration vers un pays plus riche, bien qu'ils n'aient pas toujours les compétences, l'instruction et l'argent nécessaires pour y être admis légalement et s'y établir avec succès. C'est pourquoi la migration en provenance des pays pauvres est souvent clandestine et mal recensée. Ces migrants sont à la merci des employeurs et sujets à passer pour des criminels aux yeux de la police (Ibid.). Presque tout le monde reconnaît que ces évolutions de la migration internationale et des politiques d'immigration sont liées à un processus mondial de transformations économiques, culturelles et politiques auquel renvoie couramment le terme « mondialisation » (Simmons, 2002, p.9).
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Les politiques budgétaires face à la pandémie. Revue de l'OFCE, 2021, Perspectives 2021-2022 pour l’économie mondiale et la zone euro, 2 (172), pp.129-142. ⟨hal-03675852⟩
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Les politiques budgétaires face à la pandémie
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Partie I 5. Les politiques budgétaires face à la pandémie
L a pandémie de Covid-19 a fortement sollicité les politiques budgétaires non seulement du fait de l’augmentation inhérente des dépenses de santé qu’elle a engendrée, de la baisse des recettes fiscales liées à la chute de l’activité, mais aussi et surtout en raison des mesures prises par les gouvernements pour amortir le choc de revenu des agents privés non financiers. Cette situation s’est traduite par un creusement des déficits budgétaires en 2020. Même si nous anticipons une levée progressive des mesures prophylactiques à partir du deuxième trimestre 2021, certaines activités économiques resteront contraintes et les gouvernements maintiendront en conséquence les mesures de soutien. Toutefois, la forte croissance en 2021 et en 2022 pourrait se traduire par une stabilisation, voire un recul des niveaux de dette publique. Maintenir les revenus quoiqu’il en coûte
Pour atténuer les conséquences du confinement, de nombreux États ont largement soutenu les revenus des ménages, notamment en Europe, via la mise en place de dispositifs d’activité partielle. L’objectif de ces mesures était non seulement de pallier la baisse des revenus du travail mais également d’éviter une rupture du contrat de travail, permettant ainsi un redémarrage immédiat de l’activité dès lors que les restrictions auront été levées. Les dispositifs mis en place se distinguent par le niveau de remplacement, l’étendue de la couverture et la durée des dispositifs. Le coût budgétaire de l’activité partielle pour 2020 est ainsi estimé à 35 milliards en Allemagne, soit 1 point de PIB de 2019. En France, les mesures liées au soutien de l’emploi ont représenté 30 milliards (1,2 point de PIB de 2019), dont plus de 80 % ont été consacrées à l’activité partielle. Au Royaume-Uni, ce coût a atteint 3,3 points et les autres grands pays européens se situent à un niveau de coût intermédiaire. Notons qu’aux États-Unis, le marché du travail est resté très flexible et la fermeture des activités s’est accompagnée d’une Revue de l’OFCE, (2021/2) épartement analyse et prévision hausse brutale et immédiate du taux de chômage en l’absence de dispositif d’activité partielle. Pour autant, l’administration Trump a soutenu le revenu des chômeurs via la mise en place d’une allocation chômage fédérale, s’ajoutant aux indemnités perçues généralement par les individus via l’assurance-chômage standard gérée par les États. Sur l’année 2020, le dispositif aurait coûté selon le Congressional Budget Office 1,3 point de PIB (tableau 1). Au-del de l’activité partielle, les ménages ont globalement bénéficié de transferts additionnels ou de réductions d’impôts qui ont dans certains pays permis de surcompenser les pertes de revenus primaires1. Ainsi, sans tenir compte de l’allocation chômage fédérale, les ménages américains ont bénéficié, via un ensemble de mesures, dont notamment l’envoi de chèques, d’un montant supplémentaire d’aides représentant 1,6 point de PIB, un soutien plus important que dans les pays européens. Cette plus grande générosité pallie cependant la faiblesse relative des filets de protection sociale. La couverture maladie aux États-Unis est effectivement conditionnée à l’emploi pour de nombreux ménages américains et les congés maladie sont peu répandus. Ainsi, en l’absence de revenus du travail, le risque de ne pas pouvoir faire face aux dépenses alimentaires, de logement ou de santé est plus important outre-Atlantique, ce qui a incité le gouvernement fédéral à mettre en œuvre une réponse discrétionnaire plus importante. Notons cependant qu’une partie des mesures adoptées dans les plans de soutien n’a pas uniquement ciblé les ménages les plus touchés par la crise. Elle s’est donc traduite par une forte augmentation du pouvoir d’achat d’une large partie de la population, ce qui explique aussi pourquoi on a observé une forte augmentation du taux d’épargne agrégé. Cette situation a de fait permis de compenser au niveau agrégé les pertes de revenus primaires des ménages. Aux États-Unis comme en Europe, les revenus primaires ont fortement baissé en lien avec la forte réduction des heures travaillées, mais les transferts et les aides diverses ont soit permis d’atténuer (Italie et Espagne) soit de surcompenser cette perte (Allemagne, France, Royaume-Uni et États-Unis). Si l’on tient compte des aides dont les entreprises ont également bénéficiées (subventions, baisses d’impôts ou reports de charge), il ressort que sur l’année 2020, l’essentiel du choc de revenu a été absorbé par les 1. Il s’agit ici d’une surcompensation au niveau agrégé. Il y a donc une fraction des ménages dont le revenu disponible a baissé s’ils n’ont pas bénéficié de ces différents transferts. gouvernements. Parmi les pays européens, la baisse du revenu primaire est concentrée à près de 80 % sur les ménages et les entreprises en Espagne, en Italie, et en Allemagne, et à plus de 90 % en France et au Royaume-Uni (graphique 1). Une fois que l’on tient compte des différents transferts et des subventions, ce sont les administrations publiques qui ont majoritairement absorbé le choc : 49 % pour l’Espagne mais plus de 65 % en France et en Italie et près de 100 % et au Royaume-Uni. Aux États-Unis, la forte surcompensation induit une perte de revenu disponible des administrations publiques de 1 785 milliards de dollars et un gain pour les ménages et les entreprises de respectivement 1 150 et 31 milliards de dollars, soit une absorption du triple de la perte subie par le gouvernement2. Graphique 1. Part du choc de revenu (primaire et disponible) en 2020 absorbé par les...
En % 120... SNF-SF...APU....Ménages (yc. EI, ISBLSM) 100 21 80 7,0 2,9 24,1 31 45 47,7 67,9 68 60 40 20 16 49 90,1 64,6 20,1 51 20 32,2 42,8 30 12 53 11,3 0 Disponible Primaire Disponible Primaire 11,9 9 Disponible Primaire -9,0 -10 -10,7 Primaire 97,2 100 4 Disponible Primaire Disponible -20 ESP ITA FRA DEU GBR
Note : le revenu primaire comprend les revenus directement liés à une participation au processus de production. Pour les ménages, il est essentiellement constitué des salaires et des revenus de la propriété. Le revenu disponible correspond au revenu dont disposent les agents pour consommer ou investir, après opérations de redistribution. Sources : Données nationales (comptes d’agents), calculs et prévision OFCE avril 2021. 2.
Les administrations publiques – essentiellement l’État fédéral américain – ont absorbé près de 300 % du choc, un niveau bien plus élevé que celui observé dans les pays européens. Une telle différence de niveau aurait donc totalement masqué la comparaison des pays européens, ce qui justifie de ne pas
intégrer
les
États-Unis dans le graphique 1. À ces mesures d’urgence – principalement destinées à soutenir les revenus pour faire face à la crise – certains gouvernements ont adopté des plans d’urgence ou de relance permettant notamment de fournir une aide aux secteurs ou aux entreprises en difficulté. En France, les montants accordés aux entreprises à travers principalement le Fonds de Solidarité ou les exonérations de cotisations ont représenté plus de 22 milliards en 2020 (1 point de PIB) et augmenteraient en 2021 avec l’augmentation des indemnisations liées au Fonds de Solidarité et la baisse de 10 milliards des impôts sur la production. En Espagne, le gouvernement a débloqué 4 milliards pour les secteurs du tourisme et du transport. Le gouvernement italien a mobilisé 14 milliards pour investir dans les services publics, dont 5,4 sont consacrés au système sanitaire. En France, les dépenses de santé pour faire face à la pandémie ont augmenté de 12 milliards pour la seule année 2020 et le Ségur de la santé prévoit 6 milliards d’investissement dans les 5 prochaines années. Aux États-Unis, une partie du premier plan voté en mars-avril prévoyait des transferts de l’État fédéral vers les différents États américains. Le maintien d’une situation sanitaire incertaine en 2021 pousse les gouvernements à maintenir la plupart des mesures mises en place en 2020. Le soutien budgétaire deviendrait même plus important qu’en 2020 en Allemagne, en France et aux États-Unis. Dans le même temps, la répartition de ces aides serait modifiée avec un soutien plus important en faveur des entreprises en Allemagne et en France et une réduction progressive du montant alloué à l’indemnisation de l’activité partielle. Aux États-Unis, les mesures votées par le Congrès en décembre 2020 et le plan Biden de janvier 2021 réorientent le soutien budgétaire nettement en faveur des ménages avec le versement d’un nouveau chèque, diverses réductions d’impôts et la prolongation de l’allocation chômage fédérale pour un montant cependant réduit (tableau 1). En Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, le soutien budgétaire s’atténuerait et serait globalement favorable aux entreprises. L’Italie, l’Espagne et la France dans une moindre mesure bénéficieraient par ailleurs du plan d’aide européen NextGenerationEU incluant près de 390 milliards de subventions et 360 milliards de prêts. Pour 2021, l’Italie et l’Espagne recevraient respectivement 25 milliards et 26,6 milliards d’euros. Le gouvernement espagnol utiliserait cette subvention notamment pour soutenir la transition énergétique, l’innovation et la Recherche, l’éducation et les infrastructures dans le secteur de la santé. En Mds de monnaie nationale et en % du PIB
2019 DEU FRA ITA ESP GBR USA En Mds d’€ En % du PIB En Mds d’€ En % du PIB En Mds d’€ En % du PIB En Mds d’€ En % du PIB En Mds de £ En % du PIB Des entreprises 30,3 0,9 22,4 1,0 24,9 1,4 7,3 0,6 13,8 0,6 953 4,4 Des ménages 22,4 0,6 3.5 0,1 6,4 0,4 5,9 0,5 9,1 0,4 348 1,6 De l’emploi (activité partielle) 35,4 1 30,0 1,2 30,1 1,7 19,3 1,5 73,6 3,3 270 1,3 Autres (dépenses, investissement...) 30,6 0,9 18,8 0,8 13,6 0,8 21,4 1,7 33,7 1,5 389 1,8 Total-2020 118,6 3,4 74,7 3,1 75 4,3 53,8 4,3 130,2 5,9 1960 9,1 Mesures en faveur... En Mds de $ En % du PIB Des entreprises 54,8 1,6 43,0 1,8 19,6 1,1 15,8 1,3 26,4 1,2 438 2,0 Des ménages 26,1 0,8 1,5 0,1 5,9 0,3 5 0,4 8,1 0,4 974 4,5 De l’emploi (activité partielle) 18,6 0,5 20,4 0,9 9,1 0,5 1,2 0,1 32,6 1,5 400 1,9 Autres dépenses 41,7 1,2 16,9 0,7 20,8 1,2 12,4 1,0 21,9 1,0 871 4,1 Total-2021 141,1 4,1 81,8 3,4 55,4 3,2 34,4 2,8 89,1 4,0 2684 12,5
Sources : Données nationales, calculs et prévision OFCE avril 2021. Réserve de croissance. Perspectives 2020-2021 pour l’économie mondiale Tableau 1. Mesures d’urgence et de relance budgétaires 2020-2021
Département analyse et prévision Une réponse budgétaire L-XL du côté européen et XXL du côté américain Une façon d’analyser l’ampleur de la réponse budgétaire des pays en 2020 est de séparer, dans les évolutions du déficit, ce qui est lié mécaniquement aux conséquences de la crise (diminution des recettes fiscales et augmentation des dépenses sociales) de ce qui est dû aux impulsions budgétaires qui se traduisent par la mise en place de mesures spécifiques d’urgence ou de relance. Pour ce faire, nous calculons tout d’abord le déficit prévu en raison de la perte d’activité, que l’on peut mesurer à partir de la variation de l’output gap. Pour évaluer la variation de l’output gap de 2020, nous calculons l’écart entre la croissance du PIB pour 2020 et la prévision de croissance potentielle prévue pour 2020 à la fin 20193. L’estimation de la croissance potentielle est très incertaine dans le contexte de la crise économique singulière. Dans l’encadré 1, nous discutons de l’effet de la crise sur le lien entre solde conjoncturel et output gap. Ici, nous supposons donc implicitement que la crise sanitaire n’a pas d’effet au moins à court terme sur la croissance potentielle. La comparaison entre ce déficit dû à la perte d’activité et la variation du solde public primaire permet ensuite de mesurer l’ampleur des impulsions budgétaires mises en place par les États pour faire face à la crise. Premier résultat, le solde public primaire s’est plus dégradé que le seul solde public lié au creusement de la seule activité mesurée par l’output gap, révélant une impulsion budgétaire positive dans tous les pays en 2020. En revanche, les ordres de grandeur sont différents selon les pays. Et il apparaît très clairement une différence entre les pays de la zone euro et les États-Unis. À partir du calcul d'impulsion budgétaire, la réponse budgétaire des grands pays de la zone euro pour 2020 va de 2,3 points de PIB en France à 2,8 points de PIB en Allemagne et entre 3,5 et 3,6 points de PIB pour l'Italie et l'Espagne. La France se distingue dans ce groupe par la réponse budgétaire la plus modérée, la France étant le pays avec l’Allemagne où la dégradation du solde public primaire en 2020 est la plus faible alors qu’elle fait partie des pays parmi lesquels la dégradation du déficit public avec le creusement de l’output gap a été la plus forte (graphique 2). 3. En supposant une élasticité unitaire des recettes fiscales au PIB, la variation spontanée du solde public primaire liée à la perte d’activité se mesure comme celle de la variation de l’output gap multipliée par la part des recettes publiques dans le PIB (qui va de 0,33 aux États-Unis à 0,53 en France). La réponse budgétaire des pays pour 2020 peut donc être analysée comme la dégradation du solde public primaire moins la dégradation du solde public lié à la dégradation de l’output gap. serve de croissance. Perspectives 2020-2021 pour l’économie mondiale Graphique 2. Comparaison de la variation du déficit public primaire et de celle du déficit issu de la dégradation de l’output gap
Variation du solde public liée à la perte d'activité en 2020 (en % du PIB potentiel) -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 0 -2 -1 0 -1 -3 -4 Réponse budgétaire de modérée à élévée -5 DEU -6 EUZ FRA ESP -7 ITA Réponse budgétaire très élévée -8 -9 USA GBR G BR -10 Variation du solde public primaire en 2020 (en % du PIB) -2 -11
Sources : comptes nationaux, OCDE, Commission européenne, prévision OFCE.
À l’autre bout de l’échiquier, le Royaume-Uni et les États-Unis affichent une impulsion budgétaire très élevée pour 2020, respectivement 5,9 et 7,5 points de PIB. Les États-Unis connaissent en effet une dégradation de déficit public primaire supérieure à l’Espagne alors que l’output gap s’y est deux fois moins dégradé. Les chiffres que nous obtenons sur la base des impulsions budgétaires sont cependant assez différents de ceux des plans d’urgence et de relance. Ces différences peuvent provenir directement des évaluations budgétaires des mesures de soutien à l’économie, des premières estimations de déficit public et de PIB qui pourraient être révisées mais surtout des élasticités des recettes fiscales au PIB potentiellement inférieures à l’unité dans une période économiquement très chahutées. Or plus l’élasticité constatée est en-dessous de l’unité, moins le déficit public va se creuser et plus l’impulsion budgétaire calculée sera faible. Et inversement lorsque l’élasticité des recettes fiscales au PIB est éloignée positivement de l’unité. Ces différences d’élasticité de recettes fiscales au PIB peuvent expliquer en partie les écarts entre l’analyse budgétaire par mesure (bottom-up) et l’analyse macroéconomique à partir des impulsions budgétaires (top-down). Ainsi, à l'exception du Royaume-Uni, les impulsions budgétaires donnent pour tous les pays 136 Département analyse et prévision des soutiens à l’économie plus faibles que l’analyse budgétaire des mesures, ce qui laisse supposer que les recettes fiscales ont spontanément moins chuté que le PIB en 2020. Cet écart est compris entre 0,6 et 0,8 point de PIB dans les grands pays de la zone euro et de 1,6 point de PIB aux États-Unis. Sur la base des prévisions de croissance et de déficit public primaire, nous avons mesuré également l’ampleur des réponses budgétaires pour 2021 par rapport à la situation de 2019 afin d’en déduire l’impulsion. Celle-ci est quasiment nulle en Espagne et faible au Royaume-Uni (1 point de PIB), plus élevée en France, en Allemagne et en Italie (entre 3 et 4 points de PIB) et très importante aux États-Unis (près de 10 points de PIB). Au total sur la période 2020-2021, les impulsions budgétaires cumulées représenteraient 4 points de PIB en Espagne, 6 points de PIB en France et en Allemagne, près de 8 points de PIB en Italie, plus de 9 points de PIB au Royaume-Uni et 17 points de PIB aux États-Unis (graphique 3). Ainsi les États-Unis présentent un soutien budgétaire à leur économie entre deux fois et quatre fois supérieur aux pays européens sur la période 2020-2021. Une part de cet écart peut s’expliquer par le fait que les amortisseurs sociaux permettant de préserver le revenu des ménages à travers notamment l’assurance chômage ou le système de retraite sont moins développés aux États-Unis qu’en Graphique 3.
Impulsions budgétaires cumulées pour 2020 et 2021
En % du PIB, par rapport à 2019 18 16 14 2020 12 2021 10 8 6 4 2 0 FRA
Sources : prévisions OFCE. DEU ITA ESP GBR USA
Réserve de croissance. Perspectives 2020-2021 pour l’économie mondiale Europe, nécessitant une intervention discrétionnaire plus importante des pouvoirs publics en cas de crise. Il n’en reste pas moins les ÉtatsUnis ont fait le choix d’un « quoiqu’il en coûte » sans limite et avec peu de ciblages venant plus que compenser les pertes économiques issues de la crise alors que les pays européens ont mis en place des plans d’urgence et de relance calibrés peu ou prou sur le choc économique visant à préserver l’économie en ciblant les pertes économiques mais ne vont pas au-delà. Une forte augmentation des déficits et des dettes publics mais le fossé se creuse entre l’Allemagne d’un côté et les États-Unis de l’autre Assez mécaniquement, les pays avec les plus fortes impulsions budgétaires sont ceux qui vont connaître la plus forte dégradation de leurs finances publiques, les États-Unis en tête. À l’exception de l’Allemagne dont le déficit budgétaire resterait contenu autour de 4 % du PIB en 2020 et 2021, les cinq autres pays enregistrent des déficits publics supérieurs à 9 % du PIB en 2020 (graphique 4). Il est de plus de 9 % en France et en Italie, 11 % pour l'Espagne, 12 % pour le Royaume-Uni et de plus de 15 % du PIB pour les États-Unis. En 2021, les écarts sur les déficits publics s’accroissent entre l’Europe et les États-Unis. Le déficit public se replierait pour tous les pays européens, de façon significative au Royaume-Uni et en Espagne où il est attendu à 6 % en 2021, et plus modérément en France et en Italie où il se réduirait à 8 % du PIB en 2021. En revanche, aux États-Unis, le déficit public ne baisserait pas en 2021 et resterait très élevé (15,5 % du PIB), et ce malgré la forte croissance prévue. Les dettes publiques augmenteraient fortement dans tous les pays entre 2019 et 2021 mais avec une ampleur différente : de moins de 10 points de PIB en Allemagne à 30 points de PIB aux États-Unis et en Espagne et environ 20 points de PIB en France, Italie et Royaume-Uni. À l’exception de l’Allemagne, dont le niveau de dette publique serait inférieur à 70 % du PIB en 2021, le Royaume-Uni, la France et l’Espagne auraient une dette proche de 120 % du PIB, les États-Unis se rapprocheraient de 140 % du PIB et l’Italie afficherait une dette supérieure à 150 % du PIB en 2021 (graphique 5).
analyse et prévision Graphique 4. Solde public pour les six grands pays en 2019, 2020 et 2021
En %
du
PIB 4 2 DEU 0 -2 ITA GBR -4 ESP FRA DEU DEU -6 GBR ESP USA -8 ITA -10 FRA FRA ITA ESP -12 GBR -14 -16 USA USA -18 2019 2020 2021
Sources : Documents budgétaires, prévisions OFCE.
Graphique 5. Dette publique pour les six grands pays en 2019, 2020 et 2021 En % du PIB 180 ITA 160 USA GBR 120 GBR 100 ESP ESP FRA ESP GBR FRA USA FRA 80 60 USA ITA 140 ITA DEU DEU DEU 40 20 0 2019
Sources : Documents budgétaires, prévisions OFCE. Encadré 1. Les formules traditionnelles reliant l’output gap et le solde conjoncturel sont perturbées pendant la crise du Covid-19
Afin d’analyser l’orientation de la politique budgétaire, les principales organisations internationales (FMI, OCDE, Commission européenne) essayent de purger l’impact des évolutions conjoncturelles de l’évolution observée du solde budgétaire. Une fois ceci fait, il est possible de calculer un solde budgétaire structurel qui est censé mieux refléter l’impact spécifique des décisions publiques. Ce concept permet de calculer le solde budgétaire qui prévaut lorsque l’économie s’établit à son niveau potentiel. Il est censé refléter l’orientation de la politique budgétaire et donner des signaux sur la soutenabilité des comptes publics. Au-delà de son contenu informationnel, la gouvernance budgétaire européenne a intégré l’évolution du solde structurel – et son niveau – comme une cible dans le cadre des règles budgétaires. Synthétiquement, le solde corrigé des variations conjoncturelles à la date (noté peut s’écrire de la façon suivante : SCCt = Soldet – ε × OGt (1) Où ε est la semi-élasticité du solde à la conjoncture et OGt est l’outputgap à la date t (écart entre le PIB et le PIB potentiel). Mourre et al. (2014)4 présentent en détail le cadre théorique et la méthodologie employée par la Commission européenne. Sans ouvrir le débat sur quel sera l’impact de la crise du Covid-19 sur la trajectoire à long terme du PIB, cet encadré vise à montrer que le cadre traditionnel de calcul du solde corrigé des variations conjoncturelles est mis à mal par certains aspects de la crise en cours. En particulier, l’arrêt de la fourniture de certains services publics décidé afin de limiter les interactions sociales a été comptabilisé de façon hétérogène parmi les différents pays. Comme ces services sont valorisés au coût de production, essentiellement les traitements des fonctionnaires produisant ces services, et que ceux-ci ont été préservés, le PIB nominal n’a pas été impacté. Certains instituts statistiques nationaux, comme en France ou au Royaume-Uni, ont fait le choix de comptabiliser ces arrêts comme une hausse du déflateur du prix de ces services, réduisant le volume de services rendus aux résidents et diminuant le PIB en volume5. Par exemple, en France, le déflateur de la consommation des administrations publiques a augmenté de 3,9 % en 2020 (après deux années en quasi-stabilisation) poussant à la hausse le déflateur du PIB (+2,3 % après 1,2 % en 2019). De même, le déflateur du prix de la valeur ajoutée des branches non marchandes (OQ) a aussi fortement augmenté en 2020 (4,8 % après +0,5 % en 2019) alors que le déflateur de la valeur ajoutée des branches
4. Mourre, Gilles, Caterina Astarita et Savina Princen (2014), “Adjusting the budget balance for the business cycle: the EU methodology”, Economic Papers n.536, Novembre 2014. 5. Blanchet, 2020, « Autour et au-delà du PIB : nouvelles questions pour la comptabilité nationale, nouvelles pistes de réponse », Le Blog de l’Insee, 8 octobre 2020. 140 Département analyse et prévision marchandes s’établit à 1,6 % (après +1,5 % en 2019
). La crise de la Covid19 se serait traduite par une variation importante du prix-relatif des biens consommés par la puissance publique et créant une divergence conventionnelle6 entre l’évolution du PIB en volume et celle du PIB en valeur. L’évolution du solde conjoncturel dans un modèle simple avec deux secteurs
Afin de comprendre comment un choc de prix relatif modifie l’impact de la conjoncture sur l’évolution du solde budgétaire, nous allons poser un cadre conceptuel très simple. Supposons une économie composée de deux branches : une produisant des biens publics (non marchands) et l’autre des biens marchands. Par ailleurs, la dépense publique résulte uniquement de l’achat de G unités de biens publics à un prix Pg. Les recettes publiques résultent de la taxation au taux τ portant sur la valeur ajoutée générée par chacune des branches (PG G pour la branche produisant des biens publics et Pm VAm pour le secteur marchand). Pour alléger la notation, on suppose que la croissance potentielle de la productivité de chaque branche et l’inflation tendancielle sont nulles. En outre, il est supposé qu’il n’y a pas de consommations intermédiaires, ce qui permet d’assimiler la production à la valeur ajoutée. Enfin, il sera supposé que pour produire une unité de bien (privé ou public) il faut une unité de travail. Dans ce cadre contexte le solde public est égal à : Solde = τ
(
Pm VA
m + PG G
)
– PG
G Et le PIB nominal est défini par la formule suivante : PIB = PY Y = PG G + Pm VAm Nous permettant de définir le déflateur du PIB (PY) et le PIB en volume (Y) : PY = PG x αG0 + (1 – αG0 ) Pm avec αG0 = PG0 G0 / PG0 G0 + Pm0 VAm0 où 0 est une date de référence7 Y = G + VAm Avec libre mobilité des facteurs de production à l’équilibre concurrentiel, les prix du bien public et privé sont identiques à l’équilibre Pg = Pm = PY = w. Ils sont égaux au coût marginal de production, c’est-à-dire le salaire du salarié mobilisé (w). Dans ce contexte : Solde = PY [τ (VAm + G) – G ] et ΔSolde = PY (τ ΔY – ΔG) 6. D’autres choix conventionnels auraient pu être faits pour comptabiliser la baisse des services rendus au public. Par exemple, en réduisant l’activité en volume et en valeur des services publics et en ajoutant un transfert de « l’activité partielle » publique vers les services publics empêchés. Ceci aurait été plus proche de la norme adoptée pour le secteur privé. Ainsi, en valeur, la dépense publique aurait été diminuée (en valeur et en volume) des consommations liées aux services publics fermés mais augmentée avec un transfert à destination des agents publics (en valeur). Par ailleurs, la comptabilisation de ce dernier transfert comme un service d’assurance aurait permis de préserver l’activité en volume de la branche non marchande. Différents choix conventionnels aboutissent à des résultats différents en termes de PIB en valeur et en volume. 7. Si on ajoute une fonction d’utilité Cobb-Douglas de préférence du consommateur, αG0 correspond à la pondération du bien public dans la fonction d’utilité.
Réserve de croissance. Perspectives 2020-2021 pour l’économie mondiale
À l’équilibre, en l’absence de croissance tendancielle de la productivité dans aucun secteur, PY est stable, ΔG correspond à l’impulsion budgétaire en volume et ΔY correspond à l’output gap. On retrouve la décomposition classique8 avec ε = PY τ. Un choc de prix relatif modifie les relations usuelles entre le solde budgétaire et la conjoncture. Dans ce contexte simple, la crise du Covid-19 peut être modélisée à travers trois facteurs : — Un choc négatif sur la productivité du secteur non marchand : GCOVID = aG avec a ∈ [0,1[ — Une baisse de la demande de biens privés : VAmCOVID = bVAm avec b ∈ [0,1[ — L’État met en place des transferts de revenus pour un montant Tr pour compenser les pertes des producteurs des deux branches. Le secteur produisant des biens non marchands doit modifier le prix du bien public pendant la crise afin de rester solvable : PGCOVID = PG / a = PY / a. De son côté, le secteur marchand garde son prix inchangé : PmCOVID = PY Le solde budgétaire pendant la crise : = + − L’évolution du solde budgétaire devient : = + + = + 1 <0 Ainsi, dans le contexte de la crise du Covid-19 telle que décrite, le solde budgétaire se dégradera du fait de deux facteurs : les mesures de compensation mises en œuvre (–T ) et l’impact de la dégradation conjoncturelle (τ PY [VAm (b – 1)] ). Cette dernière composante ne dépend que du choc de demande en volume portant sur le seul secteur marchand. On constate notamment que l’évolution du déficit ne dépend pas du choc de productivité dans le secteur non marchand. Par ailleurs, il faut remarquer qu’il ne faut pas utiliser le déflateur du PIB de la période Covid (PYCOVID ), mais il faut utiliser l’indice de prix du secteur producteur de biens privés (PY = pm ). 8. Sans perte de généralité, on peut considérer ce prix comme le numéraire de l’économie. Alors l’élasticité du solde budgétaire aux évolutions conjoncturelles correspond au taux de taxation (proche de 0,5 comme dans les estimations disponibles de la semi-élasticité mentionnée ci-dessus). Si la productivité des secteurs diffère alors les prix relatifs permettent de compenser les écarts de productivité.
Retour à la formule classique
Si l’on utilise la formule usuelle où le solde conjoncturel est calculé en fonction de l’output gap du PIB en volume, on risque de surévaluer l’impact de la conjoncture sur le solde budgétaire : = + 1− − = 1 = + 1− −1 >0 Le déflateur du PIB augmente en proportion du poids de la consommation de biens publics et en fonction de l’ampleur du choc de productivité. On a alors : = = = + 1 + 1 < 1 Si l’on utilise la mesure du calcul du solde corrigé de variations conjoncturelles (1) utilisant l’output gap en volume traditionnel, on fera une erreur d’analyse, même si on dispose de la bonne évaluation des mesures de compensation, du PIB potentiel et d’une estimation sans biais de la semiélasticité du solde à l’output gap (ε = PY τ). Dans ce cadre très simple, la grandeur pertinente afin de mesurer l’impact de la crise sur le solde public serait la perte d’activité dans le secteur marchand ou l’évolution du PIB nominal : PIBCOVID – PIB = Pm VAm (b – 1) Cet exemple, volontairement simple, permet d’appréhender comment la crise si spéciale que l’on vit peut aboutir à la dégradation de certains outils traditionnellement mobilisés pour analyser l’évolution des finances publiques.
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Sur les fondements de la théorie des ensembles et le problème du continu
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329
SUR LES FONDEMENTS DE LA THI~0RIE DES ENSEMBLES
ET LE PROBLI~ME DU C0NTINU
]PAR
I. KONIG
BUDAPEST.
Apr~s de longues hgsitations, je me ddcide h pubher cet article.
Quel que soit l'accueil r6servds aux vues que j'y expose, je erois que Ies
questions qu'il soul,re sont de celles que la thdorie des ensembles ne
saurait 61uder darts ses ddveloppements ult~rieurs.
Que le mot >>ensemble, air 6t6 employd indistinctement pour ddsigner
des concepts tr6s cliff'rents et que ee soit l~t origine des paradoxes apparents
de la thgorie des ensembles; que d'autre part cette thdorie, comme route
science exacte, ne puisse se passer d'axiomes, et que le choix des axiomes,
plus profond iei qu'ail]eurs, soit dans une eertaine mesure arbitraire (eomme
il arrive pour routes les sciences): tout cela est bien connu. N6anmoins
je pense prdsenter sur ees questions quelques points de vue nouveaux. En
partieulier, je crois que la th6orie spdciale des ensembles bien ordonn6es
ne saurait ~tre regardde comme enti6rement fondge taut que l'on n'aura
pas 6clairei l e s questions soulev6es au w 4.
I. Soit al, a.~, . . . , a k , . . . , une sdrie infinie d6nombrable (de type
co) d'entiers positifs, et soit la suite
(al, as, . . . , ak, ...)
un dldment de l'ensemble appeld ,,continu,,. Si l'on est prgalablement
parti d'une autre ddfinition du eontinu, alors les (al, a . 2 , . . . , a k , . . . ) s o n t
des symboles qui, d'une part, dg~erminent univoquement chacun des 61dmerits du continu, et d'autre part distinguent ces dl~ments les uns des autres.
Acta mathematCzxt. 30.
I m p r i m ~ le 23 n o v e m b r e 1906.
42
880
I. KSnig.
Nous dirons qu'un ~l~ment du continu a une ,dgfinition fiuie>~ si
(nous servant pour fixer notre pensde scientifique d'une langue approprigc)
nous pouvons en un temps fini d~finir unc op6ration (loi de formation)
conduisant ~ distinguer sp6cifiquement l'dldmcnt donn~ d'un autre ~Igment
quelconque, c'est h dire dgmontrant pour un entier quelconque k l'existence
d'un et d'un seul 616ment ak.
I1 taut observer que la distinction spgeifique dont il est ici question
n'implique pas que la ddtermination de a, puisse gtre faite au moyen d'une
opdration bien d~finie ou mgme finie.
On montre facilement que les 61dments du continu dont la ddfinition
est finie torment un ensemble partiel de puissance to0. Nous ddsignerons
cet ensemble par E.
Une d6finition finie dolt s'cxprimcr tout enti~re au moyen d'un hombre
fini de roots et de signes de ponctuation. L'ensemble des ddfinitions finies
pout ~tre ordonn~ de ~elle sorte qu'~ l'une quelconque de ces ddfinitions
corresponde un et u n s e u l entier positif comme hombre ordinal fini.
A tout 616ment du continu ayant une d6finition finie correspond une
suite d'entiers positifs (puisqu'un tel dl6ment peut admettre et admet en
effet une pluralitd de ddfinitions finies). Dans cette suite il y a un entier
qui est plus petit que teus les autres. Cet entier ddterminera donc d'une
mani~re univoque l'dldment correspondant (~ ddfinition finie)du continu.
Ainsi l'ensemble E est dquivalent ~ un ensemble partiel pris dans
l'cnsemble des entiers positifs. D'ailleurs si l'on se donne unc suite
(a, a , . . . ,
a, ...),
oh a prend des valeurs enti~res positives quelconques, cette suite constitue
un dlgment du continu ~ ddfinition finie. On ddduit de ces remarques que
en d~signant par e la puissance de l'ensemble E.
Mais comme le continu, par d6finition, n'est pas ddnombrable, il y a
n6ccssairement des ~16ments du continu dent la d~finition n'est pas finie.
2. Quoique cette exposition ne puisse encore pr6tendre h une rigueur
parfaite, il taut n6anmoins pr~ciser les axiomes qui sent intervcnus jusqu'ici
dans men raisonnement.
Sur les fondements de la th~orie des ensembles et le probl~me du continu. 331
a) En premier lieu nous admettons comme un fair clue notre conscience est le theatre de processus qui ob~issent aux lois formelles de la
logique et constituent la ,pensge scientifique,. Nous admettons aussi clue
parmi ces processus i l s'en trouve clui correspondent univoquemcnt aux
processus par lescluels nous formons les suites de symboles dgfinics plus haut.
~Comment~ se produit cette correspondance et ,jusclu'ofi,> elle va, cc
sent 1~ des cluestions clue nous ne soulevions pas. (Axiome mdtalogique.)
b) Le concept de >>suite arbitraire (de type w ) d e hombres entiers
positifs,, et le concept de ~l'ensemble de routes ces suites~, que nous
appelons ~continu,, sent des ~concepts possibles,, c'est-~-dire des concepts
qui ne renferment aucune contradiction logique. (Axiome du continu.)
Une analyse plus approfondie de ces axiomes se trouve, je crois, dans
le memoire qu'a pr~sentg M. HILB~aT au I I I ~ Congr~s international des
Math~maticiens (C. R. du Congr~s, p. 174).
La d~finition du continu sur laquelle je m'appuie implique, en particulier, que la puissance du continu est ~o~~
On a en outre to0~~162
Pour le prouver on pout se rdfdrer ~ ma
n o t e Zum Kontinuum Problem, publide dans les M a t h . A n n a l e n , t. 60,
p. I77.
En admettant ces donnges, je me mets sciemment en opposition avec
la doctrine d'apr~s laquelle il serait interdit aux analystes de s'aventurer
hers du domaine des )>lois finies,. Une telle doctrine entralne selon moi
la ndgation de l'existence du continu et du problSme du continu. Men
point de rue consiste au contraire ~ admettre qu'il y a des dl~mants du
continu que nous no pouvons pas penser ,jusqu'au bout,, e~ qui, malgr6
cela, sent exempts de contradiction. Ce sent, si l'on me passe cette nouvelle
aceeption du mot, des dldments ,id6aux,.
c) Les axiomes pr6cddents nous dormant le droit de parler d'un 6lSment ,)quelconque, du continu, nous invoquons en dernier lieu l'Antith~se
logique: ))Ou un dl6ment quelconclue du continu a une d6finition finie, ou
ce n'est pas le cas., Les axiomes a) et b) une fois admis, l'axiome c)ne
saurait pas ne pas l'~tre. On peut d'ailleurs, sans rien changer h nos dgductions, lui donner une forme subjective: ,Pour un ~ldment quelconclue
du continu, on peut sfirement trouver une d~finition finie, ou ce n'est pas
le cas>).
332
I. KSnig.
3- Les donnges admises ci-dessus vont me perme~re de prouver, d'une
mani~re extraordinairement simple, que le continu ne peut pas ~tre bien
ordonnd.
Supposons que los 616men~ du continu torment un ensemble bien
ordonn6, et considdrons parmi ces dldments ceux qui n'ont pas une ddfinition finie. Ces derniers constituent un ensemble partiel de l'ensemble
bien ordonnd, et cet ensemble partiel, df~nt lui-m~me bien ordonnd, a un
et un seul premier dldment.
Or, d'apr~s les donn6es admises plus haut, le continu, comme tout
ensemble bien ordonnd, ddfini~ une suite bien cnchalnde (sans lacune,
>>liickenlos~) de hombres ordinaux ddterminds, en sorte qu'~ chaque dldment du continu correspond un et un seul hombre ordinal ct inversement.
D~s lors >>le nombre ordinal correspondant h un dldment ~ ddfinition finie
du continu~,, de mgme que >>l'dldment du continu correspondant ~ un
nombre ordinal ~ d~fini~ion finie de la suite considdrde,,, a lui-mgme une
ddfinition finie. ~ o t r e raisonnement nous forcerait d~s lors h conclurc que
dans une suite de nombres ordinaux il y a un hombre qui est le premier
de la suite et qui n'a pas de ddfinition finie. Cela est manifestement impossible.
On a en effet un ensemble d~termin~, bien ordonn~, de hombres ordinaux ~ ddfinition finie qui torment une suite bien enchaln6e (liickenlos).
,,Le nombre ordinal qui, d'apr~s son ordre de grandeur, se range immddiatement apr~s la suite en question~, est bien un nombre h ddfinition finie,
et cependant notre hypoth~se initiale conduit ~ conclure qu'il n'a pas de
ddfinition finie.
Ainsi l'hypoth~se d'apr~s laquelle le continu pourrait ~tre bien ordonnd conduit, comme je l'avais annoncd, ~ une contradiction.
4. On suspectera sans doute la valeur du raisonnement prdcddent en
faisant observer qu'il s'applique mot pour mot h tout ensemble bien ordonng non d6nombrable. I1 6quivaudrait done h prouver qu'il n'existe
pas de tels ensembles. Or on connait un ensemble bien ordonnd non ddnombrable ddfini sans contradiction: c'est la classe de nombres Z(tt0) de
M. CANTOR, OU ~l'ensemble de tous les types ordinaux des ensembles bien
ordonnds de puissance tro2. On voudra arguer de ce paradoxe qu'une faute
Sur les fondements de ]a th~orie des ensembles et le probl~me du continu.
333
a 6t6 commise darts le raisonnement que j'ai expos6. I1 ne taut pas,
qu'il en soit ainsi, comme je vais le montrer en entrant dans quelques ddtails.
L'acception du mot ,ensemble, diffdre totalement dans les deux cas.
Lorsque nous construisons le concept du continu, notre point de d6part, notre base est la suite ))arbitraire, (al, ap, . . . , ak, ..,). E n rant
que nous rempla?ons al, a p , . . , par des entiers positifs d6termin~s, nous
raisons de cette suite une suite ))d6terminde)), un 616merit du continu qui,
s'il est ddfini, est dans notre entendement distingu6 do t o u s l e s autres
616ments. E n rant ~tue nous nous repr~sentons ensuite l'ensemble de tous
ces 61gments ))bien distinets)), nous sommes conduits au continu.
I1 en est tout autrcment de la classe de nombres Z(~0). Les ,>61gments>) de cette classe sent ddfinis par la ,propri6t6)) qu'ils ont d'etre les
types ordinaux d'ensembles bien ordonnds de puissance tr
Nous connaissons h vrai dire de tels 61dments, par exemple: w , w + I , . . ..
Mais la
propridt6 qui les dgfinit n'est q u ' u n e abstraction; h mettre l,es choses a u
mieux, elle fournit un moyen de distinguer entre les objets qui appartiennent
la classe consid6r6e et les autres objets; mais elle ne donne aucune indication sur ]a mani~re dent on pourra effectivement former chacun des
dldments de Z(~0). C'est ici un ))concept collectif,> qui est notre base,
et c'est on partant de ce concept que nous construisons apr~s coup des
616merits. C'est pourquoi je voudrais qu'avec M. CA~TOa on appels Z(tr
une ,,elasse)) en non un ,,ensemble,>.
Mais que la scconde classe de nombres Z(~r puisse ~tre d~finie
comme ensemble explicite form6 d'dldments bien distinguds (distincts par
9leur nature), eela ne saurait actuellement ~tre regard6 comme vraisemblable.
Et prgcisgment, si l'on accepte la d6monstration que j'ai donnde plus haut,
on en dgduira que la Seconde classe de hombres ne saurait ~tre con~ue
comme grant un ensemble donn6 explicitement, c'est-it-dire comme ensemble
d'dl6ments parfaitement distinguds et s6par6s les uns des autres. 1
1 Ls se trouvo, je trois, l'origine des paradoxes de la th~orie des hombres ordinaux, que hi. BURALI-FoRTI a signal's le premier.
J'ajouterai encore quelques remarques qui facilitent peut-~tro la comprehension
duw
L'ensemble des nombres entiers positifs n'est hi aussi originairement donn~ que
comme >>classe>>. C'est 5galement ainsi que M. HILBERT d~finit (1. e.) lo >>plus petit
334
I. KSnig.
En terminant set expos~ fragmentaire, je me plais ~ reconnaltre que,
bien qu'oppos~s ~ certaines rues de M. CANTOR, mes r~sultats, s'ils sent
exacts, ne mettent que mieux en lumi~re la haute valeur des crdations
g~niales de l'illustre analysts. Ce ne sont d'ailleurs que certaines pr6somptions de M. CANTOR qui seraient infirmdes par ce travail: le eontenu des
propositions ddmontrdes par lui subsists intact.
Je remarque enfin que la distinction fitablie ici entre les >>ensembles>>
et les ~elasses, ~claircit enti~rement les paradoxes bien connus de la tMorie
des ensembles (ensemble de tous les ensembles etc.).
Les principaux rSsultats exposds ci-dessus ont dr6 pr~sentds h l'Acaddmie Hongroise des Sciences le 2o juin I9o5.
intlni~. Mais il semble qu'ici le postulat qui consists ~ assimiler la classe ~ un ensemble explieitement donn6 soit possible, c'est-~-dire exempt de contradiction.
Au contraire, d'apr6s ce qui pr6cSde, on devrait regarder le continu comme ~tant
exclusivement un ~ensemble explicitement donn6>>, et la seconds classe de nombres comme
6tant exclusivement une classe ou (si l'on me permet l'expression) un >>ensemble en puissance>>, (werdende Menge).
Je veux encore signaler un concept collectif tr6s ~16mentaire que st~rement on n'a
pas le droit de consid6rer comme ensemble cxplicitement donn6.
Partons de l'ensemble de t o u s l e s nombresT d6cimaux finis, mais regardons ces
hombres comme ayant une infinit6 de d6cimales, cela en ajoutant ~ lear droite une infinit~ de z6ros.
Imaginons que dans les hombres ainsi 6crits nous 6changions deux ehiffres quelconques. Toutes les places sont disponibles, c'est-~-dire que si nous remplaTons un chiffre
qaelcenque par an autre chit~re quelconqae, nous obtenons un hombre qui appanient
encore & la classe consid~r~e.
Et cependant il n'est aucunement permis de parler de l'ensemble de t o u s l e s
places, comme places disposibles; car alors on omettrait manifestement de fairs intervenir
le principe restrictif auquel satisfait la loi de formation de nos nombres. Ce principe
est le suivant: ~La place de rang k est disponibls; mais il exists n6cessairement un
entier positif l ~> k, tel qu'/L partir de la place de rang l mates les places soient occup6es par le chiffre o.,
Pour r6pondre ~ la question: ,Combien y a-t-il de places disponibles simultan~ment?, lee hombres cardinaux (au sens de M. CANTOR) sent inad6quats: il faut cr6er
un nouveau concept.
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Pour moi, c'était le contraire, c'était la libération : amour à mort et à vie! L'image de notre couple s'est noircie : nous nous disputions très rarement mais on avait peur de continuer. Pour nous c'était très 313 difficile d'assumer notre couple ; j'étais soupçonné d'être un manipulateur, un démagogue, un mégalomane et un profiteur qui n'a qu'une seule idée en tête : obtenir un passeport belge. C'est vrai que pour moi ça aurait été un bonus d'avoir la nationalité belge, pas pour la sécurité sociale mais pour les opportunités. Je pouvais travailler, m'acheter une camera, trouver des zinzins pour jouer dans mes films. L'idée d'un mariage blanc était pour moi totalement immorale et inacceptable et pourtant elle collait à ma peau. Impossible de nous défaire de ces regards accusateurs. Alors ce fut la rupture. Moi, je voulais continuer, après toutes ces péripéties, me voilà en train de vivre avec quelqu'un pour qui j'ai une énorme affection. Pour moi elle était l'amour de ma vie. C'est elle qui a voulu rompre ; j'ai déménagé dans un appartement en colocation avec deux étudiants. J'étais déçu par le système. Après huit ans d'implication acharnée dans la société, me voilà à l'écart. Un sans-papiers avec une vie sans lendemain. Quelques mois plus tard j'ai été auditionné pour ma demande d'asile ; d'ailleurs c'était absurde puisque je n'étais pas un réfugié venant de s'installer en Belgique, j'étais presque baptisé belge depuis l'avènement de Charlotte. Quelques semaines plus tard j'ai reçu une réponse négative, je savais que faire appel ne servirait à rien alors j'ai tout laissé tomber, j'avais mon travail au noir, mon permis non renouvelé et mon mariage blanc raté! A l'appart, pendant les vacances, j'étais souvent seul à la maison, je regardais la Une, elle passait la nuit des courts métrages. L'ironie du sort, je tombe sur Joséphine! Le film qu'on avait tourné avec Cosmo Kino quelques années auparavant. Le film auquel je n'avais pas été invité, je le vois devant moi comme un mirage. J'étais là, derrière cette scène, je tenais Boully derrière la fenêtre pour qu'il ne tombe pas. Puis, à la fin je vois dans le générique que mon nom était mentionné en tant que régisseur. Pour moi c'était le choc, voyant ce film, pour moi c'était comme un message : il faut faire ses valises, plier bagage et fermer la boutique. 315 Catégorisation de la resocialisation à travers différents récits de vie Conclusion du deuxième chapitre
Ce chapitre avait pour but de répondre à la question : Pourquoi certains capitaux d'origine vont-ils être transposables alors que d'autres ne le sont pas? Quelle forme de socialisation est envisageable pour les migrants? Notre hypothèse a été fondée sur le rôle du travail en tant que socialisateur essentiel d'un migrant : censé être au coeur de la construction de la carrière migratoire, il est lié à la notion de citoyenneté et son acquisition conditionnerait une resocialisation plus ou moins réussie, en fonction des caractéristiques biographiques de chaque parcours et des capitaux dont dispose le migrant. Dans le cas des migrants iraniens, le capital culturel d'origine, rarement reconvertible dans la société d'accueil, se manifeste sous trois formes : à l'état incorporé qui renvoie aux dispositions durables de l'organisme acquises à travers un travail permanent pour se cultiver ; à l'état objectivé qui renvoie à la possession effective de biens culturels et, enfin, à l'état institutionnalisé caractérisé par la sanction et l'objectivation de titres scolaires ou sociaux. Si l'individu ne pratique pas la langue, le capital incorporé doit être adapté par un travail d'assimilation des codes linguistiques, sociaux et corporels. Le capital objectivé n'est pas non plus utilisable puisque, souvent, le départ précipité du migrant ne lui permet pas d'emporter ses biens. Cependant, il existe des cas exceptionnels : des personnes aisées ou de la haute-bourgeoisie d'Iran ont réussi à emporter des tableaux, des travaux artisanaux pour les revendre dans les pays hôtes. Pour finir, le capital culturel institutionnalisé est rarement reconnu, ce qui oblige le migrant à reprendre sa trajectoire scolaire en Belgique. À travers nos interviews, il est notable d'observer que, pour les migrants reprenant des études, l'institution scolaire, par son « monopole de certification » est perçue, à raison, comme un moyen efficace pour reconvertir le capital culturel originel. Il faut toutefois noter que, d'un point de vue global, c'est le capital incorporé qui semble être le plus important pour la socialisation du migrant. En effet, sans une maîtrise correcte de la langue, des codes de conduite ou même des codes vestimentaires, le nouvel arrivé n'évoluera que difficilement dans les canaux de la socialisation ; un manque d'autonomie qui lui vaudra une situation marginale. Le capital social et professionnel possédé dans le pays hôte apparaît comme un facteur déterminant dans la resocialisation des individus. Une ressource qui, selon l'importance de son étendue, facilitera plus ou moins la socialisation, à condition que le capital culturel soit bien adapté. Le capital social se manifeste lorsque le migrant entre dans une lutte de reconnaissance sociale avec une phase de conflit : c'est la période la plus importante pour le migrant, notamment lorsque la 317 compétition s'exacerbe et devient consciente, interpersonnelle, se transforme en rivalité, en lutte pour déterminer le statut de l'individu dans l'ordre social. À partir de nos observations et des interviews effectuées, nous avons constitué une grille de sept catégories reflétant les différents modèles de la socialisation des migrants iraniens en Belgique.
1. Resocialisation estudiantine, linaire classique
Socialisation classique des migrants. Dans cette catégorie, les migrants sont relativement jeunes, entre 16 et 24 ans, à leur arrivée sur le territoire belge. Leur intégration dans le tissu scolaire belge leur permet d'avoir une trajectoire linéaire dans cette société d'accueil. La reconversion du capital culturel objectivé s'effectue dans des structures de socialisation adaptées à l'âge et au niveau des migrants et elle participe à la réussite de leur intégration. Ainsi, si les capitaux économiques, culturels et familiaux peuvent être une aide, ils ne sont pas forcément des ressources indispensables à la réussite de la trajectoire migratoire.
2. Resocialisation militantiste et associative
Socialisation dans le champ politique de la diaspora. Les individus concernés sont souvent des réfugiés politiques qui parviennent à prolonger leurs activités subversives d'origine au sein des structures de l'opposition iranienne exilée. Ces activités politiques permettent au migrant de rester autonome dans la société hôte. Ainsi les migrants évoluent dans un univers iranien et la reconversion de leur capital culturel n'est pas nécessaire pour la réussite de leur migration ; seul, leur capital social importe.
3. Resocialisation par transposition du capital d'origine
Pour ces migrants, le capital d'origine est transposable dans le pays hôte. L'essentiel des ressources que le migrant réinvestit dans sa socialisation provient de ses capitaux culturel et économique d'origine, ce qui induit que sa position économique et sociale d'origine était suffisamment élevée pour l'aider dans sa trajectoire migratoire. Ce capital est transposable et convertible.
4. Resocialisation avec rupture professionnelle
Sur trente-huit migrants interviewés, dix sont dans une situation de rupture professionnelle. Cette situation se caractérise par le fait que les capitaux culturels et professionnels des individus ne sont pas reconvertibles dans la société d'accueil. Le migrant doit recommencer une formation puis une nouvelle carrière professionnelle au cours de laquelle ses capitaux économiques et sociaux vont intervenir fortement. Les capitaux économiques de départ lui donneront une certaine aisance tandis que ses réseaux sociaux seront profitables pour son insertion. Les migrants concernés ont entre 32 et 45 ans et la perspective de reprendre le travail est parfaitement envisageable.
5. Resocialisation structurelle
La majorité des sociologues estime que les institutions telles que l'École, l'Université, la Famille, etc., sont des instances de « socialisation » structurelles Catégorisation de la resocialisation à travers différents récits de vie des personnes qui mettent l'accent sur l'individu et incluent l'idée d'une intériorisation continue des normes, des valeurs et de l'apprentissage71. La resocialisation va se transformer en « socialisation structurelle » lorsqu'un migrant monte dans l'échelle de la hiérarchie sociale du pays d'accueil, entre dans la lutte de reconnaissance et s'engage dans un processus conflictuel pour décrocher un poste au sein d'une institution, autant d'étapes qui s'accompagnent d'une forte assimilation dans les institutions du pays hôte. Ces individus disposent d'un fort capital culturel et social qui leur permet une socialisation aisée dans la société concernée.
6. Resocialisation en échec
Revenant sur le concept-phare de la construction de la carrière migratoire qui est supposée déboucher sur un emploi, on peut distinguer ceux qui « réussissent » et ceux qui ne « réussissent » pas (quelle que soit la définition de la réussite professionnelle que l'on adopte). L'enquête dévoile deux cas de figure. Le premier comprend des individus qui ne parviennent pas à obtenir un statut juridique ; celui-ci renvoie pas simplement à la seule dimension juridique du titre de séjour légal en Belgique mais conditionne aussi la capacité à se projeter dans l'avenir, à élaborer des plans, à poser des choix, à maitriser son destin. Du coup, le migrant est plongé dans une insécurité qui n'est pas obligatoirement « que » juridique. Le deuxième cas de figure correspond aux individus qui entrent dans un engrenage de violence, de déviance, etc. Dans ces deux cas, représentant en fait une tendance marginale, on peut estimer que le triple manque de capital économique, de capital culturel et de capital professionnel frappe et handicape les individus dans leur processus de resocialisation. 7. Conclusion général Conclusion générale
Que nous enseignent trois années de recherche sociologique sur la diaspora iranienne en Belgique? Suite à un premier livre consacré à cette thématique dans lequel nous avions abordé la question des trajectoires, le présent ouvrage avait vocation à décrypter le modèle d'intégration des migrants iraniens en Belgique. Aborder l'analyse sociologique d'un phénomène complexe à partir d'un choix conceptuel entre intégration et socialisation relevait d'un pari risqué : en effet, le bien-fondé des arguments pouvait être mis en cause et l'image même du chercheur pouvait en être ternie. Notre réflexion de départ a commencé par une question simple : la majorité des sociologues critiquent l'extension excessive de l'utilisation de mot intégration, très teinté politiquement. Au nom de quoi réserver l'intégration uniquement aux migrants et à leurs descendants et ne pas l'appliquer à d'autres catégories sociales?1 Cette question se situe au coeur du premier chapitre qui explique notre préférence dans le champ migratoire pour le concept de socialisation aux dépens de celui d'intégration. Le concept de socialisation permet en outre de saisir le facteur humain intervenant dans les choix du Sujet alors que l'intégration induit l'obligation pour les individus de s'adapter au collectif déjà existant ; le sujet est pensé comme acteur « débrouillard » opérant dans la phase d'un flux migratoire de type transnational ; le concept de socialisation permet ainsi de ré-ouvrir le débat entre le structuralisme des années soixante-dix et les partisans du Sujet2 qui placent le migrant au coeur de la construction de sa carrière migratoire, la définition du Sujet étant celle d'Alain Touraine : «J'appelle sujet la construction de l'individu (ou du groupe) comme acteur, par l' association de sa liberté affirmée et de son expérience vécue assumée et réinterprétée. Le sujet est l'effort de transformation d'une situation vécue en action libre ; il introduit de la liberté dans ce qui apparaît d'abord comme des déterminants sociaux et un héritage culturel »3. À partir du choix conceptuel de base en faveur de la socialisation, la recherche nous a conduit 1.
Dominique Schnapper, Qu'est- ce que l'intégration?, op.cit.p.202. Michel Wieviorka, Neuf leçons de sociologie, op. cit., p.19. 3. Alain Touraine, Qu'est-ce que la démocratie?, Paris, 1994, Fayard, p.23. 2 321 vers le concept de 4ème socialisation présenté dans cet ouvrage, et inédit dans le champ migratoire. En effet, en règle générale, pour les individus qui naissent, grandissent avec leurs parents, prennent le chemin de l'école, se socialisent et cherchent un travail sur le même territoire et dans le même milieu social que leur famille - ou ailleurs, mais dans le même État souverain dont ils sont citoyens à part entière – le mode de vie stable pour les hommes du moins, se construit grâce au travail et à la famille 4. A partir d'un certain âge, entre trente et quarante ans, les individus estiment qu'ils occupent un métier pour le restant de leur vie. En revanche, les migrants en général et les migrants iraniens en particulier qui « saisissent » plusieurs sols et vivent des trajectoires multiples, connaissent souvent une nouvelle socialisation, un recommencement de vie à zéro ; étape que nous qualifions de quatrième socialisation pour rester fidèle à la chronologie des trois socialisations largement évoquées dans le premier chapitre : primaire (famille), secondaire (école et éducation), tertiaire (division du travail et emploi) et qui met les migrants dans un registre bien différent de celui des indigènes. Où commence alors cette quatrième socialisation? Dans notre recherche, l'enquête a eu tendance à confirmer la première hypothèse transversale qui consisterait à attribuer une grande importance aux choix stratégiques opérés par le migrant lorsqu'il obtient une carte d'identité ouvrant la porte à un statut juridique et social dans le nouveau pays ; ce moment serait alors le début de la 4ème socialisation et aurait une influence décisive pour les étapes suivantes de la vie. Cette carte d'identité classe les individus en fonction de deux stratégies différentes pour leur trajectoire : ceux qui réussissent à l'obtenir et ceux qui échouent. Les extraits des récits du deuxième chapitre soulignent le rôle primordial du statut juridique : lorsque celui-ci est établi de manière non définitive par les institutions d'accueil, il engendre un sentiment de peur et d'instabilité du migrant au quotidien et dans ses rapports avec le social ; l'absence de statut juridique satisfaisant génère aussi une sensation que la liberté de mouvement est très relative, ce qui suscite une crainte dans l'espace public et entraîne une intégration sociale en retrait, ressentie comme une « mort sociale ». Cette non-existence administrative et juridique du migrant en attente de l'examen de ses droits par l'autorité du pays d'accueil fait écho à une sanction pénale relative à la privation de droits civiques. Il existe en effet une peine en droit pénal français qui a pour objet de retirer à l'individu coupable d'une infraction l'exercice et la jouissance de ses droits civiques (perte du droit de vote, du droit à l'éligibilité, capacité contractuelle réduite, etc.) pour une durée déterminée. Cette sanction donne au 4. Daniel Bertaux, L'enquête et ses méthodes, Le récit de vie, Paris, Armand Colin, 2006, p. 105. Conclusion général condamné l'impression d'être un « sous-citoyen avec un statut tronqué de certains de ses droits5. Reste alors la question de fond : Pourquoi certains migrants n'arrivent-ils pas à décrocher un statut juridique? Est-ce lié au statut social que le migrant avait dans son pays d'origine ou aux structures sociales proposées par le pays hôte? Tout d'abord, l'enquête souligne que ces migrants ne disposaient en Iran que de maigres informations provenant de connaissances ou de membres de leur famille, informations souvent peu pertinentes, voire totalement inadaptées. Un grand nombre d'entre eux déclarent ne pas avoir de famille ou d'amis en Europe et quasiment aucun n'entretenait de liens avec la communauté iranienne de Belgique qui aurait pu donner des informations précieuses avant le départ et apporter son aide pour constituer les dossiers au moment de l'arrivée. En revanche, beaucoup disent avoir des parents ou des amis en Angleterre, en Suède, au Canada ou aux États-Unis ; l'enquête tendrait ainsi à montrer que la Belgique occupe un statut géographique particulier et que, peut-être sous l' influence de passeurs, elle est un lieu de transit pour l'Angleterre ou d'autres pays. Ensuite, notre problématique théorique dans le processus de la quatrième socialisation est plus explicite sur ces cas particuliers des migrants iraniens. Elle avance l'hypothèse d'un binôme du manque d'un capital économique et d'un capital culturel et professionnel dans ses trois dimensions importantes : compétences linguistiques, diplômes reconnus par les institutions, formations adaptées au nouveau métier. Ses trois handicaps du capital culturel et sa situation matérielle sanctionneraient sévèrement un migrant et cela ne lui permettrait pas d'avoir une mobilité sociale, un dialogue et un échange avec le milieu social autochtone pour mieux s'y insérer. 323 migrants installés dans leur nouveau pays, le problème peut être plus ou moins difficile à résoudre, notamment en fonction de l'âge et de la profondeur de la socialisation précédente. Dans ce processus de la 4ème socialisation, ce qui nous intéresse est le triangle de la division du travail, de l'acquisition des nouvelles spécialités et de la rémunération qui débouche sur le statut social des individus. Ce statut s'approprie un « quatrième sous-monde », propre à chaque métier ou couche professionnelle caractérisant la socialisation quaternaire. En effet, au cours de celle-ci, les individus intériorisent les règles d'un quatrième « sousmonde », règles qui sont plus rigides que celles des « sous-mondes » primaire (famille), secondaire (école et savoir) et tertiaire (emploi dans le pays d'origine) et qui relèvent généralement de réalités tangibles et concrètes sanctionnant sévèrement les individus qui n'intériorisent pas les bonnes conduites dans le pays hôte6. La socialisation quaternaire, dans son étendue et ses caractéristiques, est donc constituée à la fois par la distribution d'une « connaissance spéciale », par la complexité de la division du travail et la lutte pour la reconnaissance qui lui est rattachée. Elle représente une connaissance qui apparaît comme « porteuse » des caractéristiques des institutions du pays hôte. Certes, les démarches formelles de socialisation quaternaire supposent toujours le processus antérieur des trois socialisations précédentes. C'est-à-dire que la socialisation quaternaire traite avec un Moi déjà formé et avec un monde déjà intériorisé ; elle ne construit pas une réalité subjective ex nihilo. Cela crée de la complexité dans la mesure où la réalité déjà intériorisée au cours des processus précédents a tendance à persister : tous les nouveaux contenus qui sont maintenant destinés à être intériorisés doivent, d'une façon ou d'une autre, être superposés à ces réalités déjà présentes7. En fait, dès l'attribution de la carte d'identité et l'octroi du statut de nouveau citoyen par l'État, un migrant entre dans la nouvelle phase où naît le « Je » qui est moins attaché à un « Nous » du passé, comme le montre l'analyse d'Alain Touraine : « La décomposition du moi est en effet une condition nécessaire de la formation du sujet et en même temps, s'il n'y a pas d'attitude de conflictualité, on ne voit pas d'où viendrait le recours à un sujet. 6. Peter Ludwig Berger et Thomas Luckman, La construction sociale de la réalité, traduit, Paris, Armand Colin, 2003, p. 189-191. 7. Ludwig Berger et Thomas Luckman, La construction sociale de la réalité, op. cit., p.192. 8. Alain Touraine et Farhad Khosrokhavar, La recherche de soi, Dialogue sur le sujet, Paris, Fayard, 2000, p. 149.
Conclusion général
Cette passation d'un individu du « Nous » au « Je » pose énormément de problèmes car un migrant a du mal à se positionner de manière positive par rapport à la nouvelle société qui lui demande d'adopter « un nouveau vivre ensemble ». Mais le contenu de ce « vivre ensemble » va devoir être défini essentiellement par les individus eux-mêmes - alors qu'ils sont déjà en situation de désaffiliation par rapport à leur milieu social d'origine - plutôt que par l'appartenance à un groupe. Emile Durkheim n'a pas caché ses inquiétudes sur l'insuffisance de socialisation et de lien conduisant au désordre social et individuel9. En fait, un migrant serait, en quelque sorte, clivé entre une défense de son nouveau « Je » marqué par l'individualisme européen et le nouveau contrat social du « vivre ensemble » qui nécessite forcément une nouvelle socialisation et une nouvelle représentation de soi ; il s'agit là d'un point important qui mérite une recherche ultérieure. En conclusion, l'entrée de l'individu dans ce nouveau lien social lui permet de participer pleinement à la vie sociale, de concrétiser les conditions de la réalisation de soi, d'aborder un stade d'autonomie en relation directe avec la structure sociale. Les quatre transformations de la représentation mentale que nous venons de décrypter dans le processus de la quatrième socialisation sont en effet en harmonie avec la nouvelle socialisation des migrants car « la subjectivation moderne est une socialisation et non une désocialisation »10 mais socialisation bien singulière, propre aux individus, à l'opposé de celle vécue en Iran puisque cette nouvelle socialisation résiste à certaines normes et à certains pouvoirs ainsi qu'à l'ensemble des subjectivations précédentes en discordance avec la nouvelle société. Cependant, pour ces résistances, nous ne sommes pas en mesure d'identifier les limites d'action du sujet ; cette question dépasse largement le cadre de notre analyse et nous voulons ici simplement poser la problématique et saisir les données empiriques de la transformation des représentations des migrants. Tableau 7 : Synthèse de la resocialisation des migrants en Belgique
N° Typologie N° de récits 1, 10, 13, 15, 30, 31, 32 T Critères T1 Resocialisation estudiantine, linéaire classique 7 Resocialisation linéaire incertaine 2 1 Resocialisation linéaire continue 3, 5, 6, 22, 23 5 Resocialisation 17, 9, 28 3
Age relativement jeune (entre 19 et 30 ans), apprentissage de la langue et validation scolaire des acquis, statut juridique légal d'étudiant permettent au migrant de s'intégrer à travers une carrière étudiante ou professionnelle. Malgré un âge relativement jeune, l'acquisition difficile de la langue, le changement d'orientation scolaire, le statut juridique précaire (pas de permis de travail) mettent la resocialisation du migrant dans une situation instable. Entre 16 et 24 ans, le migrant, grâce à son statut d'étudiant, parvient à maîtriser la langue et à régulariser sa situation. La construction de sa carrière est similaire à celle des autochtones.
Le capital social
et
culturel d'origine T1 T1 Conclusion général T2 militantiste et associative Resocialisation par transposition du capital d'origine 7, 8, 16, 25, 26, 37 6 T4 Resocialisation par rupture du capital d'origine 4, 18, 12, 19, 20, 24, 27, 29, 33, 34, 38 11 T5 Resocialisation structurelle Acquisition d'un capital culturel fort dans le pays hôte. 11, 14, 2 T6 Resocialisation en échec
35,
36 2 T7 Resocialisation 21 1 T3
nomadiste 327 du migrant est suffisamment développé pour lui permettre de continuer à faire de la politique avec sa communauté d'origine en diaspora. Ce cas inattendu et rare est lié à l'acquis d'un fort capital social et culturel utilisable pour les activités associatives. Le capital social professionnel d'origine est transposable dans le pays hôte. Après avoir obtenu une carte de séjour, le migrant s'oriente vers le marché du travail et se débrouille vite dans la nouvelle socialisation. Mais certains migrants sont cependant sanctionnés par l'âge en dépit de la transposition des capitaux d'origine. Certains capitaux culturels et sociaux ne sont pas transposables dans le pays hôte. Le migrant doit recommencer une carrière professionnelle. La majorité des individus concernés ont entre 32 et 45 ans. La plupart vont devenir artisans, libéraux, chauffeurs de taxi, créateurs d'entreprise, travailleurs du bâtiment. L'acquisition scolaire et universitaire du capital culturel et professionnel se fait majoritairement dans le pays hôte (enseignement supérieur) ce qui permet au migrant de progresser sans encombre dans le pays en question. Malgré ses capitaux professionnels d'origine, l'individu peine à s'intégrer, pour des raisons personnelles (le migrant interrogé est toxicomane). L'impossibilité d'obtenir un statut juridique légal et de s'intégrer professionnellement et socialement contraint les migrants à vivre dans la clandestinité ou à s'exiler de nouveau. Le premier cas de figure profitera de son capital familial important pour regagner l'Iran ; le second n'aura pas d'autres choix que de demeurer dans une situation précaire. L'affinement du choix des concepts, la prise de distance par rapport à l'objet de recherche, le souci de sincérité envers les auteurs dont on emprunté certaines idées, la vigilance sur l'instrumentalisation des recherches par les institutions étatiques sur des thèmes sensibles comme émigration-immigration et enfin les exigences du jugement moral de l'auteur ont accompagné les temps forts de lecture tout au long de la rédaction de cet ouvrage. Le plaisir d'aller du connu vers l'inconnu et le respect des principes de la science étaient au centre d'une motivation personnelle pour cette recherche. Notre bibliographie traduit ces contraintes et se présente sous cinq thèmes : socialisation et Sujet, récits de vie, méthodologie, champs migratoires, Iran contemporain. Socialisation et Sujet Berger
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LISTE DES ENQUETES
Les numéros affectés aux entretiens (réalisés entre décembre 2008 et juillet 2010) ont uniquement une valeur chronologique. N. 1, Said Nourbakhsh, né le 1979 à Téhéran, immigré à Bruxelles en mai 2001, étudiant en M2 en sociologie, entretien à Liège le 04.06.09. N. 2, Amir Forouz, né en 1974 à Téhéran, immigré à Liège en 2000, sans emploi, entretien à Li ège le 04.06.09. N. 3,
Amir Téhérani
, né 1984, immigré à Bruxelles en 2001, étudiant en Master 1, entretien à Bruxelles le 02.07.09. N
.
4,
Anvar Mir Sattari
, né en 1954 à Talesh au nord de
l
'Iran,
exil
é
à Bruxelles en
octobre
1986,
g
érant d
'
une
entreprise,
entretien
à Bruxelles le 02.07.09. N. 5, Hamed Dabestani, né en 1983, immigré à Bruxelles en 1998, étudiant en L II design, entretien à Bruxelles le 02.07.09. N. 6, Mehdi Esfahani, né en 1982, immigré à Bruxelles en 2001, étudiant en Master 2, entretien à Bruxelles le 02.07.09. N. 7, Saïd Panahi, né en 1974 à Téhéran, immigré à Liège en 2002, commerçant en textile, entretien à Liège le 21.08.09. N. 8, Parvaneh Panahi, née en 1982 à Téhéran, immigrée à Liège en 2008, chercheuse d'emploi, entretien à Liège le 21.08.09. N. 9, Ahmad Aminian, né en 1954 à Téhéran, immigré à Bruxelles en 1977 comme étudiant, chercheur à l'ULB, Président du Centre culturel Omar Khayam, entretien à Bruxelles le 03.09.09. N. 335 N. 13, Abolfaz Ordoukhani, né en 1941 à Téhéran, immigré à Bruxelles en 1967, retraité du commerce, écrivain, entretien à Bruxelles le 10.10.09 et le 20.11.09. N. 14, Firouzeh Nahavandi, née en 1955 à Paris, a fait des séjours à Bruxelles en 1959, 1961, 1977 et s'est exilée définitivement en septembre 1978, professeur à l'Université libre de Bruxelles, directrice du Centre d'Études de la Coopération Internationale et du Développement (CECID), entretien à Bruxelles le 13.11.09. N. 15, Ali Rahimi, né en 1940 à Téhéran, immigré à Bruxelles en 1967, enseignant-chercheur retraité, fait de l'import-export entre la Belgique et l'Iran, entretien à Bruxelles le 13.11.09. N. 16, Sarah Pourneshât, née en 1962 à Téhéran, exilée à Bruxelles en 1988, dentiste, entretien à Bruxelles le 13.11.09. N. 17, Ebrahim Nabavi, né en 1959 à Astara (au nord-ouest de l'Iran), exilé à Bruxelles en
2003
, journaliste et écrivain, entretiens à Bruxelles le
13.1.09
et
le
10.
12.09.
N. 18, Massoud Hématy, né en 1941 à Semnan, exilé à Bruxelles en 1985, chauffeur de taxi, entretien à
Bruxelles le 13.11.09. N
.
19, Shirine Es
fandiarmazd,
née
en 1963 à Téhéran, exilée à Bruxelles en 1997,
directrice
de l'
association Razi
, entretien
à
Bruxelles le 10.12.09. N
.
20, Farhad Ashtari
,
né
en 1954 à Téhéran, immigré à Bruxelles en 1979 pour reprendre ses études,
puis ré
-immigré en
1980
,
professeur
de persan et
doctorant en
sciences
sociales, entretien à Bruxelles le 10.12.09. N. 21, Kayvan Sarbazi, né en 1979 à Bandar-Abbas (au sud de
l'
Iran), immigré
à
Bruxelles
en
2001
,
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en Iran en 2008 pour le service militaire, sans emploi, entretien par correspondance, 02. 02. 2010. N. 22, Ramine Mohammadi, né en 1983 à Ispahan, exilé à Bruxelles en 2007, demandeur d'emploi, entretien à Bruxelles le 12.12.09. N. 23, Lâdan Moslehi, née en 1983 à Téhéran, immigrée à Bruxelles en 2008, demandeuse d'emploi, entretien à Bruxelles le 12.12.09. N. 24, Reza Moulaï Nejad, né en 1938 à Téhéran, exilé en Espagne en 1983,puis immigré en France en 1986, ré-immigré définitivement à Bruxelles en 1990, gérant d'une station essence, entretien à Bruxelles le 11.12.09. N. 25, Siamak Farid, né à Téhéran en 1956, exilé en 1986 à Bruxelles, électricien dans une entreprise, entretien à Bruxelles le 12.12.09. N. 26, Habib Kazemi, né en 1957 à Téhéran, exilé à Bruxelles en octobre 2000, demandeur d'emploi, entretien à Bruxelles le 12.12.09. Liste des enquetes N. Que nous enseignent trois années et demie de recherche de terrain, entre décembre 2008 et mai 2012, en collaboration avec le CEDEM de l'université de Liège, sur la diaspora iranienne en Belgique? Le livre précédent a étudié la question des trajectoires, le présent ouvrage a pour but de décrypter le modèle d'intégration des Iraniens en Belgique. La majorité des sociologues critiquent l'extension excessive de l'utilisation du mot intégration, très marqué politiquement. Au nom de quoi réserver l'intégration uniquement aux migrants et à leurs descendants et ne pas l'appliquer à d'autres catégories sociales? Cette interrogation, au coeur d'une réflexion sociologique, explique notre préférence pour le concept de socialisation aux dépens de celui d'intégration. En règle générale, pour les individus qui naissent, prennent le chemin de l'école, se socialisent et cherchent un travail dans le même milieu social que leur famille, sur le même territoire, ou ailleurs, mais dans le même État souverain dont ils sont citoyens à part entière, un mode de vie stable, pour les hommes du moins, se construit grâce au travail, au logement et à l'entourage familial. A partir d'un certain âge, entre trente et trente-huit ans, les individus estiment qu'ils occupent un métier pour le restant de leur vie. En revanche, les migrants en général et les migrants iraniens en particulier qui « saisissent » plusieurs sols et vivent des trajectoires multiples, connaissent souvent une nouvelle socialisation, un recommencement de vie à zéro, étape que nous qualifions de quatrième socialisation, pour rester fidèle à la chronologie des trois socialisations habituelles, primaire (famille), secondaire (école et éducation), tertiaire (division du travail et l'emploi) ; cette socialisation quaternaire place les migrants dans un registre bien différent de celui des autochtones. Où commence alors cette quatrième socialisation? Celle-ci débuterait lorsqu'un migrant obtient une carte d'identité ouvrant la porte à un statut juridique et social dans le nouveau pays, débouchant dans une étape suivante sur un emploi stable ayant un rôle socialisateur crucial. L'enquête a permis de constituer une grille heuristique de sept catégories reflétant les différents modèles de la socialisation des migrants iraniens en Belgique : resocialisation estudiantine, linaire classique ; resocialisation militantiste et associative ; resocialisation par transposition du capital d'origine ; resocialisation avec rupture professionnelle ; resocialisation structurelle ; resocialisation en échec ; resocialisation nomadiste..
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ImoHS : Etude de l'immunomodulation de la réponse immunitaire dans l'Hidradénite suppurée et Evaluation in vitro et ex vivo d'une nouvelle stratégie thérapeutique. Immunologie. Université de Lille, 2023. Français. ⟨NNT : 2023ULILS116⟩. ⟨tel-04563446⟩
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La thèse de sciences du Dr Lamiaux cherche à étudier l’immunomodulation de la réponse immunitaire dans l’HS et à évaluer une nouvelle stratégie thérapeutique reposant sur la Thérapie Photodynamique (PDT) seule ou en combinaison à des PAMs. Ce travail implique de mener une étude prospective observationnelle monocentrique de type 3 permettant de recueillir des échantillons sanguins et tissulaires chez des patients atteints d’HS afin d’étudier la modulation du système immunitaire et l’effet d’une nouvelle stratégie thérapeutique. Les résultats seront comparés à des échantillons sanguins provenant de poches sanguines de l’EFS ainsi que des échantillons tissulaires de patients ayant bénéficié d’une abdominoplastie. Cette étude est composée de 2 étapes : tout d’abord une partie in vitro, puis une partie ex vivo permettant de valider les résultats obtenus in vitro sur des échantillons humains. 228 Objectif principal : Etudier le dysfonctionnement du système immunitaire dans l’HS, notamment sur le versant régulateur, afin d’identifier de nouveaux acteurs de l’HS en comparaison à une population contrôle. Cette étude sera effectuée tout d’abord in vitro sur un modèle expérimental cellulaire, puis ex vivo à partir de prélèvements sanguins et tissulaires de patients. La recherche d’un dysfonctionnement sera réalisée en comparaison avec des groupes témoins : - des poches de sang issues de l’Établissement Français du Sang pour l’étude du système immunitaire périphérique. - des prélèvements tissulaires de patients témoins bénéficiant d’une abdominoplastie pour l’analyse des infiltrats et de la réponse immunitaire lésionnelle versus sains. Objectifs secondaires: 1. Rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques par une étude de l’analyse des exosomes à partir de lèvements sanguins et tissulaires de patients atteints d’HS comparativement aux groupes témoins. 2. Rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques par une étude de la production de PAMs à partir de prélèvements sanguins et tissulaires de patients atteints d’HS comparativement aux groupes témoins. 3. Evaluer in vitro la capacité des kératinocytes lésés à restaurer la cicatrisation. 4. Evaluer in vitro et ex vivo une nouvelle stratégie thérapeutique par Thérapie Photodynamique (PDT) seule et en combinaison à des PAMs sur le modèle d’HS.
Critère de jugement principal : Modulation de la réponse immunitaire de patients atteints d’HS versus la population contrôle en fonction de : 1.1. Immunophénotypage des cellules immunitaires
Nous déterminerons par cytométrie la prévalence : 229 - Des populations cellulaires : lymphocyte T (CD3+), lymphocyte T CD4+ et T CD8+ (respectivement CD3+/CD4+ et CD3+/CD8+), lymphocyte B (CD3-/CD19+), Natural killer (CD335+), cellules dendritiques (CD11+/CD14-) et cellules T régulatrices induites et naturelles (respectivement CD4+/Lag3+/CD49b+ et CD4+/CD25high/CD127-) - De l’état d’activation des lymphocytes : CD4, CD30, CD69, Anti-HLADR, CD152, CD197, CD25, CD8 - Des populations de cellules lymphoïdes innées : marqueurs négatifs (CD3, CD4, CD8, CD14, CD16, CD33, CD15, CD16, CD203c, CD19, CD20, CD34, CD16, CD94, FcεRI) ; marqueurs membranaires de différenciation (CD45, CD56, CD117, CRTH2, CD127, NKp46, NKp44, CD161) Ainsi, nous pourrons déterminer s’il existe une différence de prévalence et d’activation des populations immunitaires circulantes entre les patients HS et les témoins sains. 1.2. Analyse transcriptomique
Nous analyserons s’il existe une différence d’expression relative de gènes d’intérêts sur PBMCs par RTqPCR selon la méthode 2-∆∆CT entre le groupe des patients HS et le groupe témoin sain. Grâce à cette analyse, nous pourrons déterminer les variations d’expression des gènes codant pour : - des facteurs de transcription et de différenciation des cellules lymphoïdes innées (RORγt, GATA3, TbX21, CD4, NCR1, NCR2, AHR, CCR6, CD127, IL17F, CSF2, Areg, GM-CSF) ; des T régulateurs (CD25, CTLA-4, FoxP3, GITR, CD45RA,) et des lymphocytes Th17 (RORγt, STAT3) ; - le profil de sécrétions des cytokines qui sont les principaux médiateurs de la réponse immunitaire et leurs récepteurs (IL-1, IL-4, IL-5, IL-6, IL-10, IL-13, IL-17, IL-18, IL-22, IL-23, IL-26, IL-36, IFNγ, TNFα, IL23-R, IL7-Rα....) ; - des chimiokines (IL‐8, CXCL1/3/5/8, ADAMTSL5) ; - des voies de signalisations et récepteurs (Notch, Ahr, tumour necrosis factor receptor (TRAF6), mitogen‐activated protein kinase (MAPK) and nuclear factor kappa B (NF‐ κB), NLRP3, STAT3, JAK-STAT, TLR7, RORγt, C/EBP) ; - des médiateurs de la réponse régulatrice comme les récepteurs co-inhibiteurs (TIGIT, LAG3, CTLA4) ; 230 - des peptides antimicrobiens (HNP/human neutrophil peptide 1 à 4, hBD-1 to 4, hCAP18/cathelicidine antimicrobial peptide, DCD, Rnase 7, S100A7, S100A8, S100A9, SLPI/ALP, élafine/
SKALP). 1.3. Analyse du sécrétome
Nous déterminerons les concentrations en pg/mL de différentes cytokines dans le sérum des patients HS versus témoins sains grâce à la technique ELISA (LuminexTM) afin de pouvoir déterminer les différences d’activation des voies immunitaires : - Th1/Th2 : GM-CSF, IFNγ, IL-1β, IL-2, IL-4, IL-5, IL-6, IL-12p70, IL-13, IL-18, TNF-α (Cytokine 25-Plex Human ProcartaPlexTM Panel 1B, Invitrogen) - Th9/Th17/Th22/T-reg : IL-9,IL-10,IL-17A,IL-21,IL-22,IL-23,IL-27 (Cytokine 25-Plex Human ProcartaPlexTM Panel 1B, Invitrogen) - Cytokines inflammatoires: IFNα, IL-1α, IL-1RA, IL-7, IL-15, IL-31, TNFβ (Cytokine 25-Plex Human ProcartaPlexTM Panel 1B, Invitrogen) - Cytokine immunosuppressive: TGFβ (TGF beta 1 Human ProcartaPlexTM Simplex Kit, Invitrogen)
Critères de jugement secondaires : 1. Prolifération des cellules immunitaire due aux exosomes
Nous étudierons l’impact des exosomes circulants isolés dans le sang de patients HS ou de témoins sains : évaluation de leur effet sur la prolifération de cellules immunitaires (PBMCs).
2. Dosage des peptides antimicrobiens
Nous quantifierons par technique ELISA plusieurs peptides antimicrobiens : élafine/SKALP, dermcidin, S100A7/psoriasin, S100A8/calgranulin A, S100A9/calgranulin B, LL-37(cathelicidine), h-βd1, h-βd2, h-βd3, h-βd4, ribonucléase 7, SLPI/ALP issus du sérum des patients HS versus les poches de sang (témoin) ainsi que dans les surnageants de tissus lésionnels HS versus les tissus d’abdom oplastie (témoin) cultivés en microslices. Cette analyse est dans le but de déterminer s’il existe un défaut de production de 231 PAMs chez les patients HS versus témoins sains.
3. Capacité de cicatrisation
Nous évaluerons la capacité à restaurer la cicatrisation dans les modèles in vitro HS (lignée HaCaT NCSTN-/-) versus le modèle sain (HaCaT wild type) par la réalisation de tests de blessure (wound healing and migration assay, IBIDI) avec et sans l’ajout de PAMs exogènes faisant défaut dans l’HS. 4. Evaluation in vitro et ex vivo d’une nouvelle stratégie thérapeutique par Thérapie Photodynamique (PDT) seule et en combinaison à
des PAMs en fonction de : 4.1. Viabilité cellulaire par méthode enzymatique de dosage d’ATP (MTS assay kit, Abcam) à différents temps de culture. 4.2. Analyse immunohistochimique et en immunofluorescence indirecte pour caractériser la morphologie des tissus, en particulier la caractérisation de l’infiltrat immunitaire et déterminer la présence des T-regs et des ILC3. 4.3. Analyse transcriptomique sur les mêmes gènes décrits ci-dessus par RTqPCR de chimiokines/cytokines et récepteurs. 4.4. Analyse du sécrétome par la technologie LuminexTM afin de pouvoir doser précisément les principales cytokines des voies immunitaires, décrites ci-dessus. Critères d’inclusion des patients atteints d’HS : - Patients majeurs (≥18 ans) - Porteur d’une hidradénite suppurée modérée à sévère (grade Hurley ≥2) de phénotype classique ou phénotype glutéal - Ayant une indication à un traitement chirurgical (indication d’exérèse) - Naïfs de traitements immunomodulateurs (corticothérapie, biothérapie, apremilast, rétinoïdes) ou immunosuppresseurs (méthotrexate, ciclosporine) dans les 6 mois précédent l’inclusion, hors prise d’antibiotiques - Ayant donné son accord de participation 232 - Affilié à la sécurité sociale Critères de non-inclusion des patients atteints d’HS : - Immunodépression, une ou des maladies auto-immunes, maladies cancéreuses ou maladies infectieuses aiguës ou chroniques - Difficulté de compréhension ou de lecture du français - Patients déjà inclus dans un essai thérapeutique interventionnel - Patient sous tutelle ou curatelle - Femme enceinte ou allaitante - Hidradénite suppurée syndromique, hidradénite suppurée de phénotype folliculaire Critères d’inclusion des témoins bénéficiant d’
une
ab
dominoplastie :
-
Patients majeurs (≥18 ans)
-
Ne présentant pas d’antécédents d’hidradénite suppurée ou de lésions évocatrices d’hidradénite suppurée (abcès à répétition dans les plis, suppuration récurrente dans les plis,
drain
ages répétés dans les zones de plis) - Ayant une indication à un traitement chirurgical d’abdominoplastie - Naïfs de traitements immunomodulateurs (
cortico
thérapie, biothérapie, a
premilast
, ré
tinoïde
s) ou immuno
suppress
eurs (mé
thotrexate
,
ciclosporine
) dans les 6 mois précédent l
’
inclusion,
hors prise d’antibio
tiques
- Ayant donné son accord de participation - Affilié
à la sécurité sociale Critères
de
non
-
inclusion des
tém
oins bénéficiant
d’une abdominoplastie : - Immunodépression, une ou des maladies auto-immunes, maladies cancéreuses ou maladies infectieuses aiguës ou chroniques - Difficulté de compréhension ou de lecture du français - Patients déjà inclus dans un essai thérapeutique interventionnel - Patient sous tutelle ou curatelle - Femme enceinte ou allaitante Nombre de sujets : Il s’agit de comparer des sérums et des tissus de sujets atteints d’une hidradénite suppurée avec des poches de sang issues de l’EFS et des prélèvements tissulaires 233 issus d’abdominoplastie de patients ne présentant pas d’hidradénite suppurée afin d’évaluer le rôle du système immunitaire régulateurs et d’identifier de nouveaux acteurs dans cette maladie. Les données étudiées n’ont jamais été décrites ou très peu dans la littérature, il s’agit donc d’initier de nouveaux résultats tout d’abord sur 10 patients versus 10 donneurs sains (10 poches de sang issues de l’EFS et 10 patients témoins bénéficiant d’abdominoplastie). Cette étude est totalement exploratoire. Les patients et témoins inclus dont les prélèvements sanguins et tissulaires ne seront finalement pas disponibles (opération annulée, etc) seront sortis d’étude et remplacés par de nouvelles inclusions ; également en cas de prise de traitements interdits (immunomodulateurs ou immunosuppresseurs) entre l’inclusion et l’opération.
Déroulement : 1. Inclusion et réalisation des prélèvements
Pour les cas (patients porteurs de HS) : L’investigateur proposera l’étude aux patients suivis dans le service de dermatologie de l’Hôpital St Vincent de Paul. Lors d’une consultation de suivi habituelle, il les informera de l’étude, et leur remettra la note d’information spécifique aux cas précisant les objectifs de l’étude, leur implication, et leurs droits. Après un délai de réflexion, l’investigateur recueillera la non-opposition du patient pour sa participation à l’étude. Cette information individuelle et le recueil de la non-opposition seront notifiés par écrit dans le dossier médical du patient. Pour les patients ayant donné leur accord de participation, il sera réalisé les actes et examens suivants : - un recueil de prélèvements sanguins (3 tubes de 5 mL) selon la prise en charge médicale habituelle, afin de rechercher les comorbidités cardiovasculaires associées à l’HS. - un prélèvement de 3 tubes EDTA et 2 tubes secs supplémentaires de 5 mL chacun pour les besoins de l’étude. 234 - le recueil des données sociodémographique et caractéristiques patient : sexe, âge, poids, taille. - le recueil des données médicales : antécédents médicaux, tabagisme, antécédents familiaux, âge du début de la maladie, stade de Hurley, score de vie DLQI, score d’intensité IHS4, phénotype de la maladie, traitements mis en place. - la photographie des lésions cutanées anonymisée (après obtention d’un consentement écrit du patient). - Suite à l’exérèse chirurgicale programmée selon le soin courant, 3 prélèvements tissulaires seront réalisés sur la pièce d’exérèse totale. La pièce d’exérèse totale sera envoyée fraîche au service d’anatomopathologie de l’hôpital Saint-Vincent de Paul, elle sera photographiée, pesée et décrite. Les 3 sites de prélèvements seront identifiés. Nous réaliserons un prélèvement en zone inflammatoire aiguë (nodule, abcès, fistule) ; un prélèvement en zone lésionnelle chronique (cicatrice) de 1 cm 3 et un prélèvement en zone péri-lésionnelle (en marge) de 1 cm3 sur tissu frais. Bien entendu, les prélèvements seront réalisés en accord et par le Docteur Quinchon, anatomopathologiste, afin de ne pas interférer avec la procédure médicale et diagnostique habituelle. Le Docteur Quinchon, anatomopathologiste, réalisera trois prélèvements en miroir de ceux prélevés pour le projet afin d’avoir une validation histologique des zones de prélèvements et ces prélèvements rentreront dans le cadre de la prise en charge médicale du patient. Pour les témoins (patients venant pour abdominoplastie) : Le Docteur Dabrowski, chirurgien en charge de l’intervention proposera l’étude aux patients éligibles pris en charge pour une abdominoplastie dans le service de chirurgie viscérale de l’Hôpital Saint-Philibert, GHICL, Lomme. Il les informera de l’étude, et leur remettra la note d’ spécifique aux témoins précisant les objectifs de l’étude, leur implication, et leurs droits. Après un délai de réflexion, l’investigateur recueillera la non-opposition du patient pour sa participation à l’étude. Cette information individuelle et le recueil de la non-opposition seront notifiés par écrit dans le dossier médical du patient. Pour les témoins ayant donné leur accord de participation, il sera réalisé les actes et examens suivants : - Le recueil des données sociodémographiques et caractéristiques patient : sexe, âge, poids, taille. 235 - Le recueil de données biologiques issues du prélèvement sanguin réalisé selon la prise en charge médicale habituelle : nombre de leucocytes, neutrophiles et lymphocytes, CRP - Suite à l’exérèse chirurgicale programmée selon le soin courant, le Docteur Dabrowski réalisera des photographies de la pièce opératoire avant et après prélèvements. Il réalisera également 3 prélèvements cutanés frais de 1 cm 3 chacun sur la pièce opératoire d’abdominoplastie, deux au centre et un en marge afin d’être homogène par rapport au groupe de patients HS. Les prélèvements sur la pièce d’exérèse des témoins seront directement réalisés au bloc opératoire par le Docteur Dabrowski. La pièce opératoire pourra ainsi par la suite être fixée et acheminée de manière habituelle au laboratoire d’anatomopathologie de l’hôpital Saint-Vincent. Le Docteur Quinchon, anatomopathologiste, réalisera trois prélèvements en miroir de ceux prélevés pour le projet afin d’avoir une validation histologique des zones de prélèvements et ces prélèvements rentreront dans le cadre de la prise en charge médicale du patient. 2. Circuit des prélèvements
Prélèvements sanguins pour les patients HS : Les prélèvements sanguins des patients seront réalisés par l’IDE du service d’Hôpital de Jour de Saint-Vincent à Lille. Une fois le prélèvement effectué, les tubes seront acheminés vers le laboratoire d’analyse de l’hôpital Saint Philibert afin d’être stockés dans les bonnes conditions de conservation. Les tubes secs devront rester à la verticale pour décantation à 4°C, les tubes EDTA devront être stockés à température ambiante sous agitation jusqu’à ce qu’ils soient collectés le lendemain matin par le transporteur. Le transport des échantillons vers le laboratoire d’analyse (unité Inserm U1189 OncoThAI, R3D3, Institut de Biologie de Lille) se fera par un transporteur agréé dans le transfert de matériaux biologiques et dans les règles assurant l’intégrité des échantillons et la sécurité du personnel. Les tubes seront conditionnés dans un triple emballage type P650 précisant la mention « échantillon biologique non infectieux ». Poches de sang (matériel biologique comparatif) : Une convention de cession de produits issus de sang à but non thérapeutique a été signée entre l’EFS et l’IBL. Les poches de sang représentant le groupe témoin seront commandées à l’EFS. Les contre-indications aux recueils de sang émis par l’EFS et 236 pertinentes dans le cadre de cette étude sont les personnes ayant une maladie chronique, la prise d’antibiotique, la présence de plaies cutanées, la présence d’une infection aiguë ou chronique. L’ensemble des poches sont préalablement testées pour s’assurer de l’absence de maladies transmissibles (VIH, VHB, VHC, syphilis, HTLVI, HTLVII). Ce dernier s’engage à assurer la traçabilité « Donneur-produit-Cessionnaire » et à respecter les règles d’hémovigilance conformément aux dispositions des articles R 1221.22 et suivants du Code de la Santé Publique. L’EFS est responsable du conditionnement des poches de sang qui sont congelées, l’IBL est mandataire du transport qui doit s’effectuer à une température inférieure ou égale à -20°C (carboglace ou température dirigée). Prélèvements tissulaires : Les prélèvements tissulaires des deux groupes seront acheminés à l’IBL par un transporteur agréé, dans un délai maximal de 2 heures après résection. Les prélèvements seront envoyés dans des compresses stériles imbibées de solution physiologique afin d’éviter leur dessèchement, et transportés de manière réfrigérée entre 0 et 5°C afin de ralentir les processus d’autolyse et de fixation. Ils seront ensuite fixés, dans un délai maximal de 2 à 3 heures après la résection ou mis en culture immédiate. Toutes les analyses seront réalisées à l’IBL ainsi que la conservation des prélèvements. Les différentes analyses effectuées sur les prélèvements seront réalisées par : le Dr Lamiaux, Dr Guillaume Grolez (Post-doc), Monsieur Bertrand Leroux (assistant ingénieur), Monsieur Mel Diedro (étudiant en Master 2). Devenir des échantillons : Les échantillons seront conservés pour une durée totale de 10 ans pour des recherches ultérieures éventuelles. Le délai de conservation dépassée, les échantillons seront détruits. 3. Protocole de recherche 1) Immunophénotypage des cellules immunitaires circulantes 237
Des cellules mononuclées du sang périphérique humain (PBMCs) seront isolées à partir de prélèvements sanguins de patients atteints d’HS et de prélèvements sanguins de personnes saines obtenus auprès de l’établissement français du sang (EFS). Les PBMCs isolées à partir des prélèvements sanguins seront incubées avec différents anticorps couplés à des fluorochromes afin de pouvoir déterminer, après passage sur cytomètre (ATTUNE NxTTM, Thermofisher) la part de lymphocyte T (CD3+), de lymphocyte T CD4+ et T CD8+ (respectivement CD3+/CD4+ et CD3+/CD8+), de lymphocyte B (CD3-/CD19+), de cellules Natural killer (CD335+), de cellules dendritiques (CD11+/CD14-) et de cellules T régulatrices induites et naturelles (respectivement CD4+/Lag3+/CD49b+ et CD4+/CD25high/CD127-) au sein des différents prélèvements. De la même manière, l’état d’activation des lymphocytes circulants sera analysé par cytométrie en flux grâce à l’utilisation d’anticorps couplés à des fluorochromes ciblant spécifiquement les marqueurs membranaires suivant : CD4, CD30, CD69, Anti-HLADR, CD152, CD197, CD25, CD8. Enfin, afin d’étudier spécifiquement les populations de cellules lymphoïdes innées, nous utiliserons des marqueurs négatifs permettant de les différencier des autres populations immunitaires. En effet, elles sont dépourvues des marqueurs de la lignée T (CD3), des macrophages (CD14, CD16, CD33), des cellules de la lignée granulocytaire (CD16, CD203c), de la lignée B (CD19), des cellules souches (CD34) et des mastocytes (FcεRI). L’ensemble de ces marqueurs sera associé à un fluorochrome unique afin ’identifier les populations cellulaires négatives. Puis, afin d’affiner l’analyse phénotypique des cellules lymphoïdes innées, nous utiliserons des anticorps dirigés contre les marqueurs membranaires de différenciation de ces cellules : CD56, CD117, CRTH2, CD127, NKp46. Cette étude d’immunophénotypage à partir des prélèvements sanguins de patients atteints d’HS permettra de mieux définir le profil immunitaire retrouvé dans l’hidradénite suppurée et ainsi décrypter la modulation immunitaire dans cette pathologie. 2) Analyse transcriptomique à partir d’ARN extrait des PBMCs
Après avoir déterminé le phénotype des populations présentes dans les prélèvements sanguins de patients atteints d’HS, nous nous intéresserons à déterminer l’orientation des réponses immunitaires mise en jeu dans l’HS. Pour cela, nous effectuerons dans 238 un premier temps une analyse transcriptomique à partir d’ARN extrait des PBMCs préalablement isolées. Cette analyse transcriptomique par RTqPCR nous permettra de quantifier l’expression relative de gènes d’intérêts par la méthode 2-∆∆CT. Grâce à cette analyse, nous pourrons déterminer les variations d’expression des gènes codant pour : - des facteurs de transcription et de différenciation des cellules lymphoïdes innées (RORγt, GATA3, TbX21, CD4, NCR1, NCR2, AHR, CCR6, CD127, IL17F, CSF2, Areg, GM-CSF) ; des T régulateurs (CD25, CTLA-4, FoxP3, GITR, CD45RA,) et des lymphocytes Th17 (RORγt, STAT3) ; - le profil de sécrétions des cytokines qui sont les principaux médiateurs de la réponse immunitaire et leurs récepteurs (IL-1, IL-4, IL-5, IL-6, IL-10, IL-13, IL-17, IL-18, IL-22, IL-23, IL-26, IL-36, IFNγ, TNF-α, IL23-R, IL7-Rα) ; - des chimiokines (IL‐8, CXCL1/3/5/8, ADAMTSL5) ; - des voies de signalisations et récepteurs (Notch, Ahr, tumour necrosis factor receptor (TRAF6), mitogen‐activated protein kinase (MAPK) and nuclear factor kappa B (NF‐ κB), NLRP3, STAT3, JAK-STAT, TLR7, RORγt, C/EBP) ; - des médiateurs de la réponse régulatrice les récepteurs co-inhibiteurs (TIGIT, LAG3, CTLA4) ; - des peptides antimicrobiens (HNP/human neutrophil peptide 1 à 4, hBD-1 to 4, hCAP18/cathelicidine antimicrobial peptide, DCD, Rnase 7, S100A7, S100A8, S100A9, SLPI/ALP, élafine/SKALP). Cette analyse transcriptomique nous permettra d’obtenir une signature d’expression génique des médiateurs de l’inflammation et de la réponse immunitaire qui sera spécifique à l’hidradénite suppurée. 3) Analyse du sécrétome
En parallèle, de l’analyse transcriptomique, les sérums issus des prélèvements sanguins de patients atteints d’HS et issus des poches de sang saines seront récupérés afin de déterminer les voies d’activation immunitaires impliquées dans l’HS. Ces sérums seront analysés grâce à la technologie LuminexTM afin de pouvoir doser précisément les principales cytokines des voies immunitaires : - Th1/Th2 : GM-CSF, IFN-γ, IL-1β, IL-2, IL-4, IL-5, IL-6, IL-12p70, IL-13, IL-18, TNF-α (Cytokine 25-Plex Human ProcartaPlexTM Panel 1B, Invitrogen) 239 - Th9/Th17/Th22/T-reg : IL-9, IL-10, IL-17A, IL-21, IL-22, IL-23, IL-27 (Cytokine 25-Plex Human ProcartaPlexTM Panel 1B, Invitrogen) - Cytokines inflammatoires : IFN-α, IL-1α, IL-1RA, IL-7, IL-15, IL-31, TNF-β (Cytokine 25-Plex Human ProcartaPlexTM Panel 1B, Invitrogen) - Cytokine immunosuppressive: TGF-β (TGF beta 1 Human ProcartaPlexTM Simplex Kit, Invitrogen) L’ensemble des cytokines est analysé à partir du sérum de patients atteints d’HS et sera comparé aux dosages de cytokines présentes dans le sérum de donneurs sains. Cette analyse permettra de déterminer les acteurs de la signalisation immunitaire mise en jeu dans l’HS et ainsi mieux définir de nouveaux acteurs immunitaires impliqués dans l’HS.
4) Mise en place du modèle de coupes tissulaires microscopiques
« Microslice » La mise en place de ce modèle sera faite en collaboration avec l’équipe du Professeur Conti, Hôpital St Antoine à Paris sur les tissus prélevés chez les patients atteints d’un HS ou issus d’une ab oplastie de patients sains. Il s’agit, à partir des prélèvements cutanés de patients, de réaliser des coupes de tissus d’un diamètre de 5 mm sur une épaisseur de 250 μm, dans des conditions stériles, grâce à un microtome. Ces tranches devront être mises dans un milieu de culture dans les 3 heures suivants l’excision cutanée. Plusieurs analyses seront réalisées sur ces microslices de tissus à différents temps, pour un maximum de temps de culture de 15 jours : Une mesure de la viabilité cellulaire sera réalisée sur les cellules issues de ces coupes par méthode enzymatique de dosage d’ATP (MTS assay kit, Abcam) à différents temps de culture. Une analyse immunohistochimique et d’immunofluorescence indirecte sera effectuée afin de caractériser la morphologie des tissus (i) par une coloration à l’hématoxyline et 240 l’éosine, (ii) d’étudier la viabilité tissulaire (TUNEL assay, ThermoFisher) mais également (iii) d’étudier la prolifération cellulaire au sein des microslices par un marquage nucléaire au Ki67. Ces analyses serviront également pour (iv) identifier la présence des cellules lymphoïdes innées de type 3 (marqueurs négatifs : CD3,CD56 et CD20/CD79a, marqueur positif : RORγt/facteur de transcription),444 et pour (v) caractériser l’infiltrat immunitaire inflammatoire/régulateur (CD3,CD4,CD8,FOX-P3, IL-17 et CD25). De la même manière que pour les PBMCs issus des prélèvements de sang de patients atteints d’une HS, une analyse transcriptomique sera également effectuée à partir d’ARN isolé des microslices de tissus. Lors de cette analyse, l’expression des gènes étudiés dans le versant in vitro de ce projet sera également étudiée sur les microslice afin de pouvoir comparer la signature d’expression des gènes d’intérêt entre les cellules immunitaires circulantes et les cellules immunitaires infiltrant le tissu. Même chose concernant l’analyse du sécrétome, nous étudierons les mêmes cytokines que celles réalisées sur le sérum des patients afin de comparer la réponse immunitaire périphérique à celle présente en intra-lésionnelle. Nous effectuerons dans un premier temps une analyse transcriptomique à partir d’ARN extrait des PBMCs préalablement isolées. Cette analyse transcriptomique par RTqPCR nous permettra de quantifier l’expression relative de gènes d’intérêts par la méthode 2-∆∆CT. Grâce à cette analyse, nous pourrons déterminer les variations d’expression des gènes codant pour : - des facteurs de transcription et de différenciation des cellules lymphoïdes innées (RORγt, GATA3, TbX21, CD4, NCR1, NCR2, AHR, CCR6, CD127, IL17F, CSF2, Areg, GM-CSF) ; des T régulateurs (CD25, CTLA-4, FoxP3, GITR, CD45RA,) et des lymphocytes Th17 (RORγt, STAT3) ; -le profil de sécrétions des cytokines qui sont les principaux médiateurs de la réponse immunitaire et leurs récepteurs (IL-1, IL-4, IL-5, IL-6, IL-10, IL-13, IL-17, IL-18, IL-22, IL-23, IL-26, IL-36, IFNγ, TNF-α, IL23-R, IL7-Rα,...) ; - des chimiokines (IL‐8, CXCL1/3/5/8, ADAMTSL5) ; - des voies de signalisations et récepteurs (Notch, Ahr, tumour necrosis factor receptor (TRAF6), mitogen‐activated protein kinase (MAPK) and nuclear factor kappa B (NF‐ κB), NLRP3, STAT3, JAK-STAT, TLR7, RORγt, C/EBP) ; 241 - des médiateurs de la réponse régulatrice comme les récepteurs co-inhibiteurs (TIGIT, LAG3, CTLA4) ; - des peptides antimicrobiens (HNP/human neutrophil peptide 1 à 4, hBD-1 to 4, hCAP18/cathelicidine antimicrobial peptide, DCD, Rnase 7, S100A7, S100A8, S100 A9, SLPI/ALP, élafine/SKALP). Cette analyse transcriptomique nous permettra d’obtenir une signature d’expression génique des médiateurs de l’inflammation et de la réponse immunitaire qui sera spécifique à l’hidradénite suppurée. 5) Analyse des exosomes
Après avoir analysé le contenu immunitaire dans le sang des patients atteints d’HS, nous nous intéresserons à un autre acteur de la réponse immunitaire que sont les exosomes. Pour cela, les exosomes seront isolés à partir du plasma issu des prélèvements sanguins de patients atteints d’HS ou de donneur sains par ultracentrifugation sur coussins de sucrose. Les exosomes ainsi isolés seront analysés par la technique TRPS (Tunable resistive Pulse sensing) par EXOIDTM (Izon science) afin d’obtenir la taille et la concentration des exosomes isolés à partir des différents prélèvements sanguins. Nous caractériserons également ces exosomes d’un point de vue morphologique et structurel par microscopie électronique. Le contenu protéique de ces exosomes sera également étudié par Western Blot [mise en évidence de protéines membranaires communes : les tétraspanines (CD63, CD81, CD9) ; protéine de la voie endosomale (TSG-101) ; molécule histocompatibilité de type II/HLA-DR, marqueurs inflammatoires (IL-6, TNF-α et NF-κB) et un contrôle négatif Ago2]. Après avoir isolé et caractérisé les exosomes, ceux-ci seront utilisés afin d’étudier leur impact sur l’activation du système immunitaire. Pour cela, des PBMCs issus de donneurs sains seront mises en présence de ces exosomes et une étude de leur prolifération sera effectuée par incorporation de thymidine tritiée (technique de réaction lymphocytaire mixte). Cette étude permettra de déterminer si les exosomes entraînent une augmentation de la prolifération des cellules immunitaires et valider ainsi l’hypothèse que dans le cadre de l’HS, les exosomes seraient un des vecteurs de la réponse pro-inflammatoire. ens Les kératinocytes épidermiques expriment des peptides antimicrobiens et des inhibiteurs de protéases à sérine, qui influencent la différenciation épidermique. Certains de ces inhibiteurs de protéases à sérine ont également une activité antimicrobienne. Par exemple, le SLPI/ALP (secretory leukocyte protease inhibitor ou antileucoproteinase) est exprimé de manière constitutive dans l'épiderme chez l’homme et une expression accrue a été observée dans les épidermes lésés et psoriasiques.445,446 L'inhibiteur de l'élastase des neutrophiles, élafine/SKALP est sécrété à partir de kératinocytes humains en culture. L'élafine/SKALP a des propriétés antimicrobiennes contre les bactéries Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus, et sa concentration est augmentée dans la peau humaine lésée et dans l'épiderme lésionnel des patients atteints de psoriasis. 445,446 Ainsi, les peptides antimicrobiens et les inhibiteurs de protéases exprimés de manière inductible ou constitutive pourraient, de par leurs fonctions, limiter la dysbiose cutanée et moduler les réactions inflammatoires en inhibant les protéases sécrétées par les cellules immunitaires. Nous effectuerons un dosage des peptides antimicrobiens (élafine/SKALP, dermcidin, S100A7/psoriasin, S100A8/calgranulin A, S100A9/calgranulin B, LL-37(cathelicidine), h-βd1, h-βd2, h-βd3, h-βd4, ribonucléase 7, SLPI/ALP) dans les sérums des patients versus les poches de sang (témoin) ainsi que dans les surnageants des tissus d’HS versus les tissus d’abdominoplastie (témoin) cultivés en microslices. Ce dosage sera réalisé par la technique ELISA à l’aide d’anticorps spécifiques de ces peptides antimicrobiens. Le but de ce dosage est d’identifier s’il existe un défaut de production de PAMs chez les patients atteint d’HS en comparaison à la production chez les témoins, ce qui pourrait participer à la dysbiose cutanée mais également à la réponse inflammatoire chronique au sein des lésions d’HS. Si ces données sont observées, les PAMs joueraient donc un rôle indirect sur les défauts de cicatrisation observés dans l’HS.368,447 C’est pourquoi, nous étudierons in vitro la capacité des kératinocytes lésés à restaurer la cicatrisation par un test de migration/test de blessure avec et sans ajout de PAMs (wound healing and migration assay, IBIDI). La finalité de ces tests est de déterminer si, dans le cas où un défaut de PAMs est observé et entraîne un défaut de cicatrisation, une supplémentation en PAMs pourrait palier ces défauts de cicatrisation observés chez les patients atteints d’une HS. En cas de validation de ces données, il sera possible de déterminer une nouvelle stratégie thérapeutique à partir de pansements à base de nanofibres pour une libération prolongée d’une substance active, ici des PAMs, afin d’améliorer la capacité de cicatrisation des plaies d’HS et également d’avoir un effet antimicrobien pour permettre la restauration du microbiote cutanée.
7) Evaluation in vitro et ex vivo une nouvelle stratégie thérapeutique par Thérapie Photodynamique (PDT) seule et en combinaison à des PAMs
Il s’agit d’utiliser la technique de PDT in vitro et sur les microslices de patients atteints d’HS versus les témoins, grâce à l’utilisation d’un photosensibilisateur (5-ALA et le méthylène bleu). Les cellules ou tissus ainsi traités seront ensuite exposés à la longueur d’onde spécifique du photosensibilisateur en présence d’oxygène permettant la production d’espèce réactive d’oxygène préférentielle dans les cellules inflammatoires permettant une réduction de l’inflammation mais ayant également une action antibactérienne. L’objectif ici est d’évaluer la PDT seule ou avec l’ajout de PAMs afin de déterminer l’action anti-inflammatoire et antimicrobienne de la PDT et si son action peut être optimisée par l’ajout de PAMs. Les coupes de tissus microscopiques traitées par la PDT seule et/ou associée aux PAMs, seront utilisées pour: - Analyser la viabilité cellulaire par méthode enzymatique de dosage d’ATP (MTS assay kit, Abcam à différents temps de culture. - Effectuer une analyse immunohistochimique et en immunofluorescence indirecte pour caractériser la morphologie des tissus, en particulier la caractérisation de l’infiltrat immunitaire et déterminer la présence des T-regs et des ILC3. 244 - Effectuer une analyse transcriptomique sur les mêmes gènes décrits ci-dessus par RTqPCR de chimiokines/cytokines et récepteurs. - Analyser le sécrétome par la technologie LuminexTM afin de pouvoir doser précisément les principales cytokines des voies immunitaires, décrites cidessus.
4. Calendrier prévisionnel : Durée de l’inclusion : 1 an
Durée de participation des sujets : maximum 24 semaines (délai entre l’inclusion et l’intervention chirurgicale) Durée de l’étude : 2 ans et 6 mois (1 an d’inclusion, 6 mois de participation à l’étude pour les patients et 1 an d’analyse = 6 mois pour les analyses biologiques + 6 mois pour le data management et bio statistiques) Date prévue de mise en œuvre : octobre 2021
5. Analyse statistique : Analyse descriptive des données
Une analyse descriptive des données sera tout d’abord réalisée : les moyennes, écarttypes, médianes et intervalles interquartiles seront calculés pour les données quantitatives ; les effectifs et fréquences pour les variables qualitatives.
Analyse du critère principal
Les données obtenues par les différentes manipulations sont nombreuses et essentiellement quantitatives. Cette étude étant exploratoire et portant sur un nombre très restreint de patients, l’analyse statistique des données sera essentiellement descriptive selon les modalités présentées ci-dessus. Le test non paramétrique de Mann-Whitney-Wilcoxon pourra être appliqué pour comparer les médianes entre les groupes (HS vs poches, HS vs témoins).
Analyse des critères secondaires
Les critères secondaires seront analysés essentiellement de la même manière. Le test du Khi-2 ou exact de Fisher sera utilisé pour comparer les proportions entre les groupes. Un seuil de significativité de 5% sera considéré pour toutes les analyses. Aucune correction des p-valeurs ne sera appliquée s’agissant d’une étude explora . Des analyses complémentaires pourront être réalisées si besoin. Le logiciel utilisé pour réaliser ces analyses est R. L'analyse statistique sera réalisée par la cellule de biostatistiques de la Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation du GHICL. 6. Comité de suivi : oui (comité de suivi de la thèse de science CSI) 7. Evaluation des bénéfices et des risques liés à la recherche : Aucun bénéfice direct n’est attendu pour les patients qui participent à l’étude. Il n’y a aucun risque surajouté à la prise en charge médicale habituelle du patient inclus à ce projet de recherche.
III. Traitements de données A. Renseignements administratifs
Nom, titre, et fonction de la personne responsable du traitement automatisé de données : Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille (GHICL)
Laurent DELABY Directeur Général
du GHICL
Nom, titre, et fonction
de la
personne
responsable de la mise en œuvre du traitement automatisé de données : Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille
(
GHICL)
Dr.
Marie
Lamiaux CCA, investigateur principal
de l’étude
Nom, titre et fonction de(s) personne(s) qui
aura
(
ont
)
accès aux données :
Dr. Marie Lamiaux Pr. Philippe Modiano Pr.
Nadi
ra
Del
hem
Dr. Guillaume Grolez Par délégation du promoteur, les membres de la Délégation à la Recherche Clinique 246 et à l’Innovation du GHICL impliqués dans l’étude : Data-manager, Biostatisticien, Attaché de Recherche Clinique investigateur et Attaché de Recherche Clinique promoteur. Catégories d’informations recueillies pour les patients : - Données sociodémographiques : âge, sexe, poids, taille - Données cliniques : antécédents médicaux, tabagisme, antécédents familiaux, âge du début de la maladie, stade de Hurley, score de vie DLQI, score d’intensité IHS4, phénotype de la maladie, traitements mis en place - Photographies des lésions cutanées des patients inclus et de la pièce d’exérèse chirurgicale avant et après prélèvements - Données biologiques : nombre de leucocytes, neutrophiles et lymphocytes, CRP
Catégories d’informations re
cueill
ies pour les témoins : - Données sociodémographiques : âge, sexe, poids, taille - Photographies de la pièce d’exérèse chirurgicale avant et après prélèvements - Données biologiques : nombre de leucocytes, neutrophiles et lymphocytes, CRP B. Origine et nature des données
Codage des données : Code patient : 2 initiales (1ère lettre nom et 1ère lettre prénom) +
numéro d’inclusion Recueil d’information directement identifiantes (ex : nom, prénom, adresse postale ou mail, n°tel) : ☐Oui
☒Non Table de concordance : La table de concordance sera détenue par le Dr. Marie Lamiaux et conservée dans un endroit sécurisé au sein du service de dermatologie de l’hôpital Saint Vincent de Paul. Utilisation de données extraites de systèmes d’information existants (ex : PMSI, bases de l’assurance maladie..) : ☐Oui
☒Non Utilisation de données extraites de bases d’études déjà réalisées :
☐
Oui
☒
Non Constitution d’une nouvelle base de données :
☒
Oui Si
oui
, indication du flux de données : 247
☐Non Les données nécessaires à l'étude (concernant les données sociodémographiques et médicales) seront stockées sur une base de données OpenClinica créée exclusivement pour l’étude et selon le respect des bonnes pratiques cliniques. La base de données sera stockée sur un serveur sécurisé du GHICL, non accessible depuis l’extérieur. L’authentification pour accéder à la base de données se fera par login/mot de passe sécurisé envoyés par mail sécurisé. Le mot de passe contiendra 8 caractères au minimum incluant au moins une minuscule, une majuscule, un chiffre et un symbole. Toutes les connexions et tentatives de connexion seront tracées. Les données nécessaires à l'étude (concernant les données issues des analyses des échantillons biologiques spécifiques à l’étude) seront stockées sur une base de données Microsoft Excel créée exclusivement pour l’étude et selon le respect des bonnes pratiques cliniques. La base de données sera stockée sur un disque dur externe sécurisé par un mot de passe, et stocké dans un lieu sécurisé avec accès restreint à l’IBL. Seules les personnes autorisées pourront accéder aux données contenues dans la base de données, le fichier sera également protégé par un mot de passe sécurisé à 8 caractères incluant au moins une minuscule, une majuscule, un chiffre et un symbole. Les deux bases données seront ensuite fusionnées en fin d’étude, pour permettre l’analyse statistique. Les transmissions des données entre l'investigateur et les personnes habilitées de la Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation se feront uniquement via messagerie sécurisée. La base des données de l’étude sera la propriété du promoteur (GHICL). La présentation des résultats du traitement de données ne pourra en aucun cas permettre l'identification directe ou indirecte des personnes concernées. Toutes les données relatives à la recherche ne devront en aucun cas être transmises à un tiers. Transfert de données en dehors de l’UE : ☐Oui ☒Non Conformité à une méthodologie de référence : ☐MR002 ☒MR003 Durée de conservation de
la base
de données : La base de données sera conservée sur les serveurs du GHICL pendant une durée de 2 ans après la dernière publication des résultats de la recherche ou en l’absence de publication, jusqu’à la signature du rapport final. Puis la base de données sera 248 archivée sur support papier ou informatique pour une durée de 15 ans maximum.
IV. Information du patient
Le médecin, responsable de la recherche, s’engage à informer de manière claire et précise le patient de la recherche, ainsi que ses représentants s’il y a lieu, oralement et en lui remettant une lettre d’information. Cette information individuelle sera notifiée par écrit dans le dossier du patient à l’aide d’un formulaire rempli par le médecin attestant de la non opposition du patient. L’investigateur s’engage également à répondre aux questions que le patient serait susceptible de se poser. Avant d’autoriser sa participation le patient dispose d’un délai de réflexion afin de prendre connaissance de la lettre d’information. Différents modes de diffusion sont mis en place au sein du GHICL permettant une information du patient concernant l’utilisation de ses données à des fins de recherche. Dans chaque service une affiche reprenant la mention CNIL et informant les patients sur leurs droits est mise à disposition. 249 Annexe 4 : Avis du comité de protection des personnes 250 Annexe 5 : Cahiers d’inclusion patients & témoins CAHIER D’OBSERVATION TEMOINS
IMOHS
(
CONFIDENT
IEL)
« Etude de l’immunomodulation de la réponse immunitaire dans l’Hidradénite suppurée et Evaluation in vitro et ex vivo d’une nouvelle stratégie thérapeutique » N° du protocole : RC-P00111 N° d’enregistrement ID-RCB : N° TEMOIN : __ __ __ N° inclusion (par ordre chronologique)
I
NITIALES
PATIENT :
__
-
__
Nom - Prénom DATE D’INCLUSION : __ __ / __ __ / __ __ __ __ (= Date de recueil de la non-opposition)
INVEST
IGATEUR :........................................................................ Promoteur Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) Hôpital Saint Philibert 115 rue du Grand But BP 249 59462 Lomme Cedex Investigateur Principal 251 Dr. Marie LAMIAUX Chef de clinique Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille Hôpital St Vincent de Paul Service de Dermatologie-Vénéréologie Boulevard de Belfort BP 387, 59020 Lille Cedex Téléphone : 03 20 87 75 76 Email : [email protected]
Informations générales sur le patient
Date de la visite :........................ Date de naissance (mois/année) :........................ Sexe : □ homme □ femme
Vérification des critères d’inclusion et de non inclusion
Critères d’inclusion des témoins : Oui Non ➢ Patient majeur (≥18 ans) □ □ □ □ □ □ □ □ ➢ Ayant donné son accord de participation □ □ ➢ Affilié à la sécurité sociale □ □ Oui Non □ □ □ □ ➢ Ne présentant pas d’antécédents d’
hidradénite
suppurée ou de lésions évocatrices
d’
hidr
adénite
supp
urée
(
abcès à répétition dans les plis, suppuration récurrente dans les plis, drainages répétés dans les zones de plis) ➢ Ayant une indication à un traitement chirurgical d’abdominoplastie ➢ Naïfs de traitements immunomodulateurs (corticothérapie, biothérapie, apremilast, rétinoïdes) ou immunosuppresseurs (méthotrexate, ciclosporine) dans les 6 mois précédent l’inclusion, hors prise d’antibiotiques Critères de non inclusion des témoins : ➢ Immunodépression, une ou des maladies auto-immunes, maladies cancéreuses ou maladies infectieuses aigues ou chroniques ➢ Difficulté de compréhension ou de lecture du français 252 ➢ Patient déjà inclus dans un essai thérapeutique interventionnel □ □ ➢ Patient sous tutelle ou curatelle □ □ ➢ Femme enceinte ou allaitante □ □ Informations Cliniques et Paracliniques Données Cliniques............
kilos ➢ Poids : Taille :............ m IMC :.................. kg.m2 Chirurgie Date de la chirurgie :.................. Photographies : ➢ Photographies
de la pièce
opératoire réalisées
(
avant et
après
prélèvements) : □ oui □ non Prélèvements tissulaires : 3 prélèvements de 1 cm3 ➢ Prélèvements réalisés : □ oui □ non
Bilan de fin d’étude Participation du patient
Le patient a-t-il effectué l’intégralité de l’étude? □ oui Si non, date d’arrêt prématuré :.................. 253 □ non Préciser la raison : Sortie d’étude : Prélèvements tissulaires non réalisés Chirurgie non réalisée Prise de traitements interdits Retrait de consentement du patient (conservation des données déjà recueillies mais opposition pour le recueil de données futures) Décès, • Date : |__|__|/|__|__|/|__|__|__|__| • Cause du décès :....................................... Autre, Préciser :............................................................ Déviations au protocole Déviation(s) au protocole : □ oui □ non Si oui, préciser : Patient inclus à tort Autre, Préciser :.................. Validation du
CRF
Nom de l’investigateur : □ oui □ non Date :.................. Signature :..................
254 CAHIER D’OBSERVATION PATIENTS IMOHS (CONFIDENTIEL) « Etude de l’immunomodulation de la réponse immunitaire dans l’Hidradénite suppurée et Evaluation in vitro et ex vivo d’une nouvelle stratégie thérapeutique » N° du protocole : RC-P00111 N° d’enregistrement ID-RCB : N° PATIENT : __ __ __ N° inclusion (par ordre chronologique) INITIALES PATIENT :
__
-
__
Nom - Prénom
DATE D’INCLUSION
: __ __ / __ __ / __ __ __ __
(= Date de recueil de la non-
opposition) INVESTIGATEUR :........................................................................ Promoteur Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) Hôpital Saint Philibert 115 rue du Grand But BP 249 59462 Lomme Cedex Investigateur Dr. Bilan biologique Date :.................. Résultats : 260 ➢ Leucocytes :............ G/L ➢ Neutrophiles :............ G/L ➢ Lymphocytes :............ G/L ➢ CRP :............ mg/L Prélèvements sanguins 2 Tubes secs 5 mL ➢ Prélèvements réalisés : □ oui □ non 3 Tubes EDTA 5 mL ➢ Prélèvements réalisés : □ oui □ non Chirurgie Date de la chirurgie :.................. Photographies : ➢ Photographies de la pièce opératoire réalisées : □ oui □ non Prélèvements tissulaires : 3 prélèvements de 1 cm3 ➢ Prélèvements réalisés : □ oui □ non Bilan de fin d’étude Participation du patient Le patient a-t-il effectué l’intégralité de l’étude? □ oui Si non, date d’arrêt prématuré :.................. 261 □ non Préciser la raison : Sortie d’étude : Prélèvements sanguins ou tissulaires non réalisés Chirurgie non réalisée Prise de traitements interdits Retrait de consentement du patient (conservation des données déjà recueillies mais opposition pour le recueil de données futures) Décès, • Date : |__|__|/|__|__|/|__|__|__|__| • Cause du décès :....................................... Autre, Préciser :............................................................ Déviations au protocole Déviation(s) au protocole : □ oui □ non Si oui, préciser : Patient inclus à tort Autre, Préciser :.................. Validation du CRF Nom de l’investigateur : □ oui □ non Date :.................. Signature :..................
262 Annexe 6 : Notice d’information pour les patients et témoins NOTICE D’INFORMATION DESTINEE AU PARTICIPANT « IMOHS » Etude de l’immunomodulation de la réponse immunitaire dans l’Hidradénite suppurée et Evaluation in vitro et ex vivo d’une nouvelle stratégie thérapeutique
Numéro de protocole : RC-P00111 Numéro IDRCB : XXX
Promoteur / Responsable de traitement : Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille (GHICL), Hôpital Saint Philibert, 115 rue du Grand But, 59462 LOMME Cedex, représenté par son Directeur Général Monsieur Laurent DELABY, représentant du responsable de traitement Investigateur principal : Dr Marie LAMIAUX, Hôpital Saint Vincent de Paul, Service Dermatologie-Vénérologie, Boulevard de Belfort, 59020 LILLE Cedex Madame, Monsieur,
Il vous est proposé de participer, en tant que témoin, à une étude organisée par le Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille intitulée « IMOHS : Etude de l’immunomodulation de la réponse immunitaire dans l’Hidradénite suppurée et Evaluation in vitro et ex vivo d’une nouvelle stratégie thérapeutique ». Nous vous proposons de lire attentivement cette lettre d’information dont le but est de répondre aux questions que vous seriez susceptible de vous poser. Avant d’autoriser votre participation, vous disposez d’un délai de réflexion afin de prendre connaissance de ce document. Vous pourrez à tout moment durant la recherche, vous adresser à votre médecin pour lui poser toute question complémentaire. 263 Vous êtes libre d'accepter ou de refuser de participer à cette étude, sans que cela n’affecte votre prise en charge habituelle par l’équipe de soins ni vos relations avec l’équipe médicale.
OBJECTIF DE LA RECHERCHE
L’Hidradénite suppurée (HS), encore appelé Maladie de Verneuil, est une maladie inflammatoire chronique de la peau se localisant principalement dans les plis cutanés. La maladie se caractérise par des douleurs, des nodules inflammatoires, des abcès, des fistules et des cicatrices hypertrophiques (en relief). Cette maladie est encore mal connue et les moyens thérapeutiques sont limités, avec principalement l’utilisation d’antibiotiques dans le but de contrôler les poussées, ou encore la chirurgie pour les formes les plus évoluées. L’objectif de cette recherche est d’étudier le dysfonctionnement du système immunitaire chez les patients atteints d’HS, et de rechercher de nouvelles stratégies thérapeutiques. Cette étude pourra nous permettre de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie dans le but de pouvoir améliorer la prise en charge des patients.
DEROULEMENT DE LA RECHERCHE
Il s’agit d’une étude portant sur l’analyse et la comparaison de prélèvements sanguins et tissulaires, provenant de patients atteints d’HS et de sujets témoins non porteurs d’HS. Vous n’aurez pas besoin de vous déplacer spécifiquement à l hôpital pour cette recherche. Tout d’abord, vous effectuerez une première visite pendant laquelle votre médecin recueillera votre accord de participation (cette visite aura lieu en même temps que l’une de vos consultations habituelles). Il recueillera ensuite vos données sociodémographiques (âge, sexe, poids et taille). Dans le cadre de votre prise en charge, vous allez bénéficier d’une chirurgie (abdominoplastie). A la suite de votre chirurgie, des prélèvements seront réalisés sur la pièce opératoire afin de réaliser des analyses supplémentaires dans le cadre de cette étude. 264 Les échantillons tissulaires qui seront analysés seront comparés à des échantillons tissulaires provenant de patients atteints de la Maladie de Verneuil. Cette recherche ne comporte pas de visite de suivi supplémentaire.
VOTRE PARTICIPATION A LA RECHERCHE
Votre participation consistera à donner votre accord pour l’utilisation des données sociodémographiques recueillies, pour le prélèvement d’échantillons tissulaires sur la pièce opératoire ainsi que pour la réalisation d’analyses supplémentaires sur les échantillons tissulaires prélevés. La durée de votre participation à cette recherche est de 6 mois maximum (de la 1 ère visite jusqu’au jour de la chirurgie).
BENEFICES POSSIBLES
Il n’y a aucun bénéfice direct pour vous à participer à cette étude mais celle-ci permettra d’améliorer les connaissances sur les mécanismes de la Maladie de Verneuil et ainsi de développer de nouveaux traitements et d’améliorer la prise en charge des patients atteints de cette maladie.
EFFETS INDESIRABLES ET CONTRAINTES PREVISIBLES
Cette recherche ne présente aucun risque pour vous, autre que ceux liés aux soins.
PRISE EN CHARGE EN CAS DE REFUS DE PARTICIPATION
Votre refus de participation ne modifiera en rien votre prise en charge habitu
. CONDITIONS DE PARTICIPATION
Vous n’êtes pas autorisé à participer à une autre recherche clinique interventionnelle durant le temps de cette recherche. Si vous l’acceptez, votre médecin traitant sera informé de votre participation à cette recherche.
| 4,914
|
43/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01373677-document.txt_1
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 10,220
| 15,245
|
Les
ciné
ma
thèque
s à travers
le « non
-
film
» Cinémathèque de
Gre
noble –
du
5
ja
nvier
au
3 juillet
2015
Maître de stage
: Guillaume Poulet THEVENOT Alexandre
Sous la direction de
Robert
BONAMY UFR LLASIC
Département Lettres et Arts du spectacle Mé
moire
de master 2 professionnel Spécialité : Diffusion de la culture
2015-2016
Les
ciné
ma
thèque
s
à
travers
le « non-film » Cinéma
thèque de
Grenoble – du 5 janvier au 3 juillet 2015
Maître de stage : Guillaume Poulet THEVENOT Alexandre
Sous la direction de
Robert
BONAMY UFR
LL
ASIC
Département Lettres et Arts du spectacle Mémoire de master 2 professionnel Spécialité : Diffusion de la culture
Année
universit
aire
2015-2016
TABLE DES MATIÈRES
Introduction générale5 RAPPORT DE STAGE
Chapitre I :Présentation de la structure
Histoire8 Missions13 Sauvegarde du patrimoine cinématographique 13 Conservation du patrimoine cinématographique13 Valorisation du patrimoine cinématographique14 Fonctionnement14 Association 14 Équipe salariée 14 Bénévolat 15
Chapitre II :Compte rendu des missions réalisées
Premiers pas16 Assurer le fonctionnement du centre de documentation17 Introduction 17 L'accessibilité des collections 17 Contexte 17 Améliorer le classement et faciliter la recherche des documents18 Perspectives 21 L'accueil des visiteurs 22 Phase de préparation 22 Des missions d'accueil, de formation et de communication24 Bilan 28 Le centre de documentation, une force de proposition28 Un lieu de ressources internes 28 Un lieu d'activités 30 Développement et préconisations 32 Conclusion 32 Vie de la Cinémathèque33 Accomplissement des missions 33 Missions secondaires 33 Difficultés rencontrées 35
RÉFLEXION Introduction
38
Chapitre I :Le « non-film », un vocabulaire problématique
« Film » et « non-film »39 Un usage fréquent des termes au sein des archives de cinéma39 Les raisons pratiques d'un tel partage
40 Une
articulation
des
collections
selon un
principe
d'opposition42
Le « non-film », champ vaste, notion floue42 Des définitions témoignent d'un flou entourant le terme42 3 Des confusions dans son usage 44 Une terminologie non adaptée45 Le document non-livre, une origine du « non-film »45 « Non-livre » et « non-film », des termes négatifs47 Le « non-film », un terme vide 48
Chapitre II :La cinéphilie à l'origine des cinémathèques
L'importance de la salle et du film en pellicule50 Origine et fonctionnement des cinémathèques50 La pellicule au centre de toutes les attentions 53 Le rôle central des programmations 55 Un rapport au cinéma absolu qui se refuse tout changement57 L'émergence de la vidéocassette 57 Le développement de la recherche universitaire58 La cinéphilie 59 Un positionnement discutable62 La cinémathèque n'est plus la seule à activer des désirs de cinéma62 Une valorisation du non-film difficile 64 Les bibliothèques de cinéma et la prise en considération du « non-film »66
Chapitre III :Vers une cinémathèque moderne? Un nouveau partage des collections68 La réalité du patrimoine cinématographique
68 Parler de « documentation relative au cinéma »70 Musée et bibliothèque : deux caractéristiques de la modernité des cinémathèques72 Se métamorphoser tout en restant une cinémathèque74 Changer en préservant un certain héritage 74 Développer le reste 75 Le non-film, un moyen d'activer de nouveaux désirs de cinéma77 Le document est une manière de susciter un nouvel intérêt pour les films77 La réalité du besoin universitaire
79
Le succès grand
issant
des expositions
81 Conclusion84 Conclusion générale85 Bibliographie86 Sitographie88 Table des annexes90
4 Introduction générale
En 2014, lors de ma première année de Master, j'ai effectué un stage à La Cave Littéraire, une maison de poésie située à Villefontaine. Mon travail portait sur la valorisation de son imposante collection de revues de poésie : La Poéthèque. Fort de cette expérience, il m'intéressait de me trouver à nouveau en contact avec un fonds spécialisé. Mes années de bénévolat et mes diverses implications dans les activités de la Cinémathèque de Grenoble ainsi que la toute récente rénovation de ses locaux constituaient des motifs particulièrement intéressants pour que je fasse un stage dans cette structure. Alors que la rénovation était encore en cours, l'association et le directeur de la Cinémathèque avaient l'intention de profiter des nouveaux espaces, tels qu'un hall d'accueil, un lieu de lecture, une pièce d'archives et une salle de visionnage, afin de rendre accessibles ses collections au public (livres, revues, films en vidéo, dossiers). Cette perspective devait aboutir à l'ouverture d'un centre de documentation dès janvier 2015. C'est dans ce contexte qu'il m'a paru pertinent d'intervenir. Je profitais ainsi d'une véritable impulsion de la structure pour un projet qu'elle avait le désir de soutenir et de mener à bien. Je souhaitais en même temps prendre vivement part à la mise en fonctionnement des nouveaux espaces ainsi qu'aux interrogations que cette entreprise susciterait. D'un point de vue professionnel, ce stage me permettait d'avoir une expérience de travail supplémentaire en lien avec le cinéma, domaine pour lequel je nourris un vif intérêt depuis de nombreuses années. Comme je suis attentif aux problématiques de valorisation de fonds et que les collections de la Cinémathèque constituent un important patrimoine à entretenir et à mettre en avant, cet environnement me permettait autant d'acquérir, de renforcer et d'exercer mes compétences que de continuer à découvrir les richesses du patrimoine cinématographique. Je m'attache d'abord le présent dossier à revenir sur mon expérience de stage, par le biais d'une description précise de la structure et d'un retour en détails sur les missions effectuées ainsi que sur leur degré d'accomplissement. Je voudrais ensuite par tir d'un ressenti qui s'est affirmé au fur et à mesure qu'avançait le stage pour explorer la notion de « non-film ». L'emploi fréquent de ce terme dans le milieu des archives interpelle dès lors qu'on s'interroge sur son sens profond et qu'on met en parallèle ce sens avec la difficulté qu'ont eu toutes les institutions de cinéma à ouvrir leurs collections au 5 public. 7 Chapitre I : Présentation de la structure 1. Histoire
Dès la création du cinématographe, les problématiques liées à la conservation des films se sont posées. Dans l'ouvrage Cinémathèques et archives du film, Éric Le Roy rapporte qu'en 1898 Boleslaw Matuszewski publie un texte prémonitoire, Une nouvelle source de l'Histoire, dans lequel il « préconise la création immédiate d'un "musée ou dépôt de cinématographie historique" »1. Malgré la formulation de ces recommandations, aucune structure ne voit le jour pour en assurer la fonction et ce ne sont pas les enquêtes qui changeront quelque chose, à l'instar de celle entreprise par René Brunschwik, « Une bibliothèque du film? », qui souligne d'un côté la lenteur de l'État à mettre en place une loi ou une structure concernant la conservation des films, de l'autre la nécessité de « l'organisation immédiate de la Bibliothèque du film »2. Jusque dans les années 30, les collections qui se constituent sont des entreprises isolées ou individuelles répondant à des besoins précis (thématique ou éducatif, par exemple). Le cinéma qui n'est pas encore considéré comme un art fonctionne alors selon une logique de production. Une fois leur période d'exploitation terminée, les films ont tendance à être détruits. De plus, le danger de la destruction est accentué au gré des évolutions technologiques et des événements : le passage du cinéma muet au cinéma parlant au début des années 30, l'obsolescence de la pellicule nitrate jugée dangereuse et remplacée par la pellicule acétate, la guerre, etc.3 Dans ce contexte, afin de limiter les pertes, des structures vont émerger et sauvegarder ce qui va constituer le patrimoine cinématographique. Henri Langlois et quelques compères collectionneurs de pellicules décident de fonder la Cinémathèque française en 1936. Jusqu'à sa mort en 1977, il n'aura de cesse de vouer sa vie à la conservation des films et de tous les documents liés, de près comme de loin, au cinéma, constituant ainsi une des plus importantes collections au monde. Le temps passe et Langlois ne cesse de faire des émules. Par l'intermédiaire de l'Association des amis de la Cinémathèque française, il fait fleurir en régions d'autres ins1. LE ROY, Eric, Cinémathèques et archives du film, Paris, Armand Colin, 2013, p. 199. 2. BRUNSCHWIK
, René,
« Une bibliothèque
du film? »,
Bibliothèques,
n
°
8, octobre 1927
,
p. 94.
3. 8 titutions de cinéma. Cette entreprise est brièvement rapportée par Laurent Mannoni dans son Histoire de la Cinémathèque française : La Cinémathèque, depuis la Libération, cherche à créer des antennes dans toute la France, pour trois raisons : sortir des cénacles parisiens, profiter des stocks de films qui traînent un peu partout à cette époque, et rappor ter de l'argent. Borde verse à la Cinémathèque des « excédents de bénéfices ». Ce n'est pas énorme, mais cet argent, ajouté à celui versé par les Amis de la Cinémathèque répartis en province, donne un peu d'oxygène à l'association parisienne.4 En 1962, fraîchement arrivé à Grenoble, Michel Warren, un jeune cinéphile qui fréquentait assidûment les ciné-clubs et la Cinémathèque française décide de fonder avec quelques autres passionnés les Amis de la Cinémathèque française de Grenoble. Humbert Lazzarotto relate l'évolution de la structure dans son article « Souvenirs et anecdotes de la Cinémathèque de Grenoble » en 1997 : La cinémathèque de Grenoble a été fondée le 26 octobre 1962, et depuis elle est présidée par Michel Warren, un passionné de cinéma, fils spirituel d'Henri Langlois (1914-1977) fondateur et Secrétaire Général de la Cinémathèque française. Elle fut d'abord hébergée dans les murs de l'École normale (l'actuel I.U.F.M.) et lors de sa première séance - consacrée à l'oeuvre de Georges Méliès - le billet d'entrée coûtait 50 centimes. Mais les enseignants se montrèrent médiocrement intéressés par cette instance, véritable archive du cinéma et la cinémathèque, émigra pour deux ans au Club, cinéma d'art et d'essai. De 1965 à 1969, son siège fut l'A.G.E.
. 5, temple des étudiants rue de la Poste.6
La proximité de la Cinémathèque
avec le milieu
étudiant n'est pas sans l'inscrire dans un dynamisme particulier :
la
jeunesse,
le
militantisme
,
une
ém
ulation
et
un renouvellement permanent des
anima
teurs et des
participant
s. C'est ce contexte que décrit brièvement Serge Toubiana dans un article de son blog personnel « Juliet Berto, rieuse et moqueuse » : Née à Grenoble, Juliet Berto faisait partie d'une bande de cinéphiles qui, dans les années soixante, animaient un ciné-club très actif, auquel je commençais à participer – ô si timidement, jeune lycéen me faufilant aux séances du mardi soir. [] Godard venait régulièrement présenter ses films à Gre4. MANNONI, Laurent, Histoire de la cinémathèque française, Paris, Gallimard, 2006, p. 277.
5. Assemblée Générale des Étudiants de Grenoble. 6. 9 noble, par exemple Masculin Féminin en 1966. Il fit connaissance avec cette bande qui fréquentait le « Café de la Poste », place Grenette. [] Grenoble, la ville où j'ai fait mes études secondaires, puis universitaires (si peu), milité (un peu trop), et surtout commencé à aimer le cinéma. Les films de Godard, de Truffaut, de Resnais. La Cinémathèque de Grenoble existait déjà, animée par Michel Warren, présent lui aussi l'autre soir à la Cinémathèque. Lycéen à Champollion en 1966 et 67, j'avais animé un ciné-club avec quelques amis. Nous présentions des films : Eisenstein, Les Raisins de la colère, Le Sel de la terre, Los Olvidados – dans une salle de la ville, plus tard baptisée « salle Juliet Berto ».7 En 1968, les Amis de la Cinémathèque de Grenoble soutiennent Henri Langlois que l'État veut renvoyer de la Cinémathèque française et font partie des signataires d'une pétition qui fait le tour du monde8. Une réunion d'information concernant l'affaire se tient à Grenoble. Dans son blog, Jean-Louis Boissier raconte : Le 21 mars 1968, se tenait à Grenoble, au cinéma Le Rex, une « Réunion d'information sur l'affaire Langlois ». De nombreux cinéastes et acteurs étaient à la tribune (François Truffaut, Claude Chabrol, Claude Lelouch, Marie Dubois, Michel Simon, etc.). Cette manifestation avait été organisée notamment par les Amis de la Cinémathèque française de Grenoble (une antenne de la Cinémathèque qui organisait plusieurs projections par semaine), le Ciné-club universitaire de Grenoble (je m'occupais des deux, avec notamment Johnny Epstein, Alain Bouverot, Michel Warren).9 Il explique ensuite que l'affiche pour cette réunion « avait été réalisée par JeanLouis Boucher et [lui], imprimée à 'Association générale des étudiants de Grenoble. Une reproduction de cette affiche se trouve en annexe 10. Cette date importante dans l'affaire Langlois ne manque pas de faire réagir les politiques. Pierre Mendès France adressera une importante lettre de soutien. Patrick Olmeta la résume bien dans son livre La Cinémathèque française : À Grenoble, près de mille personnes parmi lesquelles François Truffaut, Pierre Kast et Michel Simon, écoutent la déclaration de Pierre Mendès France pour qui, s'il est légitime que l'état désire assurer un contrôle finan cier, il est regrettable que l'on ne sache pas exactement ce que l'on reproche à Langlois. 10 propres affaires et de prendre eux-mêmes les décisions qui les concernent ».11 Ce discours sera publié intégralement dans les Cahiers du cinéma qui assure un fort soutien à Langlois en alimentant constamment le débat sur cette affaire. 12. Lazzarotto ne manque pas non plus de revenir sur ces faits, apportant son lot de précisions, et conti nuant ainsi sa brève histoire de la Cinémathèque de Grenoble : En 1968 le gouvernement voulant mettre fin aux fonctions d'Henri Langlois, cela déclencha une vague de protestations dans toute la France et donna lieu à Grenoble à la mémorable « manif du Rex » qui vit défiler Lelouch, Godard, Truffaut, Doniol-Valcroze, entre autres avec à leur tête, Michel Simon en personne! Pierre Mendès-France n'ayant pu se déplacer avait fait parvenir aux membres de la Cinémathèque de Grenoble une lettre de soutien remarquable qui fut publiée par la suite. De 1970 à 1980, des milliers de films furent présentés au public, dont plus de 400 en une seule année ce qui constitue la base de la cinéphilie grenobloise. Il y eut des séances à la Maison de la Culture, au Théâtre Municipal et à la Salle des Concerts. [] Depuis 1980 la Cinémathèque de Grenoble organise des projections Salle des Concerts (aujourd'hui salle Juliet Berto) dotée d'une cabine capable de projeter des films de tous formats.13 Les animateurs de la Cinémathèque enchaînent donc les projections, investissant des lieux différents de la ville. Jusqu'au début des années 70, les films programmés sont fournis par la Cinémathèque française. Mais parallèlement à ces activités, Michel Warren récupère et accumule de son côté tout ce qui a trait au cinéma (films et documents liés) et constitue ainsi la base des collections de la Cinémathèque de Grenoble qu'il alimentera jusqu'à sa mort en 2015. En 1977, Michel Warren fonde le Festival du film court en plein air. Ce festival organisé par les mêmes personnes qui forment le noyau dur de la Cinémathèque est juridiquement indépendant. C'est une autre association. C'est là le premier signe d'un détachement entre Grenoble et Paris. Mais la raison de cette distinction entre la Cinémathèque et le festival est donnée par la ville qui souhaitait alors pouvoir distinguer les comptes des deux structures.14
11. OLMETA, Patrick, La Cinémathèque française de 1936 à nos jours, Paris, CNRS éditions, 2000, p. 130. 12. En 1983, la Cinémathèque devient définitivement indépendante. L'association Cinémathèque de Grenoble est créée, toujours sous la houlette de Michel Warren dont le caractère et la pugnacité, très proches de l'attitude des pionniers des cinémathèques (Langlois, Borde, etc.), permettent une véritable dynamique. Les mots que Lazarrato emploie à propos de Michel Warren soulignent assez bien la passion qui animait cet homme. Quand il écrit qu'actuellement (en 1995), deux projets « rendent Michel Warren fébrile », il est possible de mesurer avec quelle force la cinéphilie et la ténacité de ce fon dateur ont présidé au développement et à la pérennisation de l'institution. Mais qui dit caractère chez Michel, dit aussi opiniâtreté. Il semblait si sûr de lui devant les autres, si animé par le cinéma qu'il devenait parfois difficile de travailler avec lui. Beaucoup de personnes en ont subi les conséquences et la vie de la Cinémathèque a toujours été d'une façon ou d'une autre mouvementée. S'il n'est pas utile de passer en revue tous les remous, tous les détails de l'évolution de la Cinémathèque, il reste intéressant d'en décrire les plus récents événements parce qu'ils explicitent le fonctionnement actuel de la Cinémathèque et la façon dont elle est structurée. Les changements les plus importants et les plus récents datent donc de 20072008. À ce moment-là, devant les grandes difficultés qu'ont les institutions et la ville à travailler avec Michel Warren, la municipalité oblige la Cinémathèque à changer de présidence et à embaucher une personne à plein temps pour la gestion de l'équipe salariée. En mars 2008, Barbara Muller est nommée en tant que Secrétaire Générale. Alors qu'une nouvelle dynamique est attendue, cette période restera marquée par un flottement dû à la mésentente entre Barbara Muller et Michel Warren. Les tensions ne s'apaisent pas. Il faut attendre l'arrivée de Guillaume Poulet, l'actuel directeur de la Cinémathèque, et de Nicolas Tixier à la présidence de l'association, pour que le climat s'améliore. En novembre 2009, Guillaume Poulet arrive au poste de direction de la Cinémathèque de Grenoble. Dès ce moment et jusqu'à aujourd'hui, son travail a permis de transformer ce lieu d'initiés en une institution de cinéma capable de rayonner sur le territoire grenoblois et de devenir un partenaire d'importance au niveau national et international. 12 Fin 2010, l'association qui organise le Festival du Film Court en Plein Air est dissoute et fusionne avec la Cinémathèque de Grenoble suite à une demande de la ville qui préfère qu'il n'y ait plus qu'une seule et même entité. 2. Missions
Il serait possible de discuter longuement la nature des missions menées par les cinémathèques. Au regard de l'histoire de ce genre de structure, de ce pour quoi elles ont été fondées et ont pu se pérenniser, il me paraît utile de dégager trois axes généraux auxquelles toutes adhèrent. La Cinémathèque de Grenoble y est bien évidemment attentive, même si ces missions ne sont remplies que dans la mesure des moyens qui lui sont conférés.
2.1 Sauvegarde du patrimoine cinématographique
La Cinémathèque de Grenoble oeuvre pour la collecte et la récupération de films afin de les préserver de toute destruction. Elle considère, à l'instar de toutes les institutions partenaires de la FIAF (Fédération Internationale des Archives du Film), que « le cinéma constitue une part essentielle de notre héritage culturel et [que] les films sont des enregistrements incomparables de notre histoire et de notre quotidien ». Cette phrase fait partie d'un texte plus long qui figure dans le programme semestriel de la structure. L'encart qui lui est réservé, visible en annexe 15, montre bien que la structure insiste sur l'importance de sauvegarder les films. Elle se donne alors pour mission d'accepter tout dépôt ou don de films. Par extension, les documents sur le cinéma qui ne sont pas des films sont aussi collectés constituant ainsi ce que la structure nomme les « collections non-film ».
2.2 Conservation du patrimoine cinématographique
La Cinémathèque de Grenoble s'engage à préserver le patrimoine cinématographique en veillant à réunir les conditions adéquates de conservation des documents qu'elle abrite. Cela passe par l'entretien des films en pellicule, leur stockage dans des boites adaptées, leur rangement dans des lieux spécifiquement dédiés, etc. Pour les « collections non-film », la structure doit également être rigoureuse. Préserver les documents des ravages du temps demande des espaces et rangements appropriés. 15. Voir l'annexe 2, p. 92. 2.3 Valorisation du patrimoine cinématographique
Une archive ne vaut que si elle est montrée, valorisée, diffusée. La Cinémathèque n'a d'ailleurs jamais dissocié la récupération et le stockage des films du désir de les mon trer dans le cadre de projections. Depuis sa naissance, elle organise de nombreuses séances qui permettent de voir ou revoir des oeuvres dans le cadre de programmations : cycles courts et longs, thématiques ou monographiques, soirées spécifiques, rendez-vous réguliers. Cette diffusion des films s'accompagne parfois d'interventions de spécialistes. De même, la Cinémathèque a toujours pour objectif de valoriser le reste de son patrimoine que ce soit par le biais de publications, d'expositions, de conférences. 3. Fonctionnement 3.1 Association
La Cinémathèque de Grenoble est une association de loi 1901 depuis 1983. Il existe en son sein plusieurs types de membres : les membres fondateurs, les membres actifs et les membres d'honneur. Devenir membre se fait selon un principe de cooptation : la majorité (pour être membre actif) ou les deux tiers (pour être membre d'honneur) des membres présents ou représentés lors de l'Assemblée Générale doivent agréer la demande de la personne qui souhaite rejoindre l'association. L'administration se fait par un bureau composé d'un Président (Nicolas Tixier actuellement), d'un Trésorier et d'un Secrétaire élus lors de l'Assemblée Générale. Le Bureau peut autoriser tout acte d'administration, il définit la création des postes, le statut et la rémunération du personnel permanent ou temporaire de l'association, établit l'ordre du jour des séances de l'Assemblée Générale, approuve le ou les règlements intérieurs. L'Assemblée Générale comprend tous les membres de l'association et approuve les orientations générales proposées par le Bureau.
3.2 Équipe salariée
La Cinémathèque de Grenoble fonctionne toute l'année grâce à une équipe salariée composée de quatre personnes. Le directeur, M. Guillaume Poulet, est recruté par le bureau de l'association et est chargé de mettre en oeuvre la politique et les décisions de l'association. Il représente la Cinémathèque à toutes les échelles (du local à l'international) et participe à sa valorisation. Il supervise également le reste du personnel, à savoir, 14 Mme Véronique Mondet, assistante de direction, qui est chargée de l'administration ainsi que d'une grande partie de l'organisation du festival du film court en plein air ; Mme Laetitia Boulle, chargée de communication et de projet culturel, qui s' e plus particulièrement de la mise en page du programme et de la conduite de certains projets en lien avec le directeur ; M. Sylvain Crobu, opérateur projectionniste, qui est en charge de la projection des films programmés que ce soit à la salle Juliet Berto, dans les pièces de la Cinémathèque ou bien à l'extérieur, et ce sur tout type de support (numérique, pellicule). Comme des postes importants ne bénéficient pas d'employés, faute de moyens financiers suffisants pour les pérenniser, le personnel déjà en place s'occupe de certaines autres tâches. Sylvain Crobu est ainsi attaché à la conservation des films ou encore à la gestion de la caisse pour les séances de projection, Véronique Mondet traite quant à elle les questions liées à la conservation de la documentation. 15 Chapitre II : Compte rendu des missions réalisées 1. Premiers pas
Il était explicite dès la convention de stage que je devais « participer à la mise en fonctionnement du nouveau centre de documentation de la Cinémathèque et réfléchir à sa valorisation tant auprès du public qu'auprès des autres institutions » et « aider la structure dans ses activités générales ». Comme le centre devait ouvrir la semaine de mon arrivée et que l'association avait esquissé quelques modalités de fonctionnement sans pour autant les arrêter, je fus aussitôt plongé dans ces problématiques. En quelques jours, il fallait que je puisse accueillir de potentiels futurs visiteurs et répondre à leurs demandes. Il restait néanmoins clair que mon travail servirait à tester et à trouver une méthode de fonctionnement du centre de documentation qui soit aussi bien adaptée à la Cinémathèque (sa petite équipe, la disposition de ses espaces) qu'à la pérennité de son projet. Il m'a été assez facile d'intégrer l'équipe de la Cinémathèque puisque j'y avais exercé différentes activités : tenue de la caisse au cinéma Juliet Berto, programmation de films, travail d'inventaire ou manutention. Je connaissais les personnes impliquées dans la structure et la nature de leur travail. C'était également d'une bonne aide pour appréhender le fonds de la Cinémathèque. Je savais déjà comment les archives étaient classées et disposées dans les locaux. En janvier 2015, les collections déplacées pour la rénovation n'avaient pas encore toutes regagné leurs nouveaux espaces. J'allais très certainement recevoir des cartons remplis de documents, à trier parfois, et à intégrer dans la salle d'archives. Il me fallait mettre tout cela en rapport avec le projet d'ouverture des collections au public. Le principal projet qui a motivé le contenu mon stage est le désir de la Cinémathèque de Grenoble d'avoir un centre de documentation. Cette volonté émanait aussi du projet de rénovation des locaux de la Cinémathèque dont les travaux avaient été effectués courant 2014. L'inauguration des nouveaux locaux avait eu lieu pour le festival du film court en plein air 2014. Les anciens locaux étaient exigus et ne rendaient pas pratique l'accueil du public. D'une même façon, le public n'osait pas vraiment rentrer dans ce qui ressemblait à des bureaux, de peur peut-être de n'être pas accueilli, ou par crainte de déranger. 2. Assurer le fonctionnement du centre de documentation 2.1 Introduction
Suite à la rénovation des locaux, la Cinémathèque dispose de plusieurs salles appropriées pour accueillir le public, en plus d'une pièce spécifiquement réservée pour les archives. Cette disposition des lieux permet donc au public de venir consulter des documents conservés dans les collections (ouvrages, films) selon les horaires d'ouverture hebdomadaire, mais aussi de travailler, de trouver de l'aide par rapport à ses questions ou ses recherches portant sur le cinéma. Une première réunion de travail dès mon arrivée permit de fixer quelques règles de fonctionnement : définition des horaires d'ouverture, tarifs, manière d'enregistrer les entrées et les inscriptions, mise au point pour que l'espace de la bibliothèque, utilisé en dehors des heures d'ouverture par le personnel de la structure, soit dégagé. Je devais également mettre en place un planning pour gérer les réservations et savoir à l'avance quels emplacements seraient utilisés. Avec la préparation du Festival du Film Court en Plein Air, par exemple, la salle de visionnage se trouvait souvent occupée par le jury pour la pré-sélection des films. Il devenait de ce fait important de savoir quand elle était libre ou non. Bien plus qu'un point de départ, cette réunion m'a permis d'être directement au contact des problématiques que j'étais amené à rencontrer. Il devenait clair que mon travail s'articulerait autour de deux axes aux temporalités radicalement différentes : le développement du centre de documentation, dont le projet dépasse largement la durée de mon stage, et l'articulation du centre de documentation avec les activités déjà existantes de la Cinémathèque par le biais d'actions en lien avec sa programmation.
2.2 L'accessibilité des collections
2.2.1 Contexte Les collections de la Cinémathèque de Grenoble sont réparties dans trois salles différentes. Dans le hall d'entrée, situés rrière la banque d'accueil, se trouvent les 17. Voir l'annexe 4, p. 94. 17 DVD. Dans la bibliothèque, autour des tables réservées aux lecteurs sont rangés les ou vrages. Ils sont, de ce fait, en libre accès. Le reste des collections est censé se trouver dans la salle d'archives dont l'entrée est réservée au personnel de la structure. Comme toutes les collections n'ont pas regagné les locaux après la rénovation, il se trouve que des éléments demeurent inaccessibles ou sont entreposés dans des pièces provisoires. Les affiches de cinéma se trouvent au troisième étage, le reste est stocké en gardemeuble. La salle des archives est prévue pour contenir les affiches (pliées et roulées) et abritent déjà les revues de cinéma, les dossiers sur les institutions de cinéma, sur les films et les personnalités, ainsi que les vidéos. D'autres dossiers (festivals, villes) patientent encore dans des cartons avant d'être sortis puis rangés. Des problèmes de place se font sentir même s'ils ne sont pas encore handicapants. Les documents qui dorment en carton ne sont pas tous immédiatement utiles : ils ne sont pas référencés et ne concernent pas les sections les plus demandées. Concernant le classement, certains types de document bénéficient d'un référencement dans un fichier de type tableur. Ces fichiers sont ensuite mis à disposition sur un ordinateur que tout utilisateur peut consulter pour avancer dans ses recherches. Il est ainsi possible d'interroger les bases pour trouver un livre, un film ou une affiche. Concernant les autres types de documents, la recherche doit être faite par le personnel de la structure et les dossiers ou revues sont tous classés par ordre alphabétique. Les fichiers informatiques en eux-mêmes contiennent les informations attendues (titres, auteurs, années, éditeurs) mais ne suffisent pas pour des recherches approfondies. Il est parfois difficil d'honorer les requêtes du lecteur. À titre d'exemple rencontré, il est impossible de classer les films référencés selon leur origine simplement parce que le pays de production n'est pas indiqué. Il est donc impossible de répondre à une question de type : quels sont les courts-métrages espagnols de moins de 10 minutes que vous possédez? Les réponses qu'une personne peut apporter à la demande d'un lecteur dépendront beaucoup de sa connaissance du fonds de la Cinémathèque et de sa faculté à mettre en relation des éléments qui pourraient se révéler intéressants. 2.2.2 Améliorer le classement et faciliter la recherche des documents – Le classement et sa lisibilité
Régulièrement, des bénévoles viennent aider au catalogage des documents. Les DVD, les livres et les affiches sont traités en priorité parce qu'ils bénéficient d'un fichier 18 informatique. Ces bénévoles permettent ainsi d'intégrer les documents au reste des collections et de les rendre mieux accessibles au public. Ils proviennent la plupart du temps de dons. Au cours de mon stage, j'ai par exemple pu réceptionner un fonds de 300 ouvrages sur le cinéma américain qu'un ancien professeur d'université cherchait à léguer. Un nombre important de court-métrages sur DVD proviennent des inscriptions au Festival du Film Court en Plein Air, ils renforcent ainsi une importante collection sur le court-métrage. Ranger était une chose, mais il fallait aussi veiller à rendre lisible le plan de classement afin de faciliter le repérage et la recherche des documents. Des membres de la Ci némathèque comptaient venir prêter main-forte pour l'accueil des visiteurs pendant les heures d'ouverture. Il était nécessaire qu'ils puissent s'y retrouver. J'ai donc créé un tableau synthétique18 permettant de mieux se repérer dans la salle d'archives. On y trouve l'emplacement de chaque type de document. Les numéros d'emplacements sont quant à eux disposés sur les étagères, tous identifiables depuis l'entrée de la salle. Une documentation explicative a également été produite sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. De ce fait, il devenait possible d'aller chercher n'importe quel document et de limiter le temps passé à le trouver, à le sortir. Ce guide d'accueil et le plan de classement ont fait l'objet de plusieurs actualisations pendant mon stage, pour apporter des compléments d'information ou mettre
jour l'emplacement des documents. – La réorganisation de la salle d'archives
Toute une partie de mon travail a consisté à organiser la salle d'archives afin que les emplacements choisis servent durablement. Il me fallait aussi vérifier que les revues, qui constituent une importante collection et dont certains titres (Les Cahiers du cinéma, Positif pour ne citer qu'eux) étaient à même d'être demandés par les lecteurs, étaient toutes là et qu'il n'y en avait pas d'autres entreposées ailleurs dans la Cinémathèque. Ce qui était le cas. Je me suis également occupé d'autres types de documents (vidéocassettes, affiches, dossiers institutions) mais la priorité était à mon sens de terminer le rangement des revues. 19 – L'informatisation du catalogue
Comme évoqué précédemment, les fichiers informatiques présentent rapidement des limites à leur utilisation. Ils ne permettent pas une recherche aussi efficace que celle qui pourrait être souhaitée. De plus, un tableur est toujours délicat à manipuler pour cer tains utilisateurs qui n'ont pas l'habitude d'utiliser un logiciel où tout peut être modifié. La modification n'est pas un danger en soi, l'utilisateur consulte une copie de fichier et ce dernier est régulièrement remplacé dès que de nouveaux documents ont été invento riés. Mais l'interface d'une base de donnée apparaît comme une solution doublement efficace. Elle permet d'offrir à l'utilisateur un moyen de recherche plus simple et spécifiquement dédié à cela. De plus, cet outil est consultable sur internet. N'importe qui peut l'interroger de chez lui. Il n'est plus obligatoire de passer physiquement à la Cinémathèque pour savoir si oui ou non elle possède tel document. Elle est interrogeable en interne de façon tout aussi efficace. Et surtout, le personnel de bibliothèque dispose là d'un outil qui est à même de contenir rigoureusement tous les critères importants de description d'un document. En mai 2015, un rendez-vous avec Armelle Bourdoulous, la responsable de la Bibliothèque Raymond Chirat de l'Institut Lumière, a été d'une grande aide. Au cours de notre discussion, il devenait clair que l'informatisation du catalogue était une condition au développement du centre de documentation, tant pour l'usage interne que pour faciliter la visibilité et l'accès aux collections. Cette rencontre a également permis de souligner un point problématique qui concernait le classement des ouvrages. Comme la bibliothèque de la Cinémathèque se trouve dans une pièce en libre accès, il devenait important que l'espace gagne en lisibilité. Depuis toujours, les livres étaient classés selon leur ordre d'arrivée, ce qui était une solution de facilité. Les nouveaux locaux et l'accès direct aux livres rendent plus probant un classement thématique tels que ceux utilisés par les bibliothèques. Le lecteur peut ainsi mieux s'y retrouver. La Cinémathèque française, l'Institut Lumière et d'autres institutions de cinéma ont adopté et développé un plan de classement spécifiquement adapté au cinéma qui distingue l'histoire du cinéma, les études théoriques, la typologie, le scénario et la critique, la biographie, la technique ainsi que la législation, l'économie et l'administration. Chacune de ces catégories se voit ensuite déclinée, comme on peut le constater en annexe 20 avec la typologie et les genres ci20. Voir l'annexe 8, p. 101. 20 nématographiques. Comme la Cinémathèque ne possède que 2000 ouvrages, il paraissait possible d'adopter ce plan de classement en même temps qu'on procédait au catalogage des documents. Il n'y avait donc qu'un pas pour que la Cinémathèque se mette aux normes de ces institutions. Il se trouve que la Cinémathèque de Grenoble avait déjà rejoint le projet Ciné-ressources, en 2009, mais elle n'avait jamais fait le nécessaire pour commencer à intégrer ses collections dans cette base de données. Ciné-ressources a l'avantage de centraliser les collections de la Cinémathèque française, de la Cinémathèque de Toulouse et de quelques autres archives de cinéma. Ce projet initié par la Cinémathèque française permet également de faire bénéficier aux utilisateurs des structures partenaires de contenus numérisés sur des postes spécifiquement dédiés. J'ai donc mis en place Ciné-ressources à la Cinémathèque de Grenoble avec l'appui de la Cinémathèque française pour l'installation des logiciels et des modules utiles au catalogage des collections. Aujourd'hui, les lo giciels sont là, prêts à l'utilisation. Il reste à trouver du temps pour intégrer l'ensemble des collections à cette base de donnée spécialisée. Parallèlement, il était question que la Cinémathèque devienne partenaire du réseau des bibliothèques municipales de Grenoble qui depuis longtemps propose à d'autres structures un statut de rattachement au réseau intitulé « bibliothèque associée ». J'ai géré la partie technique de la mise en place de ce rattachement : installation des logiciels nécessaires, dialogue avec le responsable des bibliothèques municipales sur les collections à traiter en priorité, et sur la pérennité du dispositif. Une inquiétude demeurait au centre des préoccupations : l'absence d'une personne fixe attachée au poste de gestion et de valor des collections. De l'évocation de ce projet à sa réelle mise en place, il s'est déroulé presque quatre mois. J'ai suivi une formation sur les logiciels installés mais n'ai pas pu amorcer quoi que ce soit à la suite de cela puisque mon stage se terminait. Perrine Delattre, la personne en service civique chargée des collections et de la médiation a pris le relais sur ce point.
2.2.3 Perspectives
Tout ce qui a trait au développement du centre de documentation étant axé sur un temps long, il semble nécessaire de poursuivre la réorganisation de la bibliothèque 21 avec un plan de classement adapté à la spécialité du fonds. Il faut aussi continuer à cataloguer les livres dans la base de données des bibliothèques municipales. Si ces actions n'amènent pas de résultats concrets immédiats, elles garantissent un bon référencement des collections et augmentent les probabilités qu'un lecteur se tourne vers la Cinémathèque pour trouver le document qu'il cherche. Ensuite, les collections de revues ou de DVD auront tout intérêt à être traitées. Ce sont des documents qui risquent d'être demandés par les utilisateurs. Les dossiers sont si nombreux qu'il faudrait vraiment réfléchir avant d'envisager un référencement informatisé, ou une numérisation. La gestion de l'espace est un autre problème qui se fait sentir. Par exemple, faute de place, les VHS ne sont plus accessibles. En même temps, comme le format a été supplanté par le DVD et qu'une grande partie des films sur vidéocassette de la Cinémathèque existe en DVD, il a paru sans incidence de les mettre de côté, les rendant peu accessibles rapidement. Il faut nécessairement faire des choix. L'autre solution, à court terme, est d'ajouter des étagères et d'optimiser le plus possible les espaces. Ce problème commun à beaucoup de collections ne peut que persister : faibles moyens, manque de place et fonds très important ne font pas bon ménage. La mise en avant de tel ou tel as pect des collections peut avoir son importance dans ce cadre. Il serait par exemple pos sible à la Cinémathèque de se spécialiser sur le court-métrage. Le projet ne manque pas d'intérêts même s'il se révèle discutable en raison de la place que le Festival International du Court-Métrage à Clermont-Ferrand occupe sur ce domaine dans la même région.
2.3 L'accueil des visiteurs 2.3.1 Phase de préparation
Afin d'accueillir le public dans les meilleures conditions, une première réunion avant ouverture a permis de mettre au point un certain nombre de règles de fonctionnement. Il s'ag it de définir les horaires d'ouverture. Il a été convenu que le centre ouvrirait trois jours par semaine, les jeudi, vendredi et samedi après-midis de 14h00 à 18h00. L'utilisateur aurait accès aux documents conservés en consultation sur place. La Cinémathèque préfère éviter d'avoir un fonctionnement semblable à celui d'une bibliothèque municipale, avec gestion de prêts notamment. Elle souhaite avant tout s'affirmer comme une structure d'archive à part entière auprès de laquelle on viendrait pour consulter tel ou tel document. Il restait à trouver les limites d'usage de certains services comme la possibilité de visionner des films en DVD sur place. Deux lieux ont été prévus pour cela. Un poste informatique est spécifiquement consacré à la consultation des films. 22 L'usager doit laisser sa carte d'identité pour y avoir accès en échange de quoi lui sont confiés lecteur DVD portable et casque audio. Il y a également une salle de visionnage destinée aux projections en petit groupe à partir de trois personnes. Pour cette salle, il est nécessaire de réserver puisqu'il faut préparer le matériel de projection qui est sous la responsabilité du projectionniste. Enfin, il est apparu important de mettre en valeur la possibilité d'effectuer des recherches sur le poste de visionnage des archives de l'INA (Institut National de l'Audiovisuel) qui donnent autant accès aux archives de la télévision qu'à un large catalogue de films qui ont fait l'objet d'une numérisation par le CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée). La réunion a également servi à mettre au point le système de tarification de l'accès au centre de documentation. Après différentes propositions, deux types de tarifs ont été définis : un ponctuel, l'acheteur prend un ticket pour accéder aux services proposés par la Cinémathèque dans la journée, un annuel, qui consiste à prendre une carte d'abonnement. Le prix est le suivant selon les cas : ticket journée à 3 euros, 2 euros en tarif réduit, abonnement annuel à 20 euros, 10 euros en tarif réduit. Il a également été décidé, dans le souci de procéder à un jeu d'aller-retour entre les projections qui ont lieu au ci néma Juliet Berto et les collections de la Cinémathèque, d'offrir une invitation à une séance de leur choix aux acquéreurs de la carte d'abonnement annuel. Ce système de ta rif rendait aussitôt obligatoire la préparation et la tenue d'une caisse spécifique. Un fonds de caisse spécifique a été u pour cela ainsi qu'un cahier de comptes. Parallèlement à la tenue de la caisse, il paraissait intéressant de compter le nombre de personnes qui fréquentaient le centre de documentation. Le document 21 tenu à jour dans ce cadre est relativement simple mais il se devait de distinguer les visiteurs, souvent à la recherche de renseignements, des abonnés, mais aussi des bénévoles qui peuvent ve nir librement. En six mois, 64 entrées ont été dénombrées. Un peu plus de dix personnes ont pris un abonnement annuel. Ce document met aussi en lumière la difficulté à classer les usagers professionnels qui sont souvent des structures partenaires de la Cinémathèque. 23 vous à tout autre moment. Le planning avait dans ce cadre une vraie raison d'être et il importait de le tenir à jour. Enfin, il était indispensable d'amorcer une communication autour de l'ouverture du centre de documentation. Le programme pour le deuxième semestre de programmation de la Cinémathèque était en cours d'achèvement au début de mon stage. Avec la collaboration de Laetitia Boulle, quelques pages ont pu être consacrées aux collections de la Cinémathèque de Grenoble. Ces pages sont consultables en annexe. 22 Il était important d'expliciter ce qu'était le centre de documentation et de parler de son ouverture. Pour cela, j'ai rédigé un texte de présentation et énuméré ce que comprenait le centre de documentation. Les informations pratiques (horaires, tarifs, contact) figurent également sur cette page. Elles ont ensuite été répercutées en quatrième de couverture. Enfin, Guillaume Poulet a attiré l'attention sur l'ouverture dans son édito. Les informations ont aussi été mises en avant dans les locaux, notamment affichées aux fenêtres qui donnent sur la rue afin qu'elles soient visibles de celle-ci.
2.3.2 Des missions d'accueil, de formation et de communication
Mon rôle principal concernant les visiteurs venant soit pour s'inscrire, soit pour demander des informations, a été de leur présenter la Cinémathèque de Grenoble, à la fois globalement (sauvegarde et conservation des films et des documents liés au cinéma, organisation de projections) et plus spécifiquement le centre de documentation. Dans les présentations, il m'a semblé très important de ne pas livrer une image trop élitiste de la structure, image souvent associée à l'intitulé « cinémathèque ». Dans Les Cinémathèques, Raymond Borde introduit justement son ouvrage en rappelant que le mot ne désigne plus que « l'endroit où l'on projet des oeuvres en marge du circuit commercial, anciennes presque toujours ». Plus loin, il déplore que « l'institution qu'il désigne [] eut tendance à disparaître sous la banalisation dans le vague, le faux, l'ignorance et d'approximatives légendes »23. Cette idée revenait dans les conclusions d'enquête qu'une stagiaire, Clara McFarlane, achevait au moment où je commençais mon stage. Il me paraissait assez évident de prendre en compte les éléments soulignés par son travail pour en faire une base d'analyse assez juste. Du point de vue des « collections non-film », il me semblait possible de défendre une image plurielle de la Cinémathèque. Le contenu des collections est en effet très divers. 24 généraux. Les approches du cinéma sont multiples (personnalités, thèmes, analyses, période entre autres) et il est possible de se défendre des a priori exprimés par les visiteurs. Ce n'est pas un lieu exclusivement dédié aux étudiants ou à la recherche universitaire. On peut tout aussi bien venir prendre un livre, et le feuilleter pour le plaisir. Retrouver ce plaisir « naïf » dans un tel lieu est tout à fait légitime et l'image de la structure ne doit pas faire obstacle à cette potentielle envie. Elle ne doit pas non plus se sacrifier à cela. Si une personne souhaitait accéder aux services du centre de documentation, je devais d'abord procéder à son inscription : un simple ticket pour les entrées journalières, une carte personnelle pour l'abonnement annuel. Les cartes ont été conçues par Laetitia Boulle qui veillait à ce qu'on puisse bien identifier la Cinémathèque. J'expliquais ensuite pour les nouveaux utilisateurs ce à quoi ils avaient accès, ainsi que certaines modalités. En effet, comme l'usage de la salle de visionnage demande un peu de temps de préparation, il est utile de préciser qu'il vaut mieux prévoir la séance et donc convenir d'une date pour la projection. Mais il faut aussi accompagner le lecteur dans ses recherches, soit en lui conseillant des documents susceptibles de l'intéresser, en lui sortant ces documents ou ceux qu'il souhaite s'ils sont situés en salle d'archives, soit en lui apprenant à utiliser les outils mis à disposition. Le poste de consultation des archives de l'INA demande par exemple un réel temps d'adaptation avant que l'usage de celui-ci ne devienne plus intuitif, et la documentation produite par l'INA en ce sens n'est pas toujours d'un grand se cours pour l'utilisateur. Afin d'aider les béné s qui viennent pour des permanences pendant les heures d'ouverture, et leur donner les moyens d'accueillir les spectateurs et de répondre à leurs demandes, j'ai rédigé un document spécifique. 24 Il récapitulait un certain nombre d'informations utiles pour parler du centre de documentation (informations pratiques, présentation de la structure en général, du centre de documentation en particulier) et expliquait précisément le fonctionnement des différents outils. Il donnait donc de l'autonomie aux bénévoles qui pouvaient ensuite, au besoin, accompagner les utilisateurs ou prendre en charge leurs demandes. Il est également intéressant d'avoir un document de ce type pour accueillir les personnes nouvelles souhaitant s'investir dans la structure. 25 tions ou de professionnels. À titre d'exemple, des membres de l'association Ojoloco, qui organise chaque année le festival de cinéma ibérique et latino-américain de Grenoble, préparaient plusieurs séances en partenariat avec la Cinémathèque. Ils se sont servis de la petite salle de visionnage et des collections de films en DVD de la Cinémathèque pour sélectionner des films à projeter dans le cadre d'une séance de courts-métrages. Cette séance dont on peut voir le programme en annexe 25 s'est déroulée au Cinéma Juliet Berto. Les informations sur les films qui figurent sur ce programme ont été réunies par la Cinémathèque. L'association Dolce Cinema, un partenaire régulier de la Cinémathèque qui organise chaque année Les Rencontres du Cinéma italien, a également utilisé cette salle pour une réunion. Mais pour d'autres associations, à l'instar d'À bientôt j'espère qui est venu voir de nombreux films à sélectionner et à proposer dans le cadre de leurs projections chez l'habitant, la Cinémathèque est plus un appui, un soutien pour un projet qui leur tient à coeur. Pour être prêt lors de ces séances, il s'agit de préparer le matériel avec le projectionniste Sylvain Crobu au cas où il ne serait pas en place. Le matériel peut effectivement être utilisé ailleurs, au cinéma Juliet Berto souvent. Il s'agit de préparer les films, trouver les DVD, faire en sorte qu'ils soient prêts à être visionnés. Enfin, je restais à la disposition des personnes dès qu'elles se trouvaient dans la salle, au cas où, suivant leurs souhaits de chercher d'autres films, de régler le matériel utilisé, etc. Éloigné du service en lui-même, mais fait pour toucher le public, une partie de mon travail a consisté à créer des documents spéci sur le centre de documentation (guide du lecteur, marque-page). Outre les pages dédiées dans le programme semestriel, j'ai conçu un guide du lecteur avec Laetitia Boulle qui intervenait pour la relecture, la mise en forme et l'impression des documents. Un assez long travail d'observation des documents de ce type a été effectué. Ceux de la Cinémathèque française, de la Cinémathèque de Toulouse, de l'Institut Lumière et de la Cinémathèque de Bretagne étaient particulièrement intéressants puisque les activités proposées sont similaires à celles de la Cinémathèque de Grenoble. À partir de là, Laetitia et moi avons pensé une forme qui se démarque un peu, qui soit un document d'accompagnement et pas simplement un document de communication. 26 leur les nouveaux espaces. C'était un cadre approprié pour dévoiler la richesse et l'étendue des collections conservées. L'objet final prenait la forme d'un petit carnet avec une reliure spirale. Son contenu qu'il est possible de consulter en annexe 26 est de plusieurs ordres : une introduction courte sur la structure, un développement sur les documents qu'on peut trouver dans les fonds, une présentation des différents espaces et les infor mations pratiques. En revanche, en se concentrant sur ce document, une communication plus large et pourtant nécessaire se trouvait négligée. De plus, l'efficacité du travail sur les projets de communication était assez relative puisque le contrat de Laetitia s'achevait en avril et qu'il n'était pas renouvelé. L'arrivée en mai d'un service civique, Perrine Delattre, sur des missions liées à la gestion des collections et au développement de la médiation culturelle a permis de raviver les choses. Après concertation avec Guillaume Poulet, nous nous sommes lancés dans l'élaboration d'un marque page mettant en valeur le centre de documentation.27 Le recto était consacré à une image du lieu qu'on a voulu rapporter à la lecture : une femme assise à une table consultant un livre. Le verso servait à mettre les informations : présentation en chiffres des collections, horaires, tarifs et contact. Ce format se révélait particulièrement pertinent en regard des lieux privilégiés où on allait pouvoir déposer ces documents. On pensait aux bibliothèques municipales et universitaires, aux librairies, à des lieux de lecture avant tout, mais aussi d'autres tels que l'office du tourisme, les cinémas, les théâtres Alors que je finissais mon stage, Perrine Delattre travaillait à une nouvelle version du guide du lecteur, simplifiée qui allait pouvoir être diffusée à un grand nombre d'exemplaires. Cette version que je mets en annexe28 permet de se rendre compte du chemin parcouru. Après tous ces essais, ce document a l'avantage d'être synthétique et pratique. Il incorpore d'ailleurs un bulletin d'abonnement au centre de documentation ce qui permet de s'inscrire plus aisément. Enfin, j'ai eu l'occasion de parler du centre de documentation à diverses occasions, notamment à la séance d'ouverture du FICEG (Festival International du Cinéma Étudiant de Grenoble), dont la Cinémathèque était partenaire, devant un public majoritairement étudiant. 27 dialogue s'installe avec les bibliothèques universitaires dont les budgets d'acquisition leur permettent d'agrandir au fur et à mesure leurs fonds de documents sur le cinéma. Un véritable dialogue avec ces structures permettrait à la Cinémathèque d'avancer parallèlement et de se construire une véritable identité qu'elle doit nécessairement établir et entretenir.
2.3.3 Bilan
Les tableaux statistiques qui ont été tenus ne permettent pas d'aboutir à des conclusions valables puisque ce sont les six premiers mois d'activités et que cette partie de l'année est celle où les étudiants ont le moins de cours. Cela ne veut rien dire non plus car l'ouverture du centre de documentation s'est faite dans la discrétion et qu'il reste encore à communiquer sur son existence. Les chiffres témoignent quand même d'une fréquentation régulière de la structure. Il apparaît clair qu'il existe un public. Des actions de communication supplémentaires et des liens solides avec les universités devraient permettre de l'augmenter et de le fidéliser. Il convient de maintenir les trois après-midis d'ouverture. S'il est possible de douter de l'utilité d'ouvrir un samedi, j'ai néanmoins constaté que les gens qui entrent dans la Cinémathèque ne sont pas des têtes connues. Ces personnes n'ont pas la possibilité de venir en semaine ou sont simplement de passage. Il faut noter aussi les difficultés à rendre opérationnel l'espace chercheur. Ce dernier était utilisé par les stagiaires. S'il n'y a pas eu de demande d'utilisation de cet espace, parallèlement, il m'était impossible de vraiment l'évoquer. Pourtant, ce lieu de travail proposé par la Cinémathèque pourrait être un véritable atout. Il serait donc intéressant de le mettre véritablement en avant.
Le centre de documentation, une force de proposition 2.4.1 Un lieu de ressources internes
Les actions que j'ai pu mener pour mes collègues ou en vue de séances bien précises se recoupent parfois avec celles que j'ai pu effectuer à l'attention d'autres associations ou de particuliers. Par exemple, la mise à disposition de films en vidéo a été souvent nécessaire pour les Petites Formes dont la programmation est faite en relation avec l'ensemble des collections film de la structure (pellicule et vidéo). 28 Les ressources de la cinémathèque sont également exploitées à l'occasion de la mise en page du programme. On peut trouver dans les collections soit des documents iconographiques soit des extraits de presse utiles pour illustrer les films programmés ou pour apporter un complément d'information digne d'intérêt. Cette recherche de documents est de plus d'une double utilité puisqu'on peut en mettre quelques-uns en vitrine dans le hall du cinéma Juliet Berto. Par exemple, l'image utilisée 29 pour illustrer la projection du film L'Étranger de Luchino Visconti est une photo d'exploitation d'époque scannée. Deux semaines avant la projection, j'ai affiché ce document dans le cinéma ce qui était une bonne occasion de le mettre en valeur. À l'occasion des événements phares du programme, il était également pertinent de prendre le temps de mener quelques recherches dans les collections afin d'exploiter des documents et de les mettre en valeur. Le cycle Frank Capra étant le temps fort de cette première partie d'année 2015, j'ai donc, toujours en lien avec Laetitia pour la mise en page, travaillé à un document d'accompagnement du cycle 30 destiné aux spectateurs, aux utilisateurs du centre de documentation, mais aussi au public fréquentant la cinémathèque susceptible d'être intéressé par ces séances. Sur Frank Capra, il existe un ouvrage autobiographique, Hollywood Story31, qui est très intéressant. Frank Capra raconte notamment comment se sont passées la production et la réception de tous ses films. Son regard est celui d'une personnalité tout à fait fascinante, ambitieuse, sûre d'elle et les textes permettent de mettre en valeur les films de façon beaucoup plus originale que s'il s'agissait de critiques, ou d'analyses, ce qui aurait aussi pu convenir. J'ai donc choisi de mettre à l'honneur ce livre pour donner au document d'accompagnement. Ce sont parfois d'autres structures qui viennent puiser dans les collections les éléments qui manquent à leur projet. Cela se fait dans le cadre de collaborations plus ou moins formalisées. Comme la Cinémathèque ne vend pas ce service, qu'il n'est donc pas soumis à un tarif, il y a un certain flou qui a tendance à persister sur la façon dont les collaborations s'organisent. Par exemple, la bibliothèque de l'Institut d'études politiques de Grenoble, dans le cadre de son exposition « Cinéma et politique », a choisi quelques affiches parmi celles du fonds de la cinémathèque. C'était également le cas de la Maison de l'international. 29 tions et un lieu de rencontres et d'expositions consacrés à l'international. Situé à cin quante mètres de la Cinémathèque, elle venait chercher quelques documents iconographiques afin de compléter une de ses expositions thématiques intitulée « Mortels! ». Le multiplexe Pathé Chavant s'est aussi adressé à la Cinémathèque pour annoncer plus efficacement une soirée rétrospective sur le cinéaste Tim Burton. Afin de retrouver une certaine rigueur, tout à fait souhaitée par Véronique Mondet, un contrat consultable en annexe32, a été signé par les deux structures. Le prêt et l'obligation de restitution du do cument confié (une affiche en l'occurrence) se trouvaient ainsi entendus. À l'avenir, il pourrait être judicieux de définir un tarif à ce genre de service, mais formaliser ces échanges est déjà une chose importante qu'il faudrait faire systématiquement.
2.4.2 Un lieu d'activités
La Cinémathèque ne dispose pas de moyens suffisants pour attribuer au centre de documentation un budget d'acquisition. Elle n'a pas non plus de politique d'acquisition. Les nouvelles acquisitions se font donc par à-coup au rythme des dons. Utiliser une table a été la solution trouvée pour mettre en avant tout au long de l'année une sélection renouvellée de documents issus des collections. Par exemple comme on peut le voir sur la photographie située en annexe 33, en lien avec le cycle Frank Capra et l'exposition « Les Étoiles d'Hollywood », j'ai choisi quelques ouvrages et magazines représentatifs de la période. L'espace de la bibliothèque se prêtant bien aux conférences ou aux ateliers, j'ai eu l'occasion d'intervenir dans le cadre du Parcours Cinéma sur l'oeuvre de Georges Méliès. Cet atelier de deux heures, mené en collaboration avec un intervenant vidéo a permis de faire découvrir aux participants le parcours de Georges Mélies et l'importance qu'il a eu dans le développement des effets spéciaux. La préparation de ce moment m'a permis de fouiller et d'appréhender ce que la cinémathèque possédait sur le sujet dans ses collections. L'atelier servait ensuite à expliquer les effets spéciaux utilisés et exploités par Mélies dans ses films. À la fin, les participants ont pu mettre en pratique leur connaissance en tournant un petit film à effets spéciaux. C'est dans la bibliothèque que se sont également déroulées la plupart des séances de préparation de l'exposition sur le cinéma hollywoodien classique. Ce projet d'enver32. Voir l'annexe 19, p. 119. 33. Voir l'annexe 20, p. 120. 30 gure s'est fait sur plusieurs mois à l'initiative de l'American Corner de la Maison de l'International. Cette structure liée à l'ambassade des États-Unis est au même titre que la Maison de l'International un lieu de ressources pour les étudiants étrangers ou pour les étudiants français désirant voyager à l'étranger. Elle cherchait un partenaire pour faire intervenir un groupe de volunteers, des étudiants américains séjournant en France sur une courte période. Une collaboration avec la Cinémathèque de Grenoble était pertinente puisque le cycle Frank Capra commencerait en mai. Il a été convenu que nous travaillerions à l'élaboration d'une exposition autour du cinéma hollywoodien classique. L'American Corner de la Maison de l'International constituait un espace tout choisi pour l'accueillir. Avec Quentin Richard, stagiaire à la Maison de l'International, nous avons encadrés ces étudiants volontaires dans chacune des étapes de ce projet. De la recherche des documents à la définition du sujet, de la sélection des documents à exposer à la manière dont ils vont s'agencer entre eux, de la mise sous-cadre des documents à l'accrochage jusqu'au vernissage de l'expo, les étudiants se sont investis dans toutes les étapes de son élaboration. Ils avaient aussi l'occasion de découvrir comment leur cinéma était perçu en France et à l'étranger à travers toutes les époques. Comme la Cinémathèque possède un grand nombre d'affiches d'autres pays, il a paru intéressant d'axer l'exposition sur l'aspect international de la diffusion de ces films. La communication pour cet événement s'est faite grâce au réseau des deux structures. Un petit flyer a également circulé.34 Le document visait la simplicité avec un petit texte présentation qui clarifie la démarche du travail effectué, un visuel fort tiré de l'affiche d'Autant en emporte le vent qui était une pièce maîtresse de l'exposition et la date du vernissage. Cette annonce modeste a tout de même permis de bénéficier d'un relais sur une radio locale. Le journaliste est venu à notre rencontre et nous avons pu répondre à ses questions. Un article dans le Dauphiné libéré a également été publié.35 Il a pour avantage d'être accompagné d'une photographie qui met bien en valeur l'exposition. Après un vernissage le 27 mai qui a réuni une quarantaine de personnes, dont on peut voir une photo reproduite en annexe 36, l'exposition a duré jusqu'au 12 juin. 34. Annexe 21, p. 121. 35. Annexe 22, p. 122. 36. Annexe 23, p. 123. 2.4.3 Développement et préconisations
De nombreux projets sur le cinéma ou faisant des liens avec ce domaine pour raient trouver auprès de la Cinémathèque de Grenoble des outils et des ressources à même de faciliter leur concrétisation. À partir de là, il ne dépend que de la Cinéma thèque d'optimiser le classement, le référencement de ses collections, afin de faciliter les recherches, le travail et de multiplier les occasions de valoriser le fonds. En prolongement, il paraît nécessaire d'informer les personnes et les structures des compétences de la Cinémathèque. Du point de vue du prêt de document, il conviendrait de mettre en place des conventions types. Cela faciliterait la mise en place de partenariats, mais surtout cela per mettrait de consolider les actions menées, de clarifier les rôles de chaque structure et de renforcer le confort de travail. Les nouveaux espaces sont propices à l'accrochage de cadres. Avec l'acquisition du matériel adéquat, ils pourraient servir à mettre en valeur photographies et affiches. D'une part cela donnerait plus de vie à des pièces qui demeurent assez ternes. D'autre part cela pourrait devenir un atout pour la Cinémathèque d'avoir un petit lieu d'exposition.
2.5 Conclusion
Les six mois de stage se révélèrent courts. Il est impossible dans ce temps imparti de mesurer à quel point tout ce qui a été entrepris et mis en place fonctionne ou pas. Ce qui reste sûr, c'est qu'il n'y a pas eu de gros problèmes. Les missions pour lesquelles j'ai été choisi ont été menées du mieux possible. Des choses pourraient être améliorées, d'autres sont à poursuivre, du temps aurait pu être gagné, mais l'équipe et moi-même sommes parvenus à faire fonctionner le centre de documentation et à mener des projets spécifiques tout en maintenant activités déjà existantes que la structure accomplit tout au long de l'année. Les freins au bon développement du centre de documentation sont divers. Le plus important reste sans aucun doute le manque de personnel. Le référencement des documents est également à améliorer, bien que cela nécessite des moyens importants. Ce ne sont pas ces problèmes qui empêchent la Cinémathèque et le centre de documentation d'exister, mais ils nuisent à l'efficacité du travail en interne. Ils empêchent potentiellement le public de trouver ce qu'il cherche. Sur ce point, la Cinémathèque doit vraiment parvenir à trouver des solutions.
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[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyr%C3%A8ne_%28chimie%29 [2] (a) C. Ehli, G. M. Aminur Rahman, N. Jux, D. Balbinot, D. M. Guldi, F. Paolucci, M. Marcaccio, D. Paolucci, M. Melle-Franco, F. Zerbetto, S. Campidelli, M. Prato, J. Am. Chem. Soc., 128, 2006, 11222-11231; (b) D. Canevet, A. Pérez del Pino, D. B. Amabilino, M. Sallé, J. Mater. Chem., 21, 2011, 1428-1437; (c) D. Canevet, A. Pérez del Pino, D. B. Amabilino and M. Sallé, Nanoscale, 3, 2011, 28982902. [3] (a) F. Moggia, C. Videlot-Ackermann, J. Ackermann, P. Raynal, H. Brisset, F. Fages, J. Mater. Chem., 16, 2006, 2380-2386; (b) K.-C. Wu, P.-J. Ku, C.-S. Lin, H.-T. Shih, F.-I. Wu, M.-J. Huang, J.J. Lin, I.-C. Chen, C.-H. Cheng, Adv. Funct. Mater., 18, 2008, 67-75; (c) J. Kwon, J.-P. Hong, S. Lee, J.-I. Hong, New J. Chem., 37, 2013, 2881-2887; (d) H.-Y. Oh, C. Lee, S. Lee, Org. Electron., 10, 2009, 163-169; (e) T. M. Figueira-Duarte, K. Müllen, Chem. Rev., 111, 2011, 7260-7314; (f) J. Kwon, J.-P. Hong, S. Noh, T.-M. Kim, J.-J. Kim, C. Lee, S. Lee, J.-I. Hong, New J. Chem., 36, 2012, 1813-1818; (g) J.-W. Mun, I. Cho, . Lee, W. S. Yoon, O. K. Kwon, C. Lee, S. Y. Park, Org. Electron., 14, 2013, 2341-2347; (h) O. P. Lee, A. T. Yiu, P. M. Beaujuge, C. H. Woo, T. W. Holcombe, J. E. Millstone, J. D. Douglas, M. S. Chen, J. M. J. Fréchet, Adv. Funct. Mater., 23, 2011, 5359-5363; (i) J. Kwon, T.-M. Kim, H.-S Oh, J.-J. Kim, Jong-In Hong, RSC Adv., 4, 2014, 24453-24457. [4] (a) J. Fernández-Lodeiro, C. Núñez, C. S. de Castro, E. Bértolo, J. S. Seixas de Melo, J. L. Capelo, C. Lodeiro, Inorg. Chem., 52, 2013, 121-129; (b) Ma C. González, F. Otón, R. A. Orenes, A. Espinosa, A. Tárraga, P. Molina, Organometallics, 33, 2014, 2837-2852; (c) E. Brunetti, J.-F. Picron, K. Flidrova, G. Bruylants, K. Bartik, I. Jabin, J. Org. Chem., 2014, dx.doi.org/10.1021/jo5009146. 1. Association terpyridine-pyrènes
L'unité terpyridine est largement étudiée dans la préparation des matériaux moléculaires ou supramoléculaires pour diverses applications. Dans un premier cas on peut citer les travaux de Xiaojun Peng et al. en 2006 où l'unité terpyridine est directement liée au pyrène et où elle a été utilisée comme ligand pour mener à des matériaux présentant des propriétés électroniques intéressantes suite à sa complexation avec le zinc(II) (figure140) [5].
Figure 140. Structure du ligand terpyridine-pyrène et son complexe de zinc
L'étude comparative des caractéristiques spectroscopiques du ligand libre et de son complexe de zinc révèle une grande différence entre les deux états libre et complexé. De plus, un transfert de charge intramoléculaire remarquable a été observé après la complexation avec le zinc (figure 141).
Figure 141. Spectre d'émission de 1 et 1-Zn [5] X. Peng, Y. Xu, S. Sun, Y. Wu, J. Fan, Org. Biomol. Chem., 5, 2007, 226–228
Chapitre IV On peut également citer l'exemple d'un complexe de ruthénium d'un ligand associant le pyrène et l'unité terpy portant un espaceur entre les deux unités. L'étude par diffraction des rayons X a montré que le ruthénium adopte une géométrie octaédrique légèrement distordue (figure 142). R=X=pyrène
Figure 142. Structure du complexe de ruthénium
Le spectre d'absorption de ce complexe est représenté dans la figure 143. Il a été montré que dans la partie UV du spectre d'absorption ce sont les transitions S-S* centrées sur les ligands qui dominent. Tandis que la région du visible contient les transitions MLCT ainsi que l'émission provoquée par l'état triplet 3IL localisé le ligand (figure 143). Figure 143. Spectre d'émission de 8a enregistré à température ambiante (__) et à 77K ()
2. Association bipyridine-pyrènes
Toujours dans le même axe qui consiste à l'étude de complexes de ruthénium porteurs d'une ou plusieurs unités 1-ethynylpyrène. Des complexes de Ru(III) ont été préparés et étudiés en remplaçant l'unité complexante terpyridine par l'unité bipyridine (figure 144). Quatre 145 Chapitre IV complexes distincts ont été mis en évidence par C. Goze et al. dans le but d'étudier l'influence de la position des pyrènes sur la durée de vie de l'état excité des complexes.
Figure 144. Structures des complexes de ruthénium
Des monocristaux du complexe qui est formé contenant deux bipyridines et deux éthynylpyrènes (pyrène-{-bipy-{-pyrène), ont été obtenus et sa structure (figure 145) confirme la formation du complexe souhaité et que le ruthénium adopte comme attendu une géométrie octaédrique.
Figure 145. Structures cristalline du complexe de ruthénium
Leurs propriétés optiques ont été étudiées. Ces complexes présentent des spectres d'absorption similaires qui se caractérisent notamment dans l'UV par des absorptions correspondant à des transitions S-S* centrées sur les ligands. La partie visible du spectre contient les bandes d'absorption MLCT (figure 146). Des études complètes sur ces matériaux ont mis en évidence la possibilité de les utiliser comme photosensibilisateurs pour la formation d'oxygène singulet [6].
[6]
D. V. Kozlov,
D
. S. Tyson,
C. Goze, R. Ziessel, F. N. Castellano, Inorganic Chemistry, 43, 19, 2004,
6083-6092 146
Chapitre IV Figure 146. Spectre d'émission du complexe de Ru(II)
On peut également citer l' développé par le groupe du Dr. R. Ziessel [7] en 1999 où ils ont inséré un groupement bis-ethynyl platine(II) entre les unités bipyridine et pyrène (figure 147). Figure 147. Structure du pyr-Pt-bpy
3. Association Hydroxamate-pyrène
Par ailleurs, très peu de travaux décrivent l'association covalente du motif pyrène avec des dérivés de l'acide hydroxamique. On peut citer les travaux réalisés par B. Bodenant [8] sur la formation d'eximers intramoléculaires dans un trichromophorique supramoléculaire qui résulte de l'auto-assemblage effectué par le métal (figure 148). De fait, le complexe de gallium(III) montre une forte émission de type eximer du pyrène tandis que son homologue du fer(III) présente une faible émission en comparaison avec le ligand libre. [7] A. Harriman, M. Hissler, R. Ziessel, Phys. Chem. Chem. Phys., 1, 1999, 4203-4211 [8] B. Bodenant, F. Fages, M-H. Delville, J. Am. Chem. Soc. 120, 1998, 7511-7519 147
Chapitre IV
Figure 148. Structure de l'Hydroxamate-pyrène
Les matériaux moléculaires basés sur l'unité photoluminescente pyrène ont fait l'objet de divers travaux de recherche pour diverses applications. Dans le cas des ligands à base de l'unité pyrène, sa combinaison avec des ligands polypyridines (terpyridine, bipyridine, phénantroline) a conduit à de nouvelles molécules photoactives possédant des propriétés intéressantes et pouvant fonctionner en tant que ligand pour la complexation de divers cations métalliques. Les résultats obtenus précédemment avec les ligands iminopyridines avec les groupements azobenzène ou stilbène nous ont amenés à nous intéresser à la préparation de ligands iminopyridines comportant une ou deux unités pyrène en vue d'étudier leurs propriétés optiques linéaires et non linéaires ainsi que l'effet de complexation par des c
métalliques sur ces ligands. II. Ligand à base d'iminopyridine 1. Synthèse
Nous avons synthétisé le ligand L7 par la réaction de condensation entre le 1-aminopyrène et le 2- pyridinecarboxaldehyde dans l'éthanol, pendant une nuit, catalysée par la présence de quelques gouttes d'acide acétique. Ce ligand a été obtenu avec un rendement d'environ 80% (schéma 18). Schéma 18. Synthèse du ligand L7 148
Chapitre IV Par évaporation lente d'une solution de ligand L7 dans le dichlorométhane, nous avons obtenu des cristaux de tailles suffisantes pour l'analyse par diffraction des rayons X sur monocristal. Le ligand L7 cristallise dans le groupe d'espace non-centrosymétrique P21 du système monoclinique avec deux molécules indépendantes en position générale dans l'unité asymétrique (figure 149). Les longueurs de liaisons caractéristiques et les angles sont rassemblés dans le tableau 26. Figure 149. Structure cristalline du ligand L7 a = 5.044(2) Å, b = 19.810(9) Å, c = 15.744(5) Å, β = 92.92(3) °, V = 1571.0(11) Å3, Z = 2
En ce qui concerne la conformation de la molécule à l'état solide, on observe la présence de fortes interactions intramoléculaires de type C–H***N qui s'établissent entre les atomes d'azote et les hydrogènes de l'imine (C=H-) (H6) et du fragment pyrène (H14) respectivement (2.557 (6) Å) et 2.498 (5) Å représentées dans la figure 149 par des lignes pointillées en rose. Une faible torsion est observée entre le motif pyrène et l'unité de complexation iminopyridine avec un angle dièdre de 6.13(11) ° qui suggère une conjugaison entre les deux unités. Dans le cristal, l'arrangement des molécules est guidé par plusieurs interactions intermoléculaires (figure 150). D'abord, des interactions hydrogènes C–H***N car chaque molécule est connectée aux deux molécules adjacentes par ce type de contact avec des longueurs qui sont de (C1–H1***N2 (2.625 (5) Å), (C17–H17***N1 (2.845 (5) Å), et de (C10– H10***N2 (2.855 (6) Å). Ensuite, suivant le même empilement ces molécules sont stabilisées par des contacts hydrogène de type C–H***C (C1–H1***C19 (2.805 (6) Å), (C23–H23***C10 (2.890 (5) Å), (C18–H18***C13 (2.864 (5) Å). Ces deux types de liaisons aboutissent à la formation de chaines parallèles au plan bc comme le montre la figure 150. Suivant l'axe a, ces molécules interagissent entre elles par un recouvrement de type SSqui s'établit entre les cycles aromatiques de deux pyrènes adjacents (centroïde***centroïde 64 Å). Figure 150. Interactions intermoléculaires dans le ligand L7
Tableau 26. Les longueurs de liaisons et les angles dans L7 longueurs de liaisons (Å) Ligand L7 C5-N2 1.346(8) C6-N1 1.244(9) C5-C6 1.470(8) N1-C8 1.425(7) N2-C5-C6 115.66(5) C6-N1-C8 121.44(5) C5-C6- N1 122.13(6) N1-C8-C9 124.40(5 Angles (°)
2. Propriétés spectroscopiques a. Spectroscopie d'absorption UV-Visible
L'étude par spectroscopie UV-Visible a été réalisée en solution dans le dichlorométhane avec une concentration de l'ordre de 10-5 M. Le spectre UV-visible présente des bandes d'absorption dans les zones habituelles des unités pyrènes, à 357, 375 et 402 nm (figure 151). On peut noter la présence d'un effet bathochrome qui résulte de l'interaction entre le pyrène et le fragment iminopyridine comme il a été décrit précédemment dans la littérature dans le cas du pyrènebipyridine [9]. [9] T. Soujanya, A. Philippon, S. Leroy, M. Vallier, and F. Fages, J. Phys. Chem. A, 104, 2000, 94089414. 150
Chapitre IV
Figure 151. Spectre UV-Visible de L7 dans le dichlorométhane
b. Fluorescence
Le pyrène présentant des propriétés de photoluminescence dans un certain nombre de composés, nous avons donc effectué des mesures de fluorescence sur le ligand L7. La mesure a été effectuée dans le dichlorométhane avec une concentration de l'ordre de 10-4 M à température ambiante (figure 152). Le spectre montre un maximum d'émission à 414 nm qui met en évidence une émission de type monomère du pyrène étant donné que dans le cas de l'émission de type excimère, le maximum d'émission se situe 450 et 520 nm [10,11]. Figure 152. Spectre d'émission de L7 dans le dichlorométhane
[10] F. M. Winnik, Chem. Rev.,93, 1993, 587-614. [11] (a) H. Nohta, H. Satozono, K. Koiso, H. Yoshida, J. Ishida, M. Yamaguchi, Anal. Chem., 72, 2000, 4199-4204; (b) E. J. Jun, H. N. Won, J. S. Kim, K.-H. Lee, J. Yoon, Tetrahedron Lett., 47, 2006, 45774580. 151
Chapitre IV c. Complexation 9 Étude par spectroscopie UV-visible
Préalablement à l'étude de la complexation du ligand L7 nous avons examiné les propriétés spectroscopiques en ajoutant des quantités croissantes de Zn2+ à une solution de ce ligand dans un mélange dichlorométhane/ acétonitrile. La figure 14 illustre l'évolution du spectre UVVisible de L7 selon la quantité d'ions Zn2+ ajoutée (sous forme de ZnCl2). L'ajout de chlorure de zinc provoque l'apparition d'une nouvelle bande d'absorption à 445 nm. Ainsi la présence de points isobestiques et la saturation qui a été observée après l'introduction de plus d'un équivalent d'ion Zn2+ met en évidence la formation d'un seul type de complexe de stoechiométrie 1:1 (figure 153). La variation de l'absorbance en fonction de la quantité ajoutée de Zn2+ présente un plateau après un équivalent ce qui confirme bien la stoechiométrie pour ce complexe (figure de 'A). On a également examiné l'évolution du spectre UV-Visible en présence d'ions Cu(I) dans les mêmes conditions que celles mentionnées plus haut, cependant, le spectre d'absorption ne montre pas de changement lors de l'ajout de cuivre(I) ce qui s'explique par un phénomène de compétition provo par l'acétonitrile. Nous avons alors envisagé de faire le titrage dans le dichlorométhane pur. La figure 153 montre l'apparition d'une nouvelle bande d'absorption dans la région du visible avec une intensité plus faible que dans le cas du zinc. On voit aussi la présence de points isobéstiques à 277, 306, 355 et 436 nm. Dans ce cas la variation de l'absorbance en fonction de la quantité ajoutée de Cu+ présente un plateau après un-demi équivalent ce qui indique une stoechiométrie 2 :1 pour ce complexe (figure de 'A). Figure 153. Titrage UV-Vis de L7 avec Zn(II) à gauche et avec Cu(I) à droite
Étude par fluorimétrie
Dès lors, dans un mélange DCM/ACN nous avons réalisé un titrage du ligand par le Zn(II). Ainsi nous avons enregistré les spectres d'émission de solutions avec un rapport [Zn2+]/ [L] variable, pour une concentration identique en ligand L7 (figure 154). On observe une augmentation régulière du pic d'émission lors de l'ajout croissant de Zn(II). Nous constatons également que le dosage avec Zn2+ ne sature pas après l'ajout d'un équivalent, mais continue à évoluer contrairement aux études par spectroscopie UV-Visible. Les mêmes résultats ont été obtenus lors du titrage avec le Cu(I).
Figure 154. Spectres d'émission de fluorescence du ligand L7 dans le mélange DCM/ACN après ajouts successifs de Zn(II) à gauche et de Cu(I) à droiteOexc=317 nm.
III. Etude des complexes métalliques
Dans le but de confirmer les propriétés chélatantes du ligand L7, des expériences de complexation ont été réalisés avec les différents métaux 3d (Zn, Cu).
1. Synthèse et structures RX a. Complexe de zinc(II)
Le ligand L7 a été mis à réagir avec un équivalent de chlorure de zinc(II) dans un mélange dichlorométhane/acétonitrile (schéma 19). Des cristaux sous forme de plaquettes de bonne qualité ont été obtenus par diffusion de l'éther diéthylique dans une solution de DCM/ACN contenant le complexe.
Schéma 19. Synthèse de complexe ZnL7 Le complexe ZnL7 cristallise dans le groupe d'espace centrosymétrique P-1 du système triclinique avec
l'atome de zinc qui se trouve dans une géométrie de coordination tétraédrique légèrement déformée (figure 155). L'angle dièdre entre l'iminopyridine et le fragment pyrène est beaucoup plus important que dans le cas du ligand libre, qui est de l'ordre de 56.54°. Figure 155. Structure cristalline du complexe de zinc ZnL7 a = 8.9700(4) Å, b = 9.0556(4) Å, c = 12.1015(8) Å, D = 95.046(5)°, E = 99.199(5)°, J = 104.686(5), V = 930.11(8) Å3, Z = 2
Dans la structure la longueur de liaison Zn–N est très comparable à celle obtenue pour le complexe de zinc avec l'azobenzène et avec le stilbène (chapitre II), et aussi à celle obtenu dans la littérature avec l'iminopyridine pour des composés similaires [12]. La liaison Zn–N, Zn1–N1 2.067 (2) Å est plus courte que celle avec l'azote de l'imine Zn1–N2 2.134 (2) Å (tableau 27). Les liaisons Zn–Cl sont à peu près égales et sont plus grandes que Zn–N, Zn–Cl1 2.2076 (8) Å et Zn–Cl2 2.2011 (8) Å. À l'état solide chaque atome de chlore participe à des liaisons hydrogène avec les atomes d'hydrogène de la pyridine des molécules adjacentes, les longueurs des liaisons C‒H***Cl sont comprises entre (C‒H***Cl: H5***Cl1 2.80 Å, H2***Cl2 2.77 Å). De ces différentes interactions, il résulte la formation de chaines supramoléculaires parallèles suivant l'axe a (figure 156).
[12] T. S. Basu Baul, S. K., A. Linden, N. Raviprakash, S. K. Mannac, M. F. C. Guedes da Silva, Dalton Trans.,43, 2014, 1191-1202. 154
Chapitre
IV Figure 156. Chaines supramoléculaires dans ZnL7 générées par (C‒H***Cl, pointillées vert bleu) et par un contactSS entouré en bleu Comme on peut le voir dans la figure 156 ces chaines sont renforcées par des
s S-S qui s'établissent entre les cycles pyridines des molécules adjacentes avec une distance centroïde***centroïde 3.71 Å (un contact est représenté en ellipse en pointillé bleu). Grâce à ces deux interactions les molécules du complexe sont orientées de façon opposée avec une distance 7.06 Å entre deux pyrènes. Tableau 27. Les longueurs de liaisons et les angles dans ZnL7 longueurs de liaisons (Å) C1-N1 1.346(4) N1-Zn1 2.067(2) C5-N1 1.337(4) N2-Zn1 2.134(2) C6-N2 1.281(3) Cl1-Zn1 2.2076(8) C7-N2 1.440(4) Cl2-Zn1 2.2011(8) N1-Zn1-N2 80.00(9) N1-Zn1-Cl1 110.82(7) N1-Zn1-Cl2 118.25(7) N2-Zn1-Cl1 115.08(7) N2-Zn1-Cl2 101.22(7) Cl2-Zn1-Cl1 122.71(3) angles (°) Finalement, le long de l'axe b ces molécules présentent aussi de forts contactsS-S entre les noyaux aromatiques (centroïde***centroïde, des
pyr
ènes des molé
cules adjacentes
avec une distance
3.77 et 3.69 Å) et aussi une interaction C‒H***π entre le cycle aromatique du pyrène (C15÷C20) et l'hydrogène adjacent N═CH avec une distance (H6*** centroïde 2.77 Å)
figure 157. 155
Chapitre IV Figure 157. Interactions intermoléculaires dans ZnL7 b. Complexe de cuivre(I)
De la même manière, le ligand L7 a été mis à réagir avec 0.5 équivalent du précurseur Cu(CH3CN)4BF4 dans les mêmes conditions que précédemment (schéma 20). Par diffusion d'ether diéthylique dans une solution du complexe dans un mélange DCM/ACN on a pu obtenir des monocristaux de qualité exploitable pour l'étude par diffraction des rayons X. Cette étude a bien confirmé les résultats obtenus par dosage UV-Visible et la formation du complexe avec deux ligands pour un atome de cuivre.
Schéma 20. Synthèse du complexe CuL7
Le complexe CuL7 cristallise dans le groupe d'espace centrosymétrique C2 du système monoclinique avec l'atome de cuivre qui adopte une géométrie de coordination tétra drique légèrement déformée (figure 158) avec un angle N‒Cu‒N égal à 80.94(18)°. Ainsi, l'encombrement stérique provoqué par le ligand conduit à une distorsion importante de la géométrie tétraédrique du cuivre (voir tableau 28). La sphère de coordination du cuivre est formée soit par deux ligands bidentates NN. La sphère de coordination externe est quant à elle formée par l'anion BF4-. Figure 158. Structure cristalline du complexe CuL7 a = 18.9332(15) Å, b = 8.3009(7) Å, c = 11.9498(7) Å, E = 107.483(5)°, V = 1791.3(2) Å3, Z = 2 En outre,
ces restrictions géométriques peuvent également expliquer la différence entre les valeurs de l'angle dièdre entre les plans formés par le fragment pyrène et l'unité iminopyridine dans les deux complexes (56.54° dans ZnL7 et 43.94° dans CuL7). Les longueurs des liaisons Cu‒N sont très proches (Cu1-N1 2.041(4) Å et Cu1-N2 2.090(4) Å), et comme dans le cas du complexe de zinc la double liaison de l'imine est maintenue (C6– N2 1.275(7) Å) tableau 28.
Tableau 28. Les longueurs de liaisons et les angles dans CuL7 Longueur de liaison (Å) C1-N1 1.355(8) N1-Cu1 2.041(4) C5-N1 1.346(7) N2-Cu1 2.090(4) C6-N2 1.275(7) F1-B1 1.325(8) C7-N2 1.435(7) F2-B1 1.318(11) 136.02(16) N1-Cu1-N1i 118.5(3) 80.94(18) N1-Cu1-N2 80.94(18) angles (°) N1-Cu1-N2i i N1 -Cu1-N2 N2-Cu1-N2 i i 113.3(2) i N1 -Cu1-N2 136.02(16) Symétrie utilisée pour générer les atomes équivalents : (i) 1-x, y, -z. A l'état solide (figure 159), un grand nombre de liaisons hydrogène s'établit entre les complexes cationiques [CuL72]+ et les contre anions BF4- formant des chaines parallèles au plan ac. L'ensemble de ces liaisons a été rassemblés dans le tableau 29. Ces chaines sont stabilisées par des contacts C‒H***π qui s'établissent entre les cycles aromatiques dans les trois directions du cristal.
Chapitre IV A
B Figure 159. Interactions intermoléculaires dans CuL7 Tableau 29. Les distances d(D***H) d(H***A) d(D ***A) et les angles <(DHA) dans CuL7 D‒H***A d(D***H) d(H***A) d(D ***A) <(DHA)
i 0.92 2.45 3.2894(79) 150.42 C3‒H3***F1ii 0.92 2.72 3.1738(88) 110.44 C8‒H8***F1iii 0.92 2.65 3.4092(80) 138.25 0.92 2.63 3.1536(110) 115.57 0.93 2.51 3.3550(118) 149.66 C3‒H3***F1 C6‒H6***F2 iv C14‒H14***F1 v C9‒H9***Cg1ii 0.93 2.91 3.5369(68) 125.14 C15‒H15***Cg1 vi 0.92 3.60 4.3225(103) 135.56 C11‒H11***Cg2 ii 0.93 3.24 3.7631(99) 117.59 0.93 3.58 4.2281(70) 128.51 C1‒H1***Cg2vii C2‒H2***Cg2 vii 0.93 3.40 4.1282(66) 136.71 ii 0.93 3.26 3.5680(83) 101.42 C12‒H12***Cg3ii 0.92 2.99 3.4026(101) 108.34 C1‒H1***Cg3vii 0.93 3.13 4.0404(70) 165.83 viii 0.93 3.35 4.0110(59) 129.43 C6‒H6***Cg4ix 0.92 3.50 4.0989(65) 124.51 C1‒H1***Cg5viii 0.93 2.66 3.4019(64) 136.33 0.93 3.60 3.8917(66) 101.07 0.93 3.42
C11‒H11***Cg3 C2‒H2***Cg4 C2‒H2***Cg5 viii C11‒H11***Cg5 ix Cg1, Cg2, Cg3, Cg4 et Cg5 sont les centres de gravités respectivement de N1/C1÷C5; C17÷C19/C21÷C23; C7÷C10/C21/C22; C13÷C17/C23 et, C10÷C13/C22/C23. Symétries utilisées pour générer les atomes: i) 1-x, y, 1-z; ii) x, y, z; iii) x, -1+y, z; iv) 1-x, -1+y, 1-z; v) 0.5-x, 1.5+y, -z ; vi) 0.5+x, 0.5+y, 1+z ; vii) -0.5+x, 1.5+y, z ; viii) 1-x, 1+y, -z ; ix) 1.5-x, 0.5+y, -z. En outre et comme on le voit en haut de la figure 159, chaque molécule du complexe monomérique [CuL72]+ est connectée aux deux molécules adjacentes par des interactions C‒ H***π entre le cycle pyridine et l'hydrogène du fragment pyrène formant ainsi de chaines supramoléculaire en 3D. c.
Complexe de rhenium(I)
Nous nous sommes également intéressés à la synthèse d'un complexe de rhénium avec ce ligand L7 en utilisant le précurseur Re(CO)5Cl. Ainsi, un équivalent du ligand L7 pour un équivalent de précurseur métallique ont été mis à réagir dans un mélange de solvants dichlorométhane/toluène (1:3) au reflux pendant quatre heures (schéma 21). Par recristallisation dans un mélange acétone/ hexane on a pu obtenir des cristaux sous forme de plaquettes d'assez bonne qualité pour la diffraction des rayons X.
Schéma 21. Synthèse du complexe ReL7
Ce complexe nommé ReL7 cristallise dans le système orthorhombique du groupe d'espace Pcab avec une molécule indépendante en position générale dans l'unité asymétrique (figure 160). Figure 160. Structure RX de ReL7 a = 9.7256(8) Å, b = 15.5107(14) Å, c = 28.632(3) Å, D = E = J =90°, V = 4319.2(7) Å3, Z = 8
Comme vu dans plusieurs exemples de la littérature et aussi l'exemple cité dans le chapitre précédent (ReL1), le rhénium présente une géométrie octaédrique coordiné à la fois aux deux azotes de l'iminopyridine NN, aux trois carbonyles (C=O) et à un atome de chlore. Dans ce cas IV l'angle dièdre est beaucoup plus important que ceux observés pour les complexes de zinc(II) et de cuivre(I) (ZnL7 et CuL7) qui sont de l'ordre de 84.35 ° à cause de l'encombrement stérique provoqué par les groupes carbonyles. De plus, les fréquences de vibration relevées par infrarouge (νC≡O = 2014, 1920, 1873), sont en accord avec les valeurs décrites pour les complexes de rhénium(I). Les trois liaisons Re‒CO sont très proches et les angles Re‒C‒O présentent une légère déviation par rapport à une structure plane qui varient entre 174.5(5) ° et 177.7(5) °. L'ensemble des liaisons et des angles de ce complexe sont regroupés dans les tableaux 30 et 31 qui montrent des valeurs comparables à celles citées dans la littérature [13] et aussi au complexe ReL1. A l'état solide chaque deux atomes d'oxygène des trois groupes carbonyles participent aux faibles contacts C‒H***O avec les atomes d'hydrogènes du fragment pyrène des deux molécules adjacentes, (H18***O2 2.61 Å; H22***O3 2.70 Å). Ce type d'interaction aide à la formation des couches parallèles au plan ac (figure 161).
Figure 161. Interactions
‒H***O (pointiées rouge bleu) dans ReL7
Ces couches sont interconnectées entre elles par des contacts C‒H***Cl avec les atomes d'hydrogène de l'imine (H6***Cl1 2.76 Å) et l'hydrogène du cycle pyridine (H2***Cl1 2.75 Å). Ces interactions sont détaillées dans la figure 162. [13] W. Liu, K. Heinze, Dalton Trans., 39, 2010, 9554-9564.
Chapitre IV Figure 162. Interactions C‒H***
Cl
(pointiées vert bleu) dans ReL7
Finalement, on peut observer le long de l'axe a, la formation de colonnes par les fragments du pyrène liées entre elles par des contacts C‒H***π (C8‒H8***Cg2 3.40 Å; C9‒H9***Cg3 3.18 Å) et π-π (Cg3*** Cg4 3.78 Å) (figure 163).
Figure 163. Interactions C‒H***π (pointiées jaune bleu) et π-π (pointiées jaune) dans ReL7
161 Chapitre IV Tableau 30. Les longueurs de liaisons et
les angles dans ReL7 longueurs de liaisons (Å) N1-Re1 2.177(4) C24-Re1 1.915(6) N2-Re1 2.177(4) C25-Re1 1.922(7) Cl1-Re1 2.4666(14) C6-N2 1.283(6) C23-Re1 1.923(6) C1-C6 1.453(7) C24-Re1-C026 89.8(3) N1-Re1-N2 74.21(17) C24-Re1-C011 89.4(2) C24-Re1-Cl1 93.68(16) C25-Re1-C011 88.7(2) C25-Re1-Cl1 89.48(18) C24-Re1-N1 94.0(2) C23-Re1-Cl1 176.42(18) C25-Re1-N1 173.7(2) N1-Re1-Cl1 85.26(12) C23-Re1-N1 96.3(2) N2-Re1-Cl1 84.50(12) C24-Re1-N2 168.1(2) O1-C23-Re1 176.2(6) C25-Re1-N2 101.8(2) O3-C24-Re1 174.5(5) C23-Re1-N2 92.83(19) O2-C25-Re1 177.7(5) angles (°) Tableau 31. Les distances d(D***H) d(H***A) d(D ***A) et les angles <(DHA) dans ReL7 D‒H***A d(D***H) d(H***A) d(D ***A) (DHA) i 0.92 2.61 3.3520(98) 136.51 C22‒H22***O3ii 0.93 2.70 3.5901(72) 157.99 C6‒H6***Cl1iii 0.93 2.76 3.5790(61) 146.97 iii 0.93 2.75 3.5680(62) 146.58 C8‒H8***Cg2iv 0.93 3.40 3.6776(63) 99.63 C9‒H9***Cg3iv 0.92 3.18 3.8686(64) 131.63 C18‒H18***O2 C2‒H2***Cl1
Sym
étries
utilisées pour générer les atomes: i) -x, -y, 1-z; ii) -0.5+x, -y, 0.5-z; iii) -0.5+x, 0.5-y, z; iv) 0.5+x, 0.5-y, z. 2. Spectroscopie UV-Visible des complexes métalliques
Les spectres UV-Visible des complexes de Zn(II), Cu(I) et Re(I) ont été effectués dans le dichlorométhane avec une concentration autour de 2,5*10-5 M à température ambiante. Ces spectres sont représentés dans la figure 164. Par comparaison avec le spectre du ligand libre on peut constater la présence de bandes d'absorption caractéristiques du pyrène entre 300 et 400 nm. Il y a également une bande qui correspond à une transition SAES* intraligand (IL) autour de 275 nm. On peut aussi noter la présence d'une bande large d'absorption pour les complexes de zinc ZnL7 et de cuivre CuL7 respectivement à 465 nm et 425 nm attribuée à un transfert de 162 Chapitre IV charge intramoléculaire (TCI) résultant d'une interaction entre le fragment pyrène et l'iminopyridine et due à l'augmentation du pouvoir accepteur sur ligand par la complexation. Pour le complexe de rhénium ReL7 la bande large située à 450 nm résulte de la combinaison d'un transfert de charge intramoléculaire (TCI) et d'un transfert de charge métal-ligand (1TCML) (Re(dS AE ligand(S*) [14]. Figure 164. Spectres UV-Visible du ligand L7 et des complexes ZnL7, CuL7 et ReL7 dans le dichlorométhane (le spectre du ligand a été ajouté pour raison de comparaison) 3. Fluorescence
Les spectres d'émission des complexes ZnL7, CuL7 et ReL7 ont été enregistrés en solution dans le dichlorométhane (10-5 M) et à l'état solide sous forme de « couche mince ». Le choix du dichlorométhane était fait dans le but d'éviter la dissociation des complexes qui a été observée dans l'acétonitrile et dans le méthanol. L'ensemble des résultats obtenus sont ressemblés dans le tableau 32. Comme dans le cas du ligand libre, on peut noter que les trois complexes donnent des émissions avec des maxima à des longueurs d'onde entre 412 et 414 nm (figure 165). D'après le tableau 32, on constate que les complexes de Zn(II) et Re(I) donnent essentiellement une cinétique de décroissance mono-exponentielle en solution au contraire du [14] R. N. Dominey, B. Hauser, J. Hubbard, J. Dunham, Inorg. Chem., 30, 1991, 4754-4758. itre IV complexe de Cu(I). Dans ce dernier cas, la plus longue durée de vie est d'environ 20 ns dont une faible contribution de 2 % peut être attribuée à la MLCT dans le complexe [15]. En effet, ces mesures sont en accord avec une émission de type monomère puisque l'état excimère des dérivés de pyrène produit une fluorescence à des longueurs d'onde plus élevées (entre 450 et 520 nm) avec des durées de vie d'environ 150-300 ns [15,16]. Comme pour le ligand libre, le complexe de zinc présente une forte fluorescence avec des rendements quantiques importants, tandis que les complexes de cuivre et de rhénium ent une émission plus faible mais similaires entre eux. Etant donné que CuL7 et ReL7 peuvent être impliqués dans un transfert de charge MLCT, les voies de relaxation sont apparemment modifiées ce qui explique principalement la désexcitation non radiative [15]. A l'état solide le spectre d'absorption du ligand montre un effet bathochrome de 35 nm. La planéité de la molécule à l'état solide peut être expliquée par l'augmentation du transfert de charge du pyrène vers le cycle pyridine [17]. Tableau 32. Longueur d'onde d'absorption (λ/nm), maxima d'émission (λem/nm), Rendement quantique de fluorescence (ΦF), duré de vie de fluorescence (Wf/ns) de L7, ZnL7, CuL7 et ReL7 dans le dichlorométhane et à l'état solide à 25 °C Composé Film mince λ λem Φ aF τf(1) τf(2) λ λem Ligand L7 412 414 0,21 4,35 - 447 409 Complexe ZnL7 465 412 0,29 4,32 - 467 400 Complexe CuL7 440 412 0,018 20.0 (2) 445 - Complexe ReL7 448 413 0,071 4,16 (98) 4,39 - 446 - Les rendements quantiques de fluorescence ont été calculés en respectant la fluorescence du pyrène standard, (λexc = 317 nm, ΦF = 0.32, dans le cyclohexane)
[18]
[15]
(a)
H. Nohta, H. Satozono, K. Koiso, H. Yoshida, J. Ishida, M. Yamaguchi, Anal. Chem., 72, 2000, 4199-4204; (b) E. J. Jun, H. N. Won, J. S. Kim, K.-H. Lee, J. Yoon, Tetrahedron Lett., 47, 2006, 45774580. [16] M. J. Snare, P. J. Thistlethwaite, K. P. Ghiggino, J. Am. Chem. Soc., 105, 1983, 3328-333 [17] S. P. Wu, Z. M. Huang, S. R. Liu, P. K. Chung, J Fluoresc, 22, 2012,1–7 [18] I. B. Berlman, "Handbook of Fluorescence Spectra of Aromatic Molecules" Academic Press, N.Y, 1971. 164
Chapitre IV
Figure 165. Spectres d'émission des complexes ZnL7, CuL7 et ReL7 dans le dichlorométhane
4. Etude par la technique calorimétrie isotherme à titrage (ITC) a. Principe de la technique calorimétrie isotherme à titrage
La calorimétrie isotherme à titrage (CIT, ou en anglais ITC "Isothermal Titration Calorimetry") est une technique analytique puissante qui permet de mesurer l'affinité ainsi que d'autres paramètres thermodynamiques concernant la liaison entre deux molécules. Avec un calorimètre ITC on peut mesurer directement et de façon précise la chaleur produite ou absorbée par l'interaction entre molécules. La mesure de cette chaleur rend possible la détermination directe, en une expérience, de la constante d'affinité à l'équilibre (KD), la stoechiométrie de la liaison (n) et l'enthalpie (ΔH) de la réaction. Avec le premier et le dernier de ces paramètres on peut aussi dériver l'entropie (ΔS) de la réaction. Cette technologie a donc un large éventail d'applications, notamment dans la caractérisation des interactions moléculaires entre ligand et cation métallique. L'ITC travaille en titrant un réactif dans un second réactif dans des conditions isothermes. Le microcalorimètre comporte deux cellules, l'une contient de l'eau et sert de cellule de référence, l'autre contient l'échantillon. Figure 166. Schéma du dispositif ITC et un exemple représentatif de résultat d'un titrage. x b. Avantages de l'ITC Véritable technique en solution: pas de modification chimique ou d'immobilisation des composés, pas de marquage. On peut travailler avec des solutions colorées ou turbides et des suspensions. x Ne nécessite pas de surveillance après le chargement de l'échantillon. x La sensibilité et l'exactitude de l'ITC permet de mesurer un ΔH de réaction indétectable par DSC.
c. Détermination des paramètres thermodynamique
Après avoir étudié les propriétés coordinantes vis-à-vis de divers cations métalliques par UVVisible et par fluorescence, et pour des raisons de complémentarité de forme, une étude a été réalisée par ITC en présence de quantités croissantes de Zn2+ et Cu+. Cette étude n'a pas pu être effectuée avec le Re(I) puisque la formation de ce complexe nécessite un chauffage qui entraine un dégagement de CO. Premièrement, cette étude a été réalisée pour le complexe de zinc ZnL7 avec une concentration du ligand égale à 1 mM et celle du chlorure de zinc égale à 8 mM dans un mélange dichlorométhane/ acétonitrile (1:1). Le titrage a été effectué avec des injections de 10 μL. Les paramètres thermodynamiques et les écarts types sont déterminés en fonction de trois expériences indépendantes réalisées par ajustement des données expérimentales à l'équation 1. Les valeurs déterminées de ce dernier (K1 = (1,36 ± 0,14) 105, n = 1,09) se sont avérées être en bon accord avec celles obtenues à partir de la spectroscopie UV-visible et la stoechiométrie 1: 1 a été confirmée (n = 1) (figure , tableau 33). Chapitre IV
Des mesures similaires ont été réalisées avec le cuivre (I) Cu(CH3CN)4BF4 dans les mêmes conditions et avec une concentration de cuivre de 20 mM (figure 167). Le complexe de cuivre tétrakis(acétonitrile)cuivre (I) est apparu comme un candidat pertinent car il contient des ligands facilement échangeables. Les expériences correspondantes redémontrent que le ligand L7 forme également un complexe CuL72 dans ce mélange de solvants et offrent les paramètres thermodynamiques décrits dans le tableau 33. Une première évaluation repose sur la faible interaction entre l'atome de cuivre et le ligand par rapport au complexe de zinc. En effet, dans ces conditions la constante de liaison déterminée est plus faible avec le sel de cuivre, malgré la présence initiale de ligands acétonitrile. On peut noter que dans les deux cas, il y a formation des deux complexes avec de l'acétonitrile comme ligand [Cu(CH3CN)4]+ et [ZnCl2(CH3CN)2] selon l'équation 3 [19]. En conséquence, la mise en place de liaisons de coordination ligandmétal exige la libération de molécules d'acétonitrile (équation 4). La formation du complexe CuL7 est favorisée avec seulement 2.7 kJ.mol-1 par comparaison avec celui du zinc ZnL7. Cependant, une différence significative apparaît lorsque l'on considère les contributions entropiques. Le complexe de zinc (II) a été formé avec une entropie positive (‒T'S = ‒1.4 kJ.mol-1), ce qui est attendu étant donné que deux molécules d'acétonitrile sont libérées lors de la complexation du ligand bidentate. En outre, la complexation du cuivre (I) par L7 est considérablement limitée par un paramètre d'entrop négative (‒T'S = 8.2 kJ.mol-1), bien que quatre molécules d'acétonitrile soient libérées lors de cette réaction. On peut mentionner aussi que cette évaluation inattendue est liée aux conditions expérimentales, telles que le solvant ou la force ionique, et peut aussi résulter d'un grand encombrement stérique autour de l'atome de cuivre dans CuL7. [19] (a) G. J. Kubas, B. Monzyk, A. L. Crumbliss, 2007 Volume 19 (ed D. F. Shriver), John Wiley & Sons, Inc., Hoboken, NJ, USA. doi: 10.1002/9780470132500. ch18; (b) J.C. Evans, G.Y.S. Lo, Spectrochimica Acta, 21, 1965, 1033-1038. 167
Chapitre IV Figure 167. Titrage de L7 (1 ml) avec le ZnCl2 (8 ml) à gauche et avec Cu(CH3CN)4BF4 (20 mM) à droite dans un mélange CH2Cl2/CH3CN = 1/1 (v/v)
Tableau 33. Les paramètres thermodynamiques déterminés par ITC
Complexes 'H (kJ.mol-1) ‒T.'S (kJ.mol-1) 'G (kJ.mol-1) Ka ZnL7 ‒28.7 ± 0.2 ‒1.4 ± 0.3 ‒30.0 ± 0.5 1.82 (± 0.37) 105 CuL7 ‒26.0 ± 2.5 8.2 ± 3.0 ‒17.8 ± 0.5 2.15 (± 0.87) 103
IV. Ligand à base de bisiminopyridine 1. Un cas existant dans la littérature
On peut citer un exemple de la littérature associant l'unité pyrène et le bisiminopyridine. En 2007 le groupe de M. Barboiu, s'est intéressé au transfert d'énergie dans les complexes zincdiimine-pyrènes [20]. Ils étudient des systèmes où le pyrène est relié cette fois-ci à une bisiminopyridine (figure 168). D'un point de vue conceptuel, l'évolution des systèmes de coordination vers la sélection des mélanges d'architectures hétéroduplex place une architecture spécifique présente un intérêt particulier pour l'amélioration de leur fonction de l'énergie de transfert de charge. Pour chaque combinaison de deux complexes homoduplex, l'intensité de fluorescence des composés initiaux diminue systématiquement. La réorganisation collective du système permet l'auto-tri des architectures hétérocomplexes spécifiques, présentant une propriété intrinsèque de transfert d'énergie spécifiquement amplifiée sous la pression de facteurs structurels internes. Les systèmes décrits dans ce travail représentent un exemple de mélanges dynamiques instruit des composés de coordination, où le concept de constitution d'auto-tri et une fonction spécifique (énergie de transfert de charge) pourraient être associés. Figure 168 : Structures des complexes étudiés par M. Barboiu [20] Y.Legrand, A. van der Lee, M. Barboiu; Inorg. Chem. 46, 2007, 9540-9547 169
Chapitre IV 2. Synthèse du ligand bisiminopyridinepyrene L8
La synthèse de ce composé a été effectuée en une seule étape par une réaction de condensation de 1-aminopyrène avec 2,6-pyridinedicarboxaldehyde dans les mêmes conditions que dans le chapitre I pour les ligands à base de bisiminopyridine (schéma 22). Le ligand L8 a été obtenu avec un rendement de 94 % sous forme d'une poudre jaune.
Schéma 22. Synthèse du ligand L8
3. Propriétés optiques a. Spectroscopie d'absorption UV-Visible
La figure 169 montre le spectre d'absorption UV-Visible du ligand L8 réalisé dans le dichlorométhane avec une concentration de ~2,8×10−5 M. De fait le spectre du ligand montre la présence des bandes caractéristique des transitions intraligand (IL) SAES* and nAES* autour de 364, 384 et 415 nm et également d'une bande moins intense à 333 nm.
Figure 169. Spectre UV-Visible de L8 dans le dichlorométhane 170
Chapitre IV b. Fluorescence
Le spectre d'émission du ligand L8 a été enregistré dans le dichlorométhane avec une concentration de ~2,8×10−5M. La figure 170 montre une émission de type monomère du pyrène avec un maximum à 412 nm.
Figure 170. Spectre d'émission de L8 dans le dichlorométhane
4. Complexation a. Synthèse et structure cristalline
Le ligand L8 a été mis à réagir avec un équivalent de triflate de zinc dans un mélange DCM/ACN pour former le complexe monomérique ZnL8 (schéma 23). Par diffusion d'éther diéthylique dans une solution du complexe le DCM/ACN on a pu obtenir des monocristaux de bonne qualité. Schéma 23. Synthèse du complexe ZnL8
Chapitre
IV
Le complexe ZnL8 cristallise dans le groupe d'espace centrosymétrique P-1 du système triclinique, avec une molécule indépendante de complexe dans l'unité asymétrique qui cristallise avec deux molécules d'éther (figure 171). Figure 171. Structure cristalline du complexe ZnL8 a =
12.2371
(8) Å, b =
13.9579(17)
Å, c =
14.3613(5)
Å, D =
85.773
(5)°, E =
87.184
(4)°, J =
86.
845(8)°, V =
244
0.1(3) Å3, Z = 2
Tableau 34. Les longueurs de liaisons et les angles dans ZnL
8 Longueurs de liaisons (Å) N1-Zn1 2.298(2) O1-Zn1 2.192(2) N2-Zn1 2.042(2) O4-Zn1 2.159(2) N3-Zn1 2.350(2) C1-N1 1.268(4) O7-Zn1 1.950(2) C7-N3 1.274(4) Angles (°) O7-Zn1-N2 176.84(11) O4-Zn1-N1 85.70(8) O7-Zn1-O4 88.27(11) O1-Zn1-N1 93.21(8) N2-Zn1-O4 94.40(9) O7-Zn1-N3 103.26(11) O7-Zn1-O1 85.18(11) N2-Zn1-N3 74.76(9) N2-Zn1-O1 92.24(8) O4-Zn1-N3 97.31(9) O4-Zn1-O1 172.77(8) O1-Zn1-N3 87.19(8) O7-Zn1-N1 106.46(11) N1-Zn1-N3 150.20(9) N2-Zn1-N1 75.45(9) C1-N1-Zn1 110.05(19)
Le zinc(II) se trouve dans une géométrie octaédrique légèrement distordu, du fait il est coordiné au ligand tridentate (NNN) par les trois atomes d'azote, aux deux atomes d'oxygène de deux molécules d'anion triflate et à une molécule d'eau. Cette distorsion de la géométrie est 172 Chapitre IV provoquée par la « specific requirements» du ligand et caractérisée par un angle N‒Zn‒N qui vaut 75.45(9)° pour N1‒Zn1‒N2 et 74.76(9)° pour N2‒Zn1‒N3 (tableau 34). Cette géométrie force le ligand à er une conformation cis. On peut noter que la liaison Zn‒N du pyridyl (Zn1–N2 2.042(2) Å) est plus courte que Zn‒N, de l'imino (Zn1–N3 2.350(2) Å) et comme il a été observé précédemment la double liaison du groupe imine est aussi maintenue (C1–N1 1.268(4) Å et C7–N3 1.274(4) Å). Dans le ligand, l'angle dièdre entre le plan formé par le fragment pyrène et l'unité iminopyridine est de 57.16° et 71.55°. A l'état solide, plusieurs interactions intra et intermoléculaires ont été observées. L'ensemble de ces liaisons est générés dans le tableau 35. Les liaisons hydrogènes intramoléculaires sont établies par les atomes d'oxygène ou de fluor de l'anion triflate et les atomes d'hydrogènes des fragments pyrènes. La molécule d'eau intervient également dans des liaisons hydrogène avec les hydrogènes des molécules du solvant (éther diéthylique).
Tableau 35. Figure 172. Interactions intermoléculaires dans ZnL8
Finalement, des interactions π-π sont aussi établis entre les fragments pyrènes adjacents (Cg3*** Cg4 3.83 Å et Cg5***Cg6 3.80 Å, où Cg3, Cg4, Cg5 et Cg6 sont les centres de gravité des cycles respectivement C24÷C27/C37/C8, C30÷C34/C39, C27÷C30/C38/C39 et, C34÷C39). Ces interactions conduisent à la formation d'une structure tridimensionnelle (3D) avec des canaux contenant des molecules de solvants (figure 173).
Figure 173. Perspectives supramoléculaires en 3D dans ZnL8 174
Chapitre IV b. Spectroscopie UV-Visible
Le complexe de zinc ZnL8 a ensuite été analysé en spectroscopie UV-Visible, à 10-5 M en solution dans le dichlorométhane et à l'état solide. Le spectre UV-vis indique la présence d'une large bande d'absorption à 500 nm qui est probablement due au transfert de charge métal-ligand (MLCT) après la complexation avec le triflate de zinc (figure 174). Un déplacement vers les grandes longueurs d'onde (bathochrome) de 41 nm est observé à l'état solide.
Figure 174. Spectre UV-Visible du complexe ZnL8 dans le dichlorométhane c. Fluorescence
Le spectre d'émission du complexe ZnL8 montre une émission de type monomère vu la présence d'une bande à 412 nm (figure 175). Cependant, l'interaction excimère analogue résultant de la géométrie du complexe se traduit par une forte extinction de l'émission pyrène et une diminution des rendements quantiques de fluorescence inférieure à 0,1 (tableau 36).
Tableau 36. Longueur d'onde d'absorption (λ/nm), maxima d'émission (λem/nm
),
Rend
quantique de fluorescence (ΦF), duré de vie de fluorescence (Wf/ns) de L8 et ZnL8, dans le dichlorométhane à 25 °C Dichlorométhane λ λem L8 422 414 ZnL8 500 412 χ2 τf(1) 0,26 1,01 4,30 0,013 1,11 4,27 a ΦF τ0 kfr - 16,5 6,05 - 328 0,30 τf(2)
Figure 175. Spectre d'émission de complexe ZnL8 dans le dichlorométhane V. Conclusions
Dans ce chapitre nous avons décrit la préparation d'un nouveau ligand fluorescent incorporant les fragments iminopyridine et pyrène nommé L7. Après avoir étudié les propriétés optiques de ce ligand en solution et à l'état solide (une émission de type monomère a été observée) nous avons examiné le comportement de ce dernier vis-à-vis de la complexation des cations métalliques. La complexation du ligand L7 avec un équivalent de zinc(I) ou de rhénium(I) a mené à la formation des complexes mononucléaires neutres nommés respectivement ZnL7 et ReL7, et sa réaction avec 0.5 équivalent de Cu(I) a donné avec succès un nouveau complexe cationique de stoechiométrie 2:1 nommé CuL7. Le ligand ainsi que ces trois complexes ont été caractérisés par diffraction des rayons X et les résultats ont montré des arrangements originaux à l'état solide mettant en jeu de nombreuses interactions intermoléculaires. Une étude complète des différentes caractéristiques optiques de ces trois complexes de Zn(II), Cu(I) et Re(I) a été effectuée. Ces études montrent clairement un comportement différent en fonction de l'ion métallique utilisé ainsi qu'une diminution de l'émission après la complexation. Cela met en évidence le pouvoir de détection de ce type de ligand vis-à-vis des cations métalliques (Zn2+, Cu+ ou Re+). On a également envisagé la préparation du ligand tridentate L8. La complexation de ce ligand avec le triflate de zinc a mené à la formation du complexe mononucléaire ZnL8 où le zinc se trouve dans une géométrie octaédrique. Une étude des propriétés optique et structurale a été effectuée.
itre V: Matériaux Moléculaires à base de TTF Chapitre V
L'objectif de ce chapitre de thèse repose sur la préparation et l'étude d'une nouvelle série de ligands électroactifs associant l'unité TTF à la fonction hydrazinopyridine comme unité de coordination. Ces ligands originaux sont ciblés en particulier pour l'obtention de nouveaux complexes métalliques possédant des propriétés optiques/électrochimiques intéressantes et également pour permettre la détection d'ions en solution. Dans un premier temps, nous allons décrire quelques exemples de la littérature portant sur l'association de l'unité TTF et de l'unité coordinante pyridine et iminopyridine. Chapitre V
La conception de matériaux multifonctionnels constitue un grand intérêt tant en chimie qu'en physique. En effet, l'un des enjeux actuels de la chimie des matériaux, repose sur le développement de nouveaux dérivés qui réunissent deux ou plusieurs propriétés physicochimiques comme la conductivité, le magnétisme etc. Les matériaux ainsi obtenus vont présenter soit une synergie entre ses propriétés soit chaque propriété se manifestera indépendemment de l'autre soit donner lieu à une toute nouvelle propriété. Dans ce contexte, plusieurs efforts ont été consacrés à l'association des propriétés structurales et électroniques du TTF à celles de complexes métalliques intégrant une unité de coordination tels que l'unité pyridine. Dans cette optique on peut citer les premiers travaux effectués sur un ligand incorporant l'unité électroactif TTF et l'unité pyridine séparées par un système Sconjugué [1,2,3]. Cette association a pour but d'obtenir de nouveaux matériaux multifonctionnels pour lesquels les propriétés intrinsèques du cation métallique (magnétisme) sont associées aux propriétés des dérivés du TTF (conductivité) (figure 176). . Figure 176. Complexe TTFSPyridine de
cuivre
[1] Par l'association avec des cations métalliques, certains complexes formés avec ce ligand ont été préparés et étudiés tels que les complexes de cobalt Co(II), de cuivre Cu(II) et de manganèse [1] F. Iwahori, S. Golhen, L. Ouahab, R. Carlier, J
.-
P
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Sutter
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In
org
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Chem
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hen
, L. Oua
hab
, Chem. Commun.
, 2007
,
280
–
282
180 Chapitre V Mn(II) donnant les premiers complexes paramagnétiques avec des ligands électroactifs à base de TTF. En 2007, des travaux relatifs à la reconnaissance de métaux de transition ont été réalisés par Yao-Peng Zhao et al. sur le même type de ligand. Ces travaux ont été étendus à un système où l'unité TTF et la pyridine sont reliées par une triple liaison. Des études de complexation vis-àvis des cations métalliques Pb2+, Zn2+, Cd2+, Ag+, Mg2+, ont été réalisées, et une détection spécifique de Pb2+ a été observée (figures 177, 178).
Figure 177. Récepteurs électroactifs TTF-Pyridine Figure 178. Détection de Pb2+ par le récepteur 1a
Dans cette optique, on peut également citer les travaux effectués dans notre laboratoire par le professeur M. Sallé et ses collaborateurs. Les propriétés de reconnaissance du ligand incorporant l'unité TTF et l'unité pyridine séparées par le groupement imine, ont été étudiées vis-à-vis des métaux transition [4]. Ainsi, un titrage UV-Visible par Pb(II) révèle l'apparition d'une bande de transfert de charge (MLCT)) ce qui favorise une détection colorimétrique visà-vis du plomb Pb(II) (figure 179). [4] J-Y.Balandier, A. Belyasmine, M. Sallé ; Eur. J. Org. Chem. 2008, 269–276 181
Chapitre V Figure 179. Détection de Pb2+ par le précepteur L
Dans le prolongement de ces efforts on peut citer l'exemple analogue réalisé en 2009 par Wang JingJing et al. sur le récepteur L et ses analogues qui diffèrent par la position de la pyridine vis-à-vis de l'imine [5]. En effet, il a été mis en évidence que, indifféremment de la position de la fonction imine, ces récepteurs possèdent des propriétés de reconnaissance vis-àvis du Pb2+ (figure 180).
Figure 180. Structure des récepteurs étudiés et détection colorimétrique de Pb2+
Récemment, Jing Xiong et al. se sont intéressés à la conception d'un nouveau récepteur associant l'unité TTF à un groupe électro-accepteur Ph(NO2)2 séparés par le motif hydrazone [6]. La synthèse est réalisée par une réaction de condensation entre le 2,4dinitrophenylhydrazine et le TTF-aldéhyde qui permet d'accéder au récepteur TTF-Ph(NO2)2 avec un rendement de 45 % (figure 181).
Figure 181. Synthèse du récepteur TTF-Ph(NO2)2
[5] W. JingJing, W. XiaoJun, G. Yan, T. ChenHo, W. LiZhu; Sci China Ser B-Chem, 52, 6, 2009,765770 [6] J. Xiong, L. C., W Liu, J. E. Beves, Y-Y. Li, J-L. Zuo; Tetrahedron Letters 54, 2013, 1998–2000 182
Chapitre V
Les études de comportement de ce récepteur vis-à-vis des anions inorganiques comme F-, Br-, Cl-, NO3- ont été envisagées par voltammétrie cyclique. En fait, une variation importante de la réponse électrochimique a été observée par ajouts croissants d'ions F- avec un déplacement vers des potentiels d'oxydation plus élevés (figure 182). De plus, ces résultats sont confortés par des études en spectroscopie UV-Visible et RMN du proton 1H.
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Figure 8: illustration du mauvais mode de calcul de hmv5 sur Montagne
Dans le modèle de Martins retenu, une deuxième variable d'importance est d9. Il est intéressant de noter que cette variable est liée à l'état de végétation (en feuille ou hors feuille) au moment du vol LiDAR. Ainsi, en pleine saison de végétation (pour les feuillus du moins), la présence de feuilles freine la pénétration du signal lidar et la hauteur du 90ième percentile se trouve par conséquent plus élevée qu'en condition de porosité plus grande. La densité des échos se trouve également à être plus élevée dans cette couche supérieure en présence de feuilles. Il apparaît ainsi, au vu de la Figure 9, que les sites de Haye et de l'OPE, pour lesquels les données lidar ont été acquises hors feuille, sont pris en sandwich entre les deux autres sites ( Languimberg et Montagne), acquis alors qu'ils étaient en feuille. En effet, d9, qui représente la densité relative dans la couche supérieure, augmente si la quantité de feuille sur cette tranche augmente. Ce constat se confirme si une analyse de la variance est mise en oeuvre pour déterminer l'effet de l'état de végétation. Cette analyse se fait en introduisant un facteur « végétation » dans le modèle de Martins. La p-value obtenue pour ce facteur est très largement inférieure au seuil de risque de première espèce fixé de 5%. De même, l'effet type de peuplement (résineux/feuillu) est aussi fortement significatif. En clair, la faible densité d9 dans les placettes montagne s'explique par la forme de la canopée des peuplements de conifères qui présente des vides importantes à hauteur de la première couche. Dans le cas du site de Languimberg, l'importance de d9 est, en partie, due à l'interceptions des échos par les feuilles nombreuses de la couche supérieure. Enfin, la concordance entre le vol lidar et les mesures de terrain doit également être prise en compte. Un décalage d'une saison de végétation s'est écoulé en forêt de haye entre le vol lidar et les mesures de terrain. Ainsi les mesures de ce site ont eu lieu en fin 2007 alors que le vol lidar avait préalablement eu lieu dès le début de cette même année. Cette saison de végétation écoulée, conduit à une croissance en hauteur estimée entre 20cm et 50cm entre la mesure de terrain et le vol lidar. Figure 9: illustration de la dépendance de d9 à la saison de végétation(feuille/hors feuille) et du type(feuillus/résineux) 5.2.
Surface terrière : Pour l'évaluation du G, d'un point de vue opérationnel, une précision de l'ordre de 10% est souhaitée par le forestier. Par exemple, une erreur inférieure à 3 m2/ha semble être une limite acceptable pour un peuplement de 30 m2/ha (les peuplements étudiés faisaient en moyenne entre 20m2/ha et 80m2/ha). Malheureusement, nos modèles n'ont pas conduit à une telle précision en prédiction indépendante. En effet, même si certains parmi eux admettent une RMSE de moins de 10% sur(modèle 2 et modèle 4 du Tableau 4) sur les données de calibration, cette erreur explose dans la plupart des cas en validation indépendante. Si un test de Chow est mis en oeuvre sur les sites deux à deux, l'hypothèse nulle selon laquelle les coefficients des modèles sont pareillement estimés sur les observations des deux sites, est rejetée au seuil de 5% pour tous les modèles et pour toutes les combinaisons de sites possibles. Cela montre qu'il y a des différences importantes entre les caractéristiques respectives des sites d'étude. Cela n'est pas surprenant car la densité des points lidar à hauteur de 1. 30 m, supposé liée à la surface terrière, dépend du type de peuplement (TSF, Taillis, Futaie régulière), de sa sylviculture (densité, sous étage, placettes ouvertes ou en régénération). Or le LiDAR ne fait pas de distinction entre les tiges recensables ou pas (diamètre supérieur à 7.5cm). Ce qui fait qu'il est difficile d'attribuer une surface terrière à une densité de UDS/ONF/ DIOP points lidar par exemple, d'a plus que cette densité dépend,par ailleurs, de la présence ou non de feuilles. Il faut donc imaginer d'autres métriques permettant de mieux traduire la diversité des conditions sylvicoles étudiées. Par exemple, on sait que le nombre de tiges à l'hectare influence G. Comme cette variable possède un caractère spatial marqué, il serait donc judicieux de chercher à tirer profit d'indices spatiaux. Une avenue à considérer pour améliorer l'estimation du G serait d'inclure des indices de textures issue du LiDAR (ou voire même de photos aériennes). Par exemple Couteron [32] utilise des photographies aérienne de la forêt tropicale pour dégager des indices de texture du couvert végétal en utilisant des transformés de fourrier. 6. Conclusion : Cette étude a permis de démontrer que l'estimation opérationnelle de la hauteur dominante (Ho) à l'échelle d'un massif forestier est possible dès maintenant, en adaptant un modèle développé par Martins aux conditions des forêts résineuses. Cet ajustement devrait permettre d'améliorer la précision des estimations, qui sont de toutes façons déjà acceptables. En fonction du type de forêt (résineuse/feuillue) une équation devra être adaptée, rendant ainsi la méthode d'estimation de Ho plus précise et largement accessible. Par contre, pour la surface terrière (G), il n y a pas encore de modèle capable d'estimer ce paramètre avec une précision qui soit acceptable pour le forestier. Il faut reconnaître que cette tache est loin d'être facile et devra faire l'objet d'un travail de recherche et de développement approfondi qui devrait explorer d'autres pistes telles que l'utilisation des textures(2D) ou des voxels(3D) ou en les combinant avec l'approche des métriques liés à la hauteur. 7. Annexes ANNEXE A. Le Random Forest : méthode non-paramétrique A.1: Définition de Random Forest
: L'idée principale dans le ré-échantillonnage est de faire la moyenne de beaucoup d'erreur dans le but d'obtenir un modèle sans biais et de minimiser la variance. Les arbres constituent un candidat idéal dans le cadre du ré-échantillonnage dans la mesure où ils prennent en compte les interactions complexes existantes dans la structure des données et sont capables de fournir un biais faible s'ils sont efficacement utilisés. [26]. Puisque les erreurs générées sont très bruitées, les arbres sont avantagés par le calcul de la moyenne de ces erreurs. En plus, puisque dans le ré-échantillonnage les erreurs sont identiquement distribuées donc la l'espérance de B arbres est équivalente à l'espérance de chacun de ces arbres. Cela veux dire que le biais dans l'ensemble des arbres est le même que celui dans chaque arbre et qu'on ne puisse espérer une amélioration de la précision que par réduction de la variance. La moyenne de B variables aléatoires identiquement distribuées, de variance, admet une variance de. Mais si ces variables aléatoire sont seulement identiquement distribuées (et pas forcément indépendant, ce qui est notre cas) alors cette variance est évalué à [26], avec la corrélation positive entre les arbres (donc entre les variables). On remarque que plus B (nombre d'échantillons bootstrap) augmente plus le second terme décroit. Mais cette diminution est compensée en partie par l'augmentation de la corrélation entre les arbres générés. Au final ce mécanisme limite le bénéfice de la variance et par conséquence celle du bruit. L'idée du Random Forest est d'améliorer la réduction de la variance en réduisant la corrélation entre les arbres tout en évitant de trop augmenter la variance. Ceci est possible grâce au processus de sélection aléatoire des variables explicatives (voir Algorithme 1 ). En effet, lors de la construction d'un échantillon bootstrap : avant de générer chaque noeud, un nombre de variables explicatives est choisi au hasard parmi les p candidats. Dans la pratique, m est choisi égal à √p ou égal au moins à 1. 1.Pour b =1 jusqu'à B (a) Construire un échantillon bootstrap (b) Générer une forêt aléatoire de taille N à partir des données avec les données de l'échantillon bootstrap en répétant les étapes suivantes pour chaque noeud terminal jusqu'à atteindre le i. Sélectionner au hasard m variables parmi les p disponibles ii. Prendre la meilleure variable iii. Diviser le noeud obtenu en deux noeuds fils 2. Récupérer l'ensemble des arbres. Pour effectuer une prédiction à un nouveau point x par régression : Valeur prédite de x : Intuitivement, réduire m permet de réduire la corrélation entre les arbres et par conséquent de réduire la variance à travers la formule, avec la corrélation entre les arbres aléatoires.
A.2: L'importance d'une variable
Evaluer l'importance d'une variable est un exercice difficile non seulement pour le classement des variables avant une stepwise mais aussi pour l'interprétation et le sens qu'on puisse donner à ces variables par rapport aux données étudiées. L'importance de la variable liée à la forêt aléatoire peut se définir de la façon suivante. Pour chaque arbre de la forêt, on considère l'échantillon associé. En effet, dans l'algorithme 1 avant de construire l'échantillon bootstrap, une partie des observations est retirée de l'échantillon servant à construire l'arbre en question. Ces observations qui constituent l'échantillon out of bag (en dehors du sac) serviront à calculer l'erreur de prédiction commises par l'arbre concerné. On note l'erreur quadratique moyenne(MSE) de l'arbre sur l'échantillon de validation. Ensuite, les valeurs de dans sont permutées aléatoirement pour obtenir un échantillon perturbé noté et calculer, l'erreur de prédiction de l'arbre a sur l'échantillon perturbé. L'importance de la variable est donnée par :, sachant que la somme se fait sur tous les arbres et que est le nombre d'arbres dans la forêt aléatoire (Random Forest). ANNEXE B. Dictionnaires des variables
Nom de la variable hmv5 Description classification1 classification2 classification3 classification4 Moyenne des hauteur des 5 maxima locaux hauteur espace pasdeseuil all hmvPredom Moyenne des hauteur des maxima locaux impairs 1,3,5 hp5a hauteur du percentille 5% sans aucun filtre hp5v hauteur du percentille 5% des points végétation hp51m hauteur du percentille 5% si on considère les points de hauteur sup à 1m
hp52m hp
5af hauteur du percentille 5% si on considère tous les points de hauteur sup à 2m hauteur du percentille 5% de tous les firsts hp5al hauteur du percentille 5% de tous les lasts hp5afl hauteur du percentille 5% des first et last réunis hp5vf hauteur du percentille 5% des firsts de type végétation hp5vl hauteur du percentille 5% des lasts de type végétation hp5f1m hp10a hauteur du percentille 5% si on considère tous hauteur sup à 1m hauteur du percentille 5% si on considère tous hauteur sup
à 1m
hauteur
du
percent
ille 5% si on considère tous hauteur sup à
2
m hauteur
du
percentille 5% si on considère tous hauteur sup
à 2
m
de
manière
analogue à hp5 % hp10v hp101m hp102m hp5l1m hp5f2m hp5l2m les
first
de
les lasts
de les
first
de hauteur espace pasdeseuil all
hauteur espace pasdeseuil all hauteur percentil pasdeseuil all hauteur percentil seuilveget all hauteur percentil seuil1m all hp10af hauteur percentil seuil2m all hp10al hauteur percentil pasdeseuil first hp10afl hauteur percentil pasdeseuil last hp10vf hauteur percentil pasdeseuil first_last hp10vl hauteur percentil seuilveget first hp10f1m hauteur percentil seuilveget last hp10l1m hauteur percentil seuil1m first hp10f2m hauteur percentil seuil1m last hp10 2m hauteur percentil seuil2m first hp20a hauteur percentil seuil2m last hp20v hauteur percentil pasdeseuil all hp201m hauteur percentil seuilveget all hp202m hauteur percentil seuil1m all hp20af hauteur percentil seuil2m all hp20al hauteur percentil pasdeseuil first hp20afl hauteur percentil pasdeseuil last hp20vf hauteur percentil pasdeseuil first_last hp20vl hauteur percentil seuilveget first hp20f1m hauteur percentil seuilveget last hp20l1m hauteur percentil seuil1m first hp20f2m hauteur percentil seuil1m last hp20l2m hauteur percentil seuil2m first hp25a hauteur percentil seuil2m last hp25v hauteur percentil pasdeseuil all hp251m hauteur percentil seuilveget all hp252m hauteur percentil seuil1m all hp25af hauteur percentil seuil2m all hp25al hauteur percentil pasdeseuil first hp25afl hauteur percentil pasdeseuil last hp25vf hauteur percentil pasdeseuil first_last hp25vl hauteur percentil seuilveget first hp25f1m hauteur percentil seuilveget last hp25l1m hauteur percentil seuil1m first hp25f2m hauteur percentil seuil1m last hp25l2m hauteur percentil seuil2m first hp30a hauteur percentil seuil2m last hp30v hauteur percentil pasdeseuil all hp301m hauteur percentil seuilveget all les lasts de hp302m hauteur percentil seuil1m all hp30af hauteur percentil seuil2m all hp30al hauteur percentil pasdeseuil first hp30afl hauteur percentil pasdeseuil last hp30vf hauteur percentil pasdeseuil first_last hp30vl hauteur percentil seuilveget first hp30f1m hauteur percentil seuilveget last hp30l1m hauteur percentil seuil1m 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seuilveget last hp50l1m hauteur percentil seuil1m first hp50f2m hauteur percentil seuil1m last hp50l2m hauteur percentil seuil2m first hp60a hauteur percentil seuil2m last hp60v hauteur percentil pasdeseuil all hp601m hauteur percentil seuilveget all hp602m hauteur percentil seuil1m all hp60af hauteur percentil seuil2m all hp60al hauteur percentil pasdeseuil first hp60afl hauteur percentil pasdeseuil last hp60vf hauteur percentil pasdeseuil first_last hp60vl hauteur percentil seuilveget first hp60f1m hauteur percentil seuilveget last hp60l1m hauteur percentil seuil1m first hp60f2m hauteur percentil seuil1m last hp60l2m hauteur percentil seuil2m first hp70a hauteur percentil seuil2m last hp70v hauteur percentil pasdeseuil all hp701m hauteur percentil seuilveget all hp702m hauteur percentil seuil1m all hp70af hauteur percentil seuil2m all hp70al hauteur percentil pasdes hp vf de manière analogue à hp5 % de manière analogue à hp5 % auteur hauteur percentil percentil pasdeseuil pasdeseuil 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pasdeseuil last hp80vf hauteur percentil pasdeseuil first_last hp80vl hauteur percentil seuilveget first hp80f1m hauteur percentil seuilveget last hp80l1m hauteur percentil seuil1m first hp80f2m hauteur percentil seuil1m last hp80l2m hauteur percentil seuil2m first hp90a hauteur percentil seuil2m last hp90v hauteur percentil pasdeseuil all hp901m hauteur percentil seuilveget all hp902m hauteur percentil seuil1m all hp90af hauteur percentil seuil2m all hp90al hauteur percentil pasdeseuil first hp90afl hauteur percentil pasdeseuil last hp90vf hauteur percentil pasdeseuil first_last l hauteur percentil seuilveget first hp90f1m hauteur percentil seuilveget last hp90l1m hauteur percentil seuil1m first hp90f2m hauteur percentil seuil1m last hp90l2m hauteur percentil seuil2m first hp95a hauteur percentil seuil2m last hp95v hauteur percentil pasdeseuil all hp951m hauteur percentil seuilveget all hp952m hauteur percentil seuil1m all hp95af hauteur percentil seuil2m all hp95al hauteur percentil 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pasdeseuil all hmean_1m moyenne des hauteurs de tous les points à plus de 1m hauteur percentil seuilveget all hmean_2m moyenne des hauteurs de tous les points à plus de 2m hauteur percentil seuil1m all hmean_af moyenne des hauteurs de tous les first hauteur percentil seuil2m all hmean_al moyenne des hauteurs de tous les last hauteur percentil pasdeseuil first hmean_afl moyenne des hauteurs de des first et last réunis hauteur percentil pasdeseuil last hmean_vf moyenne des hauteurs de tous les first de type végétation hauteur percentil pasdeseuil first_last hmean_vl moyenne des hauteurs de tous les last de type végétation hauteur percentil seuilveget first hmean_f1m moyenne des hauteurs de tous les first à plus de 1m hauteur percentil seuilveget last hmean_l1m moyenne des hauteurs de tous les last à plus de 1m hauteur percentil seuil1m first hmean_f2m moyenne des hauteurs de tous les first à plus de 2m hauteur percentil seuil1m last mean_l2m moyenne des hauteurs de tous les last à plus 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des points ( est le même pour tous les filtres) hauteur disper
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h<1m /N avec N=nbre de points total
taux de pénétration
à
travers
la couche supérieur =nbre de points de h<hp80 /N avec N=nbre de points total taux de pénétration à travers la couche intermédiaire =nbre de points de h<hp50 /nbre de points de h<hp80 taux de pénétration à travers la couche inferieur =nbre de points de h<1m /nbre de points de h<hp50 taux de pénétration total =nbre de points de h<1m /N avec N=nbre de points total taux de pénétration supérieur =nbre de points de h<hp80 /N avec N=nbre de points total taux de pénétration intermédiaire =nbre de points de h<hp50 /nbre de points de h<hp80 taux de pénétration total =nbre de points de h<1m /nbre de points de h<hp50 taux de pénétration total =nbre de points de h<1m /N avec N=nbre de points total taux de pénétration supérieur =nbre de points de h<hp80 /N avec N=nbre de points total taux de pénétration intermédiaire =nbre de points de h<hp50 /nbre de points de h<hp80 taux de pénétration total =nbre de points de h<1m /nbre de points de h<hp50
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nbre de points de h
<hp
80 hauteur dispertion seuil2m last hauteur pasdeseuil all hauteur dispertion seuilveget all hauteur dispertion seuil1m all hauteur dispertion seuil2m all hauteur dispertion pasdeseuil first hauteur dispertion pasdeseuil last hauteur dispertion pasdeseuil first_last hauteur dispertion seuilveget first hauteur dispertion seuilveget last hauteur dispertion seuil1m first hauteur dispertion seuil1m last hauteur dispertion seuil2m first hauteur dispertion seuil2m last penetration sol all PRul PRil PRll PRtot_f PRul_f PRil_f PRll_f PRtot_l PRul_l PRil_l PRll_l PRtot_on PRul_on il_ PRll_on penetration coucheSup all penetration coucheInt all penetration coucheBas all penetration sol first penetration coucheSup first penetration coucheInt first penetration coucheBas first penetration sol last penetration coucheSup last penetration coucheInt last penetration coucheBas last penetration sol only penetration coucheSup only penetration coucheInt only penetration coucheBas only densite nonCumule tranchefixe all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule all densite nonCumule first densite nonCumule first densite nonCumule first densite nonCumule first densite nonCumule first densite nonCumule first D0 taux de pénétration total =nbre de points de h<1m /nbre de points de h<hp50 densité totale sur la placette= nombre de points N de la placette/ surface de la placette densité de la tranche n° 0 (de 2m à 2m+(Hp95-2m)/10) avec Htranche0=2m+(Hp95-2m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(H 952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(H )/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité de la tranche n° 1 (de Htranche0 à Htranche0+(Hp952m)/10 densité cumulée des tranches: D0=d0 densite nonCumule first D1 densité cumulée des tranches: D1=d0+d1=d1+D0 densite nonCumule first D2 densité cumulée des tranches: D2 densite nonCumule first D3 densité cumulée des tranches: D3 densite nonCumule first D4 densité cumulée des tranches: D4 densite nonCumule last D5 densité cumulée des tranches: D5 densite nonCumule last D6 densité cumulée des tranches: D6 densite nonCumule last D7 densité cumulée des tranches: D7 densite nonCumule last densite d0a d1a d2a d3a d4a D8 densité cumulée des tranches: D8 densite nonCumule last D9 densité cumulée des tranches: D9=d9+D8 densite nonCumule last D0f densite nonCumule last D1f densite nonCumule last D2f densite nonCumule last D3f densite nonCumule last D4f densite cumul all D5f densite cumul all D6f densite cumul all D7f densite cumul all D8f densite cumul all D9f densite cumul all D0l densite cumul all D1l densite cumul all D2l densite cumul all D3l densite cumul all D4l densite cumul first D5l densite cumul first D6l densite cumul first D7l densite cumul first D8l densite cumul first D9l densite cumul first D_dbh densite cumul first D_2_6 densité de points dans la tranche 0 2m =nbre de points entre 0 et 2m/ nbre de points total densité de points dans la tranche 2-6m densite cumul first D_2_12 densité de points dans la tranche 2-12m densite cumul first D_2_24 densité de points dans la tranche 2-24m densite cumul first D_6_12 densité de points dans la tranche 6-12m densite cumul last D_6_24 densité de points dans la tranche 6-24m densite cumul last D_12_24 densité de points dans la tranche 12-24m densite cumul last D_24p densité de points dans la tranche plus de 24m densite cumul last
ANNEXE C. Scripts R et SAS C.1: Exemple de programme R qui a parmi le traitement statistique des modèles de régression
############################# Fonctions qui concernent les analyses sur les modèles
################ library(lmtest) PRESS<-function(x)sum((resid(x)^2/(1-hatvalues(x))^2)) ## Cross validation estimate =MSPE= mean of square predicticted error CVE<-function(x)sum((resid(x)^2/(1-hatvalues(x))^2))/length(fitted(x)) ## calcul de R2 et de R2CV= R2 cross validation R2<-function(x){ f=fitted(x) 1-(sum((resid(x)^2))/sum(((x$y-mean(f))^2))) } ## R2=1-(Som des carrés residuel/som des carrées tataux) R2CV<-function(x){ yj<-(fitted(x)-hatvalues(x)*x$y)/(1-hatvalues(x)) cor(x$y,yj)^2 } RMSE=function(x)sqrt(sum(resid(x)^2/length(fitted(x)))) # biais<-function(x){return(mean(predict(x)-x$y))} graph_predites_vs_obs=function(x){plot(predict(x),x$y,col="red",pch=19,xlab="valeurs prédites",ylab=" Valeurs observées",main=names(x$model)) abline(a=0,b=1, col="blue",pch=19)} #### somme des carrés résiduels( il se trouve aussi sur la table anova) RSS<-function(x)sum(resid(x)^2) analyse_lm=function(x,donnees){ resume<-summary.lm(x,correlation=TRUE,signif.stars=TRUE) print("********************** RESUME DE LA REGRESSION ******************************************",quote=F) show(resume$call) print("================== Coéfficients de la régression:=========================================",quote=F) show(
resume$coefficients) print("==================Anova :================================================================",quote=F) show(avov<-anova(x)) print("==================Qualité de la régression :=============================================",quote print(paste("R2=",round(R2(x),3)," et R2 cross Validation(leave-one-out) R2CV=",round(R2CV(x),3)),quote=FALSE) print(paste("R2 ajusté= ",round(resume$adj.r.squared,3)," RMSE=",round(RMSE(x),3), "soit ",round(100*RMSE(x)/mean(x$y),3),"% d'erreur "),quote=FALSE) print(paste("PRESS=",round(PRESS(x),2),"RSS=",round(RSS(x),2)," si PRESS>RSS alors ya des observations mal prédites"),quote=FALSE) print(paste("RootMeanPRESS=",round(sqrt(PRESS(x)/length(x$y)),2)," est l'erreur de prédicion à comparer à la RMSE qui est l'erreur de l'ajustement"),quote=F) } diagnostic_variables=function(x){ print("********************** ANALYSE SUR LES CO-VARIABLES **************************************",quote=F) resume<-summary.lm(x,correlation=TRUE,signif.stars=TRUE) print("======================Matrice de corrélation =============================================",quote=F) show(resume$correlation) print(" Les valeurs proppres de la matrice: si une des valeurs est inférieure à 0.001, il y a multicolinéarité",quote=F) show(eigen(resume$correlation)$values ) print(" Test de colinéarité des co-variables :", quote=F) show(resume$aliased) print(" Variance Inflation Factors :VIF = 1 / Tolérance =1/(1-R2). Des valeurs élevées de VIF indiquent donc la présence de multicolinéarité.", quote=F) show(vif(x)) } function(x,donnees,M){ ## c'est l'erreur moyen de validation croisée= SS/nbre ##de paquets dans cross validation c'est a comparer avec l'erreur de prediction library(DAAG) print("Validation croisée") print("On calcule la RMSE moyenne d'une suite de cross validation et son ecart type ") rmse=vector() i=1 for(seed in c(10,20,29,100,150,500,1000)) {rmse[i]=round(sqrt(cv.lm(donnees,x,m=M,seed=seed,plotit=FALSE, printit=FALSE)["ss"]/length(fitted(x))),2) i=i+1 } print(paste(" moyenne des RMSE =", round(mean(rmse),3), " écart type= ",round(sd(rmse),3)),quote=F) } print(paste("******************** Validation coisée répétée ",nbrepet, "fois ******************************"),quote=F) ##print(Tot,quote=F) print(paste("RMSE moyenne cross validation: ",round(mean(Tot[,"RMSE"]),2), " Ecart-type",round(sd(Tot[,"RMSE"]),2)),quote=F) print(paste(" R2 CV moyen:",round(mean(Tot[,"Rcv"]),2)," Ecart-type",round(sd(Tot[,"Rcv"]),2)),quote=F) } ## destection des observations influtentes ou aberantes: prend en entrées le nom de la regression, les données qui ont permis de l'avoir diagnostic_observations=function(x,donnees,alpha){ library(car) library(DAAG) n=dim(donnees)[1] p=ncol(x$x) #ncol(x$x)=p c'est le nombre de paramètre à estimer PLAC=donnees$PLAC #------------------------------------------------------résidus studentisés externes r_i_
hat=rstudent(x) ##
résidus studentisés
externes table_r_i_hat=data.frame(PLAC,r_i_hat) ## t_student est
la statistique de
student(n-1-(p-1),1-alpha/2) table_r_i_hat$t_student=qt(1-alpha/2,(n-1-(p-1))) #------------------------------------------------------Cook
Cook_dsit=cooks.distance(x) ## on considère qu'une observation est influente si cook_dsit>4/(n-(p-1)) sert a la detection des influences Cook_table=data.frame(PLAC,Cook_dsit) Cook_table$seuil=4/(n-(p+1)) #-------------------------------------------------------dfbetas Dfbetas_i_j=dfbetas(x) #on considere que l'obs i pèse indument sur l'estimation de Bj lorsque Dfbetas_i_j>2/sqrt(n). sert à l'identification de la covariable surlaquelle l'influence s'exerce Dfbeta_table=data.frame(PLAC,Dfbetas_i_j) ## Dfbetas_i_j comporte p colonnes coresponsdant aux paramètre à estimer Dfbeta_table$seuil=2/sqrt(n) #---------------------------------------------------------Covratio Covratio_i=covratio(x) Covratio_table=data.frame(PLAC,Covratio_i) ## le covratio est le rapport entre la variance mesurée sans l'obs i sur la variance totale (avec l'obs i incluse) ## interprétation choisie: donc si covratio>1 cela veut dire que l'obs apporte de la précision et pas du tout au cas contraire. print("***************************** SUR ****************",quote=F) print("Observations mal prédites selon les résidus studentisés externes",quote=F) #( voir les annexes pour mieux le comprendre) print(subset(table_r_i_hat,table_r_i_hat$r_i_hat>table_r_i_hat$t_student),quote=F,digits=2) print("Observations mal prédites selon la distance de Cook ",quote=F) print("on considère qu'une observation est influente si cook_dsit>4/(n-(p-1)) sert a la détection des influences",quote=F) print(subset(Cook_table,Cook_table$Cook_dsit>Cook_table$seuil),quote=F,digits=2) print("Localisation des covariables et des observations à l'origine des ecarts: ",quote=F) print("cas du dfbetas :on considere que l'obs i pèse indument sur l'estimation de Bj lorsque Dfbetas_i_j>2/sqrt(n). sert à l'identification de la covariable surlaquelle l'influence s'exerce ",quote=F,digits=2) print(subset Dfbeta_table,(Dfbeta_table[,2]>Dfbeta_table$seuil |Dfbeta_table[,3]>Dfbeta_table$seuil|Dfbeta_table[,4]>Dfbeta_table$seuil)),quote=F,digits=2) print("cas du Covration :si covratio>1 cela veut dire que l'obs apporte de la précision et pas du tout au cas contraire ",quote=F) print(subset(Covratio_table,Covratio_table$Covratio_i<=1),quote=F,digits=2) ##print(outlierTest(x,cutoff=0.05),quote=FALSE) } ##### analyse graphique des résidus : ici on choisit soit les résidus standardisé(normalisés) soit ceux studentisés. ## il faut noté que les graphes sont directement enregistrés dans le directory courant de R diagnostic_graphique=function(x,nom){ library(car) #pour utiliser scatterplotMatrix png(file=paste(paste(nom,"_residus"),".png"),width = 700, height = 700) plot(x,main="",which=1,caption = list(" Graphe des résidus "),sub.caption="") dev.off() png(file=paste(paste(nom,"_qqplot"),".png"),width = 700, height = 700) plot(x,main="",which=2,caption = list(""),sub.caption="") SW=shapiro.test(rstandard(x)) text(x=0,labels=paste("p-value shapiro Wilk =",round(SW$p.value,3) )) dev.off() png(file=paste(nom,"_scatterplot.png"),width = 700, height = 700) scatterplotMatrix(data.frame(residus=resid(x),x$model),diagonal ="boxplot",smooth=FALSE,main="") dev.off() png(file=paste("ajustement_",nom,".png"),width = 700, height = 700) plot(x$y,predict(x),xlab="valeurs observ ",ylab="valeurs prédites",xlim=c(0,max(x$y)+1),ylim=c(0,max(predict(x))+1),col="blue",pch=19, main="") abline(a=0,b=1,col="red",pch=19) abline(coef(lm(predict(x)~x$y)),col="green") leg.txt <- c(" droite y=x ", "droite de regression: pred~obs") couleur=c("red","green") ligne_type=c(4,4) pch_type=c(19,19) legend(list(x=0,y=max(predict(x))+1), legend = leg.txt, col=couleur, pch=pch_type,lty=ligne_type) dev.off() } #### Test sur les résidus test_residus=function(x,alpha){ print("********************** TEST SUR LES RESIDUS **************************************",quote=F) print(paste("Test de normalité des résidus pour un risque de première espèce alpha=",alpha),quote=F) print(shapiro.test(rstandard(x)),quote=FALSE,digits=2) # test de normalité des résidues show(bptest(x,data=x$model)) } # M = nombre de out of bag => généralement 10 % du Nb échant. traitement_global_model=function
(x,
donnees,nom
,
M
,
alpha){ sortie
_txt(x,donnees,nom,M,alpha) analyse_lm(x,donnees) Page 41 test_residus(x,alpha) cross_val_ val (x,donnees,M)
diagnostic
_observations(x,donnees,alpha)
diagnostic
_variables(x)
diagnostic_graphique(x,nom) }
C.2: Programme SAS pour la PLS
/* Loading files */ %macro table_base; "D:\Stage\sas\St_Andre_version2\analyse_G_PLS_version3_0908.xls" %mend table_
base
; proc import out=dico DATAFILE= %table_base DBMS=EXCEL REPLACE; range="dico$"; GETNAMES=YES; run; PROC IMPORT OUT= tableSAS1 DATAFILE= %table_base DBMS=EXCEL REPLACE; range="tableSAS1$"; GETNAMES=YES; run; /* Loading files */ PROC IMPORT OUT= tableSAS2 DATAFILE= %table_base DBMS=EXCEL REPLACE; range="tableSAS2$"; GETNAMES=YES; run; Data tableSAS; Merge tableSAS1 tableSAS2; by IdPlacette; run; /**************************** DataSelection **************************/ data GPLS; set tableSAS; *if site='haye'; if G2_ha>0; run; /**************************** PLS ************************************/ ods graphics on; proc pls data=GPLS cv=split cvtest(seed=27 STAT=PRESS); model G2_ha = V16-V349 /solution; /*ATTENTION REMPLACER VARIABLE*/ /*ATTENTION REMPLACER VARIABLE*/ /*ATTENTION REMPLACER VARIABLE*/ UDS/ONF/ DIOP Cheikh output
out=outpls predicted = yhat1 yresidual = yres1 xresidual = xres1-xres15; run; proc gplot data = outpls; plot G2_ha * yhat1; run; proc reg data=outpls; model G2_ha = yhat1; /*Mesures = Simulation*/ h1: test Intercept
h2: test yhat1=1; h3: test Intercept=0, yhat1 = 1; run; quit; /* REAJUSTEMENT en prennant uniquement le nombre de facteurs optimums, ANALYSE DES PARAMETRES */ ods listing close; ods output XLoadings=xloadings PercentVariation = pctvar XWeights = xweights CenScaleParms = solution ParameterEstimates = solbis; proc pls data=GPLS nfac=4 details method=pls; /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ model G2_ha= V16-V349 /solution; /*ATTENTION /*ATTENTION REMPLACER VARIABLE */ REMPLACER VARIABLE*/ output out=outpls predicted = yhat1 yresidual = yres1; run; ods listing; /* ANALYSE DES PARAMETRES 1, Contribution de chaque frequence à chaque facteur */ proc transpose data=xloadings(drop=NumberOfFactors) out =xloadings; run; data xloadings; set xloadings; n = _n_; rename col1=Factor1 col2=Factor2 col3=Factor3 col4=Factor4; run; border axis1 Order=(-0.6 to 0.6 by 0.1) label=("Loading" ) major=(number=5) minor=none ; axis2 label=("Frequency") minor=none; symbol1 v=none i=join c=red l=1; symbol2 v=none i=join c=green l=1 /*l= 3*/; symbol3 v=none i=join c=blue l=1 /*l=34*/; symbol4 v=none i=join c=yellow l=1 /*l=46*/; symbol5 v=none i=join c=black l=1 /*l=46*/; legend1 label=none cborder=black; proc gplot data=xloadings; plot (Factor1 Factor2 Factor3 Factor4)*n UDS/ONF/ DIOP / overlay legend=legend1 vaxis=axis1 haxis=axis2 vref=0 lvref=2 frame cframe=ligr; run; /* ANALYSE DES PARAMETRES 2, Poids de chaque frequence, lesquelles sont importantes */ data solution; set solution; if (RowName = 'Intercept') then delete; rename RowName = Predictor G2_ha = B; /*ATTENTION REMPLACER VARIABLE*/ /*ATTENTION REMPLACER VARIABLE*/ run; /* Transpose weights and R**2's. /-------------------------------------------------------*/ data xweights; set xweights; _name_='W'||trim(left(_n_)); data pctvar ; set pctvar ; _name_='R'||trim(left(_n_)); proc transpose data=xweights(drop=NumberOfFactors InnerRegCoef) out =xweights; run; proc transpose data=pctvar(keep=_name_ CurrentYVariation) out =pctvar; run; /* / Sum the normalized squared weights times the / normalized R**2's. The VIP is defined as the square / root of this weighted average times the number of / predictors. /-------------------------------------------------------*/ proc sql; create table vip as select *, w1 /sqrt(uss(w1)) as wnorm1, /*ATTENTION METTRE A JOUR VARIABLE*/ /*ATTENTION METTRE A JOUR VARIABLE*/ w2 /sqrt(uss(w2)) as wnorm2, w3 /sqrt(uss(w3)) as wnorm3, w4 /sqrt(uss(w4)) as wnorm4 from xweights left join pctvar(drop=_name_) on 1; data vip; set vip; keep _name_ vip; array wnorm{4}; /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ array r{4}; /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ VIP = 0; do i = 1 to 4; /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ VIP = VIP + r{i}*(wnorm{i}
**
2)/sum(of r1-r4); /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ /*ATTENTION REMPLACER NOMBRE*/ end; VIP = sqrt(VIP * 334); data vipbpls; merge solution vip(drop=_name_); proc print data=vipbpls; run;
[12] [13] G. DEZ, "Utilisation du LIDAR aéroporté pour l'estimation de la hauteur dominante des peuplements forestiers: Application en forêt de Haye," Office National des Forêts Mémoire de stage de fin d'études, 2008. F. Martine, "Estimation de la hauteur dominante," Office National des Forêts, INRA nancy rapport de stage, 2009. R. Genuer, "Forêts aléatoires: aspects théoriques, sélection de variables et applications," 2010. E. Naesset, "Determination of mean tree height of forest stands using airborne laser scanner data," ISPRS Journal of Photogrammetry and Remote Sensing, vol. 52, pp. 49-56, 1997, cited By (since 1996) 167. B. P. Magnussen,, "Reconciling multivariate calibrations of volume estimates in twophase forest inventories," Forest Science, vol. 44, pp. 266-271, 1998, cited By (since 1996) 0. N. M. Olsson, "Simulating the effects of lidar scanning angle for estimation of mean tree height and canopy closure," Canadian Journal of Remote Sensing, vol. 29, pp. 623-632, 2003, cited By (since 1996) 40. A. Y. b. Okano, "Estimation of fIPAR in deciduous forest stands in summer and winter using airborne MSS," in, vol. 7, 2004, pp. 4584-4585. E. Naesset, "{Practical large-scale forest stand inventory using a small-footprint airborne scanning laser}," Scandinavian Journal of Forest Research, vol. 19, pp. 164-179, 2004. M. Woods, K. Lim, and P. Treitz, "{Predicting forest stand variables from LiDAR data in the Great Lakes--St. [33] J. Bock, et al., "Towards site index mapping in deciduous stands using multi-echo LIDAR data". H. M. a. b, "An application-oriented automated approach for co-registration of forest inventory and airborne laser scanning data," International Journal of Remote Sensing, vol. 31, pp. 1133-1153, 2010, cited By (since 1996) 3. Miscellaneous: TO DO. M. H. Kutner, C. Nachtsheim, and J. Neter, {Applied linear regression models}. McGrawHill New York, NY, USA, 2004. T. P. Ryan, "Modern regression methods," 1996. R. H. Myers, {Classical and modern regression with applications}. T. Hastie, R. Tibshirani, and J. H. Friedman, {The elements of statistical learning: data mining, inference, and prediction}. Springer Verlag, 2009. L. Breiman, "Statistical modeling: The two cultures," Statistical Science, vol. 16, pp. 199215, 2001. M. Tenenhaus, La régression PLS: théorie et pratique. Editions Technip, 1998. D. DESBOIS, "INTRODUCTION A LA REGRESSION DES MOINDRES CARRES PARTIELS AVEC LA PROCEDURE PLS DE SAS". L. EYSN, et al., "Adapting alpha shapes for forest delineation using ALS Data". D. S. Véga,, "Extraction de parametres d'arbre a partir de modeles numeriques de canopee lidar," Revue Francaise de Photogrammetrie et de Teledetection, pp. 62-71, 2010, cited By (since 1996) 0. O. S. c. Couteron, "A generalized, variogram-based framework for multi-scale ordination," Ecology, vol. 86, pp. 828-834, 2005, cited By (since 1996) 11. B. D. Ripley, Spatial statistics. {Wiley-IEEE}, 2004. Ces dernières années, la technologie LiDAR a nettement progressé en foresterie. En Scandinavie par exemple, elle sert actuellement de manière opérationnelle à estimer la ressource forestière. Afin de juger de la précision de son utilisation dans un contexte forestier français, cette étude a été mise sur pied. Elle avait pour objectif d'évaluer la robustesse de l'estimation de 2 paramètres dendrométriques clés (i.e. la hauteur dominante (Ho) et la surface terrière (G)), à partir des nuages de points LiDAR. Au total, des données de 3 forêts feuillues et 3 forêts résineuses de montage situées dans l'Est de la France, ont été utilisées. Pour les forêts feuillues, l'acquisition LiDAR a été effectuée en hiver (hors feuilles). Pour chacun des sites, 20 à 120 placettes de terrain ont servi à mettre en relation les mesures dendrométriques avec les différents «métriques» issus du LiDAR. Pour l'estimation de Ho, la robustesse de 3 modèles préexistants a été comparée, alors que pour G, de nouveaux modèles ont été établis. Deux procédures de sélection de variables ont été mise en oeuvre pour la construction de ces modèles: l'une paramétrique utilisant la PLS, et l'autre, nonparamétrique utilisant le Random Forest. Les résultats obtenus montrent une précision acceptable des modèles pour l'estimation de Ho, qui est du même ordre de grandeur que l'erreur attendue de mesure. Le modèle de Ho qui intègre un indice spatiale semble le plus robuste, indépendamment de la forêt étudiée (avec une erreur relative inférieur de 7%, sans recalibration des paramètres). Cependant l'estimation de G est plus problématique Les modèles trouvés dans la littérature sont imprécis et très peu robustes pour le type de forêts que nous avons étudié. Certains de nos modèles peuvent être localement précis lors de la phase de calibration (<7% d'erreur pour un site), mais se révèlent rapidement très bruités voire aberrants (de l'ordre de 20% ou plus) lorsqu'ils sont appliqués à d'autres forêts. Ils nécessitent alors une recalibration. Les erreurs relatives que nous avons obtenu pour les modèles de G varient entre 6.37% et 17.8 % lors des calibrations. Cette étude montre qu' après quelques adaptations simples, l'utilisation du LiDAR permet d'estimer Ho de façon opérationnelle. Par contre, il s'avère que l'estimation de G est encore trop imprécise.
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02/dumas.ccsd.cnrs.fr-dumas-01304457-document.txt_1
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French-Science-Pile
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Open Science
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Lavandes et lavandin, utilisation en aromathérapie : enquête auprès des pharmaciens d'officine Audrey Gainard sou Le Par Audrey GAINARD e juillet à Bordeaux, France LAVANDES ET LAVANDIN, UTILISATION EN AROMATHÉRAPIE. ENQUETE AUPRES DES PHARMACIENS D'OFFICINE
Directeur de thèse
Catherine Chèze
Madame Catherine Chèze Madame Françoise Amouroux Monsieur Jean Claude Vayssié Jury Maître de Conférence PAST Docteur en Pharmacie Président Juge Juge
1 REMERCIEMENTS
Au Docteur Catherine Chèze, Maître de Conférence, présidente du jury et directrice de thèse Je vous remercie de l'honneur que vous me faites de présider cette thèse. Je vous adresse aussi tous mes remerciements pour votre disponibilité tout au long de la rédaction de ma thèse. Au Docteur Françoise Amouroux, PAST Merci d'avoir accepté de juger mon travail aujourd'hui, et merci pour vos cours de qualité pendant ma formation initiale. Au Docteur Jean--‐Claude Vayssié Je ne vous remercierai jamais assez pour mon stage de 6ème année, riche en apprentissages. Merci aussi de m'avoir recommandée. Je n'en serai pas là sans vous. Maman Rien à dire, tu sais déjà tout! Toujours là pour nous épauler, nous relever et
nous aider, de l'apprentissage des poésies en primaire à la relecture pointue de ma thèse! Merci mille fois Maman adorée. Papa Merci de croire en nous depuis le début, sans jamais douter de nous. C'est grâce à Maman et toi qu'on avance avec Amo. Mamie Je te remercie de m'avoir transmis ta passion de la nature et des plantes, et de toujours être là quand nous en avons besoin. Tu as grandement participé à ma réussite, en passant par l'herbier de 4ème année et en finissant avec cette thèse. 2 Amaury Merci de toujours arriver à me distraire, d'être un frère admirable. J'espère que tes études t'emmèneront vers un métier que tu aimes, comme c'est mon cas. Adrian Je n'ai pas de mots pour expliquer ma reconnaissance
Tu m'accompagnes depuis la deuxième année de pharmacie, avec un amour sans faille, qui me permet de trouver la force de travailler même quand le coeur n'y est plus. Je t'aime à la folie.
Lauri
e Doit on encore compter le nombre d'années depuis lesquelles on se connaît? En grandissant, on s'est rapprochées pour finir par travailler dans le même domaine! Merci de toujours être là pour moi
. Marine
On
a vécu tant de
choses en si peu de temps! Au même
titre que
Lauri
e, tu fais partie de ma
famille
,
merci
pour le
soutien
que tu m
'apportes. A tous les autres Merci pour votre patience, pour m'avoir aidée à garder mon objectif en vue : la validation de cette thèse!
3 Table des matières LEXIQUE 9
INTRODUCTION
11 PARTIE I 13 BOTANIQUE, PHARMACOGNOSIE ET AROMATHERAPIE
13 I.1 --‐ Botanique 14 I.1.1 --‐ Classification 14 I.1.2 --‐ Généralités 15 I.1.3 --‐ Appareil végétatif 15 I.1.4 --‐ Appareil reproducteur 16 I.1.5 --‐ Lavande officinale 17 I.1.6 --‐ Lavande aspic 18 I.1.7 --‐ Lavande papillon 18 I.1.8 --‐ Lavandin 19 I.2 --‐ Pharmacognosie 19 I.2.1 --‐ Généralités 20 I.2.2 --‐ Composition chimique 21 I.2.3 --‐ Composition chimique des huiles essentielles de lavandes et lavandin 22 I.3 --‐ L'aromathérapie 23 I.3.1 --‐ Définition, historique 23 I.3.2 --‐ Qualité 24 I.3.3 --‐ Propriétés des huiles essentielles 24 I.3.4 --‐ Modes d'administration 27 I.3.5 --‐ Toxicité 28
PARTIE II 30 ETUDES DES LAVANDES
30 II.1 – Lavande papillon : Lavandula stoechas II.1.1 --‐ Pouvoir antibactérien, antifongique 32 II.1.2 --‐ Pouvoir antioxydant 32 II.1.3 --‐ Pouvoir anxiolytique 33 II.1.4 --‐ Pouvoir insecticide 33 II.1.5 --‐ Pouvoir anticonvulsivant 33 II.2 – Lavande officinale : Lavandula angustifolia 32 34 4 II.2.1 --‐ Pouvoir antioxydant 34 II.2.2 --‐ Pouvoir insecticide 35 II.2.3 --‐ Pouvoir antibactérien 36 II.2.4 --‐ Pouvoirs antalgique et anti--‐inflammatoire 38 II.2.5 --‐ Pouvoir antispasmodique 43 II.2.6 --‐ Pouvoir cicatrisant 44 II.2.7 --‐ Pouvoir anti stress 44 II.2.8 --‐ Pouvoir antidépresseur 45 II.2.9 --‐ Pouvoir sédatif 47 II.2.10 --‐ Pouvoir anxiolytique 49
PARTIE III 53 CONSEILS À L'OFFICINE 53 III.1 --‐ Etat des lieux à l'officine 54
III.1.1 --‐ Question 1 : « Possédez--‐vous une gamme d'huiles essentielles dans votre pharmacie? » 55 III.1.2 --‐ Question 2 : « Vous sentez--‐vous à l'aise pour conseiller des patients sur l'aromathérapie? » 55 III.1.3 --‐ Question 3 : « Avez--‐vous suivi une formation particulière sur les huiles essentielles? » 56 III.1.4 --‐ Question 4 : « Quelles huiles essentielles délivrez--‐vous le plus? » 57 III.1.5 --‐ Question 5 : « Connaissez--‐vous les propriétés de l'huile essentielle de lavande officinale? ». 59 III.1.6 --‐ Question 6 : « Connaissez--‐vous les propriétés de l'huile essentielle de lavande aspic? ». 60 III.1.7 --‐ Question 7 : « Dans quels cas orientez--‐vous le patient vers la lavande officinale? » 61 III.1.8 --‐ Question 8 : « Dans quels cas orientez--‐vous le patient vers la lavande aspic? » 61 III.1.9 --‐ Question 9 : « Conseillez--‐vous l'huile essentielle de lavandin? » 62 III.2 --‐ Fiches pratiques III.2.1 --‐ La lavande aspic 64 III.2.2 --‐ Le lavandin 65 III.2.3 --‐ La lavande officinale 65 III.3 --‐ Cas de comptoir 64 67 5 III.3.1 --‐ Problèmes cutanés 67 III.3.2 --‐ Stress, anxiété, troubles du sommeil 68 III.3.3 --‐ Piqûres d'insectes et prévention de l'infestation par les poux 69 III.3.4 --‐ Spasmes musculaires, migraines 69
CONCLUSION 71 ANNEXES 72 BIBLIOGRAPHIE 82 SERMENT DE GALIEN 91 6
Table des figures Figure 1 : Cladogramme des Angiospermes 15 Figure 2 : Schéma de cyme bipare et unipare scopioïde 16 Figure 3 : Planche de lavande officinale 17 Figure 4 : Planche de lavande aspic 18 Figure 5 : Planche de lavandin
19 Figure 6 : Réponses question 1 55 Figure 7 : Réponses question 2 55 Figure 8 : Réponses question 3 56 Figure 9 : Réponses question 5 60 Figure 10 : Réponses question 6 60 Figure 11 : Réponses question 7 61 Figure 12 : Réponses question 8 62 Figure 13 : Réponses question 9 62 7 Table des tableaux Tableau 1 : Composants principaux des huiles essentielles de lavande officinale, aspic et lavandin 22 Tableau 2 : Labels et normes des huiles essentielles du commerce 24 Tableau 3 : Huiles essentielles citées à la question 4 57 Tableau 4 : Propriétés des huiles essentielles citées à la question 4 58 8 LEXIQUE Akène : fruit sec indéhiscent à graine unique. Androcée : ensemble des étamines. Ang
permes : plantes à ovules protégés par des ovaires. Anthère : partie terminale de l'étamine, il produit et renferme le pollen. Bilabié : calice ou corolle ouvert en deux lèvres. Bractée : organe se trouvant à la base de la fleur permettant de protéger ses organes sexuels. Calice : ensemble des sépales. Carpelle : organe sexuel femelle de la fleur comprenant l'ovaire surmonté du style qui se termine en stigmate. Coriace : organe plus ou moins épais. Corolle : ensemble des pétales. Cuticule : pellicule superficielle de la feuille. Didyname : androcée présentant deux grandes étamines et deux petites. Epi : grappe de fleurs sessiles. Etamine : organe sexuel mâle de la fleur. Glabre : dépourvu de poils. Glomérule : groupe de fleurs sessiles ou subsessiles serrées en petit bouquet dense. Gynécée : ensemble des carpelles formant l'ovaire. Gynobasique : se dit d'un style qui part de la base de l'ovaire. Hampe florale : tige qui comporte les fleurs d'une plante. Herbacée : qui a l'aspect, qui est de la nature de l'herbe. Indéhiscent : fruit ne s'ouvrant pas spontanément à maturité. Inflorescence : mode de groupement des fleurs sur une même tige. Ligneux : se dit d'un organe ou d'une plante de nature analogue à celle du bois. Limbe : partie élargie de la feuille ou du pétale. Opposées : se dit de deux feuilles insérées au même niveau. Ovaire : partie renflée du gynécée contenant les ovules. Une fois la fécondation accomplie, il se transforme en fruit et renferme les graines. Pédoncule : axe situé au--‐dessus de la plus haute feuille et portant les fleurs. Pédonculé : relié au corps par un pédoncule. Pérenne : plante pouvant vivre plusieurs années. Pétale : pièce de la corolle. Pétiole : pièce reliant le limbe à la tige. Sessile : se dit d'une feuille sans pétiole ou d'une fleur sans pédoncule. Stigmate : partie différenciée du carpelle portée par le style, destinée à recevoir les grains de pollen. Style : partie allongée d'un carpelle supportant le stigmate. Tétrakène : fruit sec indéhiscent où chaque demi--‐carpelle donne naissance à un akène. Verticille : ensemble d'organes dispos en cercle au même niveau autour d'un axe.
9 Zyg
omorphe
:
fleur
comportant
un seul
axe
de symétr
ie. 10
INTRODUCTION
Aujourd'hui, le public s'oriente de plus en plus vers des médecines qu'ils pensent plus douces et moins nocives pour l'organisme. L'actualité pharmaceutique, avec notamment le récent scandale sur le Médiator®, a rendu les patients plus méfiants envers les médicaments. Désormais, les patients n'accordent plus une confiance totale aux prescripteurs. Ils sont devenus plus attentifs au contenu des médicaments et souhaitent limiter leur consommation de médicaments allopathiques, au profit de produits plus écologiques et moins modifiés. C'est dans ce contexte que se sont développées les thérapeutiques ascendantes : homéopathie, aromathérapie et phytothérapie, pour lesquelles l'officine est souvent sollicitée. Les patients s'adressent à l'équipe officinale pour les accompagner et les orienter dans leurs choix. C'est ainsi qu'il devient indispensable pour le pharmacien et son équipe de bien maitriser ces nouvelles thérapeutiques, car bien souvent les patients n'ont pas de prescription médicale. Ma formation universitaire m'a permis d'acquérir des connaissances générales de toutes ces médecines. Tout au long de mon cursus universitaire, j'ai pu développer mon savoir sur la botanique, la pharmacognosie, et la pharmacologie. De ces enseignements a découlé mon intérêt pour les médecines naturelles, telles que la phytothérapie et l'aromathérapie. C'est ainsi que je me suis orientée naturellement vers ce sujet, et plus particulièrement vers la lavande. En effet, d'après bon nombre de publications et d'ouvrages scientifiques, cette plante est de loin la première qui devrait avoir sa place dans la pharmacie familiale. C'est aussi l'huile essentielle la moins toxique, ne présentant que très peu d'interactions avec des spécialités pharmaceutiques et peu d'effets indésirables. L'objectif de ce travail est de démontrer le caractère polymorphe et universel de la lavande en aromathérapie, et son utilité dans le conseil officinal. Dans un premier temps, la partie botanique sera développée ainsi que la pharmacognosie des différents phénotypes de lavandes étudiés en commençant par leur famille : les Lamiaceae. Au vu de la grande variété des lavandes existantes, seules seront abordées celles dont les propriétés sont les plus documentées. Ensuite, les principes généraux de l'aromathérapie seront rappelés, et les modes d'administration les plus utilisés et la toxicité de certaines huiles essentielles seront étudiés. Dans un second temps, l'argumentaire vers les lavandes ayant les caractéristiques les plus intéressantes d'un point de vue scientifique sera établi. Le 11 Silexan® sera donné en exemple. C'est une spécialité pharmaceutique développée en Allemagne et utilisée dans le traitement de l'anxiété. Ensuite le conseil en officine sera développé. Des fiches pratiques ont été établies à partir d'une enquête réalisée auprès des pharmaciens d'officine via Internet. Cette partie plus pratique permettra de souligner l'importance du rôle de conseil du pharmacien, dans l'encadrement de la délivrance des huiles essentielles. En effet, une majorité de patients prennent cette médecine pour inoffensive alors qu'elle peut se révéler très puissante, voire même toxique.
12 PARTIE I BOTANIQUE, PHARMACOGNOSIE ET AROMATHERAPIE 13
Cette partie traitera en premier lieu des caractères botaniques de la famille des Lamiaceae et ensuite des lavandes et du lavandin, qui sont les plantes les plus documentées. La partie pharmacognosie des plantes à huiles essentielles sera développée pour finir sur un tableau récapitulatif de la composition chimique de chaque espèce d'intérêt. Les principes généraux de l'aromathérapie seront rapidement abordés.
I.1 --‐ Botanique (1)(2) I.1.1 --‐ Classification
Selon la classification APG (Angiosperms* Phylogeny Group), le genre Lavandula appartient à l'ordre des Lamiales : (Figure 1) Le genre Lavandula se trouve dans la sous--‐classe des Astéridées, Ordre des Lamiales, Famille des Lamiaceae. 14
Figure 1 : Cladogramme des Angiospermes (APG II modifié) (2)
I.1.2 --‐ Généralités
La famille des Lamiaceae comprend environ sept mille espèces, dont la localisation prédomine en région méditerranéenne. Le thym, la lavande et le romarin sont les espèces les plus connues.
I.1.3 --‐ Appareil végétatif
Les Lamiaceae sont des herbacées* à tiges quadrangulaires. Les feuilles sont simples et toujours opposées*. Chez les espèces vivant dans les endroits secs, elles sont coriaces* et vont présenter des adaptations leur permettant de réduire leur transpiration : les feuilles sont ainsi velues, avec un limbe* enroulé par dessous. 15 Ces plantes sont à essence, dont l'odeur se dégage par le toucher. En effet, la localisation des huiles essentielles est très externe.
I.1.4 --‐ Appareil reproducteur I.1.4.1 --‐ Inflorescences
Les inflorescences* sont situées à l'aisselle des feuilles supérieures. Elles sont d'abord bipares, puis unipares scorpioïdes par manque de place. Elles sont fréquemment condensées en glomérules* et simulent autour de la tige un verticille* de fleurs.
Figure 2 : Schéma de cyme bipare et unipare scop
oïde (2) I.1.4.2 --‐ Fleur
Le plan de symétrie vertical a pour résultat une corolle* zygomorphe* et la perte de l'étamine* supérieure. La corolle est bilabiée* (origine du nom de Labiées donné par les premiers botanistes) : une lèvre est formée de deux pétales* supérieurs, l'autre lèvre de trois pétales inférieurs. L'androcée* est à quatre étamines didynames* (mais chez quelques rares Lamiaceae tropicales, il y a présence d'une cinquième étamine), quelques genres n'ont plus que deux étamines (sauges, romarin). Le gynécée* comporte deux carpelles* soudés qui se divisent chacun par une fausse cloison en deux demi--‐loges, chacune contenant un ovule. Le style* unique est dit gynobasique*.
I.1.4.3 --‐ Fruit
Le fruit est un tétrakène* logé au fond d'un calice* persistant, chaque demi--‐ carpelle donnant naissance à un akène*. 16 Après avoir rappelé les caractères généraux de la famille des Lamiaceae, seules seront développées les espèces de lavandes et le lavandin dont les propriétés sont les plus étudiées du fait de leur intérêt thérapeutique.
I.1.5 --‐ Lavande officinale
Figure 3 : Planche de lavande officinale
(3) Son nom scientifique est : Lavandula angustifolia Mill. (1768). Cette espèce se développe dans les zones ensoleillées et montagneuses de Méditerranée. La lavande officinale se présente sous forme de sous--‐arbrisseau de vingt à quatre--‐vingts centimètres, avec une racine pivotante. Les tiges mesurent de quinze à vingt centimètres, et sont dépourvues de feuilles au--‐ dessous des inflorescences. Les hampes florales* sont courtes et fines, et ne portent qu'un seul épi*. Les feuilles sont étroites et longues, elles mesurent entre deux et cinq centimètres. Les fleurs sont disposées en épi de six à dix groupes, et sont soutenues par des bractées* aussi longues que larges. 17 On observe la présence de quatre étamines didynames surmontées d'anthères ovoïdes.
I
.
1.6 --‐ Lavande aspic
Figure 4 : Planche de lavande aspic
(4) Son nom scientifique est : Lavandula latifolia Medik. (1787). Elle se développe sur les pentes arides de la région méditerranéenne. Cette espèce est buissonnante, pérenne*, mesure entre trente et soixante centimètres, avec une racine fasciculée. Les tiges sont ligneuses*, fourchues et glabres*. Les feuilles sont en forme de spatules, larges de cinq à neuf millimètres. Les fleurs sont tenaces, gamopétales*, insérées à l'aisselle de bractées étroites plus longues que larges. Il a quatre étamines, l'anthère* est circulaire.
I.1.7 --‐ Lavande papillon
Son nom scientifique est : Lavandula stoechas L. (1753). Elle se trouve en région méditerranéenne, sur des terrains siliceux. La lavande papillon est un sous--‐arbrisseau très ramifié, au feuillage blanc--‐gris dense, pouvant mesurer jusqu'à soixante centimètres de hauteur. Les tiges sont quadrangulaires et portent des feuilles étroites (deux à quatre centimètres de long), de couleur grise. Les feuilles sont persistantes et opposées. L'inflorescence se décrit par un épi dense, courtement pédonculé, portant des petites fleurs pourpres. L'épi est couronné de plusieurs bractées pétaloïdes violettes. Il y a quatre étamines, une corolle tubuleuse et bilabiée.
I.1.8 --‐ Lavandin
Figure 5 : Planche de lavandin (3)
Son nom scientifique est : Lavandula x intermedia Emeric et Loisel. Cette plante pousse entre six cents et huit cents mètres d'altitude. Le lavandin est une plante pérenne, avec des racines traçantes. Cette plante présente des feuilles linéaires et oblongues, sa tige est verte et ligneuse. La fleur présente un pédoncule court. Il y a cinq étamines, pas de pollen et deux carpelles à quatre loges libres.
I.2 --‐ Pharmacognosie (5)(6)
Dans cette partie sont décrites les généralités sur les huiles essentielles, ainsi que la composition physique et chimique de ces huiles essentielles.
19 I.2.1 --‐ Généralités I.2.1.1 --‐ Définition
D'après la huitième édition de la Pharmacopée française, les huiles essentielles sont « des produits de composition généralement assez complexe renfermant les principes volatils contenus dans les végétaux et plus ou moins modifiés au cours de la préparation ».
I.2.1.2 --‐ Répartition
Les huiles essentielles se retrouvent dans un nombre limité de familles, la plupart faisant partie des végétaux supérieurs : Myrtaceae, Lauraceae, Rutaceae, Lamiaceae, Asteraceae, Apiaceae, Illiaceae, etc.
I.2.1.3 --‐ Localisation
Elle est très variable : bois (bois de rose), racine (vétiver), rhizome (curcuma, gingembre), fruits (badiane, anis), écorce (cannellier), fleurs (bergamotier, lavande), feuilles (citronnelle, eucalyptus), graines (muscade). Les huiles essentielles se retrouvent en général en surface de ces parties. Pour les Lamiaceae, elles sont présentes dans les poils sécréteurs. Il est à noter que, selon les saisons ou les conditions climatiques, la composition de ces huiles essentielles évolue (7).
I.2.1.4 --‐ Fonction
Dans les plantes, les huiles essentielles ont une fonction « écologique » : elles permettent une protection contre les prédateurs et attirent des insectes pollinisateurs.
I.2.1.5 --‐ Extraction --‐
‐ --‐ --‐ Il existe plusieurs procédés d'extraction des huiles essentielles : Par expression des stes des Citrus : de l'eau sous pression est projetée sur la plante, Par entrainement à la vapeur d'eau : la vapeur injectée dans les parties choisies de la plante va entrainer les composés intéressants, Par hydro distillation : le composé est plongé dans de l'eau bouillante et distillé, Par hydro distillation par micro--‐ondes sous vide : les plantes sont immergées dans de l'eau bouillante et les huiles essentielles sont alors entraînées, condensées, puis récupérées. 20 L'expression et l'entraînement à la vapeur d'eau sont les deux méthodes les plus utilisées et seules reconnues par les Pharmacopées française et européenne.
I.2.1.6 --‐ Propriétés physiques
Les huiles essentielles sont volatiles et liquides à température ambiante. Leur densité est le plus souvent inférieure à celle de l'eau. Elles sont liposolubles, solubles dans les solvants, mais très peu solubles dans l'eau. I.2.2 --‐ Composition chimique
Les huiles essentielles sont des « mélanges complexes et variables de constituants qui appartiennent, de façon quasi exclusive, à deux groupes caractérisés par des origines biogénétiques distinctes : le groupe des terpénoïdes d'une part et celui des composés aromatiques dérivés du phénylpropane, beaucoup moins fréquents, d'autre part ». Nous allons développer les terpénoïdes car ce sont les constituants principaux des huiles essentielles de lavandes et lavandin. Ils se divisent en deux groupes : les monoterpènes et les sesquiterpènes.
I.2.2.1 --‐ Monoterpènes
Ils peuvent être acycliques, monocycliques ou bicycliques. Du fait de la réactivité des cations intermédiaires, il existe plusieurs molécules fonctionnalisées : --‐ Alcools, --‐ Aldéhydes, --‐ Cétones, --‐ Esters, --‐ Ethers, --‐ Peroxydes, --‐ Phénols.
I.
2.2.2
--‐ Sesquiterpènes
Les mêmes variations structurales que les monoterpènes sont observées, avec les carbures, alcools et cétones qui sont les plus répandus.
I.2.3 --‐ Composition chimique des huiles essentielles de lavandes et lavandin
L'huile essentielle de lavande officinale contient majoritairement du linalol (monoterpène) et de l'acétate de linalyle (ester du linalol). En quantités plus négligeables sont présents du terpinén--‐4--‐ol (monoterpène), du 3--‐octanone, du lavandulol, de l'acétate de lavandulyle, du limonène, du cinéole, du camphre et de l'alpha terpinéol. La lavande aspic est plus riche en cinéole et camphre. Pour ce qui est du lavandin, sa composition est intermédiaire entre la lavande officinale et la lavande aspic, étant un croisement de ces deux espèces La lavande papillon est beaucoup moins documentée, elle ne sera donc pas développée en détail.
Tableau 1 : Composants principaux des huiles essentielles de lavande officinale, aspic et lavandin (8)(9)(10)(11)(12)(13) Composé Structure L. angustifolia 1,8 cinéole L. latifolia L. x intermedia Trace 22--‐27 4--‐7 Trace 12--‐16 6--‐8 25--‐38 27--‐41 25--‐35 25--‐45 Trace 26--‐38 4--‐5% Trace Trace Camphre Linalol Acétate linalyle de Terpinén--‐4--‐ol 22 I
.3 --
‐
L
'aromathérapie (14)
(16) I.3.1 --‐ Définition, historique
L'aromathérapie est définie comme l'utilisation médicale des extraits aromatiques de plantes (à la différence de la phytothérapie qui utilise toute la plante). Les huiles essentielles, reconnues pour leurs propriétés thérapeutiques, sont utilisées depuis des millénaires en Chine, Inde, au Moyen--‐Orient, en Egypte, en Grèce, en Amérique et en Afrique. Au Moyen Âge, elles sont oubliées, la barbarie prenant le pas sur la recherche scientifique. C'est avec l'arrivée des Arabes que la médecine par les plantes retrouve une place dans les thérapeutiques de l'époque. L'extraction des huiles essentielles par distillation à la vapeur d'eau est découverte à l'époque de la révolution industrielle. Elle permet surtout le développement de parfums et produits alimentaires. L'une des anecdotes les plus connues de l'aromathérapie reste celle du chimiste René Maurice Gattefossé (l'un des pionniers de l'aromathérapie) qui, en faisant des recherches en parfumerie, se brûla les mains lors d'une explosion de laboratoire. Après avoir été atteint de gangrène gazeuse (infection microbienne à Clostridium perfringens), il retire ses bandages pour appliquer, en dernier recours, de l'huile essentielle de lavande sur ses plaies. C'est ainsi qu'il découvre les propriétés antiseptiques et cicatrisantes de l'huile essentielle de lavande. Il consacra une partie de ses recherches aux propriétés des huiles essentielles. Depuis, des médecins et des chercheurs (Jean Valnet) ainsi que des pharmaciens (Françoise Couic--‐Marinier) ont permis de fixer la réputation et l'efficacité des huiles essentielles. Il est important de rappeler la différence entre une essence et une huile essentielle. L'essence est obtenue à partir de la plante fraîche, alors que l'huile essentielle est produite après extraction. Les Pharmacopées française et européenne ne reconnaissent que le terme « huile essentielle ».
I.3.2 --‐ Qualité
La plupart des huiles essentielles étant autorisées à la vente libre, la qualité n'est attendue que dans celles vendues en pharmacie d'officine. En effet, étant un professionnel de santé, le pharmacien se doit de vendre des produits dont la qualité est irréprochable. Pour être sûr de la qualité d'une huile essentielle, il est possible de se référer aux différents labels qu'elle présente :
: Labels et normes des huiles essentielles du commerce
Dénomination Caractéristiques Norme AFNOR Dénomination botanique latine, caractères physico--‐chimiques Norme NF--‐T. 75--‐ Dénomination, chimiotype, hybride, origine géographique 004 Norme NF--‐T. 75--‐ Nom latin, partie de plante, technique de production 002 Norme ISO/TC Norme Communauté Européenne pour cinquante quatre huiles essentielles Label HEBBD Huile Essentielle Botaniquement et Biochimiquement Définie Label BIO Norme CE : sans pesticides, herbicides et engrais chimiques Label AB Délivré par le Ministère de l'Agriculture Label HECT Dénomination, chimiotype, hybride, origine géographique, mode de culture, stade de développement, organe de production
I.3.3 --‐ Propriétés des huiles essentielles
De par leur composition complexe, les huiles essentielles ont toutes des propriétés spécifiques, mais certaines se retrouvent (plus ou moins marquées) dans une grande partie des huiles essentielles. De manière générale, une huile essentielle présente deux, voire trois propriétés principales, et plusieurs propriétés secondaires.
I.3.3.1 --‐ Pouvoir antibactérien
Ayant des terpènes et phénols, les huiles essentielles ont toujours été considérées comme étant douées de propriétés antibactériennes. En effet, leurs constituants étant lipophiles, ils se lient facilement aux membranes cellulaires des micro--‐organismes. Cette 24 propriété est commune à toutes les huiles essentielles, mais est très marquée chez l'huile essentielle de thym à thymol (17). Les autres composants aux pouvoirs antibactériens sont les alcools monoterpéniques (linalol, géraniol, menthol, etc.), les aldéhydes aromatiques (aldéhyde cinnamique, aldéhyde cuminique), les éthers (apiol, myristicine, ), etc.
I.3.3.2 – Pouvoir antiviral
Cette propriété est présente chez les huiles essentielles contenant des phénols, des alcools et aldéhydes monoterpéniques. Citons comme molécules impliquées le thymol, le carvacrol, le menthol, le linalol, etc. Les huiles essentielles les plus reconnues pour leur activité virucide sont celles de basilic (variété basilicum), de tea--‐tree, de citron et de niaouli par exemple.
I.3.3.3 – Pouvoir antimycosique et antifongique
Il est expliqué de la même manière que le pouvoir bactéricide, grâce aux phénols, aux alcools et aldéhydes monoterpéniques. Les huiles essentielles avec cette propriété très marquée sont le tea--‐tree, la cannelle de Ceylan, la sarriette et le géranium Bourbon.
I.3.3.4 – Pouvoir antioxydant
Les molécules aromatiques sont capables de piéger les radicaux libres efficacement. Résultant le plus souvent de la per ation lipidique, ces radicaux libres induisent un vieillissement cellulaire prématuré, d'où découlent des effets néfastes au long terme. Les huiles essentielles de curcuma, de marjolaine à coquille ou de thym ont un pouvoir antioxydant marqué. De cette propriété découlent les pouvoirs hépatoprotecteur et antihypercholestérolémiant.
I.3.3.5 – Pouvoir antiparasitaire
De par la présence de phénols, d'alcools monoterpéniques et oxydes, certaines huiles essentielles présentent un fort pouvoir antiparasitaire. L'avantage est que les germes ne présentent pas de résistance aux huiles essentielles, ce qui permettrait une application très intéressante en milieu hospitalier. Citons par exemple les huiles essentielles d'eucalyptus (globulus et radiata), de thym à thymol ou à carvacrol, ainsi que de giroflier. 25
I.3.3.6 --‐ Pouvoirs anti--‐inflammatoire et antihistaminique
Les huiles essentielles agissent de plusieurs manières sur l'inflammation : --‐ Par voie externe, les aldéhydes interviennent en favorisant les mécanismes physiologiques de défense (leucocytes), --‐ Par voie interne, les aldéhydes sont doués de propriétés immunomodulatrices. Certains sesquiterpènes ont des propriétés antihistaminiques remarquables. Les aldéhydes cités sont ici monoterpéniques. Les huiles essentielles de mélisse et d'eucalyptus citronné sont à placer dans cette catégorie. La mélisse est très efficace sur les allergies, tandis que l'eucalyptus citronné agira remarquablement contre l'inflammation.
I.3.3.7 – Pouvoir cicatrisant, anti--‐brûlures
Les aldéhydes et alcools monoterpéniques aident à la régénération cutanée. Les deux huiles essentielles incontournables sont ici l'hélichryse italienne et le ciste ladanifère.
I.3.3.8 – Pouvoir neurotrope
Les éthers et esters contenus dans les huiles essentielles agissent comme antispasmodiques, hypnotiques et anxiolytiques. Les aldéhydes monoterpéniques, les aldéhydes aromatiques, les coumarines et les composés azotés peuvent présenter également ce type d'effet.
I.3.3.9 – Pouvoirs carminatif et digestif
Les huiles essentielles sont connues pour leur activité sur le système digestif. Ici, la réduction des ballonnements et des flatulences est expliquée par quatre mécanismes : --‐ Une action spasmolytique, qui permettra de limiter l'aérophagie et de supprimer les spasmes intestinaux, --‐ Une action antimicrobienne, qui empêchera la formation de gaz au niveau intestinal, --‐ Une stimulation des sécrétions enzymatiques par les différents organes digestifs, ainsi qu'une augmentation des sécrétions biliaires. Ceci permettra une bonne dégradation des aliments, et atténuera les fermentations indésirables, --‐ Et une stimulation de la sécrétion des glandes digestives, qui augmentera la désinfection du bol alimentaire. 26 Par les mêmes mécanismes, les huiles essentielles bénéficient d'un pouvoir appètent et digestif. Les huiles essentielles de menthe poivrée, de cannelle et de sarriette sont efficaces pour ces problèmes digestifs. Les huiles elles présentent donc un nombre important de propriétés. La théorie du chimiste GATTEFOSSE était que ces pouvoirs sont directement liés à la structure chimique des molécules aromatiques présentes dans les huiles essentielles. Par exemple, les phénols ont tous une action bactéricide, virucide et fongicide alors que les alcools sesquiterpéniques bénéficient d'un pouvoir décongestionnant veineux et lymphatique. Cette relation structure chimique – activité thérapeutique est reconnue par la plupart des chercheurs. Chaque famille de molécule avance des propriétés plus ou moins marquées, d'où l'intérêt d'utiliser les huiles essentielles en synergie.
I.3.4 --‐ Modes d'administration I.3.4.1 --‐ Usage externe
Toutes les huiles essentielles étant lipophiles, elles passent la barrière cutanée rapidement, et sont absorbées en quelques secondes. Elles se retrouvent finalement dans la circulation sanguine générale. La voie cutanée est une voie très utilisée pour les huiles essentielles en bains, frictions ou massages. La zone d'application de l'huile essentielle diffère selon l'activité thérapeutique attendue. En effet, une application sur le thorax ou le dos permettra une action sur les bronches, alors qu'une application sur le front, les tempes ou les lobes des oreilles agira sur des céphalées, ou encore des migraines. L'action sur les organes internes peut s'effectuer par friction au niveau de l'abdomen. Il est à noter que la grande majorité des huiles essentielles peut être utilisée par voie externe, mais les huiles essentielles à phénols ou à aldéhydes (thym à thymol, cannelle, etc.) sont irritantes pour la peau et les muqueuses.
I.3.4.2 --‐ Usage interne
Plusieurs possibilités s'offrent au patient pour une utilisation interne des huiles essentielles. Comme dans la partie précédente, la voie choisie dépendra de la pathologie à traiter. La voie orale est à réserver à l'adulte. Elle est à manier avec précaution, mais reste rapide et efficace. La voie sublinguale sera privilégiée pour un passage sanguin rapide. Son avantage est qu'il n'y aura pas d'irritation du tube digestif. Pour une action sur la sphère ORL, les gouttes d'huiles essentielles pourront être déposées sur la langue. La voie auriculaire est à utiliser avec prudence. En effet, il ne faut jamais appliquer d'huiles essentielles pures dans le conduit auriculaire. Les huiles essentielles doivent être diluées soit dans une huile végétale, soit dans un mélange alcoolique. Cette voie s'avère utile lors de pathologies ORL. La voie rectale présente de nombreux avantages. La muqueuse est très perméable, et les veines hémorroïdaires permettent un passage rapide vers la circulation générale. Cette voie peut être utilisée dès le plus jeune âge, à condition de ne pas employer d'huile essentielle allergisante ou irritante. Les huiles elles à cétones sont à bannir (menthe poivrée, hélichryse, sauge, etc.). La voie vaginale est également possible, elle permet un traitement efficace des pathologies locales. Les huiles essentielles seront alors utilisées en ovules ou crèmes, et leur concentration ne devra pas dépasser 15% dans le diluant. Pour finir, la voie respiratoire permet une rapidité d'action pour traiter les affections pulmonaires. Les huiles essentielles seront administrées en fumigation, inhalation, aérosols ou gargarismes. Les huiles essentielles à éviter pour cette voie seront celles contenant des cétones et lactones (romarin, hélichryse), ainsi que les huiles essentielles constrictrices (cyprès, menthe poivrée).
I.3.5 --‐ Toxicité
Utilisées à bon escient, les huiles essentielles ne présentent quasiment pas de toxicité. Il est donc important pour le pharmacien et son équipe de toujours veiller à ce que les patients utilisateurs d'huiles essentielles en connaissent leurs limites. 28 --‐ --‐ Plusieurs types de toxicité peuvent être observés : Toxicité due à l'huile essentielle : mauvaise connaissances des contre--‐indications ou des modalités d'utilisation de l'huile essentielle (posologie, intervalles de prises, quantités à respecter, durée de traitement), ingestion accidentelle, Toxicité due aux effets secondaires : irritation des muqueuses après utilisation d'huiles essentielles à phénols ou aldéhydes, allergies de contact (cannelle, lavande, etc.) Après avoir détaillé les caractéristiques de chaque lavande, leurs propriétés, qui découlent des composants cités, seront abordées avec l'appui de plusieurs études scientifiques. 29
PARTIE II ETUDES DES LAVANDES 30
Dans ce chapitre, les propriétés les plus documentées des différentes lavandes seront développées : la lavande papillon en première partie et la lavande officinale en seconde partie. La lavande papillon possède des caractéristiques antimicrobiennes, antifongiques et un pouvoir antioxydant marqué. C'est un anxiolytique notable, elle est aussi utilisée en synergie avec d'autres huiles essentielles comme insecticide. Quant à la lavande officinale, c'est la plus documentée en termes de publications scientifiques. En effet, sa renommée n'est plus à faire dans le domaine de l'aromathérapie. Le lavandin ainsi que la lavande aspic étant peu documentés, ils seront traités dans la troisième partie. 31
II.1 – Lavande papillon : Lavandula stoechas
Très connue pour son pouvoir antibactérien, elle est aussi un antioxydant marqué. Comme l'huile essentielle de lavande officinale, elle se révèle être un anxiolytique efficace. plante a aussi des propriétés insecticides marquées, ainsi qu'un pouvoir anticonvulsivant intéressant.
II.1.1 --‐ Pouvoir antibactérien, antifongique
De par sa composition en 1,8--‐cinéole et fenchone, l'huile essentielle de lavande papillon possède des propriétés antibactériennes marquées sur une multitude de pathogènes : Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Salmonella typhimurium ainsi que sur des levures et des champignons (Rhizoctonia solani et Fusarium oxysporum par exemple) (18)(19)(20).
II.1.2 --‐ Pouvoir antioxydant
Elle détient aussi des propriétés antioxydantes, évaluées par la méthode au DPPH, ainsi que par la mesure de la peroxydation lipidique (21). La peroxydation lipidique des membranes par une réaction en chaine va perturber leur fonctionnalité en entraînant une modification de leur fluidité, de leur perméabilité, ainsi qu'une perte d'activité enzymatique entraînant de nombreuses pathologies. L'huile essentielle de lavande papillon a également été testée sur des souris pour appuyer son effet protecteur contre le stress oxydatif induit par le malathion (insecticide qui, à fortes doses, attaque le foie et les reins principalement). Cette huile essentielle présente une activité hépatoprotectrice et néphroprotectrice significative (22). Une autre étude a porté sur les effets de l'huile essentielle de lavande papillon sur des rats diabétiques (le diabète étant induit par l'alloxane, molécule qui exerce une toxicité sélective sur les cellules du pancréas productrices d'insuline). Celle ci montre un effet antioxydant protecteur sur les organes reproducteurs masculins (amélioration du taux de testostérone, de la qualité du sperme, et du poids des organes reproducteurs)(23). 32
II.1.3 --‐ Pouvoir anxiolytique
L'huile essentielle de lavande papillon a aussi prouvé son effet anxiolytique, avec par exemple une étude sur des patients atteints d'infarctus du myocarde. En effet, il est reconnu qu'un état anxieux chez un patient atteint d'une pathologie cardiaque ne peut être que délétère à sa guérison et peut induire de nouvelles complications. NAJAFI et Coll. (24) ont testé l'efficacité d'inhalations d'huile essentielle de lavande papillon chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde. Les résultats obtenus montrent une réduction significative de l'état anxieux des patients. De par sa simplicité d'utilisation, l'inhalation d'huile essentielle de lavande papillon pourrait être utilisée par les soignants pour permettre une diminution conséquente de l'anxiété chez les personnes cardiaques.
II.1.4 --‐ Pouvoir insecticide
L'intérêt écologique de la lavande papillon va être développé ici, en évoquant ses propriétés insecticides (25). Ici, 1,8--‐cinéole est encore significativement impliqué, ainsi que le camphre et le camphène. L'huile essentielle est hautement toxique sur les quatre stades larvaires de l'Orgyia trigotephras (papillon néfaste pour les chênes) par contact. Elle peut aussi agir par ingestion, ainsi qu'en fumigation. L'activité insecticide de la lavande papillon est ici expliquée par sa composition en monoterpènes, connus pour leur pouvoir insecticide. L'huile essentielle de lavande papillon pourrait offrir, en synergie avec d'autres huiles essentielles, une alternative saine aux insecticides synthétiques néfastes pour la santé. Il serait donc intéressant de développer des recherches sur un complexe d'huiles essentielles insecticides à large spectre, qui pourrait être utilisé en toute quiétude, par la grande majorité de la population.
II.1.5 --‐ Pouvoir anticonvulsivant
L'huile essentielle de lavande papillon a été testée sur des souris ayant reçu du pentylène tétrazole (inducteur épileptogène)(26). Après avoir injecté ce produit, la lavande a permis une réduction significative des convulsions, ainsi qu'un espacement des crises. Dans le même temps, les effets sédatifs de la lavande papillon ont été prouvés, les souris étant retrouvées détendues et calmes.
II.2 – Lavande officinale : Lavandula angustifolia
Dans cette partie, les différentes propriétés de l'huile essentielle de la lavande officinale seront présentées. Qualifiée de pilier de l'aromathérapie, sa renommée n'est plus à faire. En premier lieu, ses caractéristiques antioxydantes seront abordées, avec trois études. Ensuite, ses propriétés insecticides seront développées. L'huile essentielle de lavande officinale est très connue pour son efficacité contre les poux. Ces effets ont été démontrés scientifiquement. Ses propriétés antibactériennes marquées et testées sur plusieurs pathogène seront traitées. Dans un second temps, ses propriétés anti--‐inflammatoires et antalgiques seront abordées à l'aide d'un nombre conséquent de publications. Ses propriétés antispasmodiques seront brièvement développées, ainsi que son action cicatrisante. Pour finir, ses propriétés les plus documentées sur le système nerveux : propriétés antistress, antidépressive, sédative et surtout, anxiolytique seront développées.
II.2.1 --‐ Pouvoir antioxydant
Le stress oxydatif est souvent mis en cause dans un grand nombre de maladies. Résultat d'un déficit en antioxydants, ses conséquences sont parfois dramatiques. Il est important de restaurer l'équilibre oxydatif du corps car le stress oxydatif, inducteur ou symptôme de la pathologie, reste néfaste pour l'organisme. Une étude a porté sur les effets cardioprotecteurs de l'huile essentielle de lavande officinale suite à un infarctus du myocarde provoqué chez rat (27). L'huile essentielle était injectée en intra--‐péritonéal, à différentes concentrations selon les groupes test. Les rats étaient ensuite sacrifiés pour mesurer le poids du myocarde, et effectuer un examen histopathologique. Les taux de myéloperoxidase (marqueur de l'activité du système immunitaire) et de malondialdéhyde (marqueur du stress oxydatif) sont alors mesurés. La concentration moyenne en huile essentielle utilisée (10mg/kg) a permis une nette diminution de ces deux marqueurs. L'huile essentielle a permis une protection du myocarde, une normalisation de l'ECG, une diminution de la peroxydation lipidique, une suppression des réponses pro--‐ inflammatoires et une amélioration du système antioxydant. Une seconde étude a aussi permis de montrer les effets antioxydants de la lavande officinale, par la mesure de l'inhibition de la peroxydation lipidique (28). 34 Une troisième étude compare les effets antioxydants de six huiles essentielles, ainsi que leur composition (29). L'huile essentielle de lavande officinale montre le plus important pouvoir antioxydant (mesuré par son activité anti radicalaire vis à vis du DPPH et de l'inhibition de la peroxydation lipidique).
II.2.2 --‐ Pouvoir insecticide
Fléau important pour les collectivités, les poux se développent très rapidement et amènent à des épidémies difficiles à éradiquer. En effet, si toutes les personnes sont traitées à l'exception d'une, la dernière personne déclenchera une ré--‐infestation. La lavande officinale est très populaire pour cet usage, des spécialités traitantes en contenant sont commercialisées, et leur efficacité est reconnue (29). Les traitements anti--‐poux efficaces doivent être actifs sur les deux stades de vie du pou : le stade larvaire (ou lente), et le stade adulte. Une étude scientifique a permis de démontrer l'utilité de l'huile essentielle de lavande officinale dans le traitement de l'infestation du cuir chevelu par des poux (30). Dans cet essai, trois groupes ont été formés : --‐ Le premier groupe a bénéficié de l'application d'une lotion à base d'huile essentielle de lavande officinale et de tea--‐tree, --‐ Le second groupe a été traité avec de l'huile essentielle d'eucalyptus et de tea--‐ tree citronné, --‐ Le troisième groupe a reçu un pédiculicide du marché. Les résultats montrent que le pédiculicide est le traitement le plus efficace, suivi par la lotion d'huile essentielle de lavande officinale et de tea--‐tree. Ces deux produits ont aussi montré leur efficacité sur les poux adultes. Ils peuvent donc être utilisés tous les deux comme traitement d'attaque d'une infestation par des poux. Une autre étude a porté sur l'utilit de l'huile essentielle de lavande officinale, ainsi que l'huile essentielle de thym, pour lutter contre un insecte ravageur : Myzus persicae (31). Il est plus communément appelé puceron vert du pêcher, et véhicule de nombreux virus. Dans l'essai suivant, les deux huiles essentielles ont été utilisées en synergie avec deux insecticides ayant prouvé leur efficacité contre l'insecte. Pour la lavande, le principal constituant étudié est ici le linalol. 35 L'étude montre une efficacité certaine de ces deux huiles essentielles, mais elle reste limitée. En effet, l'huile essentielle de lavande officinale ne pourrait pas être utilisée seule en traitement insecticide, mais a démontré une forte utilité en synergie avec des insecticides industriels. Cela peut être utile au vu des résistances que certains insectes développent face aux insecticides communs. Il est aussi à noter que certaines huiles essentielles peuvent avoir une action antagoniste sur les insecticides, comme montré dans cette étude avec le spirotétramat par exemple.
II.2.3 --‐ Pouvoir antibactérien
Comme la grande majorité des huiles essentielles, la lavande officinale détient des propriétés antibactériennes.
II.2.3.1 --‐ Activité sur Escherichia coli
Dans une première publication, YAP et Coll. ont voulu démontrer l'efficacité antibactérienne de l'huile essentielle de lavande officinale, en synergie avec un antibiotique, sur une souche multi résistante : Escherichia coli (32). Cette bactérie fait partie de notre flore intestinale, mais peut induire des pathologies (gastro--‐entérites, infections urinaires, etc.) La souche Escherichia coli était ici résistante à la pipéracilline. Après exposition à l'huile essentielle de lavande officinale, les bactéries ont été décimées. L'huile essentielle a agi en altérant les membranes externes des bactéries, et par le biais du quorum sensing des bactéries. Le quorum sensing ou détection du quorum est la capacité de bactéries à communiquer avec leurs congénères via des signaux moléculaires. L'étude a donc permis de comprendre le mécanisme d'action antibactérien de l'huile essentielle de lavande officinale, qui comprend une altération de la membrane externe des bactéries, ainsi qu'une inhibition de leur détection du quorum.
II.2.3.2 --‐ Activité sur Acinetobacter sp.
Un second essai a porté sur une autre bactérie, Acinetobacter sp., responsable de maladies nosocomiales (33). Elle pose de nombreux problèmes en milieu hospitalier du fait de sa résistance à certains antibiotiques, son aptitude de production d'un biofilm et sa capacité de survie sur une surface neutre. officinale a été testée en comparaison avec l'huile essentielle de cannelier et l'huile essentielle de géranium. Elle s'avère moins efficace que les deux autres huiles essentielles étudiées, mais cette étude permet de montrer que les huiles essentielles pourraient être utilisées en milieu hospitalier pour la désinfection et l'hygiène.
II.2.3.3 --‐ Activité sur plusieurs souches
Dans une autre optique, l'étude suivante a pour objectif d'observer l'action antibactérienne de la lavande officinale dans des gels hydratants pour le corps (34). En effet, le public est de plus en plus attentif à la composition des cosmétiques, et surtout aux conservateurs utilisés. Ici, les bactéries testées sont Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Candida sp. et Aspergillus niger. Les résultats montrent que la lavande pourrait être utilisée pour remplacer les phases aqueuses, ce qui maintiendrait un équilibre microbiologique dans la formulation du cosmétique. Dans cette étude, la partie de la lavande utilisée est le « reste » de la fabrication de l'huile essentielle, soit l'hydrosol. Il en résulte un double bénéfice : diminuer les déchets des suites de la fabrication de l'huile essentielle et remplacer les conservateurs nocifs des cosmétiques par ce produit.
II.2.3.4 --‐ Activité sur Staphylococcus aureus
Cette étude analyse le mode d'action antibactérien et anti--‐inflammatoire de l'huile essentielle de lavande officinale (35). En effet, plusieurs études démontrent ces propriétés mais les chercheurs ont voulu observer sa réponse par rapport à une bactérie particulière : Staphylococcus aureus. Staphylococcus aureus est une bactérie présente naturellement chez l'homme mais qui, dans certaines circonstances, peut devenir pathogène. Elle est responsable de maladies nosocomiales et de pathologies dermatologiques. Du fait de sa grande résistance à certains antibiotiques, son traitement est d'autant plus difficile. L'essai a prouvé une action antibactérienne et anti--‐inflammatoire par la stimulation de la réponse des macrophages. Plus précisément, l'huile essentielle de lavande officinale augmente le taux de phagocytes, et stimule le confinement de la réplication bactérienne intracellulaire par les macrophages. Elle permet aussi une répression des cytokines pro--‐ inflammatoires et leurs récepteurs. Le résultat est intéressant, car permettrait de mettre en place des traitements (conjoints à des antibiotiques) contre Staphylococcus aureus. 37
II.2.3.5 --‐ Etude sur une otite externe
Dans cet essai, l'huile essentielle de lavande officinale est associée à deux autres huiles essentielles : le giroflier et le géranium (36). Les effets de ce mélange d'huiles essentielles sont comparés à ceux de la ciprofloxacine (antibiotique de la famille des fluoroquinolones). Soixante- ‐dix patients sont divisés en deux groupes : le groupe « contrôle » reçoit des gouttes de ciprofloxacine tandis que le groupe « essai » bénéficie des gouttes du mélange d'huiles essentielles. Les gouttes sont appliquées deux fois par jour, pendant une semaine. Les résultats sont étudiés par rapport à l'évaluation de la douleur avec l'EVA et l'observation de l'évolution des symptômes de l'otite externe (gonflement, oedème, démangeaisons). Il n'y a pas de différence significative entre les résultats des deux groupes, ce qui montre que le mélange d'huiles essentielles est aussi efficace que l'antibiotique dans le traitement d'une otite externe. Cependant l'huile essentielle de lavande officinale ne peut être administrée qu'à des enfants de plus de 36 mois, à cause du camphre qu'elle contient (37). II.2.4 --‐ Pouvoirs antalgique et anti--‐inflammatoire II.2.4.1 --‐ Composants impliqués
D'après cette publication, l'huile essentielle de lavande officinale tire ses propriétés analgésique et anti--‐inflammatoire de deux de ses composants : le linalol et l'acétate de linalyle (38). Ces deux composants ont été testés à l'aide d'un inducteur d'un oedème sur des rats : la carragénine. Après administration systémique, une diminution de l'oedème a pu être observée chez les rats. Le linalol donne des effets plus retardés et prolongés.
II.2.4.2 --‐ Comparaison avec des molécules sur le marché
Une autre équipe de chercheurs a évalué l'activité anti--‐inflammatoire et antalgique de l'huile essentielle de lavande officinale (39). Ici, l'activité anti--‐ inflammatoire a été testée avec la carragénine et de l'huile de croton (inductrice d'oedème auriculaire chez le rat). L'activité antalgique a été évaluée à l'aide d'un modèle de douleur induit par du formaldéhyde. L'activité anti--‐inflammatoire a été comparée avec celle de la dexaméthasone. Dans le modèle avec la carragénine, l'anti--‐inflammatoire demeure plus efficace, alors que dans le modèle d'oedème auriculaire, les deux produits ont une action similaire sur l'oedème. 38 Pour ce qui est de l'activité antalgique, la molécule de contrôle était alors le tramadol. L'huile essentielle de lavande officinale a démontré un effet similaire au tramadol. Cette étude montre l'intérêt d'utilisation de l'huile essentielle de lavande officinale dans l'antalgie et l'inflammation. Elle pourrait être utilisée en complément des antalgiques la prise en charge de la douleur, pour diminuer la prise de ces médicaments.
II.2.4.3 --‐ Utilisation en association avec des spécialités
Deux études ont évalué l'utilisation d'antalgiques et anti--‐inflammatoires en parallèle de l'huile essentielle de lavande officinale. La première étude est réalisée sur des patients souffrant de coliques néphrétiques (40). Elles induisent des douleurs très fortes, souvent résistantes aux antalgiques classiques. Ici, les chercheurs ont couplé l'utilisation du diclofénac (anti--‐ inflammatoire) et de l'huile essentielle de lavande officinale. Sur cent patients diagnostiqués avec des coliques néphrétiques, cinquante ont bénéficié d'une prise en charge standard avec du diclofénac tandis que les cinquante autres ont eu le diclofénac et l'huile essentielle de lavande officinale. Les mesures ont été effectuées avec l'échelle de visualisation analogique (EVA) de douleur (pas de douleur, douleur modérée, ou douleur intense). Au bout de dix et trente minutes, l'EVA est nettement diminuée dans les deux groupes, plus fortement dans le groupe qui utilise la lavande officinale. Précisément l'EVA est plus diminuée chez les femmes que chez les hommes. Dans tous les cas, l'huile essentielle de lavande officinale peut servir d'auxiliaire à la prise en charge de la douleur aigüe, en parallèle avec une prise d'anti--‐inflammatoire dans le cas des coliques néphrétiques (très douloureuses). La seconde étude a été réalisée sur des patients pédiatriques en post--‐opératoire d'amygdalectomie (41). L'objet de cet essai était d'évaluer l'effet antalgique de l'huile essentielle de lavande officinale en inhalation. Les quarante--‐huit patients, âgés de six à douze ans, ont été divisés en deux groupes : --‐ Le groupe test, qui recevait un antalgique : l'acétaminophène et des inhalations d'huile essentielle de lavande officinale --‐ Le groupe contrôle, qui recevait seulement l'antalgique. Dans cet essai, SOLTANI et Coll. voulaient vérifier que l'utilisation d'huile essentielle de lavande officinale permettrait une réduction de l'administration de l'antalgique. Les résultats montrent une diminution significative de l'utilisation de l'acétaminophène chez les patients du groupe test. Mais l'utilisation de la lavande officinale n'a pas permis une réduction significative de la douleur par rapport au groupe contrôle. 39 Ces deux essais démontrent l'intérêt de l'utilisation de la lavande dans la prise en charge de la douleur. En effet, elle permet une diminution de l'utilisation de médicaments standard (antalgiques ou anti--‐inflammatoires), ou bien potentialise les effets de ces médicaments pour agir en synergie avec eux.
II.2.4.4 --‐ Utilisation chez des hémodialysés
Dans la prochaine étude, l'huile essentielle de lavande a été utilisée pour réduire la douleur de l'insertion des aiguilles chez les patients hémodialysés (42). Il est souvent mis en place une fistule artérioveineuse, qui permet un accès simplifié au système sanguin (intervention chirurgicale) pour faciliter les hémodialyses. Les trente--‐quatre patients de cette étude sont tous porteurs d'une fistule artério--‐veineuse. Trois groupes ont été créés : --‐ Le groupe test reçoit une application topique d'huile essentielle de lavande officinale, --‐ Le second groupe ne reçoit aucun produit, --‐ Le troisième groupe bénéficie d'une application d'un placebo. Ici, la douleur est mesurée à l'aide de l'échelle de notation numérique (zéro pour pas de douleur, dix pour une douleur intense). Les résultats montrent une diminution conséquente de l'intensité de la douleur dans le premier groupe. Cette étude permet de démontrer une fois de plus l'utilité de l'huile essentielle de lavande officinale en milieu hospitalier. II.2.4.5 --‐ Utilisation sur des douleurs chroniques
Ici, l'étude porte sur des patients atteints de douleurs au niveau du cou (43). Les douleurs cervicales sont très communes, parfois même handicapantes. Soixante patients atteints de douleurs cervicales sont inclus dans cette étude. Deux groupes sont formés : un groupe témoin et un groupe expérimental. On distribue au groupe expérimental une crème à base de quatre huiles essentielles (lavande, menthe poivrée, poivre noir et marjolaine). Le groupe test devait appliquer la crème pendant quatre semaines, quotidiennement. Les résultats sont mesurés à l'aide de l'EVA, le Neck Disability Index (NDI), par seuil de douleur à la pression et par analyse des mouvements. Le NDI est un questionnaire permettant d'évaluer l'impact des douleurs cervicales dans la vie de tous les jours (44). Les scores de l'EVA sont significativement diminués. La douleur à la pression est aussi améliorée, le NDI montre des résultats positifs et les mouvements sont facilités dans le groupe expérimental. Les résultats de cette étude sont encourageants vis à vis des douleurs cervicales résistantes. Le mélange d'huiles essentielles s'avère ainsi efficace pour améliorer le quotidien des personnes souffrant de ce mal. 40
II.2.4.6 --‐ Utilisation contre les migraines
Les migraines touchent environ 10% de la population. Si leur intensité peut varier, certains épisodes s'avèrent très handicapants, dans la vie personnelle ou professionnelle. En effet, dans certains cas, la prise de médicaments n'est pas résolutive et la personne peut se voir obligée de s'isoler dans le noir, sans aucun bruit pour que la migraine régresse. C'est dans l'optique de traiter la migraine que l'étude suivante été réalisée (45). Ici, la lavande officinale est utilisée en inhalation. Quarante--‐sept patients diagnostiqués atteints de migraines sont divisés en deux groupes (test et contrôle). Le groupe test inhale de l'huile essentielle de lavande officinale pendant quinze minutes alors que le groupe contrôle effectue son inhalation avec de la paraffine liquide. L'efficacité de l'expérience est alors mesurée avec l'EVA, qui montre une réduction significative de la douleur associée à la migraine. L'huile essentielle de lavande officinale s'avère donc efficace pour aider au traitement des migraines.
II.2.4.7 --‐ Etude sur des aphtes récurrents
Une étude très complète a été réalisée sur l'action de l'huile essentielle de lavande officinale contre des aphtes (46). Dans un premier temps, l'huile essentielle a été testée chez des lapins ayant des aphtes induits artificiellement. Ensuite, le rapport bénéfice risque a été analysé chez des souris. Dans un troisième temps, l'huile essentielle de lavande officinale a été testée pour ses effets antibactériens. Pour cela, des échantillons de salive de personnes atteintes d'aphtes récurrents ont été utilisés. Enfin, une étude clinique a été réalisée sur cent quinze patients. Les résultats pour chaque population sont les suivants : --‐ Les lapins traités avec l'huile essentielle de lavande officinale montrent une réduction significative de la taille de l'ulcère, et une accélération de la cicatrisation en comparaison avec le groupe contrôle, --‐ Les souris ne montrent pas de signes d'irritations aux doses maximales testées, --‐ L'huile essentielle de lavande officinale s'avère efficace sur tous les échantillons analysés, --‐ Les patients traités avec l'huile essentielle montrent une réduction significative de l'inflammation, une réduction de la taille de l'ulcère et une accélération du temps de cicatrisation, ainsi qu'une douleur parasitée quasiment dès la première application. 41 Grâce à cet essai très global, l'huile essentielle prouve ses effets antibactériens et ses propriétés anti--‐inflammatoires sur une large population.
II.2.4.8 --‐ Etude sur la dermatite atopique
La dermatite atopique est une pathologie cutanée évoluant en épisodes. En effet, la personne peut avoir des crises très rapprochées et utiliser des corticoïdes régulièrement. A l'inverse, elle peut avoir mis en place une routine de soin efficace, diminuant l'apparition des crises. Dans tous les cas, l'utilisation de produits d'hygiène adaptés n'est pas en option. Dans cet essai, GIOVANNINI et Coll. ont voulu évaluer les effets l'huile essentielle de lavande officinale sur une dermatite atopique induite chez la souris (47). Ici, l'étude divisait la population en trois groupes : --‐ Le groupe un était traité avec de l'huile essentielle de lavande officinale, --‐ Le groupe deux recevait un traitement avec de l'huile essentielle de thym, --‐ Le groupe trois avait un mélange des deux huiles essentielles. Le troisième groupe arrive à des résultats plus notables en réduisant les symptômes de la dermatite atopique. Pour avoir une efficacité optimale, le traitement doit être fait pendant au moins vingt et un jours.
II.2.4.9 --‐ Essais sur un modèle de l'asthme
Ici, ce sont les propriétés anti--‐inflammatoires de l'huile essentielle de lavande officinale qui sont mises en jeu (48). L'asthme se caractérise par une inflammation plus ou moins importante des bronches et des bronchioles. Le caractère anti--‐inflammatoire de la lavande a été testé sur des souris. Les chercheurs ont induit une réaction allergique inflammatoire chez les animaux, avec une injection d'ovalbumine pendant deux semaines. Les souris du groupe expérimental inhalaient de l'huile essentielle de lavande officinale pendant deux semaines après les injections du produit. Les résultats montrent que l'huile essentielle de lavande officinale inhibe la réaction inflammatoire allergique et l'hyperplasie des cellules muqueuses. Elle pourrait donc être utilisée comme alternative dans le traitement de l'asthme.
II.2.4.10 --‐ Etudes sur les dysménorrhées primaires
Les symptômes relatifs aux dysménorrhées primaires touchent un grand nombre de femmes, et se révèlent parfois handicapants dans la vie quotidienne. Ainsi, plusieurs 42 études ont évalué l'utilité de l'huile essentielle de lavande officinale dans la prise en charge de ces symptômes. Une première étude a été réalisée chez des étudiantes infirmières et sages--‐ femmes souffrant de dysménorrhées primaires (49) : quatre--‐vingts patientes sont recrutées, leur niveau de douleur est analysé avec l'EVA avant l'intervention. L'huile essentielle est alors appliquée en massages pendant deux cycles. Une diminution significative de l'intensité de la douleur est alors observée chez les étudiantes du groupe test, contrairement aux étudiantes traitées avec un placebo. Une seconde étude évalue l'utilisation de l'huile essentielle de lavande officinale en inhalation chez quatre--‐vingt--‐seize femmes souffrant de dysménorrhée primaire (50). Ici, l'essai a été réalisé sur quatre cycles, avec une échelle spécifique de mesure. Le groupe contrôle inhalait seulement de l'huile végétale de sésame tandis que le groupe test utilisait de l'huile elle de lavande officinale. Les symptômes de la dysménorrhée primaire étaient significativement réduits dans le groupe test par rapport au groupe contrôle. La quantité des saignements menstruels n'était pas différente entre les deux groupes. Ces deux études permettent d'argumenter sur une autre propriété connue de l'huile essentielle de lavande officinale : son pouvoir antispasmodique.
II.2.5 --‐ Pouvoir antispasmodique
Les propriétés antispasmodiques de la lavande officinale sont presque aussi connues que ses propriétés relaxantes. Dans l'étude suivante, LIS--‐BALCHIN et Coll. ont analysé le mode d'action de la lavande officinale sur l'iléon de cochon d'inde et l'utérus de rat (51). L'huile essentielle montre alors une activité spasmolytique in vitro. Son mécanisme d'action implique l'AMPc (intermédiaire dans l'action des hormones ou neurotransmetteurs, c'est un inducteur de contraction au niveau des muscles squelettiques). Le linalol apparaît être responsable de cette propriété. Une autre étude a porté sur l'action de l'huile essentielle de lavande officinale sur les coliques du nourrisson (52). Quarante enfants âgés de deux à six semaines constituent l'échantillon. L'huile essentielle est ici utilisée en massage abdominal. Les mesures sont analysées par rapport aux pleurs des nourrissons dans la semaine. Après un massage abdominal avec la lavande, les symptômes des coliques ont été nettement diminués chez le groupe expérimental par rapport au groupe contrôle.
43 II.2.6 --‐ Pouvoir cicatrisant
Deux études ont porté sur l'utilisation de l'huile essentielle de lavande officinale en post--‐épisiotomie. La première étude a analysé l'effet de la lavande chez les femmes primipares en post--‐épisiotomie (53). Après avoir divisé en deux groupes les soixante personnes (un groupe essai avec utilisation de l'huile essentielle de lavande officinale et un autre groupe contrôle avec application du protocole habituel de l'hôpital), SHEIKHAN et Coll. ont mesuré l'efficacité du traitement par l'EVA et une autre échelle particulière à l'épisiotomie (Redness, Edema, Ecchymosis, Discharge Scale, REEDA). L'huile essentielle de lavande officinale s'avère être tout aussi efficace que le traitement de référence (povidone), et pourrait remplacer celui--‐ci. En effet, les rougeurs, oedèmes et ecchymoses sont nettement inférieurs dans le groupe essai. La seconde étude en arrive à la même conclusion, les rougeurs étant largement diminuées avec l'utilisation de l'huile essentielle de lavande officinale (54). Ces deux articles prouvent l'efficacité postopératoire de la lavande officinale sur les épisiotomies, et placent celle ci en tête devant l'utilisation de la povidone.
II.2.7 --‐ Pouvoir anti stress
Le stress est souvent à l'origine d'anxiété, d'insomnie, voire de dépression de maladies psychosomatiques. Il est donc important de trouver des solutions pour le gérer en amont, afin d'éviter tous les désagréments qu'il peut générer.
II.2.7.1 --‐ Etude sur des infirmières
L'huile essentielle de lavande officinale a ici été testée sur des infirmières dont le stress au travail est quasi permanent (55). De ce fait, il leur fallait une méthode d'utilisation simple et rapide. Les chercheurs concernés ont séparé le groupe de cent--‐dix infirmières en deux : le groupe expérimental avait une petite bouteille contenant 3% d'huile essentielle épinglée à leur blouse. Le groupe contrôle avait une bouteille épinglée ne contenant pas d'huile essentielle. Après trois ou quatre jours d'utilisation, les symptômes liés au stress ont considérablement diminué chez le groupe expérimental, alors qu'ils ont augmenté chez le groupe contrôle. En complément de l'utilisation de lavande officinale en pharmacie de ville, il pourrait être judicieux d'informer le personnel soignant des hôpitaux sur ses propriétés, 44 car, pour un moindre coût, l'huile essentielle de lavande officinale permet de traiter un grand nombre de maux rencontrés en clinique.
II.2.7.2 --‐ Etudes sur des patients cardiaques en post opératoire
Une autre étude a été réalisée sur des patients ayant subi une chirurgie pour la pose d'un bypass (56). L'essai a été réalisé sur soixante participants, divisés en deux groupes. Le groupe test inhalait de l'huile essentielle de lavande officinale pendant vingt minutes tandis que le groupe contrôle inhalait seulement de l'eau distillée. La première mesure a été effectuée à l'aide du DASS 21, questionnaire composé de vingt--‐ et--‐une questions pour évaluer la dépression, le stress et l'anxiété (57). C'est une version courte du DASS original, qui se compose de quarante--‐deux items. Ce questionnaire a été distribué aux patients avant et après l'utilisation de l'aromathérapie. L'autre observation impliquait les signes vitaux : rythme cardiaque, fréquence respiratoire, et tension artérielle (systolique et diastolique), mesurés avant et après l'étude. Les résultats ne montrent pas une différence significative entre le groupe test et le groupe de contrôle. Dans ce cas, l'huile essentielle de lavande officinale n'est pas efficace sur le stress, elle a seulement agi sur la pression systolique. L'huile essentielle de lavande officinale est donc efficace sur le stress de faible intensité, et paraît atteindre ses limites pour combattre un stress plus puissant.
II.2.8 --‐ Pouvoir antidépresseur
La dépression touche un nombre important de personnes dans le monde. Episode réactionnel suite à un choc, ou bien ancré plus profondément dans la personnalité, elle peut mener à des idées suicidaires avec des passages à l'acte. De ce fait, le traitement de cette pathologie n'est pas négligeable. Il est à noter l'importance d'une prise en charge efficace, et la plus rapide possible, car les antidépresseurs ayant un délai d'action de deux à trois semaines, une psychothérapie associée reste indispensable. Une surveillance du traitement médicamenteux est ainsi primordiale. C'est dans cette optique que les études suivantes ont été réalisées, l'aromathérapie associée aux spécialités allopathiques ayant démontré son efficacité.
II.2.8.1 --‐ Etude en association avec du citalopram
Dans l'essai suivant, les patients ont été sélectionnés grâce à des entretiens ainsi que le questionnaire d'Hamilton pour la dépression (58)(59). L'échelle d'Hamilton pour la dépression est composée de vingt--‐et--‐une questions à choix variés. Selon les réponses 45 choisies, un score est calculé. Plus le score est haut, plus la dépression est sévère. C'est le test le plus employé en hôpital psychiatrique par les soignants. Sur les quatre--‐vingts patients sélectionnés, deux groupes ont été formés : le premier groupe contrôle prenait seulement du citalopram (antidépresseur par inhibition sélective de la recapture de la sérotonine), alors que le groupe test avait deux tasses d'infusion de lavande officinale séchée et du citalopram. L'essai s'est déroulé sur huit semaines, avec un suivi à la quatrième et huitième semaine en utilisant le questionnaire d'Hamilton. Les résultats de cette étude montrent une diminution significative de l'état dépressif dans le groupe test. La lavande officinale pourrait donc être utilisée en association avec les antidépresseurs. Lors d'épisodes dépressifs mineurs, elle pourrait même être utilisée seule.
II.2.8.2 --‐ Etude sur la femme en post--‐partum
Une seconde étude a porté sur les effets de l'aromathérapie chez la femme en post--‐partum (60). Le post--‐partum est une période à risque de complications, liées aux bouleversements de tous les repères d'une femme, et qui mérite pour ces raisons un suivi et une attention particulière. Deux difficultés peuvent apparaître : --‐ Le baby blues, qui touche près de 50% des femmes après l'accouchement. Celui ci disparaît instantanément, --‐ La dépression post--‐partum, plus pathologique, apparaît quatre à huit semaines après l'accouchement. Elle survient lorsqu'une usure psychologique ou des événements stressants (ici l enfantement) se rajoutent à une vulnérabilité préexistante. Cette fragilité peut être liée à des facteurs génétiques, biologiques, psychologiques et sociaux. Dans le cas de cette étude, les femmes recrutées étaient à haut risque de développer une dépression post--‐partum. L'essai portait sur vingt femmes, le traitement consistait à faire deux inhalations d'huile essentielle de lavande officinale par semaine, pendant quinze minutes, sur quatre semaines consécutives. Il faut préciser que les traitements allopathiques ne devaient pas être arrêtés pendant l'essai. Les mesures ont été effectuées avec le Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) et le Generalized Anxiety Disorder Scale (GAD--‐7). L'EDPS est composé de dix questions avec une auto échelle d'évaluation (61). Le GAD--‐7 se compose de sept items, chaque réponse comptant pour un certain nombre de points (62). Les résultats de l'étude montrent une amélioration dans les deux questionnaires, sans effets indésirables notables. L'huile essentielle de lavande officinale, associée aux traitements médicamenteux habituels, permet un traitement encore plus efficace des épisodes dépressifs, qu'ils soient mineurs ou majeurs.
II.2.9 --‐ Pouvoir sédatif
En France, une personne sur trois souffre de troubles du sommeil. Ces perturbations peuvent être occasionnées par du stress, de l'anxiété, une dépression, ou bien une mauvaise hygiène de vie. Un cercle sans fin se crée alors, car le manque de sommeil agit encore plus négativement sur la journée, journée qui aboutira sûrement à une difficulté d'endormissement, des réveils nocturnes, ou même des insomnies. Beaucoup de laboratoires pharmaceutiques s'y sont intéressés, avec à l'arrivée des spécialités avec plus ou moins d'effets indésirables. Les patients ont une demande pour des produits plus naturels et à moindre coût. L'huile essentielle de lavande officinale est donc sans pareil dans cette catégorie.
II.2.9.1 --‐ Essai sur des souris
La première étude a été réalisée sur des souris (63). Après avoir injecté de la caféine aux souris, une hyperactivité a été constatée (en observant la motilité des animaux). L'activité motrice revenait ensuite à la normale après inhalation d'huile essentielle de lavande officinale. L'aide à l'endormissement est donc démontrée.
II.2.9.2 --‐ Etude sur des femmes en post--‐partum
La seconde étude a été réalisée sur des femmes en période post--‐partum (64). Comme expliqué précédemment, cette étape de la vie est un bouleversement psychologique et physiologique. Les troubles du sommeil sont alors très fréquents, et induisent des diminutions de la concentration, ainsi que des difficultés à effectuer des tâches habituelles. Cet essai porte sur cent cinquante- huit femmes, divisées en deux groupes : --‐ Le groupe test déposait quatre gouttes d'huile essentielle de lavande officinale sur une boule de coton, placée dans un récipient. Il leur était demandé d'inhaler dix fois avec une grande inspiration, et de mettre ensuite le contenant derrière leur oreiller, --‐ Le groupe contrôle avait reçu les mêmes instructions, mais inhalait seulement de l'huile végétale de sésame. Cette procédure était renouvelée quatre fois par semaine, pendant huit semaines. 47 L'efficacité du traitement était alors mesurée par l'Index de Qualité du Sommeil de Pittsburgh (IQSP). C'est un questionnaire portant sur les habitudes de sommeil sur le dernier mois écoulé (Annexe 1) (65). Au vu des réponses à chaque question, il est attribué un score allant de zéro à vingt et un, zéro pour aucun problème de sommeil, vingt et un pour des difficultés majeures. Après huit semaines d'utilisation de l'huile essentielle de lavande officinale, la qualité du sommeil était nettement améliorée chez les femmes du groupe test. L'aromathérapie est alors suggérée comme une méthode non pharmacologique pour améliorer la santé des femmes en post--‐partum.
II.2.9.3 --‐ Essai chez les étudiants
Une autre étude s'est centrée sur les troubles du sommeil chez les étudiants (66). Selon une enquête réalisée en 2009 par la MGEL (sécurité sociale étudiante) et l'USEM (Union Nationale des Sociétés Etudiantes), environ 35% des étudiants déclarent mal ou très mal dormir (67). Le sommeil impactant directement sur la réussite des études, une bonne prise en charge des troubles du sommeil est primordiale. Ici, soixante--‐dix--‐neuf étudiants avec des troubles du sommeil (auto diagnostiqués) ont été inclus dans l'étude. Un groupe portait un patch d'inhalation imprégné d'huile essentielle de lavande officinale sur leur poitrine, et adoptait des bonnes mesures d'hygiène du sommeil, tandis que l'autre groupe suivait seulement des mesures correctes d'hygiène du sommeil. Les résultats ont été mesurés à l'aide de l'IQSP et du Patient--‐Reported Outcomes Measurement Information System (PROMIS). Le PROMIS est un outil qui permet de normaliser les mesures rapportées par les patients (68). Le bilan montre un temps de sommeil similaire dans les deux groupes avec une meilleure qualité de sommeil pour le groupe portant le patch. En conclusion, une meilleure hygiène de sommeil associée à l'utilisation d'huile essentielle de lavande officinale améliore la quantité et la qualité du sommeil. Au vu des dénouements de ces études, la lavande officinale offre une alternative thérapeutique pour les personnes souffrant troubles du sommeil. Une hygiène de sommeil adaptée permet aussi de pallier à ces troubles (se coucher à heures régulières, éviter les repas trop lourds en fin de soirée, etc.) (69). 48
II.2.10 --‐ Pouvoir anxiolytique II.2.10.1 --‐ Mode d'action
D'après deux études, la lavande officinale agit par l'intermédiaire du système sérotoninergique et non GABAergique (70)(71). La sérotonine est le « neurotransmetteur de l'humeur ». En effet, lors de dérèglements dans le système sérotoninergique, il peut apparaître des troubles du sommeil, de l'anxiété, du stress ou de la dépression. C'est ainsi que la lavande officinale agit par l'intermédiaire de ce système, ayant des propriétés anxiolytiques, sédatives, et antistress.
II.2.10.2 --‐ Silexan®
Le Silexan® est une préparation de l'huile essentielle de lavande officinale en gélules.
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Méthodes de contrôle distribué du placement de LSP de secours pour la protection des communications unicast et multicast dans un réseau MPLS
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None
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1.2 MPLS
Pour optimiser l'utilisation des ressources, fournir la protection et orir diérents niveaux de services, le protocole MPLS est de plus en plus adopté par les opérateurs 13 14 MPLS et la protection
Figure 1.1
M
PLS dans
le m
odèle
ISO de télécom, surtout dans le c÷ur du réseau. Ce protocole, qui est déni et normalisé par l'IETF (Internet Engineering Task Force), regroupe un ensemble de spécications améliorant le routage par l'insertion d'étiquettes MPLS dans les entêtes des paquets transmis dans le réseau. En fonction, non pas de l'adresse Réseau de destination (adresse de destination de niveau 3 de la couche ISO) mais de l'étiquette MPLS, les paquets sont aiguillés et transmis aux prochains routeurs permettant d'atteindre la destination. Comme son nom l'indique, MPLS est multi-protocole : il n'est donc restreint à aucune couche de niveau 2 du modèle ISO et il devrait fonctionner sur tous les types de protocole permettant l'acheminement des paquets au niveau 3 de la couche ISO. Souvent, l'étiquette MPLS est placée entre l'entête de niveau 2 et l'entête de niveau 3 de la couche ISO, c'est pourquoi on dit de MPLS qu'il est de niveau 2,5 (cf. gure 1.1).
1.2.1 Acheminement des paquets par commutation d'étiquettes
Contrairement à IP qui utilise l'adresse de destination pour router les paquets saut par saut, MPLS dénit des circuits permettant d'acheminer les paquets sur des mêmes chemins unidirectionnels dits LSP (Label Switched Paths) 1. Chaque LSP interconnecte un n÷ud source à un n÷ud de destination et est formé d'une succession de LSR (Label Switched Routers) permettant aux paquets de suivre le même itinéraire pour atteindre leur destination. Pour déterminer le LSP que doit emprunter un paquet (an d'atteindre sa destination), MPLS utilise des étiquettes. Chaque étiquette identie sur tout LSR un seul LSP 2 et est associée à groupe de paquets (FEC ou Forwarding Equivalence Class ) devant être transmis de manière identique sur le réseau MPLS. 1. Le routage saut par saut existe aussi sous MPLS (cf. section 1.2.5). 2. Lorsque l'allocation d'étiquettes est globale au routeur MPLS, une étiquette MPLS est susante pour identier un LSP. Par contre, lorsque l'allocation d'étiquettes est locale à chaque interface d'un LSR, c'est le couple, étiquette MPLS et interface du LSR, qui identie un LSP.
MPLS 15
Ainsi, à la réception d'un paquet par un routeur frontière d'entrée LER (Label Edge Router) à un domaine MPLS, ce dernier déduit la FEC associée au paquet à partir d'informations contenues dans son entête (comme l'adresse de destination, le numéro de port, etc.) et consulte sa table d'étiquettes LFIB (Label Forwarding Information Base ) pour déduire l'étiquette et l'interface de sortie permettant l'acheminement du paquet. Ensuite, le LER d'entrée ajoute l'étiquette déterminée au paquet (opération push ) avant de l'envoyer sur l'interface de sortie déduite précédemment et permettant d'atteindre le prochain LSR. Une fois que l'étiquette MPLS est insérée dans le paquet envoyé, l'acheminement se fait par commutation d'étiquettes (opération swap ) le long du LSP associé à la FEC. Typiquement, tout LSR recevant le paquet consulte sa table LFIB et déduit l'étiquette et l'interface de sortie à partir de l'étiquette d'entrée resp. à partir de l'étiquette d'entrée et de l'interface d'entrée) lorsque l'allocation d'étiquettes est globale au LSR (resp. lorsque l'allocation d'étiquettes est locale à cette interface). Le paquet est ensuite envoyé sur l'interface de sortie déterminée précédemment en substituant l'étiquette d'entrée par l'étiquette de sortie. Lorsque le paquet arrive au routeur d'extrémité du LSP (ou parfois au routeur aval du routeur d'extrémité du LSP) associé à la FEC, l'étiquette est supprimée (opération pop ). Sur la gure 1.2, Le LER d'entrée A reçoit un paquet destiné à une adresse appartenant au sous-réseau 131.3.0.0/16. En consultant sa table LFIB, le routeur A détermine la FEC associée au sous-réseau 131.3.0.0/16 et déduit ensuite l'étiquette L1 et l'interface de sortie P1 correspondant à la FEC 131.3.0.0/16. Après cette recherche, le routeur A insère l'étiquette L1 dans le paquet reçu (opération push ) et le transmet sur son interface de sortie P1 déterminée précédemment. Le LSR B qui reçoit le paquet consultera à son tour sa table LFIB et substituera l'étiquette L2 à l'étiquette L1 (opération swap ) avant d'envoyer le paquet obtenu sur l'interface P3. A la réception du paquet par le LSR C, ce dernier supprime l'étiquette L2 du paquet (opération pop ) avant de l'envoyer sur
Figure 1.2 Commutation d'étiquettes sous MPLS 16 MPLS et la protection Figure 1.3 Structure d'un entête MPLS élémentaire l'interface P1 permettant d'atteindre un LER de sortie (D ) au domaine MPLS. Pour acheminer le paquet vers le prochain routeur (131.254.0.1) situé en dehors du domaine MPLS, le routeur D utilisera sa table de routage IP.
1.2.2 Structure d'un entête MPLS Pour b
éné
cier
des fonctionnalités rendues par MPLS, paquets transmis dans le réseau doivent contenir au moins un entête de taille xe (32 bits), appelé entête MPLS. Cet entête est composé des champs suivants (gure 1.3) : 1. Etiquette (ou label ) : c'est un identiant utilisé pour aiguiller le paquet sur un routeur MPLS. Elle est codée sur 20 bits. 2. COS (Class Of Service ) : ce champ permet d'inclure des informations sur la classe de service. Il a un rôle similaire au champ TOS (Type Of Service ) de l'entête IP. Il est codé sur 3 bits dont la sémantique exacte reste expérimentale. 3. S (Bottom of Stack ) : ce champ est constitué d'un seul bit et permet d'établir une hiérarchie dans la pile d'étiquettes (plusieurs étiquettes successives). Il n'est positionné que pour l'entête situé au fond de la pile MPLS. Il est surtout utile pour agréger le trac de plusieurs LSP dans un seul tunnel TE-trunk [AMA+ 99] et pour acheminer le trac des VPN (Virtual Private Networks ). 4. TTL (Time To Live) : ce champ permet de limiter l'eet des boucles et sert aussi à mettre à jour le champ TTL du paquet IP lors de sa sortie du domaine MPLS. Il est codé sur 8 bits.
1.2.3 Suppression d'étiquettes MPLS
L'étiquette MPLS n'est utile et signicative qu'à l'intérieur d'un domaine MPLS pour router du trac sur un LSP donné. En conséquence, toute étiquette MPLS doit être supprimée, au plus tard, à l'arrivée au routeur de sortie du LSP correspondant. Selon les capacités du routeur de sortie d'un LSP (et de ses souhaits) et du LSR situé en aval, la suppression d'étiquette MPLS est eectué par le LSR aval au routeur de sortie du LSP ou sur le routeur de sortie du LSP lui-même. Lorsque l'étiquette est supprimée par le LSR en aval du routeur de sortie, l'opération est appelée PHP (Penultimate Hop Popping ). Cette opération est souvent utile pour éviter au routeur de sortie d'eectuer deux recherches dans ses tables de routage. En eet, puisque le but de l'insertion d'une étiquette MPLS dans un paquet est de permettre son acheminement d'un routeur source à un routeur de destination en suivant le LSP MPLS 17 associé à l'étiquette, il résulte que le routeur de sortie n'a besoin d'aucune étiquette pour router le paquet sur le LSP précédent (la destination du LSP est atteinte). En conséquence, le PHP permet d'éviter des recherches supplémentaires dans les tables LFIB et autorise l'établissement de LSP dont les routeurs de sortie ne sont pas MPLS. Lorsque le LSR situé en aval du routeur de sortie n'est pas capable de dépiler l'étiquette ou lorsque le routeur de sortie ne désire pas le PHP, l'étiquette est supprimée par le routeur de sortie du LSP. Comme nous allons le voir plus loin dans cette thèse, la suppression de l'étiquette au routeur de sortie du LSP et non pas à son LSR aval est parfois nécessaire (ex. protection multicast par tunnels point à multipoint).
1.2.4 Distribution d'étiquettes
Pour assurer la distribution d'étiquettes, diérents protocoles (protocoles de distribution d'étiquettes) ont été dénis. Ces derniers sont constitués de l'ensemble des procédures permettant à un LSR d'informer un autre des associations étiquette/FEC qu'il a mis en place (ces associations sont sauvegardées dans les tables LFIB). Les protocoles de distribution d'étiquettes englobent aussi toutes les négociations engagées entre deux routeurs MPLS pour apprendre les capacités MPLS de l'un ou de l'autre. Pour orir plus de exibilité, l'architecture MPLS ne fait aucune hypothèse concernant le protocole de distribution d'étiquettes employé. Plusieurs protocoles ont été normalisés : 1. LDP (Label Distribution Protocol ) [ADF+ 01] : ce protocole englobe les procédures et messages permettant aux LSR d'établir des LSP dans un réseau en se basant sur l'information transmise par la couche Réseau. 2. CR-LDP (Constraint-Based LSP Setup using LDP ) [JAC+ 02] : ce protocole étend LDP pour permettre l'ingénierie du trac. Bien que CR-LDP ait été standardisé par l'IETF, son déploiement est très limité. 3. RSVP-TE (Resource reSerVation Protocol-Trac Engineering) : initialement, RSVP était utilisé comme protocole de signalisation de la qualité de service (QoS) [BZB+ 97].
Figure 1.4 Distribution d'étiquettes avec le mode Unsolicited Downstream 18 MPLS et la protection Figure 1.5 Distribution d'étiquettes avec le mode Downstream-on
-
Demand
Il a été étendu par [ABG+ 01, KL04, FPVA06, LFDC07, FAV08] pour distribuer les étiquettes et permettre l'ingénierie du trac. Deux modes de distribution d'étiquettes sont dénis : Unsolicited Downstream et Downstream-on-Demand.
Unsolicited Downstream
Dans le mode Unsolicited Downstream, les LSR distribuent les associations étiquette/FEC aux autres LSR sans que ces derniers ne les demandent explicitement (gure 1.4). Les étiquettes sont toujours allouées par les LSR avals et transmises aux LSR amonts qui leurs sont voisins. Ce mode est surtout utilisé par les LSR pour congurer une interface permettant d'atteindre une destination nouvellement découverte. Sur la gure 1.4, le LSR C alloue l'étiquette L1 (sur l'interface P1 ) pour permettre à son LSR voisin B d'atteindre le réseau 131.254.0.0/16 qu'il vient de découvrir. Ensuite, il met à jour sa table LFIB en insérant une entrée contenant l'étiquette L1 et la nouvelle adresse de réseau 131.254.0.0/16. Puis, il envoie l'étiquette L1 et l'adresse de réseau 131.254.0.0/16 à son LSR amont B. Lorsque ce dernier reçoit le couple (L1, 131.254.0.0/16), il vérie qu'il ne dispose pas d'entrée correspondant à l'adresse 131.254.0.0/16 avant d'allouer une nouvelle étiquette L2 et une nouvelle entrée dans sa table LFIB composée du quintuple (P5, L2, P2, L1, 131.254.0.0/16) 3. Ensuite, l'étiquette L2 ainsi que l'adresse de réseau 131.254.0.0/16 seront envoyées à tous les LSR en amont du LSR B (diérents 3. En réalité, deux entrées sont insérées dans la table LFIB du LSR B : une première entrée associant au sous-réseau 131.254.0.0/16 une FEC donnée (qui est un pointeur vers une entrée de la LFIB permettant d'acheminer le trac vers le sous-réseau 131.254.0.0/16) et une deuxième entrée associant à la FEC précédente les étiquettes et les interfaces permettant l'aiguillage des paquets destinés au sous-réseau précédent.
MPLS 19
Figure 1.6 LSP hiérarchiques du LSR C et voisins à B
).
Si un LSR reçoit (de la même interface) un couple d'étiquette d'entrée et d'adresse de réseau déjà existants dans sa table LFIB, il n'eectuera aucun traitement particulier (pas d'envoi de message aux LSR en aval). Downstream -on-Demand
Dans le mode Downstream-on-Demand, la distribution d'étiquettes est eectuée par les LSR en aval à la suite de requêtes explicites provenant des LSR en amont. Ce mode est utilisé par un LSR qui veut atteindre une destination donnée (qui n'est pas encore présente dans sa table LFIB). Sur la gure 1.5, le LSR A déclenche la procédure de distribution d'étiquettes an d'atteindre une adresse située dans le réseau 131.254.0.0/16. Pour cela, il détermine son prochain n÷ud en utilisant sa table IP (ou en utilisant un algorithme de calcul de routes diérent) et envoie une requête de demande d'étiquette à son prochain LSR B. Ce dernier eectuera le même traitement que le LSR A et enverra une requête de demande d'étiquette au LSR C. Lorsque le LSR C reçoit la requête, il s'aperçoit qu'il est le LSR de sortie du LSP permettant d'atteindre le réseau 131.254.0.0/16 et alloue alors l'étiquette L1 qu'il transmettra au LSR B dans un message de réponse à la requête de demande d'étiquette reçue. De même, le LSR B allouera l'étiquette L2 qu'il enverra ensuite au 20 MPLS et la protection LSR A en guise de réponse au message de demande d'étiquette reçu précédemment.
1.2.5 Séparation des plans d'usager et de contrôle
Pour fournir plus de exibilité et an de permettre le support de diérents protocoles, l'architecture MPLS sépare le plan usager du plan de contrôle. Au niveau du plan usager, les données sont acheminées en utilisant les mêmes techniques d'aiguillage basées sur le paradigme de la commutation d'étiquettes. C'est grâce au niveau du plan de contrôle que le trac est séparé en plusieurs ux de classes de service diérentes. C'est ce niveau aussi qui permet de spécier les routes et le protocole de niveau 3 à utiliser 4. 1.2.6 Hiérarchie MPLS
Grâce à l'empilement des étiquettes, MPLS permet d'établir des LSP de diérents niveaux. Chaque LSP de niveau p est déni comme une séquence de LSR commençant par un LSR (LSR de tête du LSP) insérant une étiquette de niveau p et se terminant par un LSR (routeur de sortie du LSP) qui achemine le paquet sur la base d'une pile de profondeur strictement inférieure à p. Cette hiérarchie de niveaux MPLS à deux avantages principaux : (1) l'agrégation du trac de plusieurs ux et (2) la garantie d'un routage de bout en bout transparent à chaque niveau. Sur la gure 1.6, deux réseaux privés (VPN 1 et VPN 2) localisés chacun sur deux sites diérents sont représentés. An de permettre le passage à l'échelle et pour des raisons de sécurité, les LER (LSR 1 et LSR 3 ) du réseau de transit (LSR 1 -LSR 2 LSR 3 ) ne distribuent aux LER des réseaux VPN 1 et VPN 2 que des informations de routage relatives à leurs réseaux privés. En conséquence, pour établir un LSP du LSR E (resp. LSR c ) vers le LSR B (resp. LSR a ), le LSR E (resp. LSR c ) ne se servira que des informations de routage concernant son réseau VPN (i. e. étiquette de premier niveau dans la pile MPLS) : le passage par le routeur LSR 2 du c÷ur du réseau est complètement transparent aux routeurs LSR E et LSR c. Ainsi, pour permettre au LSR E (resp. LSR c ) d'atteindre le LSR B (resp. LSR a ), le LSR 3 lui transmet l'étiquette L1 (resp. L2 ). Pour ne pas encombrer le LSR 2 qui est interne au c÷ur du réseau de transit (LSR 1 LSR 2 -LSR 3 ), le LSR 3 établit un tunnel identié par l'étiquette L5 entre lui et le LSR 1. De cette manière, tous les paquets reçus par le LSR 3 et provenant du LSR E avec l'étiquette L1 ou du du LSR c avec l'étiquette L2 seront acheminés sur le tunnel ou le LSP de deuxième niveau (LSR 3 -LSR 2 -LSR 1 ). Bien évidemment, la gestion et la maintenance des LSP sont simpliées sur le routeur LSR 2 puisque tout se passe, pour lui, comme s'il n'était traversé que par un seul LSP (un seul ux). Notons que l'établissement de tunnels a des incidences sur l'allocation et la distribution des étiquettes. Concrètement, sur la gure 1.6, les routeurs LSR 1 et LSR 3 4. Par exemple, pour permettre au routeur de sortie d'un domaine MPLS de déterminer le protocole à utiliser en dehors du domaine, RSVP-TE inclut dans les messages d'établissement d'un LSP un objet (LABEL_REQUEST) spéciant le protocole de niveau 3. MPLS 21 sont adjacents sur le LSP de premier niveau (i.e. le LSR 1 et le successeur immédiat du LSR 3 dans les deux LSP de niveau 1). En conséquence, c'est le LSR 1 qui alloue l'étiquette L1 transmise par le LSR 3 au LSR E (resp. au LSR c ) pour atteindre le LSR B (resp. le LSR a ). Comme nous allons le voir dans la section 1.4.4.4, la hiérarchie MPLS est utilisée par la protection par tunnel de secours, qui agrège plusieurs LSP dans un même tunnel, pour réduire le trac de contrôle et diminuer le nombre d'étiquettes allouées dans le réseau 1.2.7 Choix des routes
An de choisir le LSP que doivent suivre les paquets associés à une FEC donnée, MPLS ore deux options [RVC01] : (1) routage saut par saut et (2) routage explicite. Avec le premier type de routage, la route est construite saut par saut, chaque n÷ud du LSP est responsable et libre de choisir son prochain saut dans le LSP. Ce type de routage est le mode usuellement adopté par les réseaux IP existants. Avec le second type de routage, le passage d'un LSP par certains LSR est imposé et est dicté par un (ou plusieurs) LSR du LSP ou par l'administrateur du réseau. Souvent, c'est le routeur de tête (i.e. le routeur source du LSP) ou le routeur de sortie d'un LSP (i.e. le routeur de destination du LSP) qui détermine et choisit certains (ou tous) LSR du LSP. Selon que c'est l'ensemble des LSR qui forment un LSP qui est spécié ou pas, nous distinguons deux types de LSP routés explicitement : les LSP stricts (strict LSPs ) et les LSP libres (loose LSPs ). Dans un LSP strict, la séquence des LSR le formant est xée et est choisie statiquement par conguration ou dynamiquement à chaque LSR. Dans un LSP libre par contre, l'ensemble des LSR spéciés et devant être traversés par le LSP ne permet pas de dénir entièrement le LSP (i.e. certains LSR du LSP sont libres de choisir leur prochain saut). Bien évidemment, la simplicité et l'ecacité du routage explicite sous MPLS a été un facteur déterminant dans le déploiement des fonctionnalités d'ingénierie de trac, de diérenciation de service et de protection. Sous IP, le routage explicite est très coûteux. Il peut être implanté de deux façons : par encapsulation (surcoût très élevé) ou en utilisant l'option source routing. Avec cette dernière, le routeur source énumère les adresses IP de tous les routeurs intermédiaires de la route explicite et les insèrent dans l'entête de chaque paquet de données transmis. Sous MPLS, la spécication des routeurs intermédiaires d'un LSP n'est eectué que lors de la conguration de ce LSP. Pour faire correspondre un paquet de données à sa route explicite, MPLS ne se sert que de l'étiquette MPLS transmise dans le paquet envoyé et renseignée lors de la conguration de la route.
1.2.8 Gestion de la QoS et de l'ingénierie du trac
La gestion de la QoS et de l'ingénierie du trac est réalisée sous MPLS grâce au plan de contrôle qui fournit une granularité susante pour la partition du trac (FEC) et 22 MPLS et la protection ore des moyens permettant d'associer à chaque partition du trac un LSP établi avec ou sans réservation de ressource et non contraint par le protocole de routage employé (grâce au routage explicite). Ainsi, l'ingénieur réseau peut optimiser son réseau en répartissant le trac en plusieurs classes. chaque classe assure une certaine QoS en utilisant un LSP qui réduit la consommation des ressources. 1.2.9 Routage par contrainte MPLS-TE
Pour assurer le respect des contraintes d'ingénierie de trac (TE), de qualité de service et des ressources disponibles dans la topologie TE du réseau, un mécanisme de routage par contrainte MPLS-TE est déni. Ce dernier permet le calcul et l'établissement des chemins, dits TE-LSP, en se basant sur trois fonctions principales [LR06] :
Découverte de la topologie TE
Cette fonction a pour rôle de transmettre une vision actualisée de la topologie du réseau ainsi que des paramètres TE associés (comme la bande passante réservable sur chaque lien, les quantités de bande passante résiduelles sur les diérents niveaux de priorité pour tout lien, groupes administratifs de tout lien, etc.) à tous les routeurs du réseau. La topologie TE du réseau est enregistrée par chaque routeur dans une base de données appelée TED (TE Database). Nous notons que la fonction de découverte de la topologie TE est fournie par un protocole IGP-TE (Interior Gateway Protocol-TE ) qui correspond à un protocole IGP à état de liens (OSPF [Moy98b, Moy98a] ou ISIS [Ora90]) étendu pour permettre l'annonce des paramètres TE dans le réseau. Deux protocoles IGP-TE sont employés pour assurer cette fonction dans un réseau MPLS : OSPF-TE [KR05b] et ISIS-TE [KR05a]. Ils sont décrits plus en détails dans les sections suivantes. Calcul des chemins
Cette fonction permet la détermination des chemins vériant les contraintes TE des TE-LSP (bande passante, groupes à inclure/exclure, etc.) ainsi que les contraintes de la topologie TE du réseau (quantités de bande passante résiduelles sur chaque niveau pour tout lien, groupes administratifs des liens, etc.). Elle est assurée par un ou plusieurs routeurs qui exécutent un algorithme de calcul de routes, souvent basé sur l'algorithme de Dijkstra (comme CSPF ou Constrained Shortest Path First ) ou utilisant la programmation ILP (Integer Linear Programming ). Deux modes de calcul de chemins sont à distinguer : le mode en ligne et le mode hors ligne. Dans le premier mode, les chemins sont calculés au fur et à mesure qu'ils arrivent, sans connaissance préalable de l'ordre d'arrivée des futures demandes d'établissement de TE-LSP. Ce mode a l'avantage de réduire les délais d'établissement des TE-LSP mais il n'est souvent pas optimal. Avec les second mode de calcul, les requêtes de calcul des chemins sont traitées ensemble, indépendamment de leur ordre d'arrivée. Ce mode induit des temps de latence élevés (temps d'établissement des TE-LSP élevés) et n'est utile que pour router des des matrices de trac statique et pour ré-optimiser les ressources des TE-LSP déjà établis. Mise en ÷uvre du mécanisme de placement des TE-LSP
23 Signalisation des TE-LSP
Cette dernière fonction intervient pour congurer les routes explicites déterminées par la fonction de calcul des chemins. Elle est rendue grâce au protocole RSVP-TE (le déploiement de CR-LDP étant très limité) qui assure en plus le maintien, la suppression des LSP et la notication d'erreurs. Le protocole RSVP-TE est décrit plus en d dans les sections suivantes. 1.3 Mise en ÷uvre du mécanisme de placement des TELSP
Un mécanisme de placement des TE-LSP regroupe toutes les procédures permettant le calcul et la conguration des TE-LSP. Diérents protocoles IGP et de signalisation ont été étendus pour permettre la prise en charge des contraintes d'ingénierie de trac et de la qualité de service lors de l'établissement des TE-LSP. Dans cette section, nous décrivons les protocoles OSPF-TE [KR05b], ISIS-TE [KR05a]) et RSVP-TE [ABG+ 01] qui sont standardisés par l'IETF et déployés sur les plate-formes MPLS.
1.3.1 Le protocole OSPF-TE
OSPF-TE (Open Shortest Path First-TE ) est un protocole IGP à état de liens étendu pour transmettre des paramètres liés à l'ingénierie de trac et à la qualité de service. Comme son prédécesseur (OSPF), le protocole OSPF-TE utilise essentiellement des diusions sûres des champs LSA (Link State Advertisement ) pour établir une vision commune et synchronisée de la topologie TE du réseau sur tous les routeurs OSPF-TE. Chaque LSA est constitué de deux parties : entête et corps du LSA. L'entête d'un LSA a une taille xe et est constitué des champs suivants : 1. Link State ID, Advertising router et LS Type : permettant d'identier le LSA ainsi que son type. 2. LS Sequence Number : utilisé pour diérencier les diérentes instances d'un LSA. 3. LS Age : permettant de cadencer la fréquence de rafraîchissement du LSA dans des circonstances normales. 4. LS Checksum : permettant de se prémunir contre la corruption du LSA. 5. Options : servant à indiquer que le LSA requiert un traitement spécial lors de la diusion ou du calcul des routes. 6. Longueur : contenant la longueur totale du LSA (somme de la taille de l'entête et du corps du LSA). Le corps d'un LSA transmet, en plus de l'information permettant de déduire la topologie IP du réseau (constituées des routeurs et des liens du réseau) et la métrique associée à chaque lien (cette information est annoncée dans OSPF [Moy98b, Moy98a]), des champs liés à l'ingénierie du trac et à la qualité de services : 24 MPLS et la protection bande passante maximale : ce champ détermine la quantité de bande passante maximale pouvant être utilisée sur un lien. En général, elle correspond à la capacité physique du lien en termes de bande passante. bande passante réservable : c'est la quantité de bande passante maximale qui peut être réservée sur un lien pour l'ensemble des TE-LSP qui le traversent. Cette quantité peut être supérieure (overbooking ) ou inférieure (underbooking ) à la bande passante maximale du lien. bandes passantes résiduelles : il s'agit des quantités de bande passante réservables et disponibles sur chacun des huit niveaux de priorité sur un lien. groupes administratifs (couleurs) : dans ce champ, tous les groupes administratifs auxquels appartient un lien sont dénombrés. Nous notons qu'un lien peut appartenir à un ou plusieurs groupes administratifs parmi les trente-deux groupes pouvant être dénis. Les groupes administratifs peuvent être utilisés comme contraintes pour inclure/exclure un lien lors du calcul des routes. métrique TE : cette métrique permet d'inclure les contrainte TE lors du calcul des chemins. C'est une métrique qui peut être combinée à la métrique IGP pour déterminer par exemple un plus court chemin vériant un ensemble de contraintes TE (délai, bande passante, etc.). Suite à la diusion des diérents LSA, chaque routeur construit une table TED contenant la topologie TE du réseau et applique un algorithme de calcul des chemins pour satisfaire les futures requêtes de demande d'établissement de LSP. Souvent, les routeurs exécutent l'algorithme CSPF (Constrained Shortest Path First ) qui est résumé par les deux étapes suivantes : 1. Éliminer de la topologie TE du réseau les liens ne vériant pas les contraintes TE (utilisation de la métrique TE). 2. Calcul du plus court chemin en appliquant l'algorithme SPF, basé lui-même sur l'algorithme de Dijkstra, à la topologie du réseau obtenue après l'exécution de (1).
1.3.2 Le protocole ISIS-TE
Le protocole ISIS-TE (Intermediate System to Intermediate System-TE ) est aussi un protocole IGP à état de liens qui étend le protocole ISIS pour prendre en charge l'ingénierie du trac et orir la qualité de service. Comme OSPF-TE, le protocole ISISTE permet de construire une base données TED commune aux routeurs grâce à la diusion des LSPDU (Link State Protocol Data Unit). Ces derniers transmettent des informations semblables à celles envoyées dans OSPF-TE, à savoir : 1. la topologie IP du réseau, 2. la bande passante maximale, 3. la bande passante réservable, 4. les bandes passantes résiduelles sur les huit niveaux de priorité, 5. les groupes administratifs (couleurs), Mise en ÷uvre du mécanisme de placement des TE-LSP 25 6. la métrique TE et métrique IGP. Bien évidemment, après l'établissement de la base TED sur les routeurs, ces derniers s'occuperont de satisfaire les diérentes requêtes de calcul des LSP reçus en exécutant un algorithme de calcul des chemins vériant les contraintes TE et orant la qualité de service désirée. Comme on le constate, les deux protocoles OSPF-TE et ISIS-TE rendent à peu près les mêmes fonctions en annonçant dans les réseaux des informations très semblables. Pour des raisons de généricité, nous utiliserons les deux protocoles (OSPF-TE et ISISTE) an de rendre la fonctionnalité de protection (cf. section 1.4).
1.3.3 Le protocole RSVP-TE
RSVP-TE est un protocole de signalisation destiné à réserver les ressources pour les ux de données des applications dans un réseau MPLS. Il permet ainsi d'obtenir diérentes qualités de service pour les ux de données, de router explicitement les LSP avec ou sans réservation de ressources, de rerouter rapidement les LSP, de préempter les ressources, de détecter les boucles, etc. Dans la pile protocolaire ISO, RSVP-TE utilise le protocole IP. Il est référencé par ce dernier en utilisant l'identicateur de protocole 46. Cependant et lorsque le système ne permet pas l'utilisation de services réseau directement (pas de mode raw ), les paquets RSVP sont encapsulés dans des paquets UDP. Comme nous allons le voir dans la suite de ce chapitre, RSVP-TE permet aux n÷uds de disposer de diérents paramètres utiles au contrôle d'admission et au calcul distribué des LSP. Dans la suite de cette section, nous nous intéressons aux états de réservation et aux types de messages RSVP. Nous décrirons aussi les tunnels RSVP qui sont constitués de plusieurs LSP avant de nous intéresser de près aux objets transmis dans les messages RSVP. Nous nirons en montrant comment établir et supprimer un LSP avec le protocole RSVP. 1.3.3.1 États et messages RSVP-TE
An de gérer l'établissement et la suppression des LSP ainsi que les ressources qui leur sont allouées, RSVP-TE garde des informations d'état pour un LSP sur tous les routeurs traversés. Cette information est appelée état RSVP et contient entre autres : 1. l'adresse source et l'adresse de destination ; 2. les numéro de tunnel RSVP-TE et de LSP (cf. section 1.3.3.2) ; 3. la bande passante ; 4. le n÷ud précédent et le n÷ud suivant sur le LSP ; 5. la route explicite ; 6. l'étiquette d'entrée et l'étiquette de sortie.
26 MPLS et la protection
Les états RSVP-TE sont souples (soft states ) et sont donc rafraîchis périodiquement, au déclenchement du temporisateur de rafraîchissement R, pour pallier les pertes d'éventuels messages RSVP-TE. Si un état RSVP-TE n'est pas rafraîchi au bout d'une certaine période de temps déterminée par le temporisateur d'expiration L (par défaut, L = 4 × R), il est supprimé. Contrairement au mode dur (hard state ) ou un état n'est supprimé qu'explicitement, le mode souple convient bien à RSVP-TE puisque : 1. il diminue les traitements eectués lors d'un changement de route. En eet, pour supprimer une route (ou une partie de la route), RSVP-TE peut se contenter de ne pas rafraîchir les états RSVP-TE correspondants. 2. il permet de toujours supprimer les états de réservation RSVP (ce qui permet de récupérer les ressources), même si une panne déconnecte l'émetteur du récepteur. Pour établir, maintenir et supprimer un LSP (ou une réservation de ressources), conrmer une réservation ou notier des erreurs et garder l'adjacence entre routeurs RSVP-TE voisins, le protocole RSVP-TE utilise neuf types de messages : Path Ce message est responsable de l'établissement et du maintien d'un LSP dans le sens descendant. Il est envoyé par l'émetteur au(x) récepteur(s) pour déterminer la liste des routeurs du chemin qui sera utilisée pour l'envoi des données. Ce message permet aussi de spécier d'autres informations comme les caractéristiques du ux de données supporté. Resv Ce message a pour rôle d'établir et maintenir un LSP dans le sens montant. C'est un message de réponse à la requête transmise dans le message path du même LSP an d'eectuer la réservation de ressources. PathErr Ce message est retourné à l'émetteur pour lui signaler une erreur dans le sens descendant (exemple : boucle ou chemin inexistant). ResvErr Ce message indique une erreur dans le sens montant (exemple : ce message peut signaler un manque de ressources ou un refus de droits d'accès aux ressources). PathTear La réception de ce message a pour eet d'eacer les états RSVP-TE concer- nant le LSP associé. Cela implique l'annulation des ressources utilisées par le LSP précédent. ResvTear Ce message indique aux routeurs qui le reçoivent d'annuler les états de réservation montants. L'information d'état RSVP-TE créée par les messages path est conservée. ResvConf (optionnel) C'est un message envoyé par un routeur au demandeur de la réservation. La réception d'un tel message indique que la réservation est réussie avec une probabilité élevée (ce message n'est sûr à 100 % que quand il est émis par le dernier route sur le chemin vers la station émettrice). Srefresh Ce message rafraîchit un ensemble de sessions RSVP-TE. Hello (optionnel) Ce message gère l'adjacence entre deux routeurs voisins RSVP-TE.
Mise en ÷uvre du mécanisme de placement des TE-LSP 27
1.3.3.2 Tunnel RSVP-TE et LSP
Pour des considérations liées à l'ingénierie de trac, le protocole RSVP fait une distinction entre la notion de tunnel RSVP-TE et la notion de LSP [LR06] : 1. un tunnel RSVP-TE 5 est une entité de routage unidirectionnelle (unicast ou multicast), avec des contraintes TE. Il est instancié par un ou plusieurs LSP, chacun correspondant à un chemin particulier du tunnel RSVP-TE. 2. un LSP est un chemin MPLS caractérisé par une distribution d'étiquettes. C'est une instance du tunnel RSVP-TE. Au sein d'un tunnel RSVP-TE, plusieurs LSP peuvent être actifs simultanément mais un seul peut être utilisé à la fois (à tout instant). Le nombre d'instances de LSP associés à un tunnel RSVP-TE est variable et peut changer au cours du temps. Un tunnel RSVP-TE à instances multiples a plusieurs applications : 1. il permet d'optimiser les ressources par changement de route du tunnel RSVPTE, sans perte de trac et sans compter deux fois la bande passante sur les liens communs au nouveau et ancien LSP. Cette procédure de changement de route d'un tunnel RSVP-TE est appelée aussi make before break et elle consiste à établir un nouveau LSP partageant la bande passante avec l'ancien LSP (sur les liens qui leurs sont communs) et reliant les mêmes n÷uds source et destination avant de basculer le trac de l'ancien LSP vers le nouveau. 2. il facilite la conguration des LSP de secours en permettant de les associer à un LSP primaire (cf. section 1.5.3). 1.3.3.3 Objets RSVP-TE
Un message RSVP-TE est constitué d'un entête commun à tous les messages RSVP, suivi du corps du message qui consiste en un nombre variable d'objets dépendant du type du message. Ces objets RSVP-TE sont eux même composés d'un entête et d'un corps. L'entête inclut la classe, la sous-classe et la longueur de l'objet alors que le corps contient les valeurs de l'objet RSVP. Plusieurs objets RSVP-TE sont dénis, parmi lesquels nous citons les principaux : SESSION Cet objet permet d'identier une session qui correspond à un ux de don- nées routé sur un tunnel RSVP-TE. Cet objet inclut un identiant, l'adresse source 6, l'adresse de destination du tunnel RSVP-TE et permet d'identier sans ambiguïté le tunnel RSVP-TE dans le réseau. 5. La notion d'un tunnel RSVP-TE est indépendante de la notion de tunnel TE-trunk déni dans [AMA+ 99] pour l'agrégation d'un ensemble de LSP qui peuvent transporter plusieurs ux de données simultanément. 6. Souvent, c'est l'adresse source du tunnel RSVP-TE qui transmise dans le champ Extended Tunnel ID de l'objet SESSION. Cela permet d'avoir un identiant de tunnel RSVP-TE dont la porté est propre à la paire constituée de la source et de la destination du tunnel RSVP-TE (utile pour assurer l'unicité des identiants des tunnels RSVP-TE lorsque les objets SESSION sont construits par les routeurs de têtes des tunnels RSVP-TE). 28 MPLS et la protection SENDER_TEMPLATE et FIL
TER_SPEC Ces deux objets ont la même struc- ture : le premier est transmis dans les messages path et le second est envoyé dans les messages de réponse resv. Ils contiennent l'adresse de la source du tunnel RSVP-TE ainsi qu'un identiant de LSP. La combinaison de l'un de ces deux objets avec avec l'objet SESSION permet d'identier d'une manière unique et non ambiguë un LSP. SENDER_TSPEC Cet objet dénit les caractéristiques du ux de données de l'émetteur. Il est requis dans les messages path. FLOWSPEC Cet objet dénit la QoS désirée et il est transmis dans les messages resv. LABEL_REQUEST Cet objet indique qu'une allocation d'étiquette est requise et il spécie le protocole de niveau 3 dans le modèle ISO qui est utilisé (ce protocole est souvent IP mais cela n'est pas obligatoire). LABEL Il s'agit de l'étiquette allouée sur un LSR à un LSP appartenant à une session donnée. EXPLICIT_ROUTE (ERO) Cet objet contient la liste des routeurs (stricts) que doit traverser le LSP en cours d'établissement. Il n'est transmis que dans les messages path. RECORD_ROUTE (RRO) Cet objet contient la liste des routeurs traversés par un LSP et optionnellement les étiquettes associées sur chaque routeur. Cet objet peut être envoyé dans un message path auquel cas il inclut la liste des routeurs situés entre le n÷ud source et le n÷ud qui le reçoit ou bien il peut être envoyé dans un message resv auquel cas il liste les routeurs situés entre la destination et le n÷ud recevant le message. RSVP_HOP
Dans un message path reçu, cet objet renseigne l'adresse IP du routeur RSVP précédent sur le LSP alors que dans un message resv, cet objet indique l'adresse IP du routeur suivant sur le LSP. C'est grâce à cet objet que l'itinéraire emprunté par les messages path et resv, associés à un LSP, est xé et est déterminé.
SESSION_ATTRIBUTE
Cet objet contient des informations sur les priorités de préemption et de maintien d'un LSP, des anités (lien à inclure ou à exclure d'un LSP) et des drapeaux pour indiquer si la protection et l'enregistrement des étiquettes sont requis.
1.3.3.4 Établissement d'un LSP
L'établissement d'un LSP avec RSVP-TE passe par deux phases : la phase descendante et la phase montante. Dans la première phase, le LSR de tête du LSP envoie un message path au LSR de sortie pour xer la route et transmettre l'ensemble des paramètres TE (source et destination du LSP, identiants du tunnel et du LSP, bande passante, anités, etc.). Dans la deuxième phase, un message resv est envoyé par le LSR de sortie au LSR de tête an de réserver les ressources (bande passante et étiquettes) sur tous les liens du LSP en cours d'établissement. Mise en ÷uvre du mécanisme de placement des TE-LSP 29
Figure 1.7 Propagation du message path et création d'états RSVP Figure 1.8 Propagation du message resv et mise-à-jour des états RSVP
Message path
An d'initier l'établissement d'un LSP (dans le sens descendant), le LSR de tête construit un message path (cf. gure 1.7). Ce message contient des informations concernant la session (identiant du tunnel et adresse de la destination), l'émetteur (adresse du LSR de tête et identiant du LSP), les caractéristiques du trac (bande passante et un ensemble de paramètres de classe de service), la structure de la la route choisie et ses propriétés (optionnellement la route explicite et les liens à inclure ou à exclure) ainsi que le protocole de niveau 3 du modèle ISO acheminé. Ce message path inclut aussi des informations utiles comme la route sélectionnée (objet RRO) qui sera communiquée à tous les LSR du LSP, la porté des étiquettes allouées (étiquette globale au LSR ou locale à une interface d'un LSR) et des indications concernant la protection (protection locale fournie ou pas, protection en cours d'utilisation ou pas, etc.). Avant d'envoyer le 30 MPLS et la protection message au prochain LSR permettant d'atteindre la destination, le LSR de tête crée un état RSVP constitué d'informations déduites du message path précédent (typiquement les identiants du LSP et du tunnel RSVP-TE, les adresses source et destination, le prochain et le précédent n÷ud, la bande passante réclamée, etc.). Le message path transite de proche en proche du LSR de tête jusqu'à atteindre le LSR de sortie. Chaque LSR de transit qui le reçoit le traite. Si aucune erreur n'est détectée, le LSR créé un état RSVP déduit du message reçu avant de transmettre le message path traité au prochain routeur, déterminé à partir de l'objet ERO s'il y en un (et si le prochain routeur est strict), sinon à partir d'informations communiquées par le protocole de routage (souvent c'est la table IP qui sera consultée). Si par contre, une erreur est détectée (par exemple, la route est invalide), un message d'erreur (message resvErr ) est envoyé à l'émetteur. La propagation du message path ainsi que les états RSVP créés sur les LSR du LSP sont illustrés sur la gure
1.7. Message resv
Pour réserver les ressources, le LSR de sortie répond au LSR de tête (après la réception du message path ) par un message resv qui transitera de proche en proche, en empruntant le chemin inverse du message path correspondant. Pour éviter des traitements supplémentaires, la destination IP de chaque message resv sur un LSR est extraite de l'objet RSVP_HOP de l'état RSVP créé lors de la réception du message path associé (en conséquence, les routeurs non RSVP parcourus par le message resv ne transmettront pas le paquet au driver RSVP). Tous les routeurs du LSP (sauf le routeur de tête) eectuent un contrôle d'admission sur leur lien précédent. Si ce contrôle d'admission réussit, de la bande passante et une étiquette MPLS 7 seront allouées, ce qui induit une mise-à-jour de l'état RSVP associé au LSP, de la table de commutation MPLS (LFIB) et de la bande passante résiduelle disponible sur le lien 8. Après traitement et modication de certains objets (objets ERO, RRO, etc.) du message resv reçu, ce dernier est envoyé au LSR en amont (cf. gure 1.8). Si, par contre, le contrôle d'admission ou l'allocation d'étiquette échoue, un message d'erreur (message resvErr ) est envoyé au LSR de sortie du LSP. A la réception du message resv associé au LSP, le routeur de tête met-à-jour son état RSVP et ses tables de routage IP et LFIB (cf. gure 1.8). A ce moment, le LSP sera prêt pour acheminer le trac.
1.3.3.5 Suppression d'un LSP
Un LSP peut être supprimé explicitement ou implicitement avec RSVP-TE. Pour supprimer explicitement un LSP, un message pathTear est envoyé de la source vers la 7. Dans les premières versions de RSVP-TE, seul le mode downstream-on-demand était préconisé pour l'allocation d'étiquette. De nouvelles extensions ont été apportés à RSVP-TE par [Ber03] pour permettre une allocation d'étiquettes dictée par le n÷ud en amont. Ainsi, grâce à l'objet "Suggested Label", le n÷ud en amont est désormais capable de proposer une étiquette permettant d'aiguiller le trac d'un LSP vers un n÷ud aval. 8. La bande passante résiduelle disponible sur le lien est diminuée de la bande passante allouée au LSP sur tous les niveaux de priorité inférieure ou égale à celle du LSP. Protection contre les pannes 31
destination. Ce message permet de détruire l'ensemble des états RSVP sur les LSR du LSP. Un autre message resvTear, envoyé de la destination vers la source du LSP, peut aussi détruire le LSP. Cependant et contrairement au premier message (pathTear ), le message resvTear ne supprime des états RSVP que l'information de réservation de ressources (typiquement, les étiquettes MPLS et les bandes passantes allouées sur les liens). An de détruire complètement le LSP, le message resvTear doit être suivi d'un message (pathTear ) pour eacer totalement les états RSVP associés au LSP détruit.
1.4 Protection contre les pannes 1.4.1 Introduction
Avec l'augmentation et la multitude des types d'applications temps réel (TV, VoIP, visioconférence, télémédecine, etc.) déployées sur l'Internet, la récupération rapide lors des pannes touchant les composants du réseau devient de plus en plus désirée pour satisfaire les fortes contraintes de temps de ces applications. Pour ce faire, diverses techniques de résistance aux pannes ont été développées. Ces dernières peuvent être classées en deux catégories : restauration (protection réactive) et protection (protection proactive). Avec la restauration [RM99b, MK98], aucun traitement n'est eectué avant l'occurrence d'une panne. Pour pallier une panne, de nouveaux chemins de secours contournant le composant défaillant sont calculés et congurés an de router le trac des communications aectées. Cette catégorie de techniques de résistance aux pannes a l'avantage de la simplicité et de la exibilité vis à vis des changements de la topologie du réseau. Cependant, elle induit des délais de récupération élevés et inacceptables pour beaucoup d'applications temps réel comme la voix ou la TV sur IP. Pour diminuer les délais de récupération et satisfaire ainsi les fortes contraintes de temps des applications répandues sur l'Internet, la protection est souvent préférée à la restauration. Avec la protection [RM99a, MVDBD04, MFB99], les chemins de secours sont calculés et souvent précongurés avant l'occurrence des pannes. Concrètement, pour rétablir des communications aectées suite à une panne, il sut de basculer le trac de ces communications sur les chemins de secours qui leur sont associés. Les délais de restauration sont ainsi diminués puisqu'aucun calcul de chemins (et souvent pas de conguration de chemins) n'est eectué après l'occurrence de la panne. Selon le niveau de la couche (Liaison de donnée ou Réseau) assurant la protection, nous distinguons trois classes principales de techniques de protection : protection de niveau Liaison de données, protection de niveau Réseau et protection mixte. Avec les techniques de la première classe [GS98, LCC, Moy04, YJ05], la protection des communications est réalisée au niveau de la couche Liaison de données, ce qui permet de réduire considérablement les délais de récupération à moins de 100 ms. Cette classe de techniques de protection a l'avantage de réduire les états d'acheminement à maintenir (puisque tous les ux de données sont agrégés sur les liens) mais elle présente divers inconvénients parmi lesquels nous citons la non prise en charge de la QoS et de la matrice de trac réelle et la sous-utilisation de la topologie du réseau. Diérentes 32 MPLS et la protection méthodes appartenant à cette classe sont connues comme : 1. Protection par anneau dans SDH : avec cette méthode, le trac est dupliqué et est envoyé sur deux anneaux de sens inverses. Le signal de meilleure qualité est sélectionné à la réception. Lors de l'occurrence d'une panne, il sura de sélectionner le seul signal reçu pour pallier la panne. Cette méthode de protection permet d'obtenir des délais de récupération inférieurs à 50 ms mais en consommant le double en bande passante, c'est pourquoi on l'appelle la protection dédiée 1+1. 2. P_cycle : cette méthode de protection est proposée par Grover et al. dans [GS98]. Elle consiste à pré-établir des cycles dans un réseau. Lorsqu'un lien ou un n÷ud d'un cycle tombe en panne, le trac est basculé localement sur l'autre partie du cycle qui n'est pas aectée. Cette méthode de protection diminue la consommation de la bande passante mais elle ne peut être appliquée que hors ligne sur des réseaux stables.
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Désoxygénation des océans: le problème de chacun. Résumé à l’attention des décideurs
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La réduction des habitats disponibles pour les organismes pélagiques, mésopélagiques et benthiques pourrait
causer :
∙∙ des changements dans la répartition des espèces entraînant une réduction de la disponibilité des
services écosystémiques dans les zones d’habitats perdus et, dans certains cas, une disponibilité
accrue de services écosystémiques dans les eaux bien oxygénées ou grâce à des espèces trouvant
un avantage concurrentiel dans les zones hypoxiques ;
∙∙ une réduction des avantages de bien-être humain fournis par des secteurs (comme la pêche ou le
tourisme) dépendant d’organismes négativement affectés et des services qu’ils fournissent ;
∙∙ des changements et des incertitudes dans les secteurs et groupes tributaires d’espèces affectées,
entraînant des coûts associés à l’adaptation à des conditions nouvelles ou de moins en moins
prévisibles ;
∙∙ des réductions plus importantes du bien-être des groupes les plus vulnérables et une augmentation
de tous les avantages découlant d’une plus grande disponibilité de services écosystémiques pour
les groupes ayant une plus grande capacité d’adaptation. Les groupes n’ayant pas la capacité
de s’adapter souffrirons de plus de résultats négatifs que ceux ayant une plus grande capacité
d’adaptation.
La réduction de l’abondance et du recrutement des poissons et autres populations marines dans les régions à
faibles niveaux d’oxygène pourrait provoquer :
∙∙ une disponibilité réduite de nourriture dans les régions où les concentrations d’oxygène dissous
sont faibles. Les systèmes océaniques des basses latitudes et les zones adjacentes aux populations
côtières à forte densité seront les plus touchés ;
∙∙ un risque accru pour les groupes les plus tributaires des services écosystémiques affectés et le moins
en mesure de s’adapter aux changements, en raison de la perte ou de la réduction des services
écosystémiques ;
∙∙ une plus grande vulnérabilité des groupes tributaires d’espèces et de systèmes relativement plus
vulnérables aux conditions de faible teneur en oxygène, comme les poissons, les récifs coralliens et
les bivalves ;
∙∙ une augmentation de certains services écosystémiques, du fait des effets en cascade et de la
modification de la structure du réseau trophique, mais seuls les groupes ayant la capacité d’en tirer
profit bénéficieront de ces avantages.
Les défis en matière de développement de modèles et de qualité d’observation, signifient que :
∙∙ la mise au point de modèles nécessite de nouvelles observations et des expériences spécifiques
exigeant des ressources et des capacités sociales ;
∙∙ l’incertitude des modèles se traduira par des connaissances moins complètes et une gestion moins
efficace ;
∙∙ les coûts de l’incertitude et de la nécessité de s’adapter à de nouvelles conditions seront plus
importants.
pêches de capture s’est stabilisée, alors que la demande continue d’augmenter. La surexploitation et les effets sur les habitats
et le réseau trophique font passer la pêche de service écosystémique à facteur de stress. Il est à prévoir que la désoxygénation
s’étende au cours des prochaines décennies, et qu’elle affecte
négativement la croissance, la survie et la reproduction, la biomasse et le déplacement des poissons, ainsi que leur disponibilité pour la pêche. Il est également à prévoir que l’ampleur des
effets de la désoxygénation sur la pêche augmente à mesure
que les zones océaniques subissant une désoxygénation croissante chevaucheront les régions côtières et océaniques soutenant une production halieutique élevée.
mique des populations de l’espèce visée, mais aussi parce que
la dynamique de l’oxygène et de la pêche (pêcheurs et bateaux)
dépend fortement de chaque site. L’évaluation des changements climatiques planétaires comporte des changements simultanés de la température, de l’acidité et de l’oxygène, ainsi
que des effets causés par d’autres facteurs de stress comme
l’élévation du niveau de la mer. Il est difficile d’isoler un effet direct de l’hypoxie sur les débarquements de pêche au moyen
d’une analyse fondée sur la corrélation des débarquements et
des charges d’azote dans les écosystèmes, mais l’efficacité trophique (débarquements par unité de charge d’azote) est plus
faible dans les systèmes où l’hypoxie est importante.
La quantification des effets de la désoxygénation sur la pêche
est compliquée par les effets de facteurs environnementaux variables et autres facteurs de stress affectant également la dyna-
La désoxygénation des océans affecte la pêche de diverses façons. Parmi les exemples, mentionnons les effets d’une faible teneur en oxygène sur la population de poissons cible, elle-même,
par suite d’une réduction du recrutement et de l’abondance de
la population, ainsi que les effets d’une distribution spatiale sur
les poissons et les crustacés entraînant des changements dans
la dynamique des bateaux de pêche. Les analyses vont de
preuves circonstancielles fondées sur des données recueillies
sur le terrain à des données et modèles détaillés. Les analyses
de modélisation démontrent que, dans les situations où l’hypoxie seule peut avoir des effets faibles à modérés à l’échelle de
la population, ceux-ci peuvent devenir importants ou amplifiés
lorsque l’hypoxie est combinée à d’autres facteurs de stress.
Un effet prédominant de la désoxygénation est la modification
des lieux de pêche en réponse à des changements de répartition à petite échelle de l’espèce cible en raison de l’hypoxie, qui
affecte également la capturabilité et la bioéconomie de la pêche.
On compte sur la capacité de capture pour assurer une gestion
efficace de la pêche, et le fait de ne pas tenir compte des effets
de la désoxygénation sur la capacité de capture peut donner
lieu à des analyses de gestion mal informées et à des directives
de pêche erronées.
La diminution des concentrations d’oxygène dans les habitats
actuellement utilisés par les poissons ciblés par la pêche entraînera des réductions spécifiques de la croissance, de la survie
et de la reproduction des individus. Lorsqu’un nombre suffisant
de poissons seront touchés, des effets se produiront également
au niveau de la population, par une réduction de la biomasse
exploitable, ainsi que par la mauvaise qualité des poissons capturés (p. ex., trop maigres).
De plus en plus de zones océaniques connaîtront une réduction
des concentrations d’oxygène, forçant les organismes à éviter
les zones mortelles et, dans certains cas, amenant les individus
à se regrouper autour des zones d’hypoxie ou à modifier leur
répartition spatiale. Cela aura des répercussions sur la pêche.
Les activités de pêche seront touchées sur le plan économique
(coûts plus élevés), du fait que les bateaux devront effectuer des
voyages plus longs, et passeront moins de temps à pêcher et
plus à se déplacer pour accéder aux lieux de pêche. Dans certains cas, les poissons seront plus faciles à capturer (regroupement plus près du rivage) et plus accessibles aux pêcheurs locaux. Dans les deux cas, la désoxygénation aura une incidence
sur la gestion (probablement plus risquée que prévu), qui repose
sur l’établissement d’un lien entre les captures et l’abondance
de la population (capturabilité), du fait que les captures ne suivront plus les hypothèses sous-jacentes de capturabilité utilisées dans l’évaluation des stocks.
On observe une désoxygénation croissante à l’échelle mondiale,
en particulier dans les zones côtières qui fournissent également
une grande partie des captures mondiales de pêche commerciale et de subsistance. Étant donné que les captures de
poissons sauvages sont déjà proches des niveaux maximums
durables, il est essentiel de disposer de directives de gestion
précises. Les gestionnaires devront tenir compte des effets de
la désoxygénation dans leurs évaluations et leurs délibérations
sur les stocks.
De nouvelles avancées en science de la désoxygénation des océans
sont nécessaires pour mieux prévoir les tendances et les conséquences
du déclin de l’oxygène dans les océans, et pour guider les politiques et
les solutions technologiques visant à les réduire. Les domaines critiques
incluent :
•
élargir les observations sur l’oxygène en haute mer et dans les eaux côtières, notamment en les intégrant aux
programmes et réseaux existants, en ciblant les régions où davantage de données permettront d’améliorer
l’évaluation de la situation actuelle et des tendances d’évolution de l’oxygène ;
•
réaliser des expériences et des observations pour améliorer la compréhension des mécanismes critiques
contrôlant les patrons et les effets de la diminution d’oxygène ;
•
Développer des modèles numériques permettant de mieux prédire les effets actuels d’une faible teneur en oxygène et autres facteurs de stress, les changements futurs des niveaux d’oxygène et les avantages potentiels
des options de gestion à l’échelle mondiale, régionale et locale ;
•
évaluer les effets sur les économies et les sociétés humaines, en particulier lorsque le déclin de l’oxygène menace la pêche, l’aquaculture et les moyens de subsistance ;
•
mettre au point un système de gestion des données permettant un contrôle rigoureux de la qualité et un
leadership de la part d’un centre de données océanographiques reconnu à l’échelle mondiale, offrant un accès
libre à des fins scientifiques et stratégiques ;
•
améliorer, de façon continue, les outils de suivi de l’oxygène, y compris les capteurs permettant de mesurer
avec précision les concentrations d’oxygène ultra-faibles et les capteurs à faible coût qui rendront possible un
suivi plus étendu dans les eaux côtières sous-échantillonnées ;
•
le renforcement des capacités dans les zones côtières du monde en développement pour l’observation des
paramètres océanographiques de base, en particulier l’oxygène, et de l’impact de la désoxygénation sur la
pêche et la biodiversité, devra être considéré comme hautement prioritaire.
La teneur en oxygène de la haute mer et des eaux côtières
a décliné depuis le milieu du XXe siècle et devrait continuer
à le faire au cours du XXIe siècle en raison du changement
climatique et de l’augmentation des rejets de nutriments.
Les conséquences de ce déclin de l’oxygène dans l’océan
incluent une diminution de la biodiversité, des changements
dans la répartition des espèces, le déplacement ou la réduction des ressources halieutiques et des changements dans les
cycles biogéochimiques.
L’utilisation de combustibles fossiles et l’agriculture contribuent à la fois au réchauffement de la planète et à un enrichissement excessif des eaux en nutriments. Les eaux usées, et
en particulier la biomasse contenue dans les eaux usées non
traitées et l’azote et le phosphore dans les effluents d’eaux
usées traitées et non traitées, contribuent aussi de façon
importante à l’appauvrissement de l’oxygène dans les eaux
côtières. Les stratégies de réduction des nutriments les plus
efficaces ont fait appel à des exigences juridiques, fixé des
objectifs précis et utilisé le suivi pour déceler les problèmes
et les réponses aux stratégies de gestion. Il existe toute une
gamme de solutions possibles à la réduction des nutriments
pouvant être adaptées aux économies et aux besoins locaux.
La comparaison des modèles et des observations suggère
que les modèles sous-estiment le taux de perte réel d’oxygène dans l’océan. La désoxygénation des océans pourrait se
produire plus rapidement et pourrait être plus importante que
ne le suggèrent les modèles.
Réduire le taux de perte d’oxygène dans l’océan mondial et
diminuer au minimum la contribution du changement climatique à la désoxygénation des eaux côtières exige un effort
spectaculaire d’atténuation du climat, principalement par des
réductions urgentes, radicales et conséquentes des émissions
de gaz à effet de serre dues aux activités humaines. Pour rétablir l’oxygène perdu au cours du dernier siècle à des échelles
de temps inférieures au millénaire, il faudra aussi réduire les
concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre à des
niveaux inférieurs à ceux d’aujourd’hui, grâce à l’élimination
active de ces gaz. La désoxygénation induite par le réchauffement ne peut pas être facilement inversée et, par conséquent,
une action plus précoce pour limiter les émissions de dioxyde
de carbone et réduire le réchauffement sera plus bénéfique.
Il est urgent de poursuivre et d’intensifier les efforts pour
quantifier les tendances de la désoxygénation et prévoir les
conditions futures de l’oxygène, afin de comprendre les effets
de la désoxygénation sur les processus biologiques, biogéochimiques et écologiques, et intégrer la désoxygénation dans
l’élaboration des stratégies de gestion de la pêche, et autres.
La gouvernance, à des échelles allant de juridictions locales
aux organismes internationaux tels que les Nations unies, joue
un rôle important dans l’identification du problème et des solutions à la désoxygénation, ainsi que dans les efforts d’atténuation et d’adaptation visant à réduire la désoxygénation et
ses conséquences négatives.
Les solutions à la désoxygénation des océans et l’élaboration
de stratégies d’adaptation à celle-ci dépendent de données
scientifiques solides et suffisantes. La portée internationale
de la collaboration scientifique sur cette question est remarquable. Les groupes de travail scientifiques et d’experts
peuvent faciliter la communication entre les différentes parties
prenantes et aider les décideurs à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la désoxygénation croissante à l’échelle
locale, régionale et mondiale. Des progrès supplémentaires
sont toutefois nécessaires dans la science de la désoxygénation des océans, en particulier pour améliorer les prévisions
des conditions et des impacts futurs sur le bien-être humain.
La désoxygénation des océans est un problème progressif
qui nécessite une attention immédiate. La désoxygénation
provoquée par le réchauffement ne peut pas être facilement
inversée. En effet, le taux d’oxygène dans l’océan mettra probablement des siècles à se rétablir du réchauffement prévu
dans les scénarios d’émissions de type statuquo. La désoxygénation est intrinsèquement liée au réchauffement climatique. La réduction du réchauffement provoqué par l’homme
est le seul moyen de prévenir la perte généralisée d’oxygène
dans l’océan. Toutefois, la stabilisation des émissions résultant du changement climatique peut permettre à la ventilation
océanique de se rétablir, dans une certaine mesure, ce qui
atténuera la perte d’oxygène. Plus le retard dans l’augmentation spectaculaire des ambitions et la réduction drastique des
émissions sera long, plus grandes seront les conséquences
auxquelles nous devrons faire face à l’avenir.
© Arterra / Alamy stock photo
QUE POUVONS-NOUS FAIRE ?
REMERCIEMENTS
L’élaboration du présent rapport a représenté une tâche importante. Les rédacteurs souhaitent remercier Minna Epps, Carl
Gustaf Lundin, James Oliver et Ulrika Åberg du Programme mondial marin et polaire de l’UICN, Imre Sebestyén pour la mise
en page et la conception, et tous ceux qui ont participé à l’examen indépendant par les pairs et fourni des conseils techniques
détaillés sur le texte, ainsi que ceux ayant contribué à fournir les illustrations du rapport.
Les rédacteurs tiennent également à remercier sincèrement les scientifiques suivants pour leurs contributions à ce rapport :
Edward H. Allison, Andrew H. Altieri, Hannah Bassett, Hannes Baumann, Denise L. Breitburg, Richard Brill, Denis Chabot,
Francis Chan, Guy Claireaux, Daniel J. Conley, J. Kevin Craig, Larry B. Crowder, Curtis Deutsch, Boris Dewitte, Robert J. Diaz,
Timothy H. Frawley, Christina A. Frieder, Halley E. Froehlich, Natalya D. Gallo, Véronique Garçon, Keryn B. Gedan, Denis Gilbert,
Katerina Goubanova, Marilaure Grégoire, Dimitri Gutiérrez, Kirsten Isensee, Takamitsu Ito, Gil S. Jacinto, R. Jeyabaskaran, J.
Anthony Koslow, Shirley Leung, Lisa A. Levin, Karin E. Limburg, Olof Linden, Matthew C. Long, Natalie H.N. Low, Baye Cheikh
Mbaye, Fiorenza Micheli, K.A.S. Mislan, K.S. Mohamed, Ivonne Montes, Barbara Muhling, Yasuhiko Naito, S.W.A. Naqvi,
Hannah R. Nelson, Crystal A. Ng, Andreas Oschlies, Shelton Padua, James J. Pierson, Grant C. Pitcher, D. Prema, Nancy N.
Rabalais, Michael R. Roman, Kenneth Rose, Rutger Rosenberg, Sunke Schmidtko, Brad A. Seibel, David W. Sims, Caroline P.
Slomp, Inna M. Sokolova, Sheanna Steingass, Alexandra Stote, Lothar Stramma, Kersey Sturdivant, Phillip Williamson, Karen F.
Wishner, Moriaki Yasuhara.
Nous remercions vivement le ministère suédois de l’Environnement et de l’Énergie pour son généreux soutien financier.
Le résumé exécutif ainsi que le rapport technique
complet sont disponibles à l’adresse suivante :
www.iucn.org/deoxygenation
La terminologie géographique employée dans cet ouvrage, de même que sa présentation, ne sont en aucune manière
l’expression d’une opinion quelconque de la part de l’UICN, ou des autres organisations participantes, sur le statut juridique
ou l’autorité de quelque pays, territoire ou région que ce soit, ou sur la délimitation de ses frontières.
Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de l’UICN ou des autres organisations
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L’UICN et les autres organisations concernées rejettent toute responsabilité en cas d’erreurs ou d’omissions intervenues
lors de la traduction en français de ce document dont la version originale est en anglais. En cas de divergences, veuillez
vous référer à l’édition originale. Titre de l’édition originale : Ocean deoxygenation: everyone’s problem. Causes, impacts,
consequences and solutions. Summary for policy makers. (2019). Publié par : UICN, Gland, Suisse. DOI : https://doi.org/10.2305/
IUCN.CH.2019.14.en
Publié par : UICN, Gland, Suisse.
Droits d’auteur : © 2019 UICN, Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles
Ce document doit être référencé comme suit : Laffoley, D. & Baxter, J.M. (eds.) (2019). Désoxygénation des océans : le
problème de chacun. Causes, impacts, conséquences et solutions. Résumé à l’attention des décideurs. Gland, Suisse : UICN.
28 pp.
DOI :
https://doi.org/10.2305/IUCN.CH.2019.14.fr
Traduction en français : INTUITIV - www.intuitivme.com
L’UICN est une union unique de Membres composée de gouvernements et d’organisations de la société civile. Elle compte
avec l’expérience, les ressources et le poids de ses plus de 1 300 organisations Membres et les compétences de ses plus de
15 000 experts. L’UICN est l’autorité mondiale en ce qui concerne l’état du monde naturel et les mesures nécessaires pour le
protéger.
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ISBN : 978-2-8317-2026-5 (PDF)
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1.3.2 Description du dispositif d'échantillonnage
Le CNPE de Bugey est implantée sur la partie française du HautRhône (45.81N ; 5.21E), sur la commune de Saint-Vulbas dans l'Ain (01), à une trentaine de kilomètres en amont de Lyon. Elle a été mise en service en 1978 et les suivis des populations par le Cemagref ont débuté en 1979 et se poursuivent encore aujourd'hui. Chaque année, 4 campagnes d'échantillonnage sont menées (hiver, printemps, été, automne), selon un protocole établi initialement et stable dans le temps : 8 stations d'échantillonnage sont réparties sur les rives droite (6) et gauche (2) depuis 6 kilomètres en amont du CNPE jusque 11 kilomètres en aval, soit juste en aval de la confluence avec l'Ain. Trois stations sont situées en amont, et cinq en aval du CNPE. Lors de chaque pêche saisonnière, chaque station est échantillonnée par pêche électrique en bateau pendant 30 minutes et uniquement sur les bords, où les plus faibles profondeurs rendent la pêche plus efficace. Chaque station représente ainsi une surface d'environ 500 mètres de long sur 2 à 4 mètres de large. Chaque occasion d'échantillonnage nécessite quatre opérateurs, un conducteur et trois épuiseteurs.
La pêche électrique 1.3.1 1. Introduction
25 Figure 1.4 – Situation géographique du site d'étude de Bugey
Assemblages piscicoles et variations de l'environnement consiste en la génération d'un champ électrique de tension continue comprise entre 300 et 400 volts et d'intensité comprise entre 2 et 3 ampères, entre une cathode et une anode fixées en deux points du bateau. Lorsqu'un poisson pénètre dans le champ électrique à proximité de la cathode, il subit un effet répulseur, c'est pourquoi celle-ci est fixée à l'arrière du bateau et que la p se pratique préférentiellement de façon perpendiculaire à la rive. Au contraire, un poisson pénétrant le champ électrique à proximité de l'anode, constituée de deux anneaux métalliques concentriques et fixée à l'avant du bateau, il subit une tétanie momentanée et un effet attracteur du type "nage forcée" vers le centre des anneaux métalliques où il peut être prélevé à l'aide d'une épuisette. Le courant est généré à l'aide d'un groupe électrogène de chez Dream Electronics (type : Héron DC ; 300-400V ; 2-3A ; Pessac, France) embarqué. A la fin de chaque échantillonnage stationnel, chaque individu prélevé est examiné pour en déterminer l'espèce et est mesuré. Une fois cette opération terminée, les individus sont remis à l'eau. 1.3.3 En quoi est-ce un cas exemplaire?
Le jeu de données de suivi du CNPE de Bugey est intéressant à plusieurs titres : – c'est un jeu de données permettant d'étudier les effets des variations environnementales. En effet, Humphries et al. (2008) ont souligné l'importance de disposer de jeux de données couvrant une longue période, supérieure à 20 ans, pour pouvoir discriminer l'importance des variations d'environnement dans les phénomènes biologiques. Le jeu de données Bugey, couvrant une période de 30 ans (au moment de l'étude et qui se poursuit toujours) fait partie de ces rares jeux de données, – la présence des stations de mesure de température et de débit au sein même du site d'évaluation biologique permet une confrontation directe des deux types d'information. Ce n'est pas toujours le cas, et certaines études reposent sur des reconstructions des données de températures via des modèles de régression entre la tem- 26 1. Introduction 27 pérature de l'air et la température de l'eau. Ces reconstructions introduisent alors une source d'erreur supplémentaire, – du fait des plus grands problèmes d'échantillonnage et de la moindre présence d'espèces de premier intérêt halieutique, les jeux de données sur les grands cours d'eau sont relativement peu nombreux par rapport à ceux relatifs aux cours d'eau de plus petite taille, étudiant notamment les biotopes salmonicoles (truite, saumon). 1.3.4 Les sources de variabilités
La modélisation permet de structurer l'information contenue dans le jeu de données en introduisant les deux sources de variabilité contrôlées dans le dispositif expérimental. On peut en effet étudier les effets suivants : – effet saison : le système étudié étant dynamique, le nombre d'individus observés à différents moments de l'année pourrait varier de façon significative. Cette éventuelle influence de la saison d'échantillonnage sur les abondances de juvéniles de l'année peut être étudier en introduisant une variable saisonnière dans les modèles. – effet station : les 8 stations d'échantillonnage ne sont pas strictement équivalentes en termes de conditions d'habitat pour les différentes espèces de poisson. Il est possible d'étudier les variations d'abondances inter-stationnelles en introduisant une variable stationnelle dans les modèles. Les stations peuvent également être regroupées en fonction de certaines caractéristiques particulières pour tester des effets réalistes tels que la position amont/aval du CNPE. Dans ce cas, une différence de comportement des stations aval par rapport aux stations amont pourrait être interprétée comme un effet des activités de la centrale nucléaire. – effet espèce : tous les individus sont déterminés jusqu'à l'espèce, cette effet peut donc être introduit. Toutefois, certaines erreurs peuvent survenir, du fait de fortes ressemblances entre certaines espèces, sur des individus peu âgés. Évidemment, ces effets peuvent être introduits séparément ou simultanément. Par exemple, on peut aussi considérer un effet d'interaction "espèce x station amont/aval". Dans ce cas, toutes choses étant égales par ailleurs, le nombre moyen d'individus observés pour une espèce donnée sera différent entre les stations amont et les stations aval. Il subsiste néanmoins de nombreuses sources de variabilité qui ne sont pas contrôlables car elles ne sont pas testables au sein d'un plan expérimental. Même à station et à saison fixées, le résultat des échantillonnages par pêche électrique est le fruit de nombreuses incertitudes. En effet, en dehors du fait que comme tout protocole d'échantillonnage il n'est pas exhaustif, tous les poissons observés dans l'eau ne sont pas prélevés lors de l'épuisetage. En effet en fonction de la force du courant, les poissons sont parfois entraînés et le champ électrique peut ne pas être suffisant pour les retenir assez longtemps dans la région centrale de l'anode. De plus, en fonction de la taille des individus et de l'angle de pénétration de leur corps dans le champ électrique, l'effet de tétanie n'est pas le même, et certains individus ne sont que faiblement touchés, bien qu'ils soient observés. De la même façon, manoeuvrer le bateau en bordures de cours d'eau souvent encombrées est assez difficile et il arrive que le bateau se retrouve parallèle à la berge sur une courte période, générant des effets répulsifs de la cathode sur les individus présents. Les données de température et de débit ne donnent qu'une indication du régime quotidien. Si cela semble peu problématique pour les températures (les variations de température de l'eau au cours d'une journée sont relativement faibles), les non homogénéités peuvent être plus importantes pour les débits. En effet, le Haut-Rhône est exploité pour l'hydroélectricité depuis la fin du 19ème siècle et a vu sur cette période l'implantation de 9 barrages hydroélectriques entre Genève et Lyon. La gestion industrielle de ces ouvrages génère de grandes variations de débit au sein d'une même ournée. Alors que le débit journalier moyen observé est d'environ 500 m3.s-1, ces variations atteignent parfois plusieurs centaines m3.s-1, en l'espace de quelques heures. Or, les poissons semblent être assez sensibles à ces variations rapides de débit, et, en cas de très faibles débits, ils pourraient ne repeupler que lentement les zones qui étaient découvertes. Les conditions de débit dans les heures qui précèdent les échantillonnages ont sans doute une importance particulière sur les variations d'abondance observées, sans que l'on puisse appréhender cet effet. Les autres sources d'incertitudes 1. Introduction 1.4 Conclusion
Que la question soit abordée d'un point de vue fondamental ou plus applliqué, l'un des points cruciaux dans la compréhension des réponses des communautés aux variations de l'environnement est de réussir à séparer la part de variabilité liée aux variations naturelles de celles liées à des pressions anthropiques. Cette thèse a pour objectif d'apporter de nouvelles méthodes de modélisation permettant une prise en compte de la complexité du système, liée à l'existence de ces multiples forces motrices dans un cadre quantifié.
Chapitre 2
Pour étudier le fonctionnement naturel de systèmes complexes tels que les cours d'eau, il faut résoudre un certain nombres de problèmes pratiques ou théorique, ou au moins, de clarifier les hypothèses fortes qui vont servir à simplifier le modèle d'étude. Se servir de la modélisation statistique pour mieux comprendre, ou préciser certaines hypothèses sur, le fonctionnement écologique de ces milieux nécessite de s'interroger tant sur la biologie que sur le protocole expérimental et les outils mathématiques. Dans cette partie, nous listons les principaux défis à relever dans le cadre de cette thèse. Nous verrons dans un premier temps les principales interrogations écologiques : il nous semble nécessaire de proposer de nouvelles approches complémentaires aux principaux outils de la bioévaluation ; que le système étudié souffre d'un déficit de connaissances, par rapport à des systèmes plus restreints et mieux documentés ; et que la description de l'environnement naturel n'est pas évidente. Dans un second temps, nous verrons que les données dont on dispose ne permettent pas de développer tous les modèles auxquels nous aurions pu, a priori
2.1 Les défis écologiques
Les approches classiques de la bioindication sont insuffisantes Les bioindicateurs sont des organismes ou ensembles d'organismes qui - par référence à des variables biochimiques, cytologiques, physiologiques, éthologiques ou écologiques - permettent, de façon pratique et sûre, de caractériser l'état d'un écosystème et de mettre en évidence aussi précocement que possible leurs modifications naturelles ou provoquées Blandin (1986). On peut donc caractériser des bioindicateurs à différentes échelles de complexité. – les biomarqueurs sont identifiés au niveau cellulaire et tissulaire. Des polluants toxiques présents dans le milieu peuvent pénétrer dans les organismes et modifier le fonctionnement cellulaire, en fonction de l'intensité et de la durée d'exposition. Des modifications de composition, de concentration ou d'activité de certaines substances -marqueurs biochimiques - peuvent alors être détectées par des dosages spécifiques et les biomarqueurs sont des indicateurs d'exposition à des substances toxiques. – les bioessais sont pratiqués sur des organismes tests. Mis en oeuvre dans un contexte expérimental selon des procédures standardisées, les bioessais mesurent la réponse physiologique ou comportementale induite par un polluant toxique sur un échantillon d'organismes sélectionnés d'après leur sensibilité au toxique. Les grandeurs les plus souvent utilisés sont les taux de mortalité et de reproduction, l'activité respiratoire, la mobilité chez des invertébrés et des poissons, etc Ces deux premières catégories d'indicateurs biologiques relèvent de l'écotoxicologie qui peut être définie comme "discipline étudiant qualitativement et quantitativement les effets néfastes des polluants chimiques sur les écosystèmes, pouvant aller jusqu'à l'examen des impacts sur l'homme. – les indicateurs biocénotiques sont basés sur la structure des peuplements, et se situent donc au niveau des communautés. Ils s'inscrivent dans un cadre conceptuel différent de celui de l'écotoxicologie dans la mesure où le système naturel est l'objet central de la connaissance pour l'hydrobiologie et l'écologie des milieux aquatiques. Plusieurs approches ont été proposées pour décrire la structure biologique des communautés. En formulant l'hypothèse que les milieux de meilleure 33 qualité abritent une faune plus variée, la première approche a vu la mise en place d'indices de richesse spécifique ou de diversité, tels que l'indice de Shannon, afin de caractériser l'état du milieu par la richesse en espèces. Cependant, il a été montré qu'une légère détérioration du milieu vait aussi favoriser la cohabitation d'un plus grand nombre d'espèces. C'est la théorie des perturbations intermédiaires (Connell, 1978) et cela rend l'utilisation de ces descripteurs difficile. Ensuite, l'utilisation de taxons ou d'espèces cibles, identifiées comme répondant à la modification d'un aspect donné de l'écosystème a été proposée. Cependant ces méthodes fondées sur la présence/absence d'un petit nombre d'espèces cibles ne permettent souvent de caractériser que des états très contrastés (notamment pour le compartiment invertébrés) et peinent à apporter des réponses lorsque les variations sont plus fines. De plus, dans le cas du compartiment poisson, la forte plasticité (capacité à accepter des conditions environnementales diverses) des espèces cibles, notamment chez les individus adultes de cyprinidés, fait que les situations discriminées ainsi sont en général assez triviales. 2.1.2 Les assemblages piscicoles en grands cours d'eau : un système peu étudié Approches bibliographiques
L'étude des assemblages nous met face à un niveau de complexité important, et les choix de représentation révèlent des parti-pris importants. Face à cette complexité, les approches sont majoritairement très descriptives. Historiquement, les études de la structure des assemblages se concentraient essentiellement sur la description de la structure attendue, connaissant la position du site au sein de grands gradients régionaux. Il s'agissait donc d'une vision très globale et stationnaire des déterminismes de réponse des assemblages. Les grands descripteurs utilisés étaient la distance à la source et la température (Huet, 1949; Vannote et al., 1980), et se révèlent insuffisamment fins car n'intégrant pas de variables décrivant l'environnement local pour expliquer les variations fines d'assemblage. Depuis le début des années 90, de nouvelles approches sont apparues afin de mieux prendre en compte les déterminismes locaux de la varia-
2. Les défis méthodologiques de la question de thèse
Assemblages piscicoles et variations de l'environnement tion de structure des assemblages. Actuellement, deux grandes approches dominent le champ bibliographique de l'étude des communautés, cherchant toutes deux à introduire une meilleure prise en considération de la complexité du système : – description par une méthode multimétrique : Une métrique est une mesure calculée qui représente un ou plusieurs aspects de la structure, de la fonction ou toute autre caractéristique de l'assemblage biologique et qui varie avec l'augmentation des impacts anthropiques. C'est donc une caractéristique d'un assemblage qui évolue en réponse à un gradient de pression et dont on espère que le calcul permette de préciser la position du site étudié sur ce dit gradient. Un indice multimétrique n'est qu'une pondération des résultats obtenus pour différentes métriques afin de constituer une note qui permet de déterminer l'état plus ou moins impacté du site. On voit tout de suite les limites de cet indice multimétrique, qui, intégrant les effets des différentes pressions, ne permet plus de discerner quelle pression est responsable de quelle modification dans la structure biologique. Trebitz et al. (2003) ont montré que de tels indices manquent de sensibilité aux variations fine du milieu. L'analyse de métriques simples et sélectionnées sur la base de grandes caractéristiques biologiques bien choisies pourrait permettre de mieux discerner les différents effets. Tableau 2.1 – Nombre d'articles référencés dans le Web of Science pour quelques espèces de poissons (tableau actualisé au 1er juin 2010) mot clé nom vernaculaire nombre de références "Salmo trutta" truite fario 3868 "Rutilus rutilus" gardon 1493 "Leuciscus cephalus" chevesne 430 "Barbus barbus" barbeau 219 "Gobio gobio" goujon 171 "Alburnus alburnus" ablette 164 "Chondrostoma nasus" hotu 143 "Leuciscus leuciscus" vandoise 94 "Alburnoides bipunctatus" spirlin 30 36
Des études sur les liens entre habitat et population existent, mais elles ont souvent pour sujet la truite ou le saumon et leur habitat dans les cours d'eau de plus petite taille (Gouraud et al., 2001, 2004, 2008; Baglinière and Champigneulle, 1982; Baglinière et al., 2004, 2005). Ces études ne sont pas directement généralisables aux grands cours d'eau. En effet, les deux types d'habitat sont très différents et, ne se situant pas aux mêmes échelles spatiales, n'ont pas les mêmes vitesses de réponse aux perturbations. 2.1.3 La prise en compte de l'environnement naturel
Les régimes annuels hydrique et thermique doivent être décrits de façon synthétique. En effet, la description complète et exhaustive d'un régime annuel revient à intégrer une valeur de température et de débit pour chaque jour, et donc autant de variables, ce qui est manifestement inutilisable. Il est beaucoup plus aisé de limiter la description des régimes à certaines de ses caractéristiques. En général, cinq notions sont particulièrement adaptées (Poff and Ward, 1989; Walker et al., 1995; Olden and Naiman, 2010; Resh et al., 1988; Poff et al., 1997) : magnitude (valeur absolue observée), de fréquence (taux de retour d'une condition donnée), de durée (nombre de jours durant lesquels une condition donnée est observée), de temporalité (à quel moment la condition est observée) et de soudaineté (décrit la rapidité avec laquelle la température ou le débit passe d'une magnitude à une autre). Décrire ces différentes composantes d'un régime permet de le décomposer en variables quantitatives concises, dont l'utilisation résume les effets généraux du régime. Afin de déterminer les aspects importants à prendre en compte pour les différents régimes, on s'appuie sur la connaissance de la biologie des espèces et de leurs cycles de vie. En effet, les parties les plus intéressantes du cycle de vie sont les phases de grande sensibilité de celles-ci à leur environnement, comme par exemple les phases embryonnaire ou larvaire, ou encor le passage à la nourriture exogène (Balon, 1984). La temporalité de ces phases détermine les périodes d'intérêt des régimes environnementaux. Ainsi, les périodes de ponte, les phases larvaires et les premiers stades de croissance sont particulièrement intéressants à repérer (figure 2.1), car elles c à des périodes déterminant fortement le nombre d'individus annuellement recrutés pour une espèce, soit par le nombre d'oeufs émis, soit par la survie des oeufs et des larves En général, on admet que la température de l'eau joue un rôle majeur dans la temporalité de la ponte des poissons, et chez les espèces de cyprinidés peuplant les cours d'eau français, la majorité des espèces commencent à se reproduire lorsque la température de l'eau atteint 12 ̊C (Mills and Mann, 1985). La temporalité de l'épisode de ponte peut potentiellement avoir une forte influence sur le nombre de juvéniles (via des phénomènes de trade-off entre croissance et production d'oeufs chez les adultes, ou des plus faibles taux de survie des juvéniles dans le cas encore d'une moins longue période de croissance car des alevins trop petits survivent moins bien à la période hivernale), et il est donc intéressant d'introduire une variable décrivant la temporalité d'occurence de cette température seuil de 12 ̊C. De la même façon, le développement des macroinvertébrés aquatiques, qui constituent une part importante de l'alimentation des juvéniles de poisson est un épisode important. La maturation des nymphes s'accentue lorsque la température de l'eau atteint environ 18 ̊C (voir figure 2.1). De la même façon, Karr (1991) insiste sur l'importance des variations du régime hydrique sur la structure et le fonctionnement, et donc l'intégrité, de la biocénose aquatique (figure 2.2). Le régime hydrique joue un rôle majeur dans la détermination de l'habitat disponible, que ce soit à une échelle temporelle faible pour l'habitat local (repos, alimentation, ) ou à l'échelle saisonnière pour par exemple la disponibilité d'habitat nécessaire à la reproduction lors des périodes favorables. De plus, la disponibilité de l'habitat sera différente selon le stade de développement atteint par les individus. Les preferendums sont différents pour une larve, un juvénile ou un adulte. Les aspects énergétiques sont importants aussi, et le transport de substrat solide par les cours d'eau est au coeur du fonctionnement hydrogéomorphologique des rivières. Le transfert des substrats solides garantit une diversité d'habitats et leur renouvellement temporel. De la même façon, un régime hydrique trop faible, donc à très faible énergie, s'accompagner de dépôt dommageable de sédiments fins sur les zones naturellement propices à la reproduction, ou à la production d'invertébrés. Ce phénomène de colmatage perturbe fortement ces fonctions du milieu. Enfin, le régime hydrique joue un rôle fondamental dans la qualité chimique de l'eau en diluant plus ou moins, et en transportant plus ou moins vite vers l'aval les composés chimiques présents dans l'eau. De plus, les sédiments fins sont capables, dans certaines conditions, d'absorber ces composés, influençant directement leur lors des premiers stades de vie. 38 Figure 2.1 – Chronique thermique annuelle et cycles de vie des comparti- ments de l'écosystème aquatique (dans Olden and Naiman, 2010)
(a) Le régime thermique d'un cours d'eau définit la magnitude, la fréquence, la durée, le timing et la variabilité de la température de l'eau à différentes échelles spatiales et temporelles. Quelques descripteurs quantitatifs (d'autres pourraient être définis) de différentes composantes du régime thermique sont montrées : évènements de haute température (EHT) et évènements de basse température (EBT), fondé sur des seuils de températures hauts et bas prédéterminés. Les seuils peuvent provenir de connaissances écologiques (par exemple températures léthales haute et basse, seuil déclencheur des pontes ou de croissance) ou de distributions statistiques des températures annuelles (par exemple les 10èmes et 90èmes percentiles). (b) Le régime thermique influence l'écosystème aquatique par le biais de multiples mécanismes qui opèrent à différentes échelles spatiales et temporelles. Quelques exemples de l'influence de la température sur les aspects bioénergétiques et les histoires de vie des poissons (fond gris), des insectes (police normale) et des plantes (souligné). Dans l'ensemble, les biotas natifs des écosystèmes aquatiques ont évolué en réponse au régime thermique naturel.
2. Les défis méthodologiques de la question de thèse 39 Figure 2.2 – Influence du régime hydrique sur l'intégrité des assemblages
Le régime hydrique est d'une importance capitale dans le maintien de l'intégrité écologique des systèmes aquatiques. Les cinq compartiments du régime - magnitude, fréquence, durée, timing et taux de changement influencent, tant directement qu'indirectement au travers de leurs effets sur des régulateurs primaires de l'intégrité. La modification du régime hydrique a par cons quent des effets en cascade sur l'intégrité écologique des cours d'eau.
biodisponibilité. Importance de la variabilité naturelle
La grande majorité des articles cherchant à lier les assemblages piscicoles à leur environnement se placent dans un contexte d'étude des pressions anthropiques, et très peu d'études sont menées pour évaluer l'importance de la variabilité naturelle, y compris dans les contextes très anthropisés. Pourtant, il semble indispensable d'évaluer, pour une situation de pression donnée, la variabilité résiduelle existant dans la composition des assemblages, afin de ne pas en tirer de conclusions hâtives. Il piscicoles (d'après Karr, 1991). Assemblages piscicoles et variations de l'environnement est impératif de mesurer les poids respectifs de la structuration naturelle et des pressions. L'importance des régimes naturels, tant hydrique Poff (1997) que thermique Olden and Naiman (2010), dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques et surtout dans la structuration des assemblages de poissons ont été mis en avant à la section précédente. Les processus écologiques de sélection naturelle et d'adaptation aux conditions locales font que dans un système non perturbé, les assemblages observés sont le résultat de ces conditions locales. Afin d'expliquer l'évolution des assemblages en réponse aux perturbations, on s'intéresse généralement à la déviation de l'assemblage par rapport à cet état initial, qu'il nous faut donc décrire et comprendre. Ainsi, on peut décrire en parallèle l'évolution de l'environnement due aux perturbations, et décrire la façon dont les assemblages répondent à cette évolution. En introduisant des variables décrivant l'environnement hydrique et thermique, on peut chercher à extraire la part de variabilité due aux variations interannuelles naturelles de l'environnement de la variabilité totale, et on peut ensuite se consacrer à l'explication de la variabilité résiduelle, qui sera peut-être expliquée partiellement par les perturbations du milieu. On constate sur les figures 2.3 et 2.4 que les composantes des régimes hydrique et thermique peuvent être très variables d'une année à l'autre. Par conséquent, il est probable que les comportements induits par ces composantes puissent être décalés dans le temps, favorisés, pénalisés, voire même supprimés, induisant des modifications plus ou moins profondes de la structure de l'assemblage, et ce, malgré des conditions de pression anthropique stationnaires. Des pressions non prises en compte En réduisant les régimes naturels à certaines de leurs composantes, on entre de plein pied dans le parti-pris de modélisation. Le choix des variables est très important, et malgré tout l'expertise que l'on peut réunir, il existe toujours un risque de négliger des aspects importants des variations du milieu. De plus, en considérant que les pressions anthropiques sur le milieu sont localement stables dans le temps, on fait peut-être une hypothèse forte. Il se peut que les pressions à large échelle se répercutant jusqu'au niveau local, telles que l'occupation ou l'utilisation des sols sur le bassin versant qui influencent la physico-chimie de l'eau, la production d'algues et d'invertébrés, soient variables et aient une influence sur la structu L'étude des 0+ est-elle suffisante pour estimer l'état du système? L'importance et l'utilité d'étudier la composition des stades juvéniles a déjà été montrée. Cependant, il convient de considérer si l'étude de ces stades est suffisante pour caractériser le compartiment poisson pour les grands cours d'eau. On sait que les assemblages de poissons adultes sont porteurs d'une information qui intègre toute l'histoire de vie de plusieurs cohortes et les effets successifs des déterminants abiotiques et biotiques, tant en intra qu'en interspécifique. Toutefois, les limitations liées à l'échantillonnage ne permettent pas cette étude, du moins de façon directe. Il faut donc s'intéresser aux possibilités d'inférer la structure des assemblages adultes à partir de celle des assemblages juvéniles. Une hypothèse forte que nous avons formulée est que le nombre d'adultes présents au moment du frai ne joue qu'un rôle négligeable pour déterminer les effectifs de juvéniles observés. Cette hypothèse, assez forte, d'une résilience (capacité d'un système à se rétablir à la suite d'une perturbation) importante du système a pour corollaire qu'il est impossible d'inférer le nombre d'adultes présents une années n à partir des effectifs de juvéniles observés cette même année. Cependant, les travaux de Mills and Mann (1985)ont mis en évidence que la force de classe d'âge (effectif relatif d'une classe d'âge par rapport à l'effectif total d'une espèce) se propage dans le temps et qu'une cohorte importante l'année n, reste successivement forte les années suivantes. Cela plaide pour un taux de mortalité stable pour les différentes classes d'âge non juvéniles. On pourrait donc envisager d'inférer la structure d' un assemblage adulte de l'année n, à partir des assemblages juvéniles des années n-5 à n-1, par exemple. 2.2 2.2.1 Les défis de la modélisation Un protocole expérimental préexistant et non dédié à la question posée
Le protocole de suivi des populations de poissons du site de Bugey a été mis en place, dès 1977, sans déterminer de plan d'expérience statistique propre. Étant donné que cette étude avait pour but essentiel 2.1.4 44 On ne peut pas faire la différence entre la capturabilité et la taille des populations Le protocole d'échantillonnage ne prévoit qu'un seul passage à chaque occasion de pêche pour chaque station. C'est une limitation importante des modèles statistiques possibles. En effet, pour modéliser un échantillonnage aléatoire d'un nombre d'individus n parmi N possibles, on utilise en général un modèle du type binomial, régi par un couple (N, p) de paramètres, où p est la probabilité de capture de chaque individu. L'intérêt des méthodes d'échantillonnage constituées de plusieurs épisodes de capture, tels que les protocoles de capture-marquage-recapture ou de captures successives, est justement de permettre l'estimation conjointe des deux paramètres du modèle binomial car on a alors un système à deux équations pour deux inconnues. En présence d'une seule occasion de pêche à chaque échantillonnage, on n'a qu'une seule équation pour deux inconnues et un problème d'identifiabilité : il est impossible de dégager l'abondance totale des espèces, de leur probabilité de capture. On identifie facilement ce problème en vérifiant a priori la capacité d'un modèle simple à inférer la valeur des paramètres sur un jeu de données simulé. Ce travail consiste en la génération d'un jeu de données à l'aide du modèle pour lequel des valeurs de paramètres ont été fixées. Ensuite, à partir de ce jeu données, on infère les distributions de probabilité de ces paramètres sur lesquels on place alors un prior, selon les préceptes bayésiens. Le graphe de corrélation entre les paramètres est alors caractéristique (Fig. 2.5). En effet, de déterminer les éventuels impacts de l'implantation de la CNPE de Bugey sur les populations piscicoles, l'accent a été mis sur une répartition de stations d'échantillonnage entre l'amont (stations prises comme référence, car non impactées) et l'aval (stations de test) de la centrale. Une sous répartition entre rive droite et rive gauche du Rhône avait également pour but de tester des hypothèses concernant la propagation du panache d'eaux réchauffées par la centrale (mitigation plus ou moins rapide des deux types d'eau ou panache concentré sur la rive d'émission du panache). L'impossibilité de préciser les paramètres d'abondance et de capturabilité empêche le développement de modèles d'écologie théorique trop complexes et l'inférence de leurs paramètres. Les modèles classiques de dynamique de population reposent sur des équations théoriques. Ce sont souvent des équations différentielles qui décrivent l'évolution au cours du temps de l'effectif d'une population, régie par des paramètres décrivant les caractéristiques populationnelles, telles que la reproduction et la mortalité. On cherche alors à inférer les valeurs de ces paramètres afin de préciser le fonctionnement de la population. Des modèles plus évolués font intervenir un jeu d'équations couplées et permettent de décrire les interactions entre plusieurs populations ou plusieurs espèces. Le plus célèbre de ces modèles est le modèle proie-prédateur de Lotka-Volterra, décrit en 1925. Plus tard, la description du modèle quadratique a permis la prise en compte des interactions biotiques plus fines entre les espèces, telles que la compétition (Beltrami, 1997). Il s'écrit ainsi : ( dN1 dt = N1.(a1.N1 + b1.N2 + c1 ) dN2 dt = N2.(a2.N1 + b2.N2 + c2 ) où N1 et N2 sont les effectifs des espèces 1 et 2 ; a1, a2, b1, b2, c1 et c2 sont les paramètres démographiques et d'interactions entre les populations. Décrit pour deux espèces, il peut être généralisable à un système multiple d'espèces. Le modèle quadratique présente l'avantage de pouvoir décrire plusieurs comportements selon les valeurs respectives des paramètres. Il peut tendre vers une cohabitation des deux espèces (compétition faible) ou vers l'extinction de la plus faible (compétition exclusive). Ainsi, son utilisation permet de déterminer la nature des relations entre les différentes espèces, ou les différents groupes d'espèces. Mais il fait intervenir des effets du second ordre, qui sont incompatibles avec le fait de n'avoir accès qu'aux indices d'abondances relatives.
Un système ouvert
Le système étudié est un système ouvert vers l'amont et vers l'aval. Ainsi, il peut exister des transferts d'individus entre la zone étudiée et les compartiments amonts et aval, qui constituent des effets de fuite et Les modèles théoriques de dynamique de population multispécifiques ne peuvent se contenter d'un indice d'abondance 47 de recolonisation dans le temps. Ces effets pourraient avoir un rôle important sur la dynamique des populations suivies, mais ne peuvent pas être pris en compte. 2. Les défis méthodologiques de la question de thèse 48
Du point de vue de la modélisation, il faut s'assurer que les régimes hydrique et thermique sont des entrées valables et constituent des variables d'impacts essentielles. Il s'agit en effet dans un premier temps de séparer les signaux forts responsables des variations populationnelles afin de progressivement pouvoir introduire des variables traduisant des comportements plus fins. Les effets directs de la température sont assez bien détaillés dans la littérature scientifique. En effet, de nombreuses études ont montré son importance dans la régulation de l'investissement des individus adultes dans la production et la maturation des gonades au cours de l'automne, dans le déclenchement des comportements reproducteurs (Mills and Mann, 1985), dans le développement embryonnaire et larvaire avec des nombres de degré-jour relativement bien défini et nécessaire pour le passage d'un stade à un autre (Schiemer et al., 2003, 2004). Les possibles effets indirects, par contre, le sont beaucoup moins, et l'importance du régime thermique sur la productivité algale, planctonique et macroinvertébrée, source importante de nourriture pour une grande majorité des poissons (en fonction de leur stade de développement) est encore discutée (Bayley and Li, 1992). Quant au rôle du débit, de nombreuses questions subsistent quant à son importance et son interprétation : son rôle dans la dévalaison des juvéniles de certaines espèces est encore discuté (Reichard et al., 2002; Zitek et al., 2004,?), mais il est considéré comme une variable de premier ordre dans la déterminaton de l'habitat disponible pour les différents stades de développement des espèces de poisson. Cette seconde considération est à la base des modèles de microhabitat, qui permettent de transformer un débit donné sur un cours d'eau donné en valeur d'habitat. Toutefois, si cette transformation très bien documentée sur des cours d'eau de petite taille et des espèces emblématiques telles que la truite, la généralisation à d'autres espèces, mais surtout à des cours d'eau de grande taille, est une question encore ouverte, mais mieux documentée depuis quelques années (Lamouroux et al., 1999).
Un effet perturbateur non maîtrisé : la Centrale de Production d'Energie Nucléaire du Bugey
La présence de la CNPE du Bugey induit un certain nombre de contraintes dans l'étude du jeu de données. En effet, le fonctionnement Retour sur le choix des régimes 49 de la Centrale occasionne des modifications des régimes environnementaux. 2.2.2 La plasticité des espèces
Les espèces étudiées ne peuvent pas être considérées une à une comme des bioindicateurs. En effet, ces espèces sont adaptées à la variabilité environnementale et présentent donc des spectres de tolérance assez grands. Cette plasticité des espèces fait qu'en étudiant chaque espèce séparément, on ne pourrait espérer mettre en évidence que des variations très importantes et brutales de régimes environnementaux et il faut s'interroger sur l'opportunité, en étudiant ce cortège d'espèces, d'apporter des éléments de réponse suffisamment fins. Toutefois, on considère le peuplement dans son ensemble afin de déceler, dans les variations relatives des espèces au sein de cet assemblage, les modifications dues à des variations plus fines de l'environnement. 2. Les défis méthodologiques de la question de thèse 2.2.3
Peut-on quantifier par des lois ces phénomènes dont la connaissance est surtout qualitative? Le travail de modélisation consiste en une démarche de représentation simplifiée, mais fidèle, du fonctionnement du système étudié. Pour ce faire, il s'agit de bien identifier le phénomène biologique que l'on souhaite étudier, et les hypothèses que l'on peut formuler. En général, il s'agit de décomposer le système en différents compartiments, observés ou latents, que l'on suppose impliqués dans les phénomènes étudiés. Il s'agit là d'une première difficulté : identifier ces compartiments et les transformer en variables chiffrées. La seconde difficulté réside alors dans la traduction des connaissances sur les phénomènes qui lient les différents compartiments, que ce soient des fonctions biologiques ou bien des représentations de protocoles d'échantillonnage, en équations. Pour ces dernières, la sélection d'une distribution de probabilité pour les différents compartiments concernés est un défi récurrent (Gray, 2005). Il s'agit donc d'avoir une connaissance suffisante du système biologique, et une maîtrise des outils mathématiques permettant de modéliser son fonctionnement. Les échantillonnages qui servent à contrôler les états simultanés des différents compartiments introduits, ce qui permet de quantifier les équations que l'on place entre eux. Naturellement, plus le nombre de compartiments et de relations les liant augmente, plus le nombre d'échantillons expérimentaux doit être important. Il est donc également nécessaire de trouver la bonne échelle d'étude afin de ne pas introduire de mécanismes trop complexes ou trop fins dans le système, et qui ne puissent pas être suffisamment contrôlés. Pour conclure, on peut citer Coquillard and Hill (1997) : "le processus de modélisation est donc complexe. C'est une entreprise de longue haleine, parsemée de pièges et de difficultés. L'établissement d'objectifs clairs dès la décision d'élaborer un modèle (qu'attend-on du modèle?) évitera bien des modifications ultérieures hasardeuses. Les choix du niveau d'abstraction et du degré de détail sont cruciaux."
2.3 Conclusions
Entre la volonté de développer des modèles complets et très précis, et la disponibilité des données, il est nécessaire de faire des hypothèses simplificatrices pour avancer malgré les difficultés de ma question de recherche. Ainsi au chapitre 3, nous supposerons : 50 2. Les défis méthodologiques de la question de thèse 51 1. Que le procédé de mesure est propre : la capturabilité est la même pour toutes les espèces. 2. 2. Au niveau des variables d'impacts, au lieu d'imposer notre choix de combinaison linéaire explicative, nous laissons les données parler et construire elles-mêmes des
fa
cteurs explicatifs ad hoc les mieux reliés
aux événements de captures. Chapitre 3 3.1 3.1.1 Description des données Description des variables d'environnement explicatives Résumer le régime thermique
Nous avons sélectionné cinq variables décrivant la structure du régime thermique annuel sur la période de l'année jugée comme déterminante pour l'installation d'une cohorte annuelle, c'est à dire entre la période de ponte et la période des pêches d'été. Suivant les travaux menés sur le Rhône par Fruget et al. (2006), nous avons retenu trois seuils de température correspondant à des périodes cibles, et nous avons pris comme trois premières variables le nombre de jours séparant le 1er janvier de l'année et le jour de première atteinte de cette température seuil : – C12 : pour le nombre de jours avant la première atteinte de 12 ̊C. Cette température est atteinte en moyenne au début du printemps et elle correspond plus ou moins à un seuil déclencheur de l'activité de reproduction pour un grand nombre d'espèces (parmi les espèces sélectionnées, seule la vandoise a une reproduction plus précoce, lorsque la température de l'eau atteint à peine 8 ̊C. – C18 : pour le nombre de jours avant la première atteinte de 18 ̊C. Cette température est atteinte en moyenne à la fin du printemps. – Cmx : pour le nombre de jours avant l'atteinte de la température annuelle maximum. On considère cette tempé l' marquant globalement la fin des grandes contraintes thermiques estivales. A partir de ces trois valeurs seuils, nous pouvons déterminer deux fenêtres temporelles, correspondant schématiquement au printemps et à l'été (par notation, dans les noms des variables, l'indice 1 sera attribué au printemps, l'indice 2 à l'été). Il est intéressant d'exprimer le caractère de ces deux périodes, en termes de chaleur relative par rapport à une année moyenne, afin de décrire à la fois la durée et l'intensité des contraintes thermiques sur les périodes définies. 56 3. Un modèle linéaire généralisé logPoisson 57 Figure 3.1 – Variables explicatives résumant le régime thermique Figure 3.2 – Variables explicatives résumant le régime hydrique (exemple sur l'année 1995). Les barres noires signalent les jours de passage des seuils de température, délimitant les deux périodes temporelles. (exemple sur l'année 1995). La courbe bleue est la chronique de température de l'année 1995, la courbe rouge est la moyenne interannuelle. Les sommes des écarts quotidiens de température à la moyenne interannuelle sont représentées par les surfaces entre les courbes, en bleu lorsque la température annuelle est inférieure à la moyenne, en rouge lorsqu'elle est supérieure.
Figure 3.3 – Chroniques des valeurs centrées et réduites des 9 variables
Variations des variables descriptives des régimes thermique et hydrique
Les variations des variables descriptives de l'environnement (notées C12, C18, Cmx, S1, S2, Qm1, Qmx1, Qm2, Qmx2) sont présentées à la figure 3.3. On observe des variations interannuelles très fortes autour de leurs moyennes. Ce sont ces variations interannuelles que l'on cherche à corréler aux variations interannuelles d'abondances de juvéniles des différentes espèces de poissons.
Structure de corrélation entre les variables explicatives
L'écriture d'un modèle linéaire faisant le lien entre une variable à expliquer et plusieurs variables explicatives nécessite au préalable de s'interroger sur l'indépendance entre ces variables explicatives. En effet, les estimateurs des paramètres associés à ces variables explicatives ne seraient alors pas non plus indépendants, pouvant gêner l'inférence, ou pire, fausser les effets relatifs ou leurs tendances. Le tableau 3.1 présente les coefficients de corrélation de Spearman associés à chaque couple de variables explicatives que nous avons défini. On constate que certaines corrélations sont assez élevées. Oberdorff et al. (2002) préconise dans ces cas de supprimer une variable si son coefficient de corrélation avec une autre variable est supérieur, en valeur absolue, à 0.8. Deux couples de va-
Tableau 3.1 – Tableau des corrélations entre variables explicatives C18 Cmx S1 S2 C18 Cmx 1.000 -0.251 -0.125 1.000 0.046 1.000 S1 S2 Qm1 Qmx1 Qm2 Qmx2 0.130 0.191 0.499 -0.074 -0.023 -0.256 -0.861 -0.248 0.239 0.743 0.371 -0.210 0.103 -0.121 -0.194 -0.143 -0.321 0.283 1.000 0.297 -0.419 -0.801 -0.544 0.104 1.000 -0.124 -0.332 -0.367 -0.418 1.000 0.645 0.585 0.059 1.000 0.728 0.048 1.000 0.384 Qm1 Qmx1 Qm2 Qmx2 1.000
riables sont dans ce cas là. Il s'agit de la variable C18 et de la variable S1, ainsi que de la variable Qmx1 et de la variable S1. On pourrait décider de supprimer S1 et conserver ainsi les deux autres variables. 3.1.2 Les variables à expliquer : données d'abondances de juvéniles de cyprinidés. Variations interannuelles des effectifs
Les campagnes d'échantillonnage sur le site du Bugey mettent en évidence des variations interannuelles importantes d'effectifs pêchés des différentes espèces (3.4), de l'ordre d'un facteur 10 à 100. Figure 3.4 – Chroniques des Captures Par Unité d'Effort par espèces, sommées sur l'ensemble du site (pêches d'été) 3. Un modèle linéaire généralisé logPoisson 61
Afin de décrire l'influence des variations interannuelles d'environnement sur les variations interannuelles d'effectifs des populations juvéniles de poisson, on peut formuler l'hypothèse selon laquelle des espèces variant de façon synchrone sont sensibles aux variations des mêmes facteurs environnementaux. On pourra ainsi s'attacher à décrire quels facteurs environnementaux sont responsables des variations d'effectif de quelles espèces ou groupe d'espèces. On cherche donc dans un premier temps à décrire la structure du peuplement piscicole de Bugey, en termes de covariations interannuelles d'abondances de juvéniles. Afin de regrouper les espèces en fonction de leur réponses synchrones, on peut calculer pour chaque couple d'espèce une valeur de la corrélation de leurs effectifs. Ici, nous souhaitons rapprocher les espèces dont les variations interannuelles vont dans le même sens, et nous utilisons donc le Tau de Kendall. On peut utiliser cette mesure non-paramétrique de corrélation car l'échelle de temps sur laquelle les échantillonnages sont considérés, définit elle-même une variable discrète et ordonnée. Pour chaque espèce, on classe alors les années en ordonnant les effectifs de façon croissante. Pour deux espèces données, on regarde si chaque couple de rangs possibles (couples d'années dans notre cas) sont ordonnés dans le même sens. On comptabilise le nombre nc de paires concordantes (les couples d'années sont ordonnés dans le même sens), et le nombre nd de paires discordantes (les couples d'années sont ordonnés en sens contraire). Le de Kendall est donné par la formule suivante :
τ= nc − nd 1 2 n (n − 1)
(
3.3)
où n est le nombre total de couples d'années possibles. La valeur de la corrélation est normalisée par le dénominateur, et τ varie entre -1 (les variations sont parfaitement opposées) et 1 (les variations sont parfaitement synchrones). Cette mesure de corrélation présente l'avantage de confronter les effectifs observés à tous les pas de temps, deux à deux. Ainsi, on a une description à la fois des covariations interannuelles, mais aussi des tendances à plus long terme. Description du synchronisme des variations d'effectifs entre les espèces : la corrélation de rang, ou le Tau non-paramétrique de Kendall 62 Une procédure de clustering pour créer des groupes d'espèce "a priori"
La matrice des taux de corrélations obtenus pour chaque paire d'espèce est difficilement exploitable directement. Mais le tau de corrélation de Kendall peut servir de base au calcul d'une distance, utilisable pour générer un dendrogramme des espèces (Fig. 3.5), dans le cadre d'une procédure de clustering. Pour cela, on utilise la méthode de Ward, méthode de classification hiérarchique qui a pour principe la minimisation de la variance intra-groupe (Ward, 1963). La méthode commence avec un cluster par objet et cherche à chaque étape à grouper deux objets au sein d'un même nouveau cluster, sélectionnant les deux objets ayant la plus faible somme des carrés des écarts à la moyenne, selon la formule (pour un cluster X, ayant NX valeurs) : i=1 NX 1 X xi − xj NX 2 (3.4) j=1 et la distance entre deux clusters X et Y est alors, mathématiquement, en notant XY le cluster formé de la jonction des clusters X et Y:
D(X, Y
)
= SSE (XY ) − [SSE (X) + SSE (Y )] (3.5)
Le dendrogramme représente ces distances entre les espèces, déterminées sur la base de leur réponse synchrone. On peut déterminer ici trois groupes, ou clusters distinct, que l'on interprète en se référant aux évolutions temporelles enregistrées par les chroniques de pêche (Fig. 3.6) : – le premier cluster regroupe l'ablette et la vandoise, espèces qui après avoir connu des variations fortes d'abondances entre les années 1980 et 1992, alternant des abon s très élevées et des abondances faibles, et pour lesquelles les variations d'effectifs capturés diminuent très fortement après 1993 avec des niveaux de captures très faibles. On se référera à ce groupe comme "groupe des espèces en déclin", – le deuxième cluster regroupe le barbeau, le hotu et le goujon ; espèces qui semblent être en légère augmentation sur l'ensemble de la période. On se référera à ce groupe comme "groupe des espèces en légère augmentation", – le troisième cluster regroupe le gardon, le chevesne et le spirlin ; espèces qui, pour le chevesne et le spirlin, connaissent une forte SSE(X) = NX X 3. 3.2.2 La loi de Poisson pour compter des poissons
La loi de Poisson est une loi de probabilité discrète qui décrit l'occurrence d'un nombre d'évènements k se produisant dans un laps de temps fixé, sachant que ces évènements se produisent avec une fréquence moyenne connue et indépendamment du temps écoulé depuis l'évènement précédent. La loi de Poisson est également pertinente pour décrire le nombre d'évènements dans d'autres types d'intervalles, spatiaux plutôt que temporels, comme des segments, surfaces ou volumes. Sa densité de probabilité s'écrit : p (k) = p (Y = k) = e−λ. λk k! (3.6) Le paramètre λ de la distribution de Poisson représente le nombre d'entités présentes (dans notre cas, le nombre de poissons) sur la surface 3.2 65 66 considérée (on peut considérer par exemple le km2 ). Ainsi, le paramètre λ représente la densité de poissons attendue. La régression loglinéaire Poisson
Les données de comptage ne sont jamais distribuées selon une loi normale, et une transformation, comme celle de Box-Cox, afin de les normaliser ne peut pas être envisagée avec satisfaction, notamment dans le cas où de nombreux comptages nuls sont observés. De fait, ces transformations, destinées à se ramener au cas d'une régression ordinaire, ne sont pas intéressantes, car bien souvent, une régression loglinéaire offre un modèle simple et approprié. Ce type de modèle appartient à la famille des modèles linéaires généralisés (McCullagh and Nelder, 1989). C'est un modèle à distribution discrète très souvent utilisé pour modéliser des données de comptage, notamment dans les études médicales, afin de déterminer l'influence d'un traitement, ou d'un facteur extérieur sur le nombre de cas cliniques (Haining et al., 2007). En écologie, c'est un modèle omniprésent dès lors qu'il s'agit d'étudier des abondances d'espèces, avec des protocoles d'échantillonnage par comptage, par exemple pour des oiseaux (Feria and Peterson, 2002; Thogmartin et al., 2004). La régression loglinéaire est basée sur l'hypothèse de distributions de Poisson indépendantes pour les comptages. Ainsi, on ne considère plus que les résidus ε de la régression sont identiquement et indépendemment distribuées selon une loi normale. De plus, dans ce type de modèle, ce n'est pas l'abondance locale attendue qui est linéairement dépendante de covariables X, mais son logarithme. Ainsi, si l'on considère le vecteur Y, représentant les n observations d'abondances, et si l'on suppose que l'abondance locale attendue λ varie en fonction de X, la régression loglinéaire de Y sur X s'écrira :
( log (λ) = X.β (3.7) Y ∼ P oisson (λ)
Le choix de de la loi de Poisson comme hypothèse "naturelle" dans ces cas pourrait être débattue, notamment parce qu'il impose une même valeur à la moyenne et à la variance des observations (c'est un trait caractéristique dû à la parcimonie de la représentation fondée sur une loi de Poisson). Quoi qu'il en soit, c'est le modèle standard pour représenter des comptages dans de nombreuses configurations pour lesquelles les 3.2.3 3. Un modèle linéaire généralisé logPoisson 67 comptages proviennent de l'agrégation de processus ponctuels de Poisson (Royle and Dorazio, 2008). Le choix d'un modèle loglinéaire est aussi conceptuellement plus satisfaisant, dans la mesure où il conduit à l'écriture d'un modèle à effets multiplicatifs, et non plus additifs, des covariables sur λi, l'effectif moyen attendu l'année i. 3.2.4 Les clusters d'espèces comme structuration hiérarchique des modèles
La communauté des écologues est de plus en plus consciente de l'importance de bien identifier les multiples sources d'incertitude lorsqu'il s'agit de modéliser un phénomène écologique et d'en mener l'inférence (Cressie et al., 2009). Comme souligné par Clark (2005), les modèles bayésiens hiérarchiques traitent la complexité en permettant de subdiviser le problèmes en strates, et met à notre disposition un cadre mathématique fiable, autorisant le traitement de pratiquement tous les problèmes à grandes dimensions. Cette décomposition permet de décomposer et structurer les sources de variations sur les différentes strates. La vraisemblance est toujours au coeur de la structure, en tant que première strate, p (y | θ) ≡ p (observées | processus, paramètres). La vraisemblance est le "modèle de données", conditionné par un modèle du processus et des paramètres. Mais on peut écrire des modèles pour eux aussi, p (processus | paramètres) et p (paramètres). Le modèle complet est donc la distribution jointedes variables, que ce soit des paramètres ou des variables latentes.
p (paramètres | modèle, données) ∝ p (données | processus, paramètres) ×p (processus | paramètres) ×p (paramètres)
Les variables latentes vont en général être incluses dans la strate du processus. Comme elles décrivent une partie du fonctionnement du système que l'on ne peut observer, elles dépendent de paramètres, et interviennent à leur tour comme une sorte de paramètre dans le modèle de vraisemblance des données. En ajoutant un modèle décrivant la variation des paramètres (pour tenir compte de phénomènes de similarités liées à des proximités spatiales, par exemple), via une strate supplémentaire définissant des hyperpara s, on introduit de la variabilité dans le processus. On écrit alors Apports du hiérarchique 68 p (paramètres | hyperparamètres). Dans notre cas, la sructure hiérarchique mise en place, tenant compte des évolutions interannuelles communes de certaines espèces, a permis de préciser l'influence des signaux environnementaux sur la structure de l'assemblage juvénile. Pour conclure, la structure hiérarchique autorise des sources de variations à différents niveaux. De plus, elle permet l'écriture d'un modèle cohérent et intégré dont on identifie et quantifie les sources d'incertitudes à chaque niveau (Webb et al., 2010) En travaillant sur des partie de modèles à plus petite dimension, on a en permanence une structure conditionnelle, et, plutôt que de poser la question "Comment fonctionne le processus dans son ensemble?", on regarde "Comment fonctionne cette partie, conditionnellement aux autres éléments qui l'affectent directement?" Les relations complexes, qu'elles soient spatiales, temporelles et à l'échelle individuelle ou du groupe, apparaissent lorsque l'on marginalise (c'est à dire que l'on intègre, donc on propage l'incertitude) sur l'espace des éléments, à l'aide généralement d'outils informatiques (Clark, 2005). Bien sûr, des structures hiérarchiques peuvent être écrites en dehors d'un cadre bayésien (on pense aux modèles à effets mixtes, par exemple). Cependant, la flexibilité de l'approche bayésienne rend la formulation et la mise en oeuvre de tels modèles bien plus simple et directe, en comparaison de ces autres méthodes (Webb et al., 2010).
Application à notre cas d'étude
Dans notre étude, nous allons supposer que les espèces présentant des réponses synchrones sont partiellement substituables. On peut expliquer cela par l'hypothèse selon laquelle deux espèces évoluant de façon similaire le font sous la contrainte d'un signal environnemental commun. Par conséquent, les trois groupes d'espèces définis à la section 3.1.2 peuvent servir de niveau hiérarchique sur lequel s'exercent les effets des variations de l'environnement. Dans le cas où l'on combine plusieurs sources de données observées, ces structures permettent de plus d'introduire le concept d'indépendance conditionnelle. Ainsi, si deux sources de données Y1 et Y2 sont indépendantes conditionnellement aux paramètres (c'est-à-dire que les observations de l'une n'ont pas d'influence sur les observations de l'autres, à paramètres fixés), alors, la vraisemblance du couple de variables sera simplement le produit des vraisemblance de chacune des variables.
3. Un modèle linéaire généralisé La question du choix de modèles? Nombre de modèles possibles
Dans le cadre d'un modèle linéaire, le nombre de modèles possibles augmente de façon exponentielle avec le nombre de variables introduites. Ainsi, le fait d'étudier l'effet de k=7 variables explicatives permet d'écrire 2k = 128 modèles possibles, en considérant que l'on peut allumer ou éteindre l'effet de chacune des variables de façon indépendante les unes des autres. Toutefois, cette structure permet d'écrire assez facilement l'ensemble des modèles possibles, sous la forme d'une matrice de 0 et de 1 et donc de simplifier les mises en oeuvre informatiques. Afin de comparer plusieurs modèles et de déterminer lequel d'entre eux reflète le mieux la structure des données, on utilise généralement le Facteur de Bayes (FB) comme critère. Le FB permet de confronter des modèles deux à deux. Considérons deux modèles M1 et M2, ainsi que leur probabilité a priori d'être le meilleur modèle Π1 et Π2. On peut donner également la vraisemblance des données observées, conditionnellement à chacun des modèles, respectivement Π (Y |θ, M 1 ) et Π (Y |θ, M 2 ) Le facteur de Bayes s'écrit comme le rapport des vraisemblances marginales des données conditionnellement aux deux modèles en compétition, corrigé par le rapport des probabilités de chacun des modèles a priori. On a
: [M1 | Y ] [Y | M1 ]. [M1 ] = (3.8) [M2 | Y ] [Y | M2 ]. [M2 ] et FB = [Y |M1 ] [Y |M2 ] = [M1 |Y ] [M1 ] [M2 |Y ] / [M2 ]
Dans le cas où tous les modèles sont a priori équiprobables, le rapport des vraisemblances marginales, i.e. le FB, donne directement le rapport des probabilités a posteriori des modèles. C'est ce que nous considérerons ici. Il existe également dans le paradigme fréquentiste des méthodes de sélection de variables, parfois plus rapides que le calcul des FB. Les plus connues et les plus couramment utilisées sont les procédures stepwise, qui sont des méthodes itératives qui, partant d'un modèle donné, proposent à chaque itération d'ajouter ou de supprimer une variable. Le critère AIC Méthode bayésienne de choix de variables explicatives et Facteur de Bayes Assemblages piscicoles et variations de l'environnement ("Akaike Information Criterion", défini comme égal à la vraisemblance du modèle pénalisée du double du nombre de paramètres du modèle) est alors calculé pour le modèle proposé. Si l'AIC du modèle proposé est supérieur à l'AIC du modèle actuel, alors le modèle proposé est retenu et une nouvelle proposition a lieu. La procédure s'arrête lorsqu'aucun modèle proche n'est meilleur. Toutefois, la procédure step wise peut se retrouver piégée dans un minimum local des valeurs d'AIC et donc ne pas sélectionner le modèle le plus performant. De plus, le calcul des FB permet de déterminer la probabilité a posteriori qu'a chaque modèle d'être le plus performant (finalement, à l'aide des FB, on ne fait que sélectionner le modèle dont la probabilité d'être le plus performant est la plus élevée).
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Avalappoq, prendre la mer et danser : migrations étudiantes et formation des positions dominantes entre Groenland et Danemark. Géographie. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2022. Français. ⟨NNT : 2022BOR30022⟩. ⟨tel-03967384⟩
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A : eh... si, mais, c’est seulement quelques fois... et ça M: like, why, could you describe a bit? ne vient pas de la famille. Je crois que c’est commun. S: eh... like if you have a lot of stuff to do... it must M : tu pourrais le décrire un peu? be common in universities, to have a lot of work in some periods of time. A : eh... comme si tu avais plein de trucs à faire... ça doit être commun, à l’université, d’avoir plein de travail M: and then how the year is organized here? à certaines périodes. S: well, we have the standard vacations, so summer M : ah, et donc, comment l’année s’organise ici? vacations from end of June to mid-august”. A : eh bien, nous avons les vacances standard, donc les vacances d’été de fin juin à mi-août ». Aqqalu Løvstrøm, licence pro en gestion et design de la construction (VIA College Aarhus), mère travailleuse sociale (groenlandaise), père plombier (groenlandais), Aarhus, avril 2019 Aqqalu construit un récit de soi par objection : l’usage réitéré du « mais » vient contrebalancer systématiquement l’exceptionnalité, et se double d’un recours fréquent (presque dans chacune de ses réponses) au champ lexical de l’ordinaire. Ce qui semble compter ici, c’est d’apparaître dans la norme. À ce stade, il est difficile de saisir l’intentionnalité de mon interlocuteur : cette mise en récit s’expliquerait-elle par son rapport aux études ou par ce que je peux représenter? Il faut dire que ma position est par ailleurs à double tranchant. Cette normalisation pourrait tenir à ma position d’étudiante, qui crée un univers de référentiels similaires (il est attendu que je connaisse la date des vacances, comme il est attendu que je connaisse l’organisation du travail universitaire). Mais cette hypothèse ne fonctionne qu’un temps, ou plus exactement, est vite contrebalancée par une série de marqueurs d’extériorité (« on fait comme ça au Groenland », « dans la culture groenlandaise, c’est comme ça », « tu vois ce que c’est gymnasiale skole? », « ils ont fait un kaffemik114... euh, c’est une fête) qui viennent rappeler qu’à ses yeux, je reste outsider, extérieure au monde et au groupe auquel il appartient. Ce marquage linguistique montre bien les mécanismes d’ajustement du discours face à moi. Pour lui, il était nécessaire de traduire son univers, alors même qu’il connaissait le thème de mes recherches, que nous avions échangé plusieurs fois avant l’entretien – notamment à propos de kaffemik. Cette traduction s’opère clairement selon des lignes nationalisées, qui sont également racialisées, renforcées par la conduite de l’entretien en anglais : j’étais une novice, parfois usant de ce statut pour relancer l’entretien (« vraiment? », « est-ce que tu peux m’expliquer ça? ») mais tombant alors dans l’écueil de renforcer sa posture de traducteur de mondes. Comme l’analyse Amy Best, ces stratégies discursives de l’entretien viennent alors performer « mon identité d’outsider, et par là, maintient, par le discours, mon statut de “Blanche” » (Best, 2003 : 904)115. Cette façon de s’énoncer rappelle que « lorsqu’on fait des recherches, on fait également activement la race » (Best, 2003 : 907)116. La norme de l’entretien devient ici l’univers de la blanchité, dans lequel il faut expliciter ce qu’est un kaffemik et qu’au Groenland, on ne prend pas la parole au-dessus des autres. évènement festif à l’occasion d’un anniversaire, d’un mariage, d’une communion, de l’obtention d’un diplôme... Il s’agit d’un buffet ouvert organisé à domicile (voir chapitre 7). 115 « My identity as an outsider and, in so doing, discursively sustained my status as ‘White’ ». 116 « As we do research, we are also actively doing race ». 117 CHAPITRE 2 | Cheminement méthodologique D’autres de mes propriétés sociales permettent de faire l’hypothèse que la façon de se mettre en récit vise à produite un récit acceptable, pour lui-même mais aussi face à moi. Nous avons le même âge, je suis en deuxième année de thèse, il redouble sa première année d’école de technicien après avoir échoué deux années consécutives en école d’ingénieur. Face à Aqqalu Løvstrøm je ne suis pas qu’étudiante, ou Qallunaaq, je suis aussi chercheuse, blanche et étrangère et représente donc une figure métonymique de la recherche conduite en Arctique, dans une situation d’enquête qui m’institutionnalise comme chercheuse, et qui peut reproduire des effets de violence symbolique. Mon interlocuteur est en représentation, et cette représentation se fait d’une part en écho au rôle social accordé aux étudiant·e·s groenlandais·e·s, constitué·e·s en modèles et héros et héroïnes de l’indépendance (voir chapitre 4), et d’autre part, en résonance avec le rôle des chercheur·euse·s dans la perpétuation de représentations négatives des Inuit (voir supra). Des informations recueillies en parallèle de l’entretien renseignent la construction de rôle de représentation, et par conséquent, les conditions de l’entretien. D’abord, la prise de contact, réalisée lors du Séminaire d’Avalak117 après avoir eu l’occasion de présenter mon enquête – ma compréhension limitée du danois me rendant rapidement identifiable dans les nouveaux groupes – il manifeste de l’intérêt pour l’enquête, mais n’acceptera qu’au moment de nous quitter de m’accorder un entretien. Il m’explique avoir dépassé sa timidité car « c’est une bonne cause. J’aime ton sujet, je pense que c’est pertinent, c’est aussi différent ». Mon projet de recherches est pour lui une « cause » et il est « différent » : c’est comme s’il lui accordait une valeur transformative. Puis, quelques mois suivant notre première rencontre, il partage sur Facebook le projet d’un étudiant photographe auquel il participe : Heej alle. Jeg har mødt én der har stort interesse for grønlændere, som studere Danish school of media and journalism her i Århus. Han er fra Bangladesh. Han leder efter nogen grønlænder som studere eller generelt færdig uddannet som har flyttet til Danmark efter uddannelse. Han skal lave et projekt om ca. 1 måneds tid, som skal blandet andet handle om, hvordan det er at være i de nye omgivelser, andet kultur og hvilket effekt der har været mens du er væk fra det sted du kender. Hans primær arbejde er at tage billeder takt med personens historie. Hans indsigt med projektet om grønlændere er meget spændende. Hvis du er interesseret i det, (nom du photographe) kan fortælle dig meget mere om det. Herunder kan du læse hans egen ord om sit projekt og nogle billeder han har taget fra sit andet projekt om studerende grønlændere i Danmark: Saalut tout le monde, j’ai rencontré quelqu’un qui s’intéresse beaucoup Groenlandais, il étudie ici à Aarhus, à l’École danoise des médias et du journalisme. Il vient du Bangladesh. Il cherche un Groenlandais qui étudie ou a terminé ses études et qui a déménagé au Danemark après. Il commencera son projet dans un mois, et il portera entre autres sur comment on vit dans un nouvel environnement, dans une autre culture, et sur ce que ça fait de vivre loin des endroits qui vous sont familiers. Son travail consiste surtout à prendre des photos qui correspondent à l’histoire des personnes. Sa vision du projet sur les Groenlandais est passionnante. Si ça vous intéresse, (nom du photographe) peut vous en dire beaucoup plus. Voici ce qu’il en dit, vous pouvez aussi trouver quelques photos qu’il a prises dans un autre projet sur les étudiant·e·s groenlandais·e·s au Danemark : "LIFE IN A NEW PLACE" « LIFE IN A NEW PLACE » Every year, around 316 people move from the many townships of Greenland to settle down in Denmark and pursue a better life which is about 0.5% of the Greenlandic population. In some cases, for a couple of years and in others, for good. But what happens when you leave everything you know and love behind to travel somewhere else? Chaque année, environ 316 personnes partent des nombreux villages du Groenland, ce qui représente 0,5 % de la population, pour s’installer au Danemark et vivre une meilleure vie. Dans certains cas, c’est pour quelques années, et dans d’autres, c’est pour de bon. Mais que se passe-t-il quand on laisse tout ce qu’on aime et connait derrière soi pour voyager ailleurs? Les portraits des étudiant·e·s groenlandais·e·s, photographiés dans l’environnement de leur choix, donnent à voir des présentations valorisantes, par un travail sur les postures des individus et sur 117 Un long week-end, de deux nuits, organisé par l’association étudiante dans un centre de vacances, qui croise activités festives et conférences (d’élu·e·s, de journalistes, de professionnel·le·s).
118 PREMIERE PARTIE |
La matière et les outils leurs vêtements. Le projet met en jeu la représentation donnée du groupe : ce qui est rendu visible, ce sont des personnes diplômées ou en voie de l’être, vivant en milieu urbain. Elles apparaissent certes seules sur les clichés, au centre du cadre, mais dans une posture assurée (debout devant la mer, assise en tailleur sur une table de pique-nique...) – soit une représentation diamétralement opposée aux stéréotypes racistes associés aux Inuit et Groenlandais (voir chapitre 6). Pourtant « timide », comme il me le dira à plusieurs reprises, Aqqalu participe à ce projet qu’il partage sur les réseaux sociaux en en soulignant le caractère « passionnant ». Sa page Facebook rassemble par ailleurs d’autres informations renvoyant à la représentation des groupes minoritaires : un documentaire réalisé par des artistes Inuit sur l’ignorance du contexte groenlandais au Danemark ; changement de sa photo de profil en soutien avec le mouvement Black Live Matters au printemps 2020. Ces traces numériques permettent de prolonger l’analyse de la manière dont le récit de soi est « encodé » par la situation d’entretien, et de saisir les conditions de la participation d’Aqqalu L øvstrøm à certains projets de recherche, ou projets artistiques. Par cet exemple, on voit bien comment le récit de soi peut constituer un outil de lissage de sa propre trajectoire. Les revirements et contraintes n’y sont que des « mais » ; la linéarité énonciative fonctionne alors comme un calque pour se rapprocher du modèle socialement valorisé de la trajectoire scolaire linéaire. Le récit qui en est fait nous en dit alors autant sur l’histoire personnelle d’Aqqalu Løvstrøm que sur sa manière de négocier les frontières et assignations raciales, y compris celles qui sont reproduites par la situation d’enquête.
Des récits aux rapports sociaux : problématiser l’expérience
Si la reproduction des rapports sociaux dans l’enquête n’est pas spécifique à la situation d’entretien, l’asymétrie qui en résultait me semblait doublement insatisfaisante. D’une part, elle plaçait l’enquêté·e dans une forme d’inconfort, certes producteur d’une performance narrative qui constitue déjà en soi un résultat mais qui ne pouvait se détacher d’une certaine violence : elle reproduisait une difficulté à formaliser le récit de soi. D’autre part, elle complexifie l’objectivation de la domination. L’orientation des entretiens vers la narration d’expériences pour saisir le façonnement des rapports sociaux confronte l’enquête à un paradoxe identifié par Marianne Blidon (2014 ; 2019) que l’on pourrait résumer ainsi : les épistémologies du point de vue placent l’expérience au fondement de la connaissance, mais cette expérience est elle-même conditionnée par la connaissance. Ce primat de l’expérience tient au fait que « non seulement un groupe subordonné fait l’expérience d’une autre réalité que celle du groupe dominant, mais il peut également interpréter cette réalité autrement » (Collins, 2008 : 139, cité par Blidon, 2014), parce qu’il se trouve dans un statut socio-économique et politique inférieur, se rejouant dans une prise de conscience de sa propre position. Cependant, il existe un décalage entre les singularités de l’expérience individuelle et le travail d’objectivation nécessaire pour penser les asymétries matérielles ou symboliques en termes de rapports sociaux, ce saut analytique étant conditionné par la prise de conscience des schèmes de pensée incorporés. Par ailleurs, ce recours à l’expérience pose « la question de l’incommensurabilité » (Blidon, 2019 : 39) : elle ne doit pas postuler une conscience commune au groupe au nom de conditions d’existence similaires. Dans le déroulé des entretiens, c’est en particulier le premier point qui a posé question, puisque le second s’en trouvait au moins partiellement désamorcé par l’approche biographique. La difficulté à voir le racisme et la race se doublait plus ponctuellement d’un aveuglement aux effets de la colonisation, voire, rejouait parfois une posture morale convoquant les vertus de la colonisation (voir chapitre 9). Cet aveuglement a été analysé par différentes approches comme caractéristique de la blanchité (Bonilla-Silva, 2012 ; Cervulle, 2012 ; Fanon, 2015 ; Frankenberg, 1993a ; 1993b ; Nungak, 2006). Or, ces schèmes d’interprétation du monde n’étaient pas systématiquement lages conditions les individus ou oins voir le racisme qu’ils subissent (voir chapitre 8). La collecte d’information était marquée d’un double verrou : le récit qu’on fait parce que la situation d’enquête et les propriétés sociales de l’enquêtrice, et le récit qu’on fait parce que l’incorporation de systèmes de classification, de principes de hiérarchisation colore la narration de la confrontation à ces mêmes systèmes et principes au fondement de sa position dominée. Ces contraintes rappellent la difficulté à observer la domination en train de se faire, contraintes d’autant plus fortes qu’elles sont redoublées par ma propre position de blanche, me rendant potentiellement moins sensible à saisir les mécanismes de domination raciale, puisque j’ai été socialisée à ne pas les voir. Entre tomber dans un inductivisme naïf (par l’observation d’interactions, le récit de situations précises permettant de dévoiler des représentations du monde) ou dans un déductivisme abusif (une position dominée ou dominante déduite uniquement de statistiques agrégées), comment finalement caractériser la position sociale des individus? Pour lever ces difficultés, propre à la méthode de l’entretien, il me semble qu’au-delà d’une impérative application du principe de triangulation, il est possible de mettre en place deux stratégies permettant d’agir sur la situation d’entretien. Se passer totalement du matériau biographique me semblait impossible dans un travail sur la formation des positions dominantes. Il donne des informations difficiles à recueillir par d’autres moyens (complexité des « choix » migratoires et scolaires, construction passée et présente du rapport à l’école notamment). J’ai donc cherché à agir directement sur la situation d’entretien, et ce, de deux façons. La première était d’y poursuivre le travail de fragilisation de la figure de l’enquêtrice que j’opérais dans les temps d’observation participante, ce qui me permettait d’agir sur le premier verrou de la parole (la situation de l’enquête et mes propres propriétés sociales), et de chercher à déclencher anecdotes et récit d’expériences. Pour ce faire, une fois la difficulté initiale à me penser comme femme dépassée, je l’utilisai comme un outil stratégique. Il s’agissait alors d’utiliser mon propre « désavantage social et politique » pour le tourner en un « avantage épistémique, scientifique et politique » (Harding, 2004 : 8)118. Plus explicitement, je cherchais à instaurer une forme de connivence et à mobiliser des exemples issus de ma propre expérience dans une sorte de didactique du récit de soi, afin d’épaissir les récits d’expériences marquantes ou d’anecdotes et d’expliciter mes questionnements. Je détaillais par exemple la manière dont j’avais réalisé l’absence des femmes dans nos programmes scolaires, les remarques sur mon accent franc-comtois à mon arrivée dans une classe préparatoire parisienne (alors que je l’avais toujours considéré peu marqué, il m’était demandé régulièrement d’abandonner la prononciation du « t » final de « vingt », ou d’éliminer certaines expressions, comme « avoir meilleur temps » de mon vocabul ) ou encore de manifestations quotidiennes du sexisme vécues. Cette opération n’est pas inoffensive : le partage de position avec les enquêté·e·s est à plusieurs égards loin d’être superposable, comme je l’ai montré supra. Par ailleurs, si ma propre position minoritaire a pu constituer une ressource pour l’enquête, le sens de la démarche soulève plusieurs questions. D’abord, sur le brouillage des données collectées : mobiliser mes propres expériences est loin d’être sans effets, puisqu’au-delà de chercher à déclencher le partage d’expériences, j’introduisais de manière tacite des éléments d’analyse sur la domination scolaire, ou sur l’ordre hétéropatriarcal par exemple. Ainsi, dans quelle mesure ce recours à l’histoire personnelle guide les réponses des enquêtés, et ce d’autant plus lorsque les expériences mobilisées renvoient à la formation de rapports sociaux distincts (une remarque sexiste dans la rue n’est pas la même chose qu’une remarque raciste dans une salle de classe)? Une attention à la manière dont les questions sont formulées, aux éléments 118 « Standpoint theories map how a social and political disadvantage can be turned into an epistemic, scientific and political advantage » (Harding, 2004 : 7-8). La tière et outil ce age des ses Cela m’amène à un deuxième ensemble de questionnements : quelle est la portée transformative, non seulement sur les données, mais également sur les enquêté·e·s, de cet investissement de soi dans l’enquête? Je mobilisais ces incises biographiques comme des façons de gagner la confiance de mes interlocuteur·trice·s, démarche qui n’était pas dénuée d’une certaine forme de cynisme : je fragilisais ma figure de dominante à l’aune de différents paramètres (origine géographique, capital culturel, genre) tout en sachant très bien que c’était ma propre position dominante qui me permettait de m’adresser à elles et eux en tant qu’enquêtrice. Pour éviter les effets de surinterprétation liés à une application « pirate » des principes de l’objectivité forte (Harding, 2004), j’ai fait le choix de placer davantage la focale sur les pratiques que sur l’interprétation de ces pratiques, et d’intégrer pleinement le rôle que j’ai pu jouer dans la compréhension des mécanismes de la colonialité et des mécanismes de conscientisation du racisme (voir chapitre 9). Cette solution n’apporte qu’une réponse partielle aux questions soulevées par la mise en place de cette tactique méthodologique, dans un moment de crise de l’enquête empirique : elle invite ainsi à poursuivre la réflexion sur ce qui s’échange dans la relation d’enquête. Une deuxième façon de travailler au déclenchement de la parole a constitué à agir sur les conditions de l’énonciation elle-même. Cette tactique s’inspire du développement récent en géographie des approches créatives et artistiques, que les perspectives féministes, postcoloniales et décoloniales ont contribué à légitimer (voir par exemple : Landrin, 2019 ; Marston et de Leeuw, 2013 ; Mekdjian et Olmédo, 2016). Comme l’explique Lise Landrin, « en créant un dispositif spatial d’expressivité, la création artistique instaure une médiation qui permet d’objectiver des connaissances, de les conscientiser, de les fabriquer et d’en débattre » (Landrin, 2019). Cette médiation prit alors deux formes : l’une développée au sein de la situation d’entretien, et la deuxième matérialisée par la réalisation de deux sessions d’ateliers d’écriture. Je n’ai mobilisé dans le travail d’écriture que la première forme, la seconde me semblant trop ponctuelle et difficile à interpréter. Lors des entretiens, je proposais, sans obligation, aux enquêté·e·s de dessiner leur salle de classe habituelle (voir figure 2-6), d’évoquer leurs placements, de décrire les autres étudiant·e·s et enseignant·e·s (les vêtements, leur apparence, la couleur de leurs cheveux, leur matériel). Il ne s’agissait pas de mobiliser le dessin comme un matériau en soi du corpus (à ce titre, je n’en rends pas compte dans la figure 2-5) mais de l’utiliser comme un média, un support du discours sur soi. Il permettait de rendre visible ce qui ne se voyait pas toujours, de vivifier la mémoire, de faire des liens entre différentes impressions et pratiques, et souvent, autorisait les enquêté·e·s qui se prêtaient au jeu à décrire comment ils et elles donnaient de la cohérence à leurs récits d’eux et d’elles-mêmes (« je dessine le prof parce que ça permet de comprendre qu’il est responsable de la situation dans la classe, il ne dit rien quand tous les garçons s’installent ensemble » ; « là on voit que quand on travaille en groupe c’est difficile de prendre la parole parce qu’on est autour d’une même table et c’est important »). APITRE Cheminement méthodologique
Figure 2-6. La salle de travaux dirigés de Sikki Ezekiassen (en haut) et un « portrait type » des étudiant·e·s de sa filière (AP Degree en économie des services) et l’amphitréâtre de Pipaluk Marquardt (en bas), à deux moments de son parcours en études vétérinaires (première année, à droite, puis redoublement, à gauche).
Le flou des catégories mobilisées pour dire la race : quels risques de surinterprétation? Un autre défi de l’analyse renvoie à la difficulté à nommer explicitement la race dans l’enquête. Comment saisir les positions sociales lorsque celles-ci ne sont pas explicitement nommées? Est-ce que le fait de ne pas parler de race signifie-t-il qu’on parle d’autre chose, comme, de nationalité, d’ethnicité, ou de culture? L’euphémisation du racisme, y compris par celles et ceux qui sont en position subalterne dans les rapports de race, « passe en grande partie par son déguisement en ethnisme, ce qui tend à « brouiller » l’analyse » (de Rudder et al., 2000 : 32). Ce défi interprétatif est en quelque sorte l’incarnation méthodologique de l’intériorisation de la pensée colorblind, qui s’exprime, dans les entretiens, par une superposition des formes de catégorisation, en raison de l’usage euphémistique de certains qualificatifs. Ce défi cristallise ainsi les difficultés à travailler sur les mécanismes de racialisation à partir d’une approche qualitative – ce qui ne va pas de soi (Morris, 2007). Rendre compte des différentes façons de qualifier la race dans l’enquête, couplée à l’approche triangulée de la race qui permet de dépasser le seul niveau des interactions pour en penser une dimension plus structurelle (voir chapitre 1), me semble permettre de ne pas céder à la surinterprétation. PREMIERE PARTIE | La matière et les outils
Dans son travail de thèse sur la construction des frontières raciales dans les familles mixtes en France, Solène Brun propose une solution pour limiter le risque de surinterprétation (2019a) que je propose d’adapter à mon contexte d’étude du fait d’une présence colorblind similaire au contexte français. Elle montre l’intérêt de ne pas limiter la racialisation à un discours où la race serait explicitement nommée, contrairement à ce que revendiquent certains travaux, qui voient dans cette non limitation une prétention à connaître les intentions de la personne qui s’exprime mieux qu’ellemême (Banton, 2005 ; Reeves, 1983). Ces travaux s’appuyant sur des contextes empiriques qui ne sont pas colorblind, leurs conclusions sont difficilement transposables dans un contexte où la race est bien plus suggérée – par des périphrases, des désignations euphémistiques, des métaphores – qu’elle n’est explicitement nommée. Solène Brun propose de restituer les catégories de la pratique du discours racialisant, autrement dit, d’exposer les différentes façons d’en parler sans la nommer explicitement. En suivant cette démarche, on peut classer les différentes façons de nommer ou de suggérer la race qui sont apparues au fil de l’enquête en sept grands registres (voir tableau 2-3). Catégories raciales
Description physique National/ culturel Lien à la migration Qallunaaq/Qallunaat Inuk / Inuit Kalaalleq / Kalaallit Eskimo Arab Muslim White Black Brown (Light) blond Leverpostej Black haired Dark hair Dark skin Dark eyes (Very)small eyes Shape of the eyes Features People who look different Dane Ethnic Dane New Dane Greenlander Chinese Turkish Multicultural Exotic Diversity Minorities cultures (African) Ancestry Immigrant (background) Danified immigrant New Dane People from other places Métaphores Potato Leverpostej Bounty Eskimo Métonymies géographiques Désignation des groupes Northerner Oriental Asian European Western Nørrebroner Nørrebro People Ethnicity Minorities Kalaallit Indigenous Natives Aboriginals Native Danes Native Greenlander
Table
au 2-3.
Catégories discursives mobilisées pour dire la race dans l’enquête
(M. Duc, 2020) Ce tableau restitue les différentes expressions mobilisées par les enquêté·e·s tout au long de l’enquête pour dire la race, en la nommant plus ou moins explicitement, aussi bien dans les entretiens que dans les temps d’observation participante. De manière générale, les façons les plus courantes de dire la race sans la nommer sont la mobilisation des désignations nationales, ce qui s’accorde avec la racialisation de la nationalité que j’ai évoquée tout au long du chapitre 1, et de passer par le vocabulaire de la description physique. Parmi les différents marqueurs physiques de la racialisation, la couleur des cheveux et des yeux sont particulièrement mobilisés lorsqu’il s’agit de décrire les appartenances raciales. Ces différents registres ne font pas appel aux mêmes formes d’aisance, et certains sont convoqués avec plus ou moins de facilité : les métaphores sont généralement perçues comme plus insultantes que les métonymies géographiques ; le lien à la migration ou l’entrée par le national étant perçus comme plus « neutres » et par conséquent moins embarrassants. Par ailleurs, la plus ou moins grande facilité à nommer explicitement la race (ou à l’inverse, le recours fréquent aux métonymies) était dépendante de l’auto-identification : se définir comme « autochtone », « Inuk », « Kalaallit » s’accompagnait d’une plus grande facilité à la nommer, rejouant l’idée que ne pas se penser (et donc dire et se dire) en termes raciaux est un privilège des positions blanches (Bonilla-Silva, 2012). En 123 CHAPITRE 2 | Cheminement méthodologique revanche, s’identifier comme « Groenlandais·e » n’est pas incompatible avec le fait de revendiquer sa propre inscription dans la blanchité, même si celle-ci peut être instable ou toujours à prouver. Elle rappelle ainsi que la race ne peut jamais tout à fait être subsumée dans la nationalité (et inversement). Parallèlement, le fait de s’identifier comme « autochtone », « Inuk » ou « Kalaalleq » est plus régulièrement explicitement pensé come renvoyant à un positionnement racialement minoritaire par celles et ceux qui s’inscrivent dans ces identités. La diversité des façons de s’auto-identifier invite ainsi à se pencher sur les paramètres qui expliquent la mobilisation de catégories plus ou moins explicitement raciales : comme le rappelaient Émilie Devriendt et ses collègues, comprendre « pourquoi dire ou ne pas dire la « race » [elles utilisent les guille ] est une question d’autant plus centrale que cette dernière fait apparaître des « conflits sémantiques » (Devriendt et al., 2018 : 14). L’étude des différentes façons de s’identifier sera abordée dans le chapitre 9, en ce qu’elle permet de comprendre le rapport des individus à leur propre condition minoritaire. Ce tableau permet de rendre compte de la diversité des façons dont les enquêté·e·s ont pu faire référence plus ou moins directement à des catégories raciales. Il a ses propres limites : certains termes peuvent faire appel à des registres différents. De même, d’autres, notamment ceux renvoyant au vocabulaire de la description physique ou de l’origine géographique, ne peuvent être considérés comme étant l’expression de discours racialisants qu’en tenant compte du contexte de leurs usages. Enfin, la gêne quant à la mobilisation de catégories raciales s’exprime également dans les silences, hésitations et bégaiements en entretien. Je considère ces derniers comme une donnée, au même titre qu’un propos plus explicite, dans la mesure où ces maladresses relèvent souvent d’un fait social qu’il convient d’appréhender (Fassin, 2006). C’est pourquoi je laisse dans les citations des entretiens toute leur place aux hésitations et aux silences. Saisir la construction des trajectoires
et
la
transformation
de soi
:
les
défis
d’une
approch
e
dispositionnelle
Enfin, le dernier défi interprétatif rencontré renvoie à l’approche dispositionnelle adoptée pour saisir la formation des positions sociales. Ce défi s’est surtout présenté dans l’interprétation des conditions sociales de la migration (voir partie 3) ainsi que dans l’analyse des effets transformateurs du dispositif scolaire et migratoire (voir partie 4). Bernard Lahire a bien averti quant aux difficultés de travailler sur les dispositions : elles ne sont pas directement observables, et sont « reconstruites » par le ou la chercheur·euse dans le travail interprétatif (Lahire, 2006). Il formule trois écueils, qu’il faut éviter dans ce travail de « reconstruction » : partir d’une pratique unique pour en déduire une disposition ; oublier que les discours que les enquêté·e·s peuvent tenir sur leurs propres dispositions peuvent être sélectifs, et/ou contradictoires (dans leur façon d’être tenus) avec leurs dispositions effectivement incorporées ; généraliser les intériorisations en ne tenant pas compte des effets de contexte. Muriel Darmon propose une série « d’indices et techniques dont on peut se saisir pour « voir », c’est-à-dire aussi pour faire exister en les reconstruisant, les dispositions individuelles », techniques qui permettent « d’attraper empiriquement les dispositions », autrement dit, de « saisir du corporel et du nonconscient à partir du discours » (Darmon, 2019 : 111-112). Ces recommandations m’ont été particulièrement précieuses dans la transformation des récits individuels en matériau d’enquête, en particulier lors du travail de codage thématique, mais aussi dans le temps de l’écriture. Ce dernier point propose de récapituler la façon dont j’ai « attrapé » les dispositions de mes enquêté·e·s, en mettant en application certaines techniques proposées par Muriel Darmon. Le tableau ci-dessous présente les techniques qui m’ont paru applicables, en s’appuyant sur quelques exemples qui sont développés dans le corps de la thèse (voir tableau 2-4). J’ai fait le choix de présenter ici des exemples effectivement analysés dans le travail afin de montrer concrètement l’identification des dispositions acquises. 124 PREMIERE PARTIE | La matière et les outils
Transformation Exemple Dispositions concernées Localisation dans le manuscrit Comparaison Par le discours Travail sur les dispositions Conflits entre dispositions Un·e même enquêté·e à des moments différents Un même processus sur des individus distincts Dispositions discursives La recherche de l’acquisition d’un ethos étudiant spécifique, pour se « fondre » dans la classe
Le rapport à l’ennui lors du retour au Groenland qui fait prendre conscience de l’éloignement du monde duquel on vient Le rapport à certains goûts, habitudes prises à Copenhague (offre alimentaire, fraîcheur des produits) que l’on cherche à retrouver lors du retour malgré les contraintes matérielles Les effets durables de l’assimilation coloniale sur la consommation, et la perception de l’alcool parmi les étudiant·e·s groenlandais·e·s La différence dans l’aisance à parler en public, à développer sa pensée (voire à se répéter) et à parler fort de manière spontanée, entre étudiant·e·s mixtes ou restés longtemps au Danemark, et les étudiant·e·s non mixtes ou nouvellement arrivé·e·s Dis
positions
vestimentaires
Dispositions temporelles Dispositions alimentaires Dispositions éthyliques Dispositions
discursives
Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 9 Chapitre 7 Transversale (surtout chapitres 2, 7, 8 et 9) Tableau 2-4. Usages de différentes techniques pour appréhender les dispositions (M. Duc, 2022, d’après Darmon, 2019). La première façon « d’attraper » les dispositions empiriquement consiste
à
s’intéresser aux processus de
transformation
des individus.
Expérimenter
la
transformation
de
soi
faciliterait le repérage des
dispositions par les
enquê
té·e·s
, soit, par identification
de
dispositions qu’ils et elles
cherche
nt
à
acquérir
,
soit dans des formes de conflits
dispositionnels, entre anciennes et nouvelles dispositions. Les individus ayant expérimenté un processus de transformation seraient ainsi plus à mêmes d’en rendre en compte dans l’entretien, soit parce que la modification des dispositions provoque (ou a provoqué) un effet de rupture, soit parce qu’elle résulte d’un travail d’identification, comme préalable à l’incorporation. J’ai mobilisé ces deux stratégies, qui m’ont semblées particulièrement pertinentes pour travailler sur les processus d’acquisition de dispositions dominantes qui amènent les étudiant·e·s à passer pour blanch·e·s lors du retour au Groenland (voir chapitre 8). La deuxième façon d’approcher les dispositions proposée par Muriel Darmon est de s’appuyer sur la comparaison. Cette dernière peut prendre deux formes : comparer un individu à des moments différents de sa trajectoire, ce qui a été rendu possible par le suivi longitudinal des étudiant·e·s et les entretiens réalisés à des dates différentes, ou comparer les schèmes socialisateurs et les dispositions incorporées. Cette deuxième logique nécessite une attention singulière à l’instance socialisatrice ellemême, pour comprendre ce qu’elle est en mesure de transmettre et ne m’a paru que partiellement applicable, en particulier en ce qui concerne la logique de la comparaison entre les schèmes socialisateurs et les dispositions incorporées. Enfin, la dernière proposition de Muriel Darmon est d’atteindre les dispositions par le discours. Elle précise qu’en dépit des risques, il n’est pas « ontologiquement impossible de reconstruire du corps à partir de mots » (Darmon, 2019 : 127). Cette technique peut se faire en repérant les dispositions discursives, autrement dit les façons de parler, de s’exprimer, de prendre la parole, qui sont « visibles » dans l’entretien. Elle peut être complétée en prêtant attention aux « marqueurs discursifs de dispositions corporelles », autrement dit, des expressions, des régularités de vocabulaire, qui sont bien plus que de simples catégories de perception : Muriel Darmon prend l’exemple des étudiant·e·s de classes préparatoires scientifiques qui se mettent à « voir de la science partout », y compris lorsqu’ils versent leur jus d’orange le matin ou qu’ils contemplent la roue de la fête foraine. Ces de perception illustrent un autre rapport au monde duquel on ne peut plus se détacher (le « c’était plus fort que moi » caractéristique de l’habitus) et d’autres sensations qui témoignent de l’incorporation, notamment, dans le cas des étudiant·e·s scientifiques, d’autres sensations visuelles. Cette façon de saisir les dispositions par le discours a été particulièrement pertinente pour étudier la dimension racialisée des socialisations : certaines façons de parler sont associées à la détention d’un certain capital culturel et sont encodées comme typiquement blanches, et elles se retrouvent dans les dispositions à prendre la parole (aisance à parler de soi, voix forte), ce que j’expose en particulier dans les chapitres 7 et 8. Pour limiter le risque de surinterprétation, j’ai ainsi mis en place différentes techniques, chacune évoquant une dimension de l’enquête : une nécessaire triangulation des données et un traitement systématique facilité par le recours au codage thématique, une recherche du détail et de la précision des récits de vie, une impérative contextualisation de l’usage des catégories mobilisées pour dire la race en entretien, et enfin, la mise en place de procédés permettant de saisir les dispositions à partir de leur reconstruction en entretien. 2. Faire les catégories raciales dans l’enquête et sa restitution : irréductibles asymétries
Loin d’être passifs et passives face au dispositif qui les observe, les enquêté·e·s contribuent également à façonner les contours du travail de terrain, qui dépend de leur implication et de l’acceptabilité de l’enquête. Rendre compte de la manière dont j’ai été perçue n’a pas un objectif confessionnel, et encore moins thérapeutique. Comme le rappelle Marianne Blidon : « Il y a une profonde différence entre énoncer de manière factuelle une série de catégories d’appartenance (le genre, l’âge, la couleur ou la classe...) pour se conformer ou s’acquitter d’un impératif de réflexivité réduit à sa plus simple expression, et avoir conscience de la manière dont ces dimensions intriquées traversent et travaillent nos recherches et de ce qu’elles impliquent en termes de rapports sociaux » (Blidon, 2014 : 119-120) La façon dont j’ai été perçue sur le terrain, en particulier relativement à ma nationalité et à mon positionnement racial, a eu des effets certes sur la conduite de l’enquête, mais surtout, renseigne les rapports sociaux étudiés. C’est pourquoi je termine ce chapitre sur les effets de ma présence. Si j’ai déjà évoqué plus haut la manière dont la collecte des données et l’accès au terrain étaient influencés par ma position sociale, considérer que la race et que l’ethnicité se construisent et se reproduisent dans le quotidien des interactions appelle à approfondir le fait que la relation d’enquête n’est pas extérieure à cette fabrique de la race (de Andrade, 2000 ; Best, 2003). L’identification et l’assignation de l’enquêtrice n’a pas qu’un effet la collecte des données, elle est activement produite dans la conduite de l’enquête (de Andrade, 2000). Revenir sur la manière dont j’ai été racialisée permet de situer la collecte de données et nous renseigne sur le fonctionnement des hiérarchisations raciales contextualisées. Cheveux couleur pâté de foie contre accent français : assignations dans la blanchité
Je n’ai pas d’ascendance migratoire proche, je suis française ; ma famille est considérée comme blanche et mon nom comme le lieu où j’ai grandi ne sont pas des marques disqualifiantes dans les rapports de race. Ma peau est claire, comme mes yeux et mes cheveux : il n’y a pas réellement de La matière et les outils doute possible sur la manière dont on peut m’assigner racialement. Cependant, sur le terrain, ces éléments racialisants ont pris un sens particulier. Mes enquêté·e·s s’en sont d’abord saisi·e·s comme des prises pour signifier à partir de mes propres caractéristiques physiques la race sans la dire, comme dans cet échange avec Pipaluk, au moment où elle décrivait ses camarades à partir d’un dessin qu’elle était en train de réaliser : “P: they have this danish [hair] color, yeah, like... « P : ils ont cette couleur [de cheveux] danoise, not yellow, but like yours, just a bit lighter. We call it comme... pas jaune, mais comme toi, juste un peu plus leverpostej. clair. On l’appelle leverpostej.
M: Leverpostej? M : Leverpostej? P: Yes! This Danish color, dark blond like you. I can P : oui, cette couleur danoise, blond foncé, comme toi. tw you, I don’t know how to translate * elle me Je peux te montrer, je sais pas comment traduire * elle montre une photo me timent (groenlandaise), (groenlandais),
Au-delà de servir d’étalon de blanchité par l’apparence en m’assignant à une position raciale, c’est par un détour sur la question de la nationalité que mon placement dans les rapports de race s’est forgé au cours de l’enquête. La question de la justification de ma présence sur le terrain a été récurrente, dans des adresses plus ou moins directes : « qu’est-ce qu’une française fait ici? » « Je suis positivement surprise, quand une Française, parce que c’est si cool, s’intéresse à nous, parce que tu vois, on n’est pas... pourquoi s’intéresser à nous finalement non? « Donc qu’est-ce qu’une jeune fille venue de France fait ici à faire une étude sur les étudiant·e·s groenlandais·e·s? » « Est-ce que tu as des origines? » « Pourquoi le Groenland? C’est si loin de chez toi! ». Sur le terrain, aucune de mes caractéristiques ne déclenchait autant la curiosité que ma nationalité. L’injonction n’était pas tant de justifier « mon » terrain que ma présence, autrement dit, de me plier au glissement de la justification scientifique vers la justification personnelle. Répondre à la question m’engageait : à quelques exceptions près (une collègue, deux acteurs institutionnels et une étudiante dont le travail porte sur la psychologie autochtone) ce n’était pas une réponse sur la portée heuristique du contexte qui était attendue, mais bien une explication du passage subversif de frontières que ma présence au Groenland ou au Danemark incarnait. Le caractère itératif de ces questions, associé à quelques maladresses grammaticales (en anglais ou en danois) et à certaines pratiques vestimentaires ou alimentaires systématiquement relevées par mes enquêté·e·s, m’ont rapidement conduite à voir dans ces énoncés une injonction à me justifier, me rappelant que je n’étais pas complètement à ma place. En revenant sur la manière dont elle a été catégorisée par sa sexualité alors qu’elle travaillait sur les géographies de l’homosexualité, Marianne Blidon a bien montré comment dire son hétérosexualité (alors même qu’il s’agit d’une position dominante) prenait la forme d’un aveu, qui coûte, mais surtout qui oblige (Blidon, 2014). C’est dans une situation proche que je me trouvais : si ces injonctions à se situer par rapport à son objet ont pu la conduire à prendre rapidement conscience de sa position d’hétérosexuelle, ces injonctions à me situer (cette fois-ci autant thématiquement que spatialement) m’ont rappelé l’association tacite entre ma blanchité et ma nationalité. Quels étaient alors les ressorts de ces injonctions? Je ne m’attendais pas nécessairement à ce que ma nationalité concentre autant l’attention. À vrai dire, je pressentais plutôt, dans une certaine naïveté, que mes caractéristiques physiques me fassent passer pour danoise. Mais la supercherie ne durait qu’un temps face à mon manque de spontanéité linguistique. Cette position d’outsider a pourtant constitué une ressource pour l’enquête : on me considérait certes comme blanche, mais comme partiellement hors système.
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2016LORR0161_5
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Matières en suspension de la Moselle (Lorraine, France) : caractérisation minérale et organique et réactivité vis-à-vis des contaminants métalliques
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None
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French
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Spoken
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35 Le Pape P, Ayrault S, Quantin C (2012) Trace element behavior and partition versus urbanization gradient in an urban river (Orge River, France). J Hydrol 472:99–110 Le Pape P, Quantin C, Morin G, Jouvin D, Kieffer I, Proux O, Ghanbaja J, Ayrault S (2014) Zinc Speciation in the Suspended Particulate Matter of an Urban River (Orge, France): In!uence of Seasonality and Urbanization Gradient. Environ Sci Technol Leppard GG, Flannigan DT, Mavrocordatos D, Marvin CH, Bryant DW, McCarry BE (1998) Binding of polycyclic aromatic hydrocarbons by sie classes of particulate in Hamilton harbor water. Environ Sci Technol 32:3633–3639 McCarthy JF, Zachara JM (1989) Subsurface transport of contaminants. Environ Sci Technol 23496– 502 Matsunaga T, Tsuduki K, Yanase N, Kritsananuwat R, Ueno T, Hansawa Y, Naganawa H (2014) Temporal variations in metal enrichment in suspended particulate matter during rainfall events in a rural stream. Limno 15:13–25 Meybeck M, Horowitz AJ, Grosbois C (2004) The geochemistry of Seine River basin particulate matter: distribution of an integrated metal pollution index. Sci Total Environ 328:219–236 106
Partie I – Variabilité spatiale et temporelle des matières en suspension dans le bassin versant de la Moselle
Montarges-pelletier E, Jeanneau L. Faure P. Bihannic I, Barres O. Lartiges B.S. (2007) The junction of Fensch and Moselle rivers, France. Mineralogy and composition of river materials. Environ Geol 53:85–102 Montarges-pelletier E, Durie C, Ghanbaja J, Jeanneau L, Falkenberg G, Michot LJ (2014) Microscale investigation of the fate of heavy metals associated to iron bearing particles in a highly polluted stream. Environ Sci Pollut Res 21:2744–2760 Nagano T, Yanase N, Tsuduki K, Nagao S (2003) Particulate and dissolved elemental loads in the Kuji river related to discharge rate. Environ Int 28:649–658 Panfili F, Manceau A, Sarret G, Spadini L, Kirpichtchikova T, Bert V, Laboudigue A, Marcus MA, Ahamdach N, Libert MF (2005) The effect of phytostabilisation on Zn speciation in a dredged contamined sediment using scanning electron microscopy, X-ray fluorescence, EXAFS spectroscopy and principal component analysis. Geochim Cosmochim Acta 69:2265–2284 Peng SH, Wang WX, Chen JS (2003) Partitioning of trace metals in suspended sediments from Huanghe and Changjiang Rivers in Eastern China. Water Air Soil Pollut 148:243–258 Pont D, Simmonet JP, Walter AV (2002) Medium-term changes in suspended sediment delivery to the ocean: consequences of catchment heterogeneity and river management (Rhône River, France). Les objectifs de cette étude sont μ (i) D’étudier la composition organique des matières en suspension en fonction de la position le long de la Moselle (amont – aval) ainsi que sur quatre affluents choisis pour leur contraste d’utilisation des sols et de gradient d’urbanisation (ii) D’évaluer l’influence du régime hydrique sur la composition de la matière organique associée aux MES Parmi les méthodes utilisées afin de caractériser la matière organique aquatique, il a été choisi de travailler à l’échelle moléculaire. En effet, cette méthode, déjà utilisée dans des études environnementales, permet notamment d’étudier la variation de composition en fonction du régime hydrique et de détecter différentes sources de MO.
109 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
La première partie du travail a consisté à extraire la fraction lipidique de la matière organique. Cette fraction, bien que minoritaire (quelques pourcents de la matière organique totale), comporte des molécules organiques qui peuvent être utilisées comme traceurs car spécifiques d’un apport organique particulier. Cette fraction a été analysée par chromatographie en phase gazeuse (GC-MS) afin (i) de quantifier les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques et (ii) d’étudier qualitativement la distribution des stéroïdes des MES. La partie réfractaire de la matière organique qui est insoluble aux solvants organiques et correspond à la MO macromoléculaire a été étudiée par la pyrolyse flash couplée à la chromatographie en phase gazeuse et à la spectrométrie de masse (Py-GC-MS). Les premiers paragraphes de ce chapitre présentent une synthèse bibliographique sur la matière organique contenue dans les matières en suspension. Dans cette partie bibliographique sont présentés (i) l’ensemble des stocks et flux de carbone au sein du système aquatique (ii) le rôle de la matière organique (iii) la composition de la matière organique aquatique (iii) le rôle de la matière organique aquatique ainsi que sa dégradation/préservation au sein de la colonne d’eau (iv) une revue bibliographique présentant l’utilisation de certains marqueurs afin de caractériser l’évolution de la composition de la fraction organique des matières en suspension selon la position le long du cours d’eau ou selon différents régimes hydriques. La suite de ce chapitre est consacrée aux méthodes utilisées dans ce travail de thèse afin de caractériser la fraction organique des MES du bassin versant de la Moselle et enfin la dernière partie présente les résultats et interprétations des travaux sur les MES du bassin versant de la Moselle sous forme d’un article en anglais soumis au journal Chemical Geology. Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle 1 Synthèse bibliographique 1.1 Place du carbone organique dans les systèmes aquatiques et flux continents/océans
Environ 20 % du carbone sur terre est sous forme organique. Ce carbone se situe dans différents compartiments à savoir (i) la lithosphère, essentiellement dans les roches sédimentaires et représentant 15.106 Gt de carbone (Berner 1989) (ii) l’hydrosphère sous différentes formes (dissout, particulaire, colloïdal) et représentant 600 Gt de Carbone et enfin (iii) la biosphère avec 3300 Gt de Carbone (Hedges & Keil 1995). Au niveau continental, les écosystèmes terrestres représentent une large part du réservoir de matière organique avec 570 Gt de carbone, 70 Gt de carbone sont stockés dans la litière provenant de la décomposition des plantes (Post 1993) et 1600 Gt dans le premier mètre du sol (Eswaran et al. 1993). La matière organique provenant des plantes terrestres se répartit de la manière suivante : 250 Gt provenant de la cellulose, 175 Gt de la lignine, 150 Gt de l’hémicellulose, 5 – 10 Gt des protéines, lipides et cutines (Hedges & Oades 1997). La figure II-1 présente le cycle du carbone terrestre avec les différents flux et puits de carbone organique.
111 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
Figure II-1 Cycle du carbone terrestre avec les flux (en rouge, Pg C an-1) et les puis (bleu, Pg C). Données tirées de Jex et al. 2014 (d’après des données de Denman (2007), Battin et al. (2009) et Bianchi (2011))
Au niveau mondial, les eaux de surface continentales reçoivent 1,9 Gt C an-1 de toutes les surfaces terrestres. 0,2 Gt sont enfouies directement dans les sédiments, 0,8 Gt C retournent dans l’atmosphère et 0,9 Gt C an-1 sont délivrées dans les océans par l’intermédiaire des rivières. De ces 0,9 Gt de carbone, 0,4 Gt sont du carbone organique (Schlesinger & Melack 1981 ; Ludwig et al. 1996 ; Cole et al. 2007). Ce carbone organique transporté par les rivières provient à 60 % d’écosystèmes forestiers dont 0,12 Gt des forêts tropicales. Les forêts tempérées et boréales fournissent quant à elles chacune 0,6 Gt de carbone aux rivières. Le reste provient des terres cultivées (15 %), des zones humides (15 %), des prairies (5 %) et des déserts (moins de 5 %) (Schlesinger & Melack 1981). La plupart des études concernant le transport de carbone organique au niveau global s’intéressent aux grandes rivières. Par exemple, des études sur l’Amazone ont estimé le transport de carbone organique à 31. 1012 gC an-1 (Richey et al. 1991). Le fleuve Congo a aussi été étudié avec 12.95 1012 gC an-1 de 112 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle carbone organique transporté (Martins & Probst 1991). Les flux annuels de carbone vers les océans par l’intermédiaire des grands fleuves sont présentés dans la figure II-2. Figure II-2 Transport du carbone organique annuel des continents vers les océans (1012 gC an-1) (d’après Schlünz & Schneider 2000)
Le transport du carbone organique par les rivières est divisé en deux fractions : dissoute et particulaire. Le carbone organique dissous provient des processus du sol et de la pluie alors que le carbone organique particulaire provient lui d’érosion physique de la surface du sol. Annuellement, environ 0,25 Gt de carbone organique dissous (COD) et entre 0,15 Gt (Meybeck 1982) et 0.17 Gt (Ludwig et al. 1996) de carbone organique particulaire (COP) sont transportés vers les océans. Les concentrations en COP et COD diffèrent selon la rivière et les conditions hydrologiques au sein d’une même rivière. Des études de modélisation (Ludwig et al. 1996) ont montré que dans le cas de grandes rivières, la concentration en POC diminuait avec le débit. Ce résultat peut s’expliquer par une diminution de la lumière dans des 113 e et de la de la rivières très turbides avec l’augmentation du débit et donc une production organique autochtone faible. La deuxième explication peut venir de la dilution du COP avec le débit par l’apport d’une grande quantité de matière particulaire minérale. Le rapport COD/COP indique la partition entre les fractions particulaires et dissoutes. Quand ce rapport est mis en relation avec la teneur en matières en suspension de la rivière (Figure II-3), ce rapport est extrêmement élevé pour des rivières ne subissant pas la mousson (COD/COP > 2) alors qu’il est bas pour les rivières subissant la mousson et donc avec beaucoup de matières en suspension (Ran et al. 2013).
Figure II-3 Corrélation entre le rapport COD/COP et le transport des sédiments (d’après Ran et al. 2013) Ce rapport COD/COP varie beaucoup lors de différents régimes hydriques. Wiegner et al. (2009) ont montré une concentration en COD deux fois supérieure et 11 fois supérieure pour le COP pendant un épisode de crue par rapport au bas débit. Jeong et al. (2012) ont montré que pendant un épisode de crue exceptionnelle (20 % de la pluie annelle tombée en un seul épisode pluvieux), 20% du COD et 63% du COP transporté annuellement l’ont été en un seul événement pluvieux. Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
Les paragraphes précédents ont montré que le transport du carbone organique terrestre par les rivières constitue un lien majeur dans le cycle global du carbone. Ce transport est réalisé par le biais des fractions dissoute et particulaire. Les différents pools de MO sont transportés de manière différente selon les conditions hydrologiques. Cependant, on peut se demander quel est le rôle de ce carbone organique dans la colonne d’eau ?
1.2 Rôle de la matière organique des rivières
La matière organique, aussi bien transportée dans le compartiment dissous que particulaire joue un rôle clé dans l’environnement. La matière organique dissoute (MOD) influence la chimie de l’eau et notamment son pH. Elle peut affecter la complexation, la solubilité et la mobilité des métaux traces (Buffle 1984 ; Driscoll et al. 1988 ; Hope et al. 1994). La MOD peut également atténuer la pénétration de la lumière dans la colonne d’eau. L’association MOD allochtone et autochtone semble plus atténuer la pénétration des UV-B que la MOD autochtone seule (Brooks et al. 2005). La matière organique particulaire (MOP) fait partie intégrante des matières en suspension qui sont décrites comme des complexes bio-organominéraux. Les MES sont connues pour jouer un rôle clé dans l’adsorption, le transport de contaminants aussi bien inorganiques qu’organiques dans l’environnement (Bibby et Webster-Brown 2006 ; Montarges et al. 2007 ; Le Pape et al. 2014). Il a été montré à plusieurs reprises que la matière organique des MES jouait un rôle important dans l’adsorption des métaux traces (Young & Harvey 1992 ; Dong et al. 2000 ; Gray et al. 2001 ; Warren & Haack 2001 ). Plusieurs méthodes basées sur l’extraction séquentielle ont été proposées afin d’étudier la contribution des différents composants des MES dans l’adsorption des métaux lourds. Les résultats ont montré que la MO adsorbait plus particulièrement le cuivre (Hua et al. 2012). Des études en laboratoire sur des composés modèles ont montré que l’adsorption de métaux (Zn, Pb Cu) était plus efficace sur des complexes de type substances polymériques extracellulaires ( /minéral que sur des minéraux uls ( et al. 2007). L’adsorption de SPE sur différents minéraux pourrait donc avoir des conséquences sur l’immobilisation des métaux lourds dans les environnements naturels. Du fait de la grande variété des groupes fonctionnels de la MO, elle peut agir comme ligand et ainsi stabiliser ou déstabiliser les particules en formant notamment des agrégats (Lartiges et al. 2001). La matière organique des systèmes aquatiques peut également agir sur les processus photochimiques en fournissant des électrons (Stumm 1992). La MO des rivières joue un rôle majeur dans les différents processus environnementaux ainsi que dans les différents cycles. Les différents rôles que peut avoir la matière organique dans la colonne d’eau, ainsi que sa réactivité différente vis-à-vis notamment de polluants provient de sa variabilité de composition. Cette composition provient des différentes contributions organiques qui peuvent varier dans la rivière. Une manière de mieux prédire son rôle et sa réactivité est donc de la caractériser.
1.3 Les différents constituants de la matière organique des matières en suspension
Dans la partie précédente, il a été montré que la matière organique contenue dans les MES jouait un rôle majeur dans différents processus environnementaux. Il est donc nécessaire de caractériser au mieux cette MO associée aux particules afin de mieux comprendre notamment les interactions entre les polluants et la matière organique. La matière organique naturelle (MON) comprend l’ensemble de la matière organique dans un bassin versant donné en dehors des organismes vivants et des composés organiques d’origine humaine (Fillela 2009). Elle se compose d’une extrême diversité de composés qui peuvent être classés selon leur origine. La matière organique autochtone encore nommée matière organique aquatique (Meyers 1997) correspond à la matière organique directement produite au sein de la colonne d’eau par les organismes aquatiques. Ces organismes sont composés de phytoplancton (production primaire) et de zooplancton (production secondaire). Comme les organismes autotrophes produisent principalement la matière organique primaire, la production de cette dernière est largement influencée par les conditions climatiques (ensoleillement, température) et également la disponibilité en nutriments. La biomasse bactérienne et notamment les bactéries hétérotrophes composent également la MO autotrophe. Ces bactéries consomment des restes organiques et viennent augmenter la MO par leurs déjections ainsi que leurs propres restes. Un flux secondaire correspond aux pelotes fécales. La matière organique allochtone est constituée de MO provenant du bassin versant d’origine naturelle ou anthropique. Elle est principalement composée de MO des sols, des litières et de la végétation déchets de plantes car seul un faible pourcentage de la matière organique provient des animaux (Meyers & Lallier-Vergès 1999). De plus, environ 30 % de cette MO est de la MO fossile qui est un constituant mineur de toutes roches sédimentaires (Graz et al. 2012). Ces résidus de plante proviennent principalement des végétaux supérieurs terrestres contenant de la lignine en forte proportion comme les herbes, buissons et arbres. La matière organique d’origine anthropique provient des rejets urbains, agricoles et industriels. Parmi les rejets urbains, on peut citer les rejets d’eaux usées et le trafic automobile (Micic et al. 2011). Le rejet des eaux usées directement dans la rivière est un exemple de pollution qui engendre des apports importants de matière organique dans le milieu aquatique notamment dans les pays en développement qui ne possèdent pas toujours de stations d’épuration (Dodds, 2006 ; Smith et al. 2006 ; Gücker et al. 2006 ; Boëchat et al. 2014). Ces pollutions peuvent également intervenir lors d’événements pluvieux intenses quand le système de collecte des 117 II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle eaux usées est mal dimensionné. L’expansion des surfaces urbaines engendre un ruissellement plus élevé causé par l’augmentation des surfaces imperméables (routes, parkings) entrainant des contaminants (Walsh et al. 2005). Les activités agricoles peuvent également introduire des nutriments et des matières organiques (Sweeney et al. 2004). La composition chimique de la MO est d’une grande complexité. Les carbohydrates, les lipides et les protéines représentent de 20 à 40 % de la matière organique naturelle (Fillela 2009, Hedges et al. 2000). Les 60 à 80 % restant constituent de la MO non classifiable qui est résistante à la dégradation (Hedges et al 2000). On y retrouve notamment la lignine qui est une biomacromolécule fréquemment rencontrée dans la MO aquatique et que l’on sait caractériser (Bianchi et al. 2007 ; Micic et al. 2011 ; Ward et al. 2015). Les lipides possèdent une très grande variabilité de structures et sont utilisés comme biomarqueurs. Simoneit (2005) a défini un biomarqueur comme: « organic indicator compounds that can be used as tracers for geological and environmental processes ». Les biomarqueurs sont donc des composés dont la source est connue même s’ils sont éloignés de leur milieu de production et même s’ils subissent une dégradation partielle. La suite du chapitre présente plusieurs familles de composés qui ont été utilisées dans l’étude comme biomarqueurs des contributions organiques naturelles ou anthropiques. Les composés ont été séparés en deux groupes : la fraction lipidique et la fraction macromoléculaire. 1.3.1 La fraction lipidique
Les Acides Gras (AG) Cette classe de lipides est largement représentée dans les sédiments et les matières en suspension (Volkman et al. 1998). Ce sont des molécules amphiphiles, possédant un corps hydrophobe composé d’une chaine hydrocarbonée et une tête hydrophile constituée d’un
Partie II – Variabilité spatiale et tempor de la de la ma dans
groupement carboxyle (COOH). La chaine hydrocarbonée peut contenir entre 12 et 36 atomes de carbone ; elle est soit saturée (acides gras d’origine animale : acide n-alcanoïque) ou elle porte une ou plusieurs insaturations (acides gras d’origine végétale : acide n-alcénoïque) (Killops & Killops 2005). Les acides gras sont très étudiés afin de reconstruire les paléoenvironnements notamment la contribution de la végétation mais également plus récemment afin de mieux caractériser les apports humains. La longueur de chaines carbonées des acides gras varie et permet de différencier des acides gras provenant des plantes supérieures, du phytoplancton, des bactéries et des algues. Les acides à chaines courtes (< C20) sont principalement synthétisés par les espèces planctoniques et les bactéries (Volkman et al. 1998 ; Duan 2000). Dans les sédiments récents ainsi que dans les matières en suspension, l’acide palmitique (C16 μ0) et l’acide stéarique (C18 :0) sont les acides gras dominants (Boëchat et al. 2014). Ces deux acides sont ubiquistes et donc peu discriminants car présents aussi bien dans les algues (Cranwell et al. 1987) que les plantes supérieures (Rieley et al. 1991), les bactéries (Ueki & Suto 1979) et les champignons (Weete 1976). Certains auteurs les ont cependant utilisés pour caractériser des eaux usées (Jardé et al. 2007 ; Boëchat et al. 2014). Les acides gras mono-insaturés (acide palmitoléïque : C16 μ1ω7, l’acide oléïque : C18 μ1ω9) et les acides gras ramifiés (C15 :0, i-15 :0, a-15 :0) sont des indicateurs de l’activité bactérienne (Cranwell 1974 ; Volkman et al. 1980 ; Cranwell 1982 ; Volkman et al. 1998). Les acides gras à chaines longues (C20:0 à C30:0) centrées sur le C24:0, C26:0 et C28:0 sont représentatifs des végétaux supérieurs et sont des marqueurs des plantes supérieures (Hu et al. 1988). La distribution des acides gras extraits par des solvants organiques mais aussi les fragments pyrolytiques acquis lors de la pyrolyse des résidus d’extraction de sédiments ou des MES peut
Vari
donc être bon MO gale ou bactérienne et ainsi signer des flux de MO d’origine terrestre ou aquatique (Art et al. 2009). Les acides gras sont moins souvent employés comme marqueurs des impacts humains (Jardé et al. 2005 ; Boëchat et al. 2014). Les acides gras sont des composés très sensibles à la décomposition microbienne (Meyers 2003). Le groupement fonctionnel oxygéné de leur chaine hydrocarbonée les rendant plus facilement dégradables (Meyers & Eadie 1993). Les chaines courtes (≤20 :0) sont plus sensibles à la dégradation que les chaines longues (≥20 :0) (Matsuda & Koyama 1977a, b). Les acides gras insaturés semblent également se dégrader plus facilement que les acides gras saturés (Meyers 2003 ; Pruski et al. 2015). Au contraire, les acides gras d’origine terrestre sont incorporés dans des matrices complexes comme la lignine qui les protègent de l’attaque par les microorganismes (Dai et al. 2009). Les stéroïdes Les stéroïdes sont des composés tétracycliques appartenant au groupe des lipides triterpénoïdes. Ils dérivent de l’oxydation du squalène (composé isoprénoïde à 30 atomes de carbone) suivie d’une cyclisation qui génère le cycloarténol, précurseur de la plupart des stéroïdes végétaux et le lanostérol, précurseur des stéroïdes animaux, fungiques et de certains végétaux (Figure II-4). L’oxydation et la décarboxylation de ces deux composés vont amener à la formation des stérols qui sont des alcools saturés (stanols) ou insaturés (sténols). Les stérols sont aussi bien retrouvés chez les animaux que chez les végétaux (phytostérols) (Killops & Killops 2005).
120 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
Figure II-4 Biosynthèse des stéroides végétaux et animaux à partir du squalène (d’après Hardwood & Russel 1984)
Les stéroïdes sont de bons traceurs de l’origine de la matière organique car ils sont hydrophobes et se lient facilement aux matières en suspension et aux sédiments où ils sont relativement bien préservés (Benfenati et al. 1994). Les stanols qui sont présents dans les déjections des différents animaux proviennent de la réduction microbienne anaérobie des stérols de l’alimentation. Chez les animaux, le cholestérol est le précurseur de tous les stanols alors que le campestérol, le stigmastérol et le sitostérol sont les précurseurs des stanols végétaux. Le coprostanol est le principal stanol des fèces humaines où il représente 60 % des stéroïdes présents (McDonald et al. 1983), il a donc été, depuis les années 1970, proposé comme un marqueur des eaux contaminées (Dutka et al. 121 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle 1974 ; Grimalt et al. 1990 ; Leeming et al. 1996 ; Reeves & Patton 2005).
Leeming et al. (1996) ont notamment étudié la distribution des stérols dans les déjections de différents animaux à sang chaud afin de déterminer l’empreinte stéroïde permettant de cerner les sources de pollution aux stéroïdes. Cependant, les stéroïdes ne sont pas uniquement rencontrés dans les fèces des animaux. Les végétaux supérieurs sont notamment dotés de stérols dont le campestérol, le β-sitostérol et le stigmastérol (Huang & Meinschein 1976 ; volkman 1986 ; Rieley et al. 1991 ; Nishimura & Koyama 1977). Le β-sitostérol étant le plus rencontré, le stigmastérol étant plus accessoire. Le campestérol est également retrouvé chez certaines espèces phytoplanctoniques (Volkman 1986). Certains stérols dont le brassicastérol et l’épibrassicastérol sont directement reliés à l’organisme source (diatomées) (Barrett et al. 1995).
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques ne sont pas retrouvés naturellement dans les organismes (Hites et al. 1980), cependant, ce sont des composés que l’on retrouve dans tous les sols et sédiments que ce soit les sédiments marins (Laflammme & Hites 1978), lacustres (Laflamme & Hites 1978) ou de rivière (Hites et al. 1980). Du fait de leur effets cancérigènes (Grimmer et al. 1983), 16 HAP sont considérés comme des polluants majeurs par l’agence de protection de l’environnement des Etats-Unis d’Amérique (US-EPA), de l’organisation mondiale de la santé et de l’Union Européenne μ le naphtalène, l’acénaphtylène, l’acénaphtène, le fluorène, le phénanthrène, l’anthracène, le fluoranthène, le pyrène, le benzo(a)anthracène, le chrysène, le benzo(b)fluoranthène, le benzo(k)fluoranthène, le benzo(a)pyrène, l’indéno(1,2,3,c,d)pyrène, le dibenzo(a,h)anthracène et le benzo(g,h,i)pérylène. Ces 16 HAP ont fait l’objet de nombreuses études. Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
Les HAP sont des molécules très stables car ils ne possèdent aucun groupe fonctionnel (Jiang et al. 2000). Ce sont des composés hydrophobes qui vont rapidement s’adsorber à la surface des MES et peuvent être préservés sur de longues périodes de temps (Punning et al. 2008). Ces composés sont donc de bons traceurs de la matière organique présente dans les MES. Les HAP sont produits par (1) des modifications microbiennes ou des précurseurs biogéniques de la matière organique pendant les premiers stades de la diagénèse (HAP biogéniques) (2) la lente maturation de la matière organique accumulée dans les milieux sédimentaires profonds (HAP diagénétiques) (3) la combustion incomplète de la matière organique (HAP pyrolytiques). Les sources anthropiques (combustion du charbon, émission des véhicules, feux accidentels) sont responsables de l’émission de 520 Gg de HAP pour l’année 2004 (Zhang & Tao 2009). Dans le milieu aquatique, la plupart des études (figure II-5) concernant les HAP se concentrent sur la distribution, la partition, la composition et les sources possibles de HAP (Shi et al. 2005 ; Jeanneau et al. 2006, 2008 ; Guo et al. 2009 ; Luo et al. 2006 ; Qiao et al. 2008 ; Qin et al. 2014). 123 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
Figure II-5 Transfert des HAP vers le milieu aquatique dans le bassin versant (adapté d’Owens 2005)
Une attention particulière a été portée sur l’étude des sources possibles de HAP (Dickhut et al. 2000 ; Yunker et al. 2002). Ces études se basent sur des rapports permettant de différencier les apports pyrolytiques et des apports diagénétiques mais également de séparer les sources provenant des véhicules, du bois, du charbon et des fonderies (Dickhut et al. 2000). Ces rapports ont été largement utilisés dans la littérature. Cependant, des variations dans les conditions de combustion et des processus de dégradation peuvent causer des variations d’émission ou de dégradation de chacun des composés et potentiellement fausser les interprétations des rapports aux sources (Katsoyiannis et al. 2011). D’autres méthodes ont donc été proposées afin de mieux discerner les sources notamment en utilisant des méthodes statistiques (Qin et al. 2014). D’autres Composés Aromatiques Polycycliques (CAP) polaires sont également rencontrés dans l’environnement, les CAP polaires oxygénés et les CAP polaires nitrogénés. Les études concernant ces CAP polaires se sont concentrées sur les contaminations atmosphériques et dans les sols du fait de leur toxicité élevée (Smith &
matière que matières en suspension de la Moselle Harrison 1996 ; Dimashki et al. 2000). Peu d’études se sont portées sur ce type de CAP polaires dans les environnements aquatiques (Jeanneau et al. 2006 ; Qiao et al. 2013 ; Qiao et al. 2014). Qiao et al. 2014 ont montré que dans le cas de la rivière Haihe en Chine, les CAP
polaires provenaient principalement des stations d’épuration. 1.3.2 La fraction macromoléculaire Les composés dérivés de la lignine
La lignine (Figure II6) est composée de polymères phénoliques qui sont synthétisés par les plantes supérieures et sont constitutifs de leur système vasculaire (Meyers 1997). La lignine est présente dans la biosphère à hauteur de 175 Gt et est, après la cellulose (250 Gt), le composé organique le plus important de la biosphère. La lignine constitue plus d’un tiers de la composition du bois (Brown 1969). La lignine est un biopolymère possédant une structure polyphénolique qui résulte de la polymérisation oxydative de trois alcools phénoliques μ l’alcool p-coumarylique, l’alcool coniférylique et l’alcool sinapylique. Ces trois alcools sont précurseurs de différentes unités. L’alcool p-coumarylique est le précurseur biologique des unités p-hydroxyphényles, l’alcool coniféryle celui des unités vanillyles (guaïacyles) et l’alcool sinapylique des unités syringyles.
125 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
Figure II-6 Structure de la lignine (d’après Nimz 1974)
Les gymnospermes (plantes sans fleurs) et les angiospermes (plantes à fleurs) synthétisent différents types de lignine. Les unités vanillyles et syringyles sont prédominantes chez les arbres angiospermes (de Leeuw et al. 1993 ; Clifford et al. 1995 ; Challinor 2001). Les unités vanillyles dominent chez les gymnospermes (de Leeuw et al. 1993, Clifford et al. 1995). Enfin, les végétaux herbacés non ligneux contiennent les trois types d’unités : vanillyles, syringyles et p-hydroxyphényles (Clifford et al. 1995). Dans les systèmes aquatiques, la lignine est présente dans la colonne d’eau sous forme dissoute (Dalzell et al. 2005 ; Jeanneau et al. 2015) et particulaire (Frazier et al. 2003 ; Bianchi et al. 2007 ; Ward et al. 2015). La forme particulaire présente dans les sédiments est
Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière que les matières
-à- d’
une
dé
microbi ou
fongique. La dégradation de la lignine peut cependant intervenir dans la colonne d’eau. La dégradation de la lignine dans les environnements aquatiques est principalement le résultat des microorganismes (Pellerin et al. 2010). La dégradation complète de la lignine par les microorganismes peut intervenir en deux à trois semaines (Pellerin et al. 2010). La dégradation par photo-oxydation peut également intervenir dans la colonne d’eau. L’importance de la dégradation par les microorganismes au regard de la photo-oxydation dépend des facteurs qui permettent (1) à la lumière de pénétrer dans le cours d’eau (turbidité) et (2) le développement microbien (température). La dégradation de la lignine va entrainer une modification de ses caractéristiques. Des études en incubation ont montré que du bois inoculé avec des champignons montrait des rapports acides phénoliques/aldéhydes phénoliques (Ad/Al(s) et Ad/Al(v) plus élevés (Otto & Simpson 2006). Le rapport S/V (unités syringyles/unités vanillyles) diminue également lors des processus de dégradation (Vane et al. 2005). Des études conduites directement sur le terrain ont également révélé un rapport Ad/Al(v) élevé quand les processus de photo-oxydation intervenaient (Opsahl & Benner 1998). Les ratios S/V et C/V (unités cynamyles/unités vanillyles) ont été la première fois utilisés pour des études environnementales par Hedges & Mann (1979). La somme des concentrations des acides p-coumariques et des acides féruliques (le groupe C retrouvé dans les tissus des plantes sans bois) divisée par la somme des trois phénols vanilliques ou groupe V (vanilline, acétovanillone, acide vanillique) retrouvés dans les tissus à bois et sans bois des gymnospermes et angiospermes donne le rapport C/V qui indique la contribution relative des tissus à bois et sans bois. La somme des concentrations des trois phénols syringiques 127
Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle (syringaldehyde, acétosyringone et acide syringique) retrouvés exclusivement chez les angiospermes divisée par la somme des concentrations des phénols vanilliques donne le rapport S/V qui distingue les gymnospermes des angiospermes (Meyers 1997 ; Meyers 2003 ; Meyers & Ishiwatari 1993). De ce fait, le diagramme C/V versus S/V, peut apporter des informations concernant le type de végétation présente dans le bassin versant (Figure II-7). Figure II-7
Diagramme C/V versus S/V Aw : angiospermes ligneux, Cw gymnospermes ligneux Anw angiospermes non ligneux, Cnw gymnospermes non ligneux, valeurs déduites à partir d’expériences d’oxydation de la lignine avec CuO (adapté de Hedges & Mann 1979 et Goñi et al. 1998). Les données pour trois genres Juncus (angiosperme non ligneux, triangle noir), Alder (angiosperme ligneux, rond noir) et Pinus (gymnosperme ligneux, rectangle noir) obtenues par Py-GCMS avec ajout
de TMAH ont également été ajoutées (Clifford et al. 1995). Les carbohydrates
La formule de la plupart des carbohydrates est de type Cn(H2O)n. Ils contiennent donc uniquement du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène. Les molécules les plus simples sont
128 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
les monosaccharides nommés selon le nombre de carbones présents comme par exemple le tétrose, pentose, hexose et heptose qui contiennent respectivement 4, 5, 6 et 7 atomes de carbone. Certains composés sont des dérivés des monosaccharides simples cités précédemment et prennent des formes aldéhydes ou cétones comme le glucose (monosaccharide à 6 atomes de carbone). Des monosaccharides modifiés, notamment par désoxygénation, peuvent également être observés, on y retrouve le rhamnose et le fucose. Les unités monosaccharides peuvent se lier par condensation donnant pour les plus grosses molécules (plus de dix unités monosaccharides) des polysaccharides comme la cellulose ou l’hémicellulose. Les carbohydrates ont de multiples fonctions dont les réserves d’énergie ou la structure des matériaux. Les carbohydrates sont des composants majeurs qui fournissent une couche rigide autour des membranes cellulaires. Le glucose est le plus abondant des monosaccharides qui est une source d’énergie et un constituant de base de la cellulose. L’hémicellulose contient du xylose, mannose et galactose. Les carbohydrates sont retrouvés dans les sols (Grasset et al. 2009) mais également dans les sédiments (Jensen et al. 2005) et les eaux (Jeanneau et al, 2015). Dans les sédiments marins, les carbohydrates sous forme particulaire peuvent représenter de 3 à 20 % du carbone organique particulaire (Kerhervé et al. 2002)
1. Exemple d’utilisation de traceurs moléculaires dans les environnements aquatiques
Les traceurs/marqueurs moléculaires sont utilisés dans les études environnementales afin de mieux caractériser la matière organique dissoute et particulaire. Les traceurs moléculaires permettent notamment d’étudier (i) la variation de composition de la MO en fonction du débit, (ii) les variations spatiales de composition, ainsi que (iii) la pollution dans un bassin
129 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle versant. Les prochains paragraphes vont présenter quelques exemples d’utilisation des marqueurs moléculaires dans différents bassins versants. 1.4.1 Variations avec le débit
Dans les rivières et les fleuves, la caractérisation de la lignine est fréquemment utilisée afin de mieux comprendre les mécanismes de transport de la MO dissoute. Les concentrations des dérivés de la lignine dans la fraction dissoute augmentent avec l’augmentation du débit (Hernes et al. 2008 ; Spencer et al. 2010 ; Ward et al. 2012). L’augmentation du niveau de l’eau permet d’atteindre les zones de sols superficiels riches en MO, permettant ainsi de libérer de la MO fraiche et donc également des dérivés de la lignine (Ward et al. 2012 ; Jeanneau et al. 2014). Dans les bassins versants assujettis à des saisons marquées à savoir une saison sèche et chaude et une saison humide, le cycle de la lignine n’est pas le même. Dans la rivière Congo par exemple, durant la saison sèche, la concentration en COD est basse ainsi que la concentration en composés ligneux. Au contraire, durant la saison des pluies, les concentrations en COD et en lignine augmentent (Spencer et al. 2010). L’augmentation artificielle du débit par l’irrigation des champs dans des bassins versants agricoles a également induit des variations de concentration en lignine (augmentation de la concentration avec le débit) durant l’année indiquant l’influence des activités humaines sur le cycle du carbone dans les rivières (Hernes et al. 2013). Des variations de composition de la lignine ont également été observées avec l’augmentation du débit dans le compartiment dissous. Plusieurs études ont montré une lignine moins dégradée (rapport C/V élevé et rapport Ac/Al(v) bas) en haut débit (Dalzell et al. 2005 ; Hernes et al. 2008). Ces résultats ont été complétés par des échantillonnages à haute fréquence en période de crue (un toutes les 30 min) permettant également de montrer l’apport d’une matière organique moins dégradée avec 130
Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle
l’augmentation du débit (Jeanneau et al. 2014). D’autres composés évoluent en fonction du débit. Avec l’augmentation du débit, la présence d’heptose, un carbohydrate présent dans les exopolysaccharides microbiens (Jiao et al. 2010) et les lipopolysaccharides (Sadovskaya et al. 1998) a été détectée suggérant l’augmentation de marqueurs microbiens avec le débit. L’hypothèse retenue est la déstabilisation des microfilms bactériens en début de crue. Les études présentées ci-dessus s’intéressent à la MOD. Concernant la MOP, Medeiros et al. (2012) ont montré un transport de la MO d’amont en aval en période de haut débit. 1.4.2 Variations spatiales de la composition
Les traceurs moléculaires peuvent également être employés afin de mieux comprendre les variations spatiales de composition de la matière organique. La lignine rencontrée dans le compartiment dissous possède un état de dégradation différent selon le type de culture présent dans le bassin versant. Dans le cas de champs de maïs, la lignine à l’exutoire du bassin est dégradée. Au contraire, dans le cas d’un verger, la lignine à l’exutoire est fraiche (Hernes et al. 2013). Ceci montre que différentes utilisations des sols va engendrer une composition différente de la lignine (état de dégradation). Des variations spatiales peuvent également intervenir à plus grande échelle. Spencer et al. (2010) ont montré que les affluents du fleuve Congo présentaient une lignine plus fraiche que le fleuve Congo lui-même. Les temps de résidence plus faibles dans les affluents peuvent être à l’origine de ces variations (Spencer et al. 2010). Dans la MOP, Ward et al. (2015) ont montré une augmentation du rapport C/V d’amont en aval à l’exutoire du fleuve Amazone. Ce résultat peut être interprété comme la contribution
131 Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle plus élevée d’angiospermes non ligneux d’amont en aval du tronçon étudié. Les variations spatiales du type de végétation peuvent donc être tracées en
é
tudiant la composition moléculaire de la MO des matières en suspension. Les marqueurs correspondant aux différents composés ligneux permettent également d’obtenir des informations sur le changement d’utilisation des sols proches des rivières. Bianchi et al. (2007) ont étudié l’influence de plantations situées en aval d’un barrage sur le Mississipi et ont montré que d’amont en aval, le rapport C/V diminuait. Ce résultat peut s’expliquer par l’incorporation de lignine provenant d’angiospermes à bois dur le long du fleuve. Des plantations d’angiospermes ont été mises en place après la construction d’un barrage en amont qui ont une composition ligneuse similaire à celle retrouvée dans les MES. Cependant, cette diminution du rapport C/V peut également s’expliquer par une dégradation de la MO d’amont en aval. Dans les rivières situées en zones tempérées, des variations spatiales de la MOP ont également été observées selon le couvert végétal traversé par le fleuve (Micic et al. 2010). 1.4.3 Traçage des pollutions
L’utilisation des marqueurs moléculaires est souvent utilisée dans la littérature afin de détecter certaines sources de pollution. Boëchat et al. (2014) ont étudié la fraction lipidique de la matière organique des MES dans un bassin versant brésilien (Rio das Mortes). Les résultats ont montré que deux acides gras prédominaient μ l’acide palmitique (C16 :0) et l’acide stéarique (C18 :0). Ces deux acides gras ont été décrits par plusieurs auteurs comme les principaux marqueurs d’eaux usées (Quéméneur & Marty 1994 ; Réveillé et al. 2003). L’utilisation des stérols permet de détecter des sources de contaminations fécales (Derrien et al. 2011). En combinant l’étude de la distribution des différents stérols et l’étude de l’isotopie du carbone 13 dans des sédiments de la rivière Illinois, Biache & Philp (2013) ont déduit que la forte concentration en phytostérols retrouvée dans les sédiments provenait des fèces 132 Partie II – Variabilité spatiale et de la de la dans les d’ ages de poulets. Ces résultats montrent donc l’intérêt d’utiliser les marqueurs moléculaires afin de détecter des sources de pollution dans les rivières. Les deux exemples cités plus haut se focalisent sur un marqueur particulier. Jeanneau et al. (2006) ont montré l’intérêt de quantifier plusieurs marqueurs de la fraction lipidique de la matière organique sédimentaire (composés aromatiques, aliphatiques et polaires). Les résultats ont montré l’influence d’une petite rivière (la Fensch) se jetant dans une rivière plus importante (La Moselle) et drainant une zone fortement industrialisée. Les concentrations en hydrocarbures aromatiques polycycliques de la Moselle, indiquant une contamination d’origine humaine, étaient plus élevées après la confluence avec la Fensch (42.2 μg.g-1) qu’avant (21.5 μg.g-1). D’autres indicateurs, notamment le rapport stigmasterol/coprostanol indiquant une contamination fécale d’origine humaine ont été utilisés. Ce rapport avait une valeur très faible dans la Fensch (0.8) indiquant une prédominance de coprostanol d’origine humaine. La valeur de ce même rapport, sur la Moselle, en aval de la Fensch était inférieur (1.9) à celui mesuré en amont (7.0) indiquant une contribution de la Fensch dans la pollution de la Moselle (Jeanneau et al. 2006, 2008). Le tableau II-1 présente une synthèse de l’utilisation des marqueurs organiques afin de caractériser la matière organique des cours d’eau. L’utilisation des marqueurs moléculaires afin d’étudier la matière organique des systèmes aquatiques présente donc plusieurs intérêts μ (1) l’utilisation des marqueurs moléculaires permet d’étudier la variation de composition de la MO d’amont en aval d’un cours d’eau et selon différents régimes hydriques afin de montrer la variabilité spatiale et temporelle de la composition organique ; (2) ces marqueurs moléculaires permettent également de montrer moléculaire s’intéressent principalement à la MOD et peu d’études se focalisent sur la MOP alors qu’elle constitue une fraction élevée du carbone organique transporté dans la rivière notamment en période de crue. Marqueur Paramètre du marqueur utilisé
Acides gras Concentration et distribution des acides gras Fraction étudiée MES Utilisation E e ple d’utilisatio Distribution des AG dans les MES Présence de certains acides gras traduisant des activités humaines (C16 :0 ; C18 :0) Degré de préservation de la MO Boëchat et al. 2014 Fraction macromoléculaire non extractible Contribution bactérienne et des végétaux supérieurs ; dégradation de la MO Grasset et al. 2009 Jeanneau et al. 2015 Fraction macromoléculaire non extractible Contribution des angiospermes, gymnospermes et herbacées Fraicheur de la lignine Dalzell et al. 2005 ; Hernes et al. 2008 ; Hernes et al. 2013 ; Ward et al. 2015 ; Jeanneau et al. 2014 Fraction Fraction lipidique -Rapport AG insaturés / AG saturés Carbohydrates -Rapport Fucose/Glucose et Xylose/Glucose Lignine -rapports C/V, S/V -Rapports Ad/Al(v), Ad/Al(s) Composés Aromatiques Polycyclyques (CAP) -Co e tratio e HAP HAP d’étude prioritaire) -Concentration en HAP oxygénés et nitrogénés Eau, Sol Eau, MES Eau, MES, sédiment Fraction lipidique -Rapports BaA/Ch, BbF/BkF, IP/Bghi -Rapports An/178 -Rapport BaA/228 -Concentration et distribution des stérols Sédiments superficiels Stérols -rapport Stigmastérol/Coprostanol Fraction lipidique Comparaison des concentrations avec les valeurs limite Composition des HAP Partition des HAP entre les différentes phases Variation saisonnière des O-HAP Origine des HAP (voitures, Charbon, bois, fonderie) Origine pyrogénique ou pétrogénique des HAP Indication de contamination fécale Indication de contamination fécale humaine
Mills et al. 2003 Shi et al. 2005 Qiao et al. 2014 Dickhut et al. 2000 Budzinski et al. 1997 Yunker et al. 2002 Biache et al. 2013 Jardé et al. 2005 Derrien et al. 2011 Jeanneau et al. 2006
Tableau II-1 Exemple d’utilisation de certains marqueurs organiques pour la caractérisation de la matière organique dissoute et particulaire 135
Partie II – Variabilité spatiale et temporelle de la composition de la matière organique dans les matières en suspension de la Moselle 2 Méthodes analytiques 2.1 Echantillonnage, stockage avant analyse
Les échantillons prélevés par la centrifugeuse de terrain en même temps que ceux utilisés pour la caractérisation minérale ont été stockés dans des bocaux en verre, congelés, lyophilisés et broyés afin d’obtenir une poudre homogène.
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2.2.4.2. Propriétés magnétiques
Les propriétés magnétiques de ce type de composés à base de cobalt ne sont en général pas évidentes à interpréter. En effet, les ions Co(II) (Co(2), (4), (6), (7) et (8)) et Co(III) (Co(1), (3) et (5)) peuvent avoir chacun deux états de spins : S = 1/2 ou S = 3/2 pour Co2+ et S = 0 ou S = 2 pour Co3+. Le facteur de Landé pour les ions Co2+ peut également être très variable de g = 2 à g = 5 [Carlin, 1986]. D'après les longueurs de liaisons autour des ions métalliques, on peut tout de même avancer que les ions Co(1), Co(3) et Co(5) sont dans l'état bas spin soit S = 0 [Mikuriya, 1998 ; Mikuriya, 2000 ; Stamatos, 2005], l'ion Co(7) devrait être dans l'état bas spin soit S = 1/2 et les ions Co(2), Co(4), Co(6) et Co(8) sont dans l'état haut spin soit S = 3/2 [Zhang, 2004 ; Fan, 2005 ; Klingele, 2005 ; Zhao, 2005]. La dépendance en température de la susceptibilité magnétique dc a été réalisée à 1000 G sur une poudre polycristalline de 300 K à 1,82 K. À 300 K, le produit χT atteint 13,2 cm3.K.mol-1, il reste constant à cette valeur jusqu'à 83 K puis entame une lente décroissance pour arriver à 12,3 cm3.K.mol-1 à 1,82 K. Comme le monomère 22, la chute très lente à basse température est typique de composés avec du cobalt en très faible interaction. Le paramétrage des données expérimentales du produit χT ou du rapport 1/χ en fonction de la température par la loi de Curie-Weiss est reporté dans la figure 2.23.a. La constante de Curie ainsi dé ée est de l'ordre de 13,2 cm3.K.mol-1 et θ vaut -0,40 K. Cette valeur de C = 13,2 cm3.K.mol-1 est bien plus élevée que la constante théorique attendue avec C = 7,875 cm3.K.mol-1, mais c'est probablement normal étant donnée la présence de Co(II) en général très anisotrope avec un facteur de Landé souvent très élevé. La valeur faible de θ = -0,40 K signifie qu'il n'y a pratiquement pas d'interaction entre les ions métalliques dans ce composé. Par ailleurs, la dépendance de l'aimantation en fonction du champ de 0 à 70000 G a été mesurée sur une poudre polycristalline à 1,85 K (figure 2.23.b). S 1/2 = Co(7) Co(2) 3/2 3/2 Co(4) Co(6) 3/2 3/2 a) Co(8)
b) Figure 2.23 : a) Produit χT () en fonction de la température pour le composé 26. Le trait plein représente le meilleur paramétrage avec les valeurs C = 13,2 cm3.K.mol-1 et θ = -0,40 K. b) Aimantation () en fonction du champ à 1,85 K. En insert, topologie des atomes de cobalt dans le composé (les ions Co3+ de spin 0 ne sont pas représentés). En résumé, le composé 26 est formé de trois ions Co3+ de spin 0, d'un ion Co2+ de spin 1/2 et quatre ions Co2+ de spin 3/2 en faible interaction. 2.3. Conclusions
Une nouvelle technique de synthèse a été pensée afin d'arriver à une organisation contrôlée de SMM, tout en s'assurant de la non compensation des spins dans l'arrangement du matériau. Cette stratégie, mise en oeuvre, a permis l'obtention de quatre nouveaux composés. Cependant l'obtention du complexe de coordination 26 laisse penser que cette méthode doit être adaptée en fonction des ions métalliques utilisés. En effet, le cobalt est un centre métallique très attracteur d'électrons, il aura donc tendance à s'approprier tous les sites de coordination au dépens des autres métaux dans le milieu. C'est exactement le cas de figure rencontré avec le composé 26. En revanche, quand les ions métalliques en présence ont des affinités à peu près équivalentes avec les ligands présents, les matériaux obtenus correspondent exactement au but fixé. Les composés 23 et 24 sont un enchaînement alterné de tétramères [Mn4(hmp)6]4+ et de monomères [M(pic)2(H2O)2] (avec M = Mn pour 23 et M = Ni pour 24), et 25 est un édifice bidimensionnel de briques [Mn4(hmp)6]4+ liées par des monomères [Cu(pic)2]. Dans ces trois cas, quel que soit le mode d'interaction des briques entre elles, les spins ne se compensent pas (figure 1.1.c). L'étude préliminaire des trois composés 23, 24 et 25 indique qu'ils se comportent en aimant à basse température. Toutefois le processus de relaxation de l'aimantation reste ambigu, et avec les mesures à disposition nous ne pouvons pas conclure quant à la nature des propriétés de ces aimants. Sont-elles la conséquence de la présence d'un ordre magnétique ou résultent-elles de la relaxation individuelle des unités [M 4] anisotropes? Dans le réseau 2D, la relaxation de l'aimantation étudiée conduit à une énergie d'activation et un temps de relaxation raisonnables pour des tétramères SMM isolés (comme étudiés dans le chapitre III). Toutefois, le temps τQTM trop élevé par rapport aux valeurs rencontrées dans les SMM, laisse penser que de IV.24 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques fortes interactions sont en jeu dans ce matériau. De même, les deux modes de relaxation rencontrés dans le composé 23 compliquent beaucoup l'interprétation des résultats. Observons-nous un comportement unidimensionnel de type SCM ou cette relaxation est-elle la signature d'un ordre magnétique particulier? Ces composés sont des aimants avec probablement plusieurs régimes thermiques de relaxation, quand la température sera grande devant les interactions entre unités [Mn4] nous verrons la relaxation de la brique anisotrope, puis quand la température sera petite devant cette interaction nous serons alors en présence d'un ordre magnétique. Cela n'est que supposition et pour aboutir à une conclusion définitive, dans un premier temps il faudra étudier la relaxation de l'aimantation du composé 24 puis faire des mesures supplémentaires sur ces trois composés et notamment de capacité calorifique pour déterminer la présence d'un ordre magnétique. Les mesures déjà réalisées sur un monocristal du composé 23 devront aussi être exploitées, ce qui apportera des éléments précieux pour la compréhension du comportement de ces composés. D'un point de vue synthétique, entre la grande diversité des SMM, toutes les unités monomères imaginables, les dimensions des réseaux 1D, 2D et 3D, et les différents types d'interactions ferro- ou antiferromagnétiques, les possibilités d'obtenir de nouveaux composés sont extrêmement variées. Toutefois, dans un premier temps il serait raisonnable de continuer le travail commencé avec la brique [Mn4] et l'ion pontant picolinate. Avec le cobalt, il semble évident qu'une grande variété de complexes peuvent être synthétisés avec certainement de propriétés intéressantes, d'autant plus que déjà bien des exemples de SMM [Yanga, 2002 ; Karasawa, 2003 ; Murrie, 2003] ou de composés à conversion de spin [Tuna, 2000 ; Brooker, 2002 ; H. A. Goodwin, 2004 ; Hayami, 2004] existent avec le cobalt. Toutefois des architectures h étérométalliques avec le cobalt semblent bien moins évidentes à obtenir comme expliqué au début de ce paragraphe. En revanche avec les autres ions métalliques tout semble possible. Dans un premier temps, il faudrait travailler autour de la synthèse du réseau 2D (25) afin d'obtenir la chaîne [Mn4] / [Cu(pic)2]. Il serait, en effet, très intéressant d'étudier différents systèmes 1D. Nous avons déjà les chaînes Mn4-Mn(II) et Mn4-Ni(II) et nous pourrions agrandir cette famille avec des chaînes Mn4-Cu(II) ou Mn4-Zn(II) ou Mn4-Fe(II/III). Dans ce dernier cas, le potentiel au niveau des propriétés magnétiques peut être très attrayant, en effet les ions Fe(II) et Fe(III) sont également connus pour leurs propriétés de conversion de spin, avec des états de spins demi-entiers, paramagnétiques ou diamagnétiques [Koningsbruggen, 2004]. IV Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
SMM quasi-isolées par des briques de zinc. Par ailleurs, on a vu que la synthèse de monomère [M(pic)3] (paragraphe 2.1.1) était possible et dans ces conditions des arrangements tridimensionnels de SMM seraient facilement accessibles. Le ligand picolinate est intéressant, toutefois l'interaction via le pont carboxylate reste faible et il faudrait in fine certainement élaborer de nouvelles briques monomères avec des ligands fonctionnalisés avec des oximes, cyano, qui permettent des liens avec des interactions magnétiques plus fortes. IV.26 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques 3. Nouvelle brique [Mn2 / base de Schiff] type salen
Le composé unidimensionnel {[Mn2(saltmen)2][Ni(pao)2(py)2](ClO4)2}∞ [Clérac, 2002] est connu pour ses propriétés de SCM (chapitre I). Il résulte d'une stratégie de synthèse "étape par étape" qui consiste à lier entre elles des briques de forte anisotropie possédant un "gros" spin par l'intermédiaire d'unités magnétiques à plus petit spin (figure 1.1.c). Comme expliqué dans l'introduction, ceci permet d'éviter que les spins ne se compensent. Ainsi, le composé 1D est issu du dimère [Mn2(saltmen)2(H2O)2](ClO4)2 (ST = 4) et du monomère [Ni(pao)2(py)2] (S = 1). Les complexes de la famille [Mn(III)2 / base de Schiff] (type salen, figure 3.1.b) possèdent en général une forte anisotropie uniaxiale, et dans le cas de ce dimère l'interaction ferromagnétique entre les ions métalliques lui confère un état fondamental ST = 4. Les deux molécules d'eau coordinantes en position apicale sont très labiles et peuvent être facilement remplacées. La brique de nickel porte un spin 1, inférieur au spin du dimère, et possède surtout deux fonctions oximes qui peuvent substituer les molécules d'eau du dimère. Cette méthode de synthèse a donc été éprouvée en utilisant différents monomères et dimères. Toute une famille de nouveaux composés a ainsi été synthétisée avec souvent des propriétés de SCM [Miyasaka, 2003]. L'étude systématique des propriétés magnétiques de tous les précurseurs a montré que quel -uns de ces dimères étaient des SMM [Clérac, résultats non publiés]. Notamment le complexe [Mn2(saltmen)2(ReO4)2] (noté A) a fait l'objet d'une étude publiée, il a alors été déterminé une interaction entre centres métalliques J/kB = 2,65(5) K soit un spin total de 4, et une anisotropie D/kB = -1,59(5) K [Miyasaka, 2004b]. En toute rigueur, tous ces dimères possèdent les ingrédients nécessaires à l'obtention d'une SMM, toutefois souvent les plus ou moins fortes interactions entre dimères induisent la présence d'un ordre antiferromagnétique comme dans le composé [Mn2(saltmen)2(H2O)2](ClO4)2 [Miyasaka, 2002]. Dans ce travail de thèse dédié à l'organisation de SMM, nous nous sommes principalement focalisés sur l'unité [Mn4 / hmp]. Il était également intéressant d'élargir le champ d'investigation à d'autres SMM. Nous nous sommes ainsi proposés de synthétiser une nouvelle SMM [Mn2 / base de Schiff] pour, in fine, l'organiser au sein de réseaux de coordination. 3.1. Le complexe [Mn2(salpn)2(H2O)2](ClO4)2 OH N a) OH HO OH HO HO N N b) N N N c) Figure 3.1 : a) Ligand salpn (N,N'-Bis(salicylidène)-1,3-propanediamine). La flèche indique le carbone supplémentaire. b) Ligand salen (N,N'-Bis(salicylidène)-1,2-éthylènediamine). c) ligand saltmen (N,N'-Bis(salicylidène)-1,12,2-tétraméthyléthylènediamine).
IV.
27
Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
Pour obtenir un composé de type [Mn2 / base de Schiff] ayant des propriétés de SMM, le choix du ligand N,N'-Bis(salicylidène)-1,3-propanediamine (salpn) (figure 3.1.a) a été fait. En effet, ce ligand est assez volumineux avec un carbone de plus directement dans le plan des deux cycles aromatiques (contrairement au salen figure 3.1.b ou saltmen : figure 3.1.c), de sorte à maintenir une certaine distance entre les complexes et éviter les interactions inter-dimères. Le carbone supplémentaire sur le ligand salpn apporte non seulement de la flexibilité au complexe mais permet également de stabiliser la sphère de coordination autour du manganèse. Dans cette configuration (figure 3.2.b) il y a autour de l'ion métallique trois cycles à six sommets, connus pour être plus stables car il y a moins de tension d'angle. Contrairement à cela avec le salen et le saltmen (figure 3.2.a) il y a deux cycles à six sommets et un cycle à cinq sommets (moins stable). Éventuellement, cette plus grande stabilité dans le plan des ions Mn(III) apportée par les ligands salpn rait donc influencer l'anisotropie finale du complexe. O O O N N Mn Mn N O a) N
b
)
Figure 3.2 : Sphère de coordination autour de l'ion Mn3+ dans le plan a) avec le ligand salen (idem avec saltmen) et b) avec le ligand salpn. 3.1.1. Synthèse
Cette synthèse est en tout point identique à celle des dimères de Mn(III) avec le ligand saltmen [Miyasaka, 2002 ; Miyasaka, 2004b] qui sont notamment les briques constitutives des SCM [Clérac, 2002]. La source commerciale de Mn(III) choisie est le composé Mn(O2CCH3)3•2H2O. Ce produit est doublement intéressant car non seulement il apporte les ions manganèses mais rend le milieu assez basique (par la présence des ions acétates) pour déprotonner les fonctions phénols du ligand. La réaction se fait dans du méthanol à 50°C, où le précurseur métallique (1 éq.) et le salpnH2 (1 éq.) sont mélangés en quantité équimolaire. Avant un dernier ajout d'eau, du perchlorate de sodium (1 éq.) est additionné en quantité stoechiométrique. Les ions ClO4- permettent de stabiliser le dimère cationique en solution et induisent la cristallisation du composé final dans le mélange méthanol / eau. Le rendement d'une telle synthèse par rapport à la quantité de manganèse initiale est de l'ordre de 75%. Pour plus de détail sur la synthèse, le lecteur intéressé pourra consulter la partie expérimentale.
3.1.2. Les cristaux obtenus d'un vert très sombre en forme d'aiguille épaisse ont été étudiés par diffraction des rayons X sur monocristal. La résolution des données cristallographiques a permis de déterminer la structure du composé [Mn2(salpn)2(H2O)2](ClO4)2 (27) qui cristallise dans le groupe d'espace monoclinique C2/c. Les paramètres importants de cette structure apparaissent dans le tableau 3.1. Ce composé 27 est constitué de complexes dinucléaires et de deux contre-anions perchlorates permettant de neutraliser les charges. Tous les angles et distances importants sont répertoriés dans le tableau 3.2 et la IV.28
Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
Tableau 3.1: Données cristallographiques du composé 27. Formule Mn2C34H36N4O14Cl2 β (deg) 110,69(3) 905,45 γ (deg) 90 Couleur Vert V (Å3) 3681,66(130) Forme Aiguille Z 4 150(1) 1,633 C2/c μ (mm-1) 0,906 a (Å) 19,890(4) GOF 1,032 b (Å) 13,460(3) R1 0,0403 c (Å) 14,700(3) wR2 90 α (deg) 0,1085 2 2
2 R1 = Σ||F0|-|Fc||/Σ|F0| ; wR2 = Σ[w(F0 -Fc ) ]/Σ[w(F02)2]1/2
représentation de type ORTEP du composé est présenté figure 3.3. Ces dimères sont formés d'unités constitutives simples [Mn(salpn)(H2O)]+ centrées sur un ion métallique Mn(III) et la base de Schiff salpn. Ce ligand dont les deux fonctions alcool sont déprotonnées chélate l'ion Mn3+ dans les quatre positions équatoriales par les atomes O(1), O(2), N(1) et N(2) avec des longueurs de liaison d'environ 1,9 Å
à 2,0 Å. En position axiale les distances plus longues attestent de la présence de deux axes d'élongation Jahn-Teller, formant un angle [O(1W)–Mn–O(1A)] de 172,91(7)° avec des liaisons [Mn–O(1W)] de 2,1890(19) Å et [Mn–O(1A)] de 2,3407(17) Å. Le premier oxygène provient d'une molécule d'eau, et le deuxième appartient au salpn liant l'autre unité [Mn(salpn)(H2O)]+. Les deux ions métalliques sont ainsi reliés l'un à l'autre par les ponts μ– oxygènes avec une distance [Mn–Mn] de 3,258(52) Å. Dans le composé, les directions Jahn-Teller passant par les deux ions métalliques d'un même dimère sont parallèles. En revanche, il y a deux orientations de dimères dans la structure et donc deux directions Jahn-Teller avec un angle d'environ 31°. Ces deux types de dimères sont liés entre eux par liaisons hydrogène pour former des chaînes le long de l'axe c (figure 3.4). Ces connexions se font par l'intermédiaire des hydrogènes H(1B) entre les oxygènes O(1W) et O(1WA) des molécules en position apicale et les atomes d'oxygène O(2A) et O(2) des ligands salpn. IV.29 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
Figure 3.4 : Chaîne supramoléculaire dans le composé 27 formée par les dimères [Mn2(salpn)2(H2O)2]2+ et les contre-anions ClO4-. Seuls les atomes directement coordinées aux ions métalliques, les molécules d'eau et les contre-anions sont représentés pour plus de clarté. manganèses de dimères voisins est de 5,177 Å. Les distances sont relativement courtes pour ce type de liaisons avec [O(1W)**O(2A)] (ou [O(1WA)**O(2)]) de 2,733(18) Å
, laissant
suppos
er des
interactions
non nég
ligeables
.
Les contre-anions
donnent également lieu à des
liaisons
hydrogène via les
atomes
H(2A) entre les mêmes molécules d'eau et l'atome O(12) du groupement perchlorate avec [
O
(1W)**(O12)] = 2,812(34) Å. Ce dernier point est relativement important pour cette
structure
, car les chaînes se retrouvent ainsi gainées par les perchlorates qui minimisent les interactions entre elles (
figure 3.5
). Ainsi aucune interaction π−π entre les noyaux aromatiques des ligands n'a été trouvée
dans ce composé. Figure 3.5 : Arrangement des chaînes supramoléculaires dans le composé 27. Celles-ci sont relativement bien éloignées les unes des autres. 3.1.3. 3.1.3.1. Susceptibilité et aimantation à haute température (>1,85 K)
La figure 3.6.a est une représentation graphique du produit χT en fonction de la température à 1000 G des mesures réalisées sur un échantillon polycristallin du composé 27. La valeur de χT croît de 5,90 cm3.K.mol-1 à 300 K, pour atteindre un maximum de 9,43 cm3.K.mol-1 à 7,7 K puis diminue brutalement à 5,65 cm3.K.mol-1 à IV.30
Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
1,85 K. La valeur de χT à haute température correspond à la constante de Curie typique attendue pour 2 Mn(III) (S = 2) autour de 6 cm3.K.mol-1. L'augmentation du produit χT avec la diminution de la température est due aux interactions ferromagnétiques entre les centres métalliques, aboutissant à un spin total ST = 4. Le maximum attendu pour ST = 4 et g = 2 est de 10 cm3.K.mol-1 ce qui correspond pratiquement à la valeur atteinte à 7,7 K. Finalement la chute de χT à basse température est une conséquence de l'anisotropie magnétique et / ou des interactions antiferromagnétiques entre dimères. Dans le but de déterminer les interactions entre Mn(III) au sein du complexe, nous avons utilisé le modèle simple d'Heisenberg qui permet de décrire la susceptibilité magnétique dans un complexe dinucléaire [O'Connor, 1982] de spins S = 2. L'expression générale de la susceptibilité a été déduite de la relation de Van Vleck avec un Hamiltonien de type H=-2J(S1•S1A) : 2
2 2J 6J 12J 20J 2 2 Ng μ B 2e k T + 10e k T + 28e k T + 60e k T Ng μ B χT = = ×
0 2J 6J 12J 20
J
3
k B
3
k B k T k T k T k T
1 + 3e + 5e + 7e + 9e
B
B B B B
B B
avec N : constante d'Avogadro, g : facteur de Landé, μB : magnéton de Bohr, kB : constante de Boltzmann et interaction J entre Mn(III). Nous avons considéré cet Hamiltonien en traitant l'interaction inter-dimère J' à l'approximation champ moyen, la nouvelle expression de la susceptibilité (a) a permis de paramétrer la courbe de χT en fonction de la température. Un paramétrage relativement correcte sur toute la gamme de température a pu être réalisé (figure 3.6.a) avec g = 1,97(1), J/kB = 1,21(3) K et zJ'/kB = -0,12(1) K. χ= χ0 1 − 2.zJ'.N χ0 g 2.μ B2
IV.31 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
Hsat = 114000 G
b) Figure 3.6 : a) Les symboles () représentent la variation à 1000 G du produit χT en fonction de la température du complexe 27. Le trait plein noir est le meilleur paramétrage obtenu avec l'approximation en champ moyen : g = 1,97(1) et J/kB = 1,21(3) K et zJ'/kB = -0,12(1) K. Le trait plein gris est la meilleure simulation obtenue par le programme Magpack avec D/kB = -1,89 K et zJ'/kB = -0,07(1) K. b) Aimantation en fonction du champ à 1,85 K pour le composé 27.
3.1.3.2. Relaxation de l'aimantation à haute température (> 1,85 K
) Des mesures ac en fréquence (de 1 Hz à 1500 Hz) et en température (jusqu'à 1,85 K) ont été réalisées sur un échantillon polycristallin du composé 27 avec un champ ac de ± 3 G et un champ dc nul.
a) b) Figure 3.7 : a) Représentation de la susceptibilité χ'' de 27 en fonction de la température à 0 G ( 99,947 Hz, 299,52 Hz, 498,97 Hz, 699,63 Hz, 997,34 Hz, 1488,1 Hz, les traits pleins servent de guide pour les yeux). En encart : Représentation de la susceptibilité χ'' en fonction de la fréquence à 0 G. b) Les symboles () représentent la variation à 0 G du temps τ en fonction de l'inverse de la température pour 27. Le trait plein est le meilleur paramétrage obtenu avec la relation d'Arrhenius. Comme attendu pour des SMM, la susceptibilité ac est fortement dépendante de la fréquence. Comme le montre la figure 3.7.a où est représentée la susceptibilité imaginaire (χ'') en fonction de la température (en encart on a le même signal en fonction de la fréquence) pour le composé 27. Dès une fréquence d'oscillation du champ magnétique de 100 Hz (ν) un maximum en χ'' est observable pour une température de blocage (TB) de l'ordre de 2,05 K. Plus ν augmente plus TB est élevée, et la même évolution est visible sur le graphe de χ'' en fonction de la fréquence. La dépendance de ln(τ) (avec τ = 1/(2πν)) en fonction de 1/T (figure 3.7.b) suit une loi d'Arrhenius indiquant une activation thermique du processus de relaxation de l'aimantation. Ce composé ressemble donc à une SMM avec une barrière d'énergie ∆eff/kB = 15,4 K et τ0 = 6,2×10-7 s. Parmi tous les membres de cette famille de dimères [Mn2 / base de Schiff], le composé [Mn2(salpn)2(H2O)2](ClO4)2 est le premier à montrer des IV.32 Chapitre
IV
–
Les
S
MM
comme
préc
urseurs
mol
é
culaires vers de nouveaux ystème
propriétés de relaxation lente à des températures > 1,85 K. La valeur de l'énergie d'activation est comparable à celle rencontrée dans le complexe [Mn2(saltmen)2(ReO4)2] avec ∆eff/kB = 16 K. Toutefois le paramètre τ0 est deux ordres de grandeurs plus grand dans le composé 27, avec τ0 = 6,2×10-7 s pour 27 contre τ0 = 8×10-9 s pour [Mn2(saltmen)2(ReO4)2]. Ce facteur τ0 est un paramètre compliqué qui n'est encore très bien compris aujourd'hui. Ce il est lié aux interactions présentes dans le matériau, généralement plus elles sont fortes plus τ0 est grand. 3.1.3.3. Étude de l'aimantation à base température
Dans cette structure, il y a deux types de complexes avec un angle de 31° entre les directions Jahn-Teller, ainsi pour faire les mesures d'aimantation il a fallu appliquer le champ exactement dans la direction moyenne aux deux orientations de dimères pour avoir une réponse bien symétrique des deux types de complexes. Les mesures d'aimantation ont été réalisées sur un monocristal du composé 27 placé sur une grille de μ-SQUIDs à températures et vitesses de balayage du champ magnétique variables (figures 3.8). Les aimantations présentent des marches bien séparées par des plateaux à intervalles réguliers. Il semblerait que dans ce composé on retrouve le phénomène de "Exchange-biased quantum tunnelling" comme cela a déjà été vu dans le chapitre III. D'après la structure, les dimères sont organisés de manière unidimensionnelle, avec une distance courte entre dimère de 5,177 Å. Le composé étudié ici est donc une chaîne supramoléculaire de SMM et l'explication utilisée pour les composés 1 et 6 dans le chapitre III s'applique parfaitement.
a) b) Figure 3.8 : Hystérésis de l'aimantation du composé 27 en fonction du champ, a) pour une vitesse de balayage du champ de 0,002 T.s-1 à différentes températures, et b) à 0,04 K à différentes vitesses respectivement. Les figures 3.9 représentent les dérivées d(M/MS)/dH en fonction du champ appliqué qui vont permettent de déterminer les différents points d'inflexion sur les cycles d'hystérésis.
Pour simplifier la
détermination de ces points
, on ne se préoccupe que de la montée en champ. Les pics n'ont pas la même intensité ce qui signifie qu'il n'y a pas la même quantité de complexes qui transite suivant la vitesse, toutefois ils sont bien tous centrés aux mêmes champs. On observe, comme prévu par l'explication avancée dans le chapitre III, trois départs de peignes 1, 2 et 3 correspondant à la résonance mS = -4 → mS = +4. Le peigne 1 est décalé de -∆H1 = -0,31 T, le peigne 2 part à champ nul et le peigne 3 étant le symétrique de 1 commence à ∆H1 = 0,31 T. En revanche, il n'y a pas de branche supplémentaire à tous ces peignes, car l'anisotropie étant de l'ordre de -1,89 K cela
IV.33 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques 1 2 3 -4 → 4 -∆H1 -4 → 4 0 -4 → 4 +∆H1
-∆H1/2 +
∆H
1/2
Figure 3.9 : Représentation pour le composé 27 de la dérivée de l'aimantation (M/MS) par rapport au champ en fonction du champ appliqué pour différentes vitesses de balayage du champ à 0,04 K. La figure supérieure représente le détail pour une vitesse de 0,001 T.s-1, avec l'évolution de l'aimantation correspondant. Il faut noter que ces dérivées ne concernent que la montée en champ. Les traits verticaux en pointillés indiquent les différents pics pris sur la courbe à 0,001 T.s-1. Les symboles 1, 2 et 3 indiquent le début
trois peignes. La valeur de -∆H1 est -0,31 T. correspond à une valeur ∆H2 = 1,48 T ( ∆H 2 = D ( g × μ B × cos ( α 2 ) ), avec g = 1,97, α = 31° (b)), soit une première branche pour le peigne 1 qui sortirait à +1,17 T (∆H2 - ∆H1). Toutefois, il est impossible de voir cette deuxième branche du peigne car dès 1 T, comme l'indique la forme en "bec d'oiseau" de la boucle d'hystérésis (bien visible sur la figure 3.8.b à la vitesse la plus lente de 0,001 T.s-1), des phénomènes de relaxation directe ou "spin-spin cross-relaxation" (SSCR) [Wernsdorfer, 2002] apparaissent. Ceci n'est pas une conséquence du couplage dipolaire, en revanche le système relaxe par le biais de ces SSCR expliquant pourquoi le signal a déjà saturé vers 1 T. Avec la relation (c) : b Le champ est placé à un angle α/2 par rapport aux deux directions Jahn-Teller. Pour réussir à compenser l'énergie d'anisotropie, le champ effectif à appliquer vaut ∆H2/cos(α/2). La relation simple devient alors ∆H 2 = D ( g × μ B ) ( ) D α ∆H2 ∆H2 = D g × μB × cos (α 2 ) (schéma ci-contre). c Cette expression peut être obtenue facilement à partir du cas simple antiferromagnétique dans le modèle d'Ising où le champ critique est g ⋅ μ B ⋅ H C ( 0 ) ⋅ S T = 2 ⋅ zJ' ⋅ S T2 7 [Chikazumi, 1997]. A cause des deux orientations des dimères, la projection du champ magnétique appliqué sur les deux moments magnétiques résultants devient le champ effect if vu par les IV.34
Chapitre IV – Les SMM comme précurs
eurs
mol
éculaires vers de
nouveaux s
ystème
s magnétiques
∆H1 = zJ'×2ST × cos (α ) g × μB × cos (α 2 ) Équation 3.1 et -∆H1 = -0,31 T, g = 1,97 et ST = 4, l'angle entre les deux directions Jahn-Teller des complexes α = 31°, on trouve zJ'/kB = -0,06 K. On remarquera que cette valeur est très proche de celle déterminée à partir des simulations de χT avec zJ'/kB = -0,07 K. Clairement aux champs ±∆H1/2, il y a un pic qui apparaît et on observe également très bien les deux petites marches sur les courbes d'aimantation à ±∆H1/2. 3.2. Conclusions
Les caractérisations des propriétés magnétiques du composé 27 ont été réalisées et les résultats sont présentés dans le tableau 3.3. Le choix du ligand salpn a permis l'obtention d'un nouveau dimère aux propriétés de SMM. Comme espéré le salpn a permis de stabiliser la sphère de coordination des ions Mn modifiant ainsi l'anisotropie magnétique dans ce complexe. Par ailleurs, l'organisation unidimensionnelle des dimères en interaction dans la structure influence notablement les propriétés magnétiques en particulier quantiques à basse température avec l'apparition du phénomène d' "exchange bias quantum tunelling". deux sous-réseaux. Par conséquent HC(0) devrait être remplacé dans l'équation précédente par HC(0)×cos(α/2). L'interaction d'échange entre les deux moments des [Mn2] non-parallèles est renormalisée également par l'angle α pour mener à une interaction magnétique effective J×cos(α). L'Équation 3.1 est simplement obtenue en remplaçant ces deux composantes renormalisées dans l'équation 7. IV.35 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
Tableau 3.3 : Données magnétiques pour les composés SMM [Mn2 / base de Schiff]. Dimère g J/kB (K) D/kB (K) ∆eff/kB (K) τ0 (s) zJ'/kB (K) (z=2) A 2,00(1) 2,65(5) -1,59(5) 16 8×10-9 ~0 27 1,97(1) 1,21(3) -1,89(5) 15,4 6,2×10-7 -0,06 g et J obtenus par le paramétrage de la courbe de χT en fonction de T. D anisotropie du dimère obtenue par simulation de χT en fonction de T. ∆eff et τ0 obtenus en paramétrant τ en fonction de 1/T par la loi
d
'Arrhenius. z
J
' obtenue
avec les
courbes
d'aimantation à basse température
Une bonne compréhension des propriétés magnétiques de ce composé semble acquise, toutefois des mesures supplémentaires sont nécessaires pour comprendre le retournement des bouts de chaîne dans ce composé. En effet, ce phénomène très intéressant n'apparaît pas dans les autres chaînes de SMM étudiées dans cette thèse (composé 1 et 6 chapitre III). Pourquoi? Est-ce un problème de pureté, de concentration de défauts ou de qualité du monocristal? En tous les cas, quelle que soit la réponse, cette étude devrait être très motivante et enrichissante pour la compréhension générale de ces phénomènes de relaxation lente de l'aimantation. D'un point de vue synthétique, la vision du chimiste avec un tel composé est très simple, il faudrait synthétiser le composé analogue à la chaîne {[Mn2(saltmen)2][Ni(pao)2(py)2](ClO4)2}∞. Avec l'anisotropie plus élevée dans ce dimère, le nouveau matériau au rait probablement des qualités d'aimant très intéressantes. En utilisant le protocole opératoire de la chaîne {[Mn2(saltmen)2][Ni(pao)2(py)2](ClO4)2}∞, des essais avec le monomère [Ni(pao)2(py)2] et le nouveau dimère ont déjà été tentés, toutefois les composés obtenus ne correspondent pas au matériau voulu. Il faudra trouver les nouvelles conditions de synthèses pour arriver à l'objectif fixé : {[Mn2(salpn)2][Ni(pao)2(py)2](ClO4)2}∞. Ensuite, les synthèses à réaliser avec ce dimère 27 sont multiples, et de nombreuses organisations possibles au sein de nouveaux réseaux de coordination sont envisageables et doivent être tentées. Avant de conclure, il faut noter que la stratégie de synthèse adoptée pour obtenir une brique magnétique plus anisotrope a finalement été fructueuse. Cette méthode devrait permettre à l'avenir d'obtenir toute une gamme de matériaux magnétiques très intéressants. IV.36 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques 4. Partie expérimentale 4.1. Mesures physico-chimiques
a) Mesures magnétiques. Les mesures des propriétés magnétiques réalisées au CRPP à Pessac, l'ont été sur un magnétomètre – susceptomètre à détection SQUID de Quantum Design (MPMS-XL). Les échantillons se présentent en général sous forme de poudre polycristalline, toutefois avec des monocristaux donnant un signal assez important, on peut faire des mesures sur un monocristal orienté en utilisant un goniomètre. Deux types de mesures sont possibles : dc (direct current) et ac (alternative current). En mode dc et ac, la gamme de températures accessibles va de 400 K à 1,85 K et le champ peut varier de -70000 à 70000 G. Pour les mesures ac, la fréquence d'oscillation du champ magnétique peut varier de 0,01 à 1500 Hz avec une amplitude de ±3 G centrée sur un champ dc fixé (compris entre -70000 à 70000 G). D'autres mesures des propriétés magnétiques ont été effectuées au LLN à Grenoble en collaboration avec Wolfgang Wernsdorfer. L'instrument utilisé est constitué d'un réseau de μ-SQUIDs [Wernsdorfer, 2001], et sur chaque μ-SQUID il est possible de déposer un monocristal et d'en faire la mesure. Le domaine de température atteint va de 7 à 0,04 K, le champ magnétique varie de -1,4 à 1,4 T à une vitesse maximale de l'ordre de 10 T.s-1. b) Diffraction des rayons X sur monocristal : détermination de la structure cristalline. Les données cristallographiques ont été collectées avec un diffractomètre Nonius Kappa CCD muni d'un monochromateur graphite centré sur la raie Kα de Mo (λ = 0,71073 Å) à 150 K. Un monocristal de bonne qualité maintenu par de la graisse est placé sur une fibre de verre puis transféré sur le goniomètre. Le programme Denzo-SMN [Otwinowski, 1996] est utilisé pour l'intégration des données. Le logiciel Scalepack [Otwinowski, 1996] permet de corriger les données des effets de polarisation de Lorentz. Les structures ont été résolues par des méthodes directes puis affinées par une méthode des moindres carrés sur F2 en utilisant le logiciel SHELXTL [Sheldrick, 1997a ; Sheldrick, 1997b]. L'ensemble des structures ont été réalisées en collaboration avec Yang-Guang Li (Faculty of Chemistry, Northeast Normal University, Changchun 130024, China) et Xavier Le Goff (CRPP). c) Caractérisations physico-chimiques. Les analyses élémentaires ont été réalisées au Service central d'analyses à Vernaison (CNRS). 4.2. Synthèses et cristallisations
Tous les produits chimiques et réactifs ont été employés comme reçus sans davantage de purification. Toutes les synthèses qui suivent ont pu être réalisées dans les conditions de température et de pression du laboratoire, quelle que soit la saison (sauf indications).
IV.37 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques 4.2.1.
[Mn(pic)2(H2O)2]••0,3H2O (19) A 1,0 g (4,08 mmol) d'acétate de manganèse (Mn(CH3CO2)2•4H2O) dissous dans 10 mL
d'eau, 0,6
53
g (5,30
mmol
) d
'acide
pico
linique et
0,030 g (0,75 mmol
) d
'hydroxyde de sodium sont ajoutés. La poudre jaune qui se forme est récupérée par filtration. La solution laissée à cristalliser lentement par évaporation lente donne des cristaux cubiques jaunes en quelques jours. Filtrés et lavés à l'eau, ces cristaux correspondent au composé 19. La simulation du diffractogramme RX sur poudre
à partir des
données
RX sur monocristal est exactement comparable au diffractogramme RX
expérimental de la poudre. D'autre
part
les spectres IR des cristaux et de la poudre
é
tant
identiques
,
on
peut conclure que les
deux composés en poudre
et
sous
forme de
crist
aux correspondent à 19. La masse molaire de [Mn(pic)2(H2O)2]•0,3H2O étant de 340,58 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en manganèse en prenant en compte la poudre et les cristaux est de 40%
. Spectroscopie IR (pastille KBr, cm-1) : 3240 (m), 1648 (m),
1565
(
m
),
1545 (m
),
1479 (
m),
1370 (br), 1350 (m), 1246 (s), 1165 (s), 1115 (s), 1095
(
s),
1040 (s), (
s
),
975
(w),
928
(w), 870 (s), 760 (m), 700 (m), 630 (s), 450 (s). 4.2.2. [Ni(pic)2(H2O)2]••2H2O (20) A 1,0 g (4,08 mmol) de perchlorate de nickel (Ni(ClO4)2•6H2O) dissous dans 10 mL d'eau, 0,673 g (5,47 mmol) d'acide picolinique et 0,109 g (2,72 mmol) d'hydroxyde de sodium sont ajoutés. La poudre bleue qui se forme est récupérée par filtration. La solution laissée à cristalliser lentement par évaporation lente donne des cristaux bleus en forme de parallélépipède en quelques jours. Filtrés et lavés à l'eau, ces cristaux correspondent au composé 20. La simulation du diffractogramme RX sur poudre à partir des données RX sur monocristal est exactement comparable au diffractogramme RX expérimental de la poudre. D'autre part les spectres IR des cristaux et de la poudre étant identiques, on peut conclure que les deux composés en poudre et sous forme de cristaux correspondent à 20. La masse molaire de [Ni(pic)2(H2O)2]•2H2O étant de 374,98 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en nickel en prenant en compte la poudre et les cristaux est de 88%. Spectroscopie IR (pastille KBr, cm-1) : 3360 (br), 3150 (br), 1630 (br), 1590 (br), 1565 (br), 1478 (s), 1445 (s), 1372 (br), 1300 (s), 1240 (w), 1169 (w), 1147 (w), 1052 (s), 1019 (s), 1094 (s), 930 (w), 860 (s), 765 (br), 700 (br), 645 (s), 518 (w), 445 (s).
4.2.3. [Cu(pic)2]••2H2O (21) A 0,585 g (3,40 mmol) de chlorure de cuivre (CuCl2•2H2O) dissous dans 20 mL d'eau, 1,04 g (8,45 mmol) d'acide picolinique et 0,135 g (3,37 mmol) d'hydroxyde de sodium sont ajoutés. La poudre violette qui se forme est récupérée par filtration. La solution laissée à cristalliser lentement par évaporation lente donne des cristaux violets en forme de parallélépipède en quelques jours. Filtrés et lavés à l'eau, ces cristaux correspondent au composé 21. La simulation du diffractogramme RX sur poudre à partir des données RX sur monocristal est IV.38
Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques exactement comparable au diffractogramme RX expérimental de la poudre. D'autre part les spectres IR des cristaux et de la poudre étant identiques, on peut conclure que les deux composés en poudre et sous forme de cristaux correspondent à 21.
La
masse m
olaire de [
Cu(pic)2]•2H2O étant de
343,78
g
.
mol-1,
le
rend
ement par rapport
à
la
quantité initiale en nickel en prenant en
compte
la poudre
et
les cristaux est de 85%. Spectroscopie IR (pastille KBr, cm-1) : 3440 (s), 3070 (m), 1642 (br), 1605 (m), 1575 (s), 1477 (s), 1447 (s),
1344 (
br),
1286 (
m),
1269 (
s),
1170
(w),
1153 (s
),
1095 (w
),
1050 (m
),
1030 (
s),
847
(m),
825 (
s),
773
(m), 713 (m),
690
(m),
660
(s), 550 (w), 456 (m), 420 (w). 4.2.4. [Co(pic)2(H2O)2]••2H2O (22) A 0,130 g (1,00 mmol) de chlorure de cobalt (CoCl2) dissous dans 20 mL d'eau, 0,492 g (4,00 mmol) d'acide picolinique et 1,41 mL (2,00 mmol) d'une solution de teaOH à 20% en masse dans l'eau sont ajoutés. La poudre rose orangé qui se forme est récupérée par filtration. La solution laissée à cristalliser lentement par évaporation lente donne des cristaux oranges en forme de parallélépipède en quelques jours. Filtrés et lavés à l'eau, ces cristaux correspondent au composé 22. La simulation du diffractogramme RX sur poudre à partir des données RX sur monocristal est exactement comparable au diffractogramme RX expérimental de la poudre. D'autre part les spectres IR des cristaux et de la poudre étant identiques, on peut conclure que les deux composés en poudre et sous forme de cristaux correspondent à 22. La masse molaire de [Co(pic)2(H2O)2]•2H2O étant de 375,20 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en nickel en prenant en compte la poudre et les cristaux est de 71%. Spectroscopie IR (pastille KBr, cm-1) : 3140 (m), 1638 (m), 1595 (m), 1569 (m), 1479 (m), 1446 (m), 1372 (br), 1300 (m), 1245 (s), 1170 (s), 1150 (s), 1095 (s), 1050 (s), 1020 (s), 980 (w), 928 (w), 865 (s), 762 (m), 700 (m), 645 (s), 440 (s).
4.2.5. Synthèses avec les monomères à base de picolinate
Toutes les synthèses qui suivent obéissent au même protocole dont la synthèse du composé 5 (chapitre III) est le point départ. Il s'agit de suivre exactement les premières étapes de la synthèse 5. Dans un bécher 0,500 g (1,38 mmol) de perchlorate de manganèse (Mn(ClO4)2•6H2O) sont dissous dans 20 mL d'acétonitrile. Après totale dissolution 335 μL (0,378 g, 3,45 mmol) de hmpH sont ajoutés au milieu. La solution se colore alors légèrement en rose. Après 1 min on ajoute finalement 510 μL (0,530 g, 0,72 mmol) d'une solution de teaOH à 20% en masse dans l'eau. Le mélange prend alors une couleur rose bordeaux très intense. Après une minute d'agitation une certaine quantité de monomère 19, 20, 21 ou 22 est ajoutée selon le composé à synthétiser.
4.2.5.1. {[Mn4(hmp)6(H2O)
2
][Mn
(pic
)
2(H
2O)
2]
(
Cl
O4)4•
CH
3CN••1,5O(C2H5)2}∞ (23) Deux méthodes de synthèses permettent d'aboutir au composé 23. IV.39 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
Méthode 1 : À la solution {Mn(ClO4)2•6H2O / hmpH / teaOH / CH3CN} préparée comme indiqué précédemment, on ajoute 0,117 g (0,345 mmol) de [Mn(pic)2(H2O)2]•0,3H2O (19). Durant de l'agitation le mélange est chauffé à 50°C, il faut alors bien couvrir le bécher pour éviter toute évaporation du solvant. Au bout de 60 min la solution est filtrée et il reste toujours un peu de monomère en poudre qui ne s'est pas dissous dans le papier filtre. 10 mL de la solution sont placés dans un tube de 12 cm de hauteur pour un diamètre de 2 cm, et délicatement recouverts de 10 mL de diéthyléther. Ce tube bien fermé est laissé sans perturbation sous la hotte. Les premiers cristaux, des losanges épais rose bordeaux apparaissent au bout de trois à quatre jours. Après huit jours ils sont récupérés par filtration, lavés à l'aide d'un mélange d'acétonitrile et de toluène à 5 / 3 et séchés à l'air. Méthode 2 : À la solution {Mn(ClO4)2•6H2O / hmpH / teaOH / CH3CN} préparée comme indiqué précédemment, on ajoute 0,339 g (2,76 mmol) d'acide picolinique. Au bout de 60 min d'agitation, la solution est filtrée et dans le papier filtre il n'y a pratiquement aucun résidu. 10 mL de la solution sont placés dans un tube de 12 cm de hauteur pour un diamètre de 2 cm, et délicatement recouverts de 10 mL de diéthyléther. Ce tube bien fermé est laissé sans perturbation sous la hotte. Les premiers cristaux, des anges épais rose bordeaux apparaissent au bout de trois à quatre jours. Après huit jours ils sont récupérés par filtration, lavés à l'aide d'un mélange d'acétonitrile et de toluène à 5 / 3 et séchés à l'air. La masse molaire de [Mn4(hmp)6(H2O)2][Mn(pic)2(H2O)2](ClO4)4•CH3CN•1,5O(C2H5)2 étant de 1789,71 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en manganèse est de 38% par la méthode 1 et 70% par la méthode 2. Les analyses élémentaires expérimentales correspondent à celles du composé 23 qui aurait perdu toutes les molécules de solvant ;
analyses
élémentaire
calculées pour Mn5C
48
H52N8O30Cl4 : %C 35,21 ; %H 3,20 ; %N 6,84 ; trouvées : %C 35,38 ; %H 3,01 ; %N 7,09. 4.2.5.2.
{[Mn4(hmp)6(H2O)2][Ni(pic)2(H2O)2](ClO4)4• 4CH3CN••H2O}∞ (24)
A la solution {Mn(ClO4)2•6H2O / hmpH / teaOH / CH3CN} préparée comme indiqué précédemment, on ajoute 0,243 g (0,649 mmol) de [Ni(pic)2(H2O)2]•2H2O (20). Durant l'agitation le mélange est chauffé à 50°C, il faut alors bien couvrir le bécher pour éviter toute évaporation du solvant. Au bout de 60 min la solution est filtrée et il reste toujours très peu de monomère en poudre qui ne s'est pas dissous dans le papier filtre. 10 mL de la solution sont placés dans un tube de 12 cm de hauteur pour un diamètre de 2 cm, et délicatement recouverts de 10 mL de toluène. Ce tube bien fermé est laissé sans perturbation sous la hotte. Les premiers cristaux, des losanges épais rose bordeaux apparaissent au bout de dix jours. Après vingt jours ils sont récupérés par filtration, lavés à l'aide d'un mélange d'acétonitrile et de toluène à 5 / 3 et séchés à l'air. La masse molaire de [Mn4(hmp)6(H2O)2][Ni(pic)2(H2O)2](ClO4)4•4CH3CN•H2O étant de 1805,46 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en manganèse est de 61%. Les analyses élémentaires expérimentales correspondent à celles du composé 24 qui aurait perdu toutes les IV.40
Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques molécules de solvant ; analyses élémentaire calculées pour Mn4NiC48H52N8O30Cl4
%C 35,13 ; %H 3,19 ; %N 6,83 ; trouvées : %C 35,40 ; %H 3,20 ; %N 6,69. Spectroscopie IR (pastille KBr, cm-1) : 3400 (br), 3075 (m), 2845 (m), 1610 (m), 1595 (m), 1572 (m), 1487 (s), 1448 (s), 1408 (s), 1362 (w), 1280 (w), 1218 (w), 1122 (br), 1045 (br), 925 (w), 825 (w), 858 (w), 760 (m), 705 (s), 670 (s), 620 (m), 545 (m), 440 (w), 420 (w). 4.2.5.3. {
[
M
n4(hmp)6][Cu(pic)2(ClO4)2]2•2CH3CN}∞ (25)
A la solution {Mn(ClO4)2•6H2O / hmpH / teaOH / CH3CN} préparée comme indiqué précédemment, on ajoute 0,237 g (0,69 mmol) de [Cu(pic)2]•2H2O (21). Durant de l'agitation le mélange est chauffé à 50°C, il faut alors bien couvrir le bécher pour éviter toute évaporation du solvant. Au bout de 60 min la solution est filtrée et il reste toujours très peu de monomère en poudre qui ne s'est pas dissous dans le papier filtre. La solution est alors placée dans un tube de 12 cm de hauteur pour un diamètre de 2 cm. Le tube recouvert d'un parafilm percé de sorte à maintenir une évaporation lente du solvant est laissé sans perturbation sous la hotte. Les premiers cristaux, des parallélépipèdes violet pâle apparaissent au bout de dix jours. Après vingt jours ils sont récupérés par filtration, lavés à l'aide d'un mélange d'acétonitrile et de toluène à 5 / 3 et séchés à l'air. La masse molaire de [Mn4(hmp)6][Cu(pic)2(ClO4)2]2•2CH3CN étant de 1963,86 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en manganèse est de 61%. Les analyses élémentaires expérimentales correspondent à celles du composé 25 qui aurait perdu toutes les molécules de solvant ; analyses élémentaire calculées pour Mn4C48H52N8O30Cl4 : %C 38,30 ; %H 2,78 ; %N 7,44 ; trouvées : %C 37,56 ; %H 2,69 ; %N 7,64. Spectroscopie IR (pastille KBr, cm-1)
:
3410 (br),
1630 (
br
1604 (br), 1565 (m), 1475 (s), 1469 (s), 1401 (m), 1387 (m), 1360 (m), 1295 (s), 1151 (br), 1121 (br), 1086 (br), 1044 (br), 769 (m), 633 (m), 560 (s), 459 (s). 4.2.5.4. [Co8(hmp)6(pic)9(H2O)3](
OH)(
ClO
4)3• 5,25H2O••2CH3CN (26)
A la solution {Mn(ClO4)2•6H2O / hmpH / teaOH / CH3CN} préparée comme indiqué précédemment, on ajoute 0,486 g (1,29 mmol) de [Co(pic)2(H2O)2]•2H2O (22). Durant de l'agitation le mélange est chauffé à 50°C, il faut alors bien couvrir le bécher pour éviter toute évaporation du solvant. Au bout de 60 min la solution est filtrée et il reste toujours très peu de monomère en poudre qui ne s'est pas dissous dans le papier filtre. La masse molaire de [Co8(hmp)6(pic)9(H2O)3](OH)(ClO4)3•5,25H2O•2CH3CN étant de 2760,12 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en manganèse est de 20 %. Les analyses élémentaires expérimentales correspondent à celles du composé 26 qui aurait perdu toutes les molécules de solvant ; analyses élémentaire calculées pour Co8C90H79N15O40Cl3 : %C 42,13 ; %H 2,83 ; %N 8,20 ; trouvées : %C 41,86 ; %H 3,05 ; %N 7,85.
4.2.6. [Mn2(salpn)2(H2O)2](ClO4)2 (27) Dans un bécher 1,410 g (5,00 mmol) de salpn sont dissous dans 50 mL de méthanol. Après totale dissolution 1,340 g (5,00 mmol) d'acétate de manganèse (Mn(CH3CO2)3•4H2O) dans 20 mL de méthanol sont IV.41
Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
ajoutés au milieu.
La solution se colore en noir très sombre. La solution sous agitation est alors chauffée à 50°C pendant 30 min, puis 0,610 g (5 mmol) de perchlorate de sodium et 80 mL d'eau sont ajoutés. Le mélange est alors filtré puis laissé une semaine sans perturbation sous la hotte dans un bécher recouvert de parafilm percé. Les premiers cristaux en forme d'aiguilles vertes apparaissent au bout de six jours. Ceux-ci sont lavés avec un minimum de méthanol et laissés à sécher à l'air. La masse molaire de [Mn2(salpn)2(H2O)2](ClO4)2 étant de 905,45 g.mol-1, le rendement par rapport à la quantité initiale en manganèse est de 75%
. Analyses élémentaire calculées pour Mn2C34H36N
4
O14Cl
2
: %C 45,10 ; %H 4,04 ; %N 6,11 ; %Cl 7,95 ; trouvées : %C 44,77 ; %H 4,01
; %N 6,18
;
%
Cl 7,83
. Spectroscopie IR
(
pastille
KBr, cm-1) : 3375 (br), 3227 ( br), 3194 (br), 2950 (w), 1611 (br), 1550 (br), 1470 (s), 1444 (m), 1405 (s), 1366 (w), 1344 (w), 1294 (m), 1267 (m), 1216 (s), 1127 (br), 1100 (br), 1072 (br),
(s), 943 (w), 926 (w), 897 (s), 856 (s), 750 (m
),
623 (m
), 536
(w
), 503 (
w
), 446 (s). IV.42 Chapitre IV – Les SMM comme précurseurs moléculaires vers de nouveaux systèmes magnétiques
5. Bibliographie [Borrás-Almenar, 2001] J. J. Borrás-Almenar, J. M. Clemente-Juan, E. Coronado, B. S. Tsukerblat, J. Comput. Chem., 2001, 22, 985. [Brooker, 2002] S. Brooker, D. J. de Geest, R. J. Kelly, P. G. Plieger, B. Moubaraki, K. S. Murray G. B. Jameson, J. Chem. Soc., Dalton Trans., 2002, 2080. [Burkholder, 2001] E. Burkholder, J. Zubieta, Chem. Commun., 2001, 2056. [Carlin, 1986] R. L. Carlin, Magnetochemistry, Springer, Berlin/Heidelberg, 1986. [Chikazumi, 1997] S. Chikazumi, "Physics of Ferromagnetism", Clarendon Press, Oxford Science Publications, Oxford, 1997, 521. [Clérac, 2002] R. Clérac, H. Miyasaka, M. Yamashita, C. Coulon, J. Am. Chem. Soc., 2002, 124, 12837. [Estes, 1978] W. E. Estes, D. P. Gavel, W. E. Hatfield, D. J. Hodgson, Inorg. Chem., 1978, 17, 1415. [Fan, 2005] Y. Fan, G. Li, W. Jian, M. Yu, L. Wang, Z. Tian, T. Song, S. Feng, J. Solid State Chem., 2005, 178, 2267. [Girginova, 2005] P. I. Girginova, F. A. A. Paz, H. I. S. Nogueira, N. J. O. Silva, V. S. Amaral, J. Klinowski, T. Trindade, Polyhedron, 2005, 563. [Goodwin, 2004] H. A. Goodwin, Top. Curr. Chem., 2004, 23. [Karasawa,, 2003] S. Karasawa, G. Zhou, H. Morikawa, N. Koga, J. Am. Chem. Soc., 2003 , 125, 13676. [Khan, 1993] O. Kahn, "Molecular Magnetism", VCH, New-York, 1993. [Klingele, 2005] M. H. Klingele, P. D. Boyd, B. Moubaraki, K. S. Murray, S. Brooker, Eur. J. Inorg. Chem., 2005, 910. [Koningsbruggen, 2004] P. J. van Koningsbruggen, Y. Maeda, H. Oshio, Top. Curr. Chem., 2004, 259. [Lu, 2002] C.-Z. Lu, C.-D Wu, S.-F. Lu, J.-C. Liu, Q.-J. Wu, H.-H. Zhuang, J.-S. Huang, Chem. Commun., 2002, 152. [Mikuriya, 1998] M. Mikuriya, M. Fukuya, Chemistry Letters, 1998, 421.
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Un positionnement de l'expert également cadré par la maîtrise d'ouvrage urbaine
L'enquête menée auprès d'Euratlantique nous permet ainsi d'identifier différentes scènes dans lesquelles la maîtrise d'ouvrage urbaine – ici l'EPA – cadre le positionnement adopté par les experts. La première d'entre elles (d'un point de vue chronologique, mais sans doute aussi en importance) correspond aux séquences de choix d'un prestataire (préparation du cahier des charges, rédaction des offres, analyse des offres). Pour comprendre ce qui se joue à ce moment-là, analysons le récit par un membre d'Explicit de sa préparation de l'offre pour l'EPABE : « J'avais rencontré [le directeur technique de l'EPABE] à l'occasion d'une formation à l'École des Ponts, que je donnais, sur ces sujets énergie. On avait déjeuné ensemble, et il m'avait dit 'il y aura une consultation, on va lancer quelque chose' [] donc c'est toujours bien de connaître un peu son client, le type à qui tu vas t'adresser quand tu rédiges une réponse à un appel d'offres. Donc j'avais déjà en tête l'idée de quelque chose d'assez qualitatif et d'assez original ; et ça a été confirmé quelques mois plus tard quand l'appel d'offres est sorti [] On peut par exemple penser aux systèmes d'indicateurs chiffrés développés par Tribu pour évaluer la performativité des prescriptions environnementales faites aux opérations immobilières, que l'on retrouvera dans le V.3. 126 Section 3 245 Ce sont des démarches qui sont quitte ou double : tu peux tomber sur un maître d'ouvrage qui dit 'tiens, j'ai des gens qui ont réfléchi à mon sujet et qui viennent dé avec des idées, des propositions, et c'est vraiment ce que j'attends, ils sont dans une posture véritablement d'AMO, et non de conseil' ; ou alors tu as des maîtres d'ouvrage qui vont estimer que tu n'as pas à interpréter un cahier des charges, tu es dans le système un simple exécutant en tant que bureau d'études, et tu dois réaliser les tâches qui te sont demandées sans commenter ou sans reformuler le questionnement [] Bon alors évidemment, quand j'ai passé une journée avec [Untel] dans le cadre de cette formation, tu te dis 'tiens, c'est un gars qui sera plutôt sensible à la première option'. Et puis un projet de cette ampleur, un cahier des charges qui n'est pas d'une extrême précision – on a des fois des cahiers des charges qui sont plus fouillés – et donc j'ai fait ce choix d'avoir une logique assez interprétative du cahier des charges » Membre d'Explicit, juin 2015 Au vu de ce propos, deux éléments apparaissent. D'une part, si les effets de réputation ont déjà été évoqués comme facteur de renforcement des positionnements des bureaux d'études (on ne recrute pas Tribu si on souhaite un simple exécutant), on peut voir ici que ces effets de réputation jouent aussi dans l'autre sens : en fonction de la représentation qu'il se fait de son client, le responsable d'un bureau d'études va orienter son positionnement différemment. D'autre part, la représentation que la maîtrise d'ouvrage urbaine se fait de l'expertise énergétique transparait dans la formulation du cahier des charges, qui va être plus ou moins précis, plus ou moins ouvert et plus ou moins bien doté financièrement en fonction du positionnement attendu de la part du prestataire. On a donc dans ces séquences de recrutement des éléments de cadrage du positionnement de l'expert par le maître d'ouvrage, et ce cadrage va se prolonger au cours du projet, notamment à travers les interactions directes entre les membres de la maîtrise d'ouvrage et les experts, mais aussi à travers les dispositifs organisationnels mis en place. De ce point de vue, le cas d'Euratlantique est très intéressant parce que non-univoque. En effet, dans le travail de l'EPA avec Explicit et Franck Boutté Consultants, on observe à la fois un souhait de l'aménageur de bénéficier d'un esprit critique de ses prestataires, et la mise en place de configurations organisationnelles permettant de contrôler de cette argumentation ritique pour éviter qu'elle ne déborde du cadre de la réflexion interne à l'EPABE : « Sur ce projet, plusieurs fois, [le directeur technique] m'a dit : 'Là je veux un travail d'AMO, pas un travail de BET technique. Je vous ai pris pour m'apporter des conseils, un BET technique ce n'est pas ce que je lui demanderais. Donc prenez de la hauteur' » Directeur d'Explicit, juin 2015 « [À propos de Franck Boutté Consultants] On n'a pas perçu leur plus-value en phase opérationnelle. Quand on leur demandait des avis sur des projets, ça restait très en fait, on ne savait pas trop quoi faire avec. [Quant à] Explicit, ils ne l'ont fait que sur les permis, parfois je suis moyennement satisfaite. Parce qu'entre ce qu'ils m'écrivent, que je trouve un peu laconique, et ce que je peux retirer de l'échange que l'on a en parallèle, ce n'est pas toujours la même chose [] J'ai essayé de les titiller un peu sur la forme d'appréciation du projet : quel est le meilleur outil? est-ce que c'est un avis à nous, est-ce que c'est un avis directement au directeur de projet? comment ça se matérialise? Je ne sais pas, je reste un peu sur ma faim » Membre de la direction technique de l'EPABE, mars 2015 « Jusqu'à présent on était un peu dans une phase je dirais d'ancrage du projet, d'attractivité du
projet
,
de
séduction aussi,
et il
falla
it
qu
'on
dé
montre toute la pertinence du projet et qu'on soit les plus attractifs possible vis-à-vis des promoteurs immobiliers. D'où une vigilance de la part de notre directeur général, initialement,
à ce que
nos
exig
ences ne
f
assent pas
fuir
les op
érateur
s immobiliers. D'où une
posture
plutôt
de not
re
direction
générale
de ne
pas
vouloir mettre en direct nos BE
, considérant
qu
'
ils all
aient
être parfois
un peu trop
exige
ants et
contre-
product
ifs
vis-à-vis de notre exigence initiale
qui
était de faire sortir les opérations » Membre de la direction technique de l'EPABE, mars 2015
À travers ces citations, on peut voir que les membres de l'EPABE mènent consciemment ce travail de cadrage, mais que les objectifs ne sont pas les mêmes selon les acteurs de cette maîtrise d'ouvrage urbaine. Il y a donc un certain flou dans le cadrage, entretenu par la confrontation de visions quelque peu divergentes accentué par l'absen ce d'une vision claire de leurs attentes par certains interlocuteurs directs des experts : « J'ai des difficultés. Parce qu'en fait, on ne sait pas trop ce qu'on veut. On ne savait pas trop ce qu'on voulait à la base [] On a confié une mission à l'agence Franck Boutté pour définir ce qu'était l'observatoire, mais on ne s'est pas du tout compris, c'est-à-dire que nous on voulait en gros qu'ils nous aident à définir l'objectif, les missions de l'observatoire, qu'est-ce qu'on voulait faire, qu'est-ce que c'est que cet objet particulier que peut devenir un observatoire du territoire de l'OIN. Sachant qu'il peut y avoir différents objectifs : ça peut être un outil d'aide à la décision, ça peut être quelque chose pour mesurer l'atteinte d'un objectif qu'on s'est fixé, ça peut être multiforme, et du coup en fonction de l'objectif qu'on choisit la méthode elle n'est pas forcément la même. Donc nous c'était ça qu'on attendait [] Ce n'est pas tout à fait ce qu'on a eu, ils sont partis bille en tête sur la définition d'indicateurs. Alors on leur a dit 'attendez pourquoi on suit ça d'abord, pourquoi cet indicateur-là, et qu'est-ce qu'on va faire avec?'. Alors là on ne s'est pas du tout du tout compris, d'ailleurs on s'est quittés pas forcément en très bons termes à cause de cette mission-là, enfin pas que mais notamment, ça a fini de clôturer nos échanges » Membre de la direction technique de l'EPABE, mars 2015 Enfin, il faut garder à l'esprit que le cadrage opéré par la maîtrise d'ouvrage est susceptible d'évoluer en cours de projet. Prenant un peu d'avance sur la suite du récit, nous pouvons ainsi indiquer que quelques mois après la fin des marchés d'AMO énergie et développement durable, l'EPABE a cherché à se doter d'un nouvel AMO, unique, autour des questions énergétiques. Nous avons alors pu assister à l'une des premières réunions entre le nouveau bureau d'études missionné et la chargée de mission développement durable de l'EPA, qui a donné lieu à un échange assez cocasse en ce qu'il correspond à une situation quasi-inversée par rapport aux premières séquences d'action de l'OIN. En effet, le nouvel AMO présente une première version de ses réflexions sur l'actualisation des orientations environnementales à adopter pour l'OIN. Chapitre 4 4. Synthèse
Dans ce chapitre, nous nous sommes focalisés sur les premiers pas de la maîtrise d'ouvrage urbaine dans son traitement de la problématique énergétique, premiers pas qui correspondent à l'élaboration d'une stratégie énergétique et environnementale durant les quatre premières années du projet urbain. Dans un premier temps (1), nous avons vu comment la maîtrise d'ouvrage urbaine a construit le « cadrage initial », à la fois cognitif et organisationnel, de la problématique énergétique. Sur le plan cognitif, ce cadrage se base essentiellement sur des « articles de foi », c'est-à-dire des éléments qualitatifs qui ne s'appuient pas sur des études ou des démonstrations formelles, mais sur l'intime conviction d'un noyau dur d'acteurs dits « techniques ». Les apports cognitifs des uns et des autres s'agrègent et se consolident mutuellement, pour constituer un socle de principes (ou de « valeurs », pour reprendre les mots du directeur technique de l'EPABE), d'enjeux prioritaires et de dispositifs sociotechniques privilégiés. Nous avons également montré que la construction du cadrage cognitif et organisationnel se fait notamment au travers du recrutement des acteurs du projet urbain (équipes d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre urbaine), au cours duquel la production formelle (cahiers des charges, offres techniques et financières) sert de support à la synchronisation cognitive et opératoire des acteurs en présence. Dans un second temps (2), nous avons abordé la construction par le premier cercle, dit « technique », d'un positionnement stratégique à afficher en matière énergétique et environnementale. Nous avons également vu comment ce positionnement est progressivement « mis en politique », c'est-à-dire négocié avec des collectifs de plus en plus large. Nous avons montré à cette occasion comment, des situations d'incertitude forte où les acteurs identifient difficilement leurs intérêts et où leur légitimité n'est pas complètement préétablie, l'établissement des compromis entremêle largement des interactions d'ordre stratégique (au sens de la sociologie de l'action organisée) et des dynamiques cognitives. Enfin (3), au vu de l'importance qu'ont les « experts » énergétiques et environnementaux dans les séquences abordées au cours des deux premières sections, nous avons proposé un zoom sur l'expertise énergétique en aménagement. Après avoir caractérisé les spécificités de cette situation d'expertise, nous nous sommes appuyés sur la lecture transverse de divers projets pour proposer une typologie des différents positionnements d'experts vis-à-vis de la « décision politique ». Chapitre 4 CHAPITRE 5. ORGANISER LA PRISE EN COMPTE DE L'ÉNERGIE DANS LA FABRIQUE DU BÂTI
Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment les stratégies énergétique et environnementale de l'EPA Bordeaux Euratlantique ont été construites. Dans ce chapitre et le suivant, il s'agit désormais d'observer et d'analyser la manière dont cette stratégie se concrétise et se transforme au cours du projet d'aménagement, en distinguant – de la même manière que les acteurs du projet – ce qui relève de la performance énergétique des bâtiments (axes « Conception bioclimatique et sobriété énergétique » et « Qualité des ambiances des espaces bâtis » de la charte de transformation durable de l'OIN – voir Tableau V-1) et ce qui relève de leur approvisionnement en énergie (axes « Énergies renouvelables et réseaux vertueux » et « Mutualisation des solutions énergétiques »). Ce chapitre portera donc sur la prise en charge, par la maîtrise d'ouvrage urbaine, des objectifs de performance énergétique des bâtiments construits sur le périmètre de l'OIN. Si nous insistons ici sur ce terme, c'est parce que notre analyse s'arrête au périmètre d'action de la maîtrise d'ouvrage urbaine, qui constitue notre objet de recherche. Certaines scènes de conception et de décision relatives à la performance énergétique du bâti ne seront donc pas explorées, dès lors que la maîtrise d'ouvrage urbaine d'Euratlantique n'y pénètre pas. Le chapitre s'organise en trois temps : - Dans la première section (1), nous décrirons puis analyserons l'activité de la maîtrise d'ouvrage urbaine durant les trois premières années suivant la validation de sa stratégie énergétique, période pendant laquelle l'EPABE privilégie alors un suivi « au cas par cas » de chacune des opérations immobilières. - Dans la seconde section (2), nous nous intéresserons aux bifurcations dans l'activité de l'EPABE à partir de l'année 2015, avec un recours aux certifications environnementales pour les opérations « génériques » et à un appel à projets de type « macro-lot » pour une opération « exceptionnelle ». - Dans la troisième section (3), nous nous concentrerons sur le rôle des maîtrises d'oeuvre urbaines, en décrivant les scènes de conception énergétique dans lesquelles s'inscrivent ces acteurs puis montrant comment l'aménageur délimite et contrôle leur périmètre d'action.
Chapitre 5 251 1. Suivre les opérations immobilières au cas par cas
Cette première section porte sur le suivi, par l'EPABE, de la performance énergétique des opérations immobilières durant les trois premières années qui ont suivi la validation de la stratégie énergétique de l'OIN à la fin de l'année 2012. Le récit (1.1) décrit cette activité en deux temps : la négociation des fiches de lot avec les promoteurs lors de la commercialisation des emprises foncières d'abord (1.1.1), puis l'encadrement du processus de production des opérations immobilières (1.1.2). Un zoom sur une opération particulière (1.1.3) nous permet enfin de comprendre comment cet encadrement est mis en oeuvre concrètement, en mettant l'accent sur la manière dont les études « techniques » sont mobilisées tant par les maîtrises d'ouvrage que par les maîtrises d'oeuvre. L'analyse de ce récit (1.2) nous permet d'abord d'aborder le rôle des études énergétiques en tant qu'objets-intermédiaires de conception (1.2.1), puis de mettre en évidence le compromis délicat que l'EPABE cherche à trouver entre sécurisation des bonnes pratiques et respect des processus classiques de la production immobilière (1.2.2), et enfin de discuter des frontières établies entre différents périmètres de conception (1.2.3). 1.1. Récit : la mise en oeuvre de la stratégie environnementale de l'EPABE sur les premières opérations immobilières de l'OIN
Notre récit recommence là où nous l'avions laissé, à la fin de l'année 2012, avec la validation formelle des stratégies énergétique et environnementale de l'EPA au travers d'une « charte de transformation durable ». La stratégie énergétique de l'EPABE, rappelons-le, passe par quatre axes dont deux concernent la fabrique du bâti et se déclinent dans un certain nombre de dispositifs de suivi des opérations immobilières (Tableau V-1). Rappelons également que cette stratégie s'inscrit dans un contexte d'évolution rapide des règles et des bonnes pratiques applicables aux performances thermiques des bâtiments (voir II.1.3). Nous avons vu au chapitre précédent comment, dans ce contexte, l'EPABE décide de se concentrer sur la performance « réelle » du bâti en testant la cohérence de différentes études techniques plutôt que sur des exigences de surperformance théorique à partir du seul indicateur Cep de la réglementation thermique (voir l'Encadré V-1 pour plus de détails sur cette réglementation). Comment cet objectif de « performance réelle » du bâti, qu'il faut d'ailleurs compléter par un objectif de confort d'usage, se concrétise-t-il donc dans la réalité du bâti? Pour répondre à cette question, l'objectif de cette section est de décrire et d'analyser l'action menée par l'EPA pour mettre en oeuvre le suivi des opérations immobilières. Il ne s'agit cependant pas de fournir un récit exhaustif et fastidieux de l'ensemble des séquences d'action opérées autour de chacune des opérations immobilières, aussi adopterons-nous un mode de restitution schématisant le déroulement de l'action pour une opération immobilière générique127. Étant entendu qu'il s'agit ici d'une schématisation puisqu'il n'existe pas en réalité d'opération « lambda », la production immobilière en milieu urbain dense étant caractérisée par la singularité des projets qui sont chacun soumis à un jeu de contraintes (sur la parcelle, sur la programmation,) qui lui est propre.
Axe stratégique Conception bioclimatique et sobriété énergétique
Qualité
des ambiances des espaces
bâtis Énergies renouvelables et réseaux vertueux Mutualisation des solutions énergétiques Objectif Dispositifs
Pour tous : Rechercher la performance réelle de la Réglementation thermique
(
RT) en
vigueur
Méthodologie (non précisée) de suivi de la conception, de la formation des ouvriers
,
de la sensibilisation
et de
l'information des
usa
gers
et
des gestionnaires
et du
suivi de certaines opérations
durant les 2 années d'exploitation
Pour tous
:
Limiter les besoins d'énergie hors systèmes
en
optimisant la conception bioclimatique des bâtiments
Simulation
therm
ique
dynami
que
(STD) : just
ification de la stratégie de
conception Calcul réglementaire (RT) : Bbio < 0,85 x Bbiomax
Logements : ne pas recourir à la climatisation et privilégier la ventilation naturelle
Climatisation interdite Étude de faisabilité de ventilation naturelle
Bureaux : Éviter la climatisation et privilégier les solutions de rafraichissement STD : justification du choix des systèmes
Faciliter
l'accès des programmes
à la lumière et au soleil Facteur lumière jour (FLJ) : 1,5% min. pour les logements, 1,2% min. pour 80% des zones de 1er rang des bureaux
Diagramme
d'
ensoleillement au 21déc : 1h min pour les pièces de vie ou 2h min pour des espaces extérieurs mutualisés (terrasses, toitures)
Favoriser le confort d'été
STD
:
T > 28°C
m
oins de
60
h par
an (logements) ou
% du temps d'occupation (bureaux) Maximiser l'usage des énergies renouvelables et privilégier le dvpt de réseaux de chaleur (RCU) Raccordement au RCU si desserte Étude de faisabilité (réglementaire) d'approvisionnement en EnR sinon Inciter et initier la mutualisation des solutions énergétiques au sein de macro-lots Si pas de RCU : étude de faisabilité de l'approvisionnement énergétique mutualisé via un réseau local Si RCU : étude de faisabilité de la mutualisation des sous-stations Si pôle tertiaire : étude de l'approvisionnement mutualisé de froid si expérimentation Tableau V-1. Ces indicateurs sont dits « conventionnels », c'est-à-dire qu'ils sont obtenus à partir d'une méthodologie et d'hypothèses définies de manière réglementaire, qui ne sont pas forcément représentatifs des comportements thermiques réels des matériaux et des systèmes en phase d'exploitation du bâtiment. Ils se distinguent en-cela des résultats fournis par d'autres types d'études, telles que les simulations thermiques dynamiques (STD), pour lesquelles les hypothèses et les modèles de simulation peuvent être choisis de manière contextualisée en fonction des objectifs des bureaux d'études et des informations dont ils disposent. La RT, tout comme son préfigurateur le label Bâtiment basse consommation (BBC), font l'objet de critiques récurrentes qui sont notamment liées à sa faible corrélation aux performances énergétiques « réelles » et aux partis-pris induits par les usages de l'énergie non pris en compte (équipements informatiques et électroménagers), par les modèles de calcul utilisés (bilans quasi-statiques) et des hypothèses conventionnelles choisies. À titre d'exemple, nous avions co-encadré avec un chef de projet du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) un travail étudiant de décorticage de la méthode réglementaire applicable aux rénovations de bâtiments existants129. La confrontation d'entretiens auprès de bureaux d'études et d'analyses de la méthode de calcul avait notamment abouti aux résultats suivants :
Composante énergétique Impact BE Impact calcul Déperditions par les parois (Ubatmax) variable faible Exigences globales très difficiles à atteindre sans respecter cette exigence spécifique faible fort Calcul favorable à la ventilation naturelle, mais ventilation mécanique privilégiée pour raisons sanitaires et de confort fort fort Chauffage par effet Joule fortement désavantagé par rapport aux chauffages au gaz faible fort
hauffage au bois favorisé, mais pas mis en oeuvre du fait des contraintes d'implantation sur le collectif en zone urbaine Isolation par l'extérieur fort fort Favorisée par le calcul des ponts thermiques Émetteurs terminaux fort fort Fort impact de la variation spatio-temporelle de la température de consigne Éclairage LED fort faible Chauffage au bois Remarques Contraintes RT faibles, mais coût peu élevé et valeur d'usage
MAYSONNAVE E. (2015). Comment les exigences techniques réglementaires impactent-elles les travaux de rénovation énergétique? Rapport de projet d'ingénieur en laboratoire, École des Ponts ParisTech, 52p. 129 254 Chapitre 5
Respectant
la
chronologi
e de
l
'action, nous nous arrêterons d'abord sur les premières négociations entre l'aménageur et l'opérateur immobilier130 pressenti pour acquérir une emprise foncière (1.1.1), puis sur le suivi par l'EPA des projets immobiliers une fois l'opérateur choisi (1.1.2). La négociation des fiches de lot avec les opérateurs
Du point de vue de la maîtrise d'ouvrage urbaine, l'histoire d'une opération immobilière commence avec une emprise foncière et un programme immobilier à y développer, ce dernier étant généralement issu du plan-programme d'aménagement coproduit par l'aménageur et la maîtrise d'oeuvre urbaine. Il s'agit alors de trouver un opérateur immobilier susceptible d'acquérir l'emprise pour le montant souhaité (on parle de « charges foncières » pour désigner ce montant au mètre carré construit), de faire construire un ou plusieurs bâtiment(s) capables d'accueillir le programme envisagé, et de vendre ensuite ce programme à des acquéreurs (investisseursbailleurs ou propriétaires-occupants). Pour ce faire, plusieurs options s'offrent à l'aménageur : mobiliser son réseau pour négocier l'emprise et son programme en gré-à-gré avec un promoteur, ou bien publiciser l'offre et mettre en concurrence un nombre plus ou moins restreint de promoteurs selon des procédures plus ou moins formelles131. En règle générale, la question énergétique n'intervient pas au stade du choix d'un opérateur privilégié, à l'exception de programmes exceptionnels que nous aborderons plus loin. En revanche, une fois un promoteur pressenti, des négociations sont engagées pour signer un protocole donnant à ce dernier une priorité sur la signature d'une promesse de vente 132. À ce protocole est joint un projet de cahier des charges de cession de terrain (CCCT), auquel est annexé un projet de fiche de lot. Ces documents, qui seront confirmés lors de la signature de la promesse de vente puis réitérés lors de la signature de l'acte de vente, ont vocation à contractualiser l'ensemble des contraintes imposées au preneur et notamment les prescriptions énergétiques et environnementales (voir Encadré IV-3). Le terme d'opérateur immobilier est plus précis que celui de promoteur, dans la mesure où l'acquisition du foncier et la maîtrise d'ouvrage sont parfois opérées par des bailleurs sociaux qui ne font pas de promotion. Pour éviter les répétitions, nous emploierons néanmoins indifféremment les termes d'opérateur immobilier, promoteur ou maître d'ouvrage, suivant d'ailleurs en cela la terminologie employée par le milieu professionnel de l'aménagement. 130 Rappelons ici que la jurisprudence ne soumet pas la cession de terrains et de droits à construire par un établissement public à un principe général de concurrence (ni a fortiori aux procédures de marché public), tant que l'opération n'est pas assimilable à une concession d'aménagement ou à un marché de travaux (voir notamment CE, 26 octobre 1994, Monier et CAA de Marseille, 25 février 2010, Commune de Rognes). 131 Une promesse de vente ne peut en général être signée à ce stade des discussions du fait de l'absence de maîtrise foncière effective de l'EPABE, le principe général étant de rapprocher au maximum l'acquisition du foncier du dépôt du permis de construire.
132 Section 1
255 Dès lors, les séquences de négociation du protocole d'intérêt puis de la promesse de vente sont l'occasion d'interactions entre les représentants de l'aménageur et du preneur au sujet de ces prescriptions et de la fiche de lot qui les formalise. Dans l'esprit de l'EPABE, ces prescriptions sont divisées en deux catégories : un socle dit « de base », qui s'impose à tous, et un socle dit « négocié » dans lequel peuvent piocher l'aménageur et le promoteur pour choisir ensemble des éléments allant plus loin que les exigences minimales. « À l'occasion de l'élaboration des fiche de lot, on co-construit les exigences qu'on se fixe. Sans parler de socle négocié ou de socle de base, nous on sait à peu près ce qui rentre dans l'un ou dans l'autre et ce qui pour nous est intangible, et donc présenté comme tel aux opérateurs immobiliers, en leur laissant, à la fois pour des raisons d'appropriation des sujets, la liberté de pouvoir négocier sur certains sujets, soit sur les thèmes concernés soit sur le niveau d'exigence » Chargée de mission développement durable, EPABE, décembre 2014 Le contenu du socle de base correspond peu ou prou aux obligations indiquées dans la charte de transformation durable de l'EPABE (Tableau V-1). Plutôt qu'un répertoire prédéfini, les orientations négociées correspondent quant à elles à des constats d'adéquation entre les orientations stratégiques de l'aménageur en matière d'environnement au sens large (la construction bois, les qualités d'usage, la mutualisation des équipements,) et les sujets d'intérêt des opérateurs qui peuvent être liés à une stratégie d'entreprise ou à un programme opérationnel particulier : « C'est au cas par cas, par exemple on a l'immeuble de [Promoteur X] où on leur a demandé de travailler sur le bois, ça peut être sur l'îlot 8.2 avec [Promoteur Y] où on leur a demandé de travailler sur les questions de mutualisation des différents fluides, que ce soit déchets, énergie, eau, enfin avoir une réflexion d'ensemble sur la question de mutualisation, donc voilà, on essaie sur chaque projet d'avoir au-delà du principe de base, ben d'avoir un petit plus [ Le choix de ce plus] c'est aussi en fonction des propres pratiques de chacun, des ambitions des uns et des autres. Nous on peut proposer, par exemple X c'est nous qui sommes allés le chercher sur le bois [] Sur le 8.2, ça vient de l'usager final, qui est [un opérateur de services urbains en réseaux]. [Bailleur social Z], eux, travaillent plutôt sur la qualité d'usage des logements, et donc sur l'évolutivité des logements, sur des logements très généreux, ils ont plutôt fait le choix de travailler là-dessus mais parce que c'est leur conviction » Chargée de mission développement durable, EPABE, mars 2015 Voilà donc le principe de base sur lequel sont supposées reposer les négociations entre l'EPABE et les opérateurs immobiliers : validation du socle de base des prescriptions énergétiques, et choix d'au m un sujet environnemental (au sens large) sur lequel aller plus loin. La mise en application d'un tel principe se heurte néanmoins à un certain nombre de limites, en premier lieu organisationnelles : en effet, le directeur général de l'EPABE a choisi de prendre en main lui-même toutes les séquences initiales de commercialisation du foncier du fait de l'importance qu'il donne au « lancement de l'opération ». Les négociations sur le contenu de la fiche de lot, y compris le détail des prescriptions environnementales, sont donc abordées entre le directeur général de l'EPA et son interlocuteur chez l'opérateur, directeur régional ou responsable de programmes « haut gradé ». Dans ce contexte, ces aspects environnementaux considérés comme « techniques » et « secondaires » sont dans le bas de la pile des discussions : 256 Chapitre 5 « C'était compliqué, d'arriver après les négociations entre DG, il a fallu ramer parfois pour définir un certain nombre d'exigences. Nous on arrivait dans le jeu alors que le PC [permis de construire] était pratiquement déposé [ Le DG] avait les billes parce qu'on avait fait beaucoup de séances de travail en sa présence, de manière à ce qu'il y ait aussi une certaine acculturation de l'ensemble de l'équipe, notamment de lui, considérant que c'était quand même lui le premier porteur de message vis-à-vis des promoteurs, sauf que bien évidemment [] même s'il avait une sensibilité, il n'avait pas forcément les clés de lecture, et puis moi je trouve que c'est pas à ce niveau-là que doivent se discuter ces questions-là. Sur le principe oui, sur l'engagement et la volonté de faire oui, après discuter du niveau de FLJ [facteur lumière jour] entre DG » Membre de la direction technique de l'EPABE, mars 2015 « Ce n'est pas moi qui suis dans les discussions promoteurs, mais j'ai l'impression qu'ils ne voient pas [les prescriptions énergétiques], du moins dans un premier temps. Dans les CCCT, dans les fiches de lot, ce n'est pas vraiment très apparent pour le grand patron, il voit que de toute façon ce sera RT, et le reste c'est technique » Autre membre de la direction technique de l'EPABE, mars 2015 « Les aspects environnementaux ne sont pas
prioritaires
. Au tout début
on
discute de ce qu'on va y faire, de l'architecture qu'on va lui donner, du produit qu'on va mettre à l'intérieur
» Responsable de
, groupe national de promotion immobilière, mai 2016
Cela ne signifie pas pour autant que les discussions sur les prescriptions énergétiques sont inexistantes, ni même que le reste des équipes de l'EPA est entièrement évincé par le directeur général. En effet, les prescriptions du « socle de base » apparaissent dans les documents-types utilisés pour rédiger les fiches de lot, ce qui implique généralement qu'elles sont passées en revue à un moment ou un autre de la négociation : « Généralement, les premiers collaborateurs qui interviennent sur le projet ce sont plutôt les commerciaux, les monteurs de projet, qui vont regarder essentiellement les aspects financiers, et qui appréhendent très peu les incidences des prescriptions environnementales. Donc bon il arrive encore que ce soit le parent pauvre de la réflexion des promoteurs au départ, estimant que de toute façon les archis sauront faire et que tout ira bien. Bon après quand on leur dit 'lisez, lisez vraiment ce qu'il y a dans les fiches de lot, vous allez signer une promesse de vente où on décrit très clairement les objectifs et les moyens et les phases de rendu'. Là une fois qu'ils l'ont lue, bon moi je ne trouve pas ça hyper exigeant mais certains finalement » Chargée de mission développement durable, EPABE, mars 2015 « On passe en revue tous les points [de la fiche de lot], tout est important pour moi. On a par exemple discuté des facteurs lumière jour que nous imposaient l'EPA, parce que je savais très bien que j'allais avoir un hôtel, avec un label, et que dans le cadre du label on aurait des valeurs de lumière spécifiques. Donc on savait très bien qu'en fonction du produit on aurait des exigences de l'aménageur qui ne fonctionneraient pas. Donc on n'a pas dit 'ça ne fonctionnera pas', on a discuté des valeurs au regard de l'implantation du bâtiment, du programme immobilier, on a échangé sur des expériences avec de la [certification] NF, et on est arrivés à un compromis qui était satisfaisant l'aménageur comme pour moi. Le volet urbanistique c'était avec [le directeur général de l'EPABE], le reste c'était avec [] les équipes de l'EPA » Responsable de programmes, groupe national de promotion immobilière, mai 2016 Section 1 257 En cas de désaccord entre un opérateur immobilier et les exigences initiales de l'EPABE, la négociation s'appuie soit sur les contenus des certifications et labels de la promotion immobilière (comme l'illustre la citation ci-dessus), soit sur les retours d'expériences des maîtrises d'ouvrage concernant ce qui a été fait pour des programmations et des « contextes urbains » comparables (typiquement dans des grandes métropoles régionales comme Lyon ou Nantes) : « Les négociations, elles se basent sur des retours d'expérience, parce qu'on en a fait des bâtiments labellisés. Elles se basent également sur des réalités de marché, on sait par exemple que certaines choses seront fixées par l'utilisateur et nous on a participé à des prises à bail avec des grosses boutiques qui ont des structures intégrées et qui ont pu faire remonter des besoins utilisateurs et des profils environnementaux. On a ces éléments de cahier des charges et ces besoins utilisateurs. Donc on a comparé les exigences avec les cahiers des charges pour des bureaux par exemple, ou pour l'hôtel on était déjà en discussion avec l'opérateur hôtelier. Et puis on fait marcher la solidarité à l'intérieur du groupe et j'échange avec mes collègues à Lyon par exemple – toi à Lyon c'est quoi les FLJ, est-ce qu'on arrive à faire, etc. » Responsable de programmes, groupe national de promotion immobilière, mai 2016 En somme, si les prescriptions énergétiques de la fiche de lot ne sont pas complètement absentes des négociations préalables à la signature de la messe de vente, elles sont en revanche très secondaires par rapport aux discussions structurantes qui concernent plutôt la programmation immobilière et les grands partis-pris architecturaux (le montant des charges foncières n'apparaît pas ici dans la mesure où le choix de l'EPABE a été d'en faire une donnée d'entrée imposée. Au sein de l'EPA, les sujets énergétiques sont d'abord pris en charge par le directeur général, puis relayés aux chefs de projet et à la chargée de mission développement durable – parfois alors que des arbitrages ont déjà été faits. Un processus de production des opérations immobilières rythmé par des points d'arrêt
La signature d'un protocole puis d'une promesse de vente, qui se traduit par l'acceptation contractuelle des exigences de la fiche de lot sous peine de pénalités financières133, ne signifie pas pour autant la fin de l'histoire. En effet, dans un milieu où le contentieux est rare pour diverses raisons, les acteurs de l'aménagement sont soucieux de s'assurer de l'absence de « déshabillage » des opérations au cours de processus de production des bâtiments (Tardieu, 2015; Blanchard et Miot, 2016). De ce fait, la signature de la promesse de vente ne fait qu'initier une série de séquences de suivi de la production des opérations immobilières et d'encadrement des choix de conception du bâti opérés à cette occasion. La fiche de lot étant annexée au CCCT, lui-même validé par le préfet, elle a également valeur réglementaire. L'annulation du permis de construire et l'injonction à la démolition ne sont cependant pas vraiment envisagées par les acteurs, c'est donc plutôt par ses dispositions relevant du code civil que la fiche de lot est appréhendée. 5 Après signature de la promesse de vente, cet enchaînement de séquences s'organise comme suit (Figure V-1. Enchaînement schématique des séquences d'action et des décisions pour chacune des opérations immobilières Figure V-2. Éléments énergétiques demandés à chacune des étapesFigure V-3) : d'abord, les versions successives de l'avant-projet du bâtiment sont discutées et rediscutées dans des réunions qui regroupent des représentants du promoteur, de la maîtrise d'oeuvre du bâtiment (architecte, BET et parfois le BE environnement), de l'EPABE (chargé d'opération, parfois le directeur de projet et/ou les chargés de missions thématiques) et parfois de la maîtrise d'oeuvre urbaine. La clôture de cette première séquence correspond à l'autorisation donnée par l'EPA de présenter le projet à la commission des avant-projets (CAP), une instance mise en place par la Ville de Bordeaux sur l'ensemble de son territoire pour analyser les projets immobiliers et architecturaux préalablement à l'instruction des permis de construire. S'engage alors une deuxième séquence au sein de cette CAP, où sont présents, en sus de l'EPA et des services de l'État instruisant les permis de construire (DDTM), des élus, l'architecte-conseil de la Ville de Bordeaux (Bruno Fortier), l'Architecte des Bâtiments de France et la Direction Générale de l'Aménagement de la Vile. Une fois la validation de la CAP acquis , les maîtres d'ouvrage et les maîtrises d'oeuvre continuent à discuter de l'avant-projet jusqu'à ce que l'EPA accepte le dépôt d'une demande de permis de construire. Une nouvelle séquence correspond alors à l'instruction du permis de construire par les services de la Ville et la DDTM. Une fois le permis acquis, le projet détaillé et le dossier de consultation des entreprises sont encore une fois soumis au débat entre maîtrises d'ouvrage et maîtrises d'oeuvre jusqu'à la signature de l'acte de vente, qui permet le lancement des travaux. Enfin, la livraison de l'opération puis le suivi de l'exploitation pendant une durée déterminée contractuellement permettent de purger les derniers engagements contractuels contenus dans la fiche de lot. Le deuxième collectif s'intéresse peu aux aspects énergétiques des projets immobiliers et se concentre plutôt sur les aspects programmatiques et esthétiques, ainsi que sur d'autres réglementations jugées plus contraignantes (incendie, inondations, eaux pluviales, etc.). C'est donc essentiellement dans le premier collectif que se discutent les questions énergétiques, et nous nous concentrerons donc sur ces séquences d'action. Conformément aux fiches de lot, les opérateurs immobiliers ont l'obligation de fournir à chacune des étapes un certain nombre d'études énergétiques concernant le projet immobilier (Figure V-4. Éléments énergétiques demandés à chacune des étapes
Figure V-5. Carte de situation du Belvédère au sein de Garonne EiffelFigure V-6).
Le principe, généralement partagé par l'aménageur et le promoteur, est de vérifier à chaque étape le respect de chacune des exigences formalisées dans la fiche de lot sans chercher à imposer de nouvelles Section 1 259 règles en cours de route. Les maîtres-mots sont donc la « vigilance » et la « cohérence » vis-à-vis de la fiche de lot : « Ce qu'on a pu faire sur certaines opérations, par exemple je prends l'îlot 4.6b, on n'était pas satisfaits des niveaux d'exigence en termes de facteurs lumière jour, donc on leur a demandé de retravailler cet élément-là, on leur a accordé de passer en commission des avant-projets, mais il fallait absolument avoir amélioré le projet pour le dépôt du PC [] Même sur la STD, ils ont refait plusieurs fois la STD [] À partir du moment où dès le départ on a fixé les règles du jeu vis-à-vis des opérateurs immobiliers, on va s'y tenir » Chargée de mission développement durable, EPABE,
261 Figure V-2. Éléments énergétiques demandés à chacune des étapesFigure V-3. Enchaînement schématique des séquences d'action et des décisions pour chacune des opérations immobilières Figure V-1. Enchaînement schématique des séquences d'action et des décisions pour chacune des opérations immobilières 262
Chapitre 5
Figure V-5. Carte de situation du Belvédère au sein de Garonne EiffelFigure V-6. Éléments énergétiques demandés à chacune des étapes Figure V-4. Éléments énergétiques demandés à chacune des étapes « On est vigilants [sur le suivi des consommations] On leur demande le dispositif technique – la plupart du
temps
il
s savent le faire
et
puis c'est obligatoire au titre de la RT
, mais également
le dispositif
organisationnel
. Ces séquences de vérification donnent parfois lieu à des « optimisations ». En effet, les études énergétiques sont transmises à la chargée de mission développement durable, qui les fait parfois passer à Explicit pour analyse. De par leur culture technique et/ou l'expérience accumulée sur leurs projets, le bureau d'études comme la chargée de mission (voir Encadré V-2 ci-après) sont parfois en capacité de suggérer des pistes de réflexion au promoteur et à la maîtrise d'oeuvre du bâti : « Moi promoteur, dans le cadre des fiches de lot que j'ai signées avec l'aménageur, il y a également des prescriptions environnementales et il y a obligation pour moi d'échanger en toute transparence avec eux, à différents stades d'avancement du dossier – c'est là qu'on a pu faire ce travail d'optimisation des sous-stations d'ailleurs – en phase d'esquisse, en phase de permis de construire, en phase de dossiers marché, on fait des petits dossiers et on présente à l'aménageur où nous en sommes. Là ce n'est pas du tout le volet urbanistique et architectural, mais vraiment essentiellement environnemental : le besoin d'eau, nos labels, nos puissances, et c'est dans ce cadre-là qu'on échange nos notes techniques, les calculs thermodynamiques des bureaux d'études et l'aménageur a ou avait ou aura un AMO qui a regardé ces notes-là, posé des questions, vérifié les hypothèses, pour voir un petit peu comment était conçu notre calcul thermique [] Après l'EPA n'a jamais rien imposé, les seules obligations qu'on a sont celles de la fiche de lot, après ils savent rester dans le cadre et c'est là que c'est cohérent, c'est à-dire qu'ils n'outrepassent pas les attendus qu'on a négociés il y a plus de deux ans, qui sont déjà assez élevés. Ce qui est bien c'est qu'on a souvent des aménageurs qui aiment bien changer d'avis, là l'aménageur s'en tient aux décisions qui ont été prises. Là c'est juste essayer d'améliorer si on peut le faire, justifier si on y arrive, voilà » Responsable de programmes, groupe national de promotion immobilière, mai 2016 En revanche, dans la mesure où la fiche de lot est respectée, les suggestions ne se transforment jamais en exigences fermes. Par ailleurs, les suggestions s'arrêtent au stade de la piste de réflexion, l'aménageur et son AMO ne tenant jamais le crayon pour proposer des choix de conception précis. Section 1 263 On nous a suggéré de mettre des GTB, on nous a suggéré de regarder la conception de nos façades, de faire de la surventilation, mais on ne nous a rien imposé
. Pour le froid, pour limiter les apports du groupe PAC, l'EPA nous avait dit de regarder les solutions de surventilation nocturne et on est partis dans ces solutions
» Responsable de programmes, groupe national de promotion immobilière, mai 2016
Les extraits ci-dessus suggèrent donc des relations pacifiées entre aménageur et promoteurs en ce qui concerne les aspects énergétiques. Ce n'est cependant pas toujours les cas, la chargée de mission développement durable étant parfois amenée à entraîner la direction de projet voire la direction générale jusqu'au « rapport de forces » vis-à-vis d'un promoteur si ce dernier cherche à s'affranchir des exigences de la fiche de lot : « Sur [telle opération], on a eu un rapport de force qui concernait l'éclairement intérieur des logements. Et l'aspect de la façade aussi, parce que l'un ne va pas sans l'autre. Parce que la configuration du bâtiment et des espaces extérieurs, des balcons et autres, il y avait des logements qui étaient très très très défavorables. Quand t'es au nord, en angle, avec un balcon au-dessus de toi et en plus des pièces profondes, voilà Donc il y a eu une prise de conscience de la direction, parce qu'on se fait des brainstormings en phase PC, avec [le directeur général adjoint chargé de l'aménagent], le directeur de projet, le chargé d'op et moi. Et donc à cette occasion-là, j'ai fait valoir le fait que ça paraissait assez fortement inadmissible, ça a été entendu par la direction, et il y a eu un rapport de force important avec [le promoteur] » Dans ce cas, l'alliance avec la direction de projet et la direction générale est d'autant plus facile que les caractéristiques du projet posent problème sur d'autres aspects que l'énergie : « Alors en plus ils avaient un traitement de façade très transparent, avec des garde-corps très ouverts, des balcons pas très généreux, donc normalement plutôt favorables à la luminosité. Le problème c'est que le traitement de la façade ne convenait pas tout à fait parce qu'on avait de très fortes inquiétudes sur l'aspect dans le temps de la façade dès lors que les logements étaient petits, les balcons étaient petits, et on savait très bien ce qui allait se passer sur les balcons, que ça allait vite devenir un dépotoir, et donc [avec] la conjugaison de ces deux évènements on a demandé expressément [au promoteur] d'optimiser ça. Donc ils ont retravaillé les façades en amenant des balcons, en retravaillant les ouvertures, en améliorant parfois la luminosité intérieure mais pas sur les logements les plus défavorables. [Du coup] on leur a demandé de compenser pour ces logements les plus défavorables, et donc la compensation ça a été de créer des celliers à destination des logements les plus favorables, et des beaux celliers quoi » Chargée de mission développement durable, EPABE, décembre 2015 La capacité à tenir le rapport de force apparaissant ici comme rendue possible par d'autres aspects architecturaux sur la façade et le devenir des balcons, nous nous sommes enquis de ce qui se passait lorsque la controverse était essentiellement énergétique. La réponse est alors incertaine : « Parfois, pour des sujets sur lesquels il y a je pense une conviction personnelle, il peut y avoir un rapport de force important. S'il y avait un vrai sujet d'écart par rapport à nos prescriptions, je pense qu'on irait en effet au rapport de forces, après le cas sur la partie énergétique ne s'est jamais présenté » Chargée de mission développement durable, EPABE, décembre 2015
5 Encadré V-2. Portrait : Mathilde Roseray134, chargée de mission développement durable de l'EPABE Après un master en gestion de l'environnement,
hilde Roseray intègre en 2005 la SAEMCIB, une société d'économie mixte de la Ville de Bègles, en tant que chargée de mission développement durable. Cette société, dont le coeur de métier est celui de bailleur social, s'est vue confier en 2003 d'une nouvelle compétence d'aménagement pour mettre en oeuvre les opérations de rénovation urbaine qui concernent son parc, notamment sur le secteur des Terres Neuves. Dans une ville dirigée par un maire écologiste (Noël Mamère), c'est l'occasion de mettre en place une démarche d'aménagement durable, qui passe notamment par la construction de logements neufs HPE voire BBC et par la réhabilitation énergétique ambitieuse (110 kWh/m2.an) du bâti qui n'est pas détruit135. Cette question de la capacité à peser sur les promoteurs immobiliers amène plus largement à aborder les limites du suivi des opérations tel qu'il s'est institué. Deux grands éléments apparaissent alors : d'une part, une limite organisationnelle liée à la centralisation du suivi environnemental des opérations par la chargée de mission développement durable. Lorsque nous la questionnons sur la prise en charge « au quotidien » des aspects environnementaux par les chargés d'opérations, la réponse est en effet mitigée : « C'est très variable, ça dépend de la sensibilité des chargés d'op[ération]. En même temps il a fallu que j'apprenne à m'imposer, ce qui n'était pas forcément évident. Je pense que ce n'était pas par mauvaise volonté ou par conviction, c'est des questions d'organisation, de répartition des responsabilités, de plan de charge des uns et des autres, de conscience du sujet [] Il a pu arriver que sur certaines opérations, plutôt les petites opérations, je ne sois pas du tout intégrée dans la boucle. Sur la plupart des opérations ça a quand même été le cas, à des stades d'avancement différents » Chargée de mission développement durable, EPABE, décembre 2015 134 La chargée de mission n'étant pas un « personnage public », son nom a été modifié.
135 GUITTON G. (2010). « Économie d'énergie : un 'K' d'école ». Sud Ouest, 15 février 2010. CAUE GIRONDE (2011). Opération de renouvellement urbain – Bègles Quartier Nord-Est Les Terres Neuves. Fiches visites du CAUE de la Gironde, 2p. Section 1 265
Au-delà de cette citation, nos échanges avec les directeurs de projet et les chargés d'opération ainsi que notre participation à certaines réunions de négociation avec les promoteurs, avec et sans la présence de la chargée de mission, confirment ce constat : Mathilde Roseray est considérée au sein de l'EPABE comme « la » personne-ressource en matière d'environnement (Encadré V-2). Ainsi, la plupart des chargés d'opération s'affirment incompétents en la matière, et lors des rencontres entre l'aménagement et les promoteurs, les sujets environnementaux sont renvoyés à une réunion ultérieure si la chargée de mission est absente. La deuxième limite tient ensuite à une difficulté d'usage des études énergétiques. Ces dernières paraissent en effet peu viables à Mathilde Roseray lorsqu'il s'agit « d'objectiver » la performance énergétique d'une opération : « Je me suis rendue compte que [la discussion après études de conception] ne marchait pas forcément. Parce qu'au bout d'un moment j'ai commencé à me rendre compte que finalement, peu importent les caractéristiques des projets et les différences entre les choix architecturaux, on arrivait à chaque fois au même type de conclusions. Je mets des occultations avec un taux plus ou moins variable, de l'ordre de 50 à 80% parfois, j'ai un taux de renouvellement d'air, et puis ça me permet de passer en termes de confort d'été quoi » Chargée de mission développement durable, EPABE, décembre 2015 Afin d'aborder plus précisément ce sujet des études énergétiques du bâti, nous allons nous concentrer plus précisément sur un cas particulier d'opération immobilière, où les circonstances ont conduit l'EPABE à assurer la maîtrise d'ouvrage directe de la réhabilitation d' bâtiment, ce qui nous a permis de récupérer des données assez complètes. 1.1.3. Un cas particulier de suivi d'une opération immobilière : la Cité Numérique
Le projet de Cité Numérique, dans le secteur Bègles Faisceau (Figure V-7), est confié à l'EPABE par la Ville de Bègles dès le démarrage de l'OIN Bordeaux Euratlantique, en 2010. L'idée est de profiter de la libération d'un centre de tri postal d'environ 20 000 m2 SHON, construit à la fin des années 1970 sur une parcelle de 2,5 hectares, pour créer un pôle numérique économique et culturel dans le prolongement du projet béglais d'aménagement du quartier des Terres-Neuves. Au-delà de cet intérêt communal, le projet intéresse la CUB et le Conseil régional d'Aquitaine dans le cadre de leurs politiques de développement économique et culturel. Nous ne rentrerons pas ici dans tous les détails de l'histoire de ce projet immobilier ni de ses choix énergétiques, pourtant riche en rebondissements (Tableau V-2). Il nous faudrait en effet un (trop) vaste espace pour donner tous les tenants et aboutissants des tribulations de la Cité Numérique, qui ressemblent par ailleurs à ce que nous verrons dans les chapitres suivants. Nous ne donnerons donc ici que quelques éléments historiques indispensables à la compréhension de la situation, et nous concentrerons sur les controverses liées aux études énergétiques communiquées à la maîtrise d'ouvrage par la maîtrise d'oeuvre. Il faut savoir qu'ici, la maîtrise d'ouvrage est assurée en direct par l'EPABE, et suivie plus particulièrement par un directeur de projet membre de la direction opérationnelle. Chapitre 5 Séquence Acteur initiateur Lancement de l'étude urbanistique
Début 2011 EPABE Proposition aménagemt et premier chiffrage Fin 2011 Chemetoff & associés Économiste construction Éléments énergie
Objectif : îlot à énergie positive Façades neuves : mur-rideau 100% vitré Façades conservées : traitement des bétons, isolation par l'intérieur, remplacement des menuiseries
Chaufferie
: démolition-reconstruction
Façades neuves : mur-rideau 70% vitré Second chiffrage « optimisé » Début 2012 Pré-diagnostic énergétique Fin 2012 EPABE Économiste construction Explicit Façades conservées : pas de traitement des bétons, isolation et remplacement des menuiseries a minima selon réglementation Chaufferie : déplacement-conservation Façades neuves : mur-rideau, U < 1,6W/m2.K Façades conservées : isolation et remplacement des menuiseries, Ubât < 0,9W/m2.K Constructions neuves : Ubât < 0,6W/m2.K Approvisionnement
: PAC réversibles privilégiées Programme MOE Début 2013 EPABE Offre MOE Mi-2013 Chemetoff & associés Reprise des éléments d'Explicit Enveloppe : pas d'éléments sur les
performances Approvisionnement :
conservation chaufferie privilégiée
Façades neuves : mur-rideau, performance réglementaire minimale (U > 1,6W/m2.K) Avant-projet simplifié (APS) Mi-2014 Chemetoff & associés BE environnement X Constructions neuves
: vitrage 60%
pour atteindre des performances réglementaires minimales (Bbio) Approvisionnement :
conservation chaufferie
et groupe froid
privilégi
ée Ventilation : ventilation naturelle suffisante
Confort : confort d'été insuffisant en l'absence
de climatisation Chauffage
: état chaufferie à confirmer
Remarques sur APS Mi-2014 EPABE Explicit
Climatisation : la puissance disponible semble insuffisante pour les besoins confort + process de l' du bâti Ventilation : doutes sur les impacts thermiques et acoustiques Chauffage : chaufferie à remplacer Avant-projet détaillé (APD) Début 2015 Chemetoff & associés BE environnement Y Modifications sur APD Fin 2015 EPABE Chemetoff & associés BE environnement Y Climatisation : conservation groupe froid, climatisation des constructions neuves et des process uniquement Ventilation : ventilation naturelle suffisante Confort : confort d'été suffisant pour les lots rénovés si occultation totale des ouvertures Amélioration des enveloppes des constructions neuves Survégétalisation et brumisation des rues intérieures pour améliorer le confort d'été Tableau V-2. Évolutions des éléments énergétiques du projet de Cité Numérique au cours du temps En grisé, les séquences qui ne seront pas détaillées ici
Section 1
267
Bien que la maîtrise d'ouvrage soit internalisée par l'EPA, le mode de suivi environnemental de l'opération ne diffère pas fondamentalement des autres projets immobiliers, et reste assuré par la chargée de mission développement durable à partir des études énergétiques de maîtrise d'oeuvre qui peuvent donner lieu à des « points d'arrêts ». Pour comprendre le contexte de l'opération immobilière, il faut savoir que suite à une première étude menée en 2011 par Alexandre Chemetoff, urbaniste-conseil de l'EPABE, le parti-pris d'aménagement du centre de tri postal qui deviendra la Cité Numérique, consiste en un découpage du bâtiment en quatre îlots par percement de rues intérieures, la surface détruite étant compensée par la densification du bâti restant, et le confort lumineux des espaces intérieurs amélioré par un éclairage zénithal (Figure V-8). Après les premiers chiffrages, l'économie globale de l'opération immobilière apparaît comme lourdement déficitaire, les coûts de réhabilitation dépassant largement les revenus envisagés dans le cadre d'une commercialisation auprès d'activités culturelles et d'entreprises du numérique pour lesquelles il est considéré que le prix d'achat ou le loyer « acceptables » sont modestes. Dans ce contexte, un montage financier et immobilier à la fois complexe et fragile est adopté par l'EPABE et ses partenaires publics, et la maîtrise des coûts est dès lors considérée comme le fil rouge du projet – avec une expression partagée par la plupart des acteurs, y compris dans les cahiers des charges, qui est que « le budget programme » : « C'est un peu perturbant, on n'est pas un schéma très classique, on établit un programme et après on fait des études de maîtrise d'oeuvre. Ici le programme et la conception se réinterrogent régulièrement. L'élément-clé est le budget : autrement dit, on a défini une enveloppe de travaux absorbable par rapport à un bilan d'opération, et qui est en rapport aussi avec la capacité de l'utilisateur final. On est partis vraiment du résultat final, d'un loyer acceptable, là on est à 140€/m2.an pour la Cité numérique alors qu'autour de la gare on est à 185. Et puis sur un prix de vente aussi bien en-dessous. Donc on est partis de ce postulat-là et après on a pris le projet dans l'autre sens. EPA BORDEAUX EURATLANTIQUE (2011). Micro-études urbaines au sein de l'OIN. Inscription dans le tissu urbain environnant de l'ancien centre de tri Jean-Jacques Bosc. Projet de CCTP pour A. Chemetoff & associés, février 2011. 136 MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT (2011). « Bordeaux – ÉcoCité Plaine de Garonne ». L'État soutient 93 projets innovants présentés par les 13 ÉcoCités, dossier de presse, novembre 2011. 268 Chapitre 5
Figure V-7. Situation et aspect du centre de tri postal Jean-Jacques Bosc, à l'
origine
de la
Cité
Numérique Photos
et fonds de carte : EPABE et Chemetoff & associés. Montage et traitement par l'auteur. Figure V-8. Les partis-pris de réaménagement proposés par Alexandre Chemetoff : perçage de rues intérieures, densification par surélévation et création de planchers intermédiaires, éclairage zénithal
Extraits d'une présentation d'Alexandre Chemetoff & associés, décembre 2011 Section 1 269
Partant du principe que le budget définit le programme, l'assistant à maîtrise d'ouvrage devra proposer des sources d'économies et préciser les niveaux de prestations correspondants. Le principe est une réhabilitation 'pragmatique', utilisant au maximum l'existant avec un niveau de finition adapté à la fonction. Les partenaires ont convenu qu'il sera très difficile de réhabiliter le bâtiment selon les standards habituels. L'AMO devra faire ressortir les interventions minimales à réaliser afin de respecter la réglementation obligatoire pour ce type de reconversion, [notamment] d'un point de vue thermique » EPABE, CCTP pour une estimation financière en phase programmation, janvier 2012 Les controverses que nous souhaitons aborder ici concernent donc les dispositions à prendre pour rendre les performances thermiques de la Cité Numérique « acceptables » au vu de l'enveloppe budgétaire contrainte, et elles prennent leur source dans la seconde moitié de l'année 2012. Il a alors été décidé par l'EPABE et ses partenaires de lancer une procédure négociée afin d'attribuer un accord-cadre de maîtrise d'oeuvre pour l'aménagement du site 137. Afin d'alimenter le programme fourni aux candidats, l'AMO énergie de l'EPA est missionné pour un « pré-diagnostic » énergétique du bâtiment. Cette étude articule en fait trois étapes. D'abord, une estimation des performances thermiques du bâtiment avant travaux est proposée à partir d'un contrôle visuel des matériaux de l'enveloppe. Ensuite, des s simplifiées de performance thermique de l'enveloppe après travaux sont réalisées, de façon à proposer des objectifs thermiques à la fois « performants » (pour être en accord non seulement avec la réglementation thermique sur la rénovation des bâtiments existants, mais aussi avec la stratégie générale de l'EPA qui privilégie les performances de l'enveloppe sur celles des systèmes) et « réalistes ». Enfin, est réalisée une scénarisation comparative de différentes options d'approvisionnement thermique du site, soit par des pompes à chaleur réversibles (solution de référence), soit par un micro-réseau alimenté par un forage géothermique ou bien par une chaudière biomasse, soit par un raccordement au réseau de chaleur des Terres-Neuves. - D'autre part, l'étude d'approvisionnement fait apparaître des potentiels insuffisants (pour le chauffage solaire) et/ou des coûts de chaleur très élevés (pour les solutions mutualisées) par rapport à la solution de référence constituée de pompes à chaleur réversibles.
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Dans la perspective éducative, le choix d'un objet FROC3 est également important. La haie répond bien à ses caractéristiques. Finalement, la haie n'est pas si connue que ça ; il convient de se coltiner l'objet pour en saisir les logiques à l'oeuvre dans une perspective agro-écologique. Sans ce travail, on a vu le risque d'externalisation du PGH à des professionnels sans qu'il participe à la formation des étudiants afin qu'ils se construisent une expertise suffisante pour être en capacité d'agir. Ce que nous venons ci-dessus de décrire correspond en fait aux caractéristiques d'un OIT instrumentalisé dans une perspective d'enseignement-apprentissage. Or, cette orientation du travail enseignant ne va pas de soi. L'accompagnement apprenant des équipes, au sein d'un collectif multi-acteurs, multi-référencé, nous paraît indispensable pour se donner des repères, des méthodes de travail ultérieurement mobilisables dans une configuration plus habituelle entre collègues au sein d'un établissement d'enseignement. Enfin, l'exemple du « groupe haie » nous semble illustrer l'idée qu'une transition (agro)écologique ne peut porter ses fruits que si elle est couplée à une transition éducative (Peltier, 2017b) qui vise la mise en oeuvre d'une pratique où les savoirs des apprenants sont construits face à une question qui leur résiste, qui nécessite une démarche d'enquête et de problématisation visant une conceptualisation. Cette mise en travail, côté enseignants comme ensuite côté apprenants nous semble être la clé de voûte de pratiques renouvelées pour former des citoyens du XXIe siècle. Et comme l'appelait de leurs voeux les acteurs francophones de l'EDD lors de la COP22 de Marrakech, « pas de transition sans éducation56 ». Bibliographie
ASTOLFI J.-P., (2008). La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d'apprendre, Issy-les-Moulineaux : ESF. BACHELARD G., (1938 / 2004). La formation de l'esprit scientifique, Paris : Vrin. BACHELARD G., (1940 / 2016). La philosophie du non. Essai d'une philosophie du nouvel esprit scientifique, Paris : PUF. BARBIER R., (1996). La recherche-action, Paris : Économica-Anthropos. CALLON M., (1999). « Ni intellectuel engagé, ni intellectuel dégagé : la double stratégie de l'attachement et du détachement », Sociologie du travail, vol. 41, n°1, p. 65-78, janvier 1999. DEWEY J., (1938 / 2006). Logique, la théorie de l'enquête, Paris : PUF. FABRE M., (2016). Le sens du problème. Problématiser à l'école?, De Boeck Education. FLEURY B., (2012). « L'analyse de pratiques professionnelles dans le monde enseignant : un dispositif de psychanalyse de la connaissance », In : Vinatier I., (coord.), Réflexivité et développement professionnel. Une orientation pour la formation, Octares éditions, p. 215-230. FLEURY B., FABRE M., (2007). « Problématisation et démocratie participative : Quelle formation pour les "nouveaux" experts? », Recherches en éducation, n° 3, mars 2007. GABORIEAU I., MAYEN P., (2018). « Etude comparée de deux pratiques enseignantes dans le cadre de l'accompagnement de la Transition agro-écologique », [à paraître]. LANGE J.-M., VICTOR P., JANNER M., (2010). « Vers l'élaboration d'indices, mesure de l'efficience de l'éducation au développement durable en milieu scolaire », URL: http:// MAYEN P., (2013). « Apprendre à produire autrement : quelques conséquences pour former à produire autrement", revue POUR, n° 219, GREP, p. 247-270. de site du D :// fedd fr
MAYEN P., LAINE A., (dir.), (2014). Apprendre à travailler avec le vivant. Développement durable et didactique professionnelle, Dijon : éditions Raison et Passions. PELTIER C., (2017). « Éducation au développement durable et territoires : vers un nouvel âge des relations éducatives aux territoires dans l'enseignement agricole? », In : Barthes A., Alpe Y. et Champollion P., Permanences et évolutions des relations complexes entre éducations et territoires, Londres : ISTE éditions, p. 97-118. PELTIER C., (2017). « Transitions agroécologique et éducative : ce que nous apprend l'enseignement agricole », revue SÉSAME, novembre 2017. URL: http://revue-sesame-inra.fr/transitions-agroecologique-et-educativece-que-nous-apprend-lenseignement-agricole/. SCHMID A.-F., (2010). « Épistémologie et éthique technologique », conférence au centre franco-russe de Moscou, 20 septembre 2010, 2012. URL: https://hal-mines-paristech.archivesouvertes.fr/hal-00707832. SCHMID A.-F., MAMBRINI-DOUDET M., HATCHUEL A., (2011). « Une nouvelle logique de l'interdisciplinarité », Nouvelles perspectives en sciences sociales : revue internationale de systémique complexe et d'études relationnelles, vol. 7, n° 1, p. 105-136. SPN (Service du patrimoine naturel), La fonctionnalité des continuités écologiques. Premiers éléments d'illustrations et de compréhension, Rapport 2014-10, février 2014. URL: http://spn.mnhn.fr/spn_rapports/archiv
Le développement durable, une notion embarrassante pour l'enseignement - Concept, schème, champ conceptuel : un cadre pour penser l'enseignement du développement durable Sustainable development, an embarrassing notion for education - Concept, schema, conceptual field: a framework for thinking about the teaching of sustainable development
Peltier Christian1, Mayen Patrick2 1 Doctorant en sciences de l'éducation, UP-DPF Agrosup Dijon, Université Bourgogne Franche Comté, [email protected] 2 Professeur des universités en didactique professionnelle, UP-DPF Agrosup Dijon, [email protected]
RÉSUMÉ. Le développement durable est très présent dans les référentiels et les curricula scolaires, en particulier dans l'enseignement agricole. Pourtant, l'enseignement et l'éducation qui lui sont consacrés se résument trop souvent à un ensemble d'informations ou à des comportements à suivre. Or, c'est un enseignement tout à la fois plus conceptuel et plus pratique qui peut donner aux jeunes suffisamment de réflexivité sur les pratiques et les activités humaines afin de les envisager dans une perspective de durabilité. Nous formalisons et mettons ici à l'épreuve la richesse de la notion de "champ conceptuel" pour envisager en quoi celle-ci peut répondre aux objectifs de former au jugement et donner du pouvoir d'agir aux apprenants en termes de durabilité. ABSTRACT. Sustainable development is an important part of school curricula and standards, particularly in agricultural education. Avec le développement durable, les controverses sont nombreuses. A commencer par savoir si on doit le considérer ou non comme un concept. Pour la géographe Cyria Emelianoff (2003), peu importe. Dès la fin des années 1990, elle lui reconnaît la qualité mobilisatrice de mise en mouvement des acteurs ; chacun pouvant se l'approprier à sa manière. Mais, dans cette perspective, de quelle appropriation s'agit-il? Dans ce texte, nous ne partageons pas cette opinion. Au-delà de la valeur mobilisatrice des situations proposées aux apprenants, la manière dont ceux-ci rencontrent le développement durable, la nature des activités qu'ils sont engagés à conduire pour découvrir, raisonner le développement durable, et pour faire 149 des expériences « de développement durable », engendre des appropriations bien différentes. Une appropriation « conceptuelle » du développement durable est ainsi susceptible de construire des apprentissages plus profonds, en particulier en dégageant le concept de développement durable des expériences spécifiques, des exemples, des anecdotes, ou encore des bonnes pratiques. C'est la fonction de la généralisation qui amène à relier dans un ensemble d'ordre supérieur les différents cas rencontrés, qui engendre aussi la capacité à mobiliser le concept dans des cas nouveaux et, par conséquent à pouvoir aussi en tirer des conséquences pratiques : soit en adaptant des raisonnements et des pratiques déjà expérimentées, soit en en inventant de nouvelles. L'enseignement du développement durable est-il alors un enseignement de bonnes pratiques? Un enseignement d'un pseudo-concept, pour reprendre une notion proposée par Vygotski (1997, p. 235), ou bien vise-t-il une conceptualisation? Alors que « le développement durable » est présent depuis une quinzaine d'années dans les référentiels de diplômes de l'enseignement professionnel, comment des enseignants s'en sont-ils emparés? Et Comment le mettent-ils en travail avec les apprenants dans des actions et des projets? Plusieurs écueils sont possibles : celui du réductionnisme, dans lequel le développement durable « se réduit » à des bonnes pratiques, à des slogans ; celui du foisonnement, c'est-à-dire une prolifération d'associations d'idées et de pratiques, de cas et d'objets, sans principes organisateurs ; celui de la complication, bien différente de la complexité puisque la première cherche à tout attraper, sans principes organisateurs, sans sélection ni hiérarchisation. 1 Enseigner le développement durable en classe de Seconde (module EATDD) – 1ère partie Une scénarisation pédagogique qui n'apporte pas les fruits attendus
Enseignante chevronnée en sciences agronomiques, C. est pilote au sein d'une équipe pluridisciplinaire intervenant en EATDD57 en Seconde GT. Elle est par ailleurs engagée dans la dynamique des éco-responsables 57 EATDD : Environnement Agronomie Territoire Développement Durable. Ce module mobilise 5 disciplines : biologie écologie, sciences agronomiques, histoire-géographie, éducation socioculturelle et économie. Il offre des opportunités de travail avec des acteurs du territoire pour atteindre les objectifs pédagogiques ciblés (voir http://www.chlorofil.fr/diplomes-et-referentiels/formations-et-diplomes/2nde-gt.html). Ce module occupe une place semblable à l'ECJS à l'Éducation nationale. 150 (éco-délégués) dans son établissement. Chaque année, au sein de l'équipe EATDD, les enseignants cherchent des thèmes variés, mobilisent des acteurs du territoire, pour faire réfléchir les élèves sur des questions touchant au développement durable. Sur l'année scolaire (2016-17), le projet porte sur deux thématiques : la voiture électrique et la chaudière à bois. L'équipe composée de trois enseignants se donne comme finalité d'argumenter sur la durabilité de ces deux objets ; la modalité en étant un débat. Pour ce faire, les enseignants ont élaboré un scénario pédagogique s'étalant sur 3 heures/semaine à l'emploi du temps lors du premier trimestre de l'année scolaire. Après la présentation du « programme », une séance de cours sur le développement durable rappelle l'historique de la notion et pose ses trois piliers (environnemental, social, économique) comme référence incontournable à maîtriser. S'en suit une journée de visites sur le territoire local pour découvrir des pratiques en lien avec les deux objets, des temps de recherche documentaire pour forger un argumentaire. Des outils méthodologiques sur l'argumentation et le débat sont fournis aux élèves. Les enseignants encadrent ces temps, répondent aux questions des élèves, soit de manière informelle lors de soutien aux différents groupes de travail, soit de manière formelle sous forme de séances de cours de type magistralo-dialogués. L'enseignante pilote est Inquiète que des expériences antérieures de débat, malgré une préparation « soignée », n'aient pas apporté de résultats à la hauteur des attentes des enseignants – les élèves peinent à argumenter en restant le plus souvent à « moi je pense que » ; pour eux, tout a un peu tendance à se valoir en termes de abilité car les exemples dont ils ont eu connaissance se référent tous aux trois piliers du développement durable. Elle décide alors de saisir l'opportunité d'une formation régionale « enseigner à produire autrement »58 pour disposer d'un regard extérieur sur sa scénarisation pédagogique et les résultats escomptés en termes d'apprentissage chez les élèves. C'est dans ce cadre que nos investigations se sont donc engagées. L'enseignante se dit inquiète, et elle doute de ce qu'elle a conçu. C'est sur ce fond, là encore, propice à l'engagement dans une activité d'enquête, que se situe pour elle la rencontre avec un accompagnement qui se présente comme une possibilité de co-analyse didactique de son action. La question du développement durable
Des années 1970 (1972, notion d'écodéveloppement) aux années 2010 (2012, apparition des ODD59 ; 2015, COP21), la préoccupation d'un développement durable perdure mais peine à dépasser les « bonnes pratiques » au bénéfice d'un réel changement de paradigme du rapport entre humains et nature tout autant que de la manière de gérer les questions socio-environnementales (gouvernance). La notion est donc naturellement controversée, non seulement de par sa traduction (sustainable => durable), mais également par son ancrage dans une conception très occidentale du développement (Rist, 2013). Des auteurs qui ne la répudient pas totalement lui préfèrent celle d'adaptabilité durable (Blandin, 2012) ou plus simplement de durabilité (Bourg, 2012). Apparue dans l'enseignement technique agricole dès la fin des années 1990 dans les référentiels de formation, la notion s'impose dans les années 2000 avec un large spectre allant des disciplines générales 58 Il s'agit d'une formation régionale inscrite dans le dispositif « Enseigner à produire autrement » de l'enseignement agricole. ODD : objectifs de développement durable (ONU). 151 (histoire géographie, économie, biologie écologie) aux sciences agronomiques. Les activités volontaires des apprenants (éco-délégués, éco-responsables) sont également suscitées. Nous retiendrons la double dimension de la notion de développement durable. D'une part, épistémique, car le développement durable est porteur de savoirs nombreux, aussi bien relativement à sa définition qu'aux objets les plus divers auxquels il peut être rapporté (ville durable, transport durable, agriculture durable, alimentation durable,). D'autre part, pragmatique, expérientielle. Le développement durable est destiné à prendre forme dans l'action et doit donc pouvoir être identifié, sur le plan des apprentissages par la construction de schèmes de raisonnement et d'action organisés. Il peut alors être considéré comme concept pragmatique (Vidal-Gomel & Rogalski, 2007 ; Pastré, 1999, 2011). Cette double dimension relève ainsi de l'« agir penser » en complexité. « La façon d'agir complexe développe la façon de penser complexe, et réciproquement », (Morin, 1990). « 'Sans les lunettes de l'expert, le citoyen est aveugle' assurait encore il y a peu, un technocrate fort médiatisé. Et bien des systèmes d'enseignement, mêlant scientisme et élitisme, ont longtemps conforté cette image prégnante du clerc (ou du docte) qui pense pour le laïc (ou le praticien), lequel ne devrait qu'agir en appliquant sans penser les méthodes que lui enjoint le clerc. » (Le Moigne, 2010). S'il y a de l'épistémique dans la pratique, il y a tout autant de la robustesse et de l'adaptabilité du concept relativement aux contextes, aux situations. Mais, dans la perspective du « penser agir », comment traiter le développement durable à l 'École? Si la mobilisation des textes est nécessaire, les situations où mettre le concept à l'épreuve le sont tout autant. Le développement durable, un concept?
Pour Fabre (2009), un concept se définit par ses dimensions historique, structurale et opératoire. Un concept se forme pour répondre à une question qui se pose à un moment donné dans un espace donné. Il est donc primordial de se référer au problème auquel un concept est à un moment donné la réponse sachant qu'à un autre moment ce même concept n'est plus forcément pertinent. La dimension structurale d'un concept renvoie au corpus d'autres concepts au sein desquels il prend place, auxquels il se réfère. Enfin, la dimension opératoire rappelle qu'un concept apporte des réponses effectives à des questions qui se posent. Pour Vergnaud (1996) ce sont la référence, le signifié et le signifiant qui définissent un concept. La référence est constituée de l'ensemble des situations qui donnent du sens au concept. Le signifié est l'ensemble des invariants ou propriétés du concept sur lesquels repose aussi l'efficacité des schèmes. Enfin, le signifiant est entendu comme l'ensemble des formes langagières et non langagières qui permettent de représenter symboliquement le concept. Enfin, pour Vergnaud (1990), c'est à travers des situations et des problèmes à résoudre qu'un concept acquiert du sens pour l'apprenant. En cela, Vergnaud rejoint Fabre sur l'efficacité du concept pour résoudre des problèmes qui se posent. En éducation, donner du pouvoir d'agir aux apprenants, ce n'est pas seulement livrer/administrer le concept de développement durable, mais en susciter l'appropriation pour agir en situation. Par développement durable nous entendons alors un type de rapport au monde qui permette un accord spatiotemporel entre humains et nature ; cet accord, contextualisé, étant négocié entre parties prenantes représentant les intérêts à la fois des humains et des non-humains (Fig. 1) . Ainsi peut-on distinguer un rapport non durable dans la perspective d'une domination sans concession de la nature et d'une gestion top-down des questions qui se posent dans cette relation (les acteurs au plus près de la matérialité étant relégués ou rejetés). Dans une version de durabilité faible, le rapport à la nature est abordé par la réduction des impacts d'activités non durables ; les technologies vertes sont prônées à cet effet. La consultation est la concession en termes de gouvernance. Enfin, quand un rapport partenarial est envisagé, quand la gestion des questions qui font problème est partagée au plus près du problème, tout en tenant compte des contextes plus larges, on peut envisager une durabilité forte. Figure 1 : Trois au monde diversement
Dans une situation pédagogique donnée, il nous semble particulièrement important de pouvoir identifier, repérer si l'observation de la conceptualisation en termes de durabilité chez les apprenants (mobilisation de schèmes, de concepts adaptés ou non, construction par l'action de concepts, connaissances,) est une préoccupation de l'enseignant et constitue ses buts principaux, et si ses actes sont cohérents avec ces préoccupations et ces buts. Le schème du développement durable? Piaget (1973) définit le schème comme une organisation interne de l'action qui permet de comprendre comment celle-ci peut être efficace, reproductible, adaptable et intelligible. Pour Vergnaud (1990), le schème est une organisation invariante de la conduite pour une classe de situations donnée. Perrenoud (1994) définit le schème comme la structure de l'action – mentale ou matérielle –, l'invariant, le canevas qui se conserve d'une situation singulière à une autre, et s'investit, avec plus ou moins d'ajustements, dans des situations analogues. Pour Vergnaud (2001) quatre composantes sont constitutives du schème : les buts, les règles d'action, les invariants opératoires (« ce qui se conserve sous certaines transformations »), les inférences. Si selon Vergnaud, le schème repose toujours sur une conceptualisation implicite, l'un des objectifs de l'éducation/enseignement est de rendre explicite ces implicites et de développer ou de transformer ces conceptualisations. Le développement durable étant une abstraction, c'est le passage de la coordination agie (conceptualisation implicite, connaissances-en-acte selon Vergnaud) à la coordination conceptuelle (représentations, opérations mentales reliées par des implications signifiantes)60 qu'il faut construire. Cette abstraction ne fait pas partie de l'expérience immédiate, elle est même contre intuitive aux expériences sociales qui se font dans un monde non « durable ». Pour Piaget, les schèmes sont essentiels car ils sont au centre des processus d'adaptation des structures cognitives (assimilation et adaptation). Finalement, « le schème est à l'action ce que le concept est à la cognition », l'élément de base constitutif de l'action, et qui en permet l'analyse selon Pastré (1997). Pour Vergnaud, le schème et la situation sont indissociables. Nous en venons ainsi à nous poser la question du schème du développement durable et de son enseignement? Penser-agir en terme de durabilité (Pierron, 2009), c'est donc circuler entre un niveau sur-ordonnant de conceptualisation jusqu'à un niveau micro où l'agencement de la mise en oeuvre de l'action se concrétise (Fig. 2), en intégrant la spécificité du domaine d'activité à laquelle l'action se réfère et la diversité culturelle de son espace-temps. Cette circulation s'effectue à partir des tâches, situations, problèmes qui se présentent au fil de la vie et du travail et qui peuvent être pensées, raisonnées et traitées à partir de leur valeur de durabilité. Figure 2 : Le schème sur-ordonnant de la durabilité
Or, penser la durabilité en acte suppose de pouvoir penser au-delà de l'immédiat : échelles temporelles, spatiales, phénomènes non intuitifs, peu familiers, peu accessibles, relations complexes exigent de raisonner à des niveaux de généralité et d'abstraction, qui ne sont pas immédiatement construits ni disponibles pour les élèves. De même, la durabilité, exige des opérations de décentration de différentes natures : homme / nature, intérêts propres / intérêts communs à la nature, prise en compte du vivant différent du vivant humain. Ce sont ces exigences cognitives (Mayen, 2017) qui fondent l'exigence de conceptualisation de la durabilité. En fait (Fig. 2), le schème de la durabilité sur-ordonne et organise ; il redéfinit les schèmes qui se mettent en place aux niveaux inférieurs. Le développement durable en situation
La notion de situation renvoie à la situation didactique telle que Brousseau, didacticien des mathématiques, la met en avant (1998) dans le paradigme piagetio-bachelardien du constructivisme et de l'obstacle épistémologique. Quatre concepts en sont constitutifs : la situation, le problème, le savoir et l'activité. Le lien fort entre situation et concept procède d'un renversement entre le cognitif et le conceptuel. Au travers d'une situation problématique donnée, l'enseignant met l'élève en activité, non seulement pour qu'il la résolve, mais pour qu'il identifie l'outil qui le lui permet. Dans ce cas, comme le rappelle Fabre (2014), le problème est fermé – la réponse est déjà connue à l'avance par l'enseignant. Or, avec les questions de développement durable, il en est autrement. Selon les contextes, les réponses peuvent différer, même si la construction du problème suit des invariants. La situation a ainsi une inscription pragmatique, contextualisée. Pour Mayen (2014), dans le cadre de la didactique professionnelle, la situation est « une forme typique et stabilisée d'environnement auquel des personnes, des professionnels ont affaire, ce avec quoi ils ont à faire, ce de quoi ils ont à se débrouiller. » En formation, des situations peuvent être proposées. La première condition est leur potentiel problématique au regard de l'enjeu d'apprentissage et de développement du concept de durabilité et des schèmes d'action durable. La seconde condition est la possibilité offerte aux apprenants, de pouvoir accéder aux concepts et aux règles susceptibles de les aider à analyser, traiter ces situations à partir du champ conceptuel de la durabilité, et de schèmes de raisonnement durables puis d'envisager des actions durables. Les concepts et règles d'action ne peuvent pas être réinventées par apprenants dans leur seule confrontation à l'action. Dans ce sens, les concepts des disciplines, jouent le rôle que Vygotski définit au mot et au concept dans le 154 développement, ils sont source de développement car ils conduisent celui qui apprend à penser au-dessus de ses capacités actuelles. Dans la théorie de Vergnaud, ils sont source de développement aussi parce qu'ils doivent, en retour, subir un processus d'élaboration pragmatique, autrement dit, entrer dans les processus de résolution des problèmes, de traitement des situations, dans la construction et la conduite de l'action. Toujours selon Vygotski, les concepts germent ainsi vers le haut et vers le bas. Le champ conceptuel de la durabilité
Un champ conceptuel est par définition un ensemble de situations et un ensemble de concepts. L'ensemble des situations dont la maîtrise progressive appelle une variété de concepts, de schèmes et de représentations symboliques en étroite connexion : l'ensemble des concepts qui contribuent à la maîtrise de ces situations (Vergnaud, 2013). Ce sont les situations qui donnent leur sens aux concepts, par le biais de l'activité du sujet apprenant ; ce sont les concepts-en-acte et les théorèmes-en-acte contenus dans les schèmes qui permettent de traiter ces situations. C'est « un espace de problèmes ou de situations-problèmes dont le traitement implique des concepts et des procédures de plusieurs types en étroite connexion, ainsi que les représentations langagières et symboliques susceptibles d'être utilisées pour les représenter. » Un champ conceptuel comprend ainsi 4 éléments en système : des concepts et théorèmes ; des problèmes ; des opérations ; des situations. Si nous retenons que c'est l'activité du sujet – de l'apprenant – en situation qui donne sens au concept, admettons qu'un « écosystème » est ici identifié pour que le développement durable prenne sens pour des jeunes à l'École. Le/les enseignants/s apparaissent alors comme les garants de la mise en oeuvre de cet écosystème éducatif en termes de durabilité. Envisager une situation à potentiel problématique, identifier le/s concept/s clés en jeu pouvant donner du pouvoir d'agir via la maîtrise d'un raisonnement intégrant la complexité – à degré variable selon les niveaux de formation –, tracer les opérations permettant de suivre la progression des apprenants dans la maîtrise des outils pour raisonner davantage en termes de durabilité des pratiques observées/analysées, modéliser des opérations de pensée, dessiner des hypothèses de solutions envisageables selon des critères clés identifiés chemin faisant, tel nous semble se dessiner une dynamique possible d'enseignement du champ conceptuel de la durabilité d'une activité. Encore faut-il que le concept de développement durable soit perçu autrement que selon une définition académique et non opératoire. Le champ conceptuel de la durabilité pourrait être schématisé comme suit (Fig. 4). Figure 4 : Le champ conceptuel de la durabilité
A la différence de chercheurs tels Smouts (2005) ou Gendron (2006), c'est la durabilité que nous considérons comme un concept. Un concept tourné vers l'action, répondant à la préoccupation du « penseragir » d'Edgar Morin, ou plus récemment de Catherine et Raphaël Larrère (2015). Nous interrogeons ainsi l'activité d'enseignement et d'apprentissage à la lumière des notions de schème, de situation et finalement de champ conceptuel pour en appréhender la complexité et les échelles spatio-temporelles que l'analyse d'une activité 155 en termes de durabilité nécessite. Cet outillage conceptuel permet de concrétiser en actes une durabilité plus ou moins faible ou forte (Mancebo, 2009). Nous ne donnons ci-dessous que quelques éléments d'une analyse de pratique qui d'une part n'est pas le coeur de cet article et d'autre part dépasserait largement la taille prescrite pour celui-ci. Les acquis d'une formation d'analyse de pratique
Nous retrouvons C. lors de la seconde session d'une formation d'analyse de pratique. Après étude d'un récitfiction, élaboration de situations pédagogiques à mettre en oeuvre (session 1), il s'agit d'analyser des pratiques en collectif (instruction au sosie + analyse en groupes de stagiaires + médiation par les formateurs). C'est dans cette dernière configuration que la pratique enseignante de C. est analysée à partir des éléments clés du cadre théorique présenté ci-dessus. Elle est plus particulièrement amenée à expliciter sa conception du développement durable et est interrogée sur sa visée en termes d'apprentissage des élèves sur le développement durable. Pour C., le développement durable c'est un historique et trois piliers (économique, environnemental et social) dont la représentation la plus commune est trois cercles qui se croisent pour définir le durable en leur intersection centrale. C'est ainsi qu'elle a toujours présenté le développement durable à ses élèves. Pour répondre à ses questions sur d'autres manières possibles de faire, elle reconnaît que la présentation des outils sur la durabilité faible/forte et ses différents niveaux (Fig. 1 et 2) lui propose une autre approche. « Ces outils m'éclairaient beaucoup, m'ouvraient des pistes, m'aidaient à replacer en contexte ; c'était une nouvelle porte d'entrée ». Ce que C. nous dit, c'est qu'elle a considéré le développement durable comme un contenu, un savoir cognitif, qu'il convient de transmettre aux élèves pour qu'ils puissent ensuite le mobiliser. Elle n'a pas perçu le développement durable en termes d'outillage pour lire le monde, pouvant donner du pouvoir d'agir, en termes de concept avec sa force opératoire. Alors que différentes situations qu'elle propose, avec ses collègues en biologie écologie et éducation socioculturelle, aux élèves sont propices à une activité de conceptualisation, elle ne s'est pas engagée dans cette voie. Elle ne s'engage pas non plus dans une activité de problématisation (Fabre, 2009). Suite à l'instruction au sosie en collectif, un entretien individuel est conduit avec C. Elle s'aperçoit combien les activités de mise en enquête, de problématisation, de conceptualisation interrogent les évidences. Elle formule des questions auxquelles faire réfléchir les élèves. Une reconception difficile
Si C. a pris conscience que des ajustements, voire des changements dans sa pratique sont nécessaires pour doter les élèves de meilleurs raisonnements en termes de durabilité, si elle dispose de quelques outils pour les entreprendre, elle se heurte à plusieurs difficultés. La première est que le travail en EATDD est déjà largement engagé – avec ses collègues et avec les élèves – 156 et que les remaniements ne pourront s'effectuer qu'à la marge : mieux guider les élèves dans leurs questionnements, peut-être faire émerger des solutions selon une durabilité plus ou moins faible ou forte. Une deuxième se situe dans la construction d'une visée éducative partagée en termes de durabilité. C'est le cas avec les collègues, avec lesquels un travail collectif est nécessaire pour partager la visée. C'est aussi la place concédée, comme c'est ici le cas, à des partenaires extérieurs – une association – auxquels une partie du travail éducatif a été dévolu. « Le travail avec l'association a un peu spolié les choses, nous dit C., car je me rends compte que nos objectifs étaient différents. De leur côté, conduire des animations, sensibiliser au développement durable ; du nôtre, faire réfléchir à la durabilité de certaines pratiques, de certaine activités ». Une troisième touche les manières propices pour entraîner ses collègues dans ces changements ; trouver une porte d'entrée, une insatisfaction quant au résultat obtenu, la perspective d'un nouveau projet61 qui pourrait être abordé un peu différemment. Plus C. sera persuasive, car elle aura à sa disposition les outils et raisonnements pour analyser la durabilité d'une situation, plus il y a de chances qu'elle puisse entraîner ses collègues enseignants et les s territoriaux. 4 Discussion
Rappelons d'abord combien le cas proposé par C. au vu, des formations, des accompagnements, des analyses de pratiques et du travail de recherche qui est le nôtre, est emblématique. Son analyse au travers du cadre « champ conceptuel » construit nous permet de dégager quelques constantes, quelques invariants opératoires pour un enseignement de la durabilité qui fasse sens pour les apprenants. Ce cadre permet de questionner en profondeur les intentions, les buts, les conceptions et les conditions de mise en oeuvre d'une séquence pédagogique/éducative à partir d'une situation où un objet pose question en termes de durabilité. Il nous renseigne à la fois sur le degré de conceptualité et de praticité de l'enseignement/éducation au développement durable. Il nous permet un constat objectivé. Il pointe également comment dépasser un état de fait qui ne permet guère de passer d'une conception de la durabilité « éco-geste » à la conception d'une durabilité visant la « formation au jugement pour construire le paradigme de l'habiter avec l'écosystème ». Dans le cas de C. comme dans bien d'autres, le premier constat est d'abord celui de la non construction explicite et problématique chez les enseignants du concept de développement durable, ou plus exactement de durabilité, dans la perspective d'un « habiter avec l'écosystème ». Suite à l'analyse de sa pratique, C. reconnaît ne jamais avoir envisagé ce travail (« je n'y avais jamais pensé avant ») comme si ça allait de soi. C'est pour cela qu'elle présente aux élèves un historique et la représentation des trois cercles. La problématisation n'est pas conduite avec les élèves pour qu'ils intègrent les différentes dimensions du concept et pourquoi celui-ci est aujourd'hui pertinent par rapport aux questions liant composantes environnementales et sociales, qui se posent à nos sociétés. Il est de même des différentes échelles de durabilité en interaction systémique (Fig. 2). Le second constat tient à la place donnée à la situation dans les apprentissages visés. Dans le cas de la pratique de C. et de ses collègues, le potentiel problématique de celle-ci est minoré. Proposer des visites de terrain ne signifie pas avoir construit une situation d'enseignement-apprentissage en vue de suivre un processus d'apprentissage chez des élèves. Pour développer les raisonnements des élèves, il est important que la situation ne soit pas fermée, mais ouverte à des possibles, stimulante pour leur créativité. telle solution. Cette mise en situation oblige à la fois à conceptualiser et à mesurer, critères et indicateurs à l'appui ; elle forme donc au jugement. Autre caractéristique significative, la situation proposée par C. et ses collègues peut ouvrir sur un dépassement des cadres disciplinaire, nécessaire pour traiter des questions de développement durable. Si les disciplines – scolaires et scientifiques – sont nécessaires, leur cloisonnement, la simple addition de leurs connaissances et sont le plus souvent insuffisants pour aborder la complexité des objets. Bien souvent un travail avec les parties prenantes territoriales est nécessaire pour dégager les savoirs clés au coeur des apprentissages à envisager avec les apprenants. Ces objets renvoient à des situations territorialisées que nous entendons comme inscrites dans le quotidien, dans les dynamiques socio-territoriales, socio-spatiales. De telles situations sont riches en apprentissage avec des élèves à condition d'être médiatisées, traduites, didactisées afin de faciliter les apprentissages visés, car si elles sont trop complexes, les élèves risquent de s'y perdre. Or ce travail collectif – cet espace d'intimité collective pour reprendre les travaux de Schmid (2011) sur les objets intégratifs – n'a pas été envisagé dans la situation proposée par C. Or, sans ce travail de « traduction » qui permet de mieux définir les objectifs essentiels d'apprentissage (le coeur de cible selon Fleury), il est difficile de piloter les régulations, les ajustements nécessaires – en fonction des élèves notamment – lors de la conduite de la séquence pédagogique/éducative. Pour C., comme pour d'autres enseignants confrontés à l'enseignement de la notion embarrassante qu'est le développement durable, c'est sans doute par ce travail d'analyse de pratique que peuvent se dessiner les schèmes de 'enseignement-apprentissage de la durabilité d'une activité (Fig. 4). Bibliographie BLANDIN P., (2012). « L'adaptabilité durable, une nouvelle éthique », Vraiment durable, n° 1, Victoires éditions, p. 13-32. URL: http://www.cairn.info/revue-vraiment-durable-2012-1-page-13.htm BOURG D., (2012). « Transition écologique plutôt que développement durable », Vraiment durable, n° 1, Victoires éditions, p. 77-96. URL: http://www.cairn.info/revue-vraiment-durable-2012-1-page-77.htm DEWEY J., (1938 / 2006). Logique, la théorie de l'enquête, Paris : PUF. ÉMELIANOFF C. & al., (2003). « Développement durable », In : Lévy J., Lussault M., Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Paris : Belin, p. 249-251. FABRE M., (2003). Éduquer pour un monde problématique. 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Céline, GUY Fleur, LE GALL Julie, LAVAL Myriam [email protected]
En France, l'éducation à l'alimentation fait partie de « l'éducation à l'environnement pour un développement durable » et est souvent traitée en cours de SVT en lien avec la physiologie humaine et les pratiques nutritionnelles. La thématique agricole est à l'inverse très minoritaire dans les éducations à l'environnement et à l'alimentation, alors même que l'agriculture constitue notre relation quotidienne, par l'alimentation, à la « nature », et qu'elle est au coeur des enjeux de la transition agro-écologique. Partant de ce constat, le projet de recherche action Marguerite (soutenu financièrement par le Programme national pour l'alimentation) intègre l'éducation à l'alimentation dans un contexte plus large d'éducation au développement durable, en impliquant plusieurs disciplines à travers un partenariat entre enseignants, chercheurs et acteurs du territoire. Il s'agit de sensibiliser les adolescents à l'alimentation et à l'agriculture durable et de contribuer à la reconnexion entre villes et campagnes, en particulier en milieu défavorisé. Alors qu'il était pensé à l'origine pour faire évoluer les comportements alimentaires et les représentations que les élèves ont de l'agriculture, ce projet a avant tout introduit des changements forts dans les pratiques enseignantes. A partir de la présentation des actions menées au collège Paul Claudel (01) depuis la rentrée 2016, en lien avec le réseau de collèges et les chercheurs participants au projet (dix collèges des départements de l'Ain et du Rhône le Laboratoire Environnement Ville et Société, l'ENS de Lyon et l'Institut Français de l'Education), l'atelier proposé porte sur les effets du projet sur les pratiques et représentations des enseignants : comment un projet tourné vers une évolution des comportements alimentaires des élèves amène un changement tangible dans les postures des enseignants par rapport à leur pratiques pédagogiques et leur rôle dans le territoire? L'atelier que nous proposons reviendra sur deux résultats majeurs du projet. Marguerite a permis la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques innovantes, (1) soutenues par des outils spécifiques utilisés en classe et en dehors de la classe, et (2) co-construites au sein d'un réseau d'enseignants, de chercheurs et d'acteurs des territoires. Le projet avançant, la réflexivité de l'équipe enseignante progresse, une réflexion est menée pour enrichir le travail en déployant la problématique sur les quatre niveaux, tout en intégrant au moins deux parcours chaque année. Ainsi nous souhaitons proposer aux élèves d'enrichir leurs parcours et leur réflexion dans un projet impliquant tous les champs de l'EDD en se donnant des indicateurs d'évaluation non seulement sur leurs habitudes alimentaires à l'issue des quatre années mais surtout sur les acquisitions du socle, leur investissement citoyen au collège. Ce projet donne donc de la continuité aux parcours avenir et citoyen qui permettent aux élèves de se projeter d'avantage et aux enseignants de construire autrement les progressions. Ces pratiques pédagogiques et l'inscription dans le projet favorisent également un changement dans le regard des enseignants sur leur territoire et sur l'implication qu'ils peuvent y avoir. Le projet intègre en effet des partenaires variés. La co-construction des actions pédagogiques avec les acteurs locaux introduit une double évolution dans le positionnement des enseignants : - Par rapport aux élèves : l'enseignant habitué à être le détenteur du savoir dans sa classe apprend à se positionner différemment, il devient apprenant au contact de professionnel d'autres champs que le sien. Ce positionnement met implicitement l'élève en confiance, le groupe développe des compétences qu'elles soient techniques, pratiques ou du socle commun (Domaine 1 par exemple), s'ouvre aux autres, construit son parcours citoyen et avenir sans avoir conscience d'être en train de le faire comme devant une activité de classe avec un manuel scolaire par exemple. - Par rapport au territoire : hors de la classe, des liens existent institutionnellement entre les acteurs, la mairie par exemple, et ponctuellement avec des initiatives locales, mais le projet vise à en modifier la nature et la durée. Le collège peut contribuer à créer un projet éducatif de territoire, pris en compte comme acteur de façon pérenne et au-delà des investissements individuels des enseignants. Nous proposons de présenter cette expérience à travers un atelier qui pourra à la fois rendre compte d'actions concrètes en classe ou hors la classe, et des évolutions que ces dernières ont fait émerger sur les postures des enseignants, contribuant ainsi à la co-construction des actions éducatives liées à l'EDD entre élèves, enseignants, chercheurs et acteurs du territoire. 162 Retour d'expérience sur la mise en place d'une activité de jeu de plateau en vue de favoriser la prise de conscience de la pensée cycle de vie pour des élèves-ingénieurs. Experience feedback on the implementation of a game based activity to favor the awareness of the life cycle thinking for engineering students Sablayrolles Caroline1, Aufray Maelenn2, Huez Julitte3, 1 Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA), Université de Toulouse, INRA, PT, Toulouse France
des Toulouse
, INPT,
UPS,
Toulouse, France
, ma
elenn.aufray@ t fr 4
Centre Recherche et
d'
In
génierie des Matériaux Universit Toulouse RS Toulouse France
RÉ
SUM
É
. Au sein de l'école d'ingénieurs INP-ENSIACET (Institut National Polytechnique- Ecole Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologiques), une équipe d'enseignants a construit une activité pédagogique autour d'un jeu de plateau mobilisant le cycle de vie de produits de la vie courante (gel douche, tasse de café, T-shirt). Leur intention était de mettre les étudiants d'un pôle d'enseignement de niveau M2, en situation d'apprentissage en petit groupe, de manière ludique, entre autres, pour leur permettre d'appréhender le concept de pensée cycle de vie. L'activité, accompagnée par les enseignants, a permis aux étudiants de confronter et d'expliciter leurs différentes perceptions du cycle de vie, de travailler la formulation d'hypothèse de cadre d'analyse, d'identifier, de choisir, puis de définir et de décrire les grandeurs et indicateurs permettant cette analyse. Les enseignants ont, quant à eux, appréhendé une nouvelle posture, relevant de l'animation et de la médiation. Nous revenons ici sur le retour d'expérience de ces enseignants. ABSTRACT. Within the engineering school INP-ENSIACET (Institut National Polytechnique- Ecole Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologiques), a team of teachers built a game based activity involving the life cycle of products of the current life (shower gel, cup of coffee, T-shirt). Their intention was to put the students (master level) of a teaching department in a small group learning situation in a playful way, to allow them to learn about the concept of life cycle thinking. The activity, accompanied by the teachers, allowed the students to confront and to clarify their own perception of the life cycle, to work the formulation of hypothesis used for analysis, to identify, to choose, then to define and to describe the useful indicators. The teachers, for this activity, adopted a new posture, being of the animation and the mediation. We return here on the experience feedback of these teachers.
MOTS-CLÉS : Progresser en groupe ; Situation problème ; Développement durable ; Analyse de cycle de vie. KEYWORDS : Group learning, problem-based investigation, sustainable development, life cycle analysis 1
Contexte
Le retour d'expérience que nous vous proposons au travers cet écrit prend place dans le contexte de la 163 pédagogie universitaire et plus particulièrement, il renvoie : - à la forte incitation qui est faite aux enseignants-chercheurs (EC) d'innover dans leurs pratiques d'enseignement ainsi - qu'à la préoccupation d'identifier et de développer chez les étudiants des compétences dites « transversales ». Nicole Poteaux (2013) dans son état de la question de la pédagogie de l'enseignement supérieur en France, évoque la création de l'espace européen de l'enseignement supérieur, l'implantation des « démarches qualité » et l'évaluation des enseignements, la généralisation du système des ECTS, comme ayant contribué à ce que ce ne soit plus tant « ce que l'enseignant transmet, mais ce que l'étudiant apprend non seulement en termes de connaissances, mais aussi de compétences transversales » (p. 2) qui constitue l'élément de référence. Dans le même temps, la professionnalisation des EC se structure (arrêté du 8 février 2018 fixant le cadre national de la formation visant à l'approfondissement des compétences pédagogiques des maîtres de conférences stagiaires), ces derniers sont incités à innover, à s'adapter, à faire évoluer leurs pratiques professionnelles (Bertrand, 2014). En ce qui concerne les compétences transversales des étudiants, compétences qui relèvent de
l'
esprit
c
ritique
, de la médiation,
de
penser
complexité, du pouvoir agir par exemple si elles apparaissent faire partie intégrante de leur formation depuis longtemps, fort est de constater qu'elles sont souvent pensées implicites, et que les étudiants n'y sont que faiblement exercés. Or face à une société qui évolue, ces compétences, permettant de traiter et d'analyser les problématiques de manière globale, deviennent indispensables pour permettre aux futurs ingénieurs de « faire face à la complexité grandissante, à la rapidité des changements et à l'imprévisible qui caractérisent notre monde » (sic E. Morin, 1999). Il ne s'agit donc plus de les penser implicites, mais de les construire dans les programmes de formation et de les mobiliser dans les enseignements proposés. 2 - Méthodologie 2.1 Les acteurs
Notre intention était de mettre les 40 étudiants du pôle d'enseignement « Matériaux Innovants », de niveau M2, en situation d'apprentissage en petit groupe, de manière ludique, autour d'un jeu, entre autres pour leur permettre d'appréhender le concept de pensée cycle de vie. Ces étudiants n'avaient aucune formation préalable sur l'analyse de cycle de vie. Ainsi il s'agissait aussi de contribuer à la formation des étudiants dans le repérage (identification et signification des indicateurs utilisés) et l'appréhension des enjeux humains et socio-économiques soustendus par les questionnements autour des notions de DD&RS, ainsi que les problématiques que soulève leur mise en oeuvre. Nous souhaitions aussi profiter de cette modalité de formation, pour pouvoir interagir, entre nous, enseignantes de différentes disciplines (une experte en analyse de cycle de vie, une métallurgiste et une polymériste) et auprès des étudiants, avec nos différents points de vue pour appréhender les problématiques autour de la pensée cycle de vie abordées. Il est à noter que dans les modifications apportées dans ce module d'enseignement, le choix a été fait de ne pas uniquement introduire une méthodologie différente qui pourrait faire office d'innovation, mais bien de reconstruire aussi les contenus adossés à ce dispositif. Les CP qui nous ont accompagnés ont recueilli nos intentions et objectifs ainsi que les éléments d'ingénierie pédagogique (public, déroulement des séquences, activités mises en places, objectifs pédagogiques, modalité d'évaluation) avant le module d'enseignement. À partir de cet entretien conduit avec l'équipe pédagogique, ils ont construit un questionnaire à destination des étudiants. Ce questionnaire a été rempli en dernière heure d'enseignement, en présentiel. Nous avons eu un entretien de restitution des résultats de ce questionnaire avec les CP, quelques semaines après la fin du module. Il a donné lieu à une analyse co-construite, pour en dégager des éléments de compréhension sur le vécu des étudiants et si besoin des pistes d'amélioration du module d'enseignement, et par conséquent des activités autour du jeu de plateau. 2.2 Le cadre
L'ensemble du module d'enseignement se déroule sur une journée, sous la forme d'un « séminaire », de 8h30 à 17h30 avec une pause méridienne d'1h30. Les étudiants sont évalués sur un travail de groupe à rendre un mois après cette journée. Cette journée se déroule dans deux salles mitoyennes, salles dites de « pédagogie active », c'est-à-dire adaptées aux exigences de mobilité et de collaboration. Le jeu de plateau est proposé sur un créneau de 2h en début de matinée, après que le déroulement de la journée, et l'introduction de la pensée cycle de vie (PCV) aient été présentées. Les étudiants sont par groupe de 6 à 7 par plateau de jeu. Chaque groupe (6 au total) a à sa disposition : un plateau de jeu avec cartes, pions de couleur et disque de solution, des post-it, un tableau blanc. Il dispose aussi d'un ordinateur pour accéder au WEB, ainsi qu'à des capsules vidéo sur la PCV, et à un fichier Power Point guide de la journée (ressources et consignes). Deux fois trois cas d'études sont à disposition et portent sur l'impact environnemental d'un café, d'un flacon de gel douche de 250ml et d'un T-shirt en coton de couleur. Chaque enseignante assure principalement le suivi et l'accompagnement des deux groupes qui travaillent sur un même cas d'étude, et se laisse la liberté d'interagir auprès des autres groupes comme elle le veut (Fig. 1).
Figure 1. Vue de la salle Figure 1 165
Nous interagissons aussi entre nous pour nous mettre au courant de la prise en main de l'activité par les étudiants, et pour faire des focus à l'ensemble des étudiants quand une consigne ou une notion à clarifier. 2.3 L'activité de jeu de plateau
L'activité proposée a été construite à partir du jeu de plateau « Perception du Cycle de Vie » ou « Life Cycle PerceptionTM (en anglais) » (Quantis, 2017). Il s'agit d'un cas pratique sur la perception de l'analyse de cycle de vie applicable à tout niveau de connaissance : de la simple découverte pour des étudiants en début de cursus à l'approfondissement du concept pour des étudiants maitrisant déjà l'analyse du cycle de vie. La PCV correspond à un concept de production et de consommation. Elle mobilise l'analyse de cycle de vie qui vise la prise en compte des impacts (environnementaux, sociaux et économiques) propres à un produit ou à un service, et ce, tout au long de son cycle de vie : du « berceau à la tombe » (Fig. 2).
Figure 2 : Pensée Cycle de Vie (issu du site www.ciraig.org)
Nos intentions et objectifs pédagogiques visés autour du jeu étaient : - D'initier les étudiants au concept de PCV et la méthode d'analyse de cycle de vie ; - De leur faire appréhender les enjeux liés à la conception écoresponsable et leur complexité ; Sur une modalité de travail en petit groupe, et de manière ludique, susceptible de faciliter les échanges entre étudiants sur leurs perceptions de la PCV au travers plusieurs indicateurs environnementaux tels que la biodiversité, la toxicité humaine, l'empreinte eau, l'empreinte carbone. Ceci nous permettrait, et aux étudiants aussi, de mieux connaitre leurs perceptions de la PCV et de questionner les différences entre perception et « réalité » en outre pour contribuer à l'évolution de ces perceptions. La figure 3 montre un groupe d'étudiant en activité.
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Le seul autre élément de comparaison dont nous disposons est l'Itinéraire d'Antonin (Tableau 1). Bien qu'il ne mentionne pas cette fameuse station, la similitude en terme de distance avec la Table de Peutinger est intéressante – d'autant plus si on considère que la station non nommée sur la Table de Peutinger renvoie à Solimariaca. Nous pouvons donc considérer que les distances, bien qu'approchantes, ne sont pas faussées, d'autant qu'elles correspondent 134. (Michler, 2004, p. 268). 135. ( Jullian, 1920, p. 302). 136. (Lepage, 1863). à la réalité sur le terrain. À notre sens, il est donc plus probable que la station Noviomagus soit située à proximité de Pompierre – un glissement de toponyme étant toujours possible. D'un point de vue archéologique, à proximité du lieu de découverte de la borne, un grand bâtiment gallo romain a pu être détecté grâce à la prospection aérienne134. Les ramassages de surface montrent la présence de tegulae, des monnaies et de pierres sculptées. En outre, au moins une stèle funéraire a été retrouvée sur le territoire de la commune et, nous l'avons vu plus haut, Pompierre a livré une borne de loyalisme et a été le lieu d'une rencontre entre les rois d'Austrasie et de Bourgogne.
6. Les diocèses médiévaux
La méthode régressive propose d'utiliser une carte des limites diocésaines afin de remonter aux limites de cités antiques au Bas-Empire et donc aux limites du Haut-Empire. Cette constatation vient principalement d'une idée que Camille Jullian a rendue célèbre et qui voulait que chaque diocèse se soit coulé dans la base de l'organisation de l'administration romaine : la cité. « Un évêque par cité et un évêque dans chaque cité [] »135 C'est le diocèse de Toul qui aurait succédé à la cité des Leuques. Le diocèse de Toul était l'un des plus vastes de France : il comprenait la quasi-totalité du département des Vosges, une partie des départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse, quelques cantons dans le département de la HauteMarne et un village de Moselle (fig. 11). Afin de retrouver les limites diocésaines, nous pouvons nous pencher sur un pouillé établi en 1402 et qui fait référence à un autre document de 1303136. Un illé est un livre de cens qui mentionne quelquefois, et c'est le cas pour celui dont nous parlons, les différentes divisions ecclésiastiques. C'est donc un document précieux qui permet d'obtenir une cartographie précise. Cependant, ce document date du XVe siècle, peutêtre du XIVe siècle, ce qui reste très tardif. Tous les auteurs s'accordent à dire qu'aucun changement
57
Chap
itre 2 : Les limites de la cité des Leuques, retour sur une question
encore
en suspens
Fig. 11 Carte du diocèse de Toul selon un pouillé de 1402 (DAO : A. Resch, 2018). majeur n'a été effectué depuis sa création137, mais des ajustements mineurs lors de la formation de ce diocèse, et après, ont pu avoir lieu sans que nous le sachions ; d'autant qu'il était l'un des plus grands de France. En outre, le pouillé que nous avons à disposition est une copie effectuée au XVIe siècle qui peut donc contenir des erreurs de transcription. Enfin, il faut évoquer le changement possible des limites communales actuelles avec celles de l'époque considérée : nous obtenons une carte précise certes mais dont les contours ne sont pas à suivre religieusement puisque l'assise des communes a pu changer. En premier lieu, on peut remarquer les différences entre le tracé supposé du territoire leuque tel que défini par Yves Burnand et Jeanne-Marie Demarolle et le tracé connu en 1402 du diocèse. Près de notre zone d'étude, une enclave dans le diocèse de Langres existe : il s'agit du doyenné de la Rivière de Blaise. Sans revenir sur l'histoire des réclamations faites sur ce doyenné, le Pape confirme en 1104 l'appartenance de ces communes au diocèse de Toul suite à une donation138. Cette enclave ne devait pas appartenir, à l'époque antique, au territoire leuque mais elle y a été adjointe entre la fin de l'Antiquité et le XIIe siècle. Une autre discordance doit être discutée : le doyenné de Bourmont, situé aujourd'hui en Haute-Marne, a appartenu jusqu'à la Révolution au diocèse de Toul139. Or, comme nous l'avons vu, les chercheurs placent la limite entre territoire leuque et territoire lingon plus au nord entre Nijon et Pompierre. En outre, à Andelot (aujourd'hui Andelot-Blancheville a eu lieu en 587 une rencontre entre Childéric II, roi d'Austrasie, et Gontran, roi de Bourgogne. Cette dernière a dû s'effectuer à proximité de la frontière entre ces deux états ; Billoret en a déduit que la limite entre leuques et lingons ne passait pas très loin de ce village140, ce dernier faisant partie du 137. Sauf pour le doyenné de la Rivière de Blaise dont nous reparlerons. 138. (Maxe-Werly
,
1875
,
p
.
305
‐307 ; Toussaint, 1941, p. 5 p. 421 ; Burnand, Demarolle, 1998, p. 60). 139. (Burnand, Demarolle, 1998, p. 86). 140. (Billoret, 1969, p. 230). 58 Chapitre 2 : Les limites de la cité des Leuques, retour sur une question encore en suspens diocèse de Langres mais n'était distant que d'environ 7 km du diocèse de Toul. Rien n'indique, en l'état actuel de nos connaissances, que toute la partie sud de ce diocèse ait été rattachée au diocèse de Toul au cours du Moyen-Âge et donc qu'elle ait fait partie du territoire leuque. La question mérite d'être posée puisque la physionomie du territoire en est ainsi modifiée.
Mais
des concordances peuvent être notées
. Le bois des « Harrandes » à Busson (Haute-Marne) marque la limite exacte entre le diocèse de Toul et celui de Langres. Il est tout à fait possible que ce toponyme ne perpétue que cette frontière médiévale et
n'ait pas de relation avec les limites des c
ités
antiques. Cependant, la similitude est
à noter.
c) Essai d'une nouvelle délimitation?
Une fois toute la documentation reprise, il faut essayer d'en tirer des éléments utiles pour notre propos. La plus grande difficulté dans ce genre d'exercice est de ne pas surinterpréter les indices parce qu'ils sont rares. Les essais de délimitation ont été nombreux et il ne faut pas se perdre dans cette documentation. C'est pourquoi une mise à plat des informations était nécessaire. Enfin, les délimitations effectuées jusqu'à présent n'étaient précises que ponctuellement. Puisque nous travaillons sur des petites échelles, il est nécessaire de pouvoir donner une meilleure définition sur la zone qui nous intéresse. Reprenons donc les éléments disponibles et discutons-les pour aboutir à une carte satisfaisante. Nous partirons de Lamarche pour aboutir à Busson, en insistant sur les alentours de notre zone d'étude (fig. 12). Bien qu 'Albert Grenier, et d'autres après lui, soient contre l'utilisation en premier lieu des limites diocésaines, nous sommes obligés de commencer par cette cartographie afin de nous donner un élément de base sur lequel travailler. C'est d'ailleurs ce fond de carte qui a été utilisé par Maurice Toussaint, Yves Burnand et Jeanne-Marie Demarolle. Lamarche est un toponyme récent qu'il convient bien entendu de manier avec prudence, puisque postérieur à la période antique ; mais son origine ger- manique marka peut en effet renvoyer à une idée de délimitation et de limite. Cela est d'autant plus vrai que c'est le dernier village dans le diocèse de Toul avant le diocèse de Besançon et celui de Langres. 141. On peut imaginer que celle-ci pouvait être peinte. 142. (Toussaint, 1941, p. 425). 59 Chapitre 2 : Les limites de la cité des Leuques, retour sur une question encore en suspens
Clément Féliu indique que Liffol-le-Grand présente un faciès lingon dans ses monnaies143. C'est pout cette raison qu'il place cette commune chez les Lingons et à la limite à proximité puisque deux sites au nord présentent un faciès leuque. Comme nous l'avons déjà indiqué, la villa de la Goulotte, où ont été retrouvées les monnaies, entretient des échanges avec l'agglomération antique de Grand. Il faut probablement voir ce faciès lingon comme une preuve des échanges qui devaient être réalisés et donc comme un indice du passage d'une limite à proximité ; d'autant que ce faciès est issu de l'étude de treize monnaies, ce qui est bien peu pour affirmer que Liffol-le-Grand était dans la cité des Lingons. Nous pouvons donc supposer que Liffol-le-Grand faisait partie de la cité des Leuques. En continuant le long des limites diocésaines, le prochain indice est le toponyme Bois des Harrandes situé à Busson. À ce toponyme, nous pouvons ajouter la possibilité que la commune voisine de Leurville ait été la station Ad fines mentionnée sur le Table de Peutinger. À une dizaine de kilomètre de ceux deux communes, celles d'Andelot-Blancheville a accueilli la rencontre entre le roi d'Austrasie et le roi de Bourgogne. Ainsi, nous gardons Busson et Leurville comme des communes-limites. L'incertitude viendrait de l'inclusion ou de l'exclusion des communes méridionales du doyenné de Reynel. En effet, si Leurville est la dernière commune du territoire leuque, Reynel, Humberville et Manois sont à placer très probablement chez les Lingons. Pour les autres es, rien n'indique avec certitude leur appartenance à l'une ou à l'autre des cités. Cependant, certaines de ces communes appartiennent à notre corpus d'étude : il sera peut-être possible, par une étude plus fine et comparative, d'apporter des éléments de réponse. 143. (Féliu, 2008, p. 73).
60 Chapitre 2 : Les limites de la cité des Leuques, retour sur une question encore en suspens
Fig. 12 Propostion de limite pour le sud-ouest du territoire leuque (D.A.O. : A. Resch, 2017). 61 Chapitre 2 : Les limites de la cité des Leuques, retour sur une question encore en suspens
Conclusion La revue rapide de ces éléments permet de montrer les difficultés rencontrées dès que l'on parle des limites des cités. Un constat peut déjà être fait : à moins de trouver des éléments cartographiques ou des bornes indiquant les limites réelles des cités, il est délicat de les deviner et nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses. Tout au plus, un site peut être rattaché à une cité grâce aux découvertes archéologiques. Même si la carte des anciens diocèses est une base incontournable de nombreuses études, les hypothèses formulées doivent être confrontées à d'autres sources. Nous avons vu à travers cet exemple, mais il y en a d'autres à l'échelle de la Gaule, que les limites diocésaines ne sont pas nécessairement le reflet des cités du Haut-Empire, même si elles sont celui de l'époque charnière entre la période gallo romaine et le Moyen Âge. De même, souvent, les découvertes archéologiques seules ne peuvent suffire : que dire de ces deux bornes trouvées à Soulosse-sous-Saint-Elophe et qui ne semblent pas mentionner la distance à la capitale de cité? Encore une fois, ce n'est que le croisement de multiples données qui permet d'avancer des hypothèses satisfaisantes. Nous avons essayé d'en avancer pour notre zone d'étude avec tous les biais qu'une telle étude peut apporter. Et devant ce dossier riche mais incomplet, il est nécessaire d'ouvrir d'autres pistes, et notamment celle d'une étude territoriale plus détaillée, comme celle nous nous proposons d'initier en apportant des précisions sur certains points et en amenant de nouveaux éléments de réflexion. Il s'agit par exemple de prendre en compte l'ensemble des découvertes archéologiques faites aux alentours de Grand, et d'essayer de définir un « territoire vivrier », c'est-à-dire une zone géographique qui doit répondre aux besoins d'une agglomération. Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
Même si le but premier de ce travail est d'étudier l'environnement archéologique de Grand, il parait nécessaire de replacer cette agglomération gallo-romaine dans son contexte administratif et économique, à savoir la cité des Leuques. Nous avons vu les difficultés à établir une frontière convaincante pour le territoire leuque ; elles sont les mêmes lorsque nous abordons la question de ses agglomérations. L'étude des agglomérations gallo-romaines remonte à la fin des années 1980 avec des ouvrages de synthèse et des colloques qui abordent les problèmes liés au vocabulaire utilisé. Dans ce chapitre, il sera uniquement question des agglomérations ayant existé durant l'époque gallo-romaine. Les études sur les agglomérations leuques ont été réalisées notamment grâce à l'impulsion de Jean-Luc Massy, mais il faut être en mesure de situer Grand par rapport à ces agglomérations et de définir son originalité et son importance. Ainsi, la typologie semble être une solution.
I. Une question de vocabulaire
Avant d'étudier les agglomérations de la cité des Leuques, il faut s'interroger sur le vocabulaire utilisé et sur ce qu'il nous apprend de notre objet d'étude. Les enquêtes sur les agglomérations sont maintenant assez anciennes144 et la réflexion semble mûre aujourd'hui pour étudier cet objet archéologique145. a) De nombreuses dénominations De nombreux termes ont été utilisés jusqu'à présent pour désigner hiérarchiquement ces groupements de population situés entre la capitale de cité, caput civitatis, et les habitats ruraux : agglomération secondaire, castrum, ébauche de ville, habitat aggloméré, hameau, pagus,
petite ville, proto-ville, vicus, village, ville
La difficulté rencontrée par les chercheurs est donc de désigner efficacement ces rassemblements. Le Programme Commun de Recherche « Les villes romaines du Nord de la Gaule » a fait le choix de parler de « ville » avec pour définition « [] tout site de type « urbain » [] caractérisé au moins par une voirie organisée »146. Cette description est trop large pour correspondre réellement à une ville au sens antique du terme, et même au sens contemporain147. L'emploi de l'expression de « ville » semble à éviter car, à l'époque antique, sa définition est précise et recouvre des aspects juridiques148 ; elle ne peut donc s'employer que pour les capitales de cité. 65 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
tantes, voire plus, que les chefs-lieux de cité. Il en va de même pour les dénominations de « hameau », « village » et « petite ville » : ils sont quantitatifs et supposent une taille ou une population donnée ; or, les recherches dans les différentes régions de France montrent que la surface de ces groupements, et donc le nombre des habitants, est très variable. Il ne reste alors que des termes qualificatifs qu'il convient de passer en revue. Le castrum correspond à l'enceinte édifiée durant le Bas Empire, ce vocable est donc limité à un type particulier de construction à une époque donnée. Trop limitatif, il ne peut être employé pour désigner tous les groupements de population. Le pagus quant à lui semble correspondre à une portion du territoire de la cité et ne désigne pas un groupement en particulier149. Restent deux dénominations qui sont, du reste, les plus discutées : « vicus » et « agglomération secondaire ».
b) Vicus
Vicus est la formule la plus anciennement utilisée, mais son emploi n'est pas communément admis. Raymond Chevallier dans un colloque sur le vicus gallo-romain150 se demande si l'on peut nommer ainsi tout site dont le nom est mentionné dans les sources mais qui n'y est pas désigné comme tel. Pour lui, ce serait l'archéologie qui pourrait fournir une réponse mais les signes distinctifs mis en évidence lors des fouilles sont imparfaits. Vicus étant un terme latin, il est nécessaire de se pencher sur sa signification antique. Les chercheurs s'appuient sur deux auteurs : Festus et Isidore de Séville. Le premier distingue trois significations : une agglomération, un quartier et des habitats où mène un passage « Vici appellari [in]cipiunt ex agris,qui ibi villas non habent, ut Marsi aut Peligni. Sed ex vic [t] is partim habent rempublicam et ius dicitur, partim nihil eorum et tamen ibi nundinae aguntur negoti gerendi causa, et magistri vici, item magistri pagi quotannis fiunt. Alte- ro, cum id genus aedificio[rum defijnitur, quae continentia sunt his oppidis, quae itineribus regionibusque distributa inter se distant, nominibusque dissimilibus discriminis causa sunt dispartita. Tertio, cum id genus aedificiorum definitur, quae in oppido privi in suo quisque loco proprio ita aedifica[n]t, ut in eo aedificio pervium sit, quo itinere habitatores ad suam quisque habitationem habeant accessum. 149. (Dondin-Payre, 2007, p. 399). 150. (Chevallier, 1976). 151. (Leveau, 1983, p. 928 ; Tarpin, 2002, p. 177‐178 ; Leveau, 2002, p. 9‐10 ; 2012, p. 166). 66 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
« Vici et castella et pagi hi sunt qui nulla dignitate civitatis ornantur, sed vulgari hominum conventu incoluntur, et propter parvitatem sui majoribus civitatibus adtribuuntur. Vicus autem dictus ab ipsis tantum habitationibus, vel quod vias habeat tantum sine mûris. Est autem sine munitione murorum ; licet et vici dicantur ipsae habitationes urbis. Dictus autem vicus eo quod sit vice civitatis, vel quod vias habeat tantum sine mûris ». « Les vici, les castella et les pagi sont [des localités] qui ne sont en rien pourvues de la dignité d'une cité, mais sont habitées par un simple groupement d'hommes et, en raison de leur petite taille, sont attribuées à des cités plus grandes. Le vicus tire son nom seulement des habitations mêmes, ou bien du fait qu'il a seulement des rues (vias) sans remparts. Il n'est pas fortifié par des remparts ; bien que l'on donne aussi le nom de vici aux habitations mêmes d'une ville. Le vicus tire son nom du fait qu'il est « à la place » (vice) d'une cité [= qu'il tient lieu de cité], ou bien qu'il a seulement des rues (vias) sans remparts. » ((Etymol. XV 2, 1 1 sq,.traduction J. Gascou). Raymond Chevallier le définit alors comme une « forme d'habitat groupé, mais ouvert, caractéristique des Celtes de Gaule et d'Italie [] et d'autres peuples encore primitifs »152. Patrick Le Roux souligne le fait que le vicus a un caractère juridique reconnu à travers l'Empire romain, puisqu'on le retrouve aussi en Afrique ou dans les régions danubiennes, et que de ce fait, il a une significa tion plus restreinte : « toute communauté destinée à regrouper administrativement les populations rurales »153. Quelques années plus tard, il en donne une définition plus précise en excluant les étapes routières et les quartiers artisanaux. « L'agglomération non urbaine désignée comme vicus n'est ainsi rien d'autre au départ qu'un habitat assimilable par ses monuments et ses caractéristiques fonctionnelles a un quartier urbain ; il s'agit seulement d'une portion d'espace urbanisée, détachée topographiquement, mais non structurellement, de l'agglomération centrale. Le nombre des édifices ou éléments susceptibles de rapprocher physiquement l'agglomération secondaire du centre dont elle dépendait n'était pas défini. Leur présence partielle était même, sans doute, un des traits essentiels du vicus dit « rural ». [] Ils sont tous les témoins de l'influence politique et culturelle de la ville sur la campagne par le biais des notables. Un sanctuaire, souvent associé à des thermes, une station d'eaux thermales, un marché nanti d'un forum et d'une basilique constituaient ainsi les cas les plus communs d'agglomération permanente susceptible de recevoir le nom officiel de vicus. J'exclurais donc les étapes routières qui obéissaient á d'autres nécessités et répondaient à d'autres réalités. Les « quartiers » artisanaux me paraissent devoir être aussi écartés, dans la mesure où ils n'avaient pas, en tant que tels, de statut défini au sein d'une organisation de type urbain. »154 C'est aussi l'avis de Michel Tarpin qui, constatant la pluralité des définitions, montre que ce terme n'a pas comme vocation à définir un type d'agglomération en particulier, mais traduit plutôt un statut155. Yann Le Bohec156, Michel Mangin et Jean-Paul Petit157, Monique Dondin-Payre158, François Bertrandy et Joël Serralongue159 proposent de réserver cet usage aux sites dont le statut est avéré, par l'épigraphie par exemple. Au contraire, Philippe Lev souhaite ne pas limiter l'utilisation de ce terme aux sites qui sont mentionnés comme tels, mais qu'il soit appliqué à tous les groupements de populations ce qui est possible grâce à sa polysémie ; il ne tient pas compte d'un potentiel caractère juridique qui pourrait imposer que leur « création » soit officielle160. 152. (Chevallier, 1976, p. 3). 153. (Le Roux, 1976, p. 328). 154. (Le Roux, 1994, p. 156‐157) 155. (Tarpin, 2002, p. 241‐245 ; 2012). 156. (Le Bohec, 2008). 157. (Petit et al., 1994b, p. 10). M. Mangin semble avoir changé d'avis puisque, auparavant, avec Tassaux, il signale que bien que ce terme recouvre des réalités différentes, « cela ne doit nous empêcher de l'utiliser dans son sens le plus général » (Mangin, Tassaux, 1992, p. 462). 158. Par exemple, dans (Cribellier, Ferdière, 2012). 159. (Bertrandy et al., 1999, p. 70). 160. (Leveau, 2012, p. 173‐174). Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
La difficulté principale est d'utiliser un terme latin dont la signification antique nous échappe en grande partie. En effet, les textes montrent que ce mot a plusieurs significations. Si l'on prend la définition d'un groupement d'habitat, l'archéologie propose plusieurs plans et différentes caractéristiques : il n'est donc pas possible de dégager un modèle qui pourrait être appliqué de façon certaine. Par ailleurs, le mot vicus semble être un terme juridique et c'est donc une gageure de vouloir le définir grâce à des découvertes archéologiques qui sont souvent partielles. Il ne semble pas, par ailleurs, que cette appellation soit strictement réservée à un type précis d'agglomération. Ainsi, par mesure de précaution, il vaut mieux éviter d'utiliser cette dénomination pour des agglomérations qui ne sont pas nommées ainsi dans l'épigraphie.
c) Agglomération secondaire
L'expression « agglomération secondaire » paraît être la plus utilisée dans les publications mais elle n'est pas idéale. Philippe Leveau souligne dans un article161 que cette appellation n'existe pas à l'époque antique, mais est une création contemporaine. Michel Mangin donne comme définition : « tout site archéologiquement attesté qui se situe entre la ferme ou la villa isolée et la capitale de cité, c'est-àdire du village de paysans et de la station routière modeste à l'agglomération dont le paysage est très proche de la ville chef-lieu de cité »162. Cette description est reprise majoritairement par la suite ; car étant vague, sans définir clairement le sujet d'étude, elle permet d'inclure une multitude de réalités existantes sur le terrain. Par exemple, Michel-Edouard Bellet écrit que ce est « une sorte de fourretout bien commode [] on mélangeait ainsi des centres de culte, de véritables petites villes, des villages ou des haltes routières en un amalgame confus d'où ne sortait que la reconnaissance d'une situation mal comprise. »163. C'est l'absence de vocabulaire décrivant ces groupements de population qui pénalise les chercheurs : ils doivent pouvoir nommer un site de manière à ce que chacun comprenne sans ambiguïté de quoi il s'agit. 68 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique de spectacle, basilique), la ération II. Les agglomérations de la cité des Leuques
(Fig. 13) Les premières recherches sur les agglomérations du territoire leuque remontent aux années 1980 dans la mouvance des recherches menées en Franche-Comté par Michel Mangin, Bernard Jacquet et Jean-Paul Jacob qui aboutissent à la publication d'un atlas en 1986167. Mais depuis quelques années, la documentation n'a pas été réellement renouvelée, sauf pour quelques sites qui bénéficient de programmes de recherche. En outre, le nombre d'agglomération change d'un auteur à l'autre.
a) A la recherche des agglomérations leuques
(Annexe 1) Le colloque de Bliesbruck-Renheim/Bitche organisé en octobre 1992 a permis aux chercheurs de se rencontrer autour des agglomérations et plus spécifiquement dans les provinces de Gaule Belgique et des Germanies. Deux ouvrages seront édités suite à cette réunion. Le premier168 fait une synthèse sur les agglomérations de ces deux provinces, mais aussi sur quelques régions en dehors de celles-ci, et il inclut aussi les comptes-rendus de quatre tables-rondes sur les thèmes des réseaux, des origines et des déclins des agglomérations, de l'économie et du terme de vicus. Le second ouvrage consiste en un atlas169 reprenant région par région les agglomérations suivant un cadre qui rappelle celui mis en place en Franche-Comté170 (notice et tableaux récapitulatifs). Avec les mêmes entrées, on se rend compte que les données sont hé- térogènes et que certains sites sont très peu connus. Des cartes individuelles complètent l'ensemble, mais il manque une carte globale de toutes les agglomérations. Pour le territoire leuque, JeanLuc Massy dénombre quatorze agglomérations171. Ce dernier va continuer ses recherches en développant un programme d'étude lorrain sur les agglomérations aires. En 1997, un ouvrage collectif est publié172. Il regroupe des fiches normalisées autour de cinq grands axes – sources, historiques des recherches et bibliographies, géographie et toponymie, topographie antique et activités artisanales– nommées « Monographies » et de plus courtes notices nommées « Notes ». Il n'y aucun ajout ou aucune suppression par rapport à la liste établie pour le colloque de Bliesbruck-Renheim/Bitche. La recherche semble se suspendre à cette date. Quelques programmes centrés sur des sites, Nasium ou Grand par exemple, permettent de poursuivre des recherches spécifiques mais aucune recherche d'ensemble n'est effectuée. Lors de l'établissement des Cartes Archéologiques de la Gaule, les agglomérations des départements des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle sont abordées par Emilie Freyssinet173 alors que celles du département de la Meuse sont présentées par Frank Mourot174. 69 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique des sites d'Escles, de Laneuveille-devant-Nancy, de Liffol-le-Grand, de Sorcy-Saint-Martin et de Vittel mais elle ne les retient pas en tant qu'agglomérations alors que Plombières-les-Bains est réintégré au corpus
. Au final, sa liste pour la cité des Leuques comporte dix agglomérations. Dans un article récent176, Nicolas Coquet reprend la documentation des agglomérations du NordEst de la Gaule. Prenant un spectre chronologique plus large, il ajoute cinq sites à la liste des agglomérations potentielles dans le territoire leuque. Cependant, ces ajouts ne sont pas sans poser quelques problèmes pour la période qui nous intéresse. Dernier travail à ce jour, le mémoire de master de première année de Camille Demougin177 présente un bilan de ces recherches et propose un nouvel inventaire à partir des dépouillements réalisés notamment dans les cartes archéologiques de la Gaule. Elle donne une liste de trente-six hypothétiques agglomérations. La non-poursuite de ce sujet en seconde année ne permet pas d'aller plus loin dans l'analyse.
b) Les sites à exclure178
Si on réunit l'ensemble des sites qui ont été cités dans les diverses publications, on aboutit à une liste de trente-huit noms. Or, dans le détail, il apparait que tous ces sites ne peuvent pas être considérés comme des agglomérations de la cité des Leuques. Le cas particulier de Dieulouard-Scarpone (Meurthe-et-Moselle) doit être posé. Dans un article récent, Luc Sanson179 revient sur l'attribution de cette station routière à la cité des Leuques180. L'auteur y reprend l'abondante bibliographie produite depuis la découverte du site au XVIIIe siècle. La de deux fausses inscriptions par le père Benoît-Picard et son indication de Scarpone comme relevant du diocèse de Toul aurait induit en erreur les chercheurs alors qu'une borne découverte en 1778181 au lieu-dit La Croix Saint-Nicolas, bien avant l'agglomération antique, accrédite la thèse d'une Scarpone médiomatrique. Il est difficile de s'appuyer uniquement sur les diocèses médiévaux ; mais Luc Sanson souhaite montrer que Scarpone fait bien partie du diocèse de Metz et non de Toul. Il cite Henri Lepage qui, effectivement, place Scarpone dans le diocèse de Metz, mais il fait de même pour Dieulouard lorsqu'il parle du pouillé du diocèse de Toul182. La différence de sémantique est au coeur du problème et la conclusion que l'on doit en tirer est que le maniement des limites de diocèses est délicat. 176. (Coquet, 2011). 177. (Demougin, 2016).
178. Les informations utilisées pour réfuter ces sites sont issus principalement des différentes cartes archéologiques de la Gaule (Mourot, 2002 ; Hamm, 2004 ; Michler, 2004). Ponctuellement, des publications complémentaires ont pu être utilisées ; elles seront indiquées en note de bas de page. 179. (Sanson, 2012). 180. Nous avions laissé ce dossier de côté lorsque nous avons parlé des limites de cité, car nous avions pour but de nous concentrer sur la partie sud-ouest. Ainsi, notre cartographie fait état des limites communément admises qui font de Dieulouard-Scarponne une agglomération leuque. 181. CIL XVII-02, no 536 = CIL XIII, no 9050. 182. (Lepage, 1863, p. 7).
183.
CIL XVII-02, no 538
=
AE 1969/70, no
415
. 184. On pourra aussi se référer à (Fetet, 2009a, p. 220‐221 ; 2009b, p. 10‐20). Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
Nous ne retiendrons donc pas ce site dans la liste. Les premières mentions du site d'Einville-au-Jard (Meurthe-et-Moselle) remontent au XIXe siècle alors qu'on mentionne des découvertes qui y sont réalisées. En 1973, des fouilles sont entreprises au lieu-dit « La Malnoix », mais ce n'est qu'à partir de 1982, grâce aux prospections aériennes fréquentes de René Berton que le site commence à se dévoiler. Il semble qu'il se compose de trois ensembles sans lien apparent qui s'étendent sur 2 km. Aux trois endroits, les photographies aériennes dévoilent des bâtiments organisés autour de cours et de péristyles, mais certains auteurs, devant l'importance des vestiges, refusent d'y voir des villae et les interprètent comme des lieux de culte. Bien que la fonction de ces bâtiments soit soumise à discussion, sur un des secteurs la fonction cultuelle est probablement représentée : on y trouve cinq structures hexagonales fossoyées, dont certaines doubles et dont les deux plus importantes sont comprises dans un enclos fossoyé, et une structure trapézoïdale fossoyée contre laquelle se trouve un petit rectangle fossoyé lui aussi. Le peu de vestiges observés empêche une identification comme une agglomération, de même la fonction religieuse prédominante n'est pas prouvée. Seules des fouilles qui amèneraient aussi des datations permettraient de trancher. Á Essey-les-Nancy (Meurthe-et-Moselle), la Butte Sainte-Geneviève est identifiée comme un éperon barré. Des fouilles aux XIXe et XXe siècles ont permis d'étudier le rempart et ont révélé la présence de soixante-sept habitats protohistoriques datables de Tène finale. Les seules traces d'habitat gallo-romain ont été trouvées au lieu-dit Haut du Château mais les éléments sont trop ténus pour pouvoir parler d'une agglomération185. Á Giriviller (Meurthe-et-Moselle), en 1840, une pièce carrée de 3,50 m de côté a été découverte dans un champ. Les murs étaient conservés sur une hauteur de 2 m et des stèles représentant Mercure y étaient enchâssées. Une villa organisée autour d'une cour centrale a aussi été fouillée. Elle a été occupée du Ier au IIIe siècle. Bien qu'une voie antique passe sur la commune, les découvertes effectuées ne sont pas assez tangibles pour qu'on puisse retenir ce site. Á Haironville (Meuse), cinq habitats antiques, dont un hypothétique, ont été signalés suite à des prospections pédestres. 71 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
ments de tuiles et des briques sont bien mentionnés sur le ban communal. Au lieu-dit La Cornée, des éléments de constructions romaines ont été signalés. De plus, des fragments d'armes de l'époque mérovingienne auraient été trouvés190. Ces indices sont anciens et aussi trop peu suffisants pour retenir ce site. Sur le territoire de la commune de Lesménils (Meurthe-et-Moselle), deux bâtiments avec leurs sols, des restes d'hypocauste, un puits ou un silo et un petit fossé ont été mis en évidence. De nombreux mobiliers gallo-romains ont été aussi retrouvés. Quatre autres occupations de la même époque ont été signalées suite à des prospections pédestres. A ce stade des connaissances et bien qu'un miliaire dédié à Trajan Dèce y ait été trouvé, il semble que ce site soit celui d'un établissement rural ou d'un petit relais routier plutôt que celui d'une agglomération. Maxey-sur-Vaise (Meuse) se serait développé sur 150 ha autour d'un carrefour de 3 voies, dont une mènerait à Grand, selon H. de Widrange, auteur du XIXe siècle191. Cette estimation s'est faite grâce à la découverte de nombreux vestiges d'habitats (tuiles, tessons, briques). En outre, une photographie aérienne montre un habitat pouvant être interprété comme une villa. En l'absence d'une documentation plus consistante, il n'est pas évident qu'une agglomération se soit développée autour de ce carrefour. Á Moncel-sur-Vair (Vosges), un site de type éperon barré a été mis en évidence sur le Mont Julien. Une occupation de La Tène Finale attestée notamment grâce aux nombreuses découvertes monétaires192. Des sondages effectués en 1970 par les Eclaireurs de France ont livré de la céramique, un couteau en fer et des monnaies gallo-romaines mais aucune structure rattachable à cette époque. Il est probable que l'habitat ait migré vers Soulosse-soussaint-Elophe dont l'occupation dès le milieu du Ier siècle est attestée. Il faut noter aussi qu'un établissement à cour centrale et à ailes latérales a été photographié au lieu-dit Le Talonfour. Á Montigny (Meurthe-et-Moselle), une villa ain- si qu'une nécropole du Haut Moyen Âge ont été observées lors d'un sondage d'évaluation réalisé en 2001 par JeanPaul Legendre193. Bien que des signalements anciens indiquent la présence de fragments de tuiles et de la découverte de trois cent cinquante monnaies, rien ne permet de dire que nous sommes en présence d'une agglomération plutôt que d'une villa importante. Chapitre 3 : Les agglomération
s de la
cité
des Leuques et leur place au sein du territoire civique parle de plusieurs bâtiments perceptibles grâce à des concentrations d'éléments architecturaux calcinés. En outre, une partie d'un bâtiment antique a été dégagée sous le village qui pourrait être construit sur un établissement rural. Ici encore, rien ne permet de dire que nous sommes en présence d'une agglomération : il s'agirait plutôt d'une exploitation dont on a retrouvé deux bâtiments. Á Sauvigny (Meuse), un site de hauteur de type éperon barré a été mis en évidence au lieu-dit En Camp. Cependant, aucune fouille n'ayant jamais été réalisée il est délicat de se prononcer sur son occupation. Si Justin-François Gaudé y voit un camp romain, des ramassages de surface ont livré des tegulae, une pointe de flèche et des monnaies romaines. La nature de l'occupation gallo-romaine est donc incertaine. En outre, au pied de cet éperon, un bâtiment accolé à une voie reliant Verdun à Soulosse-sous-saint-Elophe a été dégagé. Il possédait un hypocauste et il a livré des fûts de colonne et des chapiteaux. Il s'agirait donc plutôt d'un relais. Le long de la voie reliant Reims à Toul, des concentrations d'objets archéologiques sur une vaste superficie ont été signalées à Sauvoy (Meuse). Au bois du Bermont un petit bâtiment gallo-romain a aussi été signalé. Dans ce cas, trancher est plus difficile puisque les observations semblent avoir été faites sur une grande surface. Cependant, les indices d'occupation ne semblent être ni continus, ni contigus. En l'absence d'informations nouvelles et complémentaires, il est plus prudent de ne pas retenir ce . Sur le territoire de la commune de Thuillières (Vosges), divers habitats ont été mentionnés suite à des prospections pédestres. Rien n'indique donc l'existence d'une agglomération. Á Tomblaine (Meurthe-et-Moselle), une nécropole à enclos du Bronze final à La Tène C et une zone d'habitat de La Tène C et D ont été fouillées. Il s'agirait donc d'un exemple d'habitat groupé qui s'est implanté à proximité d'une nécropole plus ancienne196. Cependant, aucune trace d'occupation gallo-romaine n'a été relevée. Á Troussey (Meuse), un habitat de transition Halstatt final/La Tène ancienne a été mis en évidence au lieu-dit Les Menuisiers. Grâce à une prospection aérienne, une villa romaine a été identifiée au lieu-dit Crottes. Maurice Toussaint a parlé d'une petite agglomération ou d'un établissement rural suite à la découverte de vestiges gallo-romains lors des travaux du canal de la Meuse au Rhin. La présence d'une villa à proximité fait pencher la balance vers l'hypothèse d'un établissement rural. Á Varney (Meuse), un site de relais situé au confluent de l'Ornain et du ruisseau de l'Etang et sur la voie romaine reliant Reims à Toul a été signalé par l'érudition. C'est un habitat antique avec des traces d'incendie ainsi qu'une nécropole mérovingienne qui sont mentionnés sur le territoire de la commune. Aucun élément ne vient donc accréditer la présence d'une agglomération, il s'agit plutôt d'un petit établissement rural. Des substructions antiques sont mentionnées par Félix Liénard à Vaudeville-le-Haut (Meuse)197. Une nécropole mérovingienne a aussi été mise en évidence. La documentation est trop ancienne et ténue pour qu'on puisse conclure à l'existence soit d'une agglomération, soit d'un établissement de bord de voie. Á Vignot (Meuse), un habitat groupé de la période laténienne a été découvert suite à une fouille en 2000. Le mobilier recueilli peut être daté de la fin de La Tène finale et du début de l'époque augustéenne, ce qui semble être confirmé par des analyses dendrochronologiques effectuées sur des éléments de cuvelage d'un puits198. La prospection aérienne a révélé la présence d'un bâ ressemblant à un fanum gallo-romain. D'autres traces d'occupation non datées sont visibles par photographies aériennes. Nous ne pouvons donc conclure sur l'existence ou non d'une agglomération à l'époque gallo-romaine. Après cette revue des sites que nous n'avons pas retenus, la liste des agglomérations potentielles du territoire leuque tombe à quatorze sites. 196. (Féliu, 2008, p. 146‐147). 197. (Liénard, 1881, p. 112) 198. L'abattage aurait eu lieu vers 30 ±10 avant J.-C. (Féliu, 2008, p. 147‐148). 73 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
Fig. 13 Carte des agglomérations retenues et rejetées dans la Cité des Leuques (C.A.O. : A. Resch, 2017)
74 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique c) Les agglomérations de la cité des Leuques199
Dans cet inventaire des agglomérations de la cité des Leuques,nous ne parlerons ni de Grand, ni de Naix-aux-Forges (Nasium) dont la réalité est prouvée et dont nous avons déjà parlé.
1. Bains-les-Bains, nom antique inconnu200
Bains-les-Bains (Vosges) est un site décrit par Dom Calmet. Un bassin de 7,44 m sur 5,72 m alimenté par trois sources a été en partie détruit lors de son agrandissement entre 1844 et 1846. La découverte d'une intaille dans les interstices du dallage et d'une monnaie romaine dans le béton du fond du bassin a permis de le dater de l'époque romaine. Des puits antiques et des aménagements liés à l'eau ont également été décrits. De plus, une stèle funéraire a été retrouvée dans le lit du Bagnerot. Les traces sont ténues mais ce site fait vraisemblablement partie des nombreux lieux liés aux sources thermales que nous connaissons dans la région – Bourbonne-les-Bains, Plombières-les-Bains ou Vittel, par exemple. 2. Bar-le-Duc, Caturi
ces
/Caturicis Bar-le-Duc (Meuse) a été identifié très tôt, dès le milieu du XVIIIe siècle, comme Caturices/Caturicis, station mentionnée par la table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin, qui se situait sur la voie impériale Reims- par Toul. Malheureusement, la documentation est ancienne et l'urbanisation actuelle ne permet que ponctuellement les investigations archéologiques. Sur 10 à 15 ha, une agglomération se serait développée autour d'une rue principale qui correspond à la voie antique Reims-Metz. Elle est située à proximité d'un gué de l'Ornain et d'un carrefour de cinq voies qui s'embrancheraient sur l'axe principal Reims-Toul. Lors de dégagements, des indices liés à des activités de production de tabletterie et de forge ont été trouvés : ce sont les seuls éléments qui témoignent d'activités artisanales, qui semblent correspondre à un besoin local. Une nécropole est connue sur la Côte Sainte-Catherine au nord-est de l'agglomération. Il est difficile d'établir une chronologie fiable puisque trop peu d'éléments datants ont été décrits dans leur contexte de découverte, notamment stratigraphique. Devant l'abondance des monnaies gauloises et la situation topographique de l'agglomération antique, les auteurs anciens pensaient qu'elle aurait pu être précédée d'un ou deux sites en hauteur du deuxième Âge du Fer ou même d'un habitat à l'emplacement de l'agglomération antique, sans qu'aucune preuve ne soit apportée. En effet, aucune structure antérieure au iersiècle n'a été retrouvée pour l'instant. C'est essentiellement le mobilier céramique qui permet d'avancer une période d'occupation : elle ne devient significative qu'à partir de la seconde moitié du Ier siècle. L'occupation sur le site cesse vraisemblablement à la fin du IIIe siècle bien que des monnaies du ve siècle aient aussi été retrouvées ; ce hiatus est à attribuer à une incertitude de datation des céramiques plutôt qu'une absence réelle d'occupation au IVe siècle. Les chercheurs avancent l'hypothèse d'un déplacement de l'agglomération antique.
3. Deneuvre, nom antique inconnu
Le site de Deneuvre (Meurthe-et-Moselle) est établi sur un éperon barré de 5 ha qui domine la Meurthe ; en outre, quatre voies secondaires passant à proximité du site et un pont enjambant la rivière sont mentionnés. Les recherches y sont anciennes mais importantes : de 1868 à 1890 puis de 1967 à 1987, des fouilles sont menées notamment sur les vestiges d'un sanctuaire en activité du début du IIe siècle à la fin du IVe siècle. Lié à une source, il était dédié à Hercule et se composait d'un système de cinq bassins (2 en bois 3 en pierre). L'autre élément monumental de ce site est la Tour Bacha, construction plus tardive établie sur un promontoire. Il s'agit d'un bâtiment à double enceinte dont la fonction n'a pas encore été tranchée. Des fouilles ont été menées sur des habitations et certaines ont livré des indices d'occupation ; cependant, la compréhension de l'ensemble des éléments est encore délicate. Une villa et des habitations ont pu aussi être observés au pied de l'éperon et au sud de la partie haute de la commune actuelle. L'artisanat est représenté par au moins trois ateliers de potiers situé à l'écart de l'agglomération. 199. Les informations utilisées pour établir ces paragraphes récapitulatifs sont tirés de (Hamm, 2004 ; Petit et al., 1994a ; 1994b ; Massy, 1997 ; Mourot, 2002 ; Michler, 2004). 200. On pourra aussi se référer à (Fetet, 2009a, p. 223 ; 2009b, p. 21‐28). 75 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
Une stèle funéraire représentant deux bûcherons avec une scie longue peut attester du travail du bois. De même, le grès qui affleure en plusieurs endroits sur la commune a pu être exploité à l'époque antique comme semblent le montrer les éléments sculptés dans ce matériau. L'existence de ce site avant la conquête est hypothétique : un fossé barrant l'éperon a été fouillé et il pourrait avoir été creusé à l'époque protohistorique mais aucune datation n'a pu être fournie. L'agglomération semble se développer vers le milieu du Ier siècle et être abandonnée à la fin du IVe siècle. 4. Escles, nom antique inconnu201 Escles (Vosges) est un site souvent sur-interprété dans la littérature. Selon la tradition érudite, l'agglomération se situerait à proximité d'un carrefour de voie et d'un passage sur le Madon : une voie reliant Corre (Haute-Saône) à la vallée de la Moselle et un chemin vers Epinal. Les premiers indices trouvés d'occupation à l'époque antique sont les artefacts liés à la sphère funéraire (objets, stèles et édicules). Ils pourraient provenir d'une nécropole datée des IIe et IIIe siècles. Les prospections récentes montrent que des traces d'habitat se concentrent le long de la voie de Corre à la Moselle sur environ 1 km de long. Il s'agit donc probablement d'une agglomération de bord de voie. 5. Laneuveville-devant-Nancy et La Madeleine, nom antique inconnu Laneuveville-devant-Nancy et le site de La Madeleine (Meurthe-et-Moselle) posent un problème particulier puisqu'on ne sait pas si ces deux sites sont li ou non. La documentation étant ancienne (XVIIIe et XIXe siècles), elle est peu précise sur les descriptions et les localisations. Ainsi, elle ne s'est pas renouvelée depuis 1846 pour l'agglomération de Laneuveville et depuis 1968 pour l'atelier de potier de La Madeleine. Les deux sites se situent près de la Meurthe, ce qui peut expliquer le développement de ces sites loin des axes routiers principaux. Le site de Laneuveville se développe sur environ 2 000 m2. Trois lieux de culte de source sont attestés sans que l'on connaisse bien leur environnement architectu- ral - les restes d'un aqueduc et de thermes ont pu être toutefois mis en évidence. Malgré la présence de monnaies et de tessons de céramique, aucune trace d'habitation n'a pu être révélée. Notons toutefois, la présence d'une villa au lieu-dit La Géline. 201. On pourra aussi se reporter à (Fetet, 2009a, p. 218‐220 ; 2009b, p. 103‐129). 202. On pourra aussi se référer à (Fetet, 2009a, p. 221‐222 ; 2009b, p. 224‐241). 76 Chapitre 3 : Les agglomérations de la cité des Leuques et leur place au sein du territoire civique
7. Saint-Dié-des-Vosges, nom antique inconnu Saint-Dié-des-Vosges (Vosges) est considéré comme une agglomération secondaire avec un marché. Cependant, c'est le camp de La Bure qui est le mieux renseigné. Il s'agit d'un éperon barré d'une surface de 3,1 ha. Cet éperon permettait de surveiller une partie de la vallée de la Meurthe et de la Hure, mais surtout les cols environnants : la voie Langres-Strasbourg passe par le col du Donon, une branche de cette voie par les cols de Sainte-Marie et du Bonhomme et la voie Délestat-Metz par le col de Saales. Il est toutefois difficile de connaître son organisation interne qui semble se concentrer sur seulement 1,2 ha : les bâtiments sont signalés principalement par des empierrements dont les rôles sont difficiles à discerner. Cependant, on sait que le site a abrité trois « bassins » creusés dans le grès qui pourraient correspondre à des traces d'extraction. C'est le rempart qui est le mieux connu : établi en 70-60 av. J.-C., il fut modifié en 30-20 av. J.-C. et à la fin du IIIe siècle. Les découvertes réalisées sur le site montrent qu'avant l'époque romaine, le travail métallurgique du bronze existait. D'autres activités artisanales sont connues : forgeage, bûcheronnage, extraction de grès, agriculture et élevage. Son occupation est attestée de La Tène Finale à la fin de l'époque romaine. 8. Saxon-Sion, nom antique inconnu Sion (Meurthe-et-Moselle) est un cas très particulier puisque la transition entre l'Indépendance et l'époque romaine est prouvée sans atus. Le site est documenté dès le milieu du XVIIIe siècle, les premières fouilles sont réalisées en 1873 mais ce sont les fouilles de sauvetage de 1964 et des années 1980 qui permettent de révéler l'importance de ce site. Il est principalement établi sur un éperon barré de 6 ha dominant la vallée du Madon. Il est occupé dès le Bronze final mais l'habitat ne se fixe de façon importante qu'à partir de La Tène finale. À la période romaine, l'agglomération sort du rempart protohistorique et se développe sur environ 10 ha et sur les pentes du plateau en trois endroits. Un rempart plus petit qui suit parfaitement le point de rupture de la pente semble avoir été édifié durant le Bas Empire comme une protection supplémentaire.
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Design de nouveaux synthons dérivés de l'acide oléique : application à la synthèse de polyuréthanes
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Synthèse de copolymères linéaires.......................................................................... 180 167
CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE
Ce chapitre traite de la polymérisation d’un nouveau polyol synthétisé par Mr Cédric EPOUNE dans le cadre d'une thèse effectuée en collaboration entre l'ITERG et le Laboratoire de Chimie Organique et Bioorganique (UMR 5246 ICBMS) de l'INSA de Lyon. Il s’agit d’un dérivé de l’acide oléique hydroxylé possédant un groupement glycoside terminal (Figure V11). Le motif glycoside est apporté par transestérification, et les fonctions alcool de la chaine grasse sont générées par époxydation/hydroxylation de la double liaison. Pour simplifier, cette molécule est appelé AOG, pour Acide Oléique Glycoside.
Figure V1 : Structure de l’Acide Oléique Glycoside. La plupart des glycopolymères1 (polymères dont la structure comporte des groupements saccharidiques) synthétisés sont issus de dérivés vinyliques2, acryliques3-5 ou acryloyles6 sur lesquels sont incorporés des groupements saccharides pendants. La synthèse de polyuréthanes linéaires issus de dérivés glycosidiques a été très peu étudiée car il est difficile d’obtenir un monomère possédant une fonctionnalité de deux, la plupart des sucres possédant plus de 4 fonctions alcool réactives. Néanmoins, dans les années 1990, Deffieux et ses collaborateurs ont travaillé sur la synthèse de polyuréthanes linéaires à partir de seulement deux fonctions alcool primaire du sucrose, les autres alcool secondaire ayant été préalablement protégés.7 Plus récemment, Hashimoto et al. ont synthétisé de nouveaux diols précurseurs de polyuréthanes, à partir de dérivés du glucose.8 Dans le cadre de notre étude, la structure de l’AOG se révèle très intéressante en raison de ses multiples fonctions alcool qui en font un précurseur potentiel de réseaux polyuréthane. Après avoir confirmé la structure de l’AOG et décrit les différentes méthodes de synthèse qui permettent l’obtention de polyuréthanes linéaires ou de réseaux, la deuxième partie de ce chapitre sera consacrée à la modulation des propriétés thermomécaniques de copolymères préparés à partir de l’AOG et de l’oléate de pentanol hydroxylé (OPH). 168 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 1. SYNTHESE DE POLYURETHANES A PARTIR DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 1.1. ANALYSE SPECTRALE DE L’AOG
La structure chimique de l’AOG est confirmée par l’analyse des spectres RMN 1H (Figure V2) et RMN 13 C (Figure V-3) réalisés respectivement dans le DMF-d7 et le DMSO-d6. Les signaux relatifs aux protons e, f, g, h, i et j du groupement glycoside se situent entre 4,2 et 5,6 ppm. Le multiplet situé à 4,4 ppm correspond aux protons b des carbones porteurs des fonctions alcool de la chaine C18. Sur le spectre RMN 13 C, les signaux correspondants aux carbones du groupement glycoside se trouvent entre 50 et 75 ppm et ceux des deux carbones b se situent à 73,17 ppm.
a
b c i d e h g f j DMF 7 DMF-d a j DMF DMF-d7 c b i fg i d h dg
Figure V2 : Spectre de RMN 1H de l’AOG (DMF-d7, 400 MHz).
169 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE
a DMSO c b i d e f g h j h g b d e d b,h,g,e,d c a j f i Figure V3 : Spectre de RMN 13C de l’AOG (DMSO-d6, 400 MHz). 1.2. MÉTHODOLOGIE
L’AOG a été testé comme polyol dans la synthèse de nouveaux polyuréthanes, en présence d’IPDI comme co-monomère (Figure V-4). Les polymérisations ont été catalysées par le DBTDL (0,1wt%) et menées à 60°C. Lorsque la réaction est réalisée en masse et pour un rapport molaire NCO/OH de 1, le milieu se fige au bout de quelques minutes, entrainant un mélange hétérogène difficile à caractériser. Le choix d’effectuer la polymérisation dans un solvant (THF ou DMF) permet une meilleure reproductibilité des expériences. Les réactifs sont alors solubilisés à 20% en masse par rapport à la masse totale.
60°C + AOG IPDI POLYURÉTHANE 0,1% DBTDL Figure V4 : Réaction de l’AOG avec l’IPDI à 60°C en présence de DBTDL. Le suivi de chaque polymérisation a été réalisé par spectroscopie infrarouge, grâce à la disparition de la bande de vibration des fonctions isocyanate à 2250 cm-1 ainsi que 170
CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE G
LY
COSIDE
l’apparition de celle des fonctions uréthane localisée à 1530 cm-1. La réaction est considérée comme finie lorsque la bande de vibration des fonctions isocyanate n’évolue plus.
1.3. POLYMÉRISATION DANS LE THF
Le Tableau V-1 rassemble les résultats des polymérisations réalisées dans le THF, pour différents rapports molaires fonctions isocyanate / fonctions alcool.
Tableau V1 : Résultats expérimentaux des polymérisations réalisées à partir de l’AOG et de l’IPDI dans le THF. Rapport molaire nNCO/nOH Durée de la réaction a Conversion NCO Solubilité du polymère b Mw (g/mol) / IP c Tg (°C) d 1 1 20h Incomplète Insoluble dans le THF - - 2 0,7 20h Incomplète Insoluble dans le THF - - 3 0,5 20h Incomplète Insoluble dans le THF - - 4 0,38 20h Totale Soluble dans le THF 13 500 / 1,7 39 5 0,2 20h Totale Soluble dans le THF 8 500 / 1,5 38 a Déterminée lorsque la bande de vibration des fonctions isocyanate à 2250 cm-1 n’évolue plus. polymère dans le solvant lorsque la réaction n’évolue plus. c b Solubilité du SEC, solvant DMF, étalonnage PS, d IP=dispersité=Mw/Mn. DSC, rampe de -100°C à 150°C,
à
10°C
/min.
Lorsque la polymérisation est réalisée en proportion stœchiométrique de fonctions isocyanate par rapport aux fonctions alcool, on s’attend à l’obtention d’un réseau et à une conversion totale des fonctions réactives (entrée 1). Or, même si le caractère insoluble du polymère dans le THF témoigne d’une contribution d’au moins 3 fonctions alcool de l’AOG, l’analyse par infrarouge du polyuréthane montre la présence de fonctions alcool et isocyanate résiduelles. En effet, la bande de vibration des fonctions isocyanate à 2250 cm-1 diminue pendant 20h mais ne disparait pas complètement.
171
CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE
Ces observations sont toujours valables lorsque les fonctions isocyanate sont introduites en défaut (entrées 2 et 3). En effet, pour des rapports molaires compris entre 0,5 et 1, la conversion des fonctions isocyanate reste incomplète, ce qui se tradu it par une absence de réactivité de certaines fonctions alcool. Pour des rapports molaires inférieurs ou égaux à 0,38, la conversion des fonctions isocyanate est complète au bout de 20h comme le montre le suivi cinétique en infrarouge sur la Figure V5. De façon remarquable, les polyuréthanes ainsi obtenus sont solubles dans le THF (entrées 4 et 5). Ces résultats amènent à penser que cette valeur seuil de 0,38 correspond à ne considérer que la seule contribution de seulement deux fonctions alcool sur les cinq que comporte ce polyol.
NCO: 2250 cm-1 Uréthane: 1530 cm-1 20h 6h 3h 50 min 20 min 5 min t0 (cm-1 )
Figure V5 : Suivi cinétique par spectroscopie infrarouge de la polymérisation de l’AOG avec l’IPDI. L’analyse du spectre RMN 1H du polyuréthane obtenu révèle la disparition du signal à 4,40 ppm des deux protons b des carbones porteurs des fonctions alcool de la chaine C18 (Figure V-6).
A l’inverse, les signaux localisés à 4,25 ppm, 4,50 ppm et 4,75 ppm relatifs aux protons d, g et h des carbones porteurs des fonctions alcool du groupement glycoside n’ont pas disparu, ce qui semble indiquer que ces fonctions alcool n’ont pas réagi lors de la polymérisation.
172
CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE
L’AC
IDE
OLEIQUE GLYCOSIDE f a b c b i j a g d h j DMF-d7 c DMF-d7 d i i f b h g a j c d h i f g i
Figure V6 : Spectres RMN 1H (DMF-d7, 400 MHz) de l’AOG (en rouge) et du polyuréthane linéaire (en noir). Le spectre RMN 13 C du polyuréthane représenté Figure V-7 confirme les résultats obtenus précédemment. La comparaison avec le spectre RMN 13C de l’AOG montre que les fonctions alcool de la chaine C18 ont été consommées alors que celles du groupement glycoside ont été conservées. En effet, le signal à 73,17 ppm relatif aux deux carbones b porteurs des alcools de la chaine C18 disparait à la fin de la polymérisation, alors que les pics à 73,08 ppm, 71,77 ppm et 69,55 ppm correspondants respectivement aux carbones e, d et g du groupement glycoside sont encore présents.
173 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE
h a f c b g i + e d DMSO a g c d h i a g c h d e b j d e i f g f g (ppm) Figure V7 : Spectres RMN 13C (DMSO-d6, 400 MHz) de l’AOG (en rouge) et du polyuréthane linéaire (en noir).
Le fait que les deux fonctions alcool de la chaine C18 réagissent prioritairement dans le THF parait plausible dans la mesure où le glucose n’est pas soluble dans le THF, contrairement aux dérivés d’acide gras. La sélectivité de ces deux types de fonction alcool dans ce solvant permet donc d’obtenir des polyuréthanes linéaires pour un rapport molaire proche de 0,4. La réaction envisagée est alors la suivante :
174 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE THF +
Figure V8 : Polymérisation de l’AOG avec l’IPDI dans le THF conduisant à la synthèse d’un polyuréthane linéaire. Un suivi des masses molaires a été réalisé dans l’essai 4, c'est-à-dire pour un rapport molaire NCO/OH optimisé conduisant à un polyuréthane linéaire (Figure V-9). Dans ce cas, un polyuréthane de l’ordre de Mw=13 500 g/mol est obtenu. La relative faible valeur de la masse molaire est sûrement due au fait que l’on n’a pas atteint la parfaite stœchiométrie des fonctions alcool de la chaine C18 par rapport aux fonctions isocyanate.
Dn (min) Figure V9 : Evolution du chromatogramme SEC du polyuréthane linéaire préparé à partir de l’AOG et de l’IPDI à 60°C (étalonnage PS, solvant DMF).
La polymérisation de l’AOG avec l’IPDI dans le THF a donné des polyuréthanes linéaires pour un rapport molaire isocyanate
/
alcool de 0,38. Il est ensuite apparu intéressant de choisir un solvant qui favorise l’obtention d’un réseau 3D.
175 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 1.4. POLYMÉRISATION DANS LE DMF
Des essais de polymérisation ont aussi été réalisés dans le DMF, qui s’avère être un bon solvant de l’AOG. Le Tableau V-2 rassemble les résultats obtenus lors des polymérisations effectuées dans ce solvant, pour différents rapports fonctions isocyanate / fonctions alcool.
Tableau V2 : Résultats expérimentaux des polymérisations réalisées à partir de l’AOG et de l’IPDI dans le DMF. Rapport molaire nNCO/nOH Durée de la réaction a Conversion NCO Solubilité du polymère b Tg (°C) c 1 1 15h Totale Insoluble dans le DMF 149 2 0,7 15h Totale 3 0,5 15h Totale 4 0,2
h Totale Insoluble dans le DMF Insoluble dans le DMF Insoluble dans le DMF a 99 69 35 Déterminée lorsque la bande de vibration des fonctions isocyanate à 2250 cm-1 n’évolue plus. b Solubilité du c polymère dans le solvant lorsque la réaction n’évolue plus. DSC, rampe de -100°C à 200°C, 10°C/min. Toutes les polymérisations menées pour des rapports molaires variant de 0,2 à 1 conduisent à une conversion totale des fonctions isocyanate et à l’obtention de polymères insolubles dans le DMF. Ce résultat s’explique logiquement par l’entière réactivité des cinq fonctions alcool dans ce solvant.
1.5. ANALYSE THERMOMÉCANIQUE DES POLYURÉTHANES
La caractérisation des polyuréthanes par analyse enthalpique différentielle révèle des Tg proche de 38°C pour les polyuréthanes linéaires et allant de 35 à 149°C pour les réseaux 3D. Les propriétés thermiques des réseaux peuvent en effet être modulées selon la valeur du rapport molaire NCO/OH qui influe directement sur la densité du réseau. Les températures de transition vitreuse varient alors de 35°C pour un rapport molaire de 0,2 à 149°C pour un rapport molaire de 1 (Figure V-10).
176 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 160
140 T g (°C) 120 100 80 60 40 20 0 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 nNCO/nOH
Figure V10 : Evolution de la Tg du réseau 3D en fonction du rapport fonctions isocyanate / fonctions alcool.
Les polyuréthanes synthétisés à partir de dérivés d’acides gras présentent la plupart du temps des Tg basses, souvent négatives. C’est par exemple le cas des polyuréthanes linéaires issus des diols C18-R-C18 décrits dans le chapitre I, pour lesquels les Tg ne dépassent pas -15°C. A l’inverse, les polyuréthanes issus de l’AOG présentent des Tg bien plus hautes. L’incorporation de motifs AOG dans les polyuréthanes issus de synthons à base oléique pourrait donc être une solution pour augmenter la Tg de ces matériaux. C’est ce que nous avons testé 2. SYNTHESE DE COPOLYMERES ISSUS DE L’AOG ET DE L’OLEATE DE PENTANOL
Dans l’objectif de moduler les propriétés thermomécaniques de polyuréthanes de basses Tg, une série de copolymères ont été synthétisés à partir de l’oléate de pentanol hydroxylé (OPH) et de l’AOG. Des polyuréthanes linéaires ou des réseaux 3D ont été formés selon la nature du solvant utilisé lors de la polymérisation (Figure V-11).
+ IPDI Dans THF Copoly
mère
linéaire + +
I
PDI Dans D
MF
Co
polymère tridimensionnel Figure V11 : Synthèse de copolymères linéaires statistiques ou de réseaux 3D issus du mélange AOG/OPH.
177
CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 2.1. SYNTHESE DE RESEAUX 3D A PARTIR DE COPOLYMERES AOG/OPH
Les réactions de polymérisation ont été effectuées dans le DMF, l’IPDI étant introduit en proportion stœchiométrique par rapport au nombre total de fonctions alcool. Les copolymères AOG/OPH sont préparés à partir de différentes fractions molaires en AOG. La conversion totale est atteinte lorsque la bande de vibration des fonctions isocyanate disparait complètement en infrarouge. La Figure V-12 représente à titre d’exemple le spectre infrarouge d’un réseau de polyuréthane AOG/OPH préparé à partir de 20% molaire en AOG.
3300 cm -1 : NH 1530 cm-1 : uréthane (cm-1 ) Figure V12 : Spectre infrarouge d’un réseau de polyuréthane AOG/OPH préparé à partir de 20% molaire en AOG. L’analyse par AED des polyuréthanes résultants révèle clairement l’influence de l’AOG sur la Tg du matériau (Figure V-13), celle-ci augmentant linéairement avec la
molaire en AOG. Elle varie de -36°C pour un taux en AOG de 0% à 149°C pour 100% d’AOG incorporé (Figure V-14). 178 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE
100% 0% 149°C 20% 80% 119°C 80% 20% -8°C 100% 0% -36°C -100 40% 60% 28°C 0 -50 50 60% 40% 91°C 100 150 200 (°C)
Figure V13 : Thermogrammes des réseaux de polyuréthanes AOG/OPH préparés à partir de fractions molaires en AOG variant de 0 à 100% (rampe -100 à 200°C, 10°C/min). 200 150 Tg (°C) 100 50 0 0 20 40 60 80 100 -50 -100 % molaire en AOG Figure V14 : Evolution de la Tg des réaseaux de polyuréthanes en fonction de la fraction molaire en AOG. Ce résultat est très intéressant car il permet l’accès à des réseaux de polyuréthanes biosourcés présentant des propriétés thermomécaniques modulables.
179 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 2.2. SYNTHÈSE DE COPOLYMÈRES LINÉAIRES
Polyuréthane AOG linéaire PolyuréthaneAOG AOG/MEP linéaire Polyuréthane / OPH linéaire EG OPH MEP
Figure V15 : Représentation schématique d’une chaine de polyuréthane linéaire possédant des motifs AOG et d’une chaine de copolymère linéaire AOG/OPH.
Les polymérisations ont été réalisées dans le THF. Seules les deux fonctions alcool de la chaine C18 de l’AOG et les deux fonctions alcool de l’OPH sont prises en compte pour calculer la quantité d’IPDI à ajouter. Comme précédemment, l’AOG est incorporé à différentes fractions molaires variant de 0 à 100%. Les conversions totales sont atteintes lorsque la bande de vibration des fonctions isocyanate a complètement disparu en Infrarouge. Le Tableau V-3 assemble les valeurs des masses molaires et des Tg des polyuréthanes obtenus. Table
au
V3 :
Masse
s
mo
laires et Tg des polyuréthanes linéaires AOH/OPH en fonction de la fraction molaire en AOG. a Fraction molaire en AOG Mw (g/mol) a Mw/Mn Tg (°C) b 1 100% 15 600 1,8 39 2 80% 14 500 1,8 32 3 60% 13 100 1,7 24 4 40% 12 900 1,6 11 5
0% 13 500
1,7 -36 SEC, solvant DMF, étalonnage PS. b DSC, rampe de -50°C à 100°C, 10°C/min. Les valeurs des masses molaires des copolymères AOG/OPH varient légèrement en fonction de la proportion en AOG, la plus grande (15 600 g/mol) étant obtenue pour l’homopolymère préparé à partir de l’OPH. Ceci peut s’expliquer par le fait que ce dernier possède une fonction alcool terminal plus réactive.
180 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE
Les thermogrammes obtenus par DSC révèlent logiquement des Tg plus basses que celles des réseaux de polyuréthane, entre -36 et 39°C (Figure V-16). L’évolution de la Tg des polyuréthanes linéaires en fonction de la proportion en AOG semble suivre une tendance polynomiale, contrairement au cas précédant (Figure V-17).
100% 0% 39°C 80% 20% 32°C 60% 40% 24°C 40% 60% 11°C 0% 100% -36°C -100 -50 0 50 100 (°C)
Figure V16 : Thermogrammes DSC des polyuréthanes linéaires AOG/OPH préparés à partir de fractions molaires en AOG variant de 0 à 100% (rampe -100 à 100°C pour le polyuréthane issu du MEP seul et rampe de -50 à 100°C pour les autres, 10°C/min). 50 40
30
Tg (°C)
20 10 0 -10 0 20 40 60 80 100 -20 -30 -40 % molaire en
A
OG
Figure V17 : Evolution de la Tg des polyuréthanes linéaires en fonction de la fraction molaire en AOG. 181 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE CONCLUSION
De nouveaux polyuréthanes ont été synthétisés à partir de l’acide oléique glycoside (AOG) possédant 5 fonctions alcool dont 2 sur la chaine C18. La fonctionnalité de ce synthon est facilement contrôlée en sélectionnant un solvant approprié. En effet, l’utilisation de THF inhibe la réactivité des fonctions alcool situées sur le groupement glycoside, ce qui permet l’obtention de polyuréthanes linéaires de masses molaires proches de 14 000 g/mol et de Tg égale à 39°C. Les polymérisations réalisées dans le DMF ont conduit à des réseaux 3D car toutes les fonctions alcool sont consommées, la Tg du polymère le plus dense atteignant 149°C. L’incorporation de motif AOG a permis de moduler les propriétés thermomécaniques de polyuréthanes de basse Tg issus de l’oléate de pentanol. Des réseaux de copolyuréthanes et des copolyuréthanes thermoplastiques ont été préparés à partir de différentes fractions molaires en AOG, donnant des Tg allant de -36°C (0% d’AOG) à 149°C (100% d’AOG) dans le cas de réseaux, et de -36°C à 39°C pour les homologues linéaires. Cette famille de monomères qui combinent des dérivés d’huiles végétales et de sucres nous semble particulièrement intéressante et ouvre la voie à de nouveaux matériaux biosourcés aux propriétés originales.
182 CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE RÉFÉRENCES
(1) V. Ladmiral, E. Melia and D. M. Haddleton, Eur. Polym. J., 2004, 40, 431-449. (2) R. Narain, . Jhurry and G. Wulff, Eur. Polym. J., 2002, 38, 273-280. (3) J. Bernard, X. Hao, T. P. Davis, C. Barner-Kowollik and M. H. Stenzel, Biomacromolecules, 2005, 7, 232238. (4) M. T. Barros and K. T. Petrova, Eur. Polym. J., 2009, 45, 295-301. (5) R. Narain and S. P. Armes, Biomacromolecules, 2003, 4, 1746-1758. (6) S. Muthukrishnan, H. Mori and A. H. E. Müller, Macromolecules, 2005, 38, 3108-3119. (7) D. Jhurry and A. Deffieux, Eur. Polym. J., 33, 1577-1582. (8) K. Hashimoto, K. Yaginuma, S. I. Nara and H. Okawa, Polym. J., 2005, 37, 384-390.
183
CHAPITRE V : NOUVEAUX POLYURETHANES ISSUS DE L’ACIDE OLEIQUE GLYCOSIDE 184 CONCLUSION ET PERSPECTIVES CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une collaboration étroite entre le LCPO et l’ITERG, centre technique industriel en oléochimie, avec l’objectif de développer de nouveaux polymères bio-sourcés de spécialités. Cette collaboration s’est concrétisée en 2007 par l’établissement d’une Unité Mixte Technologique (UMT-Polygreen), labellisée par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche et visant à unir les compétences complémentaires des deux entités. L’objectif de l’étude menée dans le cadre de cette thèse était le développement de nouveaux synthons monomères issus de l’oléate de méthyle et leur utilisation en chimie des polymères et des polyuréthanes plus spécifiquement. Dans un premier temps, des diols de type (HO)C18-R-C18(OH) ont été synthétisés par transestérification de l’oléate de méthyle avec différents diols HO-R-OH où R représente un motif aromatique, aliphatique ou poly(éthylène glycol). Les deux fonctions alcool localisées sur les chaines C18 ont été apportées par des méthodes douces comme la voie époxydation/hydroxylation des doubles liaisons ou par réaction thiol-ène pour obtenir des fonctions alcool primaire plus réactives vis-à-vis des iso ates. Ces synthons de type diester ont la particularité d’être bien définis et de conduire à des polyuréthanes linéaires de masses
185 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
molaires de l’ordre de 25 000 g/mol, lesquels présentent alors des propriétés thermomécaniques (Tg entre -51°C et -16°C) et rhéologiques pouvant être modulées selon la nature du groupement R. Une étude approfondie a ensuite été réalisée sur le comportement en solution aqueuse des diols (HO)C18-R-C18(OH) comportant un groupement central poly(éthylène glycol) de masse molaire 600 g/mol ou 2000 g/mol. Des analyses réalisées par diffusion de la lumière et TEM ont révélé dans les deux cas un auto-assemblage original de morphologie toroïdale, de rayon proche de 70 nm. Néanmoins, les micelles composées de (HO)C18-PEG600-C18(OH) se sont révélées plus stables avec la température. Les propriétés tensioactives de ces diols ont été ensuite mises à profit pour la synthèse de particules de polyuréthanes auto-stabilisées dans l’eau, de diamètre 170 nm, sans utiliser de tensioactifs supplémentaires. Une autre voie de synthèse des polyuréthanes, alternative à l’utilisation d’isocyanates, a été ensuite explorée. Ainsi, des synthons biscarbonates C18-C5H10-C18 et C10-C5H10-C10 ont été préparés par la réaction de carbonatation de leurs homologues époxydés avec du CO2. Grâce à un suivi cinétique réalisé in situ dans une cellule spécialement conçue pour cette étude, il a été établi qu’en présence de TBABr, une température de 120°C et une pression de 10 MPa sont les conditions optimales pour cette réaction de carbonatation. Les précurseurs biscarbonates ont ensuite été polymérisés en masse en présence d’éthylènediamine ou d’isophoronediamine, pour obtenir des matériaux de basses Tg, -15°C, et de masse molaire de l’ordre de 13 500 g/mol. Enfin, le dernier chapitre traite de l’étude d’un nouveau polyol, l’acide oléique glycoside, issu de la transestérification de l’acide oléique avec un monosaccharide. Ce synthon s’est avéré intéressant en raison du contrôle de sa fonctionnalité en fonction du solvant de polymérisation. En effet, il s’est avéré possible d’obtenir des polyuréthanes linéaires dans le THF par la seule réactivité des deux fonctions alcool de la chaine C18 et des réseaux 3D lorsque les polymérisations sont conduites dans le DMF où toutes les fonctions alcool, y compris celles du groupement glycoside, réagissent. Ce synthon permet ainsi l’accès à des matériaux de haute Tg, jusqu’à 150°C pour les réseaux les plus denses. Il a donc été incorporé avantageusement comme comonomère pour moduler les propriétés thermomécaniques des polyuréthanes thermoplastiques de basse Tg, issus de l’oléate de méthyle. En conclusion, ces nouveaux synthons dérivés de l’oléate de méthyle (polyols, polyépoxydes, polycarbonates) ont permis la préparation de polyuréthanes thermoplastiques aux propriétés variables. Les polyuréthanes obtenus sont le plus souvent des polymères liquide-visqueux,
186 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
pouvant trouver applications dans les cosmétiques, les peintures ou les adhésifs, pour ne citer que ces seuls exemples. Au cours de cette thèse, de nombreuses voies de synthèse ont été explorées et ouvrent des perspectives particulièrement intéressantes. La synthèse des particules de polyuréthanes auto-stabilisées en dispersion aqueuse est un sujet prometteur qui mérite d’être poursuivi et étudié de façon encore plus approfondie. L’élaboration de nouveaux copolymères (statistiques ou à bloc ) à partir de synthons issus de corps gras aux propriétés très différentes est aussi un sujet très intéressant dans la mesure où il permet une large modulation de propriétés –et donc des applications– de ces matériaux. Enfin, il est important de souligner que ce partenariat entre l’ITERG et le LCPO s’est concrétisé par le dépôt de cinq brevets, actuellement en cours d’extension à l’international. A court terme, le développement à plus grande échelle (scale-up) de ces synthons biosourcés et des polymères qui en sont issus sera réalisé dans le nouveau Centre Européen de Développement des Oléo-Produits (CEDOP), plateforme au sein de l’ITERG qui sera effective dans le courant de l’année 2011.
187
CONCLUSION ET PERSPECTIVES 188 CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE TABLE DES MATIÈRES 1. REACTIFS....................................................................................................... 192 2. EQUIPEMENTS SPECIFIQUES.......................................................................... 192
2.1. Caractérisations....................................................................................................... 192 2.2. Mesures de solubilité dans le CO2 et réaction de carbonatation.............................. 193
3. PROCEDURES EXPERIMENTALES...................................................................
194 3.1. Synthèse des diols diesters C18-R-C18................................................................... 194 3.1.1. Synthèse des diesters C18-R-C18 par transestérification..................................... 195 3.1.2. Synthèse des diols par la voie époxydation/ouverture des époxydes................... 196 3.1.3. Synthèse des diols par la réaction thiol-ène......................................................... 196 3.2. Synthèse des diesters C10-C5H10-C10..................................................................... 197 3.3. Expériences réalisées en présence de CO2............................................................... 197 3.3.1. Mesures de solubilité des TEFAD et IEFAD dans le CO2................................... 197 3.3.2. Synthèse des TCFAD et ICFAD.......................................................................... 198 3.4. Synthèse des polyuréthanes..................................................................................... 198 3.4.1. A partir des diols C18-R-C18............................................................................... 198 3.4.2. A partir de l’acide oléique glycoside.................................................................... 198 3.4.3. A partir des TCFAD et ICFAD............................................................................ 200 3.4.4. Synthèse de particules de polyuréthanes dans l’eau............................................. 200
191
CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE 1. RÉACTIFS
L’oléate de méthyle (pur à 90%) a été fourni par l’ITERG. Le bromure de tétrabutylammonium (TBABr), l’acide undécénoïque, le 1,5-pentanediol, le 1,4- benzènediméthanol, les poly(éthylène glycol)s de masse molaire 200, 600 et 2000 g/mol, l’isophorone diamine (IPDA), l’éthylène diamine (EDA), l’éthanol (99%), le mercaptoéthanol et l’acide métachloroperbenzoïque (m-CPBA, 75%) ont été achetés chez Aldrich. Tous ces réactifs sont utilisés sans purification supplémentaire sauf le m-CPBA qui a été recristallisé. Le catalyseur d’Hoveyda-Grubbs est utilisé sans purification. Son prélèvement s’effectue par pesée, directement en boite à gants où il est stocké. Le tétrahydrofurane (THF J.T Baker, 99%) est séché sur hydrure de calcium puis distillé sur paroi froide. Le dichlorométhane (J.T Baker, 99%) est utilisé sans être préalablement distillé. L’éthylène (Air Liquide) est séché par passage à travers deux colonnes de tamis (13X et 3A). Le CO2 (Air Liquide, qualité FSC 98%) est utilisé tel quel.
2. EQUIPEMENTS SPÉCIFIQUES 2.1. CARACTÉRISATIONS
Les chromatographies d’exclusion stérique (SEC) dans le THF (1 mL/min, 40°C) ont été réalisées avec un appareil de type Varian équipé d’une pompe HPLC JASCO de type 880-PU, de colonnes TOSOHAAS TSK, d’un détecteur à indice de réfraction (Varian, série RI-3) et d’un détecteur UV/visible (JASCO 875). Les analyses par SEC dans le DMF (0,7 mL/min, 40°C) ont été réalisées en présence de LiBr (1 g/L) comme sel chaotrope. L’appareillage Varian est équipé d’un détecteur à indice de réfraction et de trois colonnes de type TOSOHAAS TSK montées en série et calibrées avec des étalons de polystyrène. Les spectres de RMN 1H et 13C ont été enregistrés avec un spectromètre Brüker série AC 400 (400 MHz) à température ambiante.
192
CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE
Les mesures de diffusion de la lumière ont été effectuées avec le goniomètre ALV5000 Laser de ALV. La source du rayonnement est un laser hélium-néon dont la longueur d’onde est égale à 632,8 nm. Il est équipé d’un corrélateur ALV-5000/EPP Multiple Tau Digital possédant un temps d’échantillonnage initial de 125 ns. Les mesures ont été réalisées entre 15°C et 54°C grâce à un bain thermostaté. Les solutions analysées ont été préparées par dissolution du diol C18-PEGx-C18 dans de l’eau Milli-Q à la concentration massique désirée. Les solutions sont filtrées à travers des filtres de 0,1 μm puis analysées 3h après. Les mesures de dynamique ont été effectuées à différents angles (de 40° à 130°). Les fonctions de corrélation ont été traitées par la méthode CONTIN. Le programme utilisé pour ces traitements est le logiciel d’acquisition et de contrôle d’ALV : ALV-5000E. Les cinétiques des synthèses des polyuréthanes ont été réalisées in situ à l’ISM, par spectroscopie ATR-FTIR en utilisant un spectromètre ThermoOptek 6700 et ATR diamant Simple Réflexion « Golden Gate ». Les monomères sont préalablement mélangés avec le catalyseur et une goutte du mélange est déposée sur le diamant préchauffé à la température requise. Un spectre infrarouge avec une résolution spectrale de 4 cm-1 est enregistré toutes les 10 minutes.
Mélange réactionnel
Goutte du mélange Diamant Faisceau IR Plaque chauffante
Figure VI1 : Suivi in situ de la polymérisation par ATR diamant Simple Réflexion « Golden Gate ». 2.2. MESURES DE SOLUBILITE DANS LE CO2 ET REACTION DE CARBONATATION
Conformément à la loi de Beer-Lambert, la mesure des spectres IR nécessite un contrôle du trajet parcouru par le faisceau de lumière afin que la densité optique reste comprise entre 0 (100% de l’intensité lumineuse transmise) et 2 (1% de l’intensité lumineuse transmise), ce qui correspond en pratique aux conditions optimales de détection d’un interféromètre moderne. Les mesures de miscibilité du CO2 et de l’huile sont réalisées dans une cellule en acier inoxydable équipée de quatre hublots cylindriques en saphir, deux hublots pour les mesures 193 CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE en absorption infrarouge séparés de 7,2 mm, afin d’accéder à une gamme de longueur d’onde comprise entre 2500 et 7500 cm-1, et deux hublots permettant une observation directe des échantillons (Figure VI-2). Les cinétiques de la réaction de carbonatation sont réalisées dans la même cellule mais les fenêtres sont en germanium et sont espacées de 100 μm afin d’accéder à une gamme de nombres d’ondes compris entre 700 to 5000 cm-1. Les hublots sont positionnés sur un support. Les imperfections de surface sont compensées par un joint de 100 μm en Kapton® disposé entre les hublots et le support afin d’assurer l’étanchéité selon de principe de Poulter. L’étanchéité entre les supports de hublots et la cellule est maintenue au moyen d’un joint en Téflon®. Le chauffage de l’ensemble se fait par quatre cartouches (Watlow Firerod) réparties dans le corps même de la cellule et connectées à une unité de contrôle. Un premier thermocouple situé à proximité d’une des cartouches chauffantes est associé au système de régulation tandis qu’un second placé au plus près de l’échantillon permet de surveiller la température de ce dernier (∆T=0,5 °C). Le dispositif autorise une utilisation dans une gamme de température allant de l’ambiante à 200°C pour une plage de pression comprise entre 1 et 50 MPa. La cellule est reliée par l’intermédiaire d’un tube capillaire à un système de pressurisation permettant d’élever la pression jusqu’à 50 MPa.
Cartouche
chauffante Trajet
op
tique
Fenêtre
Barreau
aimanté Figure VI2 : Cellule en acier utilisée lors des mesures de solubilité des EFAD dans le CO2 et lors des cinétiques de carbonatation. 3. PROCEDURES EXPERIMENTALES 3.1. SYNTHESE DES DIOLS DIESTERS C18-R-C18
Les synthèses des diols C18-R-C18 ont été réalisées à partir de l’oléate de méthyle et de cinq diols : le pentanediol, le benzènediméthanol, le PEG300, le PEG600 et le PEG2000. Les modes 194 CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE opératoires des différentes étapes sont les mêmes quel que soit le diol utilisé lors de la transestérification, à l’exception de quelques points qui seront signalés.
3.1.1. Synthèse des diesters C18-R-C18 par transestérification
Dans un ballon bicol de 100 mL muni d’une trappe DeanStark surmontée d’un réfrigérant et équipé d’un barreau aimanté (Figure VI-3), sont mélangés l’oléate de méthyle (5g, 17 mmol), le diol (8,5 mmol) et l’acétate de zinc (1% en masse par rapport à la masse totale des réactifs). Le ballon est immergé dans un bain d’huile à 160°C lorsque le pentanediol et les poly(éthylène glycol)s sont utilisés et à 140°C pour le cas du benzènediméthanol. Le méthanol produit lors de la réaction est recueilli dans la trappe DeanStark. Au bout de 6h, la température est élevée à 200°C et le milieu est cryodistillé sous vide (10-3 bar) pendant 30 minutes.
Figure VI3 : Montage expérimental utilisé lors de la réaction de transestérification. Purification du mélange obtenu après transestérification par chromatographie sur colonne de silice : Dans le cas des diesters de pentanediol et de benzènediméthanol, la colonne est remplie de 200g de silice et l’éluant utilisé est un mélange composé de 60% d’acétate d’éthyle et de 40% d’heptane. Dans le cas des diesters de poly(éthylène glycol)s, la colonne est remplie de 200g de silice greffée C18 et l’éluant utilisé est un mélange composé de 98% de méthanol et de 2% d’eau distillée. Les plaques de chromatographie sur couche mince (CCM) de la migration des différents mélanges sont représentées sur la Figure VI-4.
195 CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE 4 3
5 Monoester PEG600 1 2 Triglycérides Triglycéride Oléate de méthyle Oléate de méthyle Monoester PEG2000 Monoester PEG300 Diester de benzènediméthanol Diester de pentanediol Diester PEG2000 Diester PEG300 Diester PEG600 Oléate de méthyle Monoester de benzènediméthanol Monoester de pentanediol Oléate de méthyle Triglycéride Triglycéride A A B C B
Figure VI4 : Migration sur CCM des mélanges riches en C18-R-C18 pour lorsque R est (1) du pentanediol, (2) du benzènediméthanol, (3) un PEG300, (4) un PEG600 et (5) un PEG2000.
3.1.2. Synthèse des diols par la voie époxydation/ouverture des époxydes 3.1.2.1. Etape d’époxydation
Dans un ballon de 250mL équipé d’un barreau aimanté sont mélangés 100 mL de dichlorométhane et 5g (1eq) du diester précédemment synthétisé. Puis le m-CPBA (1,2eq) est ajouté pendant 10 minutes à température ambiante. Le milieu est laissé sous agitation pendant 3h. Le mélange est ensuite transféré dans une ampoule à anter et lavé deux fois avec 40 mL d’une solution saturée d’hydrogénocarbonate de sodium et deux fois avec 40 mL d’une solution saturée de bicarbonate de soude. La phase organique est séchée avec du sulfate de magnésium puis le dichlorométhane est évaporé sous vide à température ambiante. 3.1.2.2. Etape d’ouverture des époxydes
Dans un ballon de 250 mL surmonté d’un réfrigérant sont mélangés 100 mL d’éthanol, 5g du diester époxydé précédemment synthétisé et le catalyseur, l’Amberlyst 15 Dry (200 mg, 4% en masse par rapport à la masse du diester incorporé). La température est élevée à 75°C pendant 20h. A la fin de la réaction le milieu est filtré pour retirer le catalyseur puis l’éthanol est évaporé sous vide à température ambiante.
3.1.3. Synthèse des diols par la réaction thiol-ène
Dans un ballon de 100 mL immergé dans un bain de glace et muni d’un barreau aimanté sont mélangés 5g de diester C18-R-C18 issus de l’étape de transestérification et le mercaptoéthanol (6eq). Une lampe UV (225 nm, 8 Watt) est positionnée au dessus du 196 CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE montage pendant 2h. Le mercaptoéthanol en excès est ensuite retiré du milieu par lavages à l’eau distillé. Le produit est purifié par chromatographie sur colonne de silice. Dans le cas des diesters de pentanediol et de benzènediméthanol, la colonne est remplie de 200g de silice et l’éluant utilisé est un mélange composé de 60% d’acétate d’éthyle et de 40% d’heptane. Dans le cas des diesters de poly(éthylène glycol)s, la colonne est remplie de 200g de silice greffée et l’éluant utilisé est un mélange composé de 98% de méthanol et de 2% d’eau distillée. 3.2. SYNTHESE DES DIESTERS C10-C5H10-C10
Dans un ballon de 100 mL préalablement séché, mis sous vide et équipé d’un barreau aimanté sont mélangés l’oléate de méthyle séché par lyophilisation (5g ; 3,4.10-2 mol), le catalyseur d’Hoveyda (250 mg ; 2,5 % en masse par rapport à la masse de l’oléate de méthyle) dissous dans 20mL de toluène distillé. L’éthylène (1 bar) est introduit à température ambiante. La réaction est arrêtée au bout de 6h. A l’état d’équilibre, le milieu est composé de 48% d’oléate de méthyle de départ, 26% de décène et 26% de 10-undécénoate de méthyle. Ce dernier est extrait par distillation sous vide : la première fraction à 100°C contient du décène; le 10undecenoate de méthyle est récupéré lorsque la température atteint 180°C. Le résidu est composé d’oléate de méthyle. On procède ensuite à une réaction de transestérification du 10undécénoate de méthyle avec le pentanediol. La procédure est la même que lors de la transestérification avec l’oléate de méthyle. 3.3. EXPERIENCES REALISEES EN PRESENCE DE CO2 3.3.1. Mesures de solubilité des TEFAD et IEFAD dans le CO2
Lors de la détermination de la concentration en TEFAD et IEFAD dans la phase riche en CO2, la cellule (fenêtres en saphir espacées de 7,2 mm) est partiellement remplie avec environ 1mL de l’un des deux composés à l’aide d’une seringue, de manière à ce que le niveau du liquide se situe en dessous du faisceau infrarouge (Figure VI-5a). Pour la détermination du gonflement de TEFAD et IEFAD, la cellule est retournée de manière à ce que le niveau du liquide se situe au dessus du faisceau infrarouge (Figure VI-5b). Dans les deux cas un petit barreau aimanté est placé dans le fond de la cellule avant de fermer cette dernière. Puis la cellule est chauffée à la température requise et le CO2 est injecté à la pression désirée. Le système est laissé 15 minutes jusqu’à l’obtention de l’équilibre thermodynamique.
197 CH
APITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE
Figure VI5 : Représentation schématique d’analyse in situ utilisant une cellule optique à transmission. 3.3.2. Synthèse des TCFAD et ICFAD
Lors de la réaction de carbonation, IEFAD (1g ; 1,2 mmol) ou TEFAD (1g ; 3,1 mmol) sont préalablement mélangés avec le catalyseur TBABr (30 mg, 3% en masse par rapport à la masse de IEFAD ou EFAD) puis le mélange est introduit à l’intérieur de la cellule (fenêtres en germanium espacées de 100 μm) dans laquelle est aussi placé un barreau aimanté (Figure VI-). La cellule est ensuite fermée et chauffée à la température requise. Enfin le CO2 est incorporé à la pression désirée. L’enregistrement des spectres infrarouge s’effectue 2 minutes après l’injection du gaz dans la cellule puis toutes les 10 minutes. A la fin de la réaction les cartouches chauffantes sont retirées puis la cellule est dépressurisée lorsqu’elle est revenue à température ambiante
3.4. SYNTHÈSE DES POLYURÉTHANES 3.4.1. A partir des diols C18-R-C18
Dans un ballon de 50 mL muni d’un barreau aimanté sont mélangés le diol C18-R-C18 (5g), l’IPDI (1,1 eq) et le catalyseur DBTDL (0,1 % en masse par rapport à la masse totale des réactifs). Le ballon est ensuite immergé dans un bain d’huile chauffé à 60°C. A la fin de la réaction le polyuréthane obtenu n’est pas précipité. Dans le cas particulier des diols C18PEGx-C18, ces derniers sont séchés par lyophilisation avant d’être utilisés. Le ballon de polymérisation est préalablement séché. 3.4.2. A partir de l’acide oléique glycoside 3.4.2.1. Synthèse de polyuréthanes linéaires
Dans un ballon de 250 mL surmonté d’un réfrigérant et muni d’un barreau aimanté sont mélangés l’AOG (5g ; 10,1 mmol) préalablement dissous dans 50 mL de THF, l’IPDI (2,47g; 11,1 mmol) et le catalyseur DBTDL (7,5 mg prélevés à la micropipette). Le ballon est ensuite
198
CHAPITRE VI : PARTI
E
EXPÉRIMENTALE immergé dans un bain d’huile chauffé à 60°C. A la fin de la réaction le polyuréthane obtenu n’est pas précipité. Pour la synthèse des copolymères AOG/OPH : En considérant que la fraction molaire en AOG incorporé dans le mélange de monomères AOG/OPH est xAOG et que la masse totale de diol est de 5g, alors la masse d’IPDI à introduire est calculée de la manière suivante : (1) (2) (1) + (2) Dans un ballon de 250 mL surmonté d’un réfrigérant et muni d’un barreau aimanté sont incorporés 5g d’un mélange AOG/OPH (avec une fraction molaire xAOG en AOG) dissous dans 50 mL de THF, ainsi que l’IPDI et le catalyseur DBTDL (0,1 % en masse par rapport à la masse totale des réactifs). Le ballon est immergé dans un bain d’huile chauffé à 60°C. A la fin de la réaction le polyuréthane obtenu n’est pas précipité.
3.4.2.2. Synthèse de réseaux de polyuréthanes
Dans un ballon de 250 mL surmonté d’un réfrigérant et muni d’un barreau aimanté sont mélangés l’AOG (5g ; 10,1 mmol) préalablement dissout dans 50 mL de DMF, l’IPDI (5,61 g ; 25,3 mmol) et le cataly eur DBTDL (28 mg, 0,1% en masse par rapport à la masse totale des réactifs). Le ballon est ensuite immergé dans un bain d’huile chauffé à 60°C. A la fin de la réaction le polyuréthane obtenu n’est pas précipité. Pour la synthèse des réseaux copolymères AOG/OPH : En considérant que la fraction molaire en AOG incorporé dans le mélange de monomères AOG/OPH est xAOG et que la masse totale de diol est de 5g, alors la masse d’IPDI à introduire est calculée de la manière suivante :
(1)
(2) 199 CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE (1) + (2)
Dans un ballon de 250 mL surmonté d’un réfrigérant et muni d’un barreau aimanté sont incorporés 5g d’un mélange AOG/OPH (avec une fraction molaire xAOG en AOG) dissous dans 50 mL de DMF, ainsi que l’IPDI et le catalyseur DBTDL (0,1 % en masse par rapport à la masse totale des réactifs). Le ballon est immergé dans un bain d’huile chauffé à 60°C. A la fin de la réaction le polyuréthane obtenu n’est pas précipité.
3.4.3. A partir des TCFAD et ICFAD
Dans un ballon de 50 mL muni d’un barreau aimanté sont mélangés le biscarbonate TCFAD (5g ; 10,1 mmol), l’IPDA (1,89 g ; 11,1 mmol) ou l’EDA (0,67g ; 11,1 mmol) et le catalyseur DBTDL (0,1% en masse par rapport à la masse totale des réactifs). Le ballon est ensuite immergé dans un bain d’huile chauffé à 70°C (ou à 110°C). A la fin de la réaction le polyuréthane obtenu n’est pas précipité. La procédure reste la même pour la polymérisation de ICFAD. 3.4.4. Synthèse de particules de polyuréthanes dans l’eau
Le diol C18-PEG600-C18 porteur de fonctions alcool primaire (0,5g ; 0,37 mmol) est préalablement solubilisé dans 100 mL d’eau distillée. La solution est ensuite transférée dans un ballon de 250 mL muni d’une pale mécanique (Figure VI-2). L’IPDI (149 mg ; 0,67 mmol) est incorporé dans le ballon puis la solution est mise sous agitation (800 tr/min). Au bout de 5 minutes, le catalyseur DBTDL (3,2 mg, 0,5% en masse par rapport à la masse totale des réactifs) est introduit dans le mélange. La température du ballon est alors élevée à 60°C pendant 2h. 200
CHAPITRE VI : PARTIE EXPÉRIMENTALE
Figure VI6 : Carrousel de réacteurs à agitation mécanique utilisé pour la synthèse de particules de polyuréthane. 201.
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Évaluation des déterminants d’un recours spontané aux urgences pour des motifs relevant de la médecine générale. Médecine humaine et pathologie. 2021. ⟨dumas-03562178⟩
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Évaluation des déterminants d’un recours spontané aux urgences pour des motifs relevant de la médecine générale ira ellen
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UNIVERSITE DE MONTPELLIER FACULTE DE MEDECINE MONTPELLIER – NIMES THESE Pour obtenir le titre de DOCTEUR EN Présentée et soutenue publiquement Le Mai 2021 Par Sandira CHEL
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Evaluation des déterminants d’un recours spontané aux urgences pour des motifs relevant
de la
médecine général
e. Directeur de thèse : Professeur GARCIA Marc JURY : Président : Professeur AMOUYAL Michel 1er assesseur : Professeur CLARET Pierre-Géraud 2ème assesseur : Professeur GARCIA Marc 4ème membre du jury : Docteur GAIZI Saad
UNIVERSITE DE MONTPELLIER FACULTE DE MEDECINE MONTPELLIER – NIMES THESE Pour obtenir le titre de DOCTEUR EN MEDECINE Diplôme d’état Mention D.E.S. de Médecine Générale Présentée et soutenue publiquement
Le
12 Mai
2021 Par Sandira CHELLEN Evaluation des
déterminant
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d
’
un recours
é aux urgences pour des motifs relevant de la médecine générale. L’échec n’est pas fatal. C’est le courage de continuer qui compte. » Winston Churchill A l’ensemble des membres de mon jury, Soyez assurés de mes sincères remerciements pour votre participation à cette soutenance. - Au Professeur Michel AMOUYAL, qui me fait l’honneur d’accepter de présider mon jury de thèse. - Au Professeur Pierre Géraud CLARET, qui a eu la gentillesse d’accepter de siéger à mon jury et juger ce travail. - Au Professeur Marc GARCIA, qui a accepté de diriger cette thèse. Je vous remercie particulièrement pour votre accompagnement et votre engagement dans l’élaboration de ce travail. - Au Docteur Saad GAIZI, qui m’a accueilli au sein de son service des urgences au CH d’Alès pendant plus d’un an et qui me fait le plaisir de siéger à mon jury. Sois assuré de ma reconnaissance pour cette opportunité que tu m’as offerte. Aux équipes des Urgences du CHU de Nîmes et à celles de la DRCI et du BESPIM pour leur aide et le temps accordé pour la réalisation de cette étude. A tous mes maitres de stage, Je vous remercie de m’avoir fait bénéficier de votre savoir tout au long de ces études. J’espère pouvoir faire honneur à vos enseignements dans ma pratique future. Mes remerciements particuliers au Docteur Cédric LE GUILLOU pour sa bienveillance à mon égard et pour son aide dans mon parcours professionnel. 18 A ma famille : A mon père, A toi qui n’es plus là pour voir cet aboutissement mais sans qui rien n’aurait été possible. Mes pensées te sont destinées en ce jour de soutenance de ma thèse. A ma mère, Ces mots ne suffiront pas à décrire tout l’amour et toute la reconnaissance que je te porte. Ton courage, ta force, ta persévérance, tes valeurs, ton soutien infaillible sont autant d’exemples et de qualités qui m’ont forgé et m’ont permis d’en arriver là. J’ai de la chance d’être ta fille. J’espère pouvoir te rendre fière. A ma grand-mère, Pour tous ces bons moments de complicité passés ensemble qui sont des souvenirs que je chéris. A mon grand-père, Pour ton aide et ton accompagnement au début de mes études. A Smaïn, Une de mes plus belles rencontres. Ta présence pendant ces études aura été précieuse pour moi et aussi enrichissante que divertissante. Je te remercie pour ton amitié, ton soutien, ton écoute, ton épaule, toutes ces pauses café et on n’oublie pas : « Failure isn’t an option ». A Christophe et ses enfants Morgane et Robin, Pour votre accueil dans votre famille à mon arrivée à Montpellier et votre considération tout au long de mon internat. 19 A mes amis, Je vous remercie pour tous les fous rires, les soirées, les longues discussions, les conseils, qui ont rendu ces années d’étude plus agréables. Je vous attends bientôt à La Réunion! - Ceux de Paris (Heeresh, Damien, Georges) pour toutes ces soirées mémorables. - Ceux de Lille (Maxime, Vicky, Harry, Anthony, Soraya) avec qui j’ai partagé ces années de stage et de révisions difficiles. - Ceux de Montpellier (Pierre, Camille, Yoav, Tiffanie, Nilou, Amir, Tamim, Tiphaine et tous les autres) qui auront fait de ce passage sudiste le meilleur moment de mes études. - A Mina, mon coup de cœur de cet interna t. Ta sincérité et ta gentillesse auront beaucoup compté pour moi durant ces 3 années. A tous mes co-internes, de Perpignan à Nîmes Pour la bonne ambiance et l’entraide que vous m’avez apportées tout au long de mes stages (avec un clin d’œil particulier aux filles de la Tour C). 20 SOMMAIRE Remerciements........................................................................................... 18 Abréviations..............................................................................................
22 Introduction............................................................................................... 23 Matériel et méthode...................................................................................... 25 Design de l’étude............................................................................... 25 Recueil de données............................................................................. 25 Objectifs et critères d’évaluation............................................................. 26 Analyse statistique.............................................................................. 26 Résultats................................................................................................... 27 Caractéristiques des patients................................................................... 27 Motivations de la consultation................................................................. 29 Attentes et niveaux de satisfaction............................................................ 30 Discussion................................................................................................ 34 Points forts de l’étude........................................................................... 34 Limites de l’étude................................................................................ 34 Justification des critères d’inclusion.......................................................... 36 Principaux résultats............................................................................. 37 Pistes de réflexion............................................................................... 40 Conclusion................................................................................................ 43
Annexe
..................................................................................................... 45 Bibliographie............................................................................................. 59 Serment.................................................................................................... 63 Résumé..................................................................................................... 64
21 ABREVIATIONS
ACI : Accord Conventionnel Interprofessionnel APL : Accessibilité Potentielle Localisée ARS : Agence Régionale de Santé BESPIM : Laboratoire de Biostatistique, Epidémiologie clinique, Santé Publique Innovation et Méthodologie CCMU : Classification Clinique des Malades des Urgences CHU : Centre Hospitalier Universitaire CIMU : Classification Infirmière des Malades aux Urgences CPAM : Caisse primaire d’Assurance Maladie CPP : Comité de Protection des Personnes CPTS : Communauté Professionnelle Territoriale de Santé CRRA : Centre de Réception et de Régulation es Appels
DMP
:
Dossier Médical Partagé DRCI : Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques DRM
:
Dossier
de
Régulation Médi
cale HDV : Haute Densité Virale IAO : Infirmière d’accueil et d
’ Orientation IRDES : Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé MG : Médecin Généraliste MMG : Maison Médicale de Garde MSP : Maison de Santé Pluriprofessionnelle MT : Médecin Traitant PEC : Prise en Charge SAM : Structure d’Accueil Médical SAMU : Service d’Aide Médicale Urgente SAU : Service d’Accueil des Urgences WONCA : World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitionners
INTRODUCTION
Selon la définition de la WONCA (World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitionners) : « La médecine générale / médecine de famille est le premier contact avec le système de soins, permettant un accès ouvert et non limité aux usagers, prenant en compte tous les problèmes de santé. » « C’est une spécialité clinique orientée vers les soins primaires. » (1) Depuis plusieurs années, ce rôle de premier recours du médecin généraliste dans le parcours de soins du patient tend à glisser vers le secteur de la médecine d’urgence. En effet, la fréquentation des services d’urgences hospitalières est en constante croissance depuis 20 ans. Cette croissance est de 3,5% par an depuis 1996. (2) Une enquête de le DREES de 2002 estimait à environ 70% le pourcentage de patients se présentant spontanément aux urgences sans avis médical préalable. Selon une autre enquête de la même source, plus de 80% de ces patients présentait un état clinique peu grave : CCMU 1 ou 2 (Annexe 1.2), pouvant relever d’une prise en charge en médecine générale (3,4). Le manque de médecins généralistes, de disponibilité pour des rendez-vous non programmés, de structures libérales dédiées au premiers recours sont souvent incriminés aussi bien par la population que par les sphères politiques (5). Un rapport de la Cour de Comptes de 2019 confirmait ce constat (6). Elle affirmait qu’une médecine de ville mieux organisée notamment pour des soins non programmés permettrait d’accueillir au moins 20% des patients de passage aux urgences. Malgré une baisse de la densité de médecins généralistes rapportée dans une étude de l’ARS Occitanie, le département du Gard garde une densité de généralistes supérieure à la moyenne nationale avec environ 95 médecins généralistes / 100 000 habitants pour une moyenne nationale à 90,4 généralistes / 100 000 habitants. (7) La DREES et l’IRSES ont développé un indicateur d’accessibilité aux soins : APL (Accessibilité Potentielle Localisée). Il tient compte de plusieurs paramètres et s’exprime en nombre de consultation / an / habitant (8). Il est satisfaisant au-dessus de 4 et on peut parler de déserts médicaux en dessous de 2,5. La zone intermédiaire est qualifiée de problématique. Toujours selon l’ARS, la répartition de ces médecins serait partiellement inégale dans le département du Gard avec une APL calculée à 4,7, donc satisfaisante à Nîmes mais autour de 23 3,8 en moyenne dans le Gard avec une couronne péri-urbaine autour de Nîmes où l’APL est problématique (9,10). Partant de ces constatations, nous nous sommes posé la question de savoir quelles sont les raisons qui amènent les patients à consulter de façon spontanée dans les services d’urgence pour des motifs pouvant relever de la médecine générale. Pour répondre à cette question, nous nous sommes fixés comme objectif principal de décrire les déterminants de leur consultation au SAU. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer leur ressenti concernant l’offre actuelle de médecine générale chez leur médecin traitant et de les corréler aux différentes raisons de consultation avancées. 24 cabinet de son médecin généraliste. La liste des motivations de la consultation a été établie à partir de différentes études afin d’être la plus exhaustive possible (3,13–16). Le questionnaire était récupéré par le médecin investigateur ou le médecin urgentiste qui remplissait l’encadré final à l’issu de la prise en charge du patient.
Objectifs et critères d’évaluation
L’objectif principal de l’étude était de décrire les déterminants pour lesquels les patients consultent aux urgences pour des motifs pouvant relever d’une prise en charge par un médecin généraliste de ville. Pour cela, le critère d’évaluation principal était l’estimation du pourcentage de patients n’ayant pas de médecin traitant, ayant un médecin absent ou ne réussissant pas à obtenir un rendez-vous dans un délai qu’ils jugent raisonnable avec représentation des autres raisons selon leur fréquence. Le premier objectif secondaire était l’évaluation des attentes, ressentis et niveau de satisfaction des patients concernant l’offre de médecine générale et en particulier l’accès aux soins primaires chez leur médecin traitant. Le second était d’établir des corrélations entre les motivations de la consultation aux urgences avancées par le patient et ses ressentis.
Analyse statistique
Les données ont été reportées sur le logiciel sécurisé REDCap et leur analyse a été faite à partir du logiciel BiostaTGV. Les variables quantitatives ont été décrites par la moyenne et l’écart-type si normalité et par médiane et quartiles le cas échéant. Les variables qualitatives ont été décrites par les effectifs et pourcentages de chaque modalité. Les comparaisons de pourcentages ont été effectuées par un test du Chi2 ou un test exact de Fischer si le Chi2 n’était pas applicable. Les comparaisons de variables quantitatives ont été effectuées par un test de Student ou de Wilcoxon si la normalité n’était pas vérifiée. Une différence était considérée comme statistiquement significative lorsque le degré de signification du test (p) était inférieur ou égal à 0,05.
26 RESULTATS Caractéristiques des patients
Sur la période d’étude du 15 février au 14 mars 2021, 321 patients ont été inclus et 13 ont été exclus (2 gardés en surveillance au sein des urgences et 11 hospitalisés dont 5 classés CCMU3). Les patients ont répondu à l’ensemble des questions à l’exception de celle portant sur l’évaluation de leur satisfaction au sujet du fonctionnement du cabinet de leur médecin généraliste pour laquelle nous avons eu 301 réponses et celle concernant la recommandation de leur médecin traitant avec 304 réponses. Les caractéristiques des 308 patients analysés sont présentés dans le Tableau 1. La médiane d’âge était à 35 ans [27 - 50]. La répartition selon le sexe était représentative de la population générale avec 51,9% de femmes et 48,1% d’hommes (17). Les catégories socio professionnelles les plus représentées étaient les personnes sans activité professionnelle à 33,8% et les employés à 27,6%. La médiane d’évolution des symptômes au moment de la consultation aux urgences était de 5 jours [2 – 15]. Sur une échelle de 0 à 10, la majorité des patients ont estimé le niveau de gravité de leur état entre 5 et 7 (45,5%) et leur niveau de douleur entre 5 et 7 (42,9%). 88,3% des sujets avaient un médecin traitant déclaré et 32,1% ont essayé de le contacter ou contacter un autre généraliste avant de se présenter aux urgences. 40,9% des patients avaient déjà consulté un médecin pour le problème motivant leur venue au SAU.
27 Motivations de la consultation
A la question concernant les raisons pour lesquelles les patients sont venus consulter au SAU, le choix de plusieurs réponses était possible. Les pourcentages de patients pour chaque déterminant de la consultation aux urgences sont représentés sur le graphique 1. Graphique 1 Raisons du recours aux urgences : n (%) Pas de MT 23 (7,5%) N'arrive pas à trouver un MT dans la région 18 (5,8%) MT absent 27 (8,8%) Délai de consultation trop long 55 (17,9%) Pas pensé à appeler MT 75 (24,4%) Habite près de l'hôpital 14 (4,5%) Problème grave / doit être traité en urgence 144 (46,8%) Besoin d'hospitalisation 17 (5,5%) Pas d'amélioration malgré traitement en cours 73 (23,7%) Récidive du problème malgré consultation récente 25 (8,1%) Souhaite 2eme avis médical 48 (15,6%) Besoin intervention chirurgicale / avis spécialiste 69 (22,4%) Besoin d'imagerie / bilan sanguin 154 (50,0%) Pas de frais à avancer 23 (7,5%) Raisons personnelles 42 (13,6%) Ne sait pas 7 (2,3%) Autre 23 (7,5%) 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
104 patients soit 34,8% des sujets ont exprimé une difficulté d’accès à une consultation de médecine générale en ville pour leur problème de santé. Concernant ces raisons relatives à une carence dans l’accès aux soins primaires en ville, 7,5% des patients interrogés n’avaient pas de médecin traitant, 5,8% exprimaient des difficultés à trouver un médecin traitant dans leur région qui acceptait de nouveaux patients, 8,8% avaient leur médecin généraliste absent et non remplacé le jour de leur venue et 17,9% des patients pouvaient être reçu au cabinet de leur médecin mais dans des délais qu’ils jugeaient trop longs. Pour ces derniers, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous de consultation était de 4,2 jours (σ = 3,3). Parmi les raisons les plus avancées, 50,0% des patients sont venus afin de bénéficier d’un examen d’imagerie ou d’un bilan sanguin et 46,8% pensaient que leur état était grave ou nécessitait une prise en charge urgente. 23,7% des sujets avaient déjà consulté un médecin pour leur problème et étaient sous traitement. L’absence d’amélioration de leur état avait motivé leur passage au SAU. 22,4% pensaient avoir besoin d’une intervention chirurgicale ou de l’avis d’un spécialiste. Parmi la population de sujets venus avec l’intention de bénéficier d’examens complémentaires, 38,3% en ont réellement bénéficié et 66,9% ont estimé que leur prise en charge n’était pas possible par un généraliste. Les analyses ont montré une absence de corrélation entre ce besoin ressenti d’examens complémentaires et la possibilité ou non exprimée d’une prise en charge par un médecin généraliste de ville avec p = 0,16. Le besoin ressenti de l’avis d’un spécialiste était lui significativement corrélé à l’impossibilité exprimée d’une prise en charge par un médecin généraliste avec un p < 0,01. 85,5% des patients qui souhaitaient voir un spécialiste pensaient ne pas pouvoir être pris en charge par un généraliste et 8,7% de ceux pensant que leurs soins étaient possibles par un généraliste ont manifesté une venue au SAU pour avoir l’avis d’un spécialiste. 52,8% des patients qui pensaient que leur état était grave ou nécessitait des soins urgents ont été classé CCMU2 et ont donc bénéficié d’au moins un examen complémentaire. Ces deux variables sont d’ailleurs significativement liées avec p < 0,01.
Attentes et niveau de satisfaction
Cette étude a également évalué les attentes des patients ainsi que leur satisfaction concernant la logistique du cabinet de leur médecin iste. Ces résultats figurent dans le tableau 2 et sur le graphique 2. 30 Plus de 65% des sujets étaient satisfaits voire très satisfaits de l’organisation du cabinet de leur médecin généraliste. 72,3% étaient satisfaits ou très satisfaits du délai pour obtenir un rendezvous, 76,1% de la possibilité de prendre rendez-vous à des horaires qui leur conviennent, 73,0% de la possibilité de contacter le secrétariat du cabinet et 65,1% de la possibilité de joindre le médecin par téléphone.
DISCUSSION Points forts de l’étude
L’étude « SAUGARD » présente plusieurs points forts. Le premier porte sur son originalité concernant les critères d’inclusion et le questionnaire patient. On retrouve dans la littérature des études similaires dans d’autres régions portant sur les recours non appropriés aux urgences. Aucune n’a été réalisée uniquement aux horaires d’ouverture des cabinets de médecine générale pour des plaintes exclusivement somatiques. Elles n’ont pas non plus corrélé les raisons de la consultation au ressenti des sujets sur l’offre de médecine générale dans leur région. Le CHU de Nîmes s’est porté promoteur de l’étude. Elle a été réalisée avec la collaboration de la DRCI (Direction de la Recherche Clinique et de l’Innovation) et du BESPIM (Laboratoire de Biostatistique, Epidémiologie clinique, Santé Publique Innovation et Méthodologie). Le questionnaire a été testé sur un échantillon de 10 patients afin de s’assurer de l’intelligibilité des questions et propositions de réponse. L’étude a ensuite été soumise à l’avis d’un CPP et après avis favorable, déclarée à l’ANSM et sur ClinicalTrials.gov. L’étude ne nécessitait pas de nombre minimum de sujets. Avec plus de 300 patients inclus, notre étude permettait des résultats avec un niveau de confiance de près de 95% avec une marge d erreur de 5%. Limites de l’étude
L’étude a été réalisée sur 4 semaines du 15 février au 14 mars 2021 dans un contexte sanitaire particulier, pendant la pandémie de Covid-19. Un couvre-feu national était instauré de 18h à 6h sur cette période. Cependant, les déplacements dérogatoires pour motifs médicaux étaient autorisés pendant ces horaires. Cette épidémie a modifié les habitudes de la population dans leur mode de consommation des soins. Sur l’année 2019, les urgences du CHU de Nîmes ont comptabilisé 109 430 passages avec 8 780 passages en février 2019 et 8 961 passages en mars 2019. L’année 2020 a 34 comptabilisée 89 872 passages avec 9 041 passages en février 2020 et 6 277 passages en mars 2020. En 2021 il y a eu 6 734 passages en février et 7 959 passages en mars. Cette variation dans la fréquentation des urgences s’explique à la fois par la période de confinement total national avec une chute du nombre de passages du 17 mars au 10 mai 2020 et dans les suites, par une crainte persistante de fréquenter les hôpitaux considérés comme lieu de contamination par le coronavirus. Il en résulte un recours croissant au CRRA (Centre de Réception et de Régulation des Appels) du SAMU 30 avec 32 202 appels en mars 2021 dont 15 908 DRM (Dossiers de Régulation Médicale) contre 25 052 appels en mars 2019 avec 13 552 DRM. Les patients probablement habitués à recourir aux urgences pour des soins primaires préfèrent appeler le 15 afin d’éviter un passage inutile à l’hôpital. Du fait de la difficulté d’estimer l’état du patient ainsi que sa gravité par téléphone (18), plusieurs patients étaient adressés au SAU pour des plaintes pouvant être prise en charge en médecine de ville. Ces patients n’étaient donc pas inclus dans l’étude. Ces changements récents d’habitudes peuvent expliquer la différence entre le nombre moyen de patients inclus : 16 / jour et celui minimum attendu de 25 / jour (19). Toujours dans ce contexte épidémique, plusieurs patients se sont présentés spontanément, dans un état clinique stable et peu grave mais avec des symptômes pouvant être évocateur d’une infection au Covid-19. Ces sujets étaient orientés dans le secteur HDV (Haute Densité Virale) des urgences, secteur isolé. Ils présentaient les critères qui auraient permis leur inclusion et analyse dans l’étude. Toutefois, afin d’éviter toute circulation physique de personne ou de document entre ce secteur et le reste du service des urgences, ces patients n’ont pas été interrogés. Parmi les limites à ajouter, la période d’étude comprenait 2 semaines de vacances scolaires qui sont des périodes privilégiées de congés des médecins et des patients (12). Cela a pu majorer le nombre de consultations aux urgences pour absence du médecin traitant et pour délais de rendez-vous trop longs ainsi que les recours au SAU de patients en vacances dans la région.
35 Justification des critères d’inclusion
L’étude SAUGARD avait pour objectif de décrire les raisons pour lesquelles de plus en plus de patients se présentent spontanément aux urgences pour des motifs de consultation somatiques pouvant relever d’une prise en charge en médecine générale. Concernant le choix de ne pas inclure les motifs de consultation relevant de la traumatologie, il s’agit d’un parti pris. Certes de nombreuses pathologies traumatologiques aigues peuvent relever d’une prise en charge en médecine générale. Plusieurs études relativement récentes ont montré que les motifs de consultation traumatologiques représentent plus de la moitié des recours spontanés aux Urgences (entre 57 et 58%) (16,20). Dans ces mêmes études, les patients justifient, pour 36 à 37% d’entre eux, leur venue aux urgences par le souhait de bénéficier rapidement d’examens complémentaires à type d’imagerie (16,20). Ils souhaitent éliminer une fracture. Cette raison de recours ayant été souvent mise en évidence lors des recours aux urgences pour motif traumatologique (3,4), il a été décidé pour ce travail de recherche d’envisager le sujet sous un autre angle et de ne pas inclure les patients se présentant pour ce motif de consultation. Par extension les patients se présentant pour des plaies aigues dans un contexte traumatique n’ont pas été inclus. Concernant les patients se présentant pour une expertise, qu’il s’agisse de réquisitions judiciaires ou de consultations spontanées dans un contexte d’agression par exemple, il a été décidé pour des raisons éthiques de ne pas les inclure. Enfin concernant les problématiques psychiatriques, il a été conclu dans une circulaire de la Direction Générale de Santé que : « L'urgence en psychiatrie est une demande dont la réponse ne peut être différée : il y a urgence à partir du moment où quelqu'un se pose la question, qu'il s'agisse du patient, de l'entourage ou du médecin : elle nécessite une réponse rapide et adéquate de l'équipe soignante afin d'atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique. ». (21,22) De ce fait, toute consultation spontanée aux urgences pour une plainte d’ordre psychiatrique et pour laquelle le patient demande à voir un psychiatre (même si sa plainte aurait pu être prise en charge par un médecin généraliste) est justifiée. De plus, du fait de la souffrance psychique 36 et de l’urgence ressentie par le patient au moment de sa consultation aux urgences, il a là encore été décidé pour des raisons éthiques de ne pas inclure ces patients. Principaux résultats
L’étude a inclus environ 12% de l’ensemble des patients adultes se présentant aux urgences entre 8h30 et 18h30 du lundi au vendredi. La population étudiée était plutôt jeune avec une médiane à 35 ans et 75% des patients qui avaient moins de 50 ans. Ils étaient 75% à avoir des symptômes évoluant depuis plus de 2 jours avec une médiane à 5 jours. Ils étaient 75,4% à estimer la gravité de leur état à 5/10 ou plus. Cette gravité ressentie était une des raisons de la consultation aux urgences pour 46,8% des sujets interrogés. Cela semble supposer un lien entre la durée de la gêne et le sentiment de gravité et d’urgence de prise en charge qu’elle génère. Ce constat est rapporté dans d’autres études (23,24) mais n’a pas été mis en évidence de façon significative dans l’étude SAUGARD avec p = 0,18. L’étude n’a pas non plus mis en évidence de rapport significatif entre le niveau de douleur exprimé par le patient et une venue au SAU pour une prise en charge urgente avec p = 0,67. L’urgence ressentie pourrait donc signifier un désir d’avoir un diagnostic et une prise en charge rapide chez un patient inquiet ou impatient. Cette inquiétude se retrouve chez 37,0% des sujets qui avaient une suspicion diagnostic discordante et quasiment toujours plus grave que le diagnostic final retenu. 24,4% avaient une suspicion diagnostic concordante et 38,6% étaient sans avis diagnostic sur leur pathologie. Près de 80% des sujets interrogés ont exprimés l’importance de pouvoir avoir un contact téléphonique avec leur médecin généraliste à tout moment de la journée. Un avis médical oral est parfois suffisant pour les rassurer ou organiser une prise en charge adaptée à la situation. La première raison de consultation avancée par les patients interrogés est le besoin d’examens complémentaires, même si les motifs de consultation traumatologiques n’étaient pas inclus. 50% des patients ont exprimé ce besoin. Ce chiffre varie entre 35% et 75% dans d’autres études (3,15,16). Il révèle là encore une inquiétude du patient sur son état de santé et une volonté de bénéficier d’une consultation complète avec des examens paracliniques dans le même temps afin d’avoir un diagnostic rapide sans multiplier le nombre de rendez-vous. Cette notion de « quête d’immédiateté » et la « difficulté des patients à gérer leur propre angoisse » sont retrouvées dans un rapport d’information du Sénat de 2017 (25). Parmi ces 50% de sujets, 37 61,7% n’ont pas nécessité d’imagerie ni de bilan sanguin, allant dans le sens d’une inquiétude injustifiée ou d’une exigence grandissante du patient. Concernant l’offre de médecine générale, 34,8% des patients ont exprimé une difficulté d’accès aux soins primaires en ville avec soit une absence de médecin traitant, des difficultés à trouver un médecin traitant qui prend de nouveaux patient, un médecin absent non remplacé ou un délai de consultation trop long. L’absence immédiate de réponse en ville au moment où le patient décide de consulter pour un problème de santé aigüe représente donc une part non négligeable des consultations spontanées aux urgences (26). Même si ses symptômes évoluent depuis plusieurs jours, les patients semblent exiger un diagnostic et des soins rapides lorsqu’ils en ressentent le besoin. Les urgences deviennent donc une réponse à des besoins de soins non programmés non satisfaits en ville malgré l’existence de structures de soins ambulatoires plus adaptées (15). En effet, à Nîmes il existe entre autres, depuis plusieurs années une Structure d’Accueil Médical (SAM) située à moins de 5 kilomètres du CHU et ouverte de 9h à 19h pour des consultations sans rendez-vous. Elle constitue une alternative à la consultation aux urgences mais semble méconnue des sujets se présentant au SAU du CHU. Toujours concernant l’offre de médecine générale, l’étude met en évidence un sentiment de satisfaction majoritaire des patients vis-à-vis de leur médecin traitant, de ses compétences et du fonctionnement de son cabinet. 81,9% des sujets recommandait leur médecin généraliste. Parmi les remarques de ceux qui ne le recommandait pas, on retrouvait une prise en charge insuffisante avec peu d’examens complémentaires prescrits ou des comportements type désintéressement du médecin qui ne permettait pas une relation médecin-malade optimale. Le recours spontané aux urgences ne vise pas à pallier un manque de compétences des généralistes mais à apporter en une consultation des moyens humains et techniques supplémentaires pour une prise en charge complète plus rapide. D’ailleurs, pour 53,9% des sujets, leur dernière consultation aux urgences remontait à plus d’un an et pour 56,2%, la dernière consultation chez leur médecin traitant remontait à moins d’un mois. Le profil d’« habitué » des urgences n’est pas majoritaire chez les patients interrogés. Peu d’études ont étudié le profil des usagers des urgences et leur fréquence de consultation aux urgences mais nos résultats sont similaires à ceux d’une étude de 2016 qui montrait que 56% des patients inclus qui se présentaient spontanément au SAU de Saint Nazaire n’avaient pas consulté aux urgences depuis plus d’un an (20). L’exigence des patients se retrouve à la fois sur les délais de prise en charge mais également sur la nature des soins. En plus des demandes d’examens complémentaires afin d’explorer de façon approfondie leurs symptômes, les patients sont également en demande d’avis spécialisés. 22,4% des patients étaient venus avec cette intention mais 58% d’entre eux étaient classés CCMU1 et n’en ont pas nécessité en urgence. Cela semble refléter une mauvaise connaissance de l’étendu du champ d’action et de soins du généraliste. Toute plainte somatique ne nécessite pas l’avis d’un spécialiste d’organe. D’ailleurs, 24,4% des patients n’ont même pas pensé à appeler leur généraliste avant de consulter aux urgences et 62,7% pensent que leur prise en charge ne relevait pas de la médecine générale. Des chiffres similaires se retrouvent dans d’autres études (20,27,28). Ce sentiment des patients n’est pas corrélé à leur confiance en leur médecin traitant (p = 0,36) mais pourrait être lié aux habitudes de leur médecin traitant qui les adresse facilement aux urgences ou à des spécialistes (29). Ce sentiment pourrait aussi signifier que le besoin ressenti d’examen complémentaire implique que leurs soins nécessitent plus qu’une seule consultation chez le médecin généraliste. En ce sens, leur prise en charge ne relève pas strictement de la médecine générale pour ces patients. Ils recourent donc directement aux urgences sans prendre l’avis de leur généraliste afin de réduire leur délai de prise en charge. L’étude montre également que 40,9% des patients avaient consulté récemment leur généraliste avant de se présenter aux urgences. L’absence d’amélioration de leur état suite à la consultation ou, dans une moindre mesure, la récidive du problème, motivait leur passage. Il s’agissait d’ailleurs du 4eme motif de consultation le plus cité. En cas d’absence d’effet rapide et efficace du traitement, 50,0% des sujets en cours de traitement déclarent consulter au SAU pour avoir un 2ème avis médical et 52% pour avoir des examens complémentaires. La confiance dans les compétences de leur médecin traitant ne semble pas faire défaut puisque 77,8% des patients en cours de soins recommandent leur médecin généraliste. Là encore, ce serait la disponibilité des soins et d’un plateau technique dans un même service qui semble être l’élément déterminant expliquant la venue au SAU. Ce profil de consultations multiples pour une même plainte et cette consommation de soins est confirmé dans une étude de la DREES de 2020. Les usagers des urgences comptabilisent 27% de plus de consultations chez le généraliste que les patients non passés par les urgences. D’ailleurs, en moyenne 22% des patients qui se sont présentés aux urgences avec un retour à domicile dans les suites de la consultation ont consulté leur généraliste la semaine suivant leur passage. A noter que dans notre échantillon de sujets, le pourcentage de patients appartenant aux catégories socio professionnelles (CSP) des employés et des sans activité professionnelles était significativement plus élevé que dans la population générale nîmoise. A l’inverse, le pourcentage des professions intellectuelles supérieures et des retraités était significativement moins représentées que dans la population (30). Selon une étude de l’Observatoire des inégalités, les CSP des employés, des ouvriers et des activité font partie des moins diplômées (31). On peut supposer qu’un travail de communication et d’information de ces sujets serait à envisager afin de leur apporter une meilleure connaissance de notre système de soins et des structures appropriées pour leur prise en charge.
Pistes de réflexion
En 2017, le nombre de passages annuels dans les services d’urgence français était estimé à plus de 21 millions. Une enquête de la DREES sur les recours non programmés en médecine générale estimait que « les recours urgents ou non programmés constituent 12% de l’activité totale des médecins généralistes libéraux » soit 35 millions de consultations par an et 46 % des généralistes réservent dans leur emploi du temps des créneaux réservés à l’urgence (32). Toutefois, l’accès aux soins primaires dans des structures appropriées continue de rester un enjeux national dans le domaine de la santé et a fait l’objet d’une ébauche de plan d’action présenté par le Premier Ministre Edouard Philippe le 13 octobre 2017 (5). Même si l’offre actuelle de médecine générale est globalement ressentie comme satisfaisante par la population étudiée, des aménagements pourraient être envisagés pour les demandes de consultations pour des soins non programmés ressentis comme urgents dans le bassin nîmois. Tout patient qui en ressent le besoin devrait pouvoir avoir un avis médical rapide. Les structures ambulatoires existantes telles que le SAM, les MMG ou SOS médecins représentent une alternative. Elles permettent aux patients de consulter sans rendez-vous et de répondre à leurs inquiétudes concernant leur santé. Cependant, elles n’offrent pas la même globalité de prise en charge qu’un médecin traitant et n’ont pas vocation à assurer un suivi médical. De plus, la multiplication de ce type de structures présente le risque d’encourager une approche consumériste non coordonnée et non régulée des soins, en occultant l’éducation des 40 patients sur l’intérêt de suivre le parcours de soins pour un bon fonctionnement de notre système de santé (33) Les solutions pourraient se trouver ailleurs. La création de MSP dans l’agglomération nîmoise est intéressante. On en compte une vingtaine dans le Gard dont 8 sur Nîmes et ses alentours (34). Pour être agréées, les MSP s’engagent « pour recevoir chaque jour ouvré les patients ayant besoin de soins non programmés, par la disponibilité des différents professionnels de santé de la structure pour une régulation des demandes (physique ou téléphonique), par la possibilité de consultations dans la journée (plages horaires dédiées pour chaque professionnel, journées dédiées ou plages horaires assurées à tour de rôle par chacun des médecins de la structure, etc.)» (35). Dans l’Accord national de juillet 2015, la CPAM fixe des obligations similaires concernant les soins non programmés aux centres de santé conventionnés (36). Il existe un centre de santé remplissant ces critères dans la ville de Nîmes. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) peuvent constituer une autre alternative pour pallier les difficultés de consultation pour des urgences ressenties. Ce concept n’existe que depuis 2016. Plusieurs projets sont en cours sur Nîmes et sa couronne. Elles ont pour principale mission d’organiser au mieux le parcours de soins des patients en « facilitant l’accès à un médecin traitant » et en « améliorant la prise en charge des soins non programmés en ville en permettant aux patients d’obtenir un rendez-vous dans les 24 heures » après appel au secrétariat (37). Cette organisation avec des médecins généralistes, spécialistes, laboratoires d’analyses biologiques, centre de radiologie, en partenariat avec le CHU, permettrait de répondre aux besoins des patients avec une meilleure coordination de soins et une prise en charge adaptée et globale sans passer par un service d’urgence. Les initiatives de mutualisation des ressources médicales au sein des territoires constituent une des pistes à privilégier selon un rapport sur le premier accès aux soins remis à la Ministre des Solidarités et de la Santé en mai 2018 (38). Un ensemble de médecins volontaires proposerait des plages pour des consultations non programmées. Celles-ci seraient régulées par le centre 15, par une centrale avec un numéro unique ou par des plateformes informatiques comme le site santé.fr. Sur cette base de réflexion, une expérimentation de réadressage des patients à l’accueil des urgences du CHU de Nîmes est en cours de protocolisation. L’objectif est de mettre à 41 disposition de l’IAO les offres de plages de consultation non programmées sur le territoire afin qu’elle puisse orienter les patients vers des structures plus adéquates pour la prise en charge de leur pathologie. Il s’agira également par la suite de travailler sur des campagnes d’information et une promotion de ces parcours de soins adaptés et adéquats, indispensables à une bonne prise en charge, auprès de la population. Avec le concours du DMP (Dossier Médical Partagé) ces alternatives et ce nouveau maillage territorial permettrait de combler les carences de l’offre de soins de médecine générale et de répondre aux besoins des patients mis en évidence dans l’étude SAUGARD.
CONCLUSION
Toute demande dans le domaine de la santé doit être entendue. En 2017, la médecine d’urgence est devenue un diplôme d’étude spécialisé. Malgré son rôle dans la prise en charge des soins primaires, cette discipline n’a pas vocation à se substituer à la médecine générale. Cependant, depuis plusieurs années les urgences connaissent une affluence croissante avec de plus en plus de recours spontanés et inappropriés. L’offre de soins en médecine générale est souvent incriminée. Ce travail de recherche réalisé au CHU de Nîmes a permis de mettre en évidence le besoin rapide d’examens complémentaires ainsi que la gravité et l’urgence ressenties comme principaux déterminants pouvant expliquer cette tendance. Ce sont donc les inquiétudes et exigences des patients qui sont au premier plan des raisons de leur consultation. En 2020, le Conseil national de l’ordre des médecins comptabilisait 86102 médecins généralistes sur le territoire français (39). Avec environ 5000 consultations par an par médecin généraliste, la discipline comptabilise plus de 430 millions de consultation par an (40). Selon nos calculs, environ 4 millions des consultations, soit moins de 1% des consultations annuelles de médecine générale, échappent aux généralistes suite à une carence dans leur offre de soins. Ce pourcentage minime a tout de des répercussions financières. Les patients sont majoritairement satisfaits voire très satisfaits de l’organisation logistique de la médecine générale dans le cabinet de leur médecin traitant même s’il existe effectivement des manquements dans l’offre de soins ambulatoire. Des progrès sont à envisager dans ce domaine, notamment pour des situations de soins non programmés nécessitant des examens complémentaires. Ces progrès pourraient résider dans une collaboration accrue entre les hôpitaux et la médecine de ville. L’organisation des soins primaires est en marche avec la création de MSP et CPTS sur l’ensemble du territoire national. Ces structures, avec le développement de soins coordonnés en lien avec les services hospitaliers, s’engagent à prendre en charge des demandes de soins non programmés dans les 24 heures. 43 Il s’agirait également d’améliorer la communication via des campagnes d’informations sur l’existence, les rôles et missions de ces structures utiles au bon fonctionnement du système de soins français aussi bien pour des enjeux personnels de santé que pour des enjeux nationaux financiers. 44
Annexe 1.1 Classification Infirmière des Malades aux Urgences (CIMU) : 45 Annexe 1.2 Classification Clinique des Malades des Urgences (CCMU) : Niveau CCMU Descriptif
1 Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Abstention d'acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique. 2 Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Décision d'acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique. 3 Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés
susceptibles
de s'aggraver, sans mise en jeu du pronostic vital. 4
Situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge ne comportant pas de manœuvres de réanimation immédiate. 5 Situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge comportant la pratique immédiate de manœuvre de réanimation. 46 Annexe 2 LETTRE D’INFORMATION ET DE NON OPPOSITION DESTINEE AU PATIENT
Promoteur de l’étude : CHU de Nîmes Place du Professeur Debré 30029 Nîmes Cedex 09 Etude « SAUGARD » Évaluation des déterminants d'un recours spontané aux urgences pour des motifs relevant de la médecine générale.
Madame, Monsieur, Votre médecin vous propose de participer à une recherche dans le cadre d’une mission d’intérêt public dont le CHU de Nîmes est le promoteur. Il est important que vous lisiez attentivement ces pages qui vous apporteront les informations nécessaires concernant les différents aspects de cette recherche. N’hésitez pas à poser toutes les questions que vous jugerez utiles à votre médecin. Votre participation est entièrement volontaire. En l’absence d’un avis contraire de votre part après la lecture de cette lettre d’information, nous considèrerons que vous acceptez de participer à cette étude. Si vous ne désirez pas prendre part à cette recherche, vous continuerez à bénéficier de la meilleure prise en charge médicale possible, conformément aux connaissances actuelles. Un article récent du Quotidien du Médecin estime que la fréquentation annuelle des Services d’Urgences en France est en constante augmentation depuis 20 ans. Afin d’améliorer nos pratiques et notre offre de soins sur le territoire, nous souhaitons, à travers un questionnaire anonyme, avoir un retour de votre part concernant les raisons de votre venue aux Urgences ainsi que votre niveau de satisfaction et vos attentes concernant de fonctionnement du cabinet de votre médecin traitant. L’objectif de cette étude est de déterminer le pourcentage de patients consultant aux Urgences par difficulté d’avoir un médecin traitant ou un rendez-vous rapide dans
région. DEROULEMENT DE LA RECHERCHE
Lors de votre passage aux Urgences, il vous sera proposé de participer à l’étude « SAUGARD » qui se déroulera sur 1 mois au CHU de Nîmes uniquement. Après information sur les modalités de l’étude, si vous n’avez pas exprimé d’opposition au recueil de données vous concernant, un questionnaire vous sera remis. Ce questionnaire est entièrement anonyme. Il vous sera demandé de le remplir et de le remettre au médecin urgentiste à la fin de votre prise en charge. A noter que vos réponses n’auront aucune incidence sur la nature et la qualité de votre prise en charge.
ACTES SPECIFIQUES A LA RECHERCHE QUI NE FAIT/FONT PAS PARTIE DE LA PRISE EN CHARGE HABITUELLE
Le recueil de données concernant votre parcours de soin, votre pathologie et votre satisfaction concernant le fonctionnement du cabinet de votre médecin traitant ne font pas partie de la prise en charge habituelle. Toutefois, vos réponses n’auront aucune incidence sur votre prise en charge : vous bénéficierez d’une réponse adaptée à votre demande et d’une qualité de soin habituelle et maximale
POPULATION DE LA RECHERCHE
L’étude s’adresse aux patients ne présentant pas de critère de gravité, qui consultent de leur propre initiative dans le service des Urgences du CHU de Nîmes. Les patients mineurs, hors d’état d’exprimer leur consentement, sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice ne sont pas concernés par l’étude.
48 CONTRAINTES, RISQUES PREVISIBLES & OBLIGATIONS
La participation à l’étude « SAUGARD » ne présente pas de contrainte ou risque prévisible et ne vous astreint à aucune obligation.
BENEFICES ATTENDUS
Votre participation permettra de mettre en relief vos besoins en termes de santé et d’accès à un médecin généraliste et a tenter adapter l’offre de soins dans la région afin de répondre à vos demandes. INDEMNISATION
Cette étude ne donne lieu à aucune indemnité. QUELS SONT VOS DROITS? Votre médecin doit vous fournir toutes les explications nécessaires concernant cette recherche. Si vous souhaitez vous en retirer à quelque moment que ce soit, et quel que soit le motif, vous continuerez à bénéficier du suivi médical et cela n'affectera en rien votre surveillance future. Dans le cadre de la recherche, un traitement informatique de vos données personnelles va être mis en œuvre pour permettre d’analyser les résultats de la recherche au regard des objectifs qui vous ont été présentés. Le responsable du traitement des données est le CHU de Nîmes. Le médecin de l’étude et autres personnels de l’étude recueilleront des informations à votre sujet, sur votre santé, sur votre participation dans l’étude, et le cas échéant, sur vos habitudes de vie. Ces informations, appelées « Informations personnelles », sont consignées sur les formulaires, appelés cahiers d’observations, fournis par le promoteur. Seules les informations strictement nécessaires au traitement et à la finalité de la recherche seront recueillies et ces données seront conservées jusqu'à deux ans après la dernière publication des résultats de la recherche ou, en cas d’absence de publication, jusqu'à la signature du rapport final de la recherche. Elles font ensuite l’objet d’un archivage papier ou informatique pour une durée de 15 ans à compter de la date de fin d’étude conformément à la réglementation en vigueur. Afin d’assurer la confidentialité de vos informations personnelles, ni votre nom ni aucune autre information qui permettrait de vous identifier directement ne seront saisis sur le cahier d’observation ou dans tout autre dossier ou échantillon que le médecin de l’étude fournira au promoteur ou aux représentants autorisés du promoteur. Vous serez uniquement identifié(e) par un code et vos initiales. Le code est utilisé pour que le médecin de l’étude puisse vous identifier si nécessaire.
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5 Jacques Defrance, Sociologie du sport, Paris, La Découverte, 1995, pp. 62-67. 259
1. L'autonomisation de l'information médicale dans les médias « grand public » de l'après-guerre aux années 70
L'histoire de l'information scientifique et médicale depuis l'après-guerre recouvre essentiellement l'histoire de la lutte pour le contrôle de sa publicité dans les médias nationaux d'information générale. Le problème de sa diffusion dans le grand public se pose d'autant plus fortement au lendemain de la guerre que la presse écrite et la radio sont en plein essor et que les progrès de la science, notamment médicale, sont sans précédent. Le leitmotiv des journalistes pour justifier un droit de regard sur les activités scientifiques est d'invoquer les « demandes du public » qui, faute d'études, ne sont d'ailleurs pas dans un premier temps véritablement repérées. Le second argument principal est de dire qu'il n'y a pas de raisons que « les hommes de science » continuent à « vivre enfermés dans un domaine réservé » 6, qu'ils doivent rendre des comptes parce qu'ils sont « payés par le public » 7. Pour comprendre le type de relations qui va s'instaurer entre le journalisme et la médecine, il faut prendre en compte l'état respectif de ces deux univers sociaux lorsqu'ils entrent en relation. Le champ journalistique apparaît comme un univers faiblement autonome au regard de l'univers médical qui possède un ordre professionnel et qui est très fortement dominé par les « grands patrons », ceux-ci contrôlant d'ailleurs tout particulièrement l'accès aux médias. Leurs logiques de fonctionnement divergent donc sous beaucoup de
6 Extrait d'un texte de l'Association des journalistes d'information scientifique cité par Philippe Roqueplo, Le partage du savoir. Science, culture, vulgarisation, Paris, Seuil, 1974, p. 45. 7 Pierre Bourget, « La télévision », Revue française des affaires sociales, hors série, janvier 1985, p. 51. 260 rapports 8.
Pour les scientifiques, les médias ne sont pas un lieu de discussion approprié à l'inverse des revues savantes, contrôlées par des comités de lecture qui décident du choix de la diffusion des articles scientifiques et, par là même, consacrent les pairs. Certaines d'entre elles, comme le New England Journal of Medicine en 1968, refuse par exemple toute publication parue préalablement dans la presse d'information générale 9. Dorothy Nelkin, Selling Science. How the Press covers
Science
and
Technology
, op. cit., p.
261
médecins, Chambre syndicale, associations de journalistes, etc.). Ces oppositions peuvent être restituées à travers les colloques, les articles parus essentiellement dans les années 50 et 60, mais également à partir de quelques entretiens réalisés avec des journalistes en activité à l'époque. Une des principales raisons avancées par les professionnels de la médecine pour contrôler (voire interdire dans certains cas) la diffusion de l'information médicale dans le « grand public » est la crainte en fait ancienne que des médecins n'interviennent dans la presse de grande diffusion pour en tirer un profit publicitaire. D'autres inquiétudes tiennent à la production même des articles de presse ou des reportages et aux « effets pervers » qu'ils seraient censés exercer sur le public, notamment sur les malades. La diffusion d'informations, qui est en ce domaine délicate et jusqu'alors monopolisée par l'institution médicale, est jugée dangereuse, des informations « prématurées » pouvant laisser penser que telle ou telle maladie est vaincue ou, à l'inverse, incurable, suscitant ainsi des espoirs ou des déceptions dommageables. D'autres informations trop précises sont également susceptibles de favoriser l'automédication ou le recours à des « médecins » non reconnus par l'ordre professionnel. Bref, le contrôle de ce qui est diffusé vers le grand public est aussi une manière d'assurer une régulation interne au milieu médical. C'est ainsi, par exemple, que la publicité donnée à une greffe de rein prélevée chez une mère pour sauver son enfant (l'« affaire Marius Renard ») provoque, en 1953, des controverses portant sur le rôle des médias dans la diffusion d'informations médicales. La médiatisation des « guérisseurs » dans les années 50 suscit aussi des inquiétudes. L'enjeu de ces luttes à propos de l'information médicale consiste 10 Pour un exemple dans les années 30, voir Patrice Pinell, Naissance d'un fléau. Histoire de la 262 en fait, pour les représentants des médecins, à préserver, à travers la défense du monopole de la diffusion de l'information médicale, leur autonomie par rapport à la presse et au « grand public », c'est-à-dire à maintenir les conditions qui rendent possibles la science même 11. Autrement dit, il s'agit de défendre le monopole de la compétence scientifique en matière médicale ou, plus précisément, la capacité socialement reconnue à un agent déterminé de parler et d'agir dans ce domaine 12. C'est pourquoi, les représentants du corps médical tentent de s'organiser face au développement de l'information médicale « grand public » qu'ils ne peuvent ignorer complètement. Plusieurs initiatives expriment dès le début des années 50 ces tentatives de régulation de l'information médicale dans les médias. En 1952, l'Association des écrivains scientifiques français (AESF) fonde en collaboration avec la Chambre syndicale de la presse médicale française un service de consultations scientifiques téléphoniques à destination des « journaux quotidiens et hebdomadaires de grande diffusion » qui permet de joindre des spécialistes de chaque discipline 13 mais cette expérience est de courte durée. En 1953, une proposition de loi, qui entend subordonner « à un visa du ministère de la Santé publique la publication des articles médicaux », reçoit un avis défavorable de la Commission de la presse de l'Assemblée nationale 14. L'Ordre des médecins décide, toujours en 1953, d'adresser des communiqués de presse rédigés par des lutte contre le cancer en France 1890-1940, op. cit., pp. 270-271. 11
Luc
Boltanski
et Pascal
e
Mal
didier
,
La vulgarisation scientifique et ses agents
,
Paris
, Centre de sociologi
e
européen
ne
, 1969, p. 61. 12 Pierre Bourdieu, « Le champ scientifique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°2/3, 1976, pp. 88-104. 13 Cf. l'intervention d'André Fortin, secrétaire général
de
l
'
Association des écrivains scientifiques français : Union internationale de la presse médicale, Rapports du IIème congrès de l'UIPM (Paris, 21/22 octobre 1955), Paris,
Masson
et Cie, 1956, p. 13.
263 spécialistes sur des questions médicales mais cette initiative est rapidement abandonnée parce qu'elle n'est pas reprise par les journalistes qui jugent ces textes « trop longs » et « sans actualité »
15. L'émergence du journalisme scientifique
Les autorités médicales (et plus ment scientifiques), qui sont à l'origine de ces tentatives de régulation dans la première moitié des années 50, rencontrent un milieu de producteurs d'information scientifique « grand public » à la fois très restreint et relativement homogène. Dans cette période - il n'y avait alors pas encore vraiment de spécialisation, notamment médicale, à l'intérieur de cette catégorie -, émerge en effet une nouvelle catégorisation indigène, celle du « journaliste scientifique ». L'information scientifique va progressivement avoir, au même titre que l'économie par exemple, « ses » journalistes spécialisés, « ses » rubriques dans les journaux d'information générale et « sa » presse. En France comme aux Etats-Unis 16, elle se développe considérablement. Ce sous-espace du champ journalistique en voie de constitution comprend un pôle minoritaire en nombre, formé par quelques médecins journalistes proches des prises de positions dominantes dans le champ médical. Il est incarné essentiellement par le docteur Henriette Fiessinger, première responsable de l'information médicale au Monde, qui estime que cette information est une information « à part » et doit être « couverte » par des spécialistes : « Le problème
[
de l'information médicale
] 14 Voir le chapitre intitulé « Le problème de l'information médicale » dans Etudes de presse, vol VI, n°10, 1954, pp. 147-157. 15 Voir l'article d'un médecin qui collaborait au Monde : Dr Henriette Fiessinger, « Le corps médical et le public », Etudes de presse, vol VI, n°10, 1954, p. 153.
16 « Une enquête effectuée en 1951 dans la presse américaine révèle que les deux tiers des publications interrogées consacraient au moins deux fois plus d'espace à la science dans leurs 264 serait en grande partie résolu si les journaux acceptaient de confier à des médecins la rédaction des rubriques médicales » 17. Les professeurs de médecine, comme Paul Milliez, ont une position relativement proche jugeant, comme le résume une journaliste spécialisée, que la vulgarisation médicale doit être « mise en forme par un journaliste professionnel avec la collaboration et le contrôle du médecin » 18. Ce débat traverse l'histoire du journalisme médical jusqu'à nos jours 19. Le pôle majoritaire des journalistes professionnels spécialisés (ou en voie de l'être) dans le domaine scientifique se constitue à cette époque comme un interlocuteur des autorités médicales compétentes. Il recouvre la plupart des journalistes spécialisés. A l'inverse d'Henriette Fiessinger, ceux-ci défendent l'autonomie professionnelle des journalistes, considérant que l'information médicale doit être traitée au titre que les autres. « Notre argument a toujours été le même. Vous n'avez plus qu'à confier la rubrique judiciaire à un ancien magistrat, vous n'avez plus qu'à confier la rubrique des faits divers à un ancien assassin sorti de tôle! », explique humoristiquement un journaliste scientifique de l'époque 20. Dans une période où se poursuit la professionnalisation des journalistes, les plus virulents expliquent que « les médecins exerçants qui apportent leur collaboration colonnes que pendant la décennie précédente », note Jack Meadows dans un article : « Histoire succinte de la vulgarisation scientifique », Impact, Science et Société, n°144, 1986, p. 400. 18 Noël Bayon, « Défense et illustration de l'information médicale du grand public », art. cit., p. 1217. 19 Par exemple
,
Jean
-
François Lemaire, médecin et chroniqueur médical au Point, réaffirmait ainsi dans les années 80 que « le journaliste médical doit être un médecin professionnel de la santé car il est nécessaire avant tout que celui qui va faire passer l'information la comprenne et la maîtrise » (cité par Anaïs Guilleminot, Notre rôle dans l'information médicale du grand public, op. cit., p. 7 ; cf. aussi chapitre 3). 20 Entretien avec Pierre Bourget, un journaliste scientifique qui travaillait à l'époque dans la presse écrite, 1995. Cf. son article « De l'information médicale du grand public » in Médecine et hygiène, n°757, 30 novembre 1966, pp. 1221-1224. 265 régulière à la presse d'information sans être titulaire de la carte d'identité du journaliste professionnel font de l'exercice illégal du journalisme »
21. Le sous-espace des journalistes scientifiques se compose donc essentiellement de jeunes journalistes au masculin qui, pour la plupart, ont commencé dans les quotidiens omnibus nationaux (Le Figaro, L'Aurore, Le Parisien Libéré, France Soir, etc.) comme reporters généralistes, se sont formés « sur le tas » avant de se spécialiser dans le domaine scientifique. La majeure partie d'entre eux n'a donc pas suivi de formation scientifique mais, semble-t-il, plutôt historique ou littéraire 22. Seule quasiment la situation du quotidien Le Monde est différente puisque l'information médicale est traitée par des médecins et, plus ponctuellement, au travers d'articles de professeurs de renom. Ce petit groupe de journalistes spécialisés s'organise alors progressivement dans la première moitié des années 50 pour tenter de faire valoir une information scientifique (et particulièrement médicale relativement autonome dans les médias omnibus nationaux, se démarquant du Monde et du feuilleton scientifique de l'« académicien de service » 23 d'avant-guerre. Pour la plupart d'entre eux, la nécessité de « banaliser » l'information scientifique s'impose : « Le jour où on la 21 Noël Bayon, « Défense et illustration de l'information médicale du grand public », Gazette Médicale de France, tome 74, n°7, 5 mars 1967, p. 1224. 22 Une étude menée en 1957 aux Etats-Unis auprès de l'Association nationale des écrivains scientifiques (The National Association of Science Writers) - elle montre que 80% des journalistes membres n'avaient pas de formation scientifique. Cf. Pierre C. A l'initiative notamment d'André Labarthe, physicien à l'origine et alors directeur de la revue de vulgarisation scientifique Constellation qui était l'équivalent en France du Reader's digest, est créée, dès mars 1955, l'Association des journalistes scientifiques de la presse d'information (AJSPI). Elle donne une existence formelle à ce qui était perçu jusque-là par les intéressés eux-mêmes comme une « bande de copains » : « On ne prenait pas trop les choses au sérieux, on s'appelait les escrocs à la sciences (rires) », se rappelle l'un d'eux 26. L'organisation collective de ce groupe de journalistes est liée en grande partie à la satisfaction des objectifs professionnels très concrets pour améliorer leur travail quotidien. Les observations à propos de l'AJSPI pourraient être faites mutatis mutandis pour d'autres types de spécialités journalistiques, comme l'« économie », le « social » ou 24 Robert Clarke, cité par Philippe Roqueplo, La partage du savoir. Science, culture, vulgarisation, op. cit., p. 34. 25 Ce texte est reproduit in Union internationale de la presse médicale, Rapports du IIème congrès de l'UIPM (Paris, 21/22 octobre 1955), op. cit., pp. 25-26. 26 Entretien avec Pierre Bourget, journaliste scientifique à l'époque dans la presse écrite, 1995. 267 l'« éducation » 27, qui se sont constituées ou renforcées après la guerre dans les médias omnibus nationaux. Par exemple, la création en 1967 de l'Association des journalistes d'information sociale (AJIS), décrite par Sandrine Lévêque 28, est un moyen pour eux d'affirmer une spécificité par rapport aux autres sous-espaces du champ journalistique, dont surtout celui de l'information économique de plus en plus présent et, bien évidemment, de l'information politique 29. Pour obtenir des résultats, les journalistes spécialisés sont alors à la recherche d'une double légitimité externe et interne. Se démarquer d'un journalisme « sensationnaliste », en affichant une volonté de « favoriser une collaboration active avec les chercheurs de tous les domaines en vue d'assurer une information responsable et objective du public » 30, a été une des manières d'être crédible auprès des autorités scientifiques. La quête d'une légitimité externe est d'abord une condition nécessaire pour imposer une relative autonomie professionnelle dans la production de l'information scientifique au sein des médias omnibus nationaux. Cette question est primordiale pour ces journalistes professionnels par crainte de la concurrence. Comme l'explique un des fondateurs de l'AJSPI, la peur que les « scientifiques, les ingénieurs, les médecins viennent traiter » ces rubriques 31 était grande. Ils sont en effet très présents dans la presse professionnelle ou spécialisée de haut niveau et regroupés pour la plupart dans l'Association des écrivains scientifiques français (AESF) 32. La question de la 27
Cf. Jean-Gustave Padioleau, « Systèmes d'interaction et rhéto
riques
journalistiques », Sociologie du travail, n°3, 1976, pp. 256-282. 28 Cf. Sandrine Lévêque, La construction journalistique d'une catégorie du débat public. Spécialisation journalistique et mise en forme du social, op. cit. 29 Voir aussi Edouard Boutros et Henri Tincq, L'information sociale et ses publics. Colloque de l'AJIS, Paris, Thema Editions, 1974, p. 77 ; Centre national d'études supérieures de la sécurité sociale. L'information sociale en question, Paris, Economica, 1984, p. 15. 30 Extrait de l'introduction de l'annuaire 1995 de l'Association des journalistes scientifiques de la presse d'information qui en retrace l'histoire. 31 32 Entretien avec Robert Clarke,
journaliste
scientifique
dans la presse
écrit
e
à l'époque, 1995. 49,5% des journalistes ou écrivains scientifiques recrutés par l'AESF ont exercé des professions de chercheurs, d'enseignants, d'ingénieurs ou de chercheurs : cf. Luc Boltanski et Pascale Maldidier, La vulgarisation scientifique et ses agents, op. cit., p. 74. 268 formation de ceux qui sont chargés de ce traitement fait l'objet de nombreux débats 33. La recherche d'une légitimité auprès des autorités scientifiques est, en second lieu, destinée à nouer de meilleures relations avec ceux qui exercent dans ce secteur d'activités (particulièrement les médecins), souvent réticents vis-à-vis des médias. Elle est une des conditions nécessaires pour disposer plus largement d'un meilleur accès à l'information. Par exemple, les membres de l'AJSPI ont suscité dans les années 50, et surtout 60, à l'image des Etats-Unis où les journalistes spécialisés étaient invités à visiter des laboratoires ou suivre des formations 34, la création des premiers postes de chargés de relation avec la presse dans les institutions scientifiques 35. Ce groupe de journalistes spécialisés cherche aussi dans le même temps à acquérir ou affirmer une légitimité interne, c'est-àdire auprès des principaux dirigeants des titres auxquels ils appartiennent, notamment pour accroître la place de l'information scientifique. L'AJSPI va chercher à satisfaire des objectifs professionnels dans le domaine de l'information scientifique en général, et en particulier dans celui de l'information médicale. Elle est l'interlocutrice des autorités médicales à une période où, comme dans la première moitié des années 50, celles-ci tentent d'affirmer leur contrôle. Ainsi, quelques-uns de ses membres participent, à partir du 9 mars 1956 et durant trois ans environ, avec des médecins - particulièrement le président de la Chambre syndicale de la presse médicale française et un
33 Par exemple, voir Philippe Roqueplo, La partage du savoir. Science, culture, vulgarisation
,
op
.
cit
.,
p
. 78. 34 L'exemple cité par Dorothy Nelkin (Selling Science. How the Press covers Science and Technology, op. cit., p. 136) de l'American Cancer Society a inspiré les demandes de certains journalistes français. 35 Ainsi, un des fondateurs de l'AJSPI notait que le CNRS avait créé au début des années 70 un « service de presse autonome », à la suite notamment aux demandes qui avaient été faites par les journalistes spécialisés au colloque qu'ils avaient organisé à Nice sur l'information scientifique. 36 Jean-Pierre Coupin, La grande presse, la médecine et les médecins, Nancy, thèse pour le doctorat de médecine, Université de Nancy I, 1974, p. 26. 37
Dans certains pays étrangers, il semble que cette même idée avait émergée. Ainsi, des représentants de la profession médicale comme par exemple la Fédération des médecins suisses ont mis aussi en place en 1964 un « service d'information médicale chargé de mettre à disposition des'mass media' des renseignements de vulgarisation médicale et de participer à la préparation des émissions médicales à la radio et à la télévision ». Voir sur ce sujet l'article, publié dans une revue médicale suisse, de Ch. Padr
utt, «
L
'
information du
public
vue
par le corps médical »,
Médecine et
hygi
ène
,
n
°876, 18
juin 1969
,
p
.
763.
38 Entretien avec Robert Clarke, journaliste scientifique à l'époque dans la presse écrite, 1995. 270
Une information sous contrôle journalistique et médical
Cependant, à la faveur de l'engagement de « grands patrons » comme le Pr Paul Milliez, spécialiste réputé des maladies des reins, dont ils se recommandaient, les journalistes spécialisés dans l'information scientifique (et pour certains, de plus en plus dans son aspect médical) parviennent progressivement à nouer des relations régulières et à se constituer un carnet d'adresses. Ce petit groupe bénéficie d'informations privilégiées grâce aux relations personnelles établies avec quelques médecins. Ce modus vivendi, qui n'exclut pas quelques conflits, a pour effet de placer, à partir de la fin des années 50, l'information scientifique et médicale dans les médias omnibus nationaux sous un double contrôle relatif. Elle est à la fois contrôlée par un petit groupe de journalistes spécialisés et par les principales autorités scientifiques 39. Ils se retrouvent dans les mêmes lieux : les congrès comme les « Entretiens de Bichat », qui ont alors un gros succès de presse, mais aussi les séances régulières des académies (Académie de médecine, Académie des sciences). A la fin des années 50 et dans les années 60, l'AJSPI, dont les effectifs sont en augmentation, est reconnue par les principales autorités scientifiques. Elle organise régulièrement des réunions avec des chercheurs dont certains figurent dans un comité décernant le « Prix découverte », créé en 1957 et qui est destiné à récompenser de jeunes chercheurs. 41 Sur d'autres types de journalistes, voir Rémy Rieffel, L'élite des journalistes, op. cit., 1984, p. 179 et suiv. 42 Citation de Robert Clarke, « Le point de vue d'un vulgarisateur », art. cit., p. 150. 272 « auxiliaires médicaux » ou des « éducateurs sanitaires » 43.
«
Le
vulgarisateur, pour
moi
,
n
'est
pas
le Monsieur qui sait ; c'est le Monsieur qui fait comprendre le Monsieur qui sait au Monsieur qui ne sait pas. C'est l'intermédiaire, c'est tout », explique François de Closets alors journaliste scientifique 44. Leur rapport « positif » à la science, à ceux qui la représentent et/ou qui les ont adoubés, doit beaucoup à leurs trajectoires scolaire et professionnelle et aux rapport de forces existant avec les principales autorités scientifiques. La fréquentation des grands scientifiques français contribue à valoriser leur activité. « J'ai fait HEC () J'avais envie d'être journaliste et ma tendance était plutôt littéraire, j'ai toujours été plutôt porté vers les lettres que vers les sciences. Les sciences, ça m'ennuyait plutôt. Et là, j'ai découvert un monde passionnant. J'ai eu la chance d'obtenir la confiance du Pr O qui était à l'époque () à Gustave Rouissy, à Villejuif, le directeur () du grand centre national de recherche sur le cancer. Qui m'a fait confiance, qui a accepté en quelque sorte de me patronner. » (Entretien avec un journaliste scientifique de l'époque, octobre 1995) Les journalistes, notamment à la télévision, contribuent, surtout dans la mesure où les scientifiques veulent collaborer, à promouvoir des représentations parfois quasi hagiographiques de la science, bien décrites par Dorothy Nelkin à propos des Etats-Unis 45. Elle est personnalisée à des chercheurs présentés comme des personnalités hors du commun qui se livrent à des travaux à la fois mystérieux et incompréhensibles. Les récompenses des prix Nobel attirent l'attention des journalistes spécialisés. Les rares « affaires » de fraudes qui deviennent publiques n'entachent pas l'image d'Epinal que le milieu scientifique tend à produire de lui- 43 Cf. pour les rappels des prises de position en ce sens : Patricia Soutoul-Sanders, L'information médicale continue du grand public en matière de reproduction humaine, op. cit., p. 85 ; Roger Veylon, « L'information médicale du public. Son impact, son évolution », La nouvelle presse médicale, vol 7, n°11, 1978, p. 951. 44
Extrait d'une citation de François de Closets, journaliste
scientifique à la télévision, lors d'une intervention à l'Association des écrivains scientifiques français (AESF) datée du 17 juin 1966 : Philippe Roqueplo, Le partage du savoir. Science, culture, vulgarisation, op. cit., p. 76. 273
même
, les savants étant décrits comme autant de membres d'une « communauté à part », « désintéressée ». La « science » tend par ailleurs à prendre une dimension politique dans la compétition économique et surtout militaire qui marque les relations internationales des années d'après-guerre. L'information scientifique devient progressivement, au moins dans les titres de la presse dite « de qualité » comme Le Monde, un enjeu politique national et international. C'est ainsi qu'apparaissent des en
quêtes ou
des
reportages
plus
critiques à l'égard des pouvoirs politiques
(
c'est le cas notamment des articles de Nicolas Vichnay au Monde
). Parallèlement, à partir des années 70, la presse, tant en France qu'aux
Etats-Unis, se fait de plus en plus l'écho de certaines implications négatives des progrès scientifiques comme on le voit, entre autres, dans la large médiatisation des risques environnementaux 46. La particularité de ce sous-espace tient
à sa
relative
autonomie au sein du champ journalistique
, du fait qu'il est un lieu de pratiques, en partie dérogatoires
par rapport au
fonctionnement ordinaire
du champ journalistique
, qui visent à neutraliser
une concurrence pou
vant avoir des con
séquences sur la qualité de l'information. Les journalistes scientifiques forment un sous-groupe qui a le
sentiment
de former une catégorie un peu à part dans le journalisme. A
insi,
ils sont prêts,
à
l'
occasion,
à
se mobiliser pour protester contre les sanctions prises
à
l'encontre de deux d
'entre eux,
Nicolas Vichnay
Monde et Nicolas Skrotsky de l'Agence France Presse qui n'avaient plus accès à certaines informations, en 45 Dorothy Nelkin, Selling Science. How the Press covers Science and Technology, op. cit., chapitre 2. 46 Stanley Rothman, « Journalists, Broadcasters, Scientific Experts, and Public Opinion », Minerva, vol XVIII, n°2, 1990, pp. 117-133. 274 organisant un black out sur des informations diffusées par des ministères ou des agences publiques « On n'était pas en guerre les uns contre les autres et puis les journaux avaient le grand souci d'avoir une information exclusive et originale. Comme c'était un champ d'activités très vaste, on pouvait presque se partager les exclusivités (rires) en quelque sorte. Donc il n'y avait pas vraiment de concurrence, quand il y en avait un qui sortait une information originale, le lendemain, il y en avait un autre qui sortait une autre information. » (Entretien avec un journaliste scientifique au Parisien Libéré à l'époque, 1995) [A propos d'un congrès international sur le cancer à Moscou dans les années 50] « La grosse astuce sur place, et alors le système a marché, c'est un truc de journalistes mais enfin c'est tellement normal que ça ne porte pas à conséquence, c'est qu'on se réunissait tous les soirs avant de téléphoner notre papier, tous les quatre ou cinq. Ca, je revois encore ça à Moscou, on se réunissait à l'AFP () On disait : qu'est-ce que tu fais? Parce qu'il y avait tellement de réunions, on ne pouvait aller à toutes () On se partageait les trucs. Je disais : moi j'ai envie de faire un papier sur ça ; l'autre disait : bah moi je vais faire un papier sur ça, moi sur ça, moi sur ça. Et alors, autrement dit, le leader de chacun des quatre journaux était complètement différent () La confraternité n'était pas un vain mot et on s'entendait plutôt bien » (Entretien avec un journaliste scientifique à L'Aurore à
l'époque, 1995)
Le journaliste porte-parole : l'exemple des « Médicales » à la télévision L'information scientifique produite par la télévision occupe une place singulière dans cet espace de production. La télévision, qui se résume à une chaîne publique au début des années 50, est donc un média très marginal dans le champ du journalisme : sa diffusion est très restreinte puisque, comme on l'a vu, les possesseurs de postes de télévision représentent seulement 1% des ménages français en 1954 47. C'est dans les années 60 qu'elle s'accroît considérablement puisque 61% d'entre eux possèdent un téléviseur contre 13% en 1961. Mais les programmateurs accordent, quasiment dès la création de ce nouveau média, un espace aux émissions scientifiques. Ce domaine répond à la « vocation » de cet instrument destiné, pour aller vite, selon ses dirigeants de l'époque, à faire découvrir la « culture » au « peuple ». Elle n'est bien évidemment pas soumise
47 Christian Delporte, Histoire du journalisme et des journalistes en France, Paris, PUF (« Que sais-je? »), 1995, troisième partie, chapitre II. 275 aux contraintes d'audience 48. 48 Sur ce point voir Patrick Champagne, « La loi des grands nombres. Mesure de l'audience et représentation du public », Actes de la recherche en sciences sociales, n°101-102, 1994, pp. 1022. 49 Nous avons sollicité le secrétariat d'Igor Barrère afin d'obtenir un entretien mais sans succès. 50 Yves Courrière, Pierre Lazareff, Paris, NRF-Gallimard, 1995, p. 660. 276
La mise en scène des producteurs se veut pédagogique, visant un public qu'ils veulent élever culturellement, le plaçant dans la situation de l'écolier. Le journaliste se fait finalement le porte-parole de mandarins : ceux-ci, revêtus de leur blouse blanche, sont interviewés avec respect, et tout se passe comme si l'émission renforçait le stéréotype du « grand patron ». La représentation qu'elle donne de la médecine est une représentation très idéalisée. Les techniques, toujours novatrices, qui sont mises en oeuvre par des grands médecins du secteur hospitalo-universitaire sûrs de leur savoir, sont présentées comme toujours parfaitement maîtrisées. L'émission se déroule, non pas dans les studios de la télévision mais à l'hôpital même, la télévision étant « leur » invité. Elle se déroule essentiellement dans des services de grands hôpitaux parisiens (Broussais, SaintLouis, Necker, Cochin, Saint-Antoine, etc.) parfois de province (Saint-Luc à Lyon, l'Hôtel-Dieu à Marseille, etc.) dirigés par des « grands patrons ». Le contrôle s'exerce aussi largement dans la sélection des thèmes abordés. Une recherche documentaire, réalisée par l'Institut national de l'audiovisuel, portant sur une sélection d'émissions diffusées entre 1956 et 1967, montre combien les responsables des « Médicales » suivent les spécialités et classements traditionnels de la médecine, autre dit ce qui est conforme à la vision que le milieu a de lui-même et non pas à celle du « public » : la chirurgie, la traumatologie osseuse, la rhinologie, la stomatologie, la radiologie, l'obstétrique, la rhumatologie, la pédiatrie, etc. Ces sujets apparaissent aussi dans une étude, produite par une équipe d'universitaires 51, sur la « vulgarisation scientifique de l'information médicale à la télévision » auprès de téléspectateurs. étrange , en avons le mythe s'agit d'un mythe réel ) Et en même temps, nous avons contribu à le démystifier, à faire redescendre avec leur grandeur et leur blesse humaine ces ieux
histoire de l humanité
aux
progrès dig
ieux de
la science en
général
et de la médecine particulier () La véritable
histoire
de notre siècle, c
'est la
science
, qu
'
elle soit
physique, mathématique ou biologique, sociologique ou
linguistique. C'est ainsi que sont les grandes aventures et c'est ainsi que nous pouvons Plus qu'un savoir scientifique, visant à la connaissance des mécanismes du corps humain, c'est un savoir essentiellement technique qui est dispensé 53. Dans les disciplines médicales, c'est la chirurgie 54 (notamment cardiaque), spécialité particulièrement prestigieuse et spectaculaire de la médecine, qui est alors favorisée 55. Au-delà de leur caractère noble, les actes chirurgicaux se prêtaient, en raison de leurs propriétés, à une médiatisation plus visuelle qu'écrite. Il ne s'agissait pas dans ce cas de « premières », qui ont fait l'objet d'un grand intérêt de la part de journalistes de télévision comme des greffes célèbres, mais d'opérations souvent ordinaires que l'on donnait à voir. Les risques existants et l'émotion qu'ils pouvaient susciter, la maîtrise de techniques de pointe, l'illusion d'être à la place du chirurgien par le biais des images étaient autant de propriétés
Etu
de
sur la vulgarisation scientifique de l'information médicale à l'ORTF, Paris, Commissariat général au plan, 1973, pp. 16-17. 52 Igor Barrère, « L'information scientifique à la télévision », in Anne Decrosse et Jean-Paul Natali (sous la dir.), Sciences et médias. Penser, imaginer, connaître, Paris, Didier Erudition, p. 66. Les italiques indiqués figuraient dans le document original. 53 54 Cf. Gérard Leblanc, « Le dur et le mou », art. cit., pp. 101-113. Ces notes sont inspirées d'une étude documentaire réalisée à l'Institut National de l'Audiovisuel sur les thèmes abordés durant cette émission de 1956 à 1967. 278 qui expliquaient le caractère visuel de ces opérations chirurgicales. Comme le souligne Gérard Leblanc, « le cinéma spécialisé 'exclusivement réservé au corps médical' était, lui aussi, massivement dominé par le cinéma chirurgical » 56. D'autre part, la diffusion, qui était uniquement en noir et blanc à l'époque, donnait certainement un aspect moins « sanglant » à ces retransmissions parfois difficiles à supporter pour les cameramen 57 et les téléspectateurs. Le contrôle et l'orientation de l'information médicale à la télévision étaient en dernier lieu facilités par le monopole de l'Etat qui excluait toute concurrence. La radiodiffusion française comprenait un Comité des sciences qui donnait son avis sur le contenu d'émissions médicales. Paul Milliez, spécialiste connu des maladies des reins, professeur à la faculté de Paris et ancien secrétaire général du Comité médical de la résistance, non seulement conseillait les deux responsables des « Médicales » mais leur permettait également de pouvoir filmer dans des lieux peu fréquentés par les journalistes. « Ce grand médecin nous a beaucoup aidé par son savoir bien sûr, mais aussi par sa connaissance du milieu médical. Il lui est même arrivé de contacter un patron qui s'opposait à ce que l'on filme dans son service en lui disant que si l'émission ne se faisait pas chez lui, la télévision irait chez un confrère et ennemi juré », explique Etienne Lalou 58. 55 A l'inverse, la chirurgie est aujourd'hui très peu médiatisée : cf. Jean Peneff, « Le travail du chirurgien. Les opérations à coeur ouvert », Sociologie du travail, n°3, 1997,
pp. 273-274.
56 Cf.
Gérard
Le
blanc
,
« Le dur
et
le mou
»,
Quaderni
, n°16, hiver 1991-92, pp. 101-113. 57 Le récit de cette première émission est détaillé dans un article du Journal International de Médecine (n°266, 10/16 mars 1993). 58 Danielle Torchin
,
« Télé : la médecine joue l'audimat
», Journal International de Médecine, n°266, 10/16 mars 1993. 279
L'invention des « journalistes médicaux » A la radio et à la télévision comme dans la presse écrite, le développement de l'information scientifique entraîne, au fil des années, des spécialisations au sein même du groupe des journalistes scientifiques. Dans ce processus qui se déroule entre les années 50 et les années 70, l'information médicale va progressivement s'autonomiser par rapport à la rubrique scientifique. La création des rubriques médicales dans la presse d'information générale en est un premier indice. Si elles apparaissent de manière très variable selon les titres, la plupart ont été créées au cours des années 60 et 70. L'Agence France Presse en a fondé une à la fin des années 50 59 et au début des années 60 tandis que Le Monde a fait appel à un médecin pour constituer une véritable rubrique médicale en 1956. Mais l'actualité médicale est encore traitée, dans beaucoup de cas, par des médecins qui font des piges et exercent par ailleurs leur métier, ou bien, on l'a vu, par des journalistes scientifiques, qui, dans le cadre de leur travail, s'intéressent aux questions médicales. Dans la seconde moitié des années 70 60 et au début des années 80, la constitution de rubriques médicales, tenues par des journalistes à plein temps, se généralisent dans les principaux quotidiens, newsmagazines, radios périphériques et chaînes de télévision. Un second indice est la création en 1970 de l'Association nationale des journalistes d'information médicale (ANJIM). Si celle-ci ne regroupe apparemment pas l'intégralité des rédacteurs médicaux 61, elle est représentative dans les 60 Au début des années 70, seuls les grands journaux ont un chroniqueur médical à plein temps (« Les besoins réels du grand public en matière d'information médicale et sanitaire », Notes et études documentaires, 26 octobre 1973). 61 Jean-Pierre Coupin, La grande presse, la médecine et les médecins, op. cit., p. 25. 280 la presse « grand public » car elle regroupe plusieurs dizaines de journalistes des médias omnibus nationaux, de la presse médicale et spécialisée - certains travaillent pour les deux - ainsi que des médecins, qui tiennent des rubriques dans cette dernière et signent sous un pseudonyme, comme c'est le cas pour le chroniqueur de France Soir, Medicus. Autrement dit, la plupart des rubricards de l'Aurore, du Figaro, de France Soir, du Monde (sauf Claudine EscoffierLambiotte), des chaînes de télévision et des stations de radio font partie de l'association et se succèdent à la présidence. Les principes des fondateurs s'inspirent largement de ceux de l'AJSPI, dont certains ont fait ou faisait partie, et d'une association de journalistes scientifiques américains. On retrouve le travail de légitimation interne et externe décrit plus tôt à propos de l'AJSPI. Comme les journalistes scientifiques quinze ans plus tôt, il s'agit en substance de se démarquer des confrères ou des titres accusés par les autorités médicales de « faire du sensationnalisme » en revendiquant une conception exigeante de l'information médicale. L'ANJIM et ses activités (organisations de réunion, création d'un prix, etc.) est un des moyens utilisés pour tenter de faire exister le « journalisme médical », en tant que journalisme spécialisé auprès des pairs, des sources, du public et de conforter la place de l'information médicale dans la presse d'information générale. Une des conditions de possibilité de développement est un accès plus large au champ médical. C'est pourquoi, les membres de l'ANJIM suscite, à leur tour, la création de postes de chargés de la relation avec la presse et organisent des réunions régulières avec des médecins spécialisés, la mobilisation de soutiens externes, notamment de mandarins, étant une condition nécessaire au développement de ce type d'information. 281 « Dans une société où le bruit tient lieu de réputation, le médecine en s'enfermant obstinément dans la dignité et le silence sera de plus en plus dupé et déconsidéré. S'ils refusent de se pénétrer de cette vérité, les journalistes médicaux, qui se sont enrichis de son éthique et qui n'ignorent plus ces problèmes professionnels, seront rapidement débordés, leur action sera annihilée par une cohorte de valets de plume qui ont choisi la position avantageuse de flatter l'ignorance des foules et leur attirance pour le merveilleux. » (Extrait d'un article d'un des fondateurs de l'ANJIM 62 )
Un Monde à part
Dans ce sous-champ des journalistes médicaux en voie de constitution dans les années 60 et 70, la rubrique du Monde occupe une place « à part ». D'un côté, il y a une majorité de journalistes qui défendent une spécificité professionnelle contre le danger de voir les rubriques médicales tenues uniquement par des professionnels de la médecine représentée largement à travers l'Association nationale des journalistes d'information médicale (ANJIM). Leurs intérêts sont alors en opposition avec ceux des représentants des médecins qui estiment que les chroniques médicales des journaux doivent être occupées par des professionnels de la médecine 63 - ce second pôle est incarné par les journalistes médecins qui se succèdent à la rubrique du Monde - et cherchent à imposer une conception de l'information médicale faisant des médias les vecteurs d'une « éducation sanitaire » 64. La représentation médicale idéale de ce type d'information semble assez bien résumée dans un compte rendu d'une intervention d'un médecin bruxellois, qui travaille alors dans un quotidien belge 65 : « Il affirme que l'information médicale doit différer du reste de l'information () La « bonne » information doit donc éviter de donner tout espoir fallacieux, surtout celui né de la relation d'observations isolées non vérifiées, toute indication médicamenteuse, tout conseil thérapeutique, toute publicité
le, toute 62 Noël Bayon, « Défense et illustration de l'information médicale du grand public », art. cit., pp. 1213-1232. 63 Sur ce débat, voir Camille Kurz, « L'information du grand public au IXème colloque international de psychologie médicale », Gazette Médicale de France, vol 74, n°7, 1967. 64 P. Coudray, M. Serise et P. Fréour, « L'information médicale du public », Gazette Médicale de France, vol 74, n°7, 1967, pp. 1235-1260. 65 Roger Veylon, « Les médecins et l'information médicale du public », La nouvelle presse médicale, vol 7, 1978, pp. 669-674. 282 conviction personnelle de tous ordres. La rubrique du quotidien Le Monde occupe une position singulière dans le journalisme médical en ce sens que, à l'inverse d'autres responsables de médias, son directeur de l'époque Hubert Beuve-Mery (1944-1969) a toujours souhaité confier le traitement de l'information médicale à des médecins. Le docteur Henriette Fiessinger, femme d'un professeur de médecine et amie du directeur, a, comme on l'a vu, assuré pendant quelques années, lors de l'immédiat aprèsguerre, le suivi de l'information médicale mais, pour des raisons familiales, elle a quitté ses fonctions et a été remplacée par Claudine Escoffier-Lambiotte. Etant très proche elle aussi d'Hubert Beuve-Mery, elle a contribué à créer à partir de 1956 la rubrique « médecine » du Monde qu'elle a dirigée jusqu'en 1988. Elle avait cumulé les titres scolaires obtenant trois doctorats en médecine. Le premier obtenu lors d'« études clandestines » 66 à l'université libre de Bruxelles lui a permis d'en décrocher un second grâce à une bourse à l'université Columbia de New York et enfin elle a repassé tous ses examens à Paris pour obtenir un diplôme français. Mariée à un chirurgien réputé précocement décédé et mère de quatre enfants, elle a travaillé avec lui pendant quelques années. Agée d'une trentaine d'années en 1956, elle était dans un premier temps juste venue, croyaitelle, « donner un coup de main » à la demande d'Hubert Beuve-Mery. L'information médicale (et scientifique aussi), dans un journal donnant une large 283 place à l'actualité politique internationale et nationale, n'était pas prioritaire : « Je lui ai dit : 'je n' pas du tout le temps, etc'. Il m'a dit :'mais c'est rien du tout, tu viens deux fois par semaine, tu regardes les dépêches de l'AFP, ça se limite à ça' () Alors j'étais dans un coin de la bibliothèque () et puis j'ai très vite vu en regardant les dépêches de l'AFP qu'il y avait rigoureusement rien dedans. Enfin, rien qui correspondait à ma formation en tous cas ». La place singulière de la rubrique médicale du Monde tient à la fois à la position du quotidien et aux propriétés sociales de Claudine Escoffier-Lambiotte, donc à sa manière de concevoir son poste. Bien que très rapidement à plein temps sur cette rubrique, elle ne se définissait pas comme « une journaliste » mais plutôt comme un « médecin égaré dans le journalisme ». Elle signait ses articles de son titre de docteur et avait une conception de l'information médicale impliquant un niveau élevé d'information et d'analyse qui n'était concevable que dans un quotidien s'adressant à une fraction très cultivée de la population et peu soucieux d'accroître son lectorat : « Ma conception du 66 Entretien de Claudine Escoffier-Lambiotte réalisé par Patrick Champagne en octobre 1993. Toutes les citations entre guillemets de cette partie proviennent de cet entretien. 67 Cf. Laurent Greilsamer, Hubert Beuve-Mery, Paris, Fayard, 1990, pp. 525-526. 284 journalisme était la conception correspondante aux études que j'avais faites ». Elle rédigeait ainsi des articles, qui lui demandaient parfois un mois de travail, qu'après avoir rassemblé une documentation sur le sujet reposant en partie sur les articles des revues scientifiques internationales de langue anglaise. L'information médicale du Monde mettait en exergue les recherches fondamentales, et notamment les dernières découvertes. Mais Claudine Escoffier-Lambiotte avait aussi les qualités qui définissent le « bon journaliste » du Monde : elle disposait d'un carnet d'adresses très fourni, on lui reconnaissait une « plume » et elle était capable de réagir rapidement à l'événement. Elle était attachée à une conception pédagogique de l'information médicale selon laquelle que « tout homme de bien comme on dit ne pouvait plus se passer d'une formation scientifico-littéraire ». Enfin, la position du Monde dans le sous-espace des journalistes médicaux est également « à part » au sens où cette rubrique est non seulement ancienne mais aussi mieux dotée en personnel comparativement aux autres titres de la presse quotidienne nationale omnibus. Claudine Escoffier-Lambiotte a contribué à imposer au Monde la médecine comme spécialité autonome, ob un supplément hebdomadaire intitulé « Le Monde de la médecine » à partir de 1967 et l'embauche, à la fin des années 60, à la fois de Martine Allain-Regnault, une journaliste, et d'une archiviste, Michèle Evin. Au milieu des années 70, Claire Brisset, une jeune journaliste titulaire du diplôme de l'IEP de Paris, fille d'un psychiatre réputé, est venue renforcer la rubrique. Ces embauches, outre qu'elles traduisent l'institutionnalisation de la rubrique médicale, sont un indice de ses transformations. La couverture de l'information médicale s'élargit en raison de changements internes au champ médical mais aussi de facteurs externes, la médecine devenant un enjeu économique et politique important. Martine Allain- 285 Regnault est recrutée, notamment pour ses articles dans une revue scientifique portant sur la biologie moléculaire, alors en plein développement, et Claire Brisset, non seulement pour s'occuper des problèmes de coût de la santé mais aussi pour traiter des pays en voie de développement qui constituent un de ses champs de compétence. Enfin, la dernière caractéristique de la rubrique médicale du Monde est sa forte autonomie. Bien qu'étant dépendante du service « Informations générales » ou « Société » - la dénomination a varié suivant les époques -, la rubrique médicale avait conquis une autonomie qui était liée au manque de connaissance spécifique des chefs de service (la rubrique était appelée parfois « la noblesse ») - comme c'était le cas dans d'autres spécialités (sciences, défense par exemple) - et aux modes de fonctionnement ordinaire du quotidien.
Le développement des rubriques médicales à la télévision
Si l'information médicale, on l'a vu avec la création des « Médicales », était présente dans les programmes des télévisions, la création de rubriques spécifiques a été semble-t-il relativement tardive par rapport à ce qu'il s'est passé dans des grands titres de la presse écrite parisienne. Ce « retard » doit probablement beaucoup au faible intérêt porté à ces problèmes par les rédactions en chef des journaux télévisés et surtout aux modestes moyens des chaînes de télévision publiques françaises pendant longtemps. Faute de travaux sur les rédactions de radio, il est difficile d'en faire l'analyse même s'il semble que, pendant longtemps, les radios périphériques (RTL, France Inter, Europe 1) ont eu recours à des chroniqueurs médecins qui n'étaient pas en poste à plein temps pour traiter de l'information médicale. Dans ce sous-espace du journalisme médica comme dans le champ journalistique plus généralement, les chaînes de télévision occupent une position marginale. 286 Les premiers journalistes spécialisés, qui ne sont pas des journalistes médicaux, comme François de Closets (sciences) et Emmanuel de la Taille (économie), sont recrutés en 1965 dans la presse écrite. Il s'agit pour le premier d'un journaliste devenu spécialiste - il travaillait à l'Agence France Presse et aussi à Science et Avenir en 1964 68 - puisqu'il n'a aucune connaissance scientifique particulière ayant fait des études de science politique et de droit (IEP Paris puis DES d'histoire du droit et de droit public). 68 André-Jean Tudesq, « Les journalistes multimédias », in Marc Martin (sous la dir.), Histoire et médias. Journalisme et journalistes français (1950-1990), op. cit., p. 143. 287
Au même titre que les autres spécialités, l'information médicale les intègre sur la première puis sur la seconde chaîne, mais de façon restreinte. Elle trouve plutôt place dans les années 70 70 au sein de magazines spécifiques, comme les « Médicales » sur la première chaîne, de magazines scientifiques en soirée (« L'avenir du futur ») ou de programmes destinés à un public féminin dans l'après-midi (« Aujourd'hui madame » et « Le regard des femmes » diffusés respectivement sur la seconde et la première chaîne). Elle est également traitée plus ponctuellement dans des émissions généralistes (« Les dossiers de l'écran », « Fenêtre sur » qui développe alors une actualité médicale régulière) ou dans de longues séries tels que « Les jours de notre vie ». C'est dans la deuxième moitié des années 70 que des rubriques à part entière sont créées, c'est-à-dire bien après la constitution des rubriques scientifiques, sans pour autant que la coupure science/médecine soit nette. En effet, avant que ne soient mis en place des services spécialisés dans l'information médicale, à la télévision comme dans la presse écrite, c'est souvent le journaliste scientifique qui traite des sujets « médecine ». « Il y a eu une époque où moi quand j'ai commencé à faire ce métier, on faisait à la fois de la médecine et de la science. il est arrivé un moment où on ne pouvait plus tout faire », raconte un journaliste scientifique qui a travaillé à la télévision 71. Ainsi, par exemple, on a fait appel en 1977 pour remplacer Rosie Maurel sur la seconde chaîne à e Allain-Régnault, titulaire d'une licence de biologie et d'un DES de physiologie, qui avait été professeur de sciences naturelles pendant deux ans avant de devenir journaliste titulaire. Alors qu'elle vient d'entrée à Antenne 2 à l'âge de 40 ans, elle 69 Entretien avec Edouard Sablier cité par Hervé Brusini et Francis James, Voir la vérité. Le journalisme de télévision, Paris, PUF, 1982, p. 119. 70 Ces constats s'appuient sur une recherche à partir de la base de données de l'Inathèque de France. 71 Entretien, 1995. 288 est élue présidente de l'Association des journalistes scientifiques de la presse d'information en 1977. 2. Les changements de régime de l'information médicale dans les années 80 et 90 : émergence des « affaires » du sida et transformations de l'information institutionnelle
Les années 80 et le début des années 90 sont marquées par une croissance très forte de l'information médicale, dans les médias omnibus mais aussi spécialisés et professionnels. Même si notre recherche porte sur l'information « grand public », il faut au moins évoquer à grands traits, parce qu'il s'agit d'un même mouvement, le développement parallèle de l'information médicale au sein des secteurs spécialisés et professionnels. De nombreux titres de la presse spécialisée et médicale sont fondés dans cette période. La presse santé, incarnée essentiellement par Santé Magazine, créé en 1976, a regroupé progressivement plusieurs autres titres dont les tirages dépassent les 100 000 exemplaires au début des années 90 72 Entretien avec une journaliste spécialisée de télévision, 1995. Dans la première moitié des années 90, le marché de la presse santé se partage principalement entre Top Santé (1990), Santé Magazine et Réponse à tout santé (1991) dont les diffusions payée sont respectivement de 553 120, 473 391 et 289 465 exemplaires 76. Cet essor n'est pas sans lien avec celui qui, à partir des années 70, caractérise les magazines spécialisés de la presse féminine, avec notamment le développement des magazines « féminins populaires et pratiques » 77 (Prima, Femme Actuelle, etc.), ces deux types de presse étant en effet très proches sous le rapport du lectorat, celui-ci étant surtout féminin 78. La presse médicale s'est également considérablement développée : elle comptait environ, en 1993, 400 titres (lettres, magazines, etc.) 79. Elle était traditionnellement consacrée à la formation médicale continue (FMC) et incarnée par des revues anciennes comme Le Concours Médical (1879), La Gazette Médicale (1893), La Revue du Praticien (1951), etc. Elle s'est transformée à partir des années 70 et surtout 80 avec l'arrivée de titres, qui ont une périodicité plus courte et dont la durée d'existence est variable. Ainsi, sont apparus des quotidiens de formats plus petits (Le Quotidien du Médecin en 1970, Le Panorama du Médecin en 1975, Impact Médecin Quotidien en 1991). Des hebdomadaires, des 75 La diffusion OJD France payée était en 1991/1992 de 100 000 exemplaires environ pour Médecine Douce et 111 521 exemplaires pour Prévention Santé (L'Echo de la presse et de la publicité, n°42, juin 1993, p. 22). 76 L'Echo de la presse et
la publicité, n°42, juin 1993, p. 22 77 Samra-Martine Bonvoisin et Michèle Magnien, La presse féminine, Paris, PUF, 1986 (1ère édition), p. 49 et suiv. 78 « Vous représentez, Mesdames, près de 70% des cinq millions de personnes qui nous lisent régulièrement », explique Claude Darcey, fondateur et PDG de Top Santé, dans un numéro anniversaire de ce mensuel (octobre 1995). Cf. sur ce sujet L'Echo de la presse et de la publicité, n°42, juin 1993, pp. 22-23. 79 L'Echo de la presse et de la publicité, n°40, avril 1993. C'est pourquoi, la concurrence porte surtout sur la diffusion - les journaux sont quasiment gratuits pour les médecins - pour attirer la publicité. A titre d'exemple, 80 Créé en 1972, le CESSIM (Centre d'études de supports spécialisés industriels et médicaux), qui rassemble des membres de la presse médicale, des agences de publicité et des laboratoires annonceurs, met en place des instruments de mesure des différents supports qui vont être développés au fil des années (Médias, n°236, 1er juillet 1988). 291 Le Quotidien du Médecin est financé en 1994 à 76% par la publicité 82. Seule la revue Prescrire, dont le premier numéro paraît en janvier 1981, fait exception puisqu'elle refuse la publicité, son financement étant assuré par des subventions de l'Etat jusqu'en 1992 et surtout par les abonnements (20 000 environ en 1995) 83. Cette autonomie financière à l'égard de l'industrie pharmaceutique permet une « évaluation du médicament et des pratiques médicales » qui est réalisée par un comité de lecture auquel sont soumis les articles. La diffusion de l'information médicale « grand public » L'information médicale s'est aussi accrue dans les médias omnibus nationaux. L'apparition du sida, qui constitue rapidement un problème de santé publique que les journalistes traitent « en direct » à partir du début des années 80, est à la fois un révélateur, un opérateur et un accélérateur de ce phénomène. Le développement de l'information médicale est rendu possible par que le fait que le champ journalistique subit au même moment de profondes transformations, dont la principale est le poids croissant des contraintes économiques. Elles se manifestent notamment par le développement et le crédit accordé aux enquêtes d'audience (audimat pour la télévision, « vu-lu » pour la presse écrite) qui tendent à avoir une place de plus en plus importante dans l'économie générale du fonctionnement du champ journalistique. Autrement dit, l'information médicale, dont la place était jusqu'au début des années 80 relativement restreinte dans les 81 Décisions Médias, n°69, avril 1991, p. 69. 82 Pratiques, n°42, 4ème trimestre 1995, p. 6. 83 Ibid, p. 19. 292 médias omnibus, attire selon les enquêtes le « public » 84, donc la publicité, qu'elle soit liée ou non au domaine traité. En 1984 par exemple, l'hebdomadaire spécialisé Télé 7 jours fait état d'un sondage indiquant que « 60% du public » suit régulièrement les émissions sur la santé à la télévision et qu'« un Français sur deux » souhaite qu'il y en ait davantage 85. La même année, dans une enquête auprès de ses lecteurs, Le Monde constate que la médecine figure parmi les rubriques les plus lues 86. D'autres enquêtes internes, notamment dans la presse régionale, confirment cette tendance qui s'est renforcée progressivement. Ainsi, une étude du service marketing de L'Est Républicain montrait en 1986 que la rubrique « Médecine et santé » était la plus lue (75% des lecteurs interrogés), devant l'éducation (70%) et les faits divers (62%) 87. L'intérêt du « public » pour l'information médicale est sans doute pour une part surestimé par le fait que, dans les rédactions, on se dit que les problèmes de santé touchent a priori « tout le monde », y compris les journalistes, et qu'il s'agit donc là d'une rubrique de choix s'agissant d'accroître son public : « Les thèmes santé () intéressent beaucoup nos hiérarchies, surtout quand on traite d'un sujet qui les touche directement, eux ou leur famille! », note avec humour un journaliste médical de la télévision 88. La montée de l'information médicale dans les médias d'informations générales est visible par exemple à travers l'augmentation du nombre de journalistes 84 Pour être plus précis, il faudrait montrer que cet intérêt du public se mesure aussi à travers d'autres indicateurs comme les succès de vente des ouvrages médicaux grand public
. 85 Cité par Claire Germouty, Les émissions de santé à la télévision : information ou spectacle?, Paris, mémoire pour le DEA en sciences de l'information et de la communication, Université Paris Sorbonne-CELSA, 1988, p. 33. 86 Florence Bénichoux, L'information médicale dans la grande presse, Nancy, thèse de médecine, Université de Nancy I, 1988, p. 54. 87 Ibid, p. 54. 293 spécialisés dans la médecine et de sa place à la « une » d'un quotidien, Le Monde, et de trois newsmagazines (L'Express, Le Nouvel Observateur et L'Evénement du Jeudi). Il en est de même à la télévision, Pierre Lescure, alors responsable des informations à Antenne 2, décidant par exemple en 1983 de renforcer la rubrique « médecine » en partie à la suite à une enquête d'opinion mené par la chaîne. « En 83, Pierre Lescure () a procédé à quelque chose de tout à fait nouveau pour l'époque, à un audit mais un audit qualitatif sur ce que les gens appréciaient, aimaient, regardaient, je ne peux pas vous dire exactement, dans le journal. () Je sais qu'il avait fait appel à une boîte externe () Qu'est-ce qui marchait dans le journal? () Il y avait la météo, la médecine, les infos pratiques etc., je me souviens que ce qui touchait à l'écosocial, à l'économie ça intéressait aussi les gens. Donc il dit à Martine [il s'agissait de Martine Allain-Régnault alors responsable de la rubrique médecine] : il faut étoffer le service » (Entretien avec une journaliste médicale de la télévision, 1995) En 1983, la rubrique médicale de la chaîne est passée de deux à quatre personnes après le recrutement de deux jeunes journalistes généralistes. Depuis, selon les périodes, les services médecine des deux principales chaînes varient entre deux et cinq journalistes. Dans la presse écrite ou radio, s'il est très difficile de cerner statistiquement l'évolution médias par médias, on observe ce même renforcement. Dans les supports qui avaient des chroniqueurs médicaux réguliers - parfois des journalistes de la presse écrite (Charles Dauzats à RTL ou Claudine Escoffier-Lambiotte à Europe 1 par exemple) - comme c'était le cas dans les radios périphériques, s'ajoute le recrutement d'un journaliste spécialisé à plein temps ou d' un journaliste scientifique chargé régulièrement de traiter ces questions. Dans les newsmagazines, la situation est comparable. La plupart des grands quotidiens ont, à la fin des années 70 et au début des années 80, au minimum un journaliste médical : France Soir, Le Parisien, Le Matin, etc. Le Monde, qui depuis longtemps en possédait au moins deux, est suivi par d'autres 88 Cf. l'article de Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médecin à France 2, dans le numéro 294 comme Le Figaro, qui crée une page quotidienne « Science et Médecine » en 1985, ou Libération. L'embauche de journalistes s'est accompagnée inévitablement de l'augmentation de la part de l'information médicale.
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Molécules d'intérêt prébiotique dans des simulations d'évents hydrothermaux : vers la synthèse d'acides n-carboxyliques
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THESE présentée pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITE LOUIS PASTEUR DE STRASBOURG par Stéphane Dubant Molécules d’intérêt prébiotique dans des simulations d’évents hydrothermaux: vers la synthèse d’acides n-carboxyliques MM. P. Albrecht D. Uguen
M. Franck-Neumann W. Michaelis J. Reisse Directeur de thèse Examinateurs
Avec l'achèvement de ce travail et la possibilité de jeter sereinement un œil sur ces quelques années au Laboratoire de Géochimie Bioorganique, il me semble plus que justifié de remercier un certain nombre de personnes sans qui cette thèse n'aurait pas été la même. Tout d'abord, je tiens à remercier monsieur Pierre Albrecht, le directeur de ce laboratoire, qui m'a non seulement accordé sa confiance et m'a permis d'acquérir une formation plus complète, mais m'a également confié un sujet que je trouve particulièrement intéressant. Je remercie également Messieurs les Professeurs Walter Michaelis, Daniel Uguen et Jacques Reisse, ainsi que Messieurs Pierre Albrecht et Michel Franck-Neumann de me faire l'honneur d'évaluer ce travail. Un grand merci au GRK 532 qui a non seulement financé cette thèse mais m'a également permis d'élargir mes horizons scientifiques lors des "workshops" et des séminaires répartis au cours de ces trois années, ainsi que de rencontrer nombre de chimistes de différents domaines. Il m'a aidé au jour le jour, m'a permis de garder le moral lorsque rien ne marchait (ce qui arrive certainement à tout thésard), a toujours de nouvelles idées très intéressantes, à toujours pris le temps de m'écouter et de donner son avis, est toujours prêt à partager son savoir, pour tout cela et pour sa bonne humeur constante, je tiens particulièrement à remercier Pierre Adam. Merci également aux autres étudiants qui ont partagé avec moi ces quelques années, en particulier Nicolas Rouquette, Claude LeMilbeau, Sabine Mehay et Pierre LeMetayer pour la bonne humeur qu'ils ont su faire régner et leur complicité. Mais je n'oublie pas ceux qui ont été juste de passage, Laura Chiappini, Audrey Bednarczyk, Joachim Maurer et Frederic Jamil. Merci aussi à Yanek Hebting qui m'a guidé lors de mes débuts dans le laboratoire. Je remercie aussi les étudiants du R5.1 qui sont également de joyeux drilles. Mes remerciements vont également à tous les membres du Laboratoire de Géochimie Bioorganique, à savoir Philippe Schaeffer (lorsque le sujet débordait sur la géologie) à JeanMichel Trendel (pour les cafés le matin et l'approvisionnement en livres), à Estelle Motsch (pour les leçons et l'aide en SM ainsi que pour le moule à kouglhopf), à Clément Richert (pour m'avoir prêté sa machine et m'avoir enseigné l'CLHP, le squash et l'art du kouglhopf), à Patrick Wehrung (pour le bon fonctionnement de tous les appareils), à Agnès Schmitt (pour les questions administratives), à Marie-Claude Schweigert (qui m'a beaucoup aidé lors de mes débuts en chimie prébiotique tant par ses connaissances que sa motivation), à Gaby Schmitt (pour son constant souci de la sécurité des autres et sa bonne humeur), ainsi qu'à Armelle Charrié-Duhaut (pour son investissement dans l'intérêt général). Ils ont tous su maintenir une ambiance de travail studieuse et agréable. Un grand merci à Mr Chaumont et Mme Liebs, qui m'ont permis d'effectuer sur leurs machines des analyses qui se sont révélées fort utiles par la suite et au Pr. Chetcutti pour son aide avec chimie organométallique. Enfin, je remercie l'ensemble des personnes qui m'ont soutenu durant le temps de ces travaux, ma famille, Amélie, ainsi que tous mes amis les Boulets (ils se reconnaîtront). "Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que tout le monde ait tort." Ghandi
Sommaire Sommaire 1 Abréviations 5 Introduction Générale
Bibliographie Introduction 7 15 1. Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 17 1.1 Introduction 19 1.2 Mises au point des conditions simulant un fumeur noir 22 1.2.a Choix des réactifs mis en jeu 22 1.2.b Expériences de simulation mettant en jeu le dioxyde de carbone comme seule source de carbone 23 1.2.b.1 Présentation et résultats bruts de la simulation 23 1.2.b.2 Origine du COS et CS2 24 1.2.b.3 Origine des produits de réduction du dioxyde de carbone (CO et CH3SH) 24 1.2.b.4 Origine des produits en C2 dans les expériences mettant en jeu CO2 comme seule source de carbone 27 1.2.b.4 Conclusions concernant les expériences réalisées avec le dioxyde de carbone 28 1.2.c Expériences mettant en jeu le monoxyde de carbone comme seule source de carbone 1.2.c.1 Présentation et résultats bruts de la simulation 1.2.c.2 Origine de COS, CO2 et de CS2 1.2.c.3 Formation des thiols, acides et dérivés d’acides carboxyliques 1.2.d Optimisation des paramètres lors de nos expériences 1.2.d.1 Evaluation du meilleur sulfure métallique comme catalyseur 1.2.d.2 Evaluation de l’influence du facteur temps 1.2.d.3 Evaluation du pH optimal 1.2.d.4 Evaluation du paramètre température 1.2.d.5 Influence de la quantité de sulfure d’hydrogène lors de la simulation 1.2.d Bilan de l’optimisation 1.3 Conclusion
1.4 Bibli
ographie
partie 1 29 29 29 31 33 33 36 37 38 39 40 41 43
2. Elucidation des mécanismes réactionnels mis en jeu dans la synthèse de composés lipidiques à partir de CO/CO2 et H2S : Expériences de simulation sur des composés modèles 47
2.1 2.2 Introduction Réactivité de divers substrats modèles : Implication sur les mécanismes réactionnels 2.2.1 Réactivité d’un thiol dans nos conditions hydrothermales 49 49 50 2.3 2.4 2.5 2.2.2 Réactivité d’un thioether 60 2.2.3 Réactivité de composés au degré d’oxydation des acides carboxyliques 62 2.2.4 Réactivité de composés comportant une double liaison 64 2.2.5 Réactivité des alcools dans nos conditions expérimentales 67 2.2.6 Conclusions 69 Proposition de mécanismes 70 2.3.1 Nature du catalyseur lors de nos expériences 71 2.3.2 « Water-Gas shift reaction », soufrée ou non soufrée 79 2.3.3 Mécanisme de formation du méthanethiol 82 2.3.4 Mécanisme pour la formation des thiols et équivalents acides carboxyliques 83 2.3.5 Mécanisme de réduction des thiols en alcanes, de formation de thioéthers ou d'alcènes à partir de thiols 86 2.3.6 Formation de l’acétone et de propane-2-thiol au cours de nos expériences 89 2.3.7 Mécanisme de formation de liaison carbone-carbone dans les expériences sans monoxyde de carbone 91 2.3.8 Conclusions 93 Conclusion 94
Bibliographie partie II 96 3. Rôle potentiel des sulfures métalliques dans les transformations subies par la matière organique dans les sédiments anoxiques riches en soufre et les réservoirs pétroliers 101
3.1 3.2 Introduction 103
Réactions d’échange de soufre entre la matière organique et le sulfure d’hydrogène dans les réservoirs pétroliers catalysées par les sulfures métalliques 104 3.3 Sulfuration de la matière organique catalysée par les sulfures métalliques dans les sédiments riches en soufre 106 3.4 Réduction de la matière organique sédimentaire catalysée par les sulfures métalliques 109 3.5 Formation abiotique d'alcanes linéaires et addition de carbone sur certaines molécules lors de la diagenèse 111 3.5.1 Formation abiotique d'alcanes 111 3.5.2 Origine possible des 3-alkyl et 3-carboxystéroïdes 112
3.6 Conclusion 114
3.7 Bibliographie Partie 3 115 4. Similitudes entre voies réactionnelles d'organismes anaérobies et voies réactionnelles rencontrées dans nos expériences de simulation hydrothermale 122
4.1 Introduction 124 4.2 Du dioxyde de carbone à l'acide acétique: chemins rapprochés entre nos expériences de simulation et la voie de Wood-Ljungdahl 124 4.3 Réduction de thiols en alcanes dans les expériences de simulation hydrothermale et formation du méthane lors de la méthanogenèse : des similitudes frappantes 128 4.4 Analogies entre le rôle biologique des clusters fer/soufre et la réactivité des sulfures métalliques dans les expériences de simulation hydrothermale 130 4.5 Conclusion 132 4.6 Bibliographie partie 4 133 5. Conclusion générale 136 6. Partie Expérimentale 6.1 Indications Générales
6.1.1 Mesures par spectrométrie de masse 6.
1.2
Techniques chromatographiques
6.2 Exp
érien
ces de
simulation en
autoclave 6.2.1 Mise en
œuvre
d
'une simulation 6.2.2 Analyse des phases gazeuses et aqueuses 6.3 Expériences de simulation en flacons de verres 6.3.1 Mise en œuvre d'une simulation 6.3.2 Analyse des phases gazeuses et aqueuses 6.4 Conditions d'analyses utilisées
6.4.1 Analyses par chromatographie gazeuse 6.4.2 Analyses par chromatographie liquide haute performance
6.5
Evaluation des quantités de produits formées au cours de certaines expériences de simulation
6.6 Analyse
s
par diffraction des rayons
X
6.7 Données de spectrométrie de masse 142 144 144 145 146 146 147 149 149 152 153 153 153 154 156 157 -4-
Abréviations
CCM: chromatographie sur couche mince CG: chromatographie en phase gazeuse CG-SM: chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse CODH/ACS: Carbone Monoxyde Déshydrogénase/ Acétyle Coenzyme A Synthase DIF: détecteur à ionisation de flamme FH4: tétrahydrofolate CLHP: chromatographie liquide haute performance CLHP-SM: chromatographie liquide haute performance couplée à la spectrométrie de masse HS-HTP: 7-mercaptoheptanoyl-thréonine-phosphate IC: ionisation chimique (SM) IE: impact électronique (SM) ID: mode introduction directe (SM) L: ligand donneur de deux électrons dans un complexe MPT: tétrahydrométhanoptérine SM: spectrométrie de masse UV: ultraviolet -5- -6-
Introduction Générale
Introduction Générale -7- Introduction Générale -8- Introduction Générale
« Comment le non vivant a-t-il pu engendrer une forme de vie, si simple soit-elle? », voilà la question à laquelle la chimie prébiotique tente d’offrir un scénario valable. Cette discipline a vraiment pris son essor en 1953, suite à la publication par Miller des résultats de ses expériences de simulation d’une atmosphère primitive (mélange de gaz comprenant méthane, ammoniac, eau et hydrogène)1. Il avait réussi à mettre en évidence la formation abiotique d’acides aminés après avoir appliqué pendant une semaine des décharges électriques à son mélange. Décharges électrique
s sur les gaz Condensation et alimentation en eau Piège pour les molécules organiques Eau en ébullition
Figure 1: schéma du montage de l'expérience de Miller
Même si depuis, le mélange de gaz utilisé par Miller s’est révélé être une représentation d’atmosphère primitive probablement inadéquate (car trop réductrice2), cette expérience aura eu le mérite d’ouvrir le domaine de l’origine chimique de la vie à l’expérimentation. De nombreuses expériences ont été tentées depuis, pour synthétiser à partir de composés très simples la plupart des grandes familles de molécules constituant aujourd’hui l’ensemble des êtres vivants, tels les bases nucléiques ou les sucres. Ainsi, Oro et al3 ont montré qu’une solution d’acide cyanhydrique suffisamment concentrée va spontanément former des purines. Ils proposent alors un scénario dans lequel un lagon contenant ce réactif va subir une forte évaporation due au rayonnement solaire, pour atteindre une concentration suffisante qui permettra la formation spontanée de ces bases nucléiques. Par la suite, une montée du niveau de la mer va disperser les molécules formées dans l’océan et assurer ainsi leur diffusion. De même, la synthèse prébiotique de sucres (dont le ribose est le représentant le plus important) par la réaction de Formose4, n’a jusqu’à présent pu être réalisée qu’avec des concentrations de formaldéhyde assez importantes (de l’ordre de 0,15M) et nécessite donc là encore des conditions permettant d’atteindre de telles concentrations en milieu naturel. La première limitation de ce type de recherche vient donc de la nécessité de connaître les conditions environnementales qui régnaient sur Terre il y a plusieurs milliards d’années, pour que les scénarios envisagés pour la synthèse prébiotique de molécules soient crédibles. Les -9- Introduction Générale données géologiques doivent donc permettre de déterminer un certain nombre de points, tels la composition atmosphérique, la présence d’eau liquide, de terres émergées ainsi que la nature des roches présentes. Ces informations permettent aux chercheurs de proposer des scénarios, en mettant en oeuvre des expériences simulant les conditions régnant sur la Terre primitive, telles qu'on peut les déduire d’après les hypothèses géologiques, et conduisant aux molécules importantes pour la vie. Deux théories ont émergé quant à la nature du premier organisme apparu sur Terre et, selon celle que l’on adopte, certaines contraintes s’imposent. La première théorie implique une origine « hétérotrophe » de la vie. Dans ce scénario, une grande variété de molécules déjà complexes est formée en divers endroits selon des voies réactionnelles variées. Une fois réunies, celles possédant les propriétés adéquates vont s’organiser spontanément et former un proto-organisme : ici, les constituants précédent le futur organisme qui s’assemble de luimême et les voies ayant conduit à la formation des composés organiques ne seront pas forcément utilisées par le "proto-organisme" (on appelle communément cette hypothèse « théorie de la soupe prébiotique »). La deuxième hypothèse implique une origine « autotrophe » de la vie5. Dans cette hypothèse, une série de voies réactionnelles va permettre de synthétiser à partir de matériaux simples l’ensemble des composantes nécessaires à la construction et à la pérennité d’un "proto-organisme ici, les cycles de fonctionnement de l’organisme le précédent, vont se charger de fabriquer le futur organisme et seront ensuite intégrés dans ses mécanismes internes. De nos jours, le plus simple des organismes vivants est déjà une entité très complexe, dont la machinerie interne permet de synthétiser les molécules la constituant et celles dont elle a besoin pour se reproduire. Les matériaux présents à l’origine sur Terre sont, quant à eux, certainement très simples, tels les gaz mis en jeu par Miller. On peut alors envisager, qu'avant même que n’apparaisse une entité qualifiable d’organisme, des systèmes se mettent en place, qui seraient par la suite la base du mécanisme de fonctionnement du premier organisme. Ce "proto-organisme" pourrait avoir commencé par utiliser les composés très simples dont il aurait disposé pour les transformer en molécules plus élaborées. Il y aurait donc eu une complexification des matériaux disponibles. Pourtant, toutes les molécules synthétisées n’auraient certainement pas eu les propriétés nécessaires au bon fonctionnement du "protoorganisme", ou bien certaines auraient été meilleures que d’autres. Une sélection assimilable à une sélection de type Darwinienne aurait sans doute eu lieu. On qualifie ce phénomène supposé « d’évolution moléculaire ». Les molécules les plus appropriées réagiraient préférentiellement, excluant celles qui ne seraient pas adéquates sur le simple critère de la meilleure réactivité. Par la suite, la synthèse des composés les plus appropriés serait favorisée par le "proto-organisme", donc celle des molécules initialement synthétisées de façon abiotique mais dont les propriétés étaient les plus adaptées.
10 - Introduction Générale
Photo 1: Fumeur noir
Pour qu’un tel phénomène puisse prendre place, on comprend aisément qu’il faut à notre "proto-organisme" une source constante de matière, des conditions réactionnelles stables sur une période de temps importante, mais suffisamment douces pour assurer la stabilité de molécules sensibles, à température par exemple. Les évents hydrothermaux sous-marins, ou fumeurs noirs (Photo 1) ont attiré l’attention des chimistes prébioticiens comme sites potentiels de l’origine de la vie. En 1977, grâce à un submersible baptisé « Alvin », des géologues ont découvert leur existence. Ils découvrirent
Figure 2: Schéma d'un fumeur noir 11 - Introduction Générale
par la même occasion un écosystème dans lequel l’énergie solaire n’intervient pas. La chaleur est fournie par de l’eau chauffée au contact du magma et les microorganismes y vivant utilisent l’oxydation du sulfure d’hydrogène émis par l’évent comme
source
d’énergie primaire. Les fumeurs noirs sont des phénomènes géologiques relativement courants aux alentours des dorsales océaniques. La Figure 2 en montre le principe de fonctionnement. L’eau s’infiltre dans des failles du plancher sous-marin et se réchauffe à proximité du magma. A chaud, elle extrait les roches en contact, dissout les sels et métaux et commence son ascension sous pression par un entraînement lié à une émission de divers gaz sous pression par la croûte terrestre. Arrivée en surface, au contact de l’eau de mer à 3°C environ, les cations métalliques présents dans le fluide émis précipitent et forment une cheminée qui ne cesse de grandir. L’eau à la sortie de la cheminée a un pH d’environ 3,0 et l’eau de mer d’environ 8,0. Sur une courte distance aux alentours du cône d’expulsion, le pH croît graduellement de 3 à 8, offrant une gamme de pH assez variée. La température de l’eau à la sortie varie selon les sites entre 10 et 350°C. Là encore, la température varie selon un gradient entre la température d’expulsion du fluide et les 3°C de l’eau de
. Mais ces paramètres physiques ne sont pas les seuls atouts des évents hydrothermaux. En effet, les fluides émis par les fumeurs noirs contiennent de nombreuses molécules ayant un potentiel reconnu en chimie prébiotique. Le dioxyde de carbone ainsi que le sulfure d’hydrogène6 sont les premiers d’entre eux, mais le monoxyde de carbone (bien que sa présence soit controversée), le oxysulfure de carbone, le dihydrogène et le méthane sont aussi présents, ainsi que, plus rarement, l’ammoniac, mais en quantités bien inférieures. De plus, comme nous l’avons évoqué précédemment, les cations métalliques dissous lors du passage de l'eau en profondeur vont précipiter avec le sulfure d’hydrogène sous l’action du refroidissement et former des cheminées constituées de sulfures métalliques (dont le fer est le plus abondant, voir Figure 3). Ces minéraux possèdent des capacités réductrices et catalytiques maintenant démontrées qui peuvent avoir une importance considérable en chimie prébiotique7.
Cuivre % Fer % Zinc % Nickel % Echantillon 1 Traces 46,13 Non détecté Traces Echantillon 2 0,46 48,49 0,23 Traces Echantillon 3 2,82 45,59 Traces Non détecté
Figure 3: Exemples de teneurs de quelques métaux dans une cheminée hydrothermale (prélevement à des endroits différents de la cheminée) 12
- Introduction Générale
De nombreux autres métaux sont présents dans les fumeurs noirs, tels que le manganèse, le plomb, le cobalt, l’argent, le chrome ou même l’or. On peut également trouver plusieurs autres cations divalents tels le calcium ou le magnésium, eux-mêmes susceptibles de précipiter sous forme de sulfures avec le sulfure d’hydrogène présent. Bien entendu, les données du tableau précédent ne sont pas le t d’une généralité mais bien du cas précis de dépôts de sulfures d’un évent hydrothermal de l’océan Pacifique8 et les proportions entre les différents métaux peuvent varier grandement selon les sites. L’ensemble des paramètres cités précédemment, la présence de plusieurs gaz et de sulfures métalliques variés, un gradient de pH et de température, font des évents hydrothermaux des sites particulièrement intéressants pour la chimie prébiotique. Wächtershäuser a émis l’hypothèse que les sulfures métalliques de la cheminée (surtout le sulfure de fer) sont les catalyseurs d'un jeu de réactions pouvant servir de métabolisme primitif à un proto-organisme5 et que les évents hydrothermaux sont un site idéal pour une émergence autotrophe de la vie. Or, le simple fait d’appeler une entité « organisme » implique l’existence d’une barrière entre le milieu extérieur et l’endroit où prennent place les réactions assurant la survie de l’entité. Actuellement, cette barrière appelée membrane cellulaire est constituée de divers lipides plus ou moins complexes dont la vraisemblance prébiotique peut être mise en question. La crédibilité de l’hypothèse de Wächtershäuser implique donc qu'il existe dans l’environnement des évents hydrothermaux, une voie prébiotique de formation de composés amphiphiles simples, s’organisant en membranes cellulaires primitives à travers la formation, par exemple, de micelles. Le travail présenté dans cette thèse propose une voie prébiotique d’obtention de lipides linéaires, en particulier d’acides n-carboxyliques à longues chaînes, qui pourraient être les lipides ayant permis d’isoler le proto-organisme de l’eau de mer9. Cette voie fait intervenir une succession de réactions de réduction et de formation de liaisons carbone-carbone impliquant le dioxyde de carbone, le sulfure d’hydrogène et catalysées par des sulfures métalliques. Ce document, présentant le résultat des travaux de cette thèse, se découpe en quatre parties : • Nous verrons dans un premier temps les conditions qui ont été mises au point pour simuler les réactions pouvant se produire au niveau des évents hydrothermaux. Des expériences de simulation impliquant certains gaz hydrothermaux (principalement le dioxyde de carbone et le sulfure d’hydrogène) ainsi que des sulfures métalliques ont montré la capacité des évents hydrothermaux à synthétiser des composés organiques complexes (thiols, thioesters, thioacides, disulfures...) à partir de ces gaz simples. L’importance de la formation in situ de monoxyde de carbone a pu être mise en évidence et expliquée par l’équilibre de la « Water-Gas shift reaction ».
13 - Introduction Générale •
• Nous proposerons ensuite des mécanismes permettant d’expliquer la formation des divers composés observés. Pour cela, un certain nombre d'expériences modèles ont été réalisées, mettant en jeu soit des molécules détectées dans les expériences de simulation précédentes pour mieux comprendre leur évolution, soit des composés n’ayant pas de vraisemblance prébiotique mais pouvant nous permettre de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu. Nous mettrons en avant les implications que peuvent avoir les réactions que nous avons décrites dans des environnements naturels actuels. En effet, certaines réactions mises en évidence dans nos expériences de simulation pourraient jouer un rôle dans des phénomènes abiotiques d'altération affectant la matière organique durant la sédimentation. Enfin, nous établirons un lien entre les réactions mises au point au laboratoire et la capacité de certaines enzymes d’organismes anaérobies à effectuer les mêmes réactions. En effet, la synthèse de l’acétyl-CoenzymeA par la voie de Wood, ou la formation méthane dans les archébactéries méthanogènes ne sont pas sans rappeler des phénomènes que nous avons pu mettre en évidence au cours de nos expériences de simulation. 14 - Introduction Générale Bibliographie
Introduction 1. S. L. Miller; A Production of Amino Acids Under Possible Primitive Earth Conditions; Science 117; 528-9 (1953). 2. S. L. Miller and G. Schlesinger; Carbon and Energy Yields in Prebiotic Synthesis Using Atmospheres Containing CH4, CO and CO2; Origins of Life 14; 83-90 (1984). 3. J. Oro and A. P. Kimball; Synthesis of Purines under Possible Primitive Earth Conditions. II. Purine Intermediate from Hydrogen Cyanide; Archives of Biochemistry and Biophysics 96; 293-313 (1962). 4. A. G. Cairns-Smith, P. Ingram, G. L. Walker; Formose Production by Minerals. Possible Relevance to the Origin of Life; Journal of Theoretical Biology 35; 601-4 (1972). 5. G. Wächtershäuser; Life as We Don't Know It; Science 289; 1307-8 (2000). 6. S. Yokoyama, A. Koyama, A. Nemoto, H. Honda, E.-I. Imai, K. Hatori, K. Matsuno; Amplification of Diverse Catalytic Properties of Evolving Molecules in a Simulated Hydrothermal Environment; Origins of Life and Evolution of the Biosphere 33; 589-95 (2003). 7. E. Blöchl, M. Keller, G. Wächtershäuser, K. O. Stetter; Reactions Depending on Iron Sulfide and Linking Geochemestry with Biochemestry; Proceedings of the National Academy of Sciences USA 89; 8117-20 (1992). 8. R. Hekinian, M. Fevrier, J. L. Bischoff, P. Picot, W. C. Shanks; Sulfide Deposits from the East Pacific Rise Near 21°N; Science 207; 1433-44 (1980). 9. C. Huber and G. Wächtershäuser; Activated Acetic Acid by Carbon Fixation on (Fe,Ni)S Under Primordial Conditions; Science 276; 245-7 (1997). 15 - Introduction Générale 16 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 1. Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 17 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 18 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 1.1 Introduction
La nécessité pour un organisme (ou "proto-organisme") d'être isolé du milieu extérieur implique, comme nous l’avons évoqué dans l’introduction générale, l'établissement de barrières l'isolant de son environnement. Leur formation dans des conditions prébiotiquement raisonnables est donc une étape cruciale dans le cadre de l’émergence de la vie. En effet, leur présence lui permettrait d’effectuer des réactions qui seraient défavorisées dans son environnement (par des phénomènes d’hydrolyse par exemple). De nos jours, la quasi-totalité des membranes cellulaires, barrières qui assurent la séparation du milieu extérieur et du milieu intérieur chez tous les êtres vivants, sont constituées de phospholipides (phosphoglycérolipides). Dans une paroi cellulaire, les phospholipides sont agencés en bicouches (Figure5, 2), ce qui isole les fonctions vitales de la cellule de l’extérieur mais en permettant tout de même aux éléments essentiels à la survie de l’organisme de diffuser à travers la membrane. Les phospholipides sont des molécules assez complexes et donc peu probables comme composés prébiotiques ayant servi à l’établissement des premières parois cellulaires. On sait néanmoins que la propriété première de ces constituants de membranes est l’amphiphilie. Dans cet optique, Keller et al.1 ont montré que des phosphates de polyprényles (qu’ils ont postulé comme prébiotiquement disponibles) forment spontanément des vésicules (ou des bicouches) dans l’eau. Il est de même tout à fait envisageable que de simples acides n-carboxyliques soient des précurseurs des composants des membranes actuelles. En effet, ce sont des molécules amphiphiles et, comme le montre la Figure 4, ils sont encore présents sous forme d’ester de glycérol dans les phospholipides membranaires des organismes vivants. De plus, la capacité des vésicules (ou bicouches) constituées d’acides carboxyliques à encapsuler des molécules (des bases nucléiques adsorbées sur des argiles de type Montmorillonite en l’occurrence) a été mise en évidence par Hanczyc et al2 dans des conditions
Figure 4: exemple de constituant supposées prébiotiques. d'une paroi cellulaire actuelle
La formation de vésicules prébiotiques devrait 19 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux donc non seulement assurer ces fonctions, mais aussi fournir un milieu hydrophobe dans lequel les substrats lipophiles peuvent se concentrer. De plus, il a été montré que parallèlement à la formation de vésicules, on constate l’apparition de propriétés vectorielles3. Cependant, la formation spontanée de vésicules dans l’eau requiert tout de même des concentrations assez importantes en composé amphiphile. 1 2
Eau Eau Milieu hydrophobe
Milieu hydrophobe Figure 5: Schéma d'une micelle (1) et d'une bicouche (ou vésicule) (2)
Les concentrations requises pour la formation de micelles (Figure 5, 1) en solution aqueuse sont moins grandes que pour la formation des bicouches et leur présence serait un avantage important lors de synthèses prébiotiques, puisqu’on introduirait ainsi dans le milieu un environnement plus lipophile qui pourrait favoriser certaines réactions importantes, telles la formation de liaisons de type amide par exemple4,5. Dans le cas des acides n-carboxyliques, la concentration micellaire critique (CMC, ou concentration à partir de laquelle des micelles se forment spontanément dans l’eau) est, comme le montre la Figure 6, une fonction directe du nombre d’atomes de carbones de la chaîne. Elle décroît de manière assez rapide avec l’augmentation de la longueur de la chaîne6. Les acides de moins de huit atomes de carbone ne forment pas de micelles. Bien que ces acides soient des molécules structurellement simples, elles n’en sont pas pour autant faciles à synthétiser dans des conditions prébiotiquement raisonnables. Chen et Bahnemann7 ont décrit la synthèse de l’acide acétique dans des conditions semblables à celles régnant aux alentours d’évents hydrothermaux et mettant en présence du dioxyde de carbone et de la magnétite (Fe3O4), mais on ne trouve pas dans les produits de réaction de composés à plus de deux atomes de carbone. Rushdi et Simoneit8 ont, quant à eux, montré que l’on pouvait obtenir des acides n-carboxyliques à longue chaîne, parmi de nombreux autres composés organiques réduits, en faisant réagir du monoxyde de carbone et du dihydrogène (générés par décomposition à chaud de l'acide oxalique) selon une réaction de type FischerTropsch. Mais il est probable que le Fe° constituant le réacteur joue un rôle catalytique important. De plus, le rendement de cette réaction diminue considérablement lorsque l’on 20
- Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux accroît la quantité d’eau présente. Il n’existe donc, à ma connaissance, aucune synthèse raisonnable d’acides n-carboxyliques et plus généralement de constituants lipidiques en conditions prébiotiques. Concentration micellaire critique en moles/L Evolution de la concentration micellaire critique en fonction de la longueur de la chaîne carbonée 0,5 0,4 0,4 0,3 0,2 0,11 0,1 0 7 9 0,029 0,007 13 15 11 nombre de carbones dans la chaîne
Figure 6: Graphique montrant l'évolution de la concentration micellaire critique pour un acide n-carboxylique en fonction de la longueur de chaîne
Pourtant, certains travaux nous ont conduit à penser que la synthèse de composés amphiphiles dans des conditions simulant celles des fumeurs noirs est parfaitement raisonnable. Ainsi, Heinen et Lauwers9 ont montré que lors de réactions impliquant du sulfure d’hydrogène et du dioxyde de carbone en présence de sulfure de fer, des thiols possédant des longueurs de chaînes allant jusque 5 atomes de carbone ont été formés (mais aucune indication n'est donnée sur leur voie de formation). D’autre part, Huber et al.10, ont constaté la formation de thioacétate de méthyle (Équation 1) dans des conditions qui pourraient elles aussi être compatibles avec l’environnement des évents hydrothermaux (bien que la présence de monoxyde de carbone soit controversée, comme nous le verrons par la suite). Il est donc possible à la fois de former des liaisons carbone-carbone et de former des composés ayant des fonctions de type acide carboxylique, bien que dans des conditions légèrement différentes.
CH3
SH + CO FeS/NiS
CH3COSCH3 Équation 1: Formation de thioacétate de méthyle par réaction du monoxyde de carbone avec le méthanethiol en présence de sulfures métalliques
Nous avons donc entrepris d'étudier la possibilité que des composés de type lipidique tels que les acides n-carboxyliques puissent être formés dans des environnements hydrothermaux à l'aide d'expériences de simulation en laboratoire. 21 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 1.2 Mises au point des conditions simulant un fumeur noir 1.2.a Choix des réactifs mis en jeu
Il nous a fallu tout d’abord choisir un composé carboné en C1 qui serait la base de nos expériences de simulation. Les possibilités pour les gaz se résument donc au monoxyde de carbone, au dioxyde de carbone ou au méthane si l’on ne regarde que les gaz ayant une vraisemblance géochimique11. Ce dernier a été immédiatement écarté car il n’est pas présent aux abords de tous les fumeurs noirs et lorsqu’il l’est, ses proportions sont très faibles. Le monoxyde de carbone a été détecté à plusieurs reprises dans les fluides d’évents hydrothermaux mais son origine est controversée. En effet, il pourrait provenir d’une réaction de réduction du dioxyde de carbone par la paroi du récipient utilisé pour le prélèvement de l'échantillon (généralement des parois métalliques d’acier ou de titane)12. Son utilisation dans des expériences de simulation réalistes de l’environnement hydrothermal est pourrait donc être contestée. Le dioxyde de carbone est bien plus abondant et répandu que les deux autres gaz cités, et par conséquent, est le meilleur candidat bien qu’il soit certainement moins réactif que le monoxyde de carbone. L’utilisation du sulfure d’hydrogène nous a semblé incontournable, puisqu’il est l’un des deux gaz les plus abondants aux abords des fumeurs noirs (avec le dioxyde de carbone). De plus, ses propriétés réductrices sont bien connues13,14,15. Il a même été montré qu’il est capable d’induire la formation réductive de liaisons carbone-carbone dans l’eau avec des aldéhydes comme substrats16. Or ces deux aspect , réduction et formation de liaisons carbonecarbone sont importants lorsque l’objectif est la formation de composés possédant une chaîne carbonée longue, totalement réduite. Les cheminées des évents hydrothermaux sont constituées de sulfures métalliques variés (mais avec un fort taux de sulfure de fer). Or ces sulfures possèdent des propriétés catalytiques qui peuvent avoir une influence sur les réactions se produisant au niveau des fumeurs noirs. Des sulfures métalliques ont donc également été mis en jeu dans les expériences de simulation que nous avons réalisées. Ils ont été formés in situ lors de nos expériences par réaction entre les cations métalliques (+II) et du sulfure de sodium (Na2S). De plus, la présence d’une grande quantité d’eau au cours de nos expériences s’impose par la simple localisation que nous avons envisagée: les évents hydrothermaux sous-marins. Nos expériences de simulation auront donc lieu dans les conditions résumées dans la Figure 7 (avec MS= sulfures de différents métaux tels que fer, nickel, plomb, cobalt,...): H2S + CO2 MS eau, 90°C?????
Figure 7: Résumé général des conditions choisies pour simuler l'environnement des fumeurs noirs 22 -
1.2.b Expériences de simulation mettant en jeu le dioxyde de carbone comme seule source de carbone 1.2.b.1 Présentation et résultats bruts de la simulation
Nous avons tout d'abord conduis deux expérience de simulation en parallèle. La première a été réalisée dans une bouteille en verre (50 mL) en mettant en présence du dioxyde de carbone (1 atm), du sulfure de sodium (3 mmoles), de l'eau (20mL), du chlorure de fer ou de nickel (1 mmole), le pH étant ajusté à 5,0 par l'ajout d'acide chlorhydrique. La seconde expérience de simulation a lieu dans un autoclave en acier inoxydable (100 mL) avec les réactifs suivants: eau (25 mL), chlorure de fer (II) ou de nickel (II) (1 mmole), sulfure de sodium (1 mmole), acide chlorhydrique (0,01 mole/L), dioxyde de carbone (8 bars) et sulfure d’hydrogène (4 bars), température de 90°C. L’analyse qualitative des gaz issus de la réaction, par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse ou à un catharométre, et de la phase aqueuse par chromatographie liquide haute performance a permis de mettre en évidence la présence d’un certain nombre de composés, identiques quel que soit la nature du réacteur (voir Figure 8). Ces composés résultent soit de modifications du degré d’oxydation du carbone de CO2 (CO ou MeSH), soit de substitutions par le soufre du sulfure d’hydrogène (COS et CS2), soit de la combinaison de réactions de réduction et de formation de liaisons carbone-carbone (EtSH et CH3COOH). La formation de thiols de longueur de chaîne variable est un phénomène déjà décrit par Heinen et Lauwers9, mais la formation au cours de la même expérience d’un acide carboxylique (ici acétique) et de monoxyde de carbone n’a, à notre connaissance, pas été évoquée. Gaz initiaux
de la
simulation
Gaz issus de la simulation CO2 H2S COS CO CS2 MeSH EtSH HCOOH CH3COOH Figure 8: Composés formés au cours d’une expérience de simulation mettant en jeu le dioxyde de carbone, le sulfure d’hydrogène et le sulfure de fer dans l’eau
La formation d’acide acétique est d’autant plus importante que ce dernier fait partie de la catégorie de molécules qui est notre objectif, c’est à dire un composé ayant une chaîne carbonée totalement réduite d’une part (certes courte dans ce cas) et une fonction acide carboxylique. Il est donc possible de synthétiser au moins un acide carboxylique dans nos conditions de simulation, mais une longueur de chaîne plus importante doit être atteinte pour que des micelles puissent se former.
Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 1.2.b.2 Origine du COS et CS2
Ces produits sont très certainement en partie le fruit d’un équilibre à plusieurs éléments décrit dans la Figure 9. Cet équilibre est connu et est déplacé vers la formation de dioxyde de carbone en milieu aqueux. La présence de ces deux sulfures de carbone est donc explicable en tant que produits secondaires, dont la formation n’a que peu de rapport avec l’objectif qui est le nôtre.
CO2 + 2 H2S COS + H2O + H2S CS2 + 2 H2O Figure 9: Equilibre postulé pour la formation de COS et CS2 avec CO2 1.2.b.3 Origine des produits de réduction du dioxyde de carbone (CO et CH3SH)
Le monoxyde de carbone est le produit d’une réduction à 2 électrons d’une molécule de dioxyde de carbone (sa présence implique celle d'acide formique, son produit d'hydratation). Comme nous l’avons expliqué auparavant, sa présence dans les fluides émis par les évents hydrothermaux est mise en doute et il est suggéré qu’il serait le résultat d’une réduction du dioxyde de carbone catalysée par les parois métalliques du récipient ayant servi aux prélèvements. Un phénomène similaire pourrait expliquer sa présence au cours de nos expériences de simulation, les parois métalliques de notre autoclave pouvant éventuellement permettre cette réduction. Pour nous en assurer nous avons réalisé une expérience semblable à celle décrite précédemment mais à moindre pression, dans un flacon en verre, où le seul catalyseur possible est le sulfure de fer initialement précipité in situ. Nous avons, là encore, détecté du monoxyde de carbone par chromatographie gazeuse couplée à un catharométre. Une explication possible est la formation de ce composé par la réaction connue sous le nom de « Water-Gas shift reaction » (Équation 2). Elle permet la formation du monoxyde de carbone à partir de dioxyde de carbone, mais nécessite pour cela la présence d’hydrogène. En ce qui concerne la présence d'hydrogène au niveau des fumeurs noirs mais aussi dans nos expériences de simulation, Blöchl et al.17 ont suggéré que le dihydrogène puisse être formé par réaction du sulfure de fer avec le sulfure d’hydrogène, et qu'il s'agirait là d'un phénomène répandu dans l’environnement. Or, le sulfure de fer a été utilisé dans nos expériences et est largement répandu au niveau des fumeurs noirs. Ainsi, ce phénomène, maintenant prouvé, H2O + CO Catalyseur CO2 + H2 Équation 2: "Water-Gas shift reaction"
24
- Synthèse
prébio
tique de
composés
lipidiques
dans des
conditions simulant
celles des évents hydrothermaux
pourrait bien
être la
c
lef de la formation du monoxyde
de
carbone dans nos expériences. En effet, si ce phénomène se produit au niveau des fumeurs noirs, alors tous les éléments nécessaires sont présents pour que puisse s’établir l’équilibre de la « Water-Gas shift reaction » : du dioxyde de carbone en abondance, du dihydrogène formé in situ et un catalyseur hétérogène, les sulfures métalliques (plusieurs exemples montrent qu’ils sont capables de catalyser cette réaction18,19,20 ). Ces hypothèses ont pu être testées grâce à l'analyse par chromatographie gazeuse couplée à un catharométre des gaz formés lors de nos expériences de simulation. Ainsi, nous avons pu mettre en évidence dans une expérience de simulation mettant en jeu uniquement du dioxyde de carbone, du sulfure d’hydrogène, du sulfure de fer (ou de nickel), dans l’eau, la formation de monoxyde de carbone mais également celle de dihydrogène (voir Figure 10). La présence d'oxygène est une contamination liée au prélèvement de l'échantillon, l'azote est le gaz utilisé pour dégazer la solution initiale mais le dihydrogène est bien issu de néoformation et non de contamination puisque l'injection d'air dans les mêmes conditions montre un pic bien plus faible. O2 N2 H2 Figure 10: Chromatogramme en phase gazeuse du gaz de tête issu d'une expérience comprenant CO2 et H2S dans l'eau en présence de FeS
Toutes les composantes de la « Water-Gas shift reaction » sont donc présentes dans nos expériences et l’établissement de cet équilibre fournit une explication raisonnable à la présence de monoxyde de carbone, non seulement dans nos expériences, mais aussi dans tout environnement dans lequel dioxyde de carbone et sulfures métalliques sont présents. La détection de monoxyde de carbone dans les fluides de fumeurs noirs ne serait donc pas uniquement le résultat d’artéfacts liés à l’échantillonnage, une partie étant vraiment présente 25 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux dans les gaz émis. La réaction clef est ici la formation de dihydrogène selon le processus décrit par Blöchl et al.17, qui permet l’établissement de l’équilibre réactionnel. Nous avons également montré que le sulfure de nickel est capable, au même titre que le sulfure de fer, de catalyser la formation de dihydrogène (l’espèce NiS2 étant connue et probablement l’autre produit de la réaction). Les autres sulfures métalliques n’ont pas été testés dans cette optique mais il est probable qu’au moins le cobalt réagisse de manière similaire. Bien que le nickel et le cobalt soient présents en bien plus faible quantité que le fer, ils contribuent vraisemblablement à la synthèse abiotique de dihydrogène dans l’environnement des fumeurs noirs. Le méthanethiol est le fruit d’une réduction bien plus importante que celle menant du dioxyde de carbone au monoxyde de carbone. La formation de méthanethiol s’observe fréquemment dans les processus industriels visant la formation de l'oxysulfure de carbone et de dihydrogène à partir de sulfure d’hydrogène et de monoxyde de carbone (un équivalent soufré de la « Water-Gas shift reaction »21 décrite dans la Figure 11) et, le plus souvent, constitue une réaction secondaire que l’on cherche à éviter même si certains se sont intéressés à catalyser sa synthèse en utilisant notamment des sulfures métalliques22,23.
H2S + CO NiS dans eau pH=7,6 COS + H2 Figure 11: Equivalent « soufré » de la « Water-Gas shift reaction » envisagé dans nos conditions expérimentales
Le mécanisme de formation du méthanethiol dans ces conditions n’est, à notre connaissance, toujours pas bien établi, mais sa présence dans nos expériences s’explique très probablement par un processus identique à celui conduisant à la formation de méthanethiol dans les procédés industriels. La formation de monoxyde de carbone revêt donc une importance toute particulière puisqu’il pourrait être une espèce intermédiaire clé lors de la réduction du dioxyde de carbone à l’état de méthanethiol. De plus, la Figure 11 donne une voie de formation de l'oxysulfure de carbone et du dihydrogène alternative à celle mettant en jeu une réaction d’échange entre le sulfure d’hydrogène et le dioxyde de carbone (Figure 8). 26 - Synthèse prébiotique de composés lipidiques dans des conditions simulant celles des évents hydrothermaux 1.2.b.4 Origine des produits en C2 dans les expériences mettant en jeu CO2 comme seule source de carbone
Les deux composés, éthanethiol et acide acétique (que nous avons détecté à l'état de traces par CLHP), sont très importants puisqu’ils montrent que dans nos conditions de simulation hydrothermale, des liaisons carbone-carbone se forment. Heinen et Lauwers11 ont montré la formation de thiols allant jusqu’à des longueurs de chaîne de 5 carbones dans des conditions similaires (impliquant du dioxyde de carbone et du sulfure de fer). Pourtant, ils n’ont pas évoqué la présence d’un quelconque acide carboxylique lors de leurs expériences. Huber et al.10 ont quant à eux, montré l’obtention d’un dérivé d’acide acétique (le thioester de méthyle) dans des expériences mettant en jeu du méthanethiol avec du monoxyde de carbone en présence d’un mélange sulfure de fer/sulfure de nickel dans l’eau. L’acide acétique qu’ils ont pu détecter, a été attribué à l’hydrolyse du thioacétate de méthyle. Il semble donc qu’il soit possible de former un acide carboxylique par substitution de la fonction SH du méthanethiol par du monoxyde de carbone. Si la formation de thiols de longueurs diverses est possible à partir de dioxyde de carbone comme le suggèrent Heinen et Lauwers9, et si l'insertion du monoxyde de carbone (formé dans nos conditions expérimentales) au niveau d'un thiol est possible quelle que soit la nature de la chaîne hydrocarbonée portant la fonction thiol, alors on peut espérer obtenir des acides carboxyliques avec des chaînes carbonées se rapprochant des longueurs nécessaires à la formation de micelles à partir d’une source de carbone en C1. Dans le cas de nos expériences de simulation, la présence d’éthanethiol suggère que nous puissions également détecter de l’acide propionique. Tel ne fut pas le cas. Ceci peut sans doute s’expliquer ainsi : la quantité d’éthanethiol est plus faible que celle de méthanethiol, or l’acide acétique (vraisemblablement issu du méthanethiol) n’a pu être mis en évidence qu’à l’état de trace par CLHP. Il est donc fort probable que l’acide propionique qui a pu être synthétisé au cours de la réaction soit en dessous de nos limites de détection. Il n’est donc pas possible, à ce stade, de conclure quant à la généralité de la réaction d’insertion du monoxyde de carbone au niveau d’un thiol. La Figure 12, qui montre la voie réactionnelle envisagée, met bien en évidence le rôle crucial du monoxyde de carbone. Il intervient par deux fois. La première fois, il subit une réduction qui conduit au méthanethiol. Ce dernier est alors capable de réagir avec une autre molécule de monoxyde de carbone pour former l’acide acétique.
| 34,818
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2016REN20002_50
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,016
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L’Union Départementale de la Loire de la CFTC-CFDT de la Loire : mutation, développement et crise d’une organisation syndicale (1944-1988)
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None
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French
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Spoken
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| 7,273
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)pou rév i t e rd edonn e rl ' imp r e s s iond ev i r ag e .C e t t ed é f en s edupouvo i r d ' a ch a tdo i tr e s t e rl i é eàl ap r io r i t ésu rl ' em p lo i» .Qu an tàEdm ond M a i r e ,i lp ropo s aenf ind e r éun ionun ed i s cu s s ionsu r«l ' ad ap t a t iond eno t r esynd i c a l C e c in ’ em p ê ch ap a sd e sv io l en c e s ,àl e u rm ax imumdu3au5j anv i e r1984 ,oùd e s ouv r i e r sa t t aqu è r en tl e sg r év i s t e spou rs auv e rl ' u s in e .C e l aen t r a în ad e sb l e s su r e spou r150 p e r sonn e s , don t 15 ho sp i t a l i s é e s , av an t qu el ad i r e c t ion , pu i sl a CFDT ,d em and en t C o n s e i ln a t i o n a ldu2 7o c t o b r e1 98 3 .C i t ép a rJ e a n -M i c h e lHELV IG E dm ond Ma i r e. ,op .c i t .p .4 60. P
.
V
.d ubu r e a un a t i on a ld e s16e t1 7n ov em b r e19 8 3 , i b i d em ,p .4 61. 1845 P .V .dubu r e a un a t ion a ld e s7e t8d é c em b r e1983 ,i b i d em ,p .46 2 -4 6 3. l ' in t e rv en t iond e sfo r c e sd el ' o rd r ee tqu el ' u s in eso i tf e rm é eju squ ' au11j anv i e r .C ejou r l à ,« l ’ im p rob ab l es ep rodu i t:l ’u s in equ i ,d epu i sd e sa nn é e s ,s ’ av an ç a i tv e r sl ac a t a s t roph e ,so r td e 1 847. l asp i r a l ed e s t ru c t r i c e .L e san c i en sp ro t agon i s t e sr e comm en c en tàt r av a i l l e ren s em b l e .» L e sl i c en c i em en t seu r en tl i eu .P lu s i eu r sm em br e sdu BNc r i t iqu è r en tEdm ond M a i r esu rl a g e s t ion« m a l ad ro i t e»qu iav a i tam en éàsou t en i rD an i e lR i ch t e rd an sl acondu i t educon f l i t. J a cqu e s Ch é r èqu e po s al a qu e s t ion: Vou l a i t -on d é f end r el ' em p lo icoû t e qu ecoû t e ou 1 8 4 8 con so l id e rl e sindu s t r i e scomm el ' au tom ob i l e ? .P lu sg én é r a l em en t ,comm el ’ é c r iv i tRob e r t F r an ck ,e s t c equ ’ona c c ep t a i t«d es auv e rd e sen t rep r i s e s ,d e sb r an ch e sindu s t r i e l l e s(... )[ au e t t equ e s t iona l l a i tê t r epo s é e p r ix ]d esupp r e s s ion sd ’ em p lo i s ,vo i r ed el i c en c i em en t s?»1849 C pou rl as id é ru rg i eoùd e sl i c en c i em en t sé t a i en tannon c é sen1984 ,ycomp r i sd an sl ar ég ion s t éph ano i s e. D .L 'échecdelas t ra tég ieau tonomedel 'UD CFDTdelaLo i ree t lecong rèsde1984 R app e lon squ ' aucong r è sd eT e r r eno i r ed e s18e t19d é c em b r e1980 ,l 'UDav a i tcho i s i un es t r a t ég i eau tonom ed em ob i l i s a t ionv i s an tàr edonn e rcon f i an c eau xt r av a i l l eu r senl eu r p e rm e t t an td ' a t t e ind r ed e sr é su l t a t scon c r e t senp r io r i t éd an sl edom a in ed el ' em p lo i. 1. L'économie de la région stéphanoise et les conflits de 1981 à février 1984. a. La poursuite de la crise C e t t ep é r iod efu tm a rqu é ep a r un ec ro i s s anc ef a ib l e ,l ar e com po s i t iond el ' app a r e i l indu s t r i e le td ' im po r t an t e ssupp r e s s ion sd ' em p lo i ss e lon M i ch e lB e l l e t , M i ch e l Royone t in1982 ,l 'UDé c r iv i tqu e« M êm eav e cungouv e rn em en td e M au r i c eV in c en t1850. Enju 1 8 5 1 g au ch e ,l ' a c t ione s tind i sp en s ab l e» . Aubou td ' unan ,tou tr e s t a i tàf a i r e .L aLo i r en ' av a i t connuqu ' unr a l en t i s s em en td es ad ég r ad a t ioné conom iqu e .L as i tu a t ionduchôm ag es ' é t a i tun p eur ed r e s s é epu i squ ' oné t a i tp a s s éd ' un ep rog re s s iond e13%en t r em a r s1980e tm a r s1981à un ep rog r e s s iond e7%en t r em a r s1981e tm a r s 1982 ,m a i sl e schôm eu r sd ep lu sd ' unan N i co l a sHATZFELD ,J e a n -Lo u i sLOUBET,«L e scon f l i t sT a lbo t. , o p .c i t. J e a n -M i c h e lHELV IGE dm ond Ma i r e. ,op .c i t .p .4 7 2. 1849 R o b e r tFRANKe ta l i i ,«L e sa n n é e sg r i s e sd el af i nd us i è c l e»V i n g t i èm es i è c l e ,r e v u ed ’ h i s t o i r e ,2 0 0 4 / 4 ,n ° 84p. 7 7. 1850 M i c h e lBELLET ,M i c h e l .ROYON ,M a u r i c eV INCENT ,L ’ é c onom i e. ,op .c i t .. 1851 C om b a tou v r i e r ,ju i n19 8 2 ,n °2 2 1. i t co r e 37% du nom b r eto t a l . G éog r aph iqu em en t ,c ' é t a i tl e sv a l l é e sd e l 'Ond a in e ,duG i e r ,e tS a in t -É t i e nn equ ié t a i en tl e sp lu stou ch é e s .L e ss e c t eu r squ is ou f f r a i en t l ep lu sé t a i e n tl et ex t i l ee tl am é t a l lu rg i e .L ed ép a r t em en tcon s e rv a i tl eh and i c apd es e sv i e i l l e s indu s t r i e ss an st e chno log i ed epo in t e ,m a i sav a i tau s s id e sa tou t s .I lf a l l a i ts eb a t t r epou r u t i l i s e rc e sa tou t spou runepo l i t iqu ed er e l an c e. L e10 m a r s1983 ,l 'UDo rg an i s aun er éun iond em i l i t an t spou rf a i r el ep o in t .L aLo i r e conn a i s s a i tàc em om en t l à p lu sd e30000d em and eu r sd ' em p lo i ,unt auxd echôm ag e sup é r i eu rà10%av e cun epo in t eàp lu sd e14%d a n sl av a l l é ed el 'Ond a in ee t2000em p lo i s av a i en té t ép e rdu sen1981 .C e t t ein fo rm a t iondonn é ep a rl 'UDco r r e spond a i ttou tàf a i taux no t e sd e sRGouauxt é l ég r amm e sdup r é f e té c r i t sd an sl ecou r an td el ' ann é e1981 ,aupo in t 1 8 5 2 qu el aCGTe tl aCFDTav a i en td énon c éuns abo t ag ep a t ron a l .L e9nov em b r e1981 ,l e s RG av a i en té c r i t qu el e ss eu l e s en t r ep r i s es à s em b l e ri n v u l n é r a b l e s ,é t a i e n tC a s i n o , S ch lum b e rg e r ,Z én i th -A v i a t ione tTRACO ,un ep e t i t ef i l i a l ed e sM anu f a c tu r e sR éun i e sd e S a in t -Ch am ond1853. Pou rl ’UD ,l as i tu a t ions ' é t a i td ég r ad é ep a r c eq u el e sg r a n d sg r o u p e scon t inu a i en tàs e r e s t ru c tu r e re tàc au s ed el ’ in c ap a c i t éd e sd i r i g e an t s .L e ss e c t eu r spo r t eu r sd ' av en i r , comm e l ' é l e c t ron iqu ee tl ach im i ef in e ,r e s t a i en tab s e n t s .L apo l i t iqu egouv e rnem en t a l eé t a i tm a rqu é e p a rd e sh é s i t a t ion se td e sin c e r t i tud e s ;l epouvo i rd eg au ch en es ' é t a i tp a sdonn él e sm oy en s d ' un epo l i t iq u ee f f i c a c ee tcoo rdonn é e .I lav a i t mu l t ip l i él e sfo rm e sd ' a id edon tl econ t rô l ep a r l e st r av a i 1 8 5 5 F in1983 ,l as i tu a t ionn es ' é t a i tp a sam é l io r é e .E no c tob r e ,l ap rodu c t ionindu s t r i e l l e conn a i s s a i t unl ég e rr e cu lp a rr ap po r tàl ' a nn é ep r é c éd en t e ;l eb â t im en tav a i tf l é ch i ;l a s i tu a t iond el ' em p lo icon t inu a i tàs ed ég r ad e r;l echôm ag ep a r t i e lé t a i tenh au s s ee ton 1 8 5 6 a t t end a i td enouv e auxl i c en c i em en t sd ' i c il af ind el ' ann é e . Enj anv i e r1984 ,H ebdo é c r iv a i t qu ' en 1983 ,195en t r ep r i s e ss ' é t a i en tt rouv é e sen c e s s a t iond ep a i em en t ,e tqu e150av a i en t 1 8 5 7 é t él iqu id é e s .R ega rd ssu rlaLo i r e pub l i aunt ab l e aup r é ADL ,I n f o rm a t i on sd e sR e n s e i gn em e n t sG é n é r a u x ,1 33 3W1 4 5. 1854 I b i d em. 1855 ADL18 3 7W1 8 ,é c o n om i e ,p r e s s e. 1856 I b i d em , L eP r og r è s,n ov em b r e19 8 3. 1857 I b i d em ,H e bd o ,3 1j a n v i e r1 98 4. 1852 1853 387 1 8 5 8 s a l a r i é sp a rs e c t eu r sd an sl a Lo i r ed epu i s1970e tun ep r év i s ionpou r1985 qu enou savon s r ep r i sc i -d e s sou s. 1971 1974 1981 1985 Variation 71Variation 81 81 74Variation 85 81- Nombre % Nombre % Nombre % E f f e c t i f s s a l a r i é s du 144 053 s e c t eu r s e cond a i r e 149 670 123 063 111 000 -20 990 24,6 -26 607 -17,8 -13 063 -10,6 E f f e c t i f s s a l a r i é s du 53 385 s e c t eu rt e r t i a i r e 61 363 70 980 74 400 +17 595 32,9 9 617 +15,7 +3 420 +4,8 To t a l d e s s a l a r i é sd el a 197 458 L o i r e 211 127 194 143 185 500 -3 315 -1,7 -16 984 -8,1 -8 643 -4,45 F igu ren°48:Évo lu t iondunomb redesa la r iésdessec teu rsseconda i ree tte r t ia i redelaLo i rede 1971à1981 ,e tp rév is ionspou r1985 b. 1 i e r 84 ,T ab l e a u( s im p l i f i é )ex t r a i tduB i l a nso c i o é co n om i qu ed e l aLo i r ep ub l i ép a rl ecom i t éd ' exp a n s i o nàp a r t i rd e sdonn é e sASSED ICe tINSEE .C e se f f e c t i f sc on c e rn e n tl e s s a l a r i é sd us e c t e u rp r i v é. 1859 A lb a nGRAZ IOT IN G r è v e se tc o n f l i t s. ,o p .c i t. 1860 C f .s u p r a ,c h a p i t r e6 ,p a r a g r a ph eIB 2b. 1861 ADL 1 3 33W1 45. 1862 ADL13 3 3W1 52. av a i tau cun ein fo rm a t ion .D ix èm e s em a in ed econg é sp ay é s; po r t a i en tsu rl acom p en s a t ions a l ar i a l ed e s h eu r e se td el a5 d an sn eu fd e sd ixc a s ,l em oy end elu t t ech o i s iav a i té t él ag r èv eav e co c cup a t ion ,e tau mom en toùl al i s t eav a i té t éd r e s s é e ,una c co rd av a i té t és ig n éd an sc in qen t r ep r i s e s .D eux con f l i t spo r t a i en tsu rl ad é f en s ed el ’ en t r ep r i s ee td el ’ em p lo i ,àl aSSCMe tch e zS ab l é ,av e c d e sa c t sd epopu a r i s a t ion .Unco n f l i tpo r t a i tsu rl e ss a l a i r e se tl et em p sd et r av a i l .En f in ,i l yav a i teuu n eg r èv ed ’ unjou rauxPTTpou rr empl a c e rd e sag en t sm u t é s .C e t t el i s t em on t r e b i enl ’ im p a c td e so rdonn an c e ssu rl e s39h eu r e se tl a5èmes em a in ed econg é sp ay é s. 2. L'échec de la stratégie de lutte de l'UD-CFDT a. Enju i l l e t1 981 ,l ebu r e aud el 'UDvo t asonop po s i t ionàl am e su r egouv e rn em en t a l e e 1 8 6 6 su rl a5 s em a in ed econg é sp ay é se tl e s39h eu r e sp a r c equ ' e l l en ec r é a i tp a sd ' em p lo i s .En o c tob r e1981 ,l ebu r e aud el 'UDapp e l al e ssynd i c a t sàé t ab l i rd e sg r i l l e sd es a l a i r e sàp a r t i rdu SM ICpou ré l abo r e run er ev end ic a t ion«un i f i an t e»d ' augm en t a t i ond e ss a l a i r e sin f é r i eu r sà C om b a tou v r i e r ,o c t o b r e1 98 1, n °2 1 3 ,s u p p l ém e n tn ° 1. D e u xc om i t é s«o f f i c i e l s»d el ' em p l o ia v a i e n té t éc r é é sd a n sl aL o i r e:L o i r eN o r dd a n sl eR o a nn a i s ,L o i r e Su dd an sl ar é g i ons t ép h an o i s ee tl eM o n t b r i son n a i s. 1865 B u r e a ud el 'UDd u7d é c em b r e1 9 8 1. 1866 B u r e a ud u6j u i l l e t19 81. 1863 1864 389 d euxfo i sl eSM IC .C e t t eb a s ed ed euxfo i sl eSM ICé t a i tl es eu i lend e s sou sduqu e ll 'UDd el a Lo i r ee tl 'UR I Rhôn e -A lp e s ,pu i sl acon f éd é r a t ionap r è sl econg r è sd eM e t z ,con s id é r a i en t qu ' un er édu c t iondut emp sd et r av a i ld ev a i tê t r ecom p en s é e .L e sa r ch iv e sm on t r en tqu ec e 1 8 6 7 t r av a i ln efu tp a sa ch ev é. s s i l i t é sd ' em b au ch ee tàs eb a t t r esu rl ar édu c t iondut em p sd et r av a i lpou rp e rm e t t r e c e sem b au ch e s .P a ra i l l eu r s ,i ll e sapp e l a i tau s s iàu t i l i s e rd e sp i s t e sgouv e rn em en t a l e sd ' a id e s auxen t r ep r i s e spou rd e sem b au ch e sp e rm i s e sp a rd e sr édu c t ion sd et em p sd et r av a i ld ep lu s d ed euxh eu r e s( con t r a t sd eso l id a r i t é ) ,p a rd e sd ép a r t senp r é r e t r a i t eà55an s ,p a rd e sm i s e s enp r é r e t r a i t eà55an s. en t e r r é e s Enf év r i e r1983 ,unnouv e aunum é rod eComba tou v r i e r1873 v i s a i tu n er e l a n c ed e l ' a c t ionsu rl ' em p lo i .I lr end a i tcom p t ed ' unb i l and el ' a c t iond e scom i t é slo c auxpou rl ' em p lo i av e cd e sr éu s s i t e s ,l ar é a l i s a t iond ' an a ly s es e c to r i e l l e s ,d e sin t e rv en t ion spou rp e s e rsu rl e s S e s s i o nd ubu r e a ud el 'UDd u1 2a u14o c t o b r e1 9 81. C om b a tou v r i e r ,d é c em b r e1981, n °21 5 ,s u pp l ém en tn°2. 1869 C om b a tou v r i e r,s e p t em b r e19 8 2 ,n °2 2 4 ,s up p l ém e n tn ° 1. 1870 I b i d em. 1871 C om b a tou v r i e r,o c t o b r e1 9 82 ,n °2 25 ,s u p p l ém e n tn °1 .L e sc i t a t i on sq u isu i v en ts o n ti s su e sd unum é roc i t é. 390 cho ixé conom iqu e s ,e td e sf r e in s ,uns t a tu tam b igul e sm e t t an tàl am e r c id e sé lu s ,un m anqu e d em oy en s ,un es en s ib i l i t ét ropg r and eauxenj euxpu r em en tpo l i t iqu e s .I lr e l ev a i tqu el a mob i l i s a t iond el aCFDTn ' av a i tp a stou jou r sé t éàl ah au t eu r ,c equ enou savon scon s t a t éen o c tob r e198 2 ,e tp ropo s a i tun er e l an c ed el amob i l i s a t ion .C e l l e c ipou v a i ts ' appuy e r ,en t r e au t r e sou t i l s ,su runnouv e aucon t r a td eso l id a r i t édon tl ' ob j e c t i fé t a i tun er édu c t ionco l l e c t iv e d el adu r é edut r av a i l ,e tsu runb i l anp a rl e ss e c t ion ssynd i c a l e sd e sem p lo i sd an sl eu r en t r ep r i s eo ul eu rs e rv i c e .I lapp e l a i tàun er éun iond em i l i t an t sl e10 m a r spou rf a i r eunb i l an d e sa c t ion sm en é e s .T r è sp eud er emon t é e sdut e r r a inp a rv in r en tauBu r e au1874. e p l and er igu eu rp a rl egouv e rn em en tl e
L ' a c t iona l l a i tê t r er e l an c é ep a rl ' ann on c edu2 1 8 7 5 25 m a r s1983 .L 'UDlu ir ep ro ch a ,en t r eau t r e s ,d ' ab andonn e rl ap r io r i t éd el ' em p lo ipu i squ e c ep l ann ecom po r t a i tau cun em e su r econ t r el echôm ag ee tp a s s a i tsou ss i l en c el e s35h eu r e s. Enav r i l ,l e Bu r e aud el ’UDinv i t atou t e sl e ss t ru c tu r e sà m u l t ip l i e rl e sd éb a t ssu rl e s r ev end i c a t ion sp r io r i t a i r e sd an sl as em a in edu25au29av r i lav e cd e sd éb r ay ag e s , d e s in t e rv en t ion saup r è sd e sch am b r e sp a t ron a l e se tunr a s s em b l em en tà17h eu r e sàl aBou r s edu e r T r av a i ll e2 8av r i l1876.L e Bu r e auav a i tég a l em en td é c id éd er e ch e r ch e ru n1 M a icomm un av e cl aCGTe tl aFEN. Una r t i c l edu P rog r è sf i tl epo in ts u rl er a s s em b l em en tdu28av r i l , 1 8 7 7. Eno c tob r e1983 ,l as i tu a t iond el ' emp lo ir ev in tsu rl ed ev an td el as c èn e .L enom b r ed e d em and eu r sd ' em p lo iav a i td enouv e aud ép a s s él es eu i ld e s30000 .C ' é t a i td an sl av a l l é edu G i e rqu el as en s ib i l i s a t ioné t a i tl ap lu sf o r teav e cl e sinqu i é tud e sau to u rd eC r eu so t -Lo i r e , M av i lo r ,l aSFR ,e t c .I lyeu td ' abo rdun em an if e s t a t ionCGT-CFDT-CFTCàl ' in i t i a t iv edu PCFav e cp eud em an i f e s t an t s ,enp a r t i cu l i e rd el a CFDT .D e sm i l i t a n t sd el 'ULd eS a in t Ch am ond d em and è r en t àl 'UD d ep ropo s e r un ea c t ion un i t a i r e àl a CGT . M a i sd e s con t r ad i c t io n sim po r t an t e sapp a ru C f .s u p r a ,c h a p i t r e6 ,p
a
r
a
g r a ph eI IB 3. 1876 C om b a tou v r i e r ,a v r i l1 9 83 ,n °2 31 ,s u pp l ém e n tn ° 1. 1877 L eP r og r è s ,2 9a v r i le t2 m a i1 98 3. 1878 C om b a tou v r i e r ,m a i198 3 ,n °2 3 2 ,s u p p l ém e n tn ° 1. 1879 C om b a tou v r i e r ,m a i198 3 ,n °2 3 2 ,s u p p l ém e
n tn
° 2. 1874 1875 391 bu r e aud el 'UDe s t im aqu el e scond i t ion sn ' é t a i en tp a sr éun i e spou rs ' eng ag e rd an sun ea c t ion un i t a i r e .Nou sr ev i end ron ssu rc e tép i sod e. A in s il 'UDn ep a rv in tp a sp end an tc e st ro i s ann é e sào rg an i s e run ea c t iond em a s s esu r l ' em p lo i ,m a lg r él em a in t i endunom b r ed e schôm eu r sàunn iv e aut r è sé l ev é ,e tm êm ej am a i s a t t e in taup a r av an tenc equ icon c e rn enov em b r e1983. j anv i e r f év r i e r m a r s 1981 m a i 27629 1982 1983 av r i l ju in ju i l l e t 28913 29655 31116 30187 29400 29200 28406 28719 29391 s ep t em b r e o c tob r e nov em b r e 31000 31000 32000 32623 32190 32014 32695 F igu ren°49:L 'évo lu t iondunomb rede DENSdanslaLo i red 'av r i l1981ànovemb re19831880 b. En m a i1981 ,l aCFDT ,l aCGTe tFOd énon cè r e n tu n em au v a i s er é o r g a n i s a t i o nd el a 1 8 8 2 .D an sl em êm enum é ro ,l 'UDr ev end iqu a ,enu rg en c e ,l a s é cu r i t éso c i a l eàS a in t -É t i enn e 1 8 8 3 supp r e s s iond e sab a t t em en t ssu rl e sc en t r e sd eso in ,c equ ifu tob t enu ,e tl et i e r sp ay an t m éd i c a le tph a rm a c eu t iqu e .En m êm et em p s ,f igu ra i en td an sl e sdo s s i e r sà m e t t r eench an t i e r , N ou sa vo n sc on s t ru i tc et a b l e a uàp a r t i rd e sd o s s i e r sd ' a r c h i v e ss u i v a n t s , ADL13 3 3W1 45 ,13 3 3W2 2 0 , 18 3 7W1 8 .L e snom b r e uxt ro u sd ut a b l e a uc o r r e s p on d e n tàd e sm o i so ùl e ss t a t i s t i qu e sn es on tp a sr e n s e i gn é e s.
| 14,673
|
c0bd8d8c9ed398cc5ceb9e48e96ecc8a_11
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,021
|
République démocratique du Congo
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,905
| 18,037
|
Synthèse de la réponse de la juridiction – Singapour
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature
d’un
instrument
de mise
en
conformité
Méthode
choisie
dans
l’instrument de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Commentaires
1
Albanie
Non
N/C
Oui
N/C
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
2
Australie
Oui
N/C
N/C
3
Autriche
Oui
N/C
N/C
4
Bahreïn
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
131
Sur ces 28 conventions fiscales, 26 ont été modifiées par l’IM, une a été conclue avec un nouveau partenaire, le
Turkménistan*, et une autre, conclue avec un partenaire existant, la Corée, a été révisée.
132
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, Singapour choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
252
5
Bangladesh*
Non
N/C
Oui
N/C
6
Barbade
Non
N/C
Oui
N/C
7
Bélarus*
Non
N/C
Oui
N/C
8
Belgique
Oui
N/C
N/C
9
Brunei Darussalam
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
10
Bulgarie
Non
N/C
Oui
N/C
11
Cambodge*
Non
N/C
Oui
N/C
12
Canada
Oui
N/C
N/C
13
Chine (République populaire de)
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
14
Taipei chinois*
Non
N/C
Non
N/C
15
Chypre*
Non
N/C
Oui
N/C
16
République tchèque
Non
N/C
Oui
N/C
17
Danemark
Oui
N/C
N/C
18
Équateur*
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
19
Égypte
Non
N/C
Oui
N/C
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Le partenaire n’est pas membre
du CI et n’a pas signé l’IM. (voir la
note 1)
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
253
20
Estonie
Non
N/C
Oui
N/C
21
Éthiopie*
Non
N/C
Oui
N/C
22
Fidji*
Non
N/C
Oui
N/C
23
Finlande
Oui
N/C
N/C
24
France
Oui
N/C
N/C
25
Géorgie
Oui
N/C
N/C
26
Allemagne
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
27
Ghana*
Non
N/C
Oui
N/C
28
Guernesey
Oui
N/C
N/C
29
Hongrie
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
30
Inde
Oui
N/C
N/C
31
Indonésie
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
32
Irlande
Oui
N/C
N/C
33
Île de Man
Oui
N/C
N/C
34
Israël
Oui
N/C
N/C
35
Italie
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM, mais cette
convention a été exclue de l’IM
par le partenaire. Signature du
protocole contenant le standard
minimum du BEPS.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020. Signature de la
convention révisée contenant le
standard minimum.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
254
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
36
Japon
Oui
37
Jersey
Oui
38
Kazakhstan
Non
39
Corée
Oui
40
Koweït*
41
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Oui
N/C
N/C
N/C
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
République démocratique
populaire lao*
Non
N/C
Oui
N/C
42
Lettonie
Non
N/C
Oui
N/C
43
Libye*
Non
N/C
Oui
N/C
44
Liechtenstein
Non
N/C
Oui
N/C
45
Lituanie
Oui
N/C
N/C
46
Luxembourg
Oui
N/C
N/C
47
Malaisie
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
48
Malte
Oui
N/C
N/C
49
Maurice
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
50
Mexique
Non
N/C
Oui
N/C
51
Mongolie
Non
N/C
Oui
N/C
52
Maroc
Non
N/C
Oui
N/C
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
255
53
Myanmar*
Non
N/C
Oui
N/C
54
Pays-Bas
Oui
N/C
N/C
55
Nouvelle-Zélande
Oui
N/C
N/C
56
Nigéria
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
57
Norvège
Non
N/C
Oui
N/C
58
Oman
Non
N/C
Oui
N/C
59
Pakistan
Non
N/C
Oui
N/C
60
Panama
Non
N/C
Oui
N/C
61
Papouasie-Nouvelle-Guinée
Non
N/C
Oui
N/C
62
Philippines*
Non
N/C
Oui
N/C
63
Pologne
Oui
N/C
N/C
64
Portugal
Non
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
65
Qatar
Non
N/C
Oui
N/C
66
Roumanie
Non
N/C
Oui
N/C
67
Russie
Non
N/C
Oui
N/C
68
Rwanda*
Non
N/C
Oui
N/C
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM, mais cette
convention a été exclue de l’IM
par le partenaire. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
256
69
Saint-Marin
Non
N/C
Oui
N/C
70
Arabie saoudite
Non
N/C
Oui
N/C
71
Seychelles
Non
N/C
Oui
N/C
72
République slovaque
Oui
N/C
N/C
73
Slovénie
Oui
N/C
N/C
74
Afrique du Sud
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
75
Espagne
Non
N/C
Oui
N/C
76
Sri Lanka
Non
N/C
Oui
N/C
77
Suède
Non
N/C
Oui
N/C
78
Suisse
Non
N/C
Oui
N/C
79
Thaïlande
Non
N/C
Oui
N/C
80
Tunisie
Non
N/C
Oui
N/C
81
Turquie
Non
N/C
Oui
N/C
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM, mais cette
convention a été exclue de l’IM
par le partenaire. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM, mais cette
convention a été exclue de l’IM
par le partenaire. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM, et n’a
pas ajouté cette convention à la
liste des conventions devant être
couvertes par l’IM. Singapour a
demandé à son partenaire
d’inclure la convention dans son
instrument de ratification de l’IM.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
257
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
82
Turkménistan*
Oui
83
Ukraine
Oui
84
Émirats arabes unis
Oui
85
Royaume-Uni
Oui
86
Uruguay
87
88
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Non
COP
uniquement
COP
uniquement
COP
uniquement
COP
uniquement
N/C
Oui
N/C
Ouzbékistan*
Non
N/C
Oui
N/C
Viet Nam
Non
N/C
Oui
N/C
L’IM entrera en vigueur après le
30 juin 2020.
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’est pas membre du CI et n’a
pas signé l’IM. (voir la note 1)
Singapour a ajouté cette
convention à la liste des
conventions devant être
couvertes par l’IM. Le partenaire
n’a toutefois pas ratifié l’IM.
Note : les discussions visant à inclure le standard minimum issu du Projet BEPS sont en suspension / en cours / achevées.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
258
République slovaque
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
La République slovaque compte 70 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au
questionnaire d’examen par les pairs. Vingt-trois de ces conventions, celles conclues avec l’Australie,
l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, la Finlande, la France, la Géorgie, l’Islande, l’Inde,
l’Irlande, Israël, le Japon, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, la
Serbie, Singapour, la Slovénie et l’Ukraine, sont conformes au standard minimum.
La République slovaque a signé l’IM en 2017 et déposé son instrument de ratification le 20 septembre
2018. L’IM est entré en vigueur pour la République slovaque le 1er janvier 2019. La République slovaque
n’a pas notifié ses conventions aux fins de l’IM avec l’Arménie, les Émirats arabes unis et la Mongolie,
mais a indiqué dans sa réponse au questionnaire d’examen par les pairs que des négociations bilatérales
seraient lancées concernant ces conventions. L’Arménie et les Émirats arabes unis ont notifié leurs
conventions conclues avec la République slovaque aux fins de l’IM.
La République slovaque met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la disposition de la
déclaration du préambule et de la règle COP associée à la règle LOB 133.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec la République
slovaque.
Synthèse de la réponse de la juridiction - République slovaque
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en conformité
(si différent de l’IM)
Arménie
Australie
Autriche
Bélarus*
Belgique
Bosnie-Herzégovine
Brésil
Bulgarie
Canada
Chine (République populaire de)
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Oui
Non
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
Non
N/C
N/C
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
N/C
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
133
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, la République slovaque choisit d’appliquer la disposition de la
déclaration du préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM). La République slovaque a également
opté pour la règle LOB simplifiée au titre de l’article 7(6) de l’IM.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
259
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
Taipei chinois*
Croatie
Chypre*
République tchèque
Danemark
Estonie
Éthiopie*
Finlande
France
Géorgie
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Inde
Indonésie
Iran*
Irlande
Israël
Italie
Japon
Kazakhstan
Corée
Koweït*
Lettonie
Libye*
Lituanie
Luxembourg
Malaisie
Malte
Mexique
Moldova*
Mongolie
Monténégro
Pays-Bas
Nigéria
Macédoine du Nord
Norvège
Pologne
Portugal
Roumanie
Russie
Serbie
Singapour
Slovénie
Afrique du Sud
Espagne
Sri Lanka
Suède
Suisse
République arabe syrienne*
Tunisie
Turquie
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
COP et LOB
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
COP et LOB
COP et LOB
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Non
Oui
Oui
Oui
N/C
Oui
Non
N/C
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
Oui
Non
N/C
N/C
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
Oui
N/C
Oui
Oui
Non
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
260
64
65
66
67
68
69
70
Turkménistan*
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Ouzbékistan*
Viet Nam
Non
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
N/C
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
Oui
N/C
Non
N/C
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
261
Slovénie
A. La Slovénie a signé l’IM en 2017 et déposé son instrument de ratification de l’IM le 22 mars 2018. L’IM est
entré en vigueur pour la Slovénie le 1er juillet 2018. La Slovénie n’a pas notifié ses conventions aux fins
de l’IM avec l’Allemagne, le Monténégro et la Suède, mais a indiqué dans sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs que des négociations bilatérales seraient lancées concernant ces conventions.
La Slovénie met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de la
règle COP134.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec la Slovénie.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Slovénie
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en conformité
(si différent de l’IM)
Albanie
Arménie
Autriche
Azerbaïdjan*
Bélarus*
Belgique
Bosnie-Herzégovine
Bulgarie
Canada
Chine (République populaire de)
Croatie
Chypre*
République tchèque
Danemark
Non
Non
Oui
Non
Non
Oui
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Oui
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
Oui
Oui
N/C
Oui
Oui
N/C
Oui
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
134
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, la Slovénie choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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33
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36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
Estonie
Finlande
France
Géorgie
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Inde
Iran*
Irlande
Israël
Italie
Japon
Kazakhstan
Corée
Kosovo*
Koweït*
Lettonie
Lituanie
Luxembourg
Malte
Moldova*
Monténégro
Pays-Bas
Macédoine du Nord
Norvège
Pologne
Portugal
Qatar
Roumanie
Russie
Serbie
Singapour
République slovaque
Espagne
Suède
Suisse
Thaïlande
Turquie
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Ouzbékistan*
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Oui
Non
Oui
Oui
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
Oui
N/C
N/C
N/C
Non
Oui
Oui
N/C
N/C
Oui
N/C
N/C
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
Oui
Non
N/C
Oui
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
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N/C
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N/C
N/C
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
263
Afrique du Sud
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
L’Afrique du Sud compte 79 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs.
L’Afrique du Sud a signé l’IM en 2017 et n’a pas notifié sa convention avec l’Allemagne, Grenade, la Sierra
Leone et la Zambie. Elle a indiqué dans sa réponse au questionnaire d’examen par les pairs que des
négociations bilatérales seraient engagées concernant ses conventions avec l’Allemagne, le Brésil et la
Zambie. Aussi, à ce stade, ces conventions ne seront pas modifiées par l’IM.
L’Afrique du Sud met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de
la règle COP135.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Les conventions notifiées par l’Afrique du Sud aux fins de l’IM deviendront conformes une fois que le pays
aura ratifié l’IM. L’Afrique du Sud est invitée à ratifier l’IM le plus rapidement possible.
Comme mentionné précédemment, l’Afrique du Sud n’a pas notifié ses conventions avec Grenade et la
Sierra Leone aux fins de l’IM. Notifier ces conventions aux fins de l’IM ou engager des renégociations
bilatérales dans le but de mettre en œuvre le standard minimum permettrait de transposer le standard
minimum dans ces conventions non couvertes.
Synthèse de la réponse de la juridiction - Afrique du Sud
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Algérie*
Australie
Autriche
Bélarus*
Belgique
Botswana
Brésil
Bulgarie
Cameroun
Canada
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
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N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
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N/C
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N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
135
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, l’Afrique du Sud choisit d’appliquer la disposition de la déclaration
du préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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30
31
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33
34
35
36
37
38
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40
41
42
43
44
45
46
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49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
Chili
Chine (République populaire de)
Taipei chinois*
Croatie
Chypre*
République tchèque
République démocratique du Congo
Danemark
Égypte
Eswatini
Éthiopie*
Finlande
France
Allemagne
Ghana*
Grèce
Grenade
Hong Kong (Chine)
Hongrie
Inde
Indonésie
Iran*
Irlande
Israël
Italie
Japon
Kenya
Corée
Koweït*
Lesotho*
Luxembourg
Malawi*
Malaisie
Malte
Maurice
Mexique
Mozambique*
Namibie
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Nigéria
Norvège
Oman
Pakistan
Pologne
Portugal
Qatar
Roumanie
Russie
Rwanda*
Arabie saoudite
Seychelles
Sierra Leone
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
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Oui
Oui
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Non
Oui
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Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
N/C
N/C
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68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
Singapour
République slovaque
Espagne
Suède
Suisse
Tanzanie*
Thaïlande
Tunisie
Turquie
Ouganda*
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Zambie
Zimbabwe*
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
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N/C
N/C
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N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
N/C
N/C
N/C
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N/C
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
266
Espagne
A. L’Espagne a signé l’IM en 2017 et n’a pas notifié sa convention avec la Chine (République populaire de),
le Japon, les Pays-Bas, la Suède et l’Ukraine. Elle a indiqué dans sa réponse au questionnaire d’examen
par les pairs que des négociations bilatérales seraient engagées concernant ces conventions. L’Ukraine
a notifié sa convention avec l’Espagne aux fins de l’IM.
L’Espagne met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la disposition de la déclaration du
préambule et de la règle COP, associée à la règle LOB en ce qui concerne sa convention avec le Japon 136.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Les conventions notifiées par l’Espagne aux fins de l’IM deviendront conformes une fois qu’elle aura ratifié
l’IM. L’Espagne est invitée à ratifier l’IM le plus rapidement possible. L’Espagne a indiqué que l’IM a été
approuvé par son Parlement. L’Espagne a fait savoir par ailleurs qu’elle comptait déposer son instrument
de ratification de l’IM début 2021.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Espagne
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Albanie
Algérie*
Andorre
Argentine
Arménie
Australie
Autriche
Barbade
Belgique
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
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N/C
N/C
N/C
Commentaires
136
Pour 87 de ses conventions notifiées aux fins de l’IM, l’Espagne choisit d’appliquer la disposition de la déclaration
du préambule (article 6 de l’IM). Pour 86 de ses conventions notifiées aux fins de l’IM, l’Espagne choisit d’appliquer la
règle COP (article 7 de l’IM). L’Espagne a formulé une réserve conformément à l’article 6(4) et à l’article 7(15)(b) de
l’IM, et trois de ses conventions entrent dans le champ de cette réserve (celles avec Andorre, le Mexique et la
Roumanie).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 267 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 Bolivie* Bosnie-Herzégovine Brésil Bulgarie Canada Chili Chine (République populaire de) Colombie Costa Rica Croatie Cuba* Chypre* République tchèque République dominicaine Équateur* Égypte El Salvador* Estonie Finlande France Géorgie Allemagne Grèce Hong Kong (Chine) Hongrie Islande Inde Indonésie Iran* Irlande Israël Italie Jamaïque Japon Kazakhstan Corée Koweït* Kirghizistan* Lettonie Lituanie Luxembourg Malaisie Malte Mexique Moldova* Maroc Pays-Bas Nouvelle-Zélande Nigéria Macédoine du Nord Norvège Oman Pakistan Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Non Non Non Non N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C Oui Oui Non Oui Oui Oui Non Oui Oui N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP et LOB N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 268 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 Panama Philippines* Pologne Portugal Qatar Roumanie Russie Arabie saoudite Sénégal Serbie Singapour République slovaque Slovénie Afrique du Sud Suède Suisse Tadjikistan* Thaïlande Trinité-et-Tobago Tunisie Turquie Turkménistan* Ukraine Émirats arabes unis Royaume-Uni États-Unis Uruguay Ouzbékistan* Venezuela* Viet Nam Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 269 Sri Lanka A. Aucune des conventions conclues par le Sri Lanka n’est conforme au standard minimum ou ne fait l’objet
d’un instrument de mise en conformité.
Le Sri Lanka n’a pas signé l’IM.
B. Difficultés de mise en œuvre
Étant donné que le Sri Lanka n’a pas adhéré à l’IM ni appliqué de mesures de lutte contre le chalandage
fiscal dans ses conventions, le Secrétariat lui proposera son aide pour élaborer un plan de mise en œuvre
du standard minimum en vue de renforcer son réseau de conventions.
Synthèse de la réponse de la juridiction - Sri Lanka
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2
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5
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7
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9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en conformité
(si différent de l’IM)
Australie
Bahreïn
Bangladesh*
Bélarus*
Belgique
Bosnie-Herzégovine
Canada
Chine (République populaire de)
Croatie
République tchèque
Danemark
Finlande
France
Allemagne
Inde
Indonésie
Iran*
Italie
Japon
Corée
Koweït*
Luxembourg
Malaisie
Maurice
Monténégro
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
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Non
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Non
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Non
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Non
Non
Non
Non
Non
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Commentaires
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39
40
41
42
43
44
45
46
47
Népal*
Pays-Bas
Macédoine du Nord
Norvège
Oman
Pakistan
Philippines*
Pologne
Qatar
Roumanie
Russie
Serbie
Seychelles
Singapour
République slovaque
Suède
Suisse
Thaïlande
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Viet Nam
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
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Non
Non
Non
Non
Non
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Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
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N/C
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
271
Suède
A. La Suède a signé l’IM en 2017 et déposé son instrument de ratification le 22 juin 2018. L’IM est entré en
vigueur pour la Suède le 1er octobre 2018. La Suède n’a pas notifié ses conventions avec l’Allemagne,
l’Autriche, l’Australie, la Bosnie-Herzégovine, le Brésil, la Croatie, l’Espagne, la France, le Monténégro, le
Portugal, la Serbie, Singapour, la Slovénie, et la Suisse, mais a indiqué dans sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs que des négociations bilatérales seraient engagées concernant ses conventions
avec l’Allemagne, le Brésil, l’Espagne, le Portugal, Singapour, la Slovénie et la Suisse. L’Australie, la
Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la France, le Portugal, la Serbie et Singapour ont notifié leurs conventions
conclues avec la Suède aux fins de l’IM.
Les Parties à la Convention nordique ont signé un instrument de mise en conformité en 2018. Le protocole
est entré en vigueur le 28 novembre 2019, et ses dispositions ont pris effet le 1er janvier 2020.
La Suède met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de la règle
COP138.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
La Suède a formulé une réserve en vertu de l’IM qui lui permet d’en retarder l’entrée en vigueur après
l’accomplissement des procédures internes prévues à cet effet pour chacune de ses conventions
notifiées139. La Suède n’a pas encore indiqué qu’elle avait accompli ses procédures internes pour aucune
de ses conventions notifiées.
Comme indiqué précédemment, la Suède n’a pas notifié ses conventions avec l’Australie, l’Autriche, la
Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la France, le Monténégro et la Serbie aux fins de l’IM. Notifier ces
conventions aux fins de l’IM ou engager des renégociations bilatérales dans le but de mettre en œuvre le
standard minimum permettrait de transposer le standard minimum dans ces conventions non couvertes.
137
Voir la Convention multilatérale conclue par le Danemark, la Finlande, les Îles Féroé, l’Islande, la Norvège et la
Suède tendant à éviter la double imposition concernant les impôts sur le revenu et la fortune (1996, 1997, 2008 et
2018). Au total, la Suède a identifié 85 « accords » dans sa liste des conventions fiscales : 80 conventions bilatérales
et la Convention nordique conclue avec cinq de ses partenaires.
138
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, la Suède choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
139
Les réserves ont été formulée conformément à l’article 35(7)(a) de l’IM.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 272 Synthèse de la réponse de la juridiction – Suède 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 Partenaires de convention Conformité avec le standard Si conforme, méthode choisie Signature d’un instrument de mise en conformité Méthode choisie dans l’instrument de mise en conformité (si différent de l’IM) Albanie Argentine Arménie Australie Autriche Azerbaïdjan* Bangladesh* Barbade Bélarus* Belgique Bolivie* Bosnie-Herzégovine Botswana Brésil Bulgarie Canada Chili Chine (République populaire de) Croatie Chypre* République tchèque Danemark Égypte Estonie Îles Féroé Finlande France Gambie* Géorgie Allemagne Grèce Hongrie Islande Inde Indonésie Irlande Israël Italie Jamaïque Japon Kazakhstan Kenya Corée Kosovo* Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Oui Non Non Oui Oui Non Non Non Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C COP uniquement COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui Oui Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui N/C Oui Oui N/C N/C Non Oui Oui Non Oui Oui N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP et LOB N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Commentaires Convention nordique Convention nordique Convention nordique Convention nordique PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 273 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 Lettonie Lituanie Luxembourg Malaisie Malte Maurice Mexique Monténégro Namibie Pays-Bas Nouvelle-Zélande Nigéria Macédoine du Nord Norvège Pakistan Philippines* Pologne Portugal Roumanie Russie Arabie saoudite Serbie Singapour République slovaque Slovénie Afrique du Sud Espagne Sri Lanka Suisse Tanzanie* Thaïlande Trinité-et-Tobago Tunisie Turquie Ukraine Royaume-Uni États-Unis Venezuela* Viet Nam Zambie Zimbabwe* Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui N/C Oui Oui Oui Oui Oui N/C Oui Non Non Oui Non Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Convention nordique PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 274 Suisse A. La Suisse a signé l’IM en 2017 et déposé son instrument de ratification le 29 août 2019. L’IM est entré en
vigueur pour la Suisse le 1er décembre 2019. La Suisse a notifié douze de ses conventions aux fins de
l’IM, et a indiqué dans sa réponse au questionnaire d’examen par les pairs qu’elle notifierait une convention
aux fins de l’IM uniquement si elle parvient à s’accorder avec ses partenaires sur la façon dont l’IM
modifiera leur convention. La Suisse considère que l’IM modifie une convention fiscale couverte de la
même manière qu’un protocole portant modification. Un accord avec l’autre juridiction contractante sur la
formulation précise des modifications à apporter à la convention fiscale correspondante par l’intermédiaire
de l’IM est donc nécessaire pour que la Suisse notifie une convention fiscale aux fins de l’IM.
La Suisse a en outre précisé dans sa réponse au questionnaire d’examen par les pairs qu’elle a engagé
ou a l’intention d’engager des négociations bilatérales avec plus de 40 de ses partenaires de convention.
Des instruments bilatéraux de mise en conformité ont été signés pour les conventions conclues
avec la Corée, l’Iran*, l’Irlande, le Koweït*, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la
Suède et l’Ukraine ; et
Des négociations bilatérales seraient engagées pour ses conventions conclues avec l’Albanie,
l’Algérie*, l’Allemagne, l’Arménie, l’Australie, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la Chine
(République populaire de), Chypre*, la Colombie, la Côte d’Ivoire, la Croatie, le Danemark,
l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, la
Géorgie, la Grèce, Hong Kong (Chine), la Hongrie, l’Inde, l’Indonésie, Israël, la Jamaïque, le Japon,
le Kazakhstan, le Kirghizistan*, le Liechtenstein, la Macédoine du Nord, la Malaisie, Malte, le
Maroc, la Mongolie, le Monténégro, Oman, le Pakistan, le Pérou, la Pologne, le Qatar, la
République slovaque, la Roumanie, la Russie, la Serbie, Singapour, la Slovénie, le Sri Lanka, la
Thaïlande, Trinité-et-Tobago, la Tunisie, l’Uruguay et le Viet Nam140.
La Suisse a aussi mentionné qu’elle ne nourrissait pas d’inquiétude en matière de chalandage fiscal
concernant certains de ses partenaires de convention (Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Barbade, Belize, Îles
Vierges britanniques, Dominique, Gambie*, Grenade, Malawi*, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, SainteLucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines).
La Suisse a formulé une réserve en vertu de l’IM qui lui permet d’en retarder l’entrée en vigueur après
l’accomplissement des procédures internes prévues à cet effet pour chacune de ses conventions
notifiées141. La Suisse a indiqué avoir accompli ses procédures internes relatives à l’entrée en vigueur de
l’IM au regard de ses conventions conclues avec le Luxembourg le 27 mai 2020, ainsi qu’avec la
République tchèque et la Lituanie le 18 décembre 2020.
La Suisse met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de la règle
140
Chaque partenaire a été sollicité en vue de conclure un protocole portant modification de la convention et des
négociations correspondantes ont été proposées.
141
Les réserves ont été formulée conformément à l’article 35(7)(a) de l’IM.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
275
COP142.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec la Suisse.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Suisse
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31
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature
d’un
instrument
de mise
en
conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Albanie
Algérie*
Anguilla
Antigua-et-Barbuda
Argentine
Arménie
Australie
Autriche
Azerbaïdjan*
Bangladesh*
Barbade
Bélarus*
Belgique
Belize
Îles Vierges britanniques
Bulgarie
Canada
Chili
Chine (République populaire de)
Taipei chinois*
Colombie
Côte d’Ivoire
Croatie
Chypre*
République tchèque
Danemark
Dominique
Équateur*
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Estonie
Finlande
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Commentaires
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Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, la Suisse choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
| 41,543
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02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01432578-document.txt_2
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Open Science
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Various open science
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French
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|
2. O agents peuvent faire cohabiter de nombreux paramètres, on peut mieux comprendre comment contraindre globalement le système, en agissant localement
. 2.2.4 Les environnements des systèmes agents
Comme on a pu le voir, l'environnement prend une place très importante dans les approches agents mais il peut prendre de nombreuses représentations différentes en fonction de l'objet d'étude. Dans certains cas, l'environnement peut être abstrait, dans le sens où il n'aura pas de véritable représentation stricte et ne sera pas spatialisé. Il ne servira alors que de support aux interactions entre les agents en fournissant une zone de partage des ressources communes. Avec ce type d'environnement, deux agents peuvent échanger, de manière non synchronisée, des informations ou des objets. Ensuite, l'environnement peut être spatialisé. Dans ce cas, les agents peuvent se déplacer selon une certaine vitesse. Leur perception pourra être limitée, voir inexistante, au-delà d'une certaine distance. Si le système étudié s'y prête, les agents évoluant dans ce type d'environnement pourront être capables d'interagir avec les objets à leur portée. Lorsque l'environnement est spatialisé, il peut également avoir d'autres propriétés. Il peut ainsi être de taille infinie et s'agrandir au fur et à mesure en fonction des besoins de l'agent. Ou au contraire, il peut être de dimensions finies. Dans ce cas, les agents seront cloisonnés au sein d'un territoire délimité. Néanmoins, même si la surface de l'environnement est finie, les frontières peuvent ne pas être bornées. En effet la topologie de l'environnement peut prendre des formes variées afin d'éviter les biais liés à une surface plane et bornée. On retrouve par exemple les topologies en forme annulaire, sphérique ou torique (voir figure 2.4). Cela permet de se rapprocher d'un environnement infini tout en limitant les problèmes techniques que cela suppose (notamment liés à la mémoire limitée d'un ordinateur). F 2.4 : Représentation d'un environnement ayant une topologie torique. L'environnement peut également être défini de manière continue ou discrète. Dans ce dernier cas, on décompose le territoire en un treillis de point ou de cellules interconnectés localement selon certaines règles (par exemple une grille avec un voisinage de von Neumann, ou 18 2.2. Les modèles agents les diagrammes de Voronoï). L'exemple le plus simple et le plus courant d'environnement discret est d'ailleurs une grille. À l'inverse, un environnement continu n'opère pas ce découpage. Le territoire offre donc une infinité de position dans l'espace. On remarque cependant qu'il est fréquent de préférer un environnement discret car les calculs de déplacement dans l'espace sont moins coûteux. En effet, un agent aura un nombre limité de directions pour se diriger et de position à occuper. Les risques de collision entre deux agents en mouvement sont donc limités. Enfin, un environnement peut être représenté par un graphe. Il s'agit d'une représentation particulière que nous traiterons en détails dans la partie 2.3. Un graphe est une structure mathématique discrète permettant de représenter des interactions (appelées arêtes ou arcs) entre des entités (appelées noeuds). On dit qu'un graphe est spatialisé lorsque les noeuds et les arêtes du graphe disposent elles-même d'une dimension spatiale. Par exemple, un réseau routier peut être modélisé par un graphe spatialisé dans lequel les intersections sont les noeuds, et les routes sont les arêtes : l'environnement est ainsi discrétisé. Dans la réalité, les véhicules se déplacent de manière continue le long des routes et si on les représente par des agents, eux aussi peuvent circuler des manière continue le long des arêtes. Ainsi, les graphes spatialisés sont l'exemple même qu'un environnement peut faire preuve d'une certaine hybridation et er des caractéristiques discrètes et continues. Il est d'ailleurs possible qu'un modèle agent possède plusieurs représentations simultanées d'un même environnement, dont certaines seront discrètes et d'autres seront continues. 2.2.5 Les modèles multi-agents
Les modèles agents font intervenir la plupart du temps plusieurs agents en même temps mais ce n'est pas une obligation. Selon l'objet d'étude, on peut tout à fait se contenter d'un seul agent qui n'interagit qu'avec l'environnement. Mais dans le cadre d'une approche multi-agent, l'un des grands avantages est de pouvoir faire cohabiter des agents de différentes natures. Par exemple, un agent peut représenter une proie, et un autre sera le prédateur. Dans un contexte urbain, certains agents peuvent modéliser des humains, et d'autres seront des immeubles, ou même une ville toute entière. Meignan et al. (2007) décrivent un modèle dans lequel les agents sont des bus ou des voyageurs. Chacun de ces agents auront des comportements différents. Comme l'expliquent Treuil et al. (2008), on peut parler d'espèces (parfois aussi appelés classes) qui regrouperont l'ensemble des agents modélisant les mêmes types d'entités du système. Ils partageront ainsi les mêmes caractéristiques et obéiront aux mêmes comportements. D'ailleurs, il est possible de faire cohabiter des agents réactifs et des agents cognitifs, notamment lorsque l'on modélise plusieurs niveaux d'échelles. Pour exemple, on pourrait représenter au sein d'un même modèle des véhicules à l'aide d'agents réactifs, et des villes avec des agents cognitifs. Les modèles multi-agents sont utilisés dans de nombreux domaines. D'ailleurs, à l'image des travaux cités précédemment sur les fourmis, on retrouve ces approches multi-agents dans la modélisation des comportements d'insectes sociaux (Miramontes and DeSouza, 2008). Theraulaz et al. (1998) avaient not travaillé sur la formation de nids d'insectes sociaux : des architectures complexes en trois dimensions qui émergent du comportement collectif des individus composant la colonie (tel que des abeilles, des termites,). Dans ces travaux, on voit clairement que l'aspect spatial de l'environnement, la mobilité des insectes, et les différentes formes d'interactions jouent un rôle important. On retrouve ces caractéristiques dans les travaux appliqués à la géographie (Heppenstall et al., 2012) et à la logistique (Swaminathan et al., 1998 ; Davidsson et al., 2005) sur lesquels nous allons nous attarder afin d'illustrer l'approche multi-agent.
19 2. O
2.2.5.1
Les agents et la géographie Crooks et al. (2008) présentent les différents défis de la simulation multi-agent dans un contexte spatial et géographique. Ils illustrent leur propos avec trois exemples : un modèle d'évacuation de piétons en cas d'urgence, un modèle de ségrégation résidentielle, et un modèle d'interactions spatiales entre des zones de résidences et des zones d'emplois. Ils expliquent que les systèmes d'information géographique (SIG) traditionnel permettent de représenter la nature géo-spatiale des territoires mais ils ne sont pas adaptés à la dynamique de ceux-ci. Il est donc courant d'utiliser une approche agent pour modéliser la dynamique, et un SIG pour représenter les entrées ou les sorties du modèle. Une fois le système simulé, on peut effectuer les analyses spatiales à l'aide des outils classiques fournis par les SIG (essentiellement des outils d'analyse statistique). Les auteurs montrent également qu'il est souvent intéressant de ne considérer qu'un échantillon des entités d'un système pour effectuer les simulations. En effet, le comportement global de l'échantillon a de forte chance de se comporter comme le système dans sa totalité. Cela permet donc de limiter le nombre de calculs. Enfin, ils expliquent que les agents décrits dans leurs travaux sont avant tout des individus mobiles. Les autres parties du modèles correspondent en fait à l'environnement. Patrice Langlois a d'abord travaillé sur les automates cellulaires avec notamment le modèle RuiCells (qui permet de simuler le ruissellement de surface) (Langlois and Delahaye, 2002) et le modèle SpaCelle (qui vise à simuler la croissance urbaine) (Dubos-Paillard et al., 2003). Il a ensuite travaillé sur les approches agents comme en témoigne la réalisation d'une plateforme de modélisation et de simulation multi-agent pour les sciences humaines (Langlois et al., 2015). On retiendra notamment ses travaux de simulation de trafic routier en collaboration avec Tranouez et al. (2012). Dans cet article, les auteurs modélisent des agents réactifs représentant les véhicules qui se déplacent sur des agents-routes. Contrairement à l'article de Crooks et al. (2008), les agents ne sont donc pas nécessairement mobiles. Ils peuvent aussi correspondre à des objets inertes dont la dynamique se situe dans l'évolution des propriétés (tel que la variation de vitesses dans une approche eulérienne plutôt que lagrangienne). Lorsque des événements viennent perturber le système (fermeture d'une route ou d'un quartier dans le cadre d'une évacuation d'urgence par exemple), les véhicules adoptent un comportement plus cognitif en modifiant leur stratégie de déplacement (choix prioritaire des routes les moins engorgées par exemple). Les auteurs ont implémenté six comportements différents que peuvent adopter les agents lors d'une évacuation : - La stratégie de la « poule » : fuir dans la direction opposée de la perturbation. - La stratégie du « spectateur » : se diriger en direction de la perturbation et y rester. (a) Hiérarchie des agents et propriétés d'héritage pour la spécialisation. (b) Représentation spatiale de la population à la fin de la simulation. On peut observer l'émergence de villes très peuplées.
F 2.5 : Le modèle SIMPOP (Pumain et al., 1995 ; Sanders et al., 1997). Vers la fin des années 1990, une équipe de chercheurs en géographie a élaboré un modèle multi-agent pour simuler l'évolution de l'urbanisation d'un territoire (Pumain et al., 1995 ; Sanders et al., 1997). Ce modèle, nommé SIMPOP, possède un environnement découpé en grille (voir figure 2.5). Chaque cellule représente un morceau du territoire qui est caractérisé par l'un O des types de sols possibles (montagne, marécages, plaine,). Initialement, la population est répartie uniformément sur l'ensemble du territoire. Chaque cellule produira une certaine quantité de ressources en fonction du nombre d'habitants et du type de sols. Ensuite, à l'aide de règles d'évolution des cellules au niveau local et grâce à un mécanisme d'interactions entre ces cellules, des structures durables, plus peuplées, émergent peu à peu. Elles constituent l'apparition de villages qui pourront grandir et devenir plus tard des villes. Celles-ci finiront ensuite par se spécialiser. Les auteurs ont pu montrer que l'introduction de nouvelles fonctions (commerciales, administratives, industrielles,) permettant de spécialiser davantage une zone était une condition nécessaire à l'apparition d'une hiérarchie entre ces villes. SIMPOP inspira plus tard d'autres modèles à ses auteurs dont EUROSIM (Sanders et al., 2007). Celui-ci s'intéresse plus précisément à l'évolution des villes européennes sur la période de 1950 à 2050. Puisqu'il concerne un territoire réel, et non théorique comme pour SIMPOP, les auteurs ont dû affiner les règles et les propriétés des agents, mais ont aussi dû calibrer le modèle selon des données réelles. Ainsi, pendant les cinquante premières années, le modèle se calibre sur la réalité, puis simule un scénario d'évolution possible. EUROSIM génère différentes cartes à différentes échelles : macro pour l'Europe, méso pour les pays ou les régions, et micro pour les villes. Ces cartes sont associées à un ensemble de graphiques et d'indicateurs, et elles permettent d'effectuer une analyse spatiale et organisationnelle du système. On peut ainsi observer l'évolution des populations ou les flux d'échanges entre les villes. On notera également que Sanders et al. (2007) soulèvent un point capital de la modélisation multi-agent dans leur conclusion : " Les systèmes urbains sont des entités tellement complexes, les interactions entre les villes sont à la fois si nombreuses et si mal connues et mesurées, que la sélection des entités pertinentes comme celles des règles supposées intervenir dans la dynamique des villes comportent une part d'arbitraire, ou au mieux d'intuition non démontrable. Sanders et al. 2.2.5.2 Les agents et la logistique
L'état de l'art proposé par Davidsson et al. (2005) montre un net intérêt des approches multi-agents dans le domaine de la logistique. Les auteurs distinguent différentes ambitions derrière les nombreux modèles. Une partie d'entre eux concerne la modélisation du transport de marchandises. Cela renvoie au déplacement d'une ou plusieurs cargaisons d'un endroit à un autre et dont le transport est organisé collectivement par les mêmes acteurs. Les problèmes liés à ces modèles concernent la planification de routes multi-modales, la gestion d'un parc de véhicules ainsi que des problèmes d'ordonnancement. Ces modèles impliquent un nombre limité d'acteurs qui collaborent et se coordonnent pour organiser le transport de ces cargaisons. Un autre partie des travaux présentés porte sur la modélisation du trafic, qui désigne l'ensemble des flux sur un réseau quelque soit l'origine et la destination. Ainsi, contrairement au modèle de transport de marchandises, ceux concernant le trafic n'impliquent pas que tous les
Les modèles agents
acteurs se coordonnent simultanément et collaborent tous ensemble. Nous reviendrons sur ces modèles de trafic dans le chapitre 4. Enfin, Davidsson et al. (2005) évoquent également la modélisation des terminaux et autres infrastructures nodales faisant transiter des marchandises. Les problèmes liés à ces modèles concernent l'allocation des ressources humaines ou matérielles, l'ordonnancement du traitement des marchandises entrantes et sortantes, Zhu and Bos (1999) présentent un modèle de transport intermodal de marchandises. L'objectif de ce travail est de proposer un système de communication décentralisée permettant une organisation collaborative du transport de marchandises. Les auteurs proposent ainsi un modèle multi-agent dans lequel des agents interagissent selon un protocole de communication conçu pour faciliter la coordination transport. Les auteurs décrivent deux grandes familles d'agents : les agents « entreprises », et les agents « ressources ». Chacune de ces grandes familles est elle-même décomposée en plusieurs classes. Ainsi, les agents « entreprises » peuvent être des chargeurs, des transitaires, des transporteurs, Les agents « ressources » font références à des camions, des avions, des terminaux, ou des machines de chargement/déchargement. Les « ressources » ont un comportement réactif assez simple au contraire des « entreprises » qui se montrent plus cognitives. Ces dernières intègrent, d'une part, des comportements liés à la gestion interne de l'entreprise, et d'autre part, ils ont des comportements d'interactions sociales qui suivent un protocole de communication. Ces comportements sont associés à des objectifs que les agents doivent réaliser. Une étude de cas a été menée dans le secteur du transport aérien dans lequel les compagnies de lignes aériennes subissent une rude compétition face aux grands intégrateurs de transports comme DHL ou UPS. En effet, ces derniers ont des moyens humains et techniques très importants. Ils possèdent différents types de véhicules comme des avions ou des camions. Les auteurs indiquent que certains intégrateurs possèdent également leurs propres infrastructures comme des aéroports ou terminaux. Enfin, ils communiquent le plus souvent directement avec les chargeurs. Ainsi, ces intégrateurs ont une plus grande maîtrise du transport car ils ont les moyens de l'opérer de bout-en-bout. Lorsqu'un chargeur choisit un intégrateur pour s'occuper de son transport, les prises de décisions seront centralisées. Mais le chargeur peut aussi choisir un transitaire. Dans ce cas, un processus de coordination devra se mettre en place. Le transitaire devra entre autres sélectionner une compagnie aérienne. Celle-ci ne maîtrise qu'une petite partie du transport et elle n'interagit qu'avec des intermédiaires et non directement avec le chargeur. En passant par un transitaire, les prises de décisions seront donc décentralisées. Zhu and Bos (1999) expliquent ainsi dans quelles mesures leur modèle multi-agent pourrait être utilisé pour faciliter ce processus décisionnel distribué. Henesey et al. (2003) ont quant à eux travaillé sur un modèle multi-agent permettant de simuler les relations des acteurs de la logistique intervenant au sein d'un port. Ils sont partis du constat que la performance de ces relations était aussi importante que la qualité des infrastructures portuaires pour garantir l'efficacité globale du port. Ils ont donc proposé un modèle capable de simuler différentes politique de gestion dans un contexte où les objectifs des parties prenantes sont parfois convergents et d'autres fois divergents. Les auteurs ont identifié deux formes de relations : celles « physiques » car liées à la manipulation de la marchandise, et celles « incorporelles » car liées aux contrats, à la supervision ou aux échanges d'information. Une autre difficulté de la modélisation est d'ailleurs de pouvoir représenter des relations informelles comme des pressions de groupes d'intérêts locaux. La conception du modèle qui est présentée dans l'article se restreint à la communauté liée aux terminaux à conteneurs. Il s'agit d'une plus petite communauté qui est donc plus facile à F 2.6 : Architecture du simulateur de terminal à conteneurs proposée par Henesey et al. (2003).
2.3 Les graphes comme outils de modélisation
La théorie des graphes est un champ des mathématiques et de l'informatique. L'article sur les sept ponts de Königsberg écrit par Euler (Euler, 1741) est considéré comme le premier article décrivant cette notion. Un graphe est une structure mathématique qui définit des relations entre des entités. Il s'agit d'un outil très puissant de modélisation qui est utilisé dans de nombreux domaines (voir figure 2.7) comme la sociologie, la biologie ou l'informatique. On retrouve également les graphes en géographie comme en témoigne le livre de Rozenblat and Melançon (2013). Ces deux auteurs ont notamment contribué à développer dans un contexte pluridisciplinaire, des approches multi-échelles de réseaux hiérarchiques de systèmes géographiques. Des applications concrètes ont été développées et expliquent comment la topologie des réseaux impatient sur des fonctionnements de systèmes de villes en réseaux ou encore dans l'organisation d'entreprises multinationales. Dans la suite de cette thèse nous nous servirons des graphes pour représenter, par exemple, des réseaux de transport ou des interactions entre 24
2.3. Les graphes comme outils de modélisation des individus.
L'avantage de cet
outil, au delà de sa capacité
modélis
atrice
,
est
que
la théorie des graphes a bénéficié de
nombreuses recherche
s qui ont fourni des outils d'
analyse
. Ces derniers permettent de tirer des informations d'un graphe (par exemple un plus court
chemin
) ou de caractériser ses éléments (comme le
nombre
de
relations
d'une
entit
é). (a) Réseau routier de
l
'agglomération
de Rouen. Source : données NAVTEQ converties en graphe avec la bibliothèque GraphStream. (b) Graphe d'interactions biochimiques entre des protéines par Chu et al. (2012). (c) Réseau social généré à partir des relations Linkedin d'un membre du site internet. Source (consulté le 01/06/2016) : https ://blog.linkedin.com/2011/01/24/linkedin-inmaps. La coloration identifie des communautés d'individus. F 2.7
:
Troi
s exemples de graphes dans des domain
es
différents. On distingue aujourd'hui deux grandes classes de graphes : ceux statiques, et ceux dynamiques. On verra rapidement dans les deux parties qui suivent comment on les définit précisément.
O 2.3.1 Les graphes statiques
Comme leur nom l'indique, les graphes statiques n'ont pas vocation à évoluer. Ils représentent des relations immuables entre des entités. La manière la plus classique de les formaliser est la suivante : Definition 1 Un graphe G est une paire ordonnée (V, E ) tel que V = {u, v, } est un ensemble de sommets (aussi appelés noeuds) et E ⊆ {{u, v}|u, v ∈ V } est un ensemble de paires non ordonnées d'éléments de V, appelées arêtes. De cette formalisation découle plusieurs définitions ou propriétés des graphes qui sont décrites pour la plupart dans des ouvrages comme ceux de Newman (2010) ou Gross and Yellen (2005). Par exemple, le degré d'un noeud v, noté d (v), est le nombre d'arêtes reliées au noeud v. Dans les parties qui suivent, nous allons revenir sur les principales définitions que nous utiliserons par la suite. Nous verrons tout d'abord les différents types de graphes qui dérivent de la définition classique. Nous verrons ensuite la notion de chemin avant d'aborder les différentes méthodes d'analyse en décrivant les mesures locales et enfin globales d'un graphe.
2.3.1.1 Différents types de graphe
Les premiers types de graphes qui dérivent de la définition classique s'appellent les graphes orientés. Definition 2 Un graphe orienté G est une paire ordonnée (V, E ), tel que V = {u, v, } est un ensemble de sommets, et E ⊆ {(u, v)|u, v ∈ V } est un ensemble de paires ordonnées d'éléments de V, appelées arcs . En fonction du contexte, les graphes orientés peuvent décrire plus précisément la nature de la relation. Par exemple on peut représenter sous la forme d'un graphe des relations sociales hiérarchisées. Les arcs peuvent aussi représenter le sens de circulation d'un réseau routier. Dans un graphe orienté, on distingue le nombre d'arêtes dirigées vers un noeud (appelé le degré entrant et noté d + (v)) du nombre d'arêtes dirigé depuis un noeud (appelé le degré sortant et noté d − (v)). On a alors d (v) = d + (v) + d − (v). On parle ensuite des graphes étiquetés et pondérés : Definition 3 On dit qu'un graphe est étiqueté si on associe aux arêtes ou aux sommets des étiquettes (mots, symboles, valeurs,). On pourra noter ce graphe G = (V, E, L) tel que L = (k, l ) avec k ⊂ V ∪ E et l est un mot ou un symbole. On dit qu'un graphe est pondéré si on associe une valeur aux éléments du graphe. On pourra noter ce graphe G = (V, E, p) tel que p : V ∪ E → R. Ainsi, p(v) (avec v ∈ V ) est appelé le poids de l'arête v. On notera que certaines définitions des graphes pondérés restreignent l'attribution d'une valeur aux arêtes uniquement. De plus, certains algorithmes ont comme pré-requis que le poids soit strictement positif. Les graphes pondérés permettent d'intégrer des données supplémentaires. On peut ainsi indiquer la longueur d'une route ou sa capacité pour un réseau routier.
2.3. Les graphes comme outils de modélisation 2.3.1.2 Chaînes et chemins
Les graphes ont notamment l'avantage de déterminer des chemins entre deux noeuds d'un graphe. Un chemin est défini ainsi : Definition 4 Soit G = (V, E ) un graphe. On nomme P un chemin tel que P = {(u i, u i +1 ) : 0 ≤ i ≤ k − 1} avec u i ∈ V, correspondant à une suite consécutive d'arcs (on parle de chaîne dans un graphe non orienté). On dit qu'un chemin est élémentaire s'il ne repasse pas par un même sommet. Dans un graphe non pondéré, la longueur d'un chemin est le nombre d'arêtes qui le compose. Si le graphe est pondéré, la longueur correspond à la somme des poids des éléments (arêtes et sommets) qui composent le chemin. Si la longueur est de poids minimal, on dit qu'il s'agit du plus court chemin. Un chemin dont les noeuds de départ et d'arrivée sont identiques est appelé un circuit. La notion de plus court chemin est très importante dans la théorie des graphes car elle est à la base d'un nombre important de mesures comme nous allons le voir dans la partie qui suit. De plus, lorsqu'on modélise un réseau de transport par un graphe, plusieurs algorithmes (tel que celui de Dijkstra (1959)) permettent de déterminer efficacement le plus court trajet que doit emprunter un véhicule. 2. O Les premières mesures locales de voisinage concernent le degré des noeuds. On a vu précédemment que le degré est la somme des arêtes liées à un noeud. Mais il est également possible de pondérer ce degré en fonction des poids sur les arêtes. On note le degré pondéré d'un noeud v : d p (v). Dans le cas d'un graphe représentant des flux de marchandises, cela permet de mettre en avant des noeuds qui font transiter une part importante de marchandises bien qu'ils aient un degré peu élevé. Le degré classique traduit une certaine redondance des liens mais il ne permet pas de caractériser la force de ceux-ci. Au contraire le degré pondéré met en avant la force des liens mais ne donne aucune information sur leur redondance. Opsahl et al. (2010) combinent ces deux mesures grâce à cette formule : ( C Dwα (v) = d (v) × d p (v) )α d (v) Le paramètre α est à configurer en fonction du domaine d'étude et permet de donner plus d'importance au degré ou au degré pondéré. Nous allons maintenant aborder les mesures locales d'ensemble. Il s'agit pour la plupart de mesures qui traduisent une notion d'accessibilité du noeud. On retiendra en premier lieu l'indice de Shimbel (1953). L'auteur le définit ainsi : l'indice d'accessibilité d'un noeud d'un graphe est la somme des longueurs des plus courts chemins entre ce noeud et tous les autres. Donc plus la valeur de l'indice d'un noeud est faible, plus le noeud est considéré accessible. Certaines mesures dérivent de l'indice de Shimbel. C'est le cas de la centralité de proximité (Bavelas, 1950) qui est l'inverse de cet indice. La centralité d'intermédiarité est une me issue de la sociologie. Elle a été proposée par Freeman (1977) et se calcule par la formule suivante pour le noeud v :
g (v) = ∑ σst (v) s̸=v̸=t
σst tel que σst est le nombre total de plus courts chemins entre les noeuds s et t, et σst (v) est le nombre de ces plus courts chemins qui passent effectivement par v. On notera que la centralité d'intermédiarité peut tout aussi bien se mesurer sur les arêtes d'un graphe plutôt que sur ses noeuds. (a) Le coefficient de clustering du noeud 1 est de 0. En effet, ses trois voisins ne sont pas connectés entre eux, ce qui ne permet pas la formation d'un triangle. (b) Le coefficient de clustering du noeud 1 est de 1/3. En effet, deux de ses trois voisins sont connectés entre eux permettant la formation d'un triangle sur les trois qui pourraient exister. (c) Le coefficient de clustering du noeud 1 est de 1. En effet, tous ses voisins sont connectés entre eux permettant la formation de trois triangles.
F 2.8 : Le coefficient de clustering du noeud 1 dans les cas de trois topologies différentes. Enfin, un moyen simple à mettre en place pour rendre compte de toutes ces mesures locales est d'effectuer leur distribution sur un graphique en dénombrant les éléments ayant obtenus des scores identiques. Cela permet de mettre en avant des noeuds particuliers ou des tendances générales propres au graphe étudié. Par exemple, la distribution de degrés peut révéler une loi de puissance caractéristique de réseaux invariant d'échelle comme ceux décrits par Albert and Barabási (2002).
2.3.1.4 Mesures globales d'un graphe
Les mesures globales d'un graphe permettent de comprendre la structure de celui-ci, à quoi il ressemble, s'il est « efficace » et comment sont organisés les sommets. Rodrigue et al. (2013) décrivent un ensemble de ces mesures et expliquent qu'elles peuvent être utilisées en géographie notamment pour analyser l'efficacité des réseaux de transport. Les premières mesures les plus simples se basent sur le calcul de plus courts chemins. On avait par exemple déjà abordé le diamètre d'un graphe qui est la longueur du chemin entre les noeuds les plus distants. Dans des graphes spatialisés, tel qu'un réseau routier, plus le diamètre est élevé, moins le graphe tend à être connecté (Rodrigue et al., 2013). 2. O Il est également possible de reprendre la plupart des mesures locales et d'en calculer la moyenne pour l'ensemble des éléments du graphe. Par exemple, on peut mesurer la longueur moyenne des plus courts chemins ou le coefficient de clustering moyen. Il est d'ailleurs possible de faire des analyses statistiques plus élaborées en étudiant, par exemple, l'écart type de ces mesures afin de mettre en évidence des inégalités qui peuvent traduire des défauts ou avantages structurels. Watts (1999) décrit notamment les réseaux « petit monde » ayant des diamètres faibles et des coefficients de clustering élevés par rapport à ce que l'on observe dans des graphes aléatoires de même taille et même densité en nombre d'arêtes. Dans les graphes spatialisés, on peut définir des mesures qui mixent des distances de chemins de graphes et des distances euclidiennes. Par exemple, l'indice de détour, décrit par Rodrigue et al. (2013) et Ducruet (2010), se mesure entre chaque paire de noeuds d'un graphe spatialisé (tel qu'un réseau de transport). Elle est le rapport entre la longueur du plus court chemin et la distance euclidienne qui sépare les deux noeuds : Q (i, j ) = D s (i, j ) D e (i, j ) tel que Q (i, j ) est l'indice de détour entre les noeuds i et j, D s (i, j ) est la longueur du plus court chemin entre i et j sur le réseau, et D e (i, j ) est la distance euclidienne entre ces deux noeuds. On peut ensuite construire la matrice de détour entre toutes les paires de noeuds du graphe afin d'identifier les indices de détour minimaux et maximaux du graphe, mais aussi de calculer l'indice de détour moyen. Plus les indices sont proches de 1 plus le graphe se montre efficace. Kansky (1963) présente également l'indice Π. À l'image de la valeur de π calculée pour un cercle, cet indice est le rapport entre la circonférence du réseau et son diamètre. Kansky décrit ici la circonférence d'un réseau comme étant la somme des longueurs de toutes les arêtes du graphe. L'indice se calcule ainsi : ∑ Π= (u,v)∈E d (u, v) D(G) Plus l'indice Π est élevé, plus le réseau est développé. Une autre mesure qui traduit un certain développement d'un réseau de transport est appelée la densité du réseau (Rodrigue et al., 2013). Il s'agit du rapport entre la somme des longueurs (en km ) de chaque route et la surface (en km 2 ) occupée par le réseau. Cette mesure n'est pas nécessairement une preuve d'efficacité mais elle peut montrer l'existence de zones inaccessibles. Ces différentes mesures font partie des plus répandues dans l'étude de rése aux de transport et d'autres graphes liés à la géographie. Pourtant, comme la plupart des mesures de graphes, il peut être difficile de les interpréter car on ne peut comparer efficacement les résultats obtenus auprès de deux graphes sémantiquement différents. Il est donc fréquent d'étudier plutôt l'évolution d'une mesure après certains changements opérés sur le graphe. Par exemple, on peut observer l'impact de la construction d'une nouvelle autoroute sur l'indice de détour moyen d'un réseau de transport. Beaucoup de graphes ne sont pas totalement immuables. Ils subissent des évolutions plus ou moins rapides qui modifient leurs structures et propriétés. Un graphe n'est donc pas toujours statique mais peut-être dynamique. La définition classique s'avère donc restrictive : comment peut-on représenter les évolutions structurelles d'un réseau social? Comment peut-on modéliser la dynamique du trafic d'un réseau viaire? C'est l'objet de la partie qui suit.
2.3. Les graphes comme outils de modélisation 2.3.2 Les graphes dynamiques
Le concept de graphe dynamique existe depuis longtemps mais ce n'est que depuis une vingtaine d'années que les recherches à ce sujet ont réellement pris leur essor avec des chercheurs comme Harary and Gupta (1997). Ces derniers ont proposé les bases d'un formalisme général décrivant des graphes dynamiques. Ils listent d'ailleurs tout un ensemble de domaines dans lesquels l'utilisation de graphes dynamiques peut avoir un intérêt, en allant de la chimie à la psychologie, et en passant par l'étude de réseaux physiques (informatique ou de transport par exemple). Un graphe est dit dynamique si des arêtes et/ou des sommets peuvent apparaître ou disparaître, ou encore si les étiquettes ou les pondérations évoluent au cours du temps.
2.3.2.1 Réseaux complexes
En réalité, le dynamisme peut avoir des origines et des manières de se manifester très différentes d'un domaine à l'autre. On retrouve donc plusieurs termes et définitions en fonction du cadre d'application. Parmi les différentes familles de graphes dynamiques on retrouve les réseaux complexes décrits par Boccaletti et al. (2006). Ces graphes sont composés d'un nombre très important d'éléments et leur nature est à la base de leur dynamique. On retiendra par exemple le graphe du Web dont la taille, la vitesse d'évolution et son caractère distribué rend impossible la cartographie complète à un instant t. On utilise donc des algorithmes d'exploration afin de construire progressivement le graphe en parcourant les pages Web d'URL 3 en URL. La dynamique du graphe est alors liée à la méthode d'exploration et la manière de maintenir à jour l'information déjà récupérée. Pour la cartographie du Web, les arêtes n'ont pas besoin d'être pondérées, la dynamique fait ici évoluer uniquement la topologie. Lorsque les mêmes auteurs évoquent la propagation d'opinions dans des réseaux sociaux, ils décrivent plusieurs modèles dans lesquels la topologie ne change pas, mais c'est uniquement une variable au sein des sommets qui se transmet de proche en proche selon certains processus. L'article de Boccaletti et al. (2006) ne s'intéresse pas tant à comment représenter les graphes dynamiques mais il cherche plutôt à décrire les processus à l'origine de cette dynamique. 2.
O
(a)
Graph
e «
petit
monde » (Watts and Strogatz, 1998). F (b)
Graphe d'attachement préférentiel
(Barabási and Albert, 1999).
2.9 : Deux modèles de rése
aux
complexes. temps régulières. Les arêtes sont alors pondérées par le nombre total d'appels ou du temps total de communications. Definition 7 Soit G t un graphe cumulatif à l'instant t. Soit g n, un sous-graphe représentant la capture du réseau à l'instant n. On définit l'opérateur ⊕ entre deux graphes g = (Vg, E g ) et h = (Vh, E h ) tel que g ⊕ h est un graphe (Vg ∪ Vh, E g ∪ E h ). On a ainsi : Gt = g 1 ⊕ g 2 ⊕ * * * ⊕ g t = t ⊕ i =1 g i = G t −1 ⊕ g t Avec cette méthode, le nombre d'arêtes et de noeuds ne cessera de grandir au sein du graphe cumulatif, ou en tout cas ne pourra se réduire. Afin d'autoriser l'oubli d'événements trop anciens (et qui n'aurait plus d'intérêt), Cortes et al. (2003) proposent dans le même article d'adapter ce modèle en utilisant un historique des k derniers événements. Le graphe G t est alors défini ainsi : G t = g t −k ⊕ g t −k+1 ⊕ * * * ⊕ g t = t ⊕ gi i =t −k Toutefois, ce type de représentation nécessite de garder en mémoire les k derniers sousgraphes qui composent G t. 32
2.3. Les graphes comme outils de modélisation 2.3.2.3 Graphes évolutifs
Les graphes évolutifs sont apparus à la même époque dans un article de Ferreira (2002). Il définit un graphe dynamique comme étant la séquence de sous-graphes statiques G i.
Definition
8 Soit G = (V, E ), un graphe orienté avec V un ensemble de sommets et E un ensemble d'arcs dont les extrémités appartiennent à V. Soit SG une séquence ordonnée de sousgraphes de G tel que SG = G 0,,G i avec i ∈ N. Alors, le système G = (G, SG ) est appelé un graphe évolutif. B C
D I
G
3
G
2
G
1
C
B E E I F C C B D A G4 F D A D A I I E
F (a) Sous-graphes de SG. B 1,2 3
3
3 A C D 1 2,4 I 2 2,4 4 2,4 E 1 F (b) Représentation du graphe évolutif reconstruit à partir des sous-graphes de SG. F 2.10 : Représentation d'un graphe évolutif G = (G, SG ). Avec ce modèle, Ferreira définit la dynamique séquentiellement avec des intervalles de temps discrétisés. On peut construire le graphe évolutif G à partir de l'ensemble des sousgraphes qui le composent. Chaque élément du graphe est alors étiqueté avec l'indice des sousgraphes dans lesquels ils apparaissent comme sur la figure 2.10. Mais avec cette représentation, la dynamique n'apparaît que sur la structure du graphe. Pourtant il existe de nombreux exemples dans lesquels la dynamique intervient aussi sur les poids ou étiquettes associés aux éléments. 33
2. O 2.3.2.4 Graphes temporels
Casteigts et al. (2011) se sont donc penchés sur un modèle qui répondrait à ce besoin. Les auteurs ont donc regroupé sous la même définition plusieurs concepts présentés dans d'autres modèles, parfois sous des termes différents. Ils en sont arrivés à cette définition : Definition 9 Soit G = (V, E, T, ρ, φ, ζ), un graphe temporel tel que : - V est l'ensemble des noeuds. - E est l'ensemble des arcs tel que E ⊆ V × V × L, où L est un alphabet permettant de décrire les propriétés des arcs 4. - T est un laps de temps avec T ⊆ T, tel que T est le domaine temporel. T peut être discret ou continu. - ρ : E × T → {0, 1} est la fonction de présence des arcs. Elle indique si un arc est disponible à une date donnée. - φ : V × T → {0, 1} est la fonction de présence des noeuds. Elle indique si un noeud est disponible à une date donnée. - ζ : E × T → T est la fonction de latence des arêtes. Elle indique la durée nécessaire pour traverser un arc à une date donnée. Cette définition permet donc d'insta urer une dynamique sur la topologie avec des arcs et des noeuds qui peuvent apparaître ou disparaître grâce aux deux fonctions ρ et φ. De plus, la fonction ζ permet d'apporter une dynamique sur le poids des arêtes. Par contre, le modèle décrit dans cet article ne prévoit pas la pondération ou l'étiquetage des sommets d'un graphe. La dynamique se trouve donc uniquement au niveau de la topologie du graphe et des pondérations des arêtes. 2.3. Les graphes comme outils de modélisation
Nous allons donc commencer par définir un graphe statique. De notre point de vue, tous les éléments d'un graphe, noeuds ou arêtes, peuvent être pondérés et étiquetés. De plus, les éléments peuvent posséder plusieurs informations hétérogènes simultanément. Par exemple, un noeud qui représenterait un entrepôt peut contenir la surface d'entreposage, le nombre d'employés, ou le trafic journalier. Ainsi : Definition 10 Soit G = (V, E, p V, p E ) un graphe orienté et pondéré tel que : - V est l'ensemble des sommets. - E est l'ensemble des arêtes (des paires ordonnées de sommets). - p V (resp. p E ) sont des fonctions qui associent une clé K V (resp. K E ) et un noeud (resp. une arête) à une valeur tel que : p v : V × K V → VV p E : E × K E → VE K V, K E ∈ L clés sont les deux ensembles des mots de l'alphabet L qui représentent les clés. VV et VE sont les deux ensembles des valeurs possibles pour les attributs des noeuds et des arêtes. La nature de VV et VE est dépendante du domaine d'étude et peut représenter à la fois des nombres ou des mots. Nous avons donc défini un graphe statique dont les noeuds et les arêtes peuvent, d'une part, être pondérés ou étiquetés, mais d'autre part, peuvent contenir plusieurs informations hétérogènes simultanément. Nous allons maintenant étudier comment Savin (2014) définit le flot d'événements générés par un processus PG qui permet d'intégrer la dynamique à un tel graphe : Definition 11 Soit U l'ensemble des événements possibles. Chaque u ∈ U est un triplet de la forme (O, w, e), tel que : - O est une date indiquant le moment où l'événement se produit. - w ∈ W est l'une des actions possibles (addition ou suppression d'un noeud ou d'une arête, mise à jour de l'une de ses valeurs,). - e est l'élément impliqué par cet événement. 3.1 3.2
3.3'Les acteurs et leurs rôles......................... 3.1.1 La logistique métropolitaine à l'origine du flux....... 3.1.2 La logistique portuaire..................... 3.1.3 L'interface entre le port et les métropoles de son hinterland Les infrastructures et leurs fonctions.................. 3.2.1 Les infrastructures du port................... 3.2.2 La connexion avec l'hinterland................. 3.2.3 Le transport de la marchandise dans les métropoles..... Les systèmes logistiques : des territoires complexes.......... 3.3.1 La marchandise : premier élément de complexité...... 3.3.2 L'auto-organisation : deuxième élément de complexité... Ce chapitre est consacré à la description d'un système logistique. Le transport de marchandise est organisé par un large ensemble hétérogène d'acteurs. Chacun d'entre eux est responsable d'une partie seulement des flux de marchandises. Il n'existe pas de réelle autorité possédant un contrôle sur l'ensemble de la chaîne de transport (Roorda et al., 2010). Ils doivent donc s'auto-organiser afin de mettre en place et maintenir des flux structurés de marchandises. Nous détaillerons dans un premier temps le comportement des acteurs principaux de la logistique et comment ils interagissent entre eux afin de gérer ces chaînes logistiques ordonnées de bout en bout. Nous étudierons ensuite les différentes infrastructures logistiques ainsi que leurs fonctionnements. Ce chapitre est également l'occasion d'aborder une première approche systémique du problème puisque le système y est décrit selon différents niveaux d'échelle afin de mettre en évidence certaines propriétés. La notion d'interface entre la logistique maritime et celle métropolitaine y est abordée dans ce sens. Toutefois, la complexité d'un système logistique est telle qu'il est nécessaire de se concentrer sur ses composants principaux. Ainsi, cette étude ne présente pas une liste exhaustive des acteurs, infrastructures et interactions d'un système logistique. Notre choix s'est porté sur les acteurs et infrastructures essentiels qui revenaient le plus souvent dans la littérature car ce sont les plus présents au sein de ce type de D'système et qu'ils sont les plus représentatifs. Toutefois, comme nous l'avions fait remarqué dans la partie 2.2.5.1 avec la citation de Sanders et al. (2007), la sélection des entités et règles pertinentes à la modélisation et à la description d'un tel système est, au moins en partie, subjective et sa logique ne peut être démontrée formellement. 3.1 3.1.1 Les acteurs et leurs rôles
La logistique métropolitaine à l'origine du flux En tout premier lieu, on peut commencer à décrire les systèmes logistiques en parlant des importateurs et des exportateurs. Ce sont principalement des commerçant de gros ou de détails, ou encore des industriels, Leur rôle est de déterminer les besoins supposés de leurs clients finaux. Quel type de produit ils désirent? Mais aussi, quand, où et en quelle quantité ils la désirent? Une fois que les importateurs et exportateurs ont réussi à établir cette information, ils vont pouvoir enclencher le processus de transport de la marchandise. En effet des stocks locaux peuvent se trouver à proximité des clients finaux, et lorsque ces stocks sont trop faibles pour répondre à la demande supposée, alors il devient nécessaire de faire venir de la marchandise. On parle de flux tirés lorsque l'importateur fait la demande auprès de l'exportateur pour faire venir une marchandise. À l'inverse, si la demande provient de l'exportateur, on parle de flux poussés. À titre d'exemple, un fournisseur qui vient de lancer un nouveau produit sur le marché, par exemple un nouveau modèle de téléphone portable, va probablement pousser le flux auprès de grands distributeurs dans un premier temps. Lorsque la quantité de ventes se sera stabilisée, les grands distributeurs décideront eux-même si les stocks de ce produit doivent être réapprovisionnés et pourront ainsi tirer le flux. La part entre flux tirés et poussés est fonction de différents paramètres comme le nombre de vente d'un produit. Parfois cette part peut également varier selon la « renommée » des acteurs impliqués. Un distributeur peut connu des fournisseurs devra tirer les flux plus souvent. La prise de contact entre un importateur et un exportateur peut se faire de plusieurs manières différentes. Le plus simple est qu'ils communiquent directement. Pourtant, il peut arriver qu'un intermédiaire intervienne dans cette démarche. C'est le cas des grossistes ou des centrales d'achat (Blair and Durrance, 2014). Le premier va acheter des marchandises en grande quantité selon les besoins estimés de ses entreprises clientes. L'achat en gros va lui permettre de négocier des prix et donc d'obtenir une marge sur la revente. La centrale d'achat est similaire au grossiste en ce qu'elle achète également en grande quantité. Par contre, elle n'achète que selon les besoins réels de ses clients. En effet, chacun de ses clients renseignent les produits qu'ils souhaitent acquérir et en quelle quantité. La centrale d'achat regroupe alors les demandes afin de passer une seule grosse commande auprès du fournisseur. Les grossistes sont des entreprises indépendantes de leurs clients. Par contre, il est fréquent de voir des centrales d'achat appartenir à la même entreprise que leurs clients. Dans ce dernier cas on parle de centrales d'achat intégrées, en opposition aux centrales d'achat coopératives pour lesquelles les clients ne font pas partie de la même entreprise. Par exemple, les magasins Leclerc sont des franchisés indépendants mais ils ont l'obligation de se fournir auprès d'une des centrales d'achat du groupe. Dans tous les cas, un contrat de vente (ou de réapprovisionnement) doit être négocié entre les deux parties. Ce contrat décrit le type de marchandise qui est vendu, sa quantité ou encore son prix. Mais il définit aussi la part de responsabilité entre l'importateur et l'exportateur
38 3.1. Les acteurs et leurs rôles pendant le transport
à
l'
aide
des « Incoterms® ». Il s'agit d'un panel de règles définissant l'ensemble des droits et devoirs de chacune des parties lors d'un accord de commerce international. Elles ont été proposées pour la première fois en 1936 par la Chambre de Commerce Internationale afin de garantir une meilleure compréhension entre des acteurs de différentes cultures et de différentes langues (International Chamber of Commerce, 2013 ; Graumann-Yettou, 2002). Depuis, elles ont évolué en suivant les habitudes des utilisateurs pour arriver à la dernière version : les Incoterms®2010. Ces règles précisent le point de transfert des frais et des risques ainsi que les documents dus par chaque partie. En aucun cas, il ne s'agit du point de transfert de propriété. Ces normes vent de base au contrat de vente tout en étant suffisamment flexible pour permettre des modifications en cas de besoin. Le contrat signé doit préciser l'endroit exact où se situe le point de transfert afin d'éviter tous conflits éventuels (Nguyen-The, 2011). Le schéma de la figure 3.1 représente les points de transfert pour chaque Incoterms®. On notera que pour certains, il est obligatoire de souscrire à une assurance alors que pour la plupart, c'est seulement conseillé. Il est également important de souligner que plus le vendeur est impliqué dans le transport, plus le coût payé par l'acheteur sera important (car le vendeur reportera les différentes charges sur le prix final). Usineà dUexpédition Emballage Chargementà Dédouanement suràvéhicule départ exportàet sécurité preS Chargementàsur acheminement moyenàdeà transportàprincipal Transportàprincipal postS Déchargement Lieuàdeà DéchargementàDédouanementà acheminement véhiculeà destination suràmoyenàdeà importàet arrivée transportàprincipal sécurité EXW EXSWorks ÀàlUusine FCA FreeSCArrier FrancoStransporteur CPT CarriageàPaidàTo PortàpayéàjusquUà CIP plusàassurance CarriageàInsuranceàPaidàTo PortàpayéVàassuranceàcompriseàjusquUà DAT DeliveredàAtàTerminal RenduàauàTerminal DAP DeliveredàAtàPlace Renduàauàlieuàdeàdestination DDP DeliveredàDuttyàPaid Renduàdroitsàacquittés FAS FreeàAlongsideàShip Francoàleàlongàduànavire FOB FreeàOnàBoard Francoàààbord Maritime uniquement CFR CostàandàFreight Coûtàetàfret CIF plusàassurance CostVàInsuranceVàFreight CoûtVàassuranceVàetàfret F Fraisàvendeur Fraisàacheteur Risquesàvendeur Risquesàacheteur
Vendeuràou
à
achete
ur
3.1 : Schéma décrivant les points de transfert des différentes règles
Inc
oterms
®
2010
3.1.2 La logistique portuaire En fonction du contrat négocié, l'exportateur et l'importateur sont responsables de la marchandise sur leur section respective. Ils peuvent organiser eux-mêmes le transport mais dans 39 3. D'la plupart des cas, ce travail complexe est sous-traité auprès d'un commissionnaire de transport, parfois appelé transitaire par abus de langage. Ce dernier devient lui-même responsable de la marchandise pour le compte de son client. Il doit prendre contact avec les transporteurs internationaux afin d'organiser le transport de la marchandise. Le plus souvent, celle-ci transite par navire. Le transitaire doit donc sélectionner une ligne maritime auprès d' un armateur. On notera d'ailleurs que certains armateurs sont eux-même commissionnaires de transport afin d'avoir un meilleur contrôle sur les coûts, mais aussi pour faciliter la gestion des containers vides (De Langen et al., 2013). Lorsque le transport terrestre est aussi opéré par l'armateur, on parle de « carrier haulage » en opposition au « merchant haulage » où le transport est effectué par le chargeur (De Langen et al., 2013). Le commissionnaire doit également traiter avec les différents acteurs des ports d'importation et d'exportation tel que les douanes. Les tarifs du transport international dépendent de plusieurs paramètres, dont les principaux sont le volume et le poids de la marchandise. Le type de marchandise pourra intervenir dans le calcul s'il s'agit de vrac. Mais dans le cadre d'un transport par container, le prix est surtout défini à partir du nombre d'équivalent vingt pieds (EVP) nécessaire au transport. Il est défini pour chaque ligne maritime par l'armateur bien que le commissionnaire puisse intervenir en négociant. On notera que le prix peut malgré tout différer s'il faut transporter la marchandise par container réfrigéré. Une liste importante d'acteurs opère dans le port. Parmi eux il existe les autorités portuaires ou encore les opérateurs de terminaux. Les premiers ont en charge la gestion du port. 3.1.3 L'interface entre le port et les métropoles de son hinterland
L'hinterland d'un port correspond à l'arrière pays dont les marchandises transitant par ce port sont à destination ou en provenance de ce territoire. On remarquera qu'une région peut être desservie par plusieurs ports. Ceux-ci seront alors en compétition et devront faire valoir leurs performances et la qualité de leurs voies de communications avec cette région. La gestion de la marchandise, sur la partie entre un port et sa destination finale, est à la charge d'un prestataire logistique. Son rôle est de trouver des solutions afin d'aider le chargeur à effectuer les activités logistiques requises sur sa marchandise (transport, entreposage, empaquetage,) (Liu et al., 2014 ; Jayaram and Tan, 2010 ; Rodrigue, 2012). Si le destinataire se trouve sur une région desservie par plusieurs ports, alors le prestataire pourra comparer les services fournis par ceux-ci pour sélectionner celui par lequel transitera la marchandise.
3.2. Les infrastructures et leurs fonctions
Il existe plusieurs types de prestataires logistiques en fonction du niveau d'intégration qu'ils fournissent. Les prestataires qui nous intéressent le plus dans cette étude sont ceux qui fournissent au moins une activité d'entreposage et de transport. Et plus précisément, on considère ceux qui utilisent un réseau multi-niveau d'entrepôts (voir 3.2.2.2). Ce réseau est le support physique de la chaîne logistique sur l'hinterland. Les prestataires doivent sélectionner les entrepôts qui le composeront, tout en s'assurant que l'ensemble des activités logistiques requises par la marchandise pourront être fournies par ce réseau. Une fois ce réseau mis en place, le prestataire logistique doit gérer les opérations logistiques dans, mais aussi entre, ces entrepôts. Il peut notamment être amené à équilibrer les stock entre les entrepôts. On peut alors se rendre compte que la manière de construire le réseau aura un impact sur la distance totale parcourue par la marchandise lorsqu'elle atteindra sa destination finale. Cela va donc influer sur les coûts du transport. Le prestataire doit donc optimiser la création et la gestion du réseau afin de réduire les coûts logistiques. 3.2 Les infrastructures et leurs fonctions
Au cours du transport, les marchandises passent par différentes infrastructures nodales ou linéaires. Chacune d'entre elles a des caractéristiques particulières et des modes de fonctionnement que nous allons étudier dans cette partie.
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Figure 16 : T. Desjardins, La chapelle, abside, crayon sur calque, 23 septembre 1845, AV.
141 Voir Annexe 19- Desjardins (Antoine, dit Tony). Léon Charvet, Lyon artistique. Architectes : notices biographiques et bibliographiques avec une table des édifices et la liste chronologique des noms, Lyon, Bernoux & Cumin, 1899, p. 123. 143 Émile Perret de la Menue, Biographie de Tony Desjardins, architecte, Lyon, imp. Louis Perrin, 1883, pp. 1416. 144 Abel Besançon, « Les cloches de Notre-Dame des Marais de Villefranche », Bulletin de la Société des sciences et arts du Beaujolais, 10ème année, Villefranche, imp. Auray fils & Deschizeaux, 1909, p. 13. 142
30 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Ainsi, il conçu sa première chapelle, qui fut celle de Vaurenard, avec des caractéristiques empruntées aux églises gothiques. La voûte étoilée sur fond bleu n'est pas sans évoquer la Sainte-Chapelle de Paris. Les murs sont habillés de colonnettes peintes et de tentures en trompel'oeil. Les peintures sont de Jean-Baptiste Beuchot (1821-1884), comme l'atteste la signature qu'il a laissée au fond de la chapelle. L'artiste a travaillé à plusieurs reprises avec T. Desjardins, notamment sur le grand chantier de l'hôtel de ville de Lyon 145. Beuchot est plus connu pour ses peintures décoratives, comme à Vaurenard, que comme artiste peintre 146.
Figure 17 : Choeur de la chapelle. Figure 18 : Chapiteaux et colonnettes peintes. Figure 19 : "Beuchot pinxit", signature du peintre, située sous la tribune. 145 146 Léon Charvet, Lyon artistique, op. cit., p. 29. Voir Annexe 20- Beuchot (Jean-Baptiste).
31 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Dans le choeur, trois baies ont été prévues afin d'accueillir les six vitraux représentant les saints patrons importants aux yeux de la comtesse d'Apchier. Leurs noms en latin sont inscrits au bas de chaque lancette. Ils sont chacun représentés dans une niche au fond coloré de rouge, encadrée de colonnettes grises à la base dorée et aux chapiteaux bleus, et surmontée d'éléments architecturaux gothiques : pinacles, clochetons, arcs, etc. polychromes. L'auteur de ces vitraux est inconnu. Les deux lancettes centrales figurent l'Annonciation, avec à gauche l'archange Gabriel, qui porte un lys, symbole de la Vierge. À droite se trouve la Vierge Marie, qui tourne son visage vers Gabriel. Dans le tympan, l'oculus est occupé par une colombe auréolée, symbole de l'Esprit-Saint. L'oiseau est entouré de quatre angelots.
Figure 20 : Vitraux de la baie nord de la chapelle. Figure 21 : Vitraux de la baie centrale. Figure 22 : Vitraux de la baie sud. Sur la baie sud, à gauche des vitraux centraux, sont représentés les saints patrons du couple que forment Catherine Corteille et Louis d'Apchier. Sainte Catherine est représentée accompagnée de ses attributs traditionnels : un rameau, symbole de la martyre 147, ainsi qu'une roue 148. À sa gauche figure saint Louis.
Le
roi
de France Louis IX
, drapé dans une cape bleu 147
Sainte Catherine
,
martyre
du
IV
e
siècle, fut décapitée. Une machine composée de quatre roues munies de fers devait être utilisée pour supplicier Catherine, mais un ange en é par le Seigneur qu'elle priait, détruisit la machine. TRE
roi fleurdelisée dont l'intérieur est en hermine, est couronné et porte son sceptre et une épée. Au sommet des deux lancettes, l'oculus figure le blason du comte d'Apchier. Dans la troisième baie du choeur, sur la droite, on peut identifier saint Jean, l'évangéliste, accompagné de l'aigle qui le symbolise. Saint Jean figurait parmi les apôtres de Jésus. Il a une place de choix dans les différents Évangiles 149. De plus, il rédigea le dernier des quatre Évangiles canoniques. À sa gauche, l'archange saint Michel est représenté en train de terrasser le démon dont il perce le flanc de sa lance. Pour l'Église catholique, saint Michel est le plus puissant de tous les anges. C'est sans doute pour cette raison que la comtesse d'Apchier a souhaité le voir apparaître dans cette chapelle, au côté de saint Jean. Dans l'oculus qui les surplombe figurent les armoiries des deux familles réunies dans un losange. La première représente le blason de la famille d'Apchier : d'or au château donjonné de trois tours crénelées de gueule, celle du milieu plus élevée et accotée de deux haches d'armes (ou hallebardes) d'azur plantées en pal de chaque côté de la tour 150. Le second, d'azur à la bande ondée d'or chargée de trois tourteaux de sable, est celui des Corteille de Vaurenard. Le losange est entouré de la cordelière de saint François d'Assise 151, et l'ensemble est surmonté d'une couronne comtale à neuf perles.
Figure 23 : J. H
. Fabisch
,
tympan de
l'entrée latérale de la chapelle
. 149 Saint Jean débute son Évangile sur le Verbe, la parole, et donc la pensée divine. Il est ainsi celui qui prend de la hauteur et est souvent représenté par un aigle. 150 Ambroise Tardieu, Dictionnaire des anciennes familles de l'Auvergne, comprenant toute la noblesse qui a résidé ou qui réside dans cette province et la plupart des vieilles maisons de bourgeoisie qui ont possédé des fiefs ou qui ont droit d'armoiries, avec les noms des représentants actuels, Moulins, imp. Desrosiers, 1884, p. 8. 151 Voir § I.A.1-
Un
rendez-vous de chasse, p. 13.
33 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Pour décorer la chapelle, T. Desjardins s'entoura d'artistes locaux. Parmi eux figure le sculpteur Fabisch 152. L'artiste a créé le tympan de la porte d'accès latérale à la chapelle, donnant sur la cour. Dans la lignée de l'architecte, il montre ici son attrait pour l'art médiéval. En effet, il représente ici la Vierge en majesté 153 présentant son fils, sujet particulièrement répandu du XIIe au XIVe siècle. De la main droite, l'enfant bénit le monde. Dans l'imagerie romane, l'enfant est habituellement assis de façon assez statique sur les genoux de sa mère 154, lui tournant le dos. Fabisch l'a représenté ici dans une position qui pourrait être celle d'un jeune enfant, la jambe droite relevée, sans doute pour lui conférer une attitude plus proche de celle du monde des hommes. Toutefois, pour souligner le caractère divin des personnages, deux anges entourent la mère et l'enfant.
Figure 24 : J. H. Fabisch, maître-autel de la chapelle. Figure 25 : D. Foyatier, Vierge
l'enfant. Le haut-relief du maître-autel est également une oeuvre de Fabisch. Il représente la descente de la croix, avec la sainte Vierge soutenant le corps de Jésus. Tous deux sont entourés de deux anges. Les quatre personnages sont surmontés des symboles des évangélistes : de 152 Voir Annexe 21- Fabisch (Joseph-Hugues). La dévotion à la Vierge était particulièrement répandue durant le moyen-âge. La Vierge était représentée sur un trône, symbolisant son règne sur la terre. 154 Voir les illustrations dans Hélène Leroy et Francis Debaisieux, Vierges romanes, portraits croisés. Beaumont, Debaisieux, 2009. 153 34
CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
gauche à droite, le lion de saint Marc 155, l'ange de saint Matthieu 156, l'aigle de saint Jean, et le taureau de saint Luc 157. Le fond de cette scène est orné de motifs floraux dorés. Au fond de la chapelle se trouve une statue de l'artiste Denis Foyatier (1793 – 1863). Ce sculpteur de style néo-classique 158 fut notamment très remarqué par son Spartacus 159. Sous le vocable de Mère Aimable, la Vierge et son enfant évoquent la maternité divine de Marie. Cette oeuvre fut rachetée par Maurice de Longevialle en mars 1869 à l'abbé Tamain, curé de l'église N.D. des Marais de Villefranche, au prix de 200 francs. Cette statue fut en effet remplacée dans l'église par une autre, exécutée par J. H. Fabisch. L'entrée principale de la chapelle était située latéralement, donnant sur la cour. Une autre entrée fut prévue par le fond de la chapelle, sous la voûte de l'ancienne entrée du château. Le tympan au-dessus de cette porte orné des deux blasons Apchier et Corteille, surplombés à nouveau d'une couronne comtale. Afin de faciliter l'accès à la chapelle, une troisième entrée fut prévue par l'intérieur du château, donnant sur la tribune au-dessus de l'entrée principale. Sous la tribune est peinte une dédicace de la comtesse 160. Le cartouche en latin mentionne le nom de l'architecte et la date de la bénédiction de la chapelle, mais précise également que la chapelle a été financée par la comtesse d'Apchier, et que ce lieu est dédié à la mémoire du comte d'Apchier. La chapelle fut bénie en 1848 par le Cardinal de Bonald. Figure 26 : Tympan de la chapelle orné des armes des familles Corteille et d'Apchier.
155 Marc est symbolisé par un lion, animal du désert, car il débute son évangile par la prédication de JeanBaptiste dans le désert. 156 Matthieu est symbolisé par un ange, car les premières pages de son évangile parlent des anges. 157 Le taureau était l'animal sacrifié traditionnellement. Luc débute le récit de son évangile dans le temple de Jérusalem, lieu de sacrifices.
158 Jacqueline Suttin, « Denys Foyatier, Heur et Malheur du sculpteur de la statue de Jeanne d'Arc à Orléans », Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans, VIème série, tome II, 1993, p. 231. 159 Denis Foyatier, Spartacus, marbre, H. : 2,12 m, L. : 0,63 m, Pr. : 0,97 m, 1830, musée du Louvre, salle 105. 160 Voir Annexe 22 – Dédicace de la chapelle.
35 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Durant les travaux de la chapelle, Antoinette-Catherine accueillit dans son château le baron de Richemont, un singulier personnage qui, s'il avait une adresse à Paris 161, semble ne pas y avoir demeuré durant la période où il logea à Vaurenard. I.B.1.b – Le baron de Richemont, un usurpateur à Vaurenard?
Au premier étage du château se trouvent les chambres. Le portrait du baron de Richemont orne la chambre éponyme. L'homme se prétendait être Louis XVII. Il fut hébergé à Vaurenard de 1847 à 1853 par la comtesse, qui pensait aider cet homme à retrouver une place digne de son rang. Sa véritable identité serait Henri Hébert ou Claude Perrin. Louis-Charles de France, le vrai dauphin, fut arrêté avec la famille royale le 10 août 1792, et emprisonné à la Tour du Temple 162. Il n'avait alors que sept ans. Deux ans après la mort de ses parents en 1793 163, il serait mort de maladie le 8 juin 1795, à l'âge de 10 ans. Mais cette thèse officielle est contestée depuis le début du XIXe siècle. À la faveur des troubles politiques de cette période, vingt-cinq à trente individus se sont déclarés être les héritiers du trône de France 164. Plusieurs d'entre eux s'étaient inspirés du roman Le cimetière de la Madeleine 165, de Jean-Joseph Regnault-Warin. Le premier de ces prétendants au titre fut JeanMarie Hervagault166, qui fut incarcéré pour cette escroquerie, tout comme Mathurin Bruneau167 et le baron de Richemont. Le Prussien Karl-Wilhelm Naundorff, quant à lui, avait convaincu son entourage qu'il était le Dauphin, et revendiqua en 1836 sa part d'héritage au roi qui le fit expulser. Il se réfugia en Angleterre, puis en Hollande, et resta sans doute le plus célèbre de ces prétendants. Pour M. Wartelle, il ne fait aucun doute que le dauphin n'était pas mort enfant en 161
Adresse mentionnée sur son acte de décès : Paris, rue de Condé, n° 12. AD
registre d'état civil de la commune de Gleizé, 1853, acte de décès n° 18, 3e feuille, 4E 1421.
162 La prison de la tour du Temple, ancienne forteresse construite par les Templiers au XIII° siècle, fut transformée en prison. L'histoire de l'édifice est détaillée par Henri de Curzon dans son ouvrage La maison du Temple de Paris, histoire et description avec deux planches, Paris, Hachette, 1888. Après l'emprisonnement de la famille royale et la mort du dauphin Louis XVII, la tour du Temple devint un lieu de pèlerinage pour les royalistes et fut, pour cette raison, détruite en 1808, sur ordre de Napoléon. 163 Louis XVI fut guillotiné le 21 janvier, et Marie-Antoinette d'Autriche le 16 octobre 1793. 164 G. Lenôtre, « Louis XVII s'est-il évadé du Temple? », Historia, N° des 110 ans d'Historia, 21/03/2019. 165 Jean-Joseph Regnault-Warin, Le cimetière de la Madeleine, Paris, Nabu-Presse, 2012
(1
ère
é
d. en 4 vol
.
, 1800
). Dans son roman, l'auteur avait imaginé l'enlèvement du Dauphin dans la prison du Temple, organisé par le chef vendéen Charrette : des agents royalistes avaient apporté au Temple un orphelin, du même âge que Louis XVII, drogué et caché dans un cheval de bois. Ils avaient substitué le Dauphin à cet enfant, l'avaient sorti de prison et avaient tenté de l'envoyer en Amérique. 166 J. M. Hervagault, condamné à deux reprises pour escroquerie, aurait découvert le roman de Regnault-Warin en prison, et s'en serait servi pour s'imaginer une nouvelle identité à l'issue de sa peine, en 1801. 167 M. Bruneau se serait également inspiré du même ouvrage lorsqu'il était emprisonné en 1816, et fut lui aussi condamné deux ans plus tard pour usurpation de l'identité de Louis XVII. 36 CHAPITRE I
: HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
prison, et que « Richemont était bel et bien le duc de Normandie, deuxième fils de Louis XVI » 168. Richemont prétendait avoir été enlevé en 1794 à la prison du Temple grâce à un « cheval de carton » et remplacé par un autre enfant, puis envoyé en Amérique, puis, de retour en France, emprisonné en 1818 sur ordre de Louis XVIII qui souhaitait conserver son trône. Condamné pour complot contre la sûreté de l'État en 1834, il fut envoyé à la prison de SaintePélagie. Il s'en évada l'année suivante et se réfugia à l'étranger, puis revint en France où il fut amnistié en 1840 comme tous les condamnés politiques 169. Son principal adversaire, Naundorff, mourut en 1845. Richemont était ainsi le seul véritable prétendant à la filiation royale lorsqu'il s'installa à Vaurenard en 1847. La décoration de sa chambre à Vaurenard est, au moins en partie, contemporaine de Richemont. Un médaillon représentant Henri IV orne le centre du trumeau de la cheminée. Sur la commode, est placé un buste du duc de Berry. Les murs sont décorés de plusieurs portraits du couple royal formé par Marie-Antoinette d'Autriche et Louis XVI, mais aussi de nombreux portraits du dauphin et du baron de Richemont. Comme pour attester de la véracité de son identité, deux gravures dans un même cadre représentent le baron et le dauphin. 168 Michel Wartelle, Louis XVII ou le secret du roi, Boucherville (Québec), Mortagne, 1990. Ordonnance royale du 27 avril 1840. 170 Catherine d'Apchier, La vérité sur Louis XVII. Souvenirs inédits de la comtesse d'Apchier précédés d'une introduction sur Louis XVII par Jean de Bonnefon, Paris, Dorbon aîné, 1912, p. 50. 171 Elisabeth Lamure, A la recherche de Gleizé, op. cit., p. 124. 172 Raoul de Clavière, « Le château de Vaurenard », op. cit., p. 4. 169
37 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Figure 27 : Anonyme, Portrait de MarieAntoinette, huile sur toile, env. 20 cm x 21 cm. Figure 28 : Anonyme, Portrait de Louis XVI, huile sur toile, env. 20 cm x 21 cm. Figure 28 : Portrait du baron de Richemont et portrait du Dauphin, gravures, env. 30 cm x 18 cm. Au coeur du cimetière de Gleizé, la comtesse avait fait édifier une chapelle, le plus imposant édifice du site, abritant les caveaux des familles Corteille et Falcon de Longevialle 173. La tombe du baron de Richemont est accolée à cette chapelle, sur le côté gauche. Sa pierre tombale est fixée au mur. La dépouille du baron n'a donc pas été intégrée au caveau familial, mais y est au plus proche. La comtesse d'Apchier, sans doute convaincue de son identité, fit graver : Ci-gît Louis Charles de France Fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette Né à Versailles le 17 mars 1785 Mort à Gleizé le 10 août 1853 173 Voir Annexe 23- La chapelle du cimetière de Gleizé.
38 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Un jugement du tribunal de Villefranche le 12 septembre 1859 ordonna une rectification, notée le jour-même en marge de l'acte de décès 174. Une deuxième pierre tombale fut scellée sur la précédente. Cette seconde pierre ne mentionne aucun nom, et fut gravée d'une pensée retrouvée dans les notes de Richemont 175 : 1785 Nul ne dira sur ma tombe Pauvre Louis que tu fus à plaindre 1853 Priez Dieu pour lui. En 1990, un évènement médiatisé se déroula dans le cimetière, autour de Michel Wartelle, lors de la sortie de son livre Louis XVII ou le secret du roi. Entouré notamment de représentants du Cercle survivantiste de Richemont 176, la pierre tombale fut déscellée, révélant la pierre initiale. Les deux pierres sont depuis côte à côte.
Figure 30 : Les deux pierres tombales du baron de Richemont. À droite, celle de 1853, à gauche, celle de 1859. 174 « Par jugement de ce tribunal en date du douze courant, il a été ordonné que l'acte ci-contre est rectifié en ce sens que c'est à tort qu'il constate le décès de Louis Charles de France tandis qu'il devait se borner à constater le décès d'un inconnu se disant Baron de Richemont. Villefranche, le 12 sept. 1859. » Registre d'état civil de la commune de Gleizé, 1853, acte de décès n° 18, 3e feuille, AD, 4E 1421.
175 Jean-Claude Autruc-Laurençon, Louis XVII est-il mort en Auvergne? Hypothèse d'un complot maçonnique, Paris, Société des écrivains, 2012, p. 20.
176 Les sympathisants de cette thèse communiquent sur un blog, http://cerclederichemont.
center
blog.net/, dernière consultation le 16/05/20
.
39 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Des tests génétiques ont prouvé en 1998177que Naundorff n'avait aucun lien avec la famille royale. En 2000, la polémique sur Louis XVII aurait dû prendre fin avec la démonstration historique et scientifique de P. Delorme 178. En effet, des analyses ADN du coeur momifié du Dauphin, comparées à celles de sa mère, ont révélé une filiation directe : l'enfant décédé au Temple était donc bien Louis XVII. Mais si le coeur analysé est bien celui du fils de Louis XVI, certains 179 mettent encore en doute le fait que ce soit celui de Louis XVII : il pourrait s'agir de celui de son frère. Il semble que seuls des tests de l'ADN de Richemont comparés à ceux de sa supposée mère pourraient clore la controverse sur ce personnage, sans toutefois mettre fin à la thèse survivantiste I.B.1.c- Maurice Falcon de Longevialle, héritier de la comtesse d'Apchier Lorsqu'elle fit édifier la chapelle, la comtesse d'Apchier avait l'intention de léguer son domaine au Cardinal de Bonald, « pour en faire une résidence d'été pour les archevêques de Lyon » 180. À sa mort en 1861, Antoinette-Catherine d'Apchier légua finalement, dans son testament olographe 181 du 6 septembre 1855, le domaine de Vaurenard à son neveu Maurice Falcon de Longevialle (1812-1889). Elle ne l'avait pas averti de ses intentions, et sembla prévenir toute contestation de son testament en ajoutant un message à l'attention de Maurice : « vous-même, cher enfant, êtes encore bien plus étonné, vous n'y auriez jamais pensé, et même, si cette pensée avait surgi dans votre cerveau, vous en auriez été effrayé et vous vous seriez enfui au plus vite. Figure 31 : D'azur à une bande ondée d'or, chargée de trois tourteaux de sable, qui est Corteille de Vaurenard. Figure 32 : D'azur au faucon d'or, qui est Falcon de Longevialle. Figure 33 : D'azur au faucon d'or, d'un chef d'azur à une bande ondée d'or, chargée de trois tourteaux de sable. Engagé politiquement du côté des légitimistes 186, Maurice dirigea 187 le journal lyonnais L'Union des provinces et le Réparateur 188. Il était rentier, et occupa la mairie de Gleizé de 1865 183 Marie-Jeanne Falcon de Longevialle, Louis Falcon de Longevialle – 1866-1936, Notes intimes recueillies par leur mère pour ses enfants, Mâcon, Protat frères, p.5. 184 Ensemble de la fin du XVIIe siècle selon les propriétaires. 185 Les piano-fortes, issus de la technologie des clavecins, sont la première forme des pianos. 186 Les légitimistes, favorables au rétablissement de la royauté, étaient partisans de la branche aînée des Capétiens, et soutenaient Charles X. Ils étaient opposés aux bonapartistes, ainsi qu'aux orléanistes, partisans de la maison d'Orléans et du régime de la Monarchie de Juillet. 187 Jacques de Longevialle, Informations généalogiques et historiques sur les Falcon de Longevialle, 1938, p. 115. 188 La revue légitimiste qui imprima de 1833 à 1844 fut supprimée par le gouvernement de Juillet.
41 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD à 1868.
À partir de 1869 189, il fut nommé, par le préfet, président de la société de secours mutuel de Gleizé 190. Joséphine, la soeur célibataire de Maurice, s'installa à Vaurenard afin de « reporter sur l'enfant et le père le dévouement qu'elle avait consacré jusqu'à leur mort à sa mère d'abord, à un frère célibataire ensuite » 191. Jusqu'en 1889, Louis fut donc éduqué par sa tante, aux côtés de son père. C'est à cette date que Maurice mourut, suivi en 1891 par sa soeur. Âgé de vingt-trois ans, Louis (1866-1936) se retrouva ainsi le nouveau c lain. En 1892, il épousa Marie de Jerphanion ; le couple s'installa à Vaurenard l'année suivante. I.B.2 – L'entrée progressive dans le XXe siècle avec la famille Falcon de Longevialle
L'arrivée du couple formé par Louis et Marie de Longevialle marqua le début de durables travaux de transformation du domaine, tant dans l'agencement intérieur du château que dans le parc qui l'entoure. I.
B
.2.a
– Louis de Longevialle et son cabinet de travail
« Dès qu'il fut marié, Louis de Longevialle songea à restaurer cette habitation []. Très sagement, il mûrit pendant quelques années sa détermination, étudia avec soin les constructions de la même époque » 192. Figure
34 : Plafond du cabinet
de
travail,
aux décors inspirés du parlement de Dombes
. 189 Académie de Villefranche et du Beaujolais, Villefranche sur Saône, 1853-2005, 150 de vie caladoise, Villefranche, imp. caladoise, 2007, p. 63. 190
Les mutuelles connurent un développement rapide dans la région lyonnaise, sous l'impulsion notamment des mouvements d'insurrection des canuts dans les années 1830. 191
Jacques
de
Long
evi
alle, Informations généalogiques, op. cit., p. 115. 192 Marie-Jeanne Falcon de Longevialle, Louis Falcon de Longevialle – 1866-1936, op. cit., p.12. 42
CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Le premier des aménagements qu'apporta Louis à Vaurenard fut, en 1896, la transformation de la chambre de la comtesse d'Apchier en cabinet de travail. Une vaste cheminée fut installée. Les plafonds à la française furent ornés de peintures inspirées de celles de la grande salle du parlement des Dombes à Trévoux 193. Les murs furent habillés de boiseries en chêne, et ornés de tapisseries des Flandres « tirées des armoires du grenier » 194, des portraits du duc du Maine 195 et de Madame de Montespan 196. Attenant au cabinet de travail, une petite pièce fut aménagée pour recevoir les archives familiales. Par métonymie, le chartrier a donné son nom à la pièce qui le contient, et c'est ainsi que les propriétaires actuels nomment la salle.
Figure 35 : Peintures murales sur les murs du chartrier. Figure 36 : Fresque du centre de la pièce, sous la voûte. Cette pièce a été voulue par Louis de Longevialle comme un véritable symbole de la famille. Les murs sont entièrement peints de motifs alternant le chiffre FL (pour Falcon de Longevialle) et un faucon, symbole des Falcon. Le centre du plafond voûté a été orné du même chiffre FL et d'ailes d'oiseau faisant référence au faucon, le tout ceint de la cordelière de saint François 197. Louis avait manifestement conscience de la valeur patrimoniale de l'importante collection documentaire qui constitue le chartrier 198. Le fonds abrite les archives familiales, ainsi que celles « que lui céda son cousin de Luzancay, lorsqu'il vendit le domaine de Hautvillars, autrefois propriété des Apchier » 199. Certains documents datent du XIIe siècle, mais une majorité se situe aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Au plafond de la pièce, quatre
193 Actuel palais de justice de Trévoux (Ain). Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. citr., p.23. 195 Louis
-
August
e
de Bourbon, duc du Maine, prince souverain de Dombes, fils légitimé de Louis XIV (16701736). 196 Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart (1640-1707), maîtresse de Louis XIV, mère de LouisAuguste de Bourbon. 197 Voir § I.A.1- Un rendez-vous de chasse, p. 13. 198 Voir Annexe 2- Le chartrier – Analyses des liasses (extrait). 199 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.23. 194
43 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
cartouches contiennent des citations bibliques. Louis marquait ainsi son attachement à la religion catholique, mais également aux valeurs relatives à la mémoire et à sa transmission. In antiquis est sapientia (Job, XII, 12 traduit par La sagesse est dans les vieillards 200.
Figure 37 : Plafond du chartrier, cartouche sud. Memento quae ante te fuerunt (Ecclésiaste, XLI, 5), traduit par Souvenez-vous de ceux qui ont été avant vous 201.
Figure 38 : Plafond du chartrier, cartouche ouest. Tradition
em
vestram servetis est un
extrait
du verset
Et dicebat illis : Bene irritum facitis praeceptum Dei, ut traditionem vestram servitis (Marc, VII, 9), qui peut être traduit Il leur dit encore : Vous anéantissez fort bien le
Figure 39 : Plafond du chartrier, cartouche nord. commandement de Dieu pour garder vos traditions 202.
Diligenter investiga
patrum memoriam,
dont
le verset complet est
(Inter
roga
enim generationem pristinam
et
)
diligen
ter investiga
patrum memoriam (Job, VIII, 8) (En
quiers
-
toi
des générations précédentes,)
et
appliqueFigure 40 : Plafond du chartrier, cartouche est. to
i
à t'informer soigneusement de leurs pères 203.
200 « Traduction Job, XII, 12 », https://saintebible.com/mar/job/12.htm, BibleHub.com, https://biblehub.com/, 2018, dernière consultation le 28/03/20. 201 Augustin Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Tome 5, Emery, Paris, 1726, p. 502. 202 « Traduction Marc VII, 9 », https://saintebible.com/mark/7-9.htm, BibleHub.com, https://biblehub.com/, 2018, dernière consultation le 28/03/20. 203 « Traduction Job VIII, 8 », https://saintebible.com/mar/job/8.htm, BibleHub.com, https://biblehub.com/, 2018, dernière consultation le 28/03/20.
44 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Deux fenêtres, aujourd'hui condamnées, éclairaient la pièce. Elles sont agrémentées de vitraux représentant les armoiries des différentes familles propriétaires du domaine de Vaurenard.
Figure 41 : Chartrier, vitraux des deux fen
s nord et est. Détail des armoiries représentées : Fenêtre nord : - En haut à gauche : armoiries composées des armes des sires de Beaujeu et de celles de Pierre de Beaujeu (famille Bourbon) - En haut à droite : du Crozet, seigneur de Montmelas - En bas à gauche : La Bessée - En bas à droite : de Gaspard de St-Amour, seigneur de Fontcrenne Fenêtre est : - En haut à gauche : du Sauzay, seigneur d'Amplepuis - En haut à droite : Corteille de Vaurenard - En bas à gauche : Apchier de Vabres & Corteille - En bas à droite : Corteille & Falcon de Longevialle
45 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Des armoires « de chêne, dessinées par Steyert, dans le style des belles boiseries lyonnaises du XVIIIe siècle » 204 remplissent le mur sud. André Steyert (1830-1904) était un historien 205 lyonnais spécialiste de l'héraldique. Il était toutefois plus connu comme dessinateur des planches illustrant ses propos, tels que son Armorial du Lyonnais 206 ou son ouvrage sur les costumes militaires 207 que pour la conception de mobilier. Mais Louis de Longevialle souhaitait réhabiliter entièrement le château, afin de pouvoir accueillir une famille nombreuse. Le couple avait déjà six enfants à la fin de ce siècle. Contre le mur nord du château, il fit installer une terrasse pour desservir les chambres, en remplacement du toit de tuiles. Le premier étage était occupé par une vaste salle de billard, et l'étage supérieur, bas de plafond, n'était alors utilisé que comme grenier. Louis fit appel à deux frères architectes lyonnais, Paul et Marcel Montclos, spécialistes de l'architecture du XVIIIe siècle. I.B.2.b – Avec un nouveau siècle, le début de grands travaux
Les architectes apportèrent les plans de leur proposition aux propriétaires, leur demandant de « ne les étudier qu'après leur départ » 208, et donnant rendez-vous au couple huit jours plus tard. Le projet bouleversait complètement la distribution des pièces, avec notamment le déplacement de l'escalier et la création d'un niveau supplémentaire. La réaction du couple est narrée dans le récit de Maurice de Longevialle. Ses parents refusèrent tout d'abord ces changements « inutiles et superflus » 209, avant d'être finalement « complètement conquis » par le projet. La stratégie des architectes s'avéra donc payante. Le premier mai 1900 débutèrent de nombreux travaux. 204 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.23.
Sa qualité d'historien était toutefois contestée. Reinach Salomon, dans son « rapport fait au nom de la Commission des Antiquités de la France, sur les ouvrages envoyés au concours de l'année 1900, publié dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 44e année, N° 4, 1900, p. 373, reproche à Steyert, dans les trois premiers tomes de son Histoire de Lyon « la suppression de toute espèce de références », ainsi que « d'apporter dans l'appréciation d'évènements lointains une passion étrangement violente et qui convient mal à la sérénité de l'histoire ». Le quatrième et dernier tome de l'Histoire de Lyon, portant sur la fin du XIX° siècle, ne fut publié qu'en 1939, à Montbrison et non à Lyon.
206 André Steyert, Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais, Lyon, A. Brun, 1860. 207 André Steyert, Aperçu sur les variations du costume militaire dans l'Antiquité et au Moyen Âge, Paris, L. Perrin, 1857. 208 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p. 25. 209 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.26. 205
46 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Les modifications débutèrent avec la toiture qui était à refaire entièrement. Louis fit surélever le deuxième étage d'un mètre, pour rendre le grenier habitable. La charpente fut totalement refaite, à partir « d'un bois de pins fort ancien qu'il possédait en Lozère, estimant que ce matériau serait le souvenir d'un pays qu'il aimait, et défierait le temps par durée reconnue » 210. Les murs surélevés furent ornés d'une corniche de pierre. Les corniches des tours est, donnant sur le jardin, se retrouvèrent ainsi au même niveau que celles des façades 211. Un balcon fut ajouté à cette façade, orné d'une rambarde en fer forgé au chiffre FL 212. L'écu du fronton, orné du blason des Corteille, fut refait. Côté cour, les tours furent surélevées, devenant ainsi plus visibles depuis le jardin. Un blason en pierre, représentant le faucon de la famille Falcon de Longevialle, prit place au centre d'un fronton rectangulaire, en haut de la façade. À l'intérieur, les pièces du rez-de-chaussée furent redistribuées 213. Le petit salon, ou salon bleu, fut orné en 1902 de boiseries du XVIIIe siècle provenant du salon de Mr Chastaing à Lyon 214, achetées pour 750 francs 215. 210 Marie-Jeanne Falcon de Longevialle, Louis Falcon de Longevialle – 1866-1936, op. cit., p.13. Voir Annexe 24- Les travaux extérieurs du château. 212 Pour Falcon de Longevialle. 213 Voir Annexe 25– Distribution des pièces et aménagements. 214 Appartement sis 13 rue François Dauphin à Lyon, appartenant à la société de Saint Bonaventure. L'achat des boiseries a eu lieu avant
la destruction
de
l'immeuble
. 215 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p. 28. 216 Ibid.
Facture d'un montant de 1215 francs, correspondant à de nouveaux dessus de porte pour le salon bleu, à ceux de
la
salle
à manger,
et
à l'installation des toutes les boiseries, y compris celles de la chambre du baron. 211
CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
objet « séditieux », représente au premier regard un saule pleureur. Les contours des branches révèlent les profils Louis XVI, de Marie-Antoinette et du Dauphin. La salle à manger fut ornée sur tous ses murs de toiles peintes du XVIIe siècle. Comme bon nombre d'éléments de décors et de meubles, ces peintures à l'huile avaient été retrouvées dans les greniers. Les bustes représentés sur les toiles ne sont pas identifiés, l'origine de ces peintures étant inconnue. Selon les propriétaires actuels, il s'agirait d'éléments cachés durant la Révolution en vue de sauvegarde, mais aucun élément n'indique s'ils étaient déjà dans le château auparavant. Les boiseries qui enchâssent ces toiles sont de style Louis XVI, de même que le mobilier de la pièce. Un nouvel escalier en pierres prit la place de l'ancienne salle à manger, ouvrant sur un vaste vestibul . Cette nouvelle pièce, très lumineuse grâce à deux fenêtres et une double portefenêtre, et dont la cage d'escalier ouverte accroît les volumes, lui confère son statut de centre de la maison. Le mobilier de cette pièce fut composé d'un cabinet Louis XIV, de fauteuils de style régence, d'une console Napoléon III et d'une console Louis XV. L'élément le plus remarquable est une chaise à porteurs du XVIIIe siècle, aux armes CV pour Corteille de Vaurenard. Transformé en vitrine, ce meuble présente des miniatures aux effigies de différents membres de la famille Corteille. Figure 44 : Sur les côtés de la chaise à porteur, les armes CV entrelacées. Figure 43 : Chaise à porteur, XVIIIe siècle, vestibule. Un arbre armorial consulaire de la ville de Lyon 217, remarquable par ses dimensions 218, prit place sur le mur de la première partie de l'escalier. Trois peintures furent exposées de 217 218 Voir Annexe 26- Arbre armorial consulaire de la ville de Lyon. Dessins rehaussé de couleurs, papier collé sur toile, environ 150 cm X 280 cm.
48 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
grandes dimensions 219dans la partie supérieure de la cage d'escalier. Datées de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe, ces peintures sur papier collé sur toile sont inspirées des oeuvres de Charles Le Brun : - La famille de Darius au pied d'Alexandre 220, dit La tente de Darius, représente la mère de Darius qui implore sa clémence à Alexandre, vainqueur de son fils à la bataille d'Issos. - Le passage du Granique 221 montre les Grecs franchissant le Granique. - L'entrée d'Alexandre le Grand à Babylone 222 représente l'entrée triomphale du vainqueur, sur un char tiré par deux éléphants. Au premier étage, un vestibule fut créé, donnant sur le nouveau balcon de la façade est, et ouvrant sur un autre escalier, en chêne, desservant le deuxième étage. Deux verdures 223, tapisseries d'Audenarde datant du XVIIe siècle, se font face. Les chambres de cet étage ne furent pas modifiées. La chambre Louis XVI est aujourd'hui encore ornée de son papier peint d'origine. Seule la chambre du baron accueillit de nouveaux éléments, avec la pose des oeils de boeuf qui avaient été achetés avec les boiseries destinées au salon bleu et qui étaient inutilisables dans cette pièce. Toutes les nouvelles chambres du deuxième étage furent meublées et décorées avec les éléments qui étaient jusqu'alors entreposés dans les greniers ou les dépendances. Les nombreux meubles anciens, « sous-estimés durant la Restauration, avaient été relégués dans les chambres des domestiques, les greniers, voir même les écuries » 224. En 1903 débuta le chantier du chauffage : un chauffage central à vapeur 225 fut installé dans les couloirs, afin d'ajouter au confort prodigué par l'installation des cheminées dans toutes les chambres. L'eau froide et chaude fut amenée au premier et au deuxième étage. Les frères de Montclos travaillèrent durant trois ans à Vaurenard, pour une facture de 100 000 francs 226. 219 Env. 4 m x 2,20 m. C. Le Brun peint cette toile en 1660 pour Louis
XIV. Elle est installée dans le Salon de Mars au château de Versailles. Cette oeuvre lui valut sa nomination de Premier peintre du roi en 1664. 221 Peint en 1665, actuellement au musée du Louvre, salle 914. 222 Peint en 1665, actuellement au musée du Louvre, salle 914. 223 Les verdures, tapisseries typiques des manufactures d'Audenarde, étaient composées de décors végétaux associés à quelques animaux, sans personnage. La ville d'Audenarde était un des centres de tapisserie les plus importants de Flandres. Elle connût son apogée aux XVIe et XVIIe siècles. 224 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.29. 225 Selon les propriétaires actuels, ce système de chauffage ne fonctionna quasiment jamais. 226 Montant estimé par M. de Longevialle. Toutefois, seuls quelques Mémoires de travaux sont accessibles aux AV (fonds non classé), concernant notamment la zinguerie, la couverture et les façades. 220
49 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Pour assurer la longévité de sa demeure, Louis de Longevialle fit apposer en haut de l'escalier une plaque de marbre 227 rappelant les grandes étapes de l'histoire de Vaurenard. Il prit soin de faire graver le texte de cette plaque en latin, marquant ainsi son érudition et son attachement à la tradition. Il cite ainsi trois des propriétaires qui ont apporté des modifications importantes au domaine : François-Gabriel Corteille, Antoinette-Catherine Corteille, et son père Maurice Falcon de Longevialle. Puis il s'inclut, avec sa femme, dans la lignée de ces châtelains qui ont marqué Vaurenard, inscrivant ainsi sa fierté de savoir que le château se , grâce à lui, transformé durablement. Durant les travaux, Louis et sa famille passèrent plusieurs séjours en Lozère. En 1902, notamment, il partit avec sa femme Marie et ses cinq enfants pour Aumont, où les religieuses qui dirigeaient l'école libre de filles dont il était propriétaire devaient être expulsées, suite aux lois de 1901. Venu défendre les Soeurs de la Présentation contre le sous-préfet et ses gendarmes, Louis fut finalement arrêté puis condamné à deux jours de prison 228. Il fut par la suite élu au Conseil général 229 de la Lozère, où il siégea durant vingt-cinq ans, dont quatre ans à la présidence (1930-1934). Figure 45 : Plan (détail) de J. Curis, géomètre, papier sur toile, établi d'après le plan cadastral, 1936, AV.
Toutefois, Linossier n'ajouta pas de fabrique, comme ce fut souvent le cas dans les jardins classiques, pour ponctuer la déambulation des visiteurs. Une vaste terrasse fut installée, afin de faire le lien entre le jardin et le bâtiment. Une large pelouse permit une vue dégagée depuis l'est sur la façade, avec à ses extrémités un parterre de buis côté habitat, et un bassin côté est. Ce bassin circulaire, bien que de modeste taille, offrit ainsi au promeneur un miroir d'eau sur lequel le château se reflétait. Une charmille accueillit deux bustes représentant l'empereur Constantin et sainte Hélène, « acquis à la vente d'une propriété des environs de Lyon »232. Une roseraie fut plantée au sud. Selon Maurice de Longevialle233, la fin des aménagements prévus, l'ajout de bancs notamment, ne put être réalisée à cause du début de la Grande guerre. Depuis 2007, « le parc y compris son réseau hydraulique, les vases, bancs et Voir Annexe 28- Fiche de lecture Goulty (Sheena Mackellar), Heritage gardens, Londres, Routledge, 2005 (1ère édition en 1993). 232 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.31. 233 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.32. 231 51 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD bustes sculptés, les grilles » 234 sont inscrits sur la liste de l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, au même titre que le château.
Figure 46 : J. Linossier, Propriété de M. de Longevialle, dessin, 1912, AV. CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
Figure 47 : Le miroir d'eau – Photo Denis Laveur, Jacquemont (Guy), Art de vivre à la française en Beaujolais, Paris, Chêne, 2013, p. 78. L'érudition tout comme le dévouement de Louis de Longevialle à de nombreuses formations caritatives, culturelles ou religieuses fut reconnu de ses pairs. Il appartenait depuis sa fondation en 1900 à la Société des sciences, arts et belles-lettres du Beaujolais, dont il fut élu président en 1927. Il fut élu la même année à l'Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon, et fut président en 1933 de sa classe des lettres. Membre de la Société des bibliophiles lyonnais, du Cercle La Fontaine, ainsi que des Conférences Saint-Vincent de Paul, il entra en 1893 dans l'oeuvre des Cercles catholiques d'ouvriers 235, visitant les différents cercles et proposant des conférences jusqu'à la fin de sa vie. Il fut également à la tête, à partir de 1929, de la Société d'études historiques et littéraires fondée par Lucien Brun en 1902, ayant pour but « de faire entendre chaque hiver, à un public choisi et cultivé, un certain nombre de conférences destinées à maintenir et développer les traditions religieuses, monarchiques et sociales qui étaient celles de ses fondateurs » 236. Louis de Longevialle, attaché aux traditions familiales aristocratiques, fut nommé président du comité royaliste du Beaujolais 237. Il fut également à partir de 1913 administrateur 238 du collège jésuite de Mongré, dans lequel il avait étudié étant enfant. Durant la Grande guerre, Louis participa à l'administration de l'hôpital auxiliaire numéro 7 de la Croix Rouge installé dans ce même collège 239. Il se chargeait notamment des enregistrements des entrées et sorties des blessés 240. Maurice, son fils aîné, s'engagea dès 235 Créée en 1871 par Albert de Mun, l'oeuvre des cercles catholiques d'ouvriers, ou cercles ouvriers, rassemblait une élite d'intellectu
et de militaires légitimistes qui so
uhait
aient
rechristianiser le monde ouvrier
. 236 Marie-Jeanne Falcon de Longevialle, Louis Falcon de Longevialle – 1866-1936, op. cit., p.31 237 Marie-Jeanne Falcon de Longevialle, Louis Falcon de Longevialle – 1866-1936, op. cit., p. 36. 238 Nouvelles de Mongré, XV° années, n°3, Lyon, Besacier, 1936, p. 163. 239 Médailles et diplômes de L. de Longevialle, AV, fonds Falcon de Longevialle n° X. 240
Le premier de ces registres d'état civil est conservé au Service de l'architecture et du patrimoine de Villefranche. Registres d'état civil - Lieux et dates des blessures, fonds de Longevialle, coll. ville de Villefranche. 53 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD septembre 1914 dans l'armée, avant même d'être appelé. Figure 48 : Louis de Longevialle et son épouse Marie de Jerphanion, (fin XIXe début XXe), photographie AV. Les femmes de la famille participèrent elles aussi à l'effort de guerre, en étant infirmières au même hôpital A7 de Mongré. Marie de Longevialle, épouse de Louis, fut décorée d'une brisque de bronze du Service de Santé 246, ainsi que d'une palme de bronze de la 241 Jacques de Longevialle, Informations généalogiques et
historiques sur
les Falcon de Longevialle, 1938, p. 177. 242 Marie-Jeanne Falcon de Longevialle
,
Louis
Falcon de Longevi
alle
– 1866-1936, op. cit., p.34. 243 C
roix Rouge
Française, Société de secours aux blessés militaires, Rapport sur le fonctionnement du Comité de Villefranche sur Saône pendant la guerre de 1914-1918, Lyon, Basclou, 1920, p.7. 244 Croix Rouge Française, Société de secours aux blessés militaires, Rapport sur le fonctionnement du Comité de Villefranche, op. cit., p.10. 245 Société de Secours aux Blessés Militaires. 246 Croix Rouge Française, Société de secours aux blessés militaires, Rapport sur le fonctionnement du Comité de Villefranche, op. cit., p.14.
54 CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD S.S.B.M
247. Gabrielle de Longevialle, sa fille, était infirmière chef de service. Elle fut décorée d'une brisque de vermeil par le service de santé, et d'une palme de bronze de la S.S.B.M. Son épouse Marie, née Jerphanion, était issue d'une famille très attachée à la tradition catholique. Son père et ses oncles avaient compté parmi les zouaves pontificaux envoyés en Italie 248. Tout comme son époux, Marie était engagée dans la cause légitimiste. Elle fut la présidente de la section du Rhône 249 de la Ligue des Femmes Françaises 250. Louis et Marie eurent sept enfants. L'aîné des garçons, Maurice (1895-1961), du prénom de son -père, épousa Louise de Rotalier en 1922, et eut quatre enfants. Il hérita du domaine de Vaurenard après le décès de sa mère en 1942. I.B.2.c – Le domaine face aux mouvements de la Seconde guerre mondiale
Dans ses notes Vaurenard et ses souvenirs, Maurice retrace quelques évènements relatifs à la Seconde guerre mondiale. Le mercredi 19 juin 1940, les Allemands arrivèrent à Villefranche. L'après-midi, huit officiers allemands s'installèrent dans quatre chambres du premier étage. Ils réquisitionnèrent également le bureau de Louise de Longevialle qui devint leur poste de commandement, ainsi qu'une partie des cuisines. Le téléphone « dont les fils couraient à l'extérieur devant les fenêtres » 251 fut installé entre les différentes pièces. Deuxcents soldats et leurs véhicules s'installèrent dans le bois. « Cette occupation ne dura que trois jours, et le 21, officiers, hommes et matériel repartaient en direction de Villefranche » 252. Il n'y eut pas d'autre réquisition à Vaurenard, les Allemands s'étant rapidement retirés après l'armistice. En 1944, la zone libre dont faisait partie la région de Gleizé, vit à nouveau les armées allemandes. Depuis le sud du pays, les villes étaient libérées l'une après l'autre, repoussant les troupes allemandes chaque jour un peu plus vers le nord. Le 24 août 1944, 247 Médailles et diplômes sont conservés aux AV (non classé). Louis Bade
t
,
S
.
J
.
, « Archives de famille – Les zouaves pontificaux », Nouvelles de Mongré, pp. 173-179. Archives Mongré. 249 Bruno Dumons, « Réseaux familiaux et mobilisation politiques. Les « blancs » du Sud-Est de la France (1860-1910) », Cahiers de la Méditerranée, N° 92, 1992, p.115. 250
De statut associatif, la L.F.F. fut créée à Lyon en 1901, et voulait rassembler les femmes contre les politiques anticléricales de l État. La fondatrice, Jeanne Lestra, était secondée par son confesseur le père jésuite Antonin Eymieu, la comtesse de Saint-Laurent, présidente de l'association, et Mme Ducreux, trésorière. Ces femmes voulaient faire entendre leur voix –elles n'avaient alors pas de droit de vote-, et agissaient principalement par voie de presse et diffusion de tracts. La L.F.F. lutta avec les Comités Catholiques en 1905 contre les lois de séparation de l'Église et de l'État. 251 Maurice de Longevialle, Vaurenard et ses souvenirs, op. cit., p.32. 252 Ibid. 248 55
CHAPITRE I : HISTOIRE DU CHÂTEAU DE VAURENARD
l'ennemi parvint à Villefranche, et à partir de cette date, les allemands, « sous prétexte de rondes, vinrent à tout moment à Vaurenard, réclamant sans cesse quelque chose » et pénétraient « jusqu'au salon pour se servir du poste de T.S.F. » 253.
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Open Science
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None
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French
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Transfert et contre-transfert dans le musicodrame analytique
925 Se sont des instruments de musiques du monde qui produisent du son facilement, utilisés souvent dans des séances de musicothérapie active; par exemple des percussions, des percussions mélodiques comme le xylophone ou le métallophone, des instruments à vent ou à cordes avec une émission sonore facile etc. Aucune éducation musicale n'est demandée. 274 (au moins pour les non-musiciens!), laisse émerger les niveaux préconscient et inconscient d'une façon plus directe, plus brute. De plus, ceci arrive beaucoup plus rapidement que dans les thérapies analytiques classiques qui passent par la parole, car il y a moins de défenses, de résistance mises en place dans l'expression musicale. Cette expression musicale improvisée, à laquelle nous avons accès, est une expression relationnelle non verbale d'une force extrême. Nous assistons là, à l'expression transfertcontre transférentielle entre les membres du groupe, qui peut se manifester, encore une fois, brute, sans mots. Le contenu du jeu musical (ce qui est joué, par qui et comment) est une source riche d'informations cliniques. Nous avons là, devant ce matériel de l'association libre musicale brut, à notre disposition, une "musicanalyse" à faire. A ce moment, l'analyse des représentations musicales intervient de nouveau pour le thérapeute mais aussi pour le groupe. Une deuxième analyse interviendra au moment de la réécoute collective du musicodrame. Une phase de verbalisation suit le musicodrame, où chaque participant nous racontera à tour de rôle son propre ressenti pendant l'improvisation et fera probablement sa propre analyse transfert-contre transférentielle de son vécu d'expression musicale improvisée. Nous avons accès à ce moment, à des expressions riches d'un point de vue subjectif, puisque chaque nous décrit sa propre perception de la réalité vécue par tout le groupe. Les principes du jeu de rôles et de la dramatisation du vécu psychique du patient que nous mettons en oeuvre dans notre technique sʼinspirent du psychodrame. L.J. Moreno, inventeur du psychodrame classique, sʼétait déjà intéressé à son application à la musicothérapie mais c'est son neveu, Joseph Moreno, qui a approfondi la question. Dans son livre "Acting your Inner Music : Music and Psychodrama"926 il utilise l'improvisation musicale pour soutenir des stades différents du psychodrame classique comme l'échauffement ou la dramatisation d'une scène. Il propose des exercices concrets de psychodrame musical comme l'inversement des rôles musicaux ou le dialogue musical, et il note que la musique est très efficace pour la dramatisation des polarités intérieures. c. Troisième partie : réécoute du musicodrame et verbalisation
La troisième et dernière phase du Musicodrame Analytique consiste donc en une réécoute du matériel de l'improvisation musicale enregistrée. Le fait de réécouter le musicodrame amène les participants à prendre une distance par rapport à leur vécu subjectif. Les représentations musicales se présentent plus clairement et le matériel se prête à l'analyse avec une oreille plus objective. Nous travaillons ainsi sur la perception de la réalité extérieure et nous voyons plus clairement les mouvements transfert-contre 927 Fausch-Pfister H., Music Therapy and Psychodrama, the benefits of integrating the two methods, Zeitpunkt Musik, Reichert Verlag Wiesbaden, 2012 276 transférentiels qui se manifestent dans le jeu musical928. Une dernière phase de verbalisation suit cette étape de réécoute, où les participants partagent leurs impressions de nouveau avec le groupe. Dʼune façon générale, suite à la réécoute, ils analysent le jeu musical dʼune façon plus objective. L'inspiration de cette dernière phase de réécoute vient de la technique de "Communication Sonore" d'Edith Lecourt929, qui est une technique active de musicothérapie analytique de groupe utilisant l'improvisation libre. Lecourt écrit, concernant l'enregistrement sonore, que "l'enregistrement est un support vécu plutôt comme contenant et rassurant mais aussi comme une forme de valorisation du travail"930. Musicodrame Analytique, sublimation et symbolisation
Nous allons terminer la description du protocole du Musicodrame Analytique en faisant référence à une notion importante pour le travail thérapeutique se faisant à lʼaide de toute médiation artistique, et que nous avons développé en Partie IV de cette thèse : celle de la sublimation. Sophie de Mijolla-Mellor conçoit la sublimation comme un choix, de la part du patient931. Elle explique que celui-ci choisit inconsciemment de fonctionner à travers la névrose ou la somatisation, la psychose ou la perversion, mais quʼil peut aussi bien faire le choix de la sublimation. Nous aimerions développer ici quelques pensées autour du choix de la sublimation, et comment celle-ci peut être proposée à nos patients à travers le protocole du Musicodrame Analytique. Le choix de la sublimation n'est pas donné de façon évidente à tous les sujets. Nous considérons qu'il est beaucoup plus facile pour un sujet de faire ce choix sʼil s'identifie pendant son enfance, par exemple, à des parents qui utilisent la sublimation de façon efficace. Mais si les parents choisissent plutôt la somatisation ou la névrose, par exemple, l'enfant s'identifie souvent à eux et la sublimation devient plus difficilement accessible pour le sujet. Il est donc important, dans un processus thérapeutique à médiation artistique, de proposer ce choix et de montrer comment il peut fonctionner chez 928 Prenons par exemple un patient qui joue de son instrument d'une façon agressive envers un autre patient pendant le musicodrame. Celui-ci peut ne pas se rendre compte de cette agressivité pendant le jeu mais il peut en prendre conscience suite au "retour" du groupe envers lui lors de la première verbalisation ou, plus souvent encore, lors de la dernière phase : celle de la réeco
de l'enregistrement du musicodrame. 929 Lecourt E., Analyse de groupe et musicothérapie, Le groupe et le sonore, ESF, Paris, 1993; Lecourt E., Découvrir la musicothérapie, Eyrolles, Paris, 2005, p. 187-194; 930 Ibid., p. 191 931 Mijolla-Mellor S. de, Le choix de la sublimation, PUF, Paris, 2009 277
un sujet sain ou dans un groupe. Dans notre protocole, le choix de la sublimation est proposé lors de deux étapes distinctes : une première fois pendant la création de l'oeuvre écrite ou dessinée suite à l'écoute musicale et une deuxième, lors du jeu musical luimême. 932 Brun A., Création artistique et sublimation, in Mijolla-Mellor S. de sous la direction, Traité de la sublimation, Paris, PUF, 2012, p. 223-335 933 Anzieu D., Le corps de l'oeuvre, Paris, Gallimard, 1981 934 Brun A., Spécificité de la symbolisation dans les médiations thérapeutiques, in Manuel des Médiations Thérapeutiques, Brun A., Chouvier B., Roussillon R., Dunod, Paris, 2013, p. 122-158 935 Lecourt E., Lʼexpérience musicale résonances psychanalytiques, LʼHartmann, Paris, 1994, p. 269 936 Lheureux-Davidse C., Regard, traitement de l'espace et particularités de la pensée des personnes autistes, in Amy M-D. sous la direction de, Autismes et psychanalyses, Evolutions des pratiques, recherches et articulations, Erès, Toulouse, 2014, p. 174 937 Ibid., p. 154 278
3. Transfert et contre-transfert dans le Musicodrame Analytique
Avant d'étudier les cas cliniques qui vont suivre, nous pensons qu'il serait utile d'approfondir les particularités du transfert et du contretransfert en situation de Musicodrame Analytique. Selon Laplanche et Pontalis, le transfert "désigne, en psychanalyse, le processus par lequel les désirs inconscients s'actualisent sur certains objets dans le cadre d'un certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique. Il s'agit là d'une répétition de prototypes infantiles vécue avec un sentiment d'actualité marqué938 ". Cette définition met l'accent sur la répétition de prototypes infantiles qui émergent dans le transfert : une dimension importante de ce processus, qu'on retrouve également très présente dans le Musicodrame Analytique, surtout quand nous travaillons avec des patients névrotiques. Une consigne importante du Musicodrame Analytique consiste à demander patient qui a écrit l'histoire ou qui a dessiné l'image que nous allons dramatiser musicalement (appelé par la suite le "créateur") de choisir lui-même quel rôle il va attribuer à quel membre du groupe. A ce moment, si le patient se trouve ouvert à ce qu'on lui propose et donc en position de transfert positif envers le thérapeute, il se passe un mouvement transférentiel clair : il choisit, parmi les membres du groupe celui qui lui semble le plus adapté pour le "rôle" à incarner. On invite donc, par notre consigne, le patient à développer un transfert vers les autres membres du groupe, tel que Ferenzi l'a décrit dans Introjection et Transfert : "des ressemblances physiques dérisoires : couleur des cheveux, traits, gestes, manière de tenir la plume, prénom identique ou vaguement analogue évoquant une personne autrefois importante pour le patient, suffisent à engendrer le transfert939". Nous avons remarqué, en observant ce qui émerge dans le jeu musical par la suite, qu'il se passe là une transmission d'informations supplémentaire très importante entre le "créateur" du matériel à mettre en musique et ses "rôles" : une transmission d'inconscient à inconscient, qui trouve sa "traduction" dans le jeu musical de chaque membre du groupe, pendant la phase de dramatisation musicale. Soulignons que les membres du groupe ont la liberté d'interpréter leurs rôles musicalement à partir de la totalité de leur
938 939 La
planche
J. - Pontalis J.-B., Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, Paris, 1967, p. 492 Ferenzi S. (1909), Introjection et transfert, tr. fr. Dupont J. et Gamier P., Payot, Paris, 2003, p. 97 279
ressenti : non seulement les informations concrètes qu'ils trouvent dans l'histoire/dessin du "créateur", mais aussi dans tout ce que ce dernier projette sur chacun d'eux au moment de l'attribution des rôles et auparavant. C'est cette projection qui est d'une extrême utilité pour nous, parce qu'on observe ensuite, dans le jeu musical, le phénomène que chaque membre du groupe devient musicalement le rôle qu'il incarne. Il joue comme sʼil était le père, la mère, le frère, l'amant du "créateur", en illuminant ainsi des caractéristiques de ce personnage qui ne lui ont jamais été dites ou suggérées auparavant! D'où viennent ces informations? Comment un patient peut incarner la mère d'un autre quʼil n'a jamais rencontré et dont il nʼa jamais entendu parler, en nous donnant des informations réelles de ce qui s'est passé dans leur relation? Nous observons même, quand il s'agit de personnes qualifiées en psychanalyse qui peuvent analyser les mouvements de transfert et de contretransfert, comme ça se passe par exemple dans les groupes de formation, des commentaires de la part des participants comme : "la façon dont j'ai joué, ce que j'ai fait, ne vient pas de moiça vient d'ailleurs". Où est cet "ailleurs"? S'agit-il d'un transfert direct, latéral, de groupe interne, sur le groupe, ou bien s'agit-il de manifestations d'identifications projectives du "créateur" vers d'autres membres du groupe, qui lui retournent ses propres éléments psychiques retravaillés à travers leur jeu musical? Tous ces phénomènes ont lieu, dans le Musicodrame Analytique : nous allons clarifier par la suite où et comment ils apparaissent. Nous aimerions, à ce propos, mettre l'accent sur une qualité du transfert que nous trouvons très présente dans le Musicodrame Analytique. Pendant une séance de Musicodrame Analytique en individuel avec un jeune patient, le jeune homme mʼattribua le rôle de sa soeur pendant que lui joua, musicalement, lui-même. Ayant très peu d'informations concrètes sur cette soeur, j'ai commencé à jouer un métallophone en laissant mon corps et mon esprit être guidé par l'improvisation et l'intuition musicale, dans un dialogue sonore avec le patient, qui jouait un tambour sur cadre. Pendant notre dialogue, j'éprouvais le besoin de partir dans des "crises" sonores imprévues où je tapais très fort avec ma baguette non seulement mon instrument mais aussi le sol, la housse de l'instrument ainsi que sa caisse de résonance avec une violence que je ressentais comme absurde, ne provenant sûrement pas de moi. Je fus très étonnée ensuite, dʼentendre mon patient dire que sa soeur "a des crises de colère comme ça, qui émergent d'une façon imprévue, où elle est capable de tout détruire". Comment est-ce que j'ai pu avoir accès à cette information qui ne m'a pas été transmise consciemment? Je pense que la réponse se trouve dans ce phénomène de transmission de pensées que nous venons de décrire, concernant le transfert. Le patient m'a communiqué inconsciemment des informations sur sa soeur et sur leur relation, que j'ai reçu inconsciemment ; je me suis laissée traverser par ce vécu et ensuite j'ai retranscris, j'ai traduit tout cela par mon comportement musical vis-à-vis de lui. Il s'agissait là d'un transfert et non pas d'une identification projective, puisque j'étais complètement consciente que ces mouvements de colère ne venaient pas de moi. Comme dans le rêve, dans le groupe de Musicodrame Analytique nous constatons souvent des phénomènes de connexion et de diffraction du transfert. La connexion du transfert est un phénomène repéré initialement par Freud et décrit ensuite dans l'analyse de rêves, dans la cure individuelle mais aussi dans l'analyse de groupes. Dans l'analyse du cas de Dora943, qui lui permettra de conceptualiser 942 943 Ibid., p. 96 Freud S. (1905), Dora, fragment d'analyse d'hystérie, PUF, 2006 281 théoriquement le transfert, Freud repère déjà le phénomène de connexions entre les objets transférés et pense le transfert dans sa dimension plurielle (die Ûbertragungen). Concrètement, il ne s'agit donc pas seulement, pour le malade, de remplacer une personne qui a été importante pour elle dans le passé par la personne du psychanalyste, mais aussi de remplacer successivement ou simultanément la relation entre plusieurs personnes par la relation au psychanalyste. La connexion du transfert, à part dans le rêve, apparaît aussi dans l'oeuvre du "créateur" dans le Musicodrame Analytique ou alors dans le jeu du musicodrame même. Nous allons ensuite voir encore un exemple clinique, où la dimension de connexion du transfert est apparente. Dans le cas d'Elsa, jeune femme qui participa dans un groupe de formation en Musicodrame Analytique, un "personnage masculin" apparaît dans l'histoire qu'elle avait écrit, pendant l'écoute du morceau de musique "Parade Finale", issu du Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns. Après l'analyse verbale de son histoire par le groupe et l'analyse du musicodrame (dramatisation musicale) qui suivit, nous arrivâmes à la conclusion que ce personnage était une connexion de deux figures masculines de sa famille maternelle : du frère de sa grand-mère mais aussi du fils de sa grand-mère (son oncle). En suivant les associations verbales du groupe, nous arrivâmes aussi à la conclusion que ce qui lie ces deux hommes, est l'élément d'abus, sexuel ou physique; l'un avait abusé sexuellement de la grand-mère, tandis que l'autre frappait sa propre fille. On pourrait appeler cette figure "le violeur"; elle englobe, pour Elsa, les figures masculines de sa famille maternelle qui exercent de la violence, sexuelle ou physique, envers les femmes de cette même famille. La diffraction du transfert, selon Kaës, consiste dans "la répartition des charges d'investissement (pulsionnelle) sur plusieurs objets plus ou moins corrélés ente eux944". En situation de groupe, donc, nous pouvons observer le phénomène de diffraction du transfert d'un sujet ainsi : un objet / affect qui a été initialement destiné à être transféré au psychanalyste / thérapeute peut être "découpé", et ses différents ingrédients sont transférés à plusieurs membres du groupe. Kaës postule également que la diffraction est une technique de camouflage et de censure par dissémination des éléments psychiques. Le regroupement de ces derniers, par le psychanalyste, va permettre de recomposer la figure de l'objet censuré945. Finalement, selon le même auteur, en situation de groupe, 944 Kaês R., Intertransfert et analyse inter-transferentielle dans le travail psychanalytique conduit par plusieurs psychanalystes, in Filigrame, volume 13, numéro 2, 2004, p. 9 945 Kaës R., Les théories psychanalytiques du groupe, Que sais-je?, PUF, 1999, p. 74 282 pour un sujet, "une constellation déterminée des objets infantiles et les liens entre ces objets est électivement mobilisée. Nous avons affaire à un double processus de diffraction et de connexion des transferts946 ". En situation groupale de Musicodrame Analytique, nous observons également des phénomènes de diffraction du transfert. Voici un exemple de ce phénomène. Il s'agit encore du cas clinique d'Elsa, cité plus haut. Dans l'improvisation groupale du musicodrame que réalise le groupe, et qui met en musique son histoire, Elsa fait un mouvement de "transfert de pensées" qui concerne l'identité du "personnage masculin" qui apparaît dans son histoire écrite dans la séance, mais aussi dans l'histoire réelle de sa grand-mère maternelle. Ce transfert de pensées va se diffracter sur plusieurs membres du groupe, et il va apparaître ainsi "déguisé" pendant l'improvisation musicale. Nous allons observer que, pendant l'improvisation, un membre du groupe prononcera le prénom de la grand-mère (sans l'avoir jamais entendu, bien sûr), un autre incarnera musicalement le frère-violeur, moi-même j'associerai à un chant qui se lie à l'histoire du mariage de la grand-mère, etc. Nous allons finalement arriver à connecter l'histoire de la grand-mère d'Elsa, telle qu'elle la perçoit dans sa réalité psychique, et contourner ainsi la censure de son moi, en connectant les associations libres musicales et verbales de plusieurs membres du groupe. Ce regroupement d'éléments psychiques diffractés afin de recomposer l'histoire censurée se fait par le thérapeute qui mène le groupe et elle peut être proposée au patient en question si le thérapeute estime que c'est un bon moment pour ce dernier d'entendre une interprétation. Nous allons à présent évoquer une notion encore, empruntée à l'analyse de groupes, qui peut décrire très efficacement certains phénomènes que nous observons en situation de Musicodrame Analytique. Il s'agit de la notion de groupe interne, décrite par plusieurs psychanalystes (Pichon-Rivière, Napolitani, Kaës, Rouchy), qui l'ont abordé chacun de leur propre façon. Nous nous sentons ici plus proche du groupe interne tel qu'il a été présenté par Pichon-Rivière et Napolitani et, plus tard, par Rouchy. Pichon-Rivière, qui est à l'origine de ce terme, parle d'une reconstitution intra-systémique de la trame relationnelle, par intériorisation du système des rapports intersubjectifs et sociaux dont a émergé le sujet : souvent, il s'agit d'une intériorisation des liens familiaux947. Pour Rouchy "Le groupe interne s'est constitué à partir des liens inconscients qui ont été intériorisés au sein du groupe d'appartenance primaire. C'est la résurgence, la répétition, la reproduction 946 947 Ibid. p. 9 Kaës R., Les théories psychanalytiques du groupe, Que sais-je?, PUF, 1999, p. 109-110 283 de ces liens qui sont sollicités dans le transfert tant dans la cure psychanalytique qu'en analyse de groupe948". Rouchy explique, à ce propos, que ce sont donc non seulement des objets partiels ou des personnages, mais aussi des éléments recomposés des réseaux d'interactions familiaux qui peuvent être transférés dans le groupe (connexions). Ainsi, il est possible que ce soit plutôt ces connexions qui soient transférées, les rapports eux-mêmes au lieu d'une substitution simple d'un personnage important dans le passé par le personnage du psychanalyste 949. Effectivement, en situation de Musicodrame Analy et particulièrement dans la phase du jeu musical improvisé par le groupe, nous observons souvent le transfert d'une situation interne entière, d'un système de liens qui lie les membres d'un groupe, qui a été important pour le développement du patient auparavant ou pour la situation qu'il est en train de nous décrire. Il la transpose dans l'ici et maintenant, dans ce groupe actuel qui est en train de jouer musicalement son histoire ou son dessin. Ainsi, nous observons que la façon dont vont se lier musicalement les membres de notre groupe de Musicodrame Analytique révèle, par exemple, d'une façon extrêmement précise, les liens entre les membres de la famille du patient!950 Bien évidement, quand le groupe interne est transféré au groupe de Musicodrame Analytique et se joue en musique, les phénomènes de connexion et de diffraction du transfert, décrits auparavant trouvent leur place. Nous invitons, sur ce point, le lecteur à consulter le cas clinique d'Aïsha, décrit dans le chapitre 4 de cette Partie, qui illustre très bien le transfert du groupe interne (famille) de la patiente au groupe d'improvisation musicale de notre séance. Par la suite, nous allons évoquer les quatre objets du transfert dans les groupes, décrits par Bejerano, parce que cette classification peut également aider à comprendre les différentes facettes du transfert que nous observons en situation de Musicodrame Analytique. Selon Bejerano951 donc, le groupe propose quatre objets transférentiels spécifiques : 1. "Le moniteur (transfert central), qui fonctionne comme imago paternelle aux niveaux archaïques (comme surmoi infantile ou père cruel de la horde) ou oedipien et 948 Rouchy J-
C., Le
groupe
,
espace analyti
que
,
clinique et théorie, Toulouse, E
rès
, 2008 (1ère Ed. 1998), p. 182 949 Rouchy J-C., Processus archaïques et transfert en analyse de groupe, Connexions, Νο 31, Toulouse, Érès, 1980, p. 36-60
950 Nous invitons le lecteur à lire le cas cliniique d'Aïsha et celui de Magda, analysées plus loin dans cette Partie V de notre thèse (Partie V., chapitre 4. Etude de ces cliniques) 951 Bejerano
A
., Résistance
et transfer
t dans les
group
es
, in
Anzieu
D. et al, Le travail psychanaly
tique dans les
group
es
, 1.
cadre et processus, Dunod, Paris,
1982
,
p
.
138
-
139
284 sociétal, (surmoi et idéal du moi, après révolte contre le chef de la horde et pacte des frères), selon la nature et les moments du groupe"952. Notons que, selon notre expérience, en Musicodrame Analytique le transfert central sur le moniteur peut très bien être, également, un transfert de figure maternelle ou, moins uvent, un transfert latéral / fraternel. Un transfert positif envers le moniteur se traduit souvent à travers l'attribution, à son personnage, de rôles qui reflètent une imago paternelle (par exemple des rôles qui reflètent la sauvegarde de la loi, l'idéal du moi ou le surmoi, etc.) ou bien une imago maternelle (par exemple des rôles qui reflètent la contenance, la bienveillance au groupe etc.). Il arrive aussi souvent de voir dans ce processus une identification du patient avec le moniteur / psychanalyste. 952 Ibid., p. 138 Nous invitons le lecteur à lire le cas d'Aïsha, analysé dans le chapitre 4., de cette même Partie, à propos de l'identification projective envers le moniteur 954 Bejerano A., Résistance et transfert dans les groupes, in Anzieu D. et al, Le travail psychanalytique dans les groupes, 1. cadre et processus, Dunod, Paris, 1982, p. 138 955 pour les réprésentations du groupe voir Kaës R., L'appareil psychique groupal, Dunod, Paris, 1976, p.5792. L'auteur développe là l'émergence de l'image du corps matérnel, de la fantasmatique originaire ainsi que des complexes familiaux et d'imagos quand le groupe se réprésente. 285 953
Il s'agit d'un groupe de formation composé de 13 participantes, exclusivement des femmes donc; un groupe fermé dont nous faisions la 2ème séance. J'ai proposé d'écouter le morceau "Aquarium" de Camille Saint
-
Saëns ; et j'ai demandé au groupe de
dessiner
pendant
l'écoute musicale. Le morceau est passé plusieurs fois, puisqu'il est court en durée, pour laisser aux participantes le temps nécessaire pour
élaborer leur dessin. Dans les dessins du groupe qui ont été
réalisés pendant cette écoute, la thématique de la vie et de ses origines était très présente. Nous avons vu, entre autres, des dessins qui montraient de l'eau qui coule, un cycle de vie, un arbre de la vie etc. Il s'agissait, évidement, de la traduction groupale de la "tonalité
affect
ive
" du morceau écouté que
j'ai proposé. Ce
nʼest pas sans raison que
j'avais choisi ce morceau en rapport avec ce groupe. Il s'agissait d'un groupe qui existait avant que notre travail se mette
place et avait déjà donc sa propre histoire : un groupe très lié en soi mais qui se sentait "attaqué", persécuté par le cadre de l'institution qui organisait leur formation. Mon choix a été sans doute lié à ce vécu, qui m'a été transmis verbalement et musicalement pendant notre première séance. Après-coup, je pense que je voulais inviter ce groupe a refaire groupe-corps, à retourner aux origines, pour que notre travail puisse naître. Parmi les dessins du groupe, il y en avait un qui présentait des formes abstraites dans d'autres formes, que sa créatrice a nommé "le chaos primordial, qui ébauche la vie; des formes primitives - une forme qui peut prendre plein de formes". J'ai demandé au groupe de choisir un dessin à mettre en musique, et le groupe a choisi ce dessin. 3. "Les autres (transferts latéraux) comme imagos fraternelles : dans le cadre de la famille (relation primitive à la mère, puis au tiers : le père, l'ordre symbolique dans le cadre sociétal (rivalité, destructivité) puis dans le cadre sociétal (pacte des frères, compétition, organisation, co-responsabilité, coopération)"956. En situation de Musicodrame Analytique, nous avons observé que lors de la phase du jeu musical, un transfert latéral peut très bien désigner un transfert de figure paternelle ou maternelle sur le membre du groupe en question, si le '"créateur" identifie sur cette personne des caractéristiques lui rappelant ces figures importantes pour lui auparavant. Dans ce sens, un transfert latéral (fraternel) peut avoir lieu non seulement envers les 956 Bejerano A., Résistance et transfert dans les groupes, in Anzieu D. et al, Le travail psychanalytique dans les groupes, 1. cadre et processus, Dunod, Paris, 1982, p. 139 286 autres participants du groupe mais aussi envers le moniteur957. Dans tous les cas, le transfert latéral (fraternel) nous montre, dans le jeu musical, les qualités de cette relation fraternelle transférée (les connexions du groupe interne - famille); ça peut aussi bien être une relation de soutien, de solidarité qu'une relation antagoniste, vécue comme menaçante. 4. Le monde extérieur (transfert sociétal), comme signifiant du pouvoir abusif, de la loi tyrannique (la horde), comme dehors menaçant, et comme lieu de projection de la destructivité individuelle (Thanatos) - mais aussi d'Eros (espoir d'un monde meilleur, représentation d'un devenir plus conforme à la nature humaine et sociétale, efforts dans dans ce sens - parfois, sous des formes défensives : mythes et idéologies)958. Dans le cas d'un travail en institution, par exemple, en Musicodrame Analytique nous observons souvent un transfert sociétal lié à l'institution et ce qu'elle représente pour le patient et le groupe. L'institution peut représenter ainsi le "monde extérieur". En situation de Musicodrame Analytique, la distinction entre transfert et identification projective émerge souvent. Dans la phase d'attribution de rôles, comme nous l'avons souligné auparavant, par notre consigne nous invitons le '"créateur" à effectuer de multiples transferts aux membres du groupe, qui transfère finalement son groupe interne à notre groupe de jeu musical. Ainsi, nous observons souvent le phénomène de "transfert de pensées" du "créateur" envers des membres du groupe distincts, mais aussi le phénomène de transmission des connexions du groupe interne du "créateur", qui se traduit dans les relations de notre jeu musical. Nous constatons, quand nous analysons la musique improvisée de nos groupes, que lorsque le "créateur" distribue des rôles, il projette sur eux d'une façon inconsciente, des informations concernant ces rôles et les connexions qui régissent leur relation. Conséquemment, nous constatons dans le jeu musical que tel rôle, qui incarne par exemple un transfert de la mère du patient, nous donne par son jeu musical des informations utiles sur le personnage de cette mère, telle qu'elle est perçue en réalité psychique par notre patient. Les relations musicales établies dans notre jeu musical improvisé reflètent donc les vraies relations-connexions du groupe interne de notre "créateur", qui se trouvent ainsi "extériorisées", projetées sur nous. 957 Nous invitons le lecteur à lire le cas clinique de Magda, décrit en chapitre 4. de cette même partie, où elle m'attribue le rôle d'"autres oiseaux dans le tribu". Il
s'agit là bien d'un transfert latéral/fraternel.
958 Bejerano A., Résistance et transfert dans les groupes, in Anzieu D. et al, Le travail psychanalytique dans les groupes, 1. cadre et processus, Dunod, Paris, 1982, p. 139 287
S'agit-il donc
de
ts, ou d'identifications projectives? La distinction est parfois difficile. L'identification projective est un mécanisme de défense, introduit initialement dans la théorie psychanalytique par Mélanie Klein959, elle caractérise la phase schizoparanoïde de la relation d'objet. Elle intervient précocement dans le processus de développement de l'enfant, dans la relation parent enfant, et de ce fait dans toutes les relations interpersonnelles investies, en particulier la relation thérapeutique. Elle devient pathologique si elle est utilisée d'une façon massive et trop importante dans la vie actuelle du sujet. Nous observons l'identification projective souvent en situation de Musicodrame Analytique; Selon Rouchy, encore, la diffraction du transfert qui se passe en situation de groupe "a pour conséquence de centrer le processus transférentiel sur les rapports entre les personnes plus que sur les personnes elles-mêmes. Ce sont des connexions, des liens qui sont transférés960". Ceci n'est pas le cas dans l'identification projective, où le sujet dépose certaines parties de soi (clivées) dans un objet, et s'identifie ensuite à cet objet. Le sujet peut faire cela pour expulser des éléments indésirables en dehors de lui, ou bien pour mettre à l'abri/protéger des aspects bons, ou encore pour faire de l'objet, le délégué de ses désirs interdits. Il y a également une dimension d'emprise dans l'identification projective, comme le sujet s'approprie l'objet pour le commander, le maîtriser. Selon Ogden, "les sentiments projetés, après avoir été assimilés psychologiquement par le réceptacle, sont re-intériorisés par le sujet de la projection961" : le sujet qui projette attend alors, quelque part, de ses réceptacles cette assimilation psychologique, comme sʼil n'était pas en mesure de la faire par lui-même et pour cela il dépose les éléments psychiques qui lui appartiennent chez les autres. Aussi, dans l'identification projective le "réceptacle" ne réalise pas qu'il est en train de métaboliser des pensées / éléments qui ne sont pas à lui, et semble être en général "d'accord" avec le sujet qui projette. C'est par cela, d'ailleurs, quʼOdgen distingue l'identification projective du transfert. Dans le transfert au contraire, le sujet (psychanalyste) qui est l'objet du transfert est conscient que les vements psychiques et les pensées qu'il ressent ne proviennent pas de lui mais du patient. Il est donc en 959 Klein M. (1952), Notes on some schizoid mechanisms, in International Journal of Psychoanalysis, 27:99110 960 Rouchy J-C., Le groupe, espace analytique, clinique et théorie, Toulouse, Erès, 2008 (1ère Ed. 1998), p. 193 961 Ogden T-H. (1979), On projective identification, in International Journal of Psychoanalysis, 60, p. 358 288 mesure de les élaborer et, au bon moment, de fournir une interprétation au patient qui va ainsi l'aider à surmonter le transfert962. Suite à tous ces éléments, nous pensons que la transmission d'éléments psychiques (pensées, affects, connexions, etc) qui ont lieu en situation de Musicodrame Analytique sont de l'ordre du transfert, à condition que le psychanalyste-moniteur puisse les élaborer. Dans ce cas, il revient encore au moniteur/psychanalyste de repérer ces mouvements et de fournir des interprétations, comme l'indique Freud, seulement "au bon moment". Pour terminer avec cette analyse, nous allons porter notre attention aux phénomènes du lien, dans le groupe de Musicodrame Analytique. Comme dans tout groupe, nous observons aussi en Musicodrame Analytique le phénomène des alliances inconscientes963, qui participent aux fonctions méta-défensives décrites par E. Jaques : "le groupe doit offrir à ses membres des organisations défensives communes sur lesquelles ils adossent leurs propres mécanismes individuels de défense, notamment contre les angoisses psychotiques et archaïques réactivés par la régression dans la situation de 962 Selon Freud, "nous surmontons le transfert quand nous démontrons au malade que ses sentiments ne dérivent pas de la situation actuelle et ne concernent pas la personne du médecin, mais qu'ils répètent ce qui s'est présenté à lui déjà une fois antérieurement". Le médecin alors doit traduire, interpréter le transfert qu'il ressent de la part du patient, mais cette interprétation doit être livrée à lui seulement "au bon moment".
Freud S., Leçons d'introduction à la psychanalyse, XXVIIe, G.W. XI, p. 461 963
Selon Kaës, "Nous appelons alliance inconsciente une formation psychique intersubjective construite par les sujets d'un lien pour renforcer en chacun d'eux certains processus, certaines fonctions, ou certaines structures issues du refoulement ou du déni, ou du désaveu, et dont ils tirent un bénéfice tel que le lien qui les conjoint prend pour leur vie psychique une valeur décissive". In Kaës R., Les théories psychanalytiques du groupe, Que sais-je?, PUF, 1999, p. 98 289 groupe964". Ainsi, le leadership et 'idéalisation des idéaux partagés constituent des métadéfenses qui se mettent en place. Egalement, nous retrouvons en groupe de Musicodrame Analytique toutes les fonctions intermédiaires qu'accomplissent certains sujets ou qui leur sont assignées par la situation de lien groupale : porte-parole, porte-symptôme, porte-rêve, porte-idéal, portemort, bouc émissaire ou sacrificateur. Kaës a proposé le concept de fonction phorique pour qualifier ces fonctions dans l'agencement du lien intersubjectif965. Dans le Musicodrame Analytique, puisque l'expression du sens passe également par l'expression musicale, la musique peut également soutenir cette fonction phorique. Il peut y avoir donc un porte-parole musical, qui exprime musicalement un processus groupal qui, jusqu'à ce moment restait latent, caché à l'intérieur du groupe. Enfin, nous allons questionner si dans le Musicodrame Analytique, nous pouvons observer un transfert envers la musique. Selon Chouvier966 il y a trois registres de l'activité symbolisante : le niveau expressif (projeter en dehors de soi), le niveau signifiant (dimension signifiante de l'activité créatrice) et le niveau relationnel. Ce dernier niveau porte la dimension du transfert. Chouvier précise que le transfert est pris ici au sens freudien : toute relation inconsciente qui unit le sujet à un autre sujet pris comme support de ce qu'il n'est pas mais qu'il pourrait être; il précise aussi que toute oeuvre est destinale. A ce point, il cite les propos de Guérin967 concernant le transfert sur l'objet de création : l'oeuvre, comme objet médiatisant, est réalisée pour quelqu'un d'autre et il y a, à ce niveau là, déplacement de la relation d'objet sur l'objet et reprise de l'objet comme objet de relation. Comment cette dimension peut être ressentie dans la création musicale, et précisément dans le Musicodrame Analytique qui nous intéresse ici? Dans une création musicale donnée, il y aurait pour le compositeur la dimension expressive, signifiante et aussi la dimension du transfert envers la musique, si on considère que toute oeuvre est destinale. Comment interpréter ce transfert, sʼil n'est pas adressé à une personne physique mais à l'objet musique? A notre avis, l'interprétation de la dimension relationnelle de la musique, pour une composition donnée, passera par l'interprétation du 964 cité par Kaës R., Les théories psychanalytiques
du
groupe, Que sais-je?, PUF, 1999, p. 97 Ibid., p. 101-104
966 Chouvier B., Les fonctions médiatrices de l'objet, in Chouvier B. sous la direction de, Les processus psychiques de la médiation, Dunod, Paris, 2002 p. 41-43 967 Guérin C., L'objet de relation ou la transparence de l'obsta cle, à propos du film de W. Wenders ParisTexas, Actes des Journées d'études ddu COR : Objet culturel, travail psychique, Alres, hôpital JosephImbert, 1992, p. 117-147, cité par Chouvier B., Les fonctions médiatrices de l'objet, in Chouvier B. sous la direction de, Les processus psychiques de la médiation, Dunod, Paris, 2002 p. 41 290 965 niveau signifiant de la composition, par le musicien interprète qui jouera cette oeuvre. Par sa structure, comme nous avons vu, la musique reflète très bien le vécu relationnel de l'homme. 4. Etudes de cas
Nous allons étudier à présent quelques cas cliniques, afin de mieux comprendre l'application du Musicodrame Analytique en thérapie. 4.1. Aïsha
La patiente, que nous allons appeler Aïsha, a été suivie en groupe de Musicodrame Analytique depuis l'âge de 19 ans, pendant deux ans et demi. Nous allons exposer par la suite une synthèse des premières séances de son suivi et de son évolution. Aïsha souffrait d'une névrose obsessionnelle-compulsive depuis l'âge de 9 ans. Ses TOCs étaient divers et persistants : elle mettait les choses à lʼenvers, sʼhabillait à lʼenvers, répétait des mots dans sa tête à lʼenvers, tournait autour dʼelle-même, mettait des choses par terre ; elle avait besoin de remplir ses poches, elle devait également se priver de certains aliments et boire beaucoup dʼeau. Ces troubles étaient apparus suite à une expérience traumatique de son enfance, où son père était parti à la guerre pendant quelques mois. La petite fille avait su la nouvelle, à lʼépoque, deux jours seulement avant son départ et cette annonce lʼavait choquée; de plus il lui avait été «interdit» par sa mère de pleurer ou de manifester ses émotions pour ne pas laisser «une mauvaise image» à son père. On lui avait demandé de se comporter comme une adulte. Suite à ce départ, Aïsha - dʼune éducation religieuse - sʼétait enfermée dans sa chambre pour prier seule pour que son père rentre à la maison sain et sauf. Elle pleurait là, sans se montrer. Cʼest pendant cette période que les TOCs sont apparus. Elle faisait des rituels, pour assurer la bonne santé et le retour de son père. Comme ce dernier est revenu quelques mois plus tard en effet sain et sauf, elle sʼétait persuadée que ses rituels avaient bien fonctionné, quʼils av protégé son père ; elle avait donc continué à les pratiquer depuis, dans un but de protection contre les malheurs qui pourraient lui arriver à elle. A chaque fois que quelque chose de positif survenait ou quʼelle arrivait à prendre du plaisir, elle était persuadée que quelque chose de mal allait forcément se produire par la suite, donc elle se punissait en sʼarrachant les cheveux et réalisait ses rituels pour empêcher les malheurs de venir à elle. Elle disait quʼelle essayait 292 dʼ «inverser le bien et le mal», ceci nous avait fait penser au fait quʼelle sʼhabillait à lʼenvers, mettait les choses à lʼenvers, etc. Dans les deux premiers mois de son suivi, son expression avait tourné autour de la famille et de sa place en son sein, surtout en tant quʼ«enfant malade». Elle nous avait manifesté entre autres sa place dans la famille à travers une histoire quʼelle avait écrite pendant une séance, quelques mois après le début de sa prise en charge, suite à lʼécoute d'une composition dʼEnnio Morricone pour le film «Cinéma Paradiso»968. Il s'agit d'une musique faite pour le film homonyme, qui évoque des sentiments comme la naïveté et la tendresse de l'enfance et de l'adolescence - cette "tonalité affective" avait été bel et bien présente dans les productions des autres membres du groupe. Nous allons, par la suite, détailler cette séance, en décrivant l'histoire que la jeune fille a écrite, et aussi la musique improvisée du musicodrame, que nous avons joué en mettant en scène cette histoire. Ensuite, nous allons analyser cette musique et sa signification pour notre patiente. Dans l'histoire d'Aïsha, une mère racontait à sa fille comment un enfant malade a pu surmonter ses difficultés : "Un couple, un homme et une femme se baladent dans la campagne, ils s'embrassent; tout va bien, leurs enfants jouent autour d'eux. Ils rentrent à la maison et la mère raconte aux enfants l'histoire d'une fille qui était malade (par exemple à cause d'un accident de voiture) mais qui avait su surmonter ses problèmes. Il faut profiter de la vie". La tonalité affective de l'oeuvre, qui peut se résumer à la naïveté et la tendresse de l'enfance, était bien présente dans son histoire. Nous avons pensé qu'elle nous parlait là de sa propre enfance et de sa maladie - il s agissait notamment d'une projection de sa propre histoire : elle vivait au sein d'une famille où tout allait bien et où tout d'un coup quelque chose de terrible était arrivé. Dans l'histoire, nous observons la manifestation de son désir de guérir, et se manifeste aussi le désir inassouvi d'être aidée par sa mère. Nous avons commenté cette histoire en groupe. C'était une des premières séances de ce groupe, et l'analyse verbale n'a pas pu aller très loin : personne, à part la thérapeute, n'a fait le lien entre Aïsha et l'enfant malade de son histoire. J'ai décidé de mettre en musique cette histoire dans la phase active du Musicodrame Analytique, justement pour travailler sur le début de son traumatisme, tel qu'elle nous l'avait raconté. La patiente a distribué les rôles de son histoire aux participants du groupe, qui, à ce jour, étaient 5 : moi-même, une infirmière, une stagiaire musicothérapeute, elle-même et un autre jeune patient. Là, nous avons observé une distribution de rôles «à lʼenvers», 968 Ecoute cd annexes, titre No 2 : Ennio Moricone - Musique du film Cinema Paradiso, Final Theme 293 comme elle le faisait dans ses TOCs : une jeune fille toute menue (la jeune stagiaire) avait incarné le père, un autre patient homme tout discret faisait la mère, et moi jʼétais lʼenfant malade. Elle-même, ainsi que l'infirmière présente dans notre groupe avaient incarné les autres enfants de la famille. Il s'agissait là d'un transfert clair du groupe interne de sa famille, envers notre groupe de jeu musical. Ensuite, tous les "rôles" ont choisi leurs propres instruments : le père a pris la grosse percussion djembe, la mère a pris un petit tambourin sur cadre, moi j'ai choisi le piano et les autres enfants ont pris respectivement le métallophone (l'infirmière) et une maraca (Aïsha). Avant de lire la suite, où nous analysons le jeu improvisé du musicodrame que nous avons produit pendant cette séance, nous invitons le lecteur à écouter cette musique969. Notre improvisation dure 5'35", une durée relativement longue pour cette courte histoire que nous avons mise en musique. Au tout début du morceau, nous notons que le "père militaire" incarné par la jeune stagiaire est omniprésent, et donne l'ordre, avec son fort et imposant de sa percussion djembe. Tous les autres instruments s'accordent vite autour de lui. Les enfants, joués surtout par le métallophone (le maraca est beaucoup moins présent, dans l'enregistrement), donnent l'impression d'être heureux, insouciants et le métallophone est le soliste mélodique de ce passage musical. A un moment donné, la tragédie arrive : le piano, qui incarne l'enfant malade, joue une mélodie minimaliste grave et dissonante, avec des longues pauses entre ses phrases. Une pulsation s'installe peu de temps après, dans les fréquences médiums du piano, et une petite mélodie se structure par le piano avec l'accompagnement du petit tambourin seulement : tous les autres instruments sont silencieux. Le piano prend son temps, et finit par jouer une mélodie dans les aiguës; à ce moment là, les percussions entrent, pour structurer une musique qui rappelle celle du début de l'improvisation, sauf que cette fois l'instrument soliste est le piano, dans les aigus, le métallophone ayant disparu. Malgré lʼapparence qui était «à lʼenvers», on a pu noter que la jeune stagiaire qui a incarné le père montrait un dynamisme assez autoritaire et le patient masculin une passivité assez «féminine» dans leur jeu, respectivement. Est-ce que ces rôles auraient été inversés dans sa famille, aussi? Ou incarnaient-ils, tout simplement, le transfert du personnage que la patiente leur avait transmis? En choisissant de me mettre à la place de lʼenfant malade, elle cherchait évidemment à comprendre comment la thérapeute allait faire pour surmonter ses propres difficultés. A ce moment, elle s'identifie à moi et me Avant le début de la maladie, dans le jeu musical, je-elle ne me sentais pas avoir une place à moi dans le groupe-famille : au niveau musical, ceci se reflète dans le fait que je ne me suis pas permise de jouer. C'était le métallophone, qui incarnait ses-mes frères et soeurs qui occupaient toute la place dans la famille, pendant cette phase. La maladie a imposé à la famille une pause : le père, les autres enfants, toute la famille ont été oblig és d'écouter l'enfant malade-piano : tous les autres instruments se sont arrêtés à l'arrivée tragique du piano. La seule personne qui a pu me-l'accompagner dans ma-sa maladie au tout début, quand la situation était très difficile, était la mère-tambourin, qui s'est manifestée par un jeu discret mais stable et répétitif. Quand le problème a pu diminuer progressivement et l'enfant malade a commencé à retrouver un certain équilibre, presque exclusivement par ses propres forces, la famille a retrouvé un nouveau rythme, mais le soliste mélodique avait changé : toute la famille-musique tournait maintenant autour de l'enfant maladepiano, qui a réussi à occuper la place qu'il n'arrivait pas à occuper auparavant. C'est comme si l'enfant malade avait besoin de la maladie pour avoir une place dans la famille. Et quelle place, la place centrale du soliste! L'analyse de mon contre-transfert dans ce jeu musical m'a montré que cet enfant, qui était la cinquième de sa famille, n'existait pas avant la maladie, et quʼil avait fallu qu'elle tombe malade pour avoir l'attention de la famille et une place en son sein. Nous pouvons noter à ce point la quantité d'informations et d'émotions que nous retrouvons dans la musique de notre musicodrame, mais aussi dans l'analyse transfertcontre-transférentielle du jeu musical. Il s'agit d'un transfert de son groupe interne "famille" sur notre groupe musical, avec toutes les connexions transférées, traduisant avec une grande précision les relations des membres de la famille entre eux. Ce sont des informations très importantes sur notre patiente, auxquelles nous n'avions aucun accès par le code verbal auparavant, et qui se sont manifestées d'une façon brute et massive dans le jeu musical. Dans les mois qui ont suivi, Aïsha a commencé à sʼexprimer à travers une série de dessins, pendant lʼécoute musicale, dans la première phase du Musicodrame Analytique. Les dessins était toujours «enfantins» et souvent avec des soleils, des coeurs et des petits nuages qui nous montraient un côté «tout va bien» enfantin, un déni de tout danger, peur ou menace. Cʼest comme si elle voulait rester enfant, malgré ses 19 ans. 295 personnage se plie, sont ses propres rituels, destinés à son «dieu» interne, menaçant et prêt à la punir, pour lʼapaiser et éviter quʼil ne lui envoie des malheurs. La mise en musique dans le musicodrame a été impressionnante : elle m avait mise encore une fois dans le rôle de la victime, pour voir comment jʼallais réagir avec tout ce que je devais subir. Il s'agissait encore une fois d'une identification projective. Le groupe mʼavait vraiment «torturée» musicalement avec des coups de percussions violents et agressifs, et elle-même avait verbalisé à la fin quʼelle aurait voulu que ma «torture» dure plus longtemps, révélant un aspect sadomasochiste de son trouble. Rappelons d'ailleurs que, pour Freud, "un sadique est en même temps un masochiste"972. Mon contretransfert, en jouant musicalement le rôle qu'elle m'avait attribué, mʼavait indiqué aussi des informations importantes. Je ne me suis sentie lʼenvie de jouer dʼaucun instrument musical pendant cette improvisation, j'ai seulement utilisé mon corps : ma voix et mes pieds. 972 Freud S. (1905), Trois essasais sur la théorie séxuelle, tr. fr., Gallimard, Paris, 1987, p. 71 Ecoute cd annexes, titre No 6 : Musicodrame Aïsha, Le rituel 974 Ecoute cd annexes, titre No 7 : Angelo Bandalamenti - Musique du film "The Comfort of Strangers", Main title (1990) 298 973 cet
abandon mais aussi
sur
ce qui sʼétait
pass
é lors
du
retour de
son
père, quelques mois plus tard. Elle avait ainsi pu lui parler musicalement de ses émotions, quand il la quittait, mais aussi de sa colère et de sa joie, en même temps, quand il rentrait. Aïsha nous a montré pendant la période de sa prise en charge des aspects clefs de sa pathologie : elle nous a dit quʼelle avait été abandonnée, quʼelle avait eu peur, quʼelle avait dû passer par un «passage à lʼâge adulte» dur et violent alors quʼelle nʼétait pas encore prête à le faire et du fait quʼelle présentait une fixation à cet âge de son enfance ; elle était torturée par une peur intérieure, une angoisse que des malheurs aussi grands que ce traumatisme enfantin pourraient lui arriver de nouveau chaque jour qui passe, et elle essayait de les éviter en pratiquant ses rituels. La forme de sa pratique - les TOCs - était influencée par son éducation religieuse, elle avait inventé une «religion à elle» avec ses propres rituels pour apaiser son dieu menaçant et lʼempêcher de la «punir». Des sentiments de culpabilité et dʼagressivité étaient derrière ses rituels, ainsi quʼun aspect sadomasochiste; elle prenait du plaisir en se «torturant», elle nous disait que cʼétait agréable quand elle sʼarrachait les cheveux. Notons qu'à une certaine ode de son adolescence, elle portait une perruque parce quʼelle sʼétait arraché presque complètement les cheveux. Nous associons ce dernier symptôme - appelé dans la psychiatrie trichotylomanie - avec les coutumes des femmes pleureuses, dans les Thrinoi de la Grèce antique : encore une fois, à travers ce symptôme, Aïsha devient une femme qui pleure son bien aimé. Les thématiques de séparation et celles de l'agressivité sadomasochiste ont persisté pendant un an presque après le début de sa prise en charge, en se manifestant dans les productions (écrits et dessins) qu'elle créait pendant l'écoute musicale, avant de disparaître progressivement, pour donner place à d'autres thématiques plus liés aux problématiques des jeunes adultes de son âge : la sexualité, l'amour idéal, la famille, etc. 4.2. Magda
Nous allons analyser maintenant une séance de Musicodrame Analytique qui a eu lieu au sein d'un groupe éducatif de musicothérapie, en Grèce. J'ai choisi de présenter ce cas, et cette improvisation musicale en particulier, dans le cadre de cette thèse parce que je trouve qu'il s'agit d'un exemple qui montre combien nous pouvons avoir accès, à travers la musique jouée par nos patients, à des informations concernant leur réalité psychique qui seraient autrement difficilement accessibles par le langage. D'un côté, je voudrais souligner à quel point le transfert du groupe interne au groupe de musique met à notre disposition des informations concrètes sur les liens et les relations du sujet à son groupe d'appartenance primaire; de l'autre côté, combien la musique, et plus concrètement la mélodie jouée par le groupe, porte en elle la vraie dimension émotionnelle de la situation décrite. Les participants étaient tous musiciens et ils étaient 4 au total. La séance en question était la première séance de Musicodrame Analytique de ce groupe. Magda, la jeune fille sur laquelle nous allons focaliser par la suite est une jeune fille de trente ans. Nous n'avions pas beaucoup d'informations sur elle, puisqu'il s'agissait d'un groupe éducatif et non pas d'un groupe thérapeutique; il n'y avait pas d'entretien avec les participants avant d'entrer dans le groupe et, puisque il s'agissait d'un groupe de formation, les séances se sont terminées à la fin de la formation. Mais nous avons appris, dans la suite de l'atelier, que c'était une jeune chanteuse de jazz, issue d'une famille de chanteurs, qui a eu ces dernières années des problèmes vocaux d'ordre plutôt psychosomatique que physiologique. Ses problèmes vocaux l'av obligé à arrêter la scène et elle n'avait pas été très active professionnellement ces deux dernières années. Néanmoins, même si elle ne travaillait pas, elle n'avait pas l'air d'avoir des problèmes financiers. Elle faisait un travail d'analyse en individuel et nous avions, d'ailleurs, l'impression qu'elle venait chercher dans ce groupe quelque chose de l'ordre du thérapeutique pour ses propres problèmes, plutôt qu'une formation en musicothérapie. Nous avons appris aussi, par la suite, qu'elle souffrait d'un trouble de comportement alimentaire qu'elle nomma des "crises de boulimie", sans nous donner plus de détails cliniques. Mais nous avons découvert, à travers une histoire qu'elle a écrit plus tard dans 302 le travail groupal975, qu'il y a dans son fonctionnement psychique quelque chose de l'ordre d'une avidité pour les plaisirs de l'oralité, suivi d'un sentiment de culpabilité et de comportements d'agressivité-punition qui sont répétés avec compulsion envers elle-même, suite à cette avidité. Les crises de boulimie suivent ce chemin, par rapport à l'alimentation. Aussi, sa conduite consistant à "dévorer" le chant et se punir ensuite / se priver de celui-ci à travers des problèmes psychosomatiques vocaux, nous rappelle le même processus. Freud976 a, tout d'abord, souligné le lien entre la sexualité orale et l'alimentation, mais aussi d'autres "plaisirs buccaux" comme fumer et boire. Il considère que chez les enfants qui suçotent la zone labiale est constitutionnellement renforcée et que, si le refoulement intervient chez ces personnes une fois qu'elles sont devenues adultes, le dégoût pour la nourriture et les vomissements hystériques peuvent apparaître977. Il souligne également que, pendant le stade de sexualité oral, l'activité sexuelle n'est pas encore séparée de l'ingestion d'aliments, et le but sexuel réside dans l'incorporation de l'objet. Nous avons exposé en Partie IV., chapitre 3.1.1., à ce propos, l'hypothèse de Marie-France Castarède978 que le bébé incorpore la voix de la mère comme il incorpore son lait, pour constituer ainsi l'"enveloppe vocale". Il nous semble que les problématiques psychosomatiques de Magda par rapport à la vocalisation mais aussi ses crises de boulimie, pendant lesquelles elle dévore aussi bien l'alimentation que le chant, trouvent là leur explication théo rique. Nous allons à présent décrire la première séance de ce groupe. L'écoute musicale, la première étape de notre protocole, avait commencé avec le morceau de Ross Daly "Soireci"979 qui évoque pour nous le lever du soleil, le début; c'est pour ça que nous l'avions choisi pour la première séance de ce nouveau groupe. Cʼest, d'ailleurs, le premier morceau du disque "Microcosmos" dont il fait partie. C'est un début doux et harmonieux. Il 975 Voici l'histoire de Magda : "Il a croqué la pomme rouge. Elle était si délicieuse qu'il n'a pas pu se retenir, pour la manger calmement, et l'a dévorée. Puis il s'est assis sur le canapé avec la sensation de fatigue et le malaise caractéristiques, liés à son explosion boulimique. Mais peu de temps après, il a commencé à avoir faim de nouveau. Rien ne lui paraissait rationnel. Où était le sentiment de saturation suffocante qu'il avait ressenti une seconde auparavant? La prochaine scène se passe dans son estomac. Un ver danse la danse du ventre dans son ventre. Une mélodie douce le fait onduler en même temps quʼil mange la pomme déjà mastiquée qui est dans l'estomac où il habite. Quelle pomme délicieuse! Il mange, gourmand à son tour, emporté par la danse et la douce mélodie quʼon entend dans la voûte de l'estomac. Dans la chambre, notre héros mange à nouveau une pomme, d'une faim vorace, tout comme il a mangé les précédentes. Il se sent pour le moment satisfait ; mais une seconde après, le voilà affamé de nouveau" 976 Freud
S
.
(1905), Trois essasais sur la théorie séxuelle, tr. fr., Gallimard, Paris, 1987, p. 106, p. 128 977 Ibid., p. 106 978 Castarède M-F., L'enveloppe vocale, Revue de psychologie clinique et projective, No 7, 2001 979 Ecoute cd annexes, titre No 8 : Ross Daly, Soireci (featuring : Ballake Sissoko), in album Microcosmos, 2004 303
s'agit d'une composition de musique modale, qui mêle les sonorités de l'Est de la Méditerranée avec la harpe malienne "kora", jouée ici par le virtuose Ballake Sissoko. L'orchestration de l'ensemble est essentiellement faite d'instruments à cordes et le rythme est un rythme binaire de marche tranquille. Je demande à tous les participants d'écrire une histoire pendant cette écoute, qui est relativement longue (10 minutes). Voici l'histoire que Magda a écrit : "Une petite histoire. C'était l'histoire des oiseaux qui volaient d'un arbre à l'autre, mais sans tomber! Puisque le premier avait é, les autres avaient suivi, car la peur s'était effacée par le courage et la grâce du premier. Ils prirent ça comme un jeu et ils commencèrent à voler, d'un arbre à un autre, en faisant apparaître des formes créées par leurs plûmes et leurs becs. C'était comme si tout cela était une danse, qui avait comme but de ne laisser tomber aucun oiseau. Mais un petit oiseau, le plus petit dʼentre eux, a soudain perdu sa concentration et il est tombé par terre. Personne ne s'est moqué de lui, personne ne l'a méprisé. Ils ont seulement tous couru auprès de lui pour l'embrasser et ils ont continué leur jeu par terre, loin du ciel. Cette histoire a été longuement commentée dans le groupe. Notons d'abord un contraste au tout début : les oiseaux qui volaient d'un arbre à l'autre mais sans tomber! Les oiseaux, naturellement, ne tombent pas mais pour ces oiseaux apparemment le fait de voler était plus difficile. Encore, toute leur "danse" de vol entre les arbres avait comme but de ne laisser tomber aucun oiseau - comme si ce danger de tomber était là à tout moment. La nature d'une "tribu" d'oiseaux très harmonieuse et solidaire a aussi été commentée, et le rapprochement entre elle-même et l'oiseau qui est tombé a été fait également par les membres du groupe. Ils ont remarqué aussi le fait que toute la tribu a préféré rester par terre pour toujours, et faire donc quelque chose qui est contre sa nature, au lieu d'essayer de trouver des alternatives pour aider le petit oiseau à voler ou pour l'amener de nouveau vers le ciel par exemple. Quand nous lui avons demandé quelles étaient les émotions du petit oiseau qui est tombé, elle n'évoque à aucun moment la tristesse ou quelque chose d'analogue. Elle dit juste qu'il s'est vite adapté à sa nouvelle réalité. De notre côté, nous voyons dans la symbolisation de son histoire qu'elle faisait partie d'un groupe d'appartenance dont la nature était de "voler haut" : c'était sa famille, les chanteurs, qui tout comme les oiseaux attribuaient au chant les propriétés d'une élévation spirituelle. Il s'agissait, encore, d'un transfert de son groupe interne "famille" à notre groupe de musicodrame. D'ailleurs, le fait qu'elle ait choisi inconsciemment les oiseaux (qui chantent!) pour symboliser sa famille (de chanteurs) nous paraît évidemment éloquent. Elle nous a dit, par la suite, que le chant était très important pour la "reconnaissance" de quelqu'un dans sa famille - pour eux, si on ne chante pas bien, on ne vaut pas grand chose dans la vie. A un moment donné, à cause de ses problèmes vocaux, elle nʼa plus pu (ou voulu?) voler haut, elle arrêta de chanter (= elle tombe) et c'est à ce moment où, dans son histoire, on voit son désir d'être accompagnée par son groupe d'appartenance. Elle avait peur d'être méprisée par eux - peut-être l'a-t-elle été aussi. On voit, également, son désir de créer une nouvelle vie "par terre", dans un nouveau milieu pas si "élevé" que le précédent mais qui peut être aussi créatif (= "en dessinant des nouvelles formes"). Les autres oiseaux, dans son histoire, n'ont aucun désir de voler de nouveau mais au contraire restent là, à créer une nouvelle vie auprès d'elle. C'est peut-être ce qu'elle aurait demandé de son groupe d'appartenance. Aussi : avait-elle un réel désir de voler-chanter? Ceci n'est pas certain, puisqu'il n 'y a aucun effort pour se relever dans son histoire, une fois qu'elle-oiseau tombe par terre : au contraire, elle profite de cette chute pour créer une autre vie par terre. Cette histoire a été jouée en musicodrame. Magda a distribué les rôles : tous les participants sont la tribu d'oiseaux. Elle donne à Gina (une jeune fille belle, séduisante et créative) le rôle de l'oiseau qui vole en premier et à Aris (un jeune homme fin, musicien) le rôle de l'oiseau qui tombe. Une identification d'elle-même avec ce jeune homme est apparente en premier lieu mais son transfert n'est pas aussi simple. A moi, elle donne le rôle de la tribu d'oiseaux, qu'elle donne aussi à elle-même : nous avons le même rôle.
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Open Science
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Versailles
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None
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French
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Spoken
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THE LIBRARY
OF
Sarah Cooper Hewitt
presented in memory of
her father
Abram S. Hewitt
and her sister
Eleanor Garnier Hewitt
C o
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L-CM&. aA*?. /Qo^
LES VILLES D'ART CELEBRES
VERSAILLES
MÊME COLLECTION
Paris, par Georges Riat, 144 gravures.
Bruges et Ypres, par Henri Hymans, 116 gravures.
Gand et Tournai, par Henri Hymans, 120 gravures.
Cordoue et Grenade, par Ch.-Eug. Schmidt, 97 gravures.
Nimes, Arles, Orange, par Roger Peyre, 85 gravures.
Venise, par Pierre Gusman, 130 gravures.
Séville, par Ch.-Eug. Schmidt,
ni gravures.
Ravenne, par Charles Diehl, 130 gravures.
Constantinople, par H. Barth, 103 gravures.
Rome (L'Antiquité), par Emile Bertaux, 135 gravures.
Moscou, par Louis Léger, de l'Institut.
EN PREPARATION
:
Florence, par Charles Diehl.
Rome (Des catacombes à l'avènement de Jules II), par Emile Bertaux.
Rome (De l'avènement de Jules II à nos jours), par Emile Bertaux.
Rouen, par Camille Enlart.Strasbourg, par H. Welschinger.
Sienne, par André Pératé.
Les Villes d'Art célèbres
VERSAILLES
Le Château
Les Tria no ns
—
Les Jardins
— Le Musée — La
Ville
ANDRE PERATE
CONSERVATEUR ADJOINT DU MUSEE NATIONAL DE VERSAILLES
Ouvrage orné de 149 gravures
•-*-•
PARIS
LIBRAIRIE RENOUARD, H. LAURENS, ÉDITEUR
6,
RUE DE TOUR NON,
I904
6
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57=
^V
f/i.-n M n„n
G
niïliy-r
J-. J
Le Château, vu de l'avant-cour.
AVANT-PROPOS
Versailles est un
cette ville ne vaut
château avant d'être une ville,
que par ce château.
et F on
peut dire que
La longue rouie de Paris, les trois
avenues pareilles, à quadruple rangée d'ormes, qui s' acheminent lentement,
et comme
dans le vide, vers une place immense, ne sont faites que pour le
Château de Louis XIV. A peine observe-t-on, à droite et à gauche, des
maisons qui se serrent autour de deux églises; on songe à la très grande
chose qui va se découvrir par delà ces lignes d'arbres. Et
il
faut bien
avouer que d'abord la déception est égale à V attente. Des casernes ; puis,
au bout de V immense place, un amas de bâtiments discords à demi cachés
derrière une large grille ; des statues géantes et gesticulantes qui tiennent
conciliabule autour d'un pavé raboteux et interminable ; de mornes façades
-1X33)
AVANT-PROPOS
2
qui soulèvent lourdement leurs colonnes de temples grecs; un Louis
XIV
de bronze caracolant sur un haut piédestal, pour introduire noblement les
visiteurs
«
.4 toutes
les
gloires de la France », au
Musée du roi Louis-
Philippe ; enfin, tout au fond d'une cour, un petit château, rose et blanc,
avec de beaux balcons dorés: telle est Ventrée de Versailles, dont la gran-
deur mêlée de ridicule offusquera toujours,
et
ne peut être entièrement
rétablie.
Mais insiste^ ; pénétre^ aux parties de ce château que n'a point ravagées
la
médiocre imagination du roi bourgeois; ou plutôt, avant toute
visite, alle\ aux jardins, vers la
terrasse ouverte au libre horizon, par-des-
sus l'immobile océan des feuillages.
Des murailles
la
dominent, dorées
par deux siècles de soleil, et dont les fenêtres reflètent la lumière de V occident, reflétées elles-mêmes au miroir de pièces d'eau paisibles.
Là vous
sentirez rémotion d'une beauté toute d'éléments humains, beauté d'architecture, faisant œuvre d'art des bois, des eaux et des nuages, aussi bien que
des bronzes et des marbres, et du sourire mélancolique des années mortes.
Tant de souvenirs de l'histoire de France dorment ensevelis à Versailles!
Les pages qui suivent expliqueront cette beauté, montreront ce que peuvent, avec de bons ouvriers dociles,
une discipline et une volonté. D'admi-
rables études érudites ont été publiées récemment sur Versailles. Il s'agit
moins ici de détails érudits que de peinture vivante. Beaucoup défaits et
de dates, et même des recherches nouvelles, peuvent tenir en peu de lignes ;
et
ne serait-il pas possible que de la manière seule d'exposer et de grouper
des monuments
il
résultât un sens de l'art et une doctrine ?
ne remplacera point les in-folios; mais
il
Ce petit livre
en voudrait donner l'essentiel,
avec quelque chose au delà : c'est l'âme de Versailles.
La devise de Louis'jXIV, détail du plafond de l'antichambre de la Reine.
VERSAILLES
CHAPITRE PREMIER
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
Versailles est né de la volonté d'un homme, volonté si puissante et si
absolument créatrice, que, malgré les retours imprévus de
s'est faite en ses murs, malgré les menaces
l'histoire qui
d'abandon et de ruine, et
les
restaurations souvent plus cruelles que la solitude, l'énorme château et
la ville qui
l'entoure demeurent, dans l'esprit de ceux qui les visitent,
l'œuvre de- .Louis XIV. Jamais plus forte empreinte ne fut mise sur l'art
de tout un peuple et même de tout un
siècle,
pour qu'en bien peu d'an-
nées l'habitation la plus splendide surgît du sol, avec un décor où les
meilleurs ouvriers ont travaillé les matières les plus rares, pour que des
immenses s'emplissent de fleurs en toute saison, et qu'enfin, de
bon ou mauvais gré, toute la noblesse de France vînt s'établir et créer
une ville, par ordre du Roi, là où on peut bien dire qu'il n'y avait rien
jardins
avant lui.
YERSA LLES
T
4
C'était peu de chose que le château construit
sailles,
mais c'était une gracieuse chose,
et de
par Louis XIII à Ver-
goût bien français.
Le
«
chétif château de Versailles », dit le maréchal de Bassompierre en 1627
«
un
petit château de gentilhomme »,
dit
le
marquis de Sourches
Saint-Simon, dans une phrase célèbre, l'appelle
«
;
;
et
ce petit château de
cartes ». Le Roi, grand chasseur, voulait un pied-à-terre qui ne fût ni trop
proche
ni
trop loin de Saint-Germain
il
;
choisit
une butte, au-dessus
d'un terrain giboyeux, plat et boisé, coupé de ruisseaux et de marais, que
deux lignes de coteaux enserrent, la séparant au nord de la vallée de la
La terre de
Seine, au midi de celle de la Bièvre.
Versailles
(ce
nom
paraît pour la première fois dans une charte du XI e siècle) avait changé
plus d'une fois de maître avant de venir aux mains des Gondi par la
Un château féodal en ruine, un
munificence de Catherine de Médicis.
prieuré, une église dédiée à saint Julien, quelques auberges de rouliers,
une maison de justice et une geôle, cela faisait tant bien que mal un
bourg, qui se dénommait Versailles au A7 al de Galie. Laissant d'abord
aux Gondi leur château délabré
et trop
bas dans la plaine, le Roi se fit
arranger une maison au sommet de la butte, où jusqu'alors tournaient les
ailes d'un moulin à vent.
Deux documents de 1652 nous donnent quelque
idée de la nouvelle maison royale, telle que la laissa Louis XIII
;
c'est
une gravure minuscule reléguée dans un angle du grand plan de Paris
par Gomboust, et c'est une estampe de l'excellent et fidèle graveur
Israël Silvestre, préludant à l'importante série qu'il
va bientôt publier.
Nous y voyons un bâtiment à deux étages, de modestes dimensions, dont
les deux ailes,
que relie un portique à sept arcades, ceignent une petite
cour, la future cour de Marbre. Quatre pavillons carrés s'appuient à ses
angles.
Une étroite terrasse, ou fausse braye, bordée d'une balustrade,
domine un fossé d'eau, que franchissent un pont en pierre du côté des
jardins, c'est-à-dire au couchant, et, au levant, un pont-levis toutes les
maisons royales gardent encore, plus ou moins, un aspect de forteresse.
Devant ce pont-levis, il y a une avant-cour que ferment une grille et
deux bâtiments de communs. La construction était toute de pierre et de
briques, dans le goût du temps, avec l'harmonie chatoyante et vive des
;
blancs placages sur fond rouge, et l'élégance des combles aigus, aux
revêtements d'ardoises, percés de fenêtres et de lucarnes. Du château de
Louis XIV, aujourd'hui encore, les murs intérieurs qui dominent la cour
de Marbre (bien que fort exhaussés
les anciennes
écuries,
dénommées
«
et
chargés d'ornements;,
aile
Louis XIII
»,
surtout
donnent,
en
proportions agrandies, une idée assez juste de ce premier château. Rien
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
au dedans,
subsisté
a
n'en
sauf un degré à vis, en pierre,
jadis escalier d'une
tourelle
sombre cour du
Dauphin donne accès, au prequi
de
la
mier étage, tout contre une
porte de l'Œil-de-Bceuf. Une
tradition
qu'en
voudrait
la
fameuse journée des Dupes,
Richelieu eût pris cette voie
dérobée pour entrer chez le
Roi. Sans doute n'en faut-il
pas tenir plus de compte que
de
légende
la
l'époque
depuis
qui,
de Louis-Philippe,
nomme Jacques Le Mercier
comme architecte de VerEn l'absence de tout
sailles.
document ancien nous donnant un nom, il semble que
l'on
puisse
plus
de
prononcer
confiance
avec
celui
Salomon de Brosse,
de
qui, de
architecte
1614 à
1626,
fut
général
des
Bâtiments
du
Roi.
Louis XIII
avait formé
domaine de Versailles
son
par achats successifs, de 1624
à 1632
;
c'est alors
constitué le parc
qu'ayant
de chasse
(les jardins autour du château
sont de bien faible étendue),
il
acquiert
de
l'archevêque
de Paris, Jean François de
Gondi, la terre et tout à la
fois
la
seigneurie
de
Ver-
sailles; et l'écusson aux fleurs
de lis est affiché à l'orme du
u
VERSAILLES
premier carrefour.
Il
s'attache à sa
maison de Versailles,
il
y chasse,
il
y reçoit la Reine et ses dames, auxquelles il offre la collation
il
eût souhaité vivre assez pour s'y retirer, dès la majorité du
et n'y
plus songer
«
même
:
Dauphin,
qu'aux affaires de son âme et de son salut ».
Depuis 1643. et pendant bien des années, le petit château conserva sa
jolie
XIV.
forme. Louis
âgé de douze ans, y vient
chasser en 1651, et en
garde l'habitude
vure
de
la
gra-
Silvestre,
dès
:
1652. porte cette légende
du
Veûe
:
Chaste au
Roy aie de Versatile, où
se va souvent
le Roy
divertir à la élusse. En
ma-
1660, l'année de son
conduit
la
reine Marie-Thérèse.
En
riage
1661,
y
il.
il
premiers
d'autres
,
y ordonne
les
travaux
que
suivront
arrêter durant
siècle,
,
sans
un demi-
pour amplifier dé-
mesurément, et jusqu'aux
limites" de la fantaisie, le
modeste
héritage
de
Louis XIII.
L~n modèle s'offrait au
Cliché de M. Brière.
Roi, œuvre de goût par-
Buste de Louis XIV, l'auteur inconnu, vers 1665.
fait
non
moins que
de
luxe inouï, le château que Nicolas Fouquet. ministre d'Etat et surinten-
dant des finances, avait élevé à Vaux, dans sa vicomte de Àlelun. une
une restauration récente a
rendu la meilleure part de son charme et de sa splendeur. De très grands
des merveilles de
l'art français,
artistes avaient été enrôlés
:
à laquelle
truction en cinq années, de 1656 à
jardins
:
Le Vau termine la consAndré Le Xôtre compose les
l'architecte Louis
1661
:
Charles Le Brun est le peintre des appartements,
le
régisseur
du décor et des fêtes. On sait que ce fut la plus belle de ces fêtes,
celle
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
;
du 17 août 1661, qui précipita Fouquet aux abîmes de la ruine. La jeune
M" de la
passion du Roi pour
e
Vallière, audacieusement disputée par
Fouquet, l'irritation causée par un faste qui offusquait les lis de France,
enfin la haine
avertie et patiente de Colbert,
intendant des finances
depuis quelques mois (16 mars), et déjà conseiller très écouté, furent
les agents
de sa perte
;
la couleuvre de Colbert atteignit l'écureuil
bolique, trop fier de l'imprudente devise
:
sym-
Ouo non ascendet ?
Cliché Mercier.
Le Château en 1668. peinture de Patel.
Colbert attacha au service du Roi les artistes de Fouquet
;
et
de la
ruine de Vaux naquirent pour Versailles des splendeurs parallèles et plus
belles. Pleurez,
n}^mphes de Vaux,
s'écrie
La Fontaine, qui
bientôt
chantera dans la prose et les vers mélodieux de sa Psyché les embellis-
sements du nouveau Versailles. Toutefois,
s'accumulent jusqu'en 1668,
et
et malgré les dépenses qui
que nous révèlent les Comptes des Bâti-
ments du. Roi, les dimensions du château de Louis XIII ne se sont point
accrues
;
soit piété filiale, soit attachement aux souvenirs
le Roi ne veut point abattre le premier
la
de sa jeunesse,
château, le rendez-vous de chasse,
résidence plus bourgeoise que princière qui reste enclose dans les
étroites limites de son fossé.
qu'elle
n'était pas encore,
Mais il demande à ses artistes d'en faire ce
une œuvre d'art. La création de multiples
VERSAILLES
8
annexes, et la magnificence des jardins, peuplés de statues et animés de
jeux d'eau, va donner à un art nouveau le petit monument paré des dernières grâces de la Renaissance.
Un précieux tableau, peint par Pierre
1668, nous montre ce premier Versailles de Louis XIV, tout
Patel en
chatoyant et joyeux dans son st}de un peu archaïque. Des bustes de marbre, posés sur des consoles (en 1665), s'appuient aux blancs placages qui
interrompent la monotonie de la brique. Un balcon de ferronnerie dorée
entoure le bâtiment à la hauteur de l'unique étage, et les combles surélevés, ornés de fenêtres nouvelles et de hautes cheminées, sont couronnés
d'une crête d'or.
Un perron de maçonnerie a remplacé le pont-levis
;
l'avant-cour, que bordent les écuries et les cuisines, que ferme une grille
entre deux pavillons ornés de trophées,
elle-même précédée d'un
est
terre-plein circulaire, dont la muraille de brique à balustrade de pierre
s'incline doucement vers le sol.
C'est là qu'arrive à
tête.
toute vitesse le carrosse
du Roi,
attelé de six
avec l'escorte des mousquetaires, trompettes et timbaliers en
chevaux,
Le Roi vient se divertir. Dans le petit château et dans les vastes
jardins, les fêtes incessantes engloutissent l'argent, au désespoir du sage
On connaît la lettre hardie, les remontrances qu'il ne craignit
Colbert.
pas d'adresser à son maître, en 1664 sans doute, peu après qu'il avait été
nommé surintendant et ordonnateur général dés Bâtiments du Roi. Il
voudrait le détourner de travaux qui regardent son plaisir plus que sa
gloire
;
il
plaide la cause du Louvre abandonné
:
«
Votre Majesté sait qu'au
défaut des actions éclatantes de la guerre, rien ne marque
la
grandeur et l'esprit des princes que
les bâtiments
;
davantage
et toute la pos-
mesure à l'aune de ces superbes maisons qu'ils ont élevées
quelle pitié que le plus grand Roi et le plus
pendant leur vie. Ah
vertueux, de la véritable vertu qui fait les plus grands princes, fût mesuré
térité
les
!
Et toutefois il y a lieu de craindre ce malheur. »
Le Roi ne fut pas insensible à ces regrets. Il fit travailler au Louvre,
à l'aune de Versailles
!
mais il ne renonça point aux plaisirs de Versailles. Dès 1662,
la Reine
Mère et Marie-Thérèse y étaient venues dîner, il y avait eu grand bal;
dès 1663, le Roi et la Reine y font de petits séjours. Les appartements
ont été transformés et meublés à nouveau de façon magnifique. On peut
se faire idée des raretés qu'ils contiennent par les enthousiastes descriptions de
M
lle
de Scudéry, qui publie en 1669 sa Promenade de Versailles.
Ce ne sont que miroirs et cristaux,
soleils
pilastres transparents couronnés
de
l'or, et pilastres de lapis à feuillages dorés avec le chiffre du Roi,
et meubles de
filigranes
d'argent,
fauteuils,
lits,
tapisseries
en point
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
d'Espagne
d'or,
9
d'argent et de fleurs ou en tissu de la Chine « plein de
figures, »
nous dit La Fontaine,
pays-là
Ce mobilier royal sort de la manufacture des Gobelins, qui
Le Brun dirige, comme il avait dirigé pour
».
«
qui contiennent toute la religion de ce
vient d'être fondée, et que
Fouquet, à Maincy, des ateliers de tapisserie occupés par des ouvriers
flamands
;
ouvriers et métiers ont émigré à Paris. Par l'initiative de Col-
bert et de Le Brun, les Gobelins sont devenus un
les arts doivent être pratiqués
et
«
séminaire
»
où tous
enseignés; peintres, sculpteurs, gra-
veurs, orfèvres, mosaïstes, ébénistes, tapissiers et brodeurs, toute une
ruche y bourdonne. Nous voyons au travail la colonie d'artistes dans
une des peintures qui décorent l'appartement de la Reine, un des modèles de ces tapisseries admirables composées par Le Brun pour raconter
«
l'Histoire du Roi
».
C'est la visite que Louis
15 octobre 1667. Colbert est
XIV fit aux Gobelins, le
auprès du Roi, et les ouvriers s'empressent,
apportant les vases d'or et d'argent, les meubles, les tapisseries dont Le
Brun explique le choix et les beautés. La grande et singulière figure de
Le Brun apparaît ici dans son vrai rôle. Génie de second ordre, sans
doute, mais universel, disciple docile des Italiens et créateur pourtant
d'une œuvre devenue française par
le
goût et l'harmonie, architecte et
sculpteur, ingénieur, machiniste aussi Liien que peintre, ou plutôt ordon-
nateur admirable d'architecture, de sculpture, de peinture, cerveau merveilleusement équilibré pour la composition de décors immenses, il semble par destination l'interprète des moindres désirs du Roi, et l'on se
demande
enfin
courtisan,
lorsque ce château et ces jardins immenses, ornés ou trans-
s'il
n'est très
grand
artiste
que pour paraître meilleur
formés par lui, ne le sont que pour une apothéose.
Ayant ordonné les
de Fouquet, Le Brun ordonna celles de
fêtes
Louis XIV. L'histoire en sera narrée plus loin, parmi celle des jardins
mai 1664, jeu de bagues dans les fossés du châles Fâcheux, le Tartufe
teau, loterie et comédie dans le Salon du Roi
et le Mariage forcé y furent joués par Molière. La fête de 1668 se passa
et des eaux. Il y eut, en
:
toute dans les jardins, qui seuls encore avaient l'ampleur nécessaire à ce
divertissement d'un jour.
Le Vau n'avait dû exécuter qu'à contre-cœur les travaux d'embellissement qui lui étaient demandés il eût préféré construire. Au lendemain de la
fête de 1668, le désir du Roi de séjourner à Versailles fut évident, et non
moins évidente l'insuffisance de l'habitation. Le règne dont la gloire
commençait à étonner l'Europe exigeait un faste chaque jour accru, et le
;
Roi, dans l'intervalle de ses conquêtes, allait se distraire à bâtir. Ver-
VERSAILLES
10
sailles d'ailleurs n'était-il
pas une conquête, et des plus ardues,
sur la
nature ingrate, forcée à se revêtir d'une parure inattendue? C'est dans les
loisirs
de
la
paix que furent préparées ses grandes transformations
en 1668, après Aix-la-Chapelle
en 1678, après Nimègue
;
;
et les désastres
;
mêmes des dernières guerres ne purent écarter Louis XIV de son passetemps favori.
A peine
«
»
note
,
Charles Perrault,
Colbert se
de
une
voir
M.
«
réjoui
fut-il
maison
royale achevée, où il ne
besoin
plus
serait
que
d'aller deux ou trois fois
l'an
pour
y
réparations
la
qu'il
les
con-
le
Roi
résolution
de
que
viendrait,
prit
faire
l'augmenter de plusieurs
bâtiments pour y pouvoir
commode-
los'er
ment, avec son Conseil,
pendant
un
séjour
de
quelques jours. »
En vain
s'efforce
Roi de
jets,
Cliché Lévy.
J.-B. Colbert, par Claude Lefebvre (1666).
en
le
ministre
de dégoûter
ses
le
grands pro-
lui
montrant
l'énorme dépense et les
obstacles à prévoir.
Tout
ce
que
l'on
«
projette de faire », écrivait-il, « n'est que rapetasserie
qui ne sera jamais bien... » et, donnant les dimensions des parterres qui
enserraient le château, il ajoutait
est impossible de faire
une grande
maison dans cet espace... Tout homme qui aura du goût de
l'architec-
ture,
et à
:
« Il
présent et à l'avenir, trouvera que ce château ressemblera à
un petit homme qui aurait de grands bras, une grosse tête, c'est-à-dire un
monstre en bâtimens. Par ces raisons il semble que l'on devrait conclure
de raser, et faire une grande maison. »
Un instant le Roi accepta de tout abattre
et
posait
;
mais bientôt il se reprenait,
comme première condition aux architectes qu'ils
fissent des
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
constructions nouvelles une enveloppe du petit château.
indiqué, avec cette vue nette de l'œuvre future
Lui-même avait
et cette précision
du
en toutes choses, la distribution des espaces à couvrir
détail qu'il portera
et des
il
chambres à créer
;
le
plan de Le Vau, qui fut adopté contre ceux
de Jacques Gabriel, de Claude Perrault, d'Antoine Le Pautre et de Vigarani, et dont une minute
manuscrite, pour la par-
du rez-de-chaussée,
tie
encore,
existe
n'est
qu'une traduction fidèle
des
ordres
de
Louis
XIV. « On commença »,
Charles
dit
«
Perrault,
quelques
par
bâti-
ments qui, étant à moitié,
ne plurent pas
et
furent aussitôt abattus.
On
construisit
les
trois
ensuite
grands corps
de logis qui entourent
le petit
château et qui
ont
leur
face
sur
les
jardins.
tournée
»
Et
quand l'ouvrage fut terminé à la satisfaction
de tous, l'on tenta un
dernier effort pour sup-
primer ce
qui
restait
d'un autre style. « Mais
Charles Perrault, par Philippe Lallemant (1672).
Roi n'y voulut point
consentir. On eut beau lui représenter qu'une grande partie menaçait
le
ruine, il fit rebâtir ce qui avait besoin d'être rebâti, et se doutant qu'on
lui faisait ce petit
château plus caduc qu'il n'était pour le faire résoudre
à l'abattre,
avec un peu d'émotion qu'on pouvait l'abattre tout
il
dit
entier, mais qu'il le ferait rebâtir tout tel qu'il était et sans y rien
ger.
»
sur toute l'histoire du Château de Versailles
texte
chan-
Regrettable ou non, il faut reconnaître que cette décision a pesé
;
c'est elle qui a fourni pré-
aux essais de transformation qui, aux deux siècles suivants, l'ont
irrémédiablement mutilé.
VERSAILLES
12
Le Vau cependant fit tout le possible pour créer une harmonie, là où
il y avait menace de désaccord, ou plutôt il juxtaposa
deux harmonies
distinctes, suivant
côté des jardins.
que l'on aborde
Château du côté de Paris, ou du
Les fossés sont comblés et le portique de la cour
le
détruit; de nouveaux bâtiments, en pierre et en brique,
relient à ceux
des cuisines et des écuries les ailes du Château, pour former de la sorte
une nouvelle cour, que termine la ligne arrondie d'une grille. L'avant-
énormément agrandie, prend les proportions qu'elle gardera désor-
cour,
mais quatre gros pavillons, plus tard reliés par de longs bâtiments, qui
feront les ailes des Ministres, en occupent puissamment les angles. C'est
;
toute une montagne de maçonnerie que va élever en moins de trois ans
l'entrepreneur Jacques Gabriel
la petite butte qui portait le premier
château a disparu sous les terrassements. Pour alléger la masse des nou;
veaux édifices, Le Vau a eu l'heureuse idée de créer à droite et à o-auche
de la cour Royale deux cours spacieuses (que Mansart doit bientôt rétrécir
et couper)
;
elles laissent jouer l'air et la lumière sur les vieilles murailles
de Louis XIII, et réservent toute la majesté de l'enveloppe de pierre.
Le Vau
est le
véritable créateur du Château de
Louis
XIV. Au
dehors, sur les jardins, où toute liberté lui était donnée, il s'est jeté réso-
lument à l'imitation de l'Italie. Plus de ces belles toitures aio-uës, dont
les
longues pentes d'ardoises, dans les châteaux de
la
Loire,
luisent
doucement sur la dentelle de pierre ou de plomb qui les couronne, parmi
l'orfèvrerie des
cheminées
et des pinacles
;
mais la marge régulière des
terrasses que bordent des balcons, mais les longues murailles droites que
n'interrompt pas le caprice des tourelles, où le cintre des hautes fenêtres
se dessine en formes nues, dont les proportions pures sont toute la beauté.
Ce n'est même plus, comme autrefois,
la
Renaissance florentine,
c'est
Rome qui devient la maîtresse de l'art français. Les lois de l'antiquité
romaine et les leçons de Vitruve, commentées par Scamozzi, Vignole ou
Un rez-de-chaussée de bossages à l'italienne, un étage noble à pilastres et colonnades, un attique à
Palladio, s'imposent à l'obéissance aveugle.
fenêtres carrées que surmonte une balustrade, voilà les lignes monotones
de Versailles. Mais il y a dans cette monotonie une grandeur que rien ne
dépasse, par l'accord de ces lignes droites que les jardins prolongent
jusqu'aux horizons lointains, par la sécurité et la paix où tant de robustesse
conspire. Et puis,
si
l'on insiste,
ne trouve-t-on pas une vie puissante à
ces avant-corps dont les fenêtres au ras du sol se creusent en niches pro-
fondes, et dont les balcons soutiennent, de leurs couples de colonnes
et sur de larges entablements, tout
un peuple de statues? Les ailes que
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
13
construira Mansârt n'ouvrent pas encore leur éventail interminable,
dans
le
milieu
le premier
et,
même de la puissante masse qui domine les jardins,
étage s'interrompt pour former une terrasse, à l'endroit où la
Galerie des Glaces se dressera bientôt. Ce recul imprévu de la façade
semble du plus heureux effet
;
c'est un
balcon gigantesque d'où le Roi et
sa Cour peuvent admirer le jeu des eaux et du soleil dans le cadre des
arbres et des fleurs.
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Liiiche
Neurdein.
Façade du Château sur les jardins, avant 1678; peinture du temps.
Du côté de Paris, l'innovation charmante est dans les deux pavillons
où s'attache la grille de la cour. Ils s'ouvrent en arrière d'une colonnade
qui porte aussi un
toit
à l'italienne, et leur balustrade est couronnée
de statues, tandis que plus loin et tout autour du Château, les trophées
d'armes alternent avec les vases de pierre. D'excellents sculpteurs ont
travaillé
à toutes ces statues.
De
celles des
pavillons à colonnes, plus rien ne subsiste
sont demeurées à leur ancienne place,
modernes.
Elles
mesurent deux mètres
;
«
»,
ou
mais celles des avant-corps
parfois
et
grands balcons
sous forme de copies
demi.
Des douze
figures
des Mois qui décorent la façade centrale, huit sont des frères Marsy,
quatre de Alassou. Plus tard ont été ajoutées les statues d'Apollon et de
Diane, et, dans les niches du centre, l'Art et la Nature, de Louis Le Conte.
i
VERSAILLES
4
Du côté de l'Orangerie, Le Hongre, Le Gros, LIouzeau et Tubi ont
travaillé aux avant-corps
les niches
;
les
du premier étage,
deux gracieuses figures que l'on voit dans
la
Musique
et la
Danse, sont de Nicolas
Dossier. Du côté du Parterre du Nord, où est la Grotte de Thétis, il y a
des Fleuves et des Naïades de Laurent Magnier, une Cérès et un Bacchus
de
Buyster, un
Momus de Hérard, une
Cornus et un
Thétis et des
Nymphes de Desjardins, et, dans les niches, une Hébé et un Ganymède
versant à boire aux dieux. Au-dessus des hautes fenêtres carrées (que
Mansart cintrera), il y a des bas-reliefs d'enfants au milieu d'armes et de
branchages
fleuris ;
enfin,
aux
clefs
des
des
croisées de l'étage bas,
masques, sculptés en 1674, font parler, rire, chanter, pleurer les murs du
grand Château.. Hélas! beaucoup de ces merveilles ont été cruellement
détruites et remplacées par des figures insignifiantes ou sottes mais, sur
;
la
façade centrale, à une exception près, les vivantes têtes des frères
Marsy nous regardent encore de leurs yeux de pierre
:
ce sont les âges
de la vie, depuis les gracieuses figures joufflues aux cheveux mêlés de
fleurs,
jusqu'aux faces ridées et douloureuses, aux bouches édentées
grimaçantes
se souvient,
;
chefs-d'œuvre où
l'art
déjà
solennisé
parmi son italianisme, des fortes
du grand
traditions
et
siècle
d'autrefois.
Cette nxythologie de Versailles n'est qu'une immense flatterie. Toutes
ces figures de dieux et de déesses, de saisons et d'heures, de nymphes et
de sylvains évoluent autour d'une figure souveraine,
comme
Cour
la
de France autour de son Roi. Louis est Apollon, le Roi Soleil dont le
lever et le coucher distribuent aux
pluribus impar,
«
mortels la vie et le repos
;
Nec
aucun ne l'égale ». Dire toutes les fantaisies brodées
sur ce simple thème par l'ingéniosité de Le Brun deviendrait fastidieux.
Partout rayonne la face emblématique.
Meubles et tentures, bois et
marbres, bronzes ou cristaux, tout proclame la gloire du dieu Versailles
est le temple du .Soleil
et il fallait bien tout l'esprit de nos sculpteurs
pour donner la vie à ces fadaises, et faire de ces mythes démodés et de
;
;
ce décor de théâtre une œuvre de grandeur et de beauté à laquelle
non
moins justement s'appliquerait la royale devise.
Le Vau était mort en
1670, laissant les travaux assez avancés, avec
des plans fort minutieux de ce qui restait à faire, pour que Colbert pût
réserver, quelques années durant, le titre de premier architecte
du Roi.
François Dorbay, son élève, lui succède, et après avoir terminé avec une
rapidité merveilleuse l'œuvre
le
ans,
énorme de maçonnerie (qui absorbe, en
1.350.000
va diriger, selon les plans arrêtés avec
Roi, la grandiose décoration des intérieurs. Là, tout est à créer. Le
trois
livres),
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
15
balcon royal, dès 1670, domine, du haut de ses huit colonnes, une petite
cour de marbre blanc et noir, égayée par une fontaine de marbre blanc
à figures de bronze doré
et doré,
;
dans
les angles
il
y a des volières de fer forgé
au-dessous desquelles des tritons jettent l'eau. D'autres fontaines
chantent dans les cours voisines, et sur la terrasse dallée de marbre qui
regarde tes jardins. Partout
le
marbre, en escaliers, en dallages, en
lambris, marbres extraits des carrières de France, du Languedoc ou des
Cliché Mercier
La Famille de Louis XIV, composition allégorique de Jean Nocret.
Pyrénées, pour remplacer ceux que l'on amenait autrefois de Grèce
et d'Italie.
Les compartiments de marbre des parquets ne durèrent pas
après 1684, où le Roi les fit détruire parce que l'eau qu'on y jetait pour
les nettoj^er pourrissait tous les
planchers au-dessous. Mais il reste dans
les appartements modifiés par Mansart des
témoins somptueux de ce luxe
de quelques années, luxe inhabitable, où la mode italienne a tout ordonné,
sans prendre avis des usages nécessaires.
à ces parquets de marbre,
il
immobiles dans leurs niches,
tolérables dans
A ces revêtements de marbre,
faut des habitants de marbre, les statues
et c'est à
peine si les hivers du Midi sont
ces déserts glacés où des charbons rougis sur quelques
réchauds tant bien que mal échauffent l'air. A Versailles, dans la mollesse
VERSAILLES
i6
pluvieuse des automnes et les brouillards neigeux des hivers, c'était un
contre-sens et une folie. Ces lambris de marbre ne sont demeurés entiè-
rement qu'aux escaliers
et
aux antichambres, en dehors des grands
salons d'apparat. Dans le Salon des Gardes de la Reine, l'assemblage des
marbres blancs,
verts, rouges
et noirâtres,
dont les tons se mêlent à
aux douces lueurs d'améthyste du grand "lustre de
aux vivantes peintures du plafond, demeure encore aujourd'hui
l'éclat amorti des ors,
cristal,
Cliché
Pamard
Salon des Gardes de la Reine.
d'une harmonie puissante. Dans l'appartement du Roi, le salon de Vénus,
avec ses colonnes et ses pilastres aux chapiteaux de bronze doré,
deux grandes peintures de
Rousseau dont
les
perspectives
et les
fuyantes
donnent à l'architecture de vastes horizons, forme un cadre de théâtre
à la statue de Louis XIV en costume romain, que le bon médailleur et
sculpteur Warin léguait au Roi par testament du 25 août 1672,
«
pour
marque de son respect et de sa reconnaissance des bontez dont il a pieu
à
sa Majesté de
fort
lui
donner en plusieurs
avantageux pour lui.
»
occasions
des
témoignages
Le salon de Diane, moins vaste et moins
orné, a été modifié par Mansart pour recevoir,
en 1685,
le
buste de
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
17
Louis XIV sculpté vingt ans plus tôt par Bernin, et tout d'abord installé
au Louvre.
Les grands appartements du Roi
de la Reine occupent dès ce
et
-'-'
Cliché Clievojon.
Salon de Vénus.
temps-là leur place définitive
;
et deux escaliers symétriquement ouverts,
aux côtés' de la cour Royale, sur des vestibules à triple arcade que fer-
ment de hautes
droite,
grilles,
donnent accès, chez
la
Reine, à gauche, et, à
chez le Roi. L'Escalier de la Reine n'a pas encore toute son
ampleur
;
il
est rétréci par le voisinage
de la chapelle, placée d'abord
sur la gauche et dans l'intérieur du Château.
Quant à l'Escalier du Roi,
2
VERSAILLES
que l'on appellera aussi le Grand Escalier ou l'Escalier des Ambassale
deurs, il est commencé en 1672, sur les plans laissés par Le Vau
travail y durera six années. Détruit au XVIII siècle, il ne nous est plus
;
e
connu que par la série des gravures de Surugue, réunies et publiées
après la mort de Louis XIV. Pour Colorer ces nobles burins et raviver
par l'imagination tant de
splendeurs défuntes, l'Escalier de la
Reine et sur-
tout la Galerie des Glaces
deux salons qui la
terminent nous peuvent
et les
être une aide précieuse.
La cage énorme, par un
heureux et nouvel effet, ne
reçoit sa lumière
que d'en
haut en sorte que le regard
;
qui va, du seuil orné
de
marbres, par les peintures
des murailles jusqu'aux ors
de la voûte, monte dans
une lumière toujours croissante qui se termine dans
un éblouissement. Une niche s'ouvre sur un palier,
où jaillit une fontaine
dans une vasque de marmarches de
bre
et les
;
pierre de liais qui descen-
dent de ce palier vers
Charles Le Brun, par Coyzevox.
sol
comme une nappe d'eau qui s'épanche
;
vont en
le
s'élargissant
tandis qu'à droite et à gauche
monte lentement la double rampe de bronze doré. Jusqu'à mi-hauteur
de la voûte,
il
n'y a d'autre décor que les couleurs variées et graves
des compartiments de marbre. Mais toute la richesse de l'art nouveau
deux portes sculptées et dorées qui
terminent le mur du fond, un arrangement de peintures encadre une
éclate au premier étage. Entre les
niche centrale, où, dans le bronze et dans
l'or,
entouré de trophées et
de palmes, surmonté du soleil emblématique, triomphe le buste de marbre
du Roi. Ce buste, sculpté par Warin en 1666, occupa quelques années
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
19
un poste magnifique entre tous, avant que l'y remplaçât un chef-d'œuvre
de Coyzevox. Les peintures, qui se répondent en panneaux symétriques
aux deux murs qui se font face, simulent des tapisseries à fond d'or,
où Van der Meulen a représenté quatre victoires du Roi Valenciennes,
:
Cambrai, Saint-Omer et Cassel
;
les autres sont de feintes architectures,
loggias à l'italienne où des gens de toutes nations se pressent et se pen-
aux
chent
recouvrent
balcons
des
tapis.
que
En
du buste du Roi, et
sur les grands paliers,
entre les portes qui mènent
face
aux appartements,
il
y
a
trois niches de marbre avec
des
bronze
de
trophées
armes de France
de Navarre, celles
doré, les
et
d'Hercule et celles de Minerve, que surmontent des
fleurs
et
la
face
nante du Soleil
;
rayon-
c'est l'œu-
vre de Coyzevox. La voûte
enfin,
soutenue aux angles
par des rostres de navires,
en stuc doré, auxquels sont
adossées
captifs
et
des
figures
de
d'où s'élancent
des Victoires porteuses de
palmes, commémore en ses
Cliché Lévy.
Antoine Coyzevox, par Gilles Allou (1711)-
médaillons peints, où l'histoire et la mythologie s'ac-
cordent pour un seul hymne de triomphe, les succès récemment emportés
sur les flottes d'Espagne et de Hollande. Tout au long de la loggia
feinte
qui
relie
cette
voûte
aux murailles,
qui symbolisent les Parties du monde,
la Discipline,
l'Abondance
;
des figures
sont
assises
les Sciences et les Arts, la Paix,
Apollon vainqueur du serpent, Hercule et
Minerve signifient dans un pompeux concile l'union de la force
et"
de la
paix sous l'égide de l'autorité royale.
On reconnaît,
sans qu'il soit besoin de le nommer, le maître qui a
tout imaginé de ce chef-d'œuvre, et tout dessiné dans les moindres détails*
,
VERSAILLES
Le triomphe de Louis XIV est tout à la fois
celui de Charles
Le Brun,
consacré par l'universelle admiration. Mais la gloire du chef d'orchestre
n'est telle que par l'habileté merveilleuse
des exécutants. Presque tous
Le Hongre et Regnaudin, Marsy, Guérin, Magnier, Desjardins, et, les premiers de tous, Tubi
et Coyzevox. Le vaillant, l'excellent Coyzevox, peu connu encore, révèle
les grands sculpteurs de Versailles ont travaillé ici
:
qualités
les
qui
vau-
lui
dront de devenir bientôt le
grand collaborateur de Le
Brun et de Mansart. Le
serrurier Delobel forge les
grilles du vestibule, comme
il
forgé
a
les
splendides
balcons de fer doré que l'on
voit sur
la cour
Royale
;
l'orfèvre Dominique Cucci,
un Italien, cisèle les balustres de l'escalier, comme
il
fait, dans les appartements,
les serrures, les crochets et
les
boutons de porte
;
Phi-
lippe Caffiéri, autre Italien,
et chef d'une dynastie qui
doit s'illustrer à Versailles,
sculpte
,
Francesco
six
l'aide
de
Temporiti,
les
avec
portes
de bois doré
dont il subsiste deux, aux
salons de Diane et de Vé-
Panneau des volets de l'appartement des Bains.
nus.
Cette
même compagnie
d'artistes,
toujours dirigée par le Premier
Peintre, vient de terminer, au rez-de-chaussée du Château, le décor de
l'appartement des Bains, qui occupe cinq pièces ouvrant sur les jardins,
au nord et au couchant. La seconde merveille de Versailles n'a pas duré
plus longtemps que la première
richesses, dignes des Césars,
;
et c'est pitié
de penser aux fabuleuses
que les descriptions anciennes
et
quelques
dessins ou gravures n0 us font seuls connaître. Partout des lambris de
marbre et des statues, dont plusieurs antiques, des colonnes et des pilastres. Le cabinet octogone, à l'angle du Château, était orné de niches de
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
21
miroirs correspondant aux six croisées, et de douze figures des Mois en
étain doré, dont Reg-naudin,
Le Hongre, Tubi
et
Girardon avaient fait
les modèles. C'étaient des génies ailés assis sur des socles
de marbre
et
de bronze, et tenant chacun une corne d'abondance avec les fleurs ou les
qui convenaient à la saison, et un flambeau où l'on mettait une
fruits
bougie
;
au dessus, en douze médaillons, étaient représentés les signes
du zodiaque. Ces précieux débris d'un art solennel, jetés aux magasins
par les architectes de Louis XV, furent fondus en 1772. Six colonnes
sont restées en place, et quatre des volets sculptés par Caffiéri et Temporiti se voient encore aux fenêtres
travaillé comme du cuivre,
sont rendus
du cabinet des Bains. Le bois y est
les rocailles, les
avec tout l'esprit qu'on
vases des jardins.
jeux d'eau et les dauphins
rencontre
La piscine de Louis XIV,
aux plus charmants
vaste cuve à huit pans
en marbre de Rance, fut transportée, au siècle suivant, dans l'Ermitage
de
M
me
de
Pompadour, où
elle
servit
parmi
d'ornement
les
fleurs.
Ici se termine le
prologue d'une grande histoire. Le Château,
veilleux qu'il soit, où Louis
XIV est venu se divertir, où
il
si
mer-
a conduit
M" de La Vallière et installé M me de Montespan, ne suffit plus au rôle
e
qui l'attend
;
il
va devenir le siège de la monarchie française
le Gouvernement s'y
le
;
la Cour et
transporteront. Depuis le séjour de quatre mois que
Roi y avait fait en 1674, après la conquête de la Franche-Comté, il y
de fréquents intervalles, et bien que de nombreux terrains
était venu à
eussent été distribués pour construire des hôtels, les courtisans obligés
de suivre le maître s'exposaient aux plus cruelles incommodités. Il fallait
des logements pour un nombre infini de personnes, et l'aisance des services privés et publics. Ces grands espaces, Versailles seul les pouvait
donner
;
Saint-Germain
était
trop étroit, et le Roi avait le dégoût de
Paris. Il fut ainsi conduit à demander les agrandissements
transforment pour la troisième fois,
et de façon
immenses qui
définitive,
l'aspect et
l'intérieur du Château.
L'architecte qui va diriger ce dernier travail, et dont le
nom demeu-
rera inséparable de Versailles, Jules-Hardouin Mansart, élève de Libéral
Bruand, et petit-neveu du célèbre François Mansart, a donné à Colbert
me
de Montespan, pour qui il a
plus d'une preuve de son savoir; et
M
élevé, à Versailles même, les splendeurs du château de Clagny, l'a
recommandé au choix de Louis XIV. Premier architecte du Roi, puis
surintendant des Bâtiments, appuyé par Louvois après la demi-disgrâce
VERSAILLES
et la
mort de Colbert (6 septembre 1683), il sera pendant plus de trente
années,
>
le fidèle
exécuteur des volontés royales.
déteste, et qui a Versailles en horreur
de lui un cruel portrait.
«
(il
y
Saint-Simon, qui le
mal logé), a laissé
fut très
C'était un grand homme bien fait, d'un visage
agréable, et de la lie du peuple, mais de beaucoup d'esprit naturel, tout
tourné à l'adresse et à plaire, sans toutefois qu'il se fût épuré de la grossièreté contractée dans
sa première condition...
Mansart
de
L'adresse
d'engager
était
Roi,
le
appa-
par des riens en
rence, en des entreprises
fortes ou longues, et de
montrer
lui
des
plans
imparfaits, surtout pour
ses
tout
jardins,
qui,
lui
missent
seuls,
le
doigt sur la lettre. Alors
Mansart
s'écriait
n'aurait
jamais
qu'il
trouvé
ce que le Roi proposait;
il
éclatait
tions,
près
en
admira-
protestait
de
lui
il
qu'un écolier,
sait
tomber de
qu'aun'était
et le faila sorte
où il voulait, sans que le
Roi s'en doutât le moins
Mansart, par Detroy.
du monde. » Et cela,
tout méchant qu'il soit,
est à retenir, comme joli et vraisemblable, sans d'ailleurs aucunement
diminuer le talent du grand architecte.
désormais ce seront les
Jusqu'ici les documents surtout ont parlé
œuvres, dont les principales sont demeurées debout. Une fois décidé à
fixer sa résidence à Versailles, le Roi pousse les travaux avec une sorte
de frénésie. Sa correspondance incessante avec Colbert montre le souci
extraordinaire et la mémoire qu'il a des moindres détails il en sera de
Cliché Lévy.
;
;
même avec Louvois, puis avec Mansart, de qui les rapports, annotés de
la main royale, restent, dans le
peu qui nous a été conservé, comme un
LE CHATEAU DE LOUIS XIV
23
étonnant témoignage de la raison et de la méthode portées dans les prodigalités les plus extrêmes.
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Contributions des pratiques d'intégration culture-élevage aux performances des exploitations et des territoires : l'exemple du Nord-Ouest Vietnam. Colloque national du RMT SPICEE: Les interactions culture-élevage, leviers de résilience des agricultures face aux crises du XXIème siècle ?, Mar 2024, Montpellier, France. ⟨hal-04549752⟩
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Contributions
des pratiques d’intégration culture-élevage aux performances des exploitations et des territoires : l’exemple du Nord-Ouest Vietnam
Mélanie
Blanc
hard, P. Tos, Alice Le Trouher, Amandine Lurette, Charles-Henri Moulin, Le Thi Thanh Huyen
a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou . Contributions des pratiques d'intégration culture-élevage aux performances des exploitations et des territoires : l'exemple du Nord-Ouest Vietnam BLANCHARD M (1), TOS
P (1)
,
LE TROUHER A (1), LURETTE A (1), MOULIN CH (1), LE THI THANH HUYEN (2) (1) SELMET, CIRAD, INRAE, Institut Agro, 34000, Montpellier, France (2) NIAS, National Institute of Animal Sciences, Hanoi, Vietnam
Mots-clés : Flux de biomasse, modèles agricoles, synergies, analyse des réseaux
INTRODUCTION Dans le nord-ouest du Vietnam, les exploitations de polyculture-élevage évoluent avec une intensification des pratiques (engrais minéraux, pesticides, motorisation, concentrés dans l’alimentation animale, races améliorées, insémination artificielle, encadrement vétérinaire), une augmentation de la taille des exploitations (augmentation du cheptel, consolidation des surfaces agricoles) et l'émergence d'exploitations spécialisées (maraîchères, plantations fruitières et industrielles, élevages monogastriques ; Pham Duy Khanh, 2016 ; Cesaro et al., 2019). L'évolution des systèmes et des pratiques agricoles modifie les échanges entre cultures et élevages, et pose la question des performances productives et environnementales des exploitations, et de leur rôle dans la durabilité du territoire. Même si l’État encourage l’inscription de la production agricole dans une économie circulaire. Cette étude vise à analyser le rôle des pratiques d’intégration culture-élevage dans le fonctionnement et les performances des exploitations et du territoire. 1. MATERIEL ET METHODES
Le District de Điện Biên, au nord-ouest du Vietnam a été retenu pour cette étude comme étant représentatif de l’intensification des systèmes de culture et d’élevage, du développement des cultures fruitières et industrielles, et du début de spécialisation des fermes, tout en maintenant une forte diversité des fermes (Le Trouher et al., 2023). Ce territoire est pertinent pour étudier le rôle des pratiques d’intégration culture-élevage dans le fonctionnement des exploitations et du territoire. La démarche de l’étude a consisté à identifier et quantifier les flux de biomasse et d’azote entre les compartiments des exploitations de polyculture-élevage, et entre exploitations à l’échelle du territoire du district, en prenant en compte la diversité des exploitations de polyculture-élevage existantes et leurs pratiques de gestion des biomasses. A partir de l’analyse des statistiques agricoles et bibliographique, et des entretiens de 40 fermes, une typologie fonctionnelle de 12 systèmes de production a été établie. Les entretiens de paysans ont permis de décrire les pratiques d’intégration culture-élevage, et de quantifier les flux d’azote au sein des fermes et entre fermes pour l’alimentation des animaux, la gestion des déjections animales et la gestion de la fertilité des sols. Un modèle multi-échelle, ferme et territoire, a été conçu afin de représenter et quantifier les flux d’azote intra et inter ferme dans le district de Điện Biên. La reconstitution du réseau multi-échelle de flux a permis d'analyser le fonctionnement du système agricole global, d’analyser le rôle des pratiques d’intégration culture-élevage et de déterminer les performances associées aux exploitations et au territoire en termes de productivité, de recyclage, d'autonomie et d'efficience, faisant appel à la mé
d’analyse des réseaux écologiques (ENA, Ecological Network Analysis ; Stark et al., 2016). 2. RESULTATS & DISCUSSION
Ce travail met en lumière l'impact différencié de la diversité des exploitations de polyculture-élevage sur la production et la circulation de l’azote dans le territoire. Ces exploitations se distinguent par leurs niveaux respectifs de dépendance à l'azote importé. Le Diagramme de Sankey (Figure 1) illustre de manière visuelle les flux d'azote à travers le système agricole du district de Điện Biên. Les liens entre les compartiments du système représentent les flux d'azote d'un compartiment à un autre, et la taille des liens est proportionnelle à la quantité d'azote échangée annuellement. On estime que le système agricole produit 1 083 tN.an-1 dont 66% proviennent des cultures et 34% de viande. Le système dépend largement des apports d'azote extérieurs, estimées à 4 200 tN.an-1. La majorité des exploitations dépendent des engrais pour fertiliser les cultures (42% de l'azote entrant sur le territoire), avec une part non négligeable pour l'alimentation des monogastriques (21%), ou via l'irrigation (32%) et de la consommation des ressources pastorales (6%). L’alimentation des animaux mobilise une diversité de ressources importé (aliment bétail), produits sur la ferme (résidus, sous-produits, fourrage) ou échangé entre ferme (résidus, sous-produits). L’efficience d’usage de l’azote du système agricole est estimée à 0,26. Selon le type de fermes et leurs pratiques de gestion des biomasses, l’efficience d’usage de l’azote dans les fermes varient considérablement (de 0,09 à 0,89). Le recyclage de l’azote dans les exploitations de polyculture-élevage varient de 2 à 76%, et le recyclage global sur le territoire n’excède pas 10%. L’intégration culture-élevage contribue au recyclage de l’azote entre le système de culture et d’élevage dans les fermes (estimé à 983 tN.an-1), ainsi qu’à la circulation de l’azote entre les fermes dans le territoire (estimé à 413 tN.an-1). La riziculture tient une place centrale dans l’intégration culture-élevage à échelle du territoire. Les exploitations spécialisées participent au recyclage de l’azote sur le territoire, mais s'appuient sur les biomasses issues des exploitations non spécialisées.
Figure 1. Réseau de flux d’azote dans le territoire du district de Điện Biên et diversité des systèmes de production (à partir de Tos, 2023)
CONCLUSION & PERSPECTIVES
L’intégration culture-élevage contribue à l’économie circulaire au territoire même si le recyclage de l’azote reste encore majoritairement à l’échelle des exploitations de polyculture-élevage. Ces résultats montrent également une inégale implication des fermes dans la production et le recyclage de l’azote à l’échelle du territoire.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient le Département du Développement Agricole et Rural (DARD) de la Province de Điện Biên, et les paysans enquêtées. Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet ASSET (Agroecology and Safe Food System in South-East Asia), financé par l’Agence Française de Développement (AFD), l’Union Européenne (UE) et le Fond Français pour l’Environnement Mondial (FFEM).
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CESARO, J.-D., DUTEURTRE, G. & NGUYEN MAI HUONG. (2019). Atlas of Livestock Transitions in DUY KHAN Vers des de transformation éle en Asie SudEst: Application au cas du secteur laitier au Vietnam (Thèse Doctorat). AgroParis Tech., Paris France. STARK, F., FANCHONE, A., SEMJEN, I., MOULIN, C.-H. & ARCHIMÈDE, H. (2016). Crop-livestock integration, from single practice to global functioning in the tropics: Case studies in Guadeloupe. European Journal of Agronomy, 80, 9–20. LE TROUHER, A., MOULIN, C.-H., LE THI THANH HUYEN, BLANCHARD, M., (2023). Trajectories of crop-livestock integration in the context of specialization in Northwest Vietnam. Journal of Agricultural Science, 161 (4) : 488-501. TOS, P., (2023). Intégration culture-élevage à l'échelle d'un territoire : modèle de flux d'azote dans le district de Dien Bien au Nord-Ouest du Vietnam (Mémoire de fin d'études). Montpellier : Institut Agro Montpellier, 98 p.
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Les constructions axiales thoutmosides devant le 4e pylône de Karnak François Larché
À la suite des travaux successifs de S. Sauneron, J. Vérité et J. Lauffray,1 des sondages2 ont été effectués par le Centre Franco-Égyptien d'Études des Temples de Karnak, d'abord en 1999-2000, puis en 2004 devant le 4e pylône du temple.3 L'observation des vestiges, en élévation et en fondation, m'a déjà permis de proposer quatre études architecturales successives4 qui, tout en ajoutant de nouveaux détails, en ont précisé les conclusions. Dans ce qui va suivre, des indices complémentaires permettent d'assurer l'emplacement des obélisques de Thoutmosis III sur les bases adjacentes au parement oriental du 3e pylône, là où la plupart de leurs fragments ont été découverts. Cette reconstruction repose sur le fac-similé de ces fragments qui ont tous été dessinés entre 1997 et 2004. Ensuite, l'encastrement de la chapelle en calcite d'Amenhotep II entre les obélisques de Thoutmosis Ier sera à nouveau expliqué, pour répondre à une critique mettant en cause cet emplacement sur la base d'un plan déformé, et par conséquent inexact, des vestiges archéologiques.
L'emplacement des obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II La réalisation des dernières planches de la publication
La cour à portique de Thoumosis IV5 a nécessité d'observer à nouveau les deux fondations d'obélisque, découvertes sous les môles du 3e pylône, de part et d'autre de l'axe ouest-est (pls. 9, 19-34). Un détail particulier de leur lit d'attente a soulevé une question que j'avais simplement posée sur ces planches sans pouvoir y répondre façon satisfaisante. En effet, un ressaut quadrangulaire, bien marqué sur l'arase de ces deux fondations, délimite la surface de la base en granite sur laquelle reposait chaque obélisque (pl. 34). Or, cette surface (3,14 x 3,24 m) est proche de celle de la base en granite sur laquelle repose toujours l'obélisque sud de Thoutmosis Ier (hauteur : 20 m), alors que cette surface est bien inférieure à celle des bases en granite adossées aux môles nord et sud du 3e pylône (pl. 19). Il devenait alors évident que des obélisques de section et donc de dimensions proches de ceux de Thoutmosis Ier avaient reposé sur les fondations recouvertes par le 3e pylône. Ainsi, de très grands obélisques comme ceux de Thoutmosis III n'y avaient plus leur place pour les raisons qui vont suivre (pls. 14, 15). La surface du lit de pose de ces derniers obélisques est restituable (2,4 x 2,4 m) grâce à l'imposant fragment (dont le lit de pose est conservé) toujours placé 1 2 3
4 5 Sauneron et Vérité (1969), pp. 249-276 ; Lauffray (1980), p. 1-65. Masson et Millet (2007), pp. 659-679. Les sondages, les fac-similés et les photographies ont été faits par les équipes du CFEETK alors sous la direction N. Grimal et Fr. Larché de 1999 à fin 2004. Larché (2007), pp. 407-499 ; Burgos et Larché (2008), p. 332 ; Larché (2010), pp. 297-326 ; Letellier et Larché (2014). Letellier et Larché (2014), pls. 240, 241, 257, 258.5, 259.2. 72
Larché en équilibre sur la base en granite nord (pl. 15), et également à l'aide du fragment n° 75 (pl. 14) de l'obélisque sud (largeur : 2,34 m). Un obélisque de cette section n'aurait pu être installé sur les fondations enfouies sous le 3e pylône. En effet, le plan des vestiges des deux paires d'obélisques placées entre les 3e et 4e pylônes (pl. 19) montre un très large débord de la base en granite au pourtour du fût de chaque obélisque. Ce débord important (~1 coudée) existe autour des obélisques de Maâtkarê entre les 4e et 5e pylônes aussi bien qu'autour de ceux de Thoutmosis III devant le 7e pylône. Au contraire, ce large débord n'existe pas sur l'ancien plan restitué6 des obélisques placés à l'aplomb des fondations conservées sous le 3e pylône. La planche 33 de notre étude La cour à portique de Thoutmosis IV représente la restitution des obélisques Thoumosis III (2,4 x 2,4 m), mais avec déjà ce point d'interrogation indiqué en légendes sur les autres planches.7 En effet, la section de l'obélisque restitué de Thoutmosis III m'apparaissait déjà trop importante pour les fondations sous le 3e pylône (pls. 19, 34). Il devenait donc indispensable d'identifier un obélisque dont la section inférieure lui permette de reposer sur une base en granite ayant cette faible surface (3,14 x 3,24 m).8 Une troisième paire d'obélisques au nom de Maâtkarê-Thoutmosis II a été restituée par L. Gabolde9 avec une très grande hauteur (28 m) et, par conséquent, une surface de leur lit de pose identique à celle des obélisques de Thoutmosis III, et ce, bien qu'aucun fragment de la base des deux fûts n'ait été identifié (pls. 10, 11). Cette grande surface du lit de pose reposait sur l'attribution hypothétique d'un fragment d bien conservé dont le texte semblait proche de la base du fût10 (pl. 16). Or ce fragment d avait déjà attiré mon attention en raison du lieu de sa découverte par Legrain contre le parement sud de la base adossée au môle sud du 3e pylône11 (pl. 7). Mais, surtout, sa largeur (2,323 m) était bien supérieure à celle d'un assemblage de six fragments attribué par L. Gabolde12 aux obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II. Certains de ces fragments sont remployés en dalle de plafond du vestibule de la chapelle de Philippe Arrhidée (pls. 10, 11). En effet, les hiéroglyphes gravés sur cet assemblage forment la fin du texte qui est nécessairement proche de la base du fût de l'obélisque. Cet assemblage conserve deux longs joints parallèles, perpendiculaires à la face décorée qui, aujourd'hui, forme le sommet du plafond. Le joint de droite qui coupe partiellement la colonne de texte a certainement été taillé au moment du remploi du fragment d'obélisque en plafond. Le joint de gauche est distant de 79 cm de la colonne de texte, mais son appui contre la dalle voisine empêche de voir si sa face est lisse. Si c'était le cas, ce joint appartiendrait alors au parement perpendiculaire de l'obélisque, et cela permettrait de restituer la section de son fût à ce niveau à 6 7 8 9 10
12 Letellier et Larché (2014), pl. 241. Letellier et Larché (2014), pp. 241-244, 248, 250-255 et 257. Gabolde (1987), pp. 152-153. Il me semble que les bases en granite remployées devant le temple de Montou sont trop petites et beaucoup trop haute
pour des bases d'obélisque (base est : section 258 cm + hauteur de 183 cm, base ouest : section 270 cm + hauteur de 193 cm). Gabolde (2003), pp. 447- 448. Gabolde (2003), pp. 420, 447, fig. 1 : 'D'après notre restitution de la fin du texte, cette cassure était distante d'environ 5,66 m de la base'. Larché (2007), pp. 472, 473 : 7.4. Le problème soulevé par le lieu de découverte des fragments : 'De nombreux fragments des obélisques de Thoutmosis III et de Maâtkarê-Thoutmosis II ont été découverts le long du parement oriental des môles du IIIe pylône. Dans l'hypothèse où les bases en granite accolées au IIIe pylône ont servi à supporter les obélisques de Thoutmosis III, il est parfaitement normal d'en trouver les fragments à proximité. Mais que faisaient donc au même endroit les gros fragments des obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II qui sont supposés avoir été renversés par Amenhotep III pour faire place au IIIe pylône? Comme il semble improbable que ces obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II soient restés à terre entre les deux pylônes, il faut trouver une autre explication à la présence de certains de leurs gros fragments à cet endroit. Dans l'hypothèse où les obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II se seraient brisés au moment de leur abattage, les plus longs fragments auraient été entreposés, probablement au nord du IIIe pylône, alors que les plus petits auraient été remployés dans le remplissage des môles. Ces derniers fragments seraient réapparus au moment du dépeçage de la partie supérieure du pylône pour rouler sur son côté oriental, comme le montrent les photographies anciennes'. Gabolde (2003), pp. 428, 429 et 449, fig. 3 : 'Deux nouveaux fragments remployés dans le plafond du sanctuaire de Philippe Arrhidée et se raccordant à des fragments entreposés dans les magasins sud'. JAEA 1, 2016 Les constructions axiales thoutmosides devant le 4e pylône de Karnak 73 ~4 coudées (79 + 52,5 + 79 = 212,5 cm). Cette section est comparable à celle de l'obélisque sud de Thoutmosis Ier qui, comme on l'a vu plus haut, aurait parfaitement convenu aux bases en granite reposant sur les fondations enfouies sous le 3e pylône. Cependant, on ne peut écarter l'hypothèse que ce joint gauche ait également été retaillé pour adapter le bloc à sa place dans le plafond de la chapelle. La distance entre le texte et l'angle de l'obélisque pourrait alors être égale ou supérieure à 79 cm. Cette importante différence de section du fût entre les deux assemblages proposés par L. Gabolde13 m'a mené à réexaminer comment celui-ci en est venu à attribuer le premier d'entre eux (sa figure 114) à l'obélisque de Maâtkarê-Thoutmosis II : - Obélisque nord de Thoutmosis III :15 'Deux des côtés ont été surchargés de colonnes latérales de textes ramessides : le côté est (hiéroglyphes orientés à gauche, colonnes complètes) et le côté sud (hiéroglyphes orientés à droite, mais, sur cette dernière face, la gravure de Mineptah est restée inachevée et n'a concerné que le tiers supérieur du fût). De ce fait, ce monolithe est incompatible avec nos vestiges ; en effet, les hiéroglyphes de ces derniers sont orientés à gauche et, dans ce cas, soit il s'agirait de la face est (mais elle devrait porter des textes ramessides), soit il s'agirait de la face nord (mais son côté adjacent, à gauche, le côté est, devrait encore porter des textes ramessides, ce qui n'est pas le cas)'.16 - Obélisque sud de Thoutmosis III : 'Des colonnes de textes ramessides avaient été ajoutées sur ses faces sud, est et nord, et très vraisemblablement aussi sur sa face ouest, celle que l'on découvrait en entrant, ce qui le rend assurément incompatible avec nos vestiges'.17 Si comme il le décrit, la face nord de l'obélisque sud (pl. 14a) a bien été surchargée d'une colonne de texte ramesside de part et d'autre du texte axial thoutmoside,18 les deux autres faces est et sud (la face ouest ayant disparu) ne possèdent que le texte axial thoutmoside (pl. 14c+d, à l'exception du sommet du nom 'Horus ajouté). Il me semble que L. Gabolde a proposé une restitution illogique. En effet, il est fort probable que, comme pour l'obélisque nord (pl. 15b), la face ouest de l'obélisque sud (pl. 14b) n'ait pas été surchargée de textes ramessides, et cela pour la bonne raison qu'après la construction du 3e pylône par Amenhotep III, les faces ouest des obélisques adossés à ses môles étaient moins visibles, à l'exception peut-être de leur sommet. On ne peut donc plus éliminer de la face ouest de l'obélisque sud de Thoutmosis III (pls. 14b, 16) l'assemblage b+c+d attribué par L. Gabolde à Maâtkarê-Thoutmosis II.19 Comme sur l'obélisque nord de Thoutmosis III (pl. 15), il est possible que les textes ramessides de la face nord de l'obélisque sud (pl. 14a) n'aient été gravés que sur le tiers supérieur du fût. Cependant, dans l'hypothèse où les textes ramessides ont été gravés jusqu'en bas de la face nord du fût, l'absence de hiéroglyphes sur les petites surfaces conservées des faces perpendiculaires à la face inscrite du fragment d (pls. 14b, 16) ne prouve pas l'absence de texte ramesside. En effet, comme on le 13 14 15 16 17 18 19 Gabolde (2003), p. 421 (7.8. Thoutmosis III, obélisques du 4e pylône), pp. 447-448, figs. 1 et 2. Gabolde (2003), p. 447. La face nord de l'obélisque nord et la face sud de l'obélisque sud étant particulièrement endommagées, il est probable que l'obélisque nord ait basculé vers le nord et l'obélisque sud vers le sud. Gabolde (2003), p. 421. Gabolde (2003), p. 421. Au moins dans sa partie supérieure, comme le montre le fragment 1 placé sous le pyramidion (pl. 14c+d), et probablement sur le tiers supérieur du fût comme pour l'obélisque nord (pl. 15c+d). Gabolde (2003), p. 447, fig. 1. 74 JAEA 1, 2016 Larché voit sur la face est de l'obélisque nord (pl. 15d), ce texte ramesside conserve une largeur uniforme sur toute sa hauteur, alors que la surface lisse le séparant de l'angle de l'obélisque s'élargit vers le bas en raison du talus des parements de l'obélisque. Le fragment d (pls. 14b, 16) étant proche de la base de l'obélisque en raison de sa grande largeur (232,3 cm), il est possible que les vestiges sans décoration des parements perpendiculaires aient bordé le texte ramesside qui n'aurait pas été conservé ici. Cette réattribution, à la suite de Le ,20 du fragment d à la face ouest de l'obélisque sud de Thoutmosis III (pls. 14b, 16) permet de supprimer cet assemblage des obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II et, par conséquent, de diminuer leurs dimensions (section et hauteur) de façon à ce que ces derniers puissent reposer sur les petites bases en granite dont l'empreinte est visible sur les deux fondations d'obélisques enfouies sous le 3e pylône (pl. 34).
Proposition de chronologie des trois paires d'obélisques Les obélisques de Thoutmosis Ier
On pourrait supposer que Thoutmosis Ier fit préparer une paire d'obélisques devant être dressés devant le 5e pylône. Cependant ces obélisques n'y furent jamais installés et restèrent au sol. Comme il est hasardeux de voir dans la grande fosse remplie de sable découverte devant le môle nord du 5e pylône la préparation d'une fondation d'obélisque,21 il me semble que l'hypothèse suivante soit plus plausible. Une dédicace gravée sur la face ouest de l'obélisque sud de Thoutmosis Ier décrit leur emplacement (pls. 6, 7) : 'Ériger pour lui (Amon) deux obélisques à la rw.ty du temple'. L'emplacement de cette rw.ty du temple a été assimilé à la porte du 4e pylône parce que les obélisques de Thoutmosis Ier se dressaient devant. Mais le terme rw.ty est aussi inscrit ailleurs, principalement sur l'axe sud : - Sur le linteau extérieur de la grande porte sud22 d'Amenhotep Ier (pls. 2, 5). - Sur une niche de mât du môle sud du 8e pylône (pl. 35). - Sur les deux blocs en calcaire remployés dans l'élévation du môle est du 5e pylône et qui proviennent du chambranle d'une niche de mât (pl. 5). - Sur le texte décorant un des obélisques de la Grande Offrande de Thoutmosis III, mais on ne sait si cet obélisque représente ceux du 4e ou du 7e pylône.23 Comme me l'a fait remarquer Ch. Van Siclen, rw.ty semble être le terme employé pour désigner un passage principal. Ces deux mentions de rw.ty sur l'axe sud permettent de supposer que les obélisques aient d'abord été dressés par Thoutmosis Ier devant la grande porte que son prédécesseur Amenhotep Ier plaça sur l'axe sud24 (pl. 5e). Legrain décrivit ainsi la découverte de ses blocs (pl. 4e) : 20 Cette attribution a déjà été proposée par Legrain (Legrain (1904), pp. 22, 23) : 'Les deux obélisques tombés appartiennent, nous l'avons déjà dit, à Thoutmôsis III. Le pyramidion du plus grand est à l'extrémité sud de l'aile nord du IIIe pylône, tout près de l'allée centrale. II a été découvert et dégagé en 1898. L'identification et la classification des morceaux n'a pu encore être faite, mais l'énumération de métaux précieux qui se lit sur l'un d'eux nous permet d'espérer un texte intéressant. Un des tableaux qui décorent le haut de l'obélisque est surmonté du signe du ciel. Des trous, forés dans le champ de ce signe, semblent indiquer qu'une plaque de métal ou d'émail s'encastrait dans ce signe. Ces trous étaient remplis par des chevilles de bois que j'ai recueillies moi-même'. Fouilles de Le Bohec dans la zone située entre les 4e et 5e pylônes. Wallet-Lebrun (2010), p. 49 : 18/2B '
Cette dédicace nous
apprend
qu'Amenhotep Ier
él
eva une porte d'une
dizaine de mètres "
à la
sortie
du temple" (
r rw
.
ty Hw.t-nTr
). C'est là une expression que l'on retrouvera pour les
obélis
ques de Th
out
mosis I
er
, dressés sur l'axe ouest-est du temple d'A
mon
. Mais, plus tard, l'expression servira à Amenhotep II pour désigner le
VIII
e pylône, devant lequel s'élève justement un colosse d'Amenhotep Ier (PM II 176 [N]), autrement dit sur l'axe nord-sud'. Traunecker (1982), pp. 203-205. L'auteur estime que ce texte appartient à la paire dressée devant le 4e pylône alors que l'autre paire serait celle du 7e pylône puisque le texte gravé est proche de celui de l'obélisque d'Istanbul. Les photographies
de
Le
grain
montrent que
la fouille de
la
'cour de la cachette'
n'a laissé
aucun
vestige archéologique au centre de la
cour.
Si des fosses de fondation
exist
aient,
elles
ont désormais entièrement disparu. JAEA 1, 2016 Les constructions axiales thoutmosides devant le 4e pylône de Karnak 75 'La porte d'Aménothès Ier fut abattue et enfouie de propos délibéré
Le plus haut de ses blocs est encore inférieur de 50 cm au niveau du sol de Thoutmosis III. La masse totale repose sur un sol damé, durci, composé de petits cailloux et d'une sorte d'escarbilles [morceaux de braises incomplètement brulées] que
je
n'
ai
pu exactement définir. Il
était situé
à 2,66 m au-dessous
de
celu
i
Thoutmosis III (+72.34). (Nous remarquerons que le grand pilier d'Ousirtasen était couché a une altitude à peu près semblable) Nous pensons aussi que la porte d'Aménothès fut détruite sur place, c'est-à-dire qu'elle se trouvait non loin de là Elle fut détruite par la base, car aucun des soubassements n'a été retrouvé. Aucune pierre ne porte de traces de feu. La chute eut lieu vers le sud, autant qu'il ressort de l'emplacement des blocs. Les plus méridionaux se trouvaient être ceux qui composaient le grand bas-relief [linteau] extérieur. Leur direction générale était est-ouest. À dix mètres de là, environ, nous rencontrâmes, à peu près rangés parallèlement, les blocs composant le bas-relief [linteau] intérieur. Par contre, les montants, assez bouleversés, allaient plutôt selon une ligne nord-sud'.25 'Les blocs composant la porte d'Aménothès Ier jonchaient un sol durci composé de terre damée et d'une escarbille noirâtre dont nous n'avons pu déterminer la nature. C'est là, sous les pierres écroulées, que nous avons rencontré un dépôt fortuit composé de faïences diverses et d'un grand fossile calcaire. - A. La pièce la plus importante est une grande faïence découpée, montrant le roi passant vers la gauche, coiffé du pschent et présentant le pain. Elle est d'un fort bon style et ne mesure pas moins de 35 cm. Elle était brisée en trois morceaux, la face contre terre. La couleur primitive était verte ; une mince feuille d'or recouvrait cette représentation. - B. Devant elle, recevant l'offrande, se trouvait une image de Minou. Nous n'en avons retrouvé qu'une main et le haut du fouet. - C. Nous trouvâmes encore : un fragment de bâton en forme de serpent sur lequel se lisait distinctement le cartouche Djéserkarê au moment de la découverte ; les couleurs se sont affaiblies depuis ; une tête de sceptre Ouas, des fragments d'un grand signe ankh et enfin les morceaux d'un de ces cercles de faïence imitant les outen, comme dans le tombeau de Mahirpra'.26 Il est désormais possible de restituer l'emplacement de cette grande porte sud d'Amenhotep Ier presque à l'endroit même où ses blocs ont été découverts dans la 'cour de la cachette'. En effet, des photos anciennes27 montrent un mur en brique orienté est-ouest, dont six assises ont été mises au jour et dessinées par Legrain, juste au nord des blocs étalés de la porte d'Amenhotep Ier (pls. 2, 3, 4a+b+c+d+f). Voici la description qu'il en fit : 'II y a une dépendance ou seconde favissa de l'autre côté de la route qui va de l'obélisque de Thoutmosis er au 7e pylône. Elle est parfaitement déterminée et présente la coupe suivante : - A. Dallage de grès et de calcaire amorphe. - B. Six rangs de briques. - C. Couche de sable. - D. Remblai composé d'environ 75% sable, 20% de tîn, 5% brique. Le tout s'arrête, brusquement, au sud devant un terrain plus ancien taillé à pic F et un autre E dans lequel se trouvent des pierres du monument d'Amenothès Ier d'enfouissement préatonien'.28 Il paraît logique d'identifier ces six assises en brique aux fondations de l'imposante clôture en brique crue dans laquelle cette porte monumentale devait être encastrée. 25 26
28 Legrain (1903), pp. 16-17. Legrain (1903), p. 20. Grimal et Larché (2003), p. 24. J'ai découvert ce lot de plaques photographiques au cours du déménagement du laboratoire photographique égyptien du CFEETK. Ces photographies ont probablement été exécutées par Abou al-Naga Abdallah au cours des fouilles de Sh. Adam et F. al-Shaboury dans la 'cour de la cachette' (Adam et al-Shaboury (1959)). Azim et Réveillac (2004), p. 280. 76 JAEA 1, 2016 Larché Cette porte a la particularité d'avoir deux vantaux comme l'indique la surface non décorée des tableaux de l'embrasure (pls. 2, 3). Lorsque cette porte fut démantelée par Maâtkarê,29 la reine aurait alors mis à terre les deux obélisques de Thoutmosis Ier qui étaient bien placés devant la rw.ty du temple, la porte sud d'Amenhotep Ier. Puis, Thoutmosis III les fit ériger à nouveau, en même temps que ses propres obélisques, sur les longues fondations communes qu'il installa entre le 4e pylône et les obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II. Bien qu'aucune inscription n'ait été conservée sur le 4e pylône, ce dernier fut dès lors assimilé à la rw.ty en raison du texte la mentionnant sur la face ouest de l'obélisque sud de Thoutmosis Ier (pls. 6, 7). Ainsi la grande porte sud d'Amenhotep Ier et sa nature de rw.ty furent oubliées jusqu'aux fouilles de Legrain. Cette grande porte a peut-être remplacé une porte d'Ahmosis comme semblerait l'indiquer le linteau au nom de ce roi remployé dans le tableau oriental de la grande porte d'Amenhotep Ier (pl. 3b). Cette porte d'Ahmosis aurait probablement remplacé une porte primitive de Sésostris Ier, probablement l'ancêtre du 7e ylône, dont le tableau ouest était décoré d'une scène de montée vers le temple d'Amon avec une niche creusée dans le parement30 (pl. 1).
Intervention de Maâtkarê au début de son règne
Après son couronnement, Maâtkarê fit construire à l'ouest du 4e pylône, de part et d'autre de l'axe, deux fondations écartées31 sur lesquelles allaient reposer les deux obélisques au nom de Maâtkarê-Thoutmosis II32, dont les dimensions sont semblables à celles de l'obélisque sud de Thoutmosis Ier (pls. 8, 10, 11, 19, 34).
Intervention de Maâtkarê vers l'an 16
Autour de l'an 16, Maâtkarê fit dresser une nouvelle paire d'obélisques sur les fondations à trois assises qu'elle fit construire devant le 5e pylône33 (pl. 12). Ces obélisques furent ensuite rapidement chemisés par ses soins (pl. 12). Deux paires d'obélisques sont représentées sur le mur du fond du portique sud de la première terrasse34 du Djeser-djeserou. On les voit d'abord couchés sur une grande barge où la longueur 29 30 31 32 33 34 La fouille de la 'cour de la cachette' n'a malheureusement laissé aucune trace d'éventuelles fosses de fondation d'obélisques ni de la porte d'Amenhotep Ier. Van Siclen propose de placer la grande porte d'Amenhotep Ier à l'aplomb d'une large fondation en brique crue qu'il a identifié entre les 8e et 9e pylônes. Un dallage de pierre venant du sud s'y arrêtait et le chemin vers le nord y changeait légèrement de direction. Cependant, il n'a pas repéré de fondations d'obélisques alors que onze très longs blocs forment curieusement la base de la clôture orientale liant les 8e et 9e pylônes. Ces blocs pourraient-ils provenir de ces fondations? Celles actuellement enfouies sous le 3e pylône. Dans la publication électronique de la chapelle Rouge (Burgos et Larché (2015), pp. 457-462), la diminution des dimensions de ces obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II m'avait déjà permis de reconsidérer mon hypothèse de 2007 (Larché (2007), pp. 492-493, pls. LXII-LXVIII) qui plaçait par erreur les obélisques de Thoutmosis III sur ces fondations sous le 3e pylône. L. Gabolde avait déjà fait l'hypothèse de placer sur ces fondations les obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II (Gabolde (1993), pp. 1-100) bien que sa surface restituée de la base du fût était incompatible avec le tracé visible sur les deux fondations. Est-ce à l'emplacement où son père Thoutmosis Ier avait voulu dresser ses obélisques? Larché (2007), p. 464 : 'Sa majesté (Hatshepsout ) a fait en sorte que le nom de son père (Thoutmosis Ier) soit établi sur ce monument durable, <et> qu'ainsi hommage soit rendu au roi de Haute et Basse-Égypte, maître du double pays, Âakheperkarê, par la majesté de ce dieu auguste, ainsi deux grands obélisques ont été érigés par sa majesté (Hatshepsout) pour la première fois. Voilà ce qui fut dit par le maître des dieux : n'est-ce pas ton père, le roi de Haute et Basse Égypte, Âakheperkarê qui a décrété l'installation d'obélisques <ici>, ce que ta majesté (Hatshepsout) aura <effectivement> refait, étant douée de vie?' ; Urk. IV, 357, 2-9 ; Carlotti et Gabolde (2003), p. 275; Wallet-Lebrun (2010), p. 68, texte 18/5 A : 'Hatshepsout Sa Majesté a fait inscrire le nom de son père sur ce monument durable, hommage étant ainsi rendu à Thoutmosis Ier par la Majesté de ce dieu (1) lors de l'érection par Sa Majesté (1) de sa première paire de magnifiques obélisques. En effet, le maître des dieux avait dit : 'C'est ton père Thoutmosis Ier qui a fait des obélisques un canon (2). Aussi Ta Majesté se devra-t-elle d'exécuter un monument de ce type. Puisses-tu vivre à jamais!'. Naville (1907), pl. CLVI : le dessin publié étant plus étiré que la scène aujourd'hui visible, il ne peut résulter que du mauvais JAEA 1, 2016 Les constructions axiales thoutmosides devant le 4e pylône de Karnak 77 restituée de l'obélisque de droite est bien inférieure à celle de celui de gauche. Dans l'hypothèse où cette différence de longueur est l'image de la réalité, il est possible que le plus petit des obélisques représente la paire au nom de Maâtkarê-Thoutmosis II et le plus grand la paire de la Ouadjyt. Puis, à la suite de cette scène de navigation, Maâtkarê consacre quatre obélisques à Amon. Les fûts de ces derniers sont gravés d'une colonne de texte centrale et une scène décore leur pyramidion tel qu'on le voit encore sur les fragments conservés de ces deux paires d'obélisques de la reine.
Première intervention de Thoutmosis III
Thoutmosis III fit construire, dans la grande cour consacrée par Maâtkarê à Thoutmosis II, à l'est des obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II, deux nouvelles longues fondations dont chacune des quatre extrémités fut coiffée d'un gradin en grès supportant une base en granite (pls. 13, 19). Il fit redresser sur leur extrémité orientale les obélisques de Thoutmosis Ier (pls. 6, 7) et il installa sur leur extrémité ouest une nouvelle paire d'obélisques à son nom (pls. 14, 15). Les nouvelles fondations étant moins écartées que celles des obélisques de Maâtkarê-Thoutmosis II, ces derniers ne cachaient pas le parement ouest des obélisques de Thoutmosis III. L'explication par L. Gabolde35 de l'ordre de construction des fondations des obélisques repose davantage sur la facilité à manier les blocs virtuellement que sur la réalité du terrain et sur les poids à prendre en considération pour leur manipulation. En effet, il semble avoir oublié que les énormes blocs de ces fondations sont imbriqués les uns dans les autres comme les pièces d'un leggo et que, par conséquent, leur ordre de pose est imposé par cette imbrication36 ; qu'il aurait été très imprudent de creuser une profonde fosse de fondation (hauteur : 4 m) entre des obélisques déjà en place, comme il en fait l'hypothèse hasardeuse pour installer les obélisques de Thoutmosis III entre les obélisques de Thoutmosis Ier, à l'est, et ceux de Maâtkarê-Thoutmosis II, à l'ouest (pls. 19-33).
Seconde intervention de Thoutmosis III
Au moment de la'soi-disant proscription', Thoutmosis III fit effacer le nom de la reine sur la paire d'obélisques aux noms de Maâtkarê-Thoutmosis II pour le remplacer par celui de Thoutmosis II, alors que le nom original de ce dernier est resté intact (pls. 10, 11). Sur les obélisques orientaux de la reine, il fit remplacer chaque représentation de Maâtkarê par une table d'offrande. Cependant, il ne put effectuer ce martelage sur les obélisques du chemisage, leur moitié inférieure étant entièrement cachée par ce dernier, et leur moitié supérieure l'étant partiellement par la couverture en construction de la salle à colonnes papyriformes appelée Ouadjyt. Le pyramidion et les cinq registres supérieurs sont restés visibles au-dessus de cette couverture (pl. 12). Sur les quatre faces de l'obélisque sud, le nom et la figure de la reine ont été martelés sur les 3e et 4e registres à partir du pyramidion. Puis ils ont été restaurés au nom de Thoutmosis III sur deux faces, alors que les deux autres l'ont été plus tard à celui de Séthi Ier. Sur l'obélisque nord, seul le 5e registre montre un remaniement puisque, le nom d'Amon ayant été effacé dans le cartouche d'Hatshepsout-Khenemetamon, ce 35 36 montage de deux fac-similés préparatoires puisqu'il semble bien improbable que les blocs aient été déplacés au cours d'une restauration, ce qu'une photographie ancienne du parement permettrait de vérifier. La longueur de l'obélisque de droite est mesurable entre sa pointe et son lit de pose bien représenté par une ligne verticale. Si la pointe et la majeure partie de l'obélisque de gauche sont bien conservées, son lit de pose a malheureusement disparu dans la cassure. Néanmoins, il est possible de le restituer grâce à l'espacement régulier des cordes qui arriment chaque monolithe au bateau. La longueur ainsi restituée de l'obélisque de droite est bien inférieure à celle de celui de gauche, ce qui est un indice supplémentaire pour l'identifier à la paire au nom de Maâtkarê-Thoutmosis II et non pas à celle de Thoutmosis Ier comme j'en avais fait précédemment l'hypothèse (Larché (2007), p. 474).
Gabolde (2012), p. 468, fig. 3-8. Larché (2007), p. 474 ; Larché (2010), pp. 297-326 ; Letellier et Larché (2014), pp. 20-23. 78 JAEA 1, 2016
Larché cartouche a été regravé au nom de Séthi Ier. Une seule exception apparaît au 6e registre de l'obélisque nord (à partir du haut du parement ouest) sur lequel le torse de la reine et son cartouche ont été martelés, probablement parce que la couverture de la Ouadjyt n'était pas encore achevée à cet endroit. Si le martelage a bien été effectué sur la partie de l'obélisque sud dépassant le chemisage, l'obélisque nord semble y avoir échappé en grande partie. En revanche, Akhénaton fit soigneusement effacer le nom et la représentation d'Amon sur la partie visible des deux obélisques.
La chapelle d'Amenhotep II entre les obélisques de Thoutmosis Ier
Cette chapelle en calcite a été reconstruite en 2005, entre les copies des deux obélisques de Thoutmosis Ier, à l'entrée du musée en plein air de Karnak. Afin de réaliser cette anastylose, une étude préalable de l'ensemble des fragments a été réalisée et publiée d'abord en français en 2007, puis en anglais en 2010.37 L'en
castrement
de
la chapelle d'Amenhotep II entre les obélisques de Thoutmosis Ier (pls. 17, 18)
été remis en cause dans un article écrit en 2012 par L. Gabolde.38 La suite va montrer que cette contestation repose sur un plan malheureusement déformé et par conséquent inexact du parvis du 4e pylône.39 En effet, ce plan40 n'est pas superposable au plan topographique du temple de Karnak (pl. 19). Si les proportions sont bien respectées dans le sens nord-sud, elles sont comprimées de presque 10% dans le sens est-ouest, ce qui complique l'encastrement de la chapelle dont les dimensions sont, elles, incompressibles (et à peu près justes sur ce plan)! Un détail légèrement agrandi sur une seconde figure de l'article41 représente l'espace coté entre les deux bases sud. Comme cette figure n'a pas d'échelle, je l'ai superposée au plan topographique. Mais, contrairement au dessin précédent,42 les bases des obélisques ont ici les bonnes proportions, alors que la chapelle a été représentée beaucoup plus longue que sa reconstruction. Ainsi, sur le plan, la chapelle a des dimensions correctes, mais les bases des obélisques sont trop rapprochées, tandis que sur la figure, les bases sont justement positionnées, mais la chapelle est beaucoup trop longue. De telles distorsions de la réalité ont malheureusement induit en erreur l'auteur de ces illustrations. D'autre part, les mesures utilisées dans cet article reposent sur la base d'obélisque adossée au sud de la porte du 3e pylône (pl. 19). Or, l'emplacement de cette base soulève une interrogation puisqu'elle a été déplacée par Pillet pour permettre le transport du plafond de la chapelle d'Amenhotep II, qui était remployé dans le môle sud du 3e pylône.43 Aujourd'hui, la face orientale de cette base sud n'est pas parallèle à la face ouest de la base sud de Thoutmosis Ier (écart entre les bases de 2,07 m au nord et de 2,17 m au sud), alors que sa face ouest n'est pas alignée avec celle de la base symétrique de Thoutmosis III au nord. Ces deux anomalies laissent un doute sur le fait que Pillet ait remis cette base sud exactement à sa place d'origine après le passage du plafond. Ayant moi-même fait déplacer d'imposants monolithes, je reconnais la difficulté d'une telle manoeuvre aussi bien aujourd'hui qu'avec les moyens de l'époque. À l'origine, cette base était probablement installée légèrement plus à l'ouest de façon à ce que les faces ouest des deux bases de Thoutmosis III soient bien alignées (pl. 19). Cependant, même si cette base sud était aujourd'hui à sa place primitive, rien n'empêcherait le fond de la chapelle d'Amenhotep II de s'y encastrer, comme s'encastre son côté sud dans la base sud de 37 38 39 40 41 42
43 L
arché
(2007), p.
474
; Larché (2010), p. 297-326 ; Letellier et Larché (2014), pp. 23-25. Gabolde (2012). Gabolde (2012), p. 474, figs. 12, 13. Gabolde (2012), p. 474, fig. 12. Gabolde (2012), p. 474, fig. 13. Gabolde (2012), p. 474, fig. 12. Photographies du CFEETK B095-01+06+08. JAEA 1, 2016 constructions axial er. Malheureusement, l'angle sud-ouest de la chapelle n'étant pas conservé au niveau de la base sud en granite de Thoutmosis III, on ne peut plus le constater précisément (pls. 19-33). Le problème de place soulevé par L. Gabolde concerne l'angle nord-ouest de la chapelle où un petit bloc muni d'un tore a été encastré dans la maçonnerie (pl. 29). Ce bloc n'ayant aucun lien structurel avec ceux du parement interne de la chapelle, sa reconstruction à ce niveau n'est qu'hypothétique et il aurait pu être placé plus haut, ce qui aurait mis la ligne de sol conservée à un niveau supérieur à celle du côté sud. Ces différences de niveau de ligne de sol dans le même monument sont très courantes. Enfin, les mesures de L. Gabolde ne possèdent pas la précision requise puisqu'elles reposent sur deux bases dont les dimensions sont inconnues (pl. 19) : - La base nord de Thoutmosis Ier ayant disparu, on ignore son emplacement exact. Avait-elle les mêmes dimensions que la base sud? était-elle le symétrique parfait de la base sud? Son parement ouest était-il aligné avec le parement ouest de la base sud? - Le parement oriental de la base nord appuyée au 3e pylône étant complètement détruit, on ne peut que le restituer hypothétiquement dans l'alignement de la base symétrique sud. Ce parement oriental ne peut dépasser vers l'est l'aplomb de la découpe du socle en grès sur lequel la base repose (pl. 13). En effet, il aurait été impossible de faire cette découpe sous la base. Le parement de la base est soit à l'aplomb de cette découpe, soit plus à l'ouest. Enfin les photographies de la fouille de la 'cour de la cachette'44 ne révèlent aucune trace des fondations du soi-disant mur fantôme proposé par J.-Fr. Carlotti45 pour positionner la chapelle d'Amenhotep II dans cette cour (pl. 4). Au contraire, les découpes de fondation de la chapelle sont bien réelles dans l'arase de fondation des obélisques de l'axe ouest-est, devant le 4e pylône, alors que rien n'a été découvert dans la 'cour de la cachette'. En ce qui concerne les lignes talutées incisées sur le parement ouest du mur oriental de la cour, lignes qui guident l'hypothèse de J.-Fr. Carlotti, il est plus sensé d'y voir le contour d'un naos appliqué contre le parement de façon à abriter le sphinx qui s'y trouvait46 (pl. 36). Pour conclure, cette remise en cause de mes travaux est la conséquence d'un raisonnement que l'on peut dire circulaire, car il s'autojustifie et ne prend pied à aucun moment dans l'ancrage d'un quelconque réel archéologique.
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sud
d'
Amenhotep Ier
.
JAEA 1, 2016 Larché Pl. 3b. La grande porte sud d'Amenhotep Ier. JAEA 1, 2016 Larché Pl. 4. L'emplacement de la grande porte sud d'Amenhotep Ier. JAEA 1, 2016 Larché Pl. 5. Les constructions restituées d'Amenhotep Ier et de Thoutmosis Ier. JAEA 1, 2016 Larché Pl. 6.
obélisques de Thoutmosis Ier. JAEA 1, 2016 Larché Pl. 7. Les obélisques de Thoutmosis Ier. JAEA 1, 2016 Larché Pl. 8. Les constructions restituées de Maâtkarê, phase a. JAEA 1, 2016 Larché Pl. 9. Les constructions restituées de Maâtkarê, phase a. JAEA 1, 2016 Larché
Pl
. 10.
Les
obélis
ques
au nom
de Ma
âtkarê
,
phase
a,
regravés
au nom de Thoutmosis II. JAEA 1, 2016 Larché
Pl
.
11. Les
obélisques
au nom de Ma
ât
karê,
phase
a,
regravés au nom
de
Th
outmosis
II
. JAEA 1, 2016 Larché
Pl
.
12. Les constructions restituées de Maâtkarê, phase b. JAEA 1, 2016
Larché
Pl
.
13.
Les constructions restituées
de Thoutmosis III, phase c. JAEA 1, 2016
Larché
Pl
.
14.
L'obélisque
sud au nom de Thoutmosis III, phase c. JAEA 1, 2016 L
arché
Pl
.
15.
L'obélisque
nord au nom de Th
out
mosis III, phase c. JAEA 1, 2016 L
arché
Pl
.
16.
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Les orientations intimes ne dépendraient pas uniquement de caractéristiques sociales classiques (appartenance sociale, genre, âge), mais aussi des parcours biographiques et des expériences individuelles. Après le modèle du « réseau sexuel » et le modèle du « désir individuel », Michel Bozon développe le « modèle de la sexualité conjugale » dans lequel « l'activité sexuelle n'est pas perçue comme révélant des choix, des préférences ou des orientations personnelles. L'échange sexuel est au service d'une construction conjugale ou sentimentale qui l'englobe et la contient (dans tous les sens du terme) » (p. 22). Cet attachement au couple et à la sexualité au sein du couple s'observe dans l'enquête Contexte de la sexualité en France (2006), plus particulièrement quand on s'intéresse à la manière dont les individu*e*s ont considéré leur premier partenaire sexuel (Tableau 19, chapitre 3 : « La sexualité des musulman*e*s, une sexualité de minoritaires »). De manière générale, on observe que les hommes considèrent plus souvent que les femmes leur premier 238 partenaire sexuel comme une partenaire occasionnelle : un tiers d'entre eux font une telle déclaration, contre 10 % des femmes de 18 à 29 ans. À l'inverse, ils déclarent moins souvent que les femmes que cette première partenaire était alors considérée comme une petite amie (même si plus de la moitié d'entre eux font une telle déclaration) ou une conjointe ou future conjointe. Ces résultats font écho à la persistance des différences genrées dans les expériences sexuelles et affectives (Bozon, 2013) : les jeunes filles sont « majoritairement éduquées à considérer l'entrée dans la sexualité comme une expérience sentimentale/relationnelle » (p. 68), tandis que chez les hommes domine « l'aspect d'apprentissage et de couverte de soi, avec un certain détachement pour les conséquences à l'égard de la partenaire » (p. 69). Ces effets de genre sont amplifiés selon la religiosité de l'enquêté*e. Ainsi, pour les jeunes femmes, l'engagement religieux tend à renforcer le fait de considérer son premier partenaire sexuel comme un conjoint ou futur conjoint : c'est le cas d'un quart des jeunes femmes catholiques de 18-29 ans et de près des deux tiers des jeunes femmes musulmanes. La part de jeunes femmes musulmanes associant entrée dans la sexualité et conjugalité (du moins dans les discours) est donc particulièrement importante, par rapport aux déclarations des autres jeunes femmes. Du côté des hommes, la corrélation entre religion et signification associée au premier rapport sexuel varie pour les catholiques et les musulmans. Ainsi, tout d'abord, les hommes musulmans affirmés ont plus tendance que les autres hommes à considérer leur première partenaire sexuelle comme une partenaire occasionnelle, indiquant par-là que cette relation sexuelle ne s'inscrivait pas dans une relation durable (même temporaire). Pour plus d'un tiers des jeunes hommes musulmans, l'initiation à la sexualité s'inscrit dans un mode éphémère (ce qui peut être mis en lien avec deux constats : le plus important recours aux sites de rencontres sur internet et à la prostitution par les jeunes musulmans par rapport aux autres hommes). Chez les jeunes hommes catholiques affirmés, plusieurs tendances s'observent : un cinquième d'entre eux environ déclarent qu'ils considéraient leur première partenaire comme leur conjointe ou future conjointe (10 % pour les jeunes hommes sans religion, 11 % pour les musulmans). Cependant, dans le même temps, ces catholiques affirmés ne sont pas moins nombreux en proportion à avoir considéré leur première partenaire comme une partenaire occasionnelle. Ces constats tendent à aller dans le sens d'une diversité interne des groupes et des modes de rapport à la sexualité pour un engagement religieux similaire. L'inscription des débuts sexuels dans un couple, qu'il soit éphémère ou durable constitue une pratique genrée, dont les effets sont amplifiés par l'appartenance religieuse. L'attachement au couple n'est pas non plus indépendant de l'âge social des individu*e*s, et du 239 passage, pour les hommes d'une « masculinité prédatrice » à une « masculinité respectable », caractérisé entre autres par le « passage à l'âge adulte » des jeunes hommes (Fidolini, 2015, voir infra). Le central du couple – comme créant les conditions de possibilité, si ce n'est de la sexualité tout court, tout du moins d'une sexualité épanouie – est très largement affirmé. Le couple stable est aussi, idéalement et le plus souvent, un couple marié, ce que l'on retrouve dans les données quantitatives (Tableau 35). Ainsi en 2013, 57 % des femmes et 51 % des hommes catholiques affirmé*e*s (62 % des femmes et des hommes musulman*e*s affirmé*e*s) ont déclaré être marié*e*s, soit environ 20 (30) points de plus que les personnes sans religion. Ainsi, tou*te*s les enquêté*e*s qui n'étaient pas marié*e*s au moment de l'entretien ont déclaré vouloir se marier un jour, même les plus détaché*e*s de la religion. Ce constat est loin d'être banal au regard de la diminution régulière des mariages en France116. La valorisation du couple marié et de la sexualité au sein de ses frontières passe notamment par le rejet de formes solitaires de sexualité, renforçant alors des pratiques et positions fortement genrées, comme c'est le cas pour la masturbation. Plusieurs jeunes Le taux de nuptialité est passé de 7,8 mariages pour mille habitants en 1970 à 3,5 mariages pour mille habitants en 2016 (source Insee). 116 240 femmes catholiques et musulmanes, en couple stable, expliquent ne pas se sentir à l'aise avec la masturbation, n'y ayant pour certaines jamais eu recours. Camille, 36 ans, se déclare catholique pratiquante. Mariée, elle n'a eu qu'un seul partenaire sexuel dans sa vie. Elle m'explique, lors de l'entretien, rencontrer des difficultés à accepter de se donner du plaisir, et être très gênée par la masturbation – comme si le plaisir ne pouvait avoir lieu qu'à deux, comme si elle ne pouvait pas légitimement s'en procurer seule. Elle fait selon ses dires un « blocage » à l'égard du plaisir en solitaire, blocage qui s'exprime notamment par ses hésitations au moment de l'entretien, traduisant en même temps que le langage corporel, son malaise.
M : Toujours en termes de plaisir sexuel, est-ce que vous avez déjà eu recours à la masturbation dans votre vie? E : Euh (temps, remue sur sa chaise). Oui. Enfin oui et non (rires). C'est un sujet qui est très délicat pour moi, ce n'est pas quelque chose sur lequel je parle facilement avec mon mari. Et d'ailleurs, pareil ce n'est pas du tout une histoire de dégoût ni rien, c'est vrai que je commence tout juste, ça fait quelques années que je commence à envisager le plaisir solitaire en fait. Pour moi c'était vraiment quelque chose à deux. Du coup toute seule ce n'est pas quelque chose que je pratique, après ça m'arrive pendant les préliminaires, de tout d'un coup ne penser qu'à moi, et du coup, en utilisant quelque chose Mais voilà, pendant qu'il est là. Je vais me concentrer sur mon plaisir. Donc je vais pas dire que j
'ai déjà pratiqué la masturbation par inadvertance ou par erreur, mais ça n'a jamais été de façon volontaire et solitaire. (Camille, 36 ans, catholique pratiquante, professeure de SVT) On se demande ici ce que Camille entend par « masturbation par inadvertance ou par erreur », correspondant peut-être à ce que me décrit une autre enquêtée, Élise (35 ans, catholique pratiquante, cadre de la fonction publique), quant au plaisir ressenti avec le jet de la douche, soit une sensation de plaisir créée de manière au départ involontaire. M : Toujours par rapport au désir, est-ce que vous mettez en scène le désir? Est-ce que vous faites des choses qui pourraient le susciter? Comme porter des sous-vêtements particuliers? E : Oui on l'a fait : par des objets ou par l'imagination, et on peut faire des mises en scène. C'est quelque chose qu'on peut faire. Ça dépend, pas tout le temps, mais quand l'envie est là. (Camille, 36 ans, catholique pratiquante, professeure de SVT) Il s'opère ici finalement aussi, dans les discours, une hiérarchisation des sexualités (Rubin, 1984), Camille comme Élise vivant la sexualité en solitaire comme une pratique si ce n'est honteuse, tout du moins anormale, sans qu'elles opèrent de jugement de valeur sur la pratique de la masturbation en général. Il s'agit plutôt de la confession d'un malaise que d'un jugement normatif sur cette pratique. Ce sont, en outre, à la fois les catholiques les plus affirmées, mais aussi les catholiques indifférentes qui y sont réticentes, ce même quand leurs pratiques sexuelles sont diversifiées, et leur rapport à la religion distendu. C'est le cas de Flora, 21 ans, étudiante en économie. Catholique indifférente, en couple avec un jeune homme sans religion, elle a eu une éducation religieuse importante (scolarité dans un établissement privé catholique qu'elle précise « sous contrat »), mais elle ne va à présent aux offices « que pour les grandes fêtes ». Si ses pratiques sexuelles sont extrêmement variées (préliminaires nombreux, sodomie) et régulières (une fois tous les deux jours environ), Flora m'explique en revanche ne s'être jamais masturbée, parce que « ça ne lui est jamais venue à l' idée ». La gêne ressentie à l'égard de la masturbation n'est pas un fait isolé chez les femmes, qui déclarent moins souvent que les hommes la pratiquer fréquemment (un résultat en partie liée à une plus grande sous-déclaration de la part des femmes de la pratique) et la déclarent plus tardivement dans leur vie sexuelle. En 2006, parmi les 18-29 ans, 17,4 % des femmes et 51,4 % des hommes ont déclaré se masturber « souvent » ou « parfois » au cours des douze derniers mois (enquête CSF 2006). Le fait que les femmes catholiques et musulmanes se masturbent moins que les autres femmes correspond alors plus à l'accentuation de normes de genre agissant dans le sens du contrôle de la sexualité des femmes, ne pouvant être aux manoeuvres de leur propre plaisir sexuel, qu'à la prégnance de normes religieuses stigmatisant ou interdisant la masturbation. C'est aussi dans le cadre de la valorisation de la sexualité conjugale (et son corolaire : la dévalorisation de la sexualité en solitaire) que la pornographie est décriée. Ainsi, Lola, 23 ans, catholique pratiquante, mariée depuis un an avec un jeune homme catholique pratiquant m'explique être « dégoûtée » par la pornographie et avoir mis « un ultimatum » à 242 son compagnon quand elle a découvert qu'il lui arrivait d'en regarder. Pour elle, cette découverte a été une « horreur », menaçant la survie de son couple. Lola associe la pornographie à la fois à de la sexualité exhibée et provocatrice, mais aussi à une forme d'infidélité, puisque pour elle « c'est du même acabit que d'envoyer des textos au 3818, genre'rencontre une copine', j'en sais rien quoi! ». S'ils se sont finalement tous les deux réconcilié*e*s, après « plusieurs crises de larmes » violentes et menaces de rupture (« je lui suis tombée dessus, comme s'il avait tué quelqu'un »), il n'en reste pas moins que Lola, « trahie » et « humiliée », n'a jamais parlé à personne de la situation. Elle estime en effet qu'il s'agit d'un sujet qui doit être réglé au sein du couple et ne pas en passer les frontières. E : Voilà, un peu l'horreur! Alors moi c'est un sujet (souffle) qui est hyper gênant, parce que tu peux en parler à personne. Genre, moi, ça me viendrait pas à l'idée d'en parler à des potes quoi! Enfin, de leur dire : « tu sais pas ce qu'il a fait? » Du coup tu es toute seule avec ton angoisse et avec lui qui refuse d'en parler [] M : Et pourquoi t'en parlerais pas à tes amis? [] Moi j'ai pas envie que mes propos soient déformés, c'est tellement important pour moi et tellement humiliant pour lui, que du coup j'ai aucune envie de quelqu'un qui le juge deux secondes là-dessus, à part moi. Que vraiment il n'y ait aucun jugement de personne. 117 243 temporairement éloigné*e*s d'un engagement conjugal. C'est le cas de Leïla, 27 ans, musulmane affirmée, salariée dans une association promouvant les cultures d'Afrique du Nord. Se définissant comme musulmane « pratiquante », le récit par Leïla de ses pratiques sexuelles la rapproche plus du « modèle du désir individuel » que de celui de l'orientation conjugale. Sa sexualité est en effet diverse et en partie solitaire : elle regarde épisodiquement des films pornographiques, se masturbe fréquemment, possède et utilise un « sex toy » qu'elle a d'ailleurs gagné dans un festival de films érotiques auquel elle avait participé avec des amies. L'utilisation de cet objet sexuel renvoie à l'idée d'une « sexualité récréative » (Coulmont, 2006b). Celui-ci est dédié au plaisir féminin, malgré la référence au phallus (Coulmont, 2012), ce d'autant plus qu'il a été gagné dans un univers homosocial (entre femmes) agissant dans le cadre du modèle du désir individuel (lors d'un événement érotique). Elle a eu plusieurs partenaires sexuels, généralement des relations d'un soir – des « planscul » – et utilise l'application de rencontre Tinder. Dans son récit, Leïla met à distance les injonctions religieuses en matière de sexualité, sans avoir « occulté ces questions » : « [B]ah moi je crois que j'ai eu ce rapport à un moment donné de 'ok ce truc [la sexualité] je crois que j'ai envie de le faire toute seule d'abord, de façon autonome et égoïste dans un premier temps, de découvrir ce que c'est' ». Cette affirmation, dédramatisant par l'usage du mot « truc » les implications que pourraient avoir l'entrée dans la sexualité et la découverte du plaisir sexuel, tout comme le par affectif et sexuel de Leïla, correspondent au « modèle du désir individuel » : l'expression du désir d'une découverte individuelle, « autonome et égoïste », va de pair avec une sexualité « individualisée » qui « renvoie à l'individu une connaissance sur lui-même » (Bozon, 2001b, p. 22). Leïla insiste à plusieurs reprises sur le rôle de cette « exploration individuelle » dans sa connaissance du corps et du plaisir : « les plans-cul ça t'apprend quelque chose sur toi, sur ta sexualité ». Cependant, si le modèle du désir individuel semble fortement présent chez Leïla, dans ses pratiques tout comme dans son discours de l'individualisme sexuel, celui-ci se retrouve concurrencé par le « modèle conjugal » à plusieurs reprises. Mais le couple c'est pas une fin en soi pour moi. Le mariage non plus. Bien sûr je veux des enfants! [B]ien sûr je veux un mari qui les élèvera avec moi dans une même Qui partagera les mêmes valeurs que moi, la même conception de la vie [] Je me suis posé la question hein, plus d'une fois, c'est vrai que ça éviterait beaucoup de tracas [que son mari soit musulman], de ce que je peux voir autour de moi en tout cas. C'est hyper compliqué d'élever un enfant quand tu n'as pas la même approche de la vie et les mêmes convictions. (Leïla, 27 ans, musulmane affirmée, gestion de projets
culturels) On se situe, du côté
de
Leïla,
à une sorte de moment de bascule d'un modèle
du
désir individuel vers un modèle conjugal, non sans lien avec sa transition vers
l'âge « adulte »
: elle
a pour
la première
fois un emploi stable (en CDD renouvelable) et loue depuis peu un petit studio dans l'est de Paris. La confrontation entre les deux modèles s'observe bien dans l'usage des termes : à l'affirmation « le couple n'est pas une fin en soi pour moi » – se positionnant ainsi contre le modèle conjugal – s'oppose l'évidence selon laquelle elle se mariera et aura des enfants avec la répétition de la locution « bien sûr ». Ce positionnement en « entre-deux » se retrouve chez les enquêté*e*s qui ne sont pas en couple stable, mais ont une sexualité active : Rayan, musulman affirmé de 28 ans, qui enchaîne les partenaires sexuelles, souhaite « carrément » se marier plus tard, avec pour objectif de se mettre en couple avec une « musulmane » pour se rapprocher de la religion et devenir plus pieux. Ce désir de stabilité , ou cet horizon conjugal, le conduirait à ne pas avoir de contacts prolongés avec ses partenaires : « C'est une des raisons pour laquelle les filles je les revois jamais c'est aussi parce que je sais que de toute façon avec elles y aura rien de plus ». Chamya, qui a décidé d'« explorer sa sexualité » m'explique souhaiter se marier autour de ses 30 ans, et faire un mariage religieux. 245 (C
hlo
é
, 24 ans,
catholique pratiquant
e
, chargée de recrutement) Rares sont les enquêté*e*s qui s'éloignent du modèle conjugal, et si elles et ils le font dans leurs pratiques (qui s'inscrivent parfois plus dans le modèle du « désir individuel »), ils en réaffirment cependant la prégnance, comme un horizon à atteindre, une fois leur trajectoire (professionnelle, géographique, affective) stabilisée. L'attachement à l'une ou l'autre des orientations intimes dépend de l'appartenance religieuse, de l'âge social des individu*e*s et de leur stabilité, professionnelle et affective. Il est aussi fortement genré, les femmes restant globalement plus attachées que les hommes au modèle conjugal (Bozon, 2001b). A contrario, le détachement (relatif) à l'égard du modèle conjugal implique la mise en place de certaines techniques : ne jamais revoir ses partenaires pour Rayan (voir ci-après), ou choisir des partenaires qui ne sont ni Maghrébins ni musulmans pour Noura (27 ans, musulmane affirmée, journaliste). En effet, selon elle, il y a dans la relation avec quelqu'un de même confession un effet de miroir, rappelant les engagements qu'implique le rapport sexuel pour une jeune femme musulmane. Ainsi, il est plus simple de fréquenter et d'avoir des relations sexuelles avec un non-musulman, qui n'agira pas comme une force de rappel des conséquences potentielles d'une sexualité prémaritale. Dès le début [d'une relation sentimentale], on est obligé, pas que ce soit sérieux car on peut s'en ficher, mais y aura tout le temps Comme l'autre est de la même confession que nous, l'autre est le juge qu'on évite. [] On sait très bien que tout ce qu'on bricole avec notre religion ne tient pas la route. (Noura, 27 ans, musulmane affirmée, journaliste) L'attachement au modèle du désir individuel serait ainsi, pour les fidèles catholiques et musulman*e*s, une étape de transition vers le modèle conjugal, qui nécessite l'acquisition de certaines ressources (économiques, sociales, professionnelles). Ce modèle conjugal se caractérise en plus, du côté des personnes catholiques, par le regard réflexif porté sur sa sexualité. III - METTRE EN MOT ET DONNER DU SENS : « JE NE VEUX PAS QUE ÇA DEVIENNE QU'UNE PRATIQUE118 » Les injonctions à se dire, à se raconter et à se dévoiler, correspondent à ce que Michel Foucault nomme la scientia sexualis, autrement dit la science de l'aveu, une des deux 118 Diane, 27 ans, catholique pratiquante, employée dans un cabinet de conseil. 246 méthodes pour produire du savoir sur la sexualité. Selon Michel Foucault (1976), l'aveu constitue un rituel majeur de production de la vérité depuis le Moyen-Âge. Les méthodes d'interrogation et d'enquête se multiplient et s'affinent à partir de cette période, et l'aveu prend une place centrale dans « l'ordre des pouvoirs civils et religieux ». L'aveu constitue « la reconnaissance par quelqu'un de ses propres actions ou pensées » (p. 78). Si la confession se fait extrêmement rare aujourd'hui en France 119 – parmi mes enquêté*e*s se déclarant catholiques, très peu m'indiquent aller à confesse (seuls Pierre et William y vont régulièrement, Aurore y allant épisodiquement) – l'exigence de l'aveu n'en est pas moins présente, principalement auprès de sa ou son partenaire. C'est dans la mise en mot de la sexualité – souvent décrite comme « taboue » auprès des parents, mais fondamentale au sein du couple – que se joue l'exigence de « vérité » des partenaires, une vérité d'autant plus accessible que le/la partenaire partage les mêmes engagements religieux. Dire sa sexualité en tant que catholique est une forme d'injonction que l'on retrouve à de nombreux niveaux, tous évoqués par les enquêté*e*s catholiques interrogé*e*s : au moment de la préparation du mariage, dans les dîners de couples120 et les groupes de discussion entre jeunes catholiques sur des sujets divers (dont ceux de la sexualité, de l'intimité et du couple), et dans les injonctions de certaines figures médiatiques catholiques à « parler » de sexualité. Ainsi, Sophie Lutz, chroniqueuse pour le magazine Famille chrétienne et auteure de divers essais sur le couple et la religion catholique, dont son rnier Donne-moi des baisers de ta bouche (2016), intervient dans une émission radiophonique de Radio catholique de France sur le thème « Parler de sexualité en couple, pourquoi c'est important »121. En plus des dîners de couple, des associations chrétiennes proposent par ailleurs des week-ends pour les jeunes et les couples, sur différentes thématiques, dont celle de la « sexualité » (parcours Alpha, weekend couple à Fondacio, etc.). Ces discours, que l'Église appelle de ses voeux, tant au niveau de l'institution que de ses antennes locales, sont cependant organisés, régulés et contrôlés. Le premier élément Il est très difficile de trouver des données chiffrées sur la pratique de la confession. Les grandes enquêtes de la statistique publique n'interrogent jamais cette pratique. L'enquête Ifop 2010 faisant un état des lieux de la pratique du catholicisme en France n'en fait pas mention (« Catholicisme en France en 2010 », consulté le 22 décembre 2018). Cependant, des articles de presse évoquent le problème : la revue Famille Chrétienne publie un dossier sur la confession en 2000, avec deux articles intitulés : « Pourquoi les catholiques ne se confessent plus? » (consulté le 24 décembre 2018). 120 Ces dîners suivent différents formats : mensuels, hebdomadaires sur une période de deux-trois mois ou pour un événement particulier (comme pour les dîners de Saint Valentin). Ils sont organisés par différents acteurs : les diocèses, paroisses, mais aussi des associations chrétiennes loi 1901, comme l'association « Alpha » (« Parcours couple », site internet Parcours Alpha, consulté le 22 décembre 2018). 121
Sophie Lutz, 2017, « Parler de sexualité en couple. Pourquoi c'est important », RCF Radio, 4 août 2017, (consulté le 12 janvier 2019). 119 247
particulièrement frappant est le lieu autorisé et attendu de la mise en discours : celle-ci ne doit pas être faite n'importe où et avec n'importe qui. Si elle n'a pas lieu au sein de la sphère religieuse, celle-ci ne peut avoir lieu qu'au sein du couple, au risque de recevoir des rappels à l'ordre de la part de son ou sa partenaire en cas de non-respect des frontières du couple pour parler de sexualité. C'est le cas d'Élisa, 27 ans, qui a été plusieurs fois en conflit avec son compagnon, pour discuter ouvertement de sexualité auprès de leurs ami*e*s commun*e*s. Convertie au catholicisme à l'âge de 21 ans, Élisa est employée comme guide dans un monastère de la région parisienne. Sa conversion à l'âge adulte et la socialisation catholique tardive qui y est associée ont contribué à l'acquisition de « dispositions » plurielles et parfois contradictoires (Lahire, 2005). Elle valorise depuis lors des représentations du couple et de la sexualité correspondant à une forme catholique d'« orientation conjugale » et elle recherche depuis lors une relation stable et durable, pouvant se concrétiser par un mariage et une vie de famille. « Jeune fille des années 2000 », marquée par le « porno », « l'épilation intégrale du maillot » et le désir de ne pas rester vierge sans pour autant « être une pute », Élisa me présente sa conversion au catholicisme comme une étape clé dans la sortie de l'« ordre du genre » et de la remise en cause de certaines injonctions sexuelles pesant sur elle – être désirable tout en étant respectable, en tant que jeune femme issue de milieu populaire (Clair, 2008). Pourtant, plus qu'un reniement de sa vie d'avant la conversion (et malgré une mise en récit d'une véritable rupture), Élisa « jongle » (Olivier, 2018, p. 287 et suivantes) plutôt entre des dispositions différentes, selon les contextes dans lesquels elle évolue : avec ses ami*e*s d'avant sa conversion ou ses nouvelles connaissances catholiques, son travail dans un monastère. Ainsi, quand elle passe un moment avec ses ami*e*s d'avant sa conversion (qui sont plutôt des ami*e*s de l'université), elle n'hésite pas à parler ouvertement de sexualité – plus précisément de ses pratiques sexuelles – ce qu'elle n'a jamais fait avec ses ami*e*s catholiques. Cette parole décomplexée sur la sexualité en présence de pairs n'est pas du tout appréciée par son petit-ami, un jeune homme libyen musulman pratiquant. Celui-ci lui a plusieurs fois demandé d'arrêter, agissant ainsi comme une force de rappel des lieux légitimes pour parler de sexualité. Ce recentrement des discours sur le sexe au sein du couple va de pair avec des décisions « prises en commun » par les deux partenaires et correspondant au rejet de l'individualisation de la sexualité : celle d'arrêter de regarder des films pornographiques – pratique solitaire et « machiste » et le projet prochain d'emménager ensemble. La réappropriation par Élisa de sa sexualité débute selon elle au moment de sa conversion au catholicisme. Elle passe par la mise en discours de soi – technique particulièrement bien maîtrisée par Élisa qui n'en était pas à son coup d'essai au moment de 248 l'entretien (elle avait déjà été interrogée par un*e sociologue travaillant sur les conversions religieuses), et n'échappe pas à la constitution de nouveaux cadres sociaux de la sexualité. En effet, si la sexualité qu'elle a avec son nouveau partenaire est selon elle « plus variée » et la libère de certaines contraintes et injonctions genrées, elle n'en est pas moins elle-même contraignante : elle s'inscrit dans un cadre conjugal strict – unique cadre dans lequel ces pratiques sont autorisées – et dans la perspective de fonder, plus tard, un foyer. La sexualité doit donc se dire et être avouée, peut-être moins auprès du prêtre ou du confesseur que de sa/son partenaire. Au moment de la demande en mariage de son partenaire Victor, Diane (27 ans, catholique pratiquante, employée dans un cabinet de conseil) s'est sentie l'obligation de lui « confier » s'être déjà masturbée. La « confidence » relève ici de la volonté de ne « rien cacher » à son partenaire. Le sentiment de culpabilité ressenti par Diane n'est pas un fait isolé pour les femmes, mais il semble que ce sentiment de gêne ou de culpabilité genré, puisque propre aux femmes, soit accentué chez les femmes pratiquantes. Le récit de Diane est à ce titre éloquent. Non seulement, elle se confie à son futur mari sur cette pratique – le terme de « confidence » est ici intéressant : il ne s'agit pas simplement de « dire » sous la forme du récit, mais de « dire » sous la forme de l'aveu –, mais est prise ensuite la décision d'aller consulter une sexologue catholique parce que « Victor ne savait pas trop comment gérer ça ». La sexualité solitaire ici avouée à son partenaire est une sexualité problématique, qu'il faut réussir à « gérer » en passant par une spécialiste. Le discours que lui a tenu la sexologue « catho » correspond d'ailleurs relativement bien à cette exigence du discours de vérité : tout en dédramatisant la pratique (« Et j'avais dit ça à cette sexologue et elle m'avait dit 'combien de fois' et bon bref c'était une fréquence qui lui paraissait ridicule quoi ») elle insiste sur le « cadeau incroyable de confiance » que Diane a fait à son compagnon, insistant sur le rôle des discours d'aveu comme discours de vérité sur la sexualité au sein du couple. On se situe pleinement dans la scientia sexualis développée par Michel Foucault, ici annexée au couple et au cadre conjugal. C'est aussi au sein du couple conjugal que Diane va chercher à arrêter cette pratique, en continuant les aveux auprès de Victor qui lui donne l'absolution (« c'est pas grave ») puis finalement en se mariant – l'union maritale marquant ici l'arrêt total de la masturbation chez Diane.
M : Et maintenant tu te masturbes plus du tout? E : Non, plus du tout. Le jour où j'en ai parlé à Victor je crois qu'après je me suis masturbée Ca m'est arrivé deux fois en 6 mois et je lui avais dit à chaque fois et il m'avait dit « c'est pas grave, c'est bien que tu me le dises » Mais voilà, « c'est pas grave ». Et puis en fait, depuis qu'on est mariés, mais c'est ce que m'avait dit la 249 sexologue, depuis qu'on est mariés, je l'ai plus jamais fait, j'y pense même plus, ma sexualité elle est complètement changée en fait! (Diane, 27 ans, catholique pratiquante, employée dans un cabinet de conseil) C'est à la fois par les discours et au sein d'une réflexion sur la sexualité partagée au sein du couple que la sexualité prend son sens. Comme le souligne le moraliste Xavier Thévenot, « Il n'y a pas de sexualité chrétienne. Il y a une façon chrétienne d'assumer sa sexualité » (cité par Frédéric Mounier (1994)). Il n'est pas anodin de lire le terme « assumer » plutôt que « vivre » ou « expérimenter » par exemple : la sexualité n'est pas anodine et elle exige une prise de responsabilité de la part des individu*e*s. Cette responsabilité ne dépend pas uniquement des pratiques – comme on l'a montré au chapitre 2 (« Diversification et pluralisation des pratiques sexuelles des catholiques [années 1970-années 2010] »), pour la majorité
des catholiques, même celles et ceux considérant que la religion est importante ou très importante dans leur vie (catholiques affirmé*e*s), les pratiques sexuelles diffèrent peu par rapport à celles des personnes sans religion –, mais de la manière dont on les met en mots et dont on produit du discours et du signifiant. M : Et est-ce que tu as l'impression que votre sexualité elle change? Elle évolue? E : Oui elle change. Ouais, elle change un petit peu. Elle est peut-être un petit peu plus choisie parfois. C'est à dire que Quand on a passé une journée, je sais pas, quand on est fatigués l'un et l'autre bah on le fait pas et on se dit pas « on est mariés, il faut qu'on le fasse » et voilà on le fait quand on en a vraiment envie. Ce qui reste assez souvent (rires), mais c'est peut-être un peu plus choisi. Mais on en parle un peu moins que pendant nos fiançailles et j'aimerais bien qu'on en parle Plus. Voilà. M : Parce que t'aimerais parler de choses en particulier? E : En fait je Je veux surtout pas que la sexualité devienne un truc qu'on fait une fois qu'on se couche, et on en parle plus jamais quoi. Je veux surtout pas que ça devienne qu'une pratique. (Diane, 27 ans, catholique pratiquante, employée dans un cabinet de conseil) Cette dissociation entre la sexualité comme un fait total et englobant et la pratique sexuelle est faite par plusieurs enquêté*e*s catholiques, qui insistent sur le rôle fondamental 250 des sentiments et du partage entre les deux partenaires au moment du rapport sexuel. Il ne s'agit pas d'une conception isolée de la sexualité, elle est propre à beaucoup de jeunes entrant dans la sexualité (Le Gall et Le Van, 2007) et correspond plus largement à une division genrée des représentations de la sexualité, les femmes étant plus largement attachées que les hommes à ce que celle-ci s'inscrive dans une relation de couple (Bajos et Bozon, 2008 ; Bozon, 2005 ; Hamel et Rault, 2014). Cependant, ici encore, il semble
que l'engagement catholique renforce l'attachement à une inscription conjugale de la sexualité. Quand Élise me raconte son premier rapport sexuel, alors qu'elle entrait en seconde, avec son copain qui deviendra par la suite son mari et sera son seul partenaire sexuel, elle insiste sur le côté « désagréable » de celui-ci, moins pour des raisons physiques que pour des raisons relationnelles : ce n'était pas, selon elle, un « moment d'intimité », mais plutôt un rapport « froid ». Élise et son partenaire n'étaient pas encore en couple au moment du premier rapport et ne s'étaient « même pas » embrassé*e*s. Cet attachement à la relation amoureuse de la part d'Élise (elle me précise plus loin qu'elle était « amoureuse comme on peut l'être à 16 ans », tandis que pour son mari ce n'était « pas si évident que ça ») est un phénomène dépassant le cadre religieux qui s'inscrit plus largement dans des rapports de genre. Ces rapports sont cependant situés, ici, dans le cadre conjugal et de la vie à deux
: M : Et en termes de sexualité ensuite avec votre mari, vous Comment ça s'est concrètement passé au fil des ans? Vous avez l'impression que ça a changé votre manière de faire l'amour? E : Je pense que oui. Déjà nécessairement, au fil du temps, on se connaît mieux, on arrive à mieux savoir ce dont on a envie et ce dont on n'a pas envie. [] À la limite, j'ai pas de souvenirs vraiment de plaisir assez fort avant qu'on s'installe ensemble, ce qui est Alors qu'au contraire, finalement le fait de s'installer, d'être dans une vie de couple je dirai un peu plus facile [] La cohabitation facilite le rapport à l'autre et à soi-même aussi. Mais oui je pense qu'il y a eu une vraie évolution dans nos rapports, mais pas particulièrement dans nos pratiques. (Élise, 35 ans, catholique pratiquante, cadre de la fonction publique) On retrouve l'attachement à la conjugalité – à la fois comme unique cadre légitime pour la sexualité (donc comme une forme contrainte), mais aussi comme cadre permettant d'accéder au plaisir sexuel (donc comme le lieu du développement des formes du plaisir) chez de nombreux/euses fidèles catholiques, aux trajectoires affectives et sexuelles variées. Ainsi, alors
que Diane a attendu le mariage pour avoir son premier rapport sexuel, représentant aujourd'hui une figure assez marginale même parmi les catholiques, Élise n'a, elle, pas attendu le mariage pour avoir un premier rapport sexuel. Elle me rapporte même, honteuse, 251 avoir couché avec son petit ami avant qu'ils ne se « mettent ensemble », le sentiment de gêne confirmant l'idée de l'illégitimité de toute sexualité hors du couple. Pour les personnes catholiques, le couple stable et marié est l'horizon moral de la sexualité. M : [J]e vais plus passer sur des questions de représentations sur la sexualité. C'est moins personnel donc vous pouvez souffler (rires). [J]'avais toute une éducation où on m'avait dit beaucoup de choses [sur la sexualité], mais c'était pas monté au cerveau. Je sais pas. Et en même temps, si, ça m'était monté au cerveau, mais j'avais besoin De pas juste me conformer à ce qu'on me disait, mais je voulais Tout expérimenter, voilà, moi-même. (Bérengère, 29 ans, catholique pratiquante, chargée de recrutement en ressources humaines) L'expérimentation, dont parle Bérengère, fait ainsi écho à l'« expérience » du plaisir, centrale dans la production de la vérité sur le sexe par l'ars erotica : « j'ai l'impression que tout ce que mes parents m'ont dit, tout ce que j'ai pu apprendre, et ben j'ai eu besoin de l'expérimenter moi-même, de le redécouvrir et maintenant je vois plus du tout toutes ces choses-là pareilles qu'au début quoi ». Malgré l'acceptation de cette phase d'expérimentation, caractérisé par des moments plus ou moins agréables, Bérengère dénie finalement à ce mode de connaissance toute capacité de production de vérité : c'est en réalité, à partir des écrits de Jean-Paul II, et de la découverte de la sexualité conjugale, que se produit ce type de discours. Il s'agit en conséquence moins de conformer ses pratiques à certaines normes religieuses a priori que de les réintégrer dans un récit a posteriori correspondant aux codes de l'« orientation conjugale ». Une fusion totale, c'est ça que je recherchais, que je voulais découvrir [] la liaison entre le côté sacré du mariage et de l'union de l'homme et de la femme qui va jusqu'à la procréation, mais pas que, pas forcément et puis côté extraordinaire et sacré du plaisir que l'on donne à l'autre, jusqu'où va le respect [] et je découvre ça avec mon mari aujourd'hui. (Bérengère, 29 ans, catholique pratiquante, chargée de recrutement en ressources humaines) Il y aurait ainsi, chez les catholiques fortement engagé*e*s dans leur religion, le plus souvent pratiquant*e*s une mise en discours de la sexualité au sein du couple correspondant à la scientia sexualis. L'orientation conjugale et la scientia sexualis fonctionnent donc de concert, tout comme le modèle du désir individuel et l'ars erotica. Si l'attachement au couple et à la sexualité conjugale est aussi fortement présent chez les personnes musulmanes, il ne passe pas, semble-t-il, par la même exigence de mise en discours. Au contraire, la sexualité semble ne pas être nécessairement mise en mots comme chez les catholiques. Par exemple, avec des filles, bon ça c'est un pote qui m'avait conseillé ça (rire gêné) et du coup je Faut que ça reste anonyme, hein? Parce que j'ai jamais dit à mes potes qu'on me l'a dit, j'ai toujours dit que c'était moi! Et du coup il m'avait dit « tu vois faut que tu leur dises Fais-les se sentir un peu, pas sales, mais tu vois tu peux les insulter un petit coup, leur dire de faire les choses etc. » Lui il avait lu un bouquin dessus (Rayan, 28 ans, musulman affirmé, trader) C'est pour ça que j'ai jamais été un suiveur, parce que t'entends plein de mensonges autour de toi! Moi j'étais avec un pote à moi je parle il me dit qu'il l'a fait sept fois, enfin le mec c'est un pompier ou quoi? Au bout d'un moment, c'est que du sang! (Je ris) Tu te fous de ma gueule enfin tu vois c'est plus possible enfin le mec il a éjaculé sept fois, mais tu vois moi ces gens-là je les écoute, mais que d'une oreille parce que je sais qu'il ment, mais si j'ai un pote à moi qui le croit, il se dit « putain faut que je donne, le mec il arrive à le faire sept fois, faut que je prenne des produits et tout » (Amine, 30 ans, musulman affirmé, papetier) C'est un sujet délicat parce que moi mes copines les plus proches, on n'en parle pas. On parlera pas de ce qu'on fait et de ce qu'on fait pas. On part du principe, et on part toutes, enfin mon cercle d'amies très proches, issues des mêmes conditions que moi et du même schéma. Elles sont deux, donc on est trois et on part du principe qu'on ne fait rien jusqu'au mariage. Que si on a des copains, on s'embrasse, on dort avec lui, mais on ne fait pas plus. Ce qui dans mon cas est faux, enfin est faux. Après on n'en parle pas du tout, mais voilà quand on rencontre quelqu'un on dit « je suis avec cette personne », et chacune se dit bon bah il se passe rien. Après de nous trois y en a une qui est mariée donc ça se passe 254 plus pour elle, mais autant on pouvait aller en boîte ensemble, rencontrer des garçons, mais voilà, on part du principe que l'on ne fait rien (Noura, 27 ans, musulmane affirmée, journaliste) Se jouent donc ici, derrière la question de l'appartenance religieuse catholique ou musulmane, d'autres rapports de pouvoir, en premier lieu desquels un rapport d'âge, à l'intersection des rapports de genre : parler de sexualité pour les musulman*e*s n'est pas associé à un partage (nécessaire) en couple, mais à des discussions entre pairs de même sexe, au moment du passage à l'âge adulte pour les hommes, mettant en compétition des « masculinités prédatrices » (Fidolini, 2018). Pour les femmes, des travaux ont présenté le hammam comme un lieu de discussions intimes entre femmes maghrébines et musulmanes (Lachheb, 2012 ; Tersigni, 2003). Ce lieu est cependant moins fréquenté par les jeunes femmes, et n'a jamais été évoqué au cours des entretiens menés. Les discussions sur la sexualité varient selon les pairs et les trajectoires biographiques individuelles. Noura, 27 ans, jeune femme musulmane pratiquante en ascension sociale (ses parents sont ouvriers, issue de l'immigration maghrébine et elle est elle-même journaliste) distingue ainsi plusieurs groupes de pairs : avec ses ami*e*s de l'université, elle peut parler de sujets intimes. Avec ses amies les plus proches, issues du « même milieu » qu'elle (de milieu populaire et de parents immigrés maghrébins), elle ne va pas évoquer les potentielles transgressions des interdits religieux en matière de sexualité : il est tacitement supposé que chacune attendra le . Ainsi, elles ne sont pas au courant que Noura a déjà eu des rapports sexuels. Peut-être s'en doutent-elles, du fait de la trajectoire sociale de Noura, mais l'important est ici de s'accorder sur un « arrangement » commun autour de la norme de virginité (Fidolini, 2015, p. 199), autrement dit, de garantir son respect dans l'interaction, plutôt que dans la pratique. Dans aucun des entretiens menés avec des personnes se déclarant musulmanes cependant, que les personnes soient ou non en couple, il n'a été évoqué de discussions approfondies sur la sexualité au sein du couple – comme description de pratiques concrètes, ou comme un idéal d'épanouissement du couple. Les seules discussions qui ont été évoquées concernent la contraception. Ainsi, Claire (23 ans, musulmane affirmée convertie, mariée religieusement depuis un an) m'explique ainsi avoir « arrêté la pilule » après une discussion avec son mari, qui lui a « fait un rappel » sur l'islam. Amine (30 ans, musulman affirmé, marié) m'indique quant à lui que sa femme, convertie à l'islam quelques années auparavant, a pris la pilule à leurs débuts car « on ne savait pas trop », mais elle s'intéresse depuis de près aux méthodes naturelles de contraception et elle ne souhaite plus avoir recours à la pilule ou à d'autres méthodes artificielles comme le préservatif. De ce fait, elle s'inscrit dans une 255 mouvance articulant questions religieuses et écologie, qui prend de l'ampleur au sein des religions instituées (Bertina et al., 2013). Assia, musulmane affirmée de 22 ans, en couple depuis plusieurs années avec un jeune homme originaire du Kazakhstan, m'explique « ne pas avoir de tabou » quand je lui demande s'ils parlent, avec son copain, de sexualité. Cependant, en creusant la question, il s'avère que les discussions ont plutôt lieu avec leurs amis, et ne portent pas précisément sur leur sexualité de couple. La discussion semble alors possible tant qu'elle ne vise pas concrètement le couple. Elle prend aussi place au sein d'un couple religieusement « mixte », puisque le petit copain d'Assia est d'origine protestante et se définit comme athée. Il n'est pas question d'affirmer ici que les personnes musulmanes ne discutent pas de sexualité avec leur partenaire. Ce serait sans nul doute inexact, et il est possible que mes enquêté*e*s n'aient simplement pas souhaité s'en ouvrir à moi, pour des raisons de pudeur notamment. Ainsi, Élisa (27 ans, catholique affirmée convertie, guide dans un monastère), en couple avec un jeune homme musulman, a été beaucoup plus volubile sur sa sexualité avec son partenaire au moment où j'ai coupé le dictaphone, son partenaire lui ayant indiqué qu'il ne souhaitait pas qu'elle expose trop précisément leur sexualité pendant l'entretien. Assia (musulmane affirmée, 22 ans, étudiante en sciences humaines et sociales), en couple avec un partenaire non-musulman, ne souhaitait pas que son petit-copain dise à ses ami*e*s qu'ils avaient eu un rapport sexuel ensemble : ça la mettait « super mal à l'aise » et elle ne voulait pas qu'on pense « qu'elle est musulmane quand ça l'arrange ». TABLEAU 36 : PROPORTION DE PERSONNES EN COUPLE SELON LE SEXE ET LA RELIGIOSITE PARMI LES 18-29 ANS EN 2006
(EN %) Catholique affirmé Catholique indifférent Musulman affirmé Sans religion Ensemble Femme 44,6 37,5 34 40,5 Effectifs 283 623 110 756 Homme 30,4 30,7 7,9 22,9 Effectifs 165 446 80 787 39,4 1772 25,3 1478 p < 0,05
Lecture : 44,6 % des femmes catholiques affirmées déclarent être en couple en 2006. Champ : Individu*e*s âgé*e*s de 18 à 29 ans. Source : Contexte de la sexualité en France, 2006, Ined-Inserm. Malgré ces réserves, il est notable que, contrairement à ce que prônent les catholiques pratiquant*e*s, les discours sur la sexualité au sein des frontières conjugales ne sont pas érigés en critère d'épanouissement et de bon fonctionnement du couple parmi les musulman*e*s, en dépit d'un attachement fort au couple et au mariage. Pour le dire autrement, si le couple est le cadre de la sexualité légitime et de l'épanouissement sexuel, les discussions sur la sexualité au sein du couple ne sont pas érigées en norme pour les musulman*e*s, contrairement aux catholiques. La religion peut donc devenir une pratique érotisante, ou créer un cadre érotisé pour la réalisation certaines pratiques et conduites, qui s'inscrivent dans un modèle conjugal, ou dans l'horizon de celui-ci. En dehors du modèle conjugal, les processus de sexualisation et d'érotisation, pour les fidèles, se doivent d'être reconnus et mis à distance suffisamment tôt, ce que l'on va développer à présent. IV - SEXUALISER ET DESEXUALISER : RECONNAITRE LES SCRIPTS ET LES INTERROMPRE
La sexualité n'est pas un donné naturel, elle ne répond pas (ou pas uniquement) à des pulsions propres aux femmes et aux hommes (Bozon, 2018 ; Seidman, 2010). Au contraire, elle est socialement construite, comme le sont les scénarios susceptibles d'être reconnus comme ayant un potentiel érotique et sexuel. Ces scénarios correspondent aux « scripts sexuels » théorisés par John H. Gagnon et William Simon (2002 [1973]), puis par John H. Gagnon seul (Bozon et Giami, 1999 ; Gagnon, 1999, 2008) : : « [s]'il est impossible 257 d'espérer remonter à un état de nature de la sexualité, la conduite sexuelle humaine doit être considérée comme une'scripted behavior' » (Bozon et Giami, 1999, p. 69‐70). Les interactions sexuelles dépendent de la reconnaissance de « récits impliquant des séquences d'événements, ou de l'intériorisation des modes de fonctionnement des institutions ». En plus d'un « savoir-faire » sexuel, on acquiert « une capacité à percevoir des états du corps et à reconnaître des situations » (p. 70). La théorie des scripts s'intéresse ainsi aux éléments qui vont marquer une situation comme sexuelle. Elle prend aussi en compte la production par les individu*e*s de « situations potentiellement sexuelles » (ibid). Se découpant en trois niveaux (intrapsychique, interpersonnel et culturel), ils permettent de voir comment l'acte sexuel est inscrit au plan de la vie mentale, dans des relations interpersonnelles et des référents culturels plus larges 122. Plus précisément, au sein des scripts intrapsychiques s'organisent les « schèmes cognitifs structurés, qui prennent la forme de séquences narratives, de projets, de fantas mes sexuels » (Gagnon, 1999, p. 84‐85) élaborés selon les expériences de chacun*e*s, et résultant « en partie du contenu des scénarios culturels et des exigences de l'interaction ». Les scripts interpersonnels fonctionnent « comme une organisation de conventions partagées qui permettent à deux acteurs ou plus de participer à un acte complexe impliquant une dépendance mutuelle » (Gagnon et Simon, [1973] 2002, p. 20). Enfin, les scripts culturels sont « des prescriptions collectives qui disent le possible ainsi que ce qui ne doit pas être fait en matière sexuelle [] Ils sont généralement enchâssés dans des récits qui n'ont pas nécessairement la sexualité pour objet » (Bozon et Giami, 1999, p. 70). La reconnaissance du script sexuel peut amener certains fidèles à hésiter quant à la conduite à adopter : faut-il ou non le poursuivre, s'il ne correspond pas à l'orientation conjugale? C'est la situation de malaise dans laquelle se trouve Alexandre, 26 ans, lors de deux rencontres sexuelles d'un soir. Alexandre est un catholique très pratiquant : il va à la messe tous les dimanches soir et se confesse environ tous les trois mois. Attaché à des valeurs qu'il décrit comme « conservatrices » (stabilité de la famille et de la transmission, importance du patrimoine et de la filiation) et à une conception hétérosexuelle de la famille, il considère que la sexualité est trop présente dans notre société. S'il est fortement attaché à la valeur de la virginité, il a eu son premier rapport sexuel à 24 ans et m'indique avoir eu deux partenaires sexuelles, toutes deux sans qu'une relation se construise. Cette situation l'a mis très mal à l'aise et il m'explique le « regretter », m'expliquant qu'il est partagé entre son désir charnel, qu'il considère comme « normal » (« en même temps j'en ai eu besoin! »), propre à sa condition masculine (« T'as 25 ans tu te dis'merde, il m'est rien arrivé. Est-ce que suis un mec, est-ce que je suis un corps, est-ce que je suis capable de donner du plaisir à une femme?' ») et ses représentations en tant que catholique (le mieux serait d'attendre de trouver « la bonne »). Cette situation de tension « intrapsychique » s'exprime dans la manière dont Alexandre s'engage dans les scripts sexuels. Les deux rencontres d'un soir se sont passées globalement de la même manière , suivant un script relativement classique d'une rencontre entre deux jeunes personnes (« en soirée », « autour d'un verre »). Durant la soirée, Alexandre reconnaît le script, que sa partenaire reconnaît aussi (« tu sens qu'il se passe un truc »). Il décide alors de s'y engager à la fin de la soirée, en lui proposant de monter dans son taxi, proposition correspondant à un scénario cliché en matière de rencontres sexuelles (« je pensais même pas que Ce soit possible! Enfin ça me paraissait délirant! »), mais qui permettait, tant que la jeune femme n'acceptait pas la proposition, de jouer avec les frontières du script. La jeune femme acceptant de monter, Alexandre est cependant par la suite pleinement engagé dans le script (« dans quelle merde je me suis fichu! »). Le récit d'Alexandre cherche à le désengager de l'acte sexuel en lui-même, qui aurait finalement été induit par une phrase en trop prononcée à la fin d'une soirée (« tu montes avec moi? ») et surtout par l'acceptation de la jeune femme (« Tu te dis 'quoi il suffit de dire ça pour que ça marche?' »). Cette forme de déresponsabilisation est pourtant en contradiction avec le fait qu'il portait sur lui, ce soir-là, des préservatifs (« on sait jamais, sur un malentendu »), comme il me l'indique plus loin dans l'entretien, ce qu'il ne fait plus aujourd'hui, ce qui est « une manière de fermer psychologiquement la possibilité, ce n'est plus 259 dans le champ des possibles ». On voit ici comme s'écrivent les scénarios sexuels à l'imbrication des trois niveaux définis par Gagnon et Simon. Au niveau intrapsychique, Alexandre est en tension entre ses désirs, des normes de genre et de sexualité et son système de valeurs catholiques, tout particulièrement en matière de genre et de sexualité. Au niveau interpersonnel, le script est partagé avec la jeune femme rencontrée en soirée, qui accepte de s'engager dans un scénario de rencontre extrêmement classique – tout du moins reconnu comme tel : monter dans un taxi en fin de soirée avec un jeune homme, sous-entendant aller chez lui passer la fin de soirée. Le script culturel vient coder certaines des références en matière de genre, de sexualité et de rencontres sexuelles éphémères. Alexandre maîtrise donc les codes classiques de la rencontre sexuelle d'un soir : il avait compris qu'il « se passait un truc » avec la jeune femme au moment de la soirée, portait sur lui un préservatif « au cas où », lui a proposé de « monter avec lui dans le taxi » et savait très bien qu'il s'agissait d'une rencontre d'un soir (« c'était très clair dès le début que c'était juste pour ça », « c'était clair dans sa tête »). 260 M : Et du coup le lendemain, pareil, vous êtes partis? Ou tu es parti, je sais pas? E : Oui. Alors là oui. Mais là je suis un peu embarrassé. Parce que le lendemain, je l'ai accompagné en métro, parce que je suis toujours gêné. [] Je serai vraiment curieux de savoir si vraiment elle pense que c'est bien ou pas. C'est un grand mystère, parce que je sais pas si je culpabilise seulement parce que j'ai une espèce de surmoi religieux, ou pas, ou si c'est parce que fondamentalement c'est pas bien et que tout le monde sait que c'est pas bien. (Alexandre, 26 ans, catholique pratiquant, cadre d'entreprise)
L'interrogation d'Alexandre à l'égard de son « surmoi religieux » est particulièrement intéressante car elle interroge la force et les limites de la normativité religieuse (de ce « surmoi ») : est-ce que les normes
religieuses
correspondent en
ré
alité
à des
normes sexuelles
et
de genre plus larges, que la religion ne fait que reprendre ou traduire dans un langage particulier?
Alexandre avait donc reconnu le script et avait accepté de participer au scénario, cependant, celui-ci allait à l'encontre du modèle conjugal auquel il est très fortement attaché. Le malaise, perceptible à la fois au moment de la rencontre, mais plus encore après celle-ci (la description qu'il fait de son ressenti d'alors fait transparaître quelqu'un d'extrêmement torturé) et lors de notre échange, caractérise le conflit entre le modèle conjugal auquel il aspire et le désir sexuel le conduisant à accept
er un scénario de séduction tout en lui déniant toute forme de plaisir avant, pendant et après l'acte sexuel. La reconnaissance des scénarios peut aussi contribuer, non pas à accepter le script (et ses
conséquences plus ou moins agréables), mais plutôt à le bloquer avant qu'il ne soit trop tard. Ainsi, Pierre (33 ans, catholique pratiquant, avocat d'affaires), marié depuis quelques mois à une jeune femme catholique me décrit la façon dont il jongle avec son désir sexuel dans les périodes où sa femme et lui ne peuvent avoir de rapport – quand celle-ci a ses règles123 ; une période qu'il considère comme particulièrement bénéfique pour prendre du recul et qu'il compare au carême chrétien. La gêne suscitée par les menstruations féminines, et l'absence de rapports sexuels pendant cette période au sein des couples, ne sont pas propres aux fidèles catholiques ou musulman*e*s. Il s'agit d'un phénomène beaucoup plus large, comme en témoignent des travaux sur la question (Mardon, 2009, 2011). Je trouve ça très sain comme période et ce d'autant plus qu'on le fait assez souvent, et bah y a une période durant laquelle voilà! [sous-entendu la période de menstruation], Mais c'est parfait, c'est un peu comme le carême chrétien ce discours de sagesse, voilà, dans n'importe quel régime de bon sens où tout à coup la distance, le réajustement des paramètres voilà remet un peu les choses à une autre place. (Pierre, 33 ans, catholique pratiquant, avocat d'affaires) Pour Pierre, le plus important, pour contrôler son désir, est d'être capable de reconnaître le moment précis où la situation pourrait devenir incontrôlable et de mettre alors instantanément de la distance pour « casser le truc direct ». « [M]oi je vois dans ma vie sexuelle aujourd'hui parce que pour le coup j'en ai une, j'ai aucune difficulté à ne pas avoir de relation si on reste à distance, mais à partir du moment où les gestes sont enclenchés et que le truc commence, pour faire marche arrière c'est vachement difficile, et ça dure assez longtemps et faut remettre une distance et casser le truc direct. Et moi sur ça j'ai eu à maîtriser ça. Donc à voir exactement à partir de quel moment le truc s'enclenche et faut lui dire stop, ce qu'on ne fait jamais, on a toujours à gérer un truc, comme on peut en nageant, mais ouais on fonctionne comme ça, là où la femme ça met du temps à monter et si ça cesse d'être nourri ça redescend assez rapidement, mais ouais, ouais, mais bon là c'est mécanique, mais ouais je témoigne! Je pense que c'est universel, mais il y a de ça. » (Pierre, 33 ans, catholique pratiquant, avocat d'affaires Ce qui est intéressant chez Pierre est l'explicitation du travail de maîtrise de soi et du désir, par la reconnaissance du script sexuel et sa mise à distance, et le parallélisme qu'il fait avec le carême comme période d'abstinence. Il s'agit dans les deux cas d'un apprentissage et d'un travail sur soi. Concrètement, Pierre m'explique quelques-unes de ses parades : s'éloigner physiquement, penser à son travail, et « faire un travail sur lui-même et en luimême ». Toutefois, la reconnaissance des scripts sexuels n'est pas l'apanage de Pierre, et ne dépend pas de l'appartenance à la religion catholique. Son récit fait fortement écho en effet à celui d'un enquêté de Vulca Fidolini (2018) dans son travail doctoral, Abdoullah (24 ans), qui cherche à « ne pas se rapprocher d'un script » (p. 69), pour conserver jusqu'au mariage sa virginité. L'objectif n'est pas pour Pierre de conserver sa virginité, mais de ne pas déclencher un désir qui deviendrait incontrôlable. Cependant, la logique est la même : « [c]e qui demeure très intéressant dans son récit est l'importance attribuée par ce jeune homme à la détection du moment où le script interpersonnel s'active » (ibid, p. 70). Le travail de contrôle et de maîtrise de soi par la reconnaissance des scripts sexuels ne s'inscrit pas forcément dans un registre religieux : les registres de justification sont parfois multiples. Ainsi Yassim (37 ans, musulman affirmé, éducateur spécialisé) m'explique éviter 262 les situations susceptibles de créer de la tension sexuelle et du désir, afin de ne pas être infidèle à sa partenaire, l'ayant été à de nombreuses reprises par le passé. En évitant les lieux où il pourrait être tenté, Yassim se protège du risque de « craquer ». Alors qu'il est musulman, et pourrait inscrire ses stratégies dans un registre de justification religieux, c'est le registre ethno-racial qu'il utilise pour excuser ses frasques passées et justifier sa stratégie de l'évitement. M : Et maintenant, c'est quelque chose que tu penses que tu ne pourrais plus faire [tromper ta copine]? E : Faut jamais dire jamais! Jamais! On sait pas, mais Je m'efforce de me, je m'interdis des situations où ça pourrait arriver, tu vois? Déjà j'ai j'évite les lieux où ça peut m'arriver de De comment dire ça? D'être tenté ou de pas réussir à me contenir par rapport à une Pas un coup de foudre j'aime pas ce terme, mais une attirance physique, tu vois, une fille qui est super bien faite et qui te plaît, t'as une attirance physique dingue pour elle et tu es prêt à craquer parce qu'on reste que des hommes. Nous, je pense que les Méditerranéens, les Méditerranéens et les Africains, on a une vraie faiblesse, par rapport à la femme. Sincèrement. (Yassim, 37 ans, musulman affirmé, éducateur spécialisé)
Les récits d'interruption de scripts sexuels ou de reconnaissance puis évitement de ceux-ci, ont été beaucoup plus fréquents dans les récits masculins que féminins. On peut supposer qu'il s'agit d'un effet de l'intériorisation élargie de l'image d'une sexualité masculine naturellement abondante et peu contrôlable, à l'opposé de la sexualité féminine.
Les récits de résistance au désir sexuel
seraient de ce fait moins
légi
times à
formuler
pour les femmes. Le cas d'Aurore fait figure d'exception dans mes entretiens – puisqu'elle fait le récit de l'interruption d'un script – tout en corroborant, dans le même temps, cette représentation bicatégorisée des
désirs sexuels masculins et féminins. Catholique pratiquante de 27 ans, n'ayant jamais eu de rapport sexuel, Aurore
, actuellement au chômage, est aussi une fêtarde qui aime beaucoup boire et finit fréquemment ses soirées fortement alcoolisées. Sans vouloir rester vierge à tout prix jusqu'à son mariage, elle voudrait que sa première fois se passe avec « quelqu'un qui compte ». Sa stratégie d'évitement du rapport sexuel arrive beaucoup plus tardivement dans le script que pour Alexandre. En effet, elle ne s'interdit jamais de « rouler des petites pelles » aux garçons qu'elle rencontre dans les soirées, mais elle s'est toujours refusée à aller « dormir chez un mec [qu'elle a] chopé ».
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Effet de la présence d'inclusions d'oxyde sur la prévision de l'amorçage de la corrosion sous contrainte de l'alliage 600 en milieu REP. Matériaux. Université Paris sciences et lettres, 2022. Français. ⟨NNT : 2022UPSLM007⟩. ⟨tel-03699531⟩
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Se forme à sa surface une couche d’oxyde duplex, telle que schématisée en figure 7. Cette couche est composée d’une couche d’oxyde interne continue et d’une couche externe discontinue. L’état de l’art met en évidence plusieurs cas de figures en matière de morphologie et de composition des oxydes formés au sein des deux couches, qui évoluent en fonction des paramètres environnementaux du milieu primaire.
FIGURE 7 – Représentation schématique, sur une vue en coupe, de la couche d’oxyde duplex formée en surface de l’alliage 600 en contact du milieu primaire
REP. II-1.1 Oxydation de surface 1.(a) Couche externe discontinue
En ce qui concerne la couche externe discontinue, les études antérieures s’accordent globalement sur sa description et la nature des oxydes qui la composent. Trois types de morphologies sont mises en évidence et peuvent être retrouvées simultanément à la surface de l’alliage : (1) des cristallites de forme pyramidale d’une taille de quelques dizaines de nanomètres qui recouvrent la surface. Elles sont identifiées comme des spinelles riches en fer et en nickel (N i1−x F e2+x O4 ) ou NiO. Ponctuellement leur taille peut atteindre quelques microns [9, 28, 31–33]. Ces cristallites résultent pour l’essentiel d’un mécanisme de dissolution-précipitation des cations nickel et fer. Ces cations proviennent à la fois de la corrosion des échantillons et de l’autoclave s’il est en acier inoxydable ou en alliage base nickel. La formation de la couche externe peut être limitée par l’utilisation d’autoclaves en titane ou d’une boucle à recirculation avec résines échangeuses d’ions permettant de purifier le milieu [27]. (2) des plaquettes d’oxyde d’une dizaine de mètres d’épaisseur ont été mentionnées par Carrette [34]. (3) de fins filaments d’oxydes, riches en nickel, d’une largeur de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres et d’une longueur de quelques microns ont été rapportés par certains auteurs [9, 32, 35]. De petits globules ou agrégats d’hydroxyde de nickel N i(OH)2, dont la formation résulterait d’une précipitation ont également été mis en évidence [27, 34]. La couche externe se construit par croissance cathodique et par déposition d’espèces. La densité de cristallites en surface est dépendante de la saturation du milieu : plus le milieu est saturé en cations l en
l , plus la en lites riches et et de
1.(b) Couche d’oxyde interne continue
La couche d’oxyde continue est décrite comme étant riche en chrome, du fait de la faible solubilité du chrome dans le milieu primaire [27, 28, 32, 34, 39]. La présence de spinelles N i1−x F ex+y Cr2−y O4 est mentionnée et certains auteurs observent la présence de nodules d’oxyde de chrome Cr2 O3 dans le cas de l’A690 [27] à l’interface entre la couche continue et la matrice. Les conditions de formation de la chromine Cr2 O3 ne sont pas encore bien identifiées. La couche interne croît de façon anionique ; elle se forme sous le niveau initial de la surface. Certaines études mentionnent la présence d’une zone appauvrie en chrome sous la couche d’oxyde continue et qui est attribuée à la formation de la chromine [28, 30, 32, 34]. Ce résultat n’est pas unanimement avancé dans le cadre de l’oxydation des alliages base nickel en conditions primaires [27]. II-1.2 Oxydation intergranulaire
L’oxydation intergranulaire consiste en la formation d’oxydes au niveau des joints de grains de l’alliage 600, du fait de l’exposition au milieu primaire. La figure 8 montre un exemple de pénétration d’oxyde observée au MET (mode STEM-HAADF).
FIGURE 8 – Pénétration d’oxyde intergranulaire (a) observée par STEM-HAADF et (b) profil EDX associé. A600 oxydé 1000 h à 360 ̊C avec 20mLH2 /kgH2 O - d’après [9].
Les pénétrations d’oxyde sont riches en chrome. La formation de chromine Cr2 O3 et/ou de spinelles dont la composition est proche de celle de la couche interne a été mentionnée [40–43, 43, 44]. Certains auteurs rapportent la présence de pores dans l’oxyde intergranulaire [44, 45]. Une zone appauvrie en chrome et enrichie en nickel, dissymétrique, adjacente à l’oxyde intergranulaire a été rapportée [44, 46–49]. Fujii et al. mentionnent la présence d’une phase de nickel métallique ainsi qu’une zone hautement poreuse à l’interface métal / oxyde [41]. Cette zone pourrait résulter de la migration des joints de grains assistée par la diffusion qui a été observée dans certaines études [40, 49–51]. Les études de laboratoire montrent que l’oxydation des joints de grains en milieu primaire simulé suit une évolution parabolique [46, 52] ou logarithmique [9, 13, 53] avec le temps. Dans le cas d’une de l’A600 en conditions du milieu primaire cinétique parabolique, cela suggère que le mécanisme d’oxydation intergranulaire est limité par un processus de diffusion à l’état solide [46]. II-2 II-2.1 Influence de l’environnement Température 1.(a) Activation thermique
Les croissances des couches d’oxydes pourraient être des processus thermiquement activés : Szklarska et al. ont montré que l’épaisseur des couches d’oxydes (couche interne + couche externe) augmentait avec la température (pour de l’alliage 600 exposé à de l’eau hydrogénée et lithiée, pour des températures comprises entre 25 ̊C et 350 ̊C), avec une augmentation importante à partir de 200 ̊C [54]. Zienmniak et Hanson puis Morton et al. évaluent l’énergie d’activation apparente de l’oxydation de surface de l’A600 à 110 et 120 kJ/mol [39, 55]. Terachi et al. estiment une énergie d’activation apparente entre 70 et 100 kJ/mole pour l’oxydation de surface [56]. Caballero évalue une énergie d’activation apparente pour l’oxydation des joints de grains de 139 kJ/mol [9].
II-2.2 Ecart au potentiel électrochimique d’équilibre Ni/NiO
Le rôle de l’hydrogène semble différent selon la température du milieu. La littérature montre qu’il existe un effet conjoint de la température et de l’hydrogène sur les couches formées (épaisseurs, nature chimique). Attanasio et al. proposent ainsi un modèle thermodynamique qui donne l’évolution du potentiel d’équilibre électrochimique du couple N i/N iO, en fonction de la température d’essai et du taux d’hydrogène dissous [57]. A une température d’essai donnée, l’écart à ce potentiel d’équilibre, noté ∆EcP est donné par l’équation 1 : ∆Ecp = 1000 ∗ (RT /2F ) ∗ ln([H2 ]essai /[H2 ]N i/N iO ) (1) - R est la constante universelle des gaz parfaits (8,314 J /mol/K) - T est la température d’essai en Kelvin - F est la constante de Faraday (96485 C/mol), - [H2 ]essai et [H2 ]N i/N iO sont respectivement la teneur en hydrogène dissous du milieu et la teneur en hydrogène dissous qui correspond à l’équilibre N i/N iO à la température d’essai T et qui est calculée selon l’équation 2 : [H2 ]N i/N iO = 2 ∗ 10−6 ∗ exp(0, 0256 ∗ T ) (2)
2.(a) Influence sur les oxydes de surface
Le diagramme de la figure 9 montre l’évolution des oxydes formés en surface (couche externe) selon le positionnement des essais par rapport à l’équilibre N i/N iO. Terrachi et al. [33] montrent par des essais à 320 ̊C pour une durée de 1000 h avec 0 ; 1 ; 2,75 et 4 ppm de dihydrogène dissous (soit environ 0, 11, 30 et 44 mL H2 /kg H2 O - figure 10) : - sans ajout d’hydrogène : la couche externe est riche en nickel et la couche continue est riche en chrome. Cela se justifie par la stabilité thermodynami de l’oxyde de nickel N iO dans ces conditions expérimentales (∆EcP < 0 mV si la teneur en hydrogène dissous tend vers 0 à 320 ̊C). La couche continue est amorphe ou constituée de petites cristallites. 13 Premier chapitre Oxydation de l’A600 en conditions du milieu primaire
FIGURE 9 – Évolution de la couche de surface avec la teneur en hydrogène dissous et la température - observations tirées des travaux de [9, 35]. FIGURE 10 – Evolution schématique de la couche d’oxyde duplex formée en surface de l’alliage 600 avec la teneur en hydrogène, en conditions du milieu primaire - d’après [33]. - dès lors que les essais se positionnent en dehors du domaine de stabilité de NiO, i.e pour 1 ppm (∆EcP'9 mV ), 2,75 ppm (∆EcP'34 mV ) ou 4 ppm (∆EcP'44 mV ) d
’hydrogène dissous
: une couche continue de fa
ible
épaisseur est formée et surplombe une couche appauvrie en chrome. La couche extern
e change de
morph
ologie : des filaments sont retrouvés en
surface lorsque la teneur d’hydrogène dissous est plus faible (1 ppm) tandis que des spinelles se forment en surface au-delà de 2,75 ppm d’hydrogène dissous. Ces descriptions sont étayées par les calculs thermodynamiques des travaux de Caron [58] (gamme de température [290 ̊C - 360 ̊C] et gamme d’hydrogène dissous [0,1 - 50 mLH2 /kgH2 O ]), puis de Marchetti [27], qui mettent en évidence la présence de domaines de stabilité des oxydes différents selon (1) les fractions molaires XN i, XCr, XF e des éléments d’alliage, (2) la température et (3) le pouvoir oxydant du milieu (qui dépend de la teneur en hydrogène et de la température). En conditions nominales du circuit primaire (325 ̊C), les oxydes thermodynamiquement stables sont : Pour XN i >> XCr >> XF e : (diagramme de stabilité de la figure 11) : - NiO, N iCr2 O4, F eCr2 O4 si l’hydrogène dissous est comprise entre 0,1 et 20 mLH2 /kgH2 O - Ni, N iCr2 O4, F eCr2 O4 pour la gamme 20 - 50 mLH2 /kgH2 O. Pour XN i >> XF e >> XCr : - NiO, N iF e2 O4, F eCr2 O4 si l’hydrogène dissous est compris entre 0,1 et 20 mLH2 /kgH2 O
14 Premier chapitre Oxydation de l’A600 en conditions du milieu primaire - Ni, N iF e2 O4, F eCr2
O4
pour la gamme 20
-
50 mLH2 /kgH2 O. FIGURE 11 – Diagramme de stabilité thermodynamique des solides stœchiométriques du système Ni-Cr-Fe-H2O quand xN i > xCr > xF e [58]. L’organisation des couches depuis la surface (figure 12),i.e la chromine, puis les spinelles riches en chrome, puis
les oxydes riches en nickel, dépend du pouvoir oxydant du milieu. Ainsi, les oxydes riches en chrome se forment lorsque le pouvoir oxydant du milieu est le plus faible [27]. FIGURE 12 – Diagramme de stabilité thermodynamique des oxydes en condition nominales de fonctionnement du milieu primaire.
a est l’activité chimique des espèces - [27]. L’épaisseur de la couche d’oxyde continue dépend également de la teneur en hydrogène dissous dans l’eau et passe par un maximum qui se situe au niveau du potentiel électrochimique d’équilibre N i/N iO [31, 59–61]. A l’inverse, Terachi et al. [33] suggèrent qu’une augmentation de la teneur en hydrogène conduit systématiquement à une épaisseur de couche plus faible mais leurs mesures considèrent la couche duplex d’oxyde. 15 Premier chapitre Oxydation de l’A600 en conditions du milieu primaire Loucif montre également une évolution des propriétés semi-conductrices des couches en fonction de la teneur en hydrogène dissous. Pour des essais de 500 h à 325 ̊C, conduits en milieu primaire simulé en autoclave sans recirculation, des propriétés isolantes sont retrouvées pour des teneurs d’hydrogènes dissous plus élevées. Elles sont justifiées par une teneur en chrome dans l’oxyde plus importante [29].
2.(b) Influence sur les pénétrations d’oxyde intergranulaires
Les pénétrations d’oxyde sont plus profondes dans le domaine de stabilité de NiO (figure 13). Lorsque le milieu se retrouve hors du domaine de stabilité de NiO, une augmentation de l’écart au potentiel d’équilibre conduit à des profondeurs d’autant plus faibles [9, 10, 43].
FIGURE 13 – Evolution de la profondeur de pénétration d’oxyde intergranulaire pour les joints sans carbure, en fonction de l’écart au potentiel d’équilibre Ni/NiO. L’oxydation a été conduite 10 h à 325 ̊C avec une teneur en hydrogène dissous variable - figure tirée de [9]. Fournier et al. montrent que les pénét
ations d’oxyde les plus importantes sont retrouvées à proximité du potentiel d’équilibre Ni/NiO [46]. II-2.3 Chimie du milieu 3.(a) Bore et lithium
De manière générale, les études qui concernent le lithium et le bore qui proviennent du milieu d’essai (incorporés sous la forme LiOH et H3 BO3 ) montrent que : - le lithium peut être retrouvé dans les couches d’oxyde riches en chrome ou dans les oxydes intergranulaires, à une teneur de quelques centaines de ppm [62,63], [64] 1. Une concentration importante en lithium au niveau du joint de grain pourrait changer le potentiel électrochimique local ainsi que le pH [64]. - le bore n’est pas retrouvé dans les couches d’oxyde ni dans les pénétrations d’oxyde [62, 64]. Lozano-Perez et al. montrent également que le bore contenu dans le matériau, qui peut avoir ségrégé aux joints de grains, n’est plus présent au niveau des oxydes intergranulaires [62].
II-3 Influence des paramètres matériaux
La première section explicite l’influence de la teneur en chrome et est dédiée à l’oxydation de surface. Les autres parties sont axées sur l’oxydation intergranulaire.
1. acier 304L 16
Premier chapitre II-3.1 Oxydation de l’A600 en conditions du milieu primaire
Teneur en chrome Delabrouille et al. [32, 65, 66] ont travaillé sur des alliages de nickel, avec une teneur massique d’environ 10% en fer et une teneur en chrome qui varie de 5 à 30% massique. Les essais ont été réalisés pour une durée de 1000 h, hors du domaine de stabilité de NiO en milieu primaire simulé à 360 ̊C pour une pression partielle en hydrogène de 0,17 bar (' 25 mL H2 /kg H2 O). Ils montrent que : - la formation de la couche interne continue est observée lorsque la teneur en chrome est supérieure à 10% massique. Une teneur massique de 15% est requise pour atteindre de très bonnes propriétés protectrices. - au-delà de 10% massique, la couche est fine d’une dizaine de nanomètres et la concentration en chrome des éléments métalliques de l’oxyde peut atteindre 75 à 80%. - à 30% massique, la couche passive contient jusqu’à 90% de chrome parmi les éléments métalliques de l’oxyde. - une zone appauvrie en chrome, étendue sur environ 100 nm pour une concentration en chrome dans l’alliage de 15% massique est observée sous la couche passive et la concentration en chrome est plus faible de 10% que dans l’alliage. Delabrouille et al. suggèrent une oxydation préférentielle du chrome pour expliquer ces observations. La teneur en chrome influence également l’oxydation intergranulaire. L’A690, par exemple, qui contient environ 30% massique de chrome, tient sa résistance à la CSC principalement du fait qu’il est très peu sensible, voire immunisé, à l’oxydation intergranulaire. Ce point se justifie par la présence d’une couche d’oxyde riche en chrome, empêchant la diffusion de l’oxygène dans l’alliage sous-jacent [32, 38, 65–69].
II-3.2 Carbures de chrome
L’oxydation intergranulaire de l’alliage 600 dépend de la répartition des carbures dans la microstructure. De manière générale, l’alliage 600MA est plus sensible à l’oxydation intergranulaire que l’A600TT (température de traitement entre 700-720 ̊C) [9, 22, 25, 26, 47, 70, 71]. La présence de carbures intergranulaires permet de ralentir la progression de l’oxyde le long du joint de grains [72], aussi bien dans le cas d’un carbure qui émerge à la surface que dans le cas d’un carbure sous-jacent [9]. Le front d’oxyde tend à contourner le précipité (figure 14). FIGURE 14 – Observations MEB en coupe transverse de joints oxydés où (a) le carbure de chrome sous-jacent est contourné par le front d’oxyde et (b) le carbure qui émerge en surface est intégralement contourné par la pénétration d’oxyde. Le matériau est de l’alliage 600 oxydé 1000 h à 360 ̊C avec un taux d’hydrogène de 20 mLH2 /kgH2 O - figures tirées de [9]. La sensibilité à la CSC dépend principalement de la microstructure qui résulte du traitement thermique final. Le cas où la majorité des carbures précipite de manière intergranulaire
correspond
à la microstructure la plus résistante vis-à-vis de l’oxydation des joints de grains [9, 22, 25, 26, 47, 70].
chapitre Oxydation de l’A600 en conditions du milieu primaire 2.(a) Taux de couverture des JDG
L’oxydation intergranulaire est, dans certaines études, mise en regard du taux de couverture des joints de grains par les carbures de chrome (acronyme GBC pour l’anglais "grain boundary coverage"). Ce GBC est calculé comme indiqué par l’équation 3 et correspond à un rapport linéique entre la somme des n longueurs des carbures de chrome : lcarb et la longueur totale du joint de grains : LJDG (au niveau de la zone d’observation) [9, 10, 13]. Pn i (lcarb,i ) LJDG (3) Plus le taux de couverture des joints de grains par les carbures de chrome est important, plus l’oxydation intergranulaire s’en voit réduite (figure 15). Ainsi, une microstructure où les joints de grains seraient intégralement décorés de carbures de chrome, verrait sa sensibilité à l’oxydation intergranulaire être réduite [10, 13, 43, 58]. FIGURE 15 – Influence du GBC sur la longueur de pénétration d’oxyde moyenne (barre pleine) et maximale (barre hachurée) formée aux joints de grains d’un alliage 600 oxydé 1000 h à 360 ̊C avec un taux d’hydrogène de 20 mLH2 /kgH2 O - [9, 43].
2.(b) Taille des carbures
D’après des simulations conduites par Caballero, la propension des carbures à ralentir l’oxydation intergranulaire serait également dépendante de la taille des carbures. Pour un GBC équivalent, elle compare l’influence de carbures d’une taille de 700 nm et de 100 nm et elle montre via des calculs que la microstructure la plus résistante vis-à-vis de l’oxydation intergranulaire correspond à celle pour laquelle les carbures sont de taille plus petite [9]. Dans certains cas, une zone appauvrie en chrome peut entourer ces carbures.
II-3.3 Joints de grains
Dans la littérature, certains auteurs se sont intéressés à la différence de comportement entre les joints de grains et les jonctions triples tandis que d’autres ont étudié l’influence de la nature et de la désorientation entre deux grains adjacents.
3.(a) Nature et désorientation des joints de grains
L’influence de la nature du joint de grains sur l’oxydation intergranulaire [9,10,43,73,74] est avérée. Trois types de joints de grains peuvent être définis selon leur sensibilité à l’oxydation intergranulaire. Les essais concernent un alliage 600 (ou son alliage de soudure : A182) exposé 1000 h d’exposition à 360 ̊C pour une teneur en hydrogène dissous de 20 mLH2 /kgH2 O (ou 30 mLH2 /kgH2 O pour l de l’A en conditions du milieu primaire (1) les pénétrations d’oxyde les plus profondes sont retrouvées pour les joints de grains de forte désorientation (HAGB), dont la désorientation θ entre deux grains adjacents est 15 ̊. (2) les pénétrations les plus faibles sont observées au niveau des joints de grains de coïncidence CSL Σ3. Ces joints sont un cas particulier des joints de forte désorientation puisque la relation d’orientation entre les deux grains adjacents est telle qu’une fraction des positions atomiques des deux réseaux cristallins adjacents se superposent au niveau du joint. Pour l’alliage 600, la relation de désorientation qui conduit à des joints CSL Σ3 se définit par une désorientation de la direction < 111 > de 60 ̊entre les grains adjacents. Certaines études montrent qu’aucune pénétration d’oxyde n’y est observée [74] (1400 h - milieu primaire simulé à 340 ̊C - 30 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène dissous), voire que l’oxygène n’est pas détecté (par examen MET après 3600 h d’exposition au milieu primaire à 325 ̊C avec ajout de 30 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène dissous) [73]. Les joints de grains faiblement désorientés (LAGB : θ ∈ [5-15[ ̊) présentent une sensibilité à l’oxydation intermédiaire entre les HAGB et les joints de coïncidence CSL Σ3.
II-3.4 Eléments mineurs et impuretés 4.(a) Cuivre
Un enrichissement en cuivre à l’interface métal/oxyde ou dans les oxydes intergranulaires sur les alliages 600 et 690 (base nickel) exposés au milieu primaire simulé (technique : tomographie atomique) a été mentionné [40, 42]. L’hypothèse de Kruska et al. sur l’origine de l’enrichissement repose sur la différence de noblesse des métaux : le cuivre étant un métal plus noble que le nickel (et le chrome et le fer) formerait une couche de cuivre non oxydée au niveau de l’interface métal/ e du fait de l’oxydation préférentielle des éléments majeurs d’alliage. 4.(b) Soufre Schreiber et al. montrent la formation de sulfures de chrome (d’une taille de quelques nanomètres) en aval de la pénétration intergranulaire, qui résulteraient de l’influence de l’exposition au milieu primaire à 325 ̊C sur une surface contaminée au soufre. La formation de sulfures est expliquée par un phénomène de diffusion à l’état solide aux joints de grains du chrome et du soufre. Ils observent une déplétion en chrome, fer, titane et manganèse au niveau du joint de grains [40]. Des résultats similaires sont observés par Fournier et al. (formation de Cr7 S8 ) au niveau des joints de grains oxydés où la pénétration s’arrête au niveau du carbure de chrome [46].
4.(c) Bore
La formation de borures de chrome Cr5 B3 au niveau des joints des grains a été observée (100 nm) et est attribuée à la ségrégation du bore (lors de l’élaboration). Une zone enrichie en titane et chrome est observée à proximité de ces précipités [63]. Ces borures de chrome sont solubles dans l’eau à haute température et le bore semble s’incorporer aux oxydes intergranulaires (1% atomique), contrairement aux cas où le bore est ségrégé sous forme atomique. La présence de lithium dans des teneurs plus importantes qu’usuellement mesuré a également été observée (2% atomique) en présence de ces borures. Ces résultats suggérèrent une modification locale des propriétés de l’environnement du fait de la dissolution [63]. II-4 Influence de l’état de surface
Le rôle de l’état de surface est abordé via plusieurs paramètres qui, parfois, sont difficiles à décorréler les uns des autres. En effet, la description d’un état de surface est complexe car ce dernier résulte d’une combinaison d’effets (i) de rugosité (voire de défauts de fabrications tels que des replis de métal par exemple), (ii) de déformation plastique, (iii) de contraintes résiduelles, (iv) de taille de grain, voire (v) de composition chimique. en Industriellement (et dans le cas des PFC par exemple), les procédés de rectifications des surfaces qui peuvent être retrouvés concernent essentiellement le meulage et le forage. Des redressements de tubes à l’issue de traitements thermique de détensionnement sont également possibles. L’influence de l’état de surface est abordée d’un point de vue écrouissage, contraintes, présence d’inclusions en surface et finition de l’état de surface. Au sein de la communauté, le rôle de l’écrouissage ne fait pas consensus. Certaines études montrent que l’écrouissage serait responsable d’une oxydation accrue des joints de grains à partir d’un certain niveau de pré-déformation [53] (A600 - pré-déformation à froid en flexion), [75, 76] 2 (déformation par traction bidirectionnelle et laminage à froid - 20% de réduction d’épaisseur, respectivement). Au niveau de la surface, la présence de dislocations pourrait favoriser la germination de nodules de Cr2 O3 (alliage base nickel) et la croissance de la couche d’oxyde. Il en résulterait des couches plus épaisses [27]. Cette oxydation accrue peut se justifier par la présence de dislocations qui constituent des courts-circuits de diffusion. Par ailleurs, le rôle du chemin de déformation pourrait être important car un chemin complexe serait davantage susceptible de conduire à un empilement de dislocations au niveau des joints de grains [75], ou des obstacles (carbures par exemple) [77]. D’autres études montrent que la pré-déformation n’influe pas sur les profondeurs de pénétration d’oxyde observées, dans la gamme de déformation étudiée (acier 316L, laminage à froid - réduction d’épaisseur de 20%) [78], (acier 316L, canne chauffante de pressuriseur déformée par martelage, niveau de déformation relative estimé entre 0 et 19% d’après acquisitions EBSD) [79]. Outre l’effet de la pré-déformation, la présence d’une couche rugueuse et déformée, à petits grains, issue d’une rectification par meulage, (acier austénitique 304L ou 316L, forgé à chaud) peut conduire (oxydation à 300 ̊C en conditions primaires simulées à 3 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène dissous) à la formation d’un oxyde de surface qui (1) est plus épais et (2) présente des porosités par rapport à une oxydation similaire sur l’état poli avec finition OPS [80, 81]. Des études se sont également intéressées à l’oxydation sous contrainte et montrent que l’oxydation intergranulaire serait favorisée lorsque les échantillons sont soumis à une contrainte [44], [82] 3. Le rôle de la déformation plastique serait d’ordre secondaire devant le rôle des contraintes appliquées [82]. Ces résultats sont corroborés par des simulations conduites sur l’oxydation d’un système Ni/NiO (oxydation sèche, 900 ̊C) où les auteurs montrent que l’épaisseur de la couche d’oxyde augmente avec la contrainte (de -30 MPa à 30 MPa). Ils justifient cela par l’accélération des vitesses de corrosion et des vitesses de diffusion du fait de la contrainte [83]. Le rôle des inclusions en surface sur l’oxydation des alliages base nickel en conditions primaires est peu documenté. Flambard suggère néanmoins que des poches d’oxyde de chrome puissent être retrouvées en lieu et place d’inclusions d’alumine Al2 O3 issues de la mise en forme des tubes [84] (alliage 690, surface brute de réception, 325 ̊C).
Synthèse : Oxydation de l’A600
L’influence de l’environnement peut se décrire selon trois facteurs principaux : (1) la température joue un rôle par l’activation thermique de l’oxydation et de l’oxydation intergranulaire, (2) l’écart au potentiel électrochimique d’équilibre Ni/NiO, fixé par la température et la teneur en hydrogène dissous, détermine les espèces présentes dans les couches d’oxyde. Les profondeurs de pénétrations d’oxyde sont maximales dans le domaine de stabilité de NiO, 2. aciers inoxydables 304L 316L [75] et 304L [76] 3. essais d’oxydation sous contrainte sous vapeur d’eau hydrogénée à 480 ̊C, les conditions du milieu sont supposées se rapprocher des conditions du milieu primaire 20 Premier chapitre CSC de l’A600 en milieu primaire simulé (3) la chimie du milieu influence les espèces redéposées en surface ou les espèces incorporées dans les couches d’oxyde. L’influence des paramètres matériaux peut se discuter d’un point de vue composition chimique, précipitation ou microstructure : (1) une teneur en chrome supérieure à 15% est nécessaire pour la formation d’une couche passive. Si cette teneur est très élevée (cas du A690), la formation d’oxydes intergranulaires est empêchée, (2) les carbures de chrome intergranulaires favorisent la résistance à l’oxydation intergranulaire, (3) les joints de grains CSL Σ3 sont moins sensibles à l’oxydation intergranulaire que les LAGB, eux même moins sensibles que les HAGB, (4) des impuretés peuvent interagir avec le chrome ou l’oxydation, tels que le cuivre, le soufre et le bore. Une modification associée des propriétés de l’environnement électrochimique est envisagée. L’influence de l’état de surface concerne principalement : (1) l’écrouissage, qui peut favoriser l’oxydation intergranulaire. La dépendance à l’écrouissage est plus marquée à 290 ̊C, (2) outre l’écrouissage, la rugosité et la présence de grains de petite taille, qui favoriseraient l’oxydation généralisée.
III. CSC de l’A600 en milieu primaire simulé
Nous avons vu dans la section précédente que différents paramètres peuvent influencer l’oxydation uniforme et l’oxydation intergranulaire. Les étapes d’amorçage et de propagation sont présentées dans la suite de ce chapitre. Dans la phénoménologie de la CSC, ces étapes suivent l’étape d’incubation. En effet, nous avons expliqué précédemment que l’incubation de la CSC correspond à l’établissement de sites d’amorçages potentiels, tels que l’oxydation des joints de grains.
III-1 Description phénoménologique de la CSC
La CSC est un phénom de fissuration, depuis la surface en contact avec l’environnement, qui résulte d’un couplage entre un matériau, un milieu agressif et des contraintes de traction (résiduelles ou de service) et qui peut conduire à une rupture fragile de matériaux normalement ductiles. Il s’agit d’un phénomène thermiquement activé, lent (50 000 à 100 000 h pour les premiers retours d’expérience de rupture sur composants [85]) et qui nécessite une synergie de trois paramètres pour s’amorcer (figure 16). La modification de l’une des composantes peut permettre de s’affranchir de la CSC.
CSC de l’A en milieu primaire simulé
FIGURE 16 – Diagramme de Venn de la corrosion sous contrainte. Phénoménologiquement, la fissuration par CSC résulte d’une succession d’étapes, schématisées sur la figure 17 [86, 87]. FIGURE 17 – Description phénoménologique de la fissuration par CSC. La première étape correspond à la mise en place des conditions favorables à un éventuel amorçage. Ces conditions sont le résultat, par exemple, de l’élaboration du matériau et de la microstructure associée, de l’état de contrainte auquel il est soumis et des propriétés du milieu auquel il est exposé. A
insi
,
certains
joints de
grain
s
seront naturellement plus sensibles du fait de leur composition chimique (ségrégation d’espèces, présence de carbures de chrome, appauvrissement en chrome,...), de leur état mécanique (déformation localisée, empilement de dislocations,...), de leur nature (joints de grains de haute énergie, joints de grains spéciaux,...), voire de leur orientation par rapport à la contrainte macroscopique
(orientation en
mode
I
,
...).
L’étape d’incubation de la CSC correspond à la formation de précurseurs pour l’amorçage, tels que des pénétrations d’oxyde le long des joints de grains ou des bandes de déformations qui émergent à la surface de l’alliage. Les études menées par Boursier estiment à 100 h la durée d’incubation pour l’ alliage 600 en conditions primaires des REP [88]. L’amorçage d’une fissure de CSC intervient à un instant ta pour lequel sont atteints les critères d’amorçages définis. La durée est variable et dépend (1) de la sensibilité à la CSC du matériau dans les conditions mécaniques et environnementales établies et (2) des critères choisis pour définir l’amorçage : - d’un point de vue physique, l’amorçage vrai correspond à la rupture à l’échelle micrométrique, voire nanométrique, d’un ou plusieurs sites précurseurs (joints de grains oxydés dans le cas de Premier chapitre CSC de l’A600 en milieu primaire simulé l’A600). - d’un point de vue expérimental, l’amorçage correspond à la première rupture observable avec un moyen de laboratoire. Selon le type d’essai, les moyens utilisés ou les fréquences d’observation, la profondeur de l’amorce est comprise entre quelques dizaines de nanomètres à quelques dizaines de microns. Ceci s’explique du fait que les essais mis en œuvre peuvent rendre difficile la distinction entre l’amorçage vrai et le début de la propagation. - d’un point de vue ingénieur, l’amorçage est considéré dès lors qu’un défaut est détectable par des contrôles non destructifs. La taille d’un défaut critique est ainsi généralement de l’ordre du millimètre. Finalement, la définition de l’amorçage a été résumée par Scott et Combrade à "la formation d’une aspérité en surface, dont la géométrie physique, qui la distingue de son voisinage, est adaptée à la croissance d’une fissure" [86]. Ainsi, est considérée comme amorce une fissure susceptible de se propager. C’est cette définition que nous retiendrons : le terme amorçage sera employé pour désigner la rupture d’un joint de grains oxydé. En effet, il a été montré que l’oxydation intergranulaire conduit à une diminution de la ténacité des joints de grains. Fujii et al. estiment, par des essais sur des cantilevers sollicités in-situ au MEB-FIB, que la contrainte à rupture d’un joint non oxydé est de 1000 MPa environ contre 273 MPa après 1500 h d’oxydation (en eau primaire simulée à 360 ̊C et 30 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène). Cette contrainte diminue lorsque la durée d’oxydation augmente (191 MPa après 2700 h d’oxydation) [41]. Des travaux plus récents viennent corroborer les ordres de grandeurs mentionnés par Fujii et al. : Lozano-Perez et Dohr estiment une contrainte entre 300 et 1000 MPa (essais conduits sur des cantilevers au MEB-FIB) [44, 45], Caballero propose un seuil de rupture à environ 600 MPa (d’après un essai de traction in-situ au MEB à 300 ̊C sur une éprouvette oxydée 1000 h à 360 ̊C en milieu primaire simulé et un calcul par éléments finis) [9]. La dernière étape de la CSC correspond à la propagation des fissures : les fissures amorcées se propagent, voire coalescent, premièrement selon un régime lent. Elle est pilotée par les contraintes (résiduelles ou de service) qui existent dans l’environnement de la fissure. Un facteur d’intensité de contrainte seuil est généralement admis pour que la propagation de fissure ait lieu. La littérature √ propose une gamme de 5 à 10 M P a m [89, 90]. La figure 18 montre l’évolution de la vitesse de propagation des fissures en fonction du facteur d’intensité de contrainte, pour une compilation de plusieurs bases de données [91] dans les gammes de paramètres suivantes : - température comprise entre 288 et 363 ̊C - teneur en hydrogène dissous comprise entre 3 et 239 mLH2 /kgH2 O - écart au potentiel d’équilibre Ni/NiO entre -50 et 61 mV - écrouissage entre 0 et 15% - limite d’élasticité entre 166 et 526 MPa. Lorsque le facteur d’intensité de contrainte est suffisamment important, le régime de propagation des fissures est rapide. Dans le cas d’alliages 600-MA (traitement de recuit à basse température), sous chargement constant, en eau à haute température (330-360 ̊C ; pH 7-8), ce seuil est défini √ entre 20 − 40 M P a m par une étude de Rebak et. al de 1996 qui regroupe les résultats de plusieurs auteurs [92]. Ainsi, l’oxydation et la contrainte agissent conjointement sur la capacité de l’alliage à amorcer une fissure de CSC et à la propager. Si la contrainte à elle seule n’est pas responsable de la CSC, il est indéniable que l’oxydation pilote le temps nécessaire à l’amorçage [10, 13, 41, 44] et influence les premiers stades de propagation puisque le mécanisme de fissuration est discontinu [47, 71, 93]. Quant au trajet de fissuration, les études montrent que la fissuration opère majoritairement au niveau de l’interface métal/oxyde [9, 10, 41, 45, 49].
FIGURE 18 – Vitesse de propagation des fissures de CSC dans l’alliage 600 en fonction du facteur d’intensité de contraintes, pour des températures et des teneurs et hydrogène dissous variables - figure tirée de [91].
A l’instar de l’oxydation, la dépendance de l’amorçage et de la propagation à des paramètres environnementaux, matériaux et à l’état de surface, a été étudiée. Ce sont ces paramètres sur lesquels nous allons désormais nous focaliser.
III-2 III-2.1 Influence de l’environnement Température
Tout comme l’oxydation de l’A600, les étapes d’amorçage et de propagation sont thermiquement activées. Les valeurs d’énergie d’activation ne font pas consensus au sein de la communauté et sont différentes pour les deux étapes : amorçage : les valeurs d’énergie d’activation de l’amorçage listées dans la littérature se situent autour de 100-200 kJ/mol et semblent dépendre essentiellement du traitement thermique appliqué [94–96]. Une valeur de 180 kJ/mol est communément admise [11, 13, 26]. propagation : la valeur de l’énergie d’activation de la propagation semble dépendre de la teneur en hydrogène dissous (et donc de l’écart au potentiel d’équilibre Ni/NiO). Une gamme de valeurs comprises entre 85 et 163 kJ/mol est rapportée dans un rapport de l’EPRI qui regroupe des données de plusieurs études [91]. Une valeur de 140 kJ/mol est généralement retenue.
III-2.2 Potentiel Ni/Nio
La sensibilité maximale à la CSC se situe à proximité du potentiel de l’équilibre Ni/NiO (figure 19a), que ce soit pour l’amorçage ou bien la vitesse de propagation [91, 93, 96–99].
III-2.3 Chimie du milieu
Le rôle de la chimie du milieu a été majoritairement étudié en modifiant les teneurs en lithium et bore (sous la forme LiOH et H3 BO3 ). Bien que les effets soient difficiles à décorréler de celui du pH, les tendances suivantes ont été observées : lithium : le rôle du lithium serait néfaste vis-à-vis de la vitesse de propagation, qui serait accélérée lorsque la teneur en lithium augmente de 2 à 3,5 ppm (pH à 300 ̊C de 7,2 - teneur
CSC de l’A600 en milieu primaire simulé (a) (b) FIGURE 19 – (a) Evolution du temps à l’amorçage en fonction de la concentration en hydrogène dissous pour un A600MA testé en milieu primaire à 360 ̊C [96]. (b) Vitesse de propagation des fissures pour l’A600 testé à 338 ̊C en milieu primaire simulé pour deux valeurs de chargement différentes, en fonction de la teneur en hydrogène dissous. La vitesse maximale de propagation est retrouvée à proximité de l’équilibre Ni/NiO [93]. en acide borique ajustée en fonction) [98].
: en comparaison, le rôle du bore pourrait être moins néfaste [100]. III-3 III-3.1 Paramètres matériau Teneur en chrome
Outre le rôle sur l’oxydation intergranulaire que nous avons déjà évoqué, la teneur en chrome est importante vis-à-vis de la fissuration par CSC. La littérature montre que à la fois la longueur des fissures [65], le pourcentage de rupture intergranulaire par CSC [101] et la vitesse de propagation des fissures [102] diminuent lorsque la teneur en chrome massique augmente de 5 à 30%. En conséquence, le temps à rupture est augmenté [103] (figure 20)
FIGURE 20 – Temps à rupture observé pour des alliages Ni-Cr-Fe en fonction de la teneur massique en chrome, sous chargement constant. La teneur en fer est de 10% massique. Le milieu d’essai est de l’eau pure à 360 ̊C. Figure tirée de [103].
III-3.2 Carbures
Les carbures jouent un rôle sur la propagation puisqu’ils permettraient de réduire la vitesse de propagation des fissures du fait qu’ils ralentiraient le glissement intergranulaire et réduiraient la cinétique d’oxydation et la concentration des contraintes (sources d’émission de dislocations) [104,105]. Des études plus récentes montrent que les carbures pourraient empêcher la migration des joints de grains assistée par la diffusion et donc de réduire l’oxydation des joints de grains. De plus, leur présence nécessiterait à la fissure amorcée de dévier son chemin pour contourner le carbure. Il en résulterait une contrainte nécessaire à la rupture du joint de grains plus importante [106–108]. La figure 21.a compare le temps à rupture, en fonction de la contrainte appliquée, pour l’alliage 600MA et l’alliage 600
TT
. Le
milieu
d
’essai
est un
milieu primaire simulé
à
360 ̊C. Les résultats confirment la bonne résistance à la CSC de la microstructure TT, attribuée aux carbures intergranulaires et en particulier à la présence d’une interface cohérente avec un des 2 grains de la matrice. Des études suggèrent qu’une précipit
ation des
carbures intergran
ulaire semi-
co
hérente et continue
(figure
21.
b
) permet une meilleure résistance
à
la CSC
qu’une précipitation non cohérente [
103, 109].
Premier chapitre CSC de l’A600 en milieu primaire simulé
FIGURE 21 – (a) Temps à rupture observé pour des alliages 600 en fonction du traitement thermique M A ou T T. Le milieu d’essai est de l’eau primaire à 360 ̊C. (b) Précipitation des carbures intergranulaires et relations de cohérence avec la matrice. Figures tirées de [103].
III-3.3 Nature des joints de grains
Amorçage : la fissuration des joints de grains oxydés semble opérer préférentiellement au niveau des joints de haute énergie [110]. Ainsi, les joints de grains spéciaux (joints de grains de coïncidence) seraient plus résistants à la CSC [104] du fait de leur propension à transférer le glissement d’un grain à l’autre, ce qui pourrait affecter les concentrations de contraintes et l’empilement de dislocations. En particulier, certaines études suggèrent que les joints CSL Σ3 pourraient être immunisés vis-à-vis de l’amorçage de fissures par CSC [111, 112]. Propagation : la vitesse de propagation pourrait dépendre des types de joints de grains. Tout comme l’amor çage, elle serait minimale dans le cas des joints de grains où le transfert du glissement d’un grain à l’autre est favorisé [111]. III-4 Etat de surface
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la description d’un état de surface est complexe et résulte d’une combinaison d’effets. L’influence de la finition de surface, de la présence d’inclusions en surface puis de l’écrouissage à proprement parler et des modifications microstructurales qu’il peut engendrer sont abordés dans cette dernière partie. Une description du rôle des contraintes est également proposée.
III-4.1 Finition de surface
De nombreuses études cherchent à évaluer la sensibilité à la CSC en fonction de certains paramètres par le biais de surfaces qualifiées de "polies miroir", i.e des surfaces polies mécaniquement puis chimiquement avec une finition à la silice colloïdale (OPS). L’objectif est de pouvoir interpréter simplement les résultats alors obtenus. Or, depuis quelques années, plusieurs études montrent que les surfaces avec cet état de surface sont plus sensibles à la CSC que celles polies mécaniquement, voire brutes de réception. Ainsi, les résultats de Toloczko et al. (figure 22) montrent que les échantillons dont la finition correspond à un polissage au diamant 1 μm amorcent de la CSC plus rapidement (1700 h) que ceux dont la surface est terminée par un polissage au grade 1200 (2000 h) [113]. De la même manière pour un acier 304, une meilleure résistance à l’amorçage de la CSC est obtenue pour un polissage au grade 600 comparée à une finition par OPS [114].
FIGURE 22 – Influence de la finition de l’état de surface sur le temps à l’amorçage. Les essais concernent un A600MA, sollicité sous charge constante (au niveau de l’écoulement plastique), écroui à 18%. Le milieu est un milieu primaire simulé
à 360 ̊C, 25 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène - 2,0 ppm de Li, 1000 ppm de B - figure adaptée de [113]. III-4.2 Ecrouissage
Comme nous l’avons évoqué en introduction de ce paragraphe sur l’influence de l’état de surface, le rôle de l’écrouissage est difficile à interpréter par lui-même car de nombreuses autres variables peuvent en dépendre, telles que : le niveau de déformation cumulée (qui peut être appréhendé par une mesure de dureté, paramètre indicateur du niveau d’écrouissage) voire le trajet de déformation suivi, une modification de la contrainte d’écoulement plastique, la présence de zones à petits grains (micrométriques, voire nanograins),... L’écrouissage est présenté ici par une description premièrement macroscopique, avant de raffiner vers une échelle plus microscopique. Il est cependant nécessaire de garder en tête les interdépendances de certains paramètres.
2.(a) Niveau de déformation.
Le Hong a comparé le temps à rupture d’éprouvettes en A600 sollicitées sous chargement constant (360 ̊C, milieu primaire, 30mLH2 /kgH2 O d’hydrogène dissous) pour des éprouvettes à l’état brut de réception (avec une couche écrouie) ou à l’état électropoli (entre 50 et 100 μm ont été retirés pour chaque face exposée). Il montre que le temps à rupture est plus rapide lorsque la couche écrouie est conservée et que la couche écrouie augmente la vitesse de propagation lente [7]. Les travaux de Bruemmer et al. [115] sur de l’A690 écroui entre 0 et 31% (éprouvettes de type CT, milieu primaire √ simulé à 360 ̊C et 25 mLH2 /kgH2 O, K fixé à 30 M P a m) montrent que la vitesse de propagation augmente avec l’écrouissage et d’autant plus après un seuil à 13-14% d’écrouissage (figure 23 ). Si la vitesse de propagation peut augmenter du fait de l’écrouissage, certains auteurs suggèrent que la vitesse de propagation serait alors négligeable dès lors que la fissure atteindrait l’alliage sous-jacent, non écroui [116]. De plus, la sensibilité à la CSC dépendrait du chemin de déformation [117]. 2.(b) Limite d’élasticité
Le niveau de sollicitation par rapport à la limite d’élasticité aurait une influence sur la sensibilité à la CSC. Ainsi, Le Hong montre par des essais sous chargement constant sur de l’A600MA (360 ̊C, milieu primaire, 30 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène dissous), qu’aucune fissuration par CSC n’a été observée lorsque la contrainte de l’essai était inférieure à la limite d’élasticité même pour des matériaux écrouis [7].
FIGURE 23 – Influence (a) de l’écrouissage et (b) de la dureté sur la vitesse de propagation pour un alliage 690 testé en milieu primaire nominal à 360 ̊C - [115].
De plus, le temps à l’amorçage tout comme la vitesse de propagation décroît fortement si un matériau est plus faiblement écroui, ce qui signifie qu’il y a nécessité de plastifier le matériau, i.e le niveau de sollicitation mécanique par rapport à la limite d’élasticité doit être suffisant, pour aboutir à de la fissuration par CSC [91, 113] (figure 24). A noter que la présence de microplasticité, même pour une sollicitation macroscopiquement élastique, peut entraîner l’amorçage de CSC.
FIGURE 24 – Influence schématique de l’effet de l’écrouissage sur l’amorçage et la propagation des fissures de CSC pour un alliage 600 selon son degré de plasticité - figure adaptée d’après [113].
2.(c) Dureté.
La dureté et la microdureté sont des indicateurs du niveau d’écrouissage, qui sont couramment utilisés lors des expertises pour évaluer et localiser les zones écrouies dans un composant. En revanche, la dureté est difficile à interpréter elle ne dépend pas uniquement du niveau de déformation plastique du matériau. Amorçage : une couche de dureté supérieure en surface pourrait être bénéfique vis-à-vis de l’amorçage de la CSC. Dans ce cas, le niveau de dureté élevé pourrait être davantage témoin du 29 Premier chapitre CSC de l’A600 en milieu primaire simulé niveau de contrainte associé ou de la présence d’une couche recristallisée. Youssef, par exemple, montre qu’à l’issue de 750 h en conditions primaires simulées à 360 ̊C sur des éprouvettes U-Bends (A690 meulé), que si la dureté de la couche de surface évolue de 335 à 380 HV25g à 20 μm, le nombre d’éprouvettes fissurées passe de 4 à 1 [118]. Propagation : les résultats qui concernent la vitesse de propagation font consensus et montrent que l’augmentation de la dureté, correspondant à une augmentation de la déformation plastique, entraîne une augmentation de la vitesse de propagation (figure 23) [115]. Des résultats similaires ont été observés sur de l’alliage 316L laminé à froid (éprouvettes de type CT, milieu primaire simulé à 320, 350 ou 360 ̊C, 30 mLH2 /kgH2 O d’hydrogène dissous) [116]. En revanche, certaines données ne sont pas en accord avec ce consensus (figure 27), ce qui révèle l’intervention d’autres facteurs sur le niveau dureté que le seul niveau de déformation plastique [103].
2.(d) Taille de grain.
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Licence Mathématiques ● Université Jean Monnet Saint-Etienne - UJM Présentation de la formation
Champ(s) de formation : Mathématiques et applications Établissement déposant : Université Jean Monnet Saint-Etienne - UJM Établissement(s) cohabilité(s) : / Cette licence de Mathématiques générales s'inscrit dans l'offre de formation de l'Université Jean Monnet SaintEtienne comme préliminaire à la préparation au CAPES, dispensée à Saint-Etienne et à l'entrée dans une des deux spécialités de masters proposées à l'université ou dans d'autres masters de mathématiques. Elle assure une formation locale de qualité aux étudiants des départements environnants et aux étudiants issus des classes préparatoires. Ses dimensions raisonnables et son équipe d'enseignants-chercheurs dévoués en assurent la qualité. Avis du comité d'experts
Il s'agit d'une licence classique, avec première année (L1) commune aux mentions scientifiques de l'université. Par la suite, les étudiants se spécialisent en L2 (deuxième année) pour s'orienter vers un L3 (troisième année) qui prépare soit à l'entrée en master (à vocation professionnelle ou recherche), soit à l'enseignement (CAPES ou professeur des écoles). Le panel d'options paraît parfaitement adapté à ces diverses possibilités et l'organisation de la structure permet une spécialisation progressive en L2 et le choix entre trois parcours en L3. Les enseignements sont bien articulés, permettant une bonne progression dans la discipline pour aboutir à une formation adaptée à la poursuite en master, dans une des spécialités co-habilitée avec l'école nationale supérieure des mines de Saint-Etienne ou dans d'autres masters de mathématiques. Les mathématiciens y enseignant sont membres de l'Institut Camille Jordan. La diversité de l'équipe pédagogique correspond aux disciplines enseignées, avec quelques intervenants extérieurs professionnels en informatique. Les responsabilités sont bien définies, à la fois au niveau de la mention et pour chaque semestre. Des rencontres semestrielles sont organisées avec les délégués étudiants. Cette licence, qui constitue un enseignement de proximité pour les étudiants de départements enclavés de la région, bénéficie d'une bonne attractivité en L1 : le niveau de 2010-2011 a été retrouvé l'an dernier après une chute de 25 % en 2011-2012. Les effectifs en L2 et en L3 dans la mention Mathématiques sont plus faibles (entre 15 et 26) et ont suivi la même variation. En L1, le taux d'abandon est en baisse de 24 à 9 % et aussi le taux de réussite de 59 à 44 %, de même qu' L2 (70 à 50 %). En L3, il se maintient au-dessus de 50 %. De 50 à 80 % des diplômés de la L3 poursuivent en master à l'UMJ. Il n'y a pas d'information sur le devenir des autres diplômés. L'équipe pédagogique est essentiellement constituée d'enseignants-chercheurs, qui encadrent un projet de recherche en L3. Cette formation n'est pas professionnalisante, mais comprend une unité obligatoire sur la recherche d'emploi et une unité sur le métier d'enseignant avec stage. Les stages proposés sont en adéquation avec la formation.
3 Place de l'international
La mobilité se fait par des programmes d'échange. Les étudiants bénéficient d'un dispositif d'orientation active et l'aide à la réussite est très bien organisée. Enseignement en présentiel, avec documents en ligne et initiation aux techniques de documentation. Prise en compte des handicaps et exceptions. Le contrôle continu intégral avec éventuellement examen de rattrapage incite les étudiants à un travail régulier. Il y a compensation annuelle et un jury de diplôme en fin de L3. Les exigences en termes de compétences et de connaissances sont clairement établies. Le suivi des diplômés est assuré au niveau de la mention et donne de bonnes connaissances sur le devenir des étudiants qui poursuivent en master. Un conseil de perfectionnement, au niveau de la faculté, a été mis en place récemment. Très bonne formation de licence. ● Suivi des étudiants très poussé par une équipe pédagogique attentive. ● Effectifs limités en L2 et L3. ● Taux de réussite assez faible. Conclusions : Cette licence est une très bonne formation qui doit être pérennisée. Il faudrait sans doute en améliorer l'attractivité et les taux de réussite..
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5.1.1.2 Le facteur de transcription E2F1 Tip60 est impliqué dans le programme transcription
nel de E2F1. Le complexe Tip60 est recruté sur les promoteurs des gènes cibles de E2F1 où il est responsable de l'acétylation de l'Histone H4. Ces gènes cibles incluent les gènes codant pour p107 (pocket protein p107), PCNA (Proliferating Cell Nuclear Antigen), MCM3 et MCM4 (Minichromosome maintenance 3⁄4) (Taubert, S. et al, 2004). Il a également été montré que E2F1 en coopération avec Sp1 et Sp3 (transcription factor Specificity Protein 1/3) recrute Tip60 sur le promoteur de MYCN (Kramps, C. et al, 2004).
P P
5.1.1.3 Autres facteurs de transcription Tip60 est aussi impliquée dans la voie de signalisation des récepteurs nucléaires où il intervient en co-régulant l'activité de ces récepteurs. Ainsi, Tip60 interagit avec le ré
cept
eur aux
androgènes (AR)
et
co-rég
ule l'expression des gènes sous son contrôle (Brady, M.E. et al, 1999 ; Gaughan, L. et al, 2001
). Tip60 est aussi un co-activateur de l'activité de NFκB (Nuclear Factor kappa light chain gene enhancer in B cells), un facteur de transcription homo- ou hétérodimérique qui contrôle des processus cellulaires tels que l'immunité, l'inflammation, la prolifération et l'apoptose. 5.1.2 Co-répresseur
Dans la grande majorité des cas Tip60 est un co-activateur de la transcription des gènes. Cependant, la présence de Tip60 ne corrèle pas obligatoirement avec une activation transcriptionnelle. A ce titre, Tip60 peut induire la répression des gènes via le recrutement d'autres complexes, notamment des histones déacétylases. CREB (cAMP Responsive Element Binding protein) et STAT3 sont deux exemples de facteurs de transcription coréprimés par Tip60 (Gavaravarapu, S. & Kamine, J., 2000 ; Xiao, H. et al, 2003). L'activation de CREB implique sa phosphorylation par la PKA (Protein Kinase A) en réponse aux hormones et aux facteurs de croissance. En interagissant avec CREB, Tip60 prévient sa phosphorylation par la PKA (Gavaravarapu, S. & Kamine, J., 2000). Quant à STAT3, son activité est réprimée par un complexe Tip60-HDAC7 (Xiao, H. et al, 2003). De façon intéressante, Tip60 a également la capacité de stimuler l'activité de répresseurs transcriptionnels tel que ZEB (zinc finger E box binding protein) (Hlubek, F. et al, 2001) (Figure 8). ________________________________________________________________III. Introduction 5.2 Tip60 : protéine clé de la réponse aux cassures doublebrins de l'ADN
Les génomes eucaryotes sont intriqués dans la chromatine ; de ce fait, une réponse aux dommages de l'ADN efficace nécessite des changements structuraux de la chromatine au site de dommage. Une accumulation de données indiquent que les acétyltransférases jouent un rôle important dans la réponse aux dommages de l'ADN. La première indication suggérant un rôle potentiel de Tip60 dans la réponse aux dommages de l'ADN et/ou dans la réparation provient d'expériences de transfection sur des
________________________________III. Introduction
cellules HeLa, dans lesquelles la surexpression d'un mutant dominant négatif de Tip60 réduit l'efficacité de la réparation des cassures double-brins de l'ADN (Ikura, T. et al, 2000). Cependant, ces expérimentations n'ont pas déterminé si Tip60 était nécessaire à la détection des dommages, leur signalisation ou leur réparation. Des travaux récents effectués dans différents systèmes expérimentaux ont mis en évidence que Tip60 pourrait jouer un rôle à chacun de ces niveaux et ce via différents mécanismes. De manière surprenante, ils ont en commun l'implication des différents membres de la famille des kinases PIKK (Phosphatidylinositol 3-kinase-related protein kinase), qui inclue trois protéines impliquées dans la détection et la réparation des lésions de l'ADN : ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated), ATR (Ataxia Telangiectasia and Rad3 related) et la DNAPKcs (DNA dependent Protein Kinase catalytic subunit). Le complexe Tip60 lui-même contient un autre membre de la famille PIKK, TRRAP (TRansformation/ Ransactivation domain Associated Protein), qui possède un domaine kinase catalytiquement inactif, caractéristique conservée au cours de l'évolution. De nombreuses données de la littérature indiquent que Tip60 est impliqué dans la réponse aux dommages de l'ADN via au moins quatre mécanismes. 5.2.1 Mise en place de la réponse aux dommages de l'ADN
Suite à l'apparition d'une cassure double-brins de l'ADN, ATM est rapidement activée et induit toute une cascade de phosphorylations nécessaires à la réparation (Sancar, A. et al, 2004). Les mécanismes responsables de la détection des lésions et de l'activation d'ATM sont seulement partiellement connus et impliquent plusieurs étapes distinctes (Bakkenist, C.J. & Kastan, M.B., 2004 ; Lee, J.H. & Paull, T.T., 2005 ; Stucki, M. & Jackson, S.P., 2006). Les cassures double-brins sont tout d'abord reconnues par des protéines nucléaires qui leurs sont dédiées tel que le complexe MRE11/RAD50/NBS1 (MRN). La sousunité NBS1 semble recruter la kinase ATM. Sous sa forme inactive, ATM se présente sous la forme d'un dimère. Lors de son activation, ATM s'autophosphoryle sur sa sérine 1981, provoquant la dissociation du dimère et l'activation de molécules ATM supplémentaires indépendamment d'une liaison aux sites de cassure. Un substrat majeur d'ATM est le variant d'histone H2AX, qui se trouve phosphorylé au niveau des nucléosomes bordant la cassure. Chez les mammifères, cette empreinte de la chromatine laissée par ces foyers de H2AX phosphorylés, plus communément appelé -H2AX, s'étend sur plusieurs mégabases autour de ________________________________III. Introduction la zone de cassure (Rogakou, E.P. et al, 1999). Des travaux récents suggèrent un rôle direct de Tip60 dans
l'activation d'ATM (Sun, Y. et al, 2005). En effet, ATM est rapidement acétylée
suite
à
l'apparition
de
d
ommages
à l
ADN, acétylation qui est largement dépendante de l'activité de Tip60. De façon remarquable, la plupart des molécules ATM de la cellule semblent associées à Tip60 (alors que l'opposé n'est pas vrai) et ce indépendamment de la présence de lésions. L'activité HAT du complexe Tip60/ATM est spécifiquement induite en réponse à un dommage. Ni l'activation de Tip60, ni l'acétylation d'ATM, ne dépend de l'activité kinase d'ATM, indiquant que Tip60 fonctionne en amont d'ATM. Ces résultats suggèrent ainsi que Tip60 est un partenaire obligatoire d'ATM, nécessaire pour achever la pleine activation de la kinase ATM (Sun, Y. et al, 2005). En accord avec ces données, notre groupe a récemment montré qu'en réponse à un stress génotoxique, p14ARF stabilise la protéine Tip60 pour conduire à l'activation des kinases ATM/CHK2 et l'arrêt du cycle cellulaire en phase G2 (Eymin, B. et al, 2006). Dans cette étude, l'expression de Tip60 est cruciale pour l'activation de cette voie. 5.2.2 Relaxation de la chromatine
Chez la levure, Tip60 participe à la réponse aux dommages de l'ADN via l'acétylation de l'histone H4 (Figure 9). Cette acétylation induit une relaxation de la structure de la chromatine afin de faciliter l'accès à la machinerie de réparation (Tamburini, B.A. & Tyler, J.K., 2005). L'implication de Tip60 dans l'hyperacétylation de l'histone H4 et dans le processus de recombinaison homologue a été récemment confirmée dans les cellules de mammifères (Murr, R. et al, 2006). A ce titre, différentes sous-unités du complexe NuA4, l'homologue du complexe Tip60 chez la levure, sont recrutées au site de cassure in vivo, incluant Arp4p, Epl1p, Eaf1p et Esa1p (Downs, J.A. et al, 2004 ; Bird, A.W. et al, 2002) et TRRAP et Tip60 dans les cellules humaines (Murr, R. et al, 2006). Downs et coll. ont montré que la sous-unité Arp4 a la capacité de reconnaître la phospho-sérine 129 de l'histone H2A chez la levure (l'équivalent de la sérine 139 du variant H2AX humain) in vitro, et est nécessaire au recrutement de NuA4 aux cassures double-brins de l'ADN in vivo. III. Introduction 5.2.3 Echange d'histones
Des études réalisées chez D. melanogaster suggèrent que dTip60 est responsable de l'échange sélectif d'un variant d'histone aux sites de dommages de l'ADN (Kusch, T. et al, 2004). En effet, la récente purification biochimique du complexe Tip60 chez la drosophile (dTip60) a révélé non seulement sa conservation au cours de l'évolution, mais également son association stable avec les histones H2Av et H2AB. H2Av est l'orthologue de H2AX. Le complexe dTip60 acétyle la lysine 5 de H2Av de façon dépendante de sa phosphorylation dans une matrice nucléosomale (Kusch, T. et al, 2004). Ce résultat est en accord avec la notion que le complexe puisse reconnaître spécifiquement la forme phosphorylée de H2Av (Downs, J.A. et al, 2004). De plus, dTip60 catalyse son remplacement par une histone H2Av non modifiée, probablement via un échange de dimère H2Av-H2B, réaction catalysée par sa sous-unité ATPase p400. De ce fait, le complexe dTip60-p400 est impliqué dans une réaction d'acétylation/remodelage, réaction qui est nécessaire à la réversion de la marque phosphoH2Av (Kusch, T. et al, 2004). Dans les étapes finales de la réparation de ces lésions, -H2AX est déphosphorylée par les phosphatases Pph3 et PP2A, chez la levure ou dans les cellules mammifères, respectivement (Keogh, M.C. et al, 2006 ; Chowdhury, D. et al, 2005). Tous ces résultats et ces observations suggèrent que la cascade d'acétylation, d'échange et de déphosphory de -H2AX est nécessaire pour l'éradication des marques -H2AX et leur recyclage après achèvement de la réparation de l'ADN et suggèrent un rôle critique du complexe Tip60 dans toutes les étapes de la réponse aux dommages de l'ADN. 5.2.4 Co-activation de p53
L'implication de Tip60 dans la voie de signalisation de p53 est supportée par le fait que Tip60 et p53 partagent quelques similarités fonctionnelles : (i) ces deux protéines sont régulées par HDM2 qui catalyse leur ubiquitinylation et leur dégradation protéasomale, (ii) les niveaux d'expression de ces deux protéines augmentent suite à un dommage de l'ADN, (iii) toutes les deux partagent des partenaires d'interaction tel que PIRH2 (Logan, I.R. et al, 2004). De plus, l'activité acétyltransférase de Tip60 est nécessaire à l'apoptose induite par ________________
III. Introduction p53 en réponse aux dommages de l'ADN (Doyon, Y. et al, 2004 ; Tang, Y. et al, 2006) ; ce dernier point sera discuté dans le paragraphe suivant. 5.3 L'apoptose selon Tip60
L'activité acétyltransférase de Tip60 est nécessaire pour la détection des dommages de l'ADN et le déclenchement de l'apoptose. En effet, les cellules exprimant un mutant catalytique de Tip60 exhibent un défaut sévère de la réponse apoptotique suite à des radiations gamma (Ikura, T. et al, 2000). De plus, des sous-unités du complexe Tip60, telle que la protéine pro-apoptotique ING3, sont considérées comme impliquées dans la signalisation apoptotique de Tip60 (Cai, Y. et al, 2003 ; Doyon, Y. et al, 2004). Par ailleurs, il a été montré que Tip60β potentialise l'apoptose dépendante de cPLA 2 (cytosolic phospholipase A 2 ) en interagissant avec les protéines cPLA 2 nucléaires en réponse à la privation de sérum (Sheridan, A.M. et al, 2001). En réponse à certains types de stress, notamment les dommages de l'ADN, la protéine suppressive de tumeur p53 induit un arrêt du cycle cellulaire et/ou l'apoptose. Dans une étude récente, Tang et coll. ont mis en évidence que la protéine Tip60 est nécessaire à l'apoptose induite par p53, et que Tip60 acétyle spécifiquement p53 sur sa lysine 120, lysine située au sein de son domaine de liaison à l'ADN. Cette modification est critique pour l'activité apoptotique de p53 mais n'est pas nécessaire à son activité d'arrêt du cycle. Par conséquent, cette étude appuie non seulement l'implication critique de Tip60 dans la voie suppressive de tumeur p53, mais aussi le fait que Tip60 module le choix de la cellule en faveur d'une apoptose. De manière remarquable, cette acétylation pourrait être stimulée suite à la méthylation préalable de p53, méthylation qui serait spécifiquement reconnue par le chromodomaine de Tip60 (Kurash, J.K. et al, 2008). Il est intéressant de souligner que la lysine 120 de p53 est un site récurrent de mutation de p53 dans les cancers humains (Tang, Y. et al, 2006). L'implication de Tip60 dans la réponse apoptotique est aussi ciblée par les protéines virales. Ainsi, en réponse à un stress génotoxique, le transactivateur viral HIV-1 Tat interfère avec la signalisation cellulaire apoptotique médiée par Tip60 en diminuant sa stabilité et en inhibant son activité catalytique. Par conséquent, la protéine Tat altère la réponse cellulaire
III. Introduction apoptotique dépendante de Tip60, optimisant ainsi ses fonctions (Col, E. et al,
2005
; Crea M. et al,
1999 6. Tip60, un nouveau paradoxe dans le cancer
Dans une étude basée sur un criblage à grande échelle chez C. elegans, Lehner et coll. ont identifiés 6 gènes codant pour des protéines plateformes qui modulent de nombreuses voies de signalisation, incluant les voies de l'EGF, Wnt et Notch (Lehner, B. et al, 2006). De façon remarquable, les protéines Tip60 et TRRAP sont deux de ces plateformes protéique. Ces données ainsi que l'implication des histones acétyltransférases de la famille MYST dans nombre de processus nucléaires clés suggèrent qu'une activité anormale de ces protéines et/ou de leurs complexes associés peut contribuer à la tumorigénèse. 6.1 Tip60, oncogène
La protéine Tip60 est un co-activateur des récepteurs aux androgènes, un facteur de transcription dont la dérégulation est fortement impliquée dans le cancer de la prostate (Brady, M.E. et al, 1999 ; Gaughan, L. et al, 2001, 2002). L'hyperexpression de Tip60 active le récepteur aux androgènes en l'absence de son ligand (Halkidou, K. et al, 2003). Le proto-oncogène c-Myc est un puissant stimulateur de la croissance et de la prolifération cellulaire et son expression est souvent dérégulée dans les cancers humains (Nesbit, C.E. et al, 1999). L'interaction de Tip60 avec c-Myc contribue à la stimulation de son potentiel transformant (Awasthi, S. et al, 2005). Tip60 pourrait ainsi jouer un rôle dans la formation de certains lymphomes ou leucémies impliquant l'oncogène c-Myc. Le facteur de transcription NF-κB est actuellement considéré comme un oncogène de part sa capacité à activer des gènes de la prolifération cellulaire ainsi que des gènes antiapoptotiques, et peut contribuer à la mise en place de métastases (Radhakrishnan, S.K. & Kamalakaran, S., 2006). L'implication de Tip60 dans l'expression de gènes régulés par NFκB, incluant le gène suppresseur de métastase KAI1 (Baek, S.H. et al, 2002 ; Kim, J.H. et al, 2005), suggère que Tip60 pourrait jouer un rôle général dans les fonctions de NF-κB. Tip60 interagit avec le récepteur de l'interleukine 9 (IL-9) (Sliva, D. et al, 1999). Bien que les conséquences fonctionnelles de cette association sont inconnues, cela pourrait que puisque la signalisation de l'IL-9 est liée au lymphome de Hodgkin's (Renauld, J.C., 2001). L'implication de Tip60 dans la tumorigénèse pourrait également provenir de son rôle dans le programme transcriptionnel de E2F1. En effet, le complexe Tip60 est recruté sur des promoteurs des gènes cibles de E2F1, incluant les gènes codant pour p107, PCNA, MCM3 et MCM4 (Taubert, S. et al, 2004) (pour revue Avvakumov, N. & Côté, J., 2007). 6.2 Tip60, suppresseur de tumeur
Dans une étude récente, Gorrini et coll. ont mis en évidence que les souris KO pour Tip60 ne sont pas viables. Ces souris KO sont caractérisées par une mort embryonnaire très précoce (avant l'étape d'implantation), alors que les souris hétérozygotes sont viables sans aucun phénotype particulier. De façon intéressante, ce groupe montre également, en utilisant des souris transgéniques Eμ-myc hétérozygotes pour le gène Tip60 (HTATIP), que Tip60 a la capacité de prévenir la lymphomagénèse induite par Myc de façon haplo-insuffisante et ce dans une fenêtre de temps qui est restreinte aux stades pré-tumoraux et tumoraux précoces (Gorrini, C. et al, 2007). Dans cette étude, l'hétérozygotie de Tip60 altère sévèrement la réponse aux dommages de l'ADN induite par Myc. Ce groupe a de plus observé que le gène Tip60 chez l'Homme est fréquemment affecté d'une perte mono-allélique dans les lymphomes, les carcinomes de la tête et du cou et les carcinomes mammaires, avec une réduction concomitante du niveau d'expression des messagers de Tip60. Une analyse immunohistochimique a de surcroît démontré la perte du marquage nucléaire de Tip60 dans les carcinomes du sein. Ces évènements sont corrélés avec le grade de la pathologie et en parallèle souvent corrélés avec la mutation de p53. Dans une autre étude récente, Mattera et coll. ont mis en évidence que dans les cellules normales les fonctions de Tip60 autorisent la prolifération cellulaire et une réponse normale au stress (Mattera, L. et al, 2009). Cependant, suite à une diminution de l'activité de Tip60, causée par un déséquilibre du ratio p400/Tip60, les fonctions Tip60 qui sont toujours suffisantes pour permettre la prolifération cellulaire ne le sont plus pour la réalisation d'une réponse aux dommages de l'ADN intègre, notamment en réponse à une activation oncogénique. De manière intéressante, le ratio entre l'expression des ARN messagers de p400 et de Tip60 est altéré dans la plupart des carcinomes colorectaux. En accord avec cela, un III. Introduction criblage à grande échelle à révélé une diminution significative de l'expression des ARN messagers de Tip60 dans les carcinomes coliques et pulmonaires en comparaison avec leur tissu normal (L.Leonart, M.E. et al, 2006). Par conséquent, l'ensemble de ces donnés suggère un modèle dans lequel Tip60 se comporterait comme un suppresseur de tumeur haplo-insuffisant. 6.3 Qu'en est-il des sous-unités de son complexe?
La HAT Tip60 fait partie intégrante d'un complexe multi-protéique, et en tant que telle, il semble important de s'intéresser également aux autres composants de ce complexe. A ce titre, une de ces sous-unités est la protéine ING3 qui est un membre de la famille ING des gènes suppresseurs de tumeur. ING3 est un co-activateur transcriptionnel de p53 et est impliqué dans la régulation de la progression du cycle cellulaire et l'apoptose (Nagashima, M. et al, 2003). Un autre exemple est celui du gène codant pour la sous-unité GAS41 qui est amplifié dans les glioblastomes multiformes et les astrocytomes (Fischer, U. et al, 1997) et qui est impliqué dans la suppression de la voie p53 durant la croissance cellulaire normale (Park, J.H. & Roeder, R.G., 2006). Il existe encore d'autres sous-unités, non mentionnées ici, liées à la tumorigénèse (pour revue, Avvakumov, N. & Côté, J., 2007).
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IV. Introduction IV. LE FACTEUR DE TRANSCRIPTION E2F1, UNE PROTEINE MULTI-FACETTES
Depuis la découverte, il y a une vingtaine d'années, que les facteurs de transcription E2Fs sont étroitement régulés par les membres de la famille Rb, les recherches à leur sujet ont suscité un grand intérêt et sont passées à l'avant de la scène scientifique internationale. De ce fait, un grand nombre d'études ont été menées et ont dévoilé le rôle critique des facteurs E2Fs dans le contrôle de la transcription, de la prolifération cellulaire, de l'apoptose, de la réponse aux dommage s de l'ADN, de la différenciation, de la sénescence ou encore du développement. 1. Organisation de la famille E2F
Les facteurs de transcription E2Fs ont originellement été identifiés comme des facteurs cellulaires interagissant avec le promoteur du gène adénoviral E2 (Kovesdi, I. et al, 1986 ; La Thangue, N.B. & Rigby, P.W., 1987). E2F1 est le premier membre de la famille à avoir été cloné et son gène a été localisé en 20q11.2. D'autres membres de la famille ont par la suite été clonés par homologie de séquence ou par leur capacité à lier les membres de la famille Rb. 1.1 Structure
A ce jour, huit membres de la famille E2F ont été identifiés, E2F1-8 (Figure 11). De plus, deux protéines E2F3 (E2F3a et E2F3b) sont produites via des promoteurs alternes (Leone, G. et al, 2000 ; He, Y. et al, 2000). Le plus haut degré d'homologie parmi les membres de cette famille se situe au niveau du domaine de liaison à l'ADN. E2F1-6 nécessitent une dimérisation avec l'une des trois protéines DP (DP1, DP2/3 ou DP4) pour former un complexe transcriptionnellement actif et lier l'ADN avec une grande affinité (DeGregori, J. & Johnson, D.G., 2006). D'un point de vue structural, E2F1-5 sont très semblables puisqu'ils partagent un domaine de liaison à l'ADN en N-terminal, un domaine de dimérisation avec l'une des protéines DP, un domaine conservé « marked box » impliqué 75 | P
a g e ________________________________________________________________IV. Introduction 76 | P a g e ________________________________________________________________IV. Introduction dans la dimérisation et la liaison à l'ADN, et en C-terminal un domaine de transactivation ainsi qu'un
domaine d
'
interaction
avec
la protéine
R
b
. E2F1, E2F2 et E2F3 abritent, en Nterminal, un site d'interaction avec le complexe cycline A-cdk2 (Krek, W. et al, 1994) et un signal de localisation nucléaire (NLS) (Muller, H. et al, 1997). E2F4 et E2F5 comportent quant à eux un signal d'export nucléaire (NES) (Verona, R. et al, 1997), leur permettant d'assurer des fonctions nucléaires lorsqu'ils sont complexés aux membres de la famille Rb et d'être exclus du compartiment nucléaire lorsqu ils sont sous forme libre. Les trois derniers membres à avoir été clonés, E2F6, E2F7 et E2F8, sont très atypiques en comparaison avec les autres membres, à savoir qu'ils ne possèdent pas de site d'interaction avec la « protéine pocket » Rb, fonctionnant ainsi indépendamment du contrôle de Rb. A noter, E2F7 et E2F8 se différencient de E2F6 puisqu'ils sont caractérisés par la présence de deux domaines de liaison à l'ADN en position centrale et par l'absence de domaine de liaison avec les co-facteurs DP. 1.2 Les différents sous-groupes de la famille E2F
Les facteurs de transcription de la famille E2F peuvent être classifiés d'activateurs et de répresseurs transcriptionnels.
1.2.1 Les facteurs activateurs
Les facteurs activateurs regroupent E2F1, E2F2 et E2F3a. Ils se complexent exclusivement avec la protéine Rb (Figure 12) et voient leur niveau d'expression varier en fonction du cycle cellulaire avec un pic à la transition G1/S. 1.2.2 Les facteurs répresseurs
Les facteurs répresseurs de la transcription, quant à eux, sont représentés par E2F3b, E2F4 et E2F5. A la différence des facteurs activateurs, les niveaux d'expression de E2F3b, E2F4 et E2F5 restent constants au cours du cycle cellulaire. E2F4 peut lier tous les membres de la famille Rb, alors que E2F5 interagit seulement avec p130 et E2F3b avec Rb (Figure 12). Les facteurs E2F6, E2F7 et E2F8 sont aussi des facteurs répresseurs de la transcription.
77 | P a g e
________________________________________________________________IV. Introduction E2F6 réaliserait cette répression via les protéines du groupe Polycomb (PcG) (Ogawa, H. et al, 2002 ; Trimarchi, J.M. et al, 2001) et réprime l'expression de gènes cibles des E2Fs dans les cellules quiescentes (Ogawa, H. et al, 2002), jouant ainsi un rôle dans la régulation du cycle cellulaire. Il serait également impliqué dans la régulation négative de la transcription du gène suppresseur de tumeur BRCA1 (Oberley, M.J. et al, 2003). Quant aux protéines E2F7 et E2F8, elles sont encore mal connues, cependant elles sembleraient limiter la transcription de certains gènes et de ce fait freiner la progression du cycle cellulaire (Christensen, J. et al, 2005 ; Logan, N. et al, 2005). Cette hypothèse est également soutenue par le fait que Zalmas 78 P a e ________________________________________________________________IV. Introduction et coll. ont observé que E2F7 et E2F8 réprimaient les gènes cibles de E2F1 (Zalmas, L.P. et al, 2008). Des homologues des protéines E2F et Rb ont été décrit des plantes (Ramirez-Parra, E. et al, 1999 ; Sekine, M. et al, 1999 ; Albani, D. et al, 2000 ; Magyar, Z. et al, 2000 ; Rossignol, P. et al, 2002) jusqu'à l'Homme en passant par le xénope (Suzuki, A. & HemmatiBrivanlou, A., 2000), le nématode Caenorhabditis elegans (Ceol, C.J. & Horvitz, H.R., 2001) et la drosophile (Dynlacht, B.D. et al, 1994 ; Ohtani, K. & Nevins, J.R., 1994 ; Hao, X.F. et al, 1995 ; Du, W. et al, 1996 ; Sawado, T. et al, 1998 ; Stevaux, O. et al, 2002). Cette conservation au cours de l'évolution souligne le rôle critique de la voie E2F/Rb. 2. E2F1, un facteur de transcription étroitement régulé 2.1 Expression
L'expression du facteur E2F1 est étroitement régulée par réseau complexe de modifications post-traductionnelles, incluant l'ubiquitinylation, la phosphorylation, et l'acétylation.
2.1.1 L'ubiquitinylation
Le turn-over de E2F1 est contrôlé par la voie protéasomale de dégradation des protéines (Campanero, M.R. & Flemington, E.K., 1997 ; Hateboer, G. et al, 1996, Hofmann, F. et al, 1996), notamment en fin de S et en G2. Cet évènement est lié à l'interaction spécifique de E2F1 avec la protéine F-box p45SKP2, le composant de la ligase SCFSKP2 qui donne la spécificité de substrat. Cela conduit à l'ubiquitinylation de E2F1 et à sa dégradation (Marti, A. et al, 1999). Toutefois, les liens entre E2F1 et SKP2 semblent ne pas se restreindre à un contrôle du turn-over de E2F1. En effet, une étude récente réalisée au sein de notre groupe a mis en évidence que p45SKP2 est une cible transcriptionnelle de E2F1 et que l'interaction physique entre E2F1 et p45SKP2 stimule la fonction transactivatrice de E2F1 sur le promoteur de la cycline E (Salon, C. et al, 2007). Ces deux notions qui semblent être contradictoires, pourraient ne pas être incompatibles et prendre effet selon le contexte cellulaire. IV. Introduction Par conséquent, ces résultats suggèrent que l'ubiquitinylation et la dégradation de E2F1, catalysées par SCFSKP2, contribuerait à contrôler l'amplitude et la magnitude de la réponse E2F1, alors l'inhibition de son affinité de liaison à l'ADN par le complexe cycline A-cdk2 (dont il sera discuté dans le chapitre suivant) serait importante pour le contrôle de la durée de la réponse E2F1 ; combinés, ces deux mécanismes pourraient donner fin à l'activité de E2F1 au niveau des phases S/G2 du cycle cellulaire. 2.1.2 La phosphorylation
Un autre mode de régulation post-traductionnelle de l'activité de E2F1 est la phosphorylation, et notamment par le complexe cycline A-cdk2 qui interagit directement avec E2F1. Cette phosphorylation (sur son résidu sérine 375) a pour conséquence fonctionnelle de diminuer l'affinité de liaison à l'ADN de E2F1 et par conséquent d'inhiber son activité activatrice (Adams, P.D. et al, 1996 ; Dynlacht, B.D. et al, 1997 ; Peeper, D.S. et al, 1995 ; Xu, M. et al, 1994) (Figure 13). Cette phosphorylation a lieu en phase de la phase S du cycle cellulaire et conduit à l'accumulation de complexes E2F1/DP1 inactifs (Krek, W. et al, 1995), indiquant ainsi l'importance de l'inhibition de l'activité de E2F1 pour l'entrée en phase G2/M du cycle. Par ailleurs, les protéines kinases ATM et ATR phosphorylent également E2F1 sur sa sérine 31, et il a été suggéré que cette phosphorylation préviendrait la dégradation de E2F1 en inhibant son interaction avec p45SKP2 (Lin, W.C. et al, 2001) (Figure 14). De façon similaire, la protéine Chk2, autre protéine clé de la réponse aux dommages de l'ADN, phosphoryle la sérine 364 de E2F1 (Stevens, C. et al, 2003) qui est juxtaposée au site d'interaction de Mdm2 (Martin, K. et al, 1995). Ces deux modèles restent spéculatifs et attendent leur validation expérimentale, bien que p45SKP2 et Mdm2 restent des candidats attractifs pour moduler l'activité de E2F1 durant la réponse aux dommage aux dommages de l'ADN. IV. Introduction 2.1.3 L'acétylation
Le dernier mode de régulation post-traductionnelle de E2F1 dont nous discuterons ici est l'acétylation. En effet, il a été mis en évidence que les histones acétyltransférases P/CAF et p300/CBP ont la capacité d'acétyler E2F1 in vitro et que les molécules E2F1 intracellulaires sont acétylées (Martinez-Balbas, M.A. et al, 2000). Cette acétylation s'effectue spécifiquement au sein du groupe de lysines 117/120/125 (Marzio, G. et al, 2000), adjacent au domaine de liaison à l'ADN. Ceci conduit à une augmentation de la demi-vie de E2F1 et à la stimulation de son affinité de liaison à l'ADN. De façon intéressante, l'acétylation de E2F1 par P/CAF en réponse aux dommages de l'ADN privilégie ses fonctions pro-apoptotiques vis à vis de ses fonctions prolifératives (Ianari, A. et al, 2004). 2.2 Localisation
Le facteur de transcription E2F1 a toujours été considéré comme une protéine constitutivement nucléaire (Allen, K.E. et al, 1997 ; Verona, R. et al, 1997 ; Muller, H. et al, 1997). Cependant, une étude récente menée par Ivanova et coll. a démontré que E2F1 est sujette à un trafic nucléo-cytoplasmique continu. Dans cette étude, les auteurs ont identifié un signal d'export nucléaire (NES) dans sa séquence peptidique permettant son export vers le cytoplasme. Le processus mis en jeu est dépendant de CRM-1, une protéine hautement conservée impliquée dans l'export de protéine à NES. De façon intéressante, l'induction de la différenciation de kératinocytes en culture conduit à l'ubiquitinylation de E2F1, son export du noyau et sa dégradation. Ce mécanisme est actif dans plusieurs types cellulaires primaires et transformés, et l'un des facteurs déterminants qui établit la balance entre l'import et l'export nucléaire est l'activation de la différenciation des cellules épithéliales (Ivanova, I.A. et al, 2006, 2007, 2009). Il a également été rapporté que la localisation subcellulaire de E2F1 est modulée en réponse aux dommages de l'ADN, avec une relocalisation au niveau de corps nucléaires distincts (Stevens, C. et al, 2003). ________________IV. Introduction 3. Les fonctions biologiques du facteur de transcription E2F1
Dans un premier temps, E2F1 a été considéré comme un régulateur positif de l'expression des gènes nécessaires à la synthèse de l'ADN. Les études qui ont suivies ont montré que cette façon de voir les choses était bien trop simpliste et ont permis d'étendre la diversité des activités attribuées à E2F1. L'apparition de nouvelles technologies, notamment les puces à ADN, la technique d'immunoprécipitation de la chromatine et la bioinformatique, a nettement élargi le nombre et la nature des gènes potentiellement régulés par ce dernier. Cette diversité de fonctions va des gènes régulateurs traditionnels de la transition G1/S à des gènes impliqués dans la réparation aux dommages de l'ADN, l'apoptose, la différenciation et le développement, aussi bien que des gènes dont les fonctions sont encore inconnues à ce jour (DeGregori, J., 2002 ; Stevaux, O. & Dyson, N.J., 2002 ; Cam, H. & Dynlacht, B. D., 2003). Il existe d'excellentes revues dans le domaine des E2Fs (DeGregori, J., 2002 ; Trimarchi, J.M. & Lees, J.A., 2002 ; Dimova, D.K. & Dyson, N.J., 2005 ; DeGregori, J. & Johnson, D.G. 2006 ; Johnson, D.G. & DeGregori, J., 2006). Dans ce paragraphe, nous discuterons les découvertes récentes qui ont contribué à la complexité actuelle du réseau transcriptionnel de E2F1. 3.1 Vue traditionnelle de E2F1 : contrôler l'entrée en phase S
L'activité transcriptionnelle de E2F1 est régulée par son association avec la protéine Rb. En effet, Rb bloque l'activité transcriptionnelle des hétérodimères E2F1/DP1 en masquant le domaine d'activation de E2F1 situé au niveau de son extrémité C-terminale. Cette association prévient le recrutement du facteur d'initiation de la transcription TFIID, mais aussi, de co-activateurs transcriptionnels tels que p300/CBP, GCN5, TRRAP, Tip60 et ACTR/AIB1 (Trouche, D. et al, 1996 ; Ross, J.F. et al, 1999 ; McMahon, S.B. et al, 1998 ; Lang, S.E. et al, 2001 ; Taubert, S. et al, 2004 ; Louie, M.C. et al, 2004). De façon intéressante, Rb a aussi la capacité de convertir les complexes E2F1/DP1 d'un statut activateur à un statut de répresseur transcriptionnel. Pour cela, Rb recrute plusieurs facteurs de modification et de remodelage de la chromatine au niveau des promoteurs des gènes cibles ________________IV. Introduction de E2F1. Ces co-répresseurs incluent les histones déacétylases, BRM/BRG1, RBP1, DNMT1, CtIP, CtBP, HPC2, mSin3b, Suv39H et PRMT5 (Ross, J.F. et al, 1999 ; Dunaief, J.L. et al, 1994 ; Dahiya, A. et al, 2001 ; Luo, R.X. et al, 1998 ; Fabbrizio, E. et al, 2002 ; Strober, B.E. et al, 1996 ; Brehm, A. et al, 1998 ; Magnaghi-Jaulin, L. et al, 1998 ; Ferreira, R. et al, 1998 ; Meloni
A.R. et al, 1999 ; Nielsen, S.J. et al, 2001 ; Zhang, H.S. et al, 2000 ; Rayman, J.B. et al, 2002 ; Ait-Si-Ali, S. et al, 2004 ; Lai, A. et al, 1999 ; Robertson, K.D. et al, 2000).
De plus, la spécificité des complexes corépresseurs recrutés par les protéines de la famille Rb semble dépendre du type de promoteur et du contexte cellulaire (cellule quiescente contre cellule différenciée). 3.1.1 La rupture
du
frein
Rb : un réseau complexe de phosphorylations Rb, sous sa forme hypophosphorylée, est établi comme le régulateur majeur de l'activité de E2F1 et le complexe E2F1/Rb fonctionne en tant que répresseur transcriptionnel actif. Lors de la transition G1/S du cycle cellulaire ou lors d'une réentrée dans le cycle, les complexes E2F1/Rb subissent toute une cascade d'évènements. Durant la phase G1, le produit du gène Rb est hypophosphorylé ce qui lui confère la capacité de se complexer à E2F1 et de le maintenir sous une forme inactive. En l'absence de signal de prolifération, des HDACs et l'histone méthyltransférase Suv39-H1 s'associent avec Rb afin de modifier la chromatine au niveau des promoteurs cibles de E2F1 et d'induire leur répression. Cependant, en réponse à des signaux mitogènes, les complexes cycline D1-cdk4/6 et cycline E-cdk2 phosphorylent RB en milieu et en fin de G1 respectivement. Puis, E2F1 est à son tour phosphorylé par le complexe cycline A-cdk2 durant la phase S. Ce réseau complexe de phosphorylations va libérer E2F1 de l'emprise de Rb (Sherr, C.J., 1996), lui permettant d'entreprendre son programme transcriptionnel. 3.1.2 Activation du programme transcriptionnel E2F1 : un surprenant switch moléculaire!
Les mécanismes moléculaires de la transactivation par E2F1 ne sont pas encore élucidés en détails. Cependant, les résultats disponibles suggèrent qu'un réseau complexe de . Introduction modifications des histones se produit au niveau des promoteurs cibles de E2F1. Par exemple, E2F1 recrute et interagit avec différents complexes co-activateurs à activité histone acétyltransférase (tableau des HATs), incluant p300/CBP, P/CAF et plus récemment la HAT Tip60 (Trouche, D. et al, 1996 ; Martinez-Balbas, M.A. et al, 2000 ; Marzio, G. et al, 2000 ; Morris, L. et al, 2000 ; Taubert, S. et al, 2004). Le recrutement de ces HATs corrèle avec une hyperacétylation des histones H3 et H4. Il semblerait que ce switch moléculaire fasse intervenir la protéine humaine HCF-1 pour herpes simplex virus (HSV) host cell factor-1 qui est également un régulateur critique du cycle cellulaire (Tyagi, S. et al, 2007). Cet enchainement d'évènements va initier l'activation du programme transcriptionnel de E2F1, induire le passage en phase S et promouvoir la prolifération cellulaire. A côté de son rôle au cours du passage en phase S, E2F1 participe également au contrôle de la transition G2/M via l'induction de différents gènes impliqués dans le processus mitotique (Ishida, S. et al, 2001 ; Polager, S. et al, 2002). 3.2 E2F1 un facteur de la prolifération doté d'une fonction pro-apoptotique
Des études chez les cellules de mammifères montrent que E2F1 peut induire la mort cellulaire quand il est surexprimé ou quand il est activé par un dommage de l'ADN. De façon similaire, des expériences conduites chez la drosophile ont ainsi mis en évidence que l'expression ectopique de E2F1 peut induire l'apoptose (Asano, M. et al, 1996 ; Du, W. et al, 1996). Plusieurs travaux montrent que cette induction de la mort cellulaire est une propriété unique à E2F1 (DeGregori, J. et al, 1997 ; Kowalik, T.F. et al, 1998 ; Lissy, N.A. et al, 2000 ; Leone, G. et al, 2001) alors que d'autres suggèrent que E2F2 et E2F3 possèdent aussi cette capacité (Dirks, P.B. et al, 1998 ; Vigo, E. et al, 1999 ; Ziebold, U. et al, 2001). Plusieurs études sur cellules en culture et modèles animaux indiquent que E2F1 peut induire l'apoptose de façon à la fois dépendante et indépendante de p53 (Trimarchi, J.M. & Lees, J.A., 2002 ; Bell, L.A. & Ryan, K.M., 2004). Les mécanismes moléculaires de la mort cellulaire médiée par E2F1 ne sont pas encore totalement élucidés à ce jour. Cependant, il a été mis en évidence plusieurs voies par lesquelles E2F1 a la capacité d'induire l'apoptose ainsi qu'un grand nombre de ses cibles pro-apoptotiques. Il n'existe pas de règle générale gouvernant les effets se apoptotique. Au cours de ce paragraphe, nous discuterons les différentes voies empruntées par E2F1 pour initier la mort cellulaire. 3.2.1 La mort cellulaire dépendante de p53
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour l'induction de la mort cellulaire dépendante de p53. En effet, E2F1 peut affecter la stabilité de p53 via la régulation du gène suppresseur de tumeur p14ARF qui est un gène cible connu de E2F1 (DeGregori, J. et al, 1997 ; Bates, S. et al, 1998 ; Parisi, T. et al, 2002 ; Aslanian, A. et al, 2004). Cependant, des études menées à la fois chez la souris et sur des fibroblastes humains indiquent que E2F1 peut induire l'apoptose via la protéine p53 et ce, en l'absence de p14ARF (Tolbert, D. et al, 2002 ; Tsai, K.Y. et al, 2002 ; Lindstrom, M.S. & Wiman, K.G., 2003), suggérant l'existence de mécanismes parallèles pour l'induction de p53.
3.2.2 La mort cellulaire indépendante de p53
Jusqu'à récemment, deux mécanismes ont été proposés pour l'induction de l'apoptose indépendante de p53 médiée par E2F1. En effet, p73, qui est un membre de la famille de p53, est impliqué dans l'induction de la mort cellulaire par E2F1 (Irwin, M. et al, 2000 ; Lissy, N.A. et al, 2000 ; Stiewe, T. & Putzer, B.M., 2000). E2F1 a également la capacité d'inhiber la signalisation anti-apoptotique, et plus spécifiquement le signal de survie associé au récepteur du TNF (Tumor Necrosis Factor) (Phillips, A.C. et al, 1999). De plus, E2F1 induit l'expression de gènes pro-apoptotiques tels que PUMA, Noxa, Bim, SIVA et plusieurs membres de
famille des caspases (Nahle, Z. et al, 2002 ; Cao, Q. et al, 2004 ; Fortin, A. et al, 2004 ; Hershko, T. & Ginsberg, D., 2004). 3.2.3 La voie TRAIL E2F
1
peut
induire l'apoptose via l'inhibition de FLIP short (FLICE-inhibitory protein short), conduisant à l'activation de la caspase-8 au niveau des récepteurs de mort DISC (death inducing signaling complexe)
(Salon, C
. et al
, 2006).
De façon
remar
quable,
Caroline
Salon et coll. fournissent la preuve que E2F1 sensibilise les cellules primaires et tumorales à l'apoptose médiée par le ligand FAS ou TRAIL (tumor necrisis factor-related apoptosis86 | P a g e ________________________________________________________________IV. Introduction inducing ligand), et stimule la cytotoxicité des lymphocytes T contre les cellules tumorales. En investiguant les mécanismes sous-jacents à cet effet de E2F1 sur l'expression du transcrit FLIP short, notre équipe a mis en évidence l'implication du facteur d'épissage SC35 (Merdzhanova, G. et al, 2008) et a démontré la capacité de E2F1 via SC35 à moduler l'épissage alternatif des gènes apoptotiques en la faveur des variants d'épissages proapoptotiques. De plus, en réponse aux dommages de l'ADN, E2F1 induit l'accumulation de la protéine SC35 et une augmentation des variants de splicing pro-apoptotiques. Par conséquent, l'étude menée par Galia Merdzhanova et coll. révèle que l'épissage alternatif des transcrits contrôlé par E2F1 joue un rôle critique dans l'apoptose médiée par des dommages de l'ADN. Les études futures nous révélerons probablement que le lien entre E2F1 et le facteur d'épissage SC35, n'est peut être pas un cas isolé mais qu'il s'agit plutôt de la face émergée de l'iceberg. 3.2.4 La voie AKT ou le contrôle de l'apoptose
Comment la fonction apoptotique de E2F1 est-elle régulée et pourquoi l'augmentation de l'activité de E2F1, qui se produit naturellement en phase S du cycle cellulaire, n'engage t'elle pas les cellules normales vers l'apoptose? (i) Rb a la capacité de bloquer l'apoptose induite par E2F1 et cela semble être un premier niveau de contrôle (Lipinski, M.M. & Jacks, T., 1999 ; Harbour, J.W. & Dean, D.C., 2000). (ii) La voie de signalisation de la kinase Akt semble aussi jouer un rôle. En effet, en réalisant le profil génomique de fibroblastes de rat, Hallstrom et coll. ont identifié des gènes qui sont activés sous l'expression forcée de E2F1 et réprimés de façon dépendante des PI3K en présence de sérum (Hallstrom, T.C. et al, 2008). Parmi ces gènes réprimés par le sérum, celui qui affecte le plus l'activité apoptotique de E2F1 code pour la protéine AMPKα2 (AMP-activated protein kinase) qui est un régulateur central de l'homéostasie énergétique face aux nutriments et à l'ATP. Puisque E2F1 induit l'apoptose dans les cellules quiescentes par privation de facteur mitogène, il est très probable que AMPKα2 joue le rôle de senseur critique d'un statut pauvre en nutriment poussant ainsi les cellules vers un processus de mort cellulaire (Figure 15). 3.3 E2F1, une clé pour la réparation des dommages de l'ADN
L'implication de E2F1 dans la réponse aux dommages de l'ADN provient initialement d'études montrant sa surexpression suite à des lésions de l'ADN (Blattner, C. et al, 1999 ; Hofferer, M. et al, 1999 ; O'Connor, D.J. & Lu, X, 2000). Cet effet qui est spécifique à E2F1, et pas aux autres membres de la famille, montre des cinétiques qui ressemblent étroitement à l'induction de p53. Ainsi, les protéines E2F1 et p53 pourraient être régulés selon un schéma commun (Blattner, C. et al, 1999).
3.3.1 Phosphorylation et stabilisation de E2F1 en réponse aux dommages de l'ADN
Il est maintenant admis que l'induction de E2F1 au cours de la réponse aux dommages de l'ADN reflète sa phosphorylation par les protéines kinases ATM, ATR (Ataxia Telangiectasia Mutated/Ataxia Telangiectasia and Rad3-related), et Chk2 (Checkpoint 2) (Lin, W.C. et al, 2001 ; Stevens, C. et al, 2003), les trois étant des constituants clés de cette réponse. Les kinases ATM et ATR phosphorylent la sérine 31 de E2F1, et il a été suggéré que cette phosphorylation préviendrait la dégradation de E2F1 en inhibant son interaction avec p45SKP2 (Lin, W.C. et al, 2001) (Figure 14). De façon similaire, la phosphorylation de E2F1 sur sa sérine 364 (juxtaposée au site d'interaction de Mdm2) par la kinase Chk2 pourrait inhiber son interaction avec dm2. La phosphorylation de E2F1 suite à une lésion de l'ADN a clairement été connectée avec une accumulation du niveau protéique de E2F1 et l'induction de l'apoptose, et ce de façon similaire à la protéine p53 (Lin, W.C. et al, 2001 ; Stevens, C. et al, 2003). 3.3.2 Un rôle privilégié pour la protéine p73
Bien qu'il soit admis, depuis plusieurs années maintenant, que les dommages de l'ADN sont un signal pour que E2F1 induise l'apoptose, le mécanisme par lequel E2F1 induit la mort cellulaire plutôt que la progression du cycle cellulaire commence juste à être élucidé. Il a été démontré qu'un traitement à la doxorubicine induit le recrutement spécifique de E2F1 sur le promoteur de p73, conduisant à l'apoptose des cellules. De façon surprenante, et dans . Introduction un même contexte, E2F1 n'est pas recruté sur le promoteur du gène Apaf-1. Dans cette même étude, les auteurs ont montré que l'activation de p73 corrélait avec l'hyperacétylation de l'histone H4 au niveau de son promoteur. A l'inverse, les régions promotrices des gènes de la Tk et de la DHFR sont hypoacétylés (Pediconi, N. et al, 2003). Ces résultats suggèrent ainsi qu'en réponse aux dommages de l'ADN des changements spécifiques au niveau chromatinien régulent l'activité transcriptionnelle de E2F1 en faveur de ses cibles pro-apoptotiques et au détriment des gènes de la prolifération (Figure 16).
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L'expression d'ADIPOR2 varie en fonction de la fertilité et de la mobilisation des réserves adipeuses chez la vache laitière Sébastien Elis, Stéphanie Coyral-Castel, Sandrine Freret, Christelle Rame, Alice Desmarchais, Juliette Cognie, Eric Briant, Virginie Maillard, Joëlle Dupont To cite this version: Sébastien Elis ret, Christelle Rame, Alice Desmarchais, et al L'expression d'ADIPOR2 varie en fonction de la fertilité et de la mobilisation des réserves adipeuses chez la vache laitière. sur les Ruminants , Paris, France. -02746125 HAL 2020 L'expression
d'
ADIPOR2 varie en
fonction de
la fertilité et de
la
mobilisation des réserves adipeuses chez la vache laitière ADIPOR2 expression varies with both fertility and body lipid mobilization in dairy cows ELIS S. (1), COYRAL-CASTEL
S
. (1,2), FRERET
S
. (1)
RAME C. (1)
,
DESMARCHAIS A. (1), COGNIE J. (1), BRIANT E. (1), MAILLARD V. (1), DUPONT J. (1) (1) INRA, UMR85 Physiologie de la Reproduction et des Comportements, 37380 Nouzilly (2) Institut de l'Elevage, Département GIPSIE, 149 rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
INTRODUCTION
La fertilité des vaches laitières hautes productrices, de race Holstein, a beaucoup diminué au cours des dernières décennies. La plupart des auteurs s'accordent à penser que cette baisse est due à de nombreux facteurs (physiologiques, génétiques et environnementaux). En début de lactation, l'ingéré des vaches laitières est limité, elles mobilisent donc fortement leurs réserves énergétiques adipeuses afin d'assurer leur production de lait. Afin de comprendre l'impact des réserv adipeuses sur cette baisse de fertilité, nous étudions le tissu adipeux de 2 groupes de vaches Prim'Holstein qui diffèrent par l'haplotype favorable Fertil+ ou défavorable Fertil- pour un QTL de fertilité femelle localisé sur le chromosome 3. Le taux de réussite après la première insémination artificielle est plus élevé chez les primipares Fertil+ que chez les Fertil- (69% contre 39%, 35 jours après l'IA) (Coyral-Castel et al. 2011). d'AGNE (Figure 1.E), donc à l'intensité de mobilisation des réserves. Une différence significative d'expression de l'ADIPOR2, un récepteur de l'adiponectine, a été mise en évidence entre les 2 haplotypes Fertil+ et Fertil- au pic de mobilisation (Figure 1.B).
Figure 1 :
1. MATERIEL ET METHODES
Des biopsies de tissus adipeux sous-cutané ont été réalisées au fanon de 18 vaches (9 Fertil+ et 9 Fertil-) en ème lactation, à 2 stades différents : 1 semaine post partum 2 1spp (période de mobilisation intense des réserves) et 5 mois post partum 5mpp (période de reconstitution des réserves). Des prises de sang ont également été réalisées au moment des biopsies. Les acides gras non estérifiés (AGNE) du plasma ont été dosés. Les ARN et protéines des tissus ont été extraits. L'expression de 22 gènes candidats a ensuite été étudiée par PCR en temps réel (ARNm) et par western blot (protéine). Une méthode de classification hiérarchique a ensuite été utilisée (logiciel cluster 3.0) pour permettre une analyse de type « euclidian distance – average linkage » afin de classer les gènes en fonction de leur profil d'expression. Les tests statistiques utilisés sont des tests d'analyse de variance ANOVA (p<0.05). 2. RESULTATS 2.1. DOSAGE D'AGNE
Le dosage des AGNE au cours de la lactation reflète l'intensité de mobilisation des réserves. Les vaches Fertilont un niveau d'AGNE significativement plus élevé au moment du pic de mobilisation, une semaine après vêlage (Figure 1.A).
2.2. EXPRESSION DES ARN
Ce travail a permis de mettre en évidence 2 clusters de gènes en fonction de l'état de mobilisation des réserves. er groupe (Figure 1.B,C), 7 gènes sont Dans le 1 significativement surexprimés en période de mobilisation des réserves parmi lesquels on retrouve des gènes correspondant à des adipocytokines ou leurs récepteurs : ADIPOR2, RARRES2 et LEPR et des gènes associés au métabolisme lipidique : PLIN1, CPT1, HSL et FABP4. Dans ème groupe (Figure 1.D), 2 gènes du métabolisme le 2 lipidique impliqués dans la lipogenèse sont significativement surexprimés en période de reconstitution des réserves : FAS et SCD1. L'expression de 4 gènes (FABP4, HSL, ADIPOR2 et PLIN1) est positivement corrélée au niveau 2.3.
EXPRESSION DES PROTEINES
Les différences d'expression trouvées au niveau des ARNm ont pu être confirmées pour deux protéines, FAS et SCD1, toutes deux surexprimées à 5 mois post partum. 3. DISCUSSION
La cinétique d'expression des gènes est en accord avec des résultats récents de la littérature (Sumner-Thomson et al., 2011) qui décrivent une augmentation de l'expression des gènes de transport des acides gras (FABP4) et des gènes de la lipolyse en début de lactation et une augmentation des gènes de la lipogenèse en fin de lactation. Nos résultats sont également cohérents avec les études montrant l'implication de l'adiponectine au niveau de la reproduction (Maillard et al. 2010). 4. CONC
L
USION Ce travail ouvre des perspectives sur une étude de l'adiponectine au niveau ovarien afin d'étudier comment cette protéine affecte la fertilité des 2 haplotypes. Coyral-Castel et al. 2011. Therio., 75, 7 : 1239-50 Ma
illard V.
et
al. 2010. Reprod. Biol. Endocrinol., 10, 8 :23 Sumner-Thomson et al. 2011. J. Dairy Sci., 1: 361-9.
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Incertitudes d'un certain pays
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Le quatrième et dernier quart de l'histoire des relations internationales du Canada
est le plus « court » : il n'a que 22 ans. C'est toutefois le plus chargé d'événements
importants, de signification politique. Jamais l'insertion du Canada dans les vastes
processus mondiaux n'a été si intense, continue et polyvalente ; et nous avons maintenant un service diplomatique qui couvre toute la planète. Le découpage de notre sujet
en quatre périodes chronologiques sensiblement égales peut porter illusion. Si, de
façon incontestable, une nouvelle période commence en 1945 qui voit l'élaboration
graduelle et la pratique d'une véritable politique étrangère, il n'est qu'arbitrairement
posé ici qu'elle doive s'achever en 1968. Si le Canada a un avenir au delà de la célébration de son premier centenaire, cette période peut durer plus longtemps qu'un quart
siècle ; et il est concevable que l'historien de l'avenir la subdivise en sous-périodes
pour la rendre plus exactement intelligible. Mais nous n'avons pas ici à nous aventurer dans les jeux toujours un peu fantaisistes de la prospective...
Comme procédé de classement, on peut faire deux parts des relations internationales du Canada depuis 1945 : celle de nos relations bilatérales avec les États-Unis, celle de nos relations avec le reste du monde, y compris les grandes organisations inter-
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
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nationales comme l'O.N.U. et l'O.T.A.N. Mais, encore là, l'arbitraire se glisse dans
cette division. Dans les « relations avec le reste du monde », notre position subit toujours le poids ou l'attraction de celui des deux grands leaders mondiaux qui est notre
seul voisin. Ce n'est toutefois pas en situation de guerre froide une position qui nous
soit exclusive, si nous l'éprouvons d'une façon plus unilatéralement implacable que
d'autres, et qui nous force à en avoir une conscience plus aiguë. D'autre part, il est en
période de guerre froide des « questions » qui se situent hors de l'antagonisme fondamental des blocs : Cachemire, Israël, Algérie , Congo, Chypre, etc. En ces questions, comme en notre contribution aux organismes du type O.N.U. et O.T.A.N., le
point de vue et les décisions de Washington en premier lieu, de Londres en second (et
pour beaucoup moins de questions) sont souvent considérés pour eux-mêmes, antérieurement et primordialement aux éléments objectifs propres à ces questions.
C'est dire que notre politique étrangère, juridiquement souveraine et pleinement
autonome, laisse une faculté de manoeuvre restreinte, peu de véritable choix. Nous
sommes toujours plus « conditionnés » que nous ne « conditionnons ». Nous sommes
passés maîtres dans l'art de l'ajustement. Nous sommes toutefois généralement habiles
à nous inventer a posteriori des rationalisations canadiennes, présentées comme liées
à des valeurs plus universelles, pour nos choix et engagements politiques. Au total,
nous ne faisons pas mal. Nous ne faisons pas trop pharisaïquement moralisateurs ;
nous ne répétons pas trop « qu'on n'a rien à nous reprocher » - le dossier vierge de
ceux qui entrent dans la vie adulte ... ; nous jouons le rôle de « conciliateur désintéressé » et du « pacificateur universel » avec quelque, efficacité d'autant qu'on pense
naturellement à nous lors de la distribution de ces rôles pour lesquels les candidatures
naturelles sont peu nombreuses. Nous ne nous prenons pas pour « quelqu'un d'autre »
et on nous accuserait vainement de faire des débauches d'imagination politique ou de
nous embarquer dans des aventures risquées. Nous aimons jouer prudemment.
« Nous » -les responsables de notre politique étrangère - avons même un sens plus
exact des réalités internationales que des grosses réalités intracanadiennes que nous
ne savons pas dégager de leur enveloppe d'ambiguïté, où les enserrent depuis bientôt
un siècle de courtes vues routinières. Un peu de ces dispositions de cosmopolitisme
ne serait pas superflu pour l'intelligence de quelques-uns de nos problèmes internes...
La conjoncture de l'immédiat après-guerre a facilité un accord fondamental de
tous les Canadiens sur les grandes lignes de notre politique étrangère. Nous étions
d'accord pour que le rideau de fer ne se déplace pas vers l'ouest, pour que s'effectue le
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
27
relèvement économique de l'Europe à commencer par celui de la Grande-Bretagne,
pour que la décolonisation se produise sans trop de heurts aux intérêts acquis ni trop
de contagion communiste, pour que nous participions à une date plus récente au relèvement des régions sous-héritées sans trop de dommage à notre fameux « standard de
vie ». L'O.N.U. était un appareil trop vaste, trop diffus et... trop indispensable pour
que les Canadiens, d'abord déçus de l'Organisation comme tout le monde, se divisent
à son sujet. L'Empire n'existait plus, du moins pour nous ; le Commonwealth, qui
cessait d'être « britannique », apparaissant déclinant ; et dans la rosace des forces centrifuges, nous jouions le rôle d'une force centripète mais... modérée. Les Canadiens de
langue française qui, à la phase précédente, réclamaient l'adhésion à l'Union panaméricaine au nom de notre « destin américain », regrettaient moins l'absence de notre
pays à l'Organisation des États américains depuis que la solidarité du Commonwealth
nous dégageait à peu près complètement sur toutes les autres questions.
L'O.T.A.N. est arrivé à point nommé pour que les nostalgiques de l'Empire et les
psychosés anti-impériaux soient forcés de se taire ou de parler d'autre chose au risque
de paraître de risibles anachronismes. Nous nous y trouvions sur un pied d'égalité
avec nos deux mères-patries, avec les deux pays de nos origines occidentales, et avec
quelques autres États de taille démographique et économique comparable à la nôtre.
Et surtout, nous n'allions pas nous trouver, en tout et pour tout, seuls en face du colosse américain. Les données géographico-stratégiques (Norad) ni les impératifs du développement économique nord-américain n'étaient abolis (le fameux « continentalism ») mais nous avions, au moins sur les questions qui n'engageaient pas le strict
voisinage nord-américain, le sentiment de pouvoir user de polyvalence et de compter
un grand nombre d'alliés et de « bons amis ».
Il nous reste peu de nos anciens complexes et idiosycrasies internationales. Il y a
bien la persistance de quelques éléments mythiques dans notre politique étrangère ;
mais justement, celui d'utile entremetteur ou de « boîte postale » entre Londres et
Washington est en train de mourir. Nous avons, un temps, cru réclamer le titre de
« puissance moyenne » avec ces autres continents-pays, l'Inde, l'Australie, le Brésil
ou ces autres pays stratégiquement localisés ou économiquement développés, la Suède, la Yougoslavie, Israël ou l'Égypte. Nous en avons rabattu, avec d'autres, de ces
prétentions. Mais notre vanité n'en est pas sortie froissée dès lors que des instances
internationales nous accordent des tâches qui ne peuvent être remplies que par des
« puissances moyennes » : Commission d'Armistice pour l'Indochine, l'U.N.E.F., etc.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
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De la guerre de Corée à l'expédition de Chypre, le vieux réflexe de l'antimilitarisme
des Canadiens français n'a pas joué puisque c'était pour la bonne cause et qu'était
maintenu le système de volontariat.
Notre politique étrangère est au total fort montrable et défendable. Il n'y a pas lieu
d'en rougir, ni de la magnifier. Si l'on peut risquer une critique globale, ce serait de
trop prendre a priori en considération les éléments d'inhibition, les facultés de manoeuvre restreinte, les raisons qui motivent l'attente prudente ou des précautions exagérées. Mais nous savons en contre-partie nous déterminer avec une certaine sagesse
ou un brin d'astuce à des situations créées par d'autres. La pensée ne nous viendrait
pas d'être déterminateurs de situations nouvelles. À certains moments, nous aurions
même la tentation d'être ébahis par la considération au moins provisoire qu'on nous
porte. Nous pouvons même arborer quelques trophées qu'un certain recul historique
nous permettra de mieux apprécier : le rôle de M. Saint-Laurent dans la création de
l'O.T.A.N., celui de M. Pearson dans la crise de Suez. Si ce n'était du trop encombrant
voisinage avec les États-Unis, qui nous gêne aux entournures ou qui est toujours susceptible de nous gêner, nous pourrions dire que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes de la guerre froide (s'achevant) possibles » !
La Confédération s'est faite contre les États-Unis, rappellerions-nous au début ;
elle se maintiendra contre eux. Ce n'est pas d'abord un problème de politique, de diplomatie au sens technique ou conventionnel. Ce n'est pas une question de forces qui
s'affrontent ; dans l'ensemble, elles tirent dans le même sens et pour les mêmes objectifs. C'est une question d'inégalités trop marquées qui semblent ne vouloir que s'accroître et qui ouvre sur des avenirs incertains. L'artificialité, davantage, le caractère
contre-nature géographique des aménagements territoriaux et politiques de l'Amérique du Nord éclate. Au surplus, les données fondamentales sont très exactement celles d'il y a un siècle ; il s'agissait de naître ; il s'agit de savoir si l'on peut tous ensemble perdurer.
Il y aurait beaucoup à épiloguer sur le « dialogue de sourds »par delà 1'unguarded
frontier de 3,000 milles. Le contentieux des « hard issues » ne pourra jamais être liquidé - ne serait-ce que pour cette unique question que des problèmes de cette nature
ne peuvent être réglés : ils se déplacent plutôt, se transforment, toujours gardant leur
potentiel d'insoluble.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
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Le nationalisme pan-canadien, qui a pris goût à son auto-affirmation sur le plan
international, tend même à prendre l'allure d'un anti-américanisme, non pas certes
virulent mais systématique. Rien n'agace plus l'Américain - agacement qu'il cache
habituellement en voisin de bonne compagnie - que ce réflexe naturel des Canadiens
à s'inquiéter dans les relations économiques, de la mesure grandissante de leur « dépendance », sans la considération des avantages qu'ils en tirent, ou, en arrangements
de défense conjointe, à s'inquiéter en quoi la souveraineté (idée fort « abstraite ») de
leur pays est mise en danger, sans tenir compte de la protection réelle qu'ils en tirent.
Brebner a déjà comparé les deux pays à des « jumeaux siamois ». C'est le propre des
jumeaux siamois de ne pouvoir se séparer pour continuer à vivre. Il faudrait peut-être
ajouter que l'un des jumeaux a démesurément grandi, qu'il a un appétit gigantesque et
qu'il affiche de forts instincts d'indépendance et de puissance, d'autant qu'il s'estime
défenseur de la liberté à travers le monde, tandis que le second jumeau voudrait bien
continuer de mener sa vie de « petit garçon bien sage », sans grande ambition dans la
vie...
Dans cet anti-américanisme de beaucoup de Canadiens anglophones, il y a le sentiment d'une très vive insécurité. Ils se sentent à trop peu de distance psychologique et
culturelle des Américains. La langue ne constituant pas une barrière, mais bien un
utile canal, les influences jouent à fond. Au Canada français, l'anglais reste toujours
appris, une langue seconde, quelque chose d'artificiel, de plaqué. L'American Way of
Life a enlevé depuis longtemps l'Unguarded Frontier de la culture anglo-canadienne qui n'a guère que des sources « politiques » au sens étroit de « constitutionnelles ».
Aussi l'Anglo-canadien, se sentant trop identique à l'Américain, n'a guère d'autre ressource, quant à lui, que de réaffirmer son « canadianisme ». Mais à l'examen, il
s'aperçoit que le canadianisme consiste en des différences négatives et assez superficielles d'avec l'américanisme (« être canadien, c'est n'être pas américain » ) et il est
amené tout naturellement pour établir ce contraste, à exagérer la portée des oripeaux
britanniques de sa culture : les rites westminsteriens, l'Union Jack, les visites de la
reine, etc. Cette affirmation de son identité par l'appel aux symboles de son ancienne
sujétion fait littéralement enrager ou... rire le Canadien français, imperméable à un
certain aspect pathétique d'une telle bonne volonté contradictoire. Le Canadien de
langue française, lui, n'est pas plus foncièrement inquiet depuis que la puissance amé-
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
30
ricaine est devenue déterminante dans l'équilibre du monde 9 . L'influence américaine
ne le presse pas plus proportionnellement que par le passé. N'ayant jamais eu les
moyens de sa puissance économique virtuelle, il continue de ne pas les avoir. Tandis
que 1'anti-américanisme de l'Anglo-canadien s'est constitué de pressions diverses,
informes, involontaires mais toujours croissantes provenant de la cœxistence inégale
avec les États-Unis - d'autant plus ressenties que se relâchaient dans le même temps
les liens avec Londres, -le Canadien français, lui, a, depuis toujours et de tous côtés,
été soumis à des pressions continues. Il a l'habitude de l'inégalité pour ne pas dire de
l'« infériorité ». La situation d'État protégé, qui semble être le destin du Canada, pour
un temps indéfini encore, ne l'humilie pas. On s'habitue au protectorat.
L'Anglo-canadien trouve moins en sa substance profonde ce qui donne au Canada
sa configuration culturelle propre que dans le fait de l'existence de Franco-canadiens
formant le tiers de la population totale. Certains vont jusqu'à dire que l'existence du
Canada français est le seul véritable signe de distinction entre le Canada et les ÉtatsUnis. Cette conscience devrait être une bonne chose pour l'unité nationale et, secondement, pour les relations canado-américaines. Mais c'est un fait qu'au delà des
invocations à la « dual culture », au « bilingual country », aucun gouvernement canadien, jusqu'à celui qui vient d'instituer la Commission Dunton-Laurendeau, ne s'est
donné comme objectif majeur de traduire ces dualismes dans les faits de la vie se vivant et non plus seulement dans des colifichets symboliques et... ambigus comme
tous les symboles. On commence à se demander s'il n'est pas trop tard.
Il a fallu que se lève au Québec une génération du refus global, qui rejette tout à la
fois le système de la Confédération, pourtant susceptible de se transformer même
radicalement, et l'entité politique Canada, aussi capable d'évolution, mais avec ses
composantes essentielles, c'est-à-dire lentement et très partiellement. Cette menace de
dislocation par l'intérieur est d'autant plus sérieuse que des Canadiens anglais s'interrogent eux-mêmes sur le bien-fondé de leur canadianisme obstiné. Ce serait à peine
une boutade que de définir un Canadien anglais comme un « Américain qui veut les
avantages de vivre à l'américaine sans les inconvénients d'être un Américain ». Mais,
9
Il lui serait même plus sympathique s'il faut en croire une récente enquête du
Maclean (6 juin 1964). 33% de Québécois seraient favorables à l'annexion aux
États-Unis et 78% d'entre eux seraient en faveur d'une union économique avec
la république américaine : ce qui est sensiblement plus que les moyennes canadiennes, respectivement 29% et 67%.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
31
entre autres « inconvénients » d'être un Canadien, il y a celui que cela coûte très cher
à tous égards pour une rentabilité qui risque d'apparaître de plus en plus douteuse.
Aujourd'hui, a déjà écrit l'historien James Eayrs, la principale préoccupation d'un
premier ministre du Canada est qu'il continue d'y avoir en Amérique du Nord deux
gouvernements souverains, et non pas trois. Ajoutons que s'il y en avait trois, ce ne
serait pas pour bien longtemps : il n'y en aurait bientôt plus que deux, et le second
serait le Québec, promis par la grâce prophétique d'Arnold Toynbee 10 à une durabilité égale à celle des Chinois, même dans l'hypothèse d'une hécatombe atomique...
C'est ce dont semble s'être récemment convaincu un certain général-président de
la Ve République.
10
If the future of mankind in a unified world is going to on the whole a happy one,
then I would prophesy that there is a future in the Old World for the Chinese,
and in the island of North America for the Canadiens. Whatever the future of
mankind in North America, I feel pretty confident that these French speaking
Canadians, at any rate, will be there at the end of the story » (Civilization on
Trial, New-York, 1948, p. 161). Dans sa version française de La Civilisation à
l'Epreuve, ce passage se lit comme suit : « Si c'est un avenir heureux dans l'ensemble qui attend l'humanité, alors je prédirais volontiers qu'il y a de l’avenir
dans le vieux monde pour les Chinois et dans l'Amérique du Nord pour les Canadiens. Quel que soit l'avenir de l'humanité en Amérique du Nord, je suis sûr
que ces Canadiens de langue française, en tout état de cause, seront encore présents au dénouement de l'aventure. »
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
32
Incertitudes d'un certain pays.
Première partie. Dimensions extérieures
Chapitre 2
Le Canada français :
du provincialisme à l'internationalisme *
Retour à la table des matières
Note liminaire : Ce petit travail ne vise pas à établir une thèse. Il se borne à indiquer les caractères plausibles d'une hypothèse nouvelle. En fait, l'hypothèse est invérifiable actuellement. Les processus historiques, qu'elle présente sous son éclairage
propre, sont trop récents, leur ambivalence actuelle est trop accusée pour qu'on n'accorde pas son dernier mot à l'Événement sans doute inconnu et peut-être imprévisible.
D'ailleurs, ce travail est beaucoup trop court pour un sujet de cette ampleur. Il reste à souhaiter que d'autres (comme certains jeunes sociologues et historiens du Canada français que nous connaissons personnellement) reprendront peut-être cette hypothèse, moins pour en décanter la part de vérité qu'elle contient, que pour contribuer au
renouvellement de l'attirail des idées reçues, et donc, de toute (et fausse) sécurité sur
le Canada français. Il nous semble que l'idée reçue de l'isolement culturel et politique
des Canadiens français doit être actuellement révisée.
*
De l'ouvrage collectif publié sous la direction de John S. Gillespie, The Growth
of Canadian Policies in External Affairs, Duke University Press, Durham, North
Carolina, 1960. Ce texte avait été originellement présenté en anglais lors d'une
séance du Commonwealth Seminar and Research Group de l'Université Duke à
l'été 1959.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
33
L'auteur procède à ce début de révision. Il le fait à sa manière. De par sa formation et ses centres majeurs d'intérêt qui se sont toujours axés sur l'étude des relations
internationales, l'auteur a pu être amené à maximiser les facteurs et indices qui rendent l'hypothèse vraisemblable. C'est un risque normal de l'opération pour la raison
générale que la proposition d'une hypothèse nouvelle peut, autant que pour l'établissement d'une thèse complète, amener à « forcer » les faits. Mais aussi pour la raison
particulière que l'auteur, abordant son sujet sous l'angle de sa spécialité, voit, initialement et davantage, le phénomène « Canada français » dans ses dimensions internationales que sous l'angle de ses structures et de ses dynamismes internes. Cette dernière optique a toujours été celle de ceux qui ont écrit sur le Canada français, à l'exception peut-être de certains analystes étrangers, tel un Siegfried (et encore le faisaient-ils selon un caractère de généralité et d'impression, pour ne pas dire d'impressionisme, qui étaient bien loin d'être toujours significatifs).
* * *
1
Commençant un cours au Collège de France, Jules Michelet disait : « Messieurs,
l'Angleterre est une île. Vous en savez maintenant autant que moi sur son histoire. »
La boutade de Michelet soulignait fortement l'inspiration et la tradition insulaires de
toute la politique britannique.
J'éprouve la tentation de commencer cet article par la boutade désenchantée, et si
souvent citée, de Sir Wilfrid Laurier : « La province de Québec n'a pas d'opinions ;
elle n'a que des sentiments. » À quoi il conviendrait d'ajouter : « Vous en savez maintenant autant que quiconque sur son histoire. » Mais cette phrase n'aurait pas l'à propos qu'elle avait dans la citation de Michelet. Pourquoi ? Parce qu'elle n'exprime pas
une donnée objective, indiscutable comme « L'Angleterre est une Île... » Dire des
Canadiens français qu'ils n'ont pas d'idées en politique, mais seulement des sentiments, c'est qualifier des attitudes psychologiques, déterminer des dispositions subjectives. C'est interpréter.
Il vaudrait mieux se servir de la même métaphore que l'historien romantique :
« Le Canada français est une île au milieu d'un océan anglo-saxon, » - comme la
Roumanie est une île de latinité au sein d'un univers slave.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
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Cela n'apprend pas tout sur l'histoire du Canada français. Mais c'est donner une
bonne idée de ses perspectives.
Le Canada français, c'est aussi un important segment du Canada tout court (environ 30% de la population totale). De ce point de vue, c'est beaucoup plus qu'une
« île. » Mais quelles que soient les sphères d'extension des « grands touts » (nordaméricain ou, restrictivement, canadien), où l'on localise le Canada français, il
conserve toujours une homogénéité optima et une pleine individualité. Il est le groupe
minoritaire le plus vivace, différent et cohérent de l'Amérique du Nord. De fait, il a
été, est, et sera sans doute pour longtemps encore, le seul viable. D'où son intérêt unique comme objet d'analyse.
Politiquement, le Canada français correspond assez exactement à la province de
Québec 11 . D'où un caractère marqué de « provincialisme » dans la vie politique et
culturelle du Canada français. Mais ce n'est pas là un caractère spécifique. On sait
l'importance du sectionnalisme aux États-Unis, du régionalisme 12 au Canada. On
pourrait même voir l'Amérique du Nord composée d'une série de provincialismes
juxtaposés : contre les impératifs nord-sud de la géographie, on a établi artificiellement des unités politico-économiques selon l'axe est-ouest, aboutissant ainsi à des
quadrillages provinciaux, mi-naturels, mi-artificiels.
Le Canada français est un cas parmi les divers provincialismes nord-américains.
Un cas plus accusé que d'autres, non seulement à cause de cette quasi-concordance
avec les cadres territoriaux d'un État provincial, mais surtout à cause d'une communauté ethnique culturelle et religieuse dont l'homogénéité et la permanence détonnent
si curieusement dans le continent du melting-pot. Il s'ensuit chez les Canadiens français - même chez ceux qui se prétendent dégagés des oeillères d'un nationalisme
étroit, stérile ou irréel - un involontaire ethnocentrisme, ou mieux, un provincialocentrisme. C'est fatal peut-être, normal certainement.
Mais d'autre part, à l'ère des fusées intercontinentales et des satellites artificiels,
les Canadiens commencent à prendre conscience pour la première fois en temps de
11
12
Si, culturellement, cette seule province n'épuise pas toute la réalité canadiennefrançaise, tout comme la réalité culturelle québécoise n'est pas exclusivement
canadienne-française.
De l'Ouest, des Maritimes, etc.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
35
« paix » 13 des grandes réalités internationales et singulièrement de l'inconfortable
double voisinage des U.S.A. et de l'U.R.S.S. Les Canadiens d'expression anglaise qui
donnent au Canada sa configuration principale, ont, par le sentiment d'appartenir à la
famille britannique mondiale, toujours eu le sentiment actif - même à l'époque coloniale - de participer à un internationalisme de fait. Les Canadiens français, eux, n'ont
jamais eu jusqu'à une date récente le sentiment de devoir s'ouvrir largement à la vie
internationale. Et même : ils n'ont pas encore pris une conscience active de la réalité
étatique canadienne.
D'emblée, ils sont à faire le grand écart entre le provincialisme d'hier et l'internationalisme d'aujourd'hui sans le passage intermédiaire du nationalisme pancanadien 14 . C'est, pensons-nous, l'observation fondamentale que nous commande notre
sujet. Imbus, faits d'esprit provincial (et conservés tels, dans leur individualité profonde, par cet esprit), les Canadiens français ne semblent pas avoir été médiatisés par
le sentiment d'appartenance au grand État canadien avant d'être forcés d'accéder à la
vie internationale.
Du provincial à l'international sans passer par le national. Ou de la partie aux relations entre tous, sans passer par le tout qui englobe la partie. C'est là un hiatus culturel
aussi large (et qui se serait produit beaucoup plus rapidement) que celui du passage
d'une société rurale-agricole à celui d'une société urbaine-industrielle. Ce dernier
phénomène a attiré l'attention studieuse de la première génération de social scientists
13
14
Si l'on peut dire...
L'auteur ne se dissimule pas les difficultés méthodologiques qu'il soulève, sans
les résoudre, par l'emploi de concepts comme « provincialisme » (distingué et
partiellement opposé à celui de « nationalisme » canadien-français) et « internationalisme » (opposé à « nationalisme » et « supernationalisme » et distingué
d' « universalisme »). Ce serait précisément l'objet d'un travail plus satisfaisant,
que nous souhaitions en note liminaire, de préciser ces concepts, de leur donner,
au minimum, une validité opératoire, et, à son défaut, de les remplacer par d'autres.
Mais pour les fins du présent travail, contentons-nous de dire que ces mots
auront une valeur plus vulgairement sémantique que proprement conceptuelle.
Ajoutons aussi qu'ils ont ici une faible densité idéologique, surtout si on dégage
- dans la mesure où la chose est possible ou permise - le contenu idéologique
des faits, attitudes et sentiments collectifs qui le supportent et l'expriment, ainsi
que des comportements individuels qui réfléchissent ou conditionnent ces faits,
attitudes et sentiments collectifs.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
36
que le Canada français se soit donnée 15 . Personne encore n'a semblé avoir eu conscience du premier phénomène.
Le trait marquant du nationalisme canadien-français a été de s'exprimer politiquement en un provincialisme s'opposant moins aux Canadiens d'autres origines qu'à
l'impérialisme britannique, donc à un surnationalisme d'origine extérieure. Depuis
200 ans, les articulations maîtresses de l'histoire de ce nationalisme se situent aux
grandes phases de l'émancipation constitutionnelle du Canada. Et, dans la mesure où
ce nationalisme s'opposait à celui des Canadiens d'expression anglaise, c'était pour
leur reprocher un loyalisme britannique trop fervent ou même une connivence impérialiste. Le nationalisme pancanadien d'un Bourassa faisait exception à ce provincialisme national, nationalisme basique des Canadiens français.
Aussi « l'autre, » « l'extérieur » par rapport au Canadien français, c'était l'Anglais,
indistinctement celui de Londres ou celui de Toronto ou celui d'Ottawa qui faisait, sur
place, la politique impériale. Nos relations internationales étaient des relations intraimpériales, constitutionnelles, des relations de famille, imposées, de raison. Ce
n'étaient pas de véritables relations internationales. Elles n'initiaient pas les Canadiens
français à une politique étrangère.
À l'autre point d'angle de ce fameux « triangle nord atlantique » 16 se trouvent les
États-Unis. Du Traité de Paris, 1763, à la Déclaration d'Indépendance, 1776, les Canadiens français firent un bout d'existence commune avec les futurs Américains. Encore numériquement majoritaires au Canada, ils prenaient conscience de la précarité
de leur position par rapport à leurs « voisins du sud » 17 , mais ils savaient que, quoiqu'il advint, la métropole les prenait en charge. Ils jouèrent le jeu de la nouvelle métropole impériale, se refusant de se donner de nouveaux maîtres, fussent-ils libérateurs. D'où leur « loyalisme » aux invasions de 1776 et 1812 : loyalisme cependant
qu'il conviendrait de ne pas trop sublimer 18.
15
16
17
18
Cf. Jean-Charles Falardeau, éd., Essais sur le Québec contemporain (Québec,
1953).
Cf. John Bartlet Brebner, North Atlantic Triangle (New Haven, 1945), et Edgar
Mclnnis, The Atlantic Triangle and the Cold War (Toronto, 1959).
Cf. Gustave Lanctôt, Jean Bruchési, et al., Les Canadiens français et leurs voisins du Sud (Montréal, Éditions Bernard Valiquette et New Haven : Yale University Press, 1941).
Ibid., chap. iii, « Le Québec et les Colonies américaines ».
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
37
Dans l'histoire de ces relations triangulaires, les intérêts canadiens sont pris en
charge par l'Angleterre et représentés par elle. Pour un Canadien anglais, qu'il soit
plus ou moins teinté de colonialisme, cela représentait un jeu concret d'intérêts réels,
au moins pour l'avenir, pour l'avenir d'une grandeur impériale ou d'un hypothétique
Canada indépendant. Pour un Canadien français, pourvu qu'on ne le dépouillât pas de
son patrimoine, cela représentait un jeu abstrait et lointain d'intérêts qui, de toute façon, lui seraient extérieurs. Aussi, à chaque rivalité d'intérêts, à chaque marchandage,
il est fort heureux de ne pas trop écoper, de n'être pas le seul à faire les frais de l'opération. C'est un spectateur, éventuellement une victime, non un acteur.
Donc, dans ses relations avec la Grande Bretagne, le Canada est dans un réseau de
dépendance puis d'indépendance graduelle, mais lente : relations d'ordre constitutionnel, non d'ordre international. Dans ses relations avec les États-Unis, le Canada est
l'objet, la matière, le point de rencontre des rapports, eux décisifs quant à lui 19 , de la
Grande Bretagne et des États-Unis. Le Canadien français, à qui la grandeur impériale
ne dit très exactement rien, non plus qu'une chimérique indépendance complète
comme celle des 13 Colonies révoltées, le Canadien français, lui, consacrera tous ses
efforts à prendre sa place « provinciale » au sein de ce Canada, construit contre nature
et, de toute façon voué irréversiblement à être à prépondérance anglo-saxonne. Ce
provincialisme n'a jamais eu, jusqu'à l'époque récente de la guerre froide, l'idée d'un
internationalisme pratique : et même, il n'a jamais fait sa conversion active à un nationalisme pan-canadien, si ce n'est que comme à un statu quo qui lui est toujours
apparu aussi fumeux qu'inévitable.
Mais il faut donner à ce provincialisme sa double dimension, ou mieux sa double
présence. Il ne s'affirmait pas seulement dans la politique du gouvernement du BasCanada ou, plus tard, de la Province de Québec en ce qu'elle s'opposait à celle de l'autorité centrale ou de l'opinion prépondérante du Canada anglais. Les Canadiens français furent aussi présents et actifs, et de façon presque continue, dans l'élaboration des
politiques canadiennes d'ensemble. Comme l'écrivait le professeur Frank H. Underhill :
19
« Anglo-American understanding was henceforth to be, if not always acknowledged, the cardinal principle of Canadian foreign policy, for if Great Britain
and the United States began to pull in opposite directions the vulnerable Dominion of Canada was bound to be the first casualty. » Brebner, op. cit, p. 197.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
38
Ever since the late 1840's, when Responsible Government was put into
practice in Canada, members of the French-Canadian group have sat to
the right of Mr. Speaker in the Canadian legislature and Parliament, save
for ten unhappy years from 1911 to 1921. That is, they have formed part
of the government. They have brought it about that no major decision in
Canadian policy can be taken without their consent. They have established, in other words, the principle of concurrent majorities. Every French
Canadian is a practising John C. Calhoun. 20
Mais, le fait est notable, quand des Canadiens français assument des responsabilités gouvernementales canadiennes, ils le font toujours comme des espèces de « fondés de pouvoir » de la province française du Canada et, parfois même, de la façon la
plus claire au moment où ils s'en défendent le plus. Sans remonter jusqu'à Georges
Étienne Cartier, il apparaît déjà que l'idée directrice des grands leaders canadiens a
toujours été celle-là : un Laurier, un Lapointe, un Saint-Laurent 21.
Il n'est certes pas facile de démêler la part proprement canadienne-française dans
l'élaboration d'une politique extérieure commune. Cela impliquerait la possibilité de
discerner des points de vue et attitudes spécifiques. Évidemment, il y a des cas clairs :
mais ils ne sont pas plus nombreux que 3 ou 4. Dans l'opinion, les journaux, au Parlement, les Canadiens français ont toujours réclamé un drapeau et un hymne national
authentiquement canadiens, l'adhésion à l'Union pan-américaine 22 , la présence d'un
ambassadeur canadien au Vatican. Par-dessus tout en matière de politique militaire,
20
21
22
Frank H. Underhill, The British Commonwealth (Durham, N. C., 1956), pp. 25,
26.
Il est assez curieux de constater que ces hommes politiques canadiens français
ont parfois joué un rôle de premier plan dans la politique étrangère du Canada :
Laurier qui, le premier, prend la décision d'envoyer un corps expéditionnaire
canadien dans une guerre coloniale de l'Empire Britannique (Transvaal, 1899) ;
Lapointe, le signataire du premier traité international du Canada (Halibut Treaty, 1923) ; St-Laurent, le premier secrétaire aux affaires extérieures après que la
fonction ait été détachée de celle de premier ministre (1946). On pourrait aussi
mentionner les rôles de premier plan qu'ont joué un Rodolphe Lemieux ou un
Raoul Dandurand. James Eayrs, dans ce même volume, rappelle que lors de l'incident Riddell à la Société des Nations en 1935, le principal intéressé, W.A.
Riddell, expliquait partiellement le désaveu de son attitude par le gouvernement
canadien par le fait que deux Canadiens français, Ernest Lapointe et Laurent
Beaudry, étaient, au moment de l'incident, responsables par intérim du ministère
des affaires extérieures. Cf. page 67.
Devenu depuis l'après-guerre l'Organisation des États américains.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
39
ils ont été anti-conscriptionnistes et anti-participationnistes aux guerres extérieures.
De fait, les deux grandes crises de désunion nationale survinrent lors des deux guerres
mondiales, alors que la question de la levée en masse des soldats canadiens s'est dramatiquement posée.
Hormis ces questions où il existe un point de vue particulier aux Canadiens français, il faut encore dire que notre jeune 23 politique étrangère a toujours montré un
rare degré d'unanimité. La spécificité de la politique étrangère du Canada laissait peu
de place à de vives controverses entre partis non plus qu'entre groupes ethniques, sauf
sur la question très cruciale de la participation aux guerres extérieures. En fait, on
n'épuiserait pas les 5 doigts de la main si l'on comptait les cas de divergences sérieuses entre partis en matière de grandes décisions de politique étrangère 24.
Mais cela accroît d'autant l'importance provinciale du Québec :
But, [comme dit le Professeur Soward] when there was a weak and
divided opposition in Ottawa, the federal government was inclined to
keep a watchful eye on the provincial government and their views, if
any, on foreign policy.
Normally the provinces avoid controversy in this field with the federal government, except upon immediate economic interests such as
wheat, fish, or power. However, the attitude of one province on broader
issues must always be kept in mind. That province is, of course, Quebec.
The cautious attitude displayed towards Quebec exists not only because
it sends seventy-five members to Ottawa, the overwhelming proportion
23
24
Il n'est peut-être pas inopportun de rappeler à des lecteurs américains que le
Canada n'est un pays souverain que depuis peu. En 1923, le Canada signait seul,
sans la ratification britannique, son premier traité international. Il n'eut son premier représentant diplomatique, hors du Commonwealth, qu'en 1927 avec M.
Vincent Massey en poste à Washington. La pleine et officielle indépendance du
Canada ne date que de 1931 avec le Statut de Westminster qui entérinait les recommandations du Rapport Balfour en 1926. Enfin, ce n'est que la seconde
guerre mondiale qui devait conférer au Canada une véritable « stature » internationale.
Le parti du Crédit social - pour des raisons de doctrine monétaire partisane s'opposa à la participation canadienne aux grands organismes de Bretton Woods
en 1944. Le parti CCF critiqua fortement l'insuffisance de la classe de collaboration économico-sociale (article 2) du Pacte de l'Atlantique Nord. Pendant la
crise de Suez, les Conservateurs firent une lutte acharnée au Ministère SaintLaurent. Ce fut certainement un des éléments déterminants de la défaite du parti
libéral en 1957.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
40
being almost invariably Liberals, but because Quebec is the home of
French-speaking Canada. Its people, long separated from France, deeply
rooted in the soil and devoted to their language and Church, cannot be
expected to respond in an international crisis as English-speaking Canadians have often done to what a French-Canadian Cabinet Minister once
described as , the call of the blood. » As a people, until recently largely
rural and immersed in the affairs of the parish, they are naturally inclined to isolationism and wary of being drawn into what one of their greatest leaders, Sir Wilfrid Laurier, described fifty years ago as « the vortex
of militarism, the curse and blight of Europe. »When another FrenchCanadian Prime Minister, Mr. St. Laurent, angrily inveighed against
« the super-men » of Europe in the debate on the Middle East last winter, he unconsciously demonstrated a vestigiary survival of that attitude.
If an American can think of the Democratic South (perhaps I should add
of pre-Eisenhower days) often voicing the sentiments of the more isolationist parts of the Middle West, but in French rather than English, he
will find a parallel to the question role of the province of Quebec in Canadian policy. It is Quebec more than any other province that necessitates the raising of the Canadian armed forces by voluntary methods, a
method not followed by any other NATO country with a military establishment. But it cannot be stressed too much that this attitude would be
the same whether Canada were a federal or a unitary state. The fact is
that Canada is and will remain a bicultural state, the product of history
and environment and increasingly her people have become accustomed
to that phenomenon. 25
2
Le Canada est né et s'est maintenu par un refus global : celui d'être annexé par les
États-Unis. D'autre part, il s'est affirmé par une dissociation graduelle de la GrandeBretagne. Il est le résultat de deux refus. Il doit son indépendance à deux dépendances. Dans cette lutte pour l'existence, le Canada français a refusé plus tôt et plus fort
que le Canada d'expression anglaise. Il avait toujours une avance dans ses refus qui
étaient au niveau de l'instinct. C'est le cas classique de tous les groupes minoritaires
qui veulent survivre si cela n'explique pas tout.
25
F.H. Soward, « External Affairs and Canadian Federalism », in A.R.M. Lower,
F.R. Scott et al, Evolving Canadian Federalism (Durham, N. C., 1958), pp. 158159.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
41
Le nationalisme canadien, qui s'analyse de plus en plus en un anti-américanisme tant sont fortes les multiples pressions américaines sur les divers aspects de la vie
canadienne -, est en disponibilité d'opérer une jonction avec le provincialisme nationaliste (ou le nationalisme provincialiste) du Canada français. Il est possible que, dans
un avenir imprévisible, ces deux nationalismes aboutiront en un surnationalisme pancanadien, par où seraient affirmée la double configuration culturelle du Canada et...
assurée encore provisoirement son indépendance 26 . Si ce jour vient, et quand il viendra, cessera l'écart énorme entre le provincialisme de fait qui caractérise toute l'histoire du Canada français et l'aspiration à un internationalisme obligé qui le sollicite actuellement. Alors les Canadiens français auront été médiatisés par un nationalisme
pan-canadien. Ce ne semble pas être le cas actuellement. Mais c'est là faire des projections dans le futur.
Il vaudrait mieux, sans doute, interroger le passé. Pour donner un caractère probant à notre proposition fondamentale, il faudrait que l'étude de l'histoire culturelle du
Canada français soit plus riche que les quelques matériaux dont nous pouvons faire
état 27.
C'est une histoire curieuse que celle des relations du Canada français et des ÉtatsUnis après 1763. Au départ il y avait autant de chances que le Canada français s'appuie sur les colonies américaines nouvellement émancipées pour conquérir lui-même
sa propre indépendance qu'il y en avait que le Canada français sauvegarde sa survivance ethnico-religieuse en affirmant son obéissance à ses nouveaux maîtres métropolitains. Il y eut deux fortes tentations d'annexion aux États-Unis en 1849 et au moment de la construction du Canada moderne en 1867 ; mais ces tentations furent repoussées comme de mauvais risques.
Les circonstances favorables à une étroite collaboration avec les États-Unis
étaient qu'après avoir été délaissés par une métropole européenne, les Canadiens fran-
26
27
Croit-on qu'advenant une « explication » ultime entre l'U.R.S.S. et les U.S.A., il
subsisterait quelque chose de cette « indépendance » canadienne ?
Dans la version originale de ce travail pour les fins du Summer Seminar and
Research Group de Duke University, l'auteur avait retracé en quelque vingt-cinq
pages les lignes principales de l'histoire des « relations extérieures » du Canada
français, jusqu'à 1914. Il s'agissait là d'un « background material, » pouvant servir à la compréhension de notre sujet, mais qui en débordait les cadres. C'est
pourquoi ces pages ne sont pas reproduites ici.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
42
çais risquaient encore de l'être par la nouvelle ou d'être complètement assimilés ou
« déplacés » comme leurs frères acadiens quelques années auparavant. Après que fut
apparu viable le nouvel État fédéral du sud, il pouvaient y trouver le modèle de leur
prochaine émancipation et de leur éventuelle constitution tout en exerçant une douce
revanche contre les conquérants. Mais il y avait au bout de ce risque le danger d'une
absorption complète. Ils risquaient de se donner de nouveaux maîtres.
Les éléments défavorables étaient non moins importants. Ce sont eux qui l'emportèrent. Même pendant l'époque de leur vie commune, du traité de Paris, 1763, à la
Déclaration de l'Indépendance, 1776, les oppositions entre colons anglais et français
n'avaient cessé de s'affirmer. Les premiers, barrés par la muraille des Apalaches,
avaient été forcés de se livrer au commerce maritime et à la pêche, de cultiver la terre
sur place. Cet emprisonnement géographique, joint à une immigration qui avait été
autrement importante, avait créé des colonies densément peuplées sur des territoires
relativement restreints. La Nouvelle-France, quoique largement ouverte sur l'Atlantique par le golfe Saint-Laurent, exploitait, depuis les origines, la fourrure et, axée sur
la voie du Saint-Laurent, était entraînée à toujours pénétrer plus profondément à l'intérieur.
Ainsi, presque continuellement, le territoire de l'une s'étend et la population de l'autre s'augmente, de sorte que chaque fois que la population anglaise veut se donner du champ, elle se heurte à la colonie française qui se hâte de pousser plus loin sa frontière. De là surgissent,
d'abord, rivalité et mécontentement, ensuite empiètement et agression, et
finalement guerre et conquête. Cette formule résume, d'étape en étape,
toute la suite des relations des colonies anglaises et françaises, du début
au traité de Paris de 1763. 28
Le choc de la première grande guerre mondiale fut la première expérience vraiment internationale du Canada, et des Canadiens français en particulier. Jusque-là le
Canada prenait des dimensions nord-américaines qui, sauf au sud, étaient celles de la
géographie naturelle jusqu'aux bords des grands océans : l'idée d'annexionnisme
s'éteindra après 1850 et, avec la Confédération de 1867, elle ne sera plus guère, dans
le Québec qu'
un argument idéologique dans les mains d'une faction minoritaire et radicale n'ayant aucune perspective d'assumer un jour une responsabilité
28
Lanctôt, op. cit., p. vii.
Gérard Bergeron, Incertitudes d'un certain pays. (1979)
43
dans le gouvernement. Elle lui sert surtout à critiquer le ministère en opposant la situation canadienne à la démocratie et à la prospérité américaine. La majorité québécoise ne l'a jamais envisagée comme une éventualité possible, mais l'a toujours repoussée instinctivement et consciemment, parce qu'elle répugne à son premier leitmotiv qui est la survivance canadienne-française. 29
Jusque-là le Canada « prenait ses distances » constitutionnelles avec la GrandeBretagne. Mais la première fois que le Canada est amené à remplir un rôle international d'envergure, il apparaît aux Canadiens français moins un devoir de solidarité humaine au service de la paix que l'accomplissement d'une fatalité impériale. Le Canada
français s'estime menacé dans sa substance même ; on veut envoyer ses fils à la boucherie ! Cette crise de la conscription de 1917, rendue plus grave par mille gaucheries
d'un gouvernement spécialement maladroit, allait empêcher la jonction des deux nationalismes canadiens pendant encore une génération.
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French-Science-Pile
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Open Science
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Transfert de gènes non-viral à destination des muscles squelettiques par injection hydrodynamique via la veine saphène : pistes d'optimisations et mise en application chez la souris
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None
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French
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Spoken
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61
Les polymères cationiques
Les polymères cationiques sont des molécules aux structures bien différentes de celles des lipides cationiques. Ces vecteurs sont constitués d’un grand nombre de répétitions d’un ou plusieurs motifs chimiques et condensent fortement les AN (Zhang et al. 2004). Les objets formés sont appelés des polyplexes. Comme les lipoplexes, ils permettent, in vivo, de protéger les AN de la dégradation par les nucléases et par d’autres enzymes du sérum (Aied et al. 2013). Certains polymères cationiques ont été et sont couramment utilisés pour le transfert non-viral de gènes. C’est le cas (i) des poly-L-lysines (PLL), (ii) du chitosan, (iii) des dendrimères et (iv) des polyéthylènimines (PEI) (Sun and Zhang 2010). Les PLL sont des homopolymères linéaires (figure 27) et sont historiquement les premiers polymères cationiques ayant été utilisés pour le transfert non-viral de gènes. La plus répandue a un poids moléculaire de 25 kDa et les objets formés avec les AN ont des tailles comprises entre 50 et 500 nm (Wong et al. 2017). L’efficacité de transfection obtenue est inférieure à celle des PEI. La principale raison à ce phénomène est l’inefficience du processus d’échappement endosomal avec ces composés.
Figure 27 : Structure chimique de la Poly-L-Lysine.
Afin d’améliorer le rendement du transfert de gènes médié par les PLL, des modifications structurales comme l’introduction d’un groupement imidazole ont été réalisées. L’effet escompté est une augmentation du pouvoir tampon de la PLL résultant en un meilleur échappement de l’endosome (Lin and Lou 2012). Tout comme les lipides cationiques, une autre modification possible de ce type de polymère est la PEGylation (Itaka et al. 2010). 62
Outre des PLL, le chitosan est lui aussi un homopolymère (figure 28). Ce composé est d’origine naturelle (généralement produit à partir de coquilles de crustacés) et constitué de polysaccharides cationiques. Il est de plus peu toxique, même utilisé à de fortes concentrations (Ramamoorth and Narvekar 2015; Saranya et al. 2011; Prabu and Ruckmani 2017). Ce polymère cationique a pour la première fois été rapporté comme agent transfectant en 1995 (Mumper 1995).
Figure 28 : Structure chimique du chitosan. Les polyplexes formés ont une taille de 200 à 500 nm et leur pouvoir transfectant dépend du degré d’acétylation, du poids moléculaire du polymère et du pH environnant (Wong et al. 2017; Bozkir and Saka 2004).
Au contraire du chitosan, certains polymères peuvent s’avérer plus toxiques et même avoir des propriétés hémolytiques. C’est le cas de certains dendrimères (figure 29) (Palmerston Mendes, Pan, and Torchilin 2017). Ces molécules ont pour la première fois été utilisées comme agents transfectants en 1993 (Haensler and Szoka 1993). Leur nom provient du grec « dendron », ayant pour traduction arbre et de « meros » signifiant partie. Ces molécules ont un noyau central à partir duquel se décline un nombre important de structures en « branches ». Chaque ajout d’une ramification correspond à une génération (Dufès, Uchegbu, and Schätzlein 2005). Les plus courants des dendrimères utilisés en transfert de gènes sont les polyamidoamines (PAMAM). 63
A B Figure 29 : Structures chimiques de dendrimères PAMAM de (A) 1ère et (B) 2éme génération. À l’instar des PAMAM, la PEI (figure 30) peut aussi se trouver sous forme de dendrimère. Elle est le polymère cationique le plus utilisé et parmi les plus efficaces en transfection in vitro (Eliyahu, Barenholz, and Domb 2005; Wong et al. 2017). Initialement conçue par l’équipe du Pr Jean-Paul Behr en 1995, elle est aujourd’hui considérée comme une référence parmi les vecteurs synthétiques (Eliyahu, Barenholz, and Domb 2005; Boussif et al. 1995). La haute densité de groupements amines de ce composé permet une forte compaction de l’AN vectorisé. Les polyplexes formés ont des tailles comprises entre 50 et 500 nm (Wong et al. 2017). La PEI se trouve généralement sous forme linéaire (lPEI) (figure 30A) ou branchée (bPEI) (figure 30B). La forme linéaire possède une amine secondaire protonée tandis que la forme branchée possède en sus un amine tertiaire (Lin and Lou 2012; Eliyahu, Barenholz, and Domb 2005). Ces différents groupements confèrent une excellente capacité d’échappement endosomal par effet « éponge à protons ». En revanche la bPEI est plus toxique que la version linéaire (Narain 2016; Sun and Zhang 2010; Köping-Höggård et al. 2001). Outre les formes linéaires et branchées, il existe des PEI de différents poids moléculaires. La bPEI 25 kDa, telle que celle utilisée pour la transfection dans notre laboratoire, est une des plus courantes (Rai, Alwani, and Badea 2019). À noter que des composés ayant des poids aussi élevés que 800 kDa ont été employés, démontrant de meilleures efficacités de transfection comparées à des PEI de 64 plus faibles poids moléculaires. En revanche, leur cytotoxicité est remarquablement augmentée (Lungwitz et al. 2005).
A B Figure 30 : Structures chimiques
polyéthylènimines linéaire (lPEI, A) et branchée (bPEI, B). Plusieurs modifications de la PEI peuvent être réalisées et la PEGylation est la modification la plus courante (Remant Bahadur and Uludağ 2016). Elle peut aussi être histidinylée. Il en résulte alors une meilleure capacité d’échappement à l’endosome et une réduction de la cytotoxicité (Bertrand et al. 2011). Au cours de cette thèse, de la bPEI et sa version histidinylée ont été utilisées pour mener à bien différentes expériences. En conclusion, l’utilisation de vecteurs synthétiques cationiques permet de complexer des AN et de former respectivement soit des lipoplexes soit des polyplexes. La combinaison des deux systèmes peut aussi être employée, et former des lipopolyplexes. Ces nanoparticules permettent de protéger les AN de nucléases et peuvent être internalisées par les cellules (Eliyahu, Barenholz, and Domb 2005). Les lipides et les polymères cationiques peuvent en sus être modifiés afin de leur conférer de nouvelles propriétés. Les formulations utilisées ont d’ailleurs tendance à se complexifier afin de permettre de franchir les différentes étapes du processus de transfection cellulaire. Les étapes de la transfection au moyen de lipoplexes ou polyplexes
Le transfert de gènes se déroule en plusieurs étapes (figure 31). De façon générale, l’AN d’intérêt, souvent un plasmide, est condensé à l’aide des vecteurs lipidiques ou polymériques 65 (figure 31, étape 1). Les nanoparticules formées (dont la taille est cruciale, notamment in vivo, un petit diamètre permettant d’échapper à l’opsonisation par les cellules immunitaires), positivement chargées, entrent en contact avec la membrane plasmique et sont alors internalisées. Ce mécanisme peut se faire par différentes voies en fonction du type de nanoparticules. Les polyplexes pénètrent principalement dans les cellules cibles par endocytose selon les voies cavéoline ou clathrine dépendantes, tandis que les lipoplexes entrent eux, majoritairement par la voie clathrine dépendante (figure 31, étape 2). Cependant, le type cellulaire peut influer sur les voies d’internalisation empruntées pour une formulation donnée (Billiet et al. 2012). Milieu extracellulaire Polymère cationique Polyplexe (endocytose clathrine et cavéoline dépendante) Liposome cationique plasmide Lipoplexe (endocytose clathrine dépendante) (1) Condensation (2) Endocytose Endolysosome Lysosome Fragments d’ADN Plasmide (4b)Dégradation plasmide Cytoplasme Endosome (3) Échappement endosomale Protéine Membrane plasmique Noyau (4a) Traffic dans le cytosol Complexe du pore nucléaire ARNm (5) Translocation nucléaire
Figure 31 : Les différentes étapes de la transfection d’un plasmide à l’aide de vecteurs cationiques (modifié de Wu et al. 2018).
Dans un premier temps, l’ADN plasmidique (ADNp) est condensé à l’aide de vecteurs cationiques. Les objets formés sont de type polyplexes dans le cas de l’utilisation d’un polymère cationique, ou de type lipoplexes lors de l’utilisation d’un lipide cationique. L’ADNp non complexé est dégradé dans le milieu extracellulaire (1). Les complexes atteignant la surface de la cellule sont pour une partie endocytés. Différentes voies sont empruntées selon la nature des nanoparticules. Pour un polyplexe, la voie cavéoline dépendante est privilégiée même si la voie clathrine dépendante pourra aussi être empruntée. Pour un lipoplexe, la voie clathrine dépendante est largement majoritaire (2). Une fois internalisé, l’ADNp contenu dans le complexe peut en partie échapper à l’endosome (3), le plasmide est alors libéré dans le cytoplasme ainsi que certains nano-objets (4a). Le reste est dégradé dans le cytoplasme (4b). Le plasmide est ensuite transloqué dans le noyau, de même que certaines nanoparticules (5). Le plasmide est ensuite transcrit (6) en messager (ARNm) puis traduit dans le cytoplasme pour donner une ine (rapporteur ou d’intérêt) (7). 66
Les complexes se trouvent piégés dans la vésicule endosomale (figure 31, étape 3). Le pH initialement autour de 7 à l’intérieur de ce dernier s’acidifie progressivement grâce à des pompes à protons. L’endosome fusionne ensuite avec des lysosomes (comportant des hydrolases acides dont des nucléases) formant alors des endolysosomes. L’AN, dans cet exemple sous forme de plasmide, est alors dégradé. L’échappement endosomal constitue donc un point clé du transfert de gènes car il permet au plasmide d’échapper à cette dégradation. Pour les lipoplexes, ce processus se ferait par fusion entre les lipides cationiques composant la nanoparticule et la membrane de la vésicule endosomale (Wasungu and Hoekstra 2006). Les lipides de la membrane endosomale interne, anioniques, interagiraient avec ceux du lipoplexe, formant des paires d’ions, libérant ainsi l’AN du complexe (W. Liang and Lam 2012). Le mécanisme s’apparenterait à celui-dit de « flip-flop » (Xu and Szoka 1996). Pour les polyplexes, l’échappement endosomale a lieu, de manière générale, par le mécanisme qualifié « d’éponge à protons ». L’acidification endosomale entraine alors une protonation du vecteur utilisé et une entrée massive d’ions chlorure. Le déséquilibre osmotique créé, résulte en une importante entrée d’eau générant un gonflement, et finalement l’éclatement de l’endosome (si ce déséquilibre est trop important, une forte toxicité cellulaire est cependant constatée) (Elouahabi and Ruysschaert 2005). Le plasmide relâché dans le cytoplasme doit ensuite transiter jusqu’aux environs du noyau (figure 31, étape 4a). Le cytoplasme étant un hydrogel, diffusion au sein de ce dernier peut s’avérer difficile et le plasmide peut y être dégradé par des nucléases (figure 31, étape 4b). Si non-dégradé, le plasmide par l’intermédiaire de protéines adaptatrices ainsi que la dynéine emprunte le réseau de microtubules pour se mouvoir jusqu’au noyau (Vaughan and Dean 2006). L’entrée du plasmide dans le noyau dans des conditions de transfection in vitro se fait majoritairement grâce à la disruption de l’enveloppe nucléaire lors des divisions cellulaires. Cependant, in vivo, ce phénomène est beaucoup plus rare, et la plupart des cellules sont terminales, donc ne se divisent pas. Le plasmide emprunte alors le complexe du pore nucléaire, une structure dont le diamètre interne mesure 45 nm et est composée d’une centaine de nucléoporines (figure 31, étape 5). L’import nucléaire est dépendant de la taille du plasmide et est le plus efficace pour les AN de petites tailles (Bai et al. 2017). Pour aider à cette étape, certains plasmides peuvent être équipés de DNA nuclear Targeting Sequence (DTS). Ces 67 courtes séquences d’ADN sont capables de fixer une protéine (facteur de transcription) comportant un signal de localisation nucléaire, jouant ainsi un rôle de navette entre le cytoplasme et le noyau (Gonçalves et al. 2009; Breuzard et al. 2008). Cette stratégie d’optimisation de l’étape d’import nucléaire a été explorée dans le cadre de ce travail de thèse. Après l’étape de translocation dans le noyau, le transgène porté par le plasmide est transcrit en ARNm (figure 31, étape 6) qui par la suite est traduit dans le cytoplasme de la cellule pour aboutir à la protéine d’intérêt (figure 31, étape 7). Les copolymères à blocs amphiphiles neutres
Contrairement aux vecteurs synthétiques de type cationiques, dont les mécanismes de transfection sont relativement bien compris, ceux des copolymères amphiphiles neutres le sont beaucoup moins. Pour le transfert de gènes, ce type de composés a d’abord été utilisé en tant qu’adjuvant avec des vecteurs viraux pour augmenter leur efficacité de transduction en les protégeant des barrières physiologiques (Rey-Rico and Cucchiarini 2016). Cependant ces molécules, mélangées avec un plasmide, peuvent également servir d’agents transfectants en tant que tels (Kabanov, Zhu, and Alakhov 2005). Elles s’avèrent même particulièrement intéressantes pour le transfert non-viral de gènes in vivo (Bello-Roufaï, Lambert, and Pitard 2007; Gaymalov et al. 2009; Lemieux et al. 2000; Alimi-Guez et al. 2009).
A B Figure 32 : Structures chimiques générales de Copolymères Tribloc Amphiphiles Neutres (CTAN) de type poloxamères (A-B-A) et « reverse » poloxamères (B-A-B).
D’un point de vue structural, cette classe de vecteurs synthétiques regroupe un grand nombre de composés ayant pour point commun leur organisation modulaire (en blocs). Pour le travail de recherche effectué au cours de cette thèse, des copolymères tribloc amphiphiles 68 neutres (CTAN) (notamment synthétisés par l’équipe du Professeur Philippe Guégan de l’université Paris Sorbonne (ex-UPMC)) ont été utilisés. Ce chapitre se concentre donc sur ces derniers. Comme leur nom l’indique, les copolymères tribloc sont composés de 3 blocs. Généralement, ces derniers sont organisés selon un enchaînement dit « A-B-A » (figure 32A), c’est-à-dire, un bloc hydrophile « A » suivi d’un bloc hydrophobe « B » à nouveau suivi d’un bloc hydrophile « A ». La configuration inverse est aussi possible et est qualifiée dans ce cas de « B-A-B » (figure 32B). Les propriétés physico-chimiques des CTAN sont en partie régies par le nombre de répétitions de chacun des blocs qui détermine leur balance hydrophile/hydrophobe (HLB). Plus celle-ci est faible, plus le CTAN est hydrophobe. L’HLB influe aussi sur la Concentration Micellaire Critique (CMC) des composés, définie comme la concentration à partir de laquelle les CTAN s’auto-assemblent en micelles. Généralement, la CMC diminue avec l’HLB et l’augmentation du poids moléculaire du copolymère concerné (Rey-Rico and Cucchiarini 2018). Les CTAN les plus décrits pour le transfert de gènes des muscles squelettiques dans la littérature sont les poloxamères (aussi appelés pluronics©) (figure 32A). Un avantage de ces A-B-A copolymères est qu’ils font déjà partie de la pharmacopée (notamment les poloxamères 188 et 407 testés au cours de cette thèse) (Newman, Balusubramanian, and Todd 1998). Un large choix est désormais disponible (différents poids moléculaires et HLB). Enfin, les poloxamères sont généralement peu toxiques pour les cellules (Rey-Rico and Cucchiarini 2018). Leur segment hydrophile, « A », est constitué de poly(éthylène oxide) ou PEO, tandis que le segment hydrophobe est constitué de poly(propylène oxide) ou PPO. Leur arrangement se résume donc en PEO-PPO-PEO. Ces molécules sont capables de former des micelles dont la taille varie entre 10 et 100 nm (Batrakova and Kabanov 2008). Pour le transfert non-viral de gènes des muscles squelettiques, par voie intramusculaire (IM), certains poloxamères se sont avérés particulièrement efficaces. Ils ont, dans ce cas, permis d’augmenter l’efficacité de transfection, du muscle ciblé, d’un logarithme en comparaison à la référence constituée par l’ADNp nu (Pitard et al. 2002; Bello-Roufaï, Lambert, and Pitard 2007; Alimi-Guez et al. 2009; Lemieux et al. 2000). Une revue de la littérature sur les CTAN, par Knop et al., rapporte cependant de possibles réactions allergiques imputables au bloc PEO des poloxamères (Knop et al. 2010). D’autres composés originaux alternatifs ont donc été développés. Ainsi, les blocs de PEO ont pu être remplacés par des groupements poly(methyloxazoline) (
MeOxz) (Bauer et al. 2012). 69
Le CTAN produit a alors une structure pMeOXz–PPO–pMeOXz et comporte une efficacité de transfection alors 20 fois supérieure à celle de l’ADN nu par voie IM (Brissault et al. 2007). À l’inverse, certains CTAN originaux possèdent des groupements hydrophobes alternatifs au PPO. Ainsi, certains composés ont en remplacement des groupements polytétrahydrofuran (pTHF). Ce dernier aurait potentiellement un effet de déstabilisation des bicouches lipidiques relativement important. Le copolymère PEO–pTHF–PEO possède ainsi une efficacité de transfection in vivo similaire à celles d’autres poloxamères (Pomel et al. 2008). Dérivant des travaux précédemment décrits, un CTAN de type pMeOXz– pTHF –pMeOXz a pu être testé pour le transfert de gènes des muscles squelettiques au cours de ce travail de thèse. Les CTAN utilisés pour le transfert de gènes, malgré leur pouvoir transfectant, et au contraire des vecteurs cationiques, ne condensent pas les AN. Les interactions entre les AN et ces molécules sont donc différentes. Ainsi, une publication de Bello-Roufai et al., démontre que sous certaines conditions, les blocs PPO des poloxamères interagissent avec l’ADNp en masquant les charges négatives de ce dernier (Bello-Roufaï, Lambert, and Pitard 2007).
A B Figure 33 : Mécanisme de la formation de pore transitoire membranaire par un copolymère tribloc amphiphile neutre (d’après Gau-Racine et al. 2007). Lors de l’ajout de bloc copolymères (représenté ici en orange et vert, respectivement pour les blocs hydrophiles et les blocs hydrophobes), une déstabilisation locale de la membrane plasmique par changement de sa courbure peut être induite localement. Ce phénomène se produit lorsqu’une concentration suffisamment importante
composé est présente. Un pore transitoire se forme alors au sein de la bicouche lipidique (A et B). Plusieurs phénomènes pourraient d’ailleurs expliquer l’efficacité de transfection de certains CTAN. D’une part, ils pourraient permettre une meilleure diffusion des AN au sein des tissus ciblés (Bello-Roufaï, Lambert, and Pitard 2007). Ils pourraient en outre aider les AN à traverser la membrane plasmique des cellules, notamment via la création de pores transitoires (Eskandani et al. 2018; Huin et al. 2011; Rasolonjatovo et al. 2015). Abondant en ce sens, un phénomène de perméation membranaire par le poloxamère 184 a été démontré (Alimi-Guez et al. 2009). Un modèle de formation de pore a même été proposé (Gau-Racine et al. 2007) (figure 33). En plus 70 de faciliter les premières étapes de la transfection, certains CTAN (par exemple les poloxamères 184 et 235) se sont aussi révélés capables de conférer des bénéfices à des étapes ultérieures du transfert de gènes. Des effets positifs sur l’étape de translocation du plasmide dans le noyau ont ainsi été mis en évidence (Batrakova and Kabanov 2008; Chèvre et al. 2011). De plus, certains composés de ce type se sont aussi révélés capables de moduler l’expression de transgène rapporteur sous contrôle du promoteur CMV (Kabanov, Zhu, and Alakhov 2005). Des augmentations de l’expression de la luciférase de luciole ainsi que de la « Green Fluorescence Protein » (GFP), ont dès lors été observées (Sriadibhatla et al. 2006). Ces derniers effets sur l’import nucléaire et la modulation de l’expression des plasmides ne sont cependant l’apanage que des CTAN relativement hydrophobes (ce qui n’est pas le cas des poloxamères 188 et 407) (Sriadibhatla et al. 2006). En conclusion, les nombreuses propriétés et effets des CTAN sont très intéressants pour le transfert non-viral de gènes. Ces derniers se sont d’ailleurs révélés particulièrement efficaces pour la transfection des muscles squelettiques par voie IM. Avant ce travail de thèse, cette classe de composés n’avait, à notre connaissance, pas encore été évaluée/rapportée dans le contexte de l’injection HLV.
c) Les constructions d’acides nucléiques thérapeutiques pour la dystrophie musculaire de Duchenne
Les vecteurs utilisés en thérapie génique servent à protéger un AN qui est l’élément thérapeutique dans le cadre du transfert de gènes. L’AN a donc lui aussi une importance critique, sa taille impactera sur celle des nanoparticules et lors de l’utilisation de vecteurs viraux restreindra le choix disponible. De plus, ce paramètre aura aussi un impact sur les étapes de routage intracytoplasmique et de translocation des AN dans le noyau. Dans le contexte de la DMD, ces remarques sont particulièrement vraies considérant la taille potentiellement importante du transgène à vectoriser. Ainsi, de nombreuses constructions plasmidiques incluant des versions pleines longueurs ou réduites du gène de la dystrophine ont été générées. Selon leurs tailles, elles portent le nom de transgènes (i) dystrophine pleine longueur, (ii) minidystrophine et (iii) micro-dystrophine. 71
c.1 Les transgènes dystrophine pleine longueur
L’ADNc de la dystophine ayant une taille de 14 kb, son utilisation peut être à l’origine de soucis de vectorisation (figure 34A). Par exemple, beaucoup de vecteurs viraux ont des capacités d’encapsidation nettement inférieures. De même, l’efficacité de transfection peut aussi être nettement diminuée par la taille importante de l’AN délivré. Cependant, l’avantage majeur de ces transgènes est que la dystrophine en résultant est structurellement semblable à la protéine sauvage. Elle possède donc tous ses domaines d’interactions (domaine N-terminal ; domaine tige ; domaine riche en cystéine et domaine C-terminal). Dans la littérature, il est intéressant de constater que l’administration HLV a été utilisée pour délivrer un plasmide codant une version complète de la dystrophine murine chez des souris mdx (Zhang et al. 2009).
A Charnière Domaine riche en cystéine Taille ADNc : 14 kb Poids moléculaire : 427 kDa Domaine N-terminal B Domaine tige Domaine C-terminal Taille ADNc : 6,4 kb Poids moléculaire : 228 kDa C Taille ADNc : 3,7 kb Poids moléculaire : 125 kDa
Figure 34 : La dystrophine et ses formes optimisées pour la thérapie génique (modifié de Takeda and Okada 2011).
L’ADN codant (ADNc) de la dystrophine pleine longueur a une taille importante de 14 kb (A). Ceci pouvant causer des difficultés de vectorisation, des versions raccourcies du transgène dystrophine ont été mises au point. Les mini-dystrophines sont inspirées de formes de la dystrophine retrouvées dans la DMB, ces transgènes ont une taille comprise entre 6 et 8 kb (B). De taille encore plus réduite, les micro-dystrophines mesurent généralement ur de 4 kb. Ainsi, la ΔDysM3, première micro-dystrophine rapportée, est représentée en (C). 72 c.2 Les transgènes mini-dystrophine
L’idée des transgènes mini-dystrophine a pour la première fois été proposée par l’équipe de Kay Davies en 1990. Ce concept est né de l’observation d’une famille de patients DMB porteurs d’une délétion des exons 17 à 48 du gène de la dystrophine. Il en résultait une protéine réduite de moitié en comparaison à la dystrophine sauvage. Malgré cela, un des patients alors âgé de 25 ans, était bodybuilder tandis qu’un autre était ambulant à l’âge de 61 ans (England et al. 1990; Duan 2018). Ainsi, les transgènes mini-dystrophine ont des tailles comprises entre 6 et 8 kb et permettent des efficacités de transfection plus élevées qu’avec un transgène pleine longueur. La protéine dystrophine codée par ces mini-gènes, mesure la moitié de celle issue de la version sauvage (figure 34B) (McGreevy et al. 2015; Duan 2016). L’approche minidystrophine a été testée chez divers modèles animaux et des résultats prometteurs ont été obtenus. Cependant, les vecteurs viraux capables de vectoriser un tel transgène, à savoir les rétrovirus et les AV, étaient difficilement utilisables cliniquement parlant (respectivement par une faible efficacité de transduction in vivo pour cibler le muscle et par une forte immunotoxicité) (Duan 2018). La mise au point de transgènes mini-dystrophine (comme microdystrophine) nécessite un effot de conception afin de conserver au maximum les sites d’interaction de la dystrophine sauvage. Le but est alors de maintenir le plus grand nombre de partenaires protéiques du complexe DGC. De cette manière, de bons résultats, en termes de bénéfices fonctionnels et histologiques, peuvent être obtenus. Ainsi, certaines expériences présentées dans ce manuscri comprennent l’utilisation d’un plasmique mini-dystrophine délivré par injection HLV. c.3 Les transgènes micro-dystrophine
De tailles encore plus réduites que les transgènes mini-dystrophine, les transgènes microdystrophine sont des mini-gènes d’environ 4 kb (figure 34C) (McGreevy et al. 2015). Plus de 30 versions différentes de ce type de constructions ont été rapportées dans la littérature (Duan 2018). La protéine qui en découle a une taille équivalente au tiers de celle de la dystrophine sauvage (Duan 2016). Le premier transgène micro-dystrophine a été mis au point par Yuasa et al. en 1997 (Yuasa et al. 1997). La transcription de ce mini-gène résultait en une dystrophine raccourcie dite ΔDysM3. Elle ne comportait que les domaines N et C terminaux, les régions charnières 1, 4 et un domaine spectrine like. Aucune amélioration du phénotype n’a pu être obtenue chez la souris mdx avec cette construction (Duan 2018). Ce résultat peut s’expliquer par l’absence de nombreux sites d’interactions localisés normalement au niveau du domaine 73 tige. Les premières constructions micro-dystrophine fonctionnelles ont été rapportées un peu plus tard dans les années 2000. Le désavantage majeur de ces mini-gènes reste malgré tout la sélection encore plus restreinte des partenaires protéiques comparativement aux transgènes mini-dystrophine. Les transgènes micro-dystrophines présentent en revanche l’avantage par leurs tailles réduites d’être vectorisables par un grand nombre de vecteurs (dont les AAV). De bonnes efficacités en termes de transfert de gènes peuvent-être obtenues avec ce type de construction et de grandes améliorations dans leur conception ont été réalisées. Certains transgènes micro-dystrophine permettent ainsi la restauration d’un phénotype histologique satisfaisant et un recouvrement complet des capacités de contraction muscul chez des souris mdx. La délivrance de telles constructions par injection HLV chez le chien GRMD a aussi été rapportée permettant des bénéfices histologiques et fonctionnels (Guiner et al. 2017). En conclusion, les AN utilisés pour le transfert de gènes ont une importance cruciale. Ce fait est particulièrement bien illustré par les différents types de transgènes à visée thérapeutique qui ont été mis au point pour la DMD. La taille importante de l’ADNc de la dystrophine posant des soucis de vectorisation, des versions miniaturisées ont été conçues. Ce processus peut alors influer positivement sur l’efficacité du transfert de gènes et le nombre de vecteurs capables de transporter de tels transgènes. En revanche la miniaturisation peut aussi avoir pour effet de réduire le nombre de partenaires protéiques de la dystrophine. La conception des mini-gènes doit donc être faite de manière rationnelle. À noter qu’en plus d’un transgène dystrophine plus ou moins optimisé, certaines constructions peuvent comporter une seconde cassette d’expression censée augmenter la force et la masse musculaire (Blankinship, Gregorevic, and Chamberlain 2006).
d) Les modes d’administrations et méthodes physiques de transfert de gènes pour cibler le muscle squelettique
En plus de vecteurs et d’AN performants, un mode d’administration pertinent est nécessaire pour un transfert de gènes efficace. Pour cibler le tissu musculaire squelettique, notamment dans le cadre de traitements par thérapie génique de la DMD, plusieurs voies et méthodes peuvent être utilisées. 74
d.1 L’injection systémique
La voie systémique est particulièrement intéressante pour cibler l’ensemble de la musculature du corps humain. Ce mode d’administration a d’ailleurs été choisi dans plusieurs essais cliniques de thérapie génique concernant la DMD (Disponibles sur clinicaltrials.gov avec les codes d’identification : NCT03368742, NCT03375164 et NCT03362502) (Duan 2018). Il demeure néanmoins que cette voie peut être sujette à certaines limitations. L’activation du système immunitaire en fait partie (Hinderer et al. 2018; Duan 2018). Par injection systémique de vecteurs viraux, pour la transduction d’un transgène micro-dystrophine, des effets secondaires pouvant être liés à une réponse immunitaire innée ont par exemple été observés lors d’un essai clinique (déplétion des plaquettes et des globules rouges) (Duan 2018).
d.2 L’injection intramusculaire et l’électroporation
En raison de sa relative facilitée d’exécution, l’injection IM est intéressante pour cibler les muscles squelettiques. Elle permet de plus de transfecter de l’ADN nu (ce qui constitue d’ailleurs 17% des essais cliniques (figure 23)) (Ginn et al. 2018; Wolff et al. 1990). Plusieurs hypothèses ont été émises concernant le mécanisme d’entrée de ce dernier dans les myocytes. Ainsi, une endocytose médiée par des récepteurs spécifiques est envisagée, de même qu’une perméabilisation directe de la membrane plasmique (Wolff and Budker 2005; André et al. 2006). Un désavantage majeur de l’administration IM, pour son emploi pour les dystrophies comme la DMD, est que l’expression du transgène est uniquement localisée autour du site d’injection. Cette méthode a donc un caractère local et un grand nombre d’administrations serait donc né ssaire pour traiter de manière homogène un muscle ou un groupe de muscles. Pour augmenter le rendement de la transfection, l’injection IM peut par ailleurs, être couplée avec certaines méthodes physiques de transfert de gènes comme l’électroporation. Celle-ci consiste à appliquer un champ électrique pulsatile, par l’intermédiaire d’électrodes, placées de chaque côté de la région à traiter. Elle permet de multiplier par un facteur 10 à 1000 l’efficacité de transfection en comparaison à une administration IM simple (Mathiesen 1999). Cependant, l’expression du transgène reste une nouvelle fois relativement localisée et des dommages des fibres du muscle traité peuvent être constatés (Roche et al. 2011).
75 d.3 L’injection hydrodynamique locorégionale par voie veineuse
L’injection HLV est à la fois une méthode locorégionale et physique de transfert de gènes. Tout comme l’injection IM, elle permet de transfecter des AN nus (Hagstrom et al. 2004; Wooddell et al. 2011; J.A. Wolff et al. 1990). Cependant, l’injection HLV possède l’avantage majeur de permettre la transfection de l’ensemble de la musculature d’un membre isolé par un garrot. Cette technique a démontré son efficacité de la souris au primate, ainsi que son « applicabilité » en clinique lors d’un essai de transposition chez des patients dystrophiques (disponible sur clinicaltrials.gov avec le code d’identification : NCT00873782) (Hegge et al. 2010; Wooddell et al. 2011; Guiner et al. 2017; Fan et al. 2012; 2015). La revue bibliographique qui suit est intitulée : « Gene transfer to skeletal muscles using hydrodynamic limb vein injection: current applications, hurdles and possible optimizations », et présente un état de l’art de l’injection HLV. Les différents contextes et applications dans lesquels cette méthode d’administration a été employée sont décrits. Par la suite, cette revue se concentre sur l’injection HLV dans sa configuration originelle, c’est-à-dire, en tant que méthode de transfert de gènes non-virale. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit qu’elle est appliquée dans notre laboratoire. Dans ce contexte, l’efficacité de transfection obtenue avec l’administration d’AN nu demeure la référence. Ainsi, différents facteurs qui pourraient limiter le rendement du transfert de gènes ont été identifiés et différentes pistes d’optimisations proposées.
76 Review written for J. Gene Med. Gene transfer to skeletal muscles using hydrodynamic limb vein injection: current applications, hurdles and possible optimizations Short title:
HLV
injection
, hurdles and optimizations
Yann Thierry Le Guen1, Tony Le Gall1, Patrick Midoux2, Philippe Guégan3, Serge Braun4 and Tristan Montier1, 5 1 Univ Brest, INSERM, EFS, UMR 1078, GGFB, F-29200 Brest, France 2 Centre de Biophysique Moléculaire, CNRS UPR 4301, Université d’Orléans, France Laboratoire de chimie des polymères, Sorbonne Université, CNRS UMR 8232, UPMC Paris 06, F-75005 Paris, France 3 4 AFM Telethon, 1 rue de l’internationale, BP59, 91002 Evry, France Service de Génétique Médicale et Biologie de la Reproduction, Centre de référence des maladies rares « Maladies neuromusculaires », CHRU de Brest, F-29200 Brest, France 5 77
Abstract Aims: This review focuses on gene transfer to skeletal muscle using hydrodynamic limb vein injection, with current applications, hurdles and possible optimizations. Discussion: Hydrodynamic limb vein injection is an in vivo loco-regional gene delivery method. It consists to administrate a large volume of solution containing nucleic acid constructs in a limb with both blood inflow and outflow temporarily blocked using a tourniquet. The fast, high pressure delivery allows to reach the musculature of the whole limb. The skeletal muscle is a tissue of choice for a variety of gene transfer applications including gene therapy, for Duchenne muscular dystrophy or other myopathies, as well as for the production of antibodies or other proteins with broad therapeutic effects. Hydrodynamic limb vein delivery has been evaluated with success in a large range of animal models. It also proved to be safe and well-tolerated in muscular dystrophy patients, thus supporting its translation to the clinic. However, some possible limitations may occur at different steps of the delivery process. This review points out the interests, bottlenecks and potential improvements that could further optimize non-viral gene transfer following hydrodynamic limb vein injection. Conclusion: This review not only makes a state of the art of hydrodynamic limb vein injection but also proposes avenues for research in the field of gene transfer to skeletal muscles. Keywords: gene transfer, hydrodynamic delivery, loco-regional, optimizations, skeletal muscle, non-viral gene delivery Abbreviations: HLV, hydrodynamic limb vein; DTS, DNA nuclear targeting sequence; NA, nucleic acids; AAV, adeno associated virus; DMD, Duchenne muscular dystrophy; LGMD, limb girdle muscular dystrophy; GRMD, golden retriever muscular dystrophy; AON, antisens oligonucleotide; pDNA, plasmid DNA; ECM, extracellular matrix; NPs, nanoparticles; TBCP, triblock copolymer; PEG, polyethylene glycol; EP, electroporation; HTV, hydrodynamic tail vein; IV, systemic intravenous; SP, sonoporation; SM, skeletal muscle
78
Table
of
content Abstract.......................................................................................................................... 78 Table of content.............................................................................................................. 79 I) Introduction......................................................................................................... 80 II) HLV gene delivery: interests and applications.................................................. 83 a) b) c) III) a) b) c) d) e) f) IV) a) b) c) d) e) HLV injection for in situ production of secreted proteins.......................................... 83 HLV injection for DNA vaccination............................................................................ 83 HLV injection for genetic disorders............................................................................. 84 Current state of HLV delivery: strengths and weaknesses................................ 86 Blood components........................................................................................................ 88 Blood vasculature......................................................................................................... 89 Extracellular matrix...................................................................................................... 89 Plasma membrane........................................................................................................ 90 Cytoplasm.................................................................................................................... 91 Nuclear membrane....................................................................................................... 92 Potential optimizations: step-by-step improvements........................................ 92 Extravasation from the vessels.................................................................................... 93 Passage through the extracellular matrix.................................................................... 93 Crossing the plasma membrane.................................................................................. 94 Traffic through the cytoplasm..................................................................................... 95 Translocation into the nuclei....................................................................................... 96 V
) Other miscellaneous considerations................................................................... 97 VI) Conclusion........................................................................................................... 99 Bibliography................................................................................................................. 120 79
I) Introduction
The skeletal muscle (SM) is an interesting target for delivering nucleic acids (NA).1,2 In humans, the whole body counts as many as 650 muscles, constituting 40% of its total mass, thus making it the most abundant tissue.3 Anatomically, the SM is mainly composed of multinucleated cells, named myocytes or muscle fibers. These form syncytia covered by a layer of connective tissue called the endomysium. Muscle fibers are grouped in bundles, named fascicules. Each of them is surrounded by another connective structure called the perimysium. Finally, groups of fascicules wrapped by the epimysium form the muscle.4 SM are implicated in many functions such as posture control, locomotion, breathing, cholesterol homeostasis, hormone secretion, or thermoregulation. It can be targeted for various applications like induction of antibody production (antigen-based vaccination) or in situ synthesis of other proteins with diverse biomedical interests. Furthermore, SM can be affected by a wide range of diseases including myopathies. Accordingly, SM can be targeted for direct as well as indirect purposes. In this respect, the administration path is a crucial parameter, especially for the delivery of NA such as plasmid DNA (pDNA) or siRNA.5 Irrespective of the delivery approach, it must be at the same time relevant, safe, and efficient. Among the various hydrodynamic delivery methods (extensively reviewed for instances in 6–8 ), Hydrodynamic Limb Vein (HLV) injection is a particular locoregional administration method specifically dedicated to target SM. Introduced by Wolff and colleagues in the 90’, this procedure (also known as high-pressure transvenous limb perfusion or locoregional transvenous perfusion) has the potential to treat at once, i.e. in a single administration, the whole musculature of a given limb.9,10 It derives from the Bier block procedure, aimed for locoregional anesthesia in orthopedic surgery or for the delivery of chemotherapies. It relies on a transient isolation of a limb, using tourniquet(s) placed at its proximal part. By analogy, HLV injection consists in transient interruption of the blood flow of a limb followed by the rapid administration – via the venous system of that limb – of a large volume of solution containing NA constructs. For instance, HLV 80 is performed in mice according to the step-by-step procedure described in Figure 1 for reaching the various muscles of the hind limb (Figure 2). The potential advantages of HLV injection can be highlighted through a comparison with other muscle-geared methods, including systemic intravenous (IV) or intramuscular (IM) injections, electroporation, and sonoporation (Table 1). (i) Systemic injection is meant to transfer genes into muscles throughout the whole body.11 Some successes have been recently obtained using this path, notably in dogs with X linked myotubular myopathy (XLMTM),12 confirmed by preliminary data in young MTM boys treated with an Adeno Associated Virus (AAV)-2/8 vector. Other, gene therapy clinical trials using AAVs injected via IV are currently ongoing13,14 or have been successfully completed.15 Nevertheless, widespread gene delivery remains challenging in terms of vector safety (e.g. liver toxicity of vectors, as well as anti-viral vector immune/inflammatory responses) and should even be avoided, depending on the intended application. Potential toxicity of the transgene product must also be considered. For instance, the normal protein, lacking in some muscular dystrophies, can be toxic when produced in non-relevant part(s) of the body (e.g. calpain 3, reexpressed to treat Limb Girdle Muscular Dystrophy (LGMD) 2A limb muscles, is toxic if expressed in the heart, which could be overcome by a more restricted tissue-specific transgene expression)16. Locoregional delivery can therefore be suitable.17 (ii) IM injection consists of a direct administration in a given muscle, via a syringe and needle.18 While HLV bears specific physical barriers (such as the passage through the vasculature and the endothelium) which are less of a problem with the IM route, subsequent steps are similar in many instances (see below). IM is relatively easy to practice and is a route of choice for vaccination. It allows high transgene expression in the injected muscle group but this only occurs along the administration site. Thus, homogeneous gene transfer even for a single muscle would require multiple injections, which could potentially induce unwanted damages to the tissue. This makes such local delivery methods clinically irrelevant for diseases affecting large, profound, and/or muscles.19 Furthermore, issues of scaling-up from mouse to bigger animals 81 have been reported.20 (iii) Muscle electroporation generally consists in IM injections, followed by the application of a pulsatile electric field delivered by electrodes positioned on one or both sides of the muscle area to be treated. This allows a 10 to 100-fold increased transfection compared to IM injection21 in small and in large animals,20,22,23 as well as in humans. Nevertheless, only mm3 to cm3 volumes of muscle can be efficiently treated with single procedures. (iv) Sonoporation uses ultrasounds to create small pores in cell membranes, thus facilitating intracellular delivery.24 To date, gene-based sonoporation have rarely been applied in clinical settings. HLV gene transfer to SM is a rather quick and simple technique, which may be applied to muscle diseases using either pDNA or viral (mainly AAV) vectors.25,26 It was evaluated in a wide range of animals including mice,17,27,28 rats,29,30 dogs,10,31,32 and nonhuman primates.29,33,34 In all these diverse models, HLV demonstrated some efficiency while it was basically safe. Hematoxylin and eosin staining and other histological studies (comprising Evan’s blue dye) revealed only minimal and transient damages of SM fibers.35 The oedema caused by the injected fluid resolved within 24 hours and even the minimal signs of observed muscle toxicity cleared within two weeks postinjection.35,36 To note that arterial limb perfusion did not turn safe in a canine model of Duchenne muscular dystrophy (GRMD dogs).37 Even though a head-to-head comparison would be necessary, preclinical studies suggest that gene transfer might be higher in diseased than in wild-type muscles. The highest transfection efficiencies were noticed in non-human primates; up to 40% of SM fibers did express reporter genes following a single limb perfusion of naked pDNA.38 In humans, two clinical studies (NTC number on clinicaltrials.gov: 00873782) evaluated the injection of up to 20% and 35% of limb volume, respectively, in lower and upper extremities of young adults with muscular dystrophy.9,39 These demonstrated the clinical feasibility and safety of the procedure, neither any significant side-effects nor any major pain being reported. Altogether, non-viral approaches remain valid to treat dystrophic limb muscles, alternatively to viral vectors in seropositive patients or in indications that require large transgenes with regional gene transfer.40 82 This review is intended to survey the current status of the HLV procedure. After listing various applications using this administration method, issues possibly occurring during this procedure are identified and further improvements are suggested. II) HLV gene delivery: interests and applications
HLV delivery has been implemented in various gene transfer studies and applications (Table 2). a) HLV injection for in situ production of secreted proteins HLV gene transfer can be performed with the aim to use the SM as a protein factory (Table 2). This approach is under investigation for diseases like haemophilia. Haemophilia B is due to mutations in the F9 gene encoding the coagulation factor IX whose deficiency is responsible of severe bleedings.41 HLV injection was used in haemophilia B dogs to deliver a cassette encoding the coagulation factor IX carried by a recombinant AAV2 vector. The transgene was sufficiently expressed to reach a therapeutic level of circulating factor IX protein for more than four years.42 Another example is anemia, which corresponds to a deficit in hemoglobin due to red blood cell depletion. Erythropoietin (EPO) is a key hormone for erythropoiesis that is mainly produced in the kidneys. A non-viral gene therapy protocol based on the HLV delivery of an EPO-encoding pDNA was evaluated in SM of sub-total nephrectomied Lewis rats and in rhesus monkeys.43 Long-term inducible transgene expression (for at least five years) of an EPO-encoding pDNA was also shown in non-human primates using an AAV vector delivered by HLV injection; no deleterious immune reaction against the transgene could be detected throughout the duration of this study.34 b) HLV injection for DNA vaccination Genetic immunization can be achieved via IM delivery of an antigen-encoding NA, with in situ antigen expression possibly triggering both cellular and humoral immune responses.44 In comparison with conventional vaccination relying on antigen protein 83 administration, DNA vaccination exhibits several advantages such as lower production costs, easier fabrication and avoidance of any heat instability.45 HLV DNA delivery was reported as a relevant administration method for vaccination purposes (Table 2). It turned out to surpass other delivery methods like IM injection of naked DNA, which failed in scale-up experiment.46,47 HLV injection for DNA vaccination was investigated in various animal models. Antitumor DNA vaccination performed by this procedure showed a protective antitumor immunity in a murine model of melanoma.46 Using a luciferase-encoding pDNA, was shown that two administrations were sufficient to obtain high level of anti-luciferase antibodies in mice; similar results could be obtained in rats and rabbits. LGMD comprise a broad range of neuromuscular disorders that are inherited following an autosomal pattern. More than thirty subgroups have been reported at present, displaying different genetic etiologies and phenotypes.62 Up to now, no cure exists for these diseases. HLV injection has been used in a study focusing on LGMD 2B, which results from mutation(s) in the dysferlin gene.63 In a murine model for this disease, the HLV delivery of a naked therapeutic pDNA allowed to restore dysferlin in the treated hind limb muscles.17 Following a single administration, up to 10% of 84 myofibers were transfected in some muscles. A reduction of Evan’s blue dyed positive fibers (a marker of myofiber damage) was also reported, suggesting at least partial restoration of the sarcolemma integrity.17 Duchenne muscular dystrophy (DMD) is a recessive X-linked disorder affecting the whole-body musculature. It results from mutations occurring in dystrophin, the largest gene known in the human genome. Dystrophin is a 427 kDa subsarcolemmal protein that connects the actin filaments to a protein complex anchored in the membrane of muscle and heart myofibers. A major role of the Dystrophinglycoprotein complex is to maintain the integrity of the sarcolemma during muscle contractions.64 To date, treatments for DMD are primarily symptomatic.65 HLV has been evaluated in diverse DMD animal models, using different strategies implicating naked pDNA or viral vectors. (i) As for dystrophin delivery by HLV, Wolff and coworkers delivered a naked pDNA encoding a full-length murine DMD cassette to the hind limbs of mdx mice (a murine model of muscular dystrophy). Following a single injection, 4 to 8% of Dystrophin-positive myofibers were obtained. This percentage could be noticeably increased when this treatment was repeated. After 6 injections, it was on average 15% medial thigh muscles and 25% in posterior lower leg muscles during 15 months.27 In another study conducted in GRMD dogs, HLV administration of a recombinant viral vector (rAAV2/8) carrying a micro-dystrophin transgene allowed long-term Dystrophin expression to even much higher level. Although this delivery method allows to simultaneously target all the SM of the treated limb, not all muscle fibers are transfected. Further, notably because HLV injection generates different pressures in the various limb muscle groups,36 a broad range of transgene expression levels can be found across muscles, as shown for instance upon HLV delivery of a luciferase-encoding pDNA (Figure 3). Yet, high and homogeneous transfection is crucial to assure therapeutic levels.71 For instance in DMD, HLV delivery of naked dystrophin-encoding pDNA is still unable to restore normal Dystrophin expression in a sufficient number of myofibers in every SM, 40% being usually considered as required to obtain a substantial clinical benefit in patients.32 86 The efficiency of HLV gene transfer depends on the injection volume which determines the hydrodynamic pressure. From works conducted in the mdx mouse, GRMD dog and non-human primates, it was found that the optimal volume needed for efficient naked pDNA limb perfusion was 40% of the limb volume.27 Compared to studies performed in non-human primates, clinical studies in dystrophic patients were conducted at lower cuff pressures (450–700 versus 310–325 mm Hg, respectively).29,38 Perfusion performed at 40% limb volume in one patient was associated with shortlived physiological changes in peripheral nerves without clinical correlates.9 For safety reasons, the volume delivered in humans will not be as high as in animals. Moreover, to avoid any compartment syndrome, the injected volume in man could be suboptimum, set to only 20% of the limb volume. Also, curative treatments for congenital diseases like DMD should take place before the onset of pathological degenerations (especially fibrosis), which will compromise phenotype reversibility with an obvious impact on therapeutic efficacy.
| 33,394
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2006GRE10076_3
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Open Science
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Various open science
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Il existe un autre type de détecteur, les détecteurs CCD (Charge – Coupled Device) : leur « read-out time » est compris entre 0.2 et 1 seconde ; ils sont donc beaucoup plus adaptés pour les lignes de synchrotrons (Westbrook et al., 1997). L’excitation, par des photons visibles, des 47 La cristallographie aux rayons X électrons du silicium de chaque pixel du CCD génère une charge qui sera, au moment de la lecture, amplifiée puis convertie en un signal numérique. Les photons visibles, qui excitent les pixels du CCD, sont en fait générés par la surface avant du détecteur ; celle-ci contiendra un composé phosphoré qui, à chaque photon X absorbé, réémettra un photon visible.
III-3.4 : Dommages d’irradiation
X
:
Les avantages premiers du rayonnement synchrotron sont, à l’évidence, sa puissance et sa brillance. Son désavantage majeur sera le dommage d’irradiation. Il a été calculé qu’un cristal de protéine à 77 K perd la moitié de son pouvoir diffractant après avoir reçu une dose (dose = énergie déposée par unité de masse) de 2x107 Gray (Gy ; Gy = J kg-1 – Henderson, 1990). Une valeur similaire a récemment été déterminée expérimentalement (i.e. 4.3x107 Gy, Owen et al., 2006), mais les auteurs suggèrent que l’information biologique, contenue dans une structure cristallographique de protéine, commence à être compromise à partir de 3x107 Gy (‘limite Garman’). Cette limite peut être atteinte au bout de 2.5 ans, en utilisant une source de rayons X de laboratoire, au bout d’une journée, dans un synchrotron de 2ème génération, et au bout de quelques quelques minutes, sur une ligne d’insertion d’un synchrotron de 3ème génération (Garman, 2003). C’est pourquoi une attention particulière doit être portée à la stratégie de collecte de données. Les dommages d’irradiation se traduisent par une diminution progressive du pouvoir de diffraction du cristal, une augmentation de la mosaïcité, du facteur B de Wilson (Gonzalez & Nave, 1994) et du volume de la maille élémentaire (Ravelli et al., 2002). Ces dommages sont hautement spécifiques (Weik et al., 2000 ; Ravelli & McSweeney, 2000 ; Burmeister, 2000 ; Leiros et al., 2001 ; Weik et al., 2002) et touchent en premier lieu les ponts disulfures et les groupements carboxyliques, qui se voient rompus par l’irradiation X. 48
La cristallographie aux rayons X III-3.5 : Traitement de données cristallographiques : Un cristal, de protéines ou non
, peut être assimilé à un ensemble infini de plans. Pour chaque orientation du cristal dans un faisceau de RX, il y aura plusieurs plans à partir desquels ils seront diffractés. Chacun de ces plans du cristal est responsable de l’apparition d’une tache de diffraction, dont l’intensité et la position sont enregistrées par le détecteur. Ces taches de diffraction sont appelées « réflexions », car elles sont le résultat de la réflexion, par des plans donnés du cristal, du faisceau de RX incident. La Figure 7 montre un exemple typique de cliché de diffraction, collecté à partir d’un cristal trigonal de TcAChE. A chaque cliché de diffraction correspondra un certain angle d’oscillation (1 degré d’oscillation dans le cas de la Figure 7, par exemple) ; un jeu de données complet consiste en la combinaison de dizaines, voire de centaines, de clichés de diffraction, chacun d’entre eux correspondant à une orientation légèrement différente. L’espace dans lequel sont contenues les réflexions est nommé espace réciproque, par opposition à l’espace réel du cristal ou de la molécule cristallisée. Pour résoudre la structure en trois dimensions d’un object biomoléculaire donné, il faudra enregistrer la totalité de l’espace réciproque. Etant donnée la symétrie cristallographique et la centrosymétrie du réseau réciproque, il faudra rarement plus de 180° d’oscillation pour obtenir la totalité de l’espace réciproque. L’espacement des taches de diffraction sur un cliché est inversement proportionnel à la taille de la maille : un espacement large entre les réflexions signifie que la maille, et par conséquent l’objet contenu dans celle ci, sont petits, et vice versa. Le cliché de diffraction peut également fournir d’autres informations concernant la géométrie du cristal : selon la symétrie du cristal 49 La cristallographie aux rayons X considéré, des angles de 45, 60, 90 ou 120 degrés pourront être observés entre les directions sur lesquelles s‘alignent les taches de diffraction. Sur la Figure 7, on voit clairement que les réflexions au centre du cliché (basse résolution) ont des intensités relativement plus fortes que leurs homologues sur le bord (haute résolution). La limite en résolution d’un jeu de données déterminera donc à la fois sa qualité mais aussi le niveau de détail de la structure qui en résultera. Plus la résolution sera haute, plus on aura de taches de diffraction, et plus sera détaillée l’information structurale, i.e. la carte de densité électronique. Par ailleurs il faudra, idéalement, conserver un rapport « observations indépendantes » / « paramètres affinés » supérieur à 1.5 ; dans un cas classique, i.e. si l’on affine quatre paramètres par atome (positions x, y, z ; facteur d’agitation thermique), il faudra donc 4.5 fois plus de taches de diffraction uniques que d’atomes dans la structure. La résolution d’un jeu de données sera exprimée en Angströms ; plus ce chiffre sera petit, et plus haute sera la résolution. La première étape du traitement de données est l’indexation de l’ensemble des taches collectées afin de déterminer la taille de la maille du cristal et d’assigner chaque réflexion à un point du réseau réciproque. Le réseau réciproque, i.e. celui qu’on observe et enregistre sur les clichés de diffraction, est la transformée de Fourier du réseau cristallin, qui appartient quant à lui à l’espace réel. La transformée de Fourier d’un réseau est un autre réseau, inversé en dimensions et centro-symétique ; en conséquence, on assigne à chacune des réflexions un point particulier du réseau réciproque, grâce à 3 indices h, k et l, nommés indices de « Miller ». La seconde étape consiste à déterminer l’intensité de toutes les réflexions mesurées ; on parle d’intégration. Pratiquement, les pixels participant à chaque tache, ou spot, sont recensés et
50 La
cristal
lographie aux
rayons X leurs intensités sommées. Après analyse globale de la forme des spots enregistrés, l’intensité correspondant à chacun d’entre eux est intégrée sur tous les pixels concernés, par ajustement de la somme des intensités mesurées avec la courbe théorique décrivant au mieux leur forme. Quand les indices et l’intensité de chaque réflexion ont été attribués, la troisième étape du traitement de données est la moyennation de l’intensité des réflexions équivalentes. Les réflexions équivalentes sont celles qui sont liées par les opérations de symétrie cristallographique. En théorie, i.e. si le cristal était parfait, leurs intensités devraient avoir exactement la même valeur. Les cristaux parfaits n’existant pas, on calcule, en pratique, une valeur moyenne d’intensité à partir de toutes les réflexions équivalentes ; l’écart type sur cette valeur est nommé Rsym, et il sera un des indicateurs de la qualité du jeu de données. Pour un cristal parfait, i.e. dont les taches équivalentes auraient exactement les mêmes intensités, il serait égal à 0 % ; en cristallographie des protéines, il sera le plus souvent compris entre 5 et 15 %, pour l’ensemble du jeu de données. Sa valeur dans la dernière tranche de résolution doit idéalement être inférieure à 50 %. Au terme de ces trois étapes (indexation, intégration et moyennation), une liste des réflexions uniques est générée ; elles sont triées par indice et à chacune d’entre elles sont associées, une valeur moyenne d’intensité (I) et la déviation standard sur cette dernière ((I)). Les programmes généralement utilisés en vue d’indexer, d’intégrer et de mettre à l’échelle des données cristallographiques sont XDS (Kabsch, 1993) et MOSFLM (Leslie, 1999 ; 2006). Il faut noter que le rapport I/(I) est également un indicateur de qualité du jeu de données ; idéalement il doit rester supérieur à 2 dans toutes les tranches de résolution intégrées. 51
La cristallographie aux rayons X III-3.6 – Résolution d’une structure cristal
lographique
:
La principale difficulté, lors de la résolution d’une structure à partir de données cristallographiques, réside dans le fait que la partie essentielle de l’information requise pour atteindre ce but ne peut être mesurée expérimentalement. Les RX, comme toutes les autres formes d’ondes électromagnétiques, auront une phase et une amplitude. L’intensité des RX diffractés sera corrélée au pouvoir diffusif des atomes sur le plan desquels ils ont été réfléchis, et la phase, à la position des atomes dans ce plan. Pour obtenir une représentation tridimensionnelle des atomes des molécules qui composent un cristal, il faudra disposer de l’intensité et de la phase de chacune des réflexions obtenues après diffraction des RX sur ce cristal. Dans une expérience de cristallographie aux rayons X, on ne mesure que l’intensité des taches de diffraction, la phase restant, quant à elle, inconnue. Différentes techniques existent, qui permettent de phaser un jeu de données, autorisant ainsi la résolution de la structure. Toutes s’appuient sur la mise en place d’interférences (Hauptman, 1997). Certaines méthodes prennent avantage de la complexation du cristal de protéine avec des atomes lourds, dont le pouvoir diffusif, proportionnel au nombre d’électrons, sera très élevé. D’autres s’appuyent sur l’introduction de diffuseurs anomaux dans la protéine, en remplaçant, par exemple, les résidus méthionines par des résidus séléno-méthionine (la séléno-méthionine présente un atome de sélénium, diffuseur anomal, en lieu et place de l’atome de souffre présent dans une méthionine classique). Avantage est également parfois pris des dommages d’irradiation aux rayons X ; en effet si la structure « change » sous l’effet des rayons X, les phases également, et cette différence peut dans certains cas être suffisante pour phaser un jeu de données. Le cas le plus favorable reste néanmoins celui où la structure d’une protéine homologue est déjà connue ; on utilisera alors la structure de cette dernière 52 La cristallographie aux rayons X pour phaser, approximativement, le jeu de données de la protéine d‘intérêt. Toutes les méthodes de phasage sont basées sur l’utilisation de la transformée de Fourier, qui relie l’information structurale présente dans un cristal, et l’intensité et la phase des réflexions enregistrées après diffraction des rayons X par ce cristal. Pour cette raison, les réflexions sont également appelées facteurs de structure. Un facteur de structure est un nombre complexe, dont l’amplitude est proportionnelle à la racine carrée de l’intensité mesurée, et dont la phase, inaccessible la seule expérience de diffraction, devra être déterminée par les méthodes sus-citées. Les deux méthodes de phasage basée sur l’utilisation de complexes avec des métaux lourds sont nommées, respectivement, MIR (Multiple Isomorphous Replacement) et SIR (Single Isomorphous Replacement). Comme leur nom l’indique, elles ne diffèrent que dans le nombre de complexes nécessaires au phasage du jeu de données. En MIR, plusieurs complexes (au moins 2) sont utilisés, ce qui permet d’obtenir une solution de phasage univoque. En SIR, par opposition, un seul complexe est utilisé et la solution de phasage est donc double ; en conséquence, l’expérimentateur devra lui-même tester, par phase, les deux possibilités afin de déterminer laquelle satisfera au mieux son jeu de données. Le principe de phasage sous-jacent à ces deux méthodes repose sur l’introduction, dans la structure de la protéine, d’atomes dont le pouvoir diffusif sera largement supérieur à celui des atomes la constitue (carbone, azote, oxygène, soufre). Cette complexation atome lourd – protéine pourra résulter d’un trempage du cristal ou d’une co-cristallisation directe. Le pré-requis à l’utilisation de ces méthodes sera la similitude entre les structures native et complexée(s) à un (ou des) atome(s) lourd(s), i.e. que la fixation du métal sur la protéine devra ne pas changer sa structure ; ainsi le cristal restera ordonné, et ses paramètres de maille seront constants : on parlera alors d’isomorphisme entre les cristaux. Pour chaque réflexion, la différence entre les intensités mesurées sur le cristal
53 La cristallographie aux rayons X natif et le (ou les) cristal (cristaux) dérivé(s), sera due uniquement à l’introduction de l’atome lourd. Il sera relativement aisé de localiser ces atomes, grâ
à une carte de Patterson (résultat de la convolution du jeu de données par lui même), ce qui permettra ensuite d’estimer leur contribution, en phase et en amplitude, dans la différence d’intensité observée entre les jeux de données natifs et dérivés. On pourra alors retrouver les phases du jeu de données natif et ainsi résoudre la structure de la protéine. Les méthodes de phasage basées sur l’utilisation de diffuseur anomaux (Ealick, 2000) sont nommées MAD (Multiple-wavelength Anomalous Dispersion) ou SAD (Single-wavelength Anomalous Dispersion), et analoguement au MIR et au SIR, diffèrent par le nombre de longueurs d’onde à utiliser pour résoudre le problème de phase. Pour ces méthodes, un seul dérivé sera suffisant (i.e. un seul complexe de la protéine avec un diffuseur anomal donné). Le principe de la diffusion anomale repose sur la propriété qu’ont certains atomes lourds d’absorber et de fluorescer dans le domaine des RX. Ce phénomène va entraîner un décalage de phase entre les réflexions centrosymétriques (par exemple, des réflexions d’indices [h, k, l] et [–h, -k, -l]) qui, alors qu’elles auraient été équivalentes en absence de diffusion anomale (Loi de Friedel), n’auront désormais plus la même amplitude, (Hendrickson, 1991). La diffusion anomale dépend de la longueur d’onde utilisée ; ainsi, en collectant plusieurs jeux de données à différentes longueurs d’onde, sur un même cristal ou sur des cristaux de contenu identiques, on pourra retrouver l’information de phase. La nécessité de changer la longueur d’onde au cours de l’expérience rend cette méthode quaisment tributaire du rayonnement synchrotron. Il faudra en effet se placer à certaines longueurs d’onde bien définies en vue de phaser des données cristallographiques avec un diffuseur anomal donné. 54 La cristallographie aux rayons X
La méthode RIP (Radiation-Induced Phasing – Ravelli et al., 2005 ; Nanao et al., 2005) est basée sur l’exploitation des dommages d’irradiation. Dans cette approche, un premier jeu de données est collecté sur le cristal, en utilisant une faible dose de rayons X ; c’est le jeu « natif ». Le cristal est ensuite soumis à un « burn » de rayons X, i.e. exposé pendant un temps équivalent à celui nécessaire à la collecte de plusieurs (5 à 10) jeux de données. Un deuxième jeu de données est alors collecté, avec la même dose de rayons X que le premier ; c’est le jeu « dérivé ». Comme nous l’avons introduit plus haut, les dommages d’irradiation sont relativement spécifiques et touchent en premier lieu les ponts disulfures. Ces dommages vont induire des changements de phases entre le jeu « natif » et le jeu « dérivé », qui pourront être utilisés pour phaser la structure, d’une façon purement analogue à celle d’un phasage MIR. L’avantage premier de la méthode RIP est qu’elle est en théorie applicable par tous les utilisateurs de rayonnement synchrotron à toutes les protéines contenant des ponts disulfures. La réalité expérimentale veut qu’elle ne fonctionne qu’avec des cristaux de protéines présentant une très bonne diffraction, de l’ordre de 1 à 1.5 Å, généralement (Ravelli et al., 2005 ; Nanao et al., 2005). Aucune des trois méthodes sus-citées n’a été nécessaire pour phaser les jeux de données collectés au cours de cette thèse. En effet, nos travaux ont porté sur des complexes de la TcAChE, dont la structure native était déjà résolue, avec différents ligands, substrats, produits et « produits-en-cage ». De fait, avantage a pu être pris de la méthode dite de Remplacement Moléculaire. Celle-ci s’appuie sur la possibilité de générer, à partir d’une structure connue et pour un groupe d’espace donné, un jeu de facteurs de structure, avec phases et amplitudes, qui pourra ensuite être utilisé pour la détermination de structure. Dans le meilleur des cas, i.e. quand il s’agit de la même protéine cristallisée dans le même groupe d’espace, l’introduction d’un ligand, par trempage ou après co-cristallisation, n’entraîne le plus souvent que de subtils 55
La
cristallographie aux rayons X changements de conformation, de position ou d’orientation ; on pourra alors faire un affinement par « corps rigide » (rigid-body refinement), assez rapide, qui replacera rapidement la protéine dans la carte de densité expérimentale. Cependant, des changements d’orientation et/ou de position plus significatifs peuvent parfois avoir lieu, même après un simple trempage ; il se pourra même, à la suite d’une cocristallisation avec un ligand par exemple, que le groupe d’espace du cristal ait changé. Dans ces cas, l’affinement par corps rigide ne suffira pas, et un remplacement moléculaire complet sera nécessaire (Rossman et al., 1962). La structure connue sera alors utilisée afin de retrouver l’orientation (« rotational search ») et la position (« translational search ») de la protéine dans la nouvelle forme line. Le succès de cette méthode dépendra de la similarité entre la structure connue et la structure recherchée. III-3.7 : Affinement d’une structure cristal
lographique : Une fois qu’un modèle initial a été obtenu, l’agrément entre les facteurs de structure calculés à partir de ce modèle (Fcalc) et ceux expérimentalement observés (Fobs) sera ajusté par un processus d’affinement. Pour ce faire, des cartes de densité électronique sont calculées, en utilisant la transformée de Fourier, à partir des amplitudes des facteurs de structure observés et calculés, et des phases des facteurs de structure calculés. Une carte 2Fobs-Fcalc ou 3Fobs-2Fcalc génère une densité électronique autour de tout le modèle (résidus de la protéine, carbohydrates, molécules d’eau, ligands...) ; elle rend donc compte des données expérimentales mais est fortement biaisée par le modèle. C’est pourquoi on utilise, en complément, une carte Fobs-Fcalc, ou carte de densité différence, qui rend compte des dissemblances entre le modèle et les données expérimentales : on verra apparaître de la 56 La cristallographie aux rayons X densité négative sur les éléments présents dans le modèle, mais qui ne devraient pas l’être selon les données expérimentales ; et de la densité positive aux endroits où, selon les données expérimentales, il faudrait modéliser de nouveaux atomes. La procédure d’affinement consiste en deux étapes, répétées itérativement jusqu’à ce qu’un modèle valable, supporté par l’absence de densité différence dans les cartes carte Fobs-Fcalc, soit obtenu. Des programmes permettant l’affichage des structures et des cartes de densités électroniques sont utilisés pour reconstruire le modèle dans l’espace réel, i.e. celui de la densité électronique (par exemple, TURBO-FRODO : Roussel & Cambillau, 1989 ; COOT : Emsley & Cowtan, 2004). Le modèle modifié est alors soumis à une procédure d’affinement automatique dans l’espace réciproque, qui tendra à minimiser les différences entre les facteurs de structure calculés (à partir de ce modèle) et observés (au cours de l’expérience de diffraction). Cette minimisation sera pondérée par l’introduction de contraintes géométriques, rendant compte de la chimie des éléments constitutifs d’une protéine, et nécessaires à l’obtention d’un modèle valable. Ces contraintes concerneront, typiquement, les longueurs de liaison covalentes, les angles de liaisons, les angles de torsion, etc,... Plus la résolution d’un jeu de données sera élevée, et plus on pourra se permettre de diminuer le poids des contraintes géométriques par rapport à celui des rayons X. Les deux programmes les plus couramment utilisés pour l’affinement dans l’espace réciproque sont CNS (Brünger et al., 1998) et le module REFMAC (Murshudov et al., 1997) de la suite CCP4 (CCP4, 1994). La progression de l’affinement et la qualité du modèle final seront jaugés par un facteur de désaccord, ou facteur R (exprimé en %) : plus ce facteur sera faible, et plus le modèle pourra être jugé valable à une résolution donnée. En addition, et afin de se prémunir contre le « suraffinement », une partie des données (typiquement, entre 5 et 10%) sera exclue de la 57
La cristallographie
aux
rayons
X procédure d’affinement et utilisée pour une validation croisée du modèle (Brünger et al., 1992). On entend, par validation croisée, l’estimation de la validité de l’affinement par un groupe de réflexions n’ayant pas été incluses dans les procédures d’affinements (i.e. qui n’ont été utilisées ni dans le calcul des cartes, ni dans la minimisation). La validation croisée permet de calculer un facteur R « libre », ou Rfree, qui ne sera pas biaisé par la procédure d’affinement. Le suivi, tout au long de la procédure d’affinement, de la différence entre les facteurs R et Rfree, constitue une sorte de « garde-fou » contre les risques de sur-affinement d’une structure. En dernier lieu, le modèle sera confronté à une analyse de fond de ses paramètres géométriques, lesquels seront comparés avec les valeurs théoriques attendues (Laskowski et al., 1993). III-4 – Cristallographie cinétique III-4.1 : Etat de l’art
Une structure tridimensionnelle de protéine, résolue par les méthodes conventionnelles de cristallographie aux rayons X, est toujours une moyenne de l’ensemble des structures présentes au sein du cristal. Par ailleurs, et même si le cristal est refroidi par « flash-cooling » avant l’expérience (en effet, une structure « respire » même à 100 K, quoique faiblement), la structure obtenue est également moyennée sur le temps. Au final, elle prend en compte des évènements tels que la diffusion de solvant, la rotation des chaînes latérales et, possiblement, les réactions chimiques « en cours » durant la collecte de données. Mais, quelles que puisse être la diversité des conformations présentes dans le cristal, la structure résolue n’en est pas moins statique, ce qui ne rend à l’évidence pas compte de sa réalité biologique. 58 La cristallographie aux rayons X
En effet, une composante dynamique sera nécessaire pour expliquer et comprendre le fonctionnement d’une macromolécule biologique. Ce sont en effet les mouvements (lents (106 à 10-2 s-1) ou rapides (10-12 à 10-7 s-1), de petite (10-11 à 10-10 m) ou de large (10-9 à 10-8 m) amplitude) qui animent une structure qui seuls peuvent, in fine, lui confèrer une activité. À l’évidence, ces mouvements dépendent eux-mêmes très intimement de la structure. Les différentes conformations accessibles à une protéine donnée forment son paysage conformationnel ; il sera d’autant plus complexe que la protéine le sera elle-même. En 1991, Frauenfelder a proposé qu’il puisse exister une corrélation forte entre le paysage conformationnel d’une protéine, les mouvements qui lui sont autorisés et son activité biologique à proprement parler (Figure 12 – Frauenfelder et al., 1991). Ainsi, il existerait deux types de mouvements au sein des protéines : ceux, harmoniques, qui permettent à la protéine de « lubrifier » sa structure et de gagner en mobilité ; et ceux, anharmoniques, qui permettent des sauts entre les différents puits de potentiels autorisant, ainsi, l’occurrence d’une fonction. Ceci a été confirmé le cas de deux protéines modèles, étudiées aussi intensivement qu’extensivement en biophysique, la bactériorhodopsine (BR – Rousso et al., 1997 ; Subramaniam & Henderson, 1999 ; Wang & El-Sayed, 1999 ; Pebay-Peyroula et al., 2002 ; Lee & Krauss, 2004) et la myoglobine (MB – Leeson &Wiersma, 1995 ; Parak & Nienhaus, 2002 ; Fenimore et al., 2004 ; Wang et al., 2004). Mais, si un ou plusieurs états intermédiaires se forment au cours d’un cycle catalytique, comment les caractériser structuralement? C’est précisément le but et le « challenge » de la cristallographie cinétique (Petsko & Ringe, 2000 ; Bourgeois & Royant, 2005). Depuis plus de 25 ans (Fink & Petsko, 1981 ; Douzou & Petsko, 1984 ; Hajdu, 1988 ; Moffat, 1989 ; Johnson, 1992), plusieurs équipes à travers le monde se sont focalisées sur le développement de méthodes dynamiques en cristallographie 59 La cristallographie aux rayons X des protéines, qui ne permettraient plus seulement de prendre des « photos », mais aussi de « filmer » les protéines en action. On peut distinguer deux grandes approches en cristallographie cinétique : celles basée sur le piégeage d’états intermédiaires de réaction (cristallographie monochromatique) et celles visant à littéralement « filmer » la protéine en temps réel (cristallographie polychromatique, dite « de Laue »).
Figure 12 : Les différents sousétats conformationnels d’une protéine correspondent aux niveaux de plus basse énergie dans son paysage énergétique (reproduit de Weik, 2006 – d’après Frauenfelder et al. 1991).
Ici, le paysage énergétique est projeté sur une seule coordonnée conformationnelle. Il possède, en réalité, un très grand nombre de coordonnées ; il n’en sera que plus complexe. La méthode de Laue (Moffat et al., 1989 ; Hadju et al., 1991) repose sur l’utilisation d’un rayonnement polychromatique ; en pratique, elle n’est utilisée que dans un synchrotron. L’avantage majeur de cette méthode est de réduire considérablement les temps d’exposition par image, qui seront typiquement de l’ordre de la milliseconde, voire de la microseconde, et donc particulièrement bien adaptés en vue de c aractériser un état intermédiaire de courte durée de vie. De plus, les clichés de type Laue contiennent beaucoup plus d’informations (i.e. de réflexions) que les clichés monochromatiques, et il faut donc moins d’images pour résoudre la structure. En effet, la diffraction a lieu à chaque intersection du réseau réciproque avec les multiples sphères d’Ewald de rayons 1/, 2/, 3/, 4/, 5/...et le cliché de 60 La cristallographie aux rayons X diffraction est donc excessivement plus chargé. C’est d’ailleurs un des désavantages majeurs de cette méthode. Le traitement de données Laue est, en pratique, beaucoup plus compliqué qu’un traitement classique de données monochromatiques. Il faut en effet veiller à attribuer la bonne longueur d’onde à chaque réflexion et, en fonction de celle-ci, appliquer le bon facteur de correction pour l’intensité du faisceau incident à cette longueur d’onde particulière. Certaines réflexions, multiples (i.e. qui résultent de la diffraction, dans la même direction, de deux faiseaux de RX de longueurs d’onde différentes), doivent par ailleurs être déconvoluées. Enfin, les forts dommages d’irradiation, le relativement faible rapport signal sur bruit et la difficulté pour obtenir des données à haute résolution, rendent cette méthode, pourtant dédiée à la cristallographie cinétique, difficile à mettre en œuvre dans la plupart des cas. Elle n’a d’ailleurs été appliquée avec succès que sur quelques protéines à ce jour, parmi lesquelles la chymotrypsine (Stoddard et al., 1991), la myoglobine (MB – Bourgeois et al., 2003 ; Schotte et al., 2003 ; Bourgeois et al., 2006) et la « photoactive yellow protein » (PyP – Schmidt et al., 2004 ; Ihee et al., 2005 ; Rajagopal et al., 2005 ; Schmidt et al., 2005).
Une
étude sur
l
’
AC
E avait également été initiée (Ravelli et al., 1998 ; Raves, 1998), mais la conjonction de l’ensemble des difficultés susmentionnées et de la mosaïcité relativement élevée des cristaux de TcAChE, l’a rendu impropre pour ce type d’expérience (Bourgeois & Weik, communication personnelle). Afin de fournir des alternatives à la diffraction de Laue, d’autres méthodes ont été développées visant à piéger des états intermédiaires de réaction, en vue de les caractériser structuralement. Ce but peut être atteint en utilisant des mutants, (Miller et al., 2002 ; Nienhaus et al., 2005 ) ou des analogues de substrats (Harel et al., 1996 ; Fioravanti et al., 2003 ; Hiratake, 2005), qui bloquent une étape donnée de la réaction enzymatique. On peut également prendre avantage du « flash-cooling » pour piéger un état intermédiaire de réaction.
61 La cristallographie aux rayons X
Dans ce cas, deux stratégies peuvent être employées : la stratégie « trigger – freeze », i.e. que la réaction est déclenchée avant le flash-cooling (Fiedler et al., 2002 ; Fedorov et al., 2003 ; Karlsson et al., 2003 ; Theisen et al., 2004 ; Prigge et al., 2004 ; Kort et al., 2004) ; ou la stratégie « freeze – trigger », i.e. que la réaction est déclenchée après le flash-cooling (Adachi et al., 2003 ; Sugishima et al., 2004 ; Anderson et al., 2004 ; Edman et al., 2004). Il faut noter que cette dernière stratégie suppose que la réaction puisse être déclenchée à température cryogénique ; elle sera, de fait, le plus souvent appliquée à des protéines photosensibles. Enfin, une dernière approche pourra être utilisée, qui se fondera sur la mise en équilibre du système considéré ; ce but peut être atteint grâce à un système de « stop-flow » (Yamashita et al., 2003). III-4.2 : Pré-requis en vue d’une étude de cristallographie cinétique
: Avant de s’engager dans une étude de cristallographie cinétique, il faudra s’assurer que trois conditions soient remplies : i/ la protéine doit être active au sein du cristal ; ii/ l’initiation de la réaction doit pouvoir être synchronisée sur l’ensemble des molécules du cristal (soit environ 1014 molécules) ; iii/ le temps de vie de l’état intermédiaire doit être supérieur au temps de collecte. Ce sont les pré-requis de la cristallographie cinétique. A/ Activité au sein du cristal : c’est la condition primordiale en vue d’une étude de cristallographie cinétique (Mozzarelli & Rossi, 1996). Plusieurs facteurs pourront influencer l’activité d’une enzyme cristalline, typiquement la stringeance du milieu dans lequel elle a cristallisé (pH, force ionique, température, présence ou non d’inhibiteurs, etc...) et la flexibilité qu’elle a pu conserver. Ainsi il faudra, pour conserver l’enzyme active au sein du cristal, que le pH et la température de cristallisation n’y soient pas trop défavorables, que le 62 La cristallographie aux rayons X (ou les) agent(s) précipitant(s) ne soient pas des inhibiteurs de l’enzyme, et que les changements conformationnels nécessaires à la survenue de la catalyse soient, le cas échéant, autorisés par les contacts cristallins. B/
Synchron
isation
: Une structure tridimensionnelle déterminée par cristallographie aux rayons X est toujours une moyenne des structures présentes au sein du cristal au moment de la collecte. De fait, en cristallographie cinétique, une attention particulière devra être portée à la synchronisation de l’initiation de la réaction afin que toutes les molécules du cristal soient, à chaque instant, dans la même conformation. Le cas le plus simple sera celui des protéines à photosensibilité endogène ; l’illumination du cristal, à une longueur d’onde appropriée, permettra un déclenchement synchrone de la réaction dans tout le cristal. Plus généralement, i.e. quand la protéine ne sera pas photosensible, il faudra inactiver, temporairement et réversiblement, le complexe enzyme – substrat. Ce but pourra être atteint en inactivant soit l’enzyme, soit le substrat. Un changement de température ou de pH sera parfois suffisant pour inactiver l’enzyme ; on laissera ensuite diffuser le substrat à l’intérieur du cristal, avant de réactiver l’enzyme par un retour brusque aux conditions initiales. L’inactivation du substrat pourra, dans certains cas, reposer sur l’attachement d’un groupe photolabile : on parle alors de composés-en-cage. Ces composés seront, avant la photoactivation, des inhibiteurs du site actif de l’enzyme. Après illumination cependant, la cage sera relarguée : le substrat ainsi libéré pourra alors s’engager dans un cycle de catalyse. C/ Echelle de temps : Pour résoudre la structure d’un état intermédiaire de réaction, il faudra que son temps de vie soit supérieur au temps de collecte des données. La plupart des réactions enzymatiques ont des temps caractéristiques de l’ordre de la milliou de la microseconde ; or les temps de collecte de données, même sur une ligne de synchrotron, sont plutôt de l’ordre 63 La cristallographie aux rayons X de la minute ou de l’heure. De fait, il faudra soit ralentir la réaction enzymatique, soit accélérer la collecte des données, soit « flash-cooler » le cristal afin de s’affranchir de la durée de vie de l’état intermédiaire. Pour ralentir la réaction enzymatique, les moyens à notre disposition seront avant tout chimiques et biochimiques, et se baseront soit sur des variations de température ou de pH, soit sur l’utilisation d’analogues de substrat, soit sur l’utilisation de mutants de l’enzyme. Cependant la méthode la plus utilisée, car la plus facile à mettre en œuvre, reste la trempe rapide du cristal d’intérêt à température cryogénique, ou « flashcooling ». En effet le flash-cooling de plusieurs de cristaux, différents laps de temps après l’initiation d’une réaction, peut parfois permettre de reconstituer un cycle catalytique dans son intégralité. 64
Chapitre IV : Objectifs de la thèse Objectifs de la thèse IV – Objectifs de la thèse
:
L’AChE est une enzyme extrêmement efficace, avec un turn-over compris entre 1000 et 20000 s-1, selon l’espèce considérée (Rosenberry, 1975 ; Quinn, 1987). Étant donnée cette vitesse de catalyse, il est surprenant que son site actif soit situé au fond d’une gorge profonde (20 Å de longueur) et étroite (5 Å à mi-hauteur). Une respiration moléculaire, autorisant des mouvements de large amplitude autour de la gorge menant au site actif, semble nécessaire pour que le trafic de substrats et de produits puisse avoir lieu. Les sites de fixation des substrats et produits au sein de l’AChE n’ont jamais été structuralement caractérisés, de même que les détails de leur trafic dans la gorge de l’enzyme sont inconnus. Très peu d’informations structurales ont été apportées concernant les mouvements moléculaires permettant le déroulement efficace de la catalyse, et seules les simulations par dynamique moléculaire ont à ce jour permis de conforter l’hypothèse de l’existence d’une « backdoor », qui autoriserait le relarguage rapide d’un ou des produits d’hydrolyse de l’enzyme. De fait, plusieurs questions sur le fonctionnement de l’AChE sont à ce jour sans réponses ; une contribution structurale pourrait permettre de les dépasser. Nous allons présenter, dans les pages qui vont suivre, trois approches distinctes de la cristallographie aux rayons X, qui ont rendu possible l’exploration du paysage conformationnel de l’AChE, afin de mieux comprendre le trafic des substrats et produits en son sein. Avantage fut pris, dans un premier temps, de la faculté d’un ligand à sous sélectionner une conformation particulière de l’enzyme. La résolution de la structure du complexe de l’AChE avec un putatif anti-Alzheimer de seconde génération, le NF595 (Savini et al., 2003), a révélé 65 Objectifs de la thèse une réorganisation majeure du site périphérique de l’enzyme (Colletier et al., 2006a). Ce site étant responsable, au cours du développement de la maladie d’Alzheimer, de la promotion de la formation des plaques amyloïdes (Inestrosa et al., 1996), l’induction de sa déstructuration pourrait avoir un effet clinique bénéfique. Nous avons, ensuite, voulu suivre structuralement le trafic des substrats et produits au sein de la TcAChE. La résolution de la structure de son complexe avec un analogue de substrat nonhydrolysable, le 4-oxo-N,N,N-trimethylpentanaminium, a permis la caractérisation de la structure pré-productive de l’enzyme, i.e. celle formée juste avant que la première étape de la catalyse ne procède. Par ailleurs, des trempages de cristaux à différentes concentrations de substrat (acétylthiocholine, ATCh), ont permis d’accumuler, et donc de caractériser structuralement, deux complexes enzyme-substrat-produit différents. Prises conjointement, ces structures permettent une description détaillée du trafic des substrats et produits au sein de l’AChE. Elles révèlent, par ailleurs, les bases moléculaires du phénomène d’inhibition par le substrat (Colletier et al., 2006b). Enfin, pour tenter d’élucider par quel chemin la choline est expulsée du site actif de l’AChE, nous avons développé une stratégie nouvelle en cristallographie cinétique des protéines. Celle-ci combine l’utilisation d’un précurseur photosensible de la choline (Peng et al., 1996 ; Peng & Goeldner, 1998 ; Peng et al., 1998), qui sera complexé à l’enzyme cristalline (Specht et al., 2001), sa photolyse in-crystallo par le biais d’un laser, et l’application d’un profil de température adéquat afin de permettre la survenue des mouvements moléculaires nécessaires à l’expulsion des produits de photolyse. Ainsi, nous avons pu mettre en évidence que la sortie de la choline s’accompagne par un éloignement, l’un par rapport à l’autre, des deux domaines de l’enzyme trouvés de part et d’autre de la gorge menant au site actif. Ces mouvements 66 Objectifs de la thèse « globaux » se traduisent, in-fine, par une augmentation du volume de la gorge, permettant de visualiser, pour la première fois, l’occurrence d’une respiration moléculaire au sein de l’AChE. Pour autant, aucune porte de sortie annexe à la gorge, perméable ne serait-ce qu’à une molécule d’eau, n’a été visualisée, suggérant fortement que l’ouverture d’une « backdoor », dans la paroi de cette gorge, ne soit pas nécessaire pour autoriser la sortie de la choline (Colletier et al., 2006c manuscrit en préparation). Les informations obtenues au cours de cette thèse sont rédigées et présentées sous la forme de trois articles en anglais (Colletier & Weik, 2006a,b,c), puis résumées sous la forme d’un article en français (Colletier & Weik, 2006d). Une courte discussion suivra, dans laquelle seront présentées les perspectives de cette thèse.
67 Objectifs de la thèse 68 Chapitre V : Matériels et méthodes
Matériels et Méthodes V – Matériels et Méthodes : Afin de rendre plus simple et plus fluide la lecture des résultats de cette thèse, nous allons, dans cette section, décrire en détails les matériels et méthodes utilisés pour chacun des différents projets. V-1 – Structure de l’AChE en complexe avec un anti-Alzheimer potentiel, le NF595 : V-1.1 – Matériel chimique
Le NF595 a été synthétisé comme précédemment décrit (Savini et al., 2003) par le laboratoire du Docteur Guiseppe Campiani, à Sienne (Universita' degli Studi di Siena), et nous a été confié par les soins du Docteur Florian Nachon, du Centre de Recherches du Service de Santé des Armées (CRSSA), à la Tronche.
V-1.2 – Cristallisation de la TcAChE
La TcAChE a été purifiée, comme précédemment décrit (Sussman et al., 1988 ; Raves, 1998), dans le laboratoire du Pr. I. Silman (DN, WIS, Rehovot, Israël). Des cristaux trigonaux (groupe d’espace P3121) ou orthorhombiques (groupe d’espace P212121 – 2 formes cristallines différentes) de TcAChE ont pu être obtenus grâce à la méthode des gouttes suspendues (McPherson, 1976). La TcAChE cristallise, à 4°C, en présence de 30-34% polyéthylène glycol (PEG) 200, 0.15 M acide morpholino-sulfonique (MES), pH 5.8-6.2. La solution stock de TcAChE est généralement concentrée à 11.5 mg/ml et contient 100mM de chlorure de sodium (NaCl). La procédure de cristallisation est la suivante : le puit est rempli de 500 μl 69 Matériels et Méthodes d’une solution de liqueur mère ; sur une lamelle, on dépose 1.5 μl de cette solution et 1.5 μl de la solution de protéine, formant ainsi la goutte ; cette goutte est ensuite mise à équilibrer en regard du puit ; les cristaux apparaissent au bout d’environ trois semaines. Quant de trop petits cristaux sont obtenus, ceux-ci peuvent être utilisés pour microensemencer d’autres gouttes ; ils sont alors broyés avec une aiguille d’acunpuncture, puis dissouts 100 fois dans une solution 3 fois moins concentrée en l’espèce tampon que la liqueur mère (i.e. 30-34% PEG 200, 0.05 M MES, pH 5.8-6.2). Une moustache de chat est alors délicatement trempée dans la solution diluée de broyats cristallins, puis dans la goutte à ensemencer ; cette procèdure est répétée pour chaque goutte. Le plus souvent, le microencemencement sera fructueux ; cela étant, nous recommandons de diminuer la concentration en PEG 200 dans les solutions de puits, afin d’éviter la réapparition de petits cristaux dans les gouttes ensemencées.
V-1.3 – Procédures de trempage
Les cristaux de TcAChE furent trempés, à 4°C, dans une solution de liqueur-mère (150mM MES – pH 6 – 32% PEG200) contenant 2 mM de NF595 (12 heures de trempage dans un volume de 5 μl).
V-1.4 – Collecte de données cristallographiques
Étant données les propriétés cryo-protectrices du PEG200, les cristaux purent tous être directement « flash-coolés » dans le flux d’azote gazeux à 100K. Les données de diffraction aux rayons X ont été collectées à l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF), sur la 70 Matériels et Méthodes ligne ID14-EH2. Les données furent indexées, intégrées et mises à l’échelle grâce à la suite de logiciels XDS/XSCALE/XDSCONV (X-ray Detector Software – Kabsch, 1993). Pour plus de détails, voir le tableau 1 dans « Colletier et al., 2006a », page 97. V-1.5 – Résolution des structures et affinements
La structure native de la TcAChE dans le groupe d’espace trigonal (code d’accès PDB : 1EA5), sans molécules d’eau ni carbohydrates, fut utilisée comme point de départ pour l’affinement par corps rigide. Subséquemment, la protéine subit un recuit simulé à 7500 K, avec des pas de refroidissement de 10 K, suivi de 250 cycles de minimisation par gradients conjugués. Les données entre 20 et 2.2 Å furent utilisées pour l’affinement dans l’espace réciproque et la production des cartes de densité électronique. Toutes les opérations graphiques dans l’espace réel, et typiquement la reconstruction du modèle, furent réalisées en utilisant soit TURBO-FRODO (Roussel & Cambillau, 1989), soit COOT (Emsley & Cowtan, 2004). Toutes les étapes de reconstruction manuelle furent suivies d’une minimisation d’énergie et d’un affinement individuel des facteurs B, en utilisant la version 1.1 de CNS (Crystallography and NMR System – Brünger et al., 1998). La validité et la qualité de la structure finale fut évaluée en utilisant le programme PROCHECK (Laskowski et al., 1993) de la suite CCP4. Les figures dans « Colletier et al., 2006a » furent générées en utilisant PyMOL (DeLano, 2002) et ChemDRAW. Les fichiers de paramètres et de topologies du NF595 furent générés sur le serveur PRODRG (Schuettelkopf & van Aalten, 2004) de l’Université de Dundee (Ecosse, Grande Bretagne). 71
Matériels et Méthodes V-2 – Etude du trafic des substrat et produits au sein de l’AChE
: V-2.1 – Matériel chimique : Le chlorure (structures cristallographiques) et l’iodure (cinétique enzymatique) d’acétylthiocholine (ATCh) ont été commandés chez Sigma (St. Louis, MO, USA). La thiocholine (TCh) a été obtenue par hydrolyse chimique du chlorure d’acétylthiocholine, à pH12. L’analogue non-hydrolysable de l’acétylcholine (ACh), l’iodure de 4-oxo-N,N,Ntriméthylpentanaminium (OTMA), a été synthétisé dans le laboratoire du Pr. D. Fournier (GBP, IPBS, Toulouse, France), selon la méthode décrite par Thanei-Wyss & Waser (1989).
V-2.2 – Cinétique d’hydrolyse de l’ATCh
L’hydrolyse de l’ATCh par la TcAChE a été mesurée spectrophotométriquement à 412 nm, par la méthode d’Ellman (Ellman et al., 1961), à 25°C, dans un tampon sodium-phosphate 25 mM, pH 7.0. Cinquante concentrations de substrat entre 4 μM et 200 mM ont été testées, avec un minimum de dix répétitions par concentration. L’activité a été mesurée pendant une minute, après l’addition de l’enzyme à la cuve contenant le mélange substrat / réactif d’Ellman / tampon sodium-phosphate 25mM – pH7. L’hydrolyse spontanée de l’ATCh à pH7 a été soustraite aux valeurs d’activité. Les données ont été ajustées par régression non-linéaire multiple, en utilisant l’équation correspondant au modèle cinétique décrit dans Stojan et al., 2004, et le logiciel GOSA (www.bio-log.biz). Pour plus de détails,
voir la publication Stojan et al., 2004, join
te
en annex
e
. 72 M
atériel
s et Méthodes V-2.3 – Cristallisation de la TcAChE Voir section V-1.2.
| 34,120
|
2011POIT2301_6
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,011
|
Hydrogénation sélective ou compétitive de nitriles par voie catalytique
|
None
|
French
|
Spoken
| 3,710
| 6,867
|
Déroulement des tests catalytiques
Préalablement au test catalytique, le catalyseur est réactivé in situ sous flux d’hydrogène (60 cm3/min) durant deux heures à la température maximale atteinte lors de la réduction effectuée au cours de la préparation, soit généralement 400 °C pour les catalyseurs monométalliques et 200 °C pour les catalyseurs bimétalliques. Une fois le réacteur refroidi à la température de réaction, le mélange réactionnel gazeux est réalisé en faisant barboter un flux N2 + H2 dans les saturateurs remplis en nitrile ; ce mélange est dans un premier temps envoyé à l’évent pour permettre son homogénéisation avant d’être dirigé vers le réacteur pour débuter la réaction. La ligne de gaz peut être chauffée par des cordons chauffants, ce qui est le cas pour le pentène nitrile où la température de saturateur est fixée à 52 °C et la ligne chauffée à 60 °C pour éviter les recondensations. Le mélange réactionnel gazeux traverse alors le lit catalytique déposé sur le fritté d’un réacteur en verre à l’intérieur d’un four. Les produits de réaction sont analysés en ligne par chromatographie en phase gazeuse sur un appareil Varian CP 3800 GC équipé d’une
170 Chapitre V : Partie expérimentale colonne CP Sil 8 CB pour l’acétonitrile ou d’une colonne CP-Wax for volatile amines & diamines pour l’acrylontrile ou une colonne CP-Volamine pour le 3-pentènenitrile et d’un déte
cteur
à ion
isation de flamme (FID). Les effluents gazeux en sortie de réacteur sont acheminés vers la chromatographie via une ligne chauffée de façon à empêcher la condensation des produits et des prélèvements réguliers sont effectués par une vanne d’injection automatique.
La Figure V.9 présent
le montage expérimental dans lequel ont été réalisés les tests catalytiques. Thermocouple H2 N2 Four Saturateurs (CH3CN) Lit catalytique Cryothermostat Lauda RE 107 Réacteur Cordon chaufant Event Colonne CP Sil 8 CB Chromatographie Varian CP 3800 GC
Figure V.9 : Montage expérimental de test catalytique, exemple donné pour l’acétonitrile 171
Chapitre
V : Partie expérimentale
5.4. Conditions et exploitation des analyses
Les produits de réaction sont analysés en ligne par chromatographie en phase gazeuse. Le Tableau V-10 détaille les conditions d’analyse. Appareil Nitriles Varian CP 3800 GC Acétonitrile Acrylonitrile Pentènenitrile CP-Wax for Colonne CP Sil 8 CB volatile amines CP-Volamine & diamines Température injecteur 200 °C 220 °C Température colonne 70 °C 120 °C Débit colonne Gaz vecteur (débit) Détecteur (température) 3,0 cm3/min 220 °C 75 à 200 °C (+15 °C/min) 9,6 cm3/min H2 (30 cm3/min) 200 °C 220 °C Volume de boucle 0,25 cm3 Split ratio 100 Durée de l’injection 9s
Tableau V-10 : Conditions d’analyse par chromatographie en phase gazeuse
Les temps de rétention des produits purs dans ces conditions d’analyse sont reportés dans le Tableau V-11. Le temps de rétention de l’ammoniac est donné à titre indicatif, car une quantification pertinente de ce composé n’est pas envisageable étant donné le type de détecteur utilisé (FID).
172
Chapitre V : Partie expérimentale 3-Pentènenitrile Acrylonitrile Acétonitrile Nitrile étudié
Temps de Composé Formule chimique Acétonitrile CH3CN 1,22 Ethylamine CH3CH2NH2 1,14 Diéthylamine (CH3CH2)2NH 1,54 Triéthylamine (CH3CH2)3N 2,36 Ammoniac NH3 0,96 Acrylonitrile CH2=CH-CN 3,12 Allylamine CH2=CH-CH2NH2 1,31 Diallylamine (CH2=CH-CH2)2NH 3,32 Triallylamine (CH2=CH-CH2)3N 3,91 Propylamine CH3CH2CH2NH2 1,02 Propionitrile CH3CH2CN 3,83 Allylcyanide CH2=CHCH2CN 1,48 Butylamine CH3CH2CH2CH2NH2 1,51 Butyronitrile C3H7CN 1,60 2-methylpyrrolidine C5H11N 2,17 Pentylamine CH3(CH2)4NH2 2,26 Valéronitrile CH3(CH2)3CN 2.41 Pentènenitrile CH3CH=CH 2CN 2,48 Piperidine C5H11N 2,54 Dipentylamine (CH3(CH2)4)2NH 6,25 Tripentylamine (CH3(CH2)4)3N 9,56 rétention (min)
Tableau V-11 : Temps de rétention des produits purs dans les conditions d’analyse définies dans le Tableau V-10
173
Chapitre V : Partie expérimentale
Une fois le test catalytique achevé, on peut exploiter les données recueillies et déterminer pour tout temps t la conversion X(t) ainsi que les sélectivités Si(t) définies par les relations suivantes : X(t) = 0
− n Nitrile (t) n Nitrile × 100 et 0 n Nitrile S i (t ) = ni (t ) × 100
¦ ni (t ) i où 0 n Nitrile est la quantité de matière en nitrile injectée (c’est-à-dire celle qui serait détectée en cas de conversion nulle), n Nitrile (t) est la quantité de matière en nitrile au temps t (c’est-à-dire celle qui n’a pas réagi), ni(t) est la quantité de matière de l’espèce i au temps t, i étant l’un des produits de la réaction. Toutefois, pour que les données collectées soient pertinentes, un bilan carbone est réalisé au cours du test afin de vérifier que tous les produits formés sont identifiés et quantifiés. Enfin, nous nous sommes assurés de façon systématique, que les conditions opératoires nous plaçaient en régime cinétique.
5.5. Suivi FTIR de l’adsorption et hydrogénation de l’acétonitrile
Ces expériences ont été effectuées lors d’un stage doctoral de 4 mois aux Etats-Unis à l’Université de Columbia en Caroline du Sud de juin à octobre 2010. Les mesures infrarouges ont été collectées à l’aide un spectromètre Nicolet Nexus 470 équipé d’un détecteur mercure-cadmium-tellure B (MCT-B) (Figure V.10) refroidi par azote liquide. Les spectres infrarouges ont été obtenus en utilisant un simple faisceau laser avec une résolution de 4 cm-1.
174 Chapitre
V :
Partie expérimentale
Figure V.10 : Montage de caractérisation par spectroscopie FTIR. Les échantillons ont été mis sous la forme de pastilles entre 15 et 20 mg d’un diamètre de 13 mm. Par la suite les résultats sont présentés avec une masse normalisée à 20 mg. Ils ont ensuite été placés dans une cellule métallique permettant d’effectuer les prétraitements nécessaires ainsi que les mesures désirées. La pastille préparée est introduite dans la cellule. Nous faisons, ensuite, une réactivation du catalyseur sous 60 ml/min d’H2 à la dernière température de traitement. Puis l’analyse est effectuée en trois phases : adsorption de l’acétonitrile : pour cela un flux d’hélium traverse un saturateur, rempli d’acétonitrile, refroidi à 0 °C ce qui induit une pression partielle en acétonitrile de 3.5%. Ainsi on se rapproche
3% utilisés au laboratoire LACCO de Poitiers. Des spectres sont enregistrés toutes les 5 minutes jusqu’à saturation, visualisée par une stagnation de la surface de la bande de vibration CN. 175 Chapitre V : Partie expérimentale
désorption : Elle est effectuée sous flux d’He afin de n’observer que l’acétonitrile fortement adsorbé sur le catalyseur. Des spectres FTIR sont réalisés à la première minute puis toutes les 5 minutes hydrogénation : cette étape est réalisée en utilisant un flux gazeux d’hydrogène dilué (7,5 ml/min d’H2 et 22,5 ml/min d’He) identique au mélange effectué à Poitiers. Nous pourrons, de cette manière, corréler les résultats obtenus en suivi par FTIR et en suivi par chromatographie en phase gaz. Les spectres sont enregistrés dès la première minute puis toutes les 5 minutes jusqu’à stabilisation du signal soit après 20 minutes.
176 Chapitre V : Partie expérimentale
Références bibliographiques [1] S. Ello, Chimie, Université de Poitiers, Poitiers, 2005. [2] J.P. Marques, I. Gener, P. Ayrault, J.C. Bordado, J.M. Lopes, F. Ramoa Ribeiro, M. Guisnet, Microporous and Mesoporous Materials. 60 (2003) 251-262. [3] T. Barzetti, E. Selli, D. Moscotti, L. Forni, Journal of the Chemical Society, Faraday Transactions. 92 (1996) 1401-1407. [4] C.B. Murray, D.J. Norris, M.G. Bawendi, J. Am. Chem. Soc.. 115 (1995) 8706 [5] M.A. Chamaro, V. Voliotis, R. Grousson, P. Lavallard, T. Cacoin, G. Gounio, J.P. Boilot, R. Cases, Journal of Crystal Growth 159 (1996) 853. [6] J.P. Brunelle, Pure and Applied Chemistry. 50 (1978) 1211-1229. [7] O.A. Ferretti, C. Lucas, J.P. Candy, J.M. Basset, B. Didillon, F. Le Peltier, Journal of Molecular Catalysis A: Chemical. 103 (1995) 125-132. [8] P. Lesage, O. Clause, P. Moral, B. Didillon, J.P. Candy, J.M. Basset, Journal of Catalysis. 155 (1995) 238-248. [9] J.L. Margitfalvi, I. Borbath, E. Tfirst, A. Tompos, Catalysis Today. 43 (1998) 2949. [10] B. Coq, A. Goursot, T. Tazi, F. Figueras, D.R. Salahub, Journal of the American Chemical Society. 113 (1991) 1485-1492. [11] B. Coq, F. Figueras, Coordination Chemistry Reviews. 178-180 (1998) 17531783. [12] B. Didillon, J.P. Candy, F. Le Peletier, O.A. Ferretti, J.M. Basset, Studies in Surface Science and Catalysis. 78 (1993) 147-154. [13] J.L. Margitfalvi, I. Borbath, M. Hegedus, A. Tompos, Applied Catalysis A: General. 229 (2002) 35-49. [14] C. Vertes, E. Talas, I. Czako-Nagy, J. Ryczkowski, S. Gobolos, A. Vertes, J. Margitfalvi, Applied Catalysis. 68 (1991) 149-159. [15] G. Bergeret, P. Gallezot, in: H. Knoezinger, J. Weitkamp (Eds.), Handbook of Heterogeneous Catalysis, Vol. 2, 1997, pp. 439-464. [16] J.J.F. Scholten, Studies in Surface Science and Catalysis. 3 (1979) 685-714. [17] J.J.F. Scholten, A.P. Pijpers, A.M.L. Hustings, Catalysis Reviews Science and Engineering. 27 (1985) 151-206. [18] C.H. Bartholomew, Catalysis. 11 (1994) 93-126. [19] B.J. Kip, F.B.M. Duivenvoorden, D.C. Koningsberger, R. Prins, Journal of Catalysis. 105 (1987) 26-38. [20] I. Boghian, Chimie, Université de Poitiers, Poitiers, 2005. [21] K.C. Taylor, Journal of Catalysis. 38 (1975) 299-306. [22] P.C. Aben, Journal of Catalysis. 10 (1968) 224-229. [23] M. Primet, Journal of Catalysis. 88 (1984) 273-282. [24] C. Binet, A. Jadi, J.C. Lavalley, Journal de Chimie Physique et de Physico-Chimie Biologique. 86 (1989) 451-470. [25] P.J. Levy, V. Pitchon, V. Perrichon, M. Primet, M. Chevrier, C. Gauthier, Journal Catalysis. 178 (1998) 363-371. [26] R. Dictor, Journal of Catalysis. 109 (1988) 89-99. [27] C.A. Rice, S.D. Worley, C.W. Curtis, J.A. Guin, A.R. Tarrer, Journal of Chemical Physics. 74 (1981) 6487-6497. [28] A.C. Yang, C.W. Garland, Journal of Physical Chemistry (1957) 1504-1512. 177
CONCLUSION GENERALE
Conclusion Générale Dans ce travail, nous avons cherché à développer puis optimiser des catalyseurs supportés à base de métaux nobles qui soient actifs et sélectifs en hydrogénation des nitriles. L’analyse de la bibliographie nous a en effet montré que peu d’études comparatives des métaux nobles sont disponibles pour l’hydrogénation des nitriles dans les mêmes conditions, les catalyseurs les plus étudiés étant ceux à base de nickel. Pourtant, les catalyseurs à base de métaux nobles semblent prometteurs pour réaliser l’hydrogénation compétitive de nitriles insaturés, notamment après ajout d’un promoteur déposé par réaction contrôlée de surface. Enfin, le rôle du support du catalyseur dans la réaction fait encore l’objet de nombreuses controverses. Nous avons donc étudié dans un premier temps, l’effet de l’acidité du support en utilisant des catalyseurs à base de Pt supportés sur un support acide, un support neutre et un support basique pour l’hydrogénation de l’acétonitrile. Nous avons pu constater que l’utilisation d’un support acide donnait la meilleure activité, mais que le support basique permet d’obtenir une meilleure sélectivité en amine primaire malgré une activité plus faible. Un catalyseur déposé sur support neutre ne permet d’améliorer ni l’activité ni la sélectivité. De nombreux auteurs préconisent l’ajout d’ammoniac dans le flux gazeux pour améliorer la sélectivité en amine primaire alors que le rôle de l’ammoniac n’est pas encore bien connu. Afin d’éclaircir ce point, nous avons testé les catalyseurs précédents en présence d’un taux variable de NH3. Nos résultats montrent que, lorsqu’un support acide est utilisé, l’ammoniac permet d’orienter la sélectivité vers une moindre production d’amine tertiaire. L’utilisation de support neutre ne présente pas d’intérêt ni en terme d’activité, ni en terme de sélectivité que ce soit en présence ou non d’ammoniac. Toutefois, nous avons pu constater une amélioration de l’activité et de la sélectivité lorsque le catalyseur est déposé sur un support basique et que la teneur en ammoniac dans le flux gazeux est modérée soit autour d’un ratio ammoniac/acétonitrile = 2. Il semble donc que l’ammoniac ait clairement un rôle sur le mécanisme de réaction indépendamment de la basicité ou de l’acidité du support. Cela n’exclut pas un rôle additionnel de « neutralisateur » des sites acides du support si nécessaire mais cela ne semble pas être l’effet prédominant au regard de l’évolution de la sélectivité observée sur
179
Conclusion Générale
le catalyseur supporté sur oxyde de magnésium. Dès que la teneur en ammoniac dans le flux est trop importante, soit autour d’un ratio ammoniac/acétonitrile = 3, la surface active des catalyseurs est empoisonnée probablement en raison d’une trop forte adsorption de l’ammoniac. L’utilisation d’un support basique s’avérant nécessaire, nous nous sommes interrogés sur la quantité de sites basiques nécessaires pour obtenir la plus importante production d’amine primaire. Pour cela, différents supports à base d’oxydes binaires, alumine-oxyde de magnésium, ont été synthétisés par voie sol-gel avec un ratio Al2O3/MgO de 1/3 à 3. Cette gamme de catalyseurs nous a apporté deux types d’informations. D’une part le support le plus actif et sélectif se trouve être le support contenant 25 % d’alumine et 75 % de magnésium. Il est donc possible d’améliorer encore les performances du catalyseur en optimisant le rapport entre sites basiques et sites acides. D’autre part, l’étude FTIR en opérando de l’hydrogénation d’acétonitrile sur ces catalyseurs a mis en évidence la formation d’un intermédiaire réactionnel, l’éthènimine. Ce résultat nous permet de confirmer le mécanisme proposé par Sachtler mettant en jeu un transfert intermoléculaire d’hydrogène avec formation d’une imine lors de l’hydrogénation de l’acétonitrile plutôt que l’utilisation de l’hydrogène du flux gazeux et de le compléter. L’hydrogénation de nitriles insaturés a ensuite été étudiée. Dans le cas de l’acrylonitrile, il n’a pas été possible de toujours se placer en régime cinétique. Toutefois, les résultats indiquent que les catalyseurs sont très actifs et ne se désactivent pas ou quasiment pas au cours du temps, quelles que soient les conditions : débit gazeux plus au moins élevé, température de réaction basse ou très basse (5 °C). Nous avons pu constater que le métal employé joue un rôle important dans la répartition des produits de réaction et que le rhodium conduirait à la formation d’allylamine (amine désirée). Un ajout de dopant, le germanium, introduit par greffage organométallique à la surface de grosses particules de rhodium, a permis de modifier la quantité d’allylamine produite. Après avoir ajouté l’équivalent de deux monocouches de germanium soit 0,8 %, nous avons une augmentation du taux d’allylamine produite jusqu’à 60 %. Lors de l’étude de l’hydrogénation du pentènenitrile, nous n’avons pas pu étalonner tous les produits car ceux-ci n’étaient pas disponibles commercialement. Cependant, les analyses du bilan carbone montrent que tous les pics des chromatogrammes ont été identifiés et que malheureusement, nos catalyseurs ne forment
180 Conclusion G
énérale pas d’amines insaturées. Toutefois, nous avons pu observer différents comportements pour les catalyseurs en fonction du métal, du support ou de l’ajout. Ainsi, pour
catalyseurs monométalliques supportés sur alumine
nous avons constaté une meilleure activité lorsque nos catalyseurs contenaient des métaux nobles comme le platine et le rhodium. Cependant, la sélectivité envers l’amine primaire reste la plus élevée si on utilise le nickel. L’ajout de dopant tel que le germanium ou l’étain au catalyseur platine supporté sur alumine a permis d’augmenter l’activité du catalyseur et a orienté la sélectivité vers la production d’amine tertiaire. L’étude infrarouge d’adsorption de CO sur ces catalyseurs nous a permis de conclure que l’ajout de germanium ou d’étain engendrait dans les deux cas un effet electro-attracteur contrairement à ce que mentionne la littérature. Cet effet électro-attracteur diminue la densité électronique du métal. Les propriétés d’adsorption et désorption sont ainsi modifiées. Selon nos résultats, ce transfert de charge augmenterait la force de l’interaction entre le métal et les imines ou les amines (composés électrodonneurs). Le temps de séjour des amines serait plus long à la surface du catalyseur ce qui expliquerait l’augmentation des réactions de condensation et donc l’accroissement de la formation d’amines tertiaires. L’étude de l’hydrogénation du pentènenitrile sur les catalyseurs supportés sur différents oxydes a montré que le support a une influence sur l’activité et la sélectivité des catalyseurs, mais les modifications sont différentes en fonction du métal. Sur des catalyseurs à base de Pt, les activités augmentent pour les échantillons supportés sur MgO ou TiO2 par rapport à l’activité mesurée avec un support alumine. Pour les catalyseurs à base de rhodium, les activités sont globalement semblables avec cependant un accroissement pour l’échantillon supporté sur oxyde de titane. En ce qui concerne la stabilité, le catalyseur à base de rhodium sur alumine résiste le mieux à la désactivation alors que celle-ci semble moins importante lorsque nous sommes en présence d’un catalyseur Pt supporté sur silice ou oxyde de magnésium. Pour la sélectivité, le catalyseur Pt/MgO est le seul à produire un peu d’amine primaire. Au contraire, tous les échantillons à base de rhodium produisent l’amine primaire quel que soit le support, Rh/TiO2 formant le plus de pentylamine. L’ajout de promoteur, germanium ou étain, sur les catalyseurs à base de Pt ou de Rh supportés sur oxyde de magnésium a un effet néfaste sur la production d’amines et une nette augmentation de la production de valéronitrile peut être notée. Aucune amélioration de la résistance à la désactivation n’a été mise en évidence. Quant à la sélectivité en
181 Conclusion
Générale amines, le Pt produit de l’amine tertiaire alors que pour le Rh la sélectivité en amines primaires est augmentée. Comme dans le cas de l’acétonitrile, nous pouvons constater que le platine et le rhodium ont des comportements très différents à tel point que l’on peut se demander si le mécanisme réactionnel est le même sur ces deux métaux. Pour la suite de ce travail, il s’avère indispensable de modifier les conditions de réactions. En effet, les expériences en phase gaz sont rapidement limitées par les contraintes expérimentales notamment de température. Il apparaît plus que nécessaire de tester l’activité et la sélectivité des catalyseurs en phase liquide. Un réacteur batch pourrait être utilisé. Toutefois, la forme du catalyseur devra être adaptée : billes, poudres voire monolithes. L’étude de l’influence du solvant devra également être menée. En ce qui concerne les molécules modèles, peu d’études concernent les dinitriles. Il serait donc intéressant d’ajouter ce type de nitriles à nos recherches. Enfin, l’influence de la basicité si elle est indéniable n’est pas encore bien claire. L’absence de sites acides peut orienter la sélectivité mais une modification de l’interaction métal/support et des transferts de charges peuvent aussi être envisagés. Une étude XPS devrait permettre de répondre à cette question. Par ailleurs, une étude théorique sur le mode d’adsorption des nitriles sur les catalyseurs pourrait confirmer le mécanisme réactionnel proposé. Enfin, dans un futur plus lointain, le développement d’un micropilote d’hydrogénation en flux continu pourrait permettre une nette avancée pour la transformation industrielle des nitriles. 182 ANNEXE 1 : Calcul des constantes de la corrélation d’Antoine pour l’acrylonitrile Pression Température source kPa Pa K
°C
1/K 6.6 6600 281.85 8.7 0.00354799 fiche CAS acrylonitrile INRS 10 10000 290.85 17.7 0.0034382 Handbook of chemistry and Physics 13.3 13300 296.75 23.6 0.00336984 fiche CAS acrylonitrile INRS 33.3 33300 318.65 45.5 0.00313824 fiche CAS acrylonitrile INRS 100 100000 350.15 0.00285592 Handbook of chemistry and Physics 77
183 ANNEXE 2 : Calcul des constantes de la corrélation d’Antoine pour le pentènenitrile Pression Température kPa Pa K °C 1/K 0,5399 539,9 298,15 25 0,003354016
1,3332 1333,2 306,15 33 0,003266373 3,3197 3319,7 323,15 50 0,003094538
5,3328 5332,8 340,37 67,22 0,00293796 21,3315 21331,5 373,15 100 0,002679887 Source Aldrich http://dytek.invista
.com
/
doc/files/494/Dytek%A Aldrich http://
came
o
chemicals
.
noaa
.go http://dytek.invista
.
com/doc/files/494/Dytek
%A 184 185
THESE Pour l’obtention du Grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE POITIERS (Faculté des Sciences Fondamentales et Appliquées) (Diplôme National Arrêté du 7 août 2006) Ecole Doctorale : Sciences pour l’Environnement Gay Lussac. Secteur de Recherche : Chimie Organique, Minérale et Industrielle Soutenue le 30 novembre 2011 par : Christophe POUPIN
Titre : Hydrogénation sélective ou compétitive de nitriles par voie catalytique RESUMÉ DE LA THÈSE EN FRANCAIS
Largement utilisées dans l’industrie sous forme de solvants, d’intermédiaires réactionnels ou bien synthétisées pour des usages pharmaceutiques, les amines sont indispensables à la société moderne. Afin d’optimiser les coûts de production, la voie catalytique consistant à hydrogéner des nitriles est de plus plus développée. L'objectif de ce travail a consisté à approfondir les études en hydrogénation de l’acétonitrile en phase gazeuse. Les résultats montrent qu’un catalyseur sur support acide présente une meilleure activité mais un support basique oriente plus sélectivement vers les amines primaires. L’analyse FTIR en operando de l’adsorption et de l’hydrogénation catalytique de CH3CŁN a permis d’identifier un intermédiaire réactionnel : l’éthènimine (CH2=C=NH). L’hydrogénation de nitriles insaturés a ensuite été étudiée. Dans le cas de l’acrylonitrile, il n’a pas été possible de toujours se placer en régime cinétique. Toutefois, quelques résultats indiquent qu’un catalyseur bimétallique permet de former l’amine insaturée (allylamine). Pour le pentènenitrile, une étude comparative de Ru, Ni, Pt et Rh déposés sur alumine a montré que le Pt et le Rh étaient les plus actifs tandis que le Ni est le plus sélectif envers la pentylamine. L’ajout d’étain ou de germanium par greffage organométallique sur les catalyseurs déposés sur alumine permet d’augmenter l’activité du Pt et oriente la sélectivité vers l’amine tertiaire quel que soit l’ajout. Enfin, l’utilisation de différents supports (Al2O3, TiO2, CeO2, MgO) permet de conclure que l’absence de sites acides favorise la sélectivité en amines.
MOTS-CLÉS
1 Catalyse hétérogène 5 2 Supports de catalyseurs 6 3 Métaux précieux 7 4 Composés organométallique 8 Fourier, Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier 186
Titre : Competitive or selective hydrogenation of nitriles by catalytic route RESUMÉ DE LA THÈSE EN ANGLAIS
Widely used in industry as solvents, reaction intermediates or synthesized for pharmaceutical uses, the amines are essential to modern society. To optimize the cost of production, consisting of catalytically hydrogenated nitrile is more developed. The aim of this study was to further study in the hydrogenation of acetonitrile in the gas phase. The results show that acid supported catalyst exhibits better activity, but a basic support is more selective toward the primary amines. FTIR analysis operando of adsorption and catalytic hydrogenation of CH3CŁN has identified a reaction intermediate: the éthènimine ( 2=C=NH). The hydrogenation of unsaturated nitriles was then studied. In the case of acrylonitrile, it was not always possible to place themselves in kinetic regime. However, some results indicate that a bimetallic catalyst is used to form the unsaturated amine (allylamine). For pentenenitrile, a comparative study of Ru, Ni, Pt and Rh deposited on alumina showed that the Pt and Rh were the most active while Ni is the most selective towards pentylamine. The addition of tin or germanium by grafting organometallic catalysts deposited on alumina increases the activity of Pt and direction selectivity to the tertiary amine, regardless of the addition. Finally, the use of different materials (Al2O3, TiO2, CeO2, MgO) leads to the conclusion that the absence of acid sites promotes the selectivity to amines.
M
OTS-CLÉS
1 Heterogeneous catalysis 5 2 Catalytic supports 6 3 Noble metals 7 4 Organometallic compounds 8 Fourier, Spectroscopy 187.
| 50,285
|
49/halshs.archives-ouvertes.fr-halshs-01153329-document.txt_1
|
French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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None
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None
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French
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Spoken
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| 6,706
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Conclusion Jean-Baptiste CAMPS, Magali CHEYNET et Vincent LE
QU
ENTREC
Au-delà de l'évidente multiplicité des objets, ces séances du séminaire, et bulletin en issu ront peut-être sens amment ». ances explorer processus transformation des textes et 'étude des liens qu'entretiennent les différents états, et ce en suivant plusieurs approches : marche généalogique empruntant la voie des stemmata, dans des traditions complexes aux liens de parentés multiples et sans doute iquement à filiation verticale, avec la contribution de s Veyssière. La mise au point de Jean-Baptiste Camps a éclairé les débats sous-jacents à toute édition de texte. Mais nous avons également suivi les métamorphoses successives d'un même texte, suite aux interventions répétées de son producteur, qu'il s agisse des différents états d'un archive dans les articles de Sébastien Fray, Sophie Ravary et Cécile Troadec, ou d'un texte littéraire dans celui de Marine Poirier. Ces transformations nous ont conduit à questionner l'identité même des textes : jusqu'à quand un texte donné et identifié le demeure-t-il? Estce fonction de la nature des transformations qui lui sont apportées (autoriales, scribales, à plus ou moins grande échelle)? De critères Copie, authenticité, originalité Questes, no 29 d'autorité ou d'authentification (réelle ou fictive)? Ou du regard porté sur le texte, du statut qui lui est donné? C'est la question importante soulevée par les études sur la constitution de vastes compilations et leur usage potentiel (mais pas univoque) du « copier/coller », sur le contrafactum des trouvères (et les liens entre identité textuelle ou musicale) ou les insertions lyriques, sur la copie d'un vrai vidimus d'une fausse charte réemployant des éléments authentiques. Ces séances auront également permis de souligner à nouveau, si besoin était, l'importance de la prise en compte de la matérialité, de l'écrit et de son support, quand bien même celui-ci ressemblerait, aux yeux d'hommes du XVIIIe siècle, à de l'« écorce de bouleau ». Le support joue un rôle important dans la signification et le statut d'un document, ce dont témoigne notamment l'utilisation du papier et du parchemin pour des usages distincts par les notaires romains, comme l'a montré Cécile Troadec. Le choix de la forme du codex ou du rotulus, lui aussi, n'est pas neutre, ainsi que l'a souligné Sophie Ravary : il paraît pouvoir être conditionné tant par des effets de mode, des variations dans l'usage, que par des raisons pratiques, par exemple dans le déroulement de l'acte de copie, ou d'une série d'actes de copie successifs – (le rouleau étant plus favorable lorsque l'on ne peut prévoir à l'avance le volume que prendra un texte (rouleaux des morts, généalogies, comptes, etc.). Ces contributions tracent enfin un tableau nuancé de la nature et de la signification de processus de reprise de sources antérieures, de copie ou d'imitation. D'un côté, comme l'a montré Marine Poirier, la position du « passeur », qui reprend des autorités antérieures et se prévaut de la caution qu'elles apportent, n'est pas antinomique avec la recherche d'un apport nouveau et propre, avec la fusion de ces autorités dans un paradigme original. De l'autre, celle du « faussaire » qui crée une « fausse charte » en remaniant des sources, elles, authentiques, fabrique un « original » qui n'a jamais exist en l'état mais contient en partie des authentiques. La nature de la distinction entre l'original et la copie peut s'avérer mouvante, comme pour les actes notariés, notamment les actes romains étudiés par Cécile Troadec : la minute, porteuse de foi, permet de créer, par copie, autant d'originaux que nécessaire, tout en demeurant elle-même chargée d'une valeur légale supplémentaire. La contribution de Sophie Ravary permet quant à elle de voir comment la création de plusieurs cartulaires distincts, à des périodes rapprochées, à partir d'une sélection en partie commune du même ensemble de chartes, forme plusieurs ensembles distincts ; chacun est doté de sa raison d'être et de sa cohérence interne propre, comme plusieurs « échos » déformés d'un même signal. Ce type de réagencement vaut aussi pour les textes littéraires et la constitution de recueils tels que les chansonniers étudiés par Georges Veyssière. Ce phénomène de réagencement, bien exploré depuis Gröber, instaure une « double vérité », celle du texte se plaçant dans une généalogie de copies, et celle du témoin manuscrit en lui-même. La constitution du recueil, le choix des textes, du mode de structuration du manuscrit, de la séquence, de la mise en page et en texte, donnent à chaque pièce un sens nouveau et original dans un contexte précis et singulier répondant aux intentions du compilateur, sans empêcher la subsistance d'ensembles préexistants. Leur accumulation et leur stratification s'entrevoient parfois dans les « monuments » conservés par certaines sources – comme pour cet hypothétique recueil des Chançons au Roy de Navarre –, et qui, comme pour les graphies et le processus de copie en lui-même, donnent naissance à une forme de « diasystème »1. 1
Cesare Segre, « Critique textuelle, théorie des ensembles et diasystème », Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques de l'Académie royale de Belgique, 62, 1976, p. 279–292, aux p. 284–285 ;
pour
une définition de ce terme, voir supra, introduction, p. 12. 157 Copie, authenticité, originalité Questes, no 29
Ainsi, l'acte de copie n'est jamais tout à fait neutre ou automatique : il amène toujours, consciemment ou non, à une forme d'appropriation et une déformation, ou reformation, des matériaux antérieurs. Si c'est peutêtre le mérite des travaux de Bernard Cerquiglini et de la Nouvelle philologie que d'avoir à nouveau souligné l'importance de ce phénomène, il s'agit là d'un champ d'études investi par les philologues dès le XIX siècle et au coeur de la « critique verbale », dont l'étude ne se restreint pas aux seuls textes littéraires. Ce bulletin vient donc s'inscrire dans une longue et fructueuse tradition et a essayé d'en souligner le dynamisme. Sébastien Fray et Sophie Ravary ont montré que l'historien ne peut se passer d'une démarche plutôt philologique d'étude des textes. Dans leurs articles, Cécile Troadec et Marine Poirier ont analysé les stratégies d'authentification des copies, l'une en montrant les pratiques d'auteur de notaires, l'autre en vérifiant les notions d'auctoritas et de potestas à la lumière d'outils discursifs précis. Éléments bibliographiques Bibliographie « diplomatique » Édition des textes documentaires
Conseils pour l'édition des textes médiévaux : fascicule II, Actes et documents d'archives, dir. Olivier GUYOTJEANNIN, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques et École nationale des chartes, coll. « Orientations et méthodes », 20011 et 20092. Diplomatique Gli Atti privati nel tardo medio evo : fonti per la storia sociale, dir. Paolo BREZZI et Egmont LEE, Roma/Toronto, Istituto di studi romani, coll. « Atti di studi romani », 1984. Les Cartulaires, Actes de la Table ronde (5–7 décembre 1991, Paris), Paris, École des Chartes/Champion, coll. « Mémoires et documents de l'École des chartes », 1993, p. 91–104. La Diplomatique française du haut Moyen Âge : inventaire des chartes originales antérieures à 1121 conservées en France, tome 1, dir. Michèle COURTOIS, Turnhout, Brepols, 2001. GUYOTJEANNIN, Olivier, PYCKE, Jacques, et TOCK, Benoît-Michel, Diplomatique médiévale, Turnhout, Brepols, coll. « L'atelier du médiéviste », 2, 2006. Notaires et crédit dans l'Occident méditerranéen médiéval, dir. François MENANT et Odile REDON, Rome, École française de Rome, 2004. Notariado publico y documento privado : de los origenes al siglo xiv, actas del VII Congreso internacional de diplomatica, dir. José TRENCHS ODENA, Valencia, Conselleria de cultura, educacio I ciencia, 1989, 2 vol. Vocabulaire international de la diplomatique [1994], dir. Maria MILAGROS et Cárcel ORTÍ, Valencia, Universidad de València, 1997 (2e édition). Divers Dictionnaire de la culture juridique, dir. Denis ALLAND et Stéphane RIALS, Paris, Lamy, coll. « Quadrige, dicos de poche », 2003. Théories et pratiques de l'édition des textes médiévaux et leur histoire. Bibliographies et généralités
Nous renvoyons, pour la partie relative aux différentes théories et pratiques dans le domaine de l'édition des textes, aux bibliographies proposées par : Questes, no 29 Copie,
authenticité
,
original
ité
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«
lachmanniens »
et «
bé
di
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D D.1 Principe des FDTD
La méthode numérique employée repose sur une discrétisation spatiale et temporelle des variables des équations (V.6) et (V.7) de l'élastodynamique. Les équations de l'élastodynamique lient entre elles d'une part les dérivées temporelles des contraintes à la dérivée spatiale de la vitesse, et d'autre part la dérivée temporelle de la vitesse aux dérivées spatiales des contraintes. Une discrétisation en différence finie (d'où l'appellation de Finite Différences in Time Domain), se traduit dans ce cas par une approximation des dérivées d'ordre 1 par des taux d'accroissement fini. Pour la vitesse par exemple on obtient l'approximation suivante : vr (xi+1
) − vr (xi ) ∂vr (xi ) ≈ ∂x ∆x
(
D.1)
où xi est la valeur de la variable continue x prise au ième noeud du
maillage
discret
et
∆x est
le pas de discrétisation considéré entre deux noeuds consécutifs du maillage. La définition du calcul des différences finies d'ordre 1 donnée par l'équation (D.1) pose un problème de symétrie. En effet la dérivée en xi est approchée dans ce cas par un accroissement "décalé" vers xi+1, dissymmétrisant le calcul par différences finies. Le schéma de Virieux consiste alors à définir de manière particulière la grille spatio-temporelle aux noeuds de laquelle sont calculés les champs du problème. Dans ce schéma les différences finies sont centrées, en espace et en temps, conduisant à l'expression-type suivante : vr (xi+ 1 ) − vr (xi− 1 ) ∂vr 2 2 (xi ) ≈ ∂x ∆x (D.2) Le centrage de toutes les différences finies suivant l'équation (D.2) impose alors un décalage des grilles de vitesse et de contraintes d'un demi-pas d'espace et de temps. La figure V.6 160 Annexe D. Méthode FDTD montre schématiquement ce décalage entre contrainte et vitesse dans l'espace ; il en va de même pour la grille temporelle. Les équations continues de l'élastodynamique peuvent alors être discrétisées selon ce schéma de Virieux. Le modèle utilisé est celui d'une nanosphère d'or, d'où la description en coordonnées sphériques. Dans ce modèle la description spatiale est ramenée à une seule dimension (r) du fait de la symétrie sphérique du problème. D.2 D.2.1 Cas général
Nous présentons ici les étapes de discrétisation et les équations discrètes finales obtenues, à partir des équations (V.6) et (V.7) continues de l'élastodynamique. Dans notre approche nous avons considéré que le maillage des paramètres physiques coïncidait avec celui de la grille des contraintes : soit une évolution sur les noeuds entiers. Le détail de la discrétisation est discuté à partir de l'équation (V.7), issue de la relation fondamentale de la dynamique. Cette équation peut se réécrire en variables discrètes sur le noeud (k + 12, m) : ∂vr
∂σr
,
r 1 1 1 (k +, m) = (k +, m) * * * 1 ∂t 2 2 ρ(k + 2 ) ∂r 1 1 2 (σr,r (k +, m) − σθ,θ (k +, m)) *** + ∆r(k + 1/2) 2 2 (D.5)
La discrétisation de cette équation se fait suivant l'équation (D.2) pour l'approximation en accroissement fini des dérivées. Cependant les grandeurs non-dérivées de σ se retrouvent également en dehors de leur maillage, défini, rappelons-le, pour des valeurs entières des variables discrètes (k, m). La valeur en (k + 21, m) est alors calculée par la moyenne des deux plus proches voisins : σ(k + 21, m) = 12 (σ(k + 1, m) + σ(k, m)). Le problème se posant à l'identique pour le paramètre physique ρ, on procède de même. L'équation (D.5) se discrétise alors ainsi : vr (k + 12, m + 21 ) − vr (k + 21, m − 21 )
2 σr,r (k + 1, m) − σr,r (k, m) = *** ∆t ρ(k + 1) + ρ(k) ∆r # 1 (σr,r (k + 1, m) − σθ,θ (k + 1, m) + σr,r (k, m) − σθ,θ (k, m)) *** + ∆r(k + 12 ) (D.6) On procéde de même à partir des équation (V.6) sur le noe
ud
(k, m − 12 ). Les équations discrétisées (D.6) et (D.7) modélisent le phénomène de génération photoacoustique dans une nanosphère d'or baignant dans un milieu aqueux infini. Pourtant telles quelles ces équations nécessitent de définir les champs σθ,θ, σr,r, vr, T à la fois dans l'espace et dans le temps. C'est à dire que chacune de ces grandeurs peut être vue comme une matrice de taille : (nombre de pas spatiaux) x (nombre de pas temporels). Une discrétisation suffisamment fine pour obtenir des simulations quantitatives de la génération photoacoustique provoquerait alors, dans ce cas de figure, une surcharge insupportable de la mémoire de l'ordinateur. Pour pallier ce problème de mémoire une approche séquentielle a alors été adoptée. Dans ce processus, pour chaque incrémentation du pas de temps les valeurs des champs sont calculées Méthode FDTD au travers des équations dans tout l'espace, et chaque nouvelle valeur écrase la précédente. Au cours de la boucle de temps, on ne conserve que les valeurs considérées comme utiles, en un point ou un petit nombre de points de l'espace. Une exception à ce principe toutefois réside dans le calcul du champ de température. La méthode de résolution discutée dans le chapitre V se déroule en deux temps : on détermine d'abord la solution du problème thermique, puis on l'injecte dans le problème élastodynamique. La solution de température calculée peut se voir alors comme une matrice de grande taille, ce qui oblige certes à allouer un important espace mémoire (au cours de nos simulations de l'ordre du Go, voire la dizaine de Go dans les cas extrêmes), mais offre aussi la possibilité de sauvegarder la matrice de température. Ce terme-source peut être ainsi chargé dans différentes simulations dont seuls les paramètres de fluence Φ et/ou de température T0 varient (du fait de la simple dépendance linéaire en énergie absorbée de la température). Le coefficient β dans les équations (D.7) est défini en espace sur la même grille que le champ de contraintes, comme les paramètres physiques (λ, μ, ρ). Pour k × ∆r ≤ Rs, le coefficient de dilatation est celui de l'or βg, indépendant du temps. Par contre pour k × ∆r > Rs, le coefficient de dilatation est celui de l'eau, β(T ), dépendant de la température. Ce paramètre est alors déduit de la température dans l'eau à chaque incrémentation de temps, et pour chaque point du maillage spatial. A partir des remarques précédentes on peut alors en déduire les équations discrètes utilisées dans l'algorithme de simulation numérique. Les contraintes et la vitesse étant cette fois définis comme des vecteurs, de dimension liée au maillage spatial, leur calcul dans la boucle de temps doit se faire dans un ordre précis. Les équations (D.7) donne les valeurs de contraintes au temps m, pour tous les k de l'espace (boucle sur la variables k). Puis ces valeurs sont utilisées dans l'équation (D.6) pour calculer la vitesse au temps m + 12, dans une deuxième boucle sur la variable k. Une nouvelle incrémentation du pas de temps voit la vitesse au temps m + 21 être alors injectée à nouveau dans le calcul des contraintes au temps m + 1, et ainsi de suite. Les équations finalement utilisées sont les suivantes :
t 1 σr,r (k) = σr,r (k) + λ(k) ∆r k 2 " 1 k+ 2 2 1 vr (k) − k − 2 2 # vr (k − 1) * * * ∆t [vr (k) − vr (k − 1)] * * * ∆r 2 * * * − λ(k) + μ(k) βk,m (T (k, m + 1) − T (k, m)) 3 " # 1 2 1 2 ∆t 1 vr (k) − k − vr (k − 1) * * * k+ σθ,θ (k) = σθ,θ (k) + λ(k) ∆r k 2 2 2 * * * + 2μ(k) " (D.8a) # ∆t vr (k) vr (k − 1) * * * + μ(k) *** + ∆r k + 21 k − 12 2 * * * − λ(k) + μ(k (D.10) On peut réécrire en r = 0 les équations (V.6) : ∂vr
∂σr
,
r
(0,
t) = (3λ(0) + 2μ(0)) (0, t) − λ(0) + ∂t ∂r ∂σθ,θ ∂vr (0, t) = (3λ(0) + 2μ(0)) (0, t) − λ(0) + ∂t ∂r v ( 1 )−v (− 1 ) 2 ∂T μ(0) β(T ) (0, t) 3 ∂t 2 ∂T μ(0) β(T ) (0, t) 3 ∂t (D.11a) (D.11b) 2v ( 1
)
r 2 r 2
r
2
r
=
r, par symétrie sphérique. Au final, La discrétisation de ∂v ∂r (0, t) donne : ∆r on obtient alors les équations discrétisées au point central suivantes, où les variables vr et σ sont de nouveau des vecteurs numériques :
t 2vr (0) * * * ∆r σr,r (0) = σr,r (0) + (3λ(0) + 2μ(0)) 2 * * * − λ(0) + μ(0) β0,m (T (0, m + 1) − T (0, m)) 3 σθ,θ (0) = σr,r (0) D.2.3 (D.12a) (D.12b)
Remarques Les pas de discrétisation spatial ∆r et temporel ∆t ont été présentés indépendamment l'un de l'autre. Or la méthode FDTD employée impose une condition de stabilité liant ces deux Méthode FDTD paramètres, la condtion CFL (Courant, Friedrichs et Lewy) : t ≤ ∆tmax = √ ∆r 3 cmax (D.13) où cmax est la vitesse du son la plus grande mise en jeu, en l'occurence celle dans l'or dans nos simulations (cs,g
∼ 3250 m.s−1 ). Le choix de ces paramètres se fait en commençant par poser ∆r. D'un point de vue élastodynamique, il est admis qu'une simulation est correcte si le pas de discrétisation est au minimum 10 fois plus petit que la longeur d'onde du signal résultant [Bossy, 2003]. Puis ∆t est déterminé en conséquence à partir de la condition CFL en posant ∆t = 0.99∆tmax. En pratique le choix de ∆r a été plus complexe dans nos simulations du fait de l'adjonction du problème de discrétisation du champ de température. Le pas spatial a alors été déterminé empiriquement en observant la convergence des solutions vers un signal stable à mesure que le pas est réduit. De plus afin d'éviter des artefacts de signal ce pas a été choisi de sorte que le rayon de la nanosphère d'or en soit un multiple : Rs = n × ∆r. Ainsi l'interface or-eau tombe sur un noeud du maillage spatial. Toutes les équations discrètes présentées jusque là sont compatibles avec une implémentation sur un langage de type langage C/C++, où les éléments d'un vecteur v de longueur n sont notés : v(i) tel que i ∈ [0, (n − 1)]. Il importe de noter alors qu'une implémentation dans un autre langage tel que Matlab (langage utilisé au cours de cette thèse), nécessite une réécriture des équations. En effet dans ce langage les éléments d'un vecteur v de longueur n sont notés : v(i) tel que i ∈ [1, n]. Nous montrons ici un exemple de cette réécriture dans ce langage sur l'équation(D.9) :
∆t 2 (σr,r (k + 1) − σr,r (k)) * * * vr (k) = vr (k) + ρ(k + 1) + ρ(k) ∆r *** + ∆t ∆r k − 1 2 (σr,r (k + 1) − σθ,θ (k + 1) + σr,r (k) − σθ,θ (k)) (D.14)
où les variables discrètes (k, m) sont reliées aux variables continues (r, t) par la relation : x = (i − 1) × ∆x. Dans ce cas le point centrale de contrainte est le point : σ(1).
Annexe E Publications et communications E.1 Publications dans des journaux internationaux à comité de lecture
1. A. Prost, A. Funke, M. Tanter, J-F. Aubry and E. Bossy, "Photoacoustic-guided ultrasound therapy with a dual mode ultrasound array", Journal of Biomedical Optics, 17(6), 061205, 2012. 2. A. Prost, O. Simandoux, J. Gateau, and E. Bossy, "Influence of nanoscale temperature rises on photoacoustic generation : discrimination between optical absorbers based on nonlinear photoacoustics at high frequency", Photoacoustics (submitted, arXiv :1309.7079). 3. A. Prost and E. Bossy, "Photoacoustic sensing of gold nanospheres : from linear to non-linear generation in the thermoelastic regime", Physical Review E (en préparation, soumission prévue fin mars 2014). E.2 Conférences internationales en tant qu'orateur
1. A. Prost, J.M. Chassot, M. Pernot, E. Bossy, "Photoacoustics to guide and monitore ultrasound therapy" ACOUSTICS 2012 - Nantes France - April 23-27 2012 2. A. Prost, O. Simandoux, E. Bossy, "Non-Linear Generation of Photoacoustic Signals from Gold Nanospheres in the Thermoelastic Regime" ECBO - Munich Germany, May 12-16 2013 3. A. Prost, E. Bossy, "Numerical modelling of photoacoustic generation by metallic nanoparticles : source extension and thermoelastic based non-linearities" IEEE?UFFC, Pragues Republique Tchèque, July 21-25 2013
E.3 Conférences internationales en tant que co-auteur
1. A. Prost, O. Simandoux, E. Bossy "Photoacoustic generation by gold nanospheres in the nanosecond regime : from the individual nanoparticle to ensembles of nanoparticles.", 166 Annexe E. Publications et communications 3rd International Symposium on Laser Ultrasonics and Advanced Sensing, Yokohama, Japan, June 25-28 2013. 2. A. Prost, O. Simandoux, J-M. Chassot, E. Fort and E. Bossy, "Photoacoustic microscopy of tissue lesions induced by high-intensity focused-ultrasound", Acoustics 2012, 163rd meeting of the Acoustical Society of America, 8th meeting of the Acoustical Society of China, Honk-Kong, 13-18 May 2012.
E.4 Conférences nationales en tant qu'orateur.
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Zenghou Yi bianzhong carillon du Marquis Yi du Royaume Zeng), Pékin, Jincheng chubanshe. 467 (Le 468 Index Anyougong 48 Baomingsi Ming 82, 83, 84, 170-171, 184, 349, Avalokiteśvara (voir Guanyin) Bacheng miaoyu sengni zongce Baoshisi Badachu 余 263, 407 Badamiao 407 (Fuxian, Shaanxi), Temple de 310 baiba sanmei 310 baiba yuchi baozhong 253, 305-306, 318, 320 bazhengdao baiba fannao 310 baibazhong 309 Baidaishan 319 339 bei'e 乙, fronton de stèle 73, 75 Beijingshi wenwuju Bi Jing, tigre blanc 392-393, 395 54 173 bianzhong, carillon 9, 43, 47, 66, 425 Bingmasi, Maréchaussées, 181 Bingzhangju 245 baihu 《 la chambre précieuse 63, 64 38, 52 baidian, Temple de la protection des, Arsenal du palais 183 Bixia yuanjun, Princesse des nuages azurés 39, 42, 88, 328 Bailinsi 78, 79, 86, 185 Baiyunguan Biyunsi, Monastère des nuages blancs 40, 153, 184, 186, 238-239, 249250, 256-257, 305-307, 312, 321, 326, 239, 263, 279-280, 285 Bohe 400-401 bois sonores (bang 386 Banchansi, Temple du Précieux Chan bol sonore (qing 274, 276 bao zhaishi, Temple des nuages azurés 74, ) 248, 362, 370, 378, 397 ) 69, 99, 121, 184, 190, 194, 201, 245, 246, 248, 249, 250, 251, 279, 280, 281, 307, 308, 309, 323, 328, 345, 322 346, 404, 406, 409, 421 Baodi 214-215 469 Bore boluomiduo xinjing 代, Cheng'ensi Sûtra du coeur 94, 96, 156, 263 botang 仝 faveurs 220 321 Chengfu cunzhi bouddha Amitâbha Chenghuang, Chenghuangmiao Caishen, Dieu de la richesse 39 choujie, bibliothèque monastique Cihuisi Ciren huangtaihou 412 Cirensi 372, Longue rivière 218, 237, 413, chanzhong Cisheng huangtaihou 亡 247, 309, 311 253 170-171 Cité interdite 27, 34, 35, 49, 51, 55, 174, 253, 272, 344, 364, 366, 371, 373, 375, 378, 416 367 chaozhong clochette (ling 367 ) 10, 46, 121, 250, 278, 279, 369, 378, 397 269 Chen Renxi Corbin, Alain 10-12 333 Chen Yuanlong Cheng Jiyi 170-171, Cishou huangtaihou 368 chapeng 估, Temple de la compassion et de 184, 219, 220 Chanlin xiangqi jian chaogu 170-171 la bienveillance 415 420 chao, Temple de la compassion et de la sagesse 91, 242 Changhe, proclamation des résultats des examens du palais 364, 367 art campanaire 10, 43, 54, 66, 73 changchao 322 chuanlu campanologie 10 Cao Xuequan 交 325 chongyang jie 369 cangjingge 住, Temple du Dieu de la ville (Gu'an) 158 gendarmerie 387-388, 396 付, Dieu de la ville 39 Chenghuangmiao (Liangxiang) 261 Bujard, Marianne 21, 22, 27, 38, 41, 100 Bujun tongling yamen, Monographie du village de Chengfu 271, 327, 338 92, 225-230 bouddha Sâkyamuni 92, 147, 327, Cai Shengge, Temple recevant les Cuiweishan 310 cymbales (nao 82 263, ba ou cha 246, 248, 250, 354 470 ) 121, 245, dachao 367, 372 Dacheng Dadu Dazhongsi (Musée des cloches) 7, 8, 54-55, 68, 96, 360, 396 380 de Certeau, Michel 292-293 213, 354 Dafangguangfo huayan jing, Sûtra de la guirlande de fleurs 95 dengji 372 Deshengsi, Temple de la victoire (Shunyi) 69 dagui 328 dahun, « grand mariage » 372-373 dhāraṇī 82, 93-94, 95, 100, 145, 148, 154, 156Dajuesi (Baodi) 214-215 來 Dajuesi dianzhong, Temple du grand éveil 86, 172 dali yi 157, 225-230, grande controverse sur les rites Ditan 251-252, Autel de la Terre 47, 85, 335 住 39, 92, 147, Dizang 333 Daogaoxuandian Dong'an 257 Daojingchang, Imprimerie des textes Dongyuemiao Dashizhi Dawen dongzhong 223 daxing huangdi Doushuaisi, Temple de la grande 406, 409 240, Temple des ermites 282 Dayunlun qingyu jing 修, Sûtra de Duan Fuyu 208 duanwu jie 交 325 Duchenghuangmiao, Temple du Dieu de la ville de la capitale 259, 390 la pluie 338 251-252, 263, 309-313 386-388 Duan Hui la grande roue du nuage pour obtenir dazhong 丈 346 Du Lin (voir Dayinchanlin) Dayinchanlin, Temple du tuṣitāḥ (Shangfangshan) 69, 184, 322, 336, 349, prospérité 393-395 傑, Sanctuaire tuṣitāḥ (Shangfangshan) 410 341-343 Daxinglongsi 406 Doushuai chanlin 409-410 Dayin'an 321 Douquanyan? 92 Daxiong baodian, Temple du Pic de l'est 40, 257, 259, 326 taoïstes 173, 218 Daqing yitongzhi 216, 380, 381, 385 edao 471 315 Emeishan 244 Ersheng'an Fazangsi ershisi yamen 47, 376 espace sacré 14-20, 22, 24, 25, 29, 297, 348, 389, 405, 421-423, 425, 428-430, 432, 433, 434 Fa'an 323, 325, Temple des deux saints (Yuquanshan) 314, 420, 住, Temple du trésor du dharma Feng Qi 279 Feng Ruoyu 398-399 Feng Youjing Fengtian 409 (act. Shenyang) 306 Fengtiandian 209, Salle du mandat céleste 372 Fahaisi, Temple de la mer du dharma (Shijingshan) 82, 83 faju 246 371 281, bannières brodées 245 fanbai, Temple du Phénix planant (Huairou) 253 Fengxiandian, Salle des sacrifices aux ancêtres 48, 49 278 fanchai, Porte du mandat céleste Fengxiagnsi Fan Zengxiang fan Fengtianmen 代 Foding zunsheng tuoluoni 331, 333, dhāraṇī de la Victoire issue du sommet fang yankou Fangze 326 47, voir aussi Ditan fangzhang du crâne du Bouddha 94 Foshuo Amituo jing d'Amithâba prêché par le Bouddha 94,, abbé 87, 220, 304, 307, 308, 96 420 salle de l'abbé 242, 270, 419 Fanjingchang, Imprimerie des textes bouddhiques tibétains 172-173, 218 fanzhong Fu Jiu 187 Fucha Dunchong Fude'an 45, 52, 60-66, 68, 71, 73, 77, 79, 81, 85, 86, 91, 93, 95, 98, 99, 101, 290 Faure, Bernard 17, 208 fawu 246 Fayuansi, Temple de la source du 292, Temple de la Bénédiction et de la vertu 236 Fukang'an gai 357, dais 245 Gan Jiang dharma 40, 82, 175, 177, 262, 270, 314, 391, Sûtra Gan Xi 205-206 205 Gan Yunquan 472 349 Gan Yunyuan 324 Guanghuigong Bienveillance (Chengfucun) 327 丁 384 Gao Jiheng Gaoliangqiao, Temple de l'Ample Guangjisi 413, Monastère du secours universel (Fuchengmen neidajie) 159, gāthā 91, 99, 105, 106, 107, 109, 134-139, 139- 249, 286, 314, 416-420 143, 145, 146, 148, 149, 152, 153, 154Guangquansi 156, 261, 278, 311, Temple de la source étendue (Xishan) 346 Geng Tun 176-177 guanjiang 、 Geyun zhong les nuages 162, 289, 291-292 Gong Nai 181, Cloches éloignées dans Guanshiyin pusa pumen pin, Chapitre de la Porte Universelle du 儀 283 Gong'anju Bodhisattva Avalokiteśvara 94, Bureau de la Sécurité Guanshiyin (voir Guanyin) publique (Beiping tebie shi) 53 Guanyin Gongbu 39, 208, 327, 328, 405, Ministère des travaux publics Gugong bowuyuan, 181, 197, 253, 394 gongde Gui E Gongdesi 170, Temple des mérites (Qinglongqiao) 214, 336, 346 Guo Pu 382 420 gongs (luo ) 337, 376 Guo Shi gongyi 179 Guojia tushuguan Gu Bangying Guoli Beiping yanjiuyuan 288 Guanghuasi, Beiping 57-58, 249, 250, 264, 270, 273 住 219, Empereur Guan 39, 92 Guangdong xinyu 二 Institut national de recherche de 丙 172 guanban dazangjing 、 僖, Bibliothèque nationale de Chine 56-57, 186 Goossaert, Vincnet 16, 22, 41, 321 Guandi, Musée du Palais 51 87 Gu Dayong - 204, Temple de la conversion Guozijian gutou 313 haichaoyin Haihuisi universelle 186, École impériale 40 278, Temple de l'assemblée (des saints) vaste comme la mer 177 Halbwachs, Maurice 348, 427 473 Han Siwei 317 Huangcheng Hanjingchang, Imprimerie des textes bouddhiques chinois 161, 172, 217-219, Huangsi (voir Ville imépriale), Temple lamaïste du Jaune 328 huangzhong 51 286 Hanlinyuan, Académie Hanlin 50, 382 Hanmaozhai, Maison des belles-lettres Huayansi (Zhiran hutong) 75-76, 274-275 Huguo tianxiangong abondantes 57 He Yudu hesi 258 332 Huguosi 且, Temple de la protection de l'État 39, 42, 238, 243, 256, 390 43 Hong Zhaomao 215 Hong'enguan, Temple des Immortels célestes protégeant l'État 285 hewa zhong, Temple d'Avatamsaka, Temple de la Grande faveur (Niangniangmiao hutong) 268269 huiguan 僖 42, 178 Huikuan 339 huishou 179 Huiyun chanlin Hongqiao'an, Ermitage du pont rouge 411, Sanctuaire Chan des nuages de la sagesse 407-408 Huoshenmiao Hongrensi, Temple d'immense bonté 328 (Di'anmen wai dajie) 259, 326 一 73 huozhu Hongshansi, Temple d'immense, Temple du Dieu de feu Igarashi Kenryū 306 bienveillance 224, Hongxue yinyuan tuji 266-267, Impératrice douairière Li huangtaihou) 311 hongzhong Hu Maoqing 伊 Hu Ying 伊 huandu 400 365, 403 391 398-399 341 Jehol (Rehe ) 382 Ji Yingzhong ji 321 Huang Jingren Huang Xun Isangga 253 420 (voir gāthā) jiacheng 380 Jiang Yikui jiaosi 474 98, 286-287 333 (voir Cisheng jiasha wen 60 Jiedai'an Jingyi yuan tranquillité et de l'harmonie 162-163,, Temple de réception 289, 291 (Shangfangshan) 411 jieqi 305 jieqi 交 310, Parc impérial de la Jingyinsi, Temple de la cause pure 173- 174 Jietaisi jingzhong, Monastère de l'Estrade de la transmission des préceptes 225, 262, Jinhuo er xiangu, Immortelles du métal et du feu 203 283 jieyujia 321 Jinlu shengmu 307, Sainte Mère du fourneau d'or 93, 182, 205, voir aussi Jilesi, Temple de la joie suprême 413414 jili Zhuzhong niangniang Jinyiwei 329 Jin Xun brocart 174, 176, 377 271, 327, 328, 338 Jingang bore boluomi jing Jiuku tianzun 代 adamantine comme le diamant (ou Sûtra du diamant) 94, 96 Jingangsi, Temple du diamant ( Jishuitan) 317 jingchuang jingge Jiulong gang ] 100, 101 362 Ju Xi 100 Jueshengsi 來, Temple de la Pureté et de la joie (Wudangshan) 398 Jingshan jingtai Jingyesi 271, Temple de l'éveil des êtres 221-223, 258, 260, 288, 338-339 junji dachen Kaiyuansi 361 388, Temple de l'ère Kaiyuan (Zhengding, Heibei) 254 Kaogongji 仲 272 263 vivants 54, 162-164, 180, 217, 218,, pavillon de sûtras 254 Jinglegong 338 jiumen badian yikou zhong ] juanpeng " 401, Vénérable céleste libérateur de la souffrance 93, 150, Sûtra de la perfection de sagesse Jingbao, Garde aux uniformes de, Mémoire sur les Arts et Métiers 193, Temple du Karma pur 270- karmadana (voir weina) kejingbei 475 乙 100 Kieschnick, John 430 Linqing Ksitigarbha (voir Dizang) littérature locale (difang wenxian laba Lac Jingye 213, 216, 224, 248, 252, 256, 269, 282, 326 292, 302, 303, 325, 335, 340, 348, 361, 198 374, 380, 381, 386 Langfang 216 Liu Bowen langfang 368 Liu Fangyuan Li Dongyang Liu Lun 299, 379 Li Guangzhao 216 Liu Ruoyu Li Mengyang 336 Liu Sahe Li Xing 174 Li Yueting 57, 58 Li Zongwan Lianting Libu ] Lidai diwangmiao 416 399 Liu Xiaozu 322-323 223 Liuzi zhenyan, Temple des Longfusi 409 57 例 94 Longhuasi 288-289, Temple de l'Immense bénédiction 42, 238, 390, 395 souverains précédents 49, 258 Lin'an 208 lokapâla (voir Sida tianwang) 93 Lin Yaoyu 286-287, 309 Liulichang, Ministère des rites 47, 340, 345 ligong 備 370 Liu Yuheng 174 400-401 lichanwen 182 Liu Wengui Liu Yong 253, 287 Liang Jiugong 363 Liu Wangyun 187 Li Yu ) 21, 28, 29, 59, 69, 98, 158, 161, 180, 207, 325 Lai Hu 266-268, 311-312, 322, 336, 411, Temple de la fleur du dragon (Shichahai) 323, 349 333 Longhushan 40 Longquan'an, Ermitage de la source du 426 lingbishi 丑 190 Lingjigong dragon 407, Temple des Secours Longquansi efficaces 264, Temple de la source du dragon (Taoranting) 348-349, 351 476 longtaitou 325 Longwang lou Ming huiyao, Roi-Dragon 39, 179, 363, 405 377 - louke boshi 377 Luanyiwei, Bureau des gardes d'honneur 377, 387, 388 Lugouqiao 181 Luohouling 代 の 283 Luoyang qielan ji Ming jili 329 Mingjue 來 314, 315 mingtang 260 minren 35 mituo ta 413, 415 lunbanjiang 修 187 325 Mo Ye 205-206 Mohe'an, Temple du Mahā 279 似 Mujaku Dōchū 208 247, 310, 311 Nan Shizhong Lushan 254 Lushen, Divinité du fourneau 206 323 Nanshufang 361 Naquin, Susan 17, 21, 22, 26, 38, 39, 41, 42, 85, Mahasthamaprapta (voir Dashizhi) 159, 237, 238, 255, 325, 429 Mañjuśrī (voir Wenshu) Needham, Joseph 192 Mantra 93, 94, 99, 100, 145, 148, 154, 156 neicheng Manyue Qing Neichenghuangmiao 314-315 Miao Quansun 仔, Sûtra du と 39, 58, 88, 186, 269-270, 328 neimo 199, Administration de la Maison impériale 69 (Xizhimen), Temple de la pureté merveilleuse 75-76 今 311 Ni Wan miaoshi 390, 396 Niangniang miaoyu 240 niankuan Mileyuan, Temple de Maitreya, Département des serviteurs du Palais 181, 187, 197, 225 Neiwufu Miaoqingguan 、 Neiguanjian Lotus de la Loi merveilleuse 94, 96, 98 Miaofengshan, Temple intérieur du Dieu de la ville 273 59 Miaofa lianhua jing (voir ville intérieure) Ninghemiao (Xihuating) 186 (voir Bixia yuanjun) 84-85, 95, Temple de l'harmonie cristallisée 272 477 novice 144, 145, 146, 304, 313 Qian Kai Ogurusu Kōchō Qian Neng 176 337 285 pailou 238-239 Qian Ning 174 paiwei 67, 78, 84, 88 Qian Xiong 傑 174 Qian Ying 174 Panshan 69, 266, 280, 285 paysage sonore 11-14, 19, 23, 26, 59, 166, 224, Qianqinggong 233, 235, 287, 294, 301, 302, 306, 323,, Palais de la Pureté Céleste 50, 51 325, 335, 345, 347, 350, 353, 369, 375, 379, 389, 392, 394, 402, 404, 405, 406, Qianqingmen 371 409, 410, 412, 422, 423, 427, 430 qiaolou Peng Lishou 182 planche (bangzi ) 305, 317, Porte de la Pureté céleste, tour de garde 216, 362, 364, 380, 385 Qiaomen xiaozhong Podiyu zhenyan 乗 例, Mantra pour Qielan briser les enfers 94, 145, 156 poisson de bois (muyu ) 245, 248, 250, 251, 241 Qin'andian, Salle de la Paix impériale 55, 56, 253, 272 281 pudu 385 Qing bai leichao 326 Anecdotes classifiées des Qing 263, 363 Puhua tianzun 93, 150 Qingchengshan pulao 124, 316 71-76, 96, 101 Qingci'an Putuoshan 18, 244 Puxian pusa xingyuan pin, Temple de la pure compassion (Heiyaochang) 337, qinglong, dragon vert 392 Chapitre des Pratiques et des Voeux du Bodhisattva Samantabhadra 94-95, Puxian 交 325 qingming jie Qingshousi 92, Temple de la célébration de longévité 392-393 Puxing'an, Sanctuaire de l'immense prospérité 410 Qian Fu 176 Qian Jie 174 Qinjin huiguan 乾 僖 80-81 Qintianjian, Bureau impérial de l'astronomie 377 qinzheng 478 364 qiren, gens des bannières 35, 325 Qishouwei, Escorte des porte-étendards 376, qisu qiyu Ruyu 402 346 Salmon, Claudine 8, 99 304 Samantabhadra (voir Puxian) 余 Qiu Chuji Ruan Rang 257 [ Sancheng jiyao qinggui, Règles de pureté de l'essentiel des trois 337-338 Véhicules 152-153, 306-307 qizhen, sept Véritables 250 Sandong fengdao kejie yingshi Qizhen zan, Hymnes dédiés aux, Règlements pour la pratique du sept Hommes Véritables 129 Qu Dajun quanmen taoïsme conformément aux textes des 204 Trois grottes du canon Dongxuan de la tradition Lingbao 192, 261, ouverture en arc 357, 367 Quanzhen (école du taoïsme) 40, 143, 148, 152, 153, 156, 251, 256, 257, 266, 304, 305, 322 Rancong Sanguan 、, Trois officiers 93, 273 Sanqing, Trois purs 62, 150, 240 Sanshengyuan 419, 421 (Nanhengjie) 337 Rawski, Evelyn 334 santong Ren Yongzhen 152, 306 仲, Recherches sur Rixia jiuwen kao, Temple des Trois Saints les Récits sur les anciennes anecdotes 307, 311 Schäfer, Dagmar 192-193 Schafer, Raymond Murray 11-12, 235, 277, 292 Senglusi entendues prêt du trône 59, 93, 166,, Bureau d'enregistrement du clergé bouddhiste 38, 220 180, 213, 216, 224, 253 , 267, 284, 292, sengtang zhong 327, 336, Rixia jiuwen, Récits sur les anciennes anecdotes entendues prêt du trône 215, 266 Shang Kexi 251 176 Shang Qingshuicun Shang Zhilong 179, 185 176 Robson, James 15, 16, 17, 428 Shang Zhixin 176, 185 roi Aśoka 208 Roi Kaniṣka 110 Ruan An Shangfangshan 69, 184, 280, 284, 322, 323, 336, 349, 403, 404, 406, 409, 410, 225-226 411, 412 479 交 385, 412 shangyuan shanmen 236 僖, Bibliothèque de la capitale 56, 58, 59,, Temple des affinités bienfaisantes 91, 171 Shouhuangdian Salle des souverains défunts 48 365 Sheji 87 Shoudu tushuguan Shanyuan'an shaolao shizhu, Autel du Sol et des Céréales 47 Shuangguandimiao, Temple du Double Empereur Guan (Xisi bei dajie) Shen Defu 98, 220, 278, 343, 344, 367 Shen Deqian 221, 222, 223 Shen Wenhao Shuanglinsi 42 Shengjing (act. Taiping tianguo 16 Taipinggong, Autel du Ciel 41, 47, 49, 51, 85,, Temple de la Grande paix Tianxian (voir Bixia yuanjun) tiao'an 250 tidu taijian 乎 (Lushan) 254 Taiqinggong, Monastère de la grande pureté (Shenyang) 306 Tan Shibao 8, 99 Tan Zhenmo 323 Tanhua'an, Temple du figuier (Bei shunchengjie) 266-267 tanyue 398 87 Tanzhesi 280 Tingfanqiao tiseng, Monastère du lac et du mûrier 404 Tianchangguan, Temple de l'Éternité 410, « moine de substitution » 219-220 Tong Yanghe 176-177 Tonghuilou Tongyun 17, 159-160, 179, 283, 285, 294, 403- 380, 381, 385 261 Tsuboi Ryōhei 7-8 Tumubao zhi bian tuoyuanxing zhong 便 394 45 Ullambana (voir yulan hui) céleste 386 Tianditan Tiebao, Autel du Ciel et de la Terre ville extérieure 35, 53, 176, 178, 186, 224, 237, 238, 241, 282, 325, 337, 361, 370, 390, 332-333 397, 415 Tianfugong, Temple de la bénédiction céleste (Singapour) 64-65 Ville impériale 35, 41, 238, 368 481 ville intérieure 35, 46, 53, 58, 159, 178, 183, 238, 241, 264, 354, 362, 364, 368, 369, 371, 375, 378, 390, 396, 416, 420 74, 185 倣 110, 112, 304, 313 weina Weituo Wagner, Donald 196, 202 waicheng Wei Zhongxian 241 丘 Wenhua yichan yanjiuyuan (voir ville extérieure) 二 (Wenyanyuan), Institut de recherche waimo 199 Wang Bo sur le patrimoine culturel 57, 58 171-172 Wang Hongxu Wenshu'an extérieure) 185 283 Wang Huaide Wenshu 219 Wang Jing Wang lingguan 、 241 Wang Qishu 217 280 Wang Shizhen 349 Wang Tiqian Wang Xi 396 Wu Zuoqing Wudi ji Wumen, Temple des Cinq saints 271 Wusheng'an Wangsheng jingtu zhou 94, 225-226, Sanctuaire des cinq saints (Xinjiekou) 237, Dhāraṇ ī sur la renaissance dans la Terre Pure Wutaishan 244 Wuyue chunqiu 186 Xiangjiesi, Temple des Dix mille clartés (est du Yuetan) 253 washō, Porte du Méridien 364-367, 371- Wushenci 402 393-394 Wanmingsi, cinq métaux 192-193 375, 379 Wang Yunqing Wanhe tiechang 245 wujin 414 339 206 wugong 213 Wang Zhen 286 wuchangzhong 348 Wang Yun, Bureaux des censeurs dans les cinq arrondissements 173 Wang Yingyi 92, 138, 147, 244 Wu cheng bingmasi 357, 377 Wang Shizhen, Temple de Mañjuśrī (ville 205-206, Temple du domaine parfumé (Cuiweishan) 263 xianglu 61 482 100, 243 Xiangshan, Mont parfumé 70, 74, 159, 162, 239, 263, 280, 285, 286, 289, 323, Xiyuetan (voir Yuetan) › 263, 363, 392 Xu Ke 405, 407 Xiangshansi, Temple du Mont parfumé Xuanrenmiao l'agriculture 329 Xuantan manifestée 259 (voir Cai Shengge) Xiaozai jixiang zhou, Dhāraṇī pour écarter les fléaux [et obtenir] les 341, 343 Xie Zhen 285 Xiliucunsi 使 Xuanwumen (voir Shenwumen) Xuanzhenguan, Temple de la Vérité mystérieuse 265-266 Yajishan 258 219 Yanfasi, Temple de la propagation des dharma 84, 225-230, 431, Temple du village Liu de l'ouest 416 Xingbu Yanfugong, Temple de la Bénédiction prolongée 273, Ministère des châtiments 388 xingjiao 314 Yanshan bajing xinguan 、 174 Yao Jingchong xishan 使, collines de l'ouest (de Pékin) 25, 37, 38, 289, 404, 407, 413, 420 Xisi pailou 使 xitai Xiuyi Xiuyun xiyu 使 387 244 346 (moine) 314 190 (voir Zhenwu) Yandi jiwen 。 406 Xie Zhending, Maréchal de l'autel sombre 182 Xuantian shangdi bénédictions 94 Xiaozhuang, Temple de l'Immense bienveillance 265, Temple de la protection xianyuan junong, Temple de la bénédiction mystérieuse 172, Autel à l'Ancêtre de Xianyougong 286 Xuanfugong 280, 286, 323, 405 Xiannongtan Xu Lan yayue 286, musique rituelle solennelle 47 Yin Qian ying 381, entrecolonnement 357 yingbi 238 Yinghe 388 yinqing 322 Yinxu 91, 171 483 289 yinyangren, astrologue 377 Yongchuang xiaopin Yuanming yuan de clarté 48, 91, 289, 291, 371, 377 203 Yonghegong, Temple de la paix et de Yuanqiu 225-226, 233, 431 Yuanshi tianzun shuo beifang zhenwu miaojing, Texte 住 96-97, 218-219 Yongle beizang Yongle dazhong merveilleux du Véritable Guerrier du, La grande cloche nord prêché par le Vénérable Céleste bouddhique [de l'ère] Yongle 95-98, 160-164, 169, 180, 218-224, 258, 260, 47, voir aussi Tiantan Yuanqiu de Nankin 330-331, 373 l'harmonie 40, 78, 82, 243, 328 Yonglai, Jardin de perfection et du Commencement Originel 94, 224 yuanxiao 325 287-291, 313, 338, 347, 357-360, 396 Yongqing 216, 380, 381 Yongtaisi, Temple de la paix éternelle yuetai 240 Yuetan, Autel de la Lune 253, 329, 333, 335 213 Yongtie furen, Dame qui fait jaillir le yuezhong 66 fer 204 Yongxingsi, Temple de la prospérité Yongyoumiao yuandan Jade (Yanqing) 397-398 Yuhuangmiao yulan hui 主 405 337-338, Pavillon de l'Emper eur de, Temple de l'Empereur de Jade (Beizhengcun, Fangshan) 179 315 Yu Shenxing yu 321 Yuhuangge 214 Yu Qian, Empereur de Jade 39, 92, 93, 121, 150, 156 225 乃 youzhitang (voir Changhe), Temple du Canal impérial Yuhuang 51-52 youmingzhong ou 237, Temple de l'Éternelle protection 272 Yu Ji 作 Yuhe Yuhe'an éternelle 224 yongzhong, cloche musicale 45, 46-52, 61, yulu 326-327 316 Yumajian, Direction des chevaux impériaux 402 325 Yumuchuan 484 340 Yungutang, Salle de la consonance de Zhangzhesi l'antiquité 50 Yunjusi vénérable (Shouyangxian, Shanxi) 400401, Temple de la demeure des Zhanyou nuages 198, 319, 320 yunpai 362 404 nuages 403 Yunzhaosi, Temple couvert des nuages, Direction des objets à 279 Zhaoritan, Autel au Soleil 46, 259, 329, 333, 335, 374 Zhaoxianmiao Zeng Jian 交 323 Zhendong tiechang 44 zhengnian zhaitang 272 Zhengyi Zhang Jiayin 349 Zhenjun Zhang Jixian 316 Zhenwu Zhiguang 285 339 (école du taoïsme) 40, 257, 313 偃 283, 292, Véritable Guerrier 56, 92, 181- 183, 253, 265 173 279, Temple de la réalisation de l'éveil (Badachu) 263 330, 331, 334 Zhang Juzheng 158, 261 Zhengguosi zhaigong Zhang Yigui 382 Zheng Shanshu 409, 410, 411 Zhang Xie 186 Zheng Fumin 健 187 Zenghouyi bianzhong Zha Li, Temple de la Manifestation brillante 272 370, 371, 372, 378, 379 Zeng Chaojie 399 Zhao Zheng l'usage de l'empereur 176 zaochao 282 Zhao Kongzhang (Panshan) 266-268, 280, 285 丙 382 Zhao Huaiyu, Temple des falaises dans les Yuyongjian 314, 416, 417, 419, 421 Zhao Hongxie Yunshuidong Yunyansi, Temple du Patriarche Zhihuasi 171-172, Temple de la sagesse et de la transformation 86, 92, 154, 184, 248 Zhang Ying Zhang Yuchu Zhangyisi 347 Zhishan 316 zhizhong, Bureau de l'étiquette 48 485 220 313 Zhong Li beichang (Zhong Li laodian zhongban ) 185-186 354, 416 zhongfan 278 zhongge 67, 78 Zhou Changfa Zhu Di 223 33, 169, 222, 332 Zhu Guozhen 386 zhonggulou 325, 326 zhongyue 270 Zhongdu 313 zhongyuan 305-306, 307 zhongbantang zhongtou 健 392-396 Zhu Jian, Tours de la cloche et du 203 Zhu Quan 300, 309 tambour (de Pékin) 46, 68, 85, 180, 205, 268, 354-362, 364, 365, 368, 370, 371, 375, 376, 378, 379, 380, 386, 387, 388, 389 Zhu Yizun Zhu Yuanzhang 205, 241, voir aussi Jinlu shengmu zhonggulou (dans les temples) 111, 158, 177, Zhuzhongchang 238, 252, 254- 262, 263, 264, 265, 277, Zhongguo shehui kexueyuan kaogu yanjiusuo 仲 二 56, Bureau des cloches et des tambours 47, 376, 377 zhonghe shaoyue 47, 48, 50, 51 zhongjia 265 zhongjian, « épaule » 67, 74, 76, 77, tour de la cloche (voir zhonggulou) 67, 71, 73, 75, 96 zhongqiu jie 交 325 Zhongshen 205, Fonderie de cloches 180, 181, 182, 183, 217 284, 357, 389 Zhonggusi, Bonne mère de la fonderie des cloches 182, 183, 204, 382, 385, 386 zhongniu 47, 329 Zhuzhong niangniang zhonggulou (d'autres villes) 216, 255, 376, 379- zhonglou 215, 266, 361 zhuzuojiang 181 Zijincheng Ziru (voir Cité interdite) 403, 409 zoushi 371 Zuishengsi –, Temple de l 'exceptionnel 82-83, 86, 175-176 Zunhua tiechang zunsu zuobo 335-336 仝 321 zuoling zuoxiang zuozhitang 486 197, 202, 203 356 322 乃 321 Table des cartes et des tableaux
Cartes
Carte 1-1 : Pékin intra muros 34!
Carte 1-2 : Pékin et sa région. Tableaux
Chapitre 1 Tableau 1-1 Les cloches inventoriées à Pékin entre 1928 et 1930 53! Tableau 1-2 Dimensions et poids des cloches inventoriées en 1768 70 Chapitre 5 Tableau 5-1 Calendrier sacrificiel annuel au début des Ming 329! Tableau 5-2 Trente mille coups de cloches pendant les funérailles impériales 342! Tableau 5-3 Sonneries de cloches pendant les funérailles impériales des Qing 343 Chapitre 6 Tableau 6-1 Comparaison entre deux cloches de l'ère Yongle 359! Tableau 6-2 Les « Grands mariages » effectués
sous les Ming
et
les Qing
374! 487
Table des illustrations
Chap
itre 1
Figure 1-1 : Le carillon de Marquis Yi du
Royaume Zeng
44! Figure 1-2 : Un des trois Qin Gong bo 乾, lors de fouille en 1978 à Taigongmiao, Baoji (Shaanxi). 45! Figure 1-3 : Carillon d'or du palais impérial des Qing. 49! Figure 1-4 : Les bozhong des Qing. 51! Figure 1-5 : Les cinq Qin Gong yongzhong 乾, lors de fouilles en 1978 à Taigongmiao, Baoji (Shaanxi). 52! Figure 1-6 : Cloche du Qin'andian, 1489 55 Figure 1-7 : Les fanzhong de la famille I. 61! Figure 1-8 : Une washō. 61! Figure 1-9 : Cloche du village de Thanh Mai, 798. 62! Figure 1-10 : Les fanzhong de la famille II. 64! Figure 1-11 : Cloche du Baoshisi, 629 64! Figure 1-12 : Cloche du Tianfugong, Singapour, 1745. 65! Figure 1-13 : Les fanzhong de la famille III 65! Figure 1-14 : Les fanzhong de la famille IV. 66! Figure 1-15 : Une cloche de l'ère Jiajing. 67! Figure 1-16 : Les parties du corps d'une cloche. 67! Figure 1-17 : Le pulao d'une cloche de l'ère Zhengde. 72! 488 Figure 1-18 : Trois types de pulao comparés aux frontons de stèle. 73! Figure 1-19 : Les trois types de pulao sur les cloches de Pékin. 75! Figure 1-20 : Les dragons dans le fronton des stèles de Pékin. 76! Figure 1-21 : Les pétales de lotus avec inscriptions. 77! Figure 1-22 : Le paiwei sur la cloche du Hongluosi, 1625. 78! Figure 1-23 : Les objets de culte fondus en relief sur la cloche du Bailinsi, 1707. 79! Figure 1-24 : Les motifs décoratifs exceptionnels. 81! Figure 1-25 : Les cloches portant longues inscriptions 83! Figure 1-26 : Les calligraphes et les graveurs des inscriptions. 86! Figure 1-27 : La grande cloche bouddhique de l'ère Yongle, ca. 1420. 95! Figure 1-28 : Estampage partiel de la grande cloche Yongle
97 Chapitre 2 Figure 2-1 : Gāthā chanté au moment de sonner une cloche, inscrit sur la cloche du Fahuasi, 1461 155! Figure 2-2 : Stèle du Jueshengsi, 1734. 164 Chapitre 3 Figure 3-1 : Stèle du Zuishengsi, 1472. 175!
Figure 3-2 : Inscription partielle de la cloche du Fayuansi, 1660.
177
! Figure 3-3 : La création du moule de cloche. 200! Figure 3-4 : La méthode pour fondre une cloche de mille livres 201! Figure 3-5 : Les déplacements de la grande cloche Yongle sous les Ming et les Qing. 217!
489
Figure 3-6 : Stèle du Jueshengsi, 1746. 223! Figure 3-7 : Estampage de la cloche du Yanfasi, fondue à l'ère Chenghua et réinscrite en 1783. 230
Chapitre 4
Figure 4-1 : Le Fude'an Figure 4-2 : Le Wusheng'an Figure 4-3 : Le Yuhe'an à l'ouest de Gulou. 236! à Xinjiekou. 237! au bord de la rivière Yu. 237! Figure 4-4 : Le Yaowangmiao à la ville extérieure. 238! Figure 4-5 : Le pailou à l'entrée du Baiyunguan 239! Figure 4-6 : Le plan du Biyunsi (à droit). 239! Figure 4-7 : Le pavillon abritant la stèle impériale du Yonghegong. 243! Figure 4-8 : Les cinq objets de culte au Temple de Confucius de la préfecture Shuntian. 245! Figure 4-9 : Une plaque sonore conservée au Guangjisi 249! Figure 4-10 : La plaque sonore du Baiyunguan dessinée par Yoshioka Yoshitoyo. 249! Figure 4-11 : Les statues et les objets rituels à Laolütang du Baiyunguan, schématisés par Yoshioka Yoshitoyo 250! Figure 4-12
La Tour de la cloche du Kaiyuansi, Zhengding, Hebei, fin des Tang 255!
Figure 4-13 : La tour de la cloche du Dongyuemiao. 259! Figure 4-14 : Tour de la cloche au Jueshengsi. 260! Figure 4-15 : Tours de la cloche et du tambour au Jietaisi. 262! Figure 4-16 : Pavillons de la cloche et du tambour au Shuangguandimiao. 264! Figure 4-17 : Support de cloche au Xuanrenmiao. 265! 490 Figure 4-18 : Supports de cloche au Xuanzhenguan au Dong'anmen dajie. 266! Figure 4-19 : La cloche suspendue à un arbre dans le Tanhua'an sur la Bei shunchengjie. 267! Figure 4-20 : La cloche du Yunzhaosi dessinée par Linqing. 268! Figure 4-21 : La cloche du Hong'enguan. 269! Figure 4-22 : La cloche du Jingyesi. 271! Figure 4-23 : La cloche et le tambour suspendus dans la Tianwangdian du Yanfugong. 273! Figure 4-24 : La cloche du Huayansi. 275! Figure 4-25 : La petite cloche du Banchansi. 276! Figure 4-26 : Stèle du site « Arbres touffus et luxuriants à la Porte Ji » 290! Figure 4-27 : L'espace sonore de la grande cloche Yongle décrit par l'empereur Qianlong. 291
Chapitre 5
Figure 5-1 : La cloche Taihe de Pékin, l'ère Yongle.
332
! Figure 5-2 : Stèle du Longquansi, 1685.
351 Chapitre 6
Figure 6-1 : Stèle de la Tour de la cloche,
1747
.
355
! Figure 6-2 : La Tour de la cloche de Pékin. 358! Figure 6-3 : La cloche de la Tour de la cloche. 359! Figure 6-4 : L'ancienne cloche de la Zhonglou. 360! Figure 6-5 : La Porte du Méridien 366! Figure 6-6 : Stèle du Gulou de Tongzhou, 1549. 383! Figure 6-7 : Stèle du Huiyunsi, 1721. 408! 491 Figure 6-8 : Stèle du Guangjisi, 1699.
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λ/5n=0.310μm Puissance totale (u.a.) 1.15E+047 1.10E+047 λ/25n 1.05E+047 λ/20n λ/15n 1.00E+047 λ/10n=0,155μm 9.50E+046 λ/30n=0.052μm 9.00E+046 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35
Discrétisation ∆x Figure 80 : Variation de la puissance totale rayonnée par un dipôle dans un milieu d'indice optique n=1, en fonction de la discrétisation
On observe la diminution de la puissance totale rayonnée avec celle de la discrétisation. Or a priori, il ne devrait pas y avoir de variation de la puissance totale émise en fonction de la discrétisation. Toutefois, on remarque que la variation relative de la puissance est de l'ordre de ~20%. Par ailleurs, l'évolution observée montre que la valeur de la puissance tend à se rapprocher « asymptotiquement » d'une puissance constante autour de PR=9.25e46 u.a. Cette valeur pourrait être considérée comme plus proche de la réalité. En fait, en diminuant la discrétisation l'erreur commise sur le calcul de la puissance diminue aussi. Pour les calculs FDTD, on prend une discrétisation usuelle de λ/10n=155nm. Cela signifie que l'erreur relative est de 5% par rapport PR. 203 Lors des calculs de facteur de Purcell par la méthode directe, les erreurs relatives se simplifient (calcul du rapport des puissances).
3. Conclusion
A travers cette étude nous validons le calcul de la puissance rayonnée par la méthode FDTD et par suite le calcul du facteur de Purcell par la méthode « directe » présentée dans le chapitre 2. 204 Références bibliographiques (Annexe A) [113] J-P Pérez et al. « Electromagnétisme, Fondements et Applications », MASSON SCIENCES, DUNOD, 4ème Edition 2002. [114] J. Vuckovic & al. "Optimization of three
dimensional micropost microcavities for cavity quantum electrodynamics", PRA, 66, 023808 (2002). Annexe B Champ lointain
Dans cette annexe, nous allons rappeler quelques éléments théoriques permettant de déterminer la capacité d'un mode de Bloch en Γ à se coupler au continuum d'états des modes radiatifs. Nous rappellerons donc les propriétés qui expliquent le rayonnement ou dans les cas du cristal photonique 2D membranaire infini et fini latéralement. Puis, nous présenterons quelques considérations sur le traitement numérique des images de diagramme de rayonnement. Nous aborderons la notion de fenêtrage et de padding.
1. 1.1. Rappel théorique sur le contrôle du diagramme de rayonnement Cas du CP infini
Pour un CP2D de taille latérale infinie, l'allure du diagramme du rayonnement d'un mode en Γ dépend des symétries du champ dans une seule cellule élémentaire du CP. Pour un mode qui se couple en Γ, le calcul de l'intégrale de recouvrement entre une onde plane en incidence normale et les composantes (pondérées par la distribution de la constante diélectrique) du champ électromagnétique associées au mode de Bloch est non nulle. Le diagramme de rayonnement de ce type de mode devrait présenter une parfaite directivité dans la direction verticale. Pour un mode qui ne se couple pas en Γ, l'intégrale de recouvrement du mode du CP et des modes radiatifs I est nulle, le couplage est alors interdit pour k// nul (en Γ exactement). On se trouve dans le cas où théoriquement le mode siège de manière infini dans le CP, et son facteur de qualité est donc infini. Pour un mode ne se couplant pas en gamma, le diagramme de rayonnement ne présente aucune émission dans le demi-plan hors membrane. Pour connaître l'émission d'un mode dans le cas du CP infini, on présente sur la figure suivante une méthode qualitative permettant de prévoir le couplage ou non en Γ à partir de l'étude des cartographies du champ. Si l'on étudie des modes en polarisation TE dans le cas d'un cristal membranaire (resp. TM) on examine la composante Hz du champ (resp. Ez). Ce raisonnement est valable partout dans l'espace réciproque sauf exactement au point Γ. Pour comprendre cela, il suffit de considérer une onde plane incidente sur le CP se propageant dans la direction z, elle n'aura aucune composante Hz sur l'axe z (ceci est en accord avec la définition d'une OP). Donc, on ne peut étudier le couplage du mode de Bloch avec une onde plane exactement en Γ et on ne peut utiliser seulement la distribution de la composante Hz. Pour connaître le couplage exactement en Γ, il faut donc regarder les composantes Ex et Ey en polarisation TE (resp. Hx, Hy en polarisation TM). Le champ de l'onde plane se propageant selon z, polarisée indifféremment selon x ou y est donc uniforme dans un plan (x,y) pour un z quelconque. Si l'intégrale de recouvrement de la distribution de champ électrique sur une cellule élémentaire avec le continuum des modes radiatifs est nulle alors le mode ne pourra pas se coupler. Si l'intégrale est différente de zéro, alors le mode pourra se coupler. Sur la Figure 81 suivante, on représente les deux cas.
Pour un mode qui ne se couple pas en Γ
Pour un mode qui se couple en Γ Ex Ex -comp -comp H H z-comp z-comp Ey Ey -comp -comp Sur une maille élémentaire : pour Ex et Ey, il y a autant de lobes (+) que de lobes (-). I=0 208 Sur une maille élémentaire : pour Ex et/ou Ey, il y n'y a plus le même rapport de lobes (+) et de lobes (-). I≠0
Figure 81 : Cartographies de champs du mode monopolaire (à gauche) et dipolaire (à
droite). Ces deux modes de Bloch sont situés au point Γ dans un CP2D infini de maille graphite, calculés avec MPB. A gauche, le mode ne se couple pas au point Γ, à droite il se couple. Remarquons qu'au point Γ, dans le cas des modes dégénérés le couplage est a priori possible avec une onde plane se propageant selon z. En effet, dans ce cas il y a un mélange des composantes dégénérées qui conduit à une intégrale de recouvrement non nulle. Les deux cas présentés ici correspondent à des situations fictives où le cristal photonique est infini latéralement. Cas du CP2D de taille finie
Dans un cristal photonique de taille latérale finie, la répartition du champ est modulée par une fonction enveloppe. Celle-ci soumise à des conditions d'existence dans la cavité (voir chapitre 2, champ lointain). A une cellule élémentaire du CP, il faut donc rajouter ces conditions d'existence pour connaître le diagramme de rayonnement du mode de Bloch.
Conditions d'existence du mode de Bloch en cavité
Le cristal photonique latéralement fini est l'analogue d'une cavité. Le champ r électrique En,kr d'un mode de Bloch est indexé par le numéro n de la bande dans le diagramme de r dispersion et le vecteur d'onde k, et il vérifie l'équation d'onde suivante : (Equ. 35) 2 r r r r ω r r r n ∇ × (∇ × En,kr (r )) =
ε
(
r
) En,kr
(
r )
c
r
Où ε ( r ) représente la fonction diélectrique du CP. Le théorème de Bloch nous permet d'écrire les différents modes de champ électrique sous forme : (Equ. 36) r r r r r r rr En,kr (r ) = un,kr (r )eik.r rr Les un,kr (r ) possèdent la même périodicité que le cristal photonique. Les eik.r décrivent la propagation du mode dans la structure [115]. Nous supposons le confinement comme une perturbation du "potentiel" périodique et le mode confiné comme une perturbation du mode de 209 Bloch dans un CP infini. Le champ électrique du mode perturbé dans un CP fini peut être exprimé par : (Equ. 37) r r r r r r E (r ) = ∑
∫ Wn (k ).Enkr (r )dk n r
Avec Wn (k ) des fonctions « d'expansion » du mode dans l'espace de Fourier. Si l'on néglige l'interaction entre les différentes bandes du cristal photonique (comme nous étudions un mode non dégénéré isolé spectralement), le champ électrique d'un mode peut être écrit comme une superposition de modes de Bloch du cristal photonique [116] : r r r r r r E (r ) = ∫ W (k ).Ekr (r )dk (Equ. 38) r où Ekr est le mode de Bloch du cristal photonique infini au point k (ci-dessus). Dans la référence suivante [117], on montre que si F(r) est la transformée de Fourier inverse de W(k), alors F(r) est la fonction enveloppe du mode : (Equ. 39) r r r
r
r
r
r
rr r E
(
r ) = F (r )ukr (r ) avec F (r ) = ∫ W (r ).eik.r dk
La fonction enveloppe apparaît comme la modulation des fonctions de Bloch du cristal. La transformée de Fourier de la fonction enveloppe F(r) nous donne accès à la décomposition en modes de Bloch du mode de la cavité. La fonction enveloppe doit satisfaire les conditions aux frontières de la cavité, que l'on peut écrire dans une dimension de la manière suivante : (Equ. 40) k (ω0 )
L = pπ − φr
(
ω0 )
Avec p un entier, L est la longueur de la cavité, ω0 la fréquence de résonance du mode de cavité, φr la phase à la réflexion sur les frontières de la cavité. Si on suppose φr nulle, on peut relier les dimensions dans l'espace réel aux dimensions dans l'espace réciproque : (Equ. 41) 210 k (ω0 ) = p π L La condition d'existence du mode de Bloch dans une cavité à CP est donc donnée par cette dernière équation qui traduit la quantification du vecteur d'onde du mode dans une structure de dimensions latérales finies. On pourra se référer à [118] pour le formalisme de la fonction enveloppe.
2. Considérations sur le traitement d'images 2.1. Fenêtrage
Le fenêtrage joue un rôle important dans l'interprétation du diagramme de rayonnement. En effet, le diagramme d'émission peut être fortement modifié selon le fenêtrage choisi. Les signaux réels utilisés en physique sont souvent traités de façon numérique. Pour cela, il est nécessaire d'échantillonner le signal, c'est-à-dire de connaître les valeurs des champs réels et complexes sur la surface S choisie (cf. le chapitre 2) à proximité du cristal photonique (en champ proche) et contenant toute l'information nécessaire pour calculer le diagramme de rayonnement. Ce plan S étant inévitablement fini, le bord de la fenêtre de calcul (dans l'espace réel) est donc systématiquement tronqué. On ne connaît pas les valeurs des champs à l'infini et elles apparaissent bien sûr comme négligeables et inconnues au-delà de la fenêtre. Par ailleurs pour le calcul, il faut limiter le nombre de points à mémoriser. Cela revient à tronquer les signaux numériquement calculés par FDTD. Le fait de tronquer un signal peut notablement affecter son spectre (transformée de Fourier du signal). La conséquence principale est que les pics s'affaissent et s'élargissent Mais cela dépend de la méthode de troncation c'est-à-dire de la fenêtre de pondération ou d'apodisation choisie. On peut privilégier soit la résolution (largeur des pics), soit la mesure (hauteur des pics). Ainsi, on multiplie un signal e(xi,yj) connu (les valeurs des champs réels et complexes) sur toute la surface S par cette fenêtre h(x,y). On étudie donc un signal tronqué : eh(t) = e(xi,yj)h(x,y) ; en passant dans le domaine fréquentiel via une transformée de Fourier (TF), on obtient le produit de convolution (fx,fy)
= S(fx,fy) * H(fx,fy), où H(fx,fy) est la TF de la fenêtre. 211 Voici quelques exemples de fenêtrages : Fenêtrage Blackman Fenêtrage
Hamming Fenêtrage de Hann Représentation schématique de l'effet de l'un des fenêtrages précédent sur le mode dans la cellule de calcul FDTD
Fenêtrage Mode Membrane à CP Altération du mode
Figure 82 : Exemples de fenêtrages usuels : Blackman, Hamming, Hann. Représentation schématique de l'influence du fenêtrage sur
un
mode optique.
Les différents fenêtrages représentés ici semblent similaires. Leurs différences résident principalement par la « largeur à mi-hauteur » et leur annulation en bord de fenêtre. Par exemple le fenêtrage de Hanning filtrera plus les composantes émises à grand angle (par rapport à la normale du plan (x,y)) que le fenêtrage de Hamming ou de Hann. Dans le cas de fenêtres non rectangulaires, le spectre aura donc des lobes latéraux affaiblis (atténuation du « bruit »). Cependant, toute atténuation des lobes latéraux entraîne un élargissement du pic central et donc une perte de résolution en fréquence On a donc le choix entre des raies fines mais parfois difficiles à séparer du « bruit » (fenêtre rectangulaires) et des raies nettement séparables mais grossières (fenêtre de Kaiser-Bessel, Blackman-Harris). Les fenêtres de Hann et de Hamming constituent un cas intermédiaire entre les deux précédents (les secondes sont préférables aux premières pour la résolution en fréquence). 212 Pour notre cas on considère que l'évolution des amplitudes des champs présents dans la cellule de calcul FDTD est entièrement contenue dans la largeur de la fenêtre : la fenêtre rectangulaire permet de conserver tout le signal sans la moindre altération. Les deux autres types de fenêtres vont, en revanche, conduire à la perte d'une grande partie de l'information (comme indiqués dans le tableau précédent). Par contre, l'amplitude des champs est non négligeable en bord de cellule de calcul FDTD (son enveloppe), la fenêtre rectangulaire conduit à des discontinuités spatiales et donc à une altération du spectre. On adaptera donc le fenêtrage suivant à l'allure du mode et de son enveloppe dans la cellule de calcul FDTD. Dans le cas qui nous importe dans ce travail de thèse, le mode confiné dans une hétérostructure photonique est localisé relativement loin des bords de la cellule FDTD.
Diagramme d'émission en fonction du fenêtrage Rectangulaire Blackman Figure 83 : Diagramme d'émission du mode monopolaire confiné dans une cavité à hétérostructure photonique selon un fenêtrage rectangulaire (à gauche) et Blackman (à droite). 2.2. Augmentation de la résolution de l'image par l'ajout de zéros (zeropadding)
Nous avons vu que le diagramme de CL lointain peut être réalisés par le calcul de la transformée de Fourier sur les composantes de champs réelles et complexes. Pour augmenter la résolution des images de diagrammes de rayonnement, il est possible de recourir à un artifice numérique : on augmente le nombre d'échantillons sur lesquels on applique la transformée de Fourier sur les composantes de champs. Pour ce faire, on ajoute une matrice de zéros autour de la cellule de calcul FDTD, comme indiqué sur la figure suivante. C'est que ce que l'on appelle un « padding ». On a donc une image plus grande sur laquelle on peut appliquer la transformée de Fourier. En effet, plus on ajoute de zéros au signal d'entrée spatial L (longueur de la cellule par exemple), plus on augmente N le nombre d'échantillon, plus on allonge N*L, la période spatiale du signal et plus on diminue le pas fréquentiel 1/NL.
Figure 84 : représentation schématique 3D de la cellule FDTD entourée d'un padding.
Dans notre cas nous avons décidé d'imposer un padding de 1024 points pour avoir une résolution suffisante de l'affichage (Figure 84 précédente)..
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Contribution à l’étude de méthodes alternatives pour la caractérisation de l’environnement électromagnétique d’une chambre réverbérante à brassage de modes
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En élevant au carré le module de chacune des composantes du champ électrique, on obtient l'équation 2.22 :
|Ex |2 = Ex2 = 4|ET |2 cos2 (θ) sin2 (kz cos θ) |Ey |2 = Ey2 = 4|ET |2 sin2 (kz cos θ) |Ez |2 = Ez2 = 4|ET |2 sin2 (θ) cos2 (kz cos θ) © 2016 Tous
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. (2.22)
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2.3. Distribution du champ électromagnétique dans une CRBM39
Sachant que chaque onde plane porte la même quantité d'énergie, l'énergie moyenne en un point de la CRBM est calculée sur l'angle solide, on peut montrer que pour f une fonction quelconque du champ électrique qui peut être dénie par la relation suivante [26] : Z 1 hf (θ, φ)i = dΩf (θ, φ) 2π Z 2π Z π 2 1 dφ dθ sin θf (θ, φ) = 2π 0 0 (2.23) avec θ l'angle d'incidence de l'onde, Ω est l'angle solide et φ l'azimut. Dans cette condition, θ ne peut prendre que des valeurs entre 0 et π/2, donc l'énergie moyenne est intégrée sur l'angle d'incidence θ et exprimée par : Z hf (θ)i = π 2 f (θ) sin θdθ (2.24) 0 Dans cette condition, en appliquant la relation (2.24), on a pour toute composante Ex, Ey et Ez. Z π 2 2 |E h|Ex,y,z |2 i = x,y,z | sinθdθ (2.25) 0 d'où, Z π h|Ex |2 i = h4|ET |2 i 2 cos2 θ sin θ sin2 (kz cos θ)dθ 0 Z π h|Ey |2 i = h4|ET |2 i 2 sin θ sin2 (kz cos θ)dθ 0 Z π h|Ez |2 i = h4|ET |2 i 2 sin3 θ cos2 (kz cos θ)dθ (2.26) 0
Après calcul de ces intégrales nous obtenons :
1 sin(2kz) 1 1 sin(2kz) + − cos(2kz) h|Ex | i = h4|ET | i − 6 2 2kz (2kz)2 (2kz) 1 1 sin(2kz) h|Ey |2 i = h4|ET |2 i − 2 2 2kz 1 1 sin(2kz) 2 2 h|Ez | i = h4|ET | i + − cos(2kz) (2.27) 3 (2kz)2 (2kz) 2 2
Ces relations montrent qu'il y a bien une corrélation entre champs dans le VDT et champs sur les parois. Examinons les 2 cas limites : Sur les parois lorsque z → 0. loin des parois lorsque z → l'inni.
©
2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 2.4. Relations entre les champs dans le VDT et à proximité d'une paroi 40
2.4 Relations entre les champs dans le VDT et à proximité d'une paroi
Sur la Figure 2.10 nous avons montré les composantes Ex et Ey qui sont parallèles à la paroi et la composante Ez qui y est normale. Figure 2.10 Représentation des composantes du champ sur une paroi
Compte tenu de l'hypothèse de la répartition de l'énergie entre les modes TE et TM et les conditions aux limites sur les parois, on est contraint de considérer la composante tangentielle totale : h|Etan |2 i = h|Ex2 |i + h|Ey2 |i 2 |i = h|Ez2 |i, soit les relations (2.28) : et la composante normale h|Enor 2 sin(2kz) 1
sin(2kz
)
h|
E
tan | |i = h4|ET | i − + − cos(2kz) 3 2kz (2kz)2 (2kz) 1 1 sin(2kz) 2 2 h|Enor | |i = h4|ET | i + − cos(2kz) (2.28) 3 (2kz)2 (2kz) 2 2
2.4.1 Grande distance de la paroi
Loin des parois, c.à.d. dans le VDT pour lequel kz ≥ 1, on applique un développement asymptotique sur les relations (2.28), et on obtient le résultat suivant : 1 h|Etan |2 i = h|Enor |2 i = h4|ET |2 i (2.29) 3 La relation (2.29) ne traduit que l'hypothèse initiale sur l'uniformité de l'énergie et d'isotropie dans le VDT sur un tour de brasseur.
2.4.2 Proximité de la paroi
A proximité de la paroi, le terme (kz) est petit devant 1, ce qui autorise un développement limité de premier ordre sur les fonctions sin(2kz) et cos(2kz) © 2016 Tous droits réservés.
lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 2.5
. Conclusion
41
soit :
(2kz)3 sin(2kz) = 2kz − +... (2.30) 3! (2kz)2 +... (2.31) cos
(2
kz)
=
1
− 2!
En remplaçant le sin
(2k
z
)
et
cos(2kz)
dans
les équations (2.28), nous
obtenons donc
au voisinage des parois les relations : h|Etan |2 i = 0 (2.32) 2 h|Enor |2 i = h4|ET |2 i 3 (2.33)
La relation (2.33) montre que la valeur quadratique moyenne de la composante normale du champ sur une paroi est le double des composantes du champ dans le VDT. De plus, les équations (2.32) et (2.33) soulignent bien le caractère anistropique attendu de l'énergie à proximité de la paroi sur laquelle les deux composantes tangentielles du champ électrique sont nulles.
2.5 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons établi les expressions analytiques des champs (en valeur quadratiques moyennes) dans une CRBM à partir d'un modèle qui ne tient compte que d'une paroi. Les résultats sont identiques à ceux obtenus par Hill et Dunn au premier ordre. La contribution des autres parois traitée par ces deux auteurs n'est pas étudiée ici en raison de l'application envisagée. Les relations indiquent (à condition de respecter les hypothèses employées) qu'une mesure de la puissance sur une paroi au moyen d'un monopole ou un dipôle court, est équivalente à une mesure de cette puissance dans le VDT. Dans le chapitre suivant, nous allons valider cette approche par des confrontations expérimentales et théoriques. © 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr
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,
Lille 1, 2016 Chapitre 3 Validation expérimentale © 2016 Tous droits réservés
. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.1. Introduction 44
3.1 Introduction
Nous avons présenté dans le chapitre 2 le développement analytique des valeurs quadratiques moyennes des composantes du champ électrique au voisinage d'une paroi de la CRBM. Nous avons ainsi établi qu'il existe une forte corrélation entre les valeurs des composantes du champ électromagnétique dans le volume de test et leurs valeurs au voisinage des parois et donc qu'une mesure de puissance sur une paroi peut être équivalente à une mesure dans le VDT. Partant de ces résultats analytiques, nous présentons dans ce chapitre une étude comparative des composantes du champ électrique mesurées à l'intérieur du volume de test et sur des parois au moyen de capteurs de champ large bande de type monopole et dipôle. Après avoir décrit les dispositifs expérimentaux, nous présentons dans un premier temps, les résultats de mesure de puissance reçue par un dipôle dans le VDT et près d'une paroi confrontés aux résultats théoriques. Dans un second temps, nous présentons l'analyse statistique de données recueillies ponctuellement dans le VDT et près d'une paroi. Ces campagnes de mesures permettent d'apprécier dans quelle mesure, la puissance recueillie sur les parois reète, d'un point de vue statistique, l'environnement électromagnétique dans le VDT. Une confrontation qualitative des fonctions cumulatives CDF expérimentales avec les lois statistiques théoriques attendues est ensuite entreprise. Enn, une comparaison entre les mesures d'uniformité dans le VDT suivant la procédure normalisée [3] et celles réalisées avec un dipôle près d'une paroi est présentée. 3.2 Description des dispositifs de mesure
Les résultats expérimentaux présentés sont issus des mesures réalisées dans la CRBM installée au laboratoire de l'IEMN (gure 1.1) dont les dimensions sont : 5.6 m × 4 m × 2.8 m (correspondant à un volume de V ≈ 60 m3 ). Ce qui permet de réaliser des mesures à partir de la fréquence de fonctionnement de la chambre estimée autour de 225 MHz. Cette fréquence est issue des critères d'uniformité de la norme EN 61000-4-21, comme cela a été exposé dans le chapitre 1. Comme cela a déjà été dit dans le chapitre 1, la norme [3] préconise que ce volume de test doit être situé à une distance minimale de λ/4 (à la fréquence la plus faible) des parois de la CRBM ainsi que du brasseur de modes, an de limiter leurs inuences. Durant les mesures, nous avons utilisé : un analyseur de réseau (Rhode et Schwarz ZVA24) (gure 3.1) fonctionnant dans une bande de fréquence 10 MHz 24 GHz.
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3.2. Description des dispositifs de mesure
Figure 45 3.1 Système de mesure avec Analyseur de réseau vectoriel (VNA)
Les mesures de puissance avec l'analyseur de réseau se feront par l'intermédiaire des paramètres de transmission S21. Ces paramètres correspondent au rapport entre la puissance injectée au port 1 d'entrée et la 2 ). puissance mesurée au port 2 de réception(plus exactement S21 Dans le cas des mesures de champ électrique avec une sonde de champ triaxiale, un générateur de type HP83620A (gure 3.2) est utilisé et connecté à l'antenne d'émission pour fournir la puissance requise. Figure 3.2 Système de mesure avec un générateur RF
3.2.1 Les antennes en émission et en réception
Les mesures seront eectuées de 300 MHz à 6 GHz. La fréquence de 6 GHz est imposée par la bande passante du mesureur de champ. La fréquence basse de 300 MHz vient d'une part de la fréquence basse utilisable de la chambre et d'autre part de la bande passante des antennes d'émissions. De ce fait, nous © 2016 Tous droits réservés. lilliad
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3.2.
Description des
dispositifs de mesure 46 utiliserons deux antennes pour injecter l'énergie nécessaire dans la chambre en fonction de leur bande passante pour couvrir la totalité de la bande de fréquence étudiée : une antenne log-périodique sera utilisée pour couvrir une bande de fréquence 300 MHz à 3 GHz (gure 3.3). une antenne cornet double ridge de 3 GHz à 6 GHz(gure 3.4).
Figure © 2016
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3.3 Antenne log-périodique lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.2. Description des dispositifs de mesure
Figure 47 3.4 Antenne cornet
Pour réduire le plus possible un éventuel couplage direct entre les antennes en émission et en réception, les deux antennes sont orientées vers deux angles opposés de la chambre. Les principales caractéristiques des antennes d'émission étant rappelées, le paragraphe suivant présente les caractéristiques des capteurs permettant de recevoir le champ électrique au voisinage des parois et dans le volume de test d'une CRBM. 3.2.2 Les capteurs de réception 3.2.2.1 Sonde de champ triaxiale
La sonde de champ triaxiale utilisée est de type HI6105 (gure 3.5). Elle est composée de trois monopoles dirigés suivant les trois axes mutuellement orthogonaux et fonctionne dans la bande de fréquence 100 kHz 6 GHz. Elle permet de mesurer le module des trois composantes de champ électrique ainsi que le module de champ total ET. © 2016 Tous droits réservés.
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3.2. Description des dispositifs de mesure
Figure 48 3.5 Sonde de champ triaxiale
Comme le montre la réponse en fréquence de la gure 3.6, la sonde présente quelques résonances entre 4 GHz et 6 GHz. Nous n'utiliserons donc la sonde de champ lors des mesures que dans la bande de fréquence 300 MHz à 3 GHZ.
Figure 3.6 Caractéristique de la réponse en fréquence de la sonde
3.2.2.2 Sonde de courant surfacique
Des investigations préliminaires mettant en ÷uvre divers types de capteurs de champ ont été réalisées pour mesurer les puissances du champ électromagnétique dans le VDT et sur les parois de la CRBM. Le F-97 (gure 3.7) est une sonde de courant de surface qui permet de réaliser des mesures des courants circulant sur les surfaces. Elle permet de travailler dans la bande de fréquence 10 MHz à 1,5 GHz. Le fonctionnement de ce capteur est basé sur la caractérisation de la distribution du courant de surface. © 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.2. Description des dispositifs de mesure 49
Des expériences réalisées dans la CRBM de l'IEMN ont montré qu'il existe une corrélation entre les mesures de puissance eectuées dans le VDT au moyen d'une antenne log-périodique et des mesures réalisées avec ces capteurs de courant surfacique sur les parois [37].
Figure Figure CRBM 3.7 Photo du capteur de courant de surface 3.8 Capteurs de courant de surface positionnés sur une paroi de la
Cependant, l'utilisation de ces capteurs sur les parois de la CRBM s'est avérée très dicile. En eet, comme nous montre la gure 3.8, des supports étaient nécessaires à chaque positionnement de la sonde de courant sur la paroi pour éviter que les câbles ne puissent perturber les mesures. De plus, les mesures sont dicilement reproductibles car ces capteurs sont composés de boucles magnétiques qui captent le champ H pour donner ensuite une information sur le courant de surfaces. De ce fait, ils sont plus sensibles aux variations des composantes de H qu'à celles du champ électrique E.
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3.2.
Description des dispositifs
de mesure
Figure 50 3.9 Impédance de transfert
[38] Et enn, comme le montre la gure 3.9, ce capteur n'est pas adapté à des mesures large bande.
3.2.2.3 3 Dipôle court
Un dipôle court (gure 3.10) est une antenne laire dont la longueur des brins métalliques est très petite devant la longueur d'onde ( 2hd ≤ λ/4). Figure 3.10 Schéma d'un dipôle court
Il est constitué de deux câbles coaxiaux, placés côte à côte, dont à chacune de leurs extrémités, l'âme centrale est dénudée et recourbée à 90 degrés. Ces deux extrémités des brins sont laissées en circuit ouvert et chaque brin a une longueur de 1,5 cm (considéré électriquement court jusqu'à 2,5 GHz) dans le cas de nos mesures (gure 3.11). © 2016 Tous droits réservés.
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3.2. Description des dispositifs de mesure
Figure 51 3.11 Dipôle avec coupleur hybride
Ils sont rigoureusement symétriques et alimentés au centre. Pour maintenir une symétrie, il faut interposer un balun entre le dipôle et le câble coaxial relié au récepteur. Un balun ou symétriseur permet de passer d'une ligne asymétrique à une ligne symétrique comme dans le cas de notre dipôle. Cette transformation est nécessaire car l'entrée du dipôle est bilaire tandis que presque tous les connecteur des appareils hautes fréquences sont coaxiaux. Si cette précaution n'est pas prise, le couplage exercé par le blindage du câble peut sérieusement perturber les mesures [39, 40]. Dans le cas de notre étude, nous choisissons comme balun un coupleur hybride 180◦ de bande passante de 30 MHz à 3 GHz. Ce sont des dispositifs à 4 ports dont l'un est refermé sur son impédance caractéristique. La gure 3.12 montre le diagramme fonctionnel du capteur. Les conducteurs sont reliés au coupleur à travers les ports C et D qui sont déphasés de 180◦. Le port B est relié au récepteur à travers un câble coaxial.
Figure ©
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. 3.12 Diagramme fonctionnel lilliad.univ-lille.fr
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3.2. Description des
dispositi
fs de mesure
52
3.2.2.4 Monopole
Un monopole court est constitué d'un élément rayonnant de longueur très petite devant la longueur d'onde (h ≤ λ/4), posé perpendiculairement sur un plan de masse (gure 3.13).
Figure 3.13 Schéma d'un monopole avec un plan de masse
Dans notre étude, l'élément rayonnant est réalisé à partir d'un câble coaxial semi-rigide de longueur 10 cm et dénudé sur l'une de ses extrémités sur une longueur de 1,5 cm (gure 3.14 ).
Figure 3.14 Monopole avec un plan de masse
Le monopole est l'âme centrale du câble coaxial semi-rigide traversant le plan de masse (de dimensions 20 cm × 17 cm) à travers un trou de diamètre 5 mm environ (gure 3.15). Le choix de la dimension du monopole est en relation © 2016 Tous droits réservés.
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Position du problème
53
étroite avec la bande de fréquence dans laquelle nous voulions caractériser le champ électrique sur les parois. La bande de fréquence considérée ici est 300 MHz à 3 GHz ou le monopole est considéré électriquement court et 3 GHz à 6 GHz, supposé électriquement long.
Figure 3.15 Monopole avec un plan de masse
Dans le cadre de notre étude qui consiste à caractériser le champ électrique sur les parois, les monopoles présentent certains avantages par rapport aux dipôles : une simplicité de mise en ÷uvre sur les parois des CRBM. pas besoin de symétriseur à l'entrée. simple à réaliser. encombrement réduit et faible interaction avec l'équipement en test. Considérant l'équivalence dipôle symétrique et monopole sur un plan de masse, le monopole sera privilégié pour son adaptation parfaite sur les parois de la CRBM. De plus dans cette disposition, le plan de masse pourra être considéré comme inniment grand. Cependant dans la phase actuelle qui est consacrée à des comparaisons de mesures dans le VDT et sur la paroi, l'usage du dipôle symétrique s'est révélé nécessaire an de valider le développement analytique établi dans le chapitre 2. Les mesures avec un monopole sur un plan de masse ne permettent pas de distinguer les résultats entre le VDT et sur les parois. En eet dans le VDT, le plan de masse du monopole se comporte localement comme une paroi. De ce fait, ce monopole ne peut mesurer que la composante du champ parallèle à l'axe du monopole.
3.3 Position du problème
Nous proposons dans ce chapitre une vérication expérimentale de la corrélation entre la réponse d'un dipôle court placé dans le VDT et celle du même dipôle disposé près d'une paroi, puis une confrontation avec les formules analytiques. Les observables que nous serons amenés à étudier seront les variations © 2016 Tous droits réservés.
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3.4. Expression de la puissance moyenne reçue par un dipôle court placé dans une CRBM. 54 des puissances moyennes ou maximales reçues par un dipôle de longueur totale 2hd = 3 cm sur un tour de brasseur en fonction de la fréquence injectée par la source. Avant de commencer les mesures, déterminons l'expression de la puissance moyenne du champ électrique mesurée par ce dipôle dans une CRBM. 3.4 Expression de la puissance moyenne reçue par un dipôle court placé dans une CRBM. On considère un dipôle électriquement court représenté sur la gure 3.16 et constitué de deux ls inniment minces dont la longueur totale est considérée électriquement petite ; 2hd ≤ λ/4 et diamètre d. Le dipôle est illuminé par un champ électrique ; Ei représente la composante de champ incident parallèle au dipôle.
Figure 3.16 Schéma électrique équivalent d'un dipôle en réception
Le circuit équivalent du dipôle en réception est donné par le schéma électrique de la gure 3.16. A partir de ce circuit, la puissance Pr mesurée aux bornes de ce dipôle par un dispositif de mesure d'impédance d'entrée Ze peut alors s'exprimer par la relation (3.1) suivante en espace libre : Ze |Vr |2
Pr
= =
h2ef
|E
i
|
2 Ze
(
Ze
+ Zd )2 (3.1) Où Vr est la tension aux bornes de l'impédance Ze du récepteur et Zd l'impédance interne du dipôle. hef est la hauteur eective du dipôle qui vaut hef = hd pour un dipôle électriquement court. Pour un dipôle court, de longueur 2hd << λ/4 et supposé inniment mince, l'impédance Zd est dominée par celle de la capacité Cd du dipôle. ©
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3.4. Expression de la puissance moyenne reçue par un dipôle court placé dans une CRBM. En eet, on peut écrire que : Zd = Rd + 55 1. jCd ω où
Rd est la résistance de rayonnement du dipôle. L'application
de la théorie des lignes permet d'attribuer à Cd l'expression suivante [43] : Cd = hd πε0 4hd log d (3.2) 10−9 Avec ε0 = (F/m). 36π Par ailleurs, la résistance de rayonnement de ce dipôle court, peut être donnée par la relation (3.3) [47] : Rd = 80 πhd λ 2 (3.3) Avec λ la longueur d'onde. Pour se faire une idée sur l'ordre de grandeur de l'impédance de la capacité devant celle de rayonnement, nous avons rassemblé dans le tableau 3.1 les valeurs prises par ces deux paramètres à 3 fréquences. Ces valeurs correspondent à un dipôle de longueur total 2hd = 3 cm, de diamètre d = 0,93 mm et la valeur théorique de Cd est de 0,099 pF.
Fréquence (MHz) Rd (Ω) 1/Cd ω (Ω) Table 300 1000 2000 0.18 2 8 5648 1694 847
3.1 Résistance de rayonnement du dipôle
On voit bien que pour cette zone de fréquence jusqu'à 2 GHz, la résistance de rayonnement est très petite devant l'impédance de la capacité du dipôle. On peut conclure que l'impédance du dipôle est purement capacitive. Par ailleurs, l'impédance d'entrée du dispositif de réception Ze = 50 Ω (ce qui est notre cas) peut être considérée aussi négligeable devant l'impédance d'entrée Zd du dipôle : 1 ≈ Cd2 ω 2 (Ze + Zd )2 (3.4) La puissance moyenne reçue par ce dipôle est déterminée en intégrant sur tous © 2016 Tous droits réservés.
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3.4. Expression de la puissance moyenne reçue par un dipôle court placé dans une CRBM. 56
les angles d'incidence θ : Z π 2 P sin θdθ hPr i = r 0 = h2d Ze (Ze + Zd )2 Z π 2 |E |2 sin θdθ i
(
3.5)
0 Finalement, la puissance moyenne reçue par le dipôle, mesurée aux bornes du récepteur Ze, s'exprime par la relation 3.6 suivante : (
3.6
)
h
Pr i = h2d Ze
Cd2
ω 2
h|ET |2
i où ET correspond à l'amplitude du champ total dans le VDT. Dans les paragraphes suivants, nous présentons les résultats de mesure de la puissance reçue par un dipôle dans le VDT et sur une paroi confrontés aux formules analytiques établies dans le chapitre 2. La validation expérimentale est eectuée au moyen d'un dipôle électrique symétrique de longueur totale 2hd = 3 cm, qu'on peut considérer comme électriquement court jusqu'à 2,5 GHz (à 2,5 GHz, λ = 12 cm donc 2hd ≤ λ/4). Ces expériences sont réalisées à l'aide d'un analyseur de réseau et la puissance injectée est xée à 0 dBm. Pour caractériser les propriétés du champ électromagnétique sur les parois, nous allons essentiellement mesurer la puissance moyenne reçue par le dipôle sur un tour du brasseur. Les équations (2.28) du chapitre 2 que nous rappelons ci-dessous sont en fonction de l'amplitude ET du champ total. h|Ex,y |2 i = h|Etan |2 i 1 2 sin(2kz) + = h4|ET | i − 3 2kz (2kz)2 2 sin(2kz) − cos(2kz) (3.7) (2kz) (3.8) h|Ez |2 i = h|Enor |2 i = h4|ET |2 i 1 1 + 3 (2kz)2 sin(2kz) − cos(2kz) (2kz)
L'exploitation de ces formules (3.7) et (3.9) nécessite la connaissance de la valeur quadratique moyenne h|ET |2 i du champ électrique total. Donc nous allons évaluer cette quantité à partir de la puissance d'émission P0 et des pertes d'insertion moyennes hPins i de la chambre. Nous avons vu dans le chapitre 1 que les pertes d'insertion peuvent être déterminées en considérant la valeur moyenne de la puissance hPr i, sur un tour du brasseur, soit : hPins i = © 2016
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hPr i P0 (3.9)
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3.4
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Expression de la puissance moyenne reçue par un dip
ôle
court placé dans une CRBM. 57
En appliquant la relation établie dans [20, 44], on peut exprimer la valeur quadratique moyenne du champ total par l'équation (3.10) suivante : h|ET |2 i = hPr i 8πZ0 λ2 (3.10) avec Z0 l'impédance de l'onde plane (Z0 =377 Ω) et λ la longueur d'onde. En associant les équations (3.9) et (3.10), l'expression de la valeur quadratique moyenne du champ total s'exprime par : h|ET |2 i = hPins iP0 8πZ0 λ2 (3.11) Une formulation analytique permettant de calculer l'évolution des pertes d'insertion d'une CRBM en fonction de la fréquence peut s'écrire sous la forme de l'équation 3.12 [20] : hPins i = 10 log 1 α + β.f 2.5 (3.12) α et β sont des coecients caractéristiques de chaque chambre réverbérante qui peuvent être estimés à partir de mesures des pertes d'insertion en fonction de la fréquence. Une étude réalisée sur l'installation de la CRBM de l'IEMN a permis d'établir ces coecients : α = 9.6 β = 10−21 (Hz −2.5 ). Finalement, il sut de remplacer hPr i dans l'expression (3.9) puis dans (3.10) pour obtenir : h|ET |2 i = hPins iP0 8πZ0 λ2 (3.13) Cette expression sera utilisée pour l'évaluation théorique de la puissance moyenne reçue par le dipôle dans le VDT et près d'une paroi de la CRBM : dans le volume de test, cette expression est alors introduite dans l'équation (2.29) puis équation (3.6) pour donner l'équation suivante : hPr i = 3h2d Ze Cd2 ω 2 h|Ex,y,z |2 i (3.14) avec h|Ex,y,z |2 i = h|Ex,y |2 i = h|Ez |2 i de la même façon, près des parois l'équation (3.13) est introduite dans l'équation (2.33) puis l'équation (3.6) pour obtenir la relation suivante :
hPr
i
=
(2/3)h2d Ze Cd2
ω 2 h|Ez
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lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 58 3.5 Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi
3.5.1 Dipôle électrique dans le VDT
Une première campagne de mesures a été menée en utilisant un dipôle de longueur 2hd = 3 cm et placé dans le VDT à une distance de 55 cm de la paroi considérée (ici le sol) d'une CRBM, comme le montre la gure 3.17.
3.17 Antenne dipolaire : (a)Orientation parallèle et (b)Orientation perpendiculaire Figure
Dans cette sous section, nous proposons de vérier l'uniformité(en fréquence) et la propriété d'isotropie du électrique dans le VDT à l'aide du dipôle, an de montrer que la puissance mesurée ne dépend pas de l'orientation de ce capteur. La bande de fréquence étudiée va de 300 MHz à 2 GHz. La puissance injectée sur l'antenne d'émission est P0 = 0 dBm. Les résultats sont donnés pour 90 pas sur un tour de brasseur. Pour ce faire, nous avons réalisé des mesures de puissance moyenne et maximale sur un tour de brasseur en fonction de la fréquence pour deux orientations du dipôle : parallèle et perpendiculaire à la paroi considérée. La gure 3.18 présente les puissances moyenne (Pmoy ) et maximale(Pmax ) reçue par le dipôle disposé dans le VDT pour les deux orientations parallèle (a) et perpendiculaire (b) du capteur. On observe que la diérence entre les spectres des puissances moyenne et maximale est proche 8 à 9 dB, quelle que soit l'orientation du dipôle.
© 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 −20 −20 −30 −30 −40 −40 Puissance,dBm Puissance,dBm 3.5. Corrélation entre pu
issance
du signal dans
le VDT et au voisinage d'une paroi −50 −60 −70 Pmoy Pmax −80 −50 −60 −70 Pmoy Pmax −80 (a) −90 −100 59 (b) −90 500 1000 1500 Fréquence,
MHz −100 2000 500 1000 1500 Fréquence, MHz 2000 Figure 3.18 (a)-Dipôle disposé parallèlement à la paroi ; (b)Dipôle placé perpendiculairement à la paroi −20 −20 −30 −30 −40 −40 −50 −50 Pmax, dBm Pmoy,dBm
Ce qui correspond à l'écart observé dans une CRBM à partir de la fréquence minimale de fonctionnement qui est ici environ 225 MHz. Ce résultat montre une bonne cohérence avec des mesures obtenues sur des antennes adaptées [45]. Sur la gure 3.19-(a), on superpose les puissances moyennes de la gure 3.17 (a) et (b). De même pour la gure 3.19-(b) sont représentées les puissances maximales de la gure 3.17(a) et (b). avec : Ptg : puissance parallèle à la paroi Pn : puissance normale par rapport à la paroi −60 Ptg −70 Pn −80
−
60 Pt
g −
70 P
n −
80 (a)
−
90 −100
Figure (b) −90 500 1000
1500
Fréquence, MHz 2000 −100 500 1000 1500 Fréquence, MHz 2000
3.19 (
a
)
-Puissance
m
oyenne
;
(b)-Puissance
maximale On peut conclure que l'orientation du dipôle par rapport à la paroi n'a aucun © 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de
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gueh
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3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 60 eet sur le résultat des mesures. Sur la gure 3.20, nous avons superposé les résultats des puissances moyennes estimées à partir des relations (3.14 et 3.15) et les résultats expérimentaux issus de mesures avec le dipôle dans le VDT pour les deux orientations. On peut observer une très bonne concordance entre les courbes expérimentales et théoriques. −20 −20 −−−−−−−− Calcul ____ Mesure −40 −50 −60 Ptg −70 Ptg −80 (a) −90 −100 500 −−−−−−−− Calcul ____ Mesure −30 Puissance moyenne, dBm Puissance moyenne, dBm −30 1000 1500 Fréquence, MHZ −40 −50 −60 Pn Pn −70 −80 (b) −90 2000 −100 500 1000 1500 Fréquence, MHZ 2000
3.20 (a)-Puissance moyenne mesurée et calculée en orientation parallèle à la paroi ; (b)-Puissance moyenne mesurée et calculée en orientation perpendiculaire à la paroi considérée Figure −20 −−−−−−−− −− Calcul
_______ Mesure −30 Puissance moyenne, dBm −40 −50 −60 Ptg −70 Ptg Pn Pn −80 −90 −100 400 600 800 1000 1200 1400 Fréquence, MHZ 1600 1800
2000 3.21 Puissances moyennes mesurées et calculées dans le VDT pour les deux orientations du dipôle par rapport à la paroi considérée
Figure © 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 61
La gure 3.21 regroupe les tracés expérimentaux et théoriques de la puissance moyenne en fonction de la fréquence et pour les deux orientations du dipôle. Ce résultat montre également que quelle que soit l'orientation du dipôle dans le VDT, nous obtenons des caractéristiques qui sont sensiblement identiques sur un tour de brasseur en fonction de la fréquence. En eet, ceci montre les propriétés d'homogénéité et d'isotropie du champ électrique dans le volume de test d'une CRBM sur un tour du brasseur dans la bande de fréquence considérée. Cela démontre que pour ce type de caractérisation, le dipôle est tout à fait adapté. Au vu de ce résultat, seconde campagne de mesures a été réalisée pour étudier l'inuence de la distance entre le brin du dipôle et une paroi de la CRBM. 3.5.2 Relation entre la puissance mesurée dans le VDT et sur une paroi métallique (sol) de la CRBM
Dans cette partie, nous allons comparer les puissances moyennes sur un tour de brasseur mesurées et calculées (3.14 et 3.15) dans le VDT et celles obtenues près d'une paroi de la CRBM sur un tour de brasseur. 3.22 dipôle perpendiculaire à la paroi ; (a) 55 cm de la paroi et (b) 5 mm de la paroi. Figure La paroi considérée pour ces mesures est le sol de la CRBM. La gure 3.22 présente les diérentes congurations du dipôle dans la CRBM. Le dipôle est placé dans le VDT à 55 cm de la paroi. Ensuite le dipôle est placé successivement perpendiculairement puis parallèlement près d'une paroi à une distance d'environ 5 mm. Les diérents graphiques ci-après présentent les résultats obtenus.
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3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 62 −20 −−−−−− −− Calcul
______ Mesure Puissance moyenne, dBm −30 −40 −50 −60 Pvdt Pvdt Pn−paroi Pn−paroi Ptg−paroi Ptg−paroi −70 −80 −90 −100 400 600 800 1000 1200 1400 Fréquence, MHz 1600
1800
2000
3.23 Regroupement des puissances reçues dans le VDT et près d'une paroi pour les deux orientations Figure Pvdt correspond au cas
où le dipôle est placé dans le VDT. Pn−P aroi correspond au cas où le dipôle est perpendiculaire près de la paroi (5 mm). Ptg−P aroi correspond au cas où le dipôle est parallèle près de la paroi (5 mm). Les résultats des mesures de puissance moyenne dans le VDT (courbe rouge) et près d'une paroi (courbe verte) en orientation perpendiculaire sont quasiment identiques à ceux issus des relations analytiques (3.15) en pointillés (gure 3.23). En revanche, dans le cas où le dipôle est parallèle à la paroi, des dissemblances sont à noter entre les valeurs expérimentales (courbe marron) et théoriques (courbe en pointillée) estimées par la relation (3.14). La puissance moyenne reçue Ptg−P aroi, sans être strictement nulle, reste néanmoins plus faible environ 20 dB quela puissance normale Pn−paroi. En eet, l'inuence du câble de mesure ainsi que l'interaction paroi/dipôle qui est plus marquée dans cette conguration, peuvent être à l'origine des divergences observées d'autant plus que les puissances mesurées sont faibles. Sur la gure 3.24, on représente les résultats expérimentaux et après calculs dans le cas du dipôle dans le VDT et près d'une paroi ; pour une orientation normale à la paroi. On peut observer que les composantes perpendiculaires à la paroi, mesurées dans le VDT et près d'une paroi pour les deux distances (respectivement courbes bleue et verte de la gure 3.24) présentent la même caractéristique sur toute la bande de fréquence explorée, avec un écart moyen de 3 dB ± 1 dB comme prévu par le calcul théorique (courbes en pointillés). Il est à noter que l'expression complète (équation 2.28) engendre des oscillations sur les courbes
© 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.5.
Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi
63 théoriques. Dipole disposé dans
le VDT et sur
la paroi
−
40 Paroi −45 3 dB 3 dB −50 Pmoy, dBm V
DT
−55 −60
−
65
−70
400
600 800 1000 1200 1400 Fréquence, MHz 1600 1800 2000 3.24 Puissances moyennes reçues dans le VDT et près d'une paroi(orientation perpendiculaire à la paroi considérée) Figure De plus, ceci est mis en évidence par la gure 3.25 qui représente l'écart entre la puissance moyenne (courbe jaune) mesurée dans le VDT et celle mesurée près d'une paroi (orientation perpendiculaire à la paroi considérée), comparée à la valeur référence de 3 dB (courbe bleue). ©
2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016
3.5. Corrélation entre
puissance du signal dans le VDT et au
voisinage d'une paroi
64 10 Ecart Pmoy 3 dB 5 Pmoy, dB 3 0 −5 −10 200 400
Figure
600 800 1000 1200 1400
Fréquence,
MHz 1600 1800 2000
3.25 Écart entre les puissances moyennes
Ces résultats expérimentaux conrment le caractère anisotrope de l'environnement électromagnétique de la CRBM au voisinage de la paroi dans la bande de fréquence considérée, démontré aussi par le calcul analytique. De plus, dans le cas d'une orientation normale à la paroi du dipôle, la puissance moyenne mesurée près de la paroi est bien le double de celle mesurée dans le volume de test comme prévu par le calcul présenté dans le chapitre 2. Dans le paragraphe suivant, nous nous intéressons à vérier la limite spatiale de cette corrélation. 3.5.3 Évaluation de la limite de la zone uniforme
Nous nous sommes intéressés à la répartition des puissances moyennes en fonction de l'éloignement de la paroi, suivant l'axe longitudinal (OZ), et ce, pour deux orientations (normale et tangentielle à une paroi de la CRBM ) du dipôle, comme nous montre la gure 3.26. Le dipôle est placé sur un morceau de bois de longueur 2 m et de largeur 20 cm que nous avons soigneusement gradué d'un pas de 1 cm an de déplacer le dipôle horizontalement (l'axe OZ sera supposé l'axe de déplacement) sur toute la longueur. Le support de bois est xé sur un banc de hauteur de 0.7 m an de s'éloigner de l'inuence de la paroi constituée par le sol. Nous utilisons le même protocole que pour les mesures précédentes. © 2016 Tous droits réservés.
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3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi
Figure 65 3.26 Description de la conguration de mesure
Les courbes (a) et (b) de la gure 3.27, montre un exemple de la répartition des puissances moyennes à proximité d'une paroi à 700 MHz pour deux orientations du dipôle. Les courbes verte et rouge correspondent respectivement aux mesures de la puissance moyenne des composantes tangentielle et normale, en fonction de la variable longitudinale Z réduite en λ. Les courbes verte et rouge en pointillés représentent les résultats des calculs (équation 3.14 et équation 3.15) des puissances moyennes des composantes tangentielle et normale. On rappelle que Pn et Ptg représentent les puissances moyennes normale et tangentielle respectivement. © 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 66 −45 Pmoy, dBm −50 −55 Orientation: Parallèle à la paroi −60 Ptg−Calcul −65 −70 Ptg−Mesure (a) −75 −80 0 0.2 0.4
z/λ 0.6
0.8
1 −
48
Orientation: Perpendiculaire à la paroi Pmoy,dBm −49 −50 Pn−calcul Pn−Mesure −51 −52 (b) −53 −54 0 0.2 0.4 z/λ 0.6 0.8 1 3.27 Exemple de répartition des puissances en fonction de la distance paroi/dipôle à F =700 MHz Figure
Un bon accord peut être globalement observé entre les puissances mesurées et calculées. Cependant, un petit décalage peut être observé entre les composantes normales mesurées et calculées (gure 3.27-(b)). Ce dernier vient de toute la diculté d'assurer l'orthogonalité de l'élément rayonnant du dipôle par rapport à la paroi. Les caractéristiques (a) et (b) de la gure 3.27 des puissances moyennes sont superposées et portées sur la gure 3.28. Ce résultat montre deux zones :
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−
65 −70
−
75
−80 0 0.1 0.2 λ /4 0.3 0.4 0.5 z/λ 0.6 0.7 0.8 0.9 1 3.28 Exemple de répartition des puissances en fonction de la distance paroi/dipôle à F =700 MHz Figure lorsque z ≤ λ/4, la puissance moyenne
tangentielle reste très petite par rapport à la puissance moyenne normale. en revanche pour z ≥ λ/4, on observe une convergence entre les deux caractéristiques. Ces résultats montrent bien le caractère anisotrope des champs électromagnétiques dans une zone comprise entre la paroi et environ λ/4. Plus on s'éloigne de la paroi, plus les composantes tangentielle et normale tendent évidemment vers la même valeur, indiquant ainsi l'introduction dans la zone uniforme (VDT). Pour valider ces résultats, nous avons travaillé à d'autres fréquences (gures (3.29) et (3.30)), soit : Les courbes vertes représentent les valeurs du rapport < Ptg > / < Pn > issues des mesures. Les courbes en pointillés correspondent aux calculs à partir des relations (3.14 et 3.15). Les résultats expérimentaux et issus des calculs sont très similaires et ne laissent apparaitre qu'un faible écart, qui peut être dû aux conditions de mesure et à leurs incertitudes.
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10 5 0
<Ptg>/<Pn>, dB −
5 −10 Calcul −15 Mesure 700 MHz −20 −25 −30 −35 (a) −40 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 z/λ 0.6 0.7 0.8 0.9 1 10 5
<Ptg>/<Pn>, dB
0 −5 Calcul −10 Mesure 1380 MHz −15 −20
(b) −25
−
30
0 0.2 0.4 0.6 0.8
z / λ 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 3.29 Exemple de répartition du rapport des puissances en fonction de la distance paroi/dipôle à F=700 MHz, 1380Mz, Figure © 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 69
10
5 <Ptg>/<Pn>, dB 0 −5
Calcul Mesure −
10
1720 MHz −15 −20 (a) −25 −30 0 0.5 1 1.5 z/λ 2 2.5 10 <
P
tg>
/<
Pn>, dB 5 0 −5 Calcul Mesure −10 2400 MHz
(b) −15 −20 0 0.5 1 z/λ 1.5 2 2.5 3.30 Exemple de répartition du rapport des puissances en fonction de la distance paroi/dipôle à 1720MHz et 2400MHz Figure
Ensuite, nous limitons l'analyse aux résultats obtenus uniquement avec la fréquence 2400 MHz. L'analyse de la gure 3.31 montre : © 2016 Tous droits réservés.
lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.5. Corrélation entre puissance du signal dans le VDT et au voisinage d'une paroi 70
5
<Ptg / Pn>, dB 0 −5 Calcul
Mesure
2400 MHz −10 −15 −20 0 λ /4
λ
/3
λ
/2
0.5 1 z/λ 1.5 2 2.5 3.31 Répartition du rapport des puissances en fonction de la distance paroi/dipôle à F= 2400MHz
Figure 0 < z < λ/4, dans cette zone, la puissance moyenne tangentielle est très petite devant la puissance moyenne normale (Ptg << Pn ). La puissance présente une forte anisotropie qui laisse présager que dans cette zone, les variations rapides de l'énergie rendent vaine la recherche d'une quelconque uniformité. à z'λ/4, < P n >=< P tg >, indique l'entrée dans le VDT λ/4 < z < λ/3, le rapport des puissances oscille autour de 0 dB avec un maximum d'écart vers λ/3. Au- delà de λ/2, l'isotropie est assurée à ± 1 dB. D'après ces analyses, nous pouvons conclure que d'une part, ces résultats sont utiles pour dimensionner les capteurs de champ (dipôle ou monopole) à installer près des parois, d'autre part, ils peuvent aussi servir à aner la limite de la zone de test (VDT) en fonction des marges d'incertitude acceptées.
3.5.4 Conclusion
On peut en conclure sur cette première partie, qu'il existe une forte corrélation entre les mesures de puissance réalisées dans le VDT et au voisinage d'une paroi. Cela signie que dans les applications pour lesquelles une mesure de puissance est nécessaire dans le volume de test, via une antenne de référence conventionnelle dont les dimensions peuvent être problématiques, une alternative peut consister à utiliser un dipôle placé perpendiculairement à une paroi ou un monopole disposé sur une paroi. Bien entendu, ce dipôle étant électriquement court, il est beaucoup moins sensible qu'une antenne adaptée.
© 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.6. Eet de la charge sur les puissances reçues dans le VDT et près d'une Paroi. 71
L'introduction de l'équipement sous test (EST) peut charger certaines chambres et l'énergie absorbée par ce dernier n'est alors plus disponible pour créer l'environnement d'essai souhaité. Il est ainsi important de connaitre le niveau de puissance absorbée par ces objets. C'est pourquoi, nous avons quantié dans le paragraphe suivant la capacité du protocole alternatif que nous proposons, à détecter une éventuelle dérive de l'homogénéité du champ engendrée par la présence d'un objet sous test dans le VDT à travers une approche expérimentale. 3.6
E
et
de la
charge
sur les
puissan
ces reçues dans le VDT et près d'une Paroi. 3.6.1 Évaluation de la puissance moyenne
Dans cette section, nous allons vérier les eets de la charge de la CRBM sur l'homogénéité du champ à l'aide de mesures de puissance moyenne dans le VDT et près d'une paroi.
3.6.1.1 protocoles d'étude
La démarche est basée sur des comparaisons entre des mesures de puissance moyenne réalisées dans une chambre vide de tout absorbant et celles réalisées dans une chambre chargée avec des absorbants pyramidaux jouant le rôle d'un équipement sous test (EST) ; les mesures sont réalisées au moyen d'un dipôle et une antenne de référence log-périodique. Les pertes dues à l'EST sont simulées dans ces expériences par une dizaine de panneaux d'absorbant regroupés de façon compacte dans le VDT et occupant approximativement un volume de 1.4 m3, soit 18% du VDT. Une photo de la conguration des absorbants et des antennes de mesures est présentée sur la gure 3.32.
© 2016 Tous droits réservés. lilliad.univ-lille.fr Thèse de Ibrahim Igueh Abdourachid, Lille 1, 2016 3.6. Eet de la charge sur les puissances reçues dans le VDT et près d'une Paroi. 72
Figure 3.32 Conguration des absorbants dans le volume de test
Nous utiliserons une antenne log-périodique pour injecter l'énergie dans la chambre sur une bande de fréquence de 300 MHz à 2 GHz. Le dipôle identique à celui utilisé lors des précédentes mesures est placé dans le VDT à 55 cm de la paroi puis perpendiculairement près d'une paroi à une distance de 5 mm. Une antenne log-périodique de référence est placée dans le VDT. Toutes les mesures sont eectuées au moyen d'un analyseur de réseau vectoriel, préalablement calibré. Les résultats sont donnés pour 90 pas sur un tour de brasseur.
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dumas-03382274-Med_Spe_2021_Bertho.txt_2
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Performances du score Kawanet et étude des facteurs de résistances aux immunoglobulines intraveineuses dans une cohorte multiethnique monocentrique d'enfants français atteints de la maladie de Kawasaki. Sciences du Vivant [q-bio]. 2021. ⟨dumas-03382274⟩
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None
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French
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Spoken
| 7,746
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Une échographie est considérée comme anormale si au moins l’une des trois conditions suivantes est rencontrée (3) : - La présence d’un anévrisme d’une artère coronaire (Figure n°18), - La mesure d’un Z-score de l’artère coronaire interventriculaire antérieure (IVA) ou de l’artère coronaire droite (ACD) supérieur ou égal à 2,5, définissant un anévrisme de petite taille, - La présence d’au moins deux critères parmi : une insuffisance cardiaque gauche, une insuffisance mitrale, une péricardite ou un Z-score de l’IVA et/ou de l’ACD entre 2 et 2,5, définissant une dilatation coronaire. Le Z score est une unité de déviation standard par rapport à la moyenne qui permet l’uniformisation des mesures échographiques en fonction de l’indice de masse corporel (IMC) du patient (cf. Partie III. E. Complications cardiaques) (3).
38 Figure n°18. Vue échographique d’un anévrisme de l’artère coronaire gauche (ACG), au cours d’une MK tardive (47) D’autres examens indiqués par la présentation clinique peuvent apporter des arguments complémentaires, comme
l’
éch
ographie abdominale qui recherche
un
hydrochol
écyste
(35), la lampe
à
fente qui
dépiste une
uvéite
an
térieure
(3)
ou
l’é
ch
ographie des
vais
seaux
du
cou
et des artères mésentériques (voire scanner ou une imagerie par résonnance magnétique, IRM) qui détecte d’autres anévrismes artériels (Figure n°19) (3). Figure n°19 : G. IRM cardiaque retrouvant un anévrisme géant de l'artère coronaire droite (flèche « RCA aneurysm ») avec thrombus non occlusif (flèche « thrombus ») et un anévrisme de l’artère coronaire gauche principale (flèche « LMCA aneurysm ») (3) Ao : aorte, AoV : valve aortique, LV : ventricule gauche, RV : ventricule droit 39 H. IRM corps entier retrouvant des anévrismes des artères axillaires et sousclavières, ainsi que des artères iliaques et fémorales (flèches) (3)
L’AHA propose un algorithme diagnostique pour la MKA à l’aide d’examens complémentaires (Figure n°20) (3). Des études ont évalué cet algorithme et ont validé son utilité dans l’identification des patients présentant une authentique MKA et dans la prévention des AAC (21, 48).
Figure n°20 : Algorithme diagnostique de la maladie de Kawasaki atypique, selon l’AHA (3)
[1] Les critères cliniques princip
aux sont listés dans la Partie
III
. C. Clinique (3) [2] Une échographie cardiaque est considérée positive selon les trois critères de l’AHA (3), détaillés dans la Partie III. D. Examens complémentaires [3]
Si l’échographie cardiaque est positive, le traitement doit être initié dans les dix premiers jours de fièvre (3). Si elle est normale, mais que la fièvre persiste plus de dix jours avec des signes clinico-biologiques d’inflammation, le traitement doit être débuté (3) 40 E.
Complications cardiaques
Les complications cardiaques de la MK sont principalement responsables de la morbidité et de la mortalité à court et moyen termes (3). Elles peuvent être au premier plan de la phase aigüe de la MK (21). Une myocardite et/ou une péricardite sont parfois présent à la phase aigüe de la MK (3), avec dysfonction transitoire du ventricule gauche. Elles répondent très bien au traitement anti-inflammatoire (3). Les atteintes valvulaires sont fréquentes (3, 49). Une étude multicentrique aux États-Unis a montré en 2011 qu’une insuffisance mitrale (IM) compliquait 23 à 27% des cas de MK (49). Souvent détectée précocement par l’échographie, l’IM reste minime voire modérée et régresse sous traitement (3, 49). L’insuffisance aortique (IAo) est moins commune et concernait dans l’étude environ 1% des patients (49). L’IAo est souvent associée aux AAC et à une dilatation de la racine de l’aorte (49). L’histoire naturelle de la formation des AAC est rappelée en Figure n°21.
Figure n°21 : Physiopathologie et histoire naturelle de la formation des anomalies des artères coronaires (3) 41
La présence d’anomalies des artères coronaires est considérée comme un critère spécifique du diagnostic de MK, en particulier dans les cas de MKA (3). La classification des AAC se fait à l’échographie cardiaque, par l’évaluation quantitative des dimensions de la lumière des artères coronaires (3). Les recommandations japonaises prennent en compte le diamètre interne absolu ou relatif des artères : les anévrismes géants sont définis par un diamètre de la lumière interne supérieur à 8 mm, ou par un diamètre interne d'un segment mesurant plus de 4 fois celui d'un segment adjacent si l’enfant a 5 ans ou plus (27). La taille et le poids du patient ne sont pas pris en compte dans ces mesures, amenant à sous-estimer la vraie prévalence des AAC (50). La normalisation des dimensions par rapport à l’IMC permet une uniformisation des mesures (3). Elle est faite au moyen du Z-score, unité de dérivation standard par rapport à la moyenne (3). La comparaison entre différentes populations au moyen du Z-score est validée (50, 51). Pour utiliser le Z-score, une minutie dans la prise des mesures échographiques est requise, car une erreur d’estimation du diamètre de l’artère coronaire peut se traduire par une très grande différence au niveau du Z-score, avec sur ou sous estimation des AAC (3). De même, une mesure précise du poids et de la taille est indispensable pour valider le calcul de l’IMC, et par extension du Z-score (3). Les recommandations de l’AHA valident une limite du Z-score supérieure ou égale à 2,5 pour définir un anévrisme, se basant sur la classification de Manlhiot et al. (52). Cette valeur est très rare en population générale, avec une prévalence estimée à 0,6% (3). La classification des AAC basée sur le Z-score comporte cinq catégories (52) : -
Z-score < 2 : calibre normal des artères coronaires. - 2 ≤ Z-score < 2,5, ou Z-score initial < 2 avec augmentation du Z-
score
≥ 1 pendant le
suiv
i :
simple dilatation des artères coronaires
.
- 2,5 ≤ Z-score <
5 : anévrisme de petite taille.
- 5
≤
Z score < 10 et diamètre absolu < 8 mm : anévrisme de taille moyenne. - 10 ≥ Z score ou diamètre absolu ≥ 8 mm: anévrisme géant. 42 Les AAC conditionnent le pronostic de la MK et surviennent souvent entre le 10 ème et le 25ème jour d’évolution de la maladie (3). En l’absence de traitement, leur prévalence atteint 15 à 25% des patients (22, 53). Elles sont fréquemment situées au niveau du segment proximal de l’IVA ou de l’ACD (3). Les facteurs prédictifs de développement, de régression et de persistance des AAC sont listés ci-dessous, dans le Tableau n°3, d’après l’article de Newburger et al. (54). Facteurs prédictifs de développement des AAC • Sexe masculin • Age < 1 an et > 8 ans • Fièvre et/ou éruption cutanée prolongée(s) • Formes résistantes au traitement de première intention • Intensité et persistance du syndrome inflammatoire biologique • Persistance d’une hypoalbuminémie Facteurs prédictifs de régression des AAC • Age < 1 an • Anévrisme de petite taille, ou fusiforme, ou de localisation distale Facteurs prédictifs de persistance des AAC • Anévrismes géants • Anévrisme de morphologie sacculaire Tableau n°3 : Facteurs prédictifs de développement, de régression et de persistance des anomalies des artères coronaires (AAC), selon l’article de Newburger et al. (54)
La forme incomplète de la MK serait aussi un facteur prédictif de développement des AAC, principalement du fait du retard diagnostique (55). Les patients résistants aux IgIV sont plus à risque de développer des AAC (54). En revanche, la prévalence des AAC diminue fortement après réponse à un traitement par IgIV, à environ 5% à deux mois du diagnostic (4, 56). De fortes doses d’IgIV à 2 g/kg sont plus efficaces sur la régression des AAC (56). 43 Une fois constituées, les AAC persistent, puis régressent dans les deux ans suivant le diagnostic dans la moitié des cas (54). Cette évolution provoque tout de même un épaississement de l’intima et une baisse durable des capacités de vasodilatation, nécessitant un suivi cardiovasculaire à l’âge adulte (3). Les anévrismes, principalement géants, peuvent se compliquer de thrombose et d’IDM (cf. III. B. 1. Pathogénèse de la vascularite et Figure n°22), surtout dans la première année suivant le diagnostic (54). Considérée comme un critère spécifique de la MK notamment atypique, la présence d’AAC est aussi rapportée chez des patients atteints d’autres maladies infectieuses, génétiques ou inflammatoires Mais Muniz et al. ont démontré que, même si les artères coronaires des patients atteints de pathologies fébriles autre que la MK étaient significativement plus larges que celles de patients non fébriles, leurs artères coronaires restaient cependant moins dilatées que les artères coronaires de patients atteints de MK (57). De même, aucun patient fébrile décrit par Bratincsak et al., après exclusion d’une MK, n’avait de Z-score > 2.5 (58). Mais dans cette étude, il n’y avait pas de relevé de la durée de la fièvre, ni de chiffre biologique des marqueurs de l’inflammation (58). D’après l’article de 2017 de l’AHA, un Z-score > 2.5 aurait une spécificité de 98% pour le diagnostic de MK (3). Le Kawasaki disease shock syndrome (KSS), ou le syndrome de choc de la MK, est une complication rare décrite par Kanegaye et al. (59). Elle est définie par une hypotension artérielle systolique et/ou des signes d’hypoperfusion périphérique au cours d’une MK (59). La prévalence du KSS serait de 5 à 7% selon les études rétrospectives (59, 60). Les AAC semblent plus fréquentes chez les patients avec un KSS (60). La fréquence des complications cardiaques a considérablement diminuée depuis la mise en place d’un traitement efficace, en première intention par IgIV et Aspirine 3,17). Au Japon, la prévalence des anévrismes coronaires qui était de 16,7% en 1987, a diminuée progressivement jusqu’à attendre 2,5% en 2015-2016 (17). 44 F.
Traitements 1. Traitement de première intention
Le traitement à la phase aigüe de la MK doit permettre de réduire l’inflammation systémique, limiter le remodelage artériel et ainsi prévenir les AAC. Le traitement de première intention ou gold standard validé par les sociétés savantes pour toutes d’immunoglobulines formes de intraveineuses MK e sur à haute dose, une perfusion associée à unique l’acide acétylsalicylique, ou Aspirine (3). Le traitement doit être débuté le plus rapidement possible chez tous les enfants atteints, dans les dix premiers jours de fièvre au mieux (3). Les enfants diagnostiqués après le 10ème jour de fièvre doivent également être traités s’ils présentent des signes actifs d’inflammation systémique tels qu’une fièvre persistante, une VS ou une CRP élevées, ou des AAC à l’échographie cardiaque (3). Si la CRP et la VS sont normalisées, avec apyrexie, et que l’échographie cardiaque est normale, il ne faut pas initier de traitement (3).
a. Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV)
Le mécanisme d’action des IgIV dans le traitement de la MK est mal connu (3). Elles ont un effet anti-inflammatoire global, avec une modulation probable de la production des cytokines, une neutralisation de toxines ou d’autres agents infectieux potentiels, une augmentation du nombre de lymphocytes T régulateurs et une diminution de la synthèse des anticorps (61). Le traitement par IgIV permet une diminution significative de la survenue des AAC (4, 56, 62). La prévalence des AAC chez des enfants atteints de MK non traités est estimée à environ 20% (3, 63). Après une dose unique de 2 g/kg d’IgIV, elle ne dépasse pas 5% des patients (63). Mais, jusqu’à 20% des patients traités par IgIV développent quand même une dilatation simple et transitoire des artères coronaires (3, 63). La posologie recommandée est donc de 2 g/kg en une perfusion unique, de 10 à 12 heures (3). Deux méta-analyses ont démontré la supériorité d’efficacité d’une 45 seule forte dose par rapport à des doses plus faibles répétées dans la prévention des AAC (63, 64). Pendant la perfusion, des symptômes type flushs, frissons, céphalées, myalgies ou nausées sont fréquents (3). Une méningite aseptique est possible mais rare, de résolution spontanée et sans séquelle (3). Plus récemment, des anémies hémolytiques auto-immunes à Coombs positif ont été associées aux perfusions d’IgIV (65). Les vaccinations avec un agent vivant atténué (Rougeole-Oreillons-Rubéole ou Varicelle) ne doivent pas être réalisées dans les 11 mois suivant une dose d’IgIV (3). Pour les enfants nécessitant une vaccination urgente, elle ne doit pas être retardée, mais la réponse sérologique sera à évaluer à 11 mois de la dose d’IgIV (3).
b. L’Aspirine
L’Aspirine a une activité anti-inflammatoire à haute dose et une activité antiagrégante à dose plus faible. A la phase aigüe de la maladie, ce médicament permet une diminution accélérée de la fièvre (66), mais n’a pas démontré d’efficacité dans la prévention du développement des AAC (3, 67). Au vu des effets secondaires bien connus de l’Aspirine, l’utilité d’une posologie élevée anti-inflammatoire dans la phase initiale de la MK est aujourd’hui questionnée (66-68). La dose anti-inflammatoire est variable selon les pays : 80 à 100 mg/kg/jour aux Etats-Unis, et 30 à 50 mg/kg/jour en Europe et au Japon (3). Aucune étude publiée ne suggère de supériorité d’efficacité pour une dose en particulier (3). Il n’existe pas de consensus sur la durée de prescription de la dose anti-inflammatoire, mais il est souvent retrouvé dans la littérature une diminution à une dose anti-agrégante après 48 à 72 heures d’apyrexie (3). La dose anti-agrégante est de 3 à 5 mg/kg/j (3). Elle doit être poursuivie au moins à huit semaines si le patient ne présente pas d’AAC (3). Dans le cas contraire, l’Aspirine n’est pas arrêté. Le syndrome de Reye est une encéphalopathie aigüe avec insuffisance hépatique induite par l’utilisation d’Aspirine chez des patients ayant une infection virale concomitante, telle que la varicelle ou la grippe (3). Ce syndrome a été décrit 46 dans la MK pour les doses anti-inflammatoires de l’Aspirine, mais pas en cas de prise à dose anti-agrégante (3). L’Aspirine est contre-indiqué dans les six semaines suivant l’administration d’un vaccin contre la varicelle (3). En cas de contage varicelleux, si le patient n’est pas immunisé contre la varicelle, il doit être vacciné et un autre antiagrégant plaquettaire doit être prescrit pendant six semaines, avant de reprendre le traitement par Aspirine (3). En cas de MK et de coïnfection par la grippe, l’administration d’Aspirine doit être évitée (3).
2. Résistance aux immunoglobulines intraveineuses
La résistance aux immunoglobulines est définie par l’AHA comme une recrudescence ou une persistante de la fièvre au moins 36 heures après la fin de la perfusion d’IgIV (3). Cela concerne entre 10% et 20% des patients traités (69, 70). La physiopathologie de la résistance aux IgIV est inconnue (3). Une variabilité génétique au niveau du récepteur des immunoglobulines est possible, jouant un rôle dans la réponse aux IgIV (3). Les études montrent que les patients résistants à la première dose d’IgIV sont à risque majoré de développer des AAC (5, 7, 54, 71). Des scores prédictifs de résistance aux IgIV ont été élaborés pour identifier au mieux ces patients, dans le but d’instaurer un traitement plus agressif et efficace d’emblée afin de prévenir la formation des complication cardiaques (3). Il existe trois principaux scores prédictifs de résistance aux IgIV, développés au Japon et exposés dans les Tableaux n°4, 5 SCORE
D’
EGAMI
SCORE DE KOBAYASHI Sodium ≤ 133 mmol/L +2 ALAT ≥ 80 UI/L +2 ASAT ≥ 100 UI/L +2 Plaquettes ≤ 300 G/L +1 PNN ≥ 80 % +2 Age < 6 mois +1 CRP ≥ 80 mg/L +1 Délai « début de la fièvre +1 Délai « début de la fièvre – + 2 traitement par IgIV » ≤ 4 jours CRP ≥ 100 mg/L +1 Age ≤ 12 mois +1 Risque élevé de résistance Plaquettes ≤ 300 G/L +1 aux IgIV si score ≥ 3, risque – diagnostic » < 4 jours bas si < 3 Risque élevé de résistance aux IgIV si score ≥ 4, risque bas si < 4 SCORE DE SANO CRP ≥ 70 mg/L +1 ASAT ≥ 200 UI/L +1 Bilirubine totale ≥ 15 μmol/L +1 Risque élevé de résistance aux IgIV si score ≥ 2, risque bas si < 2
Tableaux n°4, 5 et 6 : Scores japonais prédictifs de résistance aux IgIV (9-11)
Ces scores présentent de bonnes performances au Japon, avec respectivement : - Une sensibilité de 86% et une spécificité de 68% pour le score de Kobayashi (9). - Une sensibilité de 78% et une spécificité de 76% pour le score d’Egami (10). - Une sensibilité de 77% et une spécificité de 86% pour le score de Sano (11). Seul le score de Kobayashi est validé sur la population japonaise (72). Les performances des ces trois scores prédictifs sont insuffisantes dans les populations non-japonaises et notamment caucasiennes, avec une sensibilité moyenne autour de 40% (12-15, 73-77). 48 Partant de ce constat, Piram et al. ont élaboré un nouveau score clinicobiologique prédictif de résistance à la première perfusion d’immunoglobulines, dans une population d’enfants français diagnostiqués entre 2011 et 2014 (16). Ce score, nommé score Kawanet du nom de la cohorte permettant son élaboration, repose sur l’évaluation de quatre critères : une hépatomégalie clinique, un taux de lymphocytes inférieur ou égal à 2,4 G/L, un taux d’ALAT supérieur ou égal à 30 UI/L et une initiation du traitement par IgIV dans les cinq premiers jours de fièvre (16). Chaque critère est scoré à un point chacun (Tableau n°7) (16).
SCORE KAWANET Présence d’une hépatomégalie clinique +1 Lymphocytes ≤ 2,4 G/L +1 ALAT ≥ 30 G/L +1 Délai entre « début de la fièvre – +1 traitement par IgIV » ≤ 5 jours Risque élevé de résistance aux IgIV si score ≥ 2, risque bas si < 2 Tableau n°7 : Score Kawanet français prédictif de résistance aux IgIV (16)
Dans cette cohorte française, une sensibilité de 77% et une spécificité de 60% ont été mis en évidence pour une limite du score Kawanet supérieur ou égal à deux, prédictive de résistance aux IgIV (16). Ces performances sur une population européenne multiethnique sont meilleures que celles des scores japonais précédemment appliqués aux populations non japonaises (12-15, 73-77).
3. Formes résistantes et intensification du Gold Standard
A ce jour, il n'existe pas de recommandation validée pour traiter les patients présentant une résistance à la première perfusion d’IgIV (3). Selon les centres, ils reçoivent une deuxième dose d’IgIV, une corticothérapie ou de l’Infliximab. Les recherches actuelles pour identifier les patients résistants aux IgIV dès le diagnostic ont pour but de mieux cibler la population qui pourrait bénéficier d’une intensification initiale du traitement de première intention. 49 a. Deuxième perfusion d’immunoglobulines C’est l’option la plus fréquemment utilisée pour traiter les patients résistants à la première cure d’IgIV (3). De nombreux experts, dont l’AHA, recommandent une seconde perfusion à la même dose de 2 g/kg chez les patients non répondeurs (3). Des séries rétrospectives suggèrent une vraie efficacité clinique sur la rémission de la fièvre notamment, mais le traitement renouvelé par IgIV n'a jamais fait l’objet d’un essai randomisé puissant (3, 7). b. Les corticoïdes Alors que la corticothérapie est le traitement de choix de la plupart des vascularites, son utilisation n’est pas recommandée pour la MK, que ce soit en première ou en seconde intention (3). Plusieurs anciennes études rétrospectives avaient mis en évidence une inefficacité des corticoïdes en traitement initial, avec ou sans Aspirine, avec même un risque accru d’atteinte coronaire (78, 79). Pourtant, les corticoïdes (CTC) sont actuellement largement utilisés en seconde intention, en cas de résistance aux IgIV (3). Les designs des études les évaluant dans ce cadre étant très hétérogènes, il n’existe pas de recommandation (80). Les patients résistants aux IgIV traités secondairement par CTC semblent présenter une durée de fièvre raccourcie et une normalisation accélérée des paramètres inflammatoires par rapport aux patients traités par une seconde perfusion d’IgIV (81, 82). La prévalence des AAC n’est en revanche pas différente entre les deux schémas de traitement (3, 82). La corticothérapie prolongée permettrait d’obtenir une apyrexie plus rapide et une prévalence diminuée des AAC par rapport à l’administration d’une dose unique élevée de CTC (3). Mais il n’existe pas d'essai clinique fiable comparant les différentes stratégies de traitement par CTC pour les patients résistants aux IgIV (3). Donc, les CTC utilisés chez les patients non répondeurs aux IgIV permettraient d’obtenir une rémission clinico-biologique accélérée, mais sans diminution de la prévalence des AAC par rapport à une seconde dose d’IgIV (81, 82). Le schéma stéroïdien optimal n'est pas connu, mais la corticothérapie à plus long terme semble bénéfique (3). 50 L’utilisation initiale combinée d’une corticothérapie avec le traitement standard par IgIV et Aspirine a beaucoup été étudiée ces dernières années, et semble réduire l’incidence des AAC (80, 83, 84). Dans une revue Cochrane de 2017, le traitement précoce par CTC était aussi associé à une diminution de la durée de l’hyperthermie, du temps d’hospitalisation et du délai de normalisation de la CRP (80). Il existe aussi une grande hétérogénéité dans le design des études sur les doses utilisées, la durée du traitement, et le délai d’instauration des CTC (80, 83-87). L’utilisation d’une dose unique élevée de 30 mg/kg/jour de Méthylprednisolone par voie intraveineuse, associée aux IgIV et à l’Aspirine, ne semble pas réduire l'incidence des AAC (24, 83). En revanche, la répétition de doses plus modérées de 1 à 6 mg/kg/jour d’équivalent Prednisolone sur une période prolongée supérieure à trois jours, semble montrer une efficacité sur la prévention des complications coronaires (85-87). L’étude rétrospective de Kobayashi et al. de 2013 étudiait l’effet de la corticothérapie associée précocement au traitement de première intention chez des patients classés rétrospectivement résistants à la première cure d’IgIV (88). Avec une corticothérapie intraveineuse de 2 mg/kg/jour jusqu’à apyrexie, puis un relai per os à la même dose jusqu’à négativation de la CRP suivi d’une diminution progressive sur 15 jours, les patients classés résistants rétrospectivement étaient plus souvent répondeurs au traitement que ceux ayant reçu des IgIV et de l’Aspirine seul (88). Ils présentaient également moins de complications coronaires (88). Ces résultats suggèrent un bénéfice à l’association de CTC au gold standard chez les patients classés résistants à la première dose d’IgIV, avec même une possible prévention des AAC (88). Les auteurs de la revue Cochrane de 2017 concluent que le traitement prolongé par corticoïdes, supérieur ou égal à trois jours, devrait être envisagé chez tous les enfants atteints de MK, et ce dès le diagnostic (80). A noter que la plupart de ces études ont été réalisées en Asie, avec des patients classés à risque de résistance aux IgIV rétrospectivement selon les scores japonais. Or ces scores prédictifs sont décrits peu sensibles sur les populations caucasiennes (73-77). Des études complémentaires sont donc nécessaires pour tester plus largement l'efficacité de l’association IgIV, Aspirine et corticothérapie dans les populations non japonaises (3). 51 c. L’Infliximab L'Infliximab est un anticorps monoclonal chimérique qui se lie au TNF-α, empêchant l’activation de la cascade inflammatoire, clé de la pathogénèse de la MK (3). Cette biothérapie peut être utilisée comme alternative à la seconde perfusion d'IgIV chez les patients résistants au gold standard (3). Le traitement par Infliximab en perfusion unique de 5 mg/kg sur 2 heures chez les patients résistants aux IgIV permettrait une diminution des durées d’hyperthermie et d’hospitalisation, comparativement à une seconde perfusion d’IgIV (89, 90). La survenue d’AAC ne semble cependant pas différente entre les deux schémas de traitement (89, 90). L’ajout d'Infliximab au traitement initial habituel par IgIV et Aspirine permettrait une diminution plus rapide de l’inflammation clinico-biologique, avec une durée raccourcie de la fièvre et une normalisation accélérée des paramètres inflammatoires (91). Mais cette trithérapie ne diminuerait pas le taux de résistance aux IgIV, ni l’incidence des AAC (3, 91).
d. L’Etanercept
L’Etanercept est un récepteur soluble du TNF-α (3). Le mode d’action est similaire à celui de l’Infliximab. Les travaux étudiant l’intensification du traitement initial par IVIg et Aspirine avec de l’Etanercept n’ont pas permis de mettre en évidence de diminution significative du taux de résistance aux IgIV (92, 93). Cette association permettrait en revanche une rémission plus rapide de la fièvre comparativement au gold standard (93). L’Etanercept semble aussi améliorer l’évolution des AAC en diminuant les Zscores à un an de la maladie, en particulier chez les patients présentant des anomalies dès le diagnostic (93). e. La Ciclosporine Cet inhibiteur de la calcineurine est utilisé en troisième intention après échec d’une deuxième dose d’IgIV, des corticoïdes ou de l’Infliximab, en intraveineux à la dose de 3 mg/kg/jour ou per os à 4-8 mg/kg/ , toutes les 12 heures (3). Une fois 52 l’apyrexie obtenue avec négativation de la CRP, la posologie est diminuée de 10% tous les 3 jours et le traitement est arrêté lorsque la dose atteint 1 mg/kg/jour (3). Dans un essai clinique ouvert à un seul bras mené en 2011 au Japon, le traitement par Ciclosporine à dose orale chez 28 patients restés fébriles après l'administration d’une double dose d'IgIV a permis une apyrexie chez 64% des patients après 3 jours de traitement (94). Chez les patients à risque élevé de résistance aux IgIV, un traitement initial par Ciclosporine, IgIV et Aspirine semble diminuer l’incidence des AAC comparativement à un traitement standard, sans augmentation des effets secondaires (95).
f. L’Anakinra
Dans la littérature, des études de cas rapportent l'utilisation réussie de l'Anakinra, antagoniste des récepteurs de l’interleukine 1, pour le traitement de la MK hautement réfractaire (3). L’étude rétrospective de Kone-Paut et al. a montré une obtention de l’apyrexie en trois à six jours et une décroissance concomitante des marqueurs biologiques chez les 11 patients hautement résistants traités par Anakinra en 3ème intention (96). Les AAC déjà constitués ont régressé chez 9 patients (96). Des essais cliniques prospectifs sont en cours afin d’établir l’efficacité de l’Anakinra dans la MK réfractaire (3).
g. Les échanges plasmatiques
Les échanges plasmatiques ont été décrits dans des études non contrôlées comme étant un traitement efficace pour diminuer la fièvre et réduire l'incidence des AAC chez les patients réfractaires aux IgIV (3). De fait d’un manque d’études prospectives bien menées, il s’agit du traitement de dernière intention. L’intensification du traitement de première intention semble être une piste intéressante pour limiter la résistance aux IgIV et prévenir la survenue d’AAC (3, 80). La corticothérapie reste l’option la plus documentée par les études (80, 83, 84).
Le dép
i
stage
patients à risque de résistance aux IgIV, seule population nécessitant réellement cette intensification, est primordial. IV. MATERIELS ET METHODES A. Objectif principal
L’objectif principal de cette thèse était l’étude des performances du score Kawanet, prédictif de résistance aux immunoglobulines, sur une cohorte d’enfants français indépendante de celle de l’étude princeps d’élaboration du score (16).
B. Type d’étude
Cette étude rétrospective, observationnelle et monocentrique a été menée sur une période de 15 ans, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2020, au pôle pédiatrique du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bordeaux. Le recrutement des dossiers était réalisé de manière informatique via la classification internationale des maladies 10ème édition (CIM 10) et le code «syndrome lympho-cutanéo-muqueux», après une demande écrite auprès du service d’Unité de Coordination et d’Analyse de l’Information Médicale du CHU. Les données informatisées étaient facilement exploitées. Les dossiers les plus anciens ont été consultés au Bureau Central des Archives du CHU de Bordeaux.
C. Population étudiée
La population étudiée incluait des patients âgés de moins de 18 ans révolus, ayant été hospitalisés et traités pour une maladie de Kawasaki au sein du pôle de pédiatrie du CHU de Bordeaux. Les dossiers recrutés étaient analysés et inclus dans l’étude en présence des critères diagnostiques de l’American Heart Association, décrits dans les Parties III. C. Clinique et III. D. Examens complémentaires. Les patients ne présentant pas ces critères diagnostiques, ayant eu une maladie de Kawasaki comme simple antécédent ou ayant un diagnostic différentiel de MK ont été exclus de l’étude. En lien avec l’épidémie relative au coronavirus 2019 à partir de mars 2020, une attention particulière a été portée sur les diagnostics de MK posés ultérieurement à cette date, afin d’exclure les syndromes inflammato multi-systémiques pédiatriques (PIMS). Les patients de notre centre bordelais ayant été préalablement inclus dans la base de données Kawanet ont été également exclus. Il s’agissait de cas de MK diagnostiqués entre juin 2010 et novembre 2013.
D. Recueil des données et définitions
Des éléments épidémiologiques, cliniques, biologiques, radiologiques et thérapeutiques ont été relevés dans les dossiers inclus dans l’étude. L’origine ethnique des enfants était classée selon celle des parents en trois groupes : - Groupe 1 : Origine européenne caucasienne, - Groupe 2 : Origine d’Afrique du Nord ou du Moyen Orient, - Groupe 3 : Origine « autre », regroupant l’origine africaine, afro-caribéenne, asiatique, et mixte définie par des parents originaires de deux régions différentes, du fait d’un très petit échantillon de patients dans chacun de ces sous-groupes. La forme clinique de MK a été définie selon les recommandations de l’AHA (cf. Partie III. C. Clinique) : typique avec une durée de fièvre supérieure ou égale à cinq jours et la présence d’au moins quatre des cinq critères cliniques principaux parmi exanthème, adénopathie cervicale, conjonctivite aseptique, modification de la muqueuse orale ou des extrémités ; et atypique en présence de fièvre et de moins de quatre critères principaux. Les AAC étaient aussi rapportées selon la définition de l’AHA, principalement par la détection d’un Z-Score ≥ 2,5 à l'échographie 2D des artères coronaires, définissant un anévrisme de petite taille (cf. Partie III. D. Examens complémentaires). Les données concernant les AAC ont été relevées sur les rapports échocardiographiques originaux réalisés au CHU de Bordeaux au diagnostic, puis au cours du suivi précoce à un et à deux mois. L’évolution des AAC après deux mois de suivi n’a pas été relevée du fait d’un grand nombre de données manquantes dans les dossiers médicaux. L’étude de l’évolution des AAC à trois, six et 12 mois initialement prévue n’a donc pas pu être réalisée. D'autres complications cardiaques telles que la myocardite, la péricardite et l’insuffisance cardiaque ont également été rapportées. Le suivi était défini par le nombre de jours entre le diagnostic et la dernière visite de suivi au CHU de Bordeaux. La résistance aux IgIV correspondait selon l’AHA à une recrudescence ou à la persistance de la fièvre au moins 36 heures après la fin de la première perfusion d’immunoglobulines. Les quatre scores prédictifs de résistance aux IgIV suivants ont été testés sur notre population (cf. Partie F. 2. Résistance aux immunoglobulines intraveineuses). Le score de Kawanet (0 à 4 points) incluait une hépatomégalie (+1), un taux d’ALAT ≥ 30 UI/L (+1), un taux de lymphocytes ≤ 2,4 G/L (+1) et un délai « début de la fièvre au traitement par IgIV » ≤ 5 jours (+1), avec un seuil de positivité ≥ 2 (16). Le score de Kobayashi (0 à 11 points) comprenait une natrémie ≤ 133 mmol/L (+2), un délai « début de la fièvre au traitement par IgIV » ≤ 4 jours (+2), un taux d’ASAT ≥ 100 UI/L (+2), une numération des PNN ≥ 80 % des leucocytes (+2), un taux de plaquettes ≤ 300 G/L (+1), un taux de CRP ≥ 100 mg/L (+1) et un âge au diagnostic ≤ 12 mois (+1), avec un seuil de positivité ≥ 4 points (9). Le score d'Egami (0 à 6 points) incluait l'âge au diagnostic < 6 mois (+1), un taux d'ALAT ≥ 80 UI/L (+2), un taux de plaquettes ≤ 300 G/L (+1), un taux de CRP ≥ 80 mg/ L (+1) et un délai « début de la fièvre au diagnostic » < 4 jours (+1), avec un seuil de positivité ≥ 3 (10). Le score de Sano (0 à 3) comprenait un taux de CRP ≥ 70 mg/L (+1), un taux de bilirubine totale ≥ 15 μmol/L (+1) et un taux d'ASAT ≥ 200 UI/L (+1) avec un seuil de positivité ≥ 2 (11).
E. Objectifs secondaires
Les facteurs démographiques, cliniques, biologiques, radiologiques et thérapeutiques rapportés ont permis d’obtenir une description précise de notre cohorte bordelaise. Ces données ont été étudiées en fonction de la forme clinique typique ou atypique de MK. Les caractéristiques de notre population ont été comparées avec celle de l’article du Dr Piram et al. (16), afin de discuter du résultat de notre objectif principal d’étude. Les trois scores prédictifs japonais ont été testés sur notre population, afin d’examiner leurs performances au sein de notre cohorte. L’étude des caractéristiques de population et des performances des quatre scores prédictifs de résistance aux IgIV a également été menée sur les trois sousgroupes ethniques, permettant une analyse plus fine de notre population européenne. 56 Enfin, des facteurs prédictifs de résistance à la première perfusion d’immunoglobulines intraveineuses ont été recherchés dans notre cohorte française, dans le but de mieux définir l’échantillon de patients à risque.
F. Analyses statistiques
Les données descriptives ont été exploitées avec le logiciel Prizm, et les analyses statistiques ont été réalisées avec l’aide du logiciel R. Les données catégorielles ont été décrites avec leur nombre et pourcentage, et les données quantitatives avec la moyenne et les écarts types (ET). Les valeurs qualitatives ont été comparées par le test du Chi-2 avec correction de Yates si nécessaire, ou par le test exact de Fisher. Les données quantitatives ont été analysées avec le test de Student principalement, le test de Wilcoxon-Mann-Whitney lorsque l’échantillon était inférieur à 25 patients et le test d’Anova lorsque plus de 2 groupes étaient comparés. Tous les tests étaient bilatéraux, avec un p < 0,05 considéré comme statistiquement significatif et signalisé par une étoile « * » dans les tableaux. Le calcul de la sensibilité et de la spécificité des quatre scores prédictifs de résistance aux immunoglobulines a été réalisé sur la population globale, puis sur chacun des trois sous-groupes ethniques. Des analyses multivariées impliquant des modèles de régression logistique ont été réalisées pour identifier des facteurs associés à une résistance à la première perfusion d’IgIV dans notre population. Les variables significatives avec un p ≤ 0,2, signalisées par deux étoiles « ** » dans le tableau d’analyses univariées, ont été incluses dans la « sélection par étape ». Les interactions potentielles entre les variables ont été testées. Les odds-ratios et les intervalles de confiance (IC) à 95% étaient calculés à partir du logiciel R. G. Ethique Le protocole de l'étude n’a pas été désapprouvé par le comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé, ni par la commission nationale de l'informatique et des libertés. Toutes les données collectées sont restées confidentielles, seuls les auteurs avaient accès aux données anonymes des patients.
V. RESULTATS A. Diagramme de flux
Sur les 173 dossiers sélectionnés de manière informatique, 119 répondaient aux critères complets d’inclusion de notre étude (Figure n°22). Trois patients ont été exclus du fait d’un codage « syndrome lympho-cutanéomuqueux » pour un antécédent de maladie de Kawasaki, et non pour l’hospitalisation en cours. Ces enfants n’avaient pas été pris en charge au CHU de Bordeaux. Neuf dossiers n’ont pas été retrouvés au Bâtiment Central des Archives du CHU de Bordeaux. Sur les 161 dossiers restants analysés, 15 correspondaient à des diagnostics différentiels de maladie de Kawasaki parmi : mononucléose infectieuse, syndrome toxinique staphylococcique, scarlatine, grippe, pseudo-maladie sérique, rougeole et pneumopathie bactérienne à Mycoplasme. 27 patients étaient déjà inclus dans la base de données Kawanet, et dans la cohorte de création du score prédictif de résistance aux immunoglobulines décrit dans l’étude du Dr Piram et al. (16). Ils ont été exclus afin d’obtenir une nouvelle cohorte indépendante. Sur les 119 patients inclus dans notre étude, 79 (66%) présentaient une MK typique ou complète selon les critères de l’AHA (cf. Partie III. C. Clinique), et 40 enfants (34%) une MK atypique ou incomplète (Figure n°22).
58 Figure n°22 : Flow-chart des 173 dossiers recensés de Maladie de Kawasaki au pôle de pédiatrie du CHU de Bordeaux entre janvier 2006 et décembre 2020 CIM 10 : Classification internationale des maladies 10ème édition 59
B. Caractéristiques de la population globale
1. Données épidémiologiques et démographiques En moyenne, huit cas par an de MK ont été relevés au CHU de Bordeaux entre 2006 et 2020 (Tableau n°8), à l’exclusion des 27 patients déjà inclus dans la base Kawanet. Ces derniers avaient été diagnostiqués et traités entre 2010 et 2013.
Année Nombre de cas de MK 2006 3 2007 5 2008 8 2009 4 2010 11 2011 3 2012 2 2013 7 2014 11 2015 11 2016 15 2017 13 2018 11 2019 7 2020 8 Tableau n°8 : Nombre de cas par an de MK hospitalisés et traités sur le pôle de pédiatrie du CHU de Bordeaux entre janvier 2006 et décembre 2020
Sur les 119 patients, 68 étaient des garçons (57%). 51 enfants étaient donc des filles (43%), avec un sexe ratio (SR) garçon/fille de 1,33 (Tableau n°9). L'âge moyen au diagnostic était de 3,6 ans (+/- 3,2), avec un minimum de deux mois et un maximum de 13,8 ans. 89 enfants (75%) avaient moins de cinq ans et 11 patients (9%) avaient moins de six mois. 60
2. Caractéristiques cliniques et paracliniques
La durée moyenne de l’hyperthermie au diagnostic était de 6,4 jours (+/- 2,4). Les signes cliniques les plus fréquemment rencontrés dans notre population globale étaient la conjonctivite aseptique (90%), la chéilite (80%) et l’exanthème diffus (79%). Une hépatomégalie a été retrouvée chez 9 cas (8%) (Tableau n°9). Le syndrome inflammatoire au diagnostic était franc, avec un taux initial moyen de CRP de 146,3 mg/L (+/- 90,8). Une hyperleucocytose moyenne à 16,3 G/L (+/6,7) était associée, majoritairement à PNN avec un taux de 11,5 G/L (+/- 5,9). La CRP maximale s‘ascensionnait à 166,6 mg/L (+/- 98,8). Le taux de lymphocytes était normal à 3,2 G/L (+/- 1,2). Il n’y avait pas de thrombocytose, avec un taux de 387,3 G/L (+/- 163). Une anémie était retrouvée à 10,8 g/dL (+/- 1,3). La cytolyse hépatique était discrète, avec un taux moyen d’ASAT de 51,3 UI/L (+/- 51,9) et un taux d’ALAT de 59,1 UI/L (+/- 64,3). Une élévation des GGT à 82,9 UI/L (+/- 88,9) était notée. 63 enfants (53%) ont eu un ECBU, 37 (59%) avaient une leucocyturie aseptique. Sur 62 échographies abdominales réalisées (52% des patients), huit hydrocholécystes (13%) ont été retrouvées (Tableau n°9). MK typique (n = 79) MK atypique (n = 40) p Nombre de G/F (sexe ratio) Population globale (n = 119) 68/51 (1,33) 48/31 (1,55) 20/20 (1) 0,31 Age au diagnostic en année, moyenne (ET) 3,6 (3,2) 3,2 (2,6) 4,3 (4) 0,11 Poids en kg, moyenne (ET) 15,5 (9,4) 14,1 (6,9) 18,2 (12,5) 0,06 Taille en cm, moyenne (ET) 96 (24,3) 92,3 (18) 103,9 (32) 0,07 IMC en kg/cm, moyenne (ET) 16 (2) 15,6 (1,8) 16,9 (2) 0,01* Délai « début de la fièvre et diagnostic » en 6,4 (2,4) 6,1 (2,2) 7 (2,7) 0,09 9 (15,7) 8,9 (15,5) 9,4 (16) 0,88 Modification des extrémités 83 (70) 65 (82) 18 (45) <0,001* Exanthème diffus 94 (79) 71 (90) 23 (58) <0,001* Conjonctivite 107 (90) 74 (94) 33 (83) 0,11 Adénopathie cervicale ≥ 1,5 cm 72 (61) 56 (71) 16 (40) 0,002* Modification de la muqueuse orale 71 (60) 52 (66) 19 (48) 0,08 Chéilite 95 (80) 69 (87) 26 (65) 0,008* Langue framboisée 53 (45) 33 (42) 20 (50) 0,51 Hépatomégalie 9 (8) 4 (5) 5 (13) 0,26 2 jours, moyenne (ET) Suivi en mois, moyenne (ET) Manifestations cliniques, nombre (%) 61 Examens complémentaires, moyenne (ET) CRP maximale en mg/L 166,6 (98,8) 160 (92) 179 (111) 0,35 CRP initiale en mg/L 146,3 (90,8) 142 (86) 154 (101) 0,54 Hémoglobine en g/dL 10,8 (1,3) 10,7 (1,4) 11 (1,1) 0,37 Leucocytes en giga/L 16,3 (6,7) 16,6 (6,7) 15,6 (6,5) 0,47 Lymphocytes en giga/L 3,2 (1,2) 3,2 (2) 3 (1,7) 0,66 PNN en giga/L 11,5 (5,9) 11,8 (6) 11 (5,8) 0,51 Plaquettes en giga/L 387,3 (163) 363 (148) 435 (182) 0,03* ASAT en UI/L 51,3 (51,9) 51,4 (51,2) 51 (54) 0,98 ALAT en UI/L 59,1 (64,3) 59,6 (67,4) 58 (59) 0,9 GGT en UI/L 82,9 (88,9) 93 (100) 71,7 (76) 0,49 Bilirubine totale en μmol/L 9,2 (11,8) 8,2 (8,6) 11 (15,7) 0,4 Protéines en g/L 66,8 (7,2) 66,5 (7) 67,5 (8) 0,5 Sodium en mmol/L 134,2 (2,8) 134 (2,8) 135 (2,6) 0,06 Potassium en mmol/L 4,3 (0,6) 4,3 (0,6) 4,3 (0,6) 1 Chlore en mmol/L 99,5 (3,5) 99 (3,4) 100 (3,4) 0,07 Urée en mmol/L 3,4 (1,8) 3,1 (1) 4 (2,7) 0,06 Créatinine en μmol/L 25,3 (10,5) 24 (7,9) 28 (14) 0,11 sur 37/63 (59%) 25/42 (60) 11/20 (55) 1 Hydrocholécyste, nombre sur échantillon (%) 8/62 (13%) 6/41 (15) 2/20 (10) 0,87 AAC au diagnostic 28 (24) 16 (20) 12 (30) 0,34 AAC à un mois du diagnostic 19 (17) 12 (15) 7 (18) 0,95 AAC à deux mois du diagnostic 15 (15) 9 (11) 6 (15) 0,93 Myocardite 1 (1) 0 1 (2,5) 0,33 Péricardite 5 (4) 3 (4) 2 (5) 1 Insuffisance cardiaque 1 (1) 0 1 (2,5) 0,33 Immunoglobulines intraveineuses 113 (95) 77 (97) 36 (90) 0,33 Aspirine 119 (100) 79 (100) 40 (100) 1 18 (15) 12(15) 6(15) 1 Corticoïdes 14 (12) 8 (10) 6 (15) 0,63 Délai « début de la fièvre et traitement par 6,5 (2,4) 6,1 (2,2) 7 (2,6) 0,07 14 (12) 7 (9) 7 (17,5) 0,28 Leucocyturie aseptique, nombre échantillon (%) Complications cardiaques, nombre (%) Traitement, nombre (%) Résistance à la 1 ère perfusion d’IgIV IgIV » en jours, moyenne (ET) Traitement ≥ 10 jours du début de la fièvre Tableau n°9 : Caractéristiques des 119 patients de la cohorte, et comparaison selon la forme de maladie de Kawasaki ET : Ecart-type, G/F : Garçon/fille, IMC : Indice de masse corporelle 62 3. Une myocardite a été décrite chez un patient (1%), et cinq enfants (4%) ont présenté une péricardite. Une insuffisance cardiaque a compliqué le tableau d’un patient (1%). 113 enfants (96%) ont été traités par immunoglobulines intraveineuses (Tableau n°9). Tous les enfants ont reçu de l’Aspirine. Six patients (4%) ont donc été traités uniquement par Aspirine, la totalité entre 2006 et 2008. 18 patients sur les 113 (16%) étaient résistants à la première perfusion d’immunoglobulines et ont nécessité un traitement de seconde intention. 14 patients (12%) ont reçu des corticoïdes, un seul en première intention pour myocardite. Dans les 13 autres cas (93%), les corticoïdes ont été introduits secondairement suite à une résistance aux IgIV, ou pour apparition de dilatation artérielle entre deux semaines et un mois du diagnostic. Le délai moyen de traitement par IgIV était de 6,5 jours (+/- 2,4). 14 patients (12%) ont reçu le traitement de première intention après dix jours de fièvre.
4. Comparaison selon la forme de maladie de Kawasaki
79 patients (66%) présentaient une MK typique, et 40 enfants (34%) une MK atypique (Figure n°22, Tableau n°9). L’âge au diagnostic et le sexe ratio pour les deux formes de MK n’étaient pas significativement différents. Les patients avec une MK incomplète avaient un indice de masse corporelle (IMC) moyen plus élevé de 16,9 kg/cm2 (+/- 2), que ceux avec une MK classique qui présentaient un IMC de 15,6 kg/cm2 (+/- 1,8) (p = 0,01), pour une taille et un poids indépendamment non statistiquement différents. Dans notre cohorte, le délai entre le début de la fièvre et le diagnostic n’était pas significativement allongé pour les patients présentant une forme atypique. La fréquence des manifestations cliniques différait selon la forme de MK : les enfants présentant une MK complète avaient plus souvent une modification des extrémités (p < 0,001), un exanthème diffus (p < 0,001), une adénopathie cervicale typique (p = 0,002) ou une chéilite (p = 0,008) au diagnostic (Tableau n°9). Sur le plan biologique, les patients atteints de MK atypique avaient un taux de plaquettes significativement plus élevé de 435 G/L (+/- 182), par rapport aux patients présentant une MK complète qui présentaient un taux moyen de 363 G/L (+/- 148) (p = 0,03), sans différence significative du taux de CRP initial ou maximal, du taux de leucocytes, de PNN ou de lymphocytes, ou du taux d’hémoglobine. Les valeurs des enzymes hépatiques n’étaient pas significativement différentes entre les deux groupes (Tableau n°9). Les AAC n’étaient pas significativement plus fréquentes au diagnostic, à un ou à deux mois dans l’un des deux groupes (Tableau n°9). La survenue des autres complications cardiaques relevées n’était pas non plus différente selon la forme clinique de MK. Quatre patients (10%) n’ont pas reçu d’IgIV dans le groupe de patients atteints de MK atypique, ainsi que deux enfants (3%) dans le groupe de MK classique (Tableau n°9). Il n’y avait pas de différence statistique de prise en charge initiale. Le taux de résistance à la première dose d’IgIV était identique à 15% des patients dans les deux groupes, et donc non significativement différent selon la forme clinique de MK (p = 1). Huit patients avec une MK typique (10%) et six patients avec une MK incomplète (15%) ont reçu des corticoïdes, sans différence statistique entre les deux groupes (p = 0,63). Le délai entre le diagnostic et l’initiation ’un traitement par immunoglobulines n’était pas significativement différent entre les deux groupes. 5. Comparaison des caractéristiques entre notre population et celle de l’article princeps du score Kawanet
Les caractéristiques de population ont été comparées entre notre cohorte et celle de l’étude princeps d’élaboration du score Kawanet, dans les limites des données accessibles dans l’article du Dr Piram et al. (16) (Tableau n°10). Population totale
Population Kawanet p n = 119 n = 425 Nombre de G/F (sexe ratio) 68/51 (1,33) 242/182 (1,33) 1 Age au diagnostic en année, moyenne (ET) 3,6 (3,2) 2,8 (2,4) 0,02* Délai « début de la fièvre et diagnostic » en 6,4 (2,4) 6 (3,1) 0,06 9 (15,7) 1,2 (1,9) <0,0001* Modification des extrémités 83 (70) 298 (70) 1 Exanthème diffus 94 (79) 320 (75) 0,1 Conjonctivite 107 (90) 374 (88) 0,87 Adénopathie cervicale ≥ 1,5 cm 72 (61) 219 (52) 0,35 Modification de la muqueuse orale 71 (60) 392 (92) <0,0001* Chéilite 95 (80) 350 (82) 0,28 Langue framboisée 53 (45) 207 (49) 0,06 Taux maximal de CRP, en mg/L 166,6 (98,8) 156 (98) 0,06 AAC 28 (24) 163 (38) 0,003* Myocardite 1 (1) 13 (3) 0,21 Péricardite 5 (4) 75 (18) 0,0003* Insuffisance cardiaque 1 (1) 4 (1) 1 Immunoglobulines intraveineuses 113 (95) 420 (99) 0,07 Aspirine 119 (100) 398 (94) 0,25 18 (15) 84 (20) 0,38 6,5 (2,4) 6,6 (3,6) 0,06 14 (12) 50 (12) 1 jours, moyenne (ET) Suivi en mois, moyenne (ET) Manifestations cliniques, nombre (%) Complications cardiaques, nombre (%) Traitement, nombre (%) Résistance à la 1 ère perfusion d’IgIV Délai « début de la fièvre et traitement par IgIV » en jours, moyenne (ET) Traitement ≥ 10 jours du début de la fièvre Tableau n°10 : Comparaison des caractéristiques de population entre notre cohorte et celle de l’article du Dr Piram et al. (16) ET : Ecart-type, G/F : Garçon/fille
L’étude princeps d’élaboration du score Kawanet incluait un nombre plus important de patients (n = 425) comparativement à notre travail (n = 119) (Tableau n°10).
| 13,718
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2022AIXM0107_16
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,022
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Les citoyens vus du ciel : comment concilier opérations de drone et droits des personnes ?
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None
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French
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Spoken
| 7,178
| 10,998
|
295 d'un service non altéré par la protection de sa vie privée, et le prestataire de ce service qui en tire un avantage concurrentiel »1185 ; (5) protection de bout en bout qui s’étend pendant toute la durée de vie de la donnée, jusqu’à sa destruction ; (6) fonctionnement des systèmes assurant visibilité et transparence ; et (7) garantie du respect de la vie privée des utilisateurs. La Privacy-by-design représente ainsi un changement important par rapport aux approches traditionnelles de protection de la vie privée qui mettent l’accent sur l’établissement de normes minimales et la mise en place de recours en cas de violation1186. Elle nécessite en effet que les responsables de traitement passent d’un mode réactif à un mode proactif1187. Dans le contexte des drones, la notion de proactivité est un élément essentiel1188. Elle permettrait en effet d’atténuer, voire de remédier, à la propension des drones à récolter des données non nécessaires mais aussi d’éviter aux exploitants de drones le fardeau économique et administratif d’avoir à informer des personnes d’un traitement de données dont ils n’ont pas besoin pour leur activité1189. Dans son rapport Privacy and Drones, Ann CAVOUKIAN affirme d’ailleurs expressément que « Plutôt que d’adopter une approche visant à rendre les systèmes conformes aux exigences de protection de la vie privée, les organisations devraient adopter une approche de Privacy-by-design proactive pour concevoir et exploiter des drones qui respectent la vie privée » 1190. Elle détaille également comment chacun des sept principes de la Privacy-by-design devraient être compris et mis en œuvre dans le contexte des drones. Le principe de proactivité est ainsi considéré comme une première étape nécessaire qui consiste à tenir compte des limites d’utilisation associées à ces technologies. Il requiert de confiner géographiquement le drone, de l’utiliser pendant des périodes précises ou encore de réfléchir à l’emplacement de l’équipement et du personnel autorisé à l’utiliser 1191. Le principe de protection de la vie privée par défaut implique d’exploiter le drone de telle PUCHERAL P., RALLET A. et a., « La Privacy by design : une fausse bonne solution aux problèmes de protection des données personnelles soulevés par l’Open data et les objets connectés? », in : Open data : une révolution en marche, Legicom, Victoires Editions, 2016, p.91.
1186 CAVOUKIAN A., « Privacy and Drones: Unmanned Aerial Vehicles », Information and Privacy Commissioner, Ontario, Canada, 2012, p.17. 1187 Ibidem. 1188 FINN R.L., WRIGHT D. et a., Study on privacy, data protection and ethical risks in civil Remotely Piloted Aircraft Systems operations, op. cit., p.331. 1189 Ibid., p.332. 1190 CAVOUKIAN A., « Privacy and Drones: Unmanned Aerial Vehicles », op. cit., p.26 ; traduction personnelle. 1191 Ibid., p.18. 1185 296
manière que ses caméras puissent uniquement surveiller les espaces qui ont été identifiés comme nécessitant une surveillance vidéo, en excluant les espaces où les personnes ont des attentes élevées en termes de vie privée – toilettes publiques par ex. – et de n’allumer les capteurs du drone que lorsque cela est nécessaire1192. Le principe de protection de bout en bout implique de réaliser une analyse d’impact sur la vie privée (ci-après PIA)1193. Les principes de visibilité et de transparence impliquent de réaliser des consultations avec les personnes concernées quant à la nécessité et l’acceptabilité de l’exploitation de drones1194. Enfin, le principe de garantie du respect de la vie privée des utilisateurs implique d’informer les tiers de l’utilisation de drones et de la collecte potentielle de données personnelles1195. Ibid., pp. 17-18. Ibid., p.18 ; voir infra. 1194 Ibid., p.20. 1195
Ibid
.,
p
.21. 1192
1193
297 Intégration de la PbD à tous les niveaux : systèmes opérationnels, processus de travail, gestion des structures (espaces physiques et l’infrastructure réseau) Geofencing Utilisation à des créneaux horaires définis Gestion l’orientation de la caméra Utilisation uniquement lorsque nécessaire Information des tiers de l’utilisation de drones Réaliser un PIA Consultations sur la nécessité et l’acceptabilité Utilisation d’un moyen de stockage sécurisé pour conserver les données Conservation des logs Restriction des accès au personnel autorisé
Figure 1 Exemples de mesures de Privacy-by-design appliquées aux drones
246. Afin de conférer « une réalité juridique » à la Privacy-by-design1196, les autorités européennes ont consacré ce principe à l’article 25 §1 du Règlement général de protection des données personnelles1197. Les responsables de traitement sont ainsi tenus de prendre les mesures techniques et organisationnelles appropriées, ainsi que les garanties nécessaires, qui sont destinées à mettre en œuvre les principes relatifs à la protection des données de façon effective et à protéger les droits et libertés des personnes concernées. Les mesures techniques et organisationnelles appropriées et les garanties nécessaires peuvent prendre diverses formes telles que la pseudonymisation des données à caractère personnel, formation des salariés ou encore l’obligation contractuelle pour les soustraitants de mettre en œuvre des pratiques spécifiques de minimisation des données 1198. Elles doivent être conçues pour mettre en œuvre les principes relatifs à la protection des données consacrés à l’article 5 du RGPD1199. Le responsable de traitement doit par ailleurs PUCHERAL P., RALLET A. et a., « La Privacy by design : une fausse bonne solution aux problèmes de protection des données personnelles soulevés par l’Open data et les objets connectés? », op. cit., p.91. 1197 Article 25 §1, RGPD. 1198 Ibidem. 1199 Ces principes sont la licéité, la loyauté, la transparence, la limitation des finalités, la minimisation des données, l’exactitude, la limitation de la conservation, l’intégrité et la confidentialité. 1196 298 documenter les mesures techniques et organisationnelles mises en place, en définissant par exemple des indicateurs clés de performance qualitatifs ou quantitatifs 1200. Pour définir ces mesures appropriées, le responsable de traitement devra tenir compte (1) de l’état des connaissances, c’est-à-dire des progrès technologique actuel présents sur le marché ; (2) des coûts de mise en œuvre ; (3) de la nature, la portée, le contexte et les finalités du traitement ; et (4) des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, que présente le traitement pour les droits et libertés des personnes physiques 1201. Cette obligation doit être mise en œuvre tant au moment de la détermination des moyens du traitement qu’au moment du traitement lui-même. 247. Si la pertinence du principe de Privacy-by-design est primordiale dans le contexte des drones1202, il n’en reste pas moins complexe à mettre en œuvre1203. L’implémentation du principe de protection des données dès la conception peut ainsi se heurter à plusieurs difficultés techniques : (1) celle de la traduction « en concepts algorithmiques des principes dont tous s'accordent à reconnaître la généralité et le flou » 1204 ; (2) celle de l’estimation de la réponse apportée par une solution technique à un principe de Privacyby-design et de la proportion dans laquelle elle y répond ; et enfin (3) celle de la composition entre des principes parfois antagonistes1205. Des difficultés économiques peuvent s’y ajouter. Il est ainsi possible de craindre que la Privacy-by-design affecte « de manière disproportionnée les petites entreprises qui dominent l’industrie européenne naissante, augmentant le coût de conception et de production et accordant un avantage aux fabricants non européens »1206. Dans tous les cas, le principe de Privacy-by-design impose aux fabricants une veille constante des techniques et des risques nouveaux ainsi que des analyses périodiques de risques1207.
European
Data Protection Board
,
Lignes directrices 4/2019 relatives
à
l’article 25
Protection des donnée
s
d
ès la conception et protection des données par défaut
,
adoptées le 20
octobre
2020, p.8. 1201 Ibid., p.9. 1202 BASSI E., « From Here to 2023: Civil Drones Operations and the Setting of New Legal Rules for the European Single Sky », Journal of Intelligent & Robotic Systems, n°100, 2020, p.500. 1203 DARY M. et BENAISSA L., « Privacy by design : un principe de protection séduisant mais complexe à mettre en œuvre », Dalloz IP/IT, 2016, pp. 476-480. 1204 PUCHERAL P., RALLET A. et a., « La Privacy by design : une fausse bonne solution aux problèmes de protection des données personnelles soulevés par l’Open data et les objets connectés? », op. cit., p.98. 1205 Ibidem. 1206 BOUCHER P., Civil Drones in Society. Societal and Ethics Aspects of Remotely Piloted Aircraft Systems, JRC Science and Policy Reports, 2014, p.25 ; traduction personnelle. 1207 PUCHERAL P., RALLET A. et a., « La Privacy by design : une fausse bonne solution aux problèmes de protection des données personnelles soulevés par l’Open data et les objets connectés? », op. cit. 1200 299
B. Le principe de Privacy-by-default 248.
La Privacy
-
by
-default est le corollaire de la Privacy-by-design1208. Elle implique de mettre en place et d’appliquer par défaut le plus haut niveau de protection des données personnelles.
Cela
signifie
que les mesures aptes à
garanti
r la vie privée de l’utilisateur – ou des tiers – doivent être appliquées sans aucune intervention de sa part et qu’il faut au contraire une action délibérée pour les désactiver. Ce principe est consacré à l’article 25 §2 du Règlement général sur la protection des données1209. Les responsables de traitement sont ainsi tenus de prendre les mesures techniques et organisationnelles appropriées pour garantir que, par défaut, seules les données à caractère personnel qui sont nécessaires au regard de chaque finalité spécifique du traitement sont traitées. Le responsable de traitement doit en outre s’assurer qu’il ne collecte pas plus de données que nécessaire, qu’il ne traite pas les données collectées plus que nécessaire pour atteindre ses finalités et qu’il ne conserve pas les données plus longtemps que nécessaire1210. La Privacyby-default fait donc référence au principe de minimisation des données et impose aux entreprises de l’appliquer par le biais de mécanismes inhérents à leurs produits ou services1211. Sa mise œuvre implique dès lors de faire des choix quant aux valeurs de configuration ou aux options de traitement qui se retrouvent dans les « préréglages » ou dans les « réglages d’usine » du produit1212. Dans le contexte des drones, l’application de ce principe peut contribuer à un meilleur respect de la vie privée et de la protection des données1213. Il convient, pour cela, de préférer la charge utile la moins intrusive possible et d’envisager la mise en œuvre de techniques d’anonymisation chaque fois que le traitement de données à caractère personnel est inutile1214. Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, Opinion 01/2015 on Privacy and Data Protection Issues relating to the Utilisation of Drones, op. cit., p.14. 1209 Article 25 §2, RGPD. 1210 European Data Protection Board, Lignes directrices 4/2019 relatives à l’article 25 Protection des données dès la conception et protection des données par défaut, op. cit., p.13 ; FINN R.L., WRIGHT D. et a., Study on privacy, data protection and ethical risks in civil Remotely Piloted Aircraft Systems operations, op. cit., p.75. 1211 European Data Protection Board, Lignes directrices 4/2019 relatives à l’article 25 Protection des données dès la conception et protection des données par défaut, op. cit., p.13. 1212 Ibidem. 1213 Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, Opinion 01/2015 on Privacy and Data Protection Issues relating to the Utilisation of Drones, op. cit., p.14. 1214 Ibidem. 1208 300 249. Afin de rendre ces principes plus concrets, considérons le scenario n°1 – inspection d’ouvrage1215. Dans ce scénario, l’utilisation de drones vise à collecter des images de lignes électriques à moyenne et haute tension afin de vérifier leur état. Le responsable de traitement doit donc s’assurer qu’il ne collecte pas d’autres données, telles que l’image des passants ou des voisins. Pour cela, il peut établir un plan de vol qui permette d’éviter de capter des images en vue directe des habitations, adapter la définition de la caméra utilisée ou encore utiliser des outils de geocaging pour s’assurer que le drone ne sorte pas de sa zone de vol. Le responsable de traitement doit également s’abstenir de traiter excessivement les données collectées et ne pas les conserver plus longtemps que nécessaire. Pour cela, il peut notamment éviter d’enregistrer les données non nécessaires ou encore utiliser des techniques de modification / altération des images pour supprimer les données personnelles qu’elles contiennent 1216. Sur ces deux dernières obligations, il peut être pertinent d’étudier le scénario n°5 – prise de vue lors d’un événement1217. Dans ce scénario, le responsable de traitement réalise des images et des vidéos dans le but de retransmettre l’événement sportif en direct. Le principe de minimisation des données lui interdit dès lors de conserver ces données plus longtemps que nécessaire, c’est-à-dire après la retransmission. En revanche, si la finalité du traitement était de promouvoir cet événement à long terme, le responsable de traitement pourrait conserver les images jusqu’à réalisation de la campagne de promotion, c’est-à-dire pour quelques mois dans le cas d’un événement unique ou une année – ou selon les cas – dans le cadre d’un événement reconductible périodiquement. Les images ne peuvent toutefois être conservées indéfiniment par le responsable de traitement. Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2, Section 1, §1B. BALDINI G. et CANO-PONS E., Study on techniques addressing security and privacy aspects of civil operations of drones in Europe, JRC Science for Policy Report, Joint Research Center, European Union, 2017, p.41. 1217 Ibidem. 1215
1216 301 §2 : La prise en compte des principes juridiques de protection des données dès la conception par les drones 250.
L’application aux drones des principes juridique de protection des données dès la conception nécessite de prendre en compte les caractéristiques susceptibles d’interférer avec la vie privée et les données personnelles des tiers1218. Les caractéristiques identifiées comme importantes pour rendre les drones plus respectueux de la vie privée relèvent principalement de leur apparence (A) et des fonctionnalités logicielles qui leurs sont intégrées (B).
A. Action
s
portant sur
le design
des drone
s 251. Plusieurs études scientifiques ont démontré que l’apparence des drones peut affecter la façon dont les tiers les perçoivent ainsi que les craintes ressenties 1219. De manière corollaire, celle-ci peut donc être utilisée pour améliorer la protection perçue de la vie privée1220. Les éléments clés de perception des drones sont leurs caractéristiques, leur charge utile et leurs mouvements. 252. En général, les drones sont plutôt perçus comme gênant, bruyant voir effrayant. En résumé, ils n’inspirent pas confiance. Or, cela peut avoir de nombreuses conséquences sur la vie privée et le comportement des tiers. Pour y remédier, les constructeurs de drone peuvent et doivent agir directement sur leur conception1221. Les différentes études conduites dans le domaine estiment que l’ajout d’une protection autour des hélices, le fait de donner aux drones une forme circulaire ou encore l’utilisation de couleurs vives plutôt que les couleurs ternes ou foncées traditionnellement utilisées pourrait avoir un impact positif1222. La taille des drones utilisés a également son importance. Les petits drones sont
DRONERULES.EU, Privacy-by-design Guide. A DroneRules.eu PRO resource for drone manufacturers, disponible sur https://dronerules.eu/assets/files/DRPRO_Privacy_by_Design_Guide _EN.pdf. 1219 CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “Spiders in the Sky”: User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », Proceedings of the 2017 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems, 2017, pp. 67656776 ; WANG Y., XIA H., YAO Y. et HUANG Y., « Flying Eyes and Hidden Controllers: A Qualitative Study of People’s Privacy Perceptions of Civilian Drones in The US », Proceedings on Privacy Enhancing Technologies, 2016, n°3, pp. 172-190 ; BAJDE D., WOERMANN N., BRUNN M. et al., Public reactions to drone use in residential and public areas, Report, University of Southern Denmark, 2017, 26p. 1220 DRONERULES.EU, Privacy-by-design Guide., op. cit., p.10 ; CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “ s in the Sky”: User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », op. cit., p.6774. 1221 CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “Spiders in the Sky”: User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », op. cit., p.6771 ; Point 1.3, Annexe IX, Union européenne, Règlement 2018/1139, op. cit. 1222 CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “Spiders in the Sky”: User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », op. cit., pp. 6765-6776 ; WANG Y., XIA H., YAO Y. et HUANG Y., « Flying Eyes and Hidden Controllers: 1218 302 en effet
consid
érés
comme moins visibles et peuvent induire des craintes quant à leur capacité à s’introduire dans des lieux privés ou à capter des données à l’insu des tiers. Tandis que les très gros drones peuvent, au contraire, induire des craintes quant à la charge utile qu’ils sont en mesure de transporter voir de dissimuler. Il est donc important d’utiliser des drones dont la taille est proportionnée et adaptée à la mission qui leur est confiée1223. Enfin, les drones sont souvent caractérisés de bruyant voir dérangeant. Pourtant, ce même bruit peut être considéré comme préservant la vie privée dans la mesure où il rend le drone moins furtif et aide les tiers à identifier leur présence1224. Il apparaît donc important de conserver un certain niveau de bruit tout en limitant son impact sur les tiers en le modifiant par exemple pour qu’il apparaisse moins menaçant 1225. La charge utile du drone peut également avoir un fort impact sur la vie privée et la protection des données à caractère personnel. Cela est d’autant plus vrai qu’il est difficile pour les tiers de discerner le type de capteur utilisé et les raisons de son utilisation 1226. Dans le scénario n°3 – relevés sur une parcelle agricole, il est par exemple difficile voire impossible pour les tiers de savoir pour quelles raisons le drone est présent sur l’exploitation et le type de relevés effectués. En absence d’information, il en va de même que le drone soit équipé de capteurs ou non. Il donc important de rendre les capteurs visibles et d’informer les tiers quant à la mission réalisée. Cette recommandation rejoint d’ailleurs l’obligation prévue par le Règlement de base 2018/1139 quant à la possibilité d’identifier facilement la nature et l'objet de l'exploitation1227. Le type de charge utile a également son importance dans la mesure où leur impact sur la vie privée peut différer d’une charge utile à une autre, comme le montre le Tableau 91228.. La charge utile et sa qualité doivent donc être adaptées à la mission poursuivie. Dans le scénario n°3 – relevés sur une parcelle agricole, les relevés ne nécessitent par exemple pas d’équiper le drone avec une caméra haute résolution. Il convient dès lors d’adapter la charge utile en retirant A
Qualitative Study of People’s Privacy Perceptions of Civil
ian
Drone
s
in The US
», op. cit., pp. 172-190 ;
BAJDE D., WOERMANN N., BRUNN M. et al., Public reactions to drone use in residential and public areas, op. cit., 26p. 1223 CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “Spiders in the Sky”: User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », op. cit., p.6774 ; DRONERULES.EU, Privacy-by-design Guide, op. cit., p.11. 1224 CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “Spiders in the Sky”: User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », op. cit., p 6772. 1225 Ibidem. 1226 Ibid., pp. 6772-6773. 1227 Union européenne, Règlement 2018/1139, op. cit., Annexe IX, point 1.3. 1228 Voir supra, p.142. 303 ou en désactivant la caméra du drone si celui-ci en est équipé. Si le télépilotage du drone requiert une aide visuelle à la navigation, le drone pourra être équipé d’une caméra à faible résolution ou d’un système de détection des obstacles. Dans tous les cas, les images ne devront pas être enregistrées sur l’appareil mais uniquement retransmises en temps direct au télépilote. Enfin, les mouvements du drone peuvent également créer des craintes pour les tiers, notamment concernant leur espace privé ou leur sécurité physique1229. Il apparaîtrait donc opportun de réfléchir à la façon dont les drones se déplacent afin de concevoir des mouvements plus « amicaux » et d’assurer une certaine stabilité aux drones1230.
Cat. Facteur Charge utile Caractéristiques Forme Mesures d’atténuation Protection des hélices Forme circulaire Visuel plus « amical » Couleur Utiliser des couleurs vives Apposer le logo de l’entreprise ou une inscription visible Installer un dispositif de signalement lumineux Taille Utiliser des drones de taille proportionnelle à la mission Assurer la visibilité des petits drones Bruit Concevoir un bruit moins menaçant Limiter le bruit émis par les drones Produire moins d’air Position Rendre la charge utile clairement visible par : apposition d’une couleur vive sur son support intégration d’un signal lumineux qui s’allume lorsqu’elle est active Qualité Limiter la qualité des caméras disponibles Permettre à l’utilisateur d’adapter la qualité des données collectées en fonction de ses besoins Permettre à l’utilisateur d’allumer ou éteindre la charge utile au cours de la mission Mouvements Concevoir un drone stable Concevoir des mouvements « amicaux »
Tableau
24
Synthèse des propositions
portant
sur
le design des
drones CHANG V., CHUNDURY P. et CHETTY M., « “Spiders in the Sky”
User Perceptions of Drones, Privacy, and Security », op. cit., p.6771. 1230 Ibid., p.6774. 1229 304 B. Actions portant sur les fonctionnalités drones 253.
De même que pour le design, il est possible d’agir sur les fonctionnalités des drones pour tenir compte des principes de protection de la vie privée et de protection des données à caractère personnel dès leur conception et par défaut 1231. Le Règlement 2018/1139 impose à ce titre deux séries de fonctionnalités qui doivent être complétées par des mesures de protection des données1232. i) La première obligation imposée par le Règlement 2018/1139 est de pouvoir identifier « facilement les aéronefs ainsi que la nature et l'objet de l'exploitation »1233. Le respect de cette obligation peut être obtenue par l’installation d’un de signalement électronique ou numérique sur le drone. Le Règlement 2019/945 relatif aux systèmes d'aéronefs sans équipage à bord et aux exploitants impose d’ailleurs que les drones de catégorie C1, C2 et C3 soient dotés d’un système d’identification directe à distance qui : a) permet de charger le numéro d'enregistrement de l'exploitant ; b) permet d'assurer la radiodiffusion périodique directe au moyen d'un protocole de transmission ouvert et documenté, des données suivantes : i) le numéro d'enregistrement de l'exploitant ; ii) le numéro de série physique unique du drone ; iii) sa position géographique et sa hauteur ; iv) sa trajectoire ; v) la position géographique du télépilote ou celle du point d'envol ; c) assure que l'utilisateur ne peut pas modifier ces données1234. Ces dispositifs permettent d’avoir des informations sur l’exploitant du drone, sa trajectoire ou encore la position de son télépilote. Ils sont donc clairement susceptibles d’améliorer la transparence des opérations de drones et d’accroitre la responsabilité des opérateurs1235. Leur efficacité exige néanmoins que certaines conditions déjà abordées soient remplies par le dispositif, notamment que les informations transmises soient Point 1.3, Annexe IX, Union européenne, Règlement 2018/1139, op. cit. ; DRONERULES.EU, Privacy-bydesign Guide., op. cit., p.15.
1232 Point 1.3, Annexe IX, Union européenne, Règlement 2018/1139, op. cit. 1233 Ibidem. 1234 Part 2.12, Part 3.14, Part 4.9, Annexe, Union européenne, Règlement délégué (UE) 2019/945, op. cit. 1235 DRONERULES.EU, Privacy-by-design Guide., op. cit., p.17. 1231 305
accessibles au plus grand nombre, que leur contenu réponde aux inquiétudes des citoyens et qu’elles soient sécurisées1236. ii) La deuxième obligation imposée est de « garantir le respect des restrictions, interdictions ou conditions applicables, notamment en ce qui concerne l'exploitation dans des zones géographiques déterminées, au-delà de certaines distances par rapport à l'exploitant ou à certaines altitudes »1237. Le respect de cette obligation peut être obtenue par l’installation de systèmes de geoawareness ou de geofencing sur les drones1238. Ces systèmes visent, pour les premiers, à informer le télépilote qu’il approche d’une zone réglementée et, pour les seconds, à empêcher le drone de pénétrer la zone. Le Règlement 2019/945 impose d’ailleurs que les drones de catégorie C1, C2 et C3 soient équipés d’un système de géovigilance qui fournit : « a) une interface permettant de charger et de mettre à jour des données contenant des informations sur les limitations de l'espace aérien [...] ; b) un signal d'alerte au pilote à distance lorsqu'une violation potentielle des limitations de l'espace aérien est détectée ; et c) des informations au pilote à distance sur le statut de l'UA ainsi qu'un signal d'alerte lorsque ses systèmes de positionnement ou de navigation ne peuvent pas assurer le bon fonctionnement du système de géovigilance »1239 Cette obligation a vocation à faire appliquer les zones géographiques définies par les Etats membres sur le fondement de l’article 15 du Règlement 2019/947. Les systèmes équipés sur les drones pourraient cependant également permettre d’éloigner les drones des zones sensibles pour la vie privée et les données telles que les maisons individuelles, les lieux de travail, les édifices religieux, les écoles et les jardins d’enfants, les installations militaires,
postes de police, les prisons ou les palais de justice, les hôpitaux et les cliniques, etc. 1240. Des initiatives privées ont d’ailleurs vu le jour en ce sens, notamment afin d’utiliser le positionnement Wifi pour mettre en œuvre des geofence – ou barrières virtuelles – interdisant aux drones de survoler certaines zones1241. En parallèle, des cartes de vol Voir supra Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, §1 B. Point 1.3, Annexe IX, Union européenne, Règlement 2018/1139, op. cit.
1238 Conditions dans lesquelles ces systèmes peuvent être de véritables vecteurs de protection de la vie privée et des données personnelles des tiers sont définies supra. 1239 Part 2.13(a), Part 3.15(a), Part 4.10(a), Annexe, Union européenne, Règlement délégué (UE) 2019/945 1240 DRONERULES.EU, Privacy-by-design Guide., op. cit., p.16. 1241 MAY P., « Virtual Barriers, Manipulation Tools Enlisted to Keep Drones at Bay », Government Technology, 17 August 2016, disponible sur http://www.govtech.com/public-safety/Virtual-Barriers-ManipulationTools-Enlisted-to-KeepDrones-at-Bay.html. 1236
1237 306 spécifiques incluant les risques pour la vie privée et la protection des données pourraient être proposées aux exploitants de drone afin de minimiser à la fois les mouvements des drones et la collecte de données 1242. Cet outil permettrait aux exploitants de drone de choisir la meilleure trajectoire aérienne pour leurs drones, et aux autorités publiques d’autoriser des opérations protectrices de la vie privée1243. 254. En complément, les constructeurs de drones peuvent également inclure des fonctionnalités dédiées à la protection des données telles que l’encryptage des données, le floutage ou encore la limitation du temps de conservation des données1244. La modification et la rédaction des images est aujourd’hui l’une des méthodes de protection de la vie privée les plus courantes1245. Elle consiste à modifier les régions sensibles d’une image telles que les visages, les corps, les plaques d’immatriculation, etc. pour dissimuler les informations personnelles1246. Différentes méthodes peuvent pour cela être utilisées : (1) des méthodes de suppression ad hoc qui consistent soit supprimer complétement les informations sensibles de l’image soit à les modifier en utilisant le floutage ou la pixellisation, (2) des méthodes de chiffrement ou de brouillage de l’image à l’aide d’un code, (3) des méthodes de dépersonnalisation qui consistent à altérer les visages afin de dissimuler l’identité d’une personne et d’empêcher qu’elle soit reconnue à l’aide d’un logicielle de reconnaissance facile, ou encore (4) des méthodes de remplacement d’une image par une autre qui donne la même information mais empêche la reconnaissance de la personne ou de l’objet1247.
BASSI E., « Urban Unmanned Aerial Systems Operations: On Privacy, Data Protection, and Surveillance », Law in context, vol. 36, n°2, 2019, p.67. 1243 Ibidem ; voir infra pour plus de détails. 1244 BALDINI G. et CANO-PONS E., Study on techniques addressing security and privacy aspects of civil operations of drones in Europe, JRC Science for Policy Report, Joint Research Center, European Union, 2017. 1245 Ibidem. 1246 Ibidem. 1247 Ibidem. 1242 307
Section 2 : La mise en place de mesures organisationnelles
255. Outre l’exigence de mise en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour assurer la protection des données dès la conception et par défaut, le RGPD impose également que le responsable de traitement prenne des mesures organisationnelles générales. Parmi ces mesures se trouvent notamment l’obligation de de tenir un registre de traitement à jour, d’établir des procédures spécifiques en cas de violation des données personnelles ou encore de nommer un délégué à la protection des données personnelles. Dans le cadre des opérations de drone, deux mesures peuvent plus particulièrement avoir un impact positif : la mise en œuvre d’une politique de transparence (§1) et l’adoption d’outils d’évaluation des risques (§2).
§1 : Les exigences de transparence et d'information des tiers
256. L’un des aspects les plus intrusifs des drones pour la vie privée repose sur le fait que les tiers n’ont aucun moyen de connaître la nature de la mission effectuée, ni de savoir si des données sont collectées 1248. Ce manque de transparence entraîne de facto une atteinte à la vie privée des tiers, et ce même en absence de collecte de données 1249. La transparence quant aux missions réalisées et au type de données collectées, obligatoire dans le cas d’un traitement de données à caractère personnel, apparaît dès lors comme une bonne pratique pour rassurer les tiers et assurer le respect de leur vie privée 1250 (B). En pratique, une telle transparence nécessite cependant une clarification préalable des rôles et des responsabilités de chacun des acteurs1251 (A). FIN
N R
.
L
.
, WRIGHT D. et a., Study on privacy, data protection and ethical risks in civil Remotely Piloted Aircraft Systems operations,
op.
cit., p.362
. 1249 BALDINI G. et CANO-PONS E., Study on techniques addressing security and privacy aspects of civil operations of drones in Europe, op. cit., p.15. 1250 FINN R.L., WRIGHT D. et a., Study on privacy, data protection and ethical risks in civil Remotely Piloted Aircraft Systems operations, op. cit., p.362. 1251 BASSI E., « Urban Unmanned Aerial Systems Operations: On Privacy, Data Protection, and Surveillance », op. cit., p.8. 1248 308 A. La clarification des rôles et responsabilités 257.
Le respect de la vie privée et de la protection des données par les drones nécessite avant tout de rendre explicite les différents rôles et activités des différents sujets de l’opération : « (i) qui décide de l’exécution d’une opération ; ii) qui est l’exploitant et iii) qui est le pilote à distance »1252. Cette clarification, obligatoire dans le cadre d’un traitement de données à caractère personnel 1253, est également nécessaire dans le cadre de toute opération de drone1254. 258. En matière opérationnelle, le Règlement 2019/947 différencie ainsi le rôle et les responsabilités de l’exploitant et du pilote à distance. L’exploitant est une « personne physique ou morale qui exploite ou entend exploiter un ou plusieurs UAS »1255. En langage courant, il s’agit de celui qui utilise ou tire profit du drone 1256. Il est responsable de la supervision des opérations, c’est-à-dire qu’il doit notamment établir les procédures opérationnelles, désigner le pilote à distance pour chaque opération, mettre à jour les informations du système de géovigilance1257. Dans le cadre d’une opération en catégorie spécifique, l’exploitant doit en outre établir « des procédures visant à garantir que toutes les exploitations sont conformes » au RGPD et en particulier procéder à une analyse d’impact relative à la protection des données lorsque cela est nécessaire1258. La notion de pilote à distance n’est pas définie par la réglementation. Ce rôle entraîne néanmoins la responsabilité de la réalisation de l’opération, c’est-à-dire, qu’avant de commencer le vol, le pilote doit notamment recevoir les informations à jour pertinentes pour l’exploitation envisagée, s’assurer que l’environnement est compatible avec le vol prévu et s’assurer que l’UAS est en état de terminer le vol prévu en toute sécurité. Au cours du vol, il doit notamment respecter les limites et conditions prévues, se conformer aux procédures de l’exploitant lorsqu’elles existent, respecter les limites d’exploitation dans les zones géographiques et ne pas accomplir ses tâches sous l'influence de substances psychotropes ou de l'alcool, ou lorsqu'il est inapte à les accomplir1259. Ibidem. Articles 24, 26 et 28, RGPD. 1254 Règlement d'exécution (UE)
/947, op. cit. 1255 Article 2, Union européenne, Règlement d'exécution (UE) 2019/947, op. cit. 1256 https://www.cnrtl.fr/definition/exploitation. 1257 UAS.OPEN.050 et UAS.SPEC.050, Union européenne, Règlement d'exécution (UE) 2019/947, op. cit. 1258 UAS.SPEC.050, ibid. 1259 UAS.OPEN.060 et UAS.SPEC.060, Union européenne, Règlement 2019/947, op. cit. 1252 1253 309 259.
En ce qui concerne les données à caractère personnelles, le RGPD différencie les obligations du responsable de traitement et du sous-traitant1260. Le responsable de traitement est une personne physique ou morale qui détermine les finalités et les moyens du traitement seul ou conjointement1261. Tandis que le sous-traitant agit pour le compte du responsable du traitement1262. Dans le cadre d'une opération de drone, l'exploitant peut être désigné responsable du traitement s’il opère le drone pour son compte propre ou si le client n'intervient pas dans la façon dont les données personnelles sont traitées. Dans le cas contraire, il est qualifié de sous-traitant et la responsabilité du traitement revient au client ou au partenaire qui détermine les finalités et les moyens de l'opération. Pour illustrer le propos, il est possible de se tourner vers l’exemple de la réalisation de prises de vues lors d’un événement culturel – scenario #5. Pour réaliser la prestation, la Commune de ROCCAMADOUR a signé un contrat avec la SAS CINEDRONE. L'opérateur de drone est chargé de prendre des photos et des vidéos par drone. Le service de communication de la ville de ROCCAMADOUR réalisera les outils de communication. Les deux entités définissent ensemble les moyens et les finalités du traitement. La commune de ROCCAMADOUR et la SAS CINEDRONE sont dès lors co-responsables du traitement1263. B. L’obligation légale d’information
260. Le Règlement général sur la protection des données impose que le traitement de données à caractère personnel soit transparent à l’égard des personnes concernées 1264. Il s’agit notamment de permettre aux tiers de connaître les raisons de la collecte, de comprendre le traitement qui en est fait et de pouvoir maîtriser leurs données personnelles, en facilitant l’exercice de leurs droits1265. Les règles générales applicables à l’information des personnes concernées sont établies par l’article 12 du RGPD. Il impose que l’information soit fournie d’une façon « concise, transparente, compréhensible et Voir article 24 et 28, RGPD, op. cit. Article 4 §7, RGPD, op. cit. 1262 Article 4 §8, RGPD, op. cit. 1263 Pour plus de détails, voir Partie 2, Titre 2, Chapitre 1, Section 2, §2 A. 1264 Considérant 39, RGPD, op. cit. 1265 CNIL, « Conformité RGPD : comment informer les personnes et assurer la transparence? », 26 juillet 2019, disponible sur https://www.cnil.fr/fr/conformite-rgpd-information-des-personnes-ettransparence. 1260 1261 310 aisément accessible, en des termes clairs et simples »1266. Cela signifie que l’information doit être présentée de manière efficiente et succincte afin d’éviter de noyer les personnes concernées d’informations1267. Cette information doit également être présentée de la manière la plus simple possible afin qu’elle puisse être comprise par la majorité du public visé1268. Enfin, la personne concernée ne devrait pas avoir à rechercher les informations mais devrait pouvoir y accéder facilement et immédiatement 1269. 261. La nature des informations à fournir est strictement définie par le RGPD en fonction de l’origine des données à caractère personnel. Le Règlement différencie ainsi les données collectées auprès des personnes concernées (article 13) et les données obtenues auprès d’une autre source (article 14). La première catégorie regroupe les données fournies sciemment par la personne ou collectées par observation, en utilisant des caméras par exemple 1270, tandis que la seconde concerne les données obtenues auprès d’un tiers tel qu’un autre responsable de traitement, une source en libre accès ou encore un courtier en données1271. Les données collectées par drone rentrent clairement dans la première catégorie. Il convient donc de se tourner vers l’article 13 RGPD afin d’obtenir la liste des informations à fournir aux personnes concernées. Cette liste est reproduite dans le Tableau 25 ci-dessous. Ces informations doivent, dans tous les cas, être communiquées rapidement à la personne concernée, c’est à dire « au moment où les données en question sont obtenues » dans le cadre de l’article 13 RGPD1272. Article 12, RGPD. Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, Lignes directrices sur la transparence au sens du règlement (UE) 2016/679, réf. WP260, 29 novembre 2017, pp. 7-10. 1268 Ibidem.
1269 Ibidem.
1270 Ibid., p.17.
1271 Ibidem. 1272 Ibidem. 1266 1267 311
Catégorie Responsable
du traitement Finalités et base juridique Destinataire Transfert de données Conservation Type d’information requise - Identité et coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, de son représentant ; - Coordonnées du délégué à la protection des données. - Finalités du traitement
- Base juridique du traitement (consentement, exécution d’un contrat, obligation légale, exécution d’une mission d’intérêt public, intérêt légitime) - Si le traitement est fondé sur l’intérêt légitime, les intérêts légitimes poursuivis ; - Si le traitement est fondé sur le consentement, l'existence du droit de retirer son consentement à tout moment ; - Des informations sur la question de savoir si l'exigence de fourniture de données à caractère personnel a un caractère réglementaire ou contractuel ou si elle conditionne la conclusion d'un contrat et si la personne concernée est tenue de fournir les données à caractère personnel, ainsi que sur les conséquences de la non-fourniture de ces données. - Informations sur les destinataires ; - Intention d'effectuer un transfert vers un pays tiers ou à une organisation internationale, - Existence ou absence d'une décision d'adéquation rendue par la Commission ou, référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d'en obtenir une copie ou l'endroit où elles ont été mises à disposition. Durée de conservation des données à caractère personnel ou critères utilisés pour déterminer cette durée. - L’existence des droits suivants : o Accès ; o Rectification ; o Effacement ; o Limitation du traitement ; o Objection au traitement ; o Portabilité. - Le droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle. - L’existence d'une prise de décision automatisée, y compris un profilage, et, des informations utiles concernant la logique sousjacente, ainsi que l'importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée. Droits des personnes Tableau 25 Catégories d'information à fournir aux personnes concernées dans le cadre de l’article 13 du RGPD 312 262. Le RGPD ne prescrit ni la forme ni les modalités selon lesquelles les informations doivent être fournies, mais impose au responsable de traitement de « prendre les mesure appropriées » pour fournir les informations requises à des fins de transparence 1273. Il est ainsi clairement établi que le responsable de traitement doit prendre en compte les circo
nstances
de la collecte
lorsqu’
il
décide de la forme et des modalités appropriées à l’information des tiers1274. Sur ce point, le Groupe de travail « Article 29 » a reconnu que l’utilisation des drones soulève un défi quant à la façon de fournir des informations et d’inciter la personne concernée à les consulter1275. Pour relever ce défi, deux approches complémentaires peuvent être envisagées par les responsables de traitement. La première approche, classique dans un environnement numérique1276, consiste à hiérarchiser les informations à fournir et à découper la notice d’information en plusieurs niveaux. Au lieu d’afficher toutes les informations sur une même page ou sur un même support, le responsable de traitement distingue plusieurs niveaux d’information. Le premier niveau donne un aperçu clair des informations accessibles sur le traitement ainsi que la façon de trouver les informations détaillées sur ce même traitement. Le ou les autre(s) niveau(x) permettent d’avoir accès aux informations détaillées sur le traitement. Pour illustrer cette approche, il est possible de reprendre l’exemple du scénario 5 – prise de vue lors d’un événement culturel – développé supra. Dans ce scénario, le premier niveau d’information pourrait avoir le contenu suivant : Afin de promouvoir le festival de musiques du monde de ROCAMADOUR, la SAS CINEDRONE réalise des prises de par drone tout au long de l’événement. Les images sont conservées pendant un an et peuvent être visionnées par le personnel habilité de la SAS CINEDRONE et par le service communication de la Commune de ROCAMADOUR. Une notice d’information plus complète est disponible à l’entrée du festival et sur le site internet du festival rubrique « Politique de protection des données ». Article 12, RGPD. Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, Lignes directrices sur la transparence au sens du règlement (UE) 2016/679, op. cit, p.16.
1275 Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, Opinion 01/2015 on Privacy and Data Protection Issues relating to the Utilisation of Drones, op. cit., p.15, note 43. 1276 Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, Lignes directrices sur la transparence au sens du règlement (UE) 2016/679, op. cit. 1273 1274 313
Pour exercer vos droits Informatique et Libertés, notamment votre droit d’accès aux images qui vous concernent, ou pour toute information sur ce dispositif, vous pouvez contacter notre direction en écrivant à [email protected] ou à l’adresse postale suivante : SAS CINEDRONE 13 rue de la Liberté 00100 DRONEVILLE Dans cet exemple, les informations détaillées sur le traitement sont contenues dans une notice d’information qui pourrait prendre la forme suivante : 1. Objet du traitement Afin de promouvoir le festival de musiques du monde de Rocamadour, la SAS CINEDRONE réalise des prises de vue par drone tout au long de l’événement pour le compte de la Commune de ROCAMADOUR. La base légale du traitement repose sur l'exécution d'une mission d'intérêt public (promouvoir la politique touristique et culturelle de la ville). 2. Données et catégories de personnes concernées
Le personnel organisateur du festival, les artistes et les spectateurs sont filmés par le dispositif. Les personnes assistant à des événements connexes sont également susceptibles d’être filmées. 3. Destinataires Les images peuvent être traitées par le personnel habilité de la SAS CINEDRONE et le service communication de la Commune de ROCAMADOUR. Toutes les données seront conservées en France. 4. Durée de conservation Les images sont conservées un an.
5. Droits des personnes concernées
Vous pouvez accéder et obtenir copie des données vous concernant, vous opposer au traitement de ces données, les faire rectifier ou les faire effacer. Vous disposez également d’un droit à la limitation du traitement de vos données. Vous pouvez exercer ces droits en vous adressant à : [email protected] ou à l’adresse postale suivante : SAS CINEDRONE 13 rue de la Liberté 00100 DRONEVILLE 314 La seconde approche a été proposée par le Groupe de travail « Article 29 » dans son Opinion 01/20151277. Elle consiste à utiliser différents canaux de diffusion pour informer les personnes concernées en fonction de la nature de l’opération. Trois types d’opération sont plus particulièrement identifiées : les opérations réalisées dans une zone définie, les opérations visant de grandes infrastructures et les opérations réalisées sur de vastes zones ou des zones non-délimitées. La première catégorie d’opérations est bien représentée par le scénario #5 – prise de vue lors d’un événement culturel. Dans ce cas, la zone d’évolution du drone est fixe et circonscrite au lieu où l’événement se déroule et les personnes concernées sont connues. Les dispositifs habituels d’information – utilisation de panneaux de signalisation, affichage d’informations ou encore introduction des informations dans la documentation de l’évènement – peuvent donc être utilisés1278. Il pourrait d’ailleurs être intéressant que l’industrie développe un logo ou un panneau spécifique et unifié permettant au public de reconnaître facilement qu’un drone est opéré à proximité1279. D’autres dispositifs plus spécifiques aux drones, tels que l’utilisation de signaux numériques, lumineux ou sonores, pourraient également être envisagés par les responsables de traitement afin de s’assurer que le drone est visible des participants 1280.
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Piérart, le directeur, dispose, pour satisfaire ainsi l'inspecteur, de bons critères : « une situation en centre ville, une nourriture saine, abondante et variée, un savoir à mettre en harmonie avec les lumières, les découvertes et les besoins de notre époque, des maîtres jeunes, actifs, livrés à l'enseignement par vocation, animés par l'amour de la jeunesse et visant avant tout à former des hommes utiles, dignes et vertueux198 ». Plus loin, le pensionnat tout proche de Beaucamps, tenu par les Petits Frères de Marie, met en avant « de vastes jardins, des habitudes de travail, d'ordre, d'économie, des manières franches et polies, en un mot tout ce qui doit rentrer dans l'ensemble d'une éducation soignée199 ». Mais que ce soit dans l'enseignement laïc ou dans le confessionnel, l'instruction de la doctrine chrétienne tient encore une place de choix au tournant du siècle puisque, dans les rapports des inspecteurs d'académie, le premier critère d'excellence abordé est celui « de l'état de l'enseignement religieux ». Dans cinq des onze cas renseignés à ce sujet dans le canton, il y a un instituteur « antireligieux et antisocial », probablement trop anarchiste au goût de l'inspecteur, un qualifié de « mauvais », un autre de « médiocre », le quatrième inculque « une bonne tenue à l'église », et enfin le cinquième est « excellent ». Deux sur cinq, voire sur onze, donnent satisfaction. Le contexte est donc celui, globalement, d'une indifférence affichée vis à vis du fait religieux dans les locaux scolaires publics. Cela reflète une absence d'affrontement devant les élèves. Il faut la loi sur les congrégations de 1902 et et la séparation de l'Eglise et de l'Etat du 9 décembre 1905 pour que les choses changent : une agitation s'empare des localités lorsque les militaires viennent faire l'appoint pour que l'inventaire des églises du canton puisse se faire. A Illies, en particulier, l'émotion est forte. Yvonne Gille-Lecompte se rappelle du climat particulier de cette époque : « A la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1906, la troupe est venue pour faire l'inventaire des biens de l'église. La grille était fermée ; elle a été défoncée à coups de crosse. Le receveur buraliste a été réquisitionné pour faire l'inventaire ; c'était un ancien militaire ayant eu ce poste après trente ans de colonies. Buffalo était son surnom. »202 selon les indications d'avant les lois de séparation, retrouvent alors leur liberté. Le but de l'enseignement des plus grands est la préparation du diplôme du Certificat. Les dates de passage se situant de mi-juin à début juillet avec inscription un mois avant, seuls les enfants dont l'instituteur est assuré de leur présence le jour dit sont inscrits. Notons, d'abord, que passent l'examen les écoliers qui ont suivi une scolarité régulière, qui ont un bon niveau et qui offrent assez de résistance pour affronter sereinement l'épreuve, le moment venu203. Le taux de présentation au CEP en 1883 (pas de renseignements complets à l'échelle de tout le canton pour la période allant de 1884 à 1914) est globalement de 25 %. Salomé reste remarquable avec le taux le plus élevé qui se situe autour de 28 %. Notons encore que, dans cette proportion, les garçons comptabilisés regroupent ceux des onze communes plus ceux du Pensionnat Gombert de Fournes, formant un groupe de 120 garçons en 1901 sur un total de 180 candidats, et de 98 en 1914 sur un total de 158. Les filles, qui ne bénéficient pas d'école primaire supérieure dans le secteur, ne font que le tiers des effectifs : 60 filles dans les deux cas, durant les années 1901 et 1914. Notons enfin que ceux qui ont la chance, ou l'honneur, ou le courage, d'appartenir à la liste des postulants potentiels, sont effectivement présents aux épreuves à quasiment cent pour cent. Car s'il faut se préparer avant, il faut aussi se présenter le jour, une fois l'inscription engagée. Si le CEP est une invitation à réussir pour les candidats inscrits, il est en outre un enjeu d'honneur pour l'enseignant qui prépare les élèves. maître effectue en effet auprès des sélectionnés une préparation intense à laquelle il consacre un temps personnel très lourd qui, s'il est récompensé par de forts pourcentages de succès, fait sa fierté. D'ailleurs, plus encore que l'amour-propre de l'instituteur, c'est la réclame de l'école ou du pensionnat qui est concernée, d'où des heures d'entrainement à la dictée et au calcul, tard le soir, bien après les horaires officiels de l'emploi du temps.204 Les résultats au CEP sont aussi l'heure des vérités communales : ils disent la vitalité de toute une bourgade ou sanctionnent localités et maîtres incapables de donner l'instruction aux jeunes des communes. Tel est en effet l'enjeu : la réprobation de l'opinion ou le prestige retombant sur l'école et la bourgade méritantes.205
3) Les diplômes obtenus dans le canton : du certificat au baccalauréat
Les chemins de l'instruction mènent donc à leur couronnement, l'examen. Et l'attestation de l'admission, le papier enluminé avec le nom calligraphié du candidat reçu à l'épreuve, est, dans nombre de maisons du canton, mis à l'honneur. Le diplôme est placé sous verre, entouré d'une bordure en large bois doré et suspendu sur le mur principal de la « salle », celle où se trouvent les meubles les plus précieux, les vases les plus rares et le tapis de table le plus épais206. Le cadre du succès de l'enfant prend ainsi sa place dans la pièce-musée de l'habitation. Ce « signe de l'accès à la maturité devant la société et devant Dieu »207 prouve un apprentissage, garantit un niveau d'instruction, de mémorisation et de compréhension et fait la fierté de la famille qui, regardant autour d'elle, s'aperçoit que la 202 ADN, 2 T 1372, prospectus du pensionnat Gombert, p. 2
Doro
thée
Huette, Les résultats du Certificat d'Etudes Primaires dans le canton de La Bassée de 1888 à 1914, op. cit. 204 Ibid. 205 Madeleine Delerue, Entretiens. 206 Michel Bouillé, L'école, histoire d'une utopie? XVIIe - début XXe, Paris-Marseille, Editions Rivages, « Histoire », 1989. 207 Bruno Belhoste (dir.), « L'examen, Evaluer, sélectionner, certifier, XVIe - XXe siècles », in Revue Histoire de l'éducation, INRP, 2002, n° spécial 94. 203 98 réussite
n'est guère si répandue. C'est que, à observer de près, en dépit d'un enseignement axé dans ce but depuis deux décennies, l'examen reste difficile et sélectif. Le tableau 1901-1914 des admissions et des refus au CEP dans le canton, présenté ci-après (Document n° 29), le prouve bien. Il faut, avant d'en faire la lecture, rappeler que les filles sont celles des onze communes tandis que les garçons proviennent d'un recrutement plus vaste, à cause du poids de Fournes qui fait à lui seul près de la moitié des inscrits. A propos des filles, en 1901, on constate que le nombre de candidates n'est pas proportionnel aux habitants : Marquillies et Salomé ont peu d'élèves aspirantes alors que leur population est comparable à celle d'Herlies ou d'Illies, voire de Fournes ou Fromelles. Filles refusées après la première série 1901 Filles admises Commune Garçons admis Garçons refusés après la première série Totaux - admis (Adm) - refusés (Ref) Aubers 2 0 12 2 Adm : 14, Ref : 2 Fournes 4 2 57 8 Adm : 61, Ref : 10 Fromelles 4 0 4 0 Adm : 8, Ref : 0 3 1 Adm : 3, Ref : 1 Herlies 6 2 2 1 Adm : 8, Ref : 3 Illies 7 1 2 1 Adm : 9, Ref : 2 La Bassée 16 7 16 4 Adm : 32, Ref : 11 Marquillies 2 0 8 3 Adm : 10, Ref : 3 Sainghin 8 1 10 1 Adm : 18, Ref : 2 Salomé 3 0 6 6 Adm : 9, Ref : 6 Hantay Wicres Total /11 communes 60 inscrites 60 présentes 42 reçues 70 % de reçues 1er prix départemental à Louise Delaval, d'Illies, présentée par Melle Boury 1914 Commune Filles refusées après la première série Filles admises Adm : 0, Ref : 0
Meilleur résultat : Fromelles, avec 100 % de succès. Wicres ne présente ni fille ni garçon au Certificat d'Etudes en 1901. Le nombre important de Fournes s'explique par le pensionnat Gombert. 121 inscrits 121 présents 91 reçus 75 % de reçus 1er prix départemental à Alexandre Meurisse de Fournes du pensionnat Gombert Garçons admis Garçons refusés après la première série Totaux - Admis - Refusés Aubers 2 0 10 0 Adm : 12, Ref : 0 Fournes 3 0 60 9 Adm : 63, Ref : 9 Fromelles 8 0 3 0 Adm : 11, Ref : 0 1 0 Adm : 1, Ref : 0 2 0 Hantay Herlies Adm : 2, Ref : 0 99 Illies 0 1 La Bassée 3 2 0 0 12 0 Adm : 32, Ref : 0 Marquillies Sainghin 5 9 0 0 2 5 0 Adm : 7, Ref : 0 0 Adm : 14, Ref : 0 Salomé 3 0 1 0 Adm : 4, Réf. : 0 3 0 2 1 Adm : 5 Réf. : 1 Wicres Total /11 communes 60 inscrites 59 présentes 59 reçues 100 % de reçues 1er prix départemental à Augustine Dubois, de Sainghin. 98 inscrits 96 présents 88 reçus 92 % de reçus 1er prix départemental à Achille Delebecque de Fromelles. 0 Adm 4, Ref : 0
Toutes les écoles de filles du canton ont 100 % de succès. Fromelles reste une école d'excellence.
Document 29 : Tableau des résultats du CEP des années 1901 et 1914 dans le canton de La Bassée, filles et garçons. Source : DN, 351 W 124 189, pour l'année 1901, et 351 W 124 197, pour l'année 1914. Selon les travaux de Dorothée Huette208, durant la période des vingt-cinq ans considérés dans ses calculs, le taux de réussite dans le canton est globalement très satisfaisant. Il est en moyenne de 89 %, supérieur d'un point à celui du département du Nord, supérieur chez les filles de 3 % par rapport aux garçons, et supérieur à la fin de la période par rapport aux années 1880-1890. Les onze villages ont donc un bon niveau d'ensemble si l'on s'en tient aux résultats des élèves présentés. Sur la période, on trouve les meilleurs pourcentages à Herlies (94,2 %), avant Sainghin et La Bassée (90,9 %) ; puis arrivent dans l'ordre Marquillies, Fournes, Wicres, Fromelles, Illies et Hantay avec des taux allant de 90 à 80 %, et enfin Aubers (77,6 %) et en dernier Salomé avec 76,4 %. Relativement au nombre de lauréats, il faut signaler que Fournes, grâce aux pensionnaires de l'établissement Gombert, se trouve en position n°1 (1/3 des reçus durant les 25 années précédant la Grande Guerre), devançant La Bassée (1/5), Sainghin et Aubers (1/10), les autres villages apportant peu de candidats. Préparation des élèves et compétence de leurs maîtres se combinent pour aboutir au prestige des prestiges : le prix départemental. Dans les années qui nous intéressent, onze distinctions ont été décernées aux filles : cinq étaient de La Bassée, trois d'Illies, une de Salomé, une d'Herlies et une de Sainghin ; chez les garçons, quatorze prix départementaux, dont six de Fournes, trois de La Bassée et de Fromelles, et enfin deux d'Illies. Et ces champions glorieux, lors de la distribution solennelle des diplômes, bénéficient de récompenses cons quentes : des sommes importantes en « nature » (20 francs, voire plus), des versements sur livret de Caisse d'Epargne, des voyages à la mer offerts par l'industriel Lestarquit de La Bassée et des volumes pour les instituteurs qui ont préparé les lauréats.209 Et, en effet, vus les acquis à dominer à l'âge de onze ans à la sortie du cours moyen, il semble normal de récompenser ces enfants qui ont investi autant de temps et d'énergie pour réussir. Car il s'agit bien d'un examen codifié depuis 1880, peu modifié ensuite, avec un écrit, un oral et, en plus, un travail de couture à exécuter par les filles. 100 de calcul à opérer mentalement. Les jeunes postulants de onze ans des onze bourgades se rendent au chef-lieu, à La Bassée, à un jour d'écart entre garçons et filles, pour subir, dans le silence et sans leurs maîtres, ces épreuves lourdes d'importance, surtout l'orthographe, la reine des matières, l'élément central de l'apprentissage. C'est pour eux le contact premier avec un événement si fort, décrit par Michel Bouillé comme un « spectacle sérieux et ritualisé »210. Ces enfants de onze ans du canton de La Bassée, lauréats félicités le jour de la distribution du diplôme, n'ont guère de valeur supplémentaire sur le marché du travail par rapport à leurs congénères qui n'ont ni passé ni réussi le CEP. L'étude des professions211 des garçons admis montre que 37 % d'entre eux sont devenus ouvriers qualifiés, dont une bonne partie houilleurs, que 36 % s'installent en tant qu'artisans, que 17 % sont employés de commerce ou d'administration, et qu'enfin 3 % sont dits sans profession, ce qui équivaut à chômeurs ou journaliers. Personne n'acquiert un statut de profession libérale, personne ne devient enseignant. On voit bien que, ce qui est recherché par ces garçons courageux et intelligents, c'est un métier d'insertion locale ou de salariat, un métier sans éloignement de la sphère géographique, le reflet d'un certain conservatisme social. Quant aux filles admises, 52 % sont retrouvées plus tard sans profession. Pourtant quelques unes tiendront un bureau de poste : en ces temps de développement du télégraphe et du téléphone, le métier est un choix intéressant ; d'autres iront en banque, ouvriront une boutique, ou deviendront enseignantes par le passage à l'Ecole Normale pour obtenir le Brevet érieur ou à l'Ecole primaire supérieure afin d'être diplômée d'un Brevet Elémentaire. Le CEP côté filles permet quelques intégrations professionnelles, signes d'acculturation. Le côté peu assimilateur du CEP s'explique par le fait que, plus pour les garçons que pour les filles, les meilleurs ou les plus aisés sont déjà partis au collège ou au lycée afin de viser plus haut que le certificat. La première marche est le brevet, la seconde est le baccalauréat. Le Brevet, Elémentaire et Supérieur, est le degré au-dessus du CEP. C'est le diplôme obtenu par la plupart des instituteurs du canton. Le baccalauréat, par contre, instaure en plus une culture212. Ce diplôme est celui de l'élite sociale locale. Commun
e
Bac 1ère partie Classique et moderne CANDIDATS Aubers 2 MENTIONS AB RECUS B TB Bac 2de partie Classique et moderne CANDIDATS RECUS 2 1 210 MENTIONS AB B TB TOTAUX des bacheliers par commune du canton
1 Michel Bouillé, L'école, histoire d'une utopie? XVIIe - début XXe, op. cit. Dorothée Huette, Les résultats du Certificat d'Etudes Primaires dans le canton de La Bassée de 1888 à 1914, op cit. 212 Christine Kok-Escalle, « Instaurer une culture par l'enseignement de l'histoire, France, 1876-1912 », Contribution à la sémiotique de la culture, Publications Universitaires Européennes, Peter Lang, Berlin, Francfort sur Main, Paris, 1988. 211 101 Fournes 5
2
Fromelles
4 3 4 1 La
Bassée
25 12 Marqu
illies
2 1 Sainghin 7 4 Salomé 1 1 Wicres 2 2 AB 4 2 1 AB 2 5 2 2 AB 2 1 1 9 6 2 2 4 3 2 1 Hantay Herlies 0 1 Illies Total des candidats 0 53 2 AB 1 AB 1 AB 6 2 2 AB 3 1 0 24 5 AB 29 18 6 AB 18
Document 30 : Le baccalauréat de 1900 à 1913 dans le canton de La Bassée : résultats des garçons nés dans le canton et passant leur baccalauréat à Lille (possibilité qu'il y ait d'autres candidats nés ailleurs ou passant le baccalauréat ailleurs) Source : ADN, 2 T 2868 à 2904
S'il faut considérer (Document n° 30) les résultats d'ensemble des garçons candidats, une faible réussite, seulement de 50 %, il faut également voir la répartition des communes d'où viennent les élèves. Le chef-lieu est la ville du « plus » scolaire et culturel avec la moitié des postulants et aussi la moitié des succès pour la première partie des épreuves et un tiers pour la seconde partie. La polarisation sociétale fonctionne à La Bassée en dépit du faible poids démographique et de la position excentrée de la bourgade. Confirmation de la hiérarchie213 de la ville par rapport aux dix communes environnantes, le baccalauréat est le signe du système bourg-centre où le chef-lieu, bien que privé d'une fonction économique transcendante, reste l'endroit dynamique de la connaissance alors que le reste du territoire cantonal est replacé dans son rôle d'hinterland moins ouvert et moins intégré. Deux communes plus rurales ont deux lauréats, le même nombre, paradoxalement, qu'à Fournes qui abrite pourtant le Pensionnat Gombert, lequel aurait pu créer davantage de dynamique au sein de la localité. Ce sont Fromelles et à Marquillies qui sont de petites localités mais qui, chacune à leur façon, ont des marqueurs culturels actifs en leur sein. Ensuite Aubers et Herlies ont un bachelier ; enfin Hantay, Illies et Wicres, aucun. La décroissance des chiffres dit d'une part la gêne des familles pour scolariser en ville leurs enfants, et d'autre part la réelle difficulté des examens qui empêchent, même si les élèves poursuivent des études, d'aboutir à un résultat. Il faut aussi considérer que ces données ne tiennent compte que des enfants nés dans le canton : des familles aisées voient déjà leurs filles accoucher en maternité ou bien repartir chez leurs parents au moment d'enfanter. Par conséquent des élèves de lycée, fils de familles habitant dans le canton, mais nés ailleurs, n'appartiennent pas à ces statistiques. Les candidats pris en compte sont ceux de l'académie de Lille, à savoir ceux de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, et provenant de la quarantaine d'établissements publics et privés des cinq départements. De plus, les familles qui déménagent, et il y a un vaste mouvement de migrations internes en ces temps de recherche de prospérité, perturbent aussi ces totaux communaux ; ainsi Félicien Verly, par exemple, né à Herlies au temps où ses parents y logeaient, n'est pas dans le compte de la commune d'Illies où pourtant il réside en 1913 quand il est admis à la session d'octobre du calauréat première partie. Finalement, être un bachelier né dans le canton de La Bassée fait du lauréat un échelon privilégié dans la zone d'influence des notables. Ce qui revient à se poser la question des milieux familiaux : le titre acquis est-il le couronnement d'un parcours d'exception lié aux aides qui permettent à tous, pourvu qu'ils aient la volonté et les capacités, d'atteindre l'excellence? Ou bien est-il une simple reproduction sociale qui permet aux plus puissants de continuer à exercer leur ascendant par le biais de leur progéniture diplômée? Se présentent aux épreuves à Wicres Maurice Brasme, fils d'industriel, à Aubers Charles Lecoustre, fils d'instituteur, à Marquillies Jacques Barrois, fils d'industriel, à Herlies Georges Delattre, fils d'industriel, à Sainghin Jean Nory, fils d'industriel, etc. 215 103 (Les provinces acquises sous Louis XIV, La société française au XVIIIe siècle, Napoléon et la Prusse, par ex). Ces candidats, s'ils doivent travailler surtout des sujets d'histoire politique, diplomatique et militaire, ont donc aussi à apprendre l'histoire des sociétés. Ceux du canton qui passent les épreuves orales d'histoire de la seconde partie ont eu à répondre à vingt-deux sujets, six relatifs à la France (Gambetta et le gouvernement du 4 septembre, Le second Empire, La constitution de 1875, par ex) et sur dix-sept concernant l'histoire européenne (Les principales formes de gouvernement, La guerre des Balkans de 1878, La guerre de Crimée, par ex). On voit bien que les angles de vue ne sont ni étriqués, ni seulement évènementiels. Les jeunes de dix-huit ans et plus qui ont reçu un tel bagage ont aussi appris à réfléchir et à relativiser. Il est à remarquer qu'un candidat ayant intégré ces données possède les capacités pour mieux comprendre la guerre qui arrive bientôt. Voici le relevé de quelques thèmes qui ont été proposés aux candidats du canton.216 En géographie, les sujets portent sur la France et ses colonies (géographie physique et économique, et un intitulé curieux comme 'La répartition des langues en France') et les grands pays du monde (Russie, Etats-Unis, Emigration chinoise, Allemagne) ; en mathématiques et en sciences physiques, les candidats doivent connaître les longueurs d'ondes, le téléphone ou encore l'anhydride sulfureux ; en histoire naturelle, les questions portent sur l'immunité, la circulation sanguine et les localisations cérébrales. La plupart des bacheliers du canton seront des officiers durant la guerre ; leur formation, sérieuse, les y aidera. En rés , la vie scolaire dans le canton n'est pas un modèle de succès ; ses résultats ne sont pas parmi les plus brillants. Pourtant, grâce à une assiduité acceptable et à des méthodes propices dans le primaire comme dans les classes supérieures, les onze communes disposent de jeunes gens sachant lire, écrire et compter correctement, sachant se situer dans la chronologie du pays et de l'Europe, sachant placer depuis les modestes chefs-lieux jusqu'aux grands traits du relief de la France, et enfin sachant comprendre l'organisation du corps humain ainsi que les mécanismes élémentaires de la physique. Nulle part on ne voit de message velléitaire de reconquête des provinces perdues, nulle part un contenu hyper nationaliste n'est véhiculé par les maîtres. II. Le curé et la vie religieuse dans le canton
Les prêtres des paroisses du canton de La Bassée déploient de l'énergie pour apporter ou vivifier la foi dans un territoire pourtant peu opposant et bien scolarisé. 1) Une religiosité associée à un fonds de paganisme 216 ADN, 2 T 2868 à 2904, Etudes des intitulés des sujets donnés aux bacheliers à l'écrit comme à l'oral durant les années 1900 à 1914. Le canton est globalement catholique avec un noyau de pratique protestante centrée sur le temple de Ligny-le-grand à Illies. S'il est donc très majoritairement chrétien, il est encore marqué, en zone urbanisée comme à La Bassée aussi bien qu'à la campagne dans les hameaux, par des pratiques antérieures. Mais ce fait n'est pas spécifique au canton : tous les territoires voisins possèdent les mêmes représentations, que l'on soit plus proche de Lille ou de Lens, ou encore du canton d'Armentières voire dans la vallée de la Lys voisine, et même côté belge.
1 - Des survivances traditionnelles exploitées pour combler le déficit de guérison de la médecine
Un recueil des traditions du pays de Weppes, écrit par Pierre Descamps dans la seconde moitié du XXe siècle, inventorie les survivances religio-traditionnelles encore présentes dans les esprits. Il permet de comprendre à quelles résistances et réticences les curés du secteur ont eu à faire au début du vingtième siècle et encore des années plus tard. Le premier chapitre a pour titre « Les étranges coutumes des campagnes de Weppes ». Il dénombre « les secrets » des populations des onze localités. En voici quelques uns : - Le guérisseur d'Aubers est appelé ch'dieu d'Elva tandis que celui d'Illies a pour surnom le Bon Dieu de Willies. - A Piètre, un hameau d'Aubers, un pinseux d'secret (rebouteux) fait des signes de croix sur l'évangile de Saint Jean pour « casser les fièvres » des malades qui le consultent. - La planque al'Broille, un mégalithe couché pour servir de pont sur un petit cours d'eau appelé Broille, « se retourne brusquement sur lui-même le Vendredi saint à minuit ». - Une même prière dit à Fournes ou à Fromelles pour venir à bout des vers qui ravagent les cultures : « Je te prie par le dieu des esprits de me guérir du mal qui me ronge et me mord [] comme tu le fis au coeur et au corps de Madame de Saint-Yzoff ». Bien sûr, plus personne ne sait qui est cette Madame de Saint-Yzoff. - On vient servir Saint Jean, à Fromelles, ce qui signifie que chaque 24 juin, et globalement chaque dimanche de l'année, le saint y est prié « contre les convulsions et autres maladies nerveuses ». Les prêtres ont donc fort à faire pour démêler les survivances païennes et la foi conforme au canon. Le mot « dieu » est appliqué aux guérisseurs ; l'évangile de saint Jean sert de référent pour faire tomber la fièvre des malades ; les pierres préhistoriques, christianisées dans la légende du vendredi saint, gardent leur mystère puisqu'elles se retournent la nuit lorsqu'il n'y a personne pour observer le phénomène ; le dieu prié pour venir à bout des vers infestant les champs est appelé « dieu des esprits » ; la fête païenne du solstice d'été est associée à la Saint-Jean ; les saints, à l'instar de saint Fiacre à La Bassée, sont utilitaires et invoqués quand le corps a des défaillances physiques. C'est que les médecins, on l'a vu avec les causes de la mortalité précoce dans le canton, s'ils sont dévoués pour se rendre au chevet de leurs patients, se heurtent au fait que les temps de déplacement sont longs entre le moment où ils sont prévenus et celui où ils partent consulter.218 Comme ce temps de carence est une réalité à prendre en compte, les populations compensent en faisant appel à d'autres pratiques qui sont à la fois paramédicales et « parareligieuses ».
217 218 Pierre Descamps, Promenades au Pays de Weppes, Illies, Editions Philippe Thibaut, 1977, p. 18-27. Madeleine Delerue, Entretiens. Les fidèles savent faire la différence entre ce qui procède de la foi chrétienne et ce qui tourne autour de substituts qui apaisent leurs craintes. Le regard des pratiquants sur leurs prêtres le montre en effet. 2 - Des prêtres « érudits » mais peu prolixes A Illies, au début du XXe siècle, le prêtre en place depuis 1896 est l'abbé Philippe Dufour. L'homme est apprécié pour sa proximité avec l'ensemble de la population : « C'était un saint homme, un homme droit et bon, intègre et chaleureux, érudit et proche de chacun, fidèle à sa foi et curieux de toutes les saveurs de la vie locale »219 Si la mémoire locale retient de lui qu'il est « chaleureux » et « proche de chacun », elle présente également le prêtre comme un homme « érudit ». Pourtant, la principale production qui reste de Philippe Dufour est sa Monographie de la paroisse d'Illies élaborée de 1898 à 1902, un opuscule bien modeste de vingt-deux pages. Il ne s'agit pas d'une création originale ; des monographies paroissiales sont en effet demandées à tous les prêtres du diocèse selon une grille de questionnement identique. Il apparaît que des développements très différents peuvent s'opérer selon que le prêtre est amateur d'histoire ou désireux de fouiller la composition sociale de la paroisse. La Monographie paroissiale de La Bassée, par exemple, s'intéresse aux objets cultuels, les décrit et rapporte leur histoire, en particulier durant la période révolutionnaire220. Rien de tel à Illies, à part les turbulences qui ont affecté la ferme cistercienne de l'Ecuelle et qui ont interpelé le prêtre. La Monographie d'Illies est conventionnelle, limitée aux attendus des questions, avec de nombreux « Rien » comme réponses. Les autres demandes d'éclaircissement aboutissent bien uvent des esquives : « Rien d'important à répondre à cette question » (p. 12), « Je n'ai rien trouvé concernant les biens et revenus de la cure d'Illies » (p. 12). Etant donné que les documents consultés par le prêtre ont disparu depuis, brûlés lors des incendies d'octobre 1914, ou dispersés lorsque les bâtiments ont été ouverts à tous les vents durant la Grande Guerre, il est à regretter que ces renseignements potentiels aient pu être perdus définitivement. 106 qu'ailleurs, les choses se soient passées avec davantage de véhémence puisque le journal Le Grand Echo s'en fait le rapporteur : Illies. L'inventaire a été achevé jeudi sous la protection de vingt gendarmes par monsieur le sous-inspecteur de l'enregistrement, lequel a dû faire ouvrir par un serrurier la porte de la sacristie dont le curé avait refusé de livrer la clef.221 Herlies. L'inventaire, qui devait avoir lieu le mercredi, a dû être remis à une date ultérieure, l'agent des domaines ne s'étant pas présenté. Jeudi, à une heure et demie, Mr Fouquet, percepteur de Fournes, s'est présenté à l'église d'Herlies pour procéder à l'inventaire. Après avoir entendu la protestation du curé qui a dit « qu'il préférait mourir plutôt que d'ouvrir son église et d'en donner les clefs », le fonctionnaire s'est retiré.222 L'abbé Philippe Dufour, en acceptant que l'inspection de l'enregistrement entre dans son église paroissiale, se montre républicain comme l'ensemble des populations du canton ; en s'opposant à l'ouverture de la sacristie, il marque des limites qui sont celles que la plupart des habitants ressentent comme une effraction face à la montée de l'anticléricalisme ambiant. Globalement, donc, les prêtres du canton sont appréciés pour la proximité qu'ils ont avec les idées de leurs paroissiens, conservateurs mais républicains, et pour l'empathie qu'ils manifestent à leur égard. 2) Une pratique tiède à l'échelle du canton
L'abbé Philippe Dufour décède en 1907. Il est remplacé par l'abbé Aloïs Vercruysse qui sera le pasteur d'Illies durant l'avant-guerre, la guerre et la sortie de guerre. Ces deux prêtres sont des témoins de la pratique religieuse dans le canton de La Bassée durant les deux premières décennies du XXe siècle. Les documents principaux dans la paroisse sont, on vient de le voir, la Monographie paroissiale et l'Echo d'Illies. Tous deux évoquent la pratique religieuse, pour déplorer sa trop grande tiédeur. 1 - « On désirerait un peu plus de ferveur. » Il faut observer d'abord que c'est parmi la population rurale que la pratique religieuse est dominante. Ce milieu, composé des cultivateurs et de leurs ouvriers agricoles, est concentré un peu dans les centres-bourgs du canton où subsistent des fermes en nombre assez important223, et surtout dans les hameaux où les bâtiments agricoles sont entourés des champs et des prés attenant au corps de logis ainsi que des maisons des personnels attachés aux fermes. Le curé Dufour, bien que ce soit dans ce milieu agricole que la pratique soit la plus forte, reconnaît que c'est là que le bât blesse : « On désirerait un peu plus de ferveur dans les pratiques religieuses. Les éloignements de l'église en sont une cause. » L'eau de la Broelle, qui inonde régulièrement les champs et les chemins de terre desservant les hameaux de l'Ecuelle, de Lannoy et de Montécouvé, est la cause de l'irrégularité de la pratique des écarts dans la commune d'Illies. Le problème est récurrent également à Aubers où Pierre Descamps décrit qu'il faut installer des « pierres d'app » afin de pouvoir marcher à pieds secs pour circuler entre le bourg et les hameaux de Piètre ou vers 221 Grand Echo, samedi 24 février 1906. Ibid., samedi 17 février et dimanche 4 mars 1906. 223 ADN, Recensements de 1906 et de 1911, La Bassée, Aubers, Sainghin. 222 107 les zones basses de la rue Delva, ou encore dans la direction de la cense des Aunois. « Ils remontèrent le chemin creux qui menait à leur hameau, contournèrent la zone des tourbières, escaladèrent un talus pour couper à travers les pâtures et ils furent en vue de la ferme. »224 La configuration bourg-hameaux est en effet un facteur déterminant pour la tiédeur de la pratique. Le déplacement de deux, voire de trois kilomètres, à pied ou en vélo, deux fois par dimanche pour la messe et les vêpres, discrimine ceux qui ont une longue distance à parcourir et affaiblit leur assiduité. Le phénomène est identique pour la réception de l'hostie qui ne peut s'effectuer qu'à jeun : les pratiquants des centres-bourgs peuvent à loisir se rendre à l'église afin de communier avant la messe et ainsi prendre un petit-déjeuner copieux avant d'assister aux cérémonies du culte ; l'aller-retour avant les offices religieux n'est pas possible, par contre, pour les habitants des hameaux qui confortent leur habitude de ne point associer messe et communion. C'est un reproche du curé Dufour qui dit que « la difficulté des communications les a tenus à l'écart des centres ».225 2 – « Les habitudes de vie large et peu chrétienne » Le coeur de cible des prêtres du canton est le monde ouvrier qui va se déchristianisant. Le monde ouvrier dont les curés craignent la contagion des mauvaises habitudes est en réalité bien vaste : il va des ouvriers agricoles – mais on a vu qu'ils restent majoritairement chrétiens pratiquants comme leurs employeurs – aux ouvriers des fabriques en passant par les mineurs et les jeunes gens des métiers de la fosse. Les habitants du canton évoluent en effet vers professions tournées vers l'extérieur, les fermes et les métiers de la terre n'offrant plus de débouchés permettant de faire vivre de larges familles ou plusieurs ménages. Le cas de la famille Vienne du bourg d'Illies est symptomatique de cette évolution en cours : le père, à la fois tenancier d'estaminet, planteur de tabac et boulanger, est obligé d'envoyer ses fils travailler au dehors afin d'assurer des rentrées d'argent suffisantes pour vivre ; la mine de Courrières a été le tombeau d'un des enfants Vienne226 lors de la catastrophe de 1906 qui a dévasté 110 kilomètres de galeries.227 Ce milieu besogneux et en souffrance à cause de conditions de travail souvent difficiles est pourtant stigmatisé par Philippe Dufour dans sa Monographie paroissiale : « Il y a à craindre du côté des mineurs qui vont répandre les habitudes de vie large et peu chrétienne ». Si les habitants des écarts ont des circonstances atténuantes à cause de l'éloignement au bourg, il n'en est pas de même, semble-t-il, dans le constat peu amène concernant les mineurs : les salaires gagnés à la fosse permettent à ces populations de mener, selon le curé, une « vie large » et les contacts syndicaux et politiques de ces ouvriers les incitent, toujours selon l'abbé Dufour, à avoir une vie « peu chrétienne ». 3 – « C'est une bonne population. » Il n'est guère possible de confronter les dires du curé d'Illies avec la pratique réelle des habitants car le nombre de pascalisants, qui aurait pu être un critère
224 Pierre Descamps, Promenades au Pays de Weppes, op. cit., p. 169. Philippe Dufour, Monographie de la paroisse d'Illies (1902), op. cit., p. 6. 226 Yvonne Gille-Lecompte, Entretiens. 227 Denis Varaschin, « 1906, Catastrophe dans les mines de Courrières », L'Histoire, n° 306, février 2006, p.
65. 225 108 d'appréciation, est indisponible pour cette période, les archives ayant été détruites. On ne possède pas non plus le nombre de pascalisants pour l'Entre-deux-guerres. La première mention analysable n'intervient que pour la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale où 77,9 % des paroissiens en âge de le faire se sont confessés pour les fêtes de Pâques. L'écart est important, pourtant, entre les hommes qui ne forment que le tiers des pascalisants et les femmes chez lesquelles la pratique est entière. Pour les épouses, l'Eglise est la « gardienne des moeurs »228 et la fréquentation des sacrements, au moins à Pâques, est une façon de montrer leur attachement aux valeurs et à la morale traditionnelles. L'Eglise, associée aux traditions, est donc la garante d'un monde qui se sent menacé par les innovations sociétales en cours : Les sociétés paysannes ne semblent pas avoir éprouvé le besoin d'innover. Les changements dans les techniques agricoles ont été provoqués de l'extérieur ou par des individus faisant figure d'exceptions. De là à conclure que, contrairement à l'industrie qui porte en elle-même le principe de transformation, l'agriculture « traditionnelle » est essentiellement stabilité et résistance aux innovations, il n'y a qu'un pas, aisément franchi. Au reste, le terme « traditionnel » qui semble désigner tout bonnement ce qui n'est pas moderne, prend souvent ici son sens fort : les sociétés paysannes traditionnelles sont celles qui, malgré leur diversité, ont ceci en commun d'être réglées par la tradition. Celleci noue solidairement techniques agricoles et rapports sociaux, en sorte que toute transformation des unes entraine transformation des autres. Or, comme justement tout progrès ne peut être pensé par les intéressés qu'à l'intérieur de cadres mentaux et sociaux déterminés, ce qui paraît progrès de l'extérieur paraitra souvent menace, voire régression eu égard aux cadres sociaux qui se trouvent en question.229 Pour reprendre Henri Mendras, c'est la collusion des intérêts du monde paysan avec ceux du monde clérical qui pérennise un monde traditionnel. Les agriculteurs, d'après l'auteur, cherchent à garder la tradition des techniques ce qui entraine le maintien de la société rurale ; l'Eglise s'appuie sur ces cadres sociaux et stabilise ainsi ce type de monde entrepreneurial. On comprend mieux alors le jugement moral de l'abbé Dufour qui, en dépit du constat des entorses à la pratique, trop tiède globalement, irrégulière dans les hameaux et faible chez les mineurs, qualifie paroissiens de « bonne population ». C'est en effet que le prêtre d'Illies considère avec un regard positif les populations largement conservatrices dont il a la charge en 1902. Il ajoute, en redondance : « Le caractère des habitants est bon dans l'ensemble. »230
3) Un entrisme clérical relativement fort
Le journal L'Echo d'Illies comprend des pages écrites par le prêtre de la paroisse et des pages proposées par le diocèse. C'est par ce bulletin surtout que l'entrisme clérical se fait particulièrement sentir auprès de la population. 1 – Une omniprésence à l'échelle locale dans toutes les classes d'âge et dans tous les milieux 228 Henri Mendras, La fin des paysans, Innovations et changements dans l'agriculture française, Paris, SEDEIS, 1967. Des articles du journal paroissial, tout particulièrement, donnent cette tonalité. Citons trois types différents, extraits du numéro 2 du bulletin bimestriel231. D'abord, on constate l'incitation à fréquenter régulièrement les sacrements aussi bien chez les adultes que chez les jeunes enfants : une fillette va « avoir un tel plaisir de faire bientôt sa communion qu'il lui semble qu'elle est au Paradis ». Le but, visible, est de montrer que la pratique fréquente de l'eucharistie procure « plaisir », voire « Paradis ». Ainsi les paroissiens qui hésitent à venir s'agenouiller au banc de communion voient, à rebours, ce qu'ils perdent à ne pas s'approcher de l'autel. Ensuite, le journal présente des faits remarquables, généralement à la fin du bouquet de pages proposées par l'évêché. Dans le bulletin n° 2, il y a « la visite de Monsieur Loubet en Russie à la suite de l'alliance des deux nations amies ». L'Eglise est ouverte au monde, elle élargit la connaissance des lecteurs, elle montre que les voies suivies en France et ailleurs sont dignes de confiance si le parrainage de l'Eglise souligne le bien-fondé des relations ainsi nouées. L'Empire tsariste et la France qui viennent d'entrer en contact à fin d'alliance militaire forment une entente approuvée par l'Eglise ; en sous-entendu, il faut comprendre que ces deux nations amies sont de tradition chétienne, ce qui conforte la valeur du rapprochement. Enfin, le bulletin offre un extrait du discours d'Ernest Legouvé, prononcé à l'Académie française pour son élection, où il rapporte « qu'il a vu des mourants s'éclairer de la lumière de l'espérance en recevant l'hostie sainte ». Voilà encore un événementprétexte qui est le point de départ d'une réflexion associant le monde culturel, cette fois, et la foi chrétienne. Certes, ce passage du discours est édifiant quant à la morale et à la foi, mais l'académicien dit aussi, par ailleurs, dans le même discours non reproduit en entier dans L'Echo d'Illies, que « la théorie de la femme libre me semble une théorie aussi fatale qu'insensée. J'aimerais mieux voir la femme éternellement subordonnée, comme elle l'est aujourd'hui, que de la voir libre d'une telle liberté. Femme libre, elle serait esclave de son corps et de ses vices : mieux vaut l'assujettissement que la dégradation. 231 L'Echo d'Illies, bulletin n° 2, 1902. Ernest Legouvé, « De la famille moderne et de la morale des femmes », in Charles Denis, Augustin Bonnetty, Robert Laberthonnière, Annales de philosophie chrétienne, p. 282-283. Les pages 7 et 8 présentent d'autres injonctions qui semblent être des conseils d'un paternalisme de bon aloi. Il s'agit des maximes qu'on trouve glissées entre les diverses chroniques, comme pour faire le lien et donner du sens à l'ensemble du journal. Le bulletin est ainsi homogénéisé par ces petites phrases d'annonces, de commentaires et de recommandations. Mais, au lieu d'être de simples transitions habiles et créant de la cohérence au sein du bulletin, elles ont une autre destination puisque les caractères gras utilisés pour les mettre en exergue font que ces phrases sentencieuses marquent davantage les esprits que le reste des pages. Les maximes sur les pages 7 et 8 sont : - Une seule page d'un mauvais journal ou d'un mauvais livre suffit pour transformer un ange en démon. - Calculez tout ce que vous coûtent vos enfants, et vous saurez ce que vous devez à vos vieux parents. - Deux fléaux à combattre sans trêve ni merci : l'alcoolisme et le mauvais journal.233 Le contenu confirme la volonté de l'organisme chargé de la rédaction du bulletin de faire de l'entrisme militant : deux thèmes apparaissent, les mauvais journaux et la réflexion sur la vie quotidienne et familiale. Le thème des mauvais journaux sous-entend qu'une autre presse, c'est-à-dire une presse libérale, gâte les représentations au point de transformer « un ange en démon ». Le thème de la réflexion sur la vie quotidienne et familiale incite à aimer ses vieux parents et à vivre sainement. Ces problématiques sont les deux versants déjà observés de la volonté de l'Eglise de rester « gardienne des moeurs ».
3 – Un cas de pression religieuse et pastorale : la communion solennelle de François Rucho
Le bulletin n° 2 présente le nouveau-né comme « un héri du Ciel » et la Communion Solennelle comme le premier moment d'émotion dans la vie d'un chrétien : « Elle se met alors à pleurer de joie : 'Père, dit-elle au milieu de ses larmes, je suis si contente de recevoir Notre-Seigneur dans la Sainte Communion' ».234 Ces regards chrétiens disent la félicité de se sentir conforme aux représentations ambiantes. Aussi est-il entré dans les normes que tous les enfants en âge de faire leur communion la fassent, même si cela doit coûter cher aux parents peu aisés. C'est le cas, à Illies, de la famille Rucho qui dispose de faibles moyens financiers à l'âge où, normalement, François se doit lui aussi de faire sa communion. Catéchisme et nous voilà en 1904 : la Pentecôte, la communion et toujours les problèmes pécuniaires et vestimentaires. Ma mère a prêté une paire de chaussures à des gens du coin pour que je sois à peu près comme les autres. A l'époque, la place avait beaucoup d'importance. J'étais tout de même arrivé à me tenir en quatrième position. Et comme à ce moment-là la mode était que, le jour même, le premier invitait le deuxième chez lui au repas, c'était pareil pour les autres : le troisième invitait le quatrième. Le troisième, qui s'appelait Jules Dubusse, habitant au Vert Chemin, m'a invité. Ma mère a prévenu la famille qu'elle n'aurait pas les moyens de refaire le même geste. Les parents ont accepté et tout s'est passé ainsi. Le lendemain, c'était procession à Laventure, et le mardi me voilà parti travailler.235 233 L'Echo d'Illies, bulletin n° 2, 1902, p. 7-8. Ibid. 235 François Rucho, François Rucho, op. cit. 234 111 « Catéchisme et nous voilà en 1904. » En peu de mots, voilà que défile tout un parcours catéchétique exigeant : les enfants assistent à la messe et à l'instruction le jeudi à 7 h 30, le matin ; on comprend leurs difficultés à être assidus puisque cette formation s'effectue avant l'heure de l'école.236 François Rucho s'est astreint à cette instruction religieuse et aux examens qui sanctionnent l'apprentissage, il a réussi « se tenir en quatr position », ce qui semble bien correspondre à un exploit pour ce jeune garçon. Il ne s'agit pas de se montrer étourdi ou indocile car du classement à ces épreuves dépend l'ordre d'entrée des enfants dans l'église paroissiale et les invitations au repas de Communion Solennelle. Le rang donne donc un sentiment à la fois de supériorité durant l'avancée du groupe de jeunes gens dans l'allée centrale et un sens de la préséance pour l'organisation des repas dont c'était la mode durant les années du début du siècle. Mais l'Eglise, par ces rites qu'elle impose – ou qui s'imposent par tradition cléricale -, met les plus pauvres de ses paroissiens en difficulté d'apparence et de relation, témoin ce que raconte François Rucho à propos de ses vêtements et du repas des communiants. En bilan de cette étude sur le curé et la vie religieuse du canton, il peut être confirmé d'abord que l'Eglise est le grand ordonnateur de la vie locale tant il est vrai qu'elle rythme les journées, faisant même commencer le catéchisme des enfants avant l'heure des premiers leçons à l'école primaire, qu'elle détermine les choix de vie des foyers où l'enfant doit être considéré comme bienvenu par dieu et qu'elle incite à considérer et à respecter les plus anciens. Elle est aussi, ensuite, la gardienne des traditions ce qui arrange beaucoup les femmes, qui voient dans l'Eglise un allié dans leur souhait de 236 Chantal Dhennin-François, Une commune rurale du Nord entre les deux guerres : vie quotidienne et mentalités à Illies, 1919-1939, op. cit., p. 135. 112 garder leurs habitudes, et les conservateurs qui se voient soutenus dans leurs choix. Enfin, il est à remarquer que l'Eglise devient clivante pour la société cantonale : des groupes peu aisés se sentent mal à l'aise à force de ne pouvoir suivre financièrement les injonctions du clergé ainsi les ouvriers en général, et les mineurs en particulier, se voient fustigés comme étant « peu chrétiens ». Les partis politiques auront beau jeu d'exploiter ces états de fait. III. Le maire et la vie politique du canton
Considérons les élections. Elles offrent un bon test sur les opinions dans le canton, mais, malheureusement, si les législatives sont le meilleur degré pour comprendre les choix personnels, dans le cas qui nous intéresse, le dossier M 650 des ADN est très incomplet. Il est particulièrement défaillant aussi pour informer sur les suffrages du début du XXe siècle qui amènent des représentants cantonaux au département : tous les villages du canton ne sont pas renseignés, et notre niveau d'objectif n'est pas atteint. La presse locale237 aurait pu apporter un éclairage complémentaire mais, en dépit d'une consultation minutieuse, on n'obtient que des résultats incomplets, spécialement en ce qui concerne les onze communes du canton. Le seul repère utilisable est donc celui des élections municipales de 1908 et de 1912, étudiées en tant que révélatrices des prises de position politique, des territoires de force des partis et des rapprochements des grandes familles d'idées. Cette indigence des sources, qui oblige à se focaliser plus sur les personnes élues dans les communes que sur le détail des suffrages, est compensée par le fait que, globalement, les mêmes électeurs choisissent les mêmes partis politiques et les mêmes hommes. Ainsi, pour le secteur, le choix se porte sur Alexandre Crespel, brasseur, comme maire de La Bassée et sur ce même représentant comme député de la circonscription. Cette remarque concrétise ce que l'on vérifie au niveau des autres communes à savoir le peu de mobilité des élus et leur origine sociale aisée. Les personnels dirigeants appartiennent à un monde diplômé, installé dans les strates entrepreneuriales, et qui cumule quantité de mandats. L'archétype de l'homme politique du canton de La Bassée est donc Alexandre Crespel , né à La Bassée le 10 mai 1867, qui obtient un doctorat de droit à Paris et qui revient ensuite prendre la direction de la brasserie de son père dans sa commune natale de La Bassée avant d'obtenir la présidence du comice agricole de Lille. Il est élu conseiller d'arrondissement en 1895, conseiller municipal en 1896, maire de La Bassée de 1898 à 1945, soit durant un demi-siècle, député en 1919 puis en 1924, et enfin conseiller général en 1920. 237 Echo du Nord, Journal constitutionnel, politique et littéraire, étude des journaux du premier semestre de l'année 1912. 238 Bernard Ménager et Jean-Pierre Florin, Les parlementaires du Nord-Pas de Calais sous la Troisième République, Centre de Recherche sur l'Histoire de l'Europe du Nord-Ouest, Université Charles de Gaulle Lille III, Jean-Marc Guislin Editeur, 2000, 352 p, p. 139. 239 Ibid. 113 1) Les idées politiques dans le canton à la veille de la guerre
Les influences politiques viennent de plusieurs fronts simultanément. Beaucoup des habitants des onze communes travaillent dès l'âge de onze ans et leur employeur est donc un homme essentiel dans leur parcours de vie à l'heure du vote. Ils ont besoin du travail qu'il procure, du salaire qu'il verse et de la maison qu'il propose. La fidélité est telle que les corons votent comme un seul homme pour celui qui les loge, les aide et les secourt. A Illies, l'élection du maire Henri Delerue s'explique par ces services rendus qui créent cette situation à la fois de révérence et d'assistanat. D'autres, on l'a vu, sont leurs propres employeurs : les planteurs de tabac, les cabaretiers, les artisans, les petits agriculteurs. Mais tous ces indépendants, à un degré ou à un autre, sont redevables envers un riche patron qui prête une attelée de chevaux, qui fait réparer ses outils, qui laisse une ardoise généreuse, qui accepte un échange de terres. Alors, même si des ferments militants venaient à s'exprimer, un réflexe conservateur incite aussitôt à pactiser avec le puissant voisin qui permet aux petits de prolonger leurs activités. La position économique particulière de ces onze communes est un des éléments à étudier à cause des éléments conservateurs ou propagandistes qui viennent à s'y croiser. Des ouvriers nombreux viennent y travailler, venant des horizons proches, les Belges des fermes, des briqueteries et des brasseries, les saisonniers des sucreries et des distilleries ainsi que les hommes et femmes en service dans les cabarets et les auberges de l'axe de la RN 41.240 L'autre des influences est celui apporté par les mineurs des fosses : des leaders politiques et syndicaux tiennent réunion, informent sur les possibilités d'action, incitent au changement, impulsent la montée des meneurs, favorisent la contestation de l'ordre établi.241 Le troisième courant d'ouverture, incontournable, qui s'ajoute au vent ouvrier et à la mobilisation syndicale rencontrée par les mineurs, est celui de l'attractivité des villes voisines. 2) Les concurrences politiques qui s'offrent aux électeurs du canton Lille Armentières Cysoing Haubourdin La Bassée Lannoy Réactionnaires (ALP compris)
Nationalistes Progressistes Républicains de Gauche Radicaux et Radicaux Socialistes Socialistes indépendants Nom du chef-lieu de l'arrondissement de Lille Socialistes Unifiés
On voit se dessiner des concurrences politiques, chacune très efficace à sa façon, cherchant à marquer les esprits en faveur de leurs idées. A quels résultats ont-elles abouti auprès des électeurs du canton?
x x x x x x Pont à Marcq x Quesnoy/Deûle Roubaix Seclin Tourcoing x x Total/11 5 x x 3
3 Document 31 : Tableau des résultats des élections municipales du 3 mai 1908, dans l'arrondissement de Lille. Source : ADN, Cabinet du préfet du Nord, M 89 / 156 a. Aux élections municipales de 1908 (Document n° 31), l'arrondissement de Lille est nettement partagé : si cinq cantons sur les onze ont élu un radical, six votent à droite avec égalité trois et trois entre Progressistes et « Réactionnaires » (ALP compris), celui de La Bassée étant dans cette catégorie. On peut donc constater que dans l'arrondissement de Lille, ni les Socialistes Indépendants ni les Socialistes Unifiés ne sont implantés avec force : ils n'y emportent aucun fief, le travail de réunification n'a pas porté ses fruits. Les ouvriers du canton, que ce soit de la mine, des industries agro-alimentaires ou du monde agricole, sont certes travaillés par le militantisme politique mais ils restent peu perméables au guesdisme qui reste étranger à leurs positions. A droite, les progressistes, modérés ou opportunistes, sont vainqueurs en ville et le Ralliement à la République avec ses slogans de défense religieuse et sociale a eu prise sur les communes plus rurales. Dans le canton de La Bassée, les enjeux se situent entre cléricalisme politique à droite et anticléricalisme de gauche. C'est le conservatisme « réactionnaire » qui l'emporte. Quels autres facteurs expliquent ce vote? « J'ai remarqué, souvent, dans les élections, que les opinions sont sujettes à une répartition géographique. Chaque parti, ou plutôt tendance, a son domaine. Sous l'apparence mouvante des élections, se précisent donc des courants stables et se dessinent des tempéraments politiques régionaux qui répondent à ces profondes individualités naturelles que sont les pays »243. Si l'on s'en tient à ces remarques d'André Siegfried, il faudrait, après avoir examiné la spécificité ou si l'on veut l' identité de la région, déduire ce qui pourrait influencer la question politique locale. 243 André Siegfried, Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République, op. cit., p. 39. Ainsi, à propos du canton de La Bassée, quels éléments particuliers jouent en faveur de ce vote que l'on constate à droite en 1908 et ce depuis la période révolutionnaire? D'abord, il convient de rappeler le cadre délimitant cet espace lui-même. On a vu que les limites vers La Bassée et Salomé étaient le bassin minier, vers Aubers et Fromelles le pays de l'Alloeu, du côté de Fournes, Sainghin et Marquillies l'agglomération lilloise. Or, une remarque s'impose : les deux premières lisières sont des limites départementales ; on est là au bord de la dépression artésienne qui est la barre sud du département du Nord et cette borne territoriale est un couperet psychologique plus fort qu'il n'y paraît, et qui entraine fierté d'appartenance et susceptibilités ; celui qui est du Nord se considère différent de celui du Pas-de-Calais et les critiques mi-amusées mi-sérieuses sont innombrables d'un côté à l'autre du tracé. Cette « frontière » intérieure à la France du Nord, héritage des divisions provinciales de l'ancien régime, suit le cours de la rivière Deûle à l'est, du Canal de La Bassée au sud, et de la Broelle et de la rivière des Layes, affluents de la Lys à l'ouest. Le canton, ainsi corseté naturellement sur trois côtés est uniquement ouvert vers Lille au nord. Tout au long de son histoire, c'est donc normalement qu'il ne s'est que très peu tourné vers son midi, le pôle d'attractivité étant toujours Lille et sa châtellenie. L'espace des onze communes est plus l'appendice de l'agglomération lilloise que la saillie du bassin minier. Les mineurs, de ce fait, qui partent tous les jours travailler dans les fosses du Pas-de-Calais, deviennent deux fois étrangers à leur milieu : ils exercent une profession hors des habitudes de leur famille d'origine, et ils se rendent dans des communes qui n'appartiennent pas à leur champ de parentèle. Nombreux à Salomé, à Marquillies et à Illies, ils témoignent, par leur position excentrée dans les représentations du moment, que les limites départementales signifient encore beaucoup en 1908. Instinctivement, quand on entre dans le canton de La Bassée par le sud, on sait qu'on quitte l'Artois ; c'est dans le Nord qu'on s'introduit.
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96 Tableau 13 : Evolution du score de qualité de vie de chaque dimension du ReTransQol entre M3 et M6 chez les patients sans évènement médicalement significatif n PH 135 SF 136 MC 136 TR 136 FG 136 DPG M3 M6 M3 M6 M3 M6 M3 M6 M3 M6 Score de qualité de vie Moyenne ± écart-type 58,6 ± 17,6 60,1 ± 17,9 81,1 ± 16,5 80,3 ± 17,4 76,4 ± 14,3 75,0 ± 13,8 79,3 ± 14,3 79,8 ± 15,7 64,6 ± 17,7 64,1 ± 19,7 Différence du score de qualité de vie Moyenne ± écart-type p -1,5 ± 13,9 0,21 0,9 ± 12,0 0,40 1,3 ± 9,9 0,12 -0,5 ± 12,9 0,64 0,5 ± 12,6 0,61 PH : Physical Health / Santé physique SF : Social Functioning / Fonctionnement social MC : Medical Care / Qualité des soins TR : Treatements / Traitements FG : Fear of losing the Graft / Peur de la perte du greffon DPG : Délai Post-Greffe
Parmi les patients ne présentant pas d'évènement important (rejet ou évènement indésirable grave notamment), aucune différence significative du score de qualité de vie n'a été détectée (Tableau 13). La cohérence interne satisfaisante et la reproductibilité correcte du questionnaire de qualité de vie ReTransQol permettaient de conclure à une bonne fiabilité de ce dernier dès le 3ème mois post-transplantation.
II.2.3.4.2.3 – Sensibilité aux changements
Parmi les patients présentant un rejet aigu ou un évènement indésirable grave (125) entre le 3ème et le 6ème mois post-transplantation (n=18), la diminution du score de qualité de vie était significative pour toutes les dimensions (p<0,05) (Tableau 14). Tableau 14 : Evolution du score de qualité de vie de chaque dimension du ReTransQol entre M3 et M6 chez les patients avec un évènement médicalement significatif (n=18 patients) DPG PH SF MC TR FG M3 M6 M3 M6 M3 M6 M3 M6 M3 M6 Score de qualité de vie Moyenne ± écart-type 64,8 ± 17,5 41,4 ± 21,4 82,0 ± 12,6 76,7 ± 12,5 78,1 ± 11,1 71,3 ± 14,4 81,7 ± 17,6 69,6 ± 16,2 56,0 ± 20,3 47,8 ± 24,5 Différence du score de qualité de vie Moyenne ± écart-type p 23,4 ± 23,1 <0,001 5,3 ± 10,3 0,044 6,8 ± 13,1 0,042 12,1 ± 14,6 0,003 8,2 ± 10,8 0,005 PH : Physical Health / Santé physique SF : Social Functioning / Fonctionnement social MC : Medical Care / Qualité des soins TR : Treatements / Traitements FG : Fear of losing the Graft / Peur de la perte du greffon DPG : Délai Post-Greffe
Le rejet ainsi que les évènements indésirables graves avaient donc un impact négatif sur la qualité de vie des patients. L'indice d de Cohen a été calculé entre les scores de qualité de vie de chaque dimension entre les patients ne présentant pas d'évènements et ceux pour lesquels un rejet ou un évènement indésirable grave avait été répertorié (Tableau 15).
Tableau 15 : Indice d de Cohen de chaque dimension du ReTransQol pour les patients avec ou sans évènement médicalement significatif entre M3 et M6 PH SF MC TR FG Patients avec rejet ou évènement indésirable grave 1,40 0,42 0,61 0,68 0,40 Patients sans changement 0,08 0,05 0,09 0,03 0,03 PH : Physical Health / Santé physique SF : Social Functioning / Fonctionnement social MC : Medical Care / Qualité des soins TR : Treatements
/ Traitements FG : Fear of losing the Graft / Peur de la perte du greffon
Ces données démontraient, chez les patients présentant un évènement, un effet fort de l'évènement sur le score de qualité de vie de la dimension « Santé physique » (dCohen > 0,8), un effet modéré sur les scores de qualité de vie des dimensions « Qualité des soins » et « Traitements » (0,5 < dCohen < 0,8). L'analyse de la reproductibilité et de la sensibilité aux changements n'a pas pu être réalisée aux autres périodes post-transplantation (M6 vs. M9 et M9 vs. M12) car le nombre de patients pour les lesquels un rejet ou un évènement indésirable grave déclaré était trop faible. La réévaluation de la seconde version du ReTransQol chez les patients Epigren, en collaboration avec l'équipe de Marseille (EA 3279) à l'origine de ce questionnaire de qualité de vie, fait l'objet d'une publication qui va être prochainement soumise dans Quality of Life Research (Annexe 5). 99 ARTICLE 2 : Validation of the psychometrics properties of a French quality of life questionnaire for renal transplant recipients less than one year: findings from the French EPIGREN cohort D. Beauger a, D. Fruit b, c, d,
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Boyer a, ML Laroche b, d, A. Rousseau c, e, E. Jouve a, S. Gentile a a Aix-Marseille University, EA 3279 – Public Health, Chronic Diseases and Quality of Life – Research Unit, 13005 Marseille, France b CHU Limoges, Department of Pharmacology, Toxicology and Centre of Pharmacovigilance, Limoges, France c INSERM, UMR-S850, Limoges, France d Univ Limoges, Faculty of Medicine, Laboratory of Clinical Pharmacology, Limoges, France e Univ Limoges, Faculty of Pharmacy, Department of Biophysics, Limoges, France
ABSTRACT Background. Renal transplantation is considered as the treatment of choice for patients with end-stage renal disease. Health-related quality of life (HRQoL) of renal transplant recipients (RTR) is very important to assess, especially during the first year after transplantation. To provide new evidence about the suitability of HRQoL measures in renal transplant recipients during the first post-transplant year, we explored the internal structure, reliability, and external validity of a French specific HRQoL instrument, the renal transplant quality of life questionnaire second version (RTQ V2). Methods. The data are from a French multicenter cohort of renal transplant patients followed during 4 years. The HRQoL of RTR was assessed 5 times (at 1, 3, 6, 9 and 12 months after transplantation) with the RTQ V2, a specific instrument consisting of 32 items describing 5 dimensions. Socio-demographic information, clinical characteristics and HRQoL (i.e., RTQ V2 and SF-36) were collected. For the 5 times, psychometric properties of the RTQ V2 were compared to those reported from the reference population assessed in the validation study. Results. Three hundred and thirty four patients were enrolled The proportions of wellprojected items, item-internal consistency, item-discriminant validity, floor and ceiling effects, Cronbach's alpha coefficients and item goodness-of-fit statistics were satisfactory for each dimension at the five times of the study. The suitability indices of construct validity were higher than 90% for each time (min-max: 90.8% - 97.4%). The external validity was less satisfactory, with a suitability indices ranged from 46.7% at M1 to 66.7% at M12. However, the discrepancies with the reference population (mainly for the gender) appeared logical considering the scientific literature on HRQoL of RTR during the first post-transplant year and may not compromise the external validity. Conclusion. 101 II.2.4 – Evolution des scores de qualité de vie des patients transplantés rénaux durant la première année post-greffe
Les patients de la cohorte avaient répondu au ReTransQol à plusieurs reprises durant leur suivi : au 1er, 3ème, 6ème, 9ème et 12ème mois post-transplantation, notamment. Ainsi, nous avons pu évaluer leur qualité de vie tout au long de la première année post-greffe (Figure 7).
100 90 Score moyen de qualité de vie 80 70 Santé physique 60 Fonctionnement social Qualité des soins 50 Traitements 40 Peur de la perte du greffon 30 20 10 0 M1 M3 M6 Délai post-greffe M9 M12
Figure 7 : Evolution des scores de qualité de vie des dimensions évaluées par le ReTransQol chez les patients Epigren durant la première année post-transplantation
Le score moyen de qualité de la dimension « Santé physique » tendait à augmenter durant cette première année post-greffe (51,8 ± 18,1 vs. 63,8 ± 17,0, p<0,0001, entre M1 et M12 respectivement). Cette observation pourrait s'expliquer par le fait qu'en post-transplantation immédiate (à M1) les patients étaient encore fatigués de leur opération chirurgicale, certains étaient sortis depuis peu de l'hôpital. Puis, le temps passant, les patients se sentaient mieux, reprenaient probablement peu à peu leurs activités habituelles, voire des activités sportives qu'ils ne faisaient peut-être plus pendant qu'ils étaient dialysés. Ainsi, leur qualité de vie augmentait petit à petit avec leur convalescence. Le score de qualité de vie moyen de la dimension « Traitements » augmentait au cours de la première année post-transplantation (71,6 ± 13,4 vs. 73,5 ± 12,1, p=0,034, à M1 et M12 respectivement). score de qualité de vie de la dimension « Traitements » montrait que les patients se sentaient moins contraints par leurs traitements et moins gênés par les désagréments de ces derniers (traitement journalier, effets secondaires, contrainte horaire). Le score de qualité de vie moyen de la dimension « Peur de la perte du greffon » augmentait au cours de la première année post-transplantation (60,2 ± 19,0 vs. 63,5 ± 19,0, p=0,006, à M1 et M12 respectivement). L'augmentation du score de qualité de vie de la dimension « Peur de la perte du greffon » indiquait que les patients avaient moins peur de perdre leur greffon après un an de suivi de la transplantation rénale. II.2.5 - Discussion
Une validité satisfaisante et une fiabilité correcte nous ont permis de valider les propriétés psychométriques et donc l'utilisation de la seconde version du ReTransQol chez les patients transplantés rénaux dès le 3ème mois post-transplantation. A notre connaissance, il s'agit de l'un des premiers questionnaires qui étudie précisément la qualité de vie chez les patients transplantés rénaux avec un délai post-greffe aussi court, bien que les autres questionnaires spécifiques de qualité de vie aient déjà inclus des patients greffés rénaux depuis moins d'un an. Les patients ayant répondu au ReTransQol pendant leur première année post-transplantation semblaient similaires à la population de greffés rénaux en France, tout comme les patients de la cohorte Epigren. En effet, les patients avaient un âge similaire à ceux du registre Cristal (51,2 ± 13,2 vs. 51,7 ± 15,4 ans) (1,43), étaient majoritairement des hommes (63,2% vs. 64,0%) (1,43). La plupart avaient bénéficié d'une suppléance par hémodialyse (91,6% vs. 93,3%), comme indiqué dans le rapport annuel du registre REIN (45). De la même manière, leurs caractéristiques démographiques et médicales étaient similaires à celles des patients de l'enquête QUAVIREIN du point de vue de l'âge (51,2 ± 13,2 vs. 55,2 ± 12,4 ans), du sexe ratio (63,2% vs. 61,8% d'hommes) et de la FRUIT Dorothée Université Limoges 103 proportion de patients en hémodialyse en pré-greffe (91,6% vs. 89,2%). Cependant, moins de patients faisant partie de la cohorte Epigren étaient en couple (56,0% vs. 77,0%), alors qu'il y avait davantage de retraités (49,7% vs. 31,4%) et d'anciens fumeurs (56,3% vs. 42,2%). A un an post-greffe, les patients de la cohorte Epi avaient un score de qualité de vie similaire aux patients de l'enquête QUAVIREIN pour les dimensions « Santé physique » (62,8 ± 17,9 vs. 63,8 ± 17,4) et « Qualité des soins » (76,8 ± 16,3 vs. 75,0 ± 14,9). En revanche, les scores de qualité de vie des dimensions « Santé mentale / Fonctionnement social » (78,3 ± 18,7 vs. 72,6 ± 16,7), « Traitements » (81,4 ± 15,6 vs. 70,7 ± 13,9) et « Peur de la perte du greffon » (63,1 ± 19,3 vs. 58,4 ± 20,4) semblaient plus élevés chez les patients de la cohorte Epigren par rapport aux patients de l'enquête QUAVIREIN. Les propriétés psychométriques de la seconde version du questionnaire ont été évaluées chez les patients de la cohorte Epigren greffés depuis moins d'un an. L'acceptabilité et la faisabilité de ce questionnaire étaient satisfaisantes. Il existait un faible pourcentage de données manquantes (<5%), un taux de réponse correct (>70%) et des effets plancher et plafond largement inférieurs à 70%. Les questionnaires non retournés (28,3%) étaient en partie dû au décès des patients (n=12, groupe 0-6 mois), aux pertes de greffon ou transplantectomies (n=16, groupe 0-6 mois) ou aux patients perdus de vue (n=7 dont 6 dans le groupe 0-6 mois et 1 dans le groupe 6-12 mois). La quantité de questionnaires non retournés, bien que relativement importante, correspondait au chiffre attendu. En effet, l'enquête QUAVIREIN considérait un taux de retour des questionnaires de 70% pour le calcul de l'effectif de patients à inclure. Enfin, l'enquête d'acceptabilité réalisée à la fin de l'étude Epigren montrait que, selon les patients, le remplissage de l'auto-questionnaire n'était pas une contrainte puisqu'ils le complétaient facilement (91,1%), sans aide (88,0%) et dans un temps acceptable (58,2%). Les patients de FRUIT Dorothée Université de Limoges l'enquête QUAVIREIN avaient déclarés avoir rempli le questionnaire sans aide pour 82,0% d'entre eux, soit une réponse similaire dans les deux études. De même, les médecins estimaient que l'évolution du score de qualité de vie pouvait être utile dans leur pratique et pour le suivi des patients. La validité du questionnaire chez les patients transplantés depuis moins d'un an était tout à fait satisfaisante comme le montraient les résultats de validité de la structure du ReTransQol version 2 IIC > 0,4 et IDVmax < IICmin) ainsi que la corrélation qui existait entre les score de qualité de vie de certaines dimensions du ReTransQol et du SF-36 qui évaluaient un même concept. Seule la dimension « Qualité des soins » n'était que faiblement corrélée aux dimensions du SF-36, surlignant la nécessité d'un questionnaire de qualité de vie spécifique. De plus, l'analyse en composante principale retrouvait que les 32 items se distribuaient correctement dès le 3ème mois post-transplantation dans les mêmes 5 dimensions du questionnaire que celles décrites initialement lors de l'adaptation du ReTransQol dans sa seconde version : « Santé physique », « Fonctionnement social », « Qualité des soins », « Traitements » et « Peur de la perte du greffon ». L'ensemble des analyses ont permis de valider la seconde version du ReTransQol chez les patients transplantés rénaux dès le 3ème mois post-greffe. Les propriétés psychométriques élevées de cette seconde version du questionnaire (139) s'expliquaient par le fait que celle-ci se soit basée sur la première version (111). La validation du ReTransQol version 2 dans un nouveau groupe de plus de 300 transplantés rénaux (soit plus de 1 300 questionnaires) ne faisait que confirmer et renforcer la structure de cette seconde version (structure initialement adaptée et confirmée dans deux groupes de 1 059 et 1 591 patients, respectivement). Les avantages du ReTransQol par rapport aux autres questionnaires de qualité de vie sont multiples. Il s'agit, tout d'abord, du seul outil d'évaluation de la qualité de vie validé en langue française et spécifique aux patients transplantés rénaux. En comparaison avec les questionnaires génériques et notamment au SF-36, le ReTransQol est composé de dimensions spécifiques à la transplantation : « Peur de la perte du greffon », « Qualité des soins » et « Traitements ». De plus, il est le seul à apprécier la relation qui existe entre les patients et le personnel médical via la dimension « Qualité des soins », paramètre important puisque les patients attribuent une attention très particulière aux informations obtenues auprès de leur médecin ou à l'éducation thérapeutique dont ils bénéficient. Des items à propos des traitements et de leurs effets secondaires sont retrouvés dans les autres questionnaires spécifiques (100,105), cependant seul le ReTransQol évalue aussi bien la gêne liée au greffon que les répercussions des effets secondaires des traitements dans sa dimension « Traitements ». Enfin, la peur de la perte du greffon est inclus dans la dimension « Santé mentale » du questionnaire ESRD-SCL (105), ou encore dans la dimension non spécifique « Peurs » du questionnaire KTQ (100). En revanche, cette variable constitue une dimension à part entière dans le ReTransQol. Par rapport à l'ancienne version du ReTransQol, la seconde version du questionnaire présente un nombre réduit d'items diminuant ainsi le temps de passation. Le ReTransQol version 2 pourrait être utilisé dans de nouvelles cohortes, voire introduit dans les registres de transplantés rénaux français (DIVAT, Cristal, REIN,) ou anglophones (SRTR, CTS, ANZDATA, ) après sa traduction. De plus, l'évolution de la qualité de vie selon le délai post-greffe pourrait être étudié afin de proposer des axes d'amélioration de la prise en charge globale du patient transplanté. L'évaluation de la qualité de vie pourrait ainsi intervenir lors de l'éducation thérapeutique du patient (explication et suivi de l'impact des effets secondaires des immunosuppresseurs, par exemple). Cet outil pourrait devenir un document d'appui pour une discussion approfondie entre le patient et l'équipe médicale. De la même manière, le questionnaire pourrait démontrer que la réadaptation physique et la reprise d'une activité professionnelle contribuent à l'amélioration de la qualité de vie. Le ReTransQol possède cependant certaines limites. En effet, ce questionnaire n'a pas encore été validé dans d'autres langues que le français. Son utilisation reste donc restreinte à la population francophone pour le moment. Cependant, son adaptation et validation, en anglais notamment, constitue l'un des prochains axes de travail. De plus, l'absence d'un score global de qualité de vie peut rendre l'utilisation et l'interprétation du questionnaire plus délicat. Il pourrait donc sembler intéressant de développer un score composite comme ceux existant pour le SF-36 (score composite physique et score composite mental). L'utilisation du ReTransQol dans les cohortes ou les registres de patients transplantés rénaux français, comme le registre DIVAT ou celui de l'Agence de la Biomédecine (base de données Cristal), est cependant toujours possible (comme cela a été le cas lors de l'enquête QUAVIREIN en 2007). Enfin, et malgré un nombre déjà réduit de questions, les 32 items du ReTransQol peuvent représenter une difficulté chez des patients âgés et/ou fragilisés. Dans ce cas, le remplissage du questionnaire est tout de même possible en présence d'une aide médicale, paramédicale ou familiale. La validation du ReTransQol version 2 chez les patients transplantés rénaux dès le 3ème mois post-greffe présentait aussi des limites. En effet, cette validation a été réalisée chez des patients ayant répondu à la première version du ReTransQol. De plus, seuls les patients de trois centres de transplantation français avaient répondu au ReTransQol lors de l'étude Epigren pour laquelle l'exhaustivité des inclusions des patients n'avait pas été obtenue. Il pourrait donc être intéressant de proposer la nouvelle version du questionnaire à des patients récemment greffés à travers toute la France afin de valider prospectivement la seconde version du ReTransQol. Grâce à la prolongation de l'étude Epigren, la cohorte Ephegren (Etude pharmaco-économique chez les patients greffés rénaux), la nouvelle version du ReTransQol sera proposée aux patients inclus dans l'un des 7 centres investigateurs français. La validation prospective à différents délais post-greffe pourrait ainsi être réalisée. En conclusion, la validation de la seconde version du ReTransQol chez les transplantés rénaux dès le 3ème mois post-transplantation va permettre l'évaluation de la qualité de vie grâce à un outil plus court (32 questions) et plus efficace que précédemment, permettant ainsi une meilleure acceptabilité de ce dernier. Selon le délai post-greffe, les particularités de chaque patient et les évènements intercurrents, la modification du score de qualité de vie pourrait être prise en compte dans la stratégie médicale globale de l'individu. PARTIE III 109 III – Perspectives – Mise en place de la cohorte Ephegren
L'étude Epigren a démontré la faisabilité d'une cohorte de patients transplantés rénaux et du recueil de données pharmaco-cliniques par une méthode originale, l'auto-questionnaire, en supplément du dossier médical classiquement utilisé. Suite à cette première étude, il a été décidé de poursuivre et étendre cette cohorte avec l'étude Ephegren (Etude pharmaco-économique chez les patients greffés rénaux) afin de réaliser des études pharmaco-économiques, notamment. De plus, un suivi de près de 10 ans pourra être atteint chez certains patients initialement inclus dans Epigren. Grâce aux nouvelles données recueillies, nous espérons découvrir de nouvelles pistes d'amélioration de la survie du greffon. III.1 – Contexte de l'étude
La réussite de la transplantation comme méthode de suppléance rénale est indéniable puisqu'elle permet un taux de survie élevé de 91,2% à un an post-greffe (1), une amélioration de la qualité de vie du patient par rapport à une prise en charge de l'insuffisance rénale terminale par dialyse (56,57) et une modification de l'organisation des soins en limitant le recours à la dialyse. Par rapport aux décennies précédentes, les médicaments immunosuppresseurs et surtout les stratégies thérapeutiques dans leur ensemble chez un patient transplanté ont évolué afin de prévenir les phénomènes de rejet aigu à long terme, mais aussi les effets secondaires de ces traitements et de l'immunosuppression elle-même. L'équilibre bénéfice/risque des immunosuppresseurs repose sur un ajustement individuel des posologies guidé par l'exposition aux médicaments. Les stratégies thérapeutiques et les molécules utilisées varient selon les centres de transplantation. Malgré leur caractère essentiel pour la survie du greffon, les immunosuppresseurs favorisent la survenue d'évènements indésirables infectieux. Le CMV est le virus le plus fréquemment impliqué dans les infections opportunistes chez les patients transplantés rénaux. Ce virus, peu virulent chez le sujet sain, a de nombreuses conséquences à court et moyen terme chez le patient transplanté, chez lequel les FRUIT Dorothée de at Pharmacologie Université de Limoges défenses immunologiques sont affaiblies. De plus, il provoque de nombreuses complications, augmente la morbidité et la mortalité du patient, et diminue la survie du greffon. Or, la prévalence de la séropositivité de ce virus latent atteint 75% chez les patients transplantés (150). L'infection à CMV se traduit par la réplication active et détectable du virus, mais le patient ne présente pas de symptôme. La maladie à CMV définit comme une infection à CMV associée à une symptomatologie virale aspécifique et attribuable au CMV (151). Une maladie invasive peut également se développer avec une atteinte digestive, hépatique, pulmonaire ou du système nerveux. Le risque d'infection et de maladie à cytomégalovirus est différent pour chaque patient. L'évaluation de ce risque prend en compte plusieurs facteurs qui sont : − le statut sérologique pour le CMV du couple donneur/receveur (D/R) en pré-transplantation (152–158) ; − le traitement immunosuppresseur d'induction et d'entretien (152–155,157,158), − la charge virale du CMV (154), − le rejet aigu de greffe (153,154,158), − des facteurs de risque de rejet additifs à une infection à CMV tels que le greffon d'un donneur décédé, un receveur de sexe féminin, la reprise retardée de la fonction rénale, la retransplantation (154,158), − la quantification des lymphocytes T CD4+ et CD8+ (153). La prévention de l'infection à CMV permet une baisse significative de la mortalité toutes causes confondues (RR=0,63 ; IC95% 0,43-0,92), de l'incidence des maladies à CMV (RR=0,42 ; IC95% 0,34-0,52) chez les patients transplantés rénaux (159), ainsi qu'une amélioration des effets indirects de l'infection à CMV (160). La prévention de l'infection à CMV semble donc nécessaire chez les patients transplantés rénaux. Il existe actuellement deux stratégies de prévention : − la stratégie prophylactique consiste à initier le traitement par un médicament antiviral dans la semaine suivant la greffe et à continuer pendant 3 à 6 mois (durée d'immunosuppression la plus forte) selon les statuts sérologiques du donneur et du receveur. La prophylaxie est recommandée chez les patients les plus à risque, c'est-à-dire les patients D+/R– et les patients R+ ayant reçu un traitement par sérum anti-lymphocytaire. − la stratégie préemptive consiste à réaliser un suivi hebdomadaire de la charge virale du CMV pendant la période d'immunosuppression la plus intense (3 à 4 mois après la FRUIT transplantation) et à commencer un traitement antiviral à dose curative dès que la virémie se positive. Le traitement doit être poursuivi jusqu'à ce que la virémie se négative sur deux prélèvements sanguins consécutifs. Cette stratégie thérapeutique est applicable préférentiellement aux patients à faible risque d'infection, c'est-à-dire les patients D–/R+ ou D+/R+. Contrairement à la prophylaxie, la stratégie préemptive ne permet pas de prévenir totalement les effets indirects de l'infection à CMV. Comme pour les stratégies immunosuppressives, la stratégie thérapeutique anti-CMV varie selon les centres de transplantation et en fonction du statut sérologique en pré-greffe pour le CMV du donneur et du receveur, mais aussi en fonction des risques cliniques. La maladie à CMV entraine une augmentation des coûts de prise en charge du patient transplanté (155,161). Cependant, il n'existe pas en France, de données à propos du coût de la prévention et du traitement d'une infection/maladie à CMV chez les transplantés rénaux. Ainsi, les prises en charge médicales sont extrêmement variables, notamment pour les patients ayant une sérologie positive pour le CMV en pré-greffe. L'identification précoce de polymorphismes génétiques prédictifs de la réponse et de la toxicité des immunosuppresseurs pourraient être une voie à étudier pour améliorer le devenir du patient et/ou sa qualité de vie. En effet, l'équipe Inserm UMR-S850 a démontré qu'il existe des associations entre les polymorphismes génétiques des enzymes de glucuroconjugaison et des protéines de transport des immunosuppresseurs avec les concentrations des médicaments, les effets indésirables du traitement et le devenir du greffon. Ainsi, la présence d'un variant haplotypique de la protéine d'efflux de la ciclosporine chez le donneur, la P-glycoprotéine, augmenterait significativement le risque de perte du greffon à long terme (donneurs homozygotes pour l'haplotype 1236T-2677T-3435T vs. donneurs non porteurs : HR=9,346 ; [IC95% 2,278 – 38,461], p=0,0019) (162). De même, l'incidence de la diarrhée induite par le Cellcept® serait réduite lors d'une co-médication par ciclosporine et par la présence de l'allèle variant *2 de l'UGT 1A8 intestinale (163). Enfin, la présence de polymorphismes de l'isoforme constitutive de la cible du Cellcept®, l'IMPDH1, serait associée à un risque diminué du rejet prouvé par biopsie (non porteurs vs. porteurs homozygotes : OR=0,28 ; [IC95% 0,09 – 0,85]) et à un risque augmenté de leucopénie (non porteurs vs. porteurs homo gotes : OR=2,66 ; [IC95% 1,15 – 5,96]) (164). Ainsi, une liste de polymorphismes génétiques candidats a pu être établie. Cependant leur impact doit être confirmé et quantifié dans une cohorte prospective, en concurrence avec d'autres associations pharmacogénétiques rapportées dans la littérature. D'autre part, des biomarqueurs protéiques urinaires prédictifs de lésion du greffon ont été découverts. La présence ou la concentration de ces derniers seraient significativement différentes lors du rejet aigu, d'une néphropathie chronique du greffon ou d'une biopsie normale (165–167). La validation de ces biomarqueurs est une étape essentielle avant leur valorisation à grande échelle. A notre connaissance, il n'existe pas d'étude pharmaco-épidémiologique en transplantation rénale en France, mis à part la cohorte Epigren. Or, selon Lee EK (168), les études pharmaco-économiques permettraient de déterminer les stratégies thérapeutiques optimales. III.2 – Objectif principal
L'objectif principal de l'étude Ephegren est d'évaluer l'impact pharmaco-économique des différentes stratégies immunosuppressives chez les patients transplantés rénaux du point de vue de l'hôpital, de l'Assurance Maladie et de la société. Ainsi, il sera possible d'estimer le coût de prise en charge des patients transplantés rénaux dans les centres investigateurs à 1, 2, 3 et 4 ans post-greffe ; d'étudier les rapports coût-efficacité et coût-utilité des différentes stratégies immunosuppressives à 4 ans post-greffe rénale. L'analyse du rapport coût-efficacité permettra de comparer les différentes stratégies immunosuppressives et d'identifier la plus efficace, du point de vue économique, en FRUIT Dorothée Université termes d'années de vie gagnées, d'hospitalisations ou d'évènements indésirables évités. Les mêmes analyses exprimées en années de vie ajustées sur la qualité de vie du patient (QALY) permettront d'évaluer le rapport coût-utilité. III.3 – Objectifs secondaires
Les objectifs secondaires de l'étude Ephegren sont soumis à l'obtention de cofinancements provenant de partenaires industriels ou institutionnels intéressés dans le domaine de la transplantation rénale : − évaluer le rapport coût-efficacité des différentes stratégies préventives et curatives des réactivations et des maladies à CMV chez les patients transplantés rénaux CMV+ (statut sérologique positif du receveur en pré-greffe) du point de vue de l'hôpital, de l'Assurance Maladie et de la société, − déterminer les facteurs pharmacologiques prédictifs de l'évolution à long terme de la fonction rénale, − déterminer les facteurs pharmacologiques prédictifs de la survenue de cancers, de diabète et de pathologies cardiovasculaires, − valider l'impact de polymorphismes génétiques concernant les enzymes du métabolisme, les transporteurs membranaires et les protéines cibles des immunosuppresseurs sur l'exposition et les effets thérapeutiques et secondaires du traitement, − valider prospectivement des candidates biomarqueurs urinaires de rejet aigu ou de dysfonction chronique du greffon rénal. III.4 – Déroulement de l'étude
L'étude Ephegren est une cohorte prospective, descriptive, multicentrique. Il s'agit d'une recherche non-interventionnelle avec prélèvements salivaires et urinaires qui viendront alimenter la collection biologique déclarée DC-2010-1074. Pendant les 4 ans de l'étude, tous les nouveaux patients transplantés rénaux des centres investigateurs peuvent être inclus dans la cohorte Ephegren, ainsi que les patients inclus dans FRUIT Dorothée Université de Limoges Epigren avant le 6ème mois post-transplantation, soit 1 000 patients au total. Le suivi des patients se poursuit pendant toute la durée de l'étude. Seuls les patients ayant perdu leur greffon sont sortis de l'étude. Le schéma des visites et le suivi des patients est similaire à l'étude Epigren. Les données sont recueillies à partir du dossier médical au 1er, 3ème, 6ème, 12ème, 18ème et 24ème mois post-greffe puis annuellement. La visite d'inclusion comprend le recueil de données démographiques, les comorbidités du patient greffé ainsi que ses antécédents médicaux et chirurgicaux, des données pré-greffe (étiologie de la néphropathie, dialyse, greffe(s) antérieure(s), données immunologiques), le temps d'ischémie froide, les données démographiques du donneur, et les données concernant la stratégie préventive anti-CMV et de résistance génétique au CMV. A chaque visite sont recueillies des données cliniques, biologiques et immunologiques, les éventuelles biopsies rénales ou la recherche d'infection ou de réactivation du CMV, les évènements indésirables, les traitements, l'exposition aux immunosuppresseurs et aux anti-CMV, les consultations et les hospitalisations. Les patients inclus doivent compléter un auto-questionnaire comprenant des questions socio-démographique , un recueil des consultations, des hospitalisations et des examens complémentaires au suivi de la greffe, le questionnaire d'observance de Morisky (121) et le questionnaire de qualité de vie SF-36 (Annexe 1) selon le même schéma que les visites de l'étude. Les questionnaires de qualité de vie ReTransQol version 2 (Annexe 4) (139) et l'EQ-5D (Annexe 2) ainsi que des questions additionnelles d'observance constituent un auto-questionnaire supplémentaire qui est distribué à 1, 4 et 8 ans post-greffe. Un prélèvement salivaire est demandé après inclusion du patient afin de réaliser les analyses pharmacogénétiques indiquées dans les objectifs secondaires de l'étude. III.5 – Bilan pratique III.5.1 – Soumission aux autorités règlementaires
Ephegren est une étude non-interventionnelle observationnelle. A cet effet, le CCTIRS (Comité Consultatif sur le Traitement de l'Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé) a donné un avis positif le 09/02/2012 (n°12.093), et la CNIL a autorisé le traitement des données le 25/09/2012 (n°912242). L'étude a été enregistrée dans ClinicalTrials.gov sous le numéro NCT01989832.
III.5.2 – Positionnement par rapport au réseau national DIVAT
La complémentarité de ces deux cohortes de patients transplantés rénaux provient de la nature des données recueillies. En effet, la cohorte Ephegren a pour vocation de recueillir des données d'ordre pharmaco-économique, avec notamment le suivi de l'exposition aux immunosuppresseurs, l'observance pour ces traitements, la qualité de vie. Or, ces éléments ne sont pas collectés dans Divat. De plus, la cohorte Ephegren diffère de Divat par les outils de recueil utilisés. En effet, l'auto-questionnaire permet d'obtenir des données socio-démographiques variées, la gêne du patient face aux évènements indésirables, l'observance aux immunosuppresseurs et la qualité de vie. Enfin, Ephegren est une cohorte dont l'objectif principal est l'analyse médico-économique en transplantation rénale alors que Divat a un objectif essentiellement épidémiologique.
III.5.3 – Bilan des inclusions
Aujourd'hui, 6 centres sont actifs sur les 7 prévus dans le protocole. Le premier patient a été inclus le 12 février 2013 à Limoges. Au 26/11/2014, 382 patients transplantés rénaux ont été inclus, dont 168 patients ayant participé à Epigren (Figure 8). 116 Nombre d'inclusions 1000 800 600 Nombre d'inclusions réelles 400 Nombre d'inclusions théoriques 200 0
Figure 8 : Courbe d'inclusions dans la cohorte Ephegren
La cohorte Ephegren a été mise en place dans le but de réaliser une étude pharmaco-économique en transplantation rénale. Ce type d'étude permet de comparer les différentes stratégies thérapeutiques et attirer l'attention des décideurs politiques. L'étude Ephegren va permettre d'établir des recommandations de prise ne charge des transplantés rénaux dans le but de réduire la variabilité des pratiques médicales et ainsi de diminuer les coûts. Le suivi d'une cohorte prospective présente plusieurs avantages : − l'exhaustivité et la fiabilité des données recueillies grâce à l'utilisation d'outils de recueil validés dans la précédente cohorte Epigren, − l'augmentation de la taille de la cohorte avec le temps, − la prolongation sans limite de la cohorte (mis à part le financement), − la possibilité d'ajouter des études ancillaires. Conclusion
La transplantation rénale est la seule méthode permettant de suppléer efficacement les déficiences rénales (filtration sanguine et fonctions endocrines) qui font suite à l'insuffisance rénale terminale. Elle permet ainsi l'augmentation de l'espérance de vie et de la qualité de vie des patients (56,57). La plupart des pays développés pratiquent la transplantation de cet organe, en fonction de la disponibilité des greffons, pour soigner de tels patients. Afin d'améliorer les pratiques médicales et rechercher les facteurs ayant un impact négatif sur la survie des greffons et des patients ayant bénéficié de la transplantation, de nombreux registres, cohortes ou réseaux ont été mis en place : les registres SRTR et USRDS aux Etats-Unis, le registre ANZDATA en Australie et Nouvelle-Zélande, les registres ERA-EDTA et EuroTransplant en Europe, l'étude CTS dans plus de 40 pays dans le monde, ou en France le registre Cristal et le réseau DIVAT. Ces derniers recueillent et analysent les facteurs cliniques et biologiques déterminant pour la survie des greffons et des patients transplantés rénaux. Cependant, peu d'entre eux étudient les facteurs pharmacologiques. Les effets secondaires des traitements immunosuppresseurs telle que leur néphrotoxicité, l'observance aux traitements, l'exposition aux immunosuppresseurs sont des paramètres importants qui peuvent avoir un impact sur la survie du greffon. La maitrise des comorbidités (hypertension artérielle, diabète post-transplantation, tabagisme) grâce à une hygiène de vie appropriée est également importante. Bien que la transplantation soit vécue comme une renaissance par les patients (149), l'ensemble des paramètres précités peuvent influencer négativement la survie du greffon et le devenir du patient. Ce travail, basé sur la cohorte Epigren ayant inclus plus de 400 patients transplantés rénaux à divers délais post-greffe, a permis d'analyser au moins en partie les paramètres pharmacologiques et de confirmer la faisabilité d'une telle cohorte pharmaco-épidémiologique. Une analyse de sensibilité-spécificité des trois outils de recueil initiaux n'a retenu que l'auto-questionnaire pour le recueil des évènements indésirables, de l'observance et de la qualité de vie des patients. Le dossier médical a lui aussi été conservé du fait de son utilisation habituelle par les cliniciens. Le carnet patient a été abandonné du fait du taux de remplissage et des résultats peu satisfaisants pour le recueil des données. L'auto-questionnaire, outre le nombre important de données recueillies, pourrait aussi favoriser la dialogue entre le clinicien et le transplanté rénal en s'appuyant sur les réponses du FRUIT Dorothée patient concernant l'observance, la qualité de vie et la gêne ressentie suite aux évènements indésirables. La cohorte Epigren s'était aussi intéressée à la déclaration des évènements indésirables par les médecins d'une part, et par les patients d'autre part. Nous avions ainsi pu observer que la perception de ces évènements indésirables différait entre les deux groupes. Les patients indiquaient essentiellement les évènements indésirables qui étaient gênants pour eux, alors que les cliniciens étaient plus attentifs aux évènements indésirables potentiellement attribuables aux immunosuppresseurs et présentant un risque pour la survie du greffon. Par exemple, les médecins relevaient essentiellement les infections, contrairement aux patients et ceci malgré l'éducation thérapeutique qu'ils reçoivent. Peu de patients ne déclaraient pas d'évènement indésirable. Cette observation indique que les stratégies thérapeutiques liées à la transplantation sont relativement lourdes en termes d'évènements indésirables et de nécessité de suivi. Au cours de l'étude Epigren, la qualité de vie des patients transplantés rénaux a été évaluée à l'aide de deux questionnaires : le SF-36, questionnaire générique de qualité de vie, et le ReTransQol, questionnaire spécifique aux transplantés rénaux. Les questionnaires génériques de qualité de vie sont nombreux et permettent de comparer les scores obtenus avec ceux d'autres groupes de patients. Cependant, ils ne sont pas adaptés aux particularités d'une pathologie et à l'impact que celle-ci peut avoir sur le patient. Les questionnaires de qualité de spécifiques explorent plus précisément les aspects d'une pathologie. De surcroit, ils sont plus sensibles à la modification de la qualité de vie. Néanmoins, la comparaison des scores de qualité de vie obtenus via ces questionnaires spécifiques n'est possible qu'avec des patients atteints d'une même pathologie. Ainsi, plusieurs questionnaires de qualité de vie spécifiques aux transplantés rénaux existent, mais un seul est disponible en français : le ReTransQol. Celui-ci avait été initialement conçu et validé chez des patients transplantés depuis plus d'un an (111), puis sa réévaluation a permis d'obtenir un questionnaire avec de meilleures propriétés psychométriques et comportant moins de questions (139). Les données de la cohorte Epigren ont permis de valider cette seconde version du questionnaire chez les patients transplantés rénaux dès le 3ème mois post-transplantation. Cette nouvelle version ne comporte plus que 32 questions réparties dans les 5 mêmes dimensions. La réduction du nombre d'items a permis de diminuer le temps de passation, paramètre important à prendre en compte puisqu'il peut être un frein au remplissage, en particulier chez les patients avec une altération de l'état général. Les propriétés psychométriques obtenues, la reproductibilité et la sensibilité aux changements chez ces patients démontrent la validité du questionnaire dans la population cible. De plus, la dimension « Traitements » du ReTransQol n'aborde pas uniquement les effets secondaires des immunosuppresseurs, comme c'est le cas dans les autres questionnaires spécifiques. La dimension « Qualité des soins » évalue la relation qui existe entre les patients et le personnel médical, ce qui est unique. Le ReTransQol, grâce à des dimensions spécifiques, est donc un outil intéressant pour l'évaluation de la qualité de vie de façon précise chez les transplantés rénaux, mais contrairement aux autres questionnaires spécifiques aux transplantés rénaux, il n'existe qu'en langue française pour le moment, ce qui limite son utilisation aux pays francophones. Pour une utilisation à l'international, le ReTransQol doit être traduit et validé en anglais, notamment. Ainsi, il pourra être utilisé dans des registres ou des études évaluant la qualité de vie. Son utilisation et la publication à travers ces études permettront une plus large reconnaissance du questionnaire. Les patients de la cohorte Epigren devenaient de moins en moins observants au fur et à mesure que la transplantation s'éloignait. Bien qu'il existe probablement un biais de déclaration, ces résultats étaient retrouvés dans d'autres études sur l'observance des transplantés rénaux (136,137). Ces données semblaient contradictoires avec l'évaluation de la qualité de de la dimension « Peur de la perte du greffon » par le ReTransQol. En effet, suite à la diminution du score de qualité de vie de cette dimension au cours du temps indiquant une augmentation de la peur de la perte du greffon, on pourrait penser que les patients devraient être plus attentifs à la prise de leurs médicaments immunosuppresseurs. Les déclarations des patients concernant la gêne due à la faiblesse musculaire ne semble pas non plus en accord avec le score de qualité de vie de la dimension « Santé physique ». En effet, la faiblesse musculaire a un impact direct sur le ressenti de l'état physique. La seconde version du ReTransQol, évaluée chez les patients de la cohorte Epigren, doit être utilisée dans une étude prospective pour confirmer sa validité dans la population cible de transplantés rénaux dès le 3ème mois post-transplantation. L'étude Ephegren, cohorte de patients transplantés rénaux, est complémentaire aux autres cohortes, registres ou études existantes sur le sujet. En effet, les nombreuses données pharmacologiques recueillies (évènements indésirables, qualité de vie, observance, exposition aux immunosuppresseurs, pharmacogénétique, coûts de santé) apportent de nouveaux axes d'études peu exploités jusqu'ici. L'auto-questionnaire, outil de recueil développé pour la précédente cohorte Epigren, a été amélioré et repris pour Ephegren. Cet outil, caractéristique de ces deux études, permet le recueil de nombreuses données pharmaco-cliniques dont la qualité de vie et la gêne due aux évènements indésirables ressentis par le patient. Les objectifs d'Ephegren sont notamment de réaliser des études de pharmaco-économie des stratégies thérapeutiques immunosuppressives et de prévention du CMV, respectivement objectifs principal et secondaire de l'étude. La prévention de l'infection à CMV est indispensable pour réduire les effets particulièrement délétères de ce virus. Les traitements à visée préventive ou curative du CMV sont nombreux et très onéreux. Malgré l'existence de consensus internationaux (151,152,169), les pratiques médicales varient selon les centres de transplantation et selon les convictions des cliniciens. Comme pour les stratégies immunosuppressives, l'étude de pharmaco-économie des stratégies de prévention du CMV permettra d'évaluer le meilleur rapport coût-efficacité afin de proposer des recommandations de prise en charge dans l'optique d'homogénéiser les pratiques et ainsi rédu les coûts de traitement. Ces analyses, concernant aussi bien les médicaments immunosuppresseurs que les stratégies de prévention des infections à CMV, sont relativement innovantes dans le domaine de la transplantation et demandent le recueil de nombreuses données, outre les données pharmacologiques. Elles permettront d'établir des recommandations de prise en charge basées sur des critères d'efficacité et de coût, dans le but de réduire les variabilités de prescription et d'améliorer le rapport coût-efficacité et la qualité de vie des patients. Enfin, l'inclusion d'anciens patients Epigren permettra un suivi à long terme (jusqu'à 9 ans pour les plus anciens). La finalité d'Ephegren est de proposer de nouveaux axes d'amélioration de la survie du greffon et du devenir du patient transplanté rénal. 2. Willson M. ECCO 10: Quality-of-life issues bumped into the spotlight. J Natl Cancer Inst. 1999 Oct 20;91(20):1711–2. 3. Rousseau A, Laroche M-L, Venisse N, Loichot-Roselmac C, Turcant A, Hoizey G, et al. Cost-effectiveness analysis of individualized mycophenolate mofetil dosing in kidney transplant patients in the APOMYGRE trial. Transplantation. 2010 May 27;89(10):1255–62. 4. Collaborative Transplant Study (CTS). [cited 2014 Aug 19]. Available from: www.ctstransplant.org 5. 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108 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
pas affecté les différences inter-groupes. Nous devons toutefois mentionner que d'une part, il n'est pas certain que les mots « satisfaction » et « insatisfaction » réfère au même construit psychologique (Giese et Cote 2000), et que d'autre part, il n'est pas certain non plus que les façons positive et négative de mesurer la satisfaction (ou l'insatisfaction) aient les mêmes propriétés d'échelles. Dans le doute et dans le cadre de cette thèse, nous continuerons à utiliser indifféremment les termes « satisfaction » et « insatisfaction » comme s'ils faisaient référence au même construit. Sur l'approche motif-spécifique
Notre seconde remarque concerne notre choix d'une approche centrée sur les motifs de consultation. Dans notre article, nous avons en effet défendu que si l'hypothèse de l'insatisfaction est vraie, elle devrait l'être spécifiquement pour le motif de consultation. Nous avons donné l'exemple de la personne qui consulterait un médecin pour une lombalgie et qui, insatisfait de sa prise en charge, serait tentée de consulter un chiropracteur pour ce même problème de santé. Nous avons alors affirmé qu'il serait improbable que cette insatisfaction conduise cette personne à voir un chiropracteur pour soigner un rhume. En réalité, nous pensons que ce choix méthodologique est discutable pour deux raisons. La première raison est que ce choix n'a de sens que pour le recours complémentaire à un TA. En effet, dans le cadre d'un recours isolé, le patient n'a par définition pas eu de prise en charge médicale pour le motif qui l'amène à consulter isolément un thérapeute alternatif. C'est d'ailleurs pourquoi dans ce cadre nous avons évalué l'insatisfaction vis-à-vis du médecin généraliste référent, et non l'insatisfaction vis-à-vis de la prise en charge médicale. La conséquence méthodologique de cette première raison est que quiconque souhaiterait étudier spécifiquement le recours isolé aux thérapeutes alternatifs pourrait faire l'économie de cette précaution méthodologique. Cela aurait l'avantage de permettre de créer des groupes de tailles plus importantes de cas et de témoins, et ainsi d'augmenter la puissance des analyses (ce qui, nous l'avons mentionné dans la discussion de l'article, a posé problème pour l'analyse du recours isolé à un TA hors ostéopathes).
APITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
La seconde raison est que pour le recours complémentaire à un TA, il est possible d'envisager un effet de contagion rendant jusqu'à un certain point superflue la précaution méthodologique, en particulier pour des motifs différents mais appartenant à une même méta-catégorie. Ce serait le cas, par exemple, des douleurs de dos, de cou ou d'un membre, au sein de la méta-catégorie douleurs musculo-squelettiques. Dans ce cadre, nous pouvons supposer qu'une insatisfaction vis-à-vis de sa prise en charge médicale pour un mal de dos pourrait non seulement entraı̂ner le recours à un thérapeute alternatif pour ce motif, mais également pour d'autres douleurs musculo-squelettiques. 5.3.2 Autres limites de l'étude
Dans la discussion de notre article, nous énonçons quatre limites à notre étude pouvant affecter l'interprétation et la généralisation de nos résultats : sa conception en cas-témoins, sa nature transversale, l'absence de contrôle du type de lombalgie (aiguë ou chronique) et le caractère non-probabiliste de l'échantillonnage. Dans cette section, nous abordons deux limites supplémentaires à notre étude, l'une concernant l'absence de prise en compte des intentions de consulter un thérapeute alternatif, l'autre concernant les co-variables choisis pour les analyses de régression. Intention de consulter un TA
La première limite que nous souhaitons ajouter consiste dans le fait que nous n'avons pas évalué les potentielles intentions de consulter un thérapeute alternatif. En effet, d'un côté il est possible d'envisager qu'une personne réponde ne pas avoir consulté un TA dans les 12 derniers mois, et d'un autre côté que cette personne ait décidé d'en consulter un dans un futur proche (peut-être même a-t-elle déjà pris rendez-vous). En outre, cette décision pourrait tout à fait résulter d'une insatisfaction récente vis-à-vis d'une prise en charge médicale (Sirois et PurcStephenson 2008b). Par conséquent, il est possible que le niveau moyen d'insatisfaction des 110 CHAPI
TRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
personnes ayant l'intention de consulter un TA soit plus bas que celui des personnes ayant consulté uniquement un médecin (le groupe de référence). Or, dans notre étude, comme nous avons négligé les intentions de consultation, notre groupe de référence a inclus à la fois les répondants ayant consulté uniquement un médecin, et ceux ayant consulté un médecin et ayant l'intention de consulter un thérapeute alternatif. En conséquence, cette situation a pu abaisser artificiellement le niveau d'insatisfaction du groupe de référence, conduisant ainsi à une sousestimation du véritable effet de l'insatisfaction vis-à-vis de sa prise en charge médicale ou de son médecin. Dès lors, afin de saisir plus justement cet effet, une future étude devrait à la fois évaluer les intentions des répondants pour une consultation imminente d'un TA, et écarter ces répondants du groupe de référence. Choix des co-variables
La seconde limite que nous souhaitons ajoutée consiste dans le choix des co-variables utilisées dans les analyses de régression, en particulier le fait que nous n'ayons pas intégré d'évaluation des attentes des patients concernant leur médecin ou leur prise en charge médicale. En effet, le niveau de satisfaction ressenti lors de la consommation d'un bien ou d'un service est directement fonction des attentes préalables pour ce bien ou service (Schiffman, Kanuk et Hansen 2012). D'un autre côté, il nous paraı̂t plausible que ces attentes soient liées au recours aux TA. De faibles attentes pour sa prise en charge médicale pourraient par exemple augmenter la probabilité d'un recours isolé à un thérapeute alternatif (et inversement). Ainsi, il serait nécessaire de contrôler ces attentes afin d'éviter une mésestimation de l'effet de l'insatisfaction. D'une manière plus générale, nous avons sélectionné nos co-variables sans guide théorique. Nous sommes en effet partis d'une hypothèse générale mono-causale, l'hypothèse de l'insatisfaction, que nous avons cherchée à tester de manière analytique sans nous soucier des interrelations théoriques de nos variables de satisfaction avec d'autres variables. À la place, nous avons utilisé une procédure de sélection purement « mécanique » (ne retenir que les facteurs prédictifs mis en évidence dans la littérature) et basée sur des critères arbitraires
3. La popula- 3. Voir la section 2.6 de la partie Méthode de notre revue systématique présentée dans le Chapitre 2 (page 31), et la note de bas de page numéro 4 du manuscrit du présent chapitre, page 94. 111 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
rité de cette approche athéorique du recours aux MAC a déjà été signalée par d'autres (Sirois et Purc-Stephenson 2008a). En outre, un réexamen des études incluses dans notre revue systématique sur les facteurs prédictifs du recours aux MAC 4 montre que 94 % d'entre elles (45 sur 49) relèvent de cette approche 5, et que 100 % des études portant spécifiquement sur les facteurs prédictifs du recours aux praticiens de MAC sont athéoriques. Par athéorique, nous entendons que ces études ne s'appuient explicitement sur aucun modèle théorique connu ou formalisé pour les besoins de l'investigation. Qui plus est, la formulation explicite d'hypothèses ou questions de recherche est absente dans 78 % de ces articles (18 sur 23) 6. La meilleure façon de corriger cette limite pour de futures études sera d'inventorier les modèles théoriques disponibles pour expliquer nos comportements d'intérêt ; s'il en existe, de choisir l'un d'eux et de le modifier si nécessaire au regard de données lui étant postérieures ; d'en extraire des prédictions testables ; et enfin d'élaborer un protocole d'étude pour mettre à l'épreuve ces prédictions, ceci afin de confirmer ou d'infirmer certaines parties du modèle, et d'éventuellement le réviser. À défaut d'un modèle existant 7, il sera nécessaire de le construire. C'est ce que nous avons fait dans la suite de ce chapitre, fort d'un approfondissement théorique des résultats de notre étude. 5.3.3 Approfondissement théorique
À la fin de la discussion de l'article, nous nous demandons : 1) dans le cadre du recours complémentaire à un thérapeute alternatif, quelle est la sous-dimension de l'insatisfaction pour la prise en charge médicale qui compte le plus entre l'insatisfaction vis-à-vis du résultat de la prise en charge ou vis-à-vis de la relation avec le médecin ; 2) dans le cadre du recours isolé à un TA, quels autres facteurs au pouvoir explicatif plus fort que l'insatisfaction pour son médecin généraliste sont à l'oeuvre ; 3) quel rôle jouent les croyances des individus sur les praticiens de 4. Voir Chapitre 2, page 29. 5. Les trois exceptions sont : Araz, Harlak et Meşe 2009 ; Al-Windi 2004 ; Al-Windi, Elmfeldt et Svärdsudd 2000. 6. Les cinq exceptions sont : Büssing et al. 2011 ; Hansen, Kristoffersen et al. 2014 ; Shmueli et Shuval 2006a,b ; Verheij, Bakker et Groenewegen 1999. 7. Ce qui est le cas comme nous allons le voir par la suite (page 119).
CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
santé (TA ou non) dans la décision de consulter un thérapeute alternatif. Dans cette partie, nous allons proposer des pistes de réponses pour chacun de ces points, ce qui nous conduira en bout de course à esquisser un modèle théorique pour les recours complémentaire et isolé à un thérapeute alternatif non médecin. Insatisfaction du résultat de la prise en charge ou de la relation avec son médecin?
D'autres avant nous ont proposé de distinguer entre insatisfaction du résultat de la prise en charge et insatisfaction pour la relation médecin-patient, ainsi que d'étudier leurs effets spécifiques sur le recours aux thérapeutes alternatifs (Siahpush 1999). Au sein même du corpus d'études que nous avons examiné pour notre article, certaines d'entre elles ont décomposé et évalué l'effet de différents types d'insatisfaction 8. Cependant, leurs résultats sont trop variables pour pouvoir dégager la moindre tendance. Si nous isolons par exemple uniquement les deux études de conception similaire à la nôtre (Sutherland et Verhoef 1994 ; Verhoef, Sutherland et Brkich 1990), dans l'une l'effet de l'insatisfaction pour la manière dont le médecin répond aux questions est plus important que l'effet de l'insatisfaction générale pour le médecin (Sutherland et Verhoef 1994), dans l'autre le résultat est inverse (Verhoef, Sutherland et Brkich 1990). En conséquence, à notre connaissance, à la question de savoir si un des moteurs du recours complémentaire à un thérapeute alternatif réside plutôt dans une insatisfaction pour la prise en charge médicale ou vis-à-vis de la relation avec le médecin, il n'y a véritablement aujourd'hui pas de réponse (scientifique). Quels autres facteurs explicatifs? Nature et perception de l'affection. Nous faisons l'hypothèse que la nature de l'affection et la façon dont la personne perçoit cette affection expliquent une part importante du recours à un TA non médecin. Avant de justifier cette hypothèse et de la détailler, nous allons rappeler et développer quelques-uns des résultats évoqués dans la discussion de notre article. 8. Voir le Matériel additionnel 1 de l'article, 113 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
Nous avons observé dans nos modèles statistiques une forte association entre le recours isolé à un TA et l'auto-évaluation de sa santé : plus les sujets ont évalué favorablement leur état de santé général, plus ceux-ci ont été susceptibles d'avoir consulté isolément un TA (ORs = 2,3 ; 13,9 ; 35,3 ; 60,7 ; respectivement pour les évaluations passable, bonne, très bonne et excellente, par rapport à la catégorie de référence médiocre) 9. Nous avons constaté des patterns similaires pour les autres formes de recours, d'un même ordre de grandeur pour le recours isolé à un TA hors ostéopathes 10, beaucoup plus atténué pour le recours complémentaire à un TA, ostéopathes inclus ou non (respectivement ORs = 1,3 ; 2,1 ; 2,8 ; 3,2 et ORs = 1,1 ; 2,6 ; 4,2 ; 1,4 11 ; voir Annexe G page 303 et page 310). Comment expliquer la force de l'association observée entre recours isolé à un TA et autoévaluation de sa santé? Les patients souffrant d'une douleur chronique ont des croyances sur leur affection impactant à la baisse l'auto-évaluation de leur état de santé (Mäntyselkä et al. 2003). Par ailleurs, les croyances sur sa maladie varient pour une même affection entre les individus : certains croiront par exemple que leur douleur va durer plus ou moins longtemps, que ses conséquences vont être plus ou moins sérieuses, et que cette douleur est plus ou moins maı̂trisable (Foster, Bishop et al. 2008). En somme, on peut entretenir des croyances plus ou moins négatives ou pessimistes vis-à-vis de sa douleur. Or, des croyances négatives sur son affection sont associées à une moins bonne auto-évaluation de son état de santé général (Petrie, Jago et Devcich 2007). Ainsi, une auto-évaluation élevée de sa santé dans le groupe recours isolé aux TA pourrait indiquer qu'il a été constitué à la fois de personnes ayant des perceptions faiblement négatives sur la 9. Voir Annexe G, page 307. 10. ORs = 9,8 ; 21,9 ; 43,4 ; respectivement pour les évaluations bonne, très bonne et excellente, par rapport à la catégorie de référence médiocre ou passable. Nous avons dû fusionner les catégories médiocre et passable en raison d'un effectif nul à la croisée de la catégorie médiocre et de la variable à expliquer. Pour obtenir ces résultats, il faut utiliser le code disponible ici : https://github.com/eduniv/these-ag-code. CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
gravité de leur affection 12, et à la fois dont le mal de dos serait effectivement de faible gravité, par exemple en étant non spécifique 13, de survenue récente, d'intensité douloureuse basse, et associé des conséquences fonctionnelles limitées 14. Ce résultat est cohérent avec d'autres études montrant que les patients recourent principalement aux thérapeutes alternatifs pour traiter des problèmes de santé mineurs (Sirois 2002 ; Sirois et Purc-Stephenson 2008b). Reste à expliquer pourquoi les patients ayant des lombalgies mineures auraient plus tendance à se tourner isolément vers un thérapeute alternatif. Nous faisons l'hypothèse que la nature et la perception de l'affection interagissent avec certains types de croyances vis-à-vis des praticiens de santé concernés. C'est cette nouvelle catégorie de facteurs que nous allons détailler et justifier maintenant. Croyances vis-à-vis des praticiens de santé. Dans notre article, nous avons supposé que la population française avait des représentations particulières concernant les ostéopathes. Or, le recours isolé à un ostéopathe représente 94 % du recours isolé à un TA non médecin dans notre échantillon. Par ailleurs, nous avons précédemment évoqué la possibilité que des attentes basses quant à la prise en charge médicale du mal de dos pouvait augmenter la probabilité de recourir à un TA 15. Par conséquent, nous faisons l'hypothèse que pour un mal de dos mineur ou perçu comme tel, d'un côté les patients n'ont pas d'attentes élevées quant à la capacité des médecins à les aider pour ce type de problème, et d'un autre côté qu'ils auraient au contraire des attentes ou croyances fortes quant aux capacités des ostéopathes à prendre en charge ce type d'affection. 12. La conséquence de ce raisonnement est qu'il faut envisager un ou plusieurs facteurs de confusion qui seraient des facteurs causaux communs à l'auto-évaluation de sa santé et à la perception de la gravité de son affection. Dans le cadre de ce travail doctoral, nous n'avons pas formulé d'hypothèse quant à la nature de ces facteurs. Nous les avons cependant intégrés comme « boite noire » à notre modélisation théorique (voir page 119). 13. C'est-à-dire sans cause biologique identifiable. Voir la discussion du Chapitre 4, page 81. 14. Nous désignons par conséquences fonctionnelles les conséquences de la douleur sur des activités de vie courante plus ou moins complexes allant par exemple de la capacité à se tenir debout, de s'asseoir ou de marcher, à la possibilité d'aller faire des courses, de travailler ou de faire du sport. 15. Voir la section « Choix des co-variables » du présent chapitre, page 111. CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
Corp et al. ont publié en 2018 une revue de la littérature sur les raisons invoquées par les patients pour justifier de leur recours à un TA pour des troubles musculo-squelettiques (Corp, Jordan et Croft 2018). Dans cette revue, nous trouvons des éléments pour soutenir nos hypothèses. Les auteurs ont en effet remarqué que les patients ayant déclaré avoir consulté pour des troubles « mal définis » ou pour des symptômes modérés, ont aussi fourni des déclarations indiquant des croyances spécifiques quant aux capacités des médecins à prendre en charge leur affection, par exemple : « Ce problème n'est pas assez sérieux pour un médecin. » ou « J'ai plutôt l'impression que mon corps ne fonctionne pas correctement. On ne va pas voir un médecin pour ça... » 16. Certains patients ont également déclaré choisir leur thérapeute en fonction du type de douleur perçu (p. ex., douleur « d'origine nerveuse » pour un chiropracteur, ou douleur « d'origine musculaire » pour un massothérapeute), soutenant l'idée que les patients prennent leur décision à la fois en fonction de leur perception de la nature du problème (ici son origine), mais aussi de leur croyance dans les capacités de tel ou tel TA à prendre en charge le type d'affection dont ils se croient atteints. Recours préalable. Aux côtés des facteurs précédents, le recours préalable à un TA pourrait avoir un pouvoir explicatif conséquent tant dans le cadre du recours complémentaire qu'alternatif. Furnham et Bhagrath ont investigué différents facteurs affectant la décision de consulter un médecin-homéopathe plutôt qu'un médecin généraliste non homéopathe (Furnham et Bhagrath 1993). Le fait d'avoir déjà consulté un médecin-homéopathe par le passé s'est avéré un facteur près de 15 fois plus fortement associé à la variable dépendante que l'insatisfaction vis-à-vis de sa dernière visite avec son médecin généraliste. Bien que la conception de l'étude ne soit pas spécifique au motif et porte uniquement sur des médecins, ce résultat est cohérent avec un fait comportemental redondant : les comportements passés sont souvent prédictifs des comportements futurs (Albarracı́n et Wyer 2000). Par conséquent, pour de futures études, ce constat invite à contrôler le recours préalable à un TA en distinguant par exemple entre utilisateurs débutants (tout premier recours) et utilisateurs confirmés (n-ième recours). 16. Ces déclaration indiquent également des croyances particulières concernant la nature de l'affection, ce qui nous ramène au groupe de variables précédemment proposé. 116 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
Acceptations sociales. Dans la discussion de notre revue systématique 17, nous avons remarqué qu'il ne semblait pas y avoir de différence entre les facteurs prédictifs du recours à un praticien de santé conventionnel et à un thérapeute alternatif. Pour expliquer cette absence de spécificité du recours aux TA, nous avons fait l'hypothèse qu'il était incertain que les patients perçoivent véritablement le caractère « alternatif » des praticiens de santé qu'ils consultent. Pour appuyer cette hypothèse, nous avons alors rappelé les faits suivants : - Certains thérapeutes alternatifs sont aussi, statutairement, des professionnels de santé conventionnels (p. ex., les médecins-homéopathes en France (Lert et al. 2014), ou les chiropracteurs en Norvège (Fønnebø et Launsø 2009)). - Le recours à un TA est souvent complémentaire du recours à un professionnel de santé conventionnel (Steinsbekk et al. 2007) (fait confirmé par nos données 18 ). - Nombre de professionnels de santé conventionnels, en particulier les médecins, adressent leurs patients à des TA (Astin et al. 1998 ; Stussman et al. 2019). Nous pourrions également ajouter que de fait les professionnels de santé conventionnels utilisent ou conseillent des procédures de MAC (Lert et al. 2014), même s'ils ne portent pas le titre de la discipline de MAC concernée. C'est le cas, par exemple, des médecins ou des pharmaciens qui prescrivent ou conseillent de l'homéopathie sans pour autant revendiquer le titre d'homéopathe. Ainsi, non seulement la situation dépeinte par ces éléments factuels peut contribuer à brouiller les pistes pour les patients, mais elle pourrait aussi constituer en elle-même un moteur du recours aux thérapeutes alternatif s. Prenons l'exemple de l'ostéopathie : que celle-ci soit pratiquée par des professionnels de santé, que ceux-ci affichent un rattachement à cette discipline via l'utilisation d'un intitulé professionnel spécifique (médecin-ostéopathe, kinésithérapeuteostéopathe, etc.), que ceux-ci recommandent à leurs patients de consulter un ostéopathe 19, que ceux-ci acceptent l'intervention d'ostéopathes dans des établissements de santé (telles des 17. Voir Chapitre 2, page 32. 18. Voir Chapitre 4, page 76. 19. Dans notre échantillon total (n = 10 485), parmi les patients ayant consulté uniquement un médecin pour un mal de dos au cours des 12 derniers mois (n = 1 921), 21 % ont déclaré qu'un médecin leur a déjà recommandé de consulter un ostéopathe pour un mal de dos. 117 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA des ;
),
etc
., tous ces éléments concourent vraisemblablement à créer un niveau d'acceptation des professionnels de santé pour la discipline de MAC qu'est l'ostéopathie, niveau d'acceptation qui affecterait les croyances des patients sur les capacités des ostéopathes, et par ce biais leur décision de recourir à ce type de thérapeute (professionnel de santé ou non). Par ailleurs, d'autres formes d'acceptations sociales entrent probablement en jeu tels que l'acceptation du réseau social (famille, amis, collègues) du potentiel utilisateur de la discipline de MAC considérée, son acceptation médiatique via une couverture plus ou moins positive des médias 20, et enfin son acceptation institutionnelle au travers, par exemple en France, du remboursement de certains produits de MAC comme les produits homéopathiques, ou de la reconnaissance d'un titre professionnel pour des praticiens de MAC tels les chiropracteurs ou les ostéopathes. En 2010, Van der Schee et Groenewegen ont étudié les déterminants de la confiance dans les MAC en général, au moyen d'une étude transversale par questionnaire en comparant un groupe d'utilisateurs et de non-utilisateurs de MAC (n = 917) (Schee et Groenewegen 2010). Ils ont testé un modèle incluant les quatre types d'acceptation précédemment décrits, et leurs résultats ont confirmé l'influence de l'ensemble de ces facteurs sur la confiance aux MAC, à l'exception de l'acceptation des professionnels de santé. Cette variable avait été opérationnalisée de manière minimaliste et peu spécifique au moyen de deux items : l'un permettant de recueillir si la personne avait déjà reçu des conseils sur les MAC de la part de son médecin généraliste, et l'autre de mesurer la perception du répondant vis-à-vis de la nature de ces conseils (« très négatifs », « négatifs », « neutres », « positifs », « très positifs »). Les auteurs ont expliqué cette absence de résultat par le faible nombre de personnes ayant déclaré avoir reçu des conseils de leur médecin. Évidemment, la confiance dans les MAC en général entre des utilisateurs et des nonutilisateurs de MAC est une variable bien différente de nos variables d'intérêts, à la fois comportementales et beaucoup plus spécifiques. Toutefois, cette étude illustre selon nous l'intérêt de concevoir un modèle qui tienne compte des quatre types d'acceptation que nous avons présentés. CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA 5.4. PROPOSITION D'UN MODÈLE THÉORIQUE
Nous terminerons cette section en faisant l'hypothèse que s'il paraı̂t plausible que tous ces facteurs aient un effet direct sur la probabilité de recours à un thérapeute alternatif non médecin, ces effets pourraient résulter principalement du niveau d'acceptation des professionnels de santé au sein d'un pays donné, et peut-être même plus précisément du niveau d'acceptation médicale vis-à-vis de telle discipline de MAC. En effet, étant donné la place des médecins au sein du système de santé français, ainsi que leur haut niveau de formation (le plus élevé parmi les professionnels de santé), cette acceptation médicale pourrait affecter directement la confiance et donc l'acceptation de la discipline par la population, les médias, et les institutions, et ainsi finalement à affecter directement et indirectement la probabilité de recours à un TA non médecin. Cette hypothèse nous semble d'autant plus raisonnable que le niveau de confiance de la population française en ses médecins fait partie des plus élevés au monde (Huang et al. 2018). 5.4 Proposition d'un modèle théorique
À notre connaissance, il n'existe pas de modèle théorique spécifique pour expliquer nos comportements d'intérêt, c'est-à-dire un modèle expliquant le recours à un TA non médecin, complémentaire ou isolé d'une prise en charge médicale, pour un motif ou une catégorie de motifs spécifiques vs. le recours à un médecin pour ce même motif ou catégorie de motifs. Davis et al. (2011) ont développé un modèle pour expliquer le recours à un thérapeute alternatif vs. l'absence de recours à un thérapeute alternatif, sans tenir compte du profil professionnel de ces thérapeutes, du motif ou de la catégorie de motifs de consultation, ou encore de la place de ce recours par rapport à une éventuelle prise en charge médicale (Davis, Weeks et Coulter 2011). Deux autres équipes de recherche ont appliqué, dans les mêmes circonstances, pour l'une le modèle socio-comportemental d'Andersen et Newman (Kelner et Wellman 1997) 21, 21. Le modèle socio-comportemental d'Andersen et Newman (sociobehavioral model ) a été développé pour étudier l'utilisation des services de santé par rapport à l'absence d'utilisation, pour tout type de services de santé (Andersen et Newman 1973). 119 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA 5.4. PROPOSITION D'UN MODÈLE THÉORIQUE
pour l'autre le modèle décisionnel du consommateur (consumer decision-making model ; Sirois et Purc-Stephenson 2008a). À la lumière des résultats, données, et réflexions présentés jusqu'alors, notre objectif dans cette partie a été de proposer un modèle théorique spécifique pour rendre compte du recours à un thérapeute alternatif non médecin pour un mal de dos, isolé ou complémentaire d'une prise en charge médicale. Par la suite, nous parlerons synthétiquement de « recours à un thérapeute alternatif » pour résumer ces circonstances. Conformément à nos réflexions préliminaires, nous avons distingué entre premier recours et n-ième recours 22, ce qui nous a conduit à proposer deux versions du modèle théorique principal. La Figure F (page 121) présente un modèle théorique pour rendre compte du premier ou du n-ième recours à un thérapeute alternatif, qu'il soit isolé ou complémentaire d'une prise en charge médicale. Le module délimité par des pointillés concerne uniquement le n-ième recours à un thérapeute alternatif. Sur cette figure, nous n'avons pas représenté les cadres de recours isolé et complémentaire séparément, par souci de concision. Nous avons précisé les variations entre ces deux contextes d'utilisation dans le Tableau 3 (page 128). Ce tableau présente une description détaillée des variables qui apparaissent sur la Figures F, leurs variations entre les différents cadres de recours, un rappel des arguments sous-tendant leur présence, et enfin, pour chacune d'elle, des prédictions testables. Car bien entendu, les différentes composantes de ces modèles devraient être testées empiriquement dans de futures études. En outre, il convient de souligner que seules des études prospectives seront en capacité de démêler de manière convaincante les relations causales en jeu. À ce titre, il conviendra de penser les modèles de façon dynamique, ceci afin de détecter des risques de biais de confusion possibles, et ainsi de contrôler les variables adéquates. 22. Voir le paragraphe « Recours préalable » du présent chapitre,
. 120 CHAPITRE 5. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA
Recours médecin préalable Auto-évaluation de sa santé Facteurs à déterminer
5.4. PROPOSITION D'UN MODÈLE THÉORIQUE
Croyances sur les médecins Insatisfaction vis-à-vis de son médecin Acceptation sociale Nature de l'affection Affection perçue Recours TA Acceptation médiatique Satisfaction vis-à-vis du TA Croyances sur les TA Recours TA préalable Acceptation médicale Acceptation institutionnelle
Figure F – Modèle théorique du premier recours ou du n-ième recours à un TA non médecin. Cadre vert : comportement à expliquer ; cadres bleus : variables psychologiques ; cadres jaunes : variables extra-psychologiques.
Arguments Acceptation
de
journalist
es,
rédacteurs webs
Voir la section « Acceptations sociales » ou
vid
éastes
non
professionnels
de santé
. de ce chapitre.
Acceptation médicale comprise dans un
sens Voir la section
«
Accept
ations
sociales
»
(1) Un
haut
niveau
d
'acceptation élargi
: de ce chapitre
.
médicale pour un groupe de TA ou • acceptation des professionnels de santé de sa discipline est un facteur causal terrain : utilisation ou conseil de procédures du recours à ce TA par la Acceptation médiatique Acceptation médicale Prédictions Acceptation de l'État (p. ex., reconnaissance Voir la section « Acceptations sociales » (1) Un haut niveau d'acceptation de titres professionnels pour certains TA) ou de ce chapitre. institutionnelle pour un groupe de de toute institution publique (hôpital faisant TA ou sa discipline est un facteur appel à des TA, bibliothèque municipale causal du recours à ce TA. (2) hébergeant des ouvrages promotionnels de Effet médié par les croyances sur diverses disciplines de MAC, etc.). les TA (un haut niveau d'acceptation entraînant des croyances positive Quatre scénarios : (A) Premier recours à un Pour l'intérêt de distinguer premier TA pour mal de dos, complémentaire d'une recours et n-ième recours, voir (Sirois prise en charge médicale. (B) N-ième 2008). recours à un TA pour mal de dos, complémentaire d'une prise en charge médicale. (C) Premier recours à un TA pour mal de dos, isolé de toute prise en charge médicale. (D) N-ième recours à un TA pour mal de dos, isolé de toute prise en charge médicale.
Acceptation institutionnelle
Recours TA Variable Tableau 3 – Description des modèles théoriques et prédictions associées. Fond vert : variable à expliquer ; fond jaune : variables extrapsychologiques ; fond bleu : variables psychologiques. 123 Acceptation du réseau social Variable
Arguments population. (2) Effet médié par les croyances sur les TA (un haut niveau d'acceptation entraînant des croyances positives). (3) Effet médié par les niveaux d'acceptation médiatique, institutionnelle et du réseau social. (4) L'acceptation proprement médicale (c'est-à-dire des médecins et de leurs instances) est un facteur causal de l'acceptation des autres professions de santé. Prédictions
Acceptation des proches, de la famille, des Voir la section « Acceptations sociales » (1) Un haut niveau d'acceptation amis, des collègues de travail via des de ce chapitre. du réseau social pour un groupe de discours positifs et des recommandations de TA ou sa discipline est un facteur consultation ou utilisation de tel ou tel TA, causal du recours à ce TA. procédure de MAC, ou discipline de MAC (2) Effet médié par les croyances de MAC, promotion des mérites d'une discipline de MAC, mise en avant d'un titre de TA ou d'une mention relative à une discipline de MAC (homéopathe, acupuncture, etc.), affirmations sans preuve et sans recul critique, recommandation du recours à un TA, etc. ; promotion directe aux patients ou via divers médias ; • acceptation des instances représentatives ou éducatives des professionnels de santé, telles que les universités ou conseils ordinaux : promotion des mérites d'une discipline de MAC, affirmations sans preuve et sans recul critique, hébergement de formations de TA pour les universités (p. ex., un diplôme universitaire d'homéopathie ou d'ostéopathie) ; autorisation aux professionnels par les conseils ordinaux d'usage de mentions ; (p. ex., mésothérapie ou acupuncture pour les médecins ; CNOM 2019) ; promotion directe à d'autres institutions (l'État) ou via divers médias à la population. Variable spécifique aux scénarios (B) et (D), Pour l'intérêt de distinguer premier peu importe le motif de consultation. recours et n-ième recours, voir (Sirois 2008). Croyances, attitudes, représentations, perceptions de son affection, en l'occurence de son mal de dos. Ces croyances peuvent être plutôt positives ou plutôt négatives. Recours TA préalable Affection
perçue Voir la section « Perception et nature de (1) Des croyances plutôt positives l'affection » de ce chapitre. sur son mal de dos sont plus susceptibles de conduire à un TA que des croyances négatives. (2) Effet beaucoup plus important pour un recours isolé que Il est assumé dans le modèle qu'un adulte français a nécessairement eu recours à un médecin au moins une fois dans sa vie, quelque soit le scénario. Scénarios (A) et (B) : recours préalable pour un mal de dos. Scénarios (C) et (D) : recours préalable pour tout motif hors mal de dos. sur les TA (un haut niveau d'acceptation entraînant des croyances positives). Prédictions Recours médecin préalable Arguments Caractéristiques de l'affection, en Voir la section « Perception et nature de (1) Un mal de dos bénin (absence l'occurence du mal de dos : cause biologique l'affection » de ce chapitre. de cause biologique identifiable, identifiable, intensité de la douleur, faible douleur, répercussions répercussions fonctionnelles de la douleur fonctionnelles limitées, survenue (impossibilité de se redresser, ralentissement récente) est plus susceptible de de la vitesse de marche, insomnies, etc.), conduire à un TA qu'un mal de date de survenue. dos plus grave. (2) Effet beaucoup plus important pour un recours isolé que complémentaire. (3) Effet médié par les croyances sur son affection. (bouche-à-oreille). Croyances, attitudes, représentations sur les Voir la section « Croyances vis-à-vis des (1) Croire que les médecins (ou son médecins en général ou sur son médecin en praticiens de santé » de ce chapitre. médecin) ne sont pas vraiment particulier. Scénarios (A) et (B) : croyances capables de prendre en charge son sur leurs capapacités à prendre en charge mal de dos est un facteur causal du son mal de dos. Scénarios (C) et (D) : recours à un TA. (2) Effet plus croyances sur leurs capacités à prendre en important pour un recours isolé charge ses problèmes quels qu'ils soients. que complémentaire. (3) Effet en partie médié par les attentes vis-àvis du médecin ou de sa prise en charge (des croyances négatives entraînant des attentes basses et donc une plus grande probabilité de recours - et inversement). Les attentes n'ont pas été distinguées sur les figures.
Cro
y
ances,
attitude
s,
représent
ations sur
les Voir la section « Croyances vis-à-vis des (1) Croire que tel type de TA (p. TA. Croyances sur leurs capacités à prendre praticiens de santé ». ex., les ostéopathes) ou un TA en charge son mal de dos. spécifique (Monsieur Y, « Sur les TA » peut référer : ostéopathe) est très capable de • au TA spécifique qui va être consulté prendre en charge son mal de dos (Monsieur Y) ; est un facteur causal du recours à • au type de TA qui va être consulté (les ce TA. (2) Effet plus important Croyances sur les TA Contrôler les croyances sur son affection (affection perçue) élimine l'association entre l'auto-évaluation de sa santé et le recours aux TA.
Prédictions Croyances sur les médecins Arguments
Voir notre questionnaire disponible à
l' ostéopathes) ; • aux TA en général (si tant est que le patient possède une telle catégorie conceptuelle, ce dont on peut douter). Arguments Satisfaction vis-à- Spécifique aux scénarios (B) et (D). Satisfaction vis-à-vis : vis du TA • soit du TA spécifique déjà consulté pour un mal de dos ou pour un autre motif (p. ex., Monsieur Y, ostéopathe) ; • soit du type de TA déjà consulté pour un mal de dos ou pour un autre motif (p. ex., les ostéopathes en général). Cette variable a été placée en symétrie de l'insatisfaction vis-à-vis de son médecin. Cette variable a été proposée dans le modèle de Davis et al. (2011), mais il n'existe à notre connaissance aucune étude ayant documenté que la satisfaction vis-à-vis d'une visite chez un TA augmentait la probabilité d'y retourner. Cette hypothèse est cependant très plausible, même si nous pouvons douter qu'elle soit vraie pour tous les TA. On peut en effet imaginer au moins deux raisons pour qu'un patient retourne consulter un TA malgré Insatisfaction vis- Scénarios (A) et (B) : insatisfaction vis-à-vis Voir l'article présenté dans ce chapitre. de sa prise en charge médicale pour son mal à-vis de son de dos. Scénarios (C) et (D) : insatisfaction médecin vis-à-vis de son médecin généraliste en général, indépendamment d'une prise en charge passée pour un mal de dos. Variable (1) Avoir été satisfait de sa consultation avec un TA est un facteur causal d'un n-ième recours à ce TA. (2) Effet moins important pour les ostéopathes que pour les autres TA. pour un recours isolé que complémentaire. (3) Dans le cadre d'un n-ième recours, effet en partie médié par les attentes vis-à-vis du TA et par le niveau de satisfaction pour le TA. Les attentes n'ont pas été distinguées sur les figures. Prédictions 127 Facteurs à déterminer Variable Facteurs causaux de l'auto-évaluation de sa santé (AVS) et des croyances sur son affection. Contenu non déterminé dans le cadre de cette thèse. Permettent d'expliquer que l'AVS soit associée au recours aux TA sans que nous puissions envisager de relation causale entre les deux variables. Graphiquement, l'association est illustrée par les lignes des flêches reliant les variables (d'après le formalisme des graphes orientés acycliques appliqué à la représentation graphique des modèles causaux ; pour approfondir ce point voir : Rohrer 2018). une insatisfaction préalable : (1) il a été insatisfait vis-à-vis d'un TA spécifique (Monsieur Y) mais pas de la catégorie d'appartenance de ce TA (ostéopathe). Ainsi, il pourrait simplement ne plus retourner voir Monsieur Y sans abandonner l'idée de se faire soigner par un ostéopathe. (2) Le patient croit qu'il n'a pas le choix, pour son mal de dos, que de consulter ce thérapeute-ci (Monsieur Y) ou cette catégorie de thérapeutes (les ostéopathes). Ainsi, bien qu'insatisfait de Monsieur Y, le patient pourrait persister à vouloir consulter un ostéopathe.
Arguments Prédictions Chapitre 6 Perspectives générales et conclusion
Dans cette dernière partie, nous allons proposer plusieurs pistes de recherche, d'abord relatives à la santé publique, ensuite à l'étude des explications du recours aux thérapeutes alternatifs, enfin à la question de la communication sur cette thématique dans un cadre ou institutionnel. 6.1 Recours aux TA et santé publique
Dans notre échantillon présenté dans le Chapitre 4, nous avons vu que près d'une personne sur deux a déclaré avoir eu recours, au cours des 12 derniers mois, à un thérapeute usant de procédures sans fondement scientifique*. Les répondants ont consulté majoritairement des TA non professionnels de santé, en complément d'une prise en charge médicale, et essentiellement pour des douleurs musculo-squelettiques. Dans ce cadre de recours complémentaire, 58 % des patients ayant revu leur médecin depuis déclarent avoir parlé avec lui de ce recours. Dans le cadre du recours isolé à un TA-NPS, peu de ces thérapeutes semblent avoir recommandé à leurs patients de consulter un médecin. Les ostéopathes NPS ont été de loin les TA-NPS les plus consultés, quelque soit la forme de recours (isolé ou complémentaire). Ces données descriptives constituent un point de départ pour juger factuellement de l'enjeu de santé publique que représente le recours aux thérapeutes alternatifs. Elles sont toutefois insuffisantes pour cette fin, et devraient être complétées par des données sur les risques de santé à recourir aux TA 1. Cependant, dans la mesure où récolter de telles informations nécessite des ressources économiques, il faut préalablement établir l'enjeu de santé publique potentiel que 1. Voir Problématique, page 22. CHAPITRE 6. PERSPECTIVES GÉNÉRALES ET CONCLUSION 6.1. RECOURS AUX TA ET SANTÉ PUBLIQUE
représente le phénomène. À ce titre, nous pensons que la situation décrite par notre analyse descriptive 2 constitue une base adéquate à la fois pour apprécier l'intérêt de poursuivre les recherches, et pour les orienter. Dans l'éventualité d'une évaluation favorable à la poursuite des investigations, nous proposons ici plusieurs questions de recherche dont les réponses permettraient de compléter nos données descriptives pour mieux juger de l'enjeu de santé publique que représente le recours aux TA : - Existe-t-il en France des risques de retard diagnostic à consulter en première intention un TA professionnel ou non professionnel de santé? - Quelles croyances erronées sont transmises indirectement ou directement par ces thérapeutes à leurs patients sur leur problème de santé, son diagnostic, son traitement ou son pronostic? Sur leur santé en général? Quelles sont les conséquences sanitaires de ces croyances? - Quelles sont les procédures de MAC précisément utilisées par ces TA? Quelle est la part de procédures définitivement sans fondement scientifique (sens 1) par rapport à celles en situation de controverse (sens 2) 3? Quelle est la part de procédures activement utilisées par les TA (p. ex., les manipulations vertébrales, les techniques d'acupuncture, etc.), par rapport à celles simplement conseillées aux patients (p. ex., prendre un produit homéopathique, adopter un régime alcalin 4, etc.)? - Quel est le rapport des TA français à la pratique clinique basée sur les connaissances scientifiques? Dans quelle mesure ce rapport affecte-t-il leur propension à utiliser ou recommander les meilleurs traitements disponibles à leurs patients? Par ailleurs, les réponses à ces questions gagneront bien sûr à être complétées par des données sur la présence ou l'absence d'efficacité des pratiques controversées utilisées par les TA, ainsi que sur les risques directs associés à ces procédures. 2. Voir Chapitre 5, page 83. 3. Pour la distinction entre les sens 1 & 2, voir Cadre théorique, page 18. 4. Sur le régime alcalin, voir : Fenton et Fenton 2016 ; Huebner et al. 2014. CHAPITRE 6. PERSPECTIVES GÉNÉRALES ET CONCLUSION 6.2 6.2. EXPLIQUER LE RECOURS AUX TA Expliquer le recours aux TA
Dans cette thèse, nous avons décomposé la catégorie « recours aux MAC » en auto-recours à des procédures de MAC et recours à des praticiens de MAC (thérapeutes alternatifs). Ensuite, tout en nous concentrant sur le recours aux thérapeutes alternatifs, nous nous sommes attelés à poursuivre l'analyse à la fois en distinguant les TA professionnels de santé et non professionnels de santé, mais également en produisant des données spécifiques pour chaque TA (acupuncteur, chiropracteur, homéopathe, etc.). Dans la mesure où nous avons montré que les processus causaux conduisant au recours à un TA peuvent varier selon le type de thérapeute considéré (p. ex. le recours aux ostéopathes 5 ), et qu'ils peuvent être également différents pour un même TA en fonction de son profil professionnel (p. ex., médecin-homéopathe vs. médecin uniquement ; Lert et al. 2014), nous pensons important que la recherche sur la thématique des MAC garde ce cap analytique, sous peine de produire des résultats d'une utilité discutable (Ernst 2006). Dans le Chapitre 5, nous avons proposé un modèle théorique du recours aux thérapeutes alternatifs non médecins, fournissant les perspectives de recherche suivantes : étudier comment la nature des affections et leur perception par les patients déterminent le recours aux TA, identifier les croyances des individus sur les praticiens de santé disponibles (médecins généralistes, ostéopathes, etc.) ainsi qu'investiguer le rôle de ces cognitions dans le choix des patients pour leur parcours de soin, et enfin, examiner l'effet de l'acception des professionnels de santé pour telle ou telle discipline de MAC, ainsi que la relation de cette variable avec les ations médiatique, institutionnelle, et celle du réseau social de la personne. Nous avons également argumenté en faveur de l'hypothèse que l'effet de l'acceptation des professionnels de santé visà-vis d'une discipline de MAC donnée, en particulier son acceptation par les médecins, pourrait constituer un facteur fort pour expliquer le recours aux TA non médecins de cette discipline. Cette acceptation médicale constitue d'ailleurs un problème scientifique à part entière : parmi les médecins qui disposent du plus haut niveau de formation au sein des professionnels de santé (8 à 11 ans de formation universitaire), exposés plus de 15 ans à des contenus scientifiques 5. Voir Chapitre 5, page 83. CHAPITRE 6. PERSPECTIVES GÉNÉRALES ET CONCLUSION
6.3
.
COMM
UNIQUER SUR LES
MAC ET LES TA (physique, chimie, biologie, biochimie, physiopathologie, statistiques, recherche clinique, etc.) 6, comment expliquer que certains de ces professionnels en arrivent à utiliser ou conseiller des procédures sans fondement scientifique*? Concernant ces procédures, nous pensons utile que les futures études sur la thématique du recours aux MAC distinguent les deux sens que nous avons réunis dans cette thèse sous la même bannière syntaxique « sans fondement scientifique* » 7. En effet, il n'est pas garanti que les processus causaux conduisant au recours soient similaires selon qu'on ait affaire à des procédures sans aucun fondement scientifique (bougies d'oreilles, élixirs floraux de Bach, iridologie, kinésiologie appliquée, lithothérapie, homéopathie, prière d'intercession, etc.) 8, ou à des procédures encore scientifiquement controversées (telles que les procédures d'acupuncture ou les manipulations vertébrales pour soulager les douleurs de dos), en particulier quand les affections concernées sont difficilement soignées par l'ensemble des traitements existants
9. 6.3 Communiquer sur les MAC et les TA
Mieux comprendre pourquoi les patients ont recours aux MAC permettra à tout professionnel, organisation ou institution de santé de mieux communiquer sur cette thématique. Si un patient est plus satisfait de sa prise en charge quand un professionnel de santé déploie une communication de qualité (Boissy et al. 2016), et en particulier quand ce dernier aborde la question des MAC (Roter et al. 2016), alors d'après nos résultats, cela diminuera la probabilité que le patient recours de manière complémentaire ou isolée à un TA non médecin dans le futur, et ainsi réduira automatiquement les risques associés à ce type de comportement.
| 18,032
|
2001INAP0032_11
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,001
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Dynamique du fonctionnement mineral d'une plantation d'eucalyptus. Effets du reboisement sur un sol de savane du littoral congolais ; consequences pour la gestion des plantations industrielles
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None
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French
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Spoken
| 7,542
| 13,118
|
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146 ANNEXES LISTE DES ANNEXES Annexe 1 Influence du nombre d’arbres échantillonnés sur les intervalles de confiance des tarifs de biomasse et minéralomasse. Annexe 2 Modèles de biomasse et minéralomasse établis dans la plantation de Kondi à partir de l’échantillonnage de 12 arbres à l’âge de 5,5 ans et de 10 arbres à 8,5 ans. Annexe 3 Méthodologie utilisée pour évaluer l’influence des saisons sur les principaux flux du cycle biologique. Annexe 4 Méthodologie utilisée pour évaluer les apports atmosphériques. Annexe 5 Modélisation des transferts hydriques dans la plantation et la savane de Kondi. Annexe 6 Potentiel matriciel simulé par le modèle Hydrus 1D dans le sol de la plantation d’eucalyptus de Kondi. Annexe 7 Influence du délais de séjour des solutions dans les collecteurs (à Kondi) sur leur composition chimique. Annexe 8 Analyses de sols détaillées dans la plantation et la savane étudiées à Kondi. Annexe 9 Besoins minéraux pour l’accroissement courant annuel des différents compartiments des arbres de la chronoséquence de Kissoko. Annexe 10 Transferts internes courants dans les principaux compartiments des arbres de la chronoséquence de Kissoko. Annexe 11 Prélèvements au sol annuels d’éléments minéraux par les arbres de la chronoséquence de Kissoko. Annexe 12 Stocks et flux de matière organique et d’éléments minéraux dans les différentes fractions de litière au sol de la plantation d’eucalyptus de Kondi. Annexe 13 Flux de drainage à la base des différentes couches de sol identifiées dans la plantation et la savane de Kondi. Annexe 1 Influence du nombre d’arbres échantillonnés sur les intervalles de confiance des tarifs de biomasse et minéralomasse. L’objectif est d’estimer l’impact du nombre d’arbres échantillonnés dans un peuplement clonal d’eucalyptus sur l’intervalle de confiance des valeurs prédites par les tarifs de biomasse et minéralomasse. Les mesures effectuées sur 30 arbres du clone 1-41 échantillonnés dans un peuplement de 7 ans ont été utilisées. Après un inventaire du peuplement (500 arbres), 6 classes d’égale amplitude de surface terrière ont été constituées entres les valeurs extrêmes mesurées et 5 arbres ont été échantillonnés aléatoirement dans chaque classe (Laclau, 1997). Nous cherchons à déterminer les intervalles de confiances des tarifs établis avec 6, 12, 18, 24 et 30 arbres échantillonnés en considérant que 1, 2, 3, 4 ou 5 arbres respectivement sont prélevés dans chaque classe de surface terrière.
Méthode de calcul des intervalles de confiance
Pour un tarif de la forme a0+ a1 X, la variance de la valeur prédite est 1 ( x − x) 2 var(â0 + â1 × x) = γ × ( + N ), N 2 ∑ ( xi − x ) (1) i =1 avec x la circonférence des arbres à 1,30 m de hauteur (C1,3), â0 et â1 les valeurs estimées des paramètres a0 et a1, N le nombre d’arbres échantillonnés et γ un estimateur non biaisé de la variance résiduelle du modèle ( Tomassone et al., 1983). L’intervalle de confiance est alors â0 + â1 × x ± 2 f (2, N − 2, α ) var(â0 + â1 × x), (2) où f (2, N-2, α) est la valeur de la table de Fisher Snedecor pour (2, N-2) degrés de libertés et le seuil de probabilité α. L’équation (1) montre que var(â0 + â1 x) est fonction de N par l’intermédiaire de 1/N et N de ∑ ( xi − x) 2. i =1
A partir de
l’échantillonnage pratiqué, on peut
calcul
er
pour N=30 : 30 ∑ ( xi − x) 2 = 29 × (1109.01) 2 i =1 1
Annexe 1 De plus, compte tenu du mode d’échantillonnage pratiqué, on peut faire l’hypothèse que les xi (l’échantillon de C1,3 associé à N = 6, 12, 18, 24 ou 30) ont été choisis de façon telle que leur répartition soit semblable à celle effectuée pour N=30. On a alors
N N 30 N 2 x x ( − ) ≈ × ∑ ( x i − x) 2 = × (1109.01) 2 ∑ i 30 i =1 30 i =1
Sur cette base, les valeurs de l’intervalle de confiance (équation 2) peuvent être calculés pour des valeurs de N = 6, 12, 18, 24 et 30 (Bergonzini, com. pers.).
Intervalles de confiances (IC) des valeurs prédites par les tarifs, en fonction du nombre d’individus échantillonnés
Les IC ont été calculés pour tous les tarifs de biomasse et minéralomasse établis dans tous les compartiments aériens des arbres. Les IC (à p=0,95) des tarifs établis pour la biomasse de bois jusqu’à la découpe 7 cm (Figure 1) sont indiqués ci-dessous. L’évolution des IC en fonction du nombre d’arbres échantillonnés dans ce tarif est représentative des résultats obtenus pour l’ensemble des tarifs de biomasse et minéralomasse. Les pourcentages d’écarts entre les valeurs limites des IC (à p=0,95) et les valeurs prédites par les tarifs sont également représentés graphiquement pour le même compartiment (Figure 2). Ces résultats montrent que dans cette plantation clonale d’eucalyptus, la précision des prédiction par les tarifs augmente très sensiblement entre 6 et 12 arbres échantillonnés. Au delà de 12 arbres, les intervalles de confiance évoluent peu, sauf pour les arbres dominés qui représentent des biomasses et minéralomasses faibles dans ces plantations. L’échantillonnage de 12 arbres par peuplement correspond donc à un bon compromis entre la difficulté des mesures (temps nécessaire + coût) et la qualité prédictive des tarifs obtenus.
2 Annexe 2 Modèles de biomasse et minéralomasse établis dans la plantation de Kondi à partir de l’échantillonnage de 12 arbres à l’âge de 5,5 ans et de 10 arbres à 8,5 ans. R2 Compartiments Modéles Bois de tronc Biomasse = -46.885 + 2.0946xC + 0.00004515 x age x C3 N = -12.236 + 0.013665 x age x C2 P = 5.556 + 0.0013213 x age x C2 K = 13.636 + 0.00002409 x C4/age Ca = 2.069 + 0.001488 x age x C2 Mg = -5.597 + 0.3140 x C + 0.00000902xagexC3 0,97 0,90 0,93 0,85 0,88 0,95 Ecorces du tronc Biomasse = -2.905 + 0.1304 x C + 0.00019098 x age x C2 N = -10.206 + 0.5399 x C + 0.001044 x age x C2 P = 4.309 + 0.04751 x age x C K = 10.677 + 0.00000019 x age x C4 Ca = 13.7595 + 0.00000005 x C5 Mg =10.011456 + 0.00011612 x C3 0,94 0,96 0,86 0,91 0,92 0,86 Feuilles Biomasse = -2.6789 + 0.12552 x C N = 45.868 + 0.00002861 x C4/age P = 3.009 + 0.00000218 x C4/age K = 9.890 + 0.00000632 x C4/age Ca = 4.146 + 0.0004763 x age x C2 Mg = -8.462 + 0.40372 x C 0,87 0,82 0,81 0,77 0,83 0,82 Branches vivantes Biomasse = 1.157 + 0.00040086 x age x C2 N = 6.848 + 0.00139 x age x C2 P = -8.573 + 0.29983 x C K = 5.638 + 0.00000552 x age x C3 Ca = 1.548 + 0.00046402 x age x C2 Mg = 2.377+0.00033015xagexC2 0,74 0,73 0,58 0,62 0,77 0,68 Branches mortes Biomasse = 0.523 + 0.0036401 x C2/age N = 1.060 + 0.010922 x C2/age P = 0.206 + 0.0092446 age x C2 K = 0.152 + 0.00000093 x age2 x C2 Ca = 1.059 + 0.00036779 x C3/age2 Mg = 0.103 + 0.00143573 x C2/age 0,22 0,25 0,21 0,40 0,25 0,68 Biomasse = -60.858 + 2.7067 x C + 0.00004893 x age x C3 0,98 N = -192.0 + 8.3742 x C + 0.00014704 x age x C3 0,93 P = 3.452 + 0.0045885 x age x C2 0.00000329 x age2 x C3 0,96 K = 26.803 + 0.00046687 x C3 0,90 Ca = 28.517 + 0.00006358 x age x C3 0,95 Mg = -3.259 + 0.0261056 x C2 0,94
Bois et écorce du tronc jusqu’au diamètre de 2 cm, âge (age) exprimé en années, circonférence à 1,30 m (C) en centimètres, biomasse en kg de matière sèche par arbre et minéralomasses en grammes d’élément par arbre. Matière sèche aérienne totale Annexe 3 Méthodologie utilisée
pour évaluer l’influence des saisons sur les principaux flux du cycle biologique. Cette étude a été effectuée avec l’aide d’une stagiaire de l’Institut de Développement Rural de Brazzaville (Mabounou, 2000). En raison de la croissance « continue » tout au long de l’année des eucalyptus de Pointe-Noire et de leur caractère sempervirent, un échantillonnage spécifique a dû être mis en œuvre pour quantifier la dynamique saisonnière des biomasses et minéralomasses des différents compartiments des arbres.
1. Production de biomasse
Pour la partie aérienne des arbres, cette étude est basée sur des tarifs de biomasse établis dans le peuplement de Kondi à partir de 12 arbres échantillonnés à l’âge de 5,5 ans et de 10 arbres prélevés à 8,5 ans. Des tarifs avec pour seule variable d’entrée la circonférence des arbres à 1,30 m de hauteur (C130) ont été utilisés pour prévoir l’accumulation de biomasse dans le tronc et les branches. Les tarifs établis dans la chronoséquence de peuplements de Kissoko pour les grosses racines ont été utilisés ici pour estimer leur accroissement mensuel (Laclau, 1997). Pour la biomasse de feuilles un échantillonnage spécifique a été pratiqué. La dynamique de racines fines ne sera pas abordée.
Accroissement mensuel en biomasse du tronc, des branches et des grosses racines
Des rubans dendromètres (lecture de C130 avec une précision de 0,2 mm) ont été installés en mars 1998 autour de 30 arbres. A partir de l’inventaire du peuplement, 6 classes d’égale amplitude de surface terrière ont été constituées et les rubans dendromètres ont été installés sur 5 arbres dans chaque classe. Les lectures ont été réalisées tous les 15 jours entre avril 1998 et décembre 2000 afin de mesurer l’évolution saisonnière de la croissance des arbres en C130. Les modèles prévisionnels de biomasse ont été appliqués chaque mois aux caractéristiques de C130 et d’âge de 560 arbres inventoriés chaque année dans le peuplement. Ces 560 arbres ont été répartis dans les 6 classes de surface terrière définies lors de l’installation des rubans dendromètres. Les accroissements moyens mesurés chaque mois sur les 5 individus de chaque classe équipés d’un ruban dendromètres ont été appliqués à l’ensemble des arbres de la même classe dans la population inventoriée. Cette démarche a ainsi permis de prévoir au début de chaque mois la C130 des 560 arbres, à partir de l’inventaire effectué en février 1999 et des accroissements mensuels relevés par les rubans dendromètres entre avril 1998 et janvier 2001. La biomasse des Annexe 3 différents compartiments des arbres a ensuite été prédite par les tarifs de biomasse établis. Les accroissements mensuels ont été calculés sur ces 560 arbres par différence entre les biomasses calculées pour 2 mois successifs. Ils ont été rapportés à l’hectare à partir de la densité d’arbres vivants dans le peuplement. Cette démarche devrait être bien adaptée à la prévision de l’accroissement mensuel du tronc, car l’accumulation de biomasse dans le tronc est bien caractérisée par l’accroissement en C130 des arbres. La biomasse de ce compartiment est en effet étroitement corrélée à la C130 des arbres (tarifs avec R2 > 0,92). Pour les branches et les grosses racines, il est possible qu’il y ait un décalage entre la production de biomasse dans ces compartiments et l’accroissement en C130 du tronc. Nous n’avons pas trouvé de référence bibliographique sur le sujet. Ces compartiments présentent cependant des biomasses et des minéralomasses limitées par rapport au tronc. Une erreur sur leur période de croissance devrait donc peu affecter les résultats concernant la variabilité saisonnière des principaux flux du cycle biologique dans ce peuplement. La validité de ces hypothèses sera discutée au regard de l’évolution saisonnière de la biomasse foliaire et de l’accroissement en C130 des arbres.
Biomasse du feuillage
Un échantillonnage complémentaire a été pratiqué afin d’évaluer l’accroissement saisonnier du feuillage des arbres. En effet, dans les peuplements forestiers l’initiation de feuilles est généralement décalée par rapport à la production de bois. Les feuilles sont initiées au printemps en milieu tempéré alors que le bois est formé pendant toute la saison de végétation. Echantillonnage
Dans le peuplement de Kondi, 48 arbres de surface terrière correspondant à la moyenne du peuplement ont été identifiés au début du mois d’avril 1999. Afin de tenir compte de la légère pente (environ 2%), 3 blocs ont été définis (perpendiculairement à la pente) et 16 arbres ont été identifiés dans chaque bloc. Seuls des arbres droits, sans grosse branche basse et sans individu manquant à proximité ont été sélectionnés afin de disposer d’un échantillon initial le plus homogène possible. Tous les 2 mois, 6 arbres ont été abattus (2 arbres choisis aléatoirement dans chaque bloc). Toutes les feuilles ont été prélevées, pesées et un échantillon représentatif a été constitué pour séchage à l’étuve à 65°C, puis broyage. Ce prélèvement a été effectué tous les mois entre septembre 1999 et janvier 2000, afin d’étudier plus précisément la reconstitution de la biomasse foliaire en début de saison des pluies.
Passage à l’échelle du peuplement
Le tarif de biomasse de feuilles établi dans ce peuplement à partir de l’échantillonnage de 12 arbres en avril 1997 et de 10 arbres en avril 2000 a été appliqué à la C130 de 560 Annexe 3 arbres inventoriés afin d’estimer la biomasse de feuilles sur pied par hectare en avril 1999 (Annexe 2). A partir de l’évolution saisonnière de la biomasse de feuilles observée sur les 48 arbres de surface terrière moyenne, un modèle prévisionnel de biomasse mensuelle de feuilles a été établi. Entre mai 1999 et mars 2000, la biomasse de feuilles de chacun des 560 arbres inventoriés a été calculée à partir de (i) sa biomasse foliaire au mois d’avril 1999 et (ii) du modèle d’évolution mensuelle de la biomasse de feuilles établi sur les 48 arbres échantillonnés. Chaque mois, le pourcentage de biomasse de feuilles observé sur les 48 arbres échantillonnés par rapport à leur biomasse du mois d’avril, a été appliqué aux 560 arbres inventoriés. Nous faisons ici l’hypothèse que les variations mensuelles observées sur les arbres de surface terrière moyenne restent identiques (en pourcentage de la biomasse foliaire de l’arbre en avril) quelle que soit la C130 des arbres. Cette hypothèse correspond bien aux observations qualitatives dans ce peuplement. Nous avons préféré cette procédure à l’échantillonnage à chaque date de 6 arbres couvrant l’ensemble des C130 du peuplement car cet échantillon d’arbres très homogène permet de caractériser plus précisément l’impact des saisons sur la biomasse de feuille sur pied.
Production mensuelle de feuilles
La production mensuelle de feuilles entre le début du mois i et le début du mois i+1 (Pf[i,i+1]) a été calculée par l’équation où Bfi et Bfi+1 représentent la biomasse de feuilles sur pied par hectare au début des mois i et i+1 respectivement, Li la biomasse de chute de litière de feuilles au cours du mois i et le coefficient 1,05 la différence de masse surfacique entre les feuilles sur pied et les feuilles mortes récoltées dans les chutes de litière. 2. Dynamique saisonnière d’immobilisation minérale
L’immobilisation minérale dans le tronc, les branches et les grosses racines a été évaluée en multipliant la production mensuelle de biomasse ligneuse par la concentration stabilisée en élément minéral dans chaque compartiment. Les concentrations stabilisées prises en compte correspondent aux concentrations moyennes mesurées à l’âge de 8,5 ans sur 10 arbres dans ce peuplement. Les concentrations stabilisées dans les branches ont été assimilées aux concentrations mesurées dans les grosses branches (diamètre > 2 cm).
3. Dynamique saisonnière des besoins en éléments minéraux Annexe 3
La dynamique des besoins minéraux dans la plantation d’eucalyptus a été évaluée au cours de la période où la biomasse foliaire a été mesurée (avril 1999 mars 2000).
Tronc, branches et grosses ra
cines Les besoins minéraux pour l’accroissement mensuel de ces compartiments ont été évalués en multipliant les biomasses produites par les concentrations minérales dans les tissus juvéniles. Pour le bois et l’écorce, les concentrations en N, P, K, Ca et Mg ont été mesurées en fin de saison des pluies 1999 sur 3 arbres de surface terrière correspondant à la moyenne du peuplement. Un échantillon composite a été constitué par arbre à partir de rondelles prélevées tous les 5 mètres, de la base au sommet du tronc : • Pour le bois, la partie externe des rondelles a été prélevée à chaque niveau afin de représenter approximativement l’accroissement au cours des 2 derniers mois. Pour cela, l’accroissement en C130 mesuré par les rubans dendromètres a été pris en compte et nous avons considéré que l’accroissement le long du tronc suivait la loi de Pressler. • Pour l’écorce, l’échantillon composite par arbre a été constitué en cumul la partie interne de l’écorce (environ la moitié de l’épaisseur d’écorce) sur toutes les rondelles prélevées. Pour le compartiment « branches », nous avons pris en compte les concentrations moyennes des branches fines (diamètre < 2 cm) mesurées sur 10 arbres de ce peuplement à l’âge de 8 ans. Les concentrations dans les tissus juvéniles du compartiment « grosses racines » ont été considérées identiques à celles du bois juvénile. Feuilles Un échantillon représentatif du feuillage d’un arbre de chaque bloc a été analysé lors de chaque prélèvement. La minéralomasse de feuilles de chacun des 560 arbres inventoriés a ainsi été calculée chaque mois en multipliant sa biomasse de feuille par la moyenne des concentrations mesurées dans les feuilles des 3 arbres échantillonnés lors de la date de prélèvement la plus proche.
Annexe 4 Méthodologie utilisée pour évaluer les apports atmosphériques
Plusieurs types de collecteurs ont été utilisés hors couvert : deux gouttières en PVC de surface de collecte 0,23 m2 ont permis de récolter les précipitations brutes (dépôts humides + dépôts secs) au dessus de la savane, de janvier 1998 à décembre 2000, • un collecteur de forme pyramidale en plexiglas, de 40 cm de profondeur et 0,25 m2 de surface de collecte, a été installé en janvier 1999 au dessus de la savane. Ce type de collecteur a été conçu en Afrique de l’ouest pour évaluer les dépôts totaux d’éléments minéraux (Orange et al., 1990). Les pluies et les dépôts de poussières ont été récoltés jusqu’en décembre 2000, dans une bouteille collectrice située au dessous du capteur en plexiglas. • un collecteur en polyéthylène de surface de collecte 855 cm2 a permis de récolter les dépôts humides au dessus de la savane entre octobre 1999 et décembre 2000. Ce collecteur était ouvert manuellement dès les premières gouttes de pluie par une personne surveillant 24 h / 24 le site expérimental. Il était refermé dès la fin des pluies. • Les modifications de la composition chimique des eaux de pluie au cours de leur transfert à travers le feuillage des 2 peuplements a été évaluée à partir de collecteurs de pluviolessivats installés sous le couvert : • Dans la plantation d’eucalyptus, 3 répétitions de 3 gouttières (identiques à celles utilisées pour évaluer les précipitations brutes hors couvert) ont été disposées afin d’intégrer l’hétérogénéité de la canopée. Elles ont permis de récolter les pluviolessivats de janvier 1998 à décembre 2000. Un collecteur de forme pyramidale en plexiglas (identique à celui installé hors couvert) a de plus permis de collecter les pluviolessivats sous la canopée d’eucalyptus de mai à décembre 2000. • Dans la savane, les pluviolessivats ont été récoltés de janvier 1998 à décembre 2000 par 4 répétitions de 2 collecteurs en polypropylène (70 cm x 8 cm) installés au ras du sol. Les échantillons d’eau de pluie collectés par les gouttières PVC et les collecteurs de pluviolessivats en savane étaient récoltés hebdomadairement, comme l’ensemble des solutions prélevées au niveau du dispositif expérimental de Kondi. Les échantillons collectés par les autres capteurs de dépôts atmosphériques étaient récoltés au cours de l’heure qui suivait les pluies pendant la journée et avec un délai moyen de 6 h lorsque les pluies avaient lieu la nuit (Article 5). La difficulté à évaluer les dépôts d’aérosols dans des collecteurs inertes rend difficile l’estimation des apports atmosphériques totaux dans les écosystèmes forestiers (Lindberg et al., 1986 ; Draaijers et Erisman, 1995 ). La méthodologie la plus rigoureuse serait i) de mesurer la concentration des aérosols dans l’air, ii) d’établir un modèle de dispersion des masses d’air et iii) d’établir un modèle de dépôt correspondant aux caractéristiques de la canopée (Davidson et Wu, 1990). Ce type de méthode est cependant difficile à mettre en oeuvre et les apports atmosphériques totaux dans la plupart des études de cycles biogéochimiques sont généralement estimés en comparant la composition chimique des eaux récoltées hors couverts et sous couvert (Ulrich, 1983 ; Draaijers et Erisman, 1995 ; Marques et al., 1997; Neirynck et al., 1998).
1 Annexe 4
Les modifications de la composition chimique des eaux de pluie au cours de leur transfert à travers la canopée proviennent de plusieurs processus : i) l’entraînement par les eaux de pluie des aérosols déposés sur le feuillage, ii) les échanges foliaires d’éléments minéraux, iii) l’interception d’eau par le feuillage qui conduit à une augmentation des concentrations minérales et iv) les interactions avec la flore épiphyte (Parker, 1983). Les deux derniers phénomènes ont une importance mineure dans les 2 écosystèmes étudiés à Kondi. L’interception par le feuillage représente en effet en moyenne seulement 8% des précipitations annuelles dans la plantation et 12% dans la savane (Annexe 5). La principale difficulté pour quantifier les apports atmosphériques totaux réside donc dans l’estimation de la part entre les dépôts secs sur le feuillage et les échanges foliaires, dans la modification des concentrations des eaux de pluie au cours du transfert dans la canopée. Les dépôts secs d’éléments minéraux sur le feuillage peuvent donc être calculés à partir de l’équation (Ulrich, 1983) où DSX PsX, EX, et PX représentent respectivement les dépôts secs de l’éléments X et les flux de cet élément dans les pluviolessivats, les échanges foliaires et les dépôts humides. La proportion de dépôts secs dans l’enrichissement total des eaux au contact du feuillage est souvent estimée à partir d’éléments traceurs, pour lesquels les échanges foliaires sont très faibles (Ulrich, 1983 ; Marques et al., 1997; Neirynck et al., 1998). Le sodium peut être considéré comme un traceur dans les zones côtières car les échanges foliaires sont négligeables par rapport aux apports de sels marins (Parker, 1983 ; Hansen, 1994). Les différences de flux de sodium dans les eaux hors couvert et sous la canopée permettent donc de quantifier les dépôts secs de cet élément sur le feuillage. L’étude qualitative de la composition chimique des eaux de pluie et des pluviolessivats révèle peu d’échanges foliaires au cours du transfert des eaux de pluie dans la canopée de la plantation (Article 5). Les coefficients de corrélation élevés entre le sodium et les autres éléments dans les précipitations brutes et les pluviolessivats suggèrent que les dépôts secs ont lieu simultanément. Dans la plantation d’eucalyptus, les dépôts secs ont donc été estimés pour les éléments N-NO3-, N-NH4+, P-H2PO4-, K+, Ca2+, Mg2+, Al3+, Fe3+, Mn2+ à partir de l’équation où DX représente les dépôts totaux (humides + secs) de l’élément X pendant la période considérée, PsNa+, Ec Na+ et PiNa+ sont respectivement les concentrations en sodium dans les pluviolessivats, les écoulements de tronc et dans les pluies (dépôts humides), et PiX représente la concentration de l’élément X dans les eaux de pluie. Pour S-SO42-, il a été montré dans d’autres peuplements forestiers que les échanges foliaires sont très limités (Miller, 1984 ; Garten et al., 1988). Les apports atmosphériques de silice ont une origine terrigène (Freydier, 1997) et les échanges foliaires de cet élément ont été négligés par rapport aux dépôts secs. Les dépôts secs de S-
42et Si
ont
donc été calculés par
l’équation
:
où
Y
représente
l
’
élément considéré. Dans la savane, les concentrations en sodium ne sont pas significativement différentes (p<0,05) dans les pluviolessivats et dans les eaux de pluie. Nous avons donc considéré que la composition chimique des eaux de pluies récoltées dans le collecteur pyramidal pour Ca2+, H+ et Clet dans les gouttières en PVC pour les autres éléments est représentative des apports totaux dans cet écosystème. En raison de sa hauteur faible, l’effet ‘filtre’ du feuillage de la savane sur les aérosols est beaucoup plus faible que celui de la plantation d’eucalyptus. Ces 2 Annexe 4 observations sont cohérentes avec la faible contribution des dépôts secs de NO3et NH4+ par rapport au dépôt humide, montrée dans une savane semi aride au Niger (Modi et al., 1995). Seule la composition chimique des eaux filtrées (0,45 μm) a été analysée dans cette étude. Les apports éléments nutritifs dans des particules insolubles n’ont pas été quantifiés. A l’avenir il serait intéressant d’utiliser de nouveaux types de capteur (un système de filtration de l’air en particulier) afin d’évaluer la composition de l’air en particules et sa variabilité au cours de l’année. Un appui du laboratoire d’aérologie de Toulouse, fortement impliqué dans les mesures d’apports atmosphériques en Afrique, pourrait permettre d’améliorer la détermination des dépôts atmosphériques. Ce flux à un rôle important pour la nutrition des formations végétales du littoral congolais en raison de la pauvreté chimique des sols. 3 Annexe 5 Modélisation des transferts hydriques dans la plantation d’eucalyptus et la savane herbacée de Kondi
Parmi les nombreux types de modèles de transferts hydriques dans les sols existant dans la littérature, deux grandes catégories peuvent être distinguées : (i) des modèles mécanistes basés sur des lois physiques de transfert hydrique dans le sol (en particulier la loi de Darcy) et (ii) des modèles à compartiments et à flux, moins explicatif des flux de transfert, mais basés sur des paramètres généralement beaucoup plus simples à mesurer. Ce dernier type de modèle est largement utilisé, soit pour des évaluations à une échelle régionale des transferts hydriques dans les sols, soit localement lorsqu’ils ont été validés par des mesures régulières d’humidité du sol (Marques et al., 1997b ; Granier et al. 1999). Des modèles à compartiments et à flux ont été établis ici avec pour objectif d’évaluer, à partir de relations empiriques simples, le flux de drainage à la base des différents horizons de sol identifiés dans la plantation d’eucalyptus et la savane de Kondi.
1 Présentation du modèle 1.1 Liste des symboles et abréviations
Les flux hydriques et les teneurs en eau du sol sont exprimés en mm d’eau (1 mm correspondant à 10-3 m3 H2O m-2 sol). Les humidités du sol sont exprimées en pourcentage pondéral du sol (10-2 g H2O g-1 sol). Les densités apparentes mesurées dans chaque couche de sol permettent de convertir les humidités pondérales en humidités volumiques. P Ps Ec In Ru T Tmax Es ETP ETR r Dappi Epi Ri Hi (j) Hfi Hcci Pluviométrie Pluviolessivats Ecoulements de tronc Interception des pluies = P – (Ps + Ec) Ruissellement superficiel Transpiration du peuplement Transpiration maximale du peuplement Evaporation du sol Evapotranspiration potentielle (Equation de Penman) Evapotranspiration réelle = T + In + Es Ratio Tmax / ETP Densité apparente de la couche de sol i (Mg m-3) Epaisseur de la couche de sol i (m) Proportion de racines fines dans la couche de sol i.
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Plusieurs revues de la littérature se sont intéressées aux éventuelles relations entre chirurgie orthognathique et DTM80 81 82. Les résultats des différents articles étudiés sont contradictoires : certains auteurs estiment que les traitements orthodontico-chirurgicaux peuvent conduire à une aggravation des dysfonctions articulaires ou favoriser leur apparition, alors que d'autres rapportent des améliorations en postopératoire (soulagement des douleurs articulaires, musculaires et des céphalées. Les résultats sur les bruits articulaires sont plus controversés). La plupart des études qui ont rapporté une amélioration après la chirurgie concernent des patients qui présentaient une classe II
74 Wyatt, « Preventing adverse effects on the temporomandibular joint through orthodontic treatment ». Gebeile-Chauty et al., « Le traitement orthodontique peut-il générer des algies et/ou dysfonctionnements articulaires ou musculaires (ADAM)? Une revue de littérature ». 76 McLaughlin et Bennett, « The extraction-nonextraction dilemma as it relates to TMD ». 77 Beattie, Paquette, et Johnston, « The functional impact of extraction and nonextraction treatments : a long-term comparison in patients with "borderline," equally susceptible Class II malocclusions ». 78 Dibbets et van der Weele, « Long-term effects of orthodontic treatment, including extraction, on signs and symptoms attributed to CMD ». 79 Luppanapornlarp et Johnston, « The effects of premolar-extraction : a long-term comparison of outcomes in "clear-cut" extraction and nonextraction class II patients ». 80 Abrahamsson et al., « Alterations of temporomandibular disorders before and after orthognathic surgery : a systematic review ». 81 Al-Riyami, Cunningham, et Moles, « Orthognathic treatment and temporomandibular disorders : a systematic review. Part 2. Signs and symptoms and meta-analyses ». 82 Al-Moraissi
et al., « Does orthognathic surgery cause or cure temporomandibular disorders? a systematic review and metaanalysis ». 75 25 squelettique. En revanche, les effets sont plus fluctuants et plus imprévisibles dans les cas de classe III. Les patients souffrants de DTM bénéficiant d'une chirurgie orthognathique semblent tout de même plus susceptibles de constater une amélioration de leurs signes et symptômes de DTM plutôt qu'une détérioration. Cependant ni le type de symptômes pré-opératoires ni les caractéristiques céphalométriques ne permettent de prédire avec certitude quels patients sont à risque ou non. Il faut bien garder à l'esprit qu'il existe toujours un risque d'aggravation de la symptomatologie, et les patients doivent impérativement en être informés. Les auteurs s'interrogent sur l'origine des améliorations qui peuvent être observées : sont-elles le résultat de la chirurgie elle-même ou sont-elles dues à un effet psychologique du fait du changement de la perception de leur image par les patients? Un meilleur équilibre musculaire et une meilleure concordance OIM-ORC pourraient aussi expliquer les bénéfices potentiels de la chirurgie84. Cependant, le repositionnement du condyle au sein de sa fosse par le chirurgien reste délicat et relativement imprévisible, ce qui peut expliquer l'hétérogénéité des résultats des études. Un déplacement discal pré-chirurgical ne semble pas influencer la stabilité post-chirurgicale, ni dans le sens vertical, ni dans le sens sagittal85. La récidive est essentiellement due à des phénomènes de remodelage morphologiques du condyle. Elle peut être également due à une résorption condylienne, que l'on observe dans 4 à 8 % des cas après une chirurgie mandibulaire86 87. Les mécanismes de ces résorptions post-chirurgicales restent obscurs, mais elles seraient probablement dues à des surcharges mécaniques sur les condyles, si le chirurgien ne replace pas le patient dans une position de relation centrée à l'issue de l'intervention par exemple. Il y a nécessité d'entreprendre d'autres études plus fiables scientifiquement. En effet, la comparabilité des études est compromise par une trop grande hétérogénéité méthodologique et diagnostique. De plus on retrouve peu d'articles robustes (peu d'essais contrôlés randomisés, échantillons trop faibles pour avoir des résultats statistiquement satisfaisants). Il reste donc impossible de conclure sur la
83 White et Dolwick, « Prevalence and variance of temporomandibular dysfunction in orthognathic surgery patients ».
Does orthognathic surgery cause or cure temporomandi
bular
disorders? a systematic review and metaanalysis ». 85 Miao et al., « Influence of temporomandibular joint disc displacement on mandibular advancement in patients without pre-treatment condylar resorption ». 86 Scheerlinck et al., « Sagittal split advancement osteotomies stabilized with miniplates. A 2–5-year follow-up ». 87 Borstlap et al., « Stabilisation of sagittal split advancement osteotomies with miniplates : a prospective, multicentre study with two-year follow-up : part III - condylar remodelling and resorption ». 84 Al-Moraissi et al., « 26
question. Il ressort cependant qu'une chirurgie orthognathique ne doit pas être envisagée dans le seul but d'améliorer les dysfonctions articulaires. Le patient doit être informé sur l'impossibilité de prédire la nature des effets d'une telle chirurgie sur les symptômes de DTM qui peuvent évoluer dans le sens d'une amélioration mais aussi d'une aggravation88.
88 Gebeile-Chauty et al., « Le traitement orthodontique peut-il générer des algies et/ou dysfonctionnements articulaires ou musculaires (ADAM)? Une revue de littérature ». 27 5
:
Incidence sur l'exercice quotidien de l'orthodontiste
5.1. Le dépistage systématique
Il est vivement conseillé de pratiquer un examen de dépistage de DTM pour tous les patients orthodontiques afin de détecter les problèmes préexistants89. Celui-ci sera complété le cas échéant par un examen clinique complet spécifique, et la situation sera réévaluée tous les six mois. L'examen comporte plusieurs étapes : - Entretien : motif de consultation, évaluation de la douleur (localisation, intensité, fréquence), environnement psychosocial (situation familiale, stress professionnel), antécédents (traumatismes, troubles posturaux, troubles du sommeil, céphalées, bruxisme) - Examen exo-buccal : palpation des muscles masticateurs et cervico-scapulaires, palpation des ATM, évaluation du trajet d'ouverture (à l'aide d'une réglette pour mesurer l'amplitude d'ouverture et mettre en évidence une éventuelle déflexion/déviation) - Auscultation des ATM à la recherche de bruits articulaires anormaux (à l'aide d'un stéthoscope à deux pavillons) : un claquement évoquera un déplacement discal, alors qu'un bruit de crépitation (sable mouillé) témoignera d'un processus destructif de type arthrite. Les bruits anormaux sont fréquents, et en l'absence de douleur significative ou de dysfonction l'imagerie n'est pas recommandée ni sur le plan clinique ni sur le plan médico-légal90. - Un examen endo-buccal : occlusion statique et dynamique, facettes d'usures. Une enquête réalisée par Stockstill et al. en 201191 révèle que 80 % des orthodontistes interrogés déclare réaliser un examen de dépistage des DTM dans le cadre du dossier orthodontique. Cela est 89 Michelotti et Iodice, « The role of orthodontics in temporomandibular disorders ». Greene, Galang-Boquiren, et Bartilotta, « Orthodontics and the temporomandibular joint ». 91 Stockstill et al., « Survey of orthodontic residency programs : teaching about occlusion, temporomandibular joints, and temporomandibular disorders in postgraduate curricula ». 90 28 encourageant et témoigne de la prise de conscience de la profession quant à cette problématique, aux tats-Unis du moins. Les éventuels troubles mis en évidences doivent être discutés avec le patient. Celui-ci doit comprendre que l'orthodontiste va traiter sa malocclusion et non sa DTM. Le patient doit être informé des possibilités d'évolution de sa pathologie (amélioration, stabilité, ou aggravation), et l'orthodontiste doit recueillir son consentement éclairé. Si le patient est adressé par son dentiste pour traiter sa DTM, l'orthodontiste se doit de refuser le traitement (si la demande est en seul rapport avec la DTM). Il convient d'informer le patient en cas de mise en évidence de parafonctions délétères, et celles-ci devront être supprimées92. La déglutition atypique serait corrélée aux DTM93 94. Des études supplémentaires sont nécessaires pour valider cette hypothèse, mais si tel est le cas, son dépistage revêtirait une importance majeure car la rééducation de la déglutition atypique serait doublement indiquée, à la fois du point de vue orthodontique, mais aussi pour la prévention des DTM. La rééducation passe par des séances d'orthophonie ou de kinésithérapie maxillo-faciale. L'orthodontiste peut également adjoindre le port d'une Enveloppe Linguale Nocturne (ELN) de Bonnet, à porter la nuit et une heure dans la journée95. 5.2. Prise en charge des patients à risque
Chez un patient présentant des signes de DTM avant traitement ou des facteurs favorisants comme une hyperlaxité ligamentaire ou des activités parafonctionnelles, il convient de minimiser l'intensité des forces qui pourraient être transmises aux ATM, notamment par le biais d'élastiques intermaxillaires ou de forces extra-orales96. Les appareillages ayant tendance à forcer la mandibule dans une position plus postérieure seront potentiellement pathogènes et à manier avec précaution : forces extraorales (fronde mentonnière, masque de Delaire) et tractions intermaxillaires (TIM) de classe III, mais aussi de classe II (la composante verticale entraînant une compression condylienne haute) 92 Gebeile-Chauty et al., « Le traitement orthodontique peut-il générer des algies et/ou dysfonctionnements articulaires ou musculaires (ADAM)? Une revue de littérature ». 93 Castelo et al., « Relationship between oral parafunctional/nutritive sucking habits and temporomandibular joint dysfunction in primary dentition ». 94 Fleiter, De Jaegher, et Fougeront, Troubles musculo-squelettiques de l'appareil manducateur. 95 Bonnet, « Un appareil de reposturation : l'enveloppe linguale nocturne (E.L.N.) ». 96 Gebeile-Chauty et al., « Le traitement orthodontique peut-il générer des algies et/ou dysfonctionnements articulaires ou musculaires (ADAM)?
Une revue
de
littérature
». Dans le cadre de la correction de la classe II dentaire, Le Forsus© (3M Unitek) pourrait être une alternative aux élastiques chez ces patients. En effet, avec le Forsus© la force appliquée sur la mandibule est dirigée vers l'avant et le bas (et non vers l'avant et le haut comme avec les élastiques) et tend donc à éloigner le condyle de sa fosse. De plus cet auxiliaire autorise une liberté de mouvement en diduction (par rapport à la bielle de Herbst) et la mandibule n'est pas bloquée. Cependant, le Forsus© peut générer des forces importantes qui pourront être mal supportées par les patients algiques et il doit être utilisé avec précaution.
Figure 10 : TIM de classe III Source : Auteur, Cas clinique de l'hôpital Bretonneau (AP-HP), 2017 Figure 11 : TIM de classe II Source : Auteur, Cas clinique de l'hôpital Bretonneau (AP-HP), 2017 30 Figure 12 : Forsus© Source : Forsus©, 3M Unitek, 2014
Les patients DTM sont plus « occluso-conscients » et ont une capacité d'adaptation réduite. L'occlusion de fin de traitement doit donc être la plus stabilisante possible. Une attention particulière devra être accordée aux étapes de finitions, afin d'obtenir une occlusion idéale assurant ses fonctions de calage, centrage et guidage de la mandibule. Dans les cas d'agénésie des incisives latérales, le remplacement prothétique (bridges collés) serait à privilégier par rapport à la fermeture d'espaces (canines en place d'incisives latérales et prémolaires en place de canines), car l'équilibration occlusale dans ce dernier cas peut être particulièrement délicate. Cependant on ne retrouve rien de concret à ce sujet dans la littérature. On ne retrouve pas dans la littérature de contre-indication à un traitement orthodontique chez un patient arthrosique. Cependant le bon sens incite à différer / stopper le traitement lors des épisodes inflammatoires. Dans tous les cas la prise en charge de ces patients devra être pluridisciplinaire. Des lignes de conduite ont été publiées en 2008 par l'American Academy of Orofacial Pain (voir Annexe 2)97. Si le patient présente des signes ou symptômes de DTM, la première étape est de poser un diagnostic. La seconde étape est de diminuer la douleur à l'aide d'un traitement non invasif (pharmacothérapie, kinésithérapie, orthèse, thérapie comportementale). Les conseils comportementaux visent à limiter les activités parafonctionnelles et favoriser la relaxation. On conseillera au patient de bannir les chewing-gums, et d'arrêter une éventuelle 97 de Leeuw, Orofacial pain ; guidelines for assessment, diagnosis, and management. 31 onychophagie ou autre tic de mordillement. Une alimentation molle (soupe, légumes cuits) sera à privilégier en cas de douleurs. Le patient devra également contrôler autant que possible le bruxisme diurne (une orthèse de libération occlusale pouvant prendre le relai durant la nuit). Pour ce faire, on peut suggérer au patient de coller une gommette de couleur sur un objet qu'il regarde régulièrement (téléphone, ordinateur). Quand le patient voit la gommette, cela doit l'amener à prendre conscience de son bruxisme : si ses dents sont en contact, il doit desserrer les mâchoires afin le libérer un espace d'inocclusion et relâcher ses muscles masticateurs. Plusieurs techniques de relaxation existent : yoga, sophrologie, méditation Le patient peut être orienté vers différentes structures pour pratiquer ces activités, et il pourra déterminer quelle discipline lui convient le mieux. Il est conseillé d'associer à ces activités des exercices de respiration au quotidien. On peut par exemple proposer au patient de s'asseoir confortablement, le dos droit, et de prendre 10 respirations abdominales, le plus lentement possible. Cet exercice peut être réalisé 3 fois par jour sur les temps de pause (le midi, dans les transports, au coucher), et à volonté en cas de besoin. Le but de la relaxation est de limiter le bruxisme, et de réduire les douleurs. En effet le stress influence la perception des douleurs chroniques, et la relaxation peut les atténuer98. Un sommeil de qualité et la pratique du sport ont également un impact positif sur le ressenti des douleurs chroniques99100. Les sports de contact sont à éviter, mais la pratique de la marche ou de la natation peut être conseillée. Afin de favoriser l'endormissement, on informera le patient de la nécessité d'éteindre tous les écrans101 (télévision, ordinateur, téléphone) au moins une heure avant le coucher, et de privilégier une activité calme comme la lecture. Le traitement orthodontique peut démarrer lorsque la douleur a diminué et que la pathologie est stabilisée. 98 Cramer et al., « A systematic review and meta-analysis of yoga for low back pain ». Caldas et al., « Occlusal changes secondary to temporomandibular joint conditions : a critical review and implications for clinical practice ». 100 Smith et al., « Sleep disorders and their association with laboratory pain sensitivity in temporomandibular joint disorder ». 101 Hale et Guan, « Screen time and sleep among school-aged children and adolescents : a systematic literature review ». 99 32
5.3. Prise en charge en cas d'apparition de symptomatologie au cours du traitement
Si les symptômes surviennent au cours du traitement, il convient tout d'abord d'informer le patient quant aux étiologies multifactorielles des DTM et à la forte prévalence de celles-ci au cours de l'adolescence, en expliquant qu'aucune corrélation avec le traitement orthodontique n'a été prouvée jusqu'alors. Il s'agira ensuite, comme précédemment de poser un diagnostic. Puis le traitement sera interrompu temporairement (arrêt des élastiques notamment) pour éviter les facteurs aggravants, le temps de diminuer la douleur et de stabiliser la pathologie. Le traitement sera ensuite repris avec précaution, en réévaluant régulièrement la situation. Le praticien pourra être amené à réévaluer le plan de traitement et à faire un compromis sur les objectifs si besoin. Les patients à risque devront être informés de cette éventualité avant le début du traitement.
5.3.1. Myalgie des muscles masticateurs 5.3.1.1. Symptomatologie
Les myalgies se caractérisent par des douleurs profondes des muscles masticateurs, liées à un spasme musculaire. Elles peuvent également concerner la région du cou (muscles de la nuque, muscle sternocleido-mastoidien). Les douleurs sont associées ou non à une limitation d'ouverture buccal. A la palpation, on retrouve une raideur muscul et une exacerbation de la douleur. 5.3.1.2. Prise en charge
Nous pouvons prescrire deux types d'exercices102: - Les exercices de recoordination : ils permettraient une commutation de la coactivation agoniste et antagoniste vers l'inhibition réciproque. Ce sont des exercices de première intention pour soulager la douleur. Le patient doit chauffer les régions massétérines avec un gant de toilette tiède pendant 5 minutes avant les exercices. Il réalise 6 séries par jours pendant 1 mois. Chaque série comporte 6 mouvements de chaque type : ouverture et fermeture, diduction centrifuge et centripète droite et gauche, propulsion et rétropulsion. Les 102 Fleiter, De Jaegher, et Fougeront, Troubles musculo-squelettiques de l'appareil manducateur. 33 exercices de propulsion et de diduction sont réalisés à l'aide d'une pompe à salive interposée entre les arcades dentaires. Le patient s'arrête avant l'apparition de la douleur. Au moment de l'amplitude maximale de chaque mouvement, le patient marque une pause de 6 secondes - Les exercices de renforcement : ils permettraient une augmentation de l'angiogenèse capillaire autour des fibres musculaires (en effet, on a observé une hypoperfusion dans les cas de myalgies), et favoriseraient le métabolisme aérobie par rapport à la glycolyse anaérobie (dans le muscle douloureux, il y a un déficit en Adénosine triphosphate (ATP), or le métabolisme aérobie a un meilleur rendement en ATP que le métabolisme anaérobie). Il s'agit des mêmes exercices, mais cette fois le patient les réalise contre la résistance de sa main. Parallèlement aux exercices, on peut prescrire des antalgiques et/ou des anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens pour traiter les douleurs et/ou l'inflammation (en cas de ulite associée par exemple). Il faut essayer de contrôler le bruxisme, qui peut être un facteur d'entretien. La prise en charge du bruxisme de veille passe par prise de conscience du serrement et la relaxation. Le bruxisme de sommeil nécessitera la réalisation d'une orthèse de libération occlusale de port nocturne. Pendant le traitement d'orthodontie, on peut réaliser des cales afin de ne pas avoir à déposer tout l'appareillage. Il conviendra d'être très vigilant quant à l'équilibration de ces cales. On déconseille la mastication de chewing-gum afin de relâcher l'activité musculaire. En cas de cervicalgie associée, il est judicieux de réaliser une kinésithérapie concomitante. Bien que ce ne soit pas encore prouvé, l'adjonction d'une rééducation linguale en cas de dysfonction pourrait s'avérer bénéfique dans la prise en charge des myalgies. La toxine botulique de type A inhibe les muscles squelettiques en empêchant la production d'acétylcholine au niveau de la terminaison nerveuse. Les injections de toxine botulique peuvent être indiquées dans plusieurs situations (correction de sourire gingival, spasmes de la face), et plusieurs essais cliniques ont été conduits pour évaluer l'impact d'injections dans le muscle masséter chez les patients souffrant de myalgies et de bruxisme. Bien que ces injections diminuent la douleur et l'activité musculaire, cette amélioration est temporaire et les effets de la toxine tendent à s'estomper avec le 34 temps. En raison du caractère invasif de ce traitement, les injections de toxine botulique sont à réserver au patient qui ne répondent pas aux traitement conservateurs103.
5.3.2. Capsulite 5.3.2.1. Symptomatologie
La capsulite se caractérise par une inflammation de la capsule articulaire provoquant des douleurs articulaires, exacerbées la fonction et à la palpation pré-auriculaire. On peut également observer des douleurs musculaires et une limitation d'ouverture buccale associées, dues à un spasme musculaire réflexe. 5.3.2.2. Prise en charge
Les exercices de propulsion et rétropulsion sont efficaces (sans doute par effet de « pompage » au niveau de la zone bilaminaire oedématiée). En revanche on ne fera pas les exercices de diduction. En effet, la diduction homolatérale comprime la zone bilaminaire rétrodiscale enflammée (pour éviter toutes confusion de la part du patient, on ne fait aucune diduction)104. En association, on peut prescrire une médication par anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS) ou non stéroïdiens (AINS), le plus souvent en cure courte. La prise en charge du bruxisme est également recommandée. Certains auteurs recommandent la mise en place de cales postérieures pour libérer l'articulation105. En cas d'échec, ou impossibilité d'usage d'anti-inflammatoires, une arthrocentèse (lavage articulaire) peut être indiquée. 103 Ataran et al., « The
role of
botulinum toxin A
in
treatment of temporomandibular
joint
disorders : a review
».
Fleiter, De Jaegher, et Fougeront
, Troubles musculo-squelettiques de l'appareil manducateur. 105 Manière-Ezvan, Oueiss, et Busson, « TMJ and orthodontics, "past, present and future" ». 104 35
5.3.3. Luxation discale réductible 5.3.3.1. Symptomatologie
La luxation discale réductible se caractérise par une déviation mandibulaire du côté atteint lors de l'ouverture, avec recentrage en ouverture maximale. Le claquement correspond à la recoaptation du condyle avec le disque articulaire.
5.3.3.2. Prise en charge
On les traite quand elles sont douloureuses, mais on ne traite pas un claquement. Les chances de réduction de la luxation discale sont les meilleures quand la luxation est d'apparition récente (quelques semaines), que le claquement à l'ouverture est précoce et que le sujet est jeune. La en charge passe par des exercices d'ouverture et fermeture en antéposition (en « avant du claquement », quand le condyle est recoapté avec le disque : le patient ouvre et ferme en bout à bout)106. 5.3.4. Luxation discale irréductible 5.3.4.1. Symptomatologie
La luxation discale irréductible se caractérise par une déflexion à l'ouverture du côté atteint, sans recentrage, associée à une limitation d'ouverture buccale, le condyle étant bloqué antérieurement par le disque luxé. La diduction controlatérale est également limitée (car le disque luxé vient bloquer le condyle orbitant). Elles peuvent être douloureuses ou non.
5.3.4.2. Prise en charge
Si la luxation est récente, la manoeuvre de Mongini peut être tentée107. Elle consiste à faire réaliser des diductions alternativement à gauche puis à droite, accompagnées par la main du praticien, qui au bout de quelques essais mobilise plus fortement du côté controlatéral.
106 107 Fleiter, De Jaegher, et Fougeront, Troubles musculo-squelettiques de l'appareil manducateur. Mongini, « A modified extraoral technique of mandibular manipulation in disk displacement without reduction ». 36
Figure 13 : Diagramme de Farrar
Source : Abdelkoui, « TMJ disk displacements: diagnostic approach and current treatments », 2012 a : trajet normal b : luxation discale réductible droite c : luxation discale irréductible droite d : désordre musculaire
5.3.5. Luxation condylienne récidivante 5.3.5.1. Symptomatologie
Elle se caractérise par une luxation du condyle mandibulaire hors de la fosse temporale, en avant du tubercule articulaire. Le patient est alors bloqué en bouche ouverte. 5.3.5.2. Prise en charge
En prévention, chez les patients présentant une hyperlaxité ligamentaire et des antécédents de luxation condylienne, on conseille de limiter les mouvements de grande amplitude, et de bloquer la mandibule avec le poing lors du bâillement. En cas de luxation, la manoeuvre de Nelaton est indiquée. Le patient est installé assis, la tête posée contre un plan dur. Le praticien lui fait face, et appuie ses pouces (protégés par des compresses) contre les molaires inférieures du patient en appliquant une force d'intensité croissante vers le bas jusqu'à réduire la luxation. Si la luxation est prise en charge trop tardivement, cette manoeuvre peut être réalisée sous anesthésie générale. 5.3.6. Ostéoarthrose et ostéoarthrite 5.3.6.1. Symptomatologie
L'ostéoarthrose est une atteinte dégénérative du cartilage et de l'os sous-jacent, associé à une atteinte de la capsule articulaire et du disque articulaire (perforé ou déplacé). L'ostéoarthrose des ATM n'est pas douloureuse, mais elle peut le devenir au cours d'une poussée inflammatoire, on parle alors d'ostéoarthrite. On observe alors des douleurs articulaires spontanées, exacerbées à la mastication et à la palpation. L'examen de la cinématique mandibulaire montre une limitation de l'enveloppe fonctionnelle. A l'auscultation, on retrouve des crépitations, qui sont décrites comme un bruit de sable mouillé. Au niveau radiologique, l'examen de référence est le cone beam (CBCT) ou le scanner. La panoramique ne permet pas d'interprétation fiable, sauf en présence d'arthrose sévère. Des surfaces articulaires aplaties ne signent pas forcément une arthrose mais peuvent être simplement lié à un remodelage articulaire ou une déformation à l'imagerie. Au CBCT, on pourra retrouver un épaississement de l'os sous-chondral, la présence de kystes sous-chondraux et d'ostéophytes, ainsi que des érosions corticales. Il y a une faible corrélation entre la sémiologie radiologique et les symptômes cliniques. On retrouve fréquemment de l'arthrose chez le sujet âgé, cependant une éventuelle maladie auto-immune doit toujours être évoquée en cas de doute (spondylarthrite ankylosante, lupus érythémateux). Le diagnostic différentiel doit être posé avec l'ostéonécrose avasculaire, qui correspond à une nécrose de l'os cortical secondaire à un traumatisme une chirurgie ayant entrainé un oedème intra-osseux comprimant le réseau vasculaire. Elle se manifeste radiologiquement par une encoche caractéristique plus ou moins étendue108. 5.3.6.2. Prise en charge
En cas de poussée inflammatoire, on prescrit de l'Ibuprofène (sauf contre-indication) 400mg 3x/j pour 2 à 3 semaines maximum, à un protecteur gastrique. On peut également prescrire des AIS (Prednisone 0,5 à 1 mg/kg) en relais pendant une semaine109. On conseille une alimentation molle et une posture de sommeil dorsale pour limiter les contraintes sur l'ATM. 108 109 Fleiter, De Jaegher, et Fougeront, Troubles musculo-squelettiques de l'appareil manducateur. Mercuri, « Osteoarthritis, osteoarthrosis, and idiopathic condylar resorption ». 38 Il faut adresser le patient à un rhumatologue pour faire un bilan systémique. Des tests sanguins (facteur rhumatoïde, vitesse de sédimentation, anticorps antinucléaires) pourront compléter les examens d'imageries itératifs (CBCT, IRM) afin de déterminer si la maladie est en phase active ou non110. En cas de poussée inflammatoire, on peut avoir une contraction du ptérygoïdien latéral, qui vise à protéger l'articulation en limitant son déplacement vers l'arrière. Ce phénomène peut également être retrouvé dans les autres arthralgies (traumatisme, capsulite) et peut être associé à un épanchement articulaire. Il en résulte une malocclusion inhabituelle avec une béance molaire du côté atteint. La recherche de la relation centrée est inutile et douloureuse dans ce cas. Une anesthésie du ptérygoïdien latéral à visée diagnostique peut être réalisée et permet de retrouver l'OIM. Le ptérygoïdien latéral étant contracté en permanence, il en résulte une douleur musculaire pouvant être prise en charge par une orthèse (qui va prendre le relais du muscle pour soulager l'articulation. Il conviendra de meu progressivement la gouttière jusqu'à ce que l'on atteigne l'OIM, ce qui signera la disparition de la contraction musculaire111. En seconde intention, une arthrocentèse voire une ostéoplastie condylienne peuvent être indiquées. Figure 14 : Répercussions occlusales de l'atteinte articulaire à gauche : béance molaire à gauche et déviation du milieu mandibulaire à droite
Source : Caldas, « Occlusal changes secondary to temporomandibular joint conditions : a critical review and implications for clinical practice », 2016 110 Caldas et al., « Occlusal changes secondary to temporomandibular joint conditions : a critical review and implications for clinical practice ». 111 Fleiter, De Jaegher, et Fougeront, Troubles musculo-squelettiques de l'appareil manducateur. 39
5.3.7. Résorption condylienne idiopathique 5.3.7.1. Définition
La résorption condylienne idiopathique (RCI) est une pathologie relativement rare qui touche uniquement les ATM, toutes les autres articulations étant saines. La prévalence dans la population générale est inconnue. Elle conduit à une résorption dans les 3 plans de l'espace, associée à une dysfonction articulaire avec ou sans douleur, et des répercussions occlusales. Le diagnostic est fondé sur l'historique, l'examen clinique et l'imagerie. Il est important de poser un diagnostic différentiel avec les autres causes de résorption condylienne : ostéoarthrite, infection, traumatisme Si d'autres articulations sont atteintes, il faut éliminer la RCI et rechercher un désordre systémique. Cette maladie apparaît presque toujours entre 11 et 15 ans lors de la puberté, chez la femme (sexe ratio 8:1), essentiellement sur des profils hyperdivergents aux condyles grêles112. Il faudra être particulièrement vigilant chez ces patients en cas d'apparition de symptomatologie occlusale atypique pendant le traitement ou durant la phase de contention. La maladie est fréquemment diagnostiquée lors du traitement orthodontique, bien que celui-ci n'en soit pas la cause. Cependant, le traitement d'orthodontie ( l'utilisation de tractions intermaxillaires en particulier) pourra exacerber ce processus pathologique. C'est une pathologie méconnue et souvent mal diagnostiquée, qui peut être confondue avec une récidive après la fin du traitement. 5.3.7.2. Étiopathogénie
Il n'y a pas d'influence génétique connue, et on ne retrouve pas d'antécédents familiaux à l'interrogatoire. Bien qu'aucune cause spécifique n'ait été clairement identifiée, les caractéristiques des patients touchés (jeunes femmes en puberté) suggèrent des facteurs hormonaux. Les oestrogènes ont un rôle dans le métabolisme osseux, et des récepteurs aux oestrogènes ont été mis en évidence dans les ATM. Il a également été montré dans le cadre des arthrites inflammatoires que les oestrogènes ont un rôle dans la régulation des lymphocytes T, eux-mêmes impliqués dans la destruction des structures articulaires par l'intermédiaire de l'interleukine 17. Une augmentation de ces récepteurs pourrait prédisposer à une réponse exagérée à la production d'oestrogènes lors de la puberté113.
112 Wolford et Galiano, « Adolescent internal condylar resorption (AICR) of the temporomandibular joint, part 1 : a review for diagnosis and treatment considerations ». 113 Ferri et al., « Condylar resorptions and orthodontic-surgical treatment : state of the art ». 40
La résorption interne touche l'os médullaire et sous-cortical, entrainant une diminution de taille dans les 3 sens de l'espace sans destruction apparente (au départ en tout cas) du fibrocartilage au niveau du condyle ou de la fosse, à la différence des arthrites. L'hypothèse des auteurs est que les changements hormonaux entrainent le développement d'un panus (tissu inflammatoire) au sein de la capsule articulaire, qui va stimuler la production de substrats lytiques qui vont pénétrer le tissu osseux à travers le fibrocartilage, et également entraîner la destruction des structures ligamentaires qui maintiennent le disque. C'est ce phénomène qui serait l'origine du déplacement discal antérieur114. Les surcharges articulaires (bruxisme, traumatismes, tractions intermaxillaires) pourraient accélérer la progression de la résorption. Certains auteurs ont même retenu les surcharges mécaniques dans le cadre des traitements orthodontiques comme une cause de résorption condylienne à part entière. Cependant peu de données scientifiques sont disponibles et il n'existe pas d'éléments en faveur de résorptions en rapport direct avec des traitements orthodontiques trop rapides ou trop « lourds »115. La chirurgie orthognathique interviendrait également comme un facteur déclenchant de résorption depuis l'avènement des synthèses rigides. En effet, si la synthèse place le condyle en compression, cela pourrait être à l'origine de sa résorption. Le chirurgien doit avoir conscience de cette problématique, et il devra toujours chercher à placer le condyle dans une position idéale avant de fixer les plaques d'ostéosynthèse. Après un traitement orthopédique (chirurgical ou non) un remodelage de l'ATM est classique116. Selon Ferri, il est possible que dans certaines circonstances les capacités d'adaptation articulaires soient dépassées, induisant alors une résorption condylienne. Cependant, il précise que les facteurs mécaniques ne peuvent à eux seuls être la cause des résorptions condyliennes.
5.3.7.3. Symptomatologie clinique
La RCI peut progresser un certain temps, dans un délai moyen de six à dix-huit mois, puis entrer en rémission, ou évoluer jusqu'à la résorption complète de la tête condylienne117. Dans les cas de rémissions, une surcharge articulaire peut réactiver le processus de destruction dans un second temps, même après plusieurs années de stabilité. 114 Wolford et Galiano, « Adolescent internal condylar resorption (AICR) of the temporomandibular joint, part 1 : a review for diagnosis and treatment considerations ». 115 Ferri et al., « Condylar resorptions and orthodontic-surgical treatment : state of the art ». 116 Woodside, Metaxas, et Altuna, « The influence of functional appliance therapy on glenoid fossa remodeling ». 117 Ferri et al., « Condylar resorptions and orthodontic-surgical treatment : state of the art ». 41
Sur le plan dento-facial, cette pathologie, quand elle est bilatérale (le plus fréquent), provoque une rétropulsion mandibulaire progressive conduisant à une malocclusion de classe II, associée ou non à une béance antérieure. La présence de facettes d'usures sur les bords libres des incisives indique que ces dents étaient en contact avant et cet élément pourra orienter le diagnostic118. Dans les cas de RCI unilatérale (ou bilatérale avec un taux de résorption différent à droite et à gauche) on observe une déviation de la médiane mandibulaire vers le côté atteint, une classe II unilatérale, un articulé inversé postérieur avec prématurité occlusale du côté atteint, et une béance antérieure et latérale du côté controlatéral.
Figure 15 : RCI à gauche : béance antérieure et latérale droite, déviation du milieu mandibulaire à gauche, classe II gauche. Source : Caldas et al., « Occlusal changes secondary to temporomandibular joint conditions : a critical review and implications for clinical practice », 2016
Contrairement à l'ostéoarthrite qui évolue lentement et peut engendrer des changements occlusaux relativement mineurs, la RCI peut conduire à une béance sévère en un temps relativement rapide. Cependant, la symptomatologie occlusale est variable d'un cas à l'autre. Elle dépend de l'importance de l'atteinte et de la rapidité de son installation. Dans les premiers temps et dans les formes à évolution lente, les rapports occlusaux antérieurs sont souvent inchangés au prix d'une bascule du plan d'occlusion avec apparition d'un sourire gingival. Dans les cas les plus graves ou ceux d'installation 118 Caldas et al., « Occlusal changes secondary to temporomandibular joint conditions : a critical review and implications for clinical practice ». 42 rapide, les compensations deviennent difficiles et on assiste alors à l'apparition d'une béance antérieure. Le recul de la mandibule peut entrainer des problèmes de diminution du couloir oro-pharyngé dans les cas sévères, pouvant engendrer des problèmes d'apnée du sommeil119. Sur le plan articulaire, on retrouve un déplacement discal antérieur. Les claquements sont relativement rares car la luxation peut devenir non réductible rapidement dans le processus pathologique. En revanche on retrouve fréquemment une limitation d'ouverture buccale, témoignant d'un obstacle (disque luxé) sur le trajet condylien à l'ouverture120. Les douleurs sont inconstantes. 5.3.7.4. Symptomatologie radiologique
A la téléradiographie de profil : on observe une aggravation de la classe II et de l'hyperdivergence, une diminution de la hauteur faciale postérieure, une bascule du plan d'occlusion et une diminution du couloir oro-pharyngé. Des téléradiographies successives tous les 6 à 12 mois permettent d'objectiver ces évolutions. Les études ont montré une résorption condylienne moyenne de 1,5 mm par an, qui se traduit au niveau céphalométrique par une rétrusion du point B de 2,5 mm par an et une inclinaison du plan occlusal de 2° par an121. A la panoramique : on observe une réduction du volume d'un ou des deux condyles. Il faut cependant garder à l'esprit que la panoramique donne une image en deux dimensions et déformée donc elle ne peut servir seule à poser un diagnostic. C'est néanmoins un élément d'alerte. Au cone beam (CBCT) : on observe une diminution du volume de la tête condylienne. Il y a fréquemment un amincissement cortical voire une perte de continuité de la corticale, mais la corticale peut aussi être normale. Une ostéoarthrite secondaire peut se développer suite aux dérangements internes. Cela pourrait expliquer l'aspect variable de la corticale, qui peut être plus ou moins atteinte
119 Mehra et Wolford, « Surgical management of obstructive sleep apnea ». Bianchi et al., « Effect of temporomandibular joint articular disc repositioning on anterior open-bite malocclusion : an orthodontic-surgical approach ». 121 Wolford et Galiano, « Adolescent internal condylar resorption (AICR) of the temporomandibular joint, part 1 : a review for diagnosis and treatment considerations ». 120 43 en fonction de s'il s'agit uniquement d'une résorption interne ou si des phénomènes inflammatoires d'ostéoarthrite se surajoutent à
pathologie122. A l'IRM : on observe un déplacement discal antérieur, avec ou sans repositionnement à l'ouverture. Figure 16 : RCI bilatérale (CBCT) Source :
Ferri, « Résorptions
con
dyliennes et traitements orthodontico-chirurgicaux : mise au point », 2016 5.3.7.5.
Pris
e en charge
Ces cas très complexes doivent être adressés à des équipes hospitalo-universitaires spécialisées et la prise en charge sera pluridisciplinaire123. Les techniques utilisées dans le passé (gouttières pour diminuer les surcharges articulaires, antiinflammatoires, lavages articulaires) n'ont pas montré de résultats prédictibles. De la même manière, selon Wolford124 la chirurgie orthognathique classique n'apporte pas de résultat satisfaisant puisque l'on observe une récidive de la malocclusion dans la mesure où l'on n'obtient pas d'arrêt de la 122 Bianchi et al., « Effect of temporomandibular joint articular disc repositioning on anterior open-bite malocclusion : an orthodontic-surgical approach ». 123 Greene, Galang-Boquiren, et Bartilotta, « Orthodontics and the temporomandibular joint ». 124 Wolford et Galiano, « Adolescent internal condylar resorption (AICR) of the temporomandibular joint, part 1 : a review for diagnosis and treatment considerations ». 44 résorption si le disque n'est pas repositionné. De plus la chirurgie classique n'apporte pas d'amélioration de la symptomatologie articulaire. Wolford125 a développé un protocole chirurgical pour traiter la RCI, qui permet de stabiliser les disques dans une position physiologique et donne un résultat hautement prédictible, dans les cas où les condyles et les disques sont encore conservables. Selon lui le repositionnement discal est une des clés du succès dans la mesure où il permet de limiter les surcharges sur le condyle. Ce protocole comporte plusieurs étapes : - Curetage du tissu hyperplasique autour du condyle. - Repositionnement du disque autour du condyle, su é à un ancrage placé sur la partie postérieure du condyle, qui va agir comme un ligament artificiel pour maintenir le disque. - Ostéotomie maxillo-mandibulaire pour rotation anti-horaire et avancée mandibulaire (pouvant être réalisées lors d'une seconde intervention chirurgicale)
Avec cette méthode, les études montrent qu'il n'y a pas de différence significative entre les résultats post-chirurgicaux et les résultats à 3 ans. On observe de plus un léger accroissement de la longueur mandibulaire après chirurgie chez les patients opérés en cours de croissance, ce qui montre que le processus de résorption est réversible126. Le diagnostic doit être fait le plus tôt possible, afin que le disque soit le moins endommagé possible et que le condyle conserve un volume suffisant pour une bonne répartition des charges mécaniques en post-chirurgie. Après 4 ans d'évolution de la maladie, le disque ne peut être sauvé et il faut envisager une prothèse articulaire totale. Le remplacement du disque par du tissu autogène (greffe temporal par exemple) n'est pas prédictif en termes de stabilité et d'amélioration des douleurs et de la fonction. Une ménisectomie seule n'est pas recommandée non plus car ça peut aggraver les douleurs et provoquer des phénomènes d'ostéoarthrite. De plus ça n'arrêtera pas le processus de destruction. Les auteurs préfèrent utiliser des prothèses totales articulaires personnalisées qui donnent des résultats très prédictibles127. L'inconvénient est le prix de ces prothèses sur-mesure qui est encore très élevé aujourd'hui. 125 Wolford et Galiano. Gonçalves et al., « Postsurgical stability of counterclockwise maxillomandibular advancement surgery : affect of articular disc repositioning ». 127 Wolford et al., « Twenty-year follow-up study on a patient-fitted temporomandibular joint prosthesis : the Techmedica/TMJ concepts device ». 126 45
Selon Ferri,128 le protocole de Wolford est complexe et il est très difficile de bien repositionner le condyle quand celui-ci n'a plus de congruence avec sa cavité glénoïde. Pour lui, les thérapeutiques conservatrices doivent être privilégiées. Les RCI purement radiographiques (sans conséquences occlusales ou algiques) doivent faire l'objet d'une simple observation jusqu'a` stabilisation du processus. En effet certaines formes de résorptions doivent être considérées comme des remodelages particuliers dont l'évolution se fait vers une réduction de la masse osseuse du condyle. Sans évènement perturbateur le nouvel équilibre osseux sera stable. Il n'y a pas lieu dans ces cas de prévoir de traitement particulier. Quand le processus s'accompagne de manifestations cliniques, un traitement doit être mis en place. Celui-ci est avant tout conservateur et a pour but de stabiliser le processus résorptif. Cela passe par l'arrêt des tractions orthodontiques et de toutes autres forces entrainant des surcharges articulaires, et par le recours aux gouttières de relaxation condylienne. Un traitement chirurgical devra être entamé en seconde intention, si les traitements conservateurs ne donnent pas de résultats satisfaisants. De plus, si selon Wolford le repositionnement du disque est la clé du succès (dans toute chirurgie orthognathique avec luxation discale associée, même sans résorption condylienne), d'autres auteurs129 130 estiment que la situation du disque serait de moindre importance du fait des grandes capacités adapt des tissus articulaires. On observe par exemple fréquemment l'apparition d'un « néodisque » dans les cas de luxations discales irréductibles anciennes. 128 Ferri et al., « Condylar resorptions and orthodontic-surgical treatment : state of the art ». Miao et al., « Influence of temporomandibular joint disc displacement on mandibular advancement in patients without pre-treatment condylar resorption ». 130 Ferri et al., « Condylar resorptions and orthodontic-surgical treatment : state of the art ». 129 46
Conclusion Les traitements orthodontiques ne semblent pas pouvoir être incriminés dans l'étiopathogénie des DTM, quelles que soient les modalités de traitement. Certaines malocclusions sont fréquemment accusées d'avoir un impact pathogène, cependant les études sont contradictoires et il s'agit tout au plus d'un cofacteur aggravant, ne pouvant justifier à lui seul un traitement orthodontique dans l'unique but de traiter une DTM. La forte prévalence des DTM au cours des traitements orthodontiques est à remettre en place dans son contexte épidémiologique. Cependant, d'autres études sont nécessaires pour exclure avec certitude tout impact pathogène. Le problème majeur réside dans la trop grande disparité de la méthodologie expérimentale, et dans le manque de critères diagnostiques précis. Nous devons considérer « qu'absence de preuve n'est pas preuve d'absence ». Ceci nous invite à la prudence lors de la prise en charge de patients « à risque », notamment lors de l'utilisation de certaines forces extra-orales et intermaxillaires. Ces patients devront être repérés par un dépistage systématique lors de la première consultation orthodontique. Il conviendra d'informer ces patients de leur état, de l'éventuelle progression de leur pathologie, d'obtenir leur consentement éclairé et éventuellement de leur proposer un traitement spécifique non invasif. En cas de symptomatologie douloureuse, le traitement devra être ajourné jusqu'à résolution de celle-ci La prise en charge de ces patients devra être pluridisciplinaire (chirurgien-dentiste spécialisé dans les douleurs oro-faciales, kinésithérapeute, psychologue), et le suivi est de règle. Certaines DTM comme les résorptions idiopathiques peuvent avoir des répercussions majeures sur l'occlusion. Le praticien doit rester très vigilant en cas d'apparition de symptomatologie occlusale atypique et la cause articulaire devra systématiquement être évoquée. Abrahamsson, C., E. Ekberg, T. Henrikson, et L. Bondemark. « Alterations of temporomandibular disorders before and after orthognathic surgery : a systematic review ». The Angle orthodontist 77, no 4 (2007): 729‐34. https://doi.org/10.2319/052906-215. Akhter, R., M. Morita, M. Esaki, K. Nakamura, et T. Kanehira. « Development of temporomandibular disorder symptoms : a 3-year cohort study of university students ». Journal of oral rehabilitation 38, no 6 (2011): 395‐403. https://doi.org/10.1111/j.1365-2842.2010.02195.x. Al-Moraissi, E.A., L.M. Wolford, D. Perez, D.M. Laskin, et E. Ellis. « Does orthognathic surgery cause or cure temporomandibular disorders? a systematic review and meta-analysis ». Journal of oral and maxillofacial surgery 75, no 9 (2017): 1835‐47. https://doi.org/10.1016/j.joms.2017.03.029. Al-Riyami, S., S.J. 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Impact d'une tablette multimédia sur la satisfaction des patients bénéficiant d'une chirurgie ambulatoire sous anesthésie locorégionale FACULTE DE MEDECINE ET PHARMACIE DE ROUEN ANNEE 2020 THESE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE (Diplôme d'état) Par BRESSON Camille Née le 29 décembre 1988 à Paris XIV Présentée et soutenue publiquement le 23 octobre 2020 Impact d'une tablette multimédia sur la satisfaction des patients bénéficiant d'une chirurgie ambulatoire sous anesthésie locorégionale P
résident de Jury : Monsieur le Professeur Bertrand DUREUIL Directeur de Thèse : Monsieur le Professeur Vincent COMPERE Membres du Jury : Monsieur le Professeur Benoit VEBER Monsieur le Docteur Hadrien HOUDRE
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1 Par délibération en date du 3 mars 1967, la faculté a arrêté que les opinions émises dans les dissertations qui lui seront présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs et qu'elle n'entend leur donner aucune approbation ni improbation
DOYEN
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ASSESSEURS : I - MEDECINE HCN Cardiologie Havre HCN HCN HCN Cardiologie HCN HCN HCN UFR Immunologie HCN Immunologie HCN HCN HCN Nutrition HCN HCN Urologie HB Pneumologie HCN HCN HCN Nutrition HCN Neurochirurgie CHB Cancérologie HCN Mr Jean DOUCET SJ CHB Radiothérapie HCN HCN Mr Eric DURAND HCN Cardiologie HCN HCN Cardiologie HCN UFR Génétique HCN HCN HCN HCN HCN Physiologie HCN Néphrologie HCN Ophtalmologie HCN HCN Génétique CHB Hématologie HCN Mr Pascal JOLY HCN Havre Pneumologie HCN HCN HB HCN Rhumatologie HCN Physiologie HCN HCN HCN HCN Neurologie HCN Pédiatrie HCN HCN HCN HCN Pédiatrie 4 Mme Véronique MERLE HCN Epidémiologie HCN H HCN Ophtalmologie HCN Urologie HCN HCN HCN Endocrinologie UFR Pharmacologie HCN HCN HCN HCN Pneumologie HCN HCN HCN Pédiatrie HCN HCN HCN Thérapeutique HCN Pneumologie CHB HCN HCN HCN HCN Mr Pierre VERA CHB Mr Eric VERIN Les Herbiers HCN HC Rhumatologie HCN Neurologie HCN Physiologie HCN Nutrition HCN Virologie HCN HCN HCN Biochimie HCN HCN Hématologie HCN Pédiatrie HCN HCN Neurochirurgie UFR Immunologie Mr Joël LADNER HCN UFR HCN Histologie HCN HCN HCN Virologie UFR Génétique HCN HCN HCN Génétique HCN HCN Anatomie Mr Julien WILS HCN Pharmacologie UFR Communication UFR Anglais UFR Biologie Pharmacologie Pharmacologie Biochimie Pharmacognosie Parasitologie Toxicologie Toxicologie Microbiologie Pharmacologie Physiologie Statistiques Botanique Biochimie Pharmacologie Pharmacologie Pharmacologie Parasitologie Botanique Virologie 7 Mme
Maryline
LECOINTRE Physiologie Mme Hong LU Biologie Toxicologie Immunologie Parasitologie Biochimie Pharmacie Anglais Virologie M. Henri GONDÉ Pharmacie Informatique Toxicologie Pharmacognosie Physiologie Botanique Biochimie Pharmacognosie Parasitologie Toxicologie Microbiologie Mr Rémi VARIN Pharmacologie UFR UFR UFR UFR UFR UFR UFR UFR UFR UFR UFR PROFESSEURS (UMR 1079)
Mme Carine CLEREN (med)
Physiologie 1076) Mr Fréd
éric
PASQUET Sciences du langage, orthophonie Mme Anne-Sophie PEZZINO Orthophonie Immunologie Rouvray CRMPR - Centre Régional de Médecine Physique et de Réadaptation SJ – Saint Julien Rouen 11
Somm
aire Introductionpage 17 La chirurgie ambulatoirepage 17 La satisfaction du patientpage 20 L'anxiété du patientpage 26 Matériel et méthodespage 29 Design de l'étudepage 29 Critère d'inclusionpage 29 Critère d'exclusionpage 29 Protocolepage 30 Recueil de donnéespage 32 Critères de jugementpage 32 Statistiquespage 33 Nombre de sujet nécessairepage 34 Résultatspage 35 Caractéristiques de la populationpage 36 Résultat principalpage 37 Résultat secondairepage 39 Discussionpage 41 Bibliographiepage 45
Anne
xepage 48
15 Liste des abréviations ALR: Anesthésie Loco Régionale ASA: American Society of Anesthesiology EVA
:
Echelle Visuelle Analogique HAS
:
Haute Autorité
de
Santé NVPO
: Na
usées et
V
omissement Post Opératoires SFAR
:
Société Française d'Anesthésie et Réanimation 16 Introduction
❖ La chirurgie ambulatoire La chirurgie ambulatoire est définie comme une alternative à l'hospitalisation complète permettant le retour à domicile du patient le jour même de son intervention. La première notion de prise en charge ambulatoire est évoquée par James Henderson Nicoll dans les années 1900. Il décrit de meilleurs résultats postopératoires chez les enfants surveillés au domicile par leur mère ainsi qu'une diminution du coût des soins (1). La prise en charge en chirurgie ambulatoire se développe dans les années 1960 d'abord aux Etats-Unis puis dans les années 1970 dans les autres pays occidentaux (2). De , l'activité chirurgie ambulatoire ne cesse d'augmenter avec un taux de chirurgie ambulatoire de 57,6% en 2018 avec pour objectif d'atteindre 70% de gestes en ambulatoire d'ici 2022 en France (3). Claude de Lathouwer, le premier président de l'association internationale de chirurgie ambulatoire, rappelle que l'organisation est au centre du concept de la chirurgie ambulatoire. Toute éventualité administrative ou médicale doit être anticipée, faire l'objet de procédures pré établies. « Cependant si l'organisation est l'élément le plus remarquable du concept, elle ne l'est pas tant de son propre fait que par 17 la place tout à fait centrale qui est attribuée au patient en son sein. L'organisation est au centre du concept, le patient est au centre de l'organisation » (4). En France, la chirurgie ambulatoire répond à une définition réglementaire (décret n°92-1101 du 2 octobre 1992, article D6124-301 du code de santé publique et décret n°2012-69 du 20 aout 2012) et est définie comme l'ensemble des actes chirurgicaux ou médicaux, diagnostiques ou thérapeutiques, réalisés dans les conditions techniques de sécurité d'un bloc opératoire, sous anesthésie de mode variable et sans risque majoré pour le patient permettant la sortie du patient le jour de son admission, sans nuit d'hébergement. Cette hospitalisation ne doit pas dépasser 12h (5). Les évènements en lien avec l'anesthésie susceptibles de retarder la sortie du patient de la structure d'hospitalisation, voire de nécessiter une réhospitalisation sont avant tout la douleur et les nausées ou vomissements postopératoires (NVPO). Selon l'étude rétrospective de Coley et al., dans les 30 jours suivant la chirurgie ambulatoire, environ 5 % des patients sont réadmis à l'hôpital : 38% d'entre eux en raison de douleurs, 21% pour des complications chirurgicales et 6% pour des nausées ou vomissements et d'autres effets secondaires des médicaments d'anesthésie (6). L'étude prospective de Chung et al., recherchant les évènements indésirables à 24h de la chirurgie ambulatoire et incluant 1017 patients, retrouvait une douleur au site de l'incision chez 18 26,90% des patients, des céphalées chez 11,6% des patients, une somnolence chez 11,5% des patients et des NVPO chez 7,1% des patients (7). En chirurgie ambulatoire, il est donc important d'assurer une anesthésie sûre et efficace avec le minimum d'effets secondaires afin de faciliter la sortie des patients. Ces stratégies anesthésiques doivent anticiper en particulier l'analgésie postopératoire et prévenir les éventuels effets émétisants des agents anesthésiques utilisés. L'anesthésie locorégionale (ALR) est donc une technique à privilégier lors de la prise en charge en chirurgie ambulatoire lorsque la chirurgie le permet. En effet, la Société Française d'Anesthésie Réanimation (SFAR) rappelle que l'ALR est moins pourvoyeuse de NVPO, permet une meilleure analgésie post opératoire et une aptitude à la rue plus rapide (5). Une méta analyse de 2005 incluant 57 études randomisées, comparant l'ALR à l'anesthésie générale en ambulatoire, a retrouvé dans le groupe ALR une meilleure satisfaction des patients, moins de NVPO et moins de consommation d'antalgiques en postopératoire lors de l'hospitalisation en ambulatoire. (8) Dans l'étude randomisée de Chan et al. Cette étude retrouvait un bénéfice sur les NVPO avec une prescription d'antiémétiques chez 63% des patients ayant eu une anesthésie générale contre 12% chez les patients ayant eu une ALR.
❖ La satisfaction du patient
L'origine du terme satisfaction est latine : satis (assez) et facere (faire), ce qui signifie « fournir ce qui est recherché jusqu'au point où c'est assez ». Le Larousse de la langue française définit la satisfaction comme étant un « état qui résulte de l'accomplissement de ce qu'on demandait ou désirait ». La satisfaction du client est un phénomène complexe, les stratégies de marketing nord-américaine ont commencé à étudier celui-ci dans les années 1990. Les relations avec le client ne doivent pas être considérées comme simplement transactionnelles mais aussi relationnelles. Le concept de satisfaction diffère de la performance du produit. Evrard, docteur en sciences de gestion, définit en 1993, la satisfaction comme « un état psychologique consécutif à une expérience de consommation » basée sur des perceptions et des attentes (10). Plusieurs modèles ont été proposés pour définir les différentes attentes 20 du client. Le modèle de non confirmation des attentes d'Oliver en 1980 dans lequel la satisfaction provient de la différence entre la performance d'un produit ou d'un service et les attentes du client qui sont l'ensemble des « croyances formées par l'individu sur les performances d'un produit ou d'un service avant l'achat et la consommation de celui-ci » (11). Les attentes peuvent être positivement disconfirmées ou confirmées, elles sont donc satisfaites, ou disconfirmées négativement, les attentes ne sont donc pas satisfaites (Figure 1). Figure 1: théorie des attentes
D'autres modèles vont être créés ensuite pour affiner cette première approche intégrant notamment les connaissances préalables du consommateur ainsi que la dimension affective. Ainsi, en 2002 Vanhamme décrit un modèle qui prend en compte l'ensemble des variables pondérant la satisfaction du client (Figure 2). Cette dernière intégrerait en partie une dimension émotive médiée par des variables affectives et cognitives ainsi que le contexte socio-culturel du client (12). 21
contexte socioculturel satisfaction variables affectives: -humeur - émotions -tempérament variables cognitives: -standard de comparaison -performances perçue qualité perçue
Figure 2: modèle Vanhamme
Le contexte de soins va d'avantage complexifier cette notion de satisfaction. Le patient n'est en effet pas un consommateur standard. La santé est un secteur non marchand, les choix du patient concernent son existence propre et le soin est un « produit complexe » sur lequel le patient a des connaissances limitées souvent biaisées (13). La « consommation » du soin est aussi marquée par une forte variable affective, d'autant plus dans la période peropératoire lors de laquelle les patients décrivent de l'anxiété préopératoire, des sentiments d'espoir de guérison, la sensation d'être vulnérable, des inquiétudes sur le déroulé peropératoire et/ou sur la douleur postopératoire et/ou sur la durée de convalescence.(14) La satisfaction du patient est d'ailleurs devenue un critère majeur de qualité de soins (15), elle est à considérer comme un objectif à atteindre. 22 Depuis 2015 la Haute Autorité de Santé (HAS) pilote d'ailleurs le dispositif national de mesure de la satisfaction et de l'expérience des patients hospitalisés. Depuis mai 2018, les patients pris en charge en ambulatoire peuvent répondre à un questionnaire de satisfaction en ligne comprenant 62 questions, explorant les différentes étapes du
cours patient : - Organisation avant l'hospitalisation - Accueil du patient - Prise en charge médicale et paramédicale du patient - Chambre et collation - Organisation de la sortie et retour au domicile
Le score national de satisfaction globale en chirurgie ambulatoire est de 76/100 en 2019 (16) versus un score national de satisfaction globale de 73,5/100 chez les patients hospitalisés 48h ou plus (17). Néanmoins ces questionnaires permettent surtout d'évaluer la qualité du service plutôt que le vécu du patient ; ils ne prennent pas en compte l'attente du patient dans la formulation des questions. L'absence de validité psychométrique des outils d'évaluations utilisés par l'HAS rend de plus l'interprétation des résultats difficile. ❖ L'anxiété du patient
L'anxiété influence la satisfaction des patients, comme le montre la corrélation du questionnaire EVAN-LR avec les scores d'évaluation de l'anxiété préopératoire (20). Elle est à considérer comme un facteur modifiable influençant la satisfaction (21). L'anxiété est définie comme une réaction face à un danger inconnu par la personne, c'est un état de désarroi psychique s'accompagnant d'un sentiment d'insécurité. L'anxiété préopératoire est une anxiété réactionnelle secondaire a l'anticipation d'une intervention chirurgicale, elle touche 60% à 80% des patients (22). L'évaluation de l'anxiété préopératoire et sa prise en charge font partie des missions des soignants. Son hétéro-évaluation n'est pas adaptée, les soignants surcôtent l'anxiété du patient (23). L'échelle d'autoévaluation validée en langue française à utiliser pendant la consultation d'anesthésie est le questionnaire APAIS (Amsterdam Preoperative 25 Anxiety and Information Scale). Elle comporte six items : • Je suis préoccupé(e) par l'anesthésie • Je pense continuellement à l'anesthésie • J'aimerais en savoir le plus possible sur l'anesthésie • Je suis préoccupé(e) par l'intervention • Je pense continuellement à l'intervention • Je voudrais en savoir le plus possible sur l'intervention Chaque item est noté de 1 (absence) à 5 (extrême). Kindler et al. ont montré que l'utilisation d'une échelle visuelle analogique (EVA) était une bonne méthode pour évaluer cette anxiété, en étant bien corrélée à l'échelle APAIS (24). Une EVA supérieure ou égale à 6 indique une anxiété inhabituelle qu'il faut prendre en compte, elle constitue un facteur de risque de douleur postopératoire. L'anxiété préopératoire, au-delà d'impacter sur la satisfaction du patient (21), a des répercussions directes sur la prise en charge du patient. Un patient anxieux va nécessiter des doses plus importantes d'hypnotiques (25), un haut niveau d'anxiété est un facteur de risque de douleur postopératoire (26), c'est aussi un facteur de risque indépendant d'échec de l'anesthésie locorégionale et donc de la conversion en anesthésie générale (27). La prévention l'anxiété a souvent été uniquement le fait de la 26 prémédication médicamenteuse préopératoire. En France les molécules couramment utilisées en prémédication sont les benzodiazépines, l'hydroxyzine et d'autre molécules adjuvantes telles que la clonidine, analogues de l'acide gamma-aminobutyrique (28). Ces médicaments possèdent des effets secondaires non négligeables tels que l'amnésie, les effets paradoxaux avec agitation ou confusion postopératoire, en particulier chez sujets âgés qui sont davantage exposés aux effets dépresseurs respiratoires ou cardiaques des agents utilisés. Par ailleurs, dans le cadre de la chirurgie ambulatoire, ces effets indésirables peuvent compliquer la prise en charge. En effet au-delà du risque d'hospitalisation non programmée du fait d'une sédation prolongée, il existe un risque de non mémorisation des consignes postopératoires (29). De plus, la prémédication, n'améliore pas le vécu et la satisfaction des patients selon l'étude prospective randomisée de Maurice-Szamburski et al. L'objectif de notre étude était d'étudier l'impact d'un support audiovisuel à l'aide d'une tablette interactive sur la satisfaction des patients et leur anxiété peropératoire dans le cadre d'une prise en charge chirurgicale sous anesthésie locorégionale en chirurgie ambulatoire. 28 Matériels et méthode Design de l'étude : Nous avons réalisé une étude prospective monocentrique, randomisée non interventionnelle en unité de chirurgie ambulatoire du CHU de Rouen de janvier 2020 à juillet 2020. Notre étude a reçu au préalable un avis favorable du Comité d'Evaluation des Recherches sur Données existantes ou Hors Loi Jarde, après retour de la commission de qualification, par l'intermédiaire du Pr Luc-Marie JOLY. Critères d'inclusion : Les patients majeurs bénéficiant d'une anesthésie locorégionale périphérique étaient inclus en vue d'une intervention de chirurgie orthopédique programmée ou en urgence dans le cadre de l'activé « SOS main ». Critères d'exclusion : Les patients bénéficiant d'une anesthésie locorégionale pour une chirurgie ophtalmologique, les patients bénéficiant d'une anesthésie générale en complément d'une anesthésie locorégionale et les patients refusant de participer à l'étude étaient exclus. Protocole : Selon le parcours patient habituel en unité de chirurgie ambulatoire au CHU de Rouen, les patients bénéficiaient d'une évaluation préanesthésique plus de 48h avant la chirurgie pendant laquelle ils recevaient l'information sur le déroulement de l'anesthésie locorégionale et les règles du jeûne préopératoire. Une ordonnance d'antalgique pour la période postopératoire leur était prescrite pendant cette évaluation. Ils recevaient la convocation pour l'hospitalisation en unité de chirurgie ambulatoire par SMS dans les 24h précédant la chirurgie. A leur arrivée en chirurgie ambulatoire, les patients étaient randomisés en deux groupes à l'aide d'une liste de randomisation faite avec la fonction Random sur tableur Excel. Les patients du groupe « avec tablette » recevaient une tablette interactive à leur entrée dans le service de chirurgie ambulatoire, modèle Samsung Galaxy tab A 10.1, installée sur un pied à roulette. Un casque réutilisable leur était fourni s'ils n'avaient pas d'écouteurs personnels. Les patients bénéficiaient de la tablette interactive tout le long du parcours patient habituel en unité de chirurgie ambulatoire : en attente préinterventionnel, dans l'unité de chirurgie ambulatoire, en salle de réveil pour la réalisation de l'anesthésie locorégionale, lors du temps 30 d'installation du bloc sensitivomoteur, en salle d'intervention chirurgicale, lors de l'attente postopératoire en unité de chirurgie ambulatoire. Ils restituaient la tablette à la fin de leur hospitalisation avant la sortie d'hospitalisation lorsque le score de CHUNG était supérieur ou égal à 9. Les 7 tablettes ont été financées par le CHU de Rouen avec un accès à l'application Spotify financé par le CHU, un accès à l'application Netflix financé par le groupe Crédit Agric et l'accès à la télévision et au WIFI fourni par le service télécom du CHU de Rouen. Les patients du groupe « sans tablette » bénéficiaient de la même prise en charge en chirurgie ambulatoire mais sans tablette interactive. Les patients bénéficiant d'une prise en charge dans le parcours SOS main étaient convoqués en unité de chirurgie ambulatoire dans les 24h suivant leur consultation avec le chirurgien. Les règles du jeûne préopératoire leurs étaient fournies par le chirurgien. L'évaluation préanesthésique était réalisée en urgence lors de l'hospitalisation en unité de chirurgie ambulatoire. Ils étaient randomisés à leur entrée dans le service de chirurgie ambulatoire sur la même liste de randomisation que les patients programmés. Les anesthésies locorégionales étaient réalisées par un médecin anesthésiste-réanimateur ou un DES d'anesthésie-réanimation ; l'écho 31 guidage était systématique. La technique « out of plane » ou « in plane », l'anesthésique local et la dose ainsi que la prescription de déxaméthasone étaient laissés à l'appréciation du médecin anesthésiste-réanimateur. Les patients recevaient une antibioprophylaxie selon les recommandations de la SFAR pour les chirurgies. Le statut sérologique antitétanique des patients était vérifié, et une antibiothérapie était prescrite si nécessaire. Recueil de données : Les données démographiques, l'âge, le sexe, le score ASA et le type d'anesthésie loco-régionale étaient récupérées. A leur entrée en salle de chirurgie, avant l'intervention, le patient évaluait son anxiété sur une échelle de 0 à 10, nommée EVA anxiété. Le questionnaire EVAN-LR était renseigné par le patient avant sa sortie d'hospitalisation avec l'aide d'un soignant de l'unité de chirurgie ambulatoire ou d'un accompagnant si nécessaire. Critère de jugement : Le critère de jugement principal était le score global EVAN-LR rapporté sur 100 qui correspond à l'ensemble des items du questionnaire (Annexe). Les critères de jugement secondaires étaient l'EVA anxiété selon les groupes « avec tablette » et « sans tablette » ainsi que selon les 32 caractéristiques socio-démographiques des patients et la comparaison des différentes dimensions du score EVAN-LR entre les deux groupes qui sont : • Information • Attention • Douleur • Inconfort • Attente Statistiques : Pour l'analyse univariée, les résultats concernant les variables continues étaient exprimés sous forme de moyenne avec écart-type. Pour les variables qualitatives, le nombre de patients pour chaque catégorie et le pourcentage correspondant étaient précisés. Nous avons réalisé une analyse multivariée à l'aide d'une régression linéaire simple pour rechercher l'impact de chaque variable démographique, avec comme variable à expliquer le score global EVAN-LR ajusté sur l'âge, le sexe le score ASA et le caractère programmé ou non de la chirurgie et la présence d'une tablette. Les variables quantitatives ont été comparées avec le test de Student et les variables qualitatives à l'aide du test exact de Fisher.
Nombre
de
sujets
nécessaire : Nous avons réalisé une étude préliminaire non randomisée incluant 20 patients, 10 dans le groupe « tablette » et 10 dans le groupe « non tablette ». La moyenne du score EVAN-LR était de 78,5 dans le groupe « tablette » et de 68 dans le groupe « sans tablette », au risque 5% et pour une puissance de 80%, en partant du principe que la distribution du score global suivait une loi normale. Le nombre de sujets nécessaire pour montrer une différence de plus de 10 points était de 36 patients par groupe. 34 Résultats
Nous avons inclus cinquante-six patients dans l'étude, 6 patients ont refusé de répondre au questionnaire avant la sortie d'hospitalisation et 4 patients ont été perdus de vue (figure 3). Au total, 22 patients ont été analysés dans le groupe « tablette » et 24 patients dans le groupe « pas tablette ». L'étude n'a pas pu être finalisée du fait de l'épidémie COVID+. 56 patients inclus 6 patients refusant de participer à l'étude 4 perdus de vue groupe tablette: groupe sans tablette: 22 patients 24 patients
Figure 3: flowchart
35
Caractéristiques de la population : Les deux groupes étaient comparables sur l'âge, le sexe, le score ASA et le caractère programmé ou non de la chirurgie. L'ensemble des patients ont bénéficié d'une anesthésie locorégionale à type de bloc axillaire. Les caractéristiques sont résumées dans le tableau 1.
Groupe tablette Groupe sans tablette p-value N=24 (52%) N=22 (48%) Age 52 +/- 20 53,5 +/- 18,7 p=0,97 H 12 (54,5%) 14 (58,3%) p=0,8 F 10 (45,5%) 10 (41,7%) 1 13 (59,1%) 10 (41,7%) 2 8 (36,4%) 11 (45,8%) 3 1 (4,5%) 3 (12,5%) Programmé 8 (36,4%) 11 (45,8%) Sos main 14 (63,6%) 13 (54,2%) Sexe ASA p=0,47 p=0,51 Tableau1 : caractéristiques de la population 36
Résultat principal : Le score de satisfaction moyen décrit dans le tableau 2 était significativement supérieur dans le groupe tablette avec un score de satisfaction de 84+/-9 versus un score de 71+/-10 dans le groupe sans tablette (p<0,0001).
Score-EVAN LR Groupe Groupe (moyenne (écart -type)) sans tablette p tablette Score global 71 (10) 84 (9) <0.0001 Information 68 (18) 76 (16) 0.13 Attention 71 (14) 87 (12) 0.0002 Attente 56 (20) 76 (26) 0.006 Inconfort 74 (20) 85 (19) 0.07 Douleur 76 (19) 92 (14) 0.003 Tableau 2 : comparaison des moyennes au score global EVAN-LR et de ses différentes dimensions 37
L'analyse multivariée du score de satisfaction est présentée dans le Tableau 3. Effet [IC 95%] p Groupe tablette 13.0 [7.0 – 19.0] <0.0001 Chirurgie 4.5 [-2.2 – 11.0] 0.18 Age 0.05 [-0.19 – 0.28] 0.69 Sexe 3.9 [-2.1 – 9.8] 0.19 ASA -2.7 [-9.5 – 4.0] 0.42 programmé Tableau3 : modèle de régression linéaire. Comparaison des moyennes des scores globaux ajustés sur l'âge, la chirurgie programmée ou non, le sexe et le score ASA. 38 Résultats secondaires : • Analyse de l'EVA anxiété : L'EVA anxiété était significativement inferieure dans le groupe tablette (p=0,01). Le sexe influençait l'EVA (tableau 4).
Moyenne EVA p-value (Ecart-type) Tablette 1,41 (1,84) Pas tablette 2,92 (2,08) p=0,01 ASA 1 2,39 (2,41) 2 1,89 (1,91) 3 2,50 (0,57) Féminin 3,15 (2,01) Masculin 1,46 (1,88) p=0,74 Sexe p<0,01 39 Programmé 1,89 (1,73) SOS-main 2,41 (2,32) p=0,56 Tableau 4 : analyse univariée de
l'
EVA
anxiété 40
Discussion Cette étude retrouve une différence de satisfaction des patients pris en charge en unité de chirurgie ambulatoire et bénéficiant d'une anesthésie locorégionale selon la présence d'une tablette interactive ou non avec un score EVAN-LR de 84 +/- 9 sur 100 dans le groupe tablette et un score de 71 +/- 10 dans le groupe sans tablette. De même, la tablette impacte de façon positive sur l'anxiété. De nombreuses interventions ont montré leur efficacité pour diminuer l'anxiété ainsi que la satisfaction du patient lors d'une procédure chirurgicale ou diagnostique. Gezginci et al. ont montré une amélioration significative de la satisfaction et une réduction de l'anxiété lors d'une distraction musicale ou vidéo à l'aide d'une étude incluant 120 patients bénéficiant d'une cystoscopie sous anesthésie locale qui ont été randomisés en 4 groupes : un groupe contrôle, un groupe balle antistress, un groupe musique et un groupe vidéo (35). L'anxiété était diminuée et la satisfaction augmentée dans les groupes bénéficiant d'une intervention. La satisfaction était en outre plus importante dans le groupe vidéo. Toujours pour une chirurgie urologique, Gupta et al, ont comparé la satisfaction et 'anxiété des 50 patients randomisés en quatre groupes : un groupe contrôle, un groupe bénéficiant d'une distraction musicale, un groupe bénéficiant d'une distraction visuelle et un groupe bénéficiant d'une distraction audiovisuelle (36). La distraction audiovisuelle permettait 41 d'améliorer la satisfaction et de diminuer l'anxiété par rapport aux autres groupes. Elle a aussi montré un bénéfice lors des procédures chez les patients réveillés. Man et al., dans une étude prospective randomisée incluant 40 patients de 15 à 65 ans et bénéficiant d'une chirurgie sous anesthésie locorégionale, ont évalué l'intérêt d'une distraction audiovisuelle du DVD de leur choix (37). L'anxiété et la satisfaction étaient évaluées à l'aide d'une échelle numérique. Ils retrouvaient une différence sur le niveau d'anxiété mais pas sur le score de satisfaction. Cette différence pourrait s'expliquer en partie par l'absence de l'utilisation d'un questionnaire validé pour évaluer la satisfaction. Hudson et al ont comparé l'effet de différentes distractions toujours sur l'anxiété et la satisfaction chez 398 patients bénéficiant d'une chirurgie de varices sous anesthésie locale. Ils ont été randomisés en 5 groupes : un groupe contrôle, un groupe bénéficiant d'une écoute musicale, un groupe bénéficiant d'une visualisation d'un DVD, un groupe bénéficiant d'une interaction sociale avec une infirmière dédiée et un groupe bénéficiant d'une balle antistress (38). L'anxiété, évaluée à l'aide d'une échelle numérique, était diminuée significativement dans le groupe interaction sociale, le groupe DVD et le groupe balle antistress. En revanche les auteurs n'ont montré aucune différence significative de la satisfaction entre les groupes. Ils n'ont cependant pas utilisé de questionnaire validé mais uniquement une échelle numérique. 42 La tablette a aussi eu un impact sur la dimension douleur du questionnaire. Ce résultat est concordant avec la littérature puisqu'une métaanalyse de 2018 portant sur 46 études randomisées a retrouvé une diminution de la douleur postopératoire chez les patients bénéficiant d'une écoute de musique (39). Ce résultat peut aussi s'expliquer par un effet indirect lié à la diminution de l'anxiété. En effet, un haut niveau d'anxiété est considéré comme un facteur de risque de douleur postopératoire (40). La SFAR rappelle d'ailleurs la nécessité d'évaluer l'anxiété en préopératoire et d'intégrer ce paramètre comme un facteur de risque de douleur chronique postopératoire (41). Dans notre étude, les facteurs démographiques n'influencent pas la satisfaction. Dans une étude prospective observationnelle de Akpinar et al. recherchant les facteurs associés à la satisfaction des patients bénéficiant d'une anesthésie locorégionale, le sexe masculin et jeune âge étaient associés à une meilleure satisfaction. Leur approche n'utilisait néanmoins pas de questionnaire standardisé (42). De même lors de la validation du questionnaire EVAN-LR, les auteurs ont retrouvé un âge supérieur à 55 ans comme facteur associé à une meilleure satisfaction et le sexe féminin était associé à un score plus bas sur l'item information. Le score ASA supérieur à 1 était associé à une meilleure satisfaction. La population d'étude était différente avec 39% des patients qui bénéficiaient d'une prise en charge ambulatoire et les autres patients étaient en 43 chirurgie programmée (43). Notre population est d'ailleurs uniquement constituée de patients pris en charge en ambulatoire dont la satisfaction est supérieure à la population non ambulatoire (16). Nous avons réalisé une étude dont la force est son caractère prospectif randomisé. Bibliographie 1. Willetts IE. James H Nicoll: pioneer paediatric surgeon. Ann R Coll Surg Engl. juill 1997;79(4 Suppl):164‐7. 2. Cohen DD, Dillon JB. Anesthesia for outpatient surgery. JAMA. 27 juin 1966;196(13):1114‐6. 3. newsletter_taux_ca_2018_v2.pdf [Internet].Disponible sur: https://www.chirurgieambulatoire.org/uploads/6/4/6/4/64646507/newsletter_taux_ca_2018_v2.pdf 4. Nicoll Memorial Lecture : Ambulatory surgery : an organisational and cultural revolution, a social and political challenge Disponible sur: https://www.iaasmed.com/files/Journal/Volume7/Volume7_1999_183-186.pdf 5. Prise en charge anesthésique des patients en hospitalisation ambulatoire - La SFAR. Société Française d'Anesthésie et de Réanimation. 2015 Disponible sur: https://sfar.org/prise-en-charge-anesthesique-des-patients-en-hospitalisation-ambulatoire/ 6. Coley KC, Williams BA, DaPos SV, Chen C, Smith RB. 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Les patients étaient randomisés en deux groupes : dans le groupe « tablette » les patients disposaient d'une tablette interactive avec les applications Spotify, Netflix, Youtube et la télévision pendant la durée de leur hospitalisation. Le groupe « sans tablette » était pris en charge selon le parcours classique du patient de chirurgie ambulatoire. Les critères démographiques étaient recueillis par les équipes soignantes, ainsi que l'EVA anxiété à l'entrée en salle de chirurgie. Avant leur sortie d'hospitalisation la satisfaction du patient était évaluée à l'aide du questionnaire EVAN-LR. Résultats : Nous avons inclus 22 patients dans le groupe « tablette » et 24 patients dans le groupe « sans tablette ». Les deux groupes étaient comparables sur les caractéristiques démographiques recueillies. Le score EVAN-LR était significativement supérieur dans le groupe « tablette » versus dans le groupe « sans tablette » (p<0,0001). L'EVA anxiété était significativement plus basse dans le groupe « tablette » (p=0,011). Conclusion : L'utilisation d'une tablette multimédia permet d'améliorer la satisfaction et de diminuer l'anxiété préopératoire des patients bénéficiant d'une chirurgie ambulatoire sous anesthésie locorégionale. Notre étude doit être complétée en dehors de la crise Covid-19. 50.
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Développement d’une approche systémique de la gestion patrimoniale d’un parc immobilier d’envergure nationale pour améliorer sa performance énergétique : une application menée sur le parc immobilier de l’État utilisé par le ministère de la défense
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None
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French
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Spoken
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la stratégie nationale de développement durable 2010-2013. (FRA, 2010i) Arrêté du 31 mai 2010 portant organisation de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (FRA, 2011) Arrêté du 9 mars 2011 portant création et organisation des états-majors de soutien défense. (IM, 1973) Instruction interministérielle
n° 1200/SGDN/AC/REG/CD du 8 décembre 1973 relative
à la sécurité des installations prioritaires de défense. (IM, 1978) Instruction N°14530/DEF/CC du 31 mars 1978 relative aux économies d’énergie. (IM, 1993) Instruction générale interministérielle N° 4600/SGDN/MPS/SPRS/DR du 8 février 1993 sur la sécurité des points et réseaux sensibles (abrogée en 2008). (IM, 1995) Instruction générale N° 19065 du 10 mai 1995 relative au déroulement des programmes d'infrastructure. (IM, 2002) Instruction N° 1536 du 5 février 2002 relative à l'appellation et à la dénomination d'une infrastructure du ministère de la défense (IM, 2007) Instruction N° 1016/DEF/SGA/SID du 1er août 2007 relative à l'organisation de la maîtrise d'ouvrage pour les opérations d'infrastructure du ministère de la défense. (IM, 2008) Instruction générale interministérielle N°6600/SGDN/PSE/PPS du 26 septembre 2008 relative à la sécurité des activités d’importance vitale. (IM, 2009) Instruction N° 1110/DEF/SGA/DCSID du 31 août 2009 relative au processus de programmation des opérations d'infrastructure du ministère de la défense. (IM, 2010) Instruction N° 398/DEF/EMA/SC-SOUT du 17 décembre 2010 relative à l'organisation et au fonctionnement des bases de défense. (IM, 2011) Instruction N° 523/DEF/SGA/DMPA/SDIE du 23 mai 2011 relative aux schémas directeurs immobiliers de base de défense. (IM, 2012) Instruction N° 500052/DEF/ /DCSID du 6 janvier 2012 relative au maintien en condition du patrimoine immobilier de la défense. (PIA, 2005) Ministère de la défense, PIA 3.39, Mémento de défense sur le territoire, N° 1098/DEF/EMA/EMP.4/NP du 06 octobre 2005, 71p. (Disponible sur le site Internet www.cicde.defense.gouv.fr). (PIA, 2007) Ministère de la défense, PIA 05.401, Méthode de planification opérationnelle, 3ème Edition, version du 05 octobre 2007, 111p. (Disponible sur le site Internet www.cicde.defense.gouv.fr). (PIA, 2010) Ministère de la défense, CIA 01, Concept d'emploi des forces, N°004/DEF/CICDE/NP du 11 janvier 2010, 3ème Edition, 56p. (Disponible sur le site Internet www.cicde.defense.gouv.fr). (PIA, 2011) Ministère de la défense, DIA 01, Doctrine d'emploi des forces, N°127/DEF/CICDE/NP du 12 juillet 2011, 164p. (Disponible sur le site Internet www.cicde.defense.gouv.fr). (UE, 1993) Directive N°93/76/CEE du 13 septembre 1993 visant à limiter les émissions de dioxyde de carbone par une amélioration de l'efficacité énergétique. (UE, 2000) COM(2000) 769 final, Livre Vert Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique. (UE, 2002) Directive N°2002/91/CE du 16 décembre 2002 relative à la performance énergétique des bâtiments. 554 (UE, 2003a) Directive N°2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE. (UE, 2003b) Directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE. (UE, 2004a) COM(2004) 702 final, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 20 octobre 2004 Protection des infrastructures critiques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (non publié au Journal officiel). (UE, 2004a) Directive N°2004/17/CE du 31 mars 04 relative à la coordination des procédures de passation des marchés dans les
cteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux
. (UE, 2004b) Directive N°2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination
des
procédures de passation
des
marché
s publics de travaux, de fournitures et de services. (UE, 2005a) COM(2005) 576 final, Livre vert sur un programme européen de protection des infrastructures critiques. (UE, 2005b) Commission Européenne, Livre vert sur l’efficacité énergétique : comment consommer mieux avec moins, 2005, 47p. (UE, 2006a) Directive N°2006/32/CE du 05 avril 2006 relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE. (UE, 2006b) COM(2006) 786 final, Programme européen de protection des infrastructures critiques. (UE, 2006c) COM(2006) 545, Plan d'action pour l'efficacité énergétique : réaliser le potentiel. (UE, 2006d) COM(2006) 105 final, Livre vert sur une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable. (UE, 2007a) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) signé le 13 décembre 2007 (« Traité de Lisbonne »). (UE, 2007b) COM(2007) 1 final, Une politique de l’énergie pour l’Europe. (UE, 2007c) COM(2007) 2 final, Limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius Route à suivre à l'horizon 2020 et au-delà. (UE, 2008a) Directive 2008/114/CE du 8 décembre 2008 concernant le recensement et la désignation des infrastructures critiques européennes ainsi que l’évaluation de la nécessité d’améliorer leur protection. (UE, 2008b) COM(2008) 772 final, Efficacité énergétique : atteindre l'objectif des 20 %. (UE, 2008c) COM(2008) 11 final, Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la première évaluation des plans nationaux d'action en matière d'efficacité énergétique exigée par la directive 2006/32/CE relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques Progresser ensemble sur l'efficacité énergétique». UE, 2009) COM (2009) 0889, Synthesis of the complete assessment of all 27 National Energy Efficiency Action Plans as required by Directive 2006/32/EC on energy end-use efficiency and energy services. (UE, 2010a) Directive 2010/31/UE relative à la performance énergétique des bâtiments (nommée EPBD Energy Performance of Buildings Directive). (UE, 2010b) COM(2010) 639 final, Énergie 2020 Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sûre. 555 Normes (AFNOR, 1998) AF
NOR, Norme AFNOR NF X50-174 (septembre 1998), Management de la qualité, Évaluation de l'efficacité d'un système qualité, 20p. (AFNOR, 2002) AFNOR, FD X 60-000 (mai 2002), Maintenance industrielle, Fonction maintenance, 29p. (AFNOR, 2004) AFNOR, NF EN ISO 14001 (décembre 2004), Systèmes de management environnemental, Exigences et lignes directrices pour son utilisation, 37p. (AFNOR, 2006) AFNOR, ISO 14040 : 2006, Système de management environnemental, analyse du cycle de vie. (AFNOR, 2007a) AFNOR, Norme AFNOR ISO DIS 15686-5 (2007), Bâtiments et biens immobiliers construits prévision de la durée de vie, Partie 5 : Calcul du coût global, 123 p. (AFNOR, 2007b) AFNOR, Norme AFNOR ISO DIS 15686-5 (2007), Bâtiments et biens immobiliers construits prévision de la durée de vie, Partie 8 : durée de vie de référence et estimation de la durée de vie. (AFNOR, 2008) AFNOR, NF EN 15603 (Octobre 2008), Performance énergétique des bâtiments, Consommation globale d'énergie et définition des évaluations énergétiques, 72p. (AFNOR, 2009a), AFNOR, X60-025, GA X60-025 (Août 2009), Guide d'application du fascicule de documentation AFNOR FD X 60-000 «Maintenance industrielle — Fonction maintenance» aux patrimoines immobiliers, 35p. (AFNOR, 2009b) AFNOR, ISO 31000 (novembre 2009), Management du risque — Principes et lignes directrices, 35p. (AFNOR, 2010) AFNOR NF X60-319, NF EN 13306 (octobre 2010), Maintenance – terminologie de la maintenance, 32p. (AFNOR, 2011a) AFNOR, e NF X 50-100 (Novembre 2011), Management par la valeur, Analyse fonctionnelle, caractéristiques fondamentales, 40p. (AFNOR, 2011b) AFNOR, NF EN ISO 50001 (novembre 2011), Systèmes de management de l'énergie, Exigences et recommandations de mise en œuvre, 33p. (AFNOR, 2011c) AFNOR, Norme FprEN 15232 :2011 (mai 2011), Performance énergétique des bâtiments — Impact de l'automatisation, de la régulation et de la gestion technique, 240p. (AFNOR, 2012) AFNOR, X50-150PR, PR NF EN 1325, Avant-projet de norme, Management de la valeur, Vocabulaire, 51p. 556 Annexes 557 558 Annexe 1. Performance énergétique du bâtiment Performance based building Points d’importance vitale Petites et moyennes entreprises Plan national de relance (économique) Révision générale des politiques publiques Représentant du pouvoir adjudicateur Retour sur investissement Réseau de transport de l’électricité Système (d’information) d’aide à la décision Système d’aide à la décision stratégique (MINDEF) Service du commissariat des armées (MINDEF) Système décision (Le Moigne, 1999) Schéma directeur immobilier de base de défense (MINDEF) Service des essences des armées (MINDEF) Secrétariat général pour l'administration (MINDEF) Surface hors œuvre développée (MINDEF) Source hors œuvre nette Système d’information (Le Moigne, 1999) Service d’infrastructure de la défense (MINDEF) 560 SiD SIG SIRI SITADEL SO SOeS SPAC SRES SS2E SSE STT SU THPE TO/NTO UE UO VAR Système d’information des dirigeants Système d’information de gestion Système d’Information de gestion de la Ressource Immobilière (MINDEF) Système d'information de traitement automatisé des données élémentaires sur les logements Système opérant (Le Moigne, 1999) Service de l’observation et des statistiques Service parisien de soutien de l'administration centrale (MINDEF) Special report emission scenarios Société de services d’efficacité énergétique Société de services énergétiques Système de traitement des transactions Surface utile (MINDEF) Très haute performance énergétique Technico-opérationnel/Non technico-opérationnel (MINDEF) Union européenne Unité opérationnelle Version actualisée du référentiel de programmation (MINDEF) 561 562
Annexe 2. Unités de mesure
k M G T € c€ °C h min s ha m cm m2 m3 ppm tep kVA W Wh kWh cumac Whef Whep Kilo (1 000). Méga (1 000 000). Giga (1 000 000 000). Téra (1 000 000 000 000). Euro. Centime d’euro. Degré Celsius. Heure. Minute. Seconde. Hectare (10
m2). Mètre. Centimètre. Mètre carré. Mètre cube. Partie par million (rapport exprimant une concentration de 10-6 particules). Tonne équivalent pétrole. 1 tep = 11 630 kWh, 1 ktep = 1 000 tep, 1Mtep = 1 000 000 tep. Kilovoltampère (puissance électrique apparente). Watt, unité utilisée pour exprimer une puissance électrique ou thermique 1000 W = 1 kW ; 1000 kW = 1MW. Watt par heure, unité utilisée pour exprimer une quantité d’énergie électrique ou thermique. 1000 Wh = 1 kWh ; 1000 kWh = 1 MWh. Kilowattheures « cumulés actualisés » : quantité d’énergie en kWh économisée pendant la durée de vie conventionnelle fixée d’un équipement, corrigée d’un coefficient d’actualisation annuel de 4%. Watt par heure d’énergie finale. Watt par heure d’énergie primaire. 563
564
Annexe 3. Lexique Adaptation
Ensemble de travaux, d’aménagements et d’équipements entrepris en vue d’adapter l’infrastructure à l’évolution d’une mission, la prise en compte d’une mission nouvelle et/ou l’accueil significatif de nouveaux matériels (IM, 2007). Attributaire Organisme figurant comme tel sur la liste des attributaires de l’Etat, et à ce titre disposant de tout ou partie d’un immeuble soumis au recensement, ou en assurant la garde et la gestion (IM, 2007). Bâtiment Une construction dotée d’un toit et de murs, dans laquelle de l’énergie est utilisée pour réguler le climat intérieur (UE, 2010a). Construction Réalisation d’un nouvel ouvrage (IM, 2007).
Domaine national
Le domaine national s’entend de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’Etat. (Article L.1 du code du domaine de l’Etat.).
Domaine public
Les biens de l’Etat, qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée sont considérés comme des dépendances du domaine public national (Art. L.2 du code du domaine l’Etat). Domanialité Régime juridique des biens composant le domaine militaire. Il existe trois régimes juridiques : domaine public, domaine privé et non domanial (IM, 2007). Economies la quantité d'énergie économisée, déterminée en mesurant et/ou en estimant la d’énergie consommation avant et après la mise en œuvre d'une ou de plusieurs mesures visant à améliorer l'efficacité énergétique, les conditions externes qui ont une incidence sur la consommation d'énergie faisant l'objet d'une normalisation (UE, 2006a). Efficacité le rapport entre les résultats, le service, la marchandise ou l'énergie que l'on obtient et énergétique l'énergie consacrée à cet effet (UE, 2006a). Energie Toutes les formes d'énergie disponibles sur le marché, notamment l'électricité, le gaz naturel (y compris le gaz naturel liquéfié) et le gaz de pétrole liquéfié, les combustibles de chauffage et de refroidissement (y compris le chauffage et le refroidissement urbains) le charbon et le lignite, la tourbe, les carburants (sauf les carburants d'aviation et les combustibles de soute dans le transport maritime) et la biomasse telle que définie dans la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité (UE, 2006a).
Energie finale
L'énergie finale ou disponible est l'énergie livrée au consommateur pour sa consommation finale (essence à la pompe, électricité au foyer,...) (www.insee.fr, 2011).
Energie primaire
Ensemble des produits énergétiques non transformés, exploités directement ou importés. Ce sont principalement le pétrole brut, les schistes bitumineux, le gaz naturel, les combustibles minéraux solides, la biomasse, le rayonnement solaire, l'énergie hydraulique, l'énergie du vent, la géothermie et l'énergie tirée de la fission de l'uranium (www
insee.
fr, 2011).
565 Energie
Energie produite à partir d’une source renouvelable, à savoir énergie éolienne, solaire, renouvelable
a
ér
othermique, géothermique, hydrothermale, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz. Energie secondaire
Toute l'énergie obtenue par la transformation d'une énergie primaire (en particulier électricité d'origine thermique) (www.insee.fr, 2011).
Entretien lourd
L’entretien lourd correspond aux travaux de mise en conformité et de remise en état à la charge du propriétaire éligibles au programme 309 (PLF 2012) : l’électricité (poste de livraison, armoires divisionnaires, éclairage de sécurité...), l’installation de chauffage, de ventilation, le clos et couvert (entretien des terrasses, des chéneaux, des façades, des ouvrants, désamiantage...), les aménagements extérieurs (voiries, clôtures, réseaux d’assainissement), les réseaux d’eaux sanitaires et usées, les appareils élévateurs et électromécaniques (ascenseurs, monte-charges, nacelles, portes et barrières automatiques...), la sécurité incendie (détection, désenfumage, robinet d’incendie armé...).
Immeuble
Tout ou partie d’une unité immobilière, dotée d’une individualité propre en raison de son état physique, de son occupation, de son classement ou éventuellement de sa dénomination. C’est la cellule élémentaire du patrimoine de la défense (IM, 2007).
Infrastructure
Les infrastructures critiques sont les installations physiques et des technologies de critique ou l’information, les réseaux, les services et les actifs qui, en cas d’arrêt ou de essentielle destruction, peuvent avoir de graves incidences sur la santé, la sécurité ou le bien-être économique des citoyens ou encore le travail des gouvernements des États membres (UE, 2004). La surface de Somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir plancher de la du nu intérieur des façades après déduction : construction 1° Des surfaces correspondant à l'épaisseur des murs entourant les embrasures des (remplace la SHOB et la SHON depuis le 1er mars 2012) portes et fenêtres donnant sur l'extérieur ; 2° Des vides et des trémies afférentes aux escaliers et ascenseurs ; 3° Des surfaces de plancher d'une hauteur sous plafond inférieure ou égale à 1,80 mètre ; 4° Des surfaces de plancher aménagées en vue du stationnement des véhicules motorisés ou non, y compris les rampes d'accès et les aires de manœuvres ; 5° Des surfaces de plancher des combles non aménageables pour l'habitation ou pour des activités à caractère professionnel, artisanal, industriel ou commercial ; 6° Des surfaces de plancher des locaux techniques nécessaires au fonctionnement d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation, y compris les locaux de stockage des déchets ; 7° Des surfaces de plancher des caves ou des celliers, annexes à des logements, dès lors que ces locaux sont desservis uniquement par une partie commune ; 8° D'une surface égale à 10 % des surfaces de plancher affectées à l'habitation telles qu'elles résultent le cas échéant de l'application des alinéas précédents, dès lors que les logements sont desservis par des parties communes intérieures. (Art. R112-2 du code de l’urbanisme) La surface utile SUB = SHON – (éléments structurels + locaux techniques en étages+ caves et sousbrute (SUB) sol). Dans le cas de location, la surface utile locative SUL) est assimilée à la SUB. (DGFIP, 2010).
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Construction, réhabilitation et destruction de logements sociaux à Montluçon (1948-1988) : quarante ans de politique publique vue à l’échelle locale. Histoire. Université de Nanterre - Paris X, 2021. Français. ⟨NNT : 2021PA100124⟩. ⟨tel-03649601⟩
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37 « Premiers résultats de l’enquête sur l’image et le vécu de la cité Dunlop », Comité d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de l’Allier, 10 juin 1988, p. 13, AMM série Q sous série 4Q24. 38 Ibid. p. 11.
340 B. Changer le bâti et conserver les sociabilités des habitants 1. Une double contrainte contradictoire imposée par la municipalité
La cité Dunlop, propriété de la société Dunlop de 1920 jusqu’à son dépôt de bilan en 1983, a longtemps vécue en marge de la ville. Elle n’a pas bénéficié des mêmes aménagements que les autres quartiers. L’acte de vente n’est signé que le 12 mai 1986, mais dès mars 1985, l’OPHLM commence à gérer la cité. Il encaisse les loyers, met en place deux gardiens sur le site et prend en charge les travaux d’entretien courant39. Les premiers financements sont obtenus dans le cadre des subventions Palulos. Ils permettent d’élaborer un projet de réhabilitation d’une première tranche de 133 logements (cours 7, 8, 9 et 10) où se situent majoritairement les bâtiments reconstruits en 1948 et réhabilités en 1962. Mais la municipalité veut, non seulement améliorer les conditions d’habitabilité des logements, mais aussi intégrer la cité dans la ville. Pour cela elle organise en 1988 un concours pour déterminer le cabinet d’architecte qui sera en charge de ce grand projet. Le dépôt des candidatures s’ouvre le 31 mai 1988 et l’OPHLM reçoit 27 dossiers. Ces 27 équipes doivent s’affranchir de deux contraintes énoncées par la municipalité : réintroduire la cité dans la ville sans lui faire perdre ses sociabilités. La municipalité désire connaître les aspirations des habitants concernant les réhabilitations. Les différentes enquêtes ont permis de les cerner de manière assez précise40. Concernant les espaces extérieurs, la nécessité d’aménager les cours entre les bâtiments semble être la priorité41. Les cabanes jugées inesthétiques et même insalubres doivent pour 45% des habitants être détruites. Mais elles sont dans le même temps jugées utiles et les locataires de la cité espèrent qu’elles seront remplacées par des caves et des garages42. Concernant la réfection des logements, les résultats de l’enquête du printemps 1988 montrent que les habitants veulent, en priorité, une amélioration de l’isolation des façades pour lutter contre l’humidité43. Ce n’est pas une surprise puisque les diagnostics sur cette cité font état notamment des infiltrations sur les façades.
39 « Une logique de ville pour la cité Dunlop », Revue Urbanisme, mai-juin 1989, no 230, AMM série Q sous série 4Q/24. 40 Cf. Tableau 27, « Aspiration des locataires habitant la cité Dunlop », p. 342. 41 « Premiers résultats de l’enquête sur l’image et le vécu de la cité Dunlop », Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement de l’Allier (CAUE03), 10 juin 1988, p.19, AMM série Q sous série 4Q/24. 42 Ibid. 43 Cf. Tableau 27, « Aspiration des locataires habitant la cité Dunlop », p. 342. 341 Tableau 27: Aspiration des locataires de la cité Dunlop
Travaux souhaités portant sur les espaces extérieurs Type d’aménagement % des opinions Abattre les cabanes 45 Aménagement des cours 45 Création d’espaces verts 35 Création d’aires de jeux 33 Construction de garages 28 Construction de remises 23 Construction de séchoirs 14 Création de terrains de sport 23 Création d’un local pour club 19 Amélioration de l’éclairage 19 Abattre des jardins 14 Travaux portant sur les logements Isolation, humidité 38 Installation du gaz 28 Mise aux normes de l’électricité 23 Isolation thermique 14 Isolation acoustique 9 Travaux portant sur le bâti Garder le style architectural 19 Changer les enduits et la couleur des façades 9 Démolir les vieux bâtiments 9
Source : Premiers résultats de l’enquête sur l’image et le vécu de la cité Dunlop, Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement de l’Allier (CAUE03), 10 juin 1988, p.19, AMM série Q sous série 4Q/24. 342 2. Le projet d’Ignace Grifo ; le choix d’une réhabilitation douce
Les membres du jury choisissent de confier cette réhabilitation à un jeune architecte diplômé depuis seulement 1984, Ignace Grifo. Son expérience des réhabilitations est pourtant déjà intéressante. Il a notamment participé dans le cadre de Banlieues 8944, à la réhabilitation de la cité Bellevue à Redon. Le projet urbain est un élément essentiel de son travail, notamment les relations entre le bâtiment et son insertion45. C’est sans doute cette capacité à bien saisir l’histoire de la cité Dunlop et de ses habitants qui lui permet de mettre en place un projet cohérent. Le désenclavement de la cité et même de l’ensemble du quartier Viviani-Dunlop est la clé de voute du projet Grifo. Il crée tout d’abord une nouvelle voie qui relie le centre du quartier Viviani avec le cœur de la cité Dunlop. Il prévoit également une porte au nord de la cité pour lier le quartier à la rocade desservant le nord de Montluçon qui, avec le développement autoroutier, est appelé à devenir un axe primordial pour l’agglomération et son désenclavement. Cette cité n’aura donc pas le même destin que celles des usines Saint Jacques, du quartier de Montcourtais ou du Diénat qui ont été démolis à la fin des années cinquante. Cette réhabilitation permet de conserver une trace du patrimoine industriel de la ville. Il est pourtant difficile de patrimonialiser « cet objet hybride entre habitat et industrie »46. Dans le cadre d’une cité ouvrière, il s’agit en effet de conserver une trace des éléments architecturaux d’origine mais également de maintenir les lieux de sociabilité. Ce sont d’ailleurs deux des trois objectifs principaux imposés par la municipalité aux architectes. Le projet Grifo a convaincu le jury, il semble effectivement parfaitement respecter les contraintes. Parvient-il à convaincre totalement les habitants de cette cité? Un début de réponses semble s’esquisser à travers les réponses de deux habitants de la cité en juin 1988 au moment où débute la réhabilitation de la cité Dunlop. « Il y a tellement longtemps que personne ne s’était occupé de la cité, les gens attendent beaucoup de l’office. Enfin on va faire quelque chose pour eux47 ». « Rénover pour moi, je pensais qu’ils allaient tout abattre intérieurement et nous refaire des logements à peu près égaux... Mais ils vont juste toucher mon électricité, mon
44 Concernant le programme Banlieues 89, cf. pp. 353-356. Ignace Grifo, Atlas de l’architecture et du patrimoine, https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/Ignace-Grifo. 46 François Duchêne, Julien Langumier, et Christelle Morel Journel. « Cités ouvrières et patrimonialisation : d'un modèle à ses multiples transformations », Espaces et sociétés, vol. 152-153, no 1-2, 2013, pp. 35-50. 47 « Premiers résultats de
l’enquête sur l’image et le vécu de la cité Dunlop », Comité d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de l’Allier (CAUE03), 10 juin 1988, AMM série Q sous série 4Q24. c
hauffage, mon escalier
... Tout ce qu’on a mis, les sanitaires, un évier qu’on a mis en grés, mon mari a carrelé la salle d’eau... Ben disons que tout ça, c’est perdu!48 ». Entre espoir d’une amélioration des conditions d’habitation et nostalgie d’un espace de vie modifié, la réussite d’une réhabilitation est liée
à
de nombreux fa
cteurs. Réhabilitation légère, lourde ou même démolition d’immeuble, les choix sont parfois longs à émerger. C’est le cas notamment à Fontbouillant, où au début du projet de réhabilitation du grand ensemble le choix n’est pas tranché entre réhabiliter ou démolir. L’importance du diagnostic est de toute façon primordiale pour une réhabilitation réussie.
II. Importance du diagnostic dans la réhabilitation de Fontbouillant
J’ai évoqué dans le chapitre 5, la genèse et l’institutionnalisation d’Habitat et vie sociale de 1972 à 1977 et le choix des élus montluçonnais d’utiliser cette procédure pour réhabiliter le grand ensemble de Fontbouillant49. Un pré-dossier habitat et vie sociale est mis en place dès 1979 mais n’aboutit pas sur des mesures concrètes. Il faut attendre l’émergence du Développement social des quartiers pour que la réhabilitation de Fontbouillant débute véritablement.
A. Lenteur de l’opération d’Habitat et vie sociale
L’étude d’Orgéco dans le cadre du pré-dossier HVS a conclue à la nécessité d’une étude approfondie concernant l’état du bâti de la cité. Le Bérim s’est vu confier, conformément à la délibération du conseil d’administration de l’OPHLM du 1er décembre 1979, le déroulement de cette expertise. L’OPHLM attend en particulier un diagnostic précis sur les dangers que peuvent présenter l’ensemble des éléments du gros œuvre et la du
rée de vie des bâtiments50. 48 Ibid. Cf. p. 293-295. 50 Convention du 31 mars 1981 signée par la ville de Montluçon, l’OPHLM et le Bérim, AMM série T sous série 2T2/10. 1. Un pré-dossier HVS pour un premier diagnostic
Près de seize mois s’écoulent entre le choix du bureau d’étude et la signature de la convention permettant le début de l’expertise de la cité de Fontbouillant51. Le coût de cette expertise estimé à 58 800 F est financé aux 2/3 par la mairie de Montluçon et le tiers restant est à la charge de l’OPHLM. Le financement de la mairie est lié à l’obtention d’une subvention du fonds d’aménagement urbain. Fin janvier 1980 débute l’instruction du dossier de financement mais au printemps de cette même année, la municipalité n’a toujours reçu aucune réponse officielle52. L’institutionnalisation du groupe interministériel Habitat et vie social transfert un certain nombre de responsabilités de ce programme aux instances locales53. Pourtant, les élus locaux qui ont mis en place le pré-dossier HVS sont tenus à l’écart des décisions concernant l’acceptation ou le refus de l’obtention du label HVS. Plusieurs correspondances échangées entre Pierre Goldberg, maire de Montluçon, Nicole Picandet son adjointe et Jean Fernand Busnel, préfet de l’Allier, témoignent de l’inquiétudes des élus montluçonnais sur le manque de communications concernant l’opération HVS de Fontbouillant54. Le 3 décembre 1980, Jean Busnel, préfet de l’Allier annonce que la mairie de Montluçon obtient la subvention nécessaire au démarrage de l’étude du Bérim. La mission de ce bureau d’étude s’avère plus longue et compliquée que prévue, notamment en l’absence de certains documents concernant la construction des bâtiments hauts de la cité. Le 7 et 8 mai 1981, des membres du Bérim se rendent à la cité de Fontbouillant pour établir un diagnostic de l’habitat existant55. Un compte rendu de cette visite est rédigé
23 juillet 1981. Ce premier rapport est adressé à la mairie de Montluçon le 24 septembre 198156. Il ressort de ce rapport, que le principe de construction utilisé est générateur d’infiltrations et donc d’humidité. De nombreux désordres concernant les façades des grands bâtiments, et particulièrement ceux construits lors de la seconde tranche, ont également été constatés. Des 51 Convention d’expertise préalable à la convention HVS, mairie de Montluçon, OPHLM de Montluçon, Bérim, 23 mars 1981, AMM série T sous série 2T2/11. 52 Lettre de Pierre Goldberg (maire de Montluçon) adressée à Jean Fernand Busnel (préfet de l’Allier), 29 avril 1980, AMM série T sous série 2T2/11. 53 Circulaire du 3 mars 1977 relative aux fonds d’aménagement urbain et au groupe interministériel Habitat et vie sociale, JORF du 10 mars 1977. 54 Lettre de Pierre Goldberg (maire de Montluçon) adressée à Jean Fernand Busnel (préfet de l’Allier), 29 avril 1980, extraits des questions orales posées par Nicole Picandet (adjointe au maire de Montluçon) adressées à Jean Fernand Busnel (préfet de l’Allier), novembre 1980, AMM série T sous série 2T2/11 et 2T2/10. 55 Compte rendu de l’expertise du Bérim, 23 juillet 1981, AMM série T sous série 2T2/10. 56 Ibid. 345 études complémentaires doivent permettre de diagnostiquer plus précisément, l’origine des désagréments concernant les bâtiments de Fontbouillant. Les interrogations du Bérim au sujet des procédés de construction utilisés sont plus surprenantes. Pour cette société, les techniques théoriquement utilisées, « Porte des Lilas » et « Véran Costamagna » ne semblent pas correspondre au diagnostic de l’étude. Le procédé « Porte des Lilas » ne dispose, selon le Bérim, que d’un agrément à partir de 1961, or à la fin de cette année-là, les bâtiments de Fontbouillant sont tous terminés. De plus, les panneaux de façades mis en œuvre lors de la construction de Fontbouillant ne coïncident pas avec le procédé utilisé par « Véran Costamagna et Cie »57. Sans pouvoir affirmer ou infirmer ces propos, les documents concernant les procédés utilisés semblaient plutôt précis. Il faut signaler qu’il arrive assez fréquemment que des opérations du secteur industrialisé ne respectent pas rigoureusement les procédés de construction. Il est de toute façon incontestable, que des problèmes techniques concernant les bâtiments, notamment en ce qui concerne leur étanchéité, ont existé dès les premières années de la construction. En plus de ces problèmes avérés concernant le bâti de la cité, des rumeurs alarmistes circulent sur la précarité des bâtiments. Certains locataires semblent persuadés que la cité de Fontbouillant était censée ne durer que vingt ans ; ce terme approchant ils estiment que vivre dans certains bâtiments leur fait courir un danger58. Selon le Bérim, si une réhabilitation est effectivement nécessaire, les bâtiments ne font courir aucun danger à leurs habitants. Pourtant de septembre 1981 à 1985, malgré la pose du diagnostic, la réhabilitation de Fontbouillant n’a toujours pas commencé. 2. De 1981 à 1984, un dossier HVS au point mort
Cette lenteur de l’opération HVS à Fontbouillant s’explique par la complexité des choix à mettre en œuvre dans ce quartier mais également par les limites de la procédure HVS. En 1982, la municipalité et la direction de la Construction n’ont pas définitivement tranché entre la réhabilitation ou la destruction de certains immeubles de Fontbouillant. Un document au titre explicite : « Essai pour une démolition-reconstruction partielle programmée de l’ensemble de 57 Ibid. p. 10 Compte rendu de la réunion du 4 juin 1980 du Groupe commun au Fonds d’Aménagement Urbain ainsi qu’à Habitat et Vie Sociale, AMM série T sous série 2T2/10. 58 346 Fontbouillant », présente un projet où la réhabilitation n’est absolument pas envisagée. L’option présentée part du constat que plus de 200 logements sont vacants dans les grands immeubles de Fontbouillant. L’amélioration de ces bâtiments hauts, compte tenu « de leur conception, qui conduit à l’entassement et la promiscuité, est illusoire »59. Ce projet estime donc nécessaire de démolir les cinq grands bâtiments, c’est-à-dire 990 logements, et de ne conserver que les 240 logements des petits bâtiments. Pour reloger les habitants des immeubles détruits, des « opérations-tiroirs » d’environ 800 logements sont envisagés à Fontbouillant mais aussi à la ZAC de Rimard pour rééquilibrer l’urbanisation sur la rive droite du Cher60. L’hypothèse de détruire des bâtiments dès le début des années 1980, n’est pas spécifique au quartier de Fontbouillant. Agnès Berland-Berthon61, montre, dans sa thèse de doctorat62, à travers les exemples de démolitions d’immeubles dans des grands ensembles de Douai, Beauvais et Meaux que dès, la première partie des années quatre-vingt, cette solution est déjà pratiquée. Elle explique également que dans chaque cas, la démolition se fait dans un contexte différent et que ce n’est pas nécessairement les immeubles les plus dégradés qui sont détruits. A Fontbouillant, la lenteur de la procédure peut donc s’expliquer par les réflexions et débats qui concernent les choix à faire pour la requalification de ce quartier. De nombreuses correspondances attestent de la collaboration entre les différents niveaux de décisions : municipalité, direction de la Construction, cabinet de Roger Quillot, ministre de l’Urbanisme et du Logement, et préfet de l’Allier63. Compte tenu du coût important des travaux nécessaires à la réhabilitation des grands immeubles de Fontbouillant et de la baisse de la population de ce quartier, le préfet de l’Allier est sceptique sur la possibilité de réhabiliter tous les immeubles. L’hypothèse de démolitions d’immeubles est donc tout à fait sérieuse64.
59 « Essai pour une démolition-reconstruction partielle programmée de l’ensemble de Fontbouillant à Montluçon », document de 1982, non signé, AMM série T sous série 2T2/10. 60 Ibid. 61
Agnès Berland-Berthon est maitre de conférences en aménagement de l’espace et de l’urbanisme à l’université de Bordeaux III et architecte DPLG.
62 Agnès-Berland-Berthon, « La démolition des immeubles de logements sociaux », op.cit. 63 Alain Ode, sous-pré
de Montluçon est aussi régulièrement sollicité pour faciliter l’avancé du dossier : lettre d’Alain Ode (sous-préfet de Montluçon) adressée à Pierre Goldberg, 28 septembre 1982. 64 Cf. sur cette question des démolitions d’immeubles à la fin des années 1970 et au cours des années 1980 : Agnès Berland-Berthon, La démolition des immeubles de logements sociaux, op.cit et Thibault Tellier, « De l’humanisation à la destruction du béton », op.cit. 347
La lenteur de des opérations HVS est l’un des griefs soulignés par le rapport Dubedout intitulé « Ensemble refaire la ville » en 1983. Il met aussi en évidence une procédure trop centralisée, dont l’intervention porte essentiellement sur le bâti au détriment des actions sociales65. Fontbouillant fait partie de la première génération d’opérations d’Habitat et vie sociale mises en œuvre de 1975 à 198166. Elle se limite dans ce quartier à un diagnostic de l’aspect architectural des immeubles. Elle semble donc s’être beaucoup éloignée des principes originels d’Habitat et vie social où l’animation des quartiers et la participation des habitants sont au centre des réflexions67. Thibault Tellier souligne « qu’au cours des séminaires régionaux Habitat et vie social qui préfigurent la mise en œuvre de la procédure nationale, l’enjeu de la participation, ainsi que la concertation avec les acteurs mobilisés pour la circonstance, constitue l’une des priorités pour les organisateurs68 ». Toutefois, au moment de la mise en place des premières opérations d’HVS, la notion de participation ne fait pas l’objet d’une définition claire69. Malgré une portée limitée en terme de réalisation, la procédure HVS permet à Fontbouillant de poser un diagnostic précis concernant l’état des immeubles de la cité. A partir de l’année 1985, la réhabilitation du quartier rentre dans une phase active grâce à la généralisation de mesures expérimentées lors des années 1981 à 1984 dans une dizaine
quartiers pilotes. 65 Renaud Epstein, La rénovation urbaine, op.cit., p. 38. Cf. Carte 27, « Les opérations Habitat et vie sociale, p. 349. 67 Cf. pp. 293-294. 68 Thibault Tellier, « L’empowerment au regard de l’histoire française de la participation des habitants », Recherche sociale no 209, 2014, pp. 14-24. 69 Ibid. 66 348
Carte 27: Les opérations
Habitat
et
vie sociale Source : Le devenir des quartiers Habitat et vie sociale. Diversité des trajectoires de 1977 à nos jours, Observatoire national de la politique de la ville, octobre 2018. 349 B. Nouvelle impulsion grâce au Développement social des quartiers et à Banlieues 89
Au mois de juillet 1981, le grand ensemble des Minguettes, à Vénissieux en banlieue lyonnaise, est le théâtre, pendant plusieurs nuits, d’incidents violents. Des jeunes se livrent notamment à des « rodéos », qui consistent à voler des voitures, s’amuser avec puis les asperger d’essences et les faire brûler70. Ces incidents marquent véritablement l’apparition du « problème des banlieues » dans les médias71, ils marquent comme le souligne Camille Canteux : « une rupture dans les représentations de ces quartiers. »72. Pourtant ces évènements des Minguettes, ne sont pas les premiers de ce type à se dérouler en banlieue lyonnaise. En 1979 et 1980, des jeunes du quartier des Grapinière à Vaulx-en-Velin et d’Olivier de Serres à Villeurbanne ont incendié des voitures, des bâtiments publics et affronté les forces de l’ordre73. Pour répondre à ces violences, le gouvernement socialiste, qui vient d’arriver au pouvoir74, décide de créer deux commissions75 : la Commission nationale pour le développement des quartiers (CNSDSQ)76 et la Commission des maires sur la sécurité. La première est présidée par le maire de Grenoble Hubert Dubedout et la seconde par celui d’Epinay-sur-Seine, Gilbert Bonnemaison. La Commission nationale pour le développement des quartiers met en place seize opérations pilotes pour expérimenter une nouvelle méthode d’action fondée sur le diagnostic territorial, le projet transversal et le contrat global. Elle généralise cette procédure de Développement social des quartiers (DSQ) par l’intermédiaire de contrats Etat-régions à partir de 1984. Le quartier de Fontbouillant bénéficie de cette nouvelle politique durant toute la durée du IXe Plan (1984-1988).
1. Améliorer le cadre de vie des habitants grâce au DSQ
Cette procédure DSQ est ambitieuse car elle ne vise pas seulement une amélioration du bâti, mais également de tout le cadre de vie des habitants du quartier. Elle veut aller plus loin que sa devancière, la procédure HVS qui n’était parvenu qu’à remplir une partie de sa mission.
70 Camille Canteux, Filmer les grands ensembles, op.cit., p. 295. Ibid. 72 Ibid. 73 Renaud Epstein, op.cit. p. 38. 74 Serge Berstein, Pierre Milza, Jean-Louis Bianco [et al] (dir), Les années Mitterrand : les années du changement (1981-1984), Paris, Perrin, 2001. 75 Ibid. 76 Ensuite
indi
qué dans mon
mémoire par son sigle CNDSQ. 71 350 Sur le plan du logement, la requalification de Fontbouillant, met en place plusieurs objectifs : - dédensification générale de la population selon deux axes de recherche : diminution du nombre d’habitants et du nombre de grands logements - dédensification des circulations : diminution de l’engorgement des halls et délestage des parties communes - rééquilibrage de la répartition des logements - sécurisation des caves qui sont à cette époque inutilisées - modification de l’image de marque de la cité et amélioration du cadre de vie par la mise en place de d’éléments de confort thermiques, phoniques, sanitaires. - mise aux normes de sécurité. Au vue de ces éléments, deux thèmes émergent nettement, la dédensification et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Tous les immeubles ne sont pas concernés par la première tranche de la réhabilitation qui débute en janvier 1986. Seuls les immeubles bas (R+4) et le bâtiment C sont impactés par ce premier programme. Les aménagements des petits bâtiments concernent essentiellement l’isolation thermique et phoniques ainsi que la réfection des façades. Pour le bâtiment C, la réhabilitation est plus importante puisqu’un réaménagement total de cet immeuble très dégradé est prévu. Les financements de ces actions se font dans le cadre de la Palulos. Cette subvention plafonnée, est calculée selon un certain pourcentage du prix des travaux et complétée par un prêt à taux réduit. Le DSQ vise également une prise en charge globale des problèmes du quartier de Fontbouillant et à ce titre de nombreuses actions d’accompagnement sont financées par différents partenaires. Les financements accordés pour ce type d’actions ne sont pas négligeables, puisque si on prend l’exemple de l’année 1985, l’État consacre 1,7 MF aux mesures d’accompagnement et la région Auvergne 0,9 MF77. Sans détailler toutes les actions mises en place chaque année dans ce cadre de la DSQ entre 1985 et 1988, il a été dégagé à Fontbouillant plusieurs priorités : le fonctionnement d’une antenne sociale, contrat d’agglomération en faveur des populations immigrés et le développement de la MJC. A côté de ce qui est en train de devenir la Politique de la ville, une mission nommée Banlieues 89 est créée en novembre 1983, dans le but de faire aboutir des projets qui donnent à certains secteurs urbains une identité et une meilleure qualité de vie.
2. Un projet ambitieux avec Banlieues 89
Il est parfois très difficile d’analyser correctement les différentes mesures qui se déroulent au milieu des années 1980 pour améliorer le cadre de vie dans les grands ensembles. Elles sont parfois imbriquées les unes dans les autres, sans qu’il soit toujours aisé de les différencier. En septembre 1985, des membres de Banlieues 89 sont en visite à Montluçon, dans le cadre de leur mission. Suite à cette visite, le conseil municipal de la ville78 décide de faire étudier par la mission Banlieues 89 un certain nombre de points impliquant la requalification de Fontbouillant : - les surcoûts architecturaux sur le bâti concernant les immeubles B, E et H ; - les abords et les liaisons des petits bâtiments - l’aménagement des espaces extérieurs. La mission confiée à Banlieues 89 semble donc s’articuler autour de la restructuration du parc de logement en permettant l’adaptation du nombre et de la taille des logements aux besoins analysés. J’ai tenté de comprendre dans quel contexte naît cette mission et ces apports théoriques ou plus concrets à la réhabilitation de la cité de Fontbouillant. Parmi les mesures, instances et missions qui ont œuvré à la réhabilitation de Fontbouillant, la mission Banlieues 89 prend une place à part. En effet, elle est probablement la moins connue des mesures, qui ont participé à la genèse de ce que l’on appellera à partir de la fin des années 80, la politique de la ville. Pour l’historien Thibault Tellier, cette mission se situe plutôt en marge de celle-ci79. Banlieues 89 est une association créée en 1981 par l’architecte Roland Castro et l’urbaniste Michel Cantal-Dupart qui a pour objectif de faire la « révolution en banlieue »80, c’est-à-dire 78
Extrait
du registre
des
délibérations
du
conseil municipal, séance
du
30 septembr
e
1985,
AMM
série T sous série 1
T
4
/1. 79 Soline Nivet et Thibault Tellier, « Les années 80, politiques urbaines », La Fabrique de l’Histoire, France Culture, https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/les-annees-80-34 80 Olivier Kraeppelin, « Interview de Roland Castro », Les Nuits magnétiques, France Culture, 17 avril 1984, INA. 352
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changer son image. Ils appartiennent à une génération d’architectes issues de la génération de mai 1968, qui ont eu pour enseignants aux Beaux-Arts, les concepteurs des grands ensembles. Cette génération s’est en quelque sorte révoltée contre la logique de ce type d’urbanisme81. Elle a, au cours des années soixante-dix, beaucoup débattu et participé à la critique des grands ensembles, mais elle n’a pas véritablement marqué de son empreinte l’urbanisme des villes82. Elle a en revanche pris les commandes dans les revues et les écoles et elle est consultée régulièrement par l’Union des HLM83. Toutes ces réflexions des années soixante-dix ont influencé En 1983, les créateurs de cette association font visiter à François Mitterrand, la banlieue parisienne et notamment la cité des 4000 à La Courneuve. A la suite de cette visite, ils sont chargés d’une mission interministérielle qui reprend le nom de leur association. Ce projet est à la base « d’inventer la ville en banlieue »84et de redonner une visibilité à ces villes. Le titre de Banlieues 89 fait notamment référence au bicentenaire de la révolution française et c’est cet esprit révolutionnaire qui habite le projet. En plus de cet héritage révolutionnaire de 1789, ce nom fixe un horizon, l’année 1989 pour la réalisation de projets. Banlieues 89 n’est qu’une partie des multiples mesures qui se succèdent et se complètent pour changer en quelque sorte la vie dans les grands ensembles. Il est difficile de connaître son apport réel, car les historiens, excepté Thibault Tellier, se sont peu penchés sur cette question. Sans doute par manque de recul mais aussi par la quasi absence des sources. Les archives de cette mission entreposées dans les sous-sols de la Délégation interministérielle de la ville à Saint-Denis ont en effet péri au cours d’une inondation85. Difficile de se faire véritablement une idée précise de son efficacité au niveau national. J’ai tout de même grâce aux sources audio-visuelles de l’INA et à l’émission de France Culture d’Emanuel Laurentin86 pu mieux comprendre la philosophie de ce projet. Je vais pour ma part tenter d’apporter une petite contribution à ce sujet en analysant l’apport de cette mission lors de la réhabilitation de Fontbouillant.
81 Soline Nivet et Thibault Tellier, « Les années 80, politiques urbaines », op.cit. Ibid. 83 Jean Louis Violeau, Les architectes et Mai 68, Paris, Éditions Recherches, 2005. 84 Olivier Kaeppelin, « Interview de Roland
», op.
cit
. 85 Ammara Bekkouche, « De Banlieues 89 à Jean Louis Borloo », Revue Urbanisme, n°332, sept-oct. 2003, pp. 304-305. 86 Soline Nivet et Thibault Tellier, « Les années 80, politiques urbaines », op.cit. 82 353
Le but des fondateurs de Banlieues 89, n’est pas simplement d’intervenir sur les grands ensembles, mais d’embellir les banlieues et de les faire participer à la « civilisation urbaine »87. Alice Sotgia et Thibault estiment que cette idée n’est pas véritablement nouvelle et « s’inscrit dans les réflexions anciennes sur l’organisation des villes et de la place du logement en son sein »88. Cette idée d’embellissement n’est pas nouvelle puisque : Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’on retrouve cette idée d’embellissement dans les projets de Napoléon III et de Georges Eugène Haussmann pour Paris89. C’est avec cette philosophie que cette mission doit intervenir à Montluçon pour tenter de transformer deux quartiers très différents : la cité ouvrière Dunlop, que la ville de Montluçon vient de racheter et le grand ensemble de Fontbouillant. Cette mission Banlieues 89 a surtout laissée des traces aux archives municipales concernant le projet prévu à Fontbouillant. Le nombre de 80 logements par entrée est source de vandalisme, de problèmes de voisinage et de nuisances. Réduire le nombre de logements par entrée pour ces bâtiments est donc l’une des mesures du projet de la réhabilitation de la cité. Le projet de réhabilitation lourde du bâtiment C est basé sur cette dédensification en multipliant les accès qui doivent desservir un nombre minime de logements. C’est pour continuer cette volonté de dédensification et également pour rechercher une cohérence globale de la transformation du cadre de la cité que le conseil d’administration90 en est venu à faire établir un plan d’aménagement par la mission Banlieues 89. Cette mission s’inscrit dans le projet de dédensification de la cité, de considérer chaque grand bâtiment comme une entité à part et d’ouvrir le quartier sur l’extérieur. Mais c’est surtout grâce à Banlieues 89, que l’OPHLM et la ville envisagent la démolition partielle du bâtiment B. Ce programme, grâce aux déplafonnements du taux de subventions, permet d’obtenir des possibilités de financement intéressant. Malheureusement, en 1987, ce programme ne peut tenir ses engagements et le projet d’écrêtage du plus grand immeuble de Fontbouillant est remis en cause. Je décrirai plus en détail cette question du bâtiment B, dans la partie qui lui est consacrée91. Banlieues 89, n’a donc pas laissé à Fontbouillant, l’empreinte qu’elle souhaitait.
87 Alice Sotgia et Thibault Tellier, « Banlieues 89 et la construction du Grand Paris » (1983-1991), https://www.inventerlegrandparis.fr/article/banlieues-89-et-la-construction-du-grand-paris-1983-1991/ 88 Ibid. 89 Florence Bourillon, « Des relectures d’Haussmann », Histoire urbaine, 2002, no 5, pp. 189 à 199, et Florence Bourillon et Annie Fourcaut, Agrandir Paris 1960-1970, op.cit. 90 Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, séance du 30 septembre 1985, AMM série T sous série 1T4/1. 91 Cf. pp. 371-377. 354
Son apport à Montluçon comme dans les autres villes où elle intervient, est finalement dilué avec l’ensemble des autres mesures. Ce programme a l’ambition première de redorer le blason de la banlieu e vis-à-vis de la capitale. Elle n’est donc pas simplement dévolue à la réhabilitation des grands ensembles. Son projet ambitieux d’améliorer l’image des certains quartiers trouve un écho dans des villes de province. Son projet ne se focalise pas seulement sur l’amélioration du bâti ou les problèmes sociaux, mais ambitionne de changer l’image de quartiers en difficulté et de les ouvrir aux autres quartiers de la ville. Ces résultats ne sont pas toujours palpables, d’une part car les réalisations émanant de ce groupe sont diluées avec les autres mesures qui lui sont contemporaines. L’ambition de cette mission est très alléchante, mais ses résultats restent limités et peu quantifiables. En revanche, elle a tout de même influencé les politiques de la ville qui vont se succéder par la suite. Mais, situé en marge du DSQ, mesure annonciatrice de la Politique de la ville, c’est avec la naissance de celle-ci que tout comme le DSQ, elle disparait. A Fontbouillant, son échec principal a été de ne pas tenir ses engagements concernant le financement de l’écrêtage du bâtiment B. Cet échec a donc conduit la municipalité et l’OPHLM à envisager la destruction de ce bâtiment plutôt que sa démolition partielle.
III. A Fontbouillant : réhabilitation et démolition mêlées
Différentes appellations sont utilisées pour caractériser la réhabilitation du grand ensemble de Fontbouillant. A côté du terme de « réhabilitation », certains documents évoquent une « rénovation », une « requalification » ou encore une « restructuration ». J’ai donc souhaité pour éviter toute confusion, expliquer ce que recouvre dans cette thèse le vocable de « réhabilitation ». Pour Françoise Choay et Pierre Merlin, il s’agit, « des procédures visant la remise en état d’un patrimoine architectural et urbain déconsidéré92 ». En suivant cette définition, on comprend que la réhabilitation d’un grand ensemble a pour objectif d’améliorer l’habitat, mais d’une façon plus poussée, car il s’ agit aussi de revaloriser l’image de celui-ci. Elle correspond donc bien à la philosophie portée par l’émergence des politiques de la ville, 92 Françoise Choay et Pierre Merlin, op.cit., p. 761. 355 même si elle ne porte pas encore ce nom, c’est-à-dire les procédures HVS et DSQ ainsi que celle de la mission Banlieue 89. La réhabilitation se différencie donc d’une restauration, qui implique un retour à l’état initial des façades et des toitures des bâtiments93. Elle semble surtout s’opposer à la rénovation qui est, comme nous l’avons vu en Ville-Gozet de 1960 à 1981, une opération de démolitionreconstruction. Cette dernière a souffert de sa mauvaise réputation acquise lors de la politique de rénovation urbaine gaulliste. Mais cette tentation de « table rase » n’est pas totalement absente des débats qui précèdent cette réhabilitation de Fontbouillant. Le projet de réhabilitation évolue au fur et à mesure des années sous les impératifs budgétaires, les choix de la municipalité, de la région et de l’État. Le conseil d’administration de l’OPHLM qui se réunit en séances les 30 juin et 15 septembre 1984 examine et analyse les différentes hypothèses envisagées pour le devenir de la cité de Fontbouillant94. Il se base notamment sur les données sociales et des problèmes diagnostiqués par le pré-dossier HVS de 1979. Le diagnostic concernant le bâti évalué par le Bérim en 1981, a également permis de se faire une idée plus précise des travaux de restructuration voire de démolition à envisager. A. Aspect architectural et social, deux problèmes imbriqués Dans le cadre de la procédure d’action HVS dont le pré-dossier a été présenté en 1979, de nombreuses réunions se sont déroulées avec les locataires pour indiquer quels étaient les objectifs de la municipalité95. Les caractéristiques sociales de la cité, forte présence de ménages de nationalité étrangère, taux de chômage important ne sont pas spécifiques au grand ensemble de Fontbouillant. Lors de la mise en service de la cité de 1961 à 1962, les habitants sont majoritairement des employés et ouvriers des grandes entreprises de la ville (Dunlop, Landis et Gyr, Sagem, Saint-Gobain et Saint-Jacques) et des fonctionnaires. Progressivement à partir de 1966, les ménages les plus
93 Ibid. p.761. « Avant-projet sommaire de la réhabilitation-restructuration de la première tranche de la cité de Fontbouillant », AMM série T sous série 2T2/11. 95 Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, séance du 20 décembre 1979, AMM série T sous série 2T2/11. 94 356 solvables sont encouragés à accéder à la propriété96.
La crise économique s’installe durablement dans le pays à partir de 1973 et accentue les problèmes économiques de Montluçon symbolisés par la fermeture des usines sidérurgiques. De nombreux habitants de Fontbouillant perdent leur emploi au début des années 1980 avec la fermeture de la Société d’emballage plastique, qui a succédée à Saint-Gobain, et le dépôt de bilan de la société Dunlop. Ces évènements marquent véritablement les débuts de la désindustrialisation Montluçon. J’utilise ce terme dans le sens où « les activités industrielles de la ville régressent et où les emplois correspondant à ces activités diminuent de manière drastique97 ». Sur le plan national, le gouvernement de Pierre Mauroy se retrouve confronté aux effets de la crise économique : licenciements massifs et conflits sociaux. A partir de la mi-mai 1982, une politique économique de rigueur prend la suite de la politique volontariste symbolisée par les nationalisations. La priorité est donnée au rétablissement des grands équilibres budgétaires et à la lutte contre l’inflation98. Cette situation économique locale et nationale, nécessite une prise en compte des problèmes sociaux des habitants du quartier de Fontbouillant. Ils se concentrent en particulier dans les grands bâtiments.
1. Concentration des problèmes dans les grands bâtiments
Les problèmes de cette cité sont essentiellement concentrés dans les immeubles de onze niveaux. Ces cinq bâtiments concentrent 1 022 logements à raison de 85 logements par cage d’escalier. Cette densité de logements a pour conséquence un énorme passage dans les grands halls d’entrée de ces bâtiments. Ces halls destinés au départ à être un accès, sont devenus des lieux de vie à part entière. La vacance des logements est considérable en 1984 puisqu’elle représente 18% du parc de la cité. Ce phénomène n’est pas nouveau, puisqu’en 1979, 140 appartements étaient inoccupés. Ces 227 logements vacants sont exclusivement situés dans les grands immeubles. 96
Sabine Effosse, L’invention du logement aidé, op.cit., Hélène Frouard, « Tous propriétaires? », op.cit. et Romain Gustiaux, « La loi Barre relative au financement du logement », op.cit. 97 Marion Fontaine et Xavier Vigna, « La désindustrialisation une histoire en cours » ; 20&21. Revue d’Histoire, 2019, no 144, pp. 2-17. 98 Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre (dir.), « 1983, un tournant libéral? », dossier spécial de Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2018, no 138. En plus des problèmes de vacance de logements, d’autres éléments caractérisent ce grand ensemble. Cette occupation de 1 232 logements par plus de 3 000 personnes se signale de la façon suivante99 : - une concentration de familles immigrées (en particulier sur les bâtiments R+10) : un ménage sur cinq et une personne sur quatre sont de nationalité étrangère. - la présence de 200 familles de 5 personnes et plus dont une quarantaine se composent de 8 à 10 personnes. - le poids des jeunes : la moitié de la population a moins de 25 ans. - l’ampleur exceptionnelle du chômage qui affecte un actif sur quatre et même un actif sur trois dans certains bâtiments R+10. - la faiblesse des revenus, illustrée par le fait que 40% des ménages ne disposent pas de voiture. Dans ces conditions, les problèmes de surocuppation des logements et des parties communes sont facilement compréhensibles. Car l’une des difficultés de cette cité c’est la forte densité qui caractérise certains bâtiments.
2. Le problème de la densité
Les 1230 logements répartis sur 9 hectares correspondent à une densité de 140 logements par hectare soit près de deux fois celle admise dans la plupart des logements neufs. Mais l’agencement, plutôt bien pensé, avec des immeubles assez éloignés les uns des autres et des espaces verts assez nombreux, ne donnent pas une impression oppressante lorsque l’on traverse la cité. Surtout, la disposition des bâtiments permet à chaque immeuble de ne pas avoir de visà-vis. Ce qui pose problème, c’est essentiellement, la conception architecturale des bâtiments de onze niveaux comportant huit logements par palier, qui canalise près de 350 personnes dans un hall d'entrée. Cette concentration est incompatible en gestion HLM avec un bon climat de voisinage et l’absence de dégradation. De là, naissent la plupart des nuisances énoncées par les habitants questionnés : dégradation des halls et paliers, bruits entre les logements et présences des jeunes dans des entrées mal conçues. 99 Ibid. 358 Pour remédier à cela, il semble primordial de dédensifier cette cité. Cela passe par la diminution du nombre de logements qui doit être ramené de 1230 à 973. Si le projet de la réhabilitation n’est pas définitivement fixé à ces débuts en 1986, la répartition des logements par type de bâtiments semble clairement définie100.
Tableau 28: Répartition du nombre de logements avant et après la réhabilitation Types de bâtiments Nombre de logements Nombre de logements Avant la réhabilitation Après la réhabilitation T3 : 120 T3 : 120 T4 : 120 T4 : 120 Bâtiments bas (R+4) Chambre individuel Bâtiment haut (R+10) étudiant : 188 T1 : 32 T1 48 T2 : 276 T2 188 T3 : 255 T3 152 T4 : 240 T4 62 T5 : 220 T5/6 55 Source: AMM série T sous série 2T2/11
La répartition des logements des petites barres d’immeubles reste identique, leur réhabilitation concerne essentiellement l’amélioration de l’isolation thermique et acoustique. C’est bien entendu les grands immeubles qui sont concernés par cette dédensification et la nouvelle répartition des logements. Le nombre des petits logements est très nettement augmenté au dépend des grands appartements. Ce sont les logements de type 4 qui subissent la plus grande diminution puisque près de 80 % ’entre eux doivent être supprimés lors de cette réhabilitation. 100 Cf. Tableau 28, « répartition du type de logements avant et après la réhabilitation », p. 359.
359 La municipalité souhaite dédensifier le quartier pour limiter le nombre de logements vacants et les problèmes de nuisances dans les halls souvent imputées aux jeunes du quartier.
3. Des jeunes en « galère «?
Quelques mois après sa mise en service, la cité de Fontbouillant est composée de plus de 50 % de jeunes de moins de 21 ans101. On retrouve cette proportion de jeunes dans les études menées sur les grands ensembles au milieu des années soixante102. En 1986, au début de la réhabilitation de la cité de Fontbouillant, la moitié de sa population a moins de 25 ans, contre 40 % pour le reste de la ville103. La paupérisation de ce grand ensemble entraine, au cours des années soixante-dix, une montée de la petite délinquance104. Ce n’est pas surprenant puisque le lien est précocement établi par certains sociologues comme François Dubet entre la dégradation des grands ensembles et la « galère » vécue par certains jeunes105. Les archives municipales n’évoquent pas précisément le thème de la délinquance à Fontbouillant. Il est donc difficile d’évaluer l’ampleur du problème mais il est difficile de nier la mauvaise réputation du quartier surnommé « Chicago ». Seul un rapport d’Éric Mollet, éducateur de rue106, permet de mieux comprendre comment s’organisent les jeunes dans cette cité107. A Fontbouillant, la constitution de groupes de jeunes ne se situe pas autour d’un leader unique, mais sur les bases de l’espace social qu’offrent les immeubles de dix étages. Les jeunes se regroupent par entrée de grands bâtiments, selon l’endroit où ils vivent. Les jeunes des petits bâtiments s’ajoutent à cela, selon les affinités qui peuvent se créer. Cette analyse de la situation décrite par Éric Mollet, éducateur de l’association « Sauvegarde de l’enfance », restitue assez fidèlement l’organisation des jeunes de ce quartier. En revanche, les tensions ne se cristallisent pas entre les groupes des différents immeubles, mais vers l’extérieur de la cité. Il existe,
101 Recensement des occupants des immeubles de la cité Fontbouillant au 1er mai 1962, AMM série Q sous série 4Q3/7. 102 Paul Clerc, Grands ensembles banlieues nouvelles. Enquêtes démographiques et psycho-sociologiques, Paris, Presses universitaires de France, 1967. 103 Réunion du 27 juin 1986 concernant la réhabilitation de la cité de Fontbouillant. AMM série T Sous série 2T2/11. 104 « La cité de Fontbouillant trente ans après », DDE de l’Allier, septembre 1990, AN Pierrefitte sur Seine. 105 François Dubet, La galère : jeunes en survie, Paris, Fayard, 1987. Thibault Tellier souligne l’apport des sociologues sur ce : Thibault Tellier, « Les jeunes des ZUP : nouvelle catégorie sociale de l’action publique durant les Trente Glorieuses, Histoire@Politique. Politique, culture, société, 2008, no 4. 106 « Compte rendu de bilan d’Éric Mollet éducateur de rue, lors de sa présence à Fontbouillant », 28 octobre 1986. AMM série T sous série 2T2/11. 107 Sur l’évolution de la fonction des éducateurs de rue : Bernard Monnier, « La prévention dans la rue : les éducateurs de rue face aux nouveaux intervenants », Informations sociales, 2010, no 161, pp. 84-92. 360 notamment
chez les adolescents de
12-15
ans, un sentiment de souffrir d’une mauvaise réputation. Dès qu’une occasion se présente, il y a selon cet éducateur de rue, la volonté des jeunes de Fontbouillant d’inverser ce sentiment d’infériorité bien présent dans les mentalités du quartier. Cet éducateur de rue, souligne que de nombreuses activités sont proposées aux enfants et adolescents, par les nombreuses structures du quartier : MJC, Maison de l’enfance et Club de jeunes. Il constate également que le soir de 20h à 23h et même au-delà, des groupes d’enfants de moins de onze ans sont au pied des bâtiments. Il préconise un dialogue avec les parents concernés, pour leur rappeler leur responsabilité éducative. Mais il a conscience, qu’une telle démarche ne peut se faire que progressivement108. Concernant les actions menées auprès des jeunes, le directeur de la MJC109, estime que cette structure parvient à rester au contact des jeunes, mais qu’elle ne dispose pas de moyens humains, matériels et financiers pour intervenir comme il serait souhaitable. Le programme de la MJC, mis en place par la direction et les animateurs, montre une grande diversité des activités proposées au cours de la semaine. Elle a également un rôle très important auprès des populations d’origine étrangère de Fontbouillant. 4. Une population immigrée importante et bien intégrée
La liste numérique des étrangers résidant à Montluçon en 1983, montre qu’il y a 2 946 étrangers dans une commune qui compte 49 912 habitants au recensement de 1982.110. Ces chiffres ne prennent en compte que les immigrés qui n’ont pas obtenu la nationalité française. A Montluçon, la mise en place d’actions spécifiques en faveurs des populations immigrées de la ville débute véritablement avec la signature du contrat d’agglomération, le 29 novembre 1984111. Il met en évidence, que la population immigrée de la ville augmente de manière importante. Entre le 31 décembre 1983 et le 31 décembre 1984, la population résidant à Montluçon de nationalité étrangère passe de 2946 à 3461 personnes soit une augmentation de 17,5 %112 dans une ville qui a pourtant perdu 6 556 habitants de 1975 à 1982.
108 Ibid. Laurent Besse, Les MJC 1959-1981 : de l’été des blousons noirs à l’été des Minguettes, op.cit. 110 Cf. Tableau 29, « Répartition du nombre d’étrangers résidant à Montluçon en 1983, selon leur nationalité, p. 363. 111 Convention du contrat d’agglomération en faveur de l’insertion des communautés d’origine étrangère, 29 novembre 1984, AMM série T sous série 1T4/1. 112 Ibid. 109 361
C’est d’ailleurs ce contrat qui permet de mieux connaître la répartition des immigrés dans les différents quartiers de la ville.
Tableau 29: Répartition du nombre d'étrangers résidant à Montluçon en 1983, selon leur nationalité Nationalité Nombre Pourcentage Algériens 347 11,9 Espagnols 174 6 Italiens 159 5,4 Marocains 143 5 Polonais 155 5,3 Portugais 1540 52,2 Turcs 241 8,2 Autre nationalité 187 6 2946 100
Source : Liste numérique des étrangers résidant à Montluçon en 1983. AMM série T sous série 1T
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1350 Ibid. Cette condition n’est pas apparue avec l’article 60. Voir la prétention de la Finlande dans l’affaire devant la CPJI, Statut de la Carélie orientale, op.
cit
., note 85, p. 7 : La prétention de la Finlande est publiée dans le Rec., Série C, n° 3/4, pp. 150-151 ; Sentence arbitrale, Tacna-Arica,
op. cit., note 106, pp
.
929
-930 ; la condition de la réaction proportionnelle a ensuite été citée dans plusieurs affaires : CIJ, Affaire de la compétence du Conseil de l’OACI, op. cit., note 186, § 38 ; CIJ, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, op. cit., note 208, p. 50, § 104 ; CIJ, Affaire relative au projet Gabčikovo-Nagymaros, op.
cit., note 295
,
pp. 62-64
,
§§ 105110. 1347 361 485. En droit de la responsabilité, le principe de proportionnalité a largement été consacré dans la pratique étatique1351, la jurisprudence1352 et la doctrine1353. S’il y a un consensus sur la positivité du principe dans l’évaluation de la légalité d’une contre-mesure, les opinions divergent quant à ce que recouvre le concept de proportionnalité1354. La détermination du Voir par exemple, la position de l’Allemagne, in Sentence arbitrale, Tribunal arbitral Portugal/Allemagne institué en vertu du § 4 de l’Annexe aux articles 297 et 298 du Traité de Versailles, Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies portugaises du Sud de l’Afrique (incident de Naulilaa), op. cit., note 1335, et également in CDI, « Responsabilité des Etats – Commentaires et observations reçus des gouvernements », Cinquantième session, Genève, 20 mai-12 juin 1998 et NewYork, 27 juillet – 14 août 1998, Ann.CDI, vol. II, Part. 1, 1998, Doc ONU A/CN.4/488, p. 158 ; la position de la France in Sentence arbitrale, Affaire concernant l’Accord relatif aux services aériens, op. cit., note 1336 ; la position du Pakistan in CIJ, Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, op. cit., note 186, § 38, la position de l’Autriche in CDI, « Responsabilité des Etats... », Ibid., p. 158, la position des Etats-Unis in CDI, « Responsabilité des Etats... », Ibid., pp. 158-159 ; la position de l’Irlande in CDI, « Responsabilité des Etats... », Ibid., p. 160, et de la République Tchèque in CDI, « Responsabilité des Etats... », Ibid., p. 160. 1352 Sentence arbitrale, Tribunal arbitral Portugal/Allemagne institué en vertu du § 4 de l’Annexe aux articles 297 et 298 du Traité de Versailles, Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies portugaises du Sud de l’Afrique (incident de Naulilaa), op. cit., note 1335 ; Sentence arbitrale, Affaire concernant l’Accord relatif aux services aériens, op. cit., note 1336 ; CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, op. cit., note 109, § 269 ; CIJ, Affaire relative au projet Gabčikovo-Nagymaros, op. cit., note 295, § 85 ; CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, op. cit., note 216, § 41. 1353 Article 6 § 2, Résolution de Paris sur le régime des représailles en temps de paix, AIDI, 1934, vol. 38, p. 710 ; AGO (R.), « Le délit international », RCADI, vol. 68, 1939, p. 536 ; ALLAND (D.), Justice privée..., op. cit., note 1328, pp. 292 et s. ; BENNOUNA (M.), « Le règlement des différends peut-il limiter le “droit” de se faire justice à soi-même? », EJIL, vol. 5, n° 1, 1994, p. 62 ; BOISSON DE CHAZOURNES (L.), Les contre-mesures dans les relations internationales économiques, Pedone, Paris, 1992, p. 56 ; BOURQUIN (M.), « Règles générales du droit de la paix », RCADI, vol. 35, 1931-I, p. 223 ; BOWETT (D.W.), « Economic Coercion and Reprisals by States », VJIL, vol. 13, n° 1, 1972, p. 10 ; BROWNLIE (I.), International Law and the Use of Force by States, Clarendon Press, Oxford, 1963, pp. 219-220; De La BRIERE (Y.), « Evolution de la doctrine et de la pratique matière de représailles », RCADI, vol. 22, 1928, p. 247 ; JAGOTA (S.P.), « State Responsibility : Circumstances Precluding Wrongfulness », NYIL, vol. 16, 1985, pp. 249-277, en particulier p. 258O’KEEFE (R.), « Proportionality », in CRAWFORD (J.), PELLET (A.), OLLESON (S.), PARLETT (K.) (dir.), The law of international responsibility, Oxford University Press, 2010, p. 1157 ; REUTER (P.), Droit international public, 6ème éd., PUF, Paris, 1983, p. 463 ; SCHACHTER (O.), « International Law in Theory and Practice – General Course in International Law », RCADI, vol. 178 , 1982-V, p. 178 ; SICILIANOS (L.-A.), Les réactions décentralisées à l’illicite. Des contre-mesures à la légitime défense, LGDJ, Paris, 1990, p. 273 ; TOMUSCHAT (C.), « Repressalie und Retorsion – Zu einige Aspekten ihrer inerstaatlichen Durchführung », ZaöRV, vol. 33, n° 1, mars 1973, p. 192 ; TUNKIN (G.I.), Droit international public. Problèmes théoriques, Pedone, Paris, 1965, p. 198 ; VENEZIA (J.-C.), « La notion de représailles en droit international public », RGDIP, vol. 64, 1960, pp. 465-498, en particulier p. 487 ; ZEMANEK (K.), « The Unilateral Enforcement of International Obligations », ZaöRV, vol. 47, 1987, p. 42 ; ZOLLER (E.), Peacetime Unilateral Remedies : An Analysis of Countermeasures, Transnational Publ., Dobbs Ferry N.Y, 1984, pp. 131-137. Le principe de proportionnalité en tant que condition à satisfaire a été largement admis à l’occasion des travaux de codification de la responsabilité de l’Etat. 1354 BELAICH (F.), « Les réactions des gouvernements au projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats », AFDI, 1998, p. 528. 1351 362
contenu du principe est proportionnellement inverse à la reconnaissance de son utilité1355. Il est à noter que les difficultés d’analyse de la condition de proportionnalité en matière de suspension des traités sont semblables à celles rencontrées en droit de la responsabilité1356. Nous les étudierons ensemble. 486. L’article 54 du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales a retenu que « les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la gravité du fait internationalement illicite et des droits en cause » (nous soulignons). Le premier critère, celui se rapportant au dommage, a été le premier suggéré comme critère d’examen de la licéité d’une contre-mesure. Il a toutefois l’inconvénient d’être difficilement appréciable tant il fait appel à une appréciation subjective. On observe aisément que ce qui peut apparaître comme une lésion importante pour l’Etat ne soit pas perçu comme tel par l’organisation internationale. Dès lors, l’échelle de l’intensité du dommage ne peut servir de référence objective pour l’examen de la proportionnalité de la contre-mesure. Au surplus, ainsi que le souligne Linos-Alexandre Sicilianos, « le critère de la quantification des “maux” [...] semble inconciliable avec le principe selon lequel un Etat ne saurait punir un autre Etat [...] puisqu’il traduit justement l’idée de vengeance »1357. Les commentaires émis à l’égard de l’article 51 des Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite – rédigé dans des termes identiques à l’article 54 du Projet d’articles – a dans cet ordre d’idée prévu que le critère quantitatif soit combiné à des critères dits « qualitatifs », soit « la gravité du fait internationalement illicite et les droits en cause ». Il ressort des commentaires de cet article que « [l]’expression “les droits en cause” a un sens large, et vise non seulement les effets d’un fait illicite sur l’Etat lésé mais aussi les droits de l’Etat responsable »1358. Dès lors, c’est au regard de tous ces éléments que nous devons examin si la mesure de mise à l’écart de 1355 Denis Alland la qualifie ainsi de « mesure vide » tant la notion est imprécise, in ALLAND (D.), Justice privée..., op. cit., note 1328, p. 303. Linos-Alexandre Sicilianos explique cette imprécision « par l’“élasticité” inhérente à la notion de proportionnalité », in SICILIANOS (L.-A.), op. cit., note 1353, p. 273. 1356 Les difficultés rencontrées dans les deux matières sont semblables à l’exception d’une question qui se pose pour les mesures de réciprocité : l’Etat lésé est-il libre de suspendre la disposition qu’il souhaite? Si pour Bruno Simma, appliquant le concept de la divisibilité des dispositions du traité, non entièrement acquise, « an innocent party may only terminate the provisions that form the counterparts of the violated ones or are reasonably related to them » (in « Reflections on Article 60 of the Vienna Convention on the Law of Treaties and Its Background in General International Law », ÖZöR, vol. 20, 1970, p. 31), la CIJ a rejeté cette position. Voir CIJ, Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, op. cit., note 186, § 30. Dans le même sens, voir ALLAND (D.), Justice privée..., op. cit., note 1328, pp. 297-298. 1357 SICILIANOS (L.-A.), op. cit., note 1353, p. 276. 1358 Article 51, Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, op. cit., note 300, p. 370. Voir également l’affaire de la CIJ, Affaire relative au projet GabčikovoNagymaros, op. cit., note 295, § 85 ; Voir également sur l’interprétation de ce passage de la disposition, O’KEEFE (R.), op. cit., note 1353, pp. 1161-1162. 363 l’immunité est proportionnelle au sens de l’article 54 des Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales et de l’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales : nous nous attacherons à examiner dans un premier temps la proportionnalité du dommage (I) et dans un second temps la gravité du fait internationalement illicite et l’importance des droits en cause (
II)1359. I/ Proportionnalité et évaluation du dommage subi 487.
Le dommage subi est le premier élément d’appréciation de la proportionnalité de la mesure. Formulé à l’article 54 du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales1360, cet élément « quantitatif » d’évaluation prévoit que sont justifiées les Nous n’avons pas retenu la lecture du principe de proportionnalité selon laquelle ce principe serait en réalité une exigence négative. Certes, cette idée est ressortie clairement de la jurisprudence et a été soutenue par certains membres de la Commission du droit international. Voir en ce sens, Sentence Arbitrale, Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies portugaises du Sud de l’Afrique (incident de Naulilaa), op. cit., note 1335 : « on devrait certainement considérer, comme excessives et partant illicites, des représailles hors de toute proportion avec l’acte qui les a motivées » (nous soulignons) ; Voir également Sentence arbitrale, Affaire concernant l’Accord relatif aux services aériens, op. cit., note 1336, § 83, dans laquelle il a été jugé qu’on ne « saurait considérer que les mesures qui ont été l’objet de l’action des Etats-Unis aient été clairement disproportionnées à celles prises par la France ». Plusieurs membres de la Commission du droit international se sont prononcés en faveur de cette lecture du principe de proportionnalité. Voir en ce sens, Gaetano Arangio-Ruiz, « Quatrième rapport sur la responsabilité des Etats », op. cit., note 190, § 54 ; Willhem Riphagen proposa une disposition dans le cadre des travaux de la Commission du droit international relatif à la responsabilité de l’Etat selon laquelle, « [l]’exercice de ce droit par l’Etat lésé ne doit pas être, dans effets, manifestement disproportionné par rapport à la gravité du fait internationalement illicite », in Willem Riphagen, « Sixième rapport sur le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du projet d’articles) ; et “Mise en œuvre” de la responsabilité internationale et règlement des différends (troisième partie du projet d’articles) », Ann.CDI, vol. II, Part. 1, 1985, Doc ONU A/CN.4/389, pp. 11-12, Art. 9, § 2. 1360
Voir les commentaires au sujet de l’article 51 in Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, op. cit., note 300, p. 370, §§ 6-7. Comme mentionné auparavant, ces articles s’appliqueront par analogie à l’article 54 du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales. 1359 364 mesures qui sont proportionnelles au regard du « préjudice subi »1361. L’idée, qui avait été également suggérée par le gouvernement allemand lors de l’affaire Naulilaa, consistait à éviter les mesures disproportionnées compte tenu de l’intensité du dommage1362. Dans le mécanisme de la contre-mesure, la réaction implique qu’un Etat qui s’estime victime d’un comportement illicite dispose de la capacité de réagir par des mesures contre le sujet auteur du comportement litigieux. Dès lors, l’examen de la proportionnalité de la mesure de mise à l’écart de l’immunité passe par l’observation du dommage subi qui pourrait être causé par la violation par une organisation internationale de son obligation de prévoir un mécanisme de règlement des différends. En droit de la responsabilité, toutes les atteintes ne sont pas de nature à être qualifiées de préjudice au sens du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales. Seuls les préjudices consécutifs à l’« atteint[e] [d’un] droit subjectif »1363 sont de nature à justifier l’adoption de contre-mesure. On se souvient de l’affaire de la Barcelona Traction, dans laquelle la CIJ avait à se prononcer sur une réclamation en protection diplomatique. Alors qu’elle étudiait les lésions subies par les actionnaires d’une société résultant de la violation des droits de la société, elle rappelait que toutes les lésions ne donnaient pas lieu à l’engagement de la responsabilité, et que « [l]a responsabilité n’[était] pas engagée si un simple intérêt [était] touché ; elle ne l’est que si un droit est violé »1364. Dès lors, répondre à la question de savoir si la violation de l’obligation conventionnelle de prévoir un mécanisme de règlement des différend a créé un dommage pour l’Etat implique de s’interroger en premier lieu sur le fait de savoir si cette obligation créé un droit subjectif à l’égard de l’Etat (a) puis sur l’existence du dommage pour l’Etat (b). a) L’absence du critère du droit subjectif 488.
Lorsqu’une obligation conventionnelle de prévoir un mode alternatif de règlement des différends existe1365, cette dernière a pu être rapprochée du droit d’accès à un juge1366. La rédaction de l’article 6 § 1 de la CvEDH – « Toute personne a droit à ce que sa cause soit 1361 Ibid. Sentence Arbitrale, Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies portugaises du Sud de l’Afrique (incident de Naulilaa), op. cit., note 1335
.
1363
DUPUY (P.-M.), KERBRAT (Y.), op. cit., note 196, p. 553, § 481 ; Dans le même sens, DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), op. cit., note 32, p. 882.
1364
CIJ, Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, op. cit., note 350, pp. 35-36, §§ 46. 1365 Pour des exemples d’obligations conventionnelles, voir les conventions citées dans le Chapitre 5 (en particulier note 140). 1366 Voir Supra les développements du Chapitre 6. 1362 365 entendue [...] »1367 – a été comprise comme créant à l’égard du particulier un droit. Toutefois le doute portait sur la qualification de ce droit en tant que droit procédural ou droit substantiel. En effet, l’énoncé de l’article se poursuit de la manière suivante : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial [...] »1368. Aucune position cohérente ne se dégage de la jurisprudence nationale. Le juge canadien s’était prononcé sur cette question au sujet de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques1369. Selon lui, le droit reconnu à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, « à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial », n’est qu’un droit procédural et non un droit substantiel1370. Le juge belge a quant à lui estimé dans l’affaire Etat belge c. International Hotels Worldwide Inc que le bon fonctionnement de l’organisation internationale prévaut sur la protection des droits subjectifs – en l’espèce le droit d’accès à un juge – telle que garantie par la CvEDH1371. Questionnant le caractère substantiel du droit d’accès à un juge, Giuliana Fasano constate que si le droit d’accès à un juge n’est pas per se un droit subjectif, il n’en reste pas moins un outil permettant la garantie de droits substantiels1372. De cette caractéristique, elle tire la conclusion que « le droit d’accès à un juge pourrait être, lui-même, considéré comme une composante des droits inviolables substantiels de la personne humaine »1373. 489. Même si l’on devait reconnaître le caractère subjectif du droit d’accès à un juge, cela ne serait pas suffisant pour justifier la contre-mesure de l’Etat et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il serait hâtif de conclure que la reconnaissance du caractère subjectif du droit d’accès au juge emporte une solution identique s’agissant de l’obligation de prévoir un mode alternatif de règlement des différends. La cour d’appel du second Circuit, aux Etats-Unis, dans l’affaire du choléra à Haïti1374 s’est intéressée à l’objet de la protection de la section 29 de la Convention sur les privilèges et immunité des Nations Unies, relative à l’obligation d’aménager un mécanisme de règlement des différends. Dans cette affaire, sur ce point précis, la ligne Article 6 § 1, Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, op. cit., note 1213. 1368 Ibid. (nous soulignons). 1369 Supreme Court of Canada, Amaratunga c. OPANO, op. cit., note 803. 1370 I
bid
., §§ 60-63.
1371 Cour d’appel de Bruxelles, 17ème Ch., Etat belge c. International Hotels Worldwide Inc., op. cit., note 852. 1372 En ce sens, pour l’auteur, « [o]n ne peut guère discuter du fait que la possibilité d’introduire un recours devant une juridiction représente la modalité au travers laquelle les droits substantiels sont garantis » (FASANO (G.), op. cit., note 918, pp. 258-259). 1373 Ibid., p. 259. 1374 US Court of Appeals, 2nd Cir., Georges v. United States, op. cit., note 622. 1367 366 argumentaire des requérants reposait sur une application de l’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Ils invoquaient une violation substantielle – la violation de la disposition qui oblige l’Organisation à prévoir un mode de règlement des différends pour les différends contractuels et autres différends de droit privé – par l’ONU de la Convention générale sur les privilèges et immunités de 1946. En conséquence, selon les requérants, l’ONU « is no longer entitled to the performance of duties owed to it under the same agreement ». Ce raisonnement n’a pas convaincu la juridiction américaine qui s’est d’abord interrogée sur le titulaire de ce droit. Selon le juge la décision de recourir à l’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités n’appartient qu’à l’Etat et non aux personnes privées et relève de l’ordre juridique international. 490. Par ailleurs, la juridiction américaine a énoncé que les personnes privées ne peuvent soulever des violations qui relèvent du droit international, n’étant pas d’effet direct. Ainsi, rappelant une jurisprudence constante, la juridiction américaine a affirmé que « absent protest or objection by the offended sovereign, [an individual] has no standing to raise the violation of international law as an issue »1375. Surtout, pour la cour d’appel, seuls les traités qui contiennent « “express language” “creat[ing] privately enforceable rights..., or some other indication that the intent of the treaty drafters was to confer rights that could be vindicated in the manner sought by... affected individuals” »1376. Or selon le juge américain, la Convention sur les privilèges et immunités de l’ONU n’appartient pas à une telle catégorie de traités. Dès lors, la position américaine retient que l’obligation contenue à la section 29 ne crée pas de droits à l’égard des personnes privées. Les accords de siège et conventions sur les privilèges et immunités qui contiennent l’obligation de prévoir un mécanisme de règlement des différends n’ont pas pour objectif de créer des droits à l’égard des individus mais de régir le statut de l’organisation internationale sur le territoire de ses Etats membres, ou le cas échéant sur le territoire de l’Etathôte. Par ailleurs, contrairement au droit pour les personnes privées d’avoir accès à un juge, l’obligation de prévoir un mode alternatif de règlement des différends ne vise pas directement les personnes privées mais s’inscrit davantage dans un rapport entre l’organisation internationale et ses Etats membres. 1375 Ibid., p. 19 ; US Court of Appeals, 7th Cir., Matta-Ballesteros v. Henman, 21 février 1990, F.2d., vol. 896, p. 255 ; US Court of Appeals, 6th Cir., United States v. Emuegbunam, 5 décembre 2001, F.3d, vol. 268, p. 390 ; US Court of Appeals, 2nd Cir., United States v. Garavito-Garcia, 1er juillet 2016, F.3d., n° 2016 WL 3568164, p. 3. 1376 US Court of Appeals, 2nd Cir., Georges v. United States, op. cit., note 622, p. 20. 367
b) L
’absence
du critère du dommage subi par l’Etat 491
. Même si l’on reconnaissait un caractère subjectif à cette obligation, le dommage subi serait celui des individus et non de l’Etat. Or, sauf à ce que l’on applique la logique accordée à la protection diplomatique, le préjudice subi qui autorise une réaction est celui de l’Etat et non des individus1377. La définition « classique » de la protection diplomatique trouve son origine dans le célèbre dictum de la CPJI. Selon la Cour, « [e]n prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou l’action judiciaire en droit internationale, [l’] Etat fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international »1378. La protection diplomatique est définie par la doctrine comme étant le « droit pour un Etat de présenter une réclamation internationale à l’encontre d’un autre Etat (ou d’une organisation internationale) lorsqu’un de ses ressortissants a été victime d’un fait internationalement illicite de la part de ce dernier »1379. L’application de la logique de cette institution permettrait à l’Etat de recourir aux contre-mesures pour les dommages subis par les individus conséquemment à un fait internationalement illicite commis par une organisation internationale. L’Etat subit ainsi un dommage « indirect »1380 qui l’autoriserait à réagir à l’encontre des organisations internationales qui ne prévoient pas de mode alternatif de règlement des différends. 492. Une autre possibilité proviendrait de ce que l’on admette que le dommage de l’Etat découle de la violation d’une obligation internationale et du « droit à voir le droit international Voir en ce sens, CDI, F. V. Garcia Amador, « Sixième rapport sur la responsabilité de l’Etat à raison des dommages causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers : la réparation du dommage », Ann.CDI, vol. II, 1961, Doc ONU A/CN.4/134 et Add 1, p. 4 ; DAILLIER (P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), op. cit., note 32, p. 885 ; Contra : le rapporteur Gaetano Arangio-Ruiz expliquait dans le Septième rapport sur la responsabilité des Etats que « [l]e degré de gravité d’un fait internationalement illicite devrait être déterminé par rapport à un certain nombre de facteurs, dont l’importance objective et la portée subjective de la règle violée, l’ampleur de la violation, l’élément subjectif, y compris le degré de gravité de la faute [...], et, enfin, les effets de la violation à la fois sur l’Etat lésé et sur l’objet de la protection accordée par la règle violée », in ARANGIO-RUIZ (G.), « Septième rapport sur la responsabilité des Etats », Ann.CDI, vol. 2, Part. 1, 1995, Doc ONU A/CN.4/469 et Add. 1 et 2, p. 14, § 47 (nous soulignons). Voir également du même rapporteur spécial, « Huitième rapport sur la responsabilité des Etats », Ann.CDI, vol. 2, Part. 1, 1996, Doc ONU A/CN.4/476 et Add. 1, p. 13, § 81. 1378 CPJI, Concessions Mavrommatis en Palestine, op. cit., note 79, p. 12 1379 SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire..., op. cit., note 23, p. 904
1380 Voir en ce sens, le commentaire de l’article 1 du Projet d’articles sur la protection diplomatique, adopté par la Commission du droit international à sa cinquante-huitième session, 2006
, Ann.
CDI
, vol. II, Part. 2, 2006, p. 25,
§ 50, citant Emmerich de Vattel selon lequel « [q]uiconque maltraite un citoyen offense indirectement l’Etat, qui doit protéger ce citoyen » (Le droit des gens
ou Principes de
la
loi
naturel
le
(1758), Carnegie Institution, Washington DC, 1916, vol. 1, livre 1, p. 309, § 71)
.
1377
368 respecté ». L’idée résumée par Denis Alland est celle que « tout illicite est par nature dommageable, et qu’il n’y a pas lieu de distinguer l’illicite du dommage »1381. Cette forme de dommage conduit à étendre largement le cercle des Etats lésés, puisque toute violation d’une obligation internationale créerait un « préjudice juridique »1382 envers tous les Etats liés par cette obligation1383. Or, ce n’est pas la forme retenue par la Commission du droit international. Cherchant à éviter cette dérive, la Commission du droit international a circonscrit la notion d’« Etat lésé ». En vertu de l’article 43 du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales, « [u]n Etat [...] est en droit, en tant qu’Etat [...] lés[é], d’invoquer la responsabilité d’une [...] organisation internationale si l’obligation violée est due [...] [à] [...] cette organisation internationale individuellement ». Ainsi, les Etats ne peuvent invoquer la seule violation de l’obligation à la charge de l’organisation internationale de prévoir un mode alternatif de règlement des différends pour justifier la réaction, c’est-à-dire la mise à l’écart de l’immunité de juridiction. 493. Si l’on ne peut parler de dommage consécutif au fait internationalement illicite, toute réaction est automatiquement disproportionnée. La condition du dommage, et a fortiori la condition de proportionnalité, n’est pas vérifiée et ne permet pas de conclure que la mise à l’écart de l’immunité de juridiction d’une organisation internationale puisse être appréhendée sous l’angle de la contre-mesure.
II/ Proportionnalité et importance de la règle en cause
494. L’examen de la proportionnalité exige d’évaluer la gravité du dommage au regard de l’importance du droit violé. S’agissant de l’importance de la règle, on a pu observer que l’obligation de règlement des différends formulée sous l’angle du droit d’accès à un juge a largement été consacrée dans les instruments internationaux et nationaux et promus par certaines organisations internationales. Ainsi, par exemple, la CIJ a rappelé, au sujet des différends s’élevant entre l’ONU et ses fonctionnaires, que ALLAND (D.), Justice privée..., op. cit., note 1328, p. 252. Voir également les travaux de Brigitte Stern in BOLLECKER-STERN (B.), Le préjudice..., op. cit., note 304, pp. 36-42 ; TANZI (A.), « Is Damage a Distinct Condition for the Existence of an Internationally Wrongful Act? », in SPINEDI (M.) et SIMMA (B.) (dir.), United Nations Codification of State Responsibility, New York, Oceana, 1987, pp. 8-12. 1382
Sur
cette
notion, voir STERN (B.), « Et
si
on utilisait... », op. cit., note 349, pp. 344 1383 BELAICH (F.), op. cit., note 1354, pp. 520-521 ; COMBACAU (J.), et SUR (S.), op. cit., note 26, p
. 571. 1381 369 « si l’Organisation des Nations Unies laissait ses propres fonctionnaires sans protection judiciaire ou arbitrale pour le règlement des différends qui pourraient surgir entre elle et eux, ce ne serait guère compatible avec les fins explicites de la Charte, qui sont de favoriser la liberté et la justice pour les êtres humains, ou avec le souci constant de l’Organisation des Nations Unies, qui est de promouvoir ces fins »1384. L’Assemblée générale de l’ONU a elle-même énoncé : « l’Etat de droit vaut aussi bien pour les Etats que pour les organisations internationales, y compris l’Organisation des Nations Unies et ses organes principaux, et que le respect et la promotion de l’Etat de droit et de la justice devraient guider toutes leurs activités et conférer certitude et légitimité à leurs actions »1385. D’un autre côté, l’immunité de juridiction a été reconnue afin de protéger le bon fonctionnement des organisations internationales. Les Etats ont largement reconnu la nécessité de l’immunité de juridiction aux organisations internationales1386. L’immunité est nécessaire pour l’accomplissement des missions qui leur ont été attribuées1387 et aussi pour qu’elles puissent déployer leurs activités sur le territoire d’Etats membres en toute indépendance1388, dans la mesure où elles sont dépourvues de souveraineté territoriale1389. La question est alors de savoir CIJ, Effet de jugements..., op. cit., note 177, p. 14. Dans le même sens, voir BOWETT (D.), United Nations Forces : A Legal Study of United Nations Practice, Stevens, Londres, 1964, p. 242. Pour l’auteur, « in justice the United Nations could scarcely refuse to meet claims as a defendant ». 1385 AGNU, Projet de résolution déposé par le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit aux niveaux national et international, soixante-septième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, 19 septembre 2012, Doc ONU A/67/L.1, p. 2, § 2 (nous soulignons). 1386 Voir l’état des positions étatiques sur le sujet dans Conseil de l’Europe, Privilèges et immunités des organisations internationales, op. cit., note 1018 pp. 73 et s. 1387 AHLUWALIA (K.), op. cit., note 918, pp. 199 et s. ; BEKKER (P.), The Legal Position..., op. cit., note 1011, p. 112 ; BOWETT (D.W.), The Law of International Institutions, op. cit., note 918, p. 346 ; BRANDON (M.), op. cit., note 1019, pp. 90 et 94 ; FARRUGIA (A.), op. cit., note 1019, pp. 497, 502, 513 et 519 ; FEDDER (E.H.), op. cit., note 1019, p. 60 ; HENDERSON (F.W.), op. cit., note 999, p. 492 ; KLABBERS (J.), « The EJIL Foreword... », op. cit., note 1030, p. 18 ; KUNZ (J.L.), op. cit., note 988, pp. 838, 841 et 847 ; MICHAELS (D.B.), op. cit., note 1019, p. 50 ; O’TOOLE (T.J.), op. cit., note 1019, p. 11 ; REUTER (P.), International Institutions, op. cit., note 1019, p. 230 ; ZACKLIN (R.), op. cit., note 1019, p. 180. Voir les opinions formulées dans les annuaires de la Commission du droit international de S.M Schwebel (Ann.C.D.I., vol. I, 1977, p. 213, § 19, document de l’ONU A/CN.4/SER.A/1977), de Sir Francis Vallat (ibid., § 37), de Sucharitkul (Ann.C.D.I., vol. I, 1978, p. 280, § 15, Doc. ONU A/CN.4/SER.A/1978 et Ann.C.D.I., vol. I., 1983, p. 247, § 20 et p. 261, § 48, Doc. ONU A/CN.4/SER.A/1983), de Sinclair (ibid., pp. 249-250, § 4), de Koroma ( bid., p. 251, §20), de Mahiou (ibid., p. 253, § 32), de Njenga (ibid., p. 258, § 23), de Yankov (Ann.C.D.I., vol. I., 1987, p. 202, § 27, Doc ONU A/CN.4/SER.A/1987). 1388 Voir par exemple Cour Suprême (Philippines), International Catholic Migration Commission (ICMC) v Hon Pura Calleja, op. cit., note 1040, p. 159 ; High Court, Chancery Division, Re International Tin Council, 22 janvier 1987, ILR, vol. 77, p. 18, § 445 ; BERENSON (W.M.), « Squaring the Concept of Immunity with the Fundamental Right to a Fair Trial : the Case of OAS », in CISSE (H.) et al. (dir.), The World Bank Legal Review : International Financial Institution and Global Governance, World Bank Publications, 2011, p. 134 ; BOISSON DE CHAZOURNES (L.), « Immunités... », op. cit., note 684, pp. 285-286 ; DOMINICE (Ch.), « La nature et l’étendue de l’immunité de juridiction des organisations internationales », op. cit., note 625, pp. 127-145, § 8 ; GLENN (G.H.), KEARNEY (M.M.), PADILLA (D.J.), op. cit., note 1043, pp. 266-267 ; KWAKWA (E.), ROLS (M.-L.), « The Privileges and Immunities of the World Intellectual Property Organization – Practice and Challenges », IOLR, n° 10, 2013, pp. 384-385 ; ROBIN (D.S.), « Les immunités des organisations internationales... », op. cit., note 807, pp. 159-160. 1389 PINGEL (I.), « Les privilèges et immunités de l’organisation internationale », op. cit., note 947, p. 633. 1384 370
en quoi l’absence de protection juridictionnelle, résultant de l’absence de voie de recours serait moins importante que la mise en péril de l’indépendance du fonctionnement de l’organisation internationale, raison pour laquelle l’immunité lui a été accordée en premier lieu. Quelques éléments de réponses peuvent toutefois être apportés. Si l’immunité de juridiction est nécessaire, comme cela a été vu précédemment, le risque de porter atteinte au fonctionnement de l’organisation est assez réduit1390. Au surplus, l’immunité de juridiction n’est pas un droit absolu et le droit international reconnaît qu’il existe de nombreuses hypothèses dans lesquelles il est possible d’en réduire l’étendue. Au contraire, en l’absence de mécanisme de règlement des différends alternatif, l’immunité se porterait en obstacle au règlement des différends, laissant les individus sans aucun moyen de régler leur litige. Il nous semble, dès lors, que l’obligation de mettre en place un mécanisme de règlement des litiges apparaît être un droit plus important que celui de protéger l’immunité de juridiction des organisations internationales.
§ 2. La « licéité externe » de la réaction à l’illicite 495.
Pour éviter que la mesure de réaction ne soit arbitraire, le régime des contre-mesures a prévu des conditions qui viennent entourer cette dernière. L’Etat auteur de la mesure qui vient écarter l’immunité de juridiction d’une organisation internationale doit satisfaire à des conditions procédurales préalables, en particulier celle de la notification (A). Par ailleurs, le recours à cette contre-mesure est encadré par des conditions temporelles (B). A/ L’obligation de notification préalable 496.
Que
l’on se place sur le terrain du droit des traités ou du droit de la responsabilité, la condition de notification préalable doit être vérifiée. Ainsi, l’article 65 de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales prévoit que « [l]a partie qui, sur la base des dispositions de la présente Convention, invoque [...] un motif de [...] suspendre l’application [d’un traité] doit notifier sa prétention aux autres parties »1391, tandis que l’article 55 du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales énonce qu’ « [a]vant de prendre des contremesures, l’Etat lésé doit [...] [n]otifier à l’organisation internationale responsable toute 1390 1391 Voir Supra, chapitre VII, section 2, § 1, A/, I, a/. Article 65, Convention de Vienne sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969. 371 détermination de prendre des contre-mesures et offrir de négocier avec elle »1392. L’objectif affiché de cette condition est pour « l’Etat qui s’apprête à réagir à un fait internationalement illicite de faire connaître sa position à l’[organisation internationale] à qui il reproche ce fait et de lui laisser le temps de faire connaître à son tour la façon dont il interprète la situation »1393. C’est également laisser la possibilité à l’organisation internationale responsable de se conformer aux obligations internationales avant d’avoir recours aux mesures de réaction. Dans le cas de la mesure de mise à l’écart de l’immunité, rien ne permet de conclure que cette condition est vérifiée. A moins de considérer les prétentions discutées devant le juge national comme une notification préalable, les prétentions de l’Etat lésé ne sont jamais notifiées à l’organisation, avant que la décision de lui retirer son immunité soit prise. Par ailleurs, même si le juge explique sa position à l’organisation internationale, il réagit sans laisser de délai à l’organisation de se conformer à son obligation de prévoir un mode alternatif de règlement des différends. Toutefois on pourrait imaginer que la constance de la jurisprudence, qui met à l’écart l’immunité de juridiction à chaque fois que l’organisation internationale méconnait son obligation de prévoir un mode de règlement des différends, puisse servir d’avertissement pour de prochains litiges. La décision définitive du juge servirait alors de notifications pour de prochaines contre-mesures à l’égard d’autres organisations internationales. Dans l’affaire BAfD contre Degboe par exemple, la Banque est avertie pour les prochains litiges qu’un manquement à l’obligation de prévoir un mode de règlement des différends aurait pour conséquence la mise à l’écart de l’immunité1394. Cette logique est toutefois inacceptable en ce qu’elle réduit à néant l’étape préalable à la contre-mesure. Une contre-mesure ne peut servir de notification pour de potentielles prochaines contre-mesures. Le procédé qui consiste à écarter l’immunité de juridiction à l’occasion d’un litige entre une personne privée et une organisation n’est pas conforme aux règles en matière de contre-mesures en ce qu’il n’est précédé d’aucune notification. Article 52, Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, op. cit., note 300. 1393 ALLAND (D.), Justice privée..., op. cit., note 1328, p. 386. Voir également IWASAWA (Y.), IWATSUKI (N.), « Chapter 81 – Procedural Conditions », in CRAWFORD (J.), PELLET (A.), OLLESON (S.) (dir.), The Law of International Responsibility, Oxford University Press, 2010, p. 1152.
1394 Cela vaut pour toutes les organisations internationales concernées par un litige compte tenu de la constance des juridictions françaises à écarter l’immunité de juridiction en cas d’absence de mécanisme de règlement des litiges depuis l’affaire Degboe (Cour de cassation, Ch. Soc., BAfD c. Degboe, op. cit., note 763) : voir cour d’appel, Paris, 18 septembre 2014, op. cit., note 767 ; Ch. Soc., De Beaugrenier c. UNESCO, op. cit., note 767 ; Cour de cassation, Ch. soc. 29 septembre 2010, op. cit., note 767 ; Cour de cassation, Ch. Soc., 13 mai 2014, op. cit., note 767 ; Cour de cassation, Ch. Soc., 26 octobre 2016, op. cit., note 767.
1392 372 B/ Le caractère temporaire de la mesure 497.
L’article 51 du Projet d’Articles sur la responsabilité des organisations internationales pose plusieurs contraintes temporelles
à
l’Etat victime qui souhaite adopter une contre-mesure. Parmi ces contraintes, on trouve la condition de réversibilité : « 1. L’Etat [...] lés[é] ne peu[t] prendre de contre-mesure envers une organisation internationale responsable d’un fait internationalement illicite que pour amener cette organisation à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la troisième partie. 2. Les contre-mesures sont limitées à l’inexécution temporaire d’obligations internationales de l’Etat prenant les mesures envers l’organisation responsable
1395. Si l’article 51 § 3 semble laisser une petite marge de souplesse quant à la condition de réversibilité de la contre-mesure – la disposition précisant que « [l]es contre-mesures doivent, autant que possible, être prises d’une manière qui permette la reprise de l’exécution des obligations en question »1396 –, la CIJ a quant à elle été plus stricte : « la mesure doit être [...] réversible »1397. En d’autres termes, alors que la position de la CIJ est de démontrer que la mesure adoptée est bien réversible, pour la Commission du droit international au contraire la mesure doit être la moins irréversible possible1398. On ne peut conclure autrement que par le non-respect de cette condition par la mesure qui vient mettre à l’écart l’immunité de juridiction d’une organisation internationale. En effet, cette mesure ne rend possible aucun retour en arrière. Rien n’est moins réversible qu’une décision définitive d’un juge national de lever l’immunité de juridiction d’une organisation internationale. 498. En définitive, la logique de la contre-mesure est insuffisante pour justifier le rejet de l’immunité en l’absence de mise en place de règlement des différends par l’organisation internationale. En l’absence de dommage subi par l’Etat, la mesure de réaction qui consiste à Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales..., op. cit., note 670 (nous soulignons). Il ressort du commentaire de la CDI des Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite que « [l]’objet limité et le caractère exceptionnel des contre-mesures résultent de l’emploi de la formule “ne... que” au paragraphe 1 de l’article 49 [équivalent à l’article 51 du Projet d’articles] », article 49, Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite
commentaires y relatifs, op. cit., note 300, p. 354. 1396 Article 49 § 3, Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, op. cit., note 300 (nous soulignons). 1397 CIJ, Affaire relative au projet Gabčikovo-Nagymaros, op. cit., note 295, p. 56, § 87. 1398 KAMTO (M.), « Chapter 83 – The Time Factor in the Application of Countermeasures », in CRAWFORD (J.), PELLET (A.), OLLESON (S.) (dir.), The Law of International Responsibility, Oxford University Press, 2010, p. 1175. 1395 373 écarter l’immunité de juridiction est disproportionnée par rapport au préjudice causé par la violation de l’obligation de prévoir un mode de règlement des différends. 499.
Conclusion
du chapitre 8.
La violation de l’obligation de prévoir un mode de règlement des différends emporte des conséquences, qui viennent apporter des preuves de son existence.
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Description: Le test est biconvexe à plan-convexe. La périphérie équatoriale est arrondie et lobée. La périphérie axiale est anguleuse à subarrondie. La trochospire est généralement moyenne. sur la face spirale, les sutures sont déprimées et fortement courbées; celles de la face ombilicale sont déprimées et étroites. On compte quatre à cinq loges hémisphériques au dernier tour. L'ombilic est bien marqué et profond. L'ouverture s'étend de la périphérie à l'ombilic, bordée d'une lèvre mince. Dans mes faunes, G. scitula gigantea est rare, elle est représentée par quelques individus, dont la taille ne dépasse guère 350 à 400 μm, contrairement à l'holotype qui peut atteindre 590 μm de grand diamètre. Cette sous-espèce est proche morphologiquement de G. scitula scitula; elle ne peut être retenue comme une espèce à part, mais au plus comme une sous-espèce. Répartition: Miocène: Grèce occidentale, Indonésie, Tortonien (Italie), de la zone à G. fohsi fohsi à la zone à G. menardii / G. nepenthes (Venezuela). 95 Dans le bassin étudié, G. scitula gigantea existe au Tortonien supérieur (sous-zone à G. suterae) et au Messinien. Elle est absente au Pliocène inférieur.
Globorotalia scitula scitula BRADY,1882 pl. 3,fig. 13 1882 - Globorotalia scitula BRADY, p. 716. 1884 - Globorotalia scitula : BRADY, pl.103, fig. 7. 1970 - Globorotalia scitula : CIFELLI, p.41, pl.6, fig.4. 1971 - Globorotalia scitula: TJALSMA, p.63, pl.7, fig.6. 1971 - Globorotalia scitula: COLLEN & VELLA
, pl.5, fig.5-7. 1975 - Globorotalia scitula : KADAR, pl.8, fig.53. 1976 - Globorotalia scitula : CIFELLI & BENIER, pl.3, fig.4. 1978 - Globorotalia scitula : KELLER, pl.5, fig.4-8. 1979 - Globorotalia scitula: CIFELLI & GLACON, pl.1, fig.1. 1985 - Globorotalia scituia : REYNOLDS & THUNELL, pl;2, fig.7-9. 1988 - Globorotalia scitula scitula : WERNLI, p.213, fig.130-132. Description: Il s'agit d'une petite Globorotalia dont le grand diamètre du test est de l'ordre de 250 à 300 μm. Le test est trochospiralé, biconvexe, la périphérie équatoriale est arrondie, un peu lobée, la périphérie axiale est arrondie. Sur la face spirale, les sutures sont arquées et déprimées. L'ombilic est étroit et recouvert en partie par la base de la dernière loge. L'ouverture est extraombilicale, bordée d'une lèvre mince. Répartition: Miocène: Tortonien (bassin de Gadalquivir, Espagne), Miocène supérieur (Algérie), Indonésie, Grèce occidentale. Pliocène: Pliocène inférieur et moyen (Algérie), Pliocène inférieur (Grèce occidentale). Actuel: mer d'Andaman, Nord atlantique. Dans les coupes étudiées, G. scitula scitula existe au Miocène supérieur et au Pliocène inférieur. Mais ailleurs on l'a trouvée jusqu'à l'Actuel. Ecologie: G. scitula scitula est une espèce rarement récoltée dans les eaux superficielles. Elle est généralement considérée comme une espèce d'eaux profondes, entre -500 et -l000m (Bé & Tolderland,1971; Hemleben, Spindler & Anderson,1989). Cette espèce pourrait caractériser des eaux dont la température s'étage entre 5°c et 10°c (Pujol,1980). Toutefois, dans l'Océan Indien, Bé & 96 Hutson (1977) estiment que son développement est optimal à une température de + 4,6°c et une salinité de 35,4%0.
Globorotalia scitula praescitula BLOW,1959 1959 - Globorotalia scitula praescitula BLOW, p.221, pl.19, fig.128. 1965 - Globorotalia scitula praescitula : CITA, PREMOLI-SILVA & ROSSI, p.238, pl.21, fig.3. 1972 - Globorotalia scitula praescitula: BIZON & BIZON, p.125. 1978 - Globorotalia scitula : KELLER, pl.5, fig.9-10. 1979 - Globorotalia scitula praescitula: BLOW, p.158, pl.4, fig.21-23. 1981- Globorotalia praescitula: HUGHES & JENKINS, pl.9:3, fig.16,17. 1985 - Globorotalia scitula praescitula : BOLLI & SAUNDERS, p.219, fig.31:6. 1988 - Globorotalia praescitula : WERNLI, p.151, fig.120-124. Description: Quatre à quatre et demi loges au dernier tour; la périphérie équatoriale est lobée; la périphérie axiale est un peu anguleuse. Les sutures de la face spirale sont déprimées et fortement courbées; celles de la face ombilicale, elles sont déprimées et légèrement droites. La face ombilicale est nettement plus convexe que la face spirale. L'ombilic est petit, parfois fermé, mais souvent profond. L'ouverture est en arc bas, bordée d'une mince lèvre. Le grand diamètre du test dépasse rarement 300 μm. Cette sous-espèce de G. scitula est caractérisée par ses deux faces spirales et ombilicales inégalement biconvexes. Répartition: Miocène: Maroc, Miocène inférieur et moyen (bassin d'aquitaine, France), Tortonien (Italie), Miocène moyen (Grèce occidentale), Miocène moyen (Sicile), Miocène inférieur et moyen (Grande Bretagne), de la zone à C. stainforthi à la zone à G. fohsi barisanensis (Venezuela). Dans le bassin étudié, G. scitula praescitula est très rare; elle existe uniquement au Tortonien supérieur (dans la sous-zone à G. suterae).
Globorotalia praemargaritae CATALANO & SPROVIERl,1969 pl. 3,fig. 5 1969 - Globorotalia praemargaritae CATALANO & SPROVIERI, p.523, fig.4; pl.1, fig.5; pl.3, fig.5. 1977 - Globorotalia praemargaritae : WERNLI, pl.5, fig.7,12,26,39. 1978 - Globorotalia praemargaritae : MEDIONI & WERNLI, pl.3, fig.5. 1988 - Globorotalia praemargaritae: WERNLI, p.210, fig.114)119. Description: Le test, à enroulement compact, est légèrement biconvexe; la périphérie équatoriale est largement arrondie et sans carène.Dans le 97 dernier tour, on compte quatre et demi loges ovales, dont la taille s'accroit d'une façon régulière. L'ouverture est généralement en arc bas, mais plus développé que chez G. scitula scitula. Cette espèce diffère de G. suterae par sa face spirale convexe et non plane et par sa face ombilicale moins conique. Répartition: Miocène: Messinien (Sicile), Miocène supérieur (Maroc). Pliocène: Pliocène inférieur (Maroc). Dans le bassin étudié, cette espèce existe au Miocène supérieur et au Pliocène inférieur.
Globorotalia primitiva CITA, 1973 pl. 3,fig. 8, 14 1973 - Globorotalia margaritae primitiva CITA, p.1352, pl.2, fig.1-3. 1974 - Globorotalia margaritae : ZOCCHI, pl.12, fig.3. 1977 - Globorotalia primitiva : WERNLI, pl.5, fig.27,29,33,40,43,47,53,54,59. 1977 - Globorotalia primitiva : WILDI & WERNLI, pl.1, fig.3. 1978 - Globorotalia primitiva : FEINBERG, pl.12, fig.4-6. 1988 - Globorotalia primitiva : WERNLI, p.152, fig.125-129. Description: Le test est à trochospire basse, presque biconvexe. La périphérie équatoriale est subarrondie, faiblement lobée. La périphérie axiale est subanguleuse. On compte quatre à quatre et demi loges dans le dernier tour, la dernière loge occupe presque la moitié du test. Les loges sont elliptiques, allongées, séparées par des sutures radiales et courbées en face spirale, courbées, sinueuses et déprimées en face ombilicale. L'ouverture est extraombilicale, en arc bas, bordée d'une lèvre. Cette espèce est caractérisée par l'évasement de l'ombilic et par la courbure du plan équatoriale. Chez G. primitiva, la carène est absente, mais les grandes formes montrent un bandeau carénai. La taille du test est de l'ordre de 300 à 400 μm de grand diamètre. Cette espèce n'a encore jamais été trouvée sur la côte méditerranéenne marocaine. En revanche, dans le bassin de Boudinar, elle est présente et abondante. Répartition: Miocène: Messinien (Maroc). 98 Pliocène: Maroc. Dans le bassin étudié, G. primitiva apparaît au sein de la zone à G. conomiozea, vers la partie supérieure de cette zone (le F AD G. conomiozea est antérieur au FAD G. primitiva; Wernli, 1988) et se poursuit dans le Pliocène inférieur au même temps que G. margaritae.
Globorotalia suterae CATALANO & SPROVIERl,1971 pl.3,fig. 10, 11,12, 15 1965 - Globorotalia scitula ventriosa : CITA, PREMOLI-SILVA & ROSSI, p.239, pl.21, fig.6. 1971- Globorotalia suterae CATALANO & SPROVIERI, p.241, fig.18; pl.1, fig.1,2. 1971 - Globorotalia ventriosa : TJALSMA
pl.7, fig.7. 1977 - Globorotalia suterae : WERNLI, pl.5, fig.13,18,68,69. 1985 - Globorotalia suterae : IACCARINO, p.310, fig.6:5. 1985 - Globorotalia suterae: STONE & KELLER, pl.3, fig.9-11. Description: Le test est trochospiralé, planoconvexe; la périphérie équatoriale est subarrondie, faiblement lobée et sans carène; la périphérie axiale est subanguleuse. Les loges sont typiquement turbinées, disposées en trois tours environ. Les quatre et demi à cinq loges du dernier tour ont une croissance régulière. Les sutures sur le côté spiral sont en arc circulaire comme chez G. du groupe scitula. Sur le côté ombilical, les sutures sont radiales et incisées. L'ombilic est généralement profond et étroit. L'ouverture est extraombilicale, ample et en forme d'arc un peu haute. Cette espèce est caractérisée par une face spirale généralement plane et une face ombilicale fortement convexe, conique et tronquée. La taille moyenne du test est de l'ordre de 300 à 350 μm de grand diamètre, alors que le rapport épaisseur du test sur le grand diamètre est de 0,5 à 0,6.
Répartition: Miocène: Tortonien (bassin de Gadalquivir, Espagne; Italie).
G. suterae est une espèce abondante dans mes faunes et nous l'avons utilisé comme indicateur de sous-zone. Elle apparaît au sein de la zone à Neogloboquadrina dutertrei, devient abondante avant la zone à G. conomiozea, puis rare au Messinien et semble s'éteindre à la limite miopliocène.
Globorotalia sphaericomiozea WALTERS,1965 pl.4,fig. 1 1965 - Globorotalia miozea sphaericomiozea WALTERS, p.126, fig.8. 99 1965 - Globorotalia saphae BIZON & BIZON, pl.4, fig.9. 1971 - Globorotalia (Globorotalia) miozea sphaericomiozea : JENKINS, p.95, pl.6, fig.149151. 1974 - Globorotalia aff. sphaericomiozea : POORE & BERG
GREN, pl.3, fig.8. 1985 - Globorotalia sphaericomiozea: JENKINS, fig.7:1O,11. Description: Le test est à trochospire basse, la face spirale est presque plane, la face ombilicale est fortement convexe. La périphérie équatoriale est modérément quadrangulaire. La périphérie axiale est arrondie. Les loges sont anguleuses et coniques avec quatre loges au dernier tour. Les premières loges sont obscurcis à cause de l'épaisseur du test. Les sutures du côté spiral sont courbées; du côté ombilical, elles sont sinueuses et déprimées. L'ombilic est étroit. L'ouverture est interiomarginale, ombilical-extraombilicale, en arc bas et bordée d'une lèvre épaisse. Cette espèce diffère de G. miotumida conomiozea par sa petite taille qui dépasse rarement 300 μm, par sa paroi épaisse, par son test globuleuse et par l'absence de carène. Répartition: Miocène: Tortonien (Grèce), Miocène supérieur (Nouvelle Zélande). G. sphaericomiozea est peu fréquentes dans mes faunes, elle est présente au sein de la zone à G. conomiozea Globoro
talia mediterranea CATALANO & SPROVIERl,1969 pl. 4,fig. 2 1969 - Globorotalia mediterranea CATALANO & SPROVIERI, p.522, pl.2, fig.6. 1971 - Globorotalia mediterranea: BIZON & BIZON, p.80, fig.1-5. 1972 - Globorotalia mediterranea : BIZON et al., pl.2, fig. 7-9. 1975 - Globorotalia miocenica mediterranea : BORSETTI & CATI, pl.5, fig.8. 1976 - Globorotalia mediterranea: MONTENAT et al., pl.1, fig.9-10. 1976 - Globorotalia mediterranea : d'ONOFRIO et al., pl.4, fig.3-4. 1985 - Globorotalia mediterranea: IACCARINO, p.307, fig.6:2. 1988 - Globorotalia Description: Le test est trochospiralé, plan convexe. La périphérie équatoriale est subarrondie, modérément lobée et carénée.Sur la face spirale, on observe environ deux et demi tours de spires avec cinq à six loges au dernier tour, séparées par des sutures arrondies et soulignées par la carène. Sur la face ombilicale, les sutures sont courbées et sinueuses. La face spirale est presque plane, la face ombilicale est fortement convexe. L'ombilic est étroit et profond. L'ouverture est ample, hémisphérique et bordée d'une lèvre épaisse. 100 Cette espèce diflère de G. miotumida conomiozea par sa face ombilicale convexe mais non conique et pointue. Elle se distingue aussi de G. miocenica par son nombre de loges réduit au dernier tour. Répartition: Miocène: Messinien (Sicile), Tortonien supérieur et Messinien (Grèce occidentale). G. mediterranea est rare dans mes faunes et existe au sein de la zone à G. miotumida conomiozea.
Globorotalia menardii (PRKER, JONES & BRADY,1865)
pl
. 4,fig. 4, 5 1865 -Rotalia menardii PARKER, JONES & BRADY, pl.3, fig.81. 1959 - Globorotalia menardii menardii : BLOW, p.215, pl.18, fig.119,120. 1971 - Globorotalia (Globorotalia) menardii : JENKINS, p.90, pl.6, fig.135-137. 1974 - Globorotalia menardii : CIFELLI, pl.3, fig.1. 1976 - Globorotalia menardii: CIFELLI & BENIER, pl.2, fig.7. 1979 - Globorotalia menardii : SAINT-MARC & SUMINTA, pl.1, fig.21-23. 1982 - Globorotalia menardii : LIDZ, pl.4, fig.63,64. 1985 - Globorotalia menardii : PUJOL & DUPRAT
, pl.10, fig.9. 1988 - Globorotalia menardii: WERNLI, p.165, fig.168-171. Description: Le test est trochospiralé; la périphérie équatoriale est ovale à arrondie, lobée; la périphérie axiale est lourdement carénée. Sur la face spirale, on observe deux tours et demi de spires avec cinq à six loges au dernier tour. Les loges croissent régulièrement en hauteur et en largeur. Sur la face spirale, les sutures sont arquées et limbées, sur la face ombilicale, elles sont faiblement arquées et déprimées. L'ombilic est étroit et profond. L'ouverture est extraombilicale, bordée d'une lèvre bien marquée. Ré
partition:
Mio
cène:
Miocène moyen et supérieur (Venezuela, Nouvelle Zélande, Islande), Miocène supérieur (Maroc, Algérie), Tortonien
(
Espagne
). Pliocène: Islande
Dans le secteur étudié, G. menardii est présente au Tortonien supérieur. Ecologie: G. menardii est une espèce tropicale à subtropicale (Pujol,1980; Hemleben, Spindler & Anderson,1989) vivant préférentiellement dans les eaux de surface. Toutefois, sa répartition géographique et bathymétrique peut être influencée par des phénomènes 101 locaux de résurgence océanique (Thiede,1975) ou des systèmes importants de courants (Bé & Tolderlund,1971).
Glob
orotalia merotumida BLOW & BANNER,1965 1959 1965 1967 1969 1977 1979 1983 1988 - Globorotalia menardii miocenica : BLOW, p.216, pl.19, fig.121. - Globorotalia (Globorotalia) merotumida BLOW & BANNER, p.1352, fig.1. - Globorotalia merotumida: BANNER & BLOW, pl.4, fig.4. - Globorotalia merotumida: CATALANO & SPROVIERI, p.521,
pl
.3,
fig.1. - Globorotalia merotumida
:
WERNLI
,
pl.1, fig.9. - Globorotalia merotumida
:
BLOW p.166, pl.9, fig.4-6. - Globorotalia merotumida : PETTERS, pl.5, fig.22-24. - Globorotalia merotumida: WERNLI, p.166, fig.172-175. Description: Le test est trochospiralé, de forme générale lenticulaire, inégalement biconvexe. La périphérie équatoriale est subarrondie et carénée. sur la face spirale, on observe deux et demi à trois tours de spires avec cinq à six loges au dernier tour, s'accroissant lentement en taille. Les sutures du côté spiral sont nettement courbées et soulignées par la carène. La face ombilicale est généralement un peu plus convexe que la face spirale. L'ombilic est presque clos. L'ouverture est petit, en arc bas et bordée d'une mince lèvre. La taille moyenne du test est de l'ordre de 400 μm de grand diamètre. G. merotumida diffère de G. plesiotumida par son contour subcirculaire, par sa petite taille et par l'absence de tendance au déroulement. Répartition: Miocène: Miocène supérieur (golfe de Guinée), de la zone à G. menardii menardii à la zone à G. menardii / G. nepenthes (Venezuela). Dans le bassin étudié, G. merotumida est rare, son extension stratigraphique est mal connue. Toutefois WERNLI (1988) signale sa présence au Maroc depuis la sous-zone à G. praemenardii jusqu'à la fin du Messinien. Globorotalia miotumida miotumida JENKINS, 1960 pl. 4,fig. 3, 6 1960 - Globorotalia menardii miotumida JENKINS, p.362, pl.4, fig.9. 1962 - Globorotalia cultrata miocenica PALMER: TAKAYANAGI & SAITO, pl.24, fig.5. 1971- Globorotalia (Globorotalia miotumida miotumida: JENKINS, pl.6, fig.138-140. 1974 - Globorotalia miotumida: POORE & BERGGREN, pl.1, fig.1O-12. 1978 - Globorotalia miotumida : CITA & RYAN, pl.95, fig.1,3,6. 1985 - Globorotalia miotumida: JENKINS, p.278, fig.7:12. 1986 - Globorotalia miotumida: JENKINS & SPRINIVASAN, pl.3, fig.12-14. 1988 - Globorotalia miotumida miotumida: WERNLI, p.167, fig.176,178. 102
Description: Le test est inégalement biconvexe avec une face ombilicale nettement plus bombée que la face spirale. La périphérie équatoriale est ovale à arrondie et carénée. Sur le côté ombilical, on compte quatre et demi à cinq loges qui s'accroissent rapidement en taille. L'ombilic est presque clos. L'ouverture est en arc généralement bas. La taille moyenne du test est de l'ordre de 400 à 450 μm de grand diamètre. Cette sous-espèce diffère de G. miotumida conomiozea par sa face spirale légèrement convexe et non plane et par son rapport (épaisseur sur grand diamètre du test) qui dépasse rarement 0,5. Dans mes faunes, j'observe de nombreuses formes de passage entre G. miotumida miotumida et G. miotumida conomiozea, ce qui laisse penser à une relation phylétique entre ces deux sous-espèces. Wernli (1988) précise que G. miotumida miotumida n'est qu'une forme ancestrale de G. miotumida conomiozea. Répartition: Miocène: Miocène moyen et supérieur (Nouvelle Zélande; sud - est d'Australie), Miocène supérieur (Maroc), Messinien: zone à G. miotumida (bassin de Gadalquivir, Espagne). Pliocène: Pliocène inférieur (Nouvelle Zélande). Dans le secteur étudié, G. miotumida est présente depuis la sous zone à G. suterae jusqu'à la limite mio - pliocène. Globorotalia mi
-
otumida conomioze
a
KENNETT,1966 pl. 4,fig. 7, 8, 9 1966 1971 1980 -
Glob
oro
talia conomiozea KENNETT, p.235
, pl.1, fig.9,12,17. - Globorotalia (Globorotalia) conomiozea
: JENKINS
,
pl.5, fig.123-128. - Globorotalia conomiozea:
B
ORS
ETTI & CATI
,
pl.l, fig.9. - Globorotalia miotumida conomiozea: WERNLI, pl.1, fig.12. - Globorotalia conomiozea
: CITA & RYAN,
pl.95, fig.4,7. - Globorotalia miotumida conomiozea
:
WERN
LI,
pl.2, fig.1,3-6,8,10
. - Globorotalia conomiozea : CITA, VISMARA-SCHILLING & BOSSIO, pl.19, fig.2- 4. 1983 - Globorotalia mediterranea : CATALANO, SPROVIERI & SCOTT, pl.1, fig.24,25. 1986 - Globorotalia conomiozea : SIERRO, p.147, pl.2, fig.6,7. 1988 - Globorotalia miotumida conomiozea: WERNLI, p.228, fig.179-185. Description: Le test est planconvexe, la face spirale est plane, la surface ventrale est fortement convexe avec un angle de conicité approximativement égale à 70°. La périphérie équatoriale est ovale à rectangulaire; la périphérie axiale est anguleuse. Du côté ombilical, les sutures sont légèrement -0 i i t G. conom iozea G. m iozea sphericom iozea t G. m iot im ida m iotum ida G. praemenardii i G. miozea conoidea
Fig. 45 - Hypothèse de la relation évolutive existant entre Globorotalia miozumida JENKINS et Globorotalia miozea FINLEY (d'après Jenkins, 1971) i G. praescitula G. m iozea m iozea G. hirsuta _,_ w 0 104 courbées, surtout entre les premières loges. Du côté spiral, elles sont fortement courbées.
L'
ombilic
est variable et profond. L'
ouverture
est interiomarginale, ombilicale-extraombilicale, en forme d'arc légèrement bas. Les grandes formes de cette sous-espèce peuvent atteindre 500 μm. de grand diamètre. En général, G. miotumida conomiozea est bâtie sur le même plan que G. miotumida miotumida. Par conséquent, les liens phylétiques entre ces deux sous-espèces s'avèrent plus probable. Ainsi Jenkins (1971) propose une hypothèse évolutive pour G. miotumida. Jenkins d'une part et G. miozea Finlay d'autre part (voir fig. 45). Dans la littérature, G. miotumida conomiozea a été parfois confondue ou rapprocher à certaines espèces telles que G. miozea, G. saphoae, G. conoidea, G. sphaericomiozea, G. mediterranea, G. heliana, G. hemisphaerica. Pour une comparaison détaillée entre l'espèce en question et ces différentes sous-espèces, il faut se référer au travail de Sierro (1986, p.149). Répartition: Miocène: Miocène supérieur (Nouvelle Zélande), Messinien (bassin de Gadalquivir, Espagne; Maroc). G. miotumida conomiozea est utilisée dans mes coupes comme un indicateur de zone, son apparition marque la limite tortono-messinien et semble disparaître à la limite mio-pliocène. Globorotalia plesiotumida BANNER & BLOW,1965
pl
.
4,fig
. 10,
11
1965 - Globorotalia (Globorotalia) tumida plesiotumida BANNER & BLOW, p.1353, fig.2 1973 - Globorotalia plesiotumida: PARKER, p.279, pl.3, fig.16-20. 1974 - Globorotalia plesiotumida: POORE & BERGGREN, p.1O5, pl.2, fig.1,2. 1978 - Globorotalia tumida plesiotumida : CITA & RYAN, pl.95, fig.8. 1979 - Globorotalia plesiotumida: SAINT-MARC & SUMINTA, pl.1, fig.18-20. 1979 - Globorotalia plesiotumida : CIFELLI & GLACON, p.223, pl.1, fig.4. 1980 - Globorotalia tumida plesiotumida: CITA & VISMARA-SCHILLING, pl. 1, fig.5,6. 1983 - Globorotalia plesiotumida : PETTERS, pl.5, fig.14,18. 1986 - Globorotalia plesiotumida : SIERRO, p.139, pl.1, fig.4. 1988 - Globorotalia plesiotumida: WERNLI, p.171, fig.187-191.
Description: Le test est biconvexe, la face dorsale est moins convexe que la face ventrale, la périphérie équatoriale est ovale à subrectangulaire, modérément lobée. La périphérie axiale est anguleuse et carénée. Au dernier tour, du côté ombilical, on compte souvent six loges dont la taille s'accroit rapidement, séparées par des sutures incisées, droites entre les 105 premières loges et légèrement courbées entre les dernières. L'ombilic est pratiquement fermé. L'ouverture est interiomarginale, ombilicaleextraombilicale, arquée et bordée d'une lèvre.Nos formes, dont le grand diamètre du test dépasse rarement 420 μm, sont plus petites que l'holotype et les formes tropicales. Ré partition: Miocène: Messinien (Algérie), Miocène supérieur (est de Java, Indonésie; bassin de Gadalquivir, Espagne). Pliocène: Pliocène inférieur: zone à G. margaritae (est de Java, Indonésie). Dans le bassin étudié, G. plesiotumida est peu fréquente mais pas rare, contrairement à ce que pensait Wernli (1980 et 1988). Elle est présente au Tortonien en même temps que N. dutertrei et N acostaensis et devient rare au Messinien et au Pliocène inférieur. ,
1965 - Globorotalia pseudomiocenica BOLLI & BERMUDEZ, p.14O, pl.1, fig.13-15. 1967 - Globorotalia menardii: BIZON, p.49, pl.2, fig.2; pl.7, fig.7; pl.14, fig.2. 1970 - Globorotalia pseudomiocenica : BOLLI, pl.7, fig.1-3. 1971- Globorotalia pseudomiocenica: POSTUMA, p.355. 1972 - Globorotalia pseudomiocenica: BIZON & BIZON, p.110, 1974 - Globorotalia pseudomiocenica: BAROZ & BIZON, pl.3, fig.10-12. 1977 - Globorotalia pseudomiocenica : WERNLI, pl.2, fig.7,8. 1978 - Globorotalia pseudomiocenica : MEDIONI & WERNLI, pl.3, fig.1. 1988 - Globorotalia pseudomiocenica: WERNLI, p.232, fig.192-194.
Description: Le test est trochospiralé; la périphérie équatoriale est ovale à arrondie, lobée; la périphérie axiale est carénée. Sur la face spirale, on observe deux et demi à trois tours de spires avec cinq à sept loges au dernier tour. Ces loges croissent régulièrement en hauteur et en largeur. Sur la face spirale, les sutures sont arquées et limbées. sur la face ombilicale, elles sont faiblement arquées et déprimées. L'ombilic est étroit et légèrement profond. L'ouverture s'étend de l'ombilic à la périphérie, bordée d'une lèvre bien marquée. Ré
partition: Miocène: Miocène supérieur (Espagne, Grèce occidentale), zone à G. menardii (Venezuela
). Dans le secteur étudié, G. pseudomiocenica est rare, elle existe au sein de la zone à N. acostaensis et N dutertrei. Globorotalia margaritae margaritae BOLLI & BERMUDEZ
,
1965
106 pl. 5,fig. 1, 2 1965 - Globorotalia margaritae BOLLI & BERMUDEZ, p.139, pl.1, fig.16-18. 1967 - Globorotalia margaritae : BIZON, p.47, pl.1, fig.11; pl.14, fig.1. 1972 - Globorotalia margaritae : AKERS, p.102, pl.19, fig.4; pl.32, fig.1; pl.33, fig.1. 1973 - Globorotalia margaritae : CITA et al., pl.35, fig.3,5,9. 1976 - Globorotalia margaritae : CITA, p.35, pl.1, fig.1-6; pl.2, fig.1-9. 1977 - Globorotalia margaritae: BERMUDEZ & FARIAQ, p.173, pl.6, fig.13 -15. 1979 - Globorotalia margaritae : SERRANO, pl.21, fig.5,6. 1980 - Globorotalia margaritae : COLOM, fig.11:3. 1982 - Globorotalia margaritae : SIERRO et al., fig.l. 1986 - Globorotalia margaritae : SIERRO, p.152, pl.2, fig.8-9. 1988 - Globorotalia margaritae margaritae: WERNLI, p.239, fig.198-200.
* Description: Le test est comprimé, la surface dorsale est fortement convexe, la surface ventrale est légèrement plane convexe. la
périph
érie équatoriale est subrectangulaire, modérément lobée. La carène est toujours
présente
, au moins sur la dernière loge. Du côté spiral, les sutures sont fortement courbées. Du côté ombilical, on compte quatre et demi à cinq loges au dernier tour, séparées par des sutures radiales, incisées et peu courbées, dont la taille s'accroit rapidement. L'ombilic, étroit, est parfois complètement caché par l'avancement de la dernière loge. L'ouverture est interiomarginale, ombili cale-extraombilicale, en forme d'arc un peu bas avec une lèvre bien marquée. Le diamètre maximal du test est de 300 à 400 μm.
Répartition: Pliocène: Pliocène inférieur: zone à G. margaritae (Maroc, Algérie, Grèce, Venezuela)
G. margaritae margaritae est une sous-espèce fréquente dans le bassin de Boudinar, son apparition marque la base du Pliocène inférieur (ou exactement la base de la zone à G. margaritae), puis devient abondante et diversifiée au sein de cet période. Globorotalia margaritae evoluta CITA,1973 pl. 5,fig. 4, 5 1970 - Globorotalia margaritae : BOLLI, p.581, pl.8, fig.4,5. 1973 - Globorotalia margaritae evoluta CITA, p.1352, pl.1, fig.1-7. 1974 - Globorotalia margaritae : ZOCCHI, pl.14, fig.1; pl.16, fig.l. 1975 - Globorotalia margaritae: STAINFORTH et al., fig.175. 1977 - Globorotalia margaritae evoluta : WERNLI, pl.6, fig.36. 1979 - Globorotalia margaritae: THUNELL, pl.4, fig.1-4. 1988 - Globorotalia margaritae evoluta : WERNLI, p.240, fig.201,202.
Description
:
Il s'agit d'une simple forme de G.margaritae, avec un test assez grand de 500 à 600 μm de grand diamètre et une périphérie équatoriale totalement et lourdement carénée. La distinction de cette sous-espèce par Cita (1973) est très utile sur le plan biostratigraphique car elle permet de raffiner la biostratigraphie du Pliocène inférieur en divisant la zone à G. margaritae au sen large en deux sous-zone: sous-zone à G. margaritae margaritae et sous-zone à G. margaritae evoluta. Répartition: Pliocène: Pliocène inférieur (Indonésie, Italie, Maroc).
Globorotalia sp.1 pl. 5, fig. 6
Description
:
Le test est trochospiralé, avec environ deux et demi tours de spires et quatre et demi à cinq loges au dernier tour. La face spirale est plane à faiblement convexe, la face ombilicale est faiblement convexe. La périphérie axiale est arrondie, la périphérie équatoriale est ovale, faiblement lobée. Sur la face spirale, les sutures sont arquées et déprimées. Sur la face ombilicale, elles sont droites à faiblement arquées, déprimées. L'ombilic est étroit et profond. Cette espèce est caractérisée par son ouverture en arc plus haut que large comme un crochet à la manière de G. acrostoma, et par sa petite taille qui dépasse rarement 250 μm de grand diamètre. Répartition: Dans le bassin étudié, ces formes sont assez fréquentes et montrent la même répartition que e G. incompta. Globorotalia sp.2 pl. 5, fig. 3 Description: Le test est troch
ospiralé
; la face spirale est plane
à faiblement convexe
; la face ombilicale est convexe. La périphérie équatoriale est subquadrangulaire, modérément lobée. Le dernier tour de spire comporte quatre à quatre et demi loges s'accroissant régulièrement en taille. Du côté spiral ou ombilical, les sutures sont légèrement très déprimées et peu distinctes. 108
Cette espèce est caractérisée par sa paroi épaisse est granuleuse faisant penser à un cortex. Répartition: Ces formes sont peu fréquentes dans mes coupes et existent au sein de la zone à N. dutertrei et N. acostaensis.
Genre Neogloboquadrina BANDY, FRERICHS & VINCENT,1967
Les foraminifères planctoniques du genre Neogloboquadrina sont considérés comme des constituants majeurs des sédiments du Néogène supérieur de l'Atlantique Nord (Hooper & Weaver,1987). C'est un genre à distribution géographique beaucoup plus cosmopolite que d'autres genres et il domine souvent les assemblages fauniques, spécialement dans les hautes latitudes (Hooper & Weaver,1987). En Méditerranée et particulièrement dans le bassin étudié, ce genre est aussi largement représenté et renferme les espèces suivantes: N. acostaensis (Blow), N. dutertrei (d'Orbigny), N. humerosa (Taakayanagi & Saito), N. pachyderma (Ehrenberg) et N. praehumerosa ( ). Au contraire, N. atlantica et N. continuosa sont des espèces typiquement atlantiques. Ces espèces ont été souvent attribuées à d'autres genres (Globorotalia, Globigerina). Cependant elles montrent toutes des caractères diagnostiques qui leurs permettent d'être attribuer au genre Neogloboquadrina. A Boudinar, ces espèces sont abondantes dans la coupe Aït Sayar. Neogloboquadrina acostaensis (BLOW,1959) pl.5,fig. 7, 8 1959 - Globorotalia acostaensis BLOW, p.208, pl.17, fig.106. 1977 - Globorotalia acostaensis : WERNLI, pl.1, fig.3. 1979 - Globorotalia (turborotalia) acostaensis acostaensis : BLOW, pl.33, fig.1,2. 1982 - Globorotalia acostaensis: LIDZ, pl.3, fig.47,48. 1983 -Neogloboquadrina acostaensis: PETI'ERS, pl.6, fig.18,19. 1985 -Neogloboquadrina acostaensis: STONE & KELLER, pl.5, fig.13-15. 1987 - Globorotalia acostaensis: HASSIM, p.111. 1987 - Neogloboquadrina acostaensis : SIERRO, pl.1, fig.4. 1988 - Globorotalia acostaensis : WERNLI, p.199, fig. 79,80.
Description: La trochospire est basse, la périphérie équatoriale est lobée, la périphérie axiale est ronde avec une face spirale faiblement convexe à plane. Le nombre de loges dans le dernier tour est de quatre et demi à cinq, rarement six. Ces loges sont globuleuses à croissance rapide et dont la dernière loge est réduite. La face ombilicale est convexe, avec des sutures droites entre les loges. L'ombilic est étroit et peu profond. 109 L'ouverture est en fente étroite, allongée et bordée d'une lèvre distincte qui va de l'ombilic à la périphérie. Le diamètre maximal du test peut atteindre 400 à 450 μm. Répartition: Miocène: Miocène supérieur (Indonésie, Algérie, Maroc, Espagne, Italie, Grèce), Tortonien (Tunisie), de la zone à G. menardii / G. nepenthes à la zone à G. bulloides (Venezuela). Pliocène: Indonésie, Plio cène inférieur (Tunisie, Maroc, Espagne, Italie, Grèce), Pliocène inférieur et moyen (Algérie). N. acostaensis est utilisée dans notre bassin comme indicateur de zone. Elle apparaît à la base de la zone N16 de Blow et persiste jusqu'au Pliocène.
Neogloboquadrina dutertrei (
D
'ORBIG
NY
,
1839
)
pl. 5,fig. 9
1839 - Globigerina dutertrei D'ORBIGNY, p.84, pl.4,
fig.
19
-21
. 1962 - Globoquadrina dutertrei: PARKER, pl.7, fig.1-8;
pl
.8,
fig
.1-4. 1971 - Neogloboquadrina dutertrei dutertrei : FRERICHS, pl.2, fig.6,9. 1973 - Neogloboquadrina dutertrei : COLLEN & VELLA, pl.1, fig.7-10. 1975 - Globorotalia dutertrei : BORSETI'I & CATI, pl.4, fig.11. 1978 - Globorotalia dutertrei : MEDIONI & WERNLI, pl.3, fig.2. 1985 - Neogloboquadrina dutertrei : STONE & KELLER,
pl.6, fig.3.
Description: Le test est subglobulaire, la trochospire est moyenne à basse, la périphérie équatoriale est modérément lobée, la périphérie axiale est arrondie. Au dernier tour, on compte cinq à six loges subglobulaires s'accroissant rapidement en taille. Les sutures sont généralement radiales, légèrement courbées et déprimées. L'ombilic est fermé, un peu large et profond. L'ouverture est intériomarginale, ombilicaleextraombilicale, bordée d'une lèvre subtriangulaire parfois dentelée. La taille du test est variable, les grandes formes de cette espèce peuvent atteindre 400 à 550 μm de grand diamètre. Ré
partition: Miocène: Miocène supérieur
:
zone à N. dutertrei - humerosa (Japon, Grèce occidentale, Algérie, Maroc, Italie). Dans le secteur
étudié
, N. dutertrei
est utilisée comme indicat
eur de zone dans le Miocène supérieur. En outre, Elle est présente dans certaines coupes dans le Pliocène inférieur. Ecologie: Cette espèce est abondante dans les régions tropicales. On la rencontre principalement dans des eaux dont la température est 110 comprise entre 13 et 33°c et la salinité de 24 à 46 % (Hemleben, Spindler & Anderson,1989). Neogloboquadrina humerosa (TAKAYANAGI & SAITO,1962) pl. 5,fig. 10, 11 1962 - Globorotalia humerosa TAKAYANAGI & SAITO, p.78, pl.28, fig.1,2. 1977 - Globorotalia humerosa : WERNLI, pl.1, fig.4. 1978 -
Neoglobo
quad
rina hum
erosa
: KELLER
, pl.1, fig.10-12.
1979 - Globorotalia humerosa: SAINT-MARC & SUMINTA, pl.1, fig.24-26. 1982 - Globorotalia humerosa : LIDZ, pl.4, fig.57-59. 1983 -Neogloboquadrina humerosa: PETTERS, pl.6, fig.7,14. 1985 -Neogloboquadrina humerosa: STONE & KELLER, pl.6, fig.1,2. 1987 - Neogloboquadrina humerosa : SIERRO, pl.1, fig.9-12. 1988 - Globorotalia humerosa : WERNLI, p.203,
fig
.89-92
.
Description: Le test est à trochospire basse avec cinq à six loges (rarement sept) au dernier tour. Les sutures sont radiales et déprimées; la périphérie équatoriale est lobée, la périphérie axiale est arrondie. L'ombilic est généralement ouvert et profond. L'ouverture est interiomarginale, ombilicale-extraombilicale, en arc modérément bas, bordée d'une lèvre bien marquée. Cette espèce diffère de N. dutertrei et N. acostaensis par son ombilic plus ouvert et par sa tendance au déroulement. Ré
partition: (voir N. dutertrei )
Dans le bassin étudié, N. humerosa existe au Miocène supérieur et au Pliocène inférieur, depuis la zone à N. dutertrei jusqu'à la zone à G. margaritae evoluta. Neogloboquadrina pachyderma (EHRENBERG, 1861) 1861-Aristospirapachyderma EHRENBERG, p.276,277,303. 1973 -Neogloboquadrina pachyderma: COLLEN & VELLA, pl.2, fig.1-3. 1974 - Globigerina pachyderma: CITA et al.: pl.44, fig.3,4. 1975 - Neogloboquadrina pachyderma : POORE & BERGGREN, pl.3, fig.8. 1978a- Neogloboquadrina pachyderma : KELLER, pl.1, fig.1-3; pl.2, fig.1-9. 1978b- Neogloboquadrina pachyderma : KELLER, pl.l, fig.1-9. 1987 - Globorotalia pachyderma: WERNLI & HOUZAY, pl.l, fig.3,4. 1987 - Neogloboquadrina pachyderma : SIERRO, pl.2,
fig
.
1-4.
Description: 111
Le test à trochospire basse, la périphérie équatoriale est lobée, la périphérie axiale est arrondie. On compte quatre à quatre et demi loges sphériques à ovales au dernier tour et dont la taille s'accroit rapidement. Les sutures sont déprimées et radiales. L'ombilic est étroit et profond. L'ouverture est interiomarginale, ombilicale-extraombilicale, en arc très bas et bordée d'une lèvre. N. pachyderma diffère des autres espèces de Neogloboquadrina par sa paroi épaisse et granuleuse qui, dans des cas extrêmes, obscurcit les loges et les sutures. Répartition: Pliocène: Nouvelle Zélande, Espagne. Pléistocène: Californie, Nouvelle Zélande. Actuel: Islande, Méditerranée, Atlantique. Cette espèce est très rare dans les coupes étudiées. Quelques spécimens ont été trouvés au Pliocène inférieur au sein de la zone à G. margaritae. Ecologie: Elle vit actuellement dans des eaux froides et profondes. Le stade adulte domine au-dessous de 100 m (Bé,1977). La forte concentration de cette espèce à été observée au nord de l'Islande (Pujol,1980).
Genre Globigerinoides CUSHMAN, 1927 Globigerinoides amplus PERCONIG,1968 pl. 6,fig. 1, 2 1968 - Globigerinoides obliquus amplus PERCONIG, p.225, pl. 7, fig.20-22. 1969 - Globigerinoides obliquus amplus: PERCONIG, pl.1, fig.9. 1975 - Globigerinoides obliquus amplus: BORSETTI & CATI, p.1O3, pl.8, fig.3. 1988 - Globigerinoides amplus : WERNLI, p.184, fig.40-42. Description: Le test est à trochospire basse. La périphérie équatoriale est distinctement lobée, alors que la périphérie axiale est arrondie. Les loges sont subglobulaires, disposées en deux tours et demi. Dans le dernier tour, on compte trois à trois et demi de loges dont la taille s'accroit rapidement; la dernière loge est plus petite que la précédente et peu surbaissée. Dans la littérature, G. amplus à été souvent considérée comme une sous-espèce de G. obliquus, ou parfois confondue avec les petites formes de cette espèce ou d'autres espèces telque: G. extremus et G. emeisi Elle diffère de ces espèces par: - son ouverture primaire large et surbaissée, 11 2 - son ouverture secondaire bien développée, - un arrangement régulier des loges au dernier tour. Répartition: Miocène: Miocène supérieur (Maroc). Pliocène: Pliocène inférieur (Espagne, Maroc). Dans le bassin de Boudinar, cette espèce existe au Miocène supérieur et au Pliocène inférieur, depuis la sous-zone à G. suterae jusqu'à la sous-zone à G. margaritae.
Globigerinoides bollii BLOW,1959 pl. 6,fig. 3 1959 - Globigerinoides bollii BLOW, p.189, pl.10, fig.65. 1962 - Globigerinoides bollii : BELFORD, pl.5, fig.7-10. 1965 - Globigerinoides bollii: CITA, PREMOLI-SILVA & ROSSI, p.258, pl.30, fig.5,6. 1966 - Globigerinoides bollii : McTAVICH, pl.3, fig.16,17. 1967 - Globigerinoides cf bollii: BIZON, p.62, pl.6, fig.7. 1967 - Globigerinoides bollii : PARKER, p.153, pl.2O, fig.1,2. 1977 - Globiger
inoides bollii : WILDI & WERNLI, pl.1, fig.4. 1978 - Globigerinoides bollii : CITA, COLALONGO & D'ONOFRIO, pl.1, fig.8,9. 1979 - Globigerinoides bollii :
B
LOW, p.126, pl.20, fig.2,3. 1985 - Globigerinoides bollii : BOLLI
&
SAUNDERS, fig.20:8. 1985 - Globigerinoides bollii:
STONE &
KELLER, pl.7, fig.15,16. 1987 - Globigerinoides bollii :
SIE
RRO, pl. 7, fig.8-10. 1988 -
Globigerin
oides
bolli
i : WERNLI, p.185
, fig.43-45. Description: Le test et trochospiralé, avec quatre loges au dernier tour, arrangées d'une manière compacte. La périphérie équatoriale est lobée. Les sutures du côté spiral et ombilical sont généralement étroites et incisées. L'ombilic est petit, subcirculaire, en partie caché par la deuxième loge du dernier tour. Cette espèce est très proche de G. obliquus dont elle diffère par son enroulement plus serré, par sa paroi plus épaisse et par son ouve~ture arrondie et non étirée obliquement. Toutefois elle est loin d'être confondue avec G. conglobatus. Répartition: Miocène: Grèce occidentale, Italie, Espagne, Miocène Supérieur (Algérie, Maroc), de la zone à G. mayeri / G. lenguaensis à la sous - zone à G. bulloides (Venezuela). Pliocène: Algérie, Maroc. 113 G. bollii est peu fréquente dans le bassin étudié, elle est présente dans le Miocène supérieur et le Pliocène inférieur.
Globigerinoides bulloideus CRESCENTl,1966 1966 - Globigerinoides bulloideus CRESCENTI, p.43, fig.8-3,3a,9. 1971 - Globigerinoides bulloideus : YJALSMA, p.75,81, pl.11, fig.12; pl.12, fig.1,3,6. 1972 - Globigerinoides bulloideus : TJALSMA & WONDERS, pl.1, fig.3-5. 1980 - Globigerinoides bulloideus : WERNLI, pl.4, fig.2. 1985 - Globigerinoides bulloideus: BOLLI & SAUNDERS, fig.20:9. 1985 - Globigerinoides bulloideus : STONE & KELLER, pl.8, fig.9,10. 1987 - Globigerinoides bulloideus: SIERRO, pl.11, fig.7,8. 1988 - Globigerinoides bullloideus : WERNLI, p.186, fig.46-48. Description: Le test est à trochospire moyenne à basse, la périphérie équatoriale est subquadrangulaire modérément lobée. Dans le dernier tour, on compte quatre loges globulaires dont la taille s'accroit d'une façon régulière. L'ouverture primaire est assez grande, en forme d'arc circulaire largement ouvert, laissant voir les ouvertures des loges précédentes à la manière de Globigerina bulloides. L'ouverture secondaire spirale est assez grande et en forme d'arc semi-circulaire. Les coquilles sont généralement de taille moyenne à grande, le grand diamètre du test peut atteindre 450 à 500 μm. Cette espèce diffère de G. obliquus obliquus par un test plus lobé, moins compact, par un ombilic plus ouvert et par une ouverture primaire plus grande. Répartition: Miocène: Tortonien (bassin de Gadalquivir, Espagne), Miocène supérieur (Maroc). Pliocène: Pliocène inférieur (bassin de Java, Indonésie). Dans le bassin étudié, G. bulloideus est présente au Tortonien supérieur (sous-zone à G. suterae), un peu fréquente au Messinien (zone à G conomiozea) et semble disparaître à la limite mio-Pliocène.
Globigerinoides conglobatus (
BR
ADY,
1879) pl. 6,fig. 7
1879 - Globigerina conglobata BRADY, p.286. 1962 - Globigerinoides conglobatus : PARKER, p.229, pl.3, fig.1-5. 1967 - Globigerinoides conglobatus: PARKER, p.154, pl.20, fig.3,4. 1970 - Globigerinoides conglobatus : CIFELLI & SMITH, pl.5, fig.2-5. 1971 - Globigerinoides conglobatus : FRERICHS, pl.2, fig.4. 1978 - Globigerinoides conglobatus: CITA & RYAN, pl.96, fig.8,9. 114 1979 1982 1985 1987
- Globigerinoides conglobatus: SAINT-MARC & SUMINTA, pl.2, fig.18-20. - Globigerinoides conglobatus: LIDZ, pl.1, fig.17,18. - Globigerinoides conglobatus: PUJOL & DUPRAT, pl.10, fig.11. - Globigerinoides conglobatus : SIERRO, pl.8, fig.10; pl.9, fig.1-5. - Globigerinoides conglobatus : WERNLI, p.192, fig.63-65. Description: Le test est légèrement globulaire à trochospire basse, la périphérie équatoriale est modérément lobée, la périphérie axiale est arrondie. Dans le dernier tour, on compte trois et demi à quatre loges dont la taille s'accroit d'une manière régulière. La dernière loge, généralement plus grande que la précédente, est plus haute que large comme chez G. amplus. L'ouverture primaire est soit de taille moyenne, en arc bas, soit petite et hémicirculaire. Les ouvertures secondaires sont souvent indistinctes. Cette espèce diffère de G. elongatus par sa paroi épaisse et granuleuse, impliquant des sutures étroites et très incisées, et par la position de l'ouverture primaire. Répartition: Miocène: Miocène supérieur (Islande, Maroc), Indonésie. Pliocène: Islande, Indonésie, Maroc, Espagne, Algérie. Pléistocène: Islande, pléistocène inférieur (Indonésie). Actuel: mer d'Andaman. Dans le bassin étudié, G. conglobatus est très rare, quelques individus ont été récoltés dans la coupe de Sidi Haj Youssef au sein de la zone à G. conomiozea. Ecologie: G. conglobatus est une espèce subtropicale vivant préférentiellement dans la zone épipélagique (Bé et Hamlin,1967). Elle présente un développement optimal en automne (Tolderlund & Bé,1977).
Globigerinoides emeisi BOLLI,1966 1966 - Globigerirwides emeisi BOLLI, p.460, pl.1, fig.11,12. 1967 - Globigerinoides emeisi : BIZON, pl.7, fig.2. 1972 - Globigerinoides emeisi: BIZON & BIZON, p.216, fig.1-3. 1977 - Globigerinoides aff. emeisi : WILDI & WERNLI, pl.1, fig.5. 1979 - Globigerinoides emeisi :
ERNLI, pl.2, fig.8,9. 1980 - Globigerinoides emeisi : WERNLI, pl.4, fig.1. 1987 - Globigerinoides emeisi : SIERRO, pl.7, fig.11. 1988 - Globigerinoides emeisi : WERNLI, p.187, fig.49-51. Le test est trochospiralé, la périphérie équatoriale est modérément lobée, la périphérie axiale est presque arrondie. Dans le dernier tour, on compte trois à trois et demi loges s'arrangeant d'une manière compacte et dont la taille s'accroit rapidement. Cette espèce est caractérisée par son ouverture primaire plus large que haute et par son ouverture secondaire relativement petite, en arc semi-circulaire. Elle diffère de G. amplus par sa dernière loge plus grande. Répartition: Miocène: Miocène supérieur (Maroc). Pliocène: Maroc, Pliocène inférieur (Indonésie, Grèce occidentale). G. emeisi est rare dans le matériel étudié. Quelques individus ont été observés dans le Messinien, au sein de la zone à G conomiozea.
Globigerirwides obliquus extremus BO LLI & BERMUDEZ, 1965 pl. 6,fig. 5, 6 1965 - Globigerinoides obliquus extremus BOLLI & BERMUDEZ, p.139, pl.1, fig.10-12. 1972 - Globigerinoides obliquus extremus : CITA, pl.61, fig.4. 1972 - Globigerinoides obliquus extremus : CITA, pl.7, fig.2,3. 1973 - Globigerinoides obliquus extremus : CITA, STRADNER & CIARANFI, pl.35, fig.6. 1975 - Globigerinoides obliquus extremus: BORSETTI & CATI, p.103, pl.8, fig.5. 1979 - Globigerinoides obliquus extremus : BLOW, p.126, pl.21, fig.2,3. 1979 - Globigerinoides obliquus extremus : SAINT-MARC & SUMINTA, pl.2, fig.18-20. 1982
-
Globigerinoides obliquus extremus : LIDZ, pl.2, fig.22-25. 1983
- Globigerinoides extremus : PETTERS, pl.8, fig.9,25,26. 1985 - Globigerinoides obliquus
extremus : BOLLI & SAUNDERS, fig.2O:11. 1985 - Globigerinoides obliquus extremus : STONE & KELLER, pl.8, fig.5,6. 1987 - Globigerinoides extremus : SIERRO, pl.8, fig.4,5. 1988 - Globigerinoides obliquus extremus: WERNLI, p.187, fig.52,53. Description: Le test est trochospiralé, la périphérie équatoriale est lobée. Dans le dernier tour, on compte quatre loge ovoïdes dont la taille s'accroit lentement. Les sutures sont généralement très incisées. L'ouverture primaire est en arc souvent asymétrique et l'ouverture secondaire est relativement ample. Cette espèce diffère de G. emeisi et de G. amplus par sa dernière loge petite et comprimée obliquement et par un arrangement un peu tordu des loges dans le dernier tour. Répartition: 116 Miocène: Indonésie, Miocène supérieur (Grèce occidentale, Islande, Maroc), Tortonien (Tunisie), Messinien (Algérie). Pliocène: Grèce occidentale, Jamaïque, Indonésie, Islande, Algérie, Maroc, Pliocène inférieur (Tunisie). Pléistocène: Indonésie. G. obliquus extremus est fréquente dans le bassin étudié. Elle s'etend depuis la sous-zone à G. suterae jusqu'à la zone à G. margaritae. Globiger
inoides obliquus
obli
quus
BOL
LI
,
1957
1957 - Globigerinoides obliqua BOLLI, p.113, pl.25, fig.9,10. 1959 - Globigerinoides obliqua : BLOW, p.191, pl.11, fig.68. 1962 - Globigerinoides obliquus : BELFORD, pl.5, fig.11-14. 1966 - Globigerinoides obliquus : McTAVISH, pl.3, fig.29,30. 1967 - Globigerinoides obliquus: PARKER, p.155, pl.20, fig.5,6. 1971 - Globigerinoides obliquus : TJALSMA, p.84, pl.12, fig.4,5. 1973
- Globigerinoides obliqu
us
:
COLLEN & VELLA :
pl.4, fig.4-6. 1973 - Globigerin
oides
obliqu
us
obli
quus: CITA & GARNER, pl.52, fig.2. 1975
-
Globigerinoides obliquus obliquus : BORS & CATI, p.104, pl.8, fig.4. 1976 - Globigerinoides obliquus : MONTENAT, BIZON & BIZON, pl.2, fig.13,14. 1979 - Globigerinoides obliquus obliquus: BLOW, p.126. 1979 - Globigerinoides obliquus : SAINT-MARC & SUMINTA, pl.2, fig.16,17. 1982 - Globigerinoides obliquus obliquus : LIDZ, pl.2, fig.26-32. 1985 - Globigerinoides obliquus obliquus : STONE & KELLER, pl.8, fig.3,4. 1985 - Globigerinoides obliquus: PUJOL & DUPRAT, pl.12, fig.12. 1985 - Globigerinoides obliquus obliquus: BOLLI & SAUNDERS, fig.20:12. 1988 - Globigerinoides obliquus obliquus : WERNLI, p.189, fig.55,56. Description: Le test est trochospiralé à enroulement un peu compact, la périphérie équatoriale est subquadrangulaire. Sur la face spirale, les sutures sont droites à faiblement arquées et déprimées, alors que sur la face ombilicale, elles sont un peu obliques et déprimées. On compte trois à quatre loges au dernier tour, s'accroissant rapidement de taille. L'ombilic est petit. La dernière loge est arrondie, non comprimée latéralement et l'ouverture primaire est arquée, bien centrée sur l'ombilic. Une ou deux ouvertures secondaires sont visibles sur la face spirale. G. obliquus obliquus diffère des autres espèces de Globigerinoides (G.extremus, G amplus ) par son ouverture arrondie, non déformée obliquement et par son enroulement un peu compact. Répartition: Miocène: Trinité, Grèce occidentale, Islande, de la zone à C. stainforthi à la zone à G. bulloides (Venezuela), Tortonien (bassin de Gadalquivir, Espagne), Miocène supérieur (Algérie). 11 7 Pliocène: Indonésie, Grèce occidentale, Pliocène inférieur et moyen (Algérie), Pliocène inférieur (Tunisie). Dans le bassin étudié, G. obliquus obliquus est peu fréquente, elle est présente au Miocène supérieur et devient rare au Pliocène inférieur.
Globigerinoides
quadriloba
tus (
D
'
ORBIGNY,1846) pl. 6,fig. 4
1846 - Globigerina quadrilobata D'ORBIGNY, 1960 - Globigerina quadrilobata : BANNER & BLOW, p.17, pl.4, fig.3. 1962 - Globigerinoides quadrilobatus quadrilobatus: BELFORD, pl.2, fig.17-21. 1965 - Globigerinoides quadrilobata : CITA, PREMOLI-SILVA & ROSSI, p.263, pl.29, fig, 1. 1971 - Glob
igerinoides quadrilobatus quadrilobatus : BRÔNNIMANN & RESIG, pl.
12, fig
. 7. 1985 - Globigerinoides quadrilobatus: BOLLI & SAUNDERS, fig.20:17,18. 1985 -
Glob
igerin
oides quadrilobatus: STONNE & KELLER, pl.8, fig.11,12. 1987 - Glob
igerin
oides quadrilobatus morf. quadrilobatus : SIERRO, pl.10, fig.4,5. 1988 - Glob
igerin
oides
quadri
lobatus quadrilobatus:
W
ERNLI
, p.189
, fig
.
57,58. Description: Les coquilles sont généralement de grande taille, le grand diamètre du test peut atteindre 500 à 600 μm. Le test est à trochospire basse, la périphérie équatoriale est subquadratique lobée. Au dernier tour, on compte trois et quart à trois et demi loges bien globulaires dont la taille s'accroit très rapidement. La dernière loge est hémisphérique plus haute que large et occupe la moitié du volume du test. L'ouverture primaire est en arc très bas plus large que haute. Répartition: Miocène: Tortonien (Italie), Miocène supérieur (Algérie, Maroc). Pliocène: Maroc, Pliocène inférieur (Tunisie), Pliocène inférieur et moyen (Tunisie). Dans le bassin de Boudinar, G. quadrilobatus est fréquente, elle est présente au Miocène supérieur et au Pliocène inférieur.
Globigerinoides
ruber
(D'OR
BIGNY,1839) 1839 - Globigerina rubra D'ORBIGNY, p.82,pl.4, fig.12-14. 1957 - Globigerinoides rubra : BOLLI, p.113, pl.25, fig.12. 1965 - Globigerinoides rubra : CITA, PREMOLI-SILVA & ROSSI, p.269, pl.27, fig.1,2,6. 1970 - Globigerinoides ruber: CIFELLI & SMITH, pl.5, fig.6. 1971 - Globigerinoides ruber : TJALSMA, p.86, pl.13, fig.6. 1974 - Globigerinoides ruber: CIFELLI, pl.2, fig.4,5. 1975 - Globigerinoides ruber parkeri : BORSETTI & CATI, p.1O5, pl. 7, fig.4-7; pl.8, fig.6. 118 1979 - Globigerinoides ruber: BLOW, p.129, pl.21, fig.5,6. 1981 - Globigerinoides ruber : HUGUES & JENKINS, pl.9:3, fig.8,9. 1982 - Globigerin
ruber : LIDZ, pl.2, fig.33,34. 1983 - Globigerinoides ruber: PETTERS, pl.8, fig.18,20. 1985 - Globigerinoides ruber
: BOLLI & SAUNDER
S, fig.20:1,2. 1985 - Globigerinoides ruber:
STONE &
KELLER, pl.8, fig.7,8,13,14. 1987 -
Globigerinoides ruber : SIERRO,
pl
.11,
fig
.1. 1988 - Globigerinoides ruber : WERNLI, p.195, fig. 72, 73. 1989 - Globigerinoides ruber : HEMLEBEN, SPINDLER & ANDERSON, p.15, fig.
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Visite sur le terrain Du Somail à Fraïsse-sur-Agout : un territoire tourné vers sa forêt. M. Nironi Visite sur le terrain Du Somail à Fraïsse-sur-Agout : un territoire tourné vers sa forêt par Marine NIRONI L'aire d'accueil du Bourdelet, forêt domaniale du Somail D'une forêt de protection à une forêt de production
La visite est commentée par Jean-Luc Arvieu (ONF). Un rapide historique est nécessaire pour comprendre l'état de la forêt domaniale du Somail aujourd'hui. Au XIXe siècle, l'économie de la région est essentiellement basée sur une activité agricole importante de polyculture et d'élevage (bovins, ovins et porcins). En 1859 et 1875, les sols mis à nu ne résistent pas à l'érosion qui est la cause d'inondations catastrophiques. Le rôle de la forêt est enfin reconnu et les premières lois sur la restauration des terrains en montagne (RTM) permettent le reboisement qui retient les sols, endigue les ruissellements et régule les cours d'eau. Au XXe siècle, l'exode rural entamé au siècle précédent et la guerre de 14-18 aggravent l'abandon des terres agricoles en montagne (entre 1870 et 1946, le canton de La Salvetat perd 60 % de sa population). À partir de 1935, les chantiers de chômeurs, puis pendant la guerre, les chantiers de jeunesse, participent activement à la reforestation de la région. En 1936-1937, l'Etat opère un rachat des terres. Après la , afin de satisfaire les besoins importants en bois de papeterie et de construction, les aides de l'Etat (Fonds forestier national) permettent la plantation de vastes terrains laissés en friche. Plusieurs variétés sont utilisées, des pépinières sont mises en place, des plants forestiers sont produits. Au niveau du développement local, la forêt publique est apparue au départ comme une chance pour les populations locales : les pépinières, les travaux forestiers, les surveillances incendies, fournissent de l'emploi saisonnier et la cueillette des champignons représente un revenu non négligeable. A leur tour, les propriétaires privés boisent leurs terres. Quant aux communes, elles ont en général vendu leurs terrains pour électrifier les campagnes, et ne possèdent pas de forêt communale. Les boisements se sont étendus, fermant les paysages. Passés les premiers entretiens, les jeunes boisements ne nécessitent plus de travaux (ni de main d'oeuvre) et ne dégagent pas encore de revenus. La production de champignons baisse avec les premières éclaircies. La population, de longue tradition agricole, regrette quelquefois cette transformation du territoire. Aujourd'hui sur les communes de La Salvetat, Cambon, Fraïsse, Le Soulié (soit 24 000 ha ) la forêt occupe 67% de la surface. Elle est privée à 56 %, communale à 7%, domaniale pour 37%. Un intérêt économique Les peuplements sont majoritairement issus de plantation et leur forte croissance promet une production avoisinant 100 000 m3 par an d'ici 15 ans. La forêt domaniale du Somail fournit déjà 30 000 m3 par an. La filière bois est active et organisée dans le département voisin du Tarn ; 400 m3 récoltés représentant un emploi direct ou induit, il semble primordial d'attirer cette filière et d'obtenir des retombées sur le territoire. Une grande diversité biologique
Les forêts du massif abritent de nombreuses espèces animales ou végétales. La conservation de la diversité biologique implique le maintien de milieux naturels diversifiés : forêts, landes, pelouses, tourbières, étangs Certains de ces milieux, d'une grande valeur écologique et particulièrement fragiles, bénéficient de mesures de gestion conservatoires et d'un statut de protection particulier. C'est le cas des tourbières du Bourdelet, de Grandsagnes et d'Oustal Naout classées en Réserves biologiques domaniales. Un plan de gestion prévoit leur restauration. L'entretien de ces milieux est quelquefois assuré par le pastoralisme qui doit respecter un cahier des charges précis. L'Arn, qui traverse le massif, a une eau particulièrement pure et abrite une importante population de moules perlières. C'est la seule rivière en France où l'on constate une reproduction de cette espèce. Ce site fait partie du réseau Natura 2000, un document d'objectif est en cours de réalisation.
Un atout touristique
Le massif du Somail est à une heure et demi de Béziers, deux heures de Toulouse et Montpellier, ce qui entraîne une grande affluence de citadins recherchant la fraîcheur des lacs et de la forêt en été, et les champignons à l'automne. L'accueil d'un tourisme diffus s'organise autour des aires de pique-nique (fermées l'été à cause du risque d'incendie), des sentiers de découverte, des chemins de randonnées, etc. A côté d'une chasse traditionnelle au chien courant ou en battue, la chasse guidée à l'approche, la chasse à l'arc, au chevreuil et mouflon, se développe. Zoom sur le Douglas Vert Une volonté politique
La forêt domaniale du Somail se compose de : 25 % d'Epicéa, 24 % de Hêtre, 13 % de Chêne, 9 % de Sapin, 8 % de Pin, 7 % de Douglas, 6 % de Châtaignier, 6 % d'autres résineux, 2 % d'autres feuillus. Le Douglas (Pseudotsuga menziesii) représente donc 7 % de la couverture forestière du massif. Il occupe les meilleures stations, où il peut atteindre une croissance de plus de 20 m3 par hectare et par an et 50 m de haut. Progressivement, les élus et la population prennent conscience de l'importance de la forêt comme atout incontournable d'un développement local durable. La communauté de communes l'inscrit dans son schéma directeur. Une volonté politique forte fédère l'ensemble des acteurs. Elus, propriétaires, gestionnaires, utilisateurs de la forêt, se rencontrent et travaillent au développement du territoire autour de la thématique forêt. De nombreuses études et projets sont aujourd'hui en cours de réalisation : – schéma de desserte pour la mobilisation des bois, L'amélioration des peuplements à travers les éclaircies a conduit à une sélection des plus belles tiges et permet aujourd'hui de réaliser des régénérations naturelles. Le bois est de bonne qualité et apprécié des acheteurs. Son prix peut atteindre 80 euros le m3. De couleur brun rosé, son bois très durable possède d'excellentes qualités qui lui valent des utilisations diverses tant en intérieur qu'en extérieur : menuiserie, charpente, bardage etc. On peut le récolter aux alentours de 70 ans, lorsque son diamètre atteint 60 cm. ault des massi (économiques environnementaux touristiques) et locaux les s Cantons, able pour le éveloppement durable de ce territoire. Pierre Dérioz (SIVOM de Vesoles) prend la parole. Cette forêt domaniale du Somail est un espace charnière, pas seulement du point de vue du système climatique. etc.), notamment celui du Saut de Vesoles, a été réalisé à l'occasion des lois RTM. Entre 1930 et 1960, le reboisement, par l'Etat, du massif, incite les propriétaires forestiers privés à faire de même en replantant massivement sur leurs terrains. Les anciens bâtiments agricoles, les anciennes fermes, abandonnés pendant l'exode rural, sont absorbés par la forêt à l'occasion de cet important reboisement. Ce bâti pose problème aujourd'hui, car c'est l'ONF qui en a hérité et ne sait pas quoi en faire. La réhabilitation serait intéressante, mais est à refaire. Charnière entre le système de plateaux agricoles et le système de la vallée du Jaur Charnière entre espaces ruraux d'arrière-pays et la lointaine périphérie verte de la plaine languedocienne
Le système de plateaux agricoles se caractérisait par un système montagnard (massif central) avec une céréaliculture difficile. Alors que le système de la vallée du Jaur se caractérisait par une polyculture, un élevage diversifié (ovins, caprins, etc.) très ouvert, une production viticole, fruitière, etc. Ces deux systèmes se superposaient. En 1860, il y a une explosion du Canton de LaSalvetat, avec une déprise agricole mêlée à une déprise industrielle. Cette progressive chute de la population va entraîner un profond changement du paysage. À la fin du XIXe siècle, l'arbre n'était alors présent que sous forme de verger, de haie ou de ripisylve, et encore. Le reboisement s'est fait par des hêtraies. Le premier aménagement touristique des sites (cascade, Les unités urbaines de la plaine languedocienne sont proches en effet de ce territoire, ce qui provoque une hausse de la fréquentation. Les citadins viennent y faire toutes sortes de choses, y compris des pratiques rurales anciennes, en « self-service ». La cueillette des champignons est un des exemples par excellence. Le discours sur les « envahisseurs » marche très bien, entre les « gens du lieu » et les « gens de l'extérieur ». Mais il est par ailleurs très difficile de mettre une frontière géographique pour délimiter cette différence. La saison de ramassage des champignons (et en particulier des cèpes) dans cette région crée toujours de fortes tensions, car c'est une activité locale économiquement intéressante (marchés,
Photo 1 : L'aire d
accueil du Bourdelet dans la forêt domaniale du Somail
Photo D.A. 199 petits commerces, restauration, etc.). Il y a quelques actions isolées comme certains propriétaires privés qui ferment leur propriété pour offrir à quelques personnes une cueillette privée. Cela engendre quelques échauffourées, mais rien de bien méchant. Il y a un réel problème concernant la propriété des champignons car les usages ruraux traditionnels (on est libre de cueillir n'importe où et surtout chez le voisin) sont bien différents du code forestier (les champignons appartiennent au propriétaire du terrain, donc il est interdit de cueillir dans une propriété privée). Cet usage-là s'est répandu aux communes, ainsi qu'aux villes voisines ; il y a donc un problème du passage de la forêt domaniale (où la cueillette est libre) à la forêt privée (où la cueillette est logiquement soumise à une réglementation) qui se pose de plus en plus. Régis Peltier (CIRAD Forêt) souhaite apporter une précision sur une enquête sur la cueillette des champignons réalisée par des étudiants. Les propriétaires moyens de forêt privée disent qu'ils voudraient se réserver leur production de champignons en choisissant leurs plantations. En effet, ils gagneraient plus d'argent en plantant des épicéas (car les cèpes poussent dessous) qu'en plantant des douglas (les cèpes ne poussant pas dessous) par exemple. Mais s'ils essayent de se réserver leur production, cela ne marche pas, car ils se font immédiatement réprimander. Le Lac du Saut de Vesoles
Photo 2 : Vue du Lac du Saut de Vesoles Photo Pierre Dérioz
La visite est commentée par Pierre Dérioz (SIVOM de Vesoles). Le lac du Saut de Vesoles a été le premier site touristique de la région en terme de popularité. Le paysage est nuancé et agréable, avec le lac, la forêt et des espaces ouverts. C'est un des paysages emblématiques du HautLanguedoc. Ceci est un paradoxe, car il a entièrement été façonné par l'homme, que ce soit les landes, les reboisements, ou bien le lac de barrage (construit par EDF en 1956). La couverture forestière est essentiellement constituée de plantations résineuses avec des tailles variables ; de forêt communale (Fraïssesur-Agout), forêt privée et forêt domaniale. Les cascades, de 500-600 mètres environ sont issues de la rivière du Bureau, rivière du "plateau" capturée par le versant méditerranéen, alors que l'Arn, tout proche, est tributaire du versant atlantique. Le barrage (qui a accéléré la déprise agricole) a diminué l'attrait des cascades, autrefois plus impressionnantes, mais il a créé un autre attrait, le lac. Ce site touristique attire quelque 15 000 personnes par an, toutes activités confondues. Ce site est géré par le SIVOM de Vesoles, créé en 1992, regroupant les communes de Fraïsse-sur-Agout, Riols et Prémian. En 1996, il a pour objectif de préserver le caractère sauvage du site et de gérer le tourisme et les risques (incendies notamment). Ce SIVOM a servi d'école pour amener à se connaître les différents partenaires locaux (forestiers publics, forestiers privés, communes, fédération de pêche, etc.). Le "réseau vert" du Département de l'Hérault passe par site où ont été aménagés des parkings de dissuasion pour éloigner les voitures du lac. La gestion multi-usages de ce territoire est difficile, car il n'y a pas de présence permanente des pouvoirs publics et les usagers font preuve de beaucoup d'incivilités (franchissement des barrières interdisant l'accès à des endroits interdits ou dangereux). Dans ce contexte-là, l'effort de réglementation n'est pas évident ; il est difficile d'aller contre les usages traditionnels. Il reste un peu de pastoralisme induit dans la forêt domaniale pour l'entretien des parcelles. En ce qui concerne le potentiel économique des alentours, une source a été reconnue pour des vertus particulières ce qui aboutira peut-être à la création d'une usine sur Fraïsse-sur-Agout. Un projet de site éolien est également en élaboration, car le secteur est très venté. Le Col de La Bane (1003 m)
La visite est commentée par Pierre Dérioz (SIVOM de Vesoles), Christian Bouttes (adjoint au maire de Fraïsse-sur-Agout) et Roger Ambec (adjoint au maire de Fraïsse-sur-Agout) 200 La commune de Fraïsse-sur-Agout a tenté des choses atypiques en terme de gestion des espaces forestiers. Elle a fait le choix, ici, dans les années 70 de ménager une place à la forêt et de la gérer le mieux possible, en partie en conservant des espaces pastoraux pour accueillir des éleveurs et ainsi lutter contre la déprise agricole. Cette initiative est passée par des animations pour les jeunes et a permis d'attirer une dizaine d'agriculteurs. C'est l'AFP (Association foncière pastorale) qui gère environ 1000 hectares de terrains pastoraux communaux. Elle gère également tous les terrains communaux, les terrains du Parc naturel régional du Haut-Languedoc ainsi que les terrains privés (une soixantaine de propriétaires). En 1975, elle a commencé à aménager des clôtures, à remettre les terrains en état et ainsi elle les a donnés par contrat aux éleveurs. Cela a conforté les exploitations existantes et une vingtaine d'agriculteurs ont pu ainsi profiter de ces parcelles. Depuis les années 30, cette façon de gérer l'espace forestier et dans le même temps de lutter contre l'exode des populations rurales, fonctionne plutôt bien ; la preuve en est le maintien de l'école de la commune. La production de lait de brebis est la principale activité des fermiers. Mais il y a aussi l'élevage de bovins viandes, la présence d'éleveurs caprins (AOC), de chevaux, d'ânes, de mules. Il reste du sylvopastoralisme qui relève ellement de pâturages en forêt. Et enfin, l'affouage est une activité qui subsiste ; les habitants viennent récupérer leur bois, du chêne et du hêtre principalement, tout en respectant certains principes en matière de coupe, qui permettent de faire de l'amélioration forestière. Fraïsse-sur-Agout Visite des bâtiments du Campotel à ossature bois
Le projet a été subventionné à 80 % par l'Europe, le Conseil général de l'Hérault, le Conseil régional du Languedoc-Roussillon, le Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNADT). Le coût restant (20 %) a été partagé à 60 % à la charge de la Communauté de communes de La Montagne du Haut-Languedoc et à 40 % pour la commune de Fraïsse-sur-Agout. La construction de ces gîtes a débuté en 2000, et l'ouverture au public a eu lieu en mai 2003.
Visite de la chaudière à bois
Visite commentée par Marguerite Mathieu, Maire de Fraïsse-sur-Agout. En 2001, conseillée là aussi par Bois Energie 66, et s'appuyant sur l'expérience des Pyrénées-Orientales, la commune forestière de Fraïsse-sur-Agout (1 000 ha de forêt communale) décide de remplacer l'énergie électrique sur plusieurs bâtiments par la mise en oeuvre d'un chauffage fonctionnant au bois déchiqueté, via un réseau de chaleur. Ce réseau de chaleur de 700 m (étalé sur trois tranches), permet de desservir la totalité des bâtiments publics auxquels se sont ajoutés quelques bâtiments privés supplémentaires, tous situés sur le trajet du réseau de chaleur. La chaufferie comprend une chaudière de 450 kW au fioul. L'utilisation pertinente des sous-produits, issus de l'entretien des forêts communales par la production d'un combustible bon marché et affranchi des fluctuations des coûts des énergies traditionnelles, permet donc de concilier chauffage des bâtiments communaux et gestion de la forêt. Par ailleurs, cette orientation traduit la volonté de cette commune touristique de valoriser la qualité de son environnement naturel
Photo 3 : Les bungalows du Campotel de Fraïssesur-Agout
chauffés au bois-énergie
Photo D.A. Visite commentée par Marguerite Mathieu, Maire de Fraïsse-sur-Agout. Ce projet d'extension du Campotel de six gîtes individuels construits exclusivement en bois et recouverts de cuivre, est un projet de la Communauté de communes de La Montagne du Haut-Languedoc, mais leur gestion est communale. Ils sont situés au bord de l'Agout et une des activités que peuvent entreprendre les vacanciers est la pêche à la mouche avec un domaine réservé. Ces « bungalows » sont chauffés au bois-énergie, bois qui provient de la forêt communale. C'est l'association Bois-Energie 66 qui a réalisé l'étude de préfaisabilité et qui a conseillé la commune. 201 – L'entretien général (ramonage, élimination des cendres, etc.) est effectué par des employés communaux. La révision complète de la chaudière est réalisée une fois par an par le constructeur. La quantité de cendres produite, environ trois tonnes par an, est utilisée en épandage en forêt. La production de combustible
Photo 4 : A Fraïsse, lors de la visite : au centre Mme Marguerite Mathieu, maire de la commune et à sa droite M. Francis Cros, maire de La Salvetat et président de la Communauté de communes de la montagne du Haut-Languedoc. Photo D.A. Documents consultés pour la rédaction de ce
compte
rendu
: -
Plaquette de
l'ONF de
l
'Hérault : "La forêt do
maniale
du So
mail
, un
massif forestier héraultais",
décembre 2004
-
Pla
quette éditée par l'ADEME, le Conseil général de l'
Hérault
et la Région Languedoc
Roussillon : "R
éseau de chaleur communal, Fraïsse-sur-Agout (34)", juin 2006 Marine NIRONI Stagiaire Forêt Méditerranéenne en Master Aménagement du territoire à l'Université de la Méditerranée Aix-Marseille II 202 par l'utilisation d'énergie renouvelable, tout en soutenant l'emploi et l'activité économique locale. Ci-après, sont données quelques caractéristiques de l'installation. – Le hangar de stockage, ventilé, est situé à environ 1 km de la chaudière. Avec 400 m3 de troncs, on produit 1000 m 3 de plaquettes (consommation annuelle de 900 m3). – Le silo a une contenance permettant quinze jours d'autonomie. Pour l'instant, il ne fonctionne qu'avec du résineux, car ce sont les pins sylvestres, provenant des éclaircies difficilement vendables en papeterie, qui sont utilisés. – Le mode de remplissage du silo s'effectue par bennage deux fois par mois par des employés communaux. – Le système d'extraction est un convoyeur à vis. – La longueur du réseau (tuyaux calorifugés sous la voirie) est de 700 m. – On compte 31 sous-stations (11 dans les bâtiments communaux : salle polyvalente, écoles, mairie, office de tourisme, maison des associations, gîtes, agence postale, commerces ; et 20 chez les privés). La surface totale à chauffer est de 3 800 m2. Les consommateurs privés payent un abonnement au mois et possèdent chacun un compteur de Kilocalories. – Le comptage s'effectue au de 50 compteurs caloriques. – La mise en service de la chaufferie remonte à novembre 2003. Elle a une puissance de 450 kW, mais n'utilise que 200 kW pour l'instant. Une extension du réseau est donc possible et même prévue. La couverture énergétique par le bois est de 90 %. – Une chaudière d'appoint au fioul de 400 kW est prévue (régulation en cascade entre les chaudières bois et fioul pour un déclenchement automatique les jours les plus froids). La commune a signé avec l'ONF une convention d'approvisionnement du site de stockage en plaquettes forestières. L'ONF assure les opérations suivantes : – choix des parcelles et des produits de coupes à réserver pour le déchiquetage, – consultation des entreprises d'abattage, de débardage, de transport et de déchiquetage, – organisation et surveillance des différentes opérations, – réception des produits suivant le cahier des charges de la chaufferie bois, – après exploitation en hiver, les arbres sont rangés sur une place de dépôt, puis transportés devant le hangar de stockage pour y être broyés. Le déchiquetage a lieu en juin, les plaquettes sèchent durant la période estivale, – ainsi traitées, les plaquettes arriveront à un taux d'humidité de 30 % environ, conforme aux prescriptions du constructeur de la chaudière. La consommation est d'environ 300 tonnes. L'énergie produite est de 850 000 kWh/an. Le coût de revient des plaquettes forestières est de 43,15 euros HT/tonne. Le coût du kWh entrée stockage est de 1,55 centimes d'euros HT/kWh. L'évaluation du projet
L'investissement global total du projet s'élève à 840 713 euros HT. Le financement du projet a été pris en charge à 80 % par des subventions de la DGE (6 %), de l'ADEME (19 %), de la Région LanguedocRoussillon (21 %), du FNADT (24 %) et du Conseil général de l'Hérault (10 %) ; et 20 % de la part de la commune de Fraïsse-sur-Agout. Le coût d'exploitation annuel revient à 31 115 euros TTC (au lieu de 64 000 euros TTC avant investissements) soit une économie annuelle d'exploitation de 32 885 euros TTC. Le temps de retour sur investissements est prévu sur 5 ans. Il y a bien sûr un bénéfice environnemental à ce projet. La quantité d'énergie fossile substituée chaque année est de l'ordre de 80 TEP (Tonne Equivalent Pétrole ; 1 TEP équivalant à 11 620 kWh thermiques). Les émissions de CO2 évitées chaque année sont de 162 tonnes..
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Ainsi, les polarités urbaines connaissent en Europe divers dysfonctionnements qui se sont cristallisés selon des chronologies différentes d'un pays à un autre et en fonction de la taille des villes (chapitre 6). Parmi les éléments majeurs de ces dysfonctionnements, il convient de noter : - La désaffection des clientèles pour des centres-villes vieillissants au profit de polarités périphériques modernes. Cette crise qu'on peut qualifier de « choc de la modernité » peut être interprétée comme un affaissement du rôle classique des coeurs historiques du point de vue du « vivre ensemble » ou du « faire cité » traditionnels face à l'appareil marchand postmoderne des pôles rationalisés à fonction ludo-commerciale de la charnière suburbain-périurbain. On peut aussi évidemment le percevoir comme le résultat des avantages et désavantages comparatifs entre structures marchandes (éventail des produits, qualité de mise en valeur, prix, professionnalisme, combinaison d'opportunités, accessibilité et stationnement). C'est enfin un révélateur des nouveaux équilibres démographiques et sociaux entre les diverses composantes des aires urbaines. En d'autres termes, la classique dualité centre-périphérie - leitmotiv des analyses commerciales depuis près d'un demi siècle - recouvre des réalités complexes et inégales, certains centres-villes de grandes métropoles, en particulier en France, conservant une belle vitalité. Au contraire, les chocs frontaux apparaissent avoir été bien plus dévastateurs pour les coeurs de villes en Europe du Sud (à l'exception de l'Italie – chapitre 6) et dans les villes françaises moyennes et petites. Les grandes agglomérations résilientes Le taux de vacance moyen (7 %) demeure faible et les performances des enseignes sont excellentes. Ces centres-villes abandonnent leur fonction de proximité (métiers de bouche) au profit d'enseignes es orientées shopping, culture, loisirs. La forte présence des cadres de fonction métropolitaine dans ces villes assure le dynamisme de ces villes sur le plan du commerce comme sur celui de l'emploi. Les grandes villes moyennes fragilisées
Les profils marchands de ces villes sont assez équilibrés avec à la fois la présence d'activités anomales (commerces vendant des produits à faible fréquence d'achat), mais aussi de commerces de proximité : alimentaire et surtout services et santé (banques, pharmacies, opticiens) Les grandes villes moyennes enregistrent des performances commerciales nettement inférieures à celles constatées dans les grandes agglomérations. Le taux de vacance moyen est alarmant avec plus de 10 % et les performances des enseignes Procos sont, en moyenne basse, 17 points en deçà de leur chiffre d'affaires moyen France.
Les petites villes moyennes en danger
Ces villes relais sur le territoire français, constituent souvent la seule centralité de proximité pour des territoires ruraux, mais apparaissent comme souvent très fragiles. 50 % de ces villes moyennes connaissent un taux de vacance inquiétant à plus de 10 %. Ce taux dépasse même 15 % pour 20 % de ces centres-villes. Les performances des enseignes nationales sont, en moyenne, assez faibles, 20 % en deçà de leur niveau moyen de chiffre d'affaires en France. Si, les initiatives de l'Etat n'en sont qu'à leur balbutiement, cette problématique est entrée dans le débat public en 2016 avec le rapport de l'IGF sur la revitalisation des centres-villes. Les villes touristiques préservées
Avec un taux de vacance inférieur à 7 %, les villes touristiques semblent bénéficier pleinement de l'apport extérieur de population. Ces centres-villes sont souvent beaucoup plus étendus que ceux des villes dont la population résidente est comparable. Ils sont marqués par une densité très importante de commerçants indépendants notamment dans le secteur alimentaire, en conséquence les enseignes nationales, pourtant présentes en nombre, semblent peu représentées, en raison de leur poids relatif. Les commerçants indépendants sont souvent mieux armés pour répondre à une demande spécifique de la clientèle touristique en quête de produits du terroir et d'authenticité alors que les enseignes nationales, avec une offre plus standardisée, n'ont pas toujours l'opportunité de développer une offre locale. Plutôt que se concurrencer, ces deux types d'offre se complètent : les enseignes nationales font bénéficier de leur notoriété les commerçants locaux. Ces derniers apportent l'originalité des produits pour une plus grande diversité de l'offre au profit du consommateur et de l'attrait du coeur de ville. Fig. 52 - La résilience commerciale inégale des centres-villes par type de ville en France. Source : P. Madry (IVC) et Procos – Le palmarès des centres-villes, janvier 2017.
Pour les villes françaises de taille moyenne, les principales explications tiennent en général à l'armature commerciale incomplète des sous-préfectures, à leur isolement et à des dynamiques démographiques et d'emplois négatives. - Les périphéries ne sont pas exemptes de dysfonctionnements. Ils tiennent aussi à un complexe de facteurs technico-commerciaux et socio-économiques. Dans les quartiers de 235 grands ensembles d'habitat collectif social, les modestes structures commerciales mises en place de manière planifiée ont souvent connu des crises d'obsolescence, d'inadaptation quantitative et qualitative des techniques de vente face à des populations elles-mêmes évolutives ; les formules commerciales spontanées ou/et de marchés (commerce non sédentaire) n'ont pas toujours pallié ces problèmes. Cette question du renouvellement structurel et de l'adaptation à des réalités mouvantes concerne également celle des zones commerciales et centres commerciaux des générations les plus anciennes. Lorsqu'ils sont en crise ce peut être pour des raisons d'obsolescence du « contenant » (localisations, environnement, structures et architectures) et du « contenu » (produits, formules de vente, absence de couplage commerce-restauration, loisirs), avec à la base, fréquemment, des déficiences du système d'acteurs (Soumagne, Desse, Gasnier et al., 2010). 236 en % 8 2012 2014 7 6 5 4 3 2 1 0 20 à 40 boutiques 40 à 80 boutiques 80 à 120 boutiques plus de 120 boutiques
Fig. 53 - Le taux de vacance dans les centres commerciaux en France, en %. Source : Procos, 2015.
Pourtant, selon Procos (2015), les anciens centres commerciaux résistent mieux que les récents : le taux de vacance des centres ouverts dans les années 1970 oscille autour de 5 %, quand celui des centres ouverts après 2010 dépasse les 10 %. Procos note également que les grands centres commerciaux résistent mieux : les méga mall de plus de 120 boutiques ont vu leur taux de vacance progresser de 1,7 point entre 2012 et 2014, là où les petites galeries marchandes (de 20 à 40 boutiques) ont connu une forte dégradation de leur situation (+ 2,5 points). Cette situation s'explique certes par la conjoncture économique mais aussi par la baisse de fréquentation des hypermarchés (locomotives), de l'explosion des ouvertures de centres commerciaux aux loyers en augmentation progressive ces dernières années, de la concurrence du e-commerce, de la baisse du rendement au m2, etc. et de la concurrence de centres plus anciens mais bien implantés et reconnus (Madry, 2017).
2 – 3 – Facteurs de résilience externes au commerce
Il n'y a pas de déterminisme général concernant les dynamiques territoriales des villes, de leurs centres et périphéries. De très grandes agglomérations, certes minoritaires, peuvent connaître un taux de vacance commercial plus élevé que d'autres unités urbaines de même taille (centre-ville de Marseille). Des cités de taille petite (Bayeux) ou moyenne (Gap) peuvent tirer leur épingle du jeu et présenter une vitalité forte de leur centre-ville et de leurs centralités de quartier. Fig. 54 - Facteurs de résilience externes au commerce. Source : IGF – CGEDD, juillet 2016.
La vacance commerciale est un indicateur intéressant de résilience : un taux élevé sera considéré comme un signe de dépérissement, de maintien d'une déprise économique, urbaine, sociale que des opérations d'aménagement n'ont pas réussi (ou pas encore) à effacer. Au contraire, un taux faible sera interprété comme un signe de prospérité commerciale et de relations favorables au territoire dans lequel l'entreprise ou l'établissement est implanté. L'environnement territorial (démo-socio-éco-géographique) du commerce est donc tout aussi important à considérer que le commerce lui-même : revenu médian élevé de la population du bassin de chalandise, croissance de population des pôles urbains, notamment en coeur d'agglomération, attractivité touristique, équilibre commercial à peu près maintenu entre les quartiers centraux, péricentraux et les autres pôles des communes urbaines, maintien ou renforcement de la diversification commerciale au sein d'un quartier ou d'une ville, etc. sont des facteurs qui participent à un ancrage favorable du commerce dans son territoire. Les dynamiques opposées, ajoutées aux problèmes locaux d'augmentation des loyers ou aux difficultés d'accessibilité dans l'agglomération, contribuent à l'effet inverse. À partir des études de cas présentées dans l'ouvrage « Aménagement et résilience du commerce urbain en France » (2014) 59, l'entrée par le commerce montre que cette fonction urbaine permet d'éclairer certains mécanismes qui produisent, ne produisent pas ou seraient susceptibles de produire de la résilience (mises en projet, expérimentations actuelles, prospective). Les types de déclin, les facteurs de dysfonctionnement et/ou dévalorisation, les actions de mise ou remise en valeur et leurs effets apparaissent difficilement généralisables d'un espace intra-urbain à un autre. Alors, cinq types principaux de rapport entre espaces intra-urbains et résilience peuvent être évoqués à l'issue de ce travail de recherche.
A/ Les centres-villes
Durant le dernier demi-siècle les centres-villes ont connu différentes crises liées entre elles : crise démographique, avec dévitalisation par départ des populations des coeurs urbains vers les espaces périphériques ; crise environnementale par saturation de la voirie par l'automobile avec ses conséquences (nuisances sonores et basse qualité de l'air) ; crise économique par dégradation du tissu traditionnel commercial et de services ; crise morphologique avec parfois la dégradation des bâtiments ; crise d'attractivité enfin, d'autres polarités venant contrecarrer l'influence centrale. L'exacerbation de la compétition centre-périphérie s'est réalisée surtout à partir des années 1970 avec la prolifération des zones commerciales suburbaines, les disparitions de commerces, le vieillissement de l'appareil marchand et de la population commerçante comptant parmi les aspects les plus voyants d'une crise de centralité en fait systémique. Face à la désagrégation fonctionnelle des s, les acteurs privés, commerçants indépendants, groupes de la distribution, associations, ont peu réagi. Quant à l'État, il a initié des politiques contractuelles dans les années 1970 et 1980 mais qui affectaient seulement certaines catégories de villes. Dans l'ensemble, les autorités locales ont cherché à relever le défi en considérant que les centres-villes conjuguent une valeur patrimoniale élevée par la présence d'un bâti historique, une valeur symbolique en termes d'unicité de la communauté citadine, une valeur marchande défendable, la polarité traditionnelle conservant des atouts. Le souci des municipalités de revitaliser leurs centres anciens a donc assemblé intérêt politique, en termes d'image au sens noble du terme, et intérêt économique, en France comme ailleurs en Europe. L'enjeu était alors de réconcilier les citadins avec leur centre et de les « faire revenir au centre » en rendant celui-ci attractif. Ce retour a pu être résidentiel par des opérations de restauration-réhabilitation ou dans certains cas de reconstruction, en misant sur l'arrivée d'une population solvable, ce qui a entraîné la gentrification ; ces opérations d'aménagement ont eu pour mérite de générer une nouvelle image centrale et d'entraîner un renouveau de la fonction commerciale qui a pu être spectaculaire dans certaines rues. Mais ce renouveau s'est souvent traduit par une anomalisation croissante autour de quelques magasins-locomotives et d'équipements socio-culturels (Gasnier, 1996, 2002). 59 Ouvrage paru en 2014 (Soumagne, Desse, Gasnier, Grellier, Guillemot) pour exposer les principaux résultats obtenus dans le contrat européen Urban net Replacis. Depuis le milieu des années 2000, de nouvelles formes de déprise touchent ces espaces de vieille centralité dans certaines villes françaises en repli démographique et/ou économique. En effet, la vacance commerciale semble se développer durablement sur les secteurs en marge de ces centres-villes. Ce phénomène de rétraction commerciale des espaces centraux tend à circonscrire la centralité initiale aux principales rues et places contiguës d'une enseigne locomotive ou d'un centre commercial intégré. Alors que les principales dynamiques commerciales bénéficient largement aux marges des agglomérations, les récentes implantations de centres commerciaux, la requalification d'espaces publics en partie liée à la réalisation d'une ou plusieurs lignes de tramway, la programmation régulière d'évènements culturels, récréatifs et touristiques dans les coeurs de ville, ne suffisent pas toujours à inverser cette tendance de déprise économique, de baisse démographique et de fuite des emplois (donc d'une partie des clientèles) initialement centraux vers la périphérie agglomérée ou en périphérie des agglomérations. Dans ces conditions, la défense commerce s'est inscrite dans une volonté politique large où interfèrent tous les objectifs de la réhabilitation en conjuguant commerce et culture, bâti et habitants, plan de circulation et espace public. La recherche d'une nouvelle modernité pour les centres a impliqué de passer de politiques sectorielles à des actions coordonnées et a pu conduire dans certains cas à un effort synthétique pour aménager le centre dans sa globalité. Parmi les opérations les plus marquantes ayant tenté de réanimer les centres traditionnels, on peut d'abord retenir, au cours des années 1970 et 1980, à la fois les opérations de piétonnisation (qui ont affecté de nombreuses villes grandes et moyennes) et des centres commerciaux intégrés (au sein des grandes villes françaises pour l'essentiel), mais aussi la patrimonialisation d'une partie de ces centres historiques et les aménagements de TCSP. Pour les centres historiques, après une première période de sauvegarde de ces espaces menacés de destruction (par la mise en place d'aires de mises en valeur de l'architecture et du patrimoine -AMVAP - depuis Mai 2010 dans le cadre du Grenelle 2), les pouvoirs publics, notamment locaux, ont progressivement optés pour la mise en valeur du patrimoine architectural local, afin de tenter de renforcer l'attractivité centrale, mais aussi de contribuer à l'affirmation d'une identité propre à la ville concernée. Enfin, les aménagements en faveur des TCSP ont été l'occasion d'opérations groupées d'aménagement, que l'on a aussi retrouvées lors de requalifications de quartiers de gares (Lille Europe hier, Eurorennes ou Euratlantique à Bordeaux aujourd'hui), d'anciens marchés (Halles Castellane à Montpellier), voire de fronts d'eau (Saint-Nazaire, Le Havre, Rouen), des rares friches militaires (Bonne à Grenoble), industrielles ou tertiaires de centre-ville (l'îlot des Cordeliers à Poitiers sur une ancienne emprise de Gaz de France). Les centres-villes apparaissent ainsi comme un des enjeux fondamentaux de la restructuration commerciale urbaine tant du point de vue des équilibres centre-périphérie que dans le jeu concurrentiel des entreprises ou encore d'adaptation à la diversité des consommateurs. Les opérations d'aménagement qui sont conduites au coeur des villes françaises tout comme sur les marges péricentrales ont des ambitions multiples d'adaptation à un monde mouvant ; urbanisme public et privé doivent y montrer une réactivité permanente. Au final, les diverses opérations d'aménagement ayant porté sur les centres-villes ont eu jusqu'ici une efficacité variable (chapitre 1) dans le processus de réanimation - résilience commerciale centrale : si l' e générale peut paraître aujourd'hui plus soignée, plus propre, plus attractive, la part des centres-villes au sein du chiffre d'affaires commercial des agglomérations continue à diminuer, surtout dans les villes moyennes (chapitre 5). On observe aussi la disparition de certains types de commerces (secteur d'alimentation courante, banale, commerces spécialisés dans le gros mobilier) dans les rues piétonnes. La piétonisation a engendré un fort turnover commercial (lié en partie aux difficultés d'adaptation de l'offre commerciale aux nouvelles fréquentations), mais a aussi renforcé l'implantation de franchises et de succursalistes, limitant ainsi le choix des gammes de produits. Même si l'arrivée de Zara ou de H&M, pour une ville moyenne, représente le signe de « jouer » dans la cour des grands, elle amène une standardisation de l'offre et du paysage commercial. La piétonnisation a contribué également à créer des situations conflictuelles en raison de l'apparition de fortes nuisances sonores produites à certains moments de la journée ou de la semaine lors de la transformation d'un quartier résidentiel en pôle touristique dans les vieux centres historiques (place Plumereau à Tours). L'impact de ces projets et actions de valorisation n'est donc pas toujours complétement résilient. De même, certains centres commerciaux vieillissants (Étoile-Jacobins au Mans) et/ou de petite taille peinent à maintenir leur clientèle et à en attirer de nouvelles. D'autres, plus récents, ont encore du mal à décoller (Docks 76 à Rouen). Les petites galeries marchandes produites dans les années 1980-90 ont connu, elles aussi, des situations de vacance, de friche aboutissant parfois à la fermeture totale seulement un an après leur ouverture au public (galerie Clémenceau à Brest). En terme d'accessibilité, le centre-ville de Bordeaux semble avoir été dynamisé par la mise en place du tramway, en particulier dans le corridor non riverain, mais cela au détriment des autres centralités « secondaires » (Gasnier, 2013). Quant à l'animation des quartiers centraux, l'apparition très modeste et tardive en France au cours de ces dernières années de managers de centre-ville (town centre managers) peut paraître globalement bénéfique, même si ici et là se posent des problèmes de partage des rôles entre acteurs (Chambre de commerce et d'industrie, municipalité, agglomération, associations de commerçants), certains refusant par exemple de participer financièrement à une telle gouvernance (La Rochelle). Ces ambivalences ou résultats mitigés observés dans les actions de requalification des quartiers centraux et péricentraux, depuis plus de quarante , montrent que des obstacles à une résilience globale des centres traditionnels demeurent, que les mesures d'accompagnement des acteurs publics à court terme n'ont pas toujours été efficaces pour deux raisons majeures : par manque de moyens, d'investissements d'une part, par effet réactif d'actions menées en péricentral ou en périphérie (centres d'affaires autour des gares relocalisant des entreprises tertiaires initialement présentes en hypercentre, création de nouveaux parcs commerciaux suburbains entraînant des délocalisations d'enseignes du centre-ville, zones franches périphériques vidant les quartiers traditionnels de leurs professions libérales, cabinets de médecins notamment, etc.), d'autre part. En même temps, l'effet de taille de la ville joue beaucoup sur la dynamique commerciale. Il vient nuancer les affirmations précédentes. 241 B/ Les espaces péricentraux 242
Nés dans les années 1970-80, les premiers centres commerciaux péricentraux français résultent à la fois d'opérations planifiées et programmées par les pouvoirs publics et d'initiatives privées ayant longtemps agi en dehors de toute contrainte publique d'aménagement (Soumagne, 2002). Depuis plus d'une décennie, ces quartiers péricentraux, notamment sur front d'eau, font l'objet d'une réactivation de pôles de centralité anciens par des opérations de renouvellement urbain à caractère commercial et récréatif de plus en plus actives et diffuses au sein de l'armature des villes françaises. Dans les quartiers portuaires en déclin (Chaline, 1994), tous les projets, en cours de réalisation ou achevés, illustrent avant tout une réappropriation forte par les collectivités locales des espaces en déshérence, dont les processus de désindustrialisation et de paupérisation appellent des actions politiques de régénération volontariste (Law, 2000). Situés à l'interface entre centre-ville requalifié et périphérie peu régulée (Péron, 2004), en développement continu sur le plan commercial (corridors, zones d'activités), ces territoires péricentraux sont aujourd'hui massivement intégrés dans les politiques de renouvellement et de régénération urbaines. Dès lors, interroger la résilience des espaces péricentraux et des fronts d'eau en particulier consiste à intégrer les jeux d'acteurs, les conséquences sociales et économiques des actions de requalification à différentes échelles d'espace et de temps, puis la transversalité–globalité des processus de renouvellement urbain à l'oeuvre. Les opportunités foncières (friches urbaines) donnent à ces espaces longtemps restés en marge, des possibilités de grande résilience à partir des années 2000. Dans ce domaine, La France accuse un certain retard sur le monde anglo n et sur certaines métropoles européennes, Barcelone, Lisbonne, Gênes, entre autres. La revitalisation des premiers bassins et des docks passe par la mixité fonctionnelle, le commerce et les loisirs constituant les locomotives comme à Bordeaux « le Quai des marques », au Havre « les Docks Vauban » ou à Rouen « Docks 76 » (Gasnier, 2013). Aussi, le poids des acteurs privés reste prépondérant mais contribue à renforcer la publicisation d'espaces privés (normalisation et contrôle social) au sein d'équipements neufs qui ou bien dysfonctionnent (commerces vacants du Ruban Bleu ày Saint-Nazaire en 2012) (Gasnier, 2013), ou bien conservent des ratios de rendement faible (Le Ruban bleu aujourd'hui 60), ou bien encore déclenchent des dysfonctionnements dans d'autres secteurs du quartier ou de la ville considéré(e). Le fait que ces espaces n'aient jamais constitué de pôles de centralité explique sans doute cette lente et difficile résilience de territoires intra-urbains touchés par des crises économiques et démographiques récurrentes (aléas de l'activité des chantiers navals de Saint-Nazaire, départ de l'activité portuaire en aval à Bordeaux). Ils vont devenir brutalement attractifs après la réalisation de projets de redynamisation territoriale (dont commerciale) plus ou moins contigus aux quartiers centraux. Enfin, la faible résilience urbaine des années 2000 peut être liée à une faible globalisation et transversalité des actions mises en place. Actions de couturage intra-urbain, greffe d'équipements divers et politique de réanimation commerciale ne peuvent fonctionner que dans
60 Source :
Carene
,
Saint
-
Nazaire, mai 2017. une démarche transversale et systémique. Cette dernière permet alors une réelle articulation polyfonctionnelle avec les activités existantes et une mise en complémentarité économique et sociale par une différenciation commerciale d'une part, une mixité des temps de fréquentation et des cibles de consommateurs d'autre part (chapitre 8). Ainsi, les différentes études de cas évoquées dans ces espaces péricentraux montrent des formes de résilience inachevée. Le temps de l'appropriation spatiale, de l'urbanité, de l'expérience sociale à partir de nouvelles habitudes de pratique et de déplacement, est souvent plus long que celui qui sépare le projet de sa réalisation. Finalement, recycler et transformer la matérialité des lieux ne suffit pas à les rendre résilients. La résilience doit se penser dans le rapport à l'urbanité (prise en compte de l'articulation sociale des lieux, y compris de chalandise), dans celui des temps des fonctionnements de ces mécanismes sociaux et économiques, dans la complémentarité des fonctions urba
. C/ Les quartiers d'habitat social
Outre cette question du temps long, depuis la production de quartiers modernes d'habitat collectif jusqu'aux périodes plus récentes de dégradation urbanistique et sociale de secteurs résidentiels de plus en plus ghettoïsés, les grands ensembles témoignent plus spécifiquement de formes inégales et ambivalentes de résilience. À La Rochelle ou à Brest, l'absence pesante de résilience dans ces territoires de relégation provient de deux situations assez radicalement opposées : d'un côté, l'isolat, le repli ou le hiatus entre les cités d'habitat social et la ville proviennent à la fois de la faiblesse de l'investissement public actuel (pas seulement en terme financier) et privé. Mais, au sein de ces secteurs d'habitat social, les réalités sont diverses et tous les centres commerciaux de ces quartiers ont des degrés de résilience que l'on peut étalonner sur une échelle d'intensité. En règle générale, la faiblesse de la résilience des espaces commerciaux provient de la dévalorisation sociale de leurs usages et des pratiques de chalandise tournées vers l'extérieur du quartier. Paradoxalement, le fort volontarisme politique en termes de restructuration urbanistique aurait dû augmenter le degré de résilience générale. Il n'en est rien : l'investissement public en provenance de l'État ou des collectivités locales ne peut compenser la faiblesse des investissements de la grande distribution dans ces secteurs de la ville.
D/ Les centres commerciaux
Ces centres commerciaux périphériques contribuent à la multipolarisation du commerce urbain à la fois en coeur d'agglomération et sur les marges suburbaines. Longtemps, en périphérie, la question de la résilience urbaine ne s'est pas posée en raison de la forte attractivité des centres commerciaux : hypermarché avec galerie attenante, extension de la galerie marchande au fur et à mesure de l'augmentation de l'offre en matière de restauration, de loisirs et de services récréatifs. Mais, plus récemment, malgré des programmes d'extension linéaire du bâtiment existant sous forme de strip mall 61 dans les années 2000, le modèle du centre commercial est peu à peu remis en question, de manière toute relative car « l'obsolescence programmée des hypermarchés ne met pas encore en danger la santé financière de la grande distribution mais l'oblige à changer de stratégie » (Libération, 15 mars 2017). En effet, la réduction des surfaces vouées aux produits non alimentaires est compensée par une concentration de l'offre en produits alimentaires et un chiffre d'affaires général en croissan , surtout pour les plus grands centres commerciaux. Cependant, la baisse générale de fréquentation 62, surtout lorsqu'il y a peu d'offres ludiques internes de type multiplexe, est un constat unanimement admis en France qui touche surtout les centres commerciaux de tailles petite et moyenne. De même, le turnover parfois rapide des enseignes impacte l'absence de reprise d'activité et fait progresser le nombre de locaux vacants, à l'exemple du centre de marques Chanel outlet store de Calais-Coquelles : comme son nom l'indique ce centre commercial ne vise pas une population calaisienne plus ou moins modeste mais anglaise ; il subit alors les fluctuations de valeur de la livre sterling. Enfin, la multiplication de centres commerciaux « nouvelle tendance », aux commerces renouvelés, contribuant à concurrencer voire à dévitaliser les premières générations de centres commerciaux dans lesquels la friche commence à s'installer durablement, représente les signes d'une résilience segmentée, d'une crise autant économique qu'urbanistique dont les effets se lisent aussi à l'échelle des entrées de ville. 61 Ensemble commercial linéaire et extensible. 62 de -1,3 % en 2011 (Source : CNCC, 2012).
E/ Les parcs commerciaux
En effet, les parcs commerciaux suburbains, intégrant ou non un centre commercial, font l'objet de réflexions, depuis quelques années seulement, de la part de praticiens de l'urbanisme, de développeurs et d'élus, sur le renouvellement urbain de zones économiques pour lequel les principaux enjeux sont à la fois liés à des objectifs de régénération économique, de requalification urbanistique et d'expérimentation de concepts résilients dans les nouvelles manières de produire de la ville. Alors que la création de surfaces commerciales est supérieure à la consommation, la stratégie de « cannibalisation » à l'oeuvre depuis moins d'une décennie, émanant d'une surconcurrence des enseignes et d'une financiarisation de l'immobilier commercial (Madry, 2010), contribue à renforcer la déprise, la vacance et la friche, parfois sur le modèle des dead malls 63 nordaméricains. Face à ce constat, la volonté politique de l'État, celle des praticiens de l'urbanisme et de quelques collectivités locales (Saint-Étienne, Poitiers, Montpellier) visent à expérimenter de nouvelles démarches de production urbaine périphérique ou périurbaine à travers des méthodes innovantes de renouvellement urbain. Aux logiques accumulatives et gatives de production de zones économiques monofonctionnelles, à l'emprise grandissante, au cours des Trente Glorieuses, du « tout automobile », des implantations privilégiées de « boîtes » à partir des années 1980 dessinant le paysage standardisé et banalisé de cette « France moche » (Télérama, 2011) si décriée, succèdent aujourd'hui de nouvelles stratégies territoriales. Seront-elles le vecteur d'une résilience en marche dans ces territoires de projet? Les routes de l'automobile et du meuble, les corridors commerciaux étirés sur plusieurs communes, peu denses, peu accessibles par les transports collectifs, deviendront-ils de vrais morceaux de ville, des quartiers réellement multifonctionnels, des centralités mieux interreliées aux agglomérations qu'ils ceinturent? Sur ces territoires, la résilience urbaine et économique apparaît inégale d'un territoire urbain à un autre. 245 publics sur la route de Vannes à Nantes ait eu une conséquence sur le chiffre d'affaires des commerçants qui n'ont pas participé à l'action de requalification de la voirie. Pour autant, l'intervention de l'État apparaît récemment plus coercitive dans la mesure où il impose des réglementations de plus en plus contraignantes notamment liées à de nouvelles normes environnementales et urbanistiques (réduction de l'emprise des parkings des GMS, par exemple), des normes qui concernent surtout le cadrage juridique des Scot, PLUI et autres documents de planification. Toutefois, les zones commerciales et les centres commerciaux périphériques restent toujours autant plébiscités. Ils attirent encore, en 2016, plus de 90 % des surfaces commerciales plancher en projet. Inversement, en centre-ville, les projets de centres commerciaux demeurent en retrait (Procos, 2016 65). Ainsi, les phénomènes de régénération commerciale ont largement bénéficié de l'intensité des efforts d'urbanisme général portant sur le bâti, les transports, les services, en complément de la seule fonction marchande. Faute de Documents d'aménagement commercial juridiquement opposables et opératoires pour toute une agglomération jusqu'à la fin des années 2000, les politiques publiques françaises ont été d'une efficacité très variable dans le domaine du commerce. La régulation publique a bien été un moteur fondamental du changement urbain et commercial, mais en favorisant la résilience de certains espaces en crise. Ailleurs, la dispersion et le manque d'unité des petits commerçants, leur faible collaboration avec les entreprises moyennes et a fortiori les grands groupes nationaux ou internationaux, ont eu pour conséquence un manque de poids pour que des dialogues fructueux s'instaurent avec les acteurs publics ou les sociétés immobilières. Mais, avec le récent cadre législatif en vigueur depuis 2010, certes encore timide sur le plan de l'urbanisme commercial, et la réforme territoriale de 2015, l'hypoth d'une nouvelle culture de projet, d'une vision prospective et multipartenariale en progression est posée.
Degré de résilience
Types d'espaces des espaces commerciaux commerciaux Résilience faible
Évolution des commerces
Disparition des Quartiers d'habitat social commerces isolés et du commerce de proximité è dès les années 1990 ; Absence de commerces succursalistes et franchisés ; Maintien de quelques commerces indépendants fragilisés ; Quelques grandes et moyennes surfaces ; Commerce ethnique. Freins à la résilience Facteurs de résilience
- Insécurité ; - Paupérisation de la population résidente, faible pouvoir d'achat ; - Image dévalorisée du centre commercial pour une clientèle étrangère au quartier ; - Maintien de centres commerciaux de 1re génération dégradés et en attente de régénération ; Nombreux locaux commerciaux vides. - Maintien d'une clientèle captive car peu mobile ; - Développement d'une économie souterraine, apport de revenus ; - Abaissement des loyers par les bailleurs sociaux ; - Fort interventionnisme de l'État (Anru, Epareca) pour renouveler les centres de quartier d'habitat social : retour des commerces et services en rezde-chaussée d'immeubles (La Duchère à Lyon). Modernisation commerciale ; - Brassage de populations sur le marché ethnique hebdomadaire. 65 http://www.procos.fr/images/procos/presse/2016/ _dossier_ _0116.pdf.
Degré de résilience Types d'espaces des espaces commerciaux
commerciaux Évolution des commerces Freins à la résilience Facteurs de résilience
Centres
-
ville
s Déclin relatif des centres commerçants des villes è concurrencés par les * les centres centralités périphériques des villes de (25 à 30 % du chiffre tailles petite d'affaires du commerce et moyenne de l'agglomération connaissent contre 60 à 65 % pour la une résilience périphérie). faible voire * Or, le centre-ville de nulle. Strasbourg représente * les centres des 50 % du chiffre d'affaire grandes et très de l'agglomération. grandes villes Rétraction des espaces connaissent centraux dynamiques une résilience à quelques rues assez forte principales animées par voire forte. un secteur piétonnier, un centre commercial intégré ou l'existence d'un commerce attractif isolé ( magasin, FNAC). =/= Euroméditerranée à Marseille. - Dynamique démographique faible ; - Accessibilité automobile de plus en plus difficile (partage de la chaussée par des TCSP ou des mobilités douces) ; - Difficultés de parking ; - Perte d'emplois ; d'où le risque de perte de certaines clientèles motorisées (périphéries et périurbains non connectés à des TCSP) et de clientèles d'actifs ayant un emploi en centre-ville ; - Taux de vacance commerciale moyen en augmentation constante : 9,5 %. * TV < 7 % dans les grandes villes. - Centres commerciaux de centre-ville vieillissants ; - Gestion foncière et immobilière complexe du fait de rigidités juridiques, de la multipropriété, de la complexité de gestion des rez-de-chaussée ; - Peu de disponibilité foncière, locaux vides éclatés et de petites surfaces ; - Évasion commerciale du centre vers les zones commerciales de la périphérie ; - Rétraction des espaces marchands et recul des indépendants - Image forte du centre-ville qui n'est pas perçu seulement comme une centralité commerciale ; - Attractivité touristique forte pour certains centres ; - Concentration des enseignes nationales et internationales (commerces succursalistes et franchisés) dans l'hypercentre ; - Animation de l'hypercentre proche de celles des centres commerciaux périphériques (avec town centre manager) ; - Espace multifonctionnel (fonction résidentielle, fonction administrative, loisirs dont cinéma, hôtels-restaurants-cafés) ; - Développement des Transports en Commun avec des interconnexions qui privilégient les hypercentres (pour une certaine clientèle) et les densités linéaires de commerces ; - Nouveaux formats de proximité ; - Projets de requalification urbaine (plus ambitieux dans les grandes villes) ; - Intervention de l'État et de la Caisse des dépôts convention centreville de demain) : renforcement de l'attraction hypercentrale et de centre-bourgs ; - Grands centres commerciaux récents créés ou réhabilités et renouvelés (Beaugrenelle à Paris, Beaulieu sur l'Île de Nantes) ; Péricentres - Rendements au m2 faible ; - Éloignement plus ou moins important du centre-ville et discontinuité d'accès ; - Manque de différenciation avec les branches commerciales de l'hypercentre ; - Lignes de transport collectif en chantier / hiatus dans l'accessibilité ; - Temps long du renouvellement urbain (dépollution, transfert d'activités, maintien d'entreprises ne souhaitant pas se délocaliser, etc.) ; - Ouvertures commerciales en décalage avec les opérations résidentielles / no man's land ; - Temps long de la réappropriation sociale par les habitants et les chalands. - Flux de fréquentation encore faibles mais en augmentation / appropriation plus marquée des chalands ; - Vacance résorbée dans de nombreux centres commerciaux =/= fin des années 2000 ; - Opérations en péricentral achevées ou en voie d'achèvement =/= période des travaux fin des années 2000 ; - Investissement continu des collectivités locales, des promoteurs commerciaux et des grands distributeurs ; - Disponibilité foncière et coût du foncier et de l'immobilier commercial assez bas ; - Images négatives des friches d'activités des années 1970/1990 en régression ; - Patrimonialisation. Résilience moyenne é * surtout ceux des grandes villes (et de quelques villes moyennes) Déclin commercial dans les années 1970, 1980 et 1990 ; Résilience lente, inégale dans les années 2000 mais en progression depuis 2010.
247 Degré de résilience Types d'espaces des espaces commerciaux commerciaux É
volution des
commerces
Hypermarchés et Centres commerciaux supermarchés isolés plus périphériques ou moins anciens en extension (galerie, drive) è et progressivement entourés de GMS et de services
. 248 Résilience assez forte
Résilience forte
Naissance dans les Parcs commerciaux années 1960-1980 ; des suburbains Vieillissement centres commerciaux ê de 1re génération et des premiers parcs commerciaux ; Apparition des premiers parcs commerciaux ou retail parks. Freins à la résilience
Facteurs de résilience - Concurrence des GMS, harddiscounts et e-commerce ; - Image négative (conditions de travail, pression sur les producteurs, développement non durable, gaspillage, surconsommation, etc.) ; - Consommateur zappeur qui se détourne davantage du seul modèle de l'hyper (sans l'abandonner) : changements de stratégie / circuits courts, rayons hard-discount, produits bio, réduction des surfaces de vente de produits non alimentaires ; - Nouveaux centres commerciaux aux loyers très élevés alors que les rendements stagnent ou baissent selon les cas ; Vacance plus ou moins ponctuelle ; - Saturation du marché depuis une dizaine d'années ; Surconcurrence ; Cannibalisation ; - Renouvellement important des enseignes et augmentation de la vacance ; - Poursuite de la course aux m2 ; Offre pléthorique décalée de la réalité des bassins de chalandise ; - Faible fréquentation des ZAC commerciales anciennes en voie d'obsolescence. - Image attractive du prix bas ; - Rendements au m2 élevés ; - Développement de services ; - Centres commerciaux nouvelle vague de type retail park ; - Centres commerciaux connectés (Qwartz à Villeneuvela-Garenne) ; - Ambiances exotiques, festives, évènementielles, ludiques ; Qualité architecturale ; - Méga malls créés ex-nihilo associés à des équipements culturels, artistiques, ludiques (projet Europa city). - Interface entre l'urbain et le périurbain ; - Proximité des bassins de consommateurs aisés (1re couronne) ; - Très bonne accessibilité en automobile pour les périurbains ; - Commerce de transit et drives ; - Multifonctionnalité / choix importants - Agrégation de nouveaux parcs commerciaux de type green center ; Attractivité renouvelée. progression é stagnation è diminution ê depuis 2010
Fig. 55 - Degré de résilience des espaces commerciaux des villes françaises. Sources : R-P. Desse, 2010 ;
A
. Gasnier 2017.
La résilience des espaces du commerce est inégale, tant à l'échelle inter qu'intra-urbaine. Tous les territoires commerciaux rencontrent des facteurs favorables à leur résilience mais aussi des freins externes au commerce (Fig. 55). Renforcer les points forts et débloquer les freins ne peut passer que par une approche de politique territoriale globale et multiscalaire d'abord engagée par l'État en matière de planification et de régulation (vers un programme national de redynamisation des centres-villes et un plan national de renouvellement des périphéries urbaines dans lequel les espaces du commerce seraient intégrés?), puis par les Régions (intégrer l'aménagement commercial dans le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) et les intercommunalités (Scot, PLUI) depuis la loi Pinel de 2014. Les acteurs institutionnels peuvent actionner des leviers opérationnels et jouer sur la restructuration des espaces et équipements publics, sur celle du commerce s'ils maîtrisent le foncier de cette activité (Epareca), même si c'est rarement le cas. De ce fait, le recours aux acteurs privés est incontournable dans le cadre d'une cogestion locale étroite publiqueprivée (chapitre 8). En effet, la résilience commerciale se construit aussi sur les stratégies de développement économique de ces acteurs privés, foncières, promoteurs–développeurs d'opérations de centres commerciaux, grands distributeurs, commerçants, dont les degrés de soutenabilité des actions menées oscillent fortement d'un format commercial à un autre. 3 – La résilience des formes de commerce
Les stratégies de développement et d'expansion des acteurs du commerce produisent des effets sur la capacité des enseignes à s'adapter aux évolutions des pratiques et des valeurs de la consommation d'aujourd'hui. Le propre du commerce est de demeurer résilient face aux transformations parfois rapides des pratiques de consommateurs, face encore à la surconcurrence commerciale et aux difficultés prégnantes de se différencier de ses concurrents. La grande distribution a montré depuis plus de 50 ans une capacité de résilience extraordinaire. Pourtant, depuis quelques années, des failles semblent se dévoiler qui concernent certaines tailles de centres commerciaux et d'hypermarchés. Depuis plus longtemps, les indépendants, surtout les non franchisés, perdent des parts de marché. Les conditions d'une résilience forte ou moins forte des formes de commerce sont examinées au regard de la capacité des entreprises marchandes à réinvestir la ville (marchandisation? artefact?), à adopter les technologies numériques (déterritorialisation ou reterritorialisation?) et à expérimenter les voies d'un commerce plus alternatif (marché de niches?). Ces constructions ou reconstructions de la commercialité interrogent alors les effets produits sur la résilience des formes commerciales d'une part, sur les conditions d'une résilience soutenable d'autre part.
3 – 1 – Une résilience de la grande distribution de facto
À la différence de ce qui s'est passé dans le secteur industriel, les innovations sont rarement venues des grands groupes existants comme le Printemps, les Galeries Lafayette qui avaient su développer la formule du grand magasin à la fin du XIXe siècle puis celle des magasins populaires après la crise de 1929. La révolution commerciale des années 1960 a été le fait de commerçants sortis du rang. Une enseigne comme Félix Potin, qui développe un réseau de magasins d'alimentation dès le XIXe siècle, arrive à son maximum en 1956 avec 1200 unités, avant de péricliter et de disparaître complètement en 1996. Ses propriétaires n'ont pas su évoluer et prendre le tournant de surfaces alimentaires plus importantes, montrant ainsi une faible résilience (capacité à survivre quelques décennies au choc initial). Paradoxalement, l'innovation vient souvent de commerçants en place, des commerçants bien installés dans leur ville d'origine comme Marcel Fournier et Louis Defforey en Savoie (Carrefour), Paul-Auguste Halley à Caen (Promodès) ou la famille Darty en Région parisienne. Soixante ans après l'ouverture du premier hypermarché français, force est de constater un dynamisme notable du secteur de la grande distribution, lui permettant de s'adapter aux transformations de la société et aux nouvelles attentes des consommateurs. Ici ou là des enseignes ont disparu, des groupes ont été absorbés par d'autres mais globalement cette forme de distribution montre une forte résilience. Ce dynamisme provient en partie de la capacité d'attirer les capitaux. Si dans les premiers temps, l'autofinancement et les emprunts nécessaires auprès des banques n'ont été possibles que par des bénéfices importants, peu à peu le secteur se financiarise, attirant des investisseurs de plus en plus étrangers au commerce. Ainsi, dans les années 1990, les sociétés d'hypermarchés ont connu de profondes modifications de leurs assises financières. Les implantations devenant plus difficiles, le marché commençant à saturer, les achats-fusions se multiplient via des Opérations publiques d'achat. Dans ce secteur ne subsistent actuellement que six grandes entreprises : Leclerc, Carrefour, Intermarché, Super U, Auchan et Casino qui se partagent l'essentiel de l'activité et quadrillent le territoire, réduisant de fait la concurrence. Quatre d'entre elles sont hors des logiques boursières et échappent à la financiarisation du secteur. Seuls Casino et Carrefour sont cotés en Bourse. À partir des années 2007-2008, la bulle immobilière ayant éclaté, les investisseurs se reportent sur les projets commerciaux. Les foncières concernées sont souvent extérieurs à ces 6 groupes de la grande distribution. Dernier facteur de grande résilience, dans le domaine de l'assise financière, la plupart de ces groupes de la grande distribution poursuivent leur expansion hors de l'hexagone. Carrefour, longtemps deuxième distributeur mondial, occupe aujourd' la sixième place, après Wal-Mart, le britannique Tesco et l'américain Costco (source : Deloitte, 2016) dans la hiérarchie mondiale et réalise toujours 60 % de son chiffre d'affaires à l'étranger (Chine, Amérique latine), ce qui lui permet de faire face à de grosses difficultés en France. Ayant récemment racheté le site Rueducommerce.com pour muscler ses ventes en ligne, domaine où il accuse un certain retard, le groupe français réinvestit à l'étranger en se préparant à la concurrence de plus en plus vive d'Amazon, premier e-commerçant à pénétrer bientôt le top 10 des premiers grands distributeurs mondiaux. La plupart de ces enseignes ont amorcé une nouvelle révolution commerciale en multipliant les drives prenant ainsi en marche la révolution d'Internet en utilisant un de leurs principaux acquis, une logistique sans faille (Desse & Gasnier, 2015).
3 – 2 – Une capacité d'adaptation permanente aux demandes évolutives des consommateurs
Du modèle standardisé de l'hypermarché et de la consommation de masse des années 1960-70, la grande distribution invente aujourd'hui le commerce de précision (Moati, 2011) afin d'adapter une offre marchande de plus en plus segmentée à l'individualisation des comportements de consommation. En premier lieu, le modèle de croissance fordien qui s'est longtemps auto-entretenu (augmentation de la production, des revenus et consécutivement de la consommation) annonce le développement de la consommation de masse dont les premiers grands distributeurs avaient bien anticipé les prémices dès les années 1950 (Fourastié, 1979). Or, à partir de la fin des années 1960, ce modèle se heurte à de nouvelles aspirations (à la suite notamment de mai 1968) qui consistent à reconnaître la liberté individuelle face à une société jugée trop collective et normée. La réussite passe alors par l'accomplissement de l'individu qui demande à être reconnu dans sa particularité. La phase de consommation de masse « individualisée » a donc commencé vers 1975, entraînant avec elle la segmentation des marchés et la cible de consommateurs multiples (enfants, adultes, personnes âgées) aux styles de vie très diversifiés (Gasnier & Lemarchand, 2014). En même temps, depuis le début des années 1980, le discount n'est plus seulement un outil d'ascension sociale des ménages qui peuvent s'équiper et consommer toujours davantage, mais devient à la fois un marqueur de crise sociale et le moyen d'y répondre favorablement. En effet, il peut se révéler inaccessible à certaines populations ou être le moyen de ne pas trop perdre de pouvoir d'achat ; d'où le succès plus ou moins récent des dépôts-ventes, locations-ventes et marchands d'occasion. La percée du hard-discount en France depuis 25 à 30 ans s'appuie, au moins au départ, sur l'attraction des ménages les plus modestes. Or, le Hard discount est actuellement en fort recul, à tel point que certaines enseignes l'abandonnent (Aldi). 3 – 3 – Un réinvestissement de la ville par le commerce 252
Des centres commerciaux suburbains construits dans les années 1970 apparaissent aujourd'hui vieillissants. Il en est de même de certaines rues commerçantes de centres-villes et de secteurs entiers de zones d'activités commerciales en voie de déclin. Les « boites » périphériques, reflets d'une architecture réduite à sa plus simple expression, ne répondent plus aux attentes de performance environnementale imposées par la loi. Entre stratégies d'embellissement et volonté de réenchanter la consommation, les concepts commerciaux les plus récents deviennent plus qualitatifs. Certaines opérations d'urbanisme commercial permettent également de requalifier la ville (Dugot & Gasnier, 2012). Le réinvestissement urbain du commerce emprunte différentes voies et concerne des tissus urbains à la fois centraux et périphériques. Il se concrétise d'abord par un important toilettage architectural. Certes l'urbanisme en boîte à chaussures n'a pas disparu et le chantier de requalification urbaine est encore à venir. On observe néanmoins que les polarités commerciales périphériques existantes sont l'objet de tentatives d'améliorations esthétiques. Le label Valorpark, ambitionnant de « revaloriser l'image des parcs d'activités commerciales », a même été développé en ce sens. La tendance est surtout nette dans les derniers investissements commerciaux d'autant que s'invite à côté de la seule consommation l'idée de loisirs voire de tourisme. C'est le fun shopping, le retailment dont Bercy village, opération de renouvellement urbain dans Paris intra muros, ou Odysséum, centre commercial créé en périphérie de Montpellier, témoignent. Cette affirmation de la consommation comme un loisir se marque par une progression de la segmentation de l'offre avec, par exemple, l'ém de formats de magasins dédiés à une marque et produisant une branding architecture, estampilles nécessaires dans la compétition urbaine. Cette volonté de réenchanter la consommation se traduit aussi par le déploiement de villages de marques, lointains héritiers des premiers magasins d'usine, où le commerce, dans un cadre soigné, loin de la servitude à des besoins locaux, est érigé en une ressource territoriale spécifique devenant de fait un outil de développement territorial (Dugot, 2005). La vallée Village du Val D'Europe, Roubaix et plus récemment, les « villages » de Nailloux et bientôt Honfleur (ouverture prévue fin 2017) figurent parmi la nouvelle génération de ce type d'équipements commerciaux. Les centres commerciaux affichent leur haute qualité environnementale ; c'est le cas pour les centres commerciaux d'Aéroville (Breeam66) et de Beaugrenelle (HQE et Breeam) où sont pris en compte la consommation d'énergie, le traitement de l'eau, les matériaux utilisés pour les bâtiments, etc. En octobre 2013, Beaugrenelle transforme un ancien centre commercial sur dalle en symbole de requalification d'un quartier du 15e arrondissement parisien. L'habillage de la façade en résille métallique fait écho à l'ossature en fer de la tour Eiffel toute proche. Fermés depuis les années 1970, les Halles de la Major réutilisent, depuis 2014, d'anciens entrepôts portuaires le long du nouveau front de mer marseillais, au coeur du projet toujours en cours d'Euroméditerranée. L'esprit et l'historicité des lieux sont revendiqués par les développeurs immobiliers ; ils résultent à la fois d'une vraie plus value marketing et d'une stratégie de différenciation affirmée. La réhabilitation 66 Le Building research establishment environmental assessment method (méthode d'évaluation de la performance environnementale des bâtiments) est le standard de certification bâtiment le plus répandu à travers le monde. des anciens chais vinicoles parisiens construits sous Napoléon 1er à Bercy Village complète le dispositif en affichant le caractère patrimonial du site marchandisé. D'autres projets commerciaux adoptent la démarche d'éco-construction et de production d'énergies renouvelables in situ. Le centre commercial à hautes performances environnementales de la Caserne de Bonne à Grenoble, dans le premier écoquartier français, n'est ni chauffé en hiver, ni climatisé l'été grâce à une isolation en façade adaptée. De plus, les 1000 m2 de toiture photovoltaïque permettent de produire de l'énergie solaire. Créé en 1975, le centre commercial Beaulieu, réhabilité par la SEGECE en 2008, est intégré au projet de renouvellement urbain de l'Île de Nantes dont Alexandre Chemetov assure la maîtrise d'oeuvre jusqu'en 2010. Le nouveau parking accueille sur son toit une centrale photovoltaïque de 1800 m2 et les toitures végétalisées jouent un rôle d'isolant thermique et permettent le stockage des eaux pluviales. Renouveau du centre-ville, discours sur la nécessaire compacité urbaine, rejet d'un fonctionnalisme à l'esthétique discutable, prégnance de questions environnementales, parfois traduites en termes d'injonctions législatives et réglementaires, sont donc autant de moteurs d'un renouveau urbanistique des investissements commerciaux. Pour autant, les efforts d'habillage environnemental ou de rhabillage architectural d'opérations commerciales récentes ne suffisent pas toujours à demeurer résilient et à s'affranchir de certaines crises ou situations de concurrence. La requalification de centres commerciaux de première ou deuxième génération est donc parfois préférée aux actions de démolition – reconstruction ex nihilo sans pour autant qu'il y ait d'exclusive en la matière. En effet, de grands projets d'urbanisme commercial issus de programmes neufs (Europa city) ou d'opérations mêlant transfert-extension et création de surfaces de vente (ZAC de Bener, Le Mans), souvent très conflictuelles, demeurent. « L'autorisation donnée à Leclerc et au géant suédois du meuble de s'installer en Sarthe continue d'être mis en cause devant les tribunaux par le propriétaire et certains commerçants du Parc Manceau, l'ensemble commercial installé en zone nord où figure notamment l'ameublier Alinéa, concurrent direct d'Ikea. Validée une première fois, fin 2014, par la commission départementale d'aménagement commercial, puis confirmée par la commission nationale en mai 2015, la création de la ZAC de Bener est aujourd'hui contestée devant la Cour administrative d'appel de Nantes. Entre-temps, le groupe Desjouis, maison mère du Parc Manceau, a relancé le projet d'extension de Family Village, à Ruaudin (zone sud du Mans). Certains y verront sans doute un acte stratégique pour tenter de prouver l'inutilité commerciale de la zone de Bener Le dossier est en instruction » (France Bleu Maine, 25 août 2016). 67 Cependant, à l'étape de la « fin des vitrines », succède aujourd'hui celle de leur retour sous de multiples formes. La boutique n'est pas morte ; elle renaît à la faveur de nouveaux concepts marketing (concept store, pop-up store, show room, etc.) et de nouvelles fonctions matérialisées ou dématérialisées : conseil, entretien, service après-vente, recyclage du produit – boutiques Nescafé – réception de colis commandés via Internet, vente boutique via une marketplace, consignes placées à proximité de stations de transport collectif et de 67 https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/zac-de-bener-le-projet-avance-mais-ne-verra-pas-le-jouravant-plusieurs-annees-1472 253 254 commerces, etc.). « La boutique est devenue un canal parmi d'autres du système distributif. Après s'être délocalisé en périphérie, le commerce se délocalise désormais dans le virtuel. La géographie du commerce devrait, une fois encore, s'en trouver profondément modifiée dans les quelques années à venir » (Masboungi, 2013). Vitrine interactive, boutique connectée, essayage virtuel, etc. montrent l'utilisation progressive des technologies numériques dans les points de vente. 3 – 4 - Construction numérique et hybride de la résilience commerciale
L'avènement du commerce connecté et son plébiscite par les consommateurs constituent la dernière évolution majeure dans ce secteur d'activité depuis l'apparition des grandes surfaces de distribution à la fin des années 1950. Le commerce en ligne sacralise cette captation de la technique à des fins marchandes, non plus seulement comme la télévente mais pour tout à la fois guider le client, enregistrer la commande et encaisser le paiement. Le développement de la téléphonie mobile et la diffusion des réseaux à haut puis très haut débits projettent définitivement le commerce dans l'ère de la distribution connectée et parachèvent l'électronisation des fonctions commerciales (Rallet, 2001 ; Deprez & Gasnier, 2016). Si les économistes insistent sur l'économie servicielle (Moati, 2009) que la technique numérique permet de produire et de conforter dans une société devenue très désynchronisée, ce rapport à la technicité du commerce est davantage approché dans les sciences commerciales et de gestion comme un blocage, une difficulté du commerçant à s'adapter aux besoins de connexion omnipotents des clientèles. Catherine Barba (2013) pose la question du décalage croissant entre certaines formes commerciales peu innovantes (indépendants non franchisés notamment) et les désirs des consommateurs pour qui le digital est entré dans la vie quotidienne. Cette réflexion soulève non seulement la capacité technique du commerce à s'adapter ou non aux consommateurs perpétuellement mutants, mais aussi celle plus sociale, à répondre aux nouvelles attentes des chalands : instantanéité, confort, souplesse des pratiques, proximité de livraison ou de réception des achats à domicile, en magasin ou point relais, détente, expériences, comparaisons, informations, etc. À cet égard, les sciences de gestion et du marketing (Butery, Lemoine, Morel, Badot, 2014) s'intéressent vement à l'évolution-transformation rapide du cross canal et aux modes de captation des clientèles toujours plus performants : le click and collect, le web to store, le store to web et la nouvelle génération du format pervasive (applications pour smartphones de services « spontanés » créés par l'interaction du mobile et des capteurs géolocalisant le chaland dans un environnement physique donné) deviennent des moyens imparables d'attraction et de réponse aux attentes de personnalisation permanente des consommateurs. * Extrait d'A. Gasnier et A. Raveneau (2016), Effets territoriaux de la connectivité des drives. Mutations de l'espace marchand, Presses Universitaires de Rennes, p.45-58. Tout d'abord, cette hybridation croissante du commerce comme facteur déterminant de l'évolution de la fonction commerciale dans les territoires constitue l'une des hypothèses fortes des recherches actuelles et à venir dans ce domaine. Des dynamiques sociales et spatiales nouvelles sont à l'oeuvre et influent sur les équilibres urbains en matière commerciale sans qu'on ne puisse aujourd'hui en prendre toute la mesure, faute de travaux inscrits dans une approche territorialisée. À moyen terme, l'objectif est de réussir à savoir si la technologie numérique contribuera à reterritorialiser le commerce dans la ville ou, au contraire, à le déterritorialiser davantage en effaçant progressivement les vitrines sur rue de nos paysages urbains. Le développement de nouveaux modèles commerciaux hybrides amène à s'interroger sur le devenir du commerce en lui-même et sur celui des espaces marchands. L'hybridation à vocation marchande représente-t-elle un facteur de résilience commerciale? Toutes les formes de commerce seront-elles concernées ou seulement certaines d'entre elles (commerce intégré, associé)? Y a-t-il des branches commerciales non connectées qui survivront à côté de ces nouvelles formes de commercialité? Le commerce entrepôt, de type drive, va-t-il se développer massivement? Les points relais, les consignes, les Espaces de logistique urbaine (ELU) vont-ils devenir les boutiques de demain? Porteront-ils un coup fatal aux petits commerçants non franchisés ou assurerontils leur salut? La marketplace de Dieppe, issue d'une convention signée en janvier 2017 entre la ville de Dieppe, la Communauté d'agglomération, la CCI et l'Union commerciale des vitrines de Dieppe, confiée à « Marche-prive.com », apporte un système informatisé qui permet au commerçant de recevoir directement les commandes et d'assurer des services de livraison ou du click and collect en magasin. À ce jour, 25 commerçants de Dieppe (sur 70 membres de l'association) ont adhéré. Sur le plan territorial, l'hybridation commerciale peut-elle contribuer à renforcer la présence de points de vente dans les centres anciens et dans les quartiers suburbains? Elle porte des formats de distribution nouveaux et renouvelle parfois l'offre des détaillants de centre-ville. La marketplace « Achetezaupuy.com » est née de la volonté collective des commerçants et artisans du Puy-en-Velais de contrer la désertification du centreville en 2009. Le regroupement de plusieurs associations de rue sous l'égide de l'Office 255 256 de commerce et d'artisanat de l'agglomération du Puy, subventionné par la communauté d'agglomération, en fait la première marketplace de commerces française.
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TAPAS - There Are Platforms as AlternativeS. Corinne Vercher Chaptal DE SYTHÈSE
Responsable scientifique
TAPAS
Corinne VercherChaptal, Professeur en Sciences de gestion, CEPN UMR-CNRS 7234, Université Sorbonne Paris Nord Équipe projet Ana Sofia Acosta Alvarado, Nicole Alix, Laura Aufrère, Julienne Brabet, Sébastien Broca, Bruno Carballa, Entreprises plateformes, plateformes collaboratives et communs numériques Guillaume Compain, Benjamin Coriat, Philippe Eynaud, Alexandre Guttmann, Lionel Maurel, Cynthia Srnec, Prosper Wanner. Note de synthèse Note de synthèse du rapport TAPAS
Selon certains observateurs, l'Ubérisation de l'économie, par sa capacité à renforcer la marchandisation du monde, favorise un contre-mouvement de protection de la société. Celui-ci suscite des innovations sociales et techniques et produit des « utopies concrètes visant à étendre la coopération par le biais de nouveaux outils numériques » (Durand Folco, 20161). Ainsi, l'offre des plateformes numériques ne se réduit pas aux seules propositions des grandes plateformes capitalistes. Sur le terrain, à différents endroits du monde, de nouvelles plateformes émergent en se démarquant du fonctionnement centralisé et extractif des plateformes oligopolistiques et des dynamiques de désintégration du travail et de la protection sociale dont ces dernières sont souvent porteuses. Sur des marchés où des effets de réseau tendent à produire des phénomènes de winner-take-all, l'émergence d'alternatives, le plus souvent dénuées d'investissements financiers suffisants, est délicate. Face à l'adversité, les plateformes alternatives expérimentent des positionnements et des modalités de fonctionnement en puisant à plusieurs courants : celui des communs numériques et des logiciels libres, ou encore à la tradition coopérative et/ou associationniste. Le rapport propose une étude en profondeur de ces expérimentations, prototypes de plateformes alternatives, dans le contexte français. D'une part, le rapport analyse la dynamique d'émergence des plateformes alternatives. D'autre part, il étudie leurs pratiques en termes de gouvernance et d'organisation du travail ainsi que leurs modèles économiques et technologiques, durant leur phase de démarrage. 1. L'étude empirique
Le rapport repose sur une étude de terrain dont l'échantillon a été constitué en collaboration avec l'association La Coop des Communs, partenaire de l'étude. L'échantillon est composé de sept plateformes appartenant à différents secteurs. Chaque plateforme a donné lieu à une analyse en profondeur et à la rédaction de monographies2. Celles-ci se fondent sur l'étude des documents institutionnels et promotionnels des plateformes, l'expérience en tant qu'utilisateur des plateformes, des observations et des entretiens semi-directifs. L'équipe de recherche a mené 109 entretiens à l'aide de guides établis en fonction des différentes catégories d'acteurs interviewés (dirigeants, salariés, bénévoles, usagers).
1 Durand Folco, J. (2016). Polanyi contre Uber. Le Devoir, URL : https://www.ledevoir.com/societe/ le-devoir-de-philo-histoire/464126/le-devoir-de-philo-polanyi-contre-uber.
2
Les versions intégrales des monographies sont
accessible
s
en ligne dans la collection TAPAS sur le portail HAL : https://hal.archives-ouverte
s.
fr/
PROGRAMME
_TAPAS/page/index.
2
Note de synthèse Échantillon de l'étude Secteur Plateforme – Service proposé
Tourism
e • Les oiseaux de passage : hébergement et accompagnement à la découverte du territoire (patrimoine, histoire sociale) proposés par des professionnels et/ou des particuliers réunies en communautés locales. Transport • Mobicoop : service global de mobilité partagée, écologique et solidaire. Livraison • CoopCycle : une fédération de coopératives logistiques spécialisées dans la livraison à vélo sur le dernier kilomètre.
Agroalimentation Edition de logiciel Organisation de spectacle Fintech Edition de logiciel Éducation populaire (aux enjeux du numérique
) • Open Food France/CoopCircuits : création d'une place de dédiée aux producteurs indépendants (types AMAP). • SoTicket : une solution libre de billetterie en ligne gérée par les utilisateurs. • France Barter : une plateforme de troc inter-entreprises. • Framasoft : proposition d'une palette de services, conçus comme des prototypes témoignant de la possibilité de se passer des GAFAM. • Création d'un réseau d'hébergeurs locaux et éthiques (Charte des CHATONS) pour diffuser les prototypes libres développés par l'association et identifier d'autres solutions libres. 2. Principaux résultats de l'étude
Les plateformes étudiées incarnent au sein de leur secteur d'activité une réaction offensive à l'expansion du phénomène de marchandisation. Leurs projets donnent lieu à l'expérimentation concrète de modèles originaux qui ne s'apparentent pas à des copiés-collés éthiques des plateformes capitalistes dominantes, et conduisent à un véritable décalage de l'offre de services sur les secteurs concernés. La stratégie des plateformes étudiées ne vise pas tant à adapter les modèles dominants en limitant leurs externalités négatives, qu'à inventer de nouvelles formes s'inscrivant nativement – by design – dans des modèles de transitions sociales et environnementales. Une des caractéristiques clé des plateformes est leur capacité fédérative. Elles fédèrent parfois d'autres plateformes, parfois directement des producteurs de biens et de services et des utilisateurs. Pour les initiatives étudiées, la plateforme ne vise pas seulement à multiplier les intermédiations. Elle cherche à 3 Note de synth créer, outiller et/ou relier des communautés (
leurs r
perspective économie ée par Karl Polanyi (1977)3. La perspective substantive insiste sur les relations entre les individus et avec les milieux naturels où ils puisent leur subsistance. Elle intègre ces interdépendances, cet ancrage, comme constitutifs de l'activité économique, laquelle s'inscrit dans une perspective relationnelle et vise à créer des liens autant que des biens. L'étude montre que les communautés qui se constituent ou se fédèrent autour de l'activité de la forme sont le plus souvent des communautés locales, enracinées dans leurs territoires d'action et dont les membres sont unis par des valeurs qu'ils tentent d'incarner. La plateforme en tant que telle constitue pour ces communautés un dispositif technique, le plus souvent conçu comme un commun numérique qu'elles participent à animer et dont elles sont les usagères. Le dispositif technique que représente la plateforme est rattaché à des systèmes de valeurs et à des espaces de délibération qui permettent d'arrimer l'activité poursuivie à des finalités d'intérêt général ou collectif. 4 Note de synthèse doit permettre d'attirer, de constituer et de fidéliser des communautés d'usagers prêtes à valider – sous une forme ou une autre (cotisations, dons, transactions) – la valeur supplémentaire créée. En termes de gouvernance, les plateformes substantives s'inscrivent à l'articulation entre le modèle démocratique de propriété partagée issu de la tradition coopérative d'une part, et la logique de partage ouvert de ressources qui découle des communs numériques d'autre part, tout en participant à dépasser ces deux approches. Ainsi, les plateformes étudiées ne rejettent pas nécessairement l'institution de la propriété mais tentent de la réinventer sous des formes susceptibles de garantir l'inclusivité et la création-reproduction de communs. Les initiatives étudiées s'inscrivent dans une optique d'ouverture de la ressource (la plateforme numérique) à un large panel de parties prenantes (individus et/ou communautés) tout en réfléchissant à la manière de conditionner et/ou d'articuler l'usage de la plateforme à des dynamiques réciprocitaires et délibératives. Ainsi, les plateformes substantives revendiquent-elles l'ouverture de leurs instances de gouvernance à l'ensemble des acteurs concernés (et non seulement aux travailleurs des plateformes). Elles expérimentent des modalités de gouvernance propres à rassembler, autour du projet, des acteurs aussi différents que des salariés, des indépendants, des bénévoles, des bénéficiaires, des usagers, des financeurs, des partenaires, et des sympathisants, individus ou organisations. Les activités des plateformes étudiées étant en général basées sur la fédération d'acteurs souvent divers, cela impose de mettre en oeuvre une gouvernance multi-partie prenantes. Cela se traduit sur les terrains observés par le choix et l' doption de statuts de type société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). Les plateformes substantives cherchent à prendre en compte le travail dans la perspective d'une émancipation qui articule la protection des travailleurs et leur participation à la construction d'un sens commun. Elles tentent de lutter contre l'Ubérisation en promouvant la sécurisation et la professionnalisation de l'activité, notamment au sein des structures qu'elles fédèrent. Elles cherchent, en outre, à inscrire l'organisation du travail nécessaire à leur développement dans des rapports de travail délibératifs. Pour se développer, les plateformes étudiées font appel à un certain nombre d'activités contributives situées hors emploi. Dès lors, l'enjeu principal est de réussir à articuler de manière satisfaisante des contributions productives variées : travail salarié, travail indépendant et travail hors emploi. L'articulation entre ces formes de contribution est complexe notamment parce qu'il est difficile de faire reconnaître, symboliquement et matériellement, les contributions productives hors-emploi. 4 Musso P. & Supiot A. dir. (2018). Qu'est-ce qu'un régime de travail réellement humain. Hermann. 5 There Are Platforms as AlternativeS Note de synthèse
Si le statut d'indépendant est ponctuellement mobilisé, y compris via le recours à des CAE (coopérative d'activité et d'emploi), il ne concerne que des postes et des profils spécifiques (en particulier les développeurs) et les organisations ayant des structurations d'équipe moindre. Les autres plateformes mobilisent le salariat pour constituer des équipes à l'appui d'une structuration pérenne des activités, et en font pour certaines une revendication politique explicite. Ponctuellement ou pour certains postes spécifiques, des formes de portage via les CAE peuvent être mobilisées, notamment lors des transitions progressives entre bénévolat et salariat. Il apparaît cependant que l'accompagnement – financier et en ingénierie – au fonctionnement lors des phases d'amorçage pourrait être déterminant dans la facilitation des transitions de type professionnalisation. Sur le versant technologique, les plateformes étudiées présentent la particularité d'intégrer, dans leur conception même, un rapport différent aux technologies numériques. Elles pratiquent la réciprocité technologique par le choix des logiciels libres et des licences à réciprocité. Elles recourent peu – voire pas du tout pour certaines d'entre elles – à des algorithmes pour organiser les interactions entre leurs utilisateurs, privilégiant à la place des intermédiations humaines. Là où la règle de droit a du mal à « compenser » a posteriori les effets négatifs induits par la « gouvernementalité algorithmique », les plateformes substantives font le choix d'écarter ou de limiter le recours aux algorithmes. En matière de protection des données, les plateformes étudiées s'inscrivent dans le respect des grands principes du RGPD (règlement général sur la protection des données) parce que leurs modèles ne reposent pas sur la marchandisation des données ou leur transmission à des tiers. Elles ont en réalité peu besoin de profiler leurs utilisateurs pour fonctionner. Elles peuvent dès lors structurellement mettre en oeuvre des principes protecteurs promus par le RGPD, comme la « minimisation des données » consistant à collecter le moins de données possibles auprès des utilisateurs, en se limitant au strict nécessaire pour atteindre les finalités du service à rendre. Les plateformes substantives arrivent la plupart du temps à ce résultat car elles visent à constituer des espaces de délibération multipartites sur le recours aux techniques, et à permettre à des collectifs de questionner de manière réflexive les usages des technologies face aux enjeux de leur propre projet qu'il soit social ou sociétal. Note de synthèse 3. Perspectives
Les initiatives étudiées constituent des projets encore fragiles économiquement et sur lesquels les volumes des échanges restent pour l'instant relativement faibles, bien qu'en augmentation constante. Elles ont souvent une fonction d'expérimentation et font figure de pionnières dans un environnement culturel, économique et technique encore peu favorable à leur progression. Aussi, les plateformes étudiées ne doivent pas être considérées comme les déclinaisons d'un modèle alternatif parfaitement abouti. Pour autant, le rapport conduit à considérer ces plateformes comme des prototypes qui, à la faveur des nouvelles technologies et de l'usage raisonné qu'elles en font, peuvent participer à ouvrir le chemin de la transition qu'appellent les crises environnementales et sociales. À ce titre, ces plateformes substantives nous semblent devoir être soutenues. En phase de lancement, il convient de noter le rôle que peut jouer l'adoption du statut coopératif, en particulier de la SCIC basée sur du multi-sociétariat, comme instrument pour lever des fonds, en complément (ou en substitution) aux formes plus classiques (crowdfunding ou prêts bancaires). Dans tous les cas, on note la nécessité d'un capital « patient » préservant l'autonomie de l'entité (coopérative, association) à l'origine de la plateforme. S'agissant du développement de l'activité, le « déverrouillage » de l'état de fragilité qui, aujourd'hui, caractérise les modèles de plateformes étudiées, impose notamment de se demander comment faire « socialement » reconnaître le caractère décalé ou « disruptif » des plateformes substantives, et de la valeur qu'elles créent, laquelle n'a pas été exclusivement conçue et formatée pour le marché et ses exigences. Une voie féconde pourrait ré dans l'émergence de « tiers contributeurs » via notamment des partenariats « public – plateformes substantives ». De la mobilité partagée et solidaire à la défense du patrimoine en passant par le soutien logistique aux circuits courts, l'action des plateformes substantives peut contribuer à co-construitre des – nouvelles – catégories d'actions publiques. Les municipalités ou les collectivités locales et territoriales peuvent certainement s'emparer de ces questions et, au sein de SCIC dédiées ou hors d'elles, jouer le rôle attendu de « tiers contributeurs ». Dans cette perspective, les résultats du rapport pourraient être mobilisés à l'appui d'une réflexion collective engageant les élus et les techniciens des collectivités territoriales. Ils pourraient également encourager et aiguiller l'établissement d'un cadre commun de définition de l'innovation.
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FLUCTUATIONS DEMOGRAPHIQUES AU COURS DU CYCLE DE VIE DU CaMV (Cauliflower mosaic virus). Estimation de la taille efficace des populations virales lors de la colonisation des feuilles de la plante hôte, évaluation de la multiplicité d'infection cellulaire au sein de ces feuilles, et estimation de la taille des goulots d'étranglement lors de sa transmission d'hôte à hôte par vecteur Baptiste Monsion To cite sion CTU SE pour obtenir le grade de DOCTEUR L UNIVERSITE MONTPELLIER Discipline : Biologie des populations et écologie Ecole Doctorale : SIBAGHE présentée et soutenue publiquement par Baptiste MONSION le 28 Mai 2008 Titre : FLUCTUATIONS DEMOGRAPHIQUES AU COURS DU CYCLE DE VIE DU CaMV (Cauliflower mosaic virus) Estimation de la taille efficace des populations virales lors de la colonisation des feuilles de la plante hôte, évaluation de la multiplicité d'infection cellulaire au sein de ces feuilles, et estimation de la taille des goulots d'étranglement lors de sa transmission d'hôte à hôte par vecteur JURY Jean-Lou
p NOTTEGHEM Christophe ROBAGLIA Olivier LE GALL Stéphane BLANC Benoît MOURY Manuel PLANTEGENEST Professeur à l'Agro.M, Montpellier eur à l'Université de la Méditerranée Directeur de Recherche à l'INRA, Bordeaux Directeur de Recherche à l'INRA, Montpellier Directeur de Recherche à l'INRA, Avignon Maître de conférence à l'ENSAR, Rennes Président Rapporteur Rapporteur Directeur de thèse Examinateur Examinateur Résumé
Le CaMV (Cauliflower mosaic virus) est un virus de plante à ADN double brin transmis par des pucerons. Comme pour tous les virus avec un taux de mutation élevé, les larges fluctuations démographiques au cours du cycle de vie sont supposées avoir un fort impact sur l'évolution de la valeur sélective, du fait de la dérive génétique intense, et des effets associés du cliquet de Muller. Pourtant, de telles données démographiques sont rares. Afin de suivre l'évolution des populations de CaMV nous avons construit 6 clones infectieux contenant chacun un marqueur génétique distinct à un même locus. Nous avons développé une nouvelle méthode d'analyse : Quantitative Single-letter Sequencing (QSS) permettant de déterminer leur présence/absence et de suivre l'évolution de leur fréquence au sein d'une plante infectée. Tout d'abord, nous avons évalué la taille efficace des populations de CaMV durant l'invasion de l'hôte : plusieurs centaines à plusieurs milliers de génomes sont à l'origine de la colonisation de chaque feuille au cours de l'infection systémique. La diversité virale, au sein des populations du CaMV, est en conséquence distribuée de manière très homogène dans toutes les feuilles infectées de l'hôte. Cette évaluation est surprenante puisqu'elle est 10 à 100 fois supérieure à ce qui a été estimé auparavant chez tous les phytovirus étudiés. Elle démontre ainsi que la très faible taille efficace de population, et donc les larges fluctuations démographiques durant le cycle d'infection in planta, ne sont pas une règle générale chez les virus de plante. Ensuite, nous avons déterminé la multiplicité d'infection cellulaire naturelle (MOI, multiplicity of infection) qui se définit ici comme le nombre moyen de génomes qui pénètrent dans (et infectent) chaque cellule de l'hôte. Cette étude est inédite dans le sens où ce paramètre n'avait jamais été établi chez un virus de plante, et où nous avons montré pour la première fois que la MOI n'est pas une constante mais qu'elle augmente au fil du développement de l'infection pour atteindre un plateau, à une valeur proche de 7 dans le cas du CaMV. Cette valeur est très élevée ; elle dépasse amplement les données disponibles dans la littérature, quelle que soit l'espèce virale considérée. Des indices indirects semblent notamment suggérer que la MOI d'autres espèces de phytovirus puisse être très faible. Les causes et/ou conséquences de ces comportements contrastés (MOI forte ou faible) sur la biologie du virus représentent un champ de perspectives considérable pour l'équipe dans les années à venir. Enfin, à l'aide de la technique d'EPG, nous avons contrôlé le comportement alimentaire des pucerons vecteurs, et évalué l'impact de ce comportement sur le goulot d'étranglement induit sur la population virale lors de la transmission.
Mots clés : CaMV, Goulot d'étranglement, Taille efficace des populations, Transmission par puceron, Multiplicité d'infection 2
DEMOGRAPHIC FLUCTUATIONS IN THE LIFE CYCLE OF CaMV (Cauliflower mosaic virus)
Abstract The Cauliflower mosaic virus (CaMV, a double-strand DNA plant virus) is non-circulatively transmitted by aphid vectors. 3 Laboratoire d'accueil
Ce travail de thèse a été réalisé sur deux sites distincts suite au regroupement physique de l'ensemble du personnel de l'UMR BGPI au sein d'un bâtiment neuf construit à cette occasion sur le Campus International de Baillarguet : 2004-2008 Biologie et Génétique des Interactions Plante-Parasite (BGPI)1 INRA-CIRAD-SupagroM TA A-54/K, Campus International de Baillarguet Équipe CaGeTE 34398 Montpellier Cedex 5 France 2003-2004 Station de Pathologie Comparée UMR 5087 INRA-CNRS-UMII Équipe Vection 30380 Saint-Christol-lez-Alès 1 l'UMR BGPI a été certifiée selon la norme ISO 9001 version 2000 pour les activités de "recherche appliquée et fondamentale, expertise, formation d'étudiants et de professionnels, dans le domaine des interactions plante - agent pathogène" 4 4
Epigraphe «
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Dédicace à mes victimes Suzym CASPERIE & Vibrecynore CABASSIER que j'ai tant aimées 3 3 Simples anagrammes de bestioles sacrées : Myzus persicae & Brevicoryne brassicae 6
Remerciements
Sincères remerciements à tous les gens rattachés à mon ka qui se reconnaîtront et dont l'estime que j'ai pour eux n'aurait pas plus de valeur une fois leurs noms listés. Bref, merci à tous ceux qui ont pu et su me rendre la vie plus agréable – où que ce soit de Caen à Madrid en passant par le Languedoc-Roussillon – malgré toutes les contraintes, coûts et douleurs qui leur ont été occasionnés de par leurs amours pour ma propre personne ou de par leur simples sympathies envers certaines de mes singularités. Pour preuve de éternelle gentillesse légendaire, voici une aide probable au décryptage de ces remerciements : toute personne qui me connaît et qui trouve ces remerciements très impersonnels n'en fait certainement pas partie! Merci à toute personne qui pense avoir été oubliée de se signaler! Merci également à de nombreux artistes inconnus Grand merci à Romane qui ne sait pas encore lire, d'où l'intérêt tout particulier qui me fait écrire son prénom comme l'unique de cette page. Silence s'il vous plait, la petite dort et la lecture du manuscrit va bientôt commencer MERCI
7 Tables des matières Résumé____________________________________________________________________________ 2 Abstract ___________________________________________________________________________ 3 Laboratoire d'accueil _________________________________________________________________ 4 Epigraphe __________________________________________________________________________ 5 Dédicace___________________________________________________________________________ 6 Remerciements______________________________________________________________________ 7 Tables des matières __________________________________________________________________ 8 Liste des figures ____________________________________________________________________ 12 Liste des tableaux___________________________________________________________________ 12 Liste des encadrés __________________________________________________________________ 13 Avant-propos ______________________________________________________________________ 14 Introduction générale_______________________________________________________ 16 1 Le cycle viral du CaMV dans son hôte _________________________________________ 19 1.1 L'infection au niveau de la cellule hôte _______________________________________________ 19 1.1.1 Le cycle cellulaire du CaMV____________________________________________________ 19 1.1.2 Fonctions des différentes protéines virales exprimées ________________________________ 21 1.1.2.1 Protéine exprimée à partir de l'ARN 19S : P6 ___________________________________ 21 1.1.2.2 Protéines exprimées à partir de l'ARN 35S : P1 à P5 _____________________________ 23 1.1.2.2.1 P5__________________________________________________________________ 25 1.1.2.2.2 P1__________________________________________________________________ 25 1.1.2.2.3 P4__________________________________________________________________ 27 1.1.2.2.4 P3__________________________________________________________________ 29 1.1.2.2.5 P2__________________________________________________________________ 31 1.2 Colonisation de la plante hôte ______________________________________________________ 33 1.2.1 Mouvement du CaMV depuis son site d'inoculation _________________________________ 33 1.2.1.1 Mouvement de cellule à cellule via les plasmodesmes_____________________________ 33 1.2.1.1.1 Rappel sur les différents modes de passage de cellule à cellule chez les phytovirus __ 34 1.2.1.1.2 Cas particulier du CaMV________________________________________________ 36 1.2.1.1.3 Cheminement par les plasmodesmes jusqu'aux tubes criblés du phloème __________ 37 1.2.1.2 Mouvement à longue distance et distribution du virus dans la plante _________________ 39 1.3 Symptomatologie & Interaction avec l'hôte____________________________________________ 39 1.3.1 Symptomatologie et Pathogénicité _______________________________________________ 41 3.1.1 Symptômes et accumulation du virus dans le navet _______________________________ 41 1.3.1.2 Gamme d'hôte et Pathogénicité ______________________________________________ 43 1.3.2 Impact et gestion du RNA Silencing sur et par le CaMV ______________________________ 45 1.3.2.1 Un système de défense pour la plante _________________________________________ 45 1.3.2.2 Un système contrôlé par le virus? ____________________________________________ 47 2 La transmission des virus de plante ____________________________________________ 48 2.1 Les différents modes de transmissions des phytovirus____________________________________ 48 2.1.1 La transmission circulante multipliante (ou propagative) ______________________________ 49 2.1.2 La transmission circulante non-multipliante ________________________________________ 50 2.1.3 La transmission non-circulante __________________________________________________ 50 2.1.3.1 Stratégie capside__________________________________________________________ 52 2.1.3.2 Stratégie Helper __________________________________________________________ 52 2.2 Précisions sur les phases d'acquisition et d'inoculation des virus non-circulants _______________ 52 2.2.1 Acquisition _________________________________________________________________ 56 2.2.2 Inoculation__________________________________________________________________ 56 2.3 La transmission du CaMV en détail __________________________________________________ 56 2.3.1 Stratégie Helper et modèle d'acquisition séquentielle_________________________________ 56 2.3.2 Acquisition – Rétention – Inoculation_____________________________________________ 58 2.3.2.1 Acquisition ______________________________________________________________ 58 2.3.2.2 Rétention _______________________________________________________________ 60 2.3.2.3 Inoculation ______________________________________________________________ 60 2.3.3 Interaction moléculaire Virus-Vecteur ____________________________________________ 60 2.3.3.1 Spécificité d'interaction (P2-récepteur) ________________________________________ 60 2.3.3.2 Zone d'interaction et nature chimique du récepteur _______________________________ 62 8 3 Quelques aspects ciblés de génétique des populations virales _______________________ 64 3.1 Description des notions de base _____________________________________________________ 65 3.1.1 Variabilité chez les phytovirus __________________________________________________ 65 3.1.2 Description et propriétés de la quasi-espèce virale ___________________________________ 66 3.1.3 Dérive génétique et cliquet de Muller _____________________________________________ 67 3.1.4 Cliquet de Muller et goulots d'étranglement ________________________________________ 67 3.2 Connaissances chez le CaMV ______________________________________________________ 67 3.2.1 Variabilité chez le CaMV______________________________________
3.2.2 La quasi-espèce pour le CaMV __________________________________________________ 69 3.2.3 Impacts des goulots d'étranglement sur le CaMV____________________________________ 71 3.3 Objectif initial de la thèse__________________________________________________________ 71 CHAPITRE I : Taille efficace des populations de CaMV intra hôte__
________________ 74 1 Quantitative Single-letter Sequencing : a method for simultaneously monitoring numerous allelic variants in single DNA samples (Article 1)_________________________________ 76 2 Effective size of Cauliflower mosaic virus populations during host plant colonization (Article 2) _________________________________________________________________ 89
CHAPITRE II : Multiplicité d'infection (M.O.I.)
________________________________ 106 1 Introduction ______________________________________________________________ 107 1.1 La multiplicité d'infection : notions _________________________________________________ 107 1.1.1 La MOI et notre définition ____________________________________________________ 107 1.1.2 L'infection multiple : co-infection ______________________________________________ 108 1.2 La MOI chez les virus : estimations disponibles _______________________________________ 109 1.2.1 Virus de bactéries : phages ____________________________________________________ 109 1.2.2 Virus d'animaux ____________________________________________________________ 109 1.2.2.1 Virus d'arthropodes : baculovirus ___________________________________________ 109 1.2.2.2 Virus de mammifères _____________________________________________________ 110 1.2.2.2.1 Human immunodeficiency virus (HIV)____________________________________ 110 1.2.2.2.2 Cytomégalovirus (CMV)_______________________________________________ 111 1.2.3 Virus de plantes_____________________________________________________________ 112 2 Matériel & Méthodologie mise en oeuvre_______________________________________ 116 2.1 Principe général de la méthode développée ___________________________________________ 117 2.2 Variants viraux et amorces spécifiques utilisés ________________________________________ 118 2.3 Quantification des variants et co-inoculation __________________________________________ 118 2.4 Récolte des feuilles, protoplastation et fixation ________________________________________ 120 2.4.1 Récolte des feuilles __________________________________________________________ 120 2.4.2 Protoplastation______________________________________________________________ 120 2.4.3 Fixation des protoplastes ______________________________________________________ 122 2.5 Décontamination et isolement des protoplastes ________________________________________ 123 2.5.1 Décontamination du surnageant ________________________________________________ 123 2.5.2 Isolement des protoplastes_____________________________________________________ 123 2.6 Détection des variants à partir de protoplaste fixé ______________________________________ 125 2.6.1 Libération de l'ADN viral et Nested-PCR-1 _______________________________________ 125 2.6.2 Nested-PCR-2 ______________________________________________________________ 125 2.6.2.1 Par PCR classique _______ ________________________________ 125 2.6.2.2 Avec le LightCycler® 480 : kit HRM _________________________________________ 126 2.6.3 Vérification de l'efficacité la méthode de décontamination ___________________________ 126 2.7 Détermination des fréquences relatives de chaque variant dans une feuille___________________ 128 2.8 Pour le calcul de la MOI _________________________________________________________ 129 3 Résultats _________________________________________________________________ 131 3.1 Prologue exploratoire du taux de co-infection _________________________________________ 131 3.2 Estimation de la MOI ____________________________________________________________ 132 3.2.1 Fréquence des variants et taux de co-infection _____________________________________ 132 3.2.2 Calcul de la MOI ____________________________________________________________ 136 9 4 Discussion ________________________________________________________________ 136 4.1 La MOI du CaMV versus autres virus d'hôtes pluricellulaires ____________________________ 136 4.2 Augmentation de la co-infection au cours du temps ____________________________________ 136 4.3 Inoculation des variants sur une même feuille ou sur feuilles séparées ______________________ 139 4.4 Deux stratégies semblent s'être établies______________________________________________ 141 4.4.1 Faible MOI (≈1) ____________________________________________________________ 142 4.4.2 Forte MOI (≥3) _____________________________________________________________ 142 5 Perspectives ______________________________________________________________ 143
CHAPITRE III : Goulots d'étranglement imposés aux populations de CaMV lors de la transmission d'hôte à hôte par vecteur
_________________________ 145 1 2 Introduction ______________________________________________________________ 146 Matériels et Méthodes ______________________________________________________ 149 2.1 Plantes sources, pucerons et plantes test _____________________________________________ 149 2.2 Electro-Penetro-Graphie (EPG) ____________________________________________________ 150 2.2.1 Dispositif EPG (branchements) _________________________________________________ 150 2.2.2 Modalités des périodes d'acquisition du CaMV ____________________________________ 151 2.3 Quantification des clones VIT dans les feuilles sources _________________________________ 151 2.4 Détection des clones VIT dans les plantes tests ________________________________________ 151 3 Résultats _________________________________________________________________ 153 3.1 3.2 3.3 3.4 4 Discussion ________________________________________________________________ 160 4.1 4.2 4.3 5 Taux de transmission selon la modalité d'acquisition ___________________________________ 153 Fréquence de transmission de chaque clone VIT Diversité transmise selon la modalité d'acquisition _____________________________________ 156 Evaluation de la taille du goulot d'étranglement : nombre de génomes viraux efficacement transmis en fonction de la modalité d'acquisition (analyses futures) _______________________ 159 Neutralité des clones lors de la transmission __________________________________________ 160 Cohérence et pertinence avec les études précédentes____________________________________ 161 Effet de la modalité d'acquisition? _________________________________________________ 162 Perspectives ______________________________________________________________ 164 5.1 A brève échéance _______________________________________________________________ 164 5.2 A plus long terme _______________________________________________________________ 164 5.2.1 Effets de deux comportements alimentaires distincts du vecteur sur l'évolution du CaMV ___ 164 5.2.2 Quantification de la HC-transcomplémentation ____________________________________ 164 5.2.3 Taille du goulot d'étranglement chez les virus circulants _____________________________ 165 Conclusion générale_______________________________________________________ 167 Matériels & Méthodes _____________________________________________________ 172 1 Matériels _________________________________________________________________ 173 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 2 Matériel végétal ________________________________________________________________ 173 Souches virales_________________________________________________________________ 173 Espèces de pucerons_____________________________________________________________ 173 Souches bactériennes ____________________________________________________________ 173 Plasmides _____________________________________________________________________ 174 Méthodes_________________________________________________________________ 174 2.1 Techniques relatives aux plantes ___________________________________________________ 174 2.1.1 Culture des navets ___________________________________________________________ 174 2.1.2 Inoculation mécanique du CaMV _______________________________________________ 174 2.2 Techniques relatives aux pucerons-vecteurs __________________________________________ 174 2.2.1 Conditions d'élevage_________________________________________________________ 174 2.2.2 Tests de transmission classiques ________________________________________________ 174 2.2.2.1 A travers membrane de Parafilm® ___________________________________________ 174 10 2.2.2.2 Transmission de plante à plante _____________________________________________ 175 2.3 Techniques et stratégies utilisées pour le clonage ______________________________________ 175 2.3.1 Amplification par PCR (Polymerase Chain Reaction) _______________________________ 175 2.3.2 Digestion par des enzymes de restriction _________________________________________ 176 2.3.3 Déphosphorylation du plasmide ________________________________________________ 176 2.3.4 Purification de fragments d'ADN sur gel d'agarose _________________________________ 176 2.3.5 Ligation ___________________________________________________________________ 177 2.3.6 Transformation et sélection ____________________________________________________ 177 2.3.7 Criblage des colonies ________________________________________________________ 177 2.3.7.1 Par digestion enzymatique _________________________________________________ 177 2.3.7.2 Par PCR sur des pools de colonies ___________________________________________ 178 2.3.8 Amplification et purification de plasmides recombinants ____________________________ 178 2.4 Techniques relatives aux virus _____________________________________________________ 178 2.4.1 Purification de virus _________________________________________________________ 178 2.5 Techniques relatives aux protéines__________________________________________________ 179 2.5.1 Production de protéines en systèmes hétérologues __________________________________ 179 2.5.1.1 Production de P2 et P3 en système baculovirus _________________________________ 179 2.5.1.2 Production de P3 en bactérie et purification____________________________________ 180 2.5.2 Analyse des protéines et quantification ___________________________________________ 181 2.5.2.1 Électrophorèse SDS-PAGE & Western Blot ___________________________________ 181 2.5.2.2 Quantification densitométrique des virus ______________________________________ 182 Références Bibliographiques ________________________________________________ 183 Annexes_________________________________________________________________ 191 1 Tests préliminaires de transmission par puceron ________________________________ 192 1.1 Evaluation de la neutralité des clones Div ____________________________________________ 192 1.2 Préparation d'une solution mixte : « Mix5Div » _______________________________________ 192 1.3 Tests de transmissions avec Myzus persicae __________________________________________ 194 1.3.1 Acquisition sur feuille infectée _________________________________________________ 194 1.3.2 Acquisition sur membrane_____________________________________________________ 194 2 Programme « R » pour calculer la MOI _______________________________________ 198 3 Détails sur l'épigraphe _____________________________________________________ 200 11
Liste des figures Figure 1 : Profils d'accumulation des différentes protéines virales au cours de l'infection de protoplastes par le CaMV 22 Figure 2 : Représentation schématique des domaines et motifs de la protéine P6 (TAV) du CaMV 22 Figure 3 : Représentation schématique de la protéine P5 26 Figure 4 : Représentation schématique de la protéine P1 26 Figure 5 : Représentation schématique du précurseur de la protéine de capside du CaMV et de ses produits de maturations 30 Figure 6 : Représentation schématique de la protéine P3 30 Figure 7 : Représentation schématique de la protéine P2 32 Figure 8 : Le corps clair se forme en drainant (accumulant) la P2 de toute la cellule infectée 32 Figure 9 : Durée nécessaire pour la colonisation des tissus vasculaires dans une feuille de navet inoculée par le CaMV 38 Figure 10 : Schéma d'un navet indiquant les paramètres qui influencent l'accumulation bilatérale et basipétale du CaMV dans les feuilles systémiques 42 Figure 11 : Relations génomiques entre les différentes espèces du genre Brassica 44 Figure 12 : Modèle pour la défense anti-virale basée sur le RNA silencing 46 Figure 13 : Corrélation entre phases de la ponction intracellulaire (pd), acquisition et inoculation de virus non-persistant 54 Figure 14 : La phase II-1 est une phase de salivation 55
Figure 15 : Le CaMV est préférentiellement acquis au niveau du phloème par son
vecteur 59 Figure 16 : Taux de transmission des différents mutants du CaMV par 5 espèces de pucerons 61 Figure 17 : Caractérisation de la nature chimique du récepteur hypothétique du CaMV dans les stylets de son puceron vecteur 63 Figure 18 : Accumulation des mutations délétères au sein d'une population 68 Figure 19 : Variabilité de la quasi-espèce du CaMV 70 Figure 20 : Propriétés biologiques (phénotypiques) de génomes isolés composant la quasi-espèce du CaMV 70 Figure 21 : Distribution spatiale de virus en co-infection systémique dans N. benthamiana 113 Figure 22 : Position des amorces utilisées pour la Nested-PCR sur VIT1 et VIT3 119 Figure 23 : Inoculation en vis-à-vis pour quantifier le pouvoir infectieux 121 Figure 24 : Découpe des protoplastes fixés et déposés sur bandelette de plastique 124 Figure 25 : Validation de la méthode de décontamination des protoplastes fixés 127 Figure 26 : Symptomatologie provoquée par le CaMV au cours du temps 130 Figure 27 : Evolution du taux de co-infection au cours du temps 134 Figure 28 : Représentation graphique de l'estimation de la MOI et de son évolution au cours du temps 135 Figure 29 : Détection des clones VIT dans les plantes tests par PCR-RFLP-CE 152 Figure 30 : Distribution du nombre de marqueurs VIT détectés dans les plantes tests issues de chaque modalité d'acquisition 158 Figure A1 : Evaluation de la neutralité des clones Div 193 Figure A2 : Distribution du nombre de clones Div transmis par un puceron de plante à plante 195 Figure A3 : Distribution du nombre de clones Div transmis par un puceron (acquisition sur membrane)
195 Liste des tableaux Tableau 1 : Dénombrement des lésions locales pour quantifier le pouvoir infectieux des préparations virales 121 Tableau 2 : Validation de la méthode de décontamination des protoplastes fixés 127 Tableau 3 : Evolution du taux de co-infection dans la plante au cours du temps 130 Tableau 4 : Evaluation de la fréquence des variants et du taux de co-infection cellulaire dans une feuille à 60 dpi 134 Tableau 5 : Evolution du taux de co-infection au sein d'une même feuille au cours du temps 138 Tableau 6 : Influence de la séparation spatiale de l'inoculation sur la co-infection 140 Tableau 7 : Taux de transmission en fonction de la modalité d'acquisition 155 Tableau 8 : Fréquence de transmission de chacun des marqueurs VIT 155 Tableau 9 : Nombre de marqueurs VIT transmis en fonction de la modalité 157 Tableau 10 : Test de différenciation
Tableau 10 : Tableau A1
: Synthèse
des tests de transmission réalisés à partir du Mix5Div
12 Liste des encadrés Encadré 1 Structure génomique, réplication et cycle cellulaire du CaMV (page 18) Encadré 2 Les ORFs de l'ARN 35S et son épissage alternatif (page 20) Encadré 3 Traduction de l'ARN 35S par saut de ribosome (page 24) Encadré 4 Interactions entre les protéines virales du CaMV (page 28) Encadré 5 Le mouvement de cellule à cellule chez les phytovirus (page 35) Encadré 6 Le mouvement à longue distance selon le flux des photoassimilats (page 40) Encadré 7 Les différents modes de transmission des phytovirus par vecteur (page 51) Encadré 8 Technique d'électro-pénétrographie (EPG) (page 53) Encadré 9 La transmission du CaMV par vecteur (page 57) 13 Avant-propos
Suite à une maîtrise en Biologie Cellulaire et Physiologie (option Physiologie végétale appliquée) qui a développé mon goût pour la virologie végétale, j'ai suivi le DEA de Ressources Phytogénétiques et Interactions biologiques afin d'effectuer un stage enthousiasmant sur le nombre de particules virales transmises par un insecte vecteur. Les résultats obtenus – bien que probants – se devaient d'être solidement validés. La thèse, axée originellement sur la transmission du CaMV par puceronvecteur – thème authentique et historique de l'équipe « Vection » – nous a entraîné vers l'étude de certains aspects relatifs à la génétique des populations, tels que les fluctuations démographiques que subissent les populations virales durant l'infection systémique des plantes hôtes, en plus de la transmission. Le paragraphe suivant décrit les travaux réalisés selon leur chronologie réelle qui, dans un souci d'homogénéité et de logique de présentation diffère légèrement de l'organisation des chapitres au sein du manuscrit. Afin de suivre l'évolution des populations de CaMV nous avons construit 6 clones infectieux contenant chacun un marqueur génétique distinct à un même locus. Nous avons développé une nouvelle méthode d'analyse : Quantitative Single-letter Sequencing (QSS) qui nous a permis de déterminer la présence/absence et de suivre l'évolution de la fréquence des différents marqueurs au sein de chaque plante co-inoculée avec ces six variants. Par cette méthode d'analyse, nous avons évalué la taille efficace (Ne) des populations de CaMV quand elles colonisent les nouvelles feuilles au cours de l'infection systémique. En effet, dans l'optique finale de caractériser l'échantillon viral prélevé (sur une plante infectée) et transmis par un puceron vecteur, il nous fallait préalablement vérifier que les clones ou variants viraux potentiellement transmis par le vecteur ne seraient pas éliminés par simple dérive génétique in planta, que ce soit avant leur 14 prélèvement ou après leur inoculation. Les valeurs estimées de Ne se sont révélées très élevées (une centaine à plusieurs milliers de génomes viraux fondant la population dans chaque feuille), indi une dérive négligeable durant l'infection systémique. Notre objectif final pouvait ainsi être poursuivi dans les meilleures conditions. Les tests de transmission de plante à plante par puceron nous ont alors permis de démontrer l'existence d'un très fort goulot d'étranglement, spécifiquement à cette étape du cycle viral. En effet, sur les six variants présents dans les feuilles sources, seuls 2 à 3 en moyenne infectent chaque plante test, suite à l'inoculation par un insecte vecteur, et ceci indépendamment du fait qu'il ait acquis le CaMV dans une seule cellule du mésophylle de la feuille source, dans 5 cellules ou dans les vaisseaux du phloème. Le Cauliflower Mosaic Virus (CaMV) est un pararétrovirus – virus répliqué par transcription inverse, mais dont l'intégration du génome à celui de l'hôte n'est pas requise – de plante qui infecte naturellement les brassicacées et parfois les solanacées pour certaines souches particulières [1]. Le CaMV est le membre type du genre Caulimovirus et de la famille Caulimoviridae, il est constitué d'un génome circulaire à double brin d'ADN d'environ 8000 paires de bases (voir encadré 1A, [2]), ce qui lui a valu d'être le premier phytovirus séquencé [3]. Le génome est protégé par une capside pour former des particules virales icosaédriques de 52 nm [4]. Ces virions sont naturellement transmis de plante à plante via les puceronsvecteurs, comme de très nombreux autres phytovirus. La mobilité des vecteurs permet une large dissémination du virus dans les populations végétales sensibles. Le CaMV est à priori présent sur tous les continents, partout où hôtes et vecteurs potentiels coexistent [5]. L'impact de la maladie est généralement faible, mais peut occasionnellement être important sur certaines cultures de choux de Bruxelles, de choux pommés et de chouxfleurs, dans les zones de culture intensive. Le CaMV peut attaquer sévèrement les pommes (inflorescence) des choux cultivés, qui perdent ainsi leur valeur marchande. Les crucifères adventices et d'ornement peuvent aussi être atteintes. La lutte contre les pucerons vecteurs avec des insecticides est utilisée pour limiter la dissémination du virus et réduire les dégâts directs. Prévenir l'introduction initiale du virus dans les cultures en utilisant des aphicides est difficile, mais les méthodes culturales permettent de limiter les attaques de pucerons et l'établissement dommageable du virus [6]. De part ses caractéristiques génomiques – offrant des ités de travail indéniables en termes de biologie moléculaire afin de créer des mutants in vitro directement infectieux par exemple – et de son mode de transmission (mode non-circulant), commun à la majorité des phytovirus, le CaMV est un modèle incontournable en virologie végétale, du domaine de la biologie cellulaire à celui de l'évolution virale. 17 Encadré N°1 génomique, réplication et cycle du CaMV Encadré Structure N°1 : Structure génomique, réplication et cellulaire cycle cellulaire du CaMV.
A A B C A A A Structure génomique : le génome viral encapsidé consiste en un ADN double brin circulaire d'environ 8000 paires de bases qui comporte 3 interruptions de séquence résultant des différentes étapes du mécanisme de réplication (voir B). B Réplication du génome viral : à partir de l'ARN 35S viral, et d'un ARN de transfert méthionine (ARNt) de l'hôte qui s'y lie au niveau d'un Primer Binding Site (PBS) de 14 pb, la transcriptase inverse (RT) initie la synthèse du brin d'ADN négatif jusqu'à l'extrémité 5' de l'ARN 35S. L'activité RNase H associée à la RT dégrade la matrice d'ARN dès qu'elle est rétro-transcrite. Le brin d'ADN alors en cours de synthèse par la RT est transféré en 3' de l'ARN 35S au niveau de la zone répétée (R : en rose) de 180 nucléotides qui est présente aux deux extrémités de l'ARN 35S. L'élongation de l'ADN reprend jusqu'à l'extrémité 5' du PBS, générant ainsi la future interruption de séquence ∆1. A cause de séquences PPU (polypurine), la RNase H laisse deux zones d'hétéroduplex non dégradées, à partir desquelles l'activité ADN polymérase ADN dépendante de la RT va amorcer la synthèse des brins d'ADN positifs complémentaires et engendrer la 2ième interruption (∆2). Après un dernier transfert de brin de la RT, il y aura formation de la dernière interruption de séquence (∆3), à la jonction de l'autre région PPU, avant l'encapsidation du génome viral. Cycle de multiplication du CaMV : les principales étapes du cycle viral sont: 1) pénétration du virus dans la cellule par puceron ou par mouvement de cellule à cellule, 2) migration du virion vers les pores nucléaires, 3) décapsidation et importation de l'ADN viral dans le noyau, 4) formation du minichromosome, 5) transcription de l'ADN viral, 6) traduction des ARN 19S et 35S, 7) réplication du génome viral par la transcriptase inverse (voir B), 8) morphogenèse des particules virales et 9) mouvement du virus de cellule à cellule à travers les plasmodesmes. Les étapes 6-8 semblent s'effectuer dans ou à proximité du corps d'inclusion dense (en rouge). 1.1 L'infection au niveau de la cellule hôte
Dans la nature, un cycle de réplication viral s'enclenche dès qu'un ou des virion(s) rentre(nt) dans le cytoplasme d'une cellule végétale hôte, soit via les plasmodesmes qui assurent un continuum cytoplasmique entre cellules adjacentes, ou bien via les piqûres intracellulaires d'un puceron-vecteur.
1.1.1 Le cycle cellulaire du CaMV
Dès qu'un virion a pénétré dans une cellule sensible, celui-ci migre vers le noyau, où l'ADN génomique (voir encadré 1C) est très probablement décapsidé au niveau de la membrane nucléaire avant d'y pénétrer [7]. A l'intérieur du noyau, le génome viral est converti en un mini-chromosome super enroulé par la machinerie cellulaire. Le génome du CaMV n'est probablement pas multiplié dans le noyau – comme le serait un épisome – mais il est transcrit par l'ARN polymérase II. Au moins deux ARN messagers fonctionnels : le 19S (subgénomique) et le 35S (de taille génomique) sont synthétisés puis exportés vers le cytoplasme sous forme polyadenylée ; un ARN subgénomique 22S a été décrit en 1985, mais sa fonctionnalité n'a pas été vérifiée [8] (voir encadré 2A, [9,10]). L'ARN 19S monocistronique est traduit en une protéine qui sert ensuite de trans-activateur indispensable à la traduction complète de l'ARN polycistronique 35S. En effet, les systèmes cellulaires eucaryotiques sains – qui ne possèdent généralement que des ARN messagers monocistroniques – sont incapables de réinitier la traduction sur un ARN messager polycistronique, après la fin du premier cadre ouvert de lecture [11]. Le 35S sert donc de (i) matrice pour la ré du génome viral (voir encadré 1B), (ii) ARN messager pour l'expression des gènes viraux dont notamment, la transcriptase inverse et la protéine de capside, la réplication et l'encapsidation semblant s'opérer de manière concomitante.
19 Encadré N°2 Les ORFs ORFs de de lARN l'ARN35S 35Set etson sonépissage épissagealternatif alternatif Encadré N°2 : Les A B A A A A C D A A A Carte circulaire du génome de la souche Cabb S. Le génome du CaMV comprend 7 ORF majeurs (dont l'expression des 6 premiers a été vérifiée en plante : (I) protéine de mouvement, MP ; (II) helper component, HC ; (III) protéine associée au virion (VAP) ; (IV) capside, CP ; (V) protéase à acide aspartique, PRO, et polymérase, POL ; (VI) transactivateur de la traduction de l'ARN 35S et composant des corps d'inclusion denses, TAV) et 6 petits ORF (sORF: small ORF) dans la séquence leader en amont de l'ORF VII. Le génome viral comporte 3 promoteurs qui sont à l'origine des : (i) ARN pré-génomique 35S, (ii) ARN sub-génomique 19S et (iii) ARN sub-génomique putatif 22S d'après analyse in silico. L'ARN 19S code uniquement pour la protéine P6 tandis que l'ARN 22S putatif coderait pour la protéine P5. L'ARN 35S sert de messager polycistronique pour la synthèse des protéines P1 à P5 mais également de matrice pour la réplication par transcription inverse ; c'est pour cette raison qu'il est dit pré-génomique.
B Carte linéaire de l'ARN 35S coiffé en 5' et polyadénylé en 3'. Les ORFs I à VII (colorés) ainsi que les 6 sORF A à F (en noir) sont figurés. Les différents motifs ou sites sont indiqués : PA, signal de polyadénylation ; SD, site donneur pour l'épissage ; SA, site accepteur de l'épissage ; ShD, site de décollage pour le saut du ribosome ; ShA, site d'atterrissage pour le saut du ribosome ; PBS, site d'amorçage pour la transcription inverse; A(n), queue poly(A). C
résentation schématique de l'épissage de l'ARN 35S. Les 6 sORF de la région leader sont représentés en noir et les ORF I, II et III sont en orange, vert et bleu, respectivement. L'ARN 35S subit un épissage alternatif dans 70% des cas. Il existe un site donneur d'épissage dans la séquence leader et trois sites donneurs dans l'ORF I. Par contre, il n'existe qu'un seul site accepteur d'épissage dans l'ORF II en position 1508. L'épissage alternatif produit des ARN où le début de l'ORF I est fusionné à la fin de l'ORF II en conservant le cadre de lecture – cas des produits C1, C2 et C3 représentant chacun 20% des ARN épissés – et un ARN (C4) où le début du sORF F est fusionné à la fin de l'ORF II sans conservation du cadre de lecture. Il se crée alors un nouvel sORF (G) en amont de l'ORF III. Les polypeptides codés par les ARN C1 à C3 ont été détectés dans les plantes infectées, sans qu'aucune fonction n'ait pu leur être attribuée. D Organisation de la structure secondaire de la région « leader » de l'ARN 35S du CaMV. La structure en tigeboucle présente dans la séquence leader est très stable. Elle permet, entre autre, de rapprocher le sORF A de l'ORF VII. Elle contient trois tiges (st1 à st3) se différenciant par leur stabilité. Les sites « décollage » (ShD) et « atterrissage » (ShA) du saut du ribosomes sont indiqués. La structure minimale requise pour le saut du ribosome est encadrée (voir encadré n°3 pour le saut du ribosome). D'après [9, 10].
Introduction générale
Une fois que le cycle viral est bouclé – c'est-à-dire que les génomes viraux néo-synthétisés sont encapsidés – les particules virales peuvent soit (i) migrer de cellule à cellule par l'intermédiaire des plasmodesmes (voir section 1.2.1.1), et à longue distance en empruntant les réseaux vasculaires de la plante (voir section 1.2.1.2), soit (ii) rester dans la cellule infectée afin d'être ultérieurement prélevées et transmises à une autre plante par les puceronsvecteurs (voir section 2.3).
1.1.2 Fonctions des différentes protéines virales exprimées
D'après les analyses in silico, l'ARN 35S (voir encadré 2B) possède 7 cadres ouverts de lecture (ORF ; Open Reading Frame) hypothétiques, susceptibles, au regard de leur taille, de coder pour des protéines biologiquement fonctionnelles. Cependant à ce jour, seules 6 protéines ont pu être détectées à partir de matériel végétal infecté (plantes protoplastes), et seules 5 d'entre-elles sont indispensables à l'infection systémique [12-15]. Ci après, seront brièvement décrites les différentes fonctions connues pour chacune des protéines virales, en respectant l'ordre correspondant à leur cinétique d'expression (figure 1) observée en protoplastes [16].
1.1.2.1 Protéine exprimée à partir de l'ARN 19S : P6
L'ARN monocistronique 19S comporte uniquement l'ORF VI qui code pour une protéine multifonctionnelle P6 (520 aa ; 62 kDa), exprimée de façon très précoce, par rapport à l'ensemble des autres protéines virales. La justification majeure de cette précocité semble être le fait que des homodimères de P6 [17] constituent la matrice des corps d'inclusion denses, aussi appelés « viroplasmes » [18], à l'intérieur ou à la périphérie desquels elle transactive la traduction de tous les autres gènes sur l'ARN polycistronique 35S [19,20]. Figure 2 : Représentation schématique des domaines et motifs de la protéine P6 (TAV) du CaMV.
La protéine P6 possèdent plusieurs domaines fonctionnels dont ceux impliqués dans sa propre dimérisation (Dim, aa 4-30 structurés en hélice alpha), et dans la virulence/avirulence (Vir/Avir) et la replication. Deux domaines sont importants pour l'activité de la transactivation traductionnelle de l'ARN 35S, le mini TAV (domaine minimal requis pour la transactivation) et le MBD (Multiple Binding Domain) qui se lie à un nombre important de cofacteurs cellulaires. Plusieurs motifs additionnels caractérisent la protéine TAV. Un motif d'export nucléaire (NES, Nuclear Export Signal) et deux motifs de localisation nucléaire (NLS, Nuclear Localization Signal) qui régulent le transport nucléocytoplasmique de TAV. TAV possède une activité de liaison aux ARN double brin (dsRBD, double strand RNA Binding Domain) et deux motifs de liaison aux ARN simple brin (ssRBD, single strand RNA Binding Domain). TAV contient aussi un motif en doigt de zinc (Zn). D'après [24]. Introduction générale ribosome continue le scanning et reste compétent pour une ré-initiation au codon d'initiation suivant. Egalement durant les étapes précoces de la traduction, P6 participe au phénomène de ribosome shunt qui permet aux ribosomes ayant initié le scanning de l'ARN 35S au niveau de la coiffe d'effectuer un « saut » court-circuitant littéralement tout le scanning de la séquence 5' non traduite (leader), sur une longueur de plus de 500 nucléotides (voir éventuellement l'encadré 3 pour de plus amples détails). Au-delà de son rôle déterminant dans le contrôle de la traduction au niveau des corps d'inclusion denses, P6 possède une activité suppression du RNA silencing [23] mais si et seulement si, les deux signaux de localisation nucléaire (NLS) à l'origine d'un transport nucléo-cytoplasmique y sont préservés intacts [24]. Il est possible que P6 interfère avec la machinerie de PTGS (post-transcriptional gene silencing) au niveau du noyau puisque ces deux NLS sont essentiels pour l'infectivité du virus [24]. Un autre rôle important et encore hypothétique de P6 au niveau nucléaire serait le contrôle de l'épissage et de l'export de l'ARN 35S non-épissé vers le cytoplasme. Cette dernière possibilité semble cohérente avec l'existence, au sein de P6, de motifs protéiques de liaison aux ARN (simple et double brin) et d'export nucléaire (figure 2) [25]. cadré parsaut sautdederibosome ribosome Encadré N°3 : Traduction A A
B A A Représentation schématique des sauts de ribosome intervenant dans le leader du CaMV. La traduction de l'ARN 35S est initiée suite à un saut du ribosome durant lequel le complexe de lecture (scanning) est directement transféré d'un site « décollage » vers un site « atterrissage » sans lecture de la région intermédiaire. Cette zone est appelée séquence leader et possède 6 petits ORF (sORF) nommés de A à F. La structure secondaire de la région leader du CaMV suivi de l'ORF VII est figurée. Les traits continus noirs sur la structure indiquent les positions du site décollage (ShD) et du site atterrissage (ShA) pour le saut du ribosome. Les flèches figurent le déplacement des ribosomes au cours de leur scanning (recherche de site d'initiation ; flèches en pointillés), ou de la traduction (flèches pleines). L'initiation de la traduction peut avoir lieu au niveau de codons non-AUG (N, N', N''), mais la plupart des ribosomes initialisent au niveau de l'AUG de l'ORF VII. Stratégies d'initiation pour le CaMV : (i) mécanisme principal avec saut au niveau de la première tige (st1 ; arc de flèche ouvert) ; (ii) voie alternative par l'intermédiaire d'un saut à la seconde tige (st2 ; arc de flèche plein) ou alors (iii) sans aucun saut, par « leakyscanning » : une migration linéaire des ribosomes le long de la séquence leader et ré-initiation (flèches noires discontinues). L'encart zoomé figure plus précisément la dissociation du complexe ribosomique (sous-unités 40S et 60S grisées) suite à son passage sur le codon stop du premier cadre de lecture ouvert (sORF A) et leur réassociation préférentielle au niveau du codon AUG de l'ORF VII. D'après [21, 22].
B Modèle schématique de la fonction de transactivation de la traduction de l'ARN 35S polycistronique par P6 TAV. Les côtés externes des sous-unités ribosomiques (40S et 60S) sont représentées en grisé, et leurs côtés internes en blanc. Le modèle est vu de "face" avec le mouvement du complexe d'initiation, de gauche à droite pour (A) et (B), et de "dos" avec mouvement de droite à gauche pour (C) et (D). (A) eIF4B, de concert avec eIF4F (4E/4G/4A) ou eIFiso4F, interagit avec eIF3 lié au complexe de pré-initiation 48S. Le complexe scanne jusqu'à ce qu'il rencontre le premier codon start convenable durant l'étape de reconnaissance codon-anticodon. L'hydrolyse GTP dépendante d'eIF5 se produit et eIF2 est relarguée de la sous-unité 40S. EIF3 et ses sous-unités g de (3g), i, (3i), ter (3b), a et c (3a + 3c); eIF1 (1), eIF2 (2), eIF5 (5), ARNt et TAV sont représentées. (B) Au cours de la jonction avec la sous-unité 60S, eIF4B est déplacée du ribosome, alors que eIF3 est toujours associé au côté externe de la sous-unité 40S. TAV se lie au complexe eIF3/40S via la sous-unité EIF3 g, puis la traduction de l'ORF1 commence. L24 est positionné sur le côté interne de la sous-unité 60S. (C) Au cours du processus d'élongation, le complexe TAV/eIF3/80S est stabilisé, apparemment en partie par le transfert de TAV/eIF3 à la sous-unité 60S au travers d'une interaction de TAV avec L18 ou/et L13. (D) Le complexe TAV/eIF3 est vraisemblablement relocalisé sur la sous-unité 40S à la fin de l'ORF 1, ce qui est une des clés du succès de la réinitiation au codon AUG suivant.
D
'après
[22]
.
Introduction générale 1.1.2.2.1 P5
La protéine P5 est une polyprotéine de 78 kDa possédant une activité de protéinase à acide aspartique dans sa région N-terminale, et une activité de transcriptase inverse/RNAse H dans la région C terminale (figure 3). La protéinase (18 kDa) est relarguée par auto-clivage [26], et intervient ultérieurement dans la maturation de la protéine de cap P4 (voir paragraphe 1.1.2.2.3). Les fonctions de transcriptase inverse et de RNAse H quant à elles, interviennent lors de la réplication virale, pour synthétiser les nouveaux génomes à partir de l'ARN 35S pré-génomique (voir encadré 1B pour les différentes étapes de la réplication). La précocité de l'expression de P5 peut se comprendre par son implication dans la maturation du précurseur de la protéine de capside, aussi bien que par son rôle de réplicase pouvant immédiatement agir sur une fraction des ARN prégénomiques.
1.1.2.2.2 P1
Le gène I code pour la protéine de mouvement du CaMV [27] composée de 327 acides aminés avec une masse moléculaire totale de 40 kDa. Cette protéine forme des tubules creux au travers des plasmodesmes, à l'intérieur desquels les virions migrent d'une cellule à une autre [28]. Figure 4 : Représentation schématique de la protéine
P1. Constituée de 327 acides aminés pour un poids de 40 kDa, P1 est la protéine de mouvement du CaMV. Elle possède un domaine de fixation à l'ARN (RNABD) en son centre, et un domaine structuré en hélice α en C-terminal. Ce dernier permet une interaction de type coiled-coil avec la protéine P3. En outre, les domaines TFD et FFD, délimités par les traits horizontaux sont respectivement impliqués dans la formation des tubules au niveau des plasmodesmes et dans la formation de foci à la périphérie cellulaire. D'après [31]. Introduction générale complexe ribonucléoprotéique (voir encadré 5 [35]). Mis à part cette dernière possibilité, qui pourrait très tôt induire le mouvement d'un complexe ARN 35S-P1, la précocité de l'accumulation de cette protéine reste inexpliquée. Les protéines suivantes (P4, P3 et P2) sont particulièrement importantes dans le cade de cette thèse puisqu'elles sont toutes trois impliquées dans la transmission du CaMV par pucerons-vecteurs.
1.1.2
.
2.3
P
4
L'ORF IV du CaMV code pour le précurseur de(s) la protéine(s) de capside (P4) d'une masse moléculaire calculée de 57 kDa [36]. Cette protéine subit plusieurs clivages au niveau des domaines acides présents en N- et Cterminal, par l'intermédiaire de la protéinase à acide aspartique de P5 [26] et d'éventuelles autres protéases cellulaires non-identifiées, qui génèrent finalement trois polypeptides majoritaires de 42, 39 et 37 kDa (figure 5). Les polypeptides de 37 et 42 kDa sont les constituants majeurs de la capside [4], avec des proportions variables suivant les purifications virales. La capside du CaMV est formée de 420 sous unités protéiques arrangées selon une symétrie d'ordre sept [37]. La protéine de capside subit deux autres types de modifications posttraductionnelles : (i) une glycosylation de ces polypeptides matures [38] dont le rôle biologique n'est pas connu et (ii) des phosphorylations aux extrémités N et C-terminales par une kinase de l'hôte (CKII : Casein Kinase II) qui sont indispensables à l'infectivité du virus [39,40]. Dans le domaine N-terminal de ces protéines de capsides, un NLS assure l'adressage des virions aux pores nucléaires, indispensable à l'infectivité du CaMV [41]. Il est à noter que la forme précurseur de 57kDa semble masquer ce NLS et inhibe le transfert vers le noyau. Ceci permettrait un contrôle de l'encapsidation des génomes viraux néo-synthétisés dans le cytoplasme à proximité des corps d'inclusions denses avant toute migration des virions [7]. La protéine P4 possède en C-terminal un motif « doigt de zinc » essentiel à l'infectivité, qui permet une interaction spécifique entre les différents polypeptides maturés (après un clivage minimal de la partie C-terminale
27 Encadré N°4 Interactions entre entre les les protéines protéines virales virales du du CaMV CaMV Encadré N°4 : Interactions P1 P2 P3 P4 P6
Les interactions entre différentes protéines du CaMV sont indiquées ci-dessus avec le code couleur suivant : P1 est représentée en orange, P2 en vert, P3 en bleu, P4 en jaune et P6 en rouge. L'extrémité C-terminale de la protéine P3 interagit avec la particule virale – qui est composée des 3 produits résultant du clivage de la protéine P4 – alors que son extrémité N-terminale se lie à l'extrémité C-terminale des protéines P1 ou P2 afin d'opérer soit : (i) au mouvement des virions via les plasmodesmes pour coloniser l'hôte (schématisation de ce mouvement dans un plasmodesme figuré ici en un rectangle) (ii) à la transmission par puceron-vecteur suite à la rétention du complexe transmissible (P2-P3-Virus) au niveau de l' extrémité distale des stylets du vecteur (schématisée ici par un parallélépipède vertical). Par ailleurs, les protéines de capsides (P4) interagissent avec P6, dans le contexte des corps denses, via leur domaine basique en C-terminal,. Introduction générale acide de la protéine de 57 kDa) et une région riche en purine présente au centre de la séquence leader de l'ARN 35S [42]. Cette association ARN 35Sprotéine de capside semble nécessaire à la formation des particules virales, ce qui suggère que la réplication du CaMV, et donc la èse du génome ADN, est concomitante à l'encapsidation. Enfin, un domaine riche en lysine (50% de lysine entre les résidus 363 et 411) permet une interaction de P4 avec P6 (encadré 4) [43], et ce même domaine est aussi impliqué dans la liaison aux acides nucléiques (ADN et ARN), indiquant un éventuel rôle additionnel de P6 vis-à-vis de l'encapsidation.
1.1.2.2.4 P3
La protéine P3 d'une masse moléculaire de 15 kDa (129 aa) est indispensable à l'infection systémique de la plante hôte [32], mais pas à la réplication du génome ni à la morphogenèse de particules virales dans un protoplaste transfecté [15]. Figure 6 : Représentation schématique de la protéine P3.
Comprenant
129
acides aminés pour un poids de 15 kDa, la protéine P3 est aussi dénommée VAP pour « Virion Associated Protein ». En effet, P3 interagit avec les virions par un large domaine de 60 acides aminés en C-terminal (trait noir supérieur) qui comporte aussi un motif pour la fixation aux acides nucléiques (NAB). Par ailleurs, les 30 premiers acides aminés de la protéine sont structurés en hélice α, ce qui offre à P3 la possibilité de former des homo-tétramères en solution ou bien d'interagir avec les protéines P1 ou P2 via des associations de type coiled-coil. D'après [46]. Introduction générale parallèle pour la forme libre de P3 [48,49], ii) avec la région C-terminale de P2, formant un complexe P2-P3-virion pour la transmission (voir ci-dessous) et iii) avec la partie C-terminale de P1, formant un complexe P1-P3-virion pour le mouvement in planta [31]. Le mécanisme spécifique contrôlant ces interactions particulières (encadré 4) et leurs possibles interférences est à ce jour totalement obscur. Pour finir, une forme de P3 clivée en sa partie C-terminale (11kDa) par une protéinase à cystéine [50] est souvent retrouvée dans les extraits de plante infectée, cependant sa fonction biologique éventuelle n'est pas encore connue.
1.1.2.2.5 P2
L'expression de l'ORF II apparaît tardive, P2 ne s'accumulant qu'à la fin du cycle viral. Il s'agit d'une protéine non-structurale avec une masse moléculaire de 18 kDa [51]. La prédiction de sa structure secondaire montre deux domaines distincts séparés par une région repliée " au hasard " [52]: un domaine N-terminal en feuillet β et un domaine -terminal (aa 99 à 159) composé de deux hélices α susceptibles de former une structure superenroulée (coiled-coil) (figure 7 [53]). Blanc et al. [54] ont apporté la preuve directe que la protéine P2 est le facteur assistant de la transmission (FAT ou plutôt HC pour « helper-component ») car elle peut permettre la transmission par pucerons d'une souche délétée du gène II qui est naturellement non transmissible. Diverses expériences ont montré que P2 interagit d'une part avec le complexe P3-virus (via une interaction entre les hélices α des protéines P2 et P3), et d'autre part avec un site protéique spécifique au niveau de la cuticule des stylets du puceron-vecteur [55,56] (encadré 9A). Figure 8: Le corps clair se forme en drainant (accumulant) la P2 de toute la cellule infectée. Sur ces photos, la protéine P6 (marqueur des corps dense
s) est
immunomarquée en vert
tandis que P2
est
immunomar
quée en
rouge.
Au
stade 1,
les
proté
ines P
2 et
P
6 co
-localisent
au niveau des
corps
dense
s (couleurs superposées
= orange
).
Au second stade, la P2 qui a été produite au niveau des corps denses, semble les quitter et forme un réseau sur les microtubules (réseau signalé par la flèche blanche). Enfin au stade 3, P2 est accumulée dans une structure cellulaire unique, le corps clair (flèche blanche), et ne co-localise plus avec les corps
denses.
D'après [59]. Introduction générale l'aide du réseau de microtubules [59] (encadré 1C et figure 8) pour donner lieu à la formation d'un unique corps d'inclusion clair par cellule [60], à la structure extrêmement complexe dont la présence est essentielle et exclusivement dévouée à la transmission par vecteur [61] (voir section 2.3.1. pour plus de détails sur le corps clair). 1.2 Colonisation de la plante hôte
Lorsque le virus a terminé son cycle de réplication au sein d'une cellule hôte, il lui est essentiel de partir coloniser les cellules avoisinantes afin d'accroître sa descendance, d'envahir de nouveaux tissus et de rejoindre la sève élaborée qui permet à l'infection de se généraliser à l'ensemble de la plante et d'augmenter ses chances de transmission par vecteur.
1.2.1 Mouvement du CaMV depuis son site d'inoculation
Quel que soit le mode d'inoculation, naturel par un puceron virulifère ou bien expérimental par abrasion mécanique, les points d'entrée (ou sites d'infection primaire) sont généralement visualisables sous la forme de petites lésions locales chlorotiques. À partir de chaque point d'entrée, le virus va se répliquer, puis migrer de cellule à cellule, avant de gagner les faisceaux vasculaires, qui lui permettront un mouvement à longue distance.
1.2.1.1 Mouvement de cellule à cellule via les plasmodesmes
Les plasmodesmes (PD) ont été décrits en 1930 [62] comme de simples ponts cytoplasmiques reliant les cellules entre elles, définissant ainsi un domaine nommé symplasme. En fait, les plasmodesmes des plantes supérieures sont des complexes supramoléculaires constitués de membranes et de protéines. Sur le plan fonctionnel, ils sont capables de contrôler le seuil d'exclusion limite (SEL), pour la diffusion intercellulaire des métabolites et petites molécules, ainsi que de renforcer et de réguler le trafic intercellulaire des macromolécules telles que les acides nucléiques et les protéines [63]. Ainsi, de multiples événements essentiels au développement et au maintien d'une plante sont dépendants du trafic de molécules via les plasmodesmes. 1.2.1.1.1 Rappel sur les différents modes de passage de cellule à cellule chez les phytovirus
Les phytovirus disposent selon les espèces de 1 à 3 protéines dédiées à la régulation du mouvement dans la plante. Plusieurs mécanismes très divergents ont été décrits pour assurer les migrations d'unités infectieuses [64-67], certains de ces mécanismes pouvant co-exister au sein d'une même espèce virale (encadré 5). - Passage de complexe MP-acide nucléique : C'est le mode utilisé par le Tobacco mosaic virus (TMV, et d'autres espèces moins étudiées) avec un passage de cellule à cellule sous la forme un complexe ribonucléoprotéique composé de la protéine de mouvement (MP) et l'ARN génomique viral (pour revue voir [68]). Dans ce complexe, la molécule d'ARN est étirée en un brin fin de 2 nm de diamètre environ, structure plus adaptée au passage entre les fibres cloisonnant le cytoplasme dans le PD. En plus de fixer les acides nucléiques, il a été clairement démontré que les MP de certains virus – tobamo, tobra, dianthovirus – sont capables d'augmenter le SEL des plasmodesmes. A ce jour, aucune observation en microscopie électronique n'a pu montrer la présence de particules virales de TMV passant d'une cellule à une autre au travers des plamosdesmes. - Passage de complexe MP-CP-acide nucléique : Ce mode de transport implique en plus de la (ou des) MP, la présence de la protéine de capside (CP) pour assurer le passage du matériel infectieux, sous la forme d'un complexe MP-ARN-CP sans toutefois que l'encapsidation du génome et donc la présence d'une capside mature ne soit requise. Pour faciliter le passage de ces complexes certaines MP (des alphamo, gé , potex et potyvirus) peuvent accroîtrent le SEL des plasmodesmes. Le virus type pour ce mode de transport est l'Alfalfa mosaic virus (AMV), un alphamovirus appartenant à la famille des bromoviridae [69]. - Passage de particule virales matures (pour revue voir [70]) : Ce type de passage correspond à la migration de génomes viraux encapsidés (voir encadré 5). Pour certaines espèces, dont les lutéovirus, les virions migrent tels quels de cellule à cellule au travers des PD. On peut alors observer directement les particules virales traversant les parois au niveau 34
Encadré N°5 mouvement dede cellule à cellule chez lesles phytovirus Encadré N°5Le : Le mouvement cellule à cellule chez phytovirus
A A Beny Hordéi Tospo Alphamo B A
B
A C A A
Modélisation des différents mode de passage de cellule à cellule des phytovirus. Au travers des plasmodesmes, représentés ici par de simples trous dans la paroi (rectangles gris entouré de la membrane plasmique en noir) sont représentés : la protéine de mouvement (étoile), le génome viral (trait noir), la protéine de capside (disque gris), le virion (amas de disques blancs) et les éventuelles protéines cellulaires (triangle). Les listes au-dessous des schémas mentionnent les genres viraux concernés. Certains virus,
tels
que
les
Alphamo
-
et
les
Potexvirus, sont d'ailleurs capables de passer de cellule
à cellule
selon plusieurs modes.
(*)
la
protéine
HC-Pro et
la capside des pot
y
virus jouent le rôle de protéine de mouvement
.
(?) suspicion faute de pre
uves
suffisantes. D'après [35]
.
B Cas du CaMV : P3 et P1 co-localisent au niveau des plasmodesmes modifiés. Microscopie électronique sur coupes ultrafines de tissu infecté montrant deux cellules adjacentes. Le marquage immunogold de P3 (billes d'or de 6-nm) et de P1 (billes d'or de 18-nm) permet la localisation de chacune des protéines. (A) Deux plasmodesmes (P) traversant la paroi cellulaire (CW) sont indiqués ; l'un est modifié et contient des particules virales (V). (B) Coupe longitudinale d'un plasmodesme modifié comportant des particules virales (V) et montrant la distribution de P1. (C) Zoom sur le plasmodesme modifié vu A ; un agrandissement dans l'encart permet de visualiser la localisation de P1 et P3 sur une particule virale. (D) Corps d'inclusion dense (edIB) contenant des particules virales et du marquage spécifique à P3 (billes d'or de 6-nm). Barre : 100 nm. D'après [31]. C Cas du CaMV : Passage de virions via des tubules stables. Image en microscopie électronique d'une coupe au niveau d'un plasmodesme (probablement entre une cellule compagne et une cellule du phloème). On peut voir la présence de virions passant d'une cellule à l'autre au travers d'une structure tubulaire. Les flèches noires indiquent P3 immunomarquée (couplage à des billes d'or de 10nm). Barre, 250 nm. D'après [132]. Introduction générale des PD en microscopie électronique. Pour d'autres espèces, dont l'exemple type est le Cowpea mosaic virus (CPMV, comovirus), des structures tubulaires apparaissent et traversent les parois au niveau des PD. Ces tubules très stables sont constitués en tout ou partie par la MP [71,72], et servent de « tunnel » dans lesquels s'engagent des « chapelets » de particules virales. Ce phénomène a été observé chez de nombreuses espèces virales (dont le CaMV) réparties dans des genres très disctincts : Caulimo, Como, Gémini, Népo et Tospovirus. Parmi les protéines virales, la formation des tubules ne nécessite que la présence de la (ou des) MP : de telles tubules ont été obtenues dans des cellules de plantes transgéniques exprimant la (ou les) MP de plusieurs des virus cités ci-dessus, et ceci en l'absence d'infection virale. Il est par contre possible, et encore très peu documenté, que un ou plusieurs facteurs cellulaires participent à la formation de ces tubules. Il faut cependant noter que, pour certains virus particuliers, l'attribution d'une ou plusieurs de ces catégories de mouvement reste ambiguë. C'est le cas de l'Alfafa mosaic virus (AMV), un alphamovirus dont la CP est nécessaire au mouvement de cellule à cellule, mais l'encapsidation n'est pas requise. Dans les protoplastes de Vigna unguiculata ou de Nicotiana benthamiana infectés, il y a formation de tubules remplis de particules virales. Par contre, dans les tabacs infectés, de rares tubules courts sont visibles exclusivement au front de virose, où les particules virales ne sont pas visibles bien que ces structures soient marquées par un anticorps dirigé contre la CP [73]. Dans ce cas particulier, les tubules ne seraient donc pas des stables comme dans le cas des Como et Népovirus, mais plutôt des structures très transitoires, avec peut-être un rôle spécifique encore inconnu. Dans le cas des potyvirus, il reste à démontrer si le matériel infectieux migre sous forme d'un complexe CP-HCPro-ARN ou sous forme de virions associés à HC-Pro et peut-être à la protéine CI [74-77].
1.2.1.1.2 Cas particulier du CaMV
Il a été confirmé que les virions du CaMV passent de cellule à cellules via les plasmodesmes grâce à des tubules formés par la protéine de mouvement P1 36 Introduction générale [28], bien que ces tubules ne soient pas toujours directement observables (encadré 5B). Des études ont montré que P1 interagit avec au moins un partenaire cellulaire d'Arabidopsis thaliana (MPI7, une protéine membranaire associée aux vésicules (VAMP)) [78] et que sa localisation finale au niveau des plasmodesmes ne requiert pas le réseau de microtubules, mais un système endomembranaire fonctionnel [79]. Ainsi, d'après les interactions protéiques connues chez le CaMV, il est possible de proposer l'hypothèse que les complexes P3-virus sont pris en charge par la protéine de mouvement P1 (à un moment du cycle viral et en un lieu de la cellule non déterminés) afin d'être acheminé, au travers des tubules, dans les cellules adjacentes. Par ailleurs, du fait que P1 et P4 possèdent un domaine de liaison à l'ARN, il est impossible d'exclure les éventuels passages de complexes MP-acides ribonucléiques (P1-ARN) ou de complexes MP-CP-acides ribonucléiques (P1P4-ARN) via les plasmodesmes.
1.2.1.1.3 Cheminement par les plasmodesmes jusqu'aux tubes criblés du phloème
Les plasmodesmes se différencient (modifications du nombre et de la structure) de manière spécifique en fonction du domaine symplasmique auquel ils appartiennent et au cours du temps lors de la transition sourcepuits [80]. Ainsi, les plasmodesmes connectant les cellules du parenchyme périvasculaire au parenchyme phloémien ont des propriétés différentes de ceux qui interconnectent les cellules du mésophylle [67]. De même, dès le début de la différenciation cellulaire, des plasmodesmes spécialisés se forment entre les cellules destinées à devenir des cellules compagnes et les tubes criblés. Cette spécialisation correspond à un élargissement du canal de communication côté tube criblé et par la formation de ramifications plus étroites du côté des cellules compagnes [81,82]. asymétrie au niveau des tissus sources où se situent les cellules exportatrices est à l'origine du transfert directionnel des sucres vers les tubes criblés. Ces particularités anatomiques des plantes font que certains virus peuvent être ralentis par ces obstacles (« frontières » tissulaires) durant leur progression systémique, ou bien même complètement bloqués et restreint à un tissu particulier. En conséquence, la migration des virus depuis le 37 A B
Figure 9 : Durée nécessaire pour la colonisation des tissus vasculaires dans une feuille de navet inoculée par le CaMV. Un lot de navet a été infecté mécaniquement au niveau d'une seule feuille par plante. Ensuite, ces feuilles inoculées ont été coupées et éliminées à des dates précises, et l'apparition ultérieure de symptômes a été surveillée sur les feuilles systémiques. (A) Tableau récapitulatif : les « + » signalent la présence de symptômes visibles sur les feuilles systémiques (1ère colonne) à 32 dpi et sur les feuilles inoculées (lors de leur élimination) au cours du temps. Le CaMV initie son mouvement à longue distance entre le 3ième et le 5ième jour après l'inoculation. Toutefois, la feuille inoculée ne montre pas de symptômes visibles avant le 7ième jour après son inoculation. (B) L'utilisation de l'hybridation moléculaire à l'aide d'une sonde d'ADN viral marquée au 32P a permis grâce à sa sensibilité de mettre en évidence l'apparition des premiers foyers d'infection (signalés par les flèches) dès le 5ième jour. D'après [83]. Introduction générale mésophylle vers le système vasculaire au travers des différents tissus ne se fait pas à une vitesse constante. Pour le CaMV, il a été montré qu'il faut un minimum de 3 à 5 jours sur plant de navet pour que le virus sorte de la feuille inoculée (figure 9) et initie une infection systémique [83], sans que le détail des vitesses de passage dans le mésophylle, dans les tissus périvasculaires et vasculaires au sein de cette feuille n'ait pu être analysé.
1.2.1.2 Mouvement à longue distance et distribution du virus dans la plante
La majorité des virus transmis par pucerons utilisent généralement le phloème pour leur transport à longue distance, mais il existe au moins une exception avec le Blueberry shoestring virus (BSSV) puisqu'il est détecté au niveau du xylème et du phloème [84]. En outre, plusieurs phytovirus transmis par coléoptères ou par champignons migrent à longue distance en empruntant le xylème [64,85]. Pour revue sur le transport systémique des virus voir [86]. Le mouvement à longue distance du CaMV s'effectue le phloème [83] sous la forme très probable de complexes P3-virions [58] qui sont chargés dans les tubes criblés à partir des cellules compagnes. Ensuite, la distribution de ces complexes P3-virions s'effectue selon le flux des photoassimilats en fonction de la phyllotaxie [83]. C'est-à-dire qu'ils vont migrer à partir d'une feuille mature (source) pour coloniser principalement les jeunes feuilles (puits) qui sont à proximité immédiate en regard de l'insertion de leur pétiole. En d'autres termes, lorsque le virus emprunte la voie phloémienne, il se retrouve surtout emporté vers les feuilles puits (en croissance) qui présentent une connexion vasculaire directe avec la feuille source considérée [87]. 1.3 Symptomatologie & Interaction avec l'hôte
Selon les souches virales du CaMV, les plantes utilisées (espèces ou écotypes), et les conditions environnementales, les symptômes peuvent varier [89,90]. Dans certains cas, l'infection peut même échouer en fonction
39
Encadré
N°
6
Le N°6 mouvement à longue distance selon le flux photoassimilats Encadré
:
Mouvement à longue selon le flux des des photoassimilats A B A A C A A Relation entre phyllotaxie et profil vasculaire au niveau du bourgeon végétatif apical d'Arabidopsis thaliana. (a) coupe transversale au niveau du méristème apical dans des Arabidopsis transgéniques avec un marquage spécifique du procambium (ATHB-8::GUS). La rosette de feuille est numérotée en spirale selon l'ordre de la chronologie ontogénique. Les lignes continues indiquent les contacts entre les parastiches orientés dans le sens des aiguilles d'une montre (n+3 et n+8)
tandis
que
les
lignes pointillées correspondent aux parastiches
tourn
ant
dans le sens
invers
e des
aiguilles
d' une montre (n
+5
et n
+13)
. (b) Coupe
transversale 66 μm sous le méristème apical.
Les faisceaux
vasculaire
s
situ
ent
l
'in
sertion
individuelle
des feuilles (3, 4,
5,
6 et 7)
et
des sympodia
qui donneront naissance aux feuilles (8, 9, 10, 11, 12). Barre : 50 μm.
D
'après [
88]. B Diagramme représentant les connexions vasculaire au sein de l'appareil végétatif d'Arabidopsis thaliana. Le système vasculaire est figuré en deux dimensions, comme si la rosette était déroulée à partir d'une fente pratiquée entre les feuilles 1 et 3. Le numéro de chaque feuille est placé dans un carré ; les cotylédons sont mentionnés de manière identique par des
. Les lignes continues représentent les sympodia vasculaires qui relient les feuilles selon le parastiche n+5, et les connexions entre les feuilles à l'extrémité distale de l'hypocotyle. Les lignes discontinues correspondent aux sympodia vasculaires qui relient les feuilles selon le parastiche n+8. Les pointillés symbolisent l'insertion des feuilles au-dessus du point de branchement. D'après [88]. C La distribution du CaMV se superpose au profil établi selon les relations source-puits. (a) schéma d'Arabidopsis thaliana avec 28 feuilles en rosette numérotées selon leur apparition. Les flèches indiquent les connexions vasculaires directes (n+5 et n+8) à partir de la feuille n°7. (b) Patron de l'allocation des su
cres
détermin
é
à partir de me
sures
d'
accumulation
de 14
C
5 jours après
avoir
appliqu
é la source
de sucre
marqué sur la
feuille n°7
(en vert
). Valeurs (moyennes sur 3 plantes) représentées pour chaque feuille suivant un code couleur (barre à droite) selon le pourcentage total de radioactivité et après normalisation par rapport à la surface foliaire totale. (c) Le profil d'apparition des symptômes après 31 jours d'infection. Les feuilles présentent un score selon l'ordre d'apparition des symptômes (4 pour la 1ère, 3 pour la 2nde, 2 pour la troisième et 1 pour la quatrième). Le schéma synthétise les résultats cumulés pour 27 plantes symptomatiques. Les feuilles sont colorées selon leur score cumulé en fonction du code couleur figuré sur la droite. La feuille inoculée (n°7) qui présente des lésions locales est colorée en vert. D'après [87].
Introduction générale du stade de développement de l'hôte au moment de l'inoculation. De plus, il a récemment été montré que le mouvement à longue distance du CaMV est dépendant de la voie de défense de l'éthylène [91]. De nombreuses interactions spécifiques entre le CaMV et ses plantes hôtes ont été découvertes et étudiées au cours des quinze dernières années.
1.3.1 Symptomatologie et Pathogénicité
Bien que les symptômes provoqués par le CaMV varient en fonction de l'hôte, la mosaïque et la marbrure des feuilles, l'éclaircissement des nervures et le long des nervures, ainsi que le rabougrissement et la déformation des plantes en constituent des caractéristiques principales très constantes.
1.3.1.1 Symptômes et accumulation du virus dans le navet
Dans un premier temps, on peut observer des taches chlorotiques (ou lésions locales) sur les feuilles inoculées, puis l'infection se généralise à toutes les feuilles néo-formées de manière systémique. Les premières feuilles qui montrent des symptômes systémiques développent très souvent un éclaircissement nervures qui se limite à une petite région basipétale sur un seul côté du limbe [83]. Cette sectorisation s'expliquerait par le fait que ces feuilles – au moment où le virus arrive via le phloème – sont dans une phase de transition puits/source et que le CaMV ne pourrait donc pas remonter à contre-courant dans le phloème pour envahir un tissu source (figure 10). Dans ces premières feuilles aux symptômes systémiques, le virus se concentre surtout le long des nervures (veines) et des veinelettes en comparaison avec les territoires qui se situent entre les veines. Par contre, dans les jeunes feuilles néoformées infectées de manière systémique, le virus s'accumule préférentiellement dans les îlots verts interveinaux plutôt que le long des nervures chlorotiques [92].
| 13,862
|
22d284862b254133dcadad3c01f17c5e_9
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,009
|
Mortalité à l'hôpital après infarctus aigu du myocarde
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,112
| 12,790
|
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
4. SERVICES DE SANTÉ
4.10. Consommation de médicaments
4.10.1 Consommation d’antidiabétiques,
DQD* pour 1 000 habitants par jour, 2000 et 2007
(ou année la plus proche)
2000
15
Islande
Danemark
République slovaque
Norvège
Belgique
Australie
France 1
Suède
Royaume-Uni
Portugal
OCDE
Luxembourg
Hongrie
République tchèque
Espagne
Pays-Bas
Grèce
Allemagne
Finlande
22
2007
39
43
27
44
32
45
33
46
36
46
36
47
27
49
39
51
34
52
31
52
43
58
39
58
39
58
46
62
40
68
46
70
43
20
2000
26
10
0
4.10.2 Consommation d’antidépresseurs,
DQD* pour 1 000 habitants par jour, 2000 et 2007
(ou année la plus proche)
72
9
République slovaque
Hongrie
Allemagne
République tchèque
Grèce
Pays-Bas
Luxembourg
France
OCDE
Espagne
Royaume-Uni
Norvège
Portugal
Belgique
Finlande
Danemark
Suède
Australie
Islande
40
60
80
DQD* pour 1 000 habitants par jour
2007
23
14
24
21
34
10
35
19
36
31
39
36
45
40
50
32
52
28
52
38
54
41
55
26
58
39
59
36
61
35
69
48
72
45
77
71
0
20
95
40
60
80
100
DQD* pour 1 000 habitants par jour
1. Représente seulement 88 % de la consommation.
4.10.3 Consommation d’anticholestérols,
DQD* pour 1 000 habitants par jour, 2000 et 2007
(ou année la plus proche)
2000
21
Allemagne
31
Espagne
29
92
102
36
Suède
109
26
110
34
Islande
112
27
République tchèque
118
n.d.
Luxembourg
119
41
OCDE
125
81
France
43
Finlande
136
21
146
59
Belgique
146
60
Norvège
169
n.d.
Royaume-Uni
187
78
Australie
0
126
131
57
Pays-Bas
Danemark
2000
70
Hongrie
Portugal
2007
49
14
République slovaque
50
4.10.4 Consommation d’antibiotiques,
DQD* pour 1 000 habitants par jour, 2000 et 2007
(ou année la plus proche)
206
100
150
200
250
DQD* pour 1 000 habitants par jour
2007
n.d.
Suisse
Pays-Bas
Allemagne
Autriche
Norvège
Royaume-Uni
Suède
Danemark
République tchèque
Hongrie
Finlande
Pologne
OCDE
Espagne
Islande
Portugal
Irlande
Australie
République slovaque
Belgique
Luxembourg
Italie
France
Grèce
9
10
11
14
15
12
12
15
16
15
14
15
16
16
16
19
17
19
17
19
18
23
20
20
20
19
20
21
20
18
25
22
22
23
24
28
25
25
25
26
26
24
28
29
0
10
33
32
32
20
30
40
DQD* pour 1 000 habitants par jour
* DQD : Dose quotidienne définie.
Source : Eco-Santé OCDE 2009.
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/722244112378
109
5. QUALITÉ DES SOINS
Introduction
Affections chroniques
5.1.
Admission évitable à l’hôpital : maladies respiratoires
5.2.
Admission évitable à l’hôpital : complications du diabète
5.3.
Admission évitable à l’hôpital : insuffisance cardiaque,
hypertension
Complication aiguë d’affections chroniques
5.4.
Mortalité à l’hôpital après infarctus aigu du myocarde
5.5.
Mortalité à l’hôpital après accident vasculaire cérébral
Troubles mentaux
5.6.
Réadmission à l’hôpital non programmée pour troubles
mentaux
Cancers
5.7.
Dépistage, survie et mortalité du cancer du col de l’utérus
5.8.
Dépistage, survie et mortalité du cancer du sein
5.9.
Survie et mortalité du cancer colorectal
Maladies transmissibles
5.10. Programmes de vaccination des enfants
5.11. Vaccination antigrippale des personnes âgées
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
111
5. QUALITÉ DES SOINS
Introduction
Q
uels sont les domaines du système de soins de santé qui montrent un bon rapport qualité/coût ou
qui présentent des possibilités d’amélioration des performances ? Si les efforts nationaux et
internationaux en cours, tels que le Système de comptes de la santé, fournissent de meilleures
informations sur les dépenses de santé, les informations sur la valeur créée par les services de santé
restent limitées. La qualité des soins, c’est-à-dire dans quelle mesure les soins sont dispensés
conformément aux normes établies et avec des résultats optimaux, est un des aspects clés de
cette valeur.
Beaucoup de pays de l’OCDE rendent compte de la qualité des soins au niveau national, alors que
d’autres pays manquent encore de l’infrastructure de données nécessaire pour obtenir ces
informations. Des données internationalement comparables sur la qualité des soins peuvent
permettre aux pays d’explorer les facteurs sous-jacents relevant de l’organisation et du financement
des soins de santé. Le projet de l’OCDE sur les indicateurs de la qualité des soins de santé (HCQI pour
« Health Care Quality Indicators ») élabore actuellement un ensemble d’indicateurs de la qualité au
niveau des systèmes de soins de santé (Mattke et al., 2006; Garcia Armesto et al., 2007). Ce projet a pour
but de compléter et coordonner les efforts des organismes nationaux et d’autres organisations
internationales. Combinés à d’autres initiatives, ces travaux offriront aux responsables publics et aux
autres parties concernées des outils pour stimuler l’apprentissage entre les pays. Les 30 pays de
l’OCDE, ainsi que cinq pays de l’Union européenne non membres de l’OCDE et Singapour, participent
maintenant au projet.
La construction d’un ensemble d’indicateurs de qualité des soins nécessite trois composantes :
un cadre conceptuel pour définir les aspects à saisir; des indicateurs pertinents et scientifiquement
valides pour refléter les performances relatives à ces différents aspects; et des données pour mettre
en œuvre les indicateurs choisis. Depuis ses débuts en 2003, le projet HCQI a notablement progressé
dans l’assemblage des deux premières composantes. Comme on l’a indiqué dans l’introduction
générale de la présente publication, un cadre conceptuel a été élaboré, qui reflète la vision commune
des pays sur les aspects clés des performances des systèmes de soins de santé (Kelley et Hurst, 2006).
On s’est accordé sur l’idée que le projet devrait initialement se concentrer sur la qualité technique des
soins (c’est-à-dire l’efficacité médicale). Un certain nombre de travaux ont aussi été réalisés et publiés
pour identifier les indicateurs appropriés concernant la qualité des soins dans des domaines comme
les soins cardiaques, le diabète et la santé mentale.
Le principal facteur restrictif reste toutefois la disponibilité de données pour construire les
indicateurs de qualité, particulièrement au niveau international. Du fait de l’adoption relativement
limitée des dossiers de santé électroniques, les informations cliniques détaillées nécessaires à beaucoup
d’indicateurs sont souvent indisponibles, ce qui limite le projet aux indicateurs que l’on peut construire
à partir de données administratives plus largement disponibles mais moins riches en informations.
L’absence d’utilisation d’un identifiant unique de patient dans certains pays limite la capacité de suivre
les patients à travers les environnements et établissements de soins et ainsi la possibilité de saisir les
trajectoires de soins dans le temps. Enfin, les différences des systèmes de codage et des normes de
collecte des données font obstacle à la comparabilité internationale des indicateurs.
Malgré ces défauts, des progrès substantiels ont été accomplis. Au total, 40 indicateurs ont été
adoptés, dont 23 figurent dans la présente édition du Panorama de la santé. Ces indicateurs couvrent
des besoins importants en soins de santé ainsi que la plupart des grandes catégories de maladies. Les
nouveaux domaines couverts dans cette publication par rapport à l’édition précédente du Panorama de
la santé sont le traitement des affections chroniques dans les soins primaires et les soins de santé
mentale. Même s’il subsiste plusieurs lacunes dans cet ensemble d’indicateurs, comme la sécurité des
patients et leurs expériences, et qu’il faille encore améliorer la comparabilité entre les pays, ces
indicateurs permettent aux responsables publics et aux autres parties concernées de commencer à
tirer des enseignements sur les performances relatives des systèmes de soins de santé dans un certain
nombre de domaines clés. Le présent chapitre illustre l’utilisation des indicateurs HCQI pour
l’exploration des questions qui se posent dans le domaine des soins relatifs aux affections chroniques,
aux complications aiguës d’affections chroniques, aux troubles mentaux, aux cancers et aux maladies
transmissibles.
112
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
5. QUALITÉ DES SOINS
Introduction
Ces indicateurs couvrent aussi bien les processus que les résultats des soins pour diverses affections (voir tableau 5.1). Le site Internet de l’OCDE consacré au projet HCQI, www.oecd.org/health/hcqi,
donne des informations supplémentaires sur les sources et les méthodes sous-jacentes aux données.
5.1 Domaines couverts par l’ensemble actuel d’indicateurs
Mesures des processus
Mesures des résultats
Soins relatifs
aux affections chroniques
Taux d’admission évitable pour l’asthme
Taux d’admission évitable pour les maladies pulmonaires
obstructives chroniques
Taux d’admission évitable pour les complications aiguës
du diabète
Taux d’admission évitable pour l’amputation des membres
inférieurs due au diabète
Taux d’admission évitable pour l’insuffisance cardiaque congestive
Taux d’admission évitable pour l’hypertension
Soins relatifs
aux complications aiguës
d’affections chroniques
Taux de mortalité à 30 jours après un infarctus aigu
du myocarde (IAM)
Taux de mortalité à 30 jours après accident vasculaire cérébral
Soins relatifs
aux troubles mentaux
Taux de réadmission non programmée de patients souffrant
de schizophrénie
Taux de réadmission non programmée de patients souffrant
de troubles bipolaires
Soins relatifs aux cancers
Taux de dépistage du cancer du col
de l’utérus
Taux de dépistage du cancer du sein
Taux de survie du cancer du col de l’utérus
Taux de mortalité du cancer du col de l’utérus
Taux de survie du cancer du sein
Taux de mortalité du cancer du sein
Taux de survie du cancer colorectal
Taux de mortalité du cancer colorectal
Soins relatifs
aux maladies
transmissibles
Taux de vaccination des enfants contre
la coqueluche
Taux de vaccination des enfants contre
la rougeole
Taux de vaccination des enfants contre
l’hépatite B
Taux de vaccination antigrippale
des personnes âgées
Incidence de l’hépatite B
Interprétation et utilisation des données
Les indicateurs présentés dans ce chapitre ne fournissent pas une évaluation complète des
performances des systèmes de soins de santé concernant la qualité des soins, étant donné qu’aussi
bien leur comparabilité que leur couverture sont limitées. Depuis la dernière édition du Panorama de la
santé en 2007, on s’est efforcé de réunir des données aussi comparables que possible entre les pays,
notamment avec la mise en œuvre de normes claires pour la qualité des données et de méthodes
standard pour les ajustements en fonction de la composition par âge et par sexe. On a calculé des
intervalles de confiance pour distinguer les différences statistiquement significatives entre les valeurs
des indicateurs. Néanmoins, on note que des disparités subsistent dans les définitions, les sources et
les méthodes, comme c’est le cas pour d’autres indicateurs d’Eco-Santé OCDE. En particulier, des
travaux supplémentaires sont nécessaires pour améliorer la comparabilité et ajuster les chiffres en
fonction des différences dans les profils de risque des patients entre les pays. PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
113
5. QUALITÉ DES SOINS
Introduction
Les données présentées dans ce chapitre soulèvent des questions sur la qualité des soins dans les
différents pays plutôt; elles ne fournissent pas de réponses définitives ou des jugements normatifs.
Des informations sont fournies sur l’importance et la validité scientifique de chaque indicateur, mais
les données et les constats présentés doivent êtres considérés comme un point de départ en vue de
mieux comprendre les variations de la qualité des soins et d’encourager une analyse plus poussée de
l’expérience des différents pays. Les travaux en cours dans le cadre du projet HCQI amélioreront
la comparabilité et la couverture des données et offriront, à terme, une vue plus robuste des
performances comparées.
Domaines prioritaires futurs
Conformément au cadre conceptuel établi (Kelley et Hurst 2006; Arah et al., 2006), le projet HCQI
vise à améliorer et étendre l’ensemble actuel d’indicateurs de la qualité des soins dans les domaines
de la sécurité des patients et des expériences des patients.
En réponse à l’intérêt croissant porté au suivi et à l’amélioration de la sécurité des soins
médicaux (OMS, 2008a ; Conseil de l’Union européenne, 2009), l’OCDE explore les possibilités de
comparer la sécurité des patients à l’échelle internationale au moyen des données administratives des
hôpitaux (OCDE, 2007c). En 2007, une étude préliminaire a été entreprise dans sept pays membres de
l’OCDE pour examiner la possibilité de calculer un ensemble de 12 indicateurs originellement publiés
par l’Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ) des États-Unis. Eu égard aux résultats
encourageants de cette étude initiale (Drösler et al., 2009a), une collecte de données élargie a été
entreprise en 2008, portant sur 16 pays et 15 indicateurs de la sécurité des patients (voir le tableau 5.2).
Afin de faciliter les comparaisons, des spécifications techniques et des méthodes de calcul pour
ces indicateurs ont été élaborées (Drösler, 2008) et l’impact potentiel des différences nationales
concernant la répartition par âge et par sexe, la durée du séjour à l’hôpital et le traitement médical et
chirurgical a été évalué.
5.2 Liste des indicateurs de la sécurité des patients étudiés en 2008
Domaine
Nom de l’indicateur
Infections contractées à l’hôpital
Escarre de décubitus (PSI 3)
Infection du sang associée à un cathéter (PSI 7)
Complications opératoires et postopératoires
Complications d’anesthésie (PSI 1)
Pneumothorax iatrogène (PSI 6)
Fracture de hanche postopératoire (PSI 8)
Détresse respiratoire postopératoire (PSI 11)
Embolie pulmonaire ou thrombose veineuse profonde postopératoire (PSI 12)
Septicémie postopératoire (PSI 13)
Lacération ou piqûre accidentelle (PSI 15)
Événements sentinelles
Corps étranger laissé au cours d’une intervention (PSI 5)
Réaction à une transfusion (PSI 16)
Obstétrique
Traumatisme à la naissance – traumatisme du nouveau-né (PSI 17)
Traumatisme obstétrical au cours d’un accouchement par voie basse
(avec instrument) (PSI 18)
Traumatisme obstétrical au cours d’un accouchement par voie basse
(sans instrument) (PSI 19)
Traumatisme obstétrical au cours d’une césarienne (PSI 20)
Note : Les numéros correspondent aux indicateurs de la sécurité des patients de l’AHRQ (Agency for Healthcare
Research and Quality) des États-Unis.
Cela a conduit l’OCDE à collecter sept de ces indicateurs en 2009, à savoir : infection du sang
associée à un cathéter, embolie pulmonaire ou thrombose veineuse profonde postopératoire,
septicémie postopératoire, lacération ou piqûre accidentelle, corps étranger laissé au cours d’une
intervention et traumatisme obstétrical au cours d’un accouchement par voie basse avec ou sans
instrument. Au total, 18 pays ont participé à la troisième opération de collecte de données au début
de 2009. Toutefois, eu égard aux questions de complétude et de comparabilité des données sousjacentes et de la prudence qui s’impose pour l’interprétation des constatations, on a jugé que ces
indicateurs n’était pas actuellement présentables dans cette publication.
114
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
5. QUALITÉ DES SOINS
Introduction
Un rapport technique détaillé sur la collecte de données de 2009 et sur l’état actuel de
développement de l’ensemble des indicateurs de la sécurité des patients de l’OCDE a été publié
(Drösler et al., 2009b); on peut le télécharger du site Internet de l’OCDE www.oecd.org/health/hcqi. Ce
rapport indique les problèmes clés à résoudre pour permettre à terme une comparaison rigoureuse de
la sécurité des patients et il aborde les travaux en cours de l’OCDE visant à traiter les questions
relatives aux données et à renforcer les infrastructures d’information nationales. En particulier, la
nécessité d’apporter des améliorations aux bases de données administratives des pays de l’OCDE a été
soulignée. L’amélioration du codage des diagnostics secondaires, l’établissement de codes pour les
affections présentes à l’admission, la normalisation des codes des actes médicaux et la poursuite de
l’utilisation des identifiants uniques de patient permettront d’améliorer sensiblement la
comparabilité internationale des indicateurs de la sécurité.
Outre la sécurité des patients, l’OCDE veut aborder le domaine de la réactivité aux attentes en
renforçant la capacité de mesurer au niveau international les expériences des patients à l’égard des
soins de santé. Des travaux récents, en collaboration avec les experts nationaux et les organisations
internationales, sont consacrés au développement et à l’application d’instruments reposant sur les
enquêtes de population.
La mise en place d’indicateurs pertinents dans ces deux domaines prioritaires, ainsi que la
poursuite de l’amélioration et du développement des indicateurs dans les domaines existants (par
exemple, promotion de la santé, prévention et soins primaires), contribueront, à terme, à une
appréciation plus complète de la qualité des soins fournis dans les systèmes de santé des pays de
l’OCDE.
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
115
5. QUALITÉ DES SOINS • AFFECTIONS CHRONIQUES
Affections chroniques
5.1. Admission évitable à l’hôpital : maladies respiratoires
L’asthme, affection qui se caractérise par une hyperréactivité et une inflammation chronique du système
bronchique, est la maladie chronique la plus courante
chez l’enfant et sa prévalence s’est accrue au cours des
dernières décennies. La prévalence de l’asthme chez
l e s e n f a n t s a u x É t a t s - U n i s a d o u bl é d ep u i s l e s
années 80 pour atteindre 9 % (Moorman et al., 2007).
L’asthme persiste à l’âge adulte chez au moins 25 % des
enfants (Sears et al., 2003). Approximativem ent
30 millions de personnes en Europe souffrent d’asthme
(Masoli et al., 2004). La maladie pulmonaire obstructive
chronique (MPOC), ou bronchite chronique, est actuellement la quatrième cause de décès dans le monde (OMS,
2006). Le facteur de risque le plus important est la
consommation de tabac qui est la cause de 80 % à 90 %
des cas de MPOC. Les fumeurs ont plus de dix fois plus de
risque de mourir de MPOC que les non-fumeurs (HHS,
2004). Environ 11.2 millions de personnes aux États-Unis
ont une MPOC déclarée et 24 millions ont des signes
de dégradation de la fonction pulmonaire pouvant correspondre aux premiers stades d’une MPOC (ALA, 2009).
Il est tout à fait possible de prévenir les complications de
l’asthme au moyen d’agents anti-inflammatoires et de
bronchodilatateurs dans le cadre des soins primaires et,
quand elles se produisent, la plupart des complications
peuvent se traiter sans qu’une hospitalisation soit
nécessaire. De ce fait, des taux d’admission à l’hôpital
élevés peuvent être le signe d’une mauvaise qualité de
soins. Les taux d’admission pour l’asthme ont été utilisés
pour évaluer la qualité des soins, par exemple, par
le National Health Service au Royaume-Uni ou dans le
rapport national sur la qualité des soins de santé (AHRQ,
2008b) aux États-Unis.
S’il n’est pas possible de guérir d’une MPOC, certains
modes de traitement permettent de stabiliser les patients
pour é vite r des adm issions à l’h ôpital (Jadwig a
et al., 2007). On a constaté que des approches innovantes
telles que l’hospitalisation à domicile, qui a son origine
au Royaume-Uni, diminuent sensiblement les taux
d’admission et les coûts (Ram et al., 2004). Étant donné
que la responsabilité de la gestion de la MPOC incombe en
grande partie aux fournisseurs de soins primaires, les
taux d’admission à l’hôpital permettent de mesurer la
qualité de ces soins (AHRQ, 2007b).
Les graphiques 5.1.1 et 5.1.2 montrent que les taux
d’admission à l’hôpital pour l’asthme et pour la MPOC
normalisés en fonction de la composition de la population par âge et par sexe varient considérablement d’un
pays de l’OCDE à l’autre. Alors qu’en moyenne dans les
pays de l’OCDE 51 adultes sur 100 000 sont admis à l’hôpital pour cause d’asthme durant l’année, le taux est plus
116
du double (120) aux États-Unis. Leur voisin, le Canada, a
un taux beaucoup plus bas de 18 admissions. Pour la
MPOC, on constate des différences d’ampleur similaire.
En moyenne, 201 admissions pour 100 000 adultes ont
lieu dans les pays de l’OCDE, mais ce taux atteint 384 en
Irlande, contre seulement 33 au Japon. Le taux déclaré
par l’Autriche est supérieur au triple de celui de la Suisse.
Pour l’asthme, le graphique 5.1.1 montre qu’en moyenne
les femmes ont une probabilité 70 % plus grande que celle
des hommes d’être admises à l’hôpital et, aux États-Unis,
le taux des femmes est plus du double de celui des
hommes. Cela peut être dû, au moins en partie, au fait
que la prévalence de l’asthme à l’âge adulte est habituellement plus grande chez les femmes.
Pour la MPOC, le graphique 5.1.3 montre que les taux
d’admission sont corrélés seulement dans une certaine
mesure avec les estimations de la prévalence de ces
maladies. Cette analyse invite à explorer les lacunes
potentielles des soins dans les pays où les taux d’admission pour MPOC sont plus élevés que ne le laisserait
présager la prévalence déclarée pour cette maladie.
Par ailleurs, on ne constate aucune corrélation entre les
estimations de la prévalence de l’asthme et les taux
d’admission.
Définition et écarts
Le taux d’admission évitable à l’hôpital pour
l’asthme ou la MPOC se définit comme le nombre
annuel d’admissions à l’hôpital de personnes de
15 ans et plus pour 100 000 personnes appartenant
à cette classe d’âge. On constate des différences de
diagnostic et de codage pour l’asthme et la MPOC
d’un pays à l’autre, d’où des limitations dans la
précision relative des taux afférents à chacune de
ces maladies. Il se faut se montrer prudent à l’égard
d’une comparaison directe des taux d’admission
pour l’asthme entre les éditions 2009 et 2007 du
Panorama de la santé étant donné que les taux
de 2009 ont été corrigés de manière à prendre en
compte les différences de composition par âge et
par sexe de la population de chaque pays et que la
catégorie d’âge a changé, passant de 18 ans et plus
à 15 ans et plus. Les estimations de la prévalence
pour les MPOC sont déclarées par les pays euxmêmes et la validité et la comparabilité de ces taux
n’ont pas été complètement évaluées.
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
5. QUALITÉ DES SOINS • AFFECTIONS CHRONIQUES
5.1. Admission évitable à l’hôpital : maladies respiratoires
5.1.1 Admissions à l’hôpital pour asthme, 15 ans et plus, 2007
Femmes
États-Unis1 (2006)
Corée
Finlande
Royaume-Uni
Nouvelle-Zélande
Pologne 2 (2006)
Japon (2005)
Autriche (2006)
Irlande
Belgique (2006)
OCDE
Espagne
France
Danemark
Norvège
Islande
Suisse (2006)
Pays-Bas (2005)
Suède
Allemagne
Canada
Italie (2006)
120
97
92
75
73
62
58
54
52
52
51
44
43
43
42
34
32
26
25
21
18
17
150
100
50
Taux normalisés par âge et sexe pour 100 000 habitants
Hommes
164
72
94
70
50
101
111
100
98
47
73
51
60
57
57
51
68
35
62
39
64
38
61
23
54
32
57
29
57
25
52
17
38
25
17
16
10
12
0
35
32
16
26
25
21
0
50
100
150
Taux normalisés par âge pour 100 000 habitants
1. N’exclut pas totalement les soins de jour.
2. Inclut les transferts d’autres unités d’hôpitaux, ce qui augmente marginalement les taux.
5.1.2 Admissions à l’hôpital pour maladie pulmonaire
obstructive chronique (MPOC), 15 ans et plus, 2007
Irlande
Autriche (2006)
Danemark
Nouvelle-Zélande
Pologne1 (2006)
Norvège
Islande
Royaume-Uni
Corée
États-Unis 2 (2006)
OCDE
Suède
Canada
Belgique (2006)
Allemagne
Finlande
Pays-Bas (2005)
Italie (2006)
Espagne
Suisse (2006)
Portugal
France
Japon (2005)
384
322
5.1.3 Admissions et prévalence de la MPOC, 2007
(ou dernière année disponible)
Admissions pour 100 000 habitants
350
320
DNK
308
293
NZL
300
POL
243
240
236
206
NOR
250
GBR
203
201
192
R 2 = 0.26
KOR
200
USA
190
189
184
NLD
150
ITA
170
154
148
100
PRT
139
100
95
79
50
JPN
33
0
100
200
300
400
500
Taux normalisés par âge et sexe pour 100 000 habitants
1. Inclut les transferts d’autres unités d’hôpitaux, ce qui
augmente marginalement les taux.
2. N’exclut pas totalement les soins de jour.
0
0
5
10
15
Prévalence de la MPOC (%)
Source : Données du Projet sur les indicateurs de la qualité des soins de santé 2009 (OCDE). Les taux sont normalisés par rapport à l’âge
et le sexe selon la structure de la population des pays de l’OCDE en 2005. Les intervalles de confiance à 95 % sont représentés par H.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/722270471467
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
117
5. QUALITÉ DES SOINS • AFFECTIONS CHRONIQUES
5.2. Admission évitable à l’hôpital : complications du diabète
Le diabète est devenu un des principaux problèmes de
santé publique du XXIe siècle, amplifié par la croissance
des taux d’obésité. Plus de 150 millions d’adultes sont
touchés dans le monde, et on s’attend à un doublement
d’ici 25 ans (King et al., 1998; FID, 2006). Dans les pays de
l’OCDE, on estime que la prévalence s’élève à plus de 6 %
de la population de 20 à 79 ans en moyenne en 2010, avec
moins de 5 % en Islande, en Norvège et au Royaume-Uni
et jusqu’à plus de 10 % au Mexique et aux États-Unis (voir
l’indicateur 1.12 « Prévalence et incidence du diabète »).
Le diabète est la première cause de cécité dans les pays
industrialisés et la cause la plus répandue d’insuffisance
rénale terminale aux États-Unis, en Europe et au Japon.
Les individus souffrant d’un diabète de type 2 ont un
risque de maladie cardiovasculaire deux à quatre fois
plus élevé que les non-diabétiques (Haffner, 2000).
Une modification des modes de vie (perte de poids et plus
grande activité physique) peut éviter la survenue du
diabète chez les personnes à haut risque (Tuomilehto
et al., 2001). Un meilleur contrôle de la glycémie limite
les lésions organiques et les complications vasculaires
(Diabetes Control and Complications Trial Research Group,
1996). Or, ces pratiques sont souvent sous-utilisées
(McGlynn et al., 2003).
Les admissions à l’hôpital pour l’amputation des membres
inférieurs reflètent la qualité du traitement des complications du diabète. Les amputations non traumatiques sont
15 fois plus fréquentes parmi les patients diabétiques que
dans l’ensemble de la population et 80 % des amputations
auraient pu être évitées d’après les estimations de l’OMS
(Ollendorf et al., 1998; OMS, 2005). Un régime approprié,
l’exercice physique et un traitement médicamenteux combinés à des soins du pied appropriés peuvent réduire le
risque d’amputation des membres inférieurs. Étant donné
que la plupart des services en question sont dispensés ou
prescrits par des fournisseurs de soins primaires, les
admissions aussi bien pour complications aiguës du diabète que pour les amputations des membres inférieurs sont
des mesures appropriées de la qualité des soins primaires.
Le graphique 5.2.1 montre que beaucoup de pays ont des
taux d’amputation des membres inférieurs liée au diabète proches de la moyenne de l’OCD E qui est de
15 amputations pour 100 000 habitants. Cependant, les
États-Unis enregistrent un taux plus de deux fois plus
élevés avec 36 admissions. À l’opposé, en Corée et en
Autriche, ce taux d’admission n’est qu’environ la moitié
du taux moyen de l’OCDE.
Les taux d’admission pour les amputations sont plus
élevés chez les hommes que chez les femmes, bien que la
prévalence du diabète soit légèrement plus grande chez
les femmes. Le graphique 5.2.1 montre que le taux
d’admission des hommes diabétiques pour des amputations des membres inférieurs est presque le triple de celui
des femmes. Ce phénomène reflète probablement les
taux plus élevés des facteurs de risque vasculaire autres
que le diabète chez les hommes (AHRQ, 2009).
118
Le graphique 5.2.2 montre que les États-Unis ont de loin
le taux d’admission le plus élevé pour les complications
aiguës du diabète, avec presque 60 admissions pour
100 000 habitants, soit presque trois fois la moyenne
de l’O CDE qu i est de 21. Le taux est inférieur à
dix admissions en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas.
Certains pays se sont fixé des objectifs explicites pour
améliorer le traitement du diabète au niveau des soins
primaires. Par exemple, la Nouvelle-Zélande a établi un
objectif de service visant à accroître le pourcentage des
diabétiques qui bénéficient d’un contrôle de santé gratuit
et dont la gestion du diabète est satisfaisante (ministère
de la Santé, 2007).
Le graphique 5.2.3 montre que les taux d’amputation ne
sont pas fortement corrélés avec les estimations de la
prévalence du diabète, ce qui indique que le taux de
diabète sous-jacent n’explique pas la plus grande partie
de la variation des taux d’amputation. Cette observation,
ainsi que l’ampleur des variations aussi bien pour les
complications aiguës que pour les amputations, justifie
un approfondissement de l’examen des systèmes
de soins.
Définition et écarts
Les taux d’admission évitable à l’hôpital pour les
complications aiguës du diabète et pour l’amputation des membres inférieurs correspondent au
nombre annuel d’admissions à l’hôpital de personnes de 15 ans et plus pour 100 000 personnes de ce
même groupe d’âge. Les pratiques de codage des
diagnostics primaires et secondaires en vigueur
dans les différents pays peuvent influer sur les
valeurs de ces indicateurs. On a corrigé les taux de
manière à prendre en compte les différences de
composition par âge et par sexe de la population de
chaque pays. La définition de l’amputation des
membres inférieurs couvre l’amputation des orteils
et du pied en plus des amputations majeures
au-dessus de la cheville, à hauteur du genou ou
jusqu’à la hanche. Les amputations mineures
d’orteils ou du pied n’indiquent pas nécessairement une mauvaise qualité des soins étant donné
qu’elles peuvent avoir pour but de prévenir des
amputations majeures. Du fait que des amputations mineures peuvent être réalisées dans certains
environnements de soins primaires, les pratiques
cliniques différentes d’un pays à l’autre peuvent
aussi influer sur les valeurs de ces indicateurs.
Étant donné que la définition de cet indicateur est
basée sur des codes d’intervention, les différences
entre les systèmes de classification dans les différents pays peuvent limiter la comparabilité des
données.
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
5. QUALITÉ DES SOINS • AFFECTIONS CHRONIQUES
5.2. Admission évitable à l’hôpital : complications du diabète
5.2.1 Taux d’amputation des membres inférieurs liée au diabète, 15 ans et plus, 2007
Femmes
États-Unis (2006)
Espagne
Portugal
Belgique (2006)
Danemark
Suisse (2006)
OCDE
France
Suède
Nouvelle-Zélande
Pays-Bas (2005)
Canada
Finlande
Norvège
Pologne 2 (2006)
Italie (2006)
Irlande
Royaume-Uni
Corée
Autriche (2006)
26
23
21
21
16
15
13
12
12
11
11
11
11
11
11
10
9
8
7
60
40
20
Taux normalisés par âge et sexe pour 100 000 habitants
Hommes
23
1
36
51
13
43
14
34
12
34
12
31
7
27
8
23
6
21
7
19
8
17
7
17
6
18
6
18
5
19
7
15
6
16
4
19
4
15
4
12
4
0
10
0
20
40
60
Taux normalisés par âge pour 100 000 habitants
1. N’exclut pas totalement les soins de jour.
2. Inclut les transferts d’autres unités d’hôpitaux, ce qui augmente marginalement les taux.
5.2.2 Admissions à l’hôpital pour complications aiguës
du diabète, 15 ans et plus, 2007
États-Unis1 (2006)
Irlande
Royaume-Uni
Finlande
Pologne 2 (2006)
Canada
Belgique (2006)
Autriche (2006)
OCDE
Norvège
Danemark
Suède
Espagne
Corée
Allemagne
Suisse (2006)
Italie (2006)
Islande
Pays-Bas (2005)
Nouvelle-Zélande
57
44
5.2.3 Amputation des membres inférieurs liée
au diabète et prévalence du diabète, 2007
Amputations pour 100 000 habitants
40
32
31
USA
35
24
23
22
30
22
21
ESP
25
20
20
19
DNK
20
R 2 = 0.17
18
17
15
14
12
11
SWE
NOR
10
NZL
NLD
GBR
IRL
FIN
POL
ITA
KOR
10
8
CAN
5
1
0
20
40
60
Taux normalisés par âge et sexe pour 100 000 habitants
1. N’exclut pas totalement les soins de jour.
2. Inclut les transferts d’autres unités d’hôpitaux, ce qui
augmente marginalement les taux.
0
0
2
4
6
8
10
Prévalence du diabète (%)
Source : Données du Projet sur les indicateurs de la qualité des soins de santé 2009 (OCDE). Les taux sont normalisés par rapport à l’âge
et le sexe selon la structure de la population des pays de l’OCDE en 2005. Les données de prévalence du diabète (âge de 20 à 79 ans) sont
estimées par la Fédération internationale du diabète (2006). Les intervalles de confiance à 95 % sont représentés par H.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/722284208416
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
119
5. QUALITÉ DES SOINS • AFFECTIONS CHRONIQUES
5.3. Admission évitable à l’hôpital : insuffisance cardiaque, hypertension
L’insuffisance cardiaque congestive, incapacité du cœur à
assurer une circulation adéquate, est une affection grave
dont la prévalence est estimée à environ 5 % au Portugal
et au Danemark et à 3 % en Angleterre (Ceia et al., 2002;
Raymond et al., 2003; Davies et al., 2001). Comme le risque
de développer une insuffisance cardiaque augmente avec
l’âge et en présence d’une maladie cardiovasculaire,
on s’attend à ce que ses taux de prévalence augmentent
sensiblement à l’avenir.
Il a été montré que le traitement médical de patients externes au moyen de vasodilatateurs et de bêtabloquants
combiné avec un exercice physique contrôlé améliore
les taux de survie de l’insuffisance cardiaque (SOLVD
Investigators, 1991; CIBIS-II, 1999). Les données de l’enquête Euro Heart Survey II sur des patients hospitalisés
souffrant d’une insuffisance cardiaque congestive ont
montré une adhésion limitée au traitement recommandé,
indiquant qu’il serait possible d’améliorer la gestion de
ces patients en dehors de l’hospitalisation (Komajda
et al., 2003). D’après des données du même programme de
recherche, un quart (24 %) des patients souffrant d’une
insuffisance cardiaque congestive avaient été réadmis
dans une période de 12 semaines suivant leur sortie et
14 % des patients décédaient entre leur admission et la
visite de suivi après 12 semaines (Cleland et al., 2003).
Étant donné le taux élevé de réadmissions, des améliorations des soins, même modestes, peuvent avoir un effet
substantiel sur les coûts et sur la qualité de vie des
patients (Lee et al., 2004).
L’hypertension, valeur élevée de la pression sanguine, est
l’affection chronique la plus courante chez les adultes.
Sa prévalence dans le monde chez les adultes était estimée à plus de 26 % en 2000 (Kearney et al., 2005). En
elle-même, l’hypertension entraîne rarement des symptômes mais c’est un facteur de risque pour des maladies
cardiovasculaires variées, comme les accidents vasculaires cérébraux, l’insuffisance cardiaque ou l’insuffisance
rénale. Elle est aussi associée à d’autres facteurs de
risques cardiovasculaires, comme le diabète et l’hypercholestérolémie.
Les admissions avec un diagnostic primaire d’hypertension indiquent typiquement des crises hypertensives,
affection qui se caractérise par une pression sanguine
très élevée avec un haut risque de complications aiguës
telles que l’insuffisance cardiaque ou l’accident vasculaire cérébral hémorragique. Toutefois, les admissions
à l’hôpital pour hypertension sont, pour une large part,
évitables et elles constituent un indicateur de la qualité
des soins primaires (Tisdalea et al., 2004).
120
Le graphique 5.3.1 montre que la Pologne et les États-Unis
enregistrent les taux d’admission pour insuffisance
cardiaque congestive les plus élevés avec plus de
440 admissions pour 100 000 habitants, soit environ le
double de la moyenne de l’OCDE de 234. À l’opposé,
le Royaume-Uni et la Corée ont un taux qui se situe à
peu près à un quart du niveau le plus élevé. L’écart entre
hommes et femmes est particulièrement grand dans
plusieurs pays nordiques (Islande, Danemark et Suède),
où le taux masculin est environ le double du taux féminin, alors qu’en moyenne dans les pays de l’OCDE les
admissions sont seulement 50 % plus fréquentes chez les
hommes que chez les femmes.
Les pays de l’OCDE ont en moyenne un peu plus de
80 admissions pour hypertension pour 100 000 habitants
(graphique 5.3.2), mais l’Autriche et la Pologne enregistrent un taux respectivement quatre fois et trois fois plus
élevé. À l’opposé, des pays comme le Royaume-Uni et
l’Espagne ont un taux très inférieur à la moyenne.
Le recours global à l’hospitalisation est étroitement
c o r ré l é a u t a u x d ’ a d m i s s i o n p ou r hy p e r t e n s i o n
(graphique 5.3.3). Environ deux tiers de la variation des
taux d’admission pour hypertension sont reliés à la variation des taux d’admissions toutes causes confondues.
Des pays comme l’Autriche ont des taux d’admission à
l’hôpital supérieurs à la moyenne à la fois pour l’hypertension et toutes causes confondues, et des pays comme
le Canada et l’Espagne ont un faible niveau pour les deux
taux.
Définition et écarts
Les taux d’admission évitable à l’hôpital pour
l’insuffisance cardiaque congestive et pour l’hypertension correspondent au nombre annuel d’admissions à l’hôpital de personnes de 15 ans et plus pour
100 000 personnes de ce même groupe d’âge. On a
corrigé les taux de manière à prendre en compte les
différences de composition par âge et par sexe de la
population de chaque pays. Étant donné que la définition technique de ces indicateurs comprend une
spécification des codes d’intervention, les différences entre les systèmes de classification en vigueur
dans les différents pays peuvent limiter la comparabilité des données.
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
5. QUALITÉ DES SOINS • AFFECTIONS CHRONIQUES
5.3. Admission évitable à l’hôpital : insuffisance cardiaque, hypertension
5.3.1 Admissions à l’hôpital pour insuffisance cardiaque congestive, 15 ans et plus, 2007
Femmes
441
352
331
308
306
289
276
234
234
206
202
192
188
176
171
169
165
155
146
134
117
110
600
400
200
Taux normalisés par âge et sexe pour 100 000 habitants
Hommes
395
395
Pologne 1 (2006)
États-Unis 2 (2006)
Allemagne
Autriche (2006)
Italie (2006)
Finlande
Suède
France
OCDE
Espagne
Nouvelle-Zélande
Islande
Irlande
Norvège
Portugal
Pays-Bas 3 (2005)
Belgique (2006)
Danemark
Suisse (2006)
Canada
Japon (2005)
Royaume-Uni
Corée
474
307
274
258
264
0
408
406
377
363
399
371
214
209
193
290
213
257
167
261
129
149
256
148
242
158
199
142
211
137
216
114
235
120
206
119
184
117
153
96
147
123
88
0
575
501
317
200
400
600
Taux normalisés par âge pour 100 000 habitants
1. Inclut les transferts d’autres unités d’hôpitaux, ce qui augmente marginalement les taux.
2. N’exclut pas totalement les soins de jour.
3. Inclut les admissions pour des diagnostics supplémentaires, ce qui augmente marginalement les taux.
5.3.2 Admissions à l’hôpital pour hypertension,
15 ans et plus, 2007
Autriche (2006)
Pologne1 (2006)
Allemagne
Corée
Finlande
Danemark
OCDE
Norvège
Suède
Italie (2006)
Suisse (2006)
Japon (2005)
États-Unis 2 (2006)
Irlande
Belgique (2006)
Pays-Bas (2005)
Portugal
Nouvelle-Zélande
Islande
Canada
Espagne
Royaume-Uni
396
261
213
5.3.3 Admissions pour hypertension et admissions
totales, 2007 (ou dernière année disponible)
Admissions pour hypertension pour 100 000 habitants âgés
de 15 ans et plus (taux normalisés)
400
AUT
191
107
85
350
R 2 = 0.62
84
70
300
61
59
55
POL
250
54
49
42
DEU
200
KOR
21
19
17
150
16
15
FIN
100
DNK
NOR
SWE
15
13
11
PRT
50
JPN
USA
NLD
0
100
200
300
400
Taux normalisés par âge et sexe pour 100 000 habitants
1. Inclut les transferts d’autres unités d’hôpitaux, ce qui
augmente marginalement les taux.
2. N’exclut pas totalement les soins de jour.
CAN
0
0
ITA
IRL
CHE
BEL
ESP GBR
NZL
ISL
10 000
20 000
30 000
Admissions totales pour 100 000 habitants (taux bruts)
Source : Données du Projet sur les indicateurs de la qualité des soins de santé 2009 (OCDE). Les taux sont normalisés par rapport à l’âge
et le sexe selon la structure de la population des pays de l’OCDE en 2005. Les intervalles de confiance à 95 % sont représentés par H.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/722285215367
PANORAMA DE LA SANTÉ 2009 : LES INDICATEURS DE L’OCDE © OCDE 2009
121
5. QUALITÉ DES SOINS • COMPLICATION AIGUË D’AFFECTIONS CHRONIQUES
Complication
aiguë
d’affections chroniques
5.4. Mortalité à l’hôpital après infarctus aigu du myocarde
Si les maladies coronariennes demeurent la principale
cause de décès dans la plupart des pays industrialisés, les
taux de mortalité due à ces maladies sont en baisse
depuis les années 70 (voir l’indicateur 1.4 « Mortalité due
aux maladies cardiovasculaires »). Cette diminution peut
être attribuée, dans une large mesure, à une baisse de la
mortalité par infarctus aigu du myocarde (IAM) grâce à
une amélioration du traitement en phase aiguë. Les soins
dispensés en cas d’IAM ont évolué de façon spectaculaire
dans les dernières décennies avec l’apparition des unités
de soins coronariens dans les années 60 (Khush
et al., 2005) puis l’apparition, dans les années 80, de traitements visant à rétablir rapidement la circulation
sanguine coronarienne (Gil et al., 1999). Les succès sont
d’autant plus remarquables que l’incidence de l’IAM ne
semble pas avoir diminué (Goldberg et al., 1999; Parikh et
al., 2009). Toutefois, de nombreuses études ont montré
qu’une proportion considérable des patients d’IAM ne
reçoivent pas les soins recommandés (Eagle et al., 2005).
L’IAM représente environ la moitié des décès par maladie
coronarienne, et le coût des soins administrés pour les
maladies coronariennes représente jusqu’à 10 % des
dépenses de santé des pays industrialisés (OCDE, 2003a).
Un grand nombre d’études établissent un lien entre les
processus de soins de l’IAM, comme la thrombolyse et le
traitement précoce par l’aspirine et les bêtabloquants, à
des améliorations de la survie, indiquant ainsi que le taux
de mortalité après un IAM est une mesure appropriée de
la qualité des soins (Davies et al., 2001). Étant donné
l’éventail des services et des dispositifs à mobiliser pour
soigner cette maladie, le taux de décès de personnes
admises suite à un IAM est considéré comme une bonne
mesure de résultat de la qualité des soins aigus. Les taux
de mortalité après un IAM ont été utilisés pour l’examen
comparatif des hôpitaux par l’AHRQ aux États-Unis
(Davies et al., 2001) et par le NHS britannique au
Royaume-Uni. Ils ont aussi servi à des comparaisons
internationales dans le projet de l’OCDE sur les maladies
liées au vieillissement (OCDE, 2003a) et le projet Monica
de l’OMS (Tunstall-Pedoe, 2003).
Le graphique 5.4.1 montre les taux, bruts et normalisés
en fonction de la composition par âge et par sexe, de la
mortalité à l’hôpital à 30 jours après admission pour un
IAM. Le taux normalisé moyen est légèrement inférieur à
5 %, avec un maximum en Corée (8.1 %) et un minimum
en Islande (2.1 %), suivie par la Suède (2.9 %). D’autres
pays nordiques (Finlande, Norvège et Danemark) sont
aussi largement en dessous de la moyenne. Des différences entre les pays concernant les transferts de patients, la
durée moyenne de séjour à l’hôpital et les délais des
secours peuvent influer sur les taux déclarés. Dans les
pays ayant des services de secours d’urgence très spécialisés, un plus grand nombre de patients arrivent vivants à
l’hôpital mais peuvent par la suite ne pas être stabilisés et
122
décéder quelques heures après l’admission. Dans
d’autres pays, des malades cardiaques instables sont
couramment transférés vers des centres de soins tertiaires, ce qui peut diminuer les taux de mortalité si le
transfert est enregistré comme la sortie d’une personne
vivante. Les taux de mortalité après un IAM pour les
femmes sont généralement plus élevés que chez les
hommes mais la différence n’est pas statistiquement
significative pour tous les pays. Cela reflète le fait que, si
les maladies coronariennes sont beaucoup plus courantes chez les hommes, elles sont habituellement plus
graves chez les femmes.
| 38,533
|
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01068552-document.txt_7
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,730
| 12,343
|
a. 1. « Le temps fuit. À moins qu'il ne s'écoule lentement »
Les personnages de Schnitzler ont une conscience très vive de l'élasticité du temps. Dans Le Jeune Médard, Hélène de Valois vient de perdre son frère François qui s'est donné la mort, mais cela ne l'empêche aucunement de jouer au volant avec Nérina, sa servante, ce qui fait réagir sa mère : « Et ce matin, on enterrait ton frère », dit-elle ; mais Hélène oppose à cette réalité des faits l'élasticité de sa perception du temps : « Oui, mère. Voilà cent ans qu'il est mort et enterré. Le temps fuit. À moins qu'il ne s'écoule lentement. Pour François aucune différence. Pourquoi pas pour nous aussi, mère »446. Ce qui est de l'ordre du fini est rejeté dans un passé très lointain, même si cette fin est récente. En affirmant que « voilà cent ans qu
'il est
mort
et enterré
»,
c'est la suprématie de sa perception subjective du temps sur la durée réelle 446
Arthur Sch
nitz
ler,
Le Jeune Médard, Arles : Actes Sud-Papiers, 1996, p. 76.
« HERZOGIN ruhig. Und heute morgen begruben sie deinen Bruder. HELENE. Ja, Mutter, und es ist als wär'er hundert Jahre lang tot und begraben. So rast die Zeit. Oder so langsam geht sie hin. Ihm ist es gewiβ das gleiche, Mutter
,
warum nicht
auch uns
», Arthur Schnitzler, Der junge Medardus, in Gesammelte Werke, Band IV, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 126. 145 que le personnage proclame. On rejoint ici Françoise Derré : « la durée, pour l'écrivain (Schnitzler), ne s'identifie nullement avec la succession d'instants mathématiquement déterminés ; elle demeure une donnée par essence subjective et inséparable de l'individu en train de la vivre »447. Dans les propos d'Hélène, le temps apparaît sous une forme dilatée : quelques heures équivalent à un siècle. Cette perception se trouve en dernière instance justifiée par la prise en compte du « point de vue » du mort : pour lui, la représentation linéaire du temps n'a plus de sens, et Hélène ne fait que s'approprier cette disparition du sens. On retrouve cette capacité à relativiser le temps dans Comédie des séductions. Pour Eligius Fenz, qui est chanteur d'opéra et professeur de chant, la soixantaine est le moment où « la vie commence »448. Ce détachement, rare chez Schnitzler, se retrouve dans toutes les paroles de Fenz concernant l'écoulement du temps : « Savez-vous ce que c'est que l'âge? Rien qu'une intrigue que la jeunesse ourdit contre nous. C'est facile pour elle L'aspect physique nous accuse. Il faut anéantir cette légende »449. L'âge est une « intrigue », une « légende » : Fenz ravale cette réalité au rang de la fiction, ce qui est une manière d'affirmer la toute puissance de sa subjectivité. Cette posture se décline dans la pièce à travers d'autres personnages, par exemple dans la scène entre Judith et Max, un pianiste qui l'a séduite : elle lui demande depuis quand sa relation avec Aurélie est finie, et il répond : « Oh, combien de temps cela peut-il faire? (Il regarde sa montre) Depuis très longtemps! dans dix minutes, ça fera un siècle »450. On retrouve la même désinvolture que chez le personnage d'Hélène dans Le Jeune Médard : ce qui est à peine fini est renvoyé à un passé très lointain. On a là encore l'impression d'un temps dilaté. Dans la scène entre Aurélie et le peintre Guysar qui a entamé son portrait, 447
François
e Derré
, L'
OEuvre
d'
Arthur Schnitzler
,
Paris
: Didier, 1966, p. 428. Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 37. « das Leben fängt » Arthur Schnitzler, Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, p. 417. 449 Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 37. « Wissen Sie, Herr Baron, was das Alter ist? Nichts als eine Intrige, die die Jugend gegen uns einfädelt. Nun ja, sie hat es leicht Der äuβere Schein spricht gegen uns. Man muβ diese Legende zerstören." Arthur Schnitzler, Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, pp. 416-417. 450 Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 76. « Ja, wie lang'mag es her sein? Sieht auf die Uhr Lang'. Es fehlen keine zehn Minuten auf ein Jahrhundert", Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, p. 455. celui-ci exprime au contraire une vision très condensée du temps : « Nous avons commencé l'un des derniers jours de mai. Ça fait donc bien deux semaines », dit Aurélie ; « Moi, j'aurais dit hier »451, répond le peintre. Pour d'autres, le temps passe trop lentement : « Quatre heures vingt. Ah, que le temps s'écoule lentement! (soudain) j'aimerais entendre de la musique, Capitaine, jouez-nous quelque chose »452, s'exclame Julia, la femme de Westerhaus. Comme si la musique pouvait remplir le temps, et le faire passer plus vite – rôle que joue certainement la peinture pour Guysar. Tous ces personnages adoptent une posture très affranchie vis-à-vis de la représentation linéaire du temps : dans leur perception, les mesures du temps n'ont plus de sens, puisqu'ils posent entre elles les équivalences qui les arrangent : une journée égale cent ans, dix minutes égalent un siècle, deux semaines égalent une journée, etc. Nous avons donc affaire, à chaque fois, à de micro-métamorphoses du temps. L'art semble en être la voie privilégiée : il est remarquable que presque tous ces personnages soient des artistes ou en appellent à l'art. Fenz est chanteur, Max est pianiste, Guysar est peintre, Judith réclame de la musique Dans leurs paroles, on retrouve l'idée claudélienne que le temps est un « accordéon » qui se comprime ou s'étire selon le contenu dont il est investi. L'art serait cet accordéon par lequel le temps devient plus conforme au désir humain. Mais là où Claudel intègre l'accordéon à sa dramaturgie, Schnitzler le met entre les mains de ses personnages comme si ceux-ci étaient chargés de faire voler en éclats une aliénante linéarité que le dramaturge n'a pas osé complètement évacuer de la construction de ses pièces. Les personnages sont les « métamorphoseurs » de temps que le dramaturge tend à être. C'est bien cette idée de métamorphose qu'exprime aussi Françoise Derré : « Chez Schnitzler, le temps n'est plus partagé en passé, présent et futur, il se
451 Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 56. « AURELIE An
einem letzten
Maitage haben wir begonnen, vor zwei Wochen also. GYSAR Ich glaubte - gestern." Arthur Schnitzler, Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, p. 435. 452 Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 71. „ Vier Uhr zwanzig. Ach,
wie langsam die Zeit vergeht
.
Plötzlich Ich möchte Musik hören. Herr Rittmeister, spielen Sie uns doch was
vor." Arthur Schnitzler, Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, p. 450. 147 transforme souvent en un élément insaisissable et fluide, capable de s'allonger ou de se réduire démesurément selon l'humeur du personnage qui s'y réfère » 453. En cela, Schnitzler rejoint Bergson, qui plaidera, dans La Pensée et le Mouvant, en faveur d'une perception souple et élastique du présent : Qu'est-ce au juste que le présent? () Notre conscience nous dit que, lorsque nous parlons de notre présent, c'est à un certain intervalle de durée que nous pensons. Quelle durée? Impossible de la fixer exactement ; c'est quelque chose d'assez flottant. Mon présent, en ce moment, est la phrase que je suis occupé à prononcer. Mais il en est ainsi parce qu'il me plaît de limiter à ma phrase le champ de mon attention. Cette attention est chose qui peut s'allonger et se raccourcir () La distinction que nous faisons entre notre présent et notre passé est donc, sinon arbitraire, du moins relative à l'étendue du champ que peut embrasser notre attention à la vie. Le « présent » occupe juste autant de place que cet effort. () Dès lors, rien ne nous empêche de reporter aussi loin que possible, en arrière, la ligne de séparation entre notre présent et notre passé. 454 C'est exactement ce que fait le peintre Guysar : pour lui, le portrait a commencé « hier », et non il y a deux semaines, car il englobe toute cette durée dans son présent. Autrement dit, son présent embrasse ces deux semaines. Françoise Derré souligne cette parenté entre Schnitzler et Bergson, tout en rappelant qu'à l'époque où Schnitzler écrit ses pièces - Comédie des séductions date de 1924 -, les théories de Bergson sur la durée étaient encore très neuves, voire en cours d'élaboration (La Pensée et le Mouvant date de 1934) : « en plus d'un endroit, l'oeuvre de Schnitzler traduit la conviction que la durée vécue a peu à voir avec () le temps scientifiquement mesurable et distribué en unités exactement semblables entre elles. L'idée nous est devenue familière depuis Bergson, mais elle pouvait passer pour aberrante à une époque marquée par le positivisme et fortement imbue d'esprit scientiste. »455. Sous ses dehors classiques, Schnitzler était sans doute à l'avant-garde dans sa perception du temps. 453 Françoise Derré, L' OEuvre d'Arthur Schnitzler, Paris : Didier, 1966, p. 501. Henri Bergson, La Pensée et le Mouvant, Paris : PUF, 2009, pp. 168-169. 455 Françoise Derré, L' OEuvre d'Arthur Schnitzler, Paris : Didier, 1966, p. 501. 454 148 a. 2. « Tout se tait, le passé, l'avenir! Seul compte le présent que j'entends dans la nuit » « Tu veux savoir ton âge? N'interroge pas les années que tu as vécues mais l'instant dont tu profites » 456, écrit Schnitzler dans ses Aphorismes. Il évacue ainsi la mesure du temps, préférant s'attacher au contenu de l'instant présent. Son oeuvre dramatique est l'illustration de cet aphorisme : l'intensité du présent
y
apparaît en
effet
comme un moyen de
triompher du
temps
qui passe. Prenant toute la place, elle provoque l'oubli du passé et de l'avenir. Pour autant, l'écoulement du temps n'est jamais
compl
ètement
évacué
:
les
person
nages
ag
issent contre lui
, mais pas
sans lui
. Dans Le Jeune Médard, par exemple, ce motif est récurrent. Lorsque Médard s'accorde « quelques nuits merveilleuses » 457 avec la Princesse Hélène de Valois, il se justifie ainsi aux yeux de son ami Etzelt : « Hier est aussi loin que le jour qui vit la création du monde, demain est aussi loin que la mort. Je coule donc des jours heureux. Cela ne saurait durer, Etzelt!»458. Ici, l'intensité de ce que vit le personnage - son bonheur - le fait entrer dans un présent dilaté qui n'a plus de bornes, puisque hier et demain, ses limites habituelles, sont rejetées le plus loin possible. Cependant, Médard ne va pas jusqu'à évacuer la mort : la fin de sa réplique le montre. L'intensité du présent dilate le temps, mais ne le fait pas disparaître. Dans l'acte III, la Princesse attend l'arrivée de Médard ; elle en est amoureuse. Dans un monologue, elle livre sa pensée : elle veut « savourer pleinement l'heure exquise qui vient »459, comme le lui a conseillé son ami le docteur Assalagny : 456
Arthur
Schnitzler
, La Transparence impossible, Marseille : Rivages, 1990, p. 99. „Willst
du wissen, wie alt du bist
, so
frage nicht die Jahre, die du gelebt hast,
sondern den Augenblick, den du genie
βt" (Kriegspatenschaft-Kalender. Wien : 1917), in Verstreut Erschienenes, in Aphorismen und Betrachtungen, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 1967, p. 173. 457 Arthur Schnitzler, Le Jeune Médard, Arles : Actes Sud-Papiers, 1996, p. 105. « ein paar wunderbare Nächte », Arthur Schnitzler, Der junge Medardus, in Gesammelte Werke, Band IV, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 157. 458 Arthur Schnitzler, Le Jeune Médard, Arles : Actes Sud-Papiers, 1996, p. 169. « Das Gestern ist so ferne wie der Tag, da die Welt erschaffen wurde, das Morgen ferne wie der Tod, so ruh'ich in meinem Glück. Das kann nicht dauern, Etzelt! -„ Arthur Schnitzler, Der junge Medardus, in Gesammelte Werke, Band IV, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 224. 459 Arthur Schnitzler, Le Jeune Médard, Arles : Actes Sud-Papiers, 1996, p. 159. « die Schönheit der Stunde, die Ihnen eben bevorsteht, ganz zu empfinden. », Arthur Schnitzler, Der junge Medardus, in Gesammelte Werke, Band IV, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 213. Ne ratons pas les instants de bonheur! Médard! Je ne veux penser qu'à lui à lui seul et ne penser rien d'autre que cette heure est à lui () Tout se tait, le passé, l'avenir! Seul compte le présent que j'entends dans la nuit, j'entends son bruissement. Heure sublime, unique, arrachée au temps, tu es mienne. 460 Ici, le présent se confond avec Médard lui-même : elle entend le « bruissement » du présent (« die Stunde rauscht »), comme si c'était les pas de son amant qui s'approche. Cette image permet de rendre concret le présent par essence fuyant et irreprésentable. Dans l'idée d'heure « arrachée au temps », on entend une volonté de revanche : Hélène veut posséder le temps au lieu de le subir. Face à Médard, elle réaffirme les mêmes désirs : « L'instant est à nous, Médard! J'oublie ce qui fut et ce qui sera! Toi et moi et cet instant, seul J'ignore tout le reste » 461. L'« instant » est brandi comme ce qui permet de faire disparaître le passé et l'avenir. Il s'agit d'échapper aux lois de l'écoulement du temps perçues comme frustrantes ou aliénantes, par l'exaltation de l'intensité du moment présent. Cette conception de la vie pourrait être épicurienne si elle n'allait pas de pair avec une certaine angoisse : chez Hélène, il s'agit de « s'arracher au temps », comme si c'était un étau ; chez Médard, c'est un sentiment d'urgence qui détermine son désir de profiter du présent, non une quête philosophique de la plénitude, qui reste absente du propos de ces deux personnages. Dans Liebelei, on retrouve la même intensification du temps, lors d'une scène entre les deux amants Fritz et Christine. Fritz va se battre en duel le lendemain contre le mari d'une autre femme, mais Christine l'ignore. Réfugié chez elle, il se sent soudain très amoureux, alors qu'il l'a jusqu'ici plutôt négligée. Cet amour l'amène à goûter l'instant présent, dont il cherche à saisir le contenu
: 460 Arthur Schnitzler, Le Jeune Médard, Arles : Actes Sud-Papiers, 1996, p. 160. „Die Stunde des Glücks sei nicht versäumt! Medardus! Ich will nichts denken als ihn nur ihn und nichts, als daβ diese Stunde ihm gehört () Vergangenes und Künftiges
schweig
t! Nur die Stunde klingt und ra
uscht durch
die Nacht. Heilige Stunde, losgelöste, einsame in der Zeit, du bist mein", Arthur Schnitzler, Der junge Medardus, in Gesammelte Werke, Band IV, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 214. 461 Arthur Schnitzler, Le Jeune Médard, Arles : Actes Sud-Papiers, 1996, p. 160. „Die Stunde ist unser, Medardus! - Ich vergesse was war - und was sein wird! du und ich - und diese Stunde. - Ich weiβ nichts andres", Arthur Schnitzler, Der junge Medardus, in Gesammelte Werke, Band IV, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 215. Viens là, près de moi (elle est à côté de lui). Il y a une chose dont nous sommes sûrs, toi et moi – en ce moment précis : tu m'aimes (comme elle va l'interrompre) Non, ne parle pas d'éternité (plutôt à lui-même) Bien qu'il y ait des moments qui ont comme un parfum d'éternité - et ce sont les seuls que nous puissions comprendre, les seuls qui nous appartiennent462 La quête d'intensité procède toujours du même désir : comprendre le temps, le posséder, s'en rendre maître. Comme pour Médard, l'exaltation de Fritz naît d'un sentiment d'urgence : son duel approche. Ce qu'il cherche à oublier, fondamentalement, c'est son angoisse de l'avenir, sa peur de la mort : (Il l'embrasse. Un temps. – Il se lève – S'exclame) Oh, que c'est beau chez toi, que c'est beau! (Il est à la fenêtre) On est si loin du monde au milieu de toutes ces maisons Je suis enfin seul, seul avec toi (à voix basse) et à l'abri463 L'intensification du moment présent s'accompagne du motif de la suspension, à la fois dans l'espace et dans le temps : Fritz est loin du monde, près du ciel même car Christine vit sous les toits ; et il atteint une sorte d'état extatique exprimé par le « parfum d'éternité ». Christine répond sur le même ton : très amoureuse de Fritz, elle oublie l'avenir : « Ce que je deviendrai, c'est sans importance - j'aurai été heureuse une fois, je n'en demande pas plus ».464 Dans Terre étrangère, on retrouve un motif analogue : dans l'acte III, trois des protagonistes de la pièce (Hofreiter, Erna et Mauer) ont entrepris l'ascension du fameux « pic Aigner », un sommet convoité. Erna est amoureuse de Hofreiter et lorsqu'elle reparaît à l'hôtel, elle qualifie l'heure qu'elle a passée avec lui au sommet du pic comme « la plus belle » de sa vie, ajoutant : « Que la mort en même temps me 462 Arthur Schnitzler, Liebelei, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1989, p. 47. „Komm daher, zu mir sie ist bei ihm Du weiβt ja doch nur eins, wie ich - daβ du mich in diesem Augenblicke liebst Wie sie reden will Sprich nicht von Ewigkeit. Mehr für sich Es gibt ja vielleicht Augenblicke, die einen
Duft von Ewigkeit um sich sprühen - Das ist die ein
zige
,
die wir verstehen können, die einzige, die uns
gehört
", Arthur Schnitzler, Liebelei, in Meisterdramen, S. Fischer Verlag, Frankfurt am Main, 1971, p. 44. 463 Arthur Schnitzler, Liebelei, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1989, p. 47. „Er küβt sie. - Pause. - Er steht auf. -
Ausbrechen
d
O
, wie schön ist es bei dir, wie schön! Er steht beim Fenster So
weltfern
ist man da, mitten unten den vielen Haüsern so ein
sam
komm'ich
mir vor
,
so mit dir allein leise so geborgen
", Arthur Schnitzler, Liebelei, in Meisterdramen, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 1971, p. 44. 151 laisse aussi indifférente, non, je crois que cela n'arrive qu'une fois, comme un miracle »465. On peut dire que cette heure est le « pic » de sa vie. Comme dans Le Jeune Médard et Liebelei, on retrouve l'idée que l'intensité d'une heure élue peut faire oublier l'écoulement du temps et son corollaire : la mort. Le fait qu'Erna parle d'un « miracle » nous rappelle le « parfum d'éternité » dont parlait Fritz : c'est comme si ces heures intenses pouvaient donner envie de croire en Dieu D'ailleurs, cette jeune fille est présentée comme aimant être « le plus près possible du ciel » : « Elle habite tout en haut, sous le toit, le plus près possible du ciel tout à fait elle, ça »466, dit sa mère. Le fait que ce « miracle » ait eu lieu au sommet d'un pic peut aussi avoir des accents mystiques. Mais si de tels accents passent parfois discrètement dans le texte de Schnitzler, ils sont toujours tenus à distance : les personnages n'emploient jamais ces mots qu'en tant qu'images, que comparants utiles pour ce qu'ils éprouvent. L'expression n'est jamais prise au pied de la lettre. Face à l'inéluctable linéarité du temps, les personnages de Schnitzler opposent la force de leur perception. Ils inventent deux qualités au temps : l'élasticité et l'intensité. L'une et l'autre sont les vecteurs d'une métamorphose du temps : par l'élasticité, les instants perdent leur équivalence absolue ; par l'intensité, ils font advenir un présent unique et vibrant, derrière lequel le passé et l'avenir s'estompent sans pour autant disparaître complètement, car si vives que soient les heures élues, elles n'empêchent pas l'inévitable : la mort reste toujours une réalité implacable. Dans Le Jeune Médard, les « nuits merveilleuses » que le héros vit avec Hélène ne lui font pas oublier la mort : elles ne constituent que des suspensions temporaires du temps, qui « ne représentent qu'un répit » 467, selon Françoise Derré. Médard trouvera d'ailleurs la mort à la fin de la pièce, comme Fritz dans Liebelei. 465
Arthur Schnitzler, Terre étrangère, Paris : Beba, Nanterre : Nanterre Amandiers, 1984, p. 130. « Aber daβ einem der Tod zu gleichen Zeit so vollkommen gleichgültig ist, das passiert einem gewiβ nur bei solchen Gelegenheiten. Und das das ist das Wundervolle! „ Arthur Schnitzler, Das weite Land, in Meisterdramen, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 1971, p. 327. 466 Arthur Schnitzler, Terre étrangère, Paris : Beba, Nanterre : Nanterre Amandiers, 1984, p. 120. « sie wohnt nämlich in nächster Nähe des Himmels immer hat sie solche Sachen!", Arthur Schnitzler, Das weite Land, in Meisterdramen, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 1971, p. 311. 467 Françoise Derré, L' OEuvre d' Arthur Schnitzler, Paris : Didier, 1966, p. 306. Claudel : « je ne sais ce que c est qu hier et que demain. C'est assez que d aujourd hui pour moi » Chez Claudel où l'élasticité du temps est prise en charge par la dramaturgie, on retrouve beaucoup moins cette notion dans
les
paroles
des
personnages
. C'est
comme si, de Schnitzler à Claudel, un passage s'était opéré : les personnages de Schnitzler ont rêvé d'un « accordéon » du temps, la dramaturgie de Claudel lui a donné une forme
.
Par contre
,
on retrouve
de
l'un
à
l'
autre
l'intensité du
présent, so
uvent
déc
lench
ée, comme chez Schnitzler, par
la
passion amoureuse. Dans Partage de Midi, la rencontre d'Ysé et de Mesa apparaît comme un moment d'élection, qui fait oublier tout le reste : « et me voici à cette heure de midi où l'on voit tellement ce qui est tout près, si près / Que l'on ne voit plus rien d'autre. Vous voici donc! / Ah, que le présent semble donc près et l'immédiat à notre main sur nous / Comme une chose qui a force de nécessité »468, dit Mesa. La rencontre d'Ysé lui permet donc de toucher le présent, de le rendre concret et palpable. La lumière de midi lui donne une vibration et une incandescence qui anéantissent tout ce qui n'est pas lui. Mesa ne voit plus rien d'autre, ce qui suppose que le passé, l'avenir sont oubliés. L'oubli du passé est d'autant plus important pour le personnage qu'il a été douloureux : il a « tellement supporté » 469 le temps, dit-il à Ysé ; il a attendu longtemps en gardant tout son coeur : « il est dur d'attendre, / Et d'endurer, et d'attendre, et d'attendre toujours » 470. Ce moment est donc une heure élue, par laquelle le personnage rompt avec un passé étiré et répétitif. Dans L'Annonce faite à Marie, lors de son tête à tête avec son fiancé Jacques, on retrouve cette incandescence du présent et sa capacité à faire oublier le temps. Violaine exprime d'abord sa sensation très aiguë du moment présent : « Vous êtes là et cela me suffit. / Bonjour, Jacques! / Ah, que cette heure est belle et je n'en demande point d'autre » 471 : c'est son être entier qui, comme Mesa dans Partage de 468 Paul Claudel, Partage de Midi, in Théâtre I, Paris : Gallimard, 1956, p. 1008. ibidem, p. 1006. 470 ibidem, p. 1008. 471 Paul Claudel, L'Annonce faite à Marie, in Théâtre II, Paris : Gallimard, 1965, p. 169. 469 153 Midi, se trouve engagé dans le présent. Mesa ne voit « plus rien d'autre », Violaine ne demande « point d'autre » heure : seul le présent existe. Cela peut nous rappeler Hélène dans Le Jeune Médard, avec l'esprit de revanche en moins ; chez Claudel, les personnages sont dans une plénitude, rien ne vient ternir leur jouissance de l'instant. La présence de l'autre est également marquée de plénitude ; elle est entière, totalement donnée : « Ah! je vois tes yeux, mon bien-aimé! est-ce qu'il y a rien en toi qui en ce moment ne m'aime et qui doute de moi? » 472, demande Violaine à Jacques. Dans chacune de ces phrases, Violaine fait référence à l'instant présent par l'usage des déictiques : cette heure, ce moment. Son intensité est telle qu'elle évacue le passé et l'avenir. Elle contient l'entier du désir du personnage. Par ailleurs, dans L'Annonce comme dans Partage de Midi, il est midi et le soleil est à l'aplomb. Il met en valeur la force presque destructrice du présent, car sa lumière est telle qu'elle éblouit : « ce terrible soleil ici présent qui nous empêchait presque de nous voir le visage! »473. Le présent atteint un niveau d'incandescence qui a d'autant plus de sens que le temps est compté pour la jeune fille, atteinte de la lèpre. Dans le Père humilié, la scène où Orian et Pensée s'apprêtent à se séparer reprend les mêmes motifs : seul le présent compte, et il leur fait oublier le passé. « Maintenant vous êtes là et c'est tout ce que je sais » 474, dit Pensée ; les paroles d'Orian lui font écho : « Qu'importe le passé? Je vois votre visage, je prends votre main dans la mienne, et si je vous demandais de vous embrasser, sans doute que vous me laisseriez faire. / Que demander de plus? Se voir, se toucher, parler, entendre l'autre qui parle () Il paraît que cela suffit pour être présent l'un à l'autre »475. Ces phrases pourraient s'appliquer tout aussi bien aux scènes de L'Annonce et du Partage de Midi : partout, on retrouve le désir de saisir un présent dont l'intensité évacue tout le reste. De plus, Le Père humilié reprend de façon plus marquée le motif de l'aveuglement déjà aperçu dans L'Annonce faite à Marie : Pensée est aveugle. Cela favorise aussi son contact privilégié avec le présent, car cela la rend plus dépendante de l'autre : « Tant que je suis seule, je suis comme 472 Paul Claudel, L'Annonce faite à Marie, in Théâtre II, Paris : Gallimard, 1965, p. 172. ibidem, p. 174. 474 Paul Claudel, Le Père
humili
é,
in
Théâtre II, Gallimard, Paris, 1965, p. 543. 475 ibidem, p. 546. 473 154 quelqu'un qui n'a point de corps () Seulement, si quelqu'un vient, / Me prend et me serre entre ses bras, / C'est alors seulement que j'existe dans un corps »476, explique-t-elle. Dès lors, le dialogue qu'elle a avec Orian dans cette scène est ce qui la fait exister : « toi à mesure que tu parles, j'existe, une même chose répondante entre ces deux personnes »477 : sa cécité renforce l'importance du présent, car elle n'existe pas en-dehors de lui, elle ne peut advenir que par lui. Le personnage de Louis Laine, dans L'Échange, pousse à l'extrême l'intensité du rapport au présent : pour lui, seul le présent compte, à n'importe quel moment de sa vie : « Je ne sais ce que c'est qu'hier et que demain. C'est assez que d'aujourd'hui pour moi » 478. Il est tout entier consacré à la jouissance de l'instant. Cette adhérence au présent est reliée à son côté chinois : « peut-être que j'ai été un mendiant en Chine » 479, dit-il. Or, le rapport au temps des Chinois est caractérisé, selon Claudel, par cette spontanéité, et ce désir de profiter pleinement de chaque instant. Claudel a passé quinze ans de sa vie en Chine comme Consul, de 1895 à 1909, écrit-il dans Contacts et Circonstances 480. Il a aimé la Chine, et particulièrement son rapport au temps, sa « spontanéité »481. Le Chinois, selon lui, c'est celui qui vit le présent de manière intense, comme s'il était au théâtre : Le Chinois, c'est comme un acteur auteur qui serait toujours en scène, qui ne joue pas seulement la pièce, qui la fait à mesure, et qui prend à tout ce qu'il fait un intérêt que l'on peut bien appeler dévorant () La seconde présente, le moment immédiat, mais il ne faut pas les laisser perdre comme ça! La seconde présente, le moment immédiat, c'est quelque chose d'inestimable!482 Dans les scènes entre Mesa et Ysé, Violaine et Jacques, Orian et Pensée, et dans les paroles de Louis Laine, nous retrouvons cette conception d'un présent très précieux, qu'il faut goûter et saisir pleinement. Les personnages sont comme absorbés par lui, consumés par leur face à face ; ils font corps avec lui. Et le présent dévore tout, y compris le passé et l'avenir
. 476 Paul Claudel, Le Père humilié, in Théâtre II, Paris : Gallimard, 1965, p. 541. Ibidem, p. 545. 478 Paul Claudel, L'Échange, in Théâtre I, Paris : Gallimard, 1956, p. 661. 479 ibidem, p. 668. 480 Paul Claudel, Contacts et Circonstances, in OEuvres en Prose, Paris : Gallimard, 1965, p. 1020. 481 ibidem, p. 1023. 482 Paul Claudel, Contacts et Circonstances, in OEuvres en Prose, Paris : Gallimard, 1965, p. 1029. Voir aussi Gilbert Gadoffre, Claudel et l'univers chinois, Paris : Gallimard, 1968. 477 155 c. Dans Le Square, par exemple, composé exclusivement du dialogue entre une jeune fille et d'un homme dans un square, on retrouve l'idée que la perception du temps dépend de l'expérience subjective :
JEUNE FILLE : Le temps paraît plus court quand on bavarde. HOMME : Puis très lent tout à coup, après. Oui, mademoiselle. JEUNE FILLE : C'est vrai, monsieur, c'est comme un autre temps. Mais cela fait du bien de parler. HOMME : Cela fait du bien, oui, mademoiselle, c'est après que c'est un peu ennuyeux, après qu'on a parlé. Le temps devient trop lent. Peut-être ne devrait-on jamais parler. JEUNE FILLE : Peut-être. HOMME : À cause précisément de cette lenteur, après, c'est ce que je veux dire, mademoiselle. 483
Le temps change en fonction de ce que les personnages vivent : parler « fait passer le temps ». On retrouve bien l'image de l'accordéon : quand le temps est rempli, il passe plus vite : il se raccourcit ; quand il ne l'est plus, il se ralentit : il s'étire. La densité du temps est perçue comme positive : la conversation « fait du bien ». Le désir fondamental semble finalement d'échapper à la lenteur du temps. Dans Le Square, le bavardage fait même oublier l'heure : « Mon heure habituelle est déjà dépassée »484, dit la jeune fille - ce qui suppose un rapport au temps habituellement très structuré, très « carré » - à l'image du square qui a une forme carrée par définition. La conversation des deux protagonistes apparaît comme ce qui, précisément, a permis de sortir de ce carré si strict, puisque elle est le terrain de l'élasticité du temps, de l'av
nement d' « un autre temps ». 483 484 Marguerite Duras, Le Square, in Théâtre I, Paris : Gallimard, 1965, p. 128. ibidem, p. 130. Or, la dramaturgie relaie les personnages : dans cette pièce où ceux-ci disent que « cela fait du bien de parler », Duras ne mentionne presque aucun « temps » dans les didascalies - qui sont d'ailleurs rares. La pièce était au départ un roman : cela explique cette absence. De plus, elle cantonne l'action à la parole : dans Le Square, la seule manifestation de vie est dans les mots - et, ponctuellement, dans les pleurs de l'enfant qui geint du fond du square. Mais finalement, cette absence de didascalies et d'action sert le propos : elle permet de rendre audible et palpable la densité du présent, en donnant toute la place à ce « bavardage » qui fait passer le temps. Cette dramaturgie saturée de dialogue épouse ce que vivent les personnages. C'est aussi le cas dans Le Théâtre de l'Amante anglaise. Lorsque l'interrogateur demande à Claire Lannes comment passait le temps, lorsqu'elle restait des heures entières immobiles sur son banc, elle répond : « À cent à l'heure, comme un torrent »485. On retrouve ici la métaphore de l'écoulement à travers l'image du torrent. Or ce « torrent » informe aussi la dramaturgie elle-même : dans cette pièce, il n'y a presque aucune pause, le dialogue est quasiment ininterrompu. Une tirade de Claire Lannes semble même s'immerger totalement dans ce torrent du temps. Lorsque l'interrogateur lui demande les pensées qu'elle avait sur le banc, elle répond : la nourriture, la politique, l'eau, sur l'eau, les lacs froids, les fonds des lacs, les lacs du fond des lacs, sur l'eau qui boit, qui prend, qui se ferme, sur cette chose-là, l'eau, beaucoup, sur les bêtes qui se traînent sans répit, sans mains, sur ce qui va et vient, beaucoup aussi, sur la pensée de Cahors quand j'y pense, et quand je n'y pense pas, sur la télévision qui se mélange avec le reste, une histoire montée sur une autre montée sur une autre montée sur une autre, sur le grouillement, beaucoup, grouillement sur grouillement, résultat : grouillement et caetera, sur le mélange et la séparation, beaucoup beaucoup, le grouillement séparé et non, vous voyez, détaché grain par grain mais collé aussi, sur le grouillement multiplication et division () 486 Nous avons déjà souligné l'absence de point dans cette réplique et la respiration particulière qu'elle impose, nous demandant si, à travers cette continuité ininterrompue, l
'
écriture cher it un certain rapport au temps. Or, comment ne pas rapprocher cette phrase de l'énoncé précédent de Claire? Ne semble-t-elle pas 485 486 Marguerite Duras, Le Théâtre de l'Amante anglaise, Paris : Gallimard, 1991, p. 95. ibidem, p. 89. couler « à cent à l'heure, comme un torrent »? Impression encore renforcée par le désordre qui règne dans la syntaxe, comme si la parole brassait les mots, les laissait s'entrechoquer au gré de leur surgissement, attentive à capter toutes les images qui se présentent à la pensée. La phrase se coule littéralement dans le « torrent » précédemment évoqué. Tout se passe donc comme si l'écriture épousait le rapport au temps du personnage. Au sein d'une oeuvre théâtrale, cette retranscription du flux continu, désordonné et informe de la pensée, est d'ailleurs assez déconcertante. Dans cette parole qui semble avoir renoncé à toute tentative de compréhension et de construction du'moi', il faut certainement lire la porosité de l'oeuvre dramatique de Duras vis-à-vis du roman, et des tentatives qui s'y manifestent, notamment depuis Édouard Dujardin et son roman Les Lauriers sont coupés (1887), de saisir la pensée « antérieurement à toute organisation logique »487, comme le rappelle Joseph Danan dans Le Théâtre de la pensée. En effet, cette réplique de Claire semble donner une forme au monologue intérieur du personnage. Or, « le monologue intérieur, dans sa forme moderne, est une invention du roman »488 qui s'est peu à peu déplacée vers le théâtre, « lieu privilégié de cette mise au dehors de la pensée »489. L'histoire du Théâtre de l'Amante anglaise490 pourrait être une illustration de ce passage, de cette circulation d'un genre à l'autre, de cette contamination d'un genre par l'autre. À l'origine de cette pièce, il y a en effet un premier texte théâtral, Les Viaducs de la Seine-et-Oise, de facture assez conventionnelle, que Duras transforme en roman, L' Amante anglaise. Ce roman, Claude Régy - qui avait déjà mis en scène Les Viaducs - s'en saisit et le monte au théâtre, dans une version abrégée et Duras republiera finalement le texte sous le titre Le Théâtre de l'Amante anglaise. On aboutit ainsi à un texte de théâtre qui, en passant par l'étape du roman, a trouvé sa forme : un dialogue entre l'interrogateur et les deux époux Lannes, qui relève davantage d'un protocole visant à mettre au jour la vérité de Claire que d'un véritable dialogue. Finalement, on observe une sorte de jeu compensatoire entre la dramaturgie et les personnages dans la recherche d'une liberté par rapport au temps : certaines dramaturgies, celles de Claudel et Duras, revendiquent de manipuler le temps à leur guise et mettent au premier plan le jeu auquel elles se livrent avec lui. Là où la dramaturgie est moins audacieuse ou plus discrète dans son jeu avec le temps, comme c'est le cas chez Schnitzler, ce sont les personnages qui prennent le relais, affirmant haut et fort la toute puissance de leur subjectivité par rapport au temps. On peut dire que les personnages de Schnitzler rêvent de « l'accordéon » auquel les dramaturgies de Claudel et Duras donnent une forme. Dans tous les cas, les oeuvres questionnent la représentation linéaire du temps : face à son inéluctable écoulement, dramaturgies et personnages lui inventent deux qualités : l'élasticité et l'intensité. Passés par le filtre de la subjectivité humaine, les instants n'ont pas tous la même valeur, ni la même qualité. L'expérience du temps en est donc une métamorphose : la linéarité qui voue l'être à l'éparpillement, à l'ennui et à la mort s'estompe pour laisser place à un dessin du temps recomposé par l'imagination. Les jours sont escamotés, les heures durent et certaines heures élues peuvent même faire disparaître le passé et l'avenir derrière un présent unique et vibrant dans lequel l'être se rassemble. Ces heures élues, ces « heures vives » en côtoient d'autres : les heures décisives, celles par lesquelles les personnages ont la sensation d'accéder à une vérité si profonde qu'elle contient la totalité de leur vie. Face à de telle heures, la représentation linéaire du temps est-elle encore opérante?
3) les heures décisives : une expérience du temps qui transcende son écoulement
Certaines heures sont en effet présentées comme décisives, en ce sens qu'elles déterminent toute la vision du monde du personnage. L'expérience de ces heures les fait changer de manière profonde, irréversible ; ils sont littéralement métamorphosés par elles. Quelles conséquences cette métamorphose a-t-elle sur la représentation du temps? Nous allons voir que la métamorphose des personnages devient celle du temps lui-même - en ce sens qu'il quitte complètement la représentation commode de la ligne pour aller vers d'autres formes, que nous définirons. a. Schnitzler
L'existence de ces heures décisives est particulièrement lisible chez Schnitzler, par exemple dans Comédie des séductions : Judith passe une nuit à veiller Westerhaus, l'homme qu'elle aime, après que celui-ci s'est tiré une balle dans la tête pour échapper à une arrestation. Dans une scène avec Max, devenu son amant et qui s'étonne de la voir parler en femme d'expérience qui connaît « toutes les laideurs et toutes les misères de l'amour » 491, elle lui confie avoir vécu tout ce qu'elle avait à vivre cette nuit-là. Le fait de veiller cet homme lui a ouvert les yeux : Dans le crépuscule silencieux d'une chambre mortuaire j'ai su, comme d'autres filles lors de leur première nuit. Cette nuit-là j'ai vécu tout ce qu'il me sera donné de vivre. Toutes les merveilles, toutes les horreurs de l'existence, tout, y compris ma propre mort. Et tout ce qui m'arrivera ne sera jamais que le rêve d'une existence qui, en fait, est déjà derrière moi.492
491 Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 102. « eine Frau, die längst von allem Häβlichen und von allem Elend der Liebe weiβ", Arthur Schnitzler, Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, p. 481. 492 Arthur Schnitzler, Comédie des séductions, Arles : Actes Sud, Paris : Papiers, 1995, p. 103. «
in der Stille und Einsamkeit einer Totenkammer wurde ich wissend, wie andere Mädchen in ihrer ersten Liebesnacht. Alles habe ich in dieser Nacht durchlebt, was mir jemals begegnen kann. Alle Wunder, alles Grauen des Daseins - ich glaube - meinen eigenen Tod habe ich dieser Nacht schon erlebt! Und alles, was noch kommt, wird nur wie ein Traum sein von einem Dasein, das eigentlich schon hinter mir liegt", Arthur Schnitzler, Komödie der Verführung, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 2002, p. 482. L'expérience d'un moment émotionnellement très dense semble amener un bouleversement des repères temporels : Judith a épuisé toute son existence en une nuit. Elle exprime ainsi l'idée d'une condensation du temps qui rend caduque la représentation linéaire. Comment celle-ci pourrait-elle continuer d'être opérante alors que le personnage, à l'en croire, a déjà vécu sa propre mort? On retrouve exactement le même processus pour le personnage de Marie, dans l'Appel de la Vie : après avoir tué son père en lui administrant du poison, elle assiste par hasard, cachée derrière un rideau, à une scène entre Max, l'officier qu'elle aime, et Irène, sa maîtresse ; la scène se termine par le meurtre d'Irène. On est donc dans une configuration proche de Comédie des séductions, où le personnage est confronté et à la pulsion sexuelle et à la pulsion de mort (à la fois chez elle et chez les autres). Dans ce moment très riche émotionnellement, elle a la sensation d'accéder à une profonde connaissance d'elle-même et des autres, de découvrir le dessous des cartes : j'ai découvert en cette nuit ce que d'autres femmes ne découvrent pas au bout de mille jours et mille nuits. J'ai vu comment les femmes trompent, charment, comment elles sont honnêtes aussi et meurent ; et comment les hommes tremblent, jouent, raillent et tuent. Et ce que j'ai vu n'était qu'un pauvre prélude à mon destin. 493 On a bien, ici, l'idée d'une condensation du temps puisque ce qu'elle découvre en une nuit équivaut au savoir de mille nuits. De plus, cet accès au savoir l'amène à dépasser les lois de l'écoulement du temps : elle connaît déjà ce qui l'attend, son « destin ». Comme Judith, c'est donc l'entier de sa vie qu'elle embrasse en un moment. Dans ces deux exemples, le point commun est aussi l'idée de la révélation : ce qui jusqu'alors était secret, caché, devient su. L'expérience décrite par les deux femmes peut s'apparenter à la révélation d'un mystère, au sens religieux du terme : en effet, ce qu'elles vivent cette nuit-là est pris comme un centre qui éclaire tout le reste de leur vie. Ce qui accentue l'idée de mystère est le fait qu'elles n'expliquent
493 Arthur Schnitzler, L'Appel de la vie, Arles : Actes sud-Papiers, 1999, p. 63. « Doch
hab
'
ich in dieser einen
Nacht
erfahren, was andre Frauen nicht
in
T
ausend Tagen
und Nächten
. pas précisément le contenu de leur expérience. Dans le cas de Judith, les propos restent même étonnamment opaques : pourquoi toutes les merveilles et toutes les horreurs de l'existence lui sont-elles apparues précisément cette nuit-là? Et de quelles merveilles, de quelles horreurs parle-t-elle exactement? Le coeur de son savoir reste obscur ; mais il semble l'éclairer, en revanche, de manière sûre. Cela peut nous rappeler la définition du mystère par André Vachon : « Au sens chrétien, un mystère est une réalité qui n'est pas directement intelligible en elle-même, mais qui, selon le mot de Blondel, est susceptible d'être prise comme centre d'intelligibilité et par suite, devient un foyer de lumière qui éclaire tout le reste »494. C'est bien ce qui semble se produire pour Judith comme pour Marie : d'un seul coup, elles comprennent tout. La révélation devient alors une forme de transcendance de l'écoulement du temps. Cela les rapproche d'une autre personnage schnitzlérien : Cécile, dans Interlude, a la sensation de s'être révélée à elle-même depuis qu'elle a senti du désir pour d'autres hommes que son mari : « Je ne suis déjà plus celle que j'étais, Amédée, ou alors j'ai toujours été la même sans le savoir. Une enveloppe s'est déchirée, oui, c'est ça! () Le monde m'apparaît plein d'aventures, le ciel s'est embrasé et je me vois debout, les bras ouverts, qui attends » 495. Là aussi, on retrouve l'idée d'une révélation, à travers l'image de l'enveloppe qui se déchire. Le personnage s'est trouvé lui-même, est entré en contact avec une vérité qui, au fond, n'a jamais cessé d'exister : en un instant, Cécile accède à la totalité de son être. b. Claudel
Chez Claudel, dramaturge chrétien, on retrouve tout naturellement le motif de la révélation. Dans L'Annonce faite à Marie, par exemple, le moment où Violaine va révéler à Jacques son secret est un moment si dense qu'il va pulvériser la représentation linéaire du temps : « une communication si profonde / Que la vie, ni l'enfer, ni le ciel même ne la feront plus cesser, ni ne feront cesser à jamais ce
/ 494 André Vachon, Le Temps et l'Espace dans l'oeuvre de Paul Claudel, Paris : Seuil, 1965, p. 139. Arthur Schnitzler, Interlude, Paris : Actes Sud-Papiers, 1991, p. 47. « Ich bin schon heute nicht mehr, die ich war, Amadeus Oder vielleicht war ich immer
diesel
be
und habe
es
nur nicht gewu
β
t
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und
es ist jetzt
etwa
s von mir
abgefallen das mich früher umhüllt hat
Ja
,
so
muβ es sein
!
()
Die Erde schein
t
mir voll Abenteuer, der Himmel wie von Flammen strahlend, und mir ist, als säh'ich mich selbst, wie ich mit ausgebreiteten Armen dastehe und warte
. », Arthur Schnitzler, Zwischenspiel, in Gesammelte Werke, Band III, Berlin : S. Fischer Verlag, 1912, p. 157. 495 163 Moment
où
je vous
l'ai
révélé » 496. En promettant son secret à Jacques, elle lui promet aussi l'accès à l'éternité, comme l'explique André Vachon : « c'est l'instant où toute sa vie se ramasse dans un atome de temps qui a valeur d'éternité »497. Ces propos mettent en valeur l'idée de concentration : à ce moment-là, tout se concentre autour d'un point de basculement qui est la révélation du secret. La révélation apparaît alors comme une sorte de nouveau centre de la vie de Violaine, un centre qui l' éclaire entièrement et recompose toute la représentation du temps. L'incandescence de ce moment est à l'image du « terrible soleil » qu'évoque Violaine : « ce terrible soleil ici présent qui nous empêchait presque de nous voir le visage! »498. Le soleil est à l'aplomb : il est donc midi. Cela correspond au moment où Violaine est au midi de sa vie. On retrouve ce phénomène de concentration dans Partage de Midi : la rencontre d'Ysé apparaît comme le centre autour duquel l'ensemble de la vie de Mesa va désormais rayonner. Cette thématique du centre est lisible dans l'heure de midi même, puisque étymologiquement, midi est le milieu du jour.
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L'écologie politique : une idéologie de classes moyennes
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Cette présentation des conflits de rationalité autour de la représentation de la nature permet désormais d' éclaircir certains points rendus obscurs par des analyses polémiques consacrées au mouvement écologiste. Celui-ci est par exemple présenté par les nouveaux philosophes se réclamant de l’héritage de Kant, comme un mouvement « anti-humaniste » parce qu' il participerait d' une remise en cause de la spécificité juridique de l' individu, étant donné que les animaux seraient alors considérés comme des personnes juridiques à part entière. Ce type de raisonnement philosophique fait jouer l' opposition traditionnelle entre les catégories de Nature et Culture dans un contexte où cette opposition est des plus inopérante. Ce type de raisonnement représente en fait un véritable contresens. La « nature » n' est absolument pas conçue ni construite comme un anti-modèle opposé à la culture, bien au contraire. La « nature » représente en fait une source de schèmes religieuses sur les comportements à l' égard de l' environnement naturel. Il est en effet difficile d’assimiler trop mécaniquement l' écologisme à une forme de religion sécularisée où la Nature remplacerait Dieu, l' industrie marchande deviendrait l’Enfer, et le culte de la technique incarnerait tout simplement le veau d' or moderne. (Cf. HERVIEU-LEGER D. (dir.), Religion et Écologie, Editions du Cerf, 1993. BOURG
D.
(
dir
.),
Les Sentiments de la nature
,
Editions La Découverte, 1993.
) 155 Lire en particulier l' ouvrage de Luc FERRY, Le Nouvel Ordre écologique. L' arbre, l' animal et l' homme, Grasset, 1993. L' auteur entreprend une étude historique des représentations chrétiennes du monde animal en retraçant les procès qui se sont déroulés entre le XIIIe et le XVIIIe siècle à l' encontre des animaux nuisibles pour les paysans de l’époque. Luc Ferry en conclut que le christianisme participait alors pleinement d' un rapport « pré-humanistique à l' animalité », attitude qui ne serait pas sans rappeler, selon lui, le « droit des bêtes » que les écologistes souhaiteraient rétablir. Conflits de rationalité : influences religieuses et écologie politique 145 - et de symboles dont l' usage est destiné à lutter, plus ou moins explicitement, contre les groupes sociaux économiquement dominants, contre les institutions bureaucratiques dominantes et contre les modèles de rationalité « instrumentale » (c' est-à-dire contre les modes d' action déterminés de manière rationnelle en finalité). À ce titre, l' écologisme n' est donc pas un anti-humanisme (toujours suspecté de tendances totalitaires) mais il représente plutôt un des derniers avatars de l' humanisme personnaliste moderne. Dans le contexte contemporain, la fonction idéologique jouée par ces nouvelles représentations de la nature participe en fait de l' élaboration pacifiste d' une éthique de fraternité humaine qui se construit dans l' opposition structurale avec les pratiques économiques dominantes (« l' appât du gain », la « marchandisation », les « logiques de profit », la « rentabilité à tous prix ») contre lesquelles les fractions intellectuelles dominées de la petite bourgeoisie salariée tentent de lutter. Dans cette lutte s' articulent un certain radicalisme politique, un sentimentalisme personnaliste, un intellectualisme humaniste d' humeur anti-institutionnelle et une quête éthiquement rationnelle de salut terrestre accordant une grande importance à la préservation de la nature. La préoccupation de l' environnement accompagne l' intellectualisme humaniste chrétien dont les porte-parole sont des intellectuels subalternes hautement exercés au maniement des idées sociales et qui manifestent des intérêts culturels universels. Leur usage politique de la nature ne peut plus alors se concevoir comme un anti-modèle opposé à la culture, mais comme le support matériel et concret d' une éthique rationnelle en quête de valeurs stables à partir desquels il est possible de mener, plus ou moins radicalement, une lutte d' ordre universelle contre l' hégémonie des rapports financiers sur les autres champs d' activité Mais comment s’actualise cette éthique sur le plan social et politique? Quelle politique sociale peut surgir d’une telle conception des rapports sociaux? La dimension spiritualiste de la critique écologiste est souvent voilée, mais se peut-il que les préoccupations sociales des écologistes comportent une certaine dimension religieuse qui ne soit plus visible? Et si tel est le cas, sous quel registre s’exprime par exemple la critique sociale? La morale humanitaire et l’héritage catholique (même dénié) peuvent alors donner lieu à des engagements en matière de solidarité envers les plus démunis sans pour autant que, par exemple, l’ordre établi soit profondément remis en cause. D’autre part, la dimension personnaliste de l’engagement semble inviter nombre d’écologistes à se réclamer d’un réformisme social d’où est exclu un renforcement des institutions étatiques destiné à contrer Conflits de rationalité : influences religieuses et écologie politique 146 - l’avancée du libéralisme économique. 1 – La « troisième voie » ou la voie du double refus
Mouvements régionalistes, ligue des Droits de l’Homme, MLF, mouvements de jeunesses catholiques (en particulier la JAC), mouvements de défense des consommateurs, mouvements d’extrême gauche, réseau des « Amis de la Terre » : les origines associatives des partisans de l’idéologie écologiste sont souvent variées156. Mais par delà les divergences « intellectuelles » ou « politiques », ce qui unit idéologiquement les membres des associations politiques locales centrées 156 Le politologue Jean Jacob a répertorié trois grandes sources constitutives de l’écologisme actuel : le mouvement naturaliste de l’écologie scientifique, le mouvement anarchiste et libertaire de l’extrême gauche, et le mouvement personnaliste de la deuxième gauche. (Cf. JACOB J., Les sources de l’écologie politique, Ed. Corlet, Paris, 1995.) Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 149 - autour des thématiques écologistes, c' est avant tout la recherche d' une « autre politique sociale, économique et environnementale », c' est-à-dire la recherche sans cesse renouvelée et modernisée d' une troisième voie157. Cette troisième voie se caractérise par un perpétuel double refus : – d’une part, le refus du communisme totalitaire, son collectivisme étatique, son dirigisme de masse, son matérialisme et son mépris de la personne humaine et des Droits de l' Homme ; – d' autre part, le refus du capitalisme libéral, son côté hégémonique, sa mondialisation des rapports marchands, sa logique du profit, sa philosophie individualiste, son utilitarisme et son exploitation des hommes et de la nature. C' est principalement sur la base de ce double refus partagé par les membres des associations écologistes que se construisent les « nouvelles » synthèses idéologiques de l’écologie politique. Ce double refus constitue en quelque sorte le dénominateur commun à presque tous les groupes écologistes actuels. Ce double refus est la base de leur unité idéologique. Cette recherche perpétuelle d’une troisième voie possible se construit à partir de divers fragments composés d’anciens éléments de la vulgate gauchiste, de pratiques contre-culturelles, de considérations religieuses et humanitaires, et de connaissances savantes ou demi-savantes, etc. La relative diversité des positions idéologiques au sein du milieu écologiste pourrait s’expliquer par le fait que les fractions supérieures de la classe populaire en ascension et les fractions déclinantes de la petite bourgeoisie intellectuelle ne disposent pas des mêmes représentations de l’avenir attendu158. Cependant, cette diversité reste cantonnée dans des limites nous permettant tout de même d’homogénéiser leurs points de vue. L’opposition entre fractions ascendantes et fraction déclinantes des classes moyennes n’empêche pas la rencontre, au milieu 157 Nous ne souhaitons pas ouvrir la polémique sur une quelconque filiation historique entre l’écologisme actuel et les anciens mouvements personnalistes d’extrême droite d’avant la seconde guerre mondiale. Ces derniers manifestaient un double refus (ni capitalisme ni collectivisme), mais ils l’associaient de manière particulièrement étroite à un chauvinisme, un antisémitisme et un antiparlementarisme qui s’opposent complètement aux programmes écologistes. Nous noterons que le personnalisme chrétien d’Emmanuel Mounier exprime ce double refus sous une forme proche de celle exprimée par les mouvements écologistes actuels : « Convaincu que le monde occidental va à la catastrophe, Mounier veut procéder à une révision radicale de ses valeurs et de ses principes. Le monde bourgeois lui répugne: avilissement par la possession, isolement et oppression des hommes dans une société où les ‘’vrais’’ besoins sont sacrifiés. Contre ce monde, le marxisme incarne la révolte des pauvres, mais il ne peut le contredire vraiment, car il a subi l’empreinte de son ennemi, le capitalisme: ce matérialisme est l’envers, et la sanction, d’un spiritualisme qui a trahi.» (Encyclopédia Universalis, Article : « Mounier », 1985). 158 Voir en particulier : LA
IX B., L’utopie communautaire, PUF, Paris, 1981. Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 150 - de l' espace social, entre les fractions intellectuelles subalternes de la petite bourgeoisie et les fractions supérieures de la classe populaire. Nous avons déjà souligné que la difficulté à caractériser objectivement les positions moyennes de l' espace social peut être contournée par une appréciation dynamique de cet espace considéré comme un lieu d' équilibre instable et transitoire pour les agents aux trajectoires déclinantes ou ascendantes : « Parmi les propriétés communes à tous les occupants de ces positions moyennes ou neutres, les plus caractéristiques sont sans doute celles qui tiennent à cette indétermination structurale : situés à égale distance des deux pôles extrêmes du champ des classes sociales, en un point moyen ou, mieux, un lieu neutre où les forces d' attraction et de répulsion s' équilibrent, les petits-bourgeois sont sans cesse affrontés à des alternatives éthiques, esthétiques ou politiques, donc contraints de porter à l' ordre de la conscience et des choix stratégiques les opérations les plus ordinaires de l' existence. » Grâce à cette analyse des positions, il est possible de présenter deux propriétés idéologiques fondamentales qui caractérisent les agents engagés actuellement dans le militantisme écologiste : – refus des conflits de classe et refuge dans la production d' utopie comme lieu neutre où s' apaiseraient les intérêts divergents des deux classes sociales qui polarisent le champ social ; ceci conduit les agents à se pressentir comme les plus aptes à défendre l’intérêt général sous la forme d’un humanisme consensuel. – protestation symbolique contre l’élitisme de la culture légitime, contre toute rigidité institutionnelle symbolisant la fermeture, le cloisonnement, l' archaïsme, l’embrigadement, l' autoritarisme, c' est-à-dire contre tout ce qui symbolise les barrières plus ou moins visibles que les classes dominantes élaborent pour préserver leurs privilèges de la convoitise des classes moyennes. Nous explicitons ci-dessous ces deux propriétés idéologiques : – La rhétorique humaniste L’homogénéité idéologique se retrouve dans le fait que tous entendent faire passer « la personne humaine avant la rentabilité économique », « préserver l' Homme et son environnement » contre les dictatures économique (mondialisation), scientifique (experts) et étatique (énarques, technocrates, classe politique dirigeante). Mettre BOURDIEU P., La Distinction, Éditions de Minuit, 1979, pp.395-396. Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 151 - « l’être humain » et son environnement au centre des préoccupations politiques semble donc être le principe explicite de ce nouvel humanisme moderne et consensuel. Cette nouvelle vision du monde offre la possibilité de forger un nouveau compromis idéologique utopique permettant de refuser tous les extrémismes et toute hégémonie potentiellement totalitaire ; il s’agit de refuser toute forme coercitive de domination, qu’elle provienne des appareils politiques ou des instances économiques. Projet d’ordre social subordonnant les intérêts économiques et politiques à l' intérêt général de toutes les populations de la planète (et même des générations futures), l' humanisme écologique se construit idéologiquement dans la double opposition au capitalisme et au marxisme désignées comme deux formes de barbarie et de totalitarisme auquel l' écologisme entend fournir une alternative radicalement neuve. Pour les écologistes, il s' agit de se démarquer des anciennes idéologies, de se situer ailleurs et de « dépasser » l' antagonisme historique entre ces « deux visions périmées » du monde social que sont le marxisme et le capitalisme. L' écologisme se présente à la fois comme une protestation anticapitaliste radicale (puisqu' il s' agit de s' opposer à la quête effrénée de rentabilité économique, de la recherche du profit à court terme) mais aussi comme un réformisme « intelligent » ayant prétention à tirer les leçons de l' histoire politique du e XX siècle en refusant toute menace de dirigisme étatique (assimilé au collectivisme des communistes, au jacobinisme des républicains souverainistes). – Les fonctions sociales de la rhétorique de « l’ouverture »
Les discours célébrant de manière récurrente « l’ouverture » intellectuelle s’est construit par opposition à la « rigidité » des institutions étatiques dominantes et à « l’étroitesse » des normes populaires160. La rhétorique de « l’ouverture » prêchée régulièrement peut s’analyser comme un instrument de lutte utilisé contre ce que les agents considèrent comme des lieux cloisonnés ; à savoir des lieux protégés que des spécialistes monopolisent à leur profit (dans les domaines politiques, syndicaux, administratifs, scientifiques, etc.) 161. En valorisant des approches susceptibles de « décloisonner la société », ils se considèrent comme des agents émancipateurs et 160 La protestation contre les « rigidités » sociales est une rhétorique à double usage car elle peut aussi bien servir à discréditer les agents en position dominantes, mais aussi les classes populaires et leurs syndicats jugés « archaïques ». Cf. CROZIER M., La société bloquée, Ed. du Seuil, Paris, 1970. 161
Pour une analyse critique de la « récupération » de la rhétorique anti-autoritaire et de l’apologie de l’ouverture dans les entreprises, voir : LE GOFF, J.P., La barbarie douce, La Découverte, Paris, 2000. BOLTANSKI L., CHIAPELLO E., Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999. Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 152 - libérateurs. Refusant les cadres rigides qui bloquent les esprits et empêchent d’avoir une visions « globale » de la société, ils prônent l’ouverture des frontières entre les différents espaces politiques, intellectuels, savants. Ce faisant, ils mêlent alors différents univers de pensées hétérogènes : « sciences » et considérations populaires, théories savantes « pures » et message moral, références scientifiques et conseils pratiques quotidiens, préoccupations philosophiques et mots d’ordre politiques. Ils brouillent d’autant les repères propres à chacun des champs autonomes du monde social. Par leur rhétorique de l’ouverture, les nouveaux virtuoses de l’écologisme se montrent en fait désireux d’occuper des lieux multiples où peut s’exercer leur culture intellectuelle moyenne. Dans cette logique, l’opposition entre « l’ouvert » et le « fermé » devient sociologiquement intelligible : est « fermé » ce qui classe en assignant une position hiérarchique entre les deux pôles du pouvoir et de la dépossession. 2 – L’invention du « tiers secteur »
Ce
rêve d' un monde social réconcilié se fonde
en
particulier sur la possibilité d
’
une autre organisation
de la société dans laquelle le « travail » n'
aurait
plus la place
prépond
érante qu' il occupe aujourd' hui. Si les écologistes mettent bien la question du travail au centre de la « crise de société », ils ajoutent aussitôt que c’est « la primauté du travail dans la société qui doit être remise en cause ». En posant la question du travail de cette façon, le problème de la répartition inégalitaire des richesses est évacué, tout comme celui des revendications salariales (revendication trop « quantitatives ») et des conditions de travail. En faisant de la « disparition du travail » le fondement des futurs rapports sociaux, ce sont les sources de conflits et la compétition sociale pour l' accumulation des richesses matérielles qui disparaîtraient. La paix sociale et la préservation de l' environnement seraient alors fondées sur l' avènement d' un « tiers secteur autonome » ou d' une « troisième sphère d' activités » dont la spécificité réside, encore une fois, dans une double exclusion : ni quête de pouvoir politique institutionnel, ni recherche de pouvoir ou de prestige économique par accumulation de marchandises. L’activité de ce « tiers secteur 162
« Le travail n' est plus le principal ciment social, ni le principal facteur de socialisation, ni l' occupation principale de chacun, ni la principale source de richesse et de bien-être, ni le sens et le centre de nos vies. ». (GORZ A., Capitalisme, socialisme, écologie, Galilée, 1991, p.52). Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 153 - autonome » serait à l’image de la « société civile »163 : elle serait le lieu « autonome » et « pacifique » d' une « organisation rationnelle du temps libre » toute entière dédiée à « l' échange », à la culture, à la « quotidienneté » et à la « sociabilité ». Il ne s' agit bien sûr que de vagues projets d' allures prophétiques, et à défaut de comprendre en quoi consistent concrètement les réalisations pratiques de ce monde social en devenir que nous annoncent les écologistes, nous pouvons quand même nous reporter à quelques extraits tirés de revues militantes ou d' ouvrages politiques où l’on tente d’expliciter ces projets : « Au cœur même de la vision écologiste de l' économie, il y a la mise en valeur d' une troisième sphère d' activités, irréductible tant à la sphère du marché qu' à celle de l' État. C' est le domaine des activités dites autonomes : la production non rémunérée de « biens » et de « services » pour soi-même, pour sa famille, pour sa communauté, qu' il s' agisse par exemple de mettre au monde un enfant, de cultiver son potager, d' aider sa grand-tante à déménager ou de siéger au conseil municipal. » Le caractère utopique et flou de ces projets de société est particulièrement troublant. Mais pour les comprendre, il faut ramener ces projets utopistes aux contraintes idéologiques dans lesquels se trouvent les militants : récusant à la fois les politiques sociales des partis de droite et de gauche, les politiques économiques libérales et les institutions bureaucratiques de l' État, les écologistes ne peuvent que référer à une vague notion de « vie quotidienne » et aux échanges « humains » les plus informels de la vie domestique pour décrire les activités sociales de cette « sphère autonome » à laquelle ils entendent conférer une valeur et un statut privilégié. 164 ÉCOLO, Les élections législatives de 1991. Le programme d' Écolo, p.18. Cité par DELWIT P., Écolo, les Verts en politique, De Boeck, 1996, p.172. 165 LANNOYE P., « Choisir le progrès », in Confrontations, Luc Pire, 1995, p.111. Cité par DELWIT P., Écolo, les Verts en politique, De Boeck, 1996, p.168. Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 154 - Ce « tiers secteur » apparaît donc finalement comme un espace consensuel composé de relations domestiques auxquels les agents entendent conférer un statut et une reconnaissance sociale. Ces revendications prennent donc directement le pas sur les traditionnelles revendications salariales jugées, « matérielles », « parcellaires » et « corporatistes » : il ne s' agit plus de revendiquer des améliorations de conditions de travail et des hausses de salaire, mais « de remettre l' économie à sa place ; en soumettant l' économie au politique et en se fixant pour objectif d' orienter l' activité économique vers la production de bien-être et de partager équitablement celui-ci. » Au nom de la remise en cause du productivisme et du libéralisme, les écologistes considèrent que « la primauté du travail doit être remise en cause au bénéfice de l’émancipation radicale de la société civile ». De ce fait, les questions politiques et syndicales portant sur la réduction des disparités sociales et sur le traitement des conditions de vie inégalitaires qu' engendre la division sociale du travail s' effacent donc tout naturellement pour faire place aux questions « philosophiques essentielles » de la répartition globale et de l' usage social du temps libre en vue d' améliorer le bien-être général de tous : « Le temps, son utilisation, son contenu et sa disponibilité, semblent donc bien être au coeur du processus de crise. [...] À la conception étroitement matérialiste de la vie véhiculée par l' ensemble des forces politiques traditionnelles et qui se traduit par le culte du PIB et du pouvoir d' achat, les écologistes substituent une conception holistique où sont valorisées les composantes spirituelles et qualitatives. » L' organisation rationnelle du temps libre consacré à l' activité de la « troisième sp hère » apparaît alors comme le projet social prédominant consistant à optimiser un « bien-être général ». Le refus de conférer une valeur sociale à l’univers du travail conduit donc tout naturellement à restituer cette valeur aux autres activités sociales : activités éducatives, domestiques, de loisirs, etc. 166 DEFEYT P., « Le temps de vivre : une sorte de crise basée sur l' aménagement et la réduction du temps de travail », in Confrontations, Luc Pire, 1995, p.15. Cité par DELWIT P., Écolo, les Verts en politique, De Boeck, 1996, p.166. 167 MOAREL J., « De l' État-providence à l' économie cannibale », in Confrontations, Luc Pire, 1995, p.12. Cité par DELWIT P., Écolo, les Verts en politique, De Boeck, 1996, p.165. 168 « Écolo. Pour la mutation écologiste », Mai 1984, p.9. Cité par DELWIT P., Écolo, les Verts en politique, De Boeck, 1996, p.167.
169 Une sévère critique adressée par le sociologue Louis PINTO au philosophe André GORZ met en lumière le fonctionnement des schèmes caractéristiques de l’idéologie écologiste qui soutiennent le projet de « tiers secteur » caractéristique des intellectuels petits bourgeois (les passages en italiques entre guillemets sont d’André GORZ) : « Que la “division du travail [soit] inévitablement dépersonnalisante” ne contredit pas “la possibilité donnée à chacun de se construire une niche qui mette sa vie personnelle à l’abri de toute pression et obligation sociale extérieure”. Il faut se garder des “synthèses” “totalisantes” et “totalitaires” : Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 155 - Les fondements sociaux de l’hostilité à l’égard du travail salarié seraient à rechercher dans les dispositions intellectualistes des agents dont les prétentions et les attentes n’ont pu être satisfaites. L’univers du travail représenterait un espace hiérarchique, un monde de concurrence, brutal et inhumain, un monde de l’argent qui s’oppose aussi bien au monde de la « culture qu’au monde de la « vie domestique ». 3 – Chômeurs et exclus : une nouvelle classe sociale
Projet utopique, rêve social d' une société démocratique et égalitaire, le programme social des écologistes reflète avant tout une fuite sociale en marge des contraintes institutionnelles et des exigences économiques de la société. Forme idéologique de débandade organisée, le refuge utopique vers les « valeurs non-marchandes » prend alors la figure d' un projet social alternatif manifestant une complète cécité envers les contraintes réelles de l’univers du travail (c’est-à-dire l’usine et le bureau). À ce titre, la manière dont la notion « d' exclusion sociale » fut utilisée par la critique contestataire durant les deux dernières décennies est particulièrement éclairante. Cette notion est devenue l’objet d’une indignation qui a déplacé les revendications de l' univers du travail vers des revendications purement humanistes et personnalistes. Contournant les habituelles revendications ouvrières exprimées en termes « d' exploitation économique », de « justice sociale » et de « conflit de classes » (formulation traditionnellement attribuée aux militants communistes), l' utilisation de la nouvelle notion d' exclusion a trouvé facilement sa place dans le registre de l' indignation morale. Les demandes de « respect de la dignité humaine » et « de solidarité » ont pu être aisément employées par les fractions intellectuelles dominées. La progression constante du nombre de chômeurs a rapidement conduit les écologistes à réclamer une redistribution du temps libre par un partage du travail entre salariés actifs et chômeurs. Dès lors, les revendications salariales portées par “l’hétéronomie” (en clair : l’usine et le bureau) s’opposera toujours à “l’autonomie” (celle de l’intellectuel), comme la “société” à la “communauté”, comme la production de série au bricolage, comme le boulot à la “tendresse”, comme le gigantisme à l’échelle humaine... Voici ce lieu où finit l’histoire : “Cette niche sera notamment la vie de famille, la maison individuelle, le jardin potager, l’atelier de bricolage, le bateau, la maison de campagne, la collection d’objets anciens, la musique, la gastronomie, le sport, la vie amoureuse, etc.” » Et Louis PINTO de commenter sévèrement : « Il aura fallu une vie de théoricien pour découvrir toute la poésie du week-end bourgeois et pour en imaginer les fondements intellectuels. » (PINTO L., Le Nouvel Observateur, l’intelligence en action, A.M. Métailié, 1984, p.156). Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 156 - les syndicats traditionnels (CGT, FO, CFDT) devenaient, aux yeux des écologistes, une forme de « conservatisme » qui pouvait empêcher une juste redistribution des richesses en faveur des chômeurs et des exclus. C' est donc au nom de cette nouvelle catégorie d’opprimés que les écologistes s' empressent de réclamer une « nouvelle solidarité » à tous les membres de la société civile. Certains militants écologistes n' hésitent d’ailleurs pas à identifier leur projet de société à un prolongement de l' utopie socialiste des XIXe et XXe siècles. Dans cette construction idéologique, la nouvelle classe sociale porteuse du projet serait alors la classe des chômeurs et des exclus : « De même, le développement du mouvement écologiste est étroitement lié à l' émergence d' une classe et à la formulation du projet qui sont au capitalisme-État-providence dans lequel nous vivons aujourd' hui en Europe occidentale ce que la classe ouvrière et le projet socialiste ont été au capitalisme sauvage. Mais quelle est donc cette classe sociale, et quel est ce projet? La classe sociale qui émerge aujourd' hui, selon cette interprétation, ce ne sont pas les chercheurs ni les informaticiens, ni d' autres héros de la société post-industrielle. Mais ce sont tout simplement les chômeurs. » Dans la logique idéologique de l' opposition au « productivisme », le partage du temps de travail en faveur des chômeurs et des « exclus » représente le moyen le mieux adapté pour conserver conjointement les objectifs de défense des intérêts de la « société civile » et celui de défense de l’environnement, tout en conservant l' aspect à la fois consensuel et radical du mouvement. Depuis le milieu des années 1980, les écologistes n' ont pas cessé de relier défense de l' environnement et lutte contre l' exclusion sociale au point d' en faire une des spécificités de leur mouvement : « À mesure que le premier objectif, la défense de l' environnement, se divulgue et se diffuse parmi tous ceux et celles qui disposent du moindre bon sens, il perd sa capacité à fournir au mouvement écologiste sa spécificité, sa place propre dans l' espace politique. D' autres objectifs peuvent-ils fournir cette spécificité rassemblant ceux qui ont intérêt à leur réalisation tout en pouvant être défendus au nom de l' équité? J' en vois un et un seul : précisément celui qui a été décrit tout au long de cet article comme la promotion de la sphère autonome et la redistribution du temps de travail qui en est le moyen. »
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VAN P
ARIJS P., « L' avenir des écologistes : deux interprétations », La Revue nouvelle, n°1, Janvier 1986, p.40. 171 VAN PARIJS P., « Impasses et promesses de l' écologie politique », La Revue nouvelle, n°2 Février 1990, p.92. Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie »
157 - Certes le projet de redistribution du temps de travail en faveur des exclus et des chômeurs est idéologiquement cohérent puisqu' il s' inscrit dans la promotion de la « troisième sphère » : il permet en effet à la société civile de s' émanciper davantage des contraintes économiques et il participe de la défense de l' environnement par l' alternative anti-productiviste qu' il renferme. Il semble difficile cependant de comprendre ce projet politique comme la seule résultante d’une adaptation conjoncturelle au seul contexte économique. Il est aussi le résultat d’une lutte concurrentielle à laquelle se livrent les nouveaux venus de la contestation contre les institutions syndicales existantes ayant (encore) le monopole de la revendication en matière sociale. Mettre en avant une nouvelle solidarité en faveur des chômeurs et des « nouveaux pauvres » permet donc de « dépasser » encore une fois l’ancienne tradition syndicaliste qui se réduirait à la seule défense d’une classe ouvrière organisée, « protégée » ou « privilégiée ». La classe ouvrière étant souvent considérée par les écologistes comme un groupe social embrigadé par les appareils syndicaux. Les écologistes entendent donc promouvoir une nouvelle lutte sociale émancipatrice dirigée contre la pauvreté et l' exclusion sociale, touchant la catégorie des individus « sans » : « sans papiers », « sans logis », « sans droits », « sans travail », « sans protection sociale », « sans perspectives », etc. Non seulement les écologistes se proposent de prendre symboliquement la défense d' une « nouvelle catégorie sociale » mais ils se proposent surtout de constituer cette catégorie des « sans » comme une classe de substitution à la classe ouvrière. Les chômeurs et les exclus constituent dès lors la nouvelle clientèle au nom de laquelle les nouveaux protestataires entendent briser le monopole de la protestation légitime détenu par les anciens militants communistes et syndicalistes. Contribuant à une régression vers l’apolitisme et accompagnant la disqualification des instances syndicales, l' indignation vertueuse des nouveaux protestataires devant la souffrance des « exclus » s' est progressivement substituée aux anciennes luttes politiques qui refusaient l' injustice sociale au nom de la lutte des classes. Les nouvelles formes de l' action portent la marque de ce refus de politisation puisque 172 « La négation de l’existence de classes différentes et la focalisation des analyses sur un agrégat, celui des “exclus”, défini précisément par son absence de participation au processus productif, invalident presque d’emblée le discours de la critique sociale traditionnelle, qui mettrait par exemple en évidence l’accroissement des inégalités entre “inclus” alors même que cette qualité fait d’eux, selon les schèmes d’analyses aujourd’hui dominants, de nouveaux “privilégiés”.
» (
BOLTANSKI L., CHIAPELLO E.,
Le
nouvel
esprit
du
capitalism
e, Gallimard, 1999, p.397). Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 158 - l' engagement humanitaire (forme moderne et paradigmatique de la charité chrétienne offerte aux populations « en détresse ») privilégie le « partage » et l' aide individuelle dans une relation quasi-interpersonnelle (produite parfois sur le mode de la culpabilité individuelle)173. Accompagnant un refus de toute délégation, ce mode d’action conduit à renoncer à recourir à l' ancien mode de dénonciation basé sur la mise en évidence du conflit entre classes sociales. En quelque sorte, l’investissement gratuit dans la champ de la solidarité, le « don de soi » et le dévouement bénévole ont remplacé l’affrontement et la grève. La défense des chômeurs apparaît donc comme l' un des instruments symboliques les mieux adaptés à l' instauration d' une paix sociale consensuelle voulue par la « nouvelle » protestation humanitaire qui remplacerait la « vieille » lutte des classes. 4 – Morale humanitaire et héritage catholique
La critique sociale des écologistes reste fondamentalement moraliste car elle en appelle surtout à un dépassement des égoïsmes individuels censés être la source de tous les maux. La vocation universaliste de leur protestation s' écarte des formes employées par les militants communistes et reste très imprégnée d’une éthique à forte coloration religieuse. C' est ainsi que l' exploitation économique se réduit le plus souvent à une catégorie morale : c’est l' égoïsme individuel des dirigeants d' entreprise (à qui il faudrait inculquer une « éducation citoyenne ») qui est dénoncé. C' est ainsi encore que l' inégale répartition des richesses produites ne trouve comme solution morale que le partage du travail (et non pas la réappropriation des richesses). C’est ainsi enfin que l’inégalité Nord Sud ne trouverait une solution qu’à travers une solidarité symbolique (tiers-mondisme humanitaire) passant par une restriction de la consommation (il suffirait d’apprendre la sobriété aux peuples occidentaux). La « nouvelle » synthèse sociale des écologistes participe bien d' un rêve utopique où le « respect des autres » conduirait à la disparition des conflits sociaux. Dans ce cadre, la revendication du partage du travail ne doit rien à une théorisation politique visant à renverser les rapports de forces entre salariés et patronat, mais à une forme d' humanisme personnaliste inspiré d' une vision très chrétienne de la société où patrons et salariés se doivent de « collaborer ensemble » pour le bien commun. De ce fait, la gestion sociale des « exclus » appelle donc presque nécessairement un traitement moral d' ordre humanitaire ou caritatif. Cette politique du sentiment
173
Le
mouvement lancé par Coluche pour les « restos du cœur » représente une forme paradigmatique. Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 159 - invite à un engagement fondé sur des « qualités de cœur » et une compassion envers autrui qui participent implicitement d’une réappropriation du terrain social par une vieille tradition charitable héritée de l’institution religieuse. D’autre part, au même moment, un nombre important de salariés intellectuels, d' artistes, de journalistes, d’intermittents du spectacle et autres agents appartenant aux milieux culturels ont vu dans l' exclusion une forme de marginalisation menaçante qui, transposée selon une homologie structurale de l’espace social général au champ intellectuel, les concerneraient eux-mêmes personnellement174. Soumis de manière de plus en plus hégémonique aux normes financières de rentabilité, les intellectuels contestataires ont donc reconnu quelque chose de leur propre destin dans la situation des plus démunis. Ce serait donc l’engagement militant des intellectuels subalternes, en rupture avec les institutions syndicales traditionnelles et socialisés aux valeurs personnalistes chrétiennes, qui permettrait de comprendre comment la rhétorique de l' exclusion a pu prendre en quelques années la place impartie auparavant aux revendications sociales traditionnelles. Aujourd’hui, le repli sur des modes d' action faisant appel à la « charité » et aux « bons sentiments » manifeste une conception du traitement social de la pauvreté qui interdit pratiquement l' action politique, ou tout au moins, empêche la formulation de ces problèmes selon une terminologie politique. En effet, si l' exclusion et la pauvreté sont traitées comme des souffrances individuelles dont l’origine sociale est plus ou moins écartée, alors l' atténuation de cette misère ne relève plus que de la seule bonne volonté personnelle de chacun des « inclus ». En conséquence, l' accès de la notion d' exclusion au statut de problème politique (en tant que problème susceptible d' alimenter les revendications collectives) se trouve en permanence compromis par sa formulation même. 174 Cette homologie structurale explique aussi les démarcations rhétoriques : l’usage du terme « d’aliénation » a remplaçé celui « d' exploitation » trop proche des revendications communistes. L' usage du thème de l' aliénation a pour effet fondamental de faire porter la critique autant sur la dénonciation de la pauvreté matérielle que sur la dénonciation de la soumission culturelle vis-à-vis des médias ou des institutions culturelles dominantes. Par la magie du concept d’aliénation, les exclus du marché du travail rejoindraient alors symboliquement les petits intellectuels subalternes (intermittents, journalistes pigistes, éducateurs, enseignants, etc.) exclus des réseaux reconnus de production culturelle : tous ensemble ils formeraient l' immense cohorte des « victimes du système ». Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 160 - 5 – Bilan : reconversion personnaliste dans le réformisme social
Anticapitalisme romantique, anti-étatisme, apologie de la société civile et du tierssecteur, rejet des « corporatismes », revendications égalitaristes, défense des exclus, exigences de fraternité et de solidarité : les thématiques sociales des écologistes participent, nous l’avons noté, d’une nouvelle protestation politicointellectuelle fortement moralisatrice dans laquelle transparaît une certaine dimension personnaliste d’inspiration chrétienne. Une partie importante des militants sont d’ailleurs issus de mouvements de jeunesse chrétiens (JAC, JOC, JEC) et se sont trouvés en rupture avec les institutions religieuses au cours des années 1970. Ces intellectuels en révolte ont formé en quelque sorte une avant-garde contreculturelle, subversive et pacifique, qui a su convertir et séculariser les « valeurs morales » qui leur ont été inculquées175. Une des spécificités de leur engagement réside pour certains dans la socialisation religieuse (catholique progressiste) qui les conduit à s’engager dans le champ de la solidarité mais en exprimant de nombreux doutes quant au risque d’embrigadement politique. Cette élite populaire (ou petite bourgeoise) a été formée au dialogue, à l’ascétisme et au dévouement, à la perpétuelle recherche d' une collaboration de toutes les bonnes volontés, au respect de l' autre, au soupçon perpétuel envers l' État centralisé, au mépris pour l' argent et pour l' accumulation de richesses matérielles. Par leur position de classe et par leur socialisation religieuse, ces militants sont donc particulièrement prédisposés à participer à l' élaboration d' une « nouvelle » synthèse idéologique consensuelle adaptée à une société moderne sécularisée. Un travail inconscient de conversion idéologique a permis aux agents de conserver leurs dispositions éthiques à forte coloration spiritualiste en substituant seulement aux anciens éléments rhétoriques du discours catholiques progressistes les nouveaux éléments sécularisés de la rhétorique écologiste.Ils sont ainsi les plus à même de se faire les porte-parole de 175
Voir en particulier : DONEGANI J.M., «Itinéraire politique et cheminement religieux», Revue française de science politique, Vol29-N°4-5, 1979. HASCOUET D., De la JAC à la politique. Cinq itinéraires finistériens, Calligrammes:Quimper, 1992. GRIGON C., «Transgression politico-religieuse des catholiques "d' avant-garde" en France», Archives de sciences sociales des religions, Vol49-N°1, 1980. LADRIERE P., «Religion et politique dans la libéralisation des moeurs en France», Archives de sciences sociales des religions, Vol49N°1, 1980. LASSERRE H., «Religion et ascension sociale: l' exemple des ouvriers chrétiens», Revue française de sociologie, Vol13-N°3, 1972. 176
Le paradis serait désormais invoqué dans sa forme sécularisée : celle d' une quête fraternelle et pacifique, ici-bas, pour la survie des générations futures. La charité serait remplacée par la solidarité (envers les exclus et le Tiers-monde), le respect des institutions est remplacé par la citoyenneté, la communauté religieuse est remplacé par la convivialité, humanité; notes sur l' anthropocentrisme etc. (Voir en particulier : PRADES J.A., «Religion de l' durkheimien», Archives de sciences sociales des religions, N°69-N°1, 1990. PRADES J.A., «Religion civile et religion de l' humanité: retour sur l' anthropocentrisme durkheimien», Social Les préoccupations sociales : la tentation de la « troisième voie » 161 - positions sociales ambiguës constitutives d’une nouvelle « troisième voie » à la fois réformiste et contestatrice, « intelligente » et « raisonnable », située « quelque part » entre capitalisme et communisme. Ils occupent par conséquent une position utopique inclassable et une configuration « nouvelle » idéologique (car « ni de droite, ni de gauche ») qui brouille les oppositions classiques.
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Fun, après avoir raconté sa première rencontre avec une fille dans un bar, déclare : « je suis bi. Aimer les filles ne m'empêche nullement d'aimer les garçons. Et au moins, même si ma vie sentimentale est un peu compliquée, c'est clair dans ma tête »1560. Simon, lui, rêve d'un foyer à quatre. Pour lui, l'idéal est d'unir « deux amants bisexuels avec leurs moitiés féminines, si possible bisexuelles elles aussi, et bien sûr amantes entre elles »1561. Et Clô exprime son mécontentement et se révolte contre le déni de son identité bisexuelle : Voilà 20 ans que je vis au fil des rencontres, de mes coups de coeur, avec l'un ou l'une, sans me poser de questions. [] je vis l'aventure avec Lui depuis 20 ans, avec une parenthèse de 10 ans avec Elle aussi. Au milieu, il y a eu également cet autre et aussi cette autre. Phase homo, phase hétéro connais pas! Depuis 20 ans, je suis, je me sens, je me vis Bl ''comme tout le monde'', cela constitue mon essence, comme le fait d'être femme, citoyenne ou française. Cela n'est pas un problème d'identité, c'est MON identité La tendresse n'a ni sexe, ni âge, ni couleur, ni frontière1562. Ni strictement hétéro, ni exclusivement homo, les bisexuel.le.s montrent dans leurs témoignages que la bisexualité est une zone frontière entre les homos et les hétéros, deux communautés jusqu'alors opposées. Alain Deron, membre du ZOO (série de séminaires queer à la Sorbonne entre 1996 et 19981563), estime que dans l'histoire des sexualités, la bisexualité <http://bicause.fr/temoignages-8/> (consulté le 12 juin 2016).
1559 Adriana, « Histoire de bi », Bi'Cause – la lettre d'information, n° 1, Hiver 1996, <http://bicause.fr/temoignages-8/> (consulté le 12 juin 2016). 1560 Fun, « Cette fille accoudée au bar », Bi'Cause – la lettre d'information, n° 2, Hiver 1997, <http://bicause.fr/temoignages-8/> (consulté le 12 juin 2016). 1561 Simon, « Pourquoi pas? », Bi'Cause – la lettre d'information, n° 2, Hiver 1997, <http://bicause.fr/temoignages-8/> (consulté le 12 juin 2016). 1562 Clô, « Ras le bol! », Bi'cause News, n° 7, janvier 2001, p. 16. Caractères gras et majuscules dans l'original. 1563 En 1996, la création du ZOO par la philosophe Marie-Hélène Bourcier, sociologue activiste queer et maître de conférences à l'université de Lille, a pour but de développer les études gaies, lesbiennes et queer dans l'université à travers la traduction et la publication des travaux de Judith Butler et Beatriz Preciado. Entre 1996 et 1998, le ZOO met en oeuvre une série de séminaires queer à la Sorbonne. L'objectif est de « faire circuler le plus largement possible un type de savoir et de références relatifs à la construction historique, sociale politique et culturelle de l'homosexualité, de l'hétérosexualité, de la bisexualité, de la transsexualité et des genres. De mettre en valeur les travaux et les initiatives qui relèvent d'une critique hyperbolique des lieux de formation des identités sexuelles et de genre normatives, qui déconstruisent les savoirs qui fondent et naturalisent la discipline des corps. Il est d'autant plus urgent de créer de tels espaces critiques que ceux-ci n'ont pas vraiment droit de 460 en tant que désir ambivalent et sexualité de « l'entre-deux », pourrait jouer un rôle politique pour questionner l'opposition binaire ainsi que les normes et les catégorisations identitaires qui enferment l'individu1564, notamment le désir exclusif qui fonctionne dans l'une et l'autre communauté selon « une logique d'exclusion, qui n'est autre qu'un système protectionniste »1565. Selon lui, Les témoignages ci-dessus montrent que les réalités vécues par les personnes bisexuelles bousculent et mettent en doute les classements fondés sur la pratique sexuelle ainsi que les codes basés sur la normalité reconnue par la société. À ce titre, la bisexualité permet « une interrogation sur le sens et le contenu d'une sexualité »1566 et « oigne d'une sorte de construction identitaire en direct, avec tous les doutes que cela implique »1567, comme le rappelle Catherine Deschamps, co-fondatrice de Bi'Cause, coauteure de La Bisexualité : le dernier tabou et auteure du Miroir bisexuel : une socioanthropologie de l'invisible, dans un article intitulé « Dix questions pas toujours sans réponse » publié dans le n° 1 de Bi'Cause. Les écrits des membres de Bi'Cause constituent non seulement des espaces discursifs sur la bisexualité, mais également « un outil de réflexion, un miroir pour une autre lecture du social »1568. Par ailleurs, les publications de Bi'Cause s'engagent aussi à lutter contre les préjugés. « Dix questions pas toujours sans réponse » vise notamment à dissiper les clichés en portant un regard critique sur les dix mythes les plus répandus au sujet de la bisexualité : 1. La bisexualité n'existe pas. 2. La bisexualité n'est qu'une phase de transition. 3. La bisexualité cité dans l'université française ». Bernard Andrieu, « Entretien avec Marie-Hélène Bourcier », Corps [en ligne], vol. 4, n° 1, 2008, <https://www.cairn.info/revue-corps-dilecta
-2008
-1-page-5.htm> ;
Marc Bessin et Elsa Dorlin, « Les renouvellements générationnels du féminisme : mais pour quel sujet politique? », L'Homme & la Société [en ligne], vol. 158, n° 4, 2005, <https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2005-4-page11.htm>
(
consult
é
le 24 septembre 2018). 1564 Alain Deron (dit « la mascotte »), « La bisexualité médiatrice de deux communautés », Bi'Cause – la lettre d'information, n° 2, Hiver 1997, <http://bicause.fr/bicause-la-lettre-dinformation-n-2-hiver-1997/> (consulté le 12 juin 2016). 1565 Ibid. 1566 Catherine Deschamps, « Dix questions pas toujours sans réponse », Bi'Cause – la lettre d'information, n° 1, Hiver 1996, <http://bicause.fr/bicause-la-lettre-dinformation-n-1-hiver-1996/> (consulté le 12 juin 2016). 1567 Ibid. 1568 Ibid. 461 n'est qu'une mode.
4. Les bisexuel.le.s sont incapables de se définir. 5. Les bisexuel.le.s sont des traîtres à la cause homo. 6. Les bisexuel.le.s sont incapables de choisir. 7. Les bisexuel.le.s sont forcément infidèles. 8. Les bis sont tou.te.s des obsédé.e.s sexuel.le.s. 9. Les bisexuel.le.s sont sans points de repère. 10. Les bisexuel.le.s sont ceux.celles qui transmettent le sida1569. De même, Marc, membre de Bi'Cause et auteur de « Vous êtes bisexuels? Nous aussi! » rappelle dans son article que la bisexualité « n'est pas l'effet d'un caprice de jeunesse »1570. Une personne bisexuelle n'est pas l'« hédoniste perverse incapable de trouver son équilibre dans une relation stable » qu'elle est aux yeux des hétérosexuel.le.s1571 ; ni « un gay ou une lesbienne qui n'oserait pas aller au bout de son choix », ce qu'elle est aux yeux des homosexuel.le.s1572. Il s'agit de tenir compte de la réalité des personnes bisexuelles. La publication des lettres d'information de Bi'Cause contribue également à donner une image plus nuancée et plus complexe des personnes bisexuelles. Pour les membres de Bi'Cause, la bisexualité est non seulement la capacité d'aimer et de désirer une personne peu importe son sexe biologique, mais également une « manière d'être bien »1573. Il faut aussi reconnaître le fait que chaque bisexuel.le développe sa propre modalité de pratique et son propre style de vie. 1574 Ibid. Marc, « Vous êtes bisexuels », op. cit. Ibid. Ibid. Ibid. Ibid. 462
2 - Les Manifestes : actes performatifs de l'identité
En plus de créer un espace militant de dialogue et d'échanges dans les milieux gays et lesbiens, et d'ouvrir un espace de visibilité dans la presse et les médias, la naissance de l'association Bi'Cause en 1997 permet aussi la construction d'espaces discursifs autour de l'identité, de la dignité, des droits et des devoirs des personnes bisexuelles. Ces espaces discursifs prennent notamment la forme d'un manifeste, rédigé, publié et mis à jour par les membres de Bi'Cause, dont la diffusion, par le biais des médias, de l'affichage et des flyers, lors des Marches des Fiertés à Paris et en province, permet de répandre les idées en dehors du cadre de l'association et de façonner un univers discursif sur la bisexualité dans la sphère publique. 2-1 - Le « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels » (2002)
En 2002, l'association Bi'Cause publie la première version du « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels », élaborée à partir d'un manifeste italien publié deux ans plus tôt par la Communauté bisex Italy1575. Selon Michel, membre de Bi'Cause depuis 1998 et corédacteur de la version finale du « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels », le texte a été rédigé selon un processus démocratique à partir de janvier 2002, et est essentiellement le fruit d'un travail collectif1576 : Tout d'abord, j'ai commencé par interroger les membres de l'association, pour savoir ce qu'ils voulaient mettre dans le manifeste. Et je l'ai fait de manière itérative, c'est-à-dire après chaque réunion je rédigeais un projet 1575 Kripton, « Le manifeste bi italien Identité bi », le site Web de Bi'Cause, mis en ligne le 24 octobre 2014, <http://bicause.fr/le-manifeste-bi-italien-identite-bi/> (consulté le 12 juin 2016). 1576 Propos tirés des entretiens avec Michel, le 4 août 2015 et le 26 juillet 2016, près de la gare Saint-Lazare, Paris. 463 de manifeste que je soumettais à la réunion d'après, ils m'apportaient leurs critiques, etc., et au bout de quelques réunions on a eu un ensemble d'idées qui représentaient ce que les bisexuels pensaient, et voulaient dire à travers un manifeste1577. Ce processus a duré quatre mois : à l'occasion des Bi'Causeries, qui réunissaient chaque fois une trentaine de personnes, tou.te.s les participant.e.s étaient libres de donner leur avis et de faire des commentaires pour compléter le texte. En mai 2002, au terme de la septième modification, la version tive a été validée par un comité composé de deux hommes : Michel et Sébastien, alors secrétaire de Bi'Cause, et de deux femmes membres de l'association depuis sa création1578. Le contenu du « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels » est organisé en trois parties : « De l'identité bisexuelle », « De la dignité bisexuelle » et « Des droits des bisexuel.le.s » ; une structure qui s'inspire elle aussi de celle du manifeste publié par la Communauté bisex Italy, et des propositions principales faites au sein de Bi'Cause. Publié en l'an 2000, le manifeste italien a été, pour les personnes bisexuelles italiennes, « un acte d'affirmation verbale, net, clair, sans hésitations »1579 qui leur a permis de proclamer pour la première fois leur identité, leur dignité et leurs droits en tant que bisexuel.le. C'est alors un geste sans précédent que les rédacteur.rice.s du manifeste décrivent comme suit : « lorsque les bisexuel.le.s aussi découvrent qu'ils et elles ont une tête et qu'ils et elles sont décidé.e.s à la lever »1580. Selon Kripton, porte-voix de la Communauté bisex Italy, les personnes bisexuelles ont eu besoin de dire, de demander et de crier, pour se donner un nom, se définir et trouver leur propre identité. De plus, il considère le manifeste comme « le premier pas vers l'acquisition d'une position autonome, distincte, consciente de ses limites et de ses bornes. 1577 Ibid. Propos tirés des entretiens avec Michel, le 4 août 2015 et le 26 juillet 2016, près de la gare Saint-Lazare, Paris. 1579 Bisex Italy, « Se définir, s'affirmer, demander : lorsque les bisexuel.le.s aussi découvrent qu'ils et elles ont une tête et qu'ils et elles sont décidé.e.s à la lever
. Premier manifeste
bisexuel (de l'identité, de la dignité et des droits de
la
personne bi
sexuell
e », traduit de l'Italien par Patrizia, le site Web de Bi'Cause, mis en ligne le 24 octobre 2014, <http://
bi
cause.fr/le-manifeste-bi-italien-identite-bi/> (consulté le 12 juin 2016).
1580 Ibid. 464
1578 Vers la dignité qui est propre
à
ce qui existe
»1581. Ce manifeste reflète ainsi l'aspiration et la détermination des personnes bisexuelles à créer leurs propres espaces dans un monde souvent structuré par une logique binaire qui oppose les hétérosexuel.le.s aux homosexuel.le.s. Comme déjà mentionné dans les chapitres précédents, l'invisibilité demeure une préoccupation majeure et une priorité pour la communauté bisexuelle. La version de 2002 du manifeste de Bi'Cause, tout comme le premier manifeste bisexuel italien, cherche à lutter contre l'inexistence et l'invisibilité, et à ouvrir de nouveaux espaces de parole pour les personnes bisexuelles encore muettes et invisibles dans la société. La première partie des deux manifestes est consacrée à la clarification de « l'identité bisexuelle », et vise à affirmer l'existence des bisexuel.le.s et à donner un cadre à la notion de bisexualité. Malgré ses ressemblances avec le manifeste bisexuel italien, le « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels » est d'une plus grande subtilité dans la présentation qu'il fait de la bisexualité. On note en effet que le champ de la bisexualité y est élargi. Ce manifeste précise que les personnes bisexuelles sont attirées « affectivement ou sexuellement par des personnes de tout sexe et de tout genre »1587. Autrement dit, pour les militant.e.s de Bi'Cause, en plus des hommes et des femmes, les personnes bisexuelles peuvent éprouver de l'attirance envers les personnes transgenres, genderqueer, gender-fluid, non-binaires ou intersexes. La bisexualité ne se réduit plus au fait d'éprouver une attirance sexuelle ou romantique pour « les deux sexes » ou au fait d'entretenir des relations amoureuses, sentimentales ou sexuelles avec des personnes « du même sexe et du sexe opposé », une définition classique mais relativement réductrice qui est de mise dans les années 1980-1990, et qui reste d'ailleurs prédominante, encore aujourd'hui, en dehors du milieu militant. Si, comme l'indique Prearo, la création de Bi'Cause est bien un exemple révélateur de la dynamique de division et de différenciation identitaire au sein de la communauté homosexuelle 1588, il nous faut également remarquer que l'identification bisexuelle est ellemême d'une nature hétérogène et qu'elle recouvre de multiples réalités. En plus de l'expression d'une conscience de soi et d'une subjectivité collective, le manifeste de Bi'Cause met également en exergue la reconnaissance et le respect de la liberté d'autrui, de la diversité des modes de vie et des relations au sein de la communauté bisexuelle. Ces principes font écho, en filigrane, à « La grille d'orientation sexuelle de Klein » que nous avons décrite en partie I et qui permet non seulement de comprendre l'orientation e d'une personne dans sa globalité, mais encore de mieux saisir les différentes facettes de la bisexualité. En interprétant la bisexualité « comme un phénomène multidimensionnel, et présent chez les 1586 1587 1588 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. Ibid. Massimo Prearo, Le moment politique, op. cit., p. 284. 466 individus à des degrés variables »1589, « la grille d'orientation sexuelle de Klein » devient un sujet récurrent de discussions dans la communauté bisexuelle1590. Elle gagne du terrain dans les groupes bisexuels des différents pays et entre souvent en résonance avec leurs revendications : le « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels » en est un exemple. La correspondance entre le texte du manifeste et la grille d'analyse de Klein tient tout d'abord au principe de diversité. À la multiplicité des critères de l'identification bisexuelle (attirance sexuelle, comportement sexuel, fantasmes sexuels, préférence émotionnelle, préférence sociale, préférences de vie et auto-identification)1591 proposée par Klein répond la pluralité des manières d'aimer et de vivre les relations amoureuses et/ou sexuelles, énoncée dans la première partie du manifeste « De l'identité bisexuelle » : Nous aimons vivre nos désirs, nos plaisirs, nos amours successivement ou simultanément. Nous les vivons – comme les autres – de façon permanente ou transitoire. Nous nous octroyons un large choix de possibilités sexuelles (de la virginité au multipartenariat). [] Parmi nous, certain.e.s vivent leur bisexualité comme un choix, pour d'autres, elle va de soi. Ce que nous partageons, c'est la volonté de l'assumer1592. Deuxièmement, Klein prend en compte la fluidité de l'orientation sexuelle. L'identité ou la pratique sexuelle d'une personne à un instant « t » ne correspond pas nécessairement à celle du passé ou à celle souhaitée dans le futur. L'idée d'analyser l'orientation sexuelle en tant que processus dynamique évolutif en s'appuyant sur trois repères temporels : passé-présent-idéal (avenir), transparaît également dans les propos du manifeste. Et enfin, l'une des contributions reconnues de la grille de Klein, c'est d'offrir sept paramètres pour exprimer la subtilité de l'orientation sexuelle. Cela implique que l'identité de 1589 Rommel Mendès-Leite, Catherine Deschamps et Bruno Proth, « Bisexualité », in Didier Eribon (dir.), Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Paris, Larousse, 2003, p.
. 1590 Dauphin, « Grille d'orientation sexuelle de Klein - le retour!», bisexualite.info, le 20 juillet 2012, <http://bisexualite.info/forum/viewtopic.php?f=7&t=8045&start=15> ; Bi'Cause, « Bi'Causerie du 27/02/12 : Bisexualité et pansexualité », le site Web de Bi'Cause, mis en ligne le 28 février 2012, <http://bicause.fr/bicauserie-bisexualite-et-pansexualite/> ; L'Association To Bi or not to Bi (association bisexuelle basée à Toulouse), « Qu'est-ce que la bisexualité? », le site web de L'Association To Bi or not to Bi, sans date, <https://www.to-bi-or-not-to-bi.com/quest-ce-que-la-bisexualite/> (consulté le 12 juin 2016). 1591 Fritz Klein, The bisexual option, op. cit., p.19. 1592 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. 467 l'orientation sexuelle d'un individu ne correspond pas forcément à ses attirances
sexuelles,
ses comportements
sexuels, ses fantasmes
sexuels, ses préférences
émotionnelles et sociales, ses modes de vie ou aux façons qu'il
a
de
. Une personne peut en effet s'identifier comme bisexuel.le sans nécessairement avoir de pratiques sexuelles, et il est tout à fait possible et normal qu'une personne bisexuelle n'éprouve pas d'attirance sexuelle simultanément pour l'un et l'autre sexe dans la vie réelle. Par ailleurs, le choix d'être célibataire ou abstinent n'est pas une raison pour discréditer la réalité de l'identité ou de l'orientation bisexuelle. Le manifeste de Bi'Cause rejoint ces idées en proposant une large gamme de choix possibles pour vivre la bisexualité : une façon d'être, une identification de soi ou un style de vie. Les entretiens réalisés auprès des personnes bisexuelles réaffirment aussi l'existence d'une diversité importante dans les pratiques et l'absence de règles systématiques. Ce que les bisexuel.le.s partagent, c'est la volonté d'assumer leur bisexualité et de revendiquer leur identité bisexuelle. La deuxième partie du manifeste de Bi'Cause se concentre sur « la dignité bisexuelle » et offre une perspective plus globale du militantisme bisexuel. Les membres de Bi'Cause luttent non seulement contre la biphobie, mais également contre toute hiérarchie sociale des sexes, des sexualités et des genres, imposée par les institutions et les normes sociales : Comme beaucoup de citoyen.ne.s lucides, nous remettons en cause la domination masculine et la norme hétérosexuelle prépondérante. Nous luttons contre toute hiérarchie des genres et contre l'ordre normatif masculin qui impose la marginalité aux personnes homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles et transgenres. Nous refusons également la nouvelle normativité gaie et lesbienne, qui voudrait réduire la sexualité aux deux seules catégories hétérosexuelle et homosexuelle. [] Afin de réduire les multiples difficultés (sociales, familiales, économiques entraînées par ces discriminations, nous nous élevons contre la catégorisation des comportements sexuels et affectifs décrétée par les 468 pouvoirs (religieux, médical, juridique, médiatique, etc.)1593. Et le manifeste se conclut ainsi : Par ce manifeste, nous nous déclarons solidaires de toutes les personnes dont la sexualité est injustement marginalisée, réprimée ou exploitée. Nous défendons le droit à une sexualité sans honte, sans rejet, sans violence. Respectant chacune et chacun dans sa différence, nous, bisexuel.le.s, luttons pour la liberté de toutes et de tous1594. Cet esprit de solidarité et d'ouverture aux autres permet de nouer une alliance stratégique entre les personnes bisexuelles et avec d'autres groupes opprimés et discriminés dans la société, surtout ceux et celles qui se définissent également au-delà de la binarité hétérosexuel.le-homosexuel.le ou homme-femme. Ces déclarations ne sont pas que des discours ou des arguments rhétoriques. Les associations et les groupes comme, par exemple, l'association Prévention Action Santé Travail pour les Transgenres (PASTT)1595, l'Association pour la Visibilité Asexuelle1596 et le Collectif Non Binaire1597, font partie des invité.e.s des Bi'causeries pour présenter leurs projets et actions, partager et échanger leurs avis sur la bisexualité avec les membres adhérents ou sympathisants de Bi'Cause. Par ailleurs, Bi'Cause participe chaque année aux rassemblements et manifestations qui soutiennent la lutte contre toutes les discriminations et violences fondées sur le sexe, sur l'orientation sexuelle, l'identité de genre, l'expression du genre ou les caractéristiques sexuelles, parmi lesquels les marches pour les droits des femmes, L'Existrans (la marche des personnes trans et intersexes) et la marche contre le SIDA. Cette coalition faite de collaborations avec d'autres groupes marginalisés, stigmatisés ou exclus, aide à promouvoir la cause bisexuelle et, en même temps, à augmenter la visibilité et la compréhension des personnes bisexuelles dans les milieux militants. De plus, pour permettre à chacune et à chacun de vivre sa bisexualité sans être
1595 1596
1597
Ibid
. Ibid.
Bi'causerie « Bi'Cause
reçoit
le
PASTT » du 13 octobre 2014.
Bi'causerie « Bi'
Cause
reçoit
l'Association pour la
Vis
ibilité
A
sexuell
e » du 22 avril 2019. Bi
'
causerie « LGBTQIA
+ et non
binarité
» du
24 juin 2019.
469 stigmatisé.e, cette
deuxième partie
du manifeste
propose non seulement d'améliorer la visibilité de Bi
'Cause
, mais aussi de dégager et de valoriser des m
odèle
s d'identification positifs pour les personnes bisexuelles1598
. Selon le rapport de l'enquête nationale sur la bisexualité réalisée en 2015 – qui compte plusieurs membres de Bi'Cause parmi ses acteur.rice.s1599 –, les personnalités bisexuelles nommées par les personnes interrogées sont principalement des étranger.ère.s. En France, les coming-out de célébrités lesbiennes ou gays sont déjà rares ceux de bisexuel.le.s sont quasiment invisibles1600. Le chapitre III de ce rapport, « À la recherche de la licorne », réussit néanmoins à citer, en plus de personnalités étrangères comme l'actrice et réalisatrice américaine Angelina Jolie et l'auteur-compositeurinterprète américain Frank Ocean, deux personnalités bisexuelles françaises : l'écrivaine Violette Leduc et l'auteur-compositeur-interprète Étienne Daho 1601. De même, pour reconnaître l'existence des personnes bisexuelles et lutter contre l'oubli et l'effacement de la bisexualité dans l'histoire, des figures bisexuelles dans différents domaines culturels et artistiques ont été proposées de temps à autre par Bi'Cause comme point de départ thématique des « Bi'causeries » : entre autres, « Violette Morris, histoire d'une scandaleuse » discussion animée par l'historienne Marie-Josèphe Bonnet le 11 octobre 20111602 ; « George Sand, Marie Dorval ou le scandale de la Liberté? » animée par l'écrivaine Valérie Baud le 22 septembre 20141603 ; « Oscar Wilde icône, hier et aujourd'hui » animée par Dominique Vibrac le 8 avril 20191604. En outre, Bi'Cause se consacre à promouvoir et à mettre en valeur les artistes et les écrivain.e.s parmi ses membres adhérents en favorisant la diffusion des informations relatives
1598 Ibid. SOS homophobie, Le
Mag jeunes
LGBT, Bi
'Cause
et Act
Up-Paris
, Enquête nationale sur, op. cit. 1600 Ibid. 1601 Ibid. 1602 Marie-Jo Bonnet, « Conférences-débat-signatures sur Violette MORRIS », La page de Marie-Jo Bonnet, le 2 novembre 2011, <https://mariejobon.net/category/homosexualite/page/3/> (consulté le 12 juin 2019). 1603 Bi'Cause, « Bi'Causeries », le site Web de Bi'Cause, sans date, <http://bicause.fr/lassociation-bicause/lesactivites-de-lassociation-2/bicauseries/> (consulté le 12 juin 2019). 1604 Bi'Cause, « 2019 en quelques dates », le site Web de Bi'Cause, le 21 janvier 2019, <http://bicause.fr/2019en-quelques-dates/#8_avril_BiCauserie_avec_Dominique_Vibrac_Oscar_Wilde_icone_hier_et_aujourdhui> (consulté le 12 décembre 2019).
1599 à leur production littéraire et artistique. Quelques exemples : les concerts et les sorties d'albums de Jann Halexander depuis 2003 ; les expositions de peintures de Christophe Beraet depuis 2016 ; la publication de Mon amie Gabrielle, le premier roman de Cordélia en 2017 ; la publication de Possibles, le premier roman de Valérie Baud en 20191605. La troisième et dernière partie du manifeste de Bi'Cause revendique les droits des personnes bisexuelles dans différents domaines de la vie individuelle et sociale. Comparé au premier manifeste bisexuel italien, celui de Bi'Cause ne traite pas la bisexualité comme un simple questionnement personnel, mais la situe dans un contexte socio-culturel plus vaste. Insistant toujours sur le respect des différences de chacun.e, le texte défend la liberté de « pouvoir vivre nos inclinations affectives ou sexuelles sans avoir à les justifier »1606 et de « pouvoir fonder la famille de notre choix (célibat, couple, multipartenariat) et dans tous les cas de voir reconnu notre rôle éventuel de parent »1607. Par ailleurs, le texte réclame des espaces pour exprimer, échanger et partager des expériences avec d'autres personnes bisexuelles. La formation de l'association Bi'Cause a justement permis l'émergence et la multiplication de ces espaces : par exemple les rendez-vous mensuels comme les soirées Bi'envenues, les Bi'Causeries et les dîners B.I.P1608. En outre, la publication de divers journaux de l'association, sous forme papier ou électronique, de Bi'Cause en 1996 à Bi'llet + Pan'carte en 20191609, a mis en place des espaces de parole et d'expression au sein de la communauté bisexuelle. À la fin du manifeste, les membres de Bi'Cause appellent les médias ainsi que les institutions éducatives et sanitaires, à reconnaître « l'existence des bisexuel.le.s au même titre 1605 Ces informations sont recueillies des lettres d'information envoyées par l'association Bi'Cause à ses adhérent.e.s.
1606 Bi'Cause, « Manifeste français
des
», op. cit
. 1607 Ibid. 1608 Bi'Cause, « Agenda », le site Web de Bi'Cause, <http://bicause.fr/lassociation-bicause/les-activites-delassociation-2/agenda/> (consulté le 12 juin 2019). 1609 Bi'Cause, « Publications », le site Web de Bi'Cause, sans date, <http://bicause.fr/lassociationbicause/publications/> (consulté le 12
juin 2019). 471
que celle des hétérosexuel.le.s et des homosexuel.le.s »1610 et à traiter « la bisexualité avec le même respect et la même importance que l'hétérosexualité et l'homosexualité »1611, à l'appui du fait que, comme indiqué précédemment, depuis les années 2000, les témoignages et les récits de vie des personnes bisexuelles se multiplient dans la presse à la fois homosexuelle et généraliste. Les interventions actives des es de Bi'Cause dans la presse et les médias, spécialisés aussi bien que grand public, tels que Têtu, Les Inrockuptibles, Libération, 20 minutes et France Inter1612, montrent notamment que les bisexuel.le.s existent et qu'ils vivent selon toute une gamme de pluralités et de différences. Il n'existe pas une forme unique de bisexualité, mais des personnes bisexuelles de tout genre. Ainsi, la bisexualité est non seulement progressivement reconnue comme une orientation sexuelle assumée et une identité socio-sexuelle à part entière, mais aussi comme un spectre de diversité sexuelle. La définition de la bisexualité devient plus extensive et ouverte à de multiples interprétations. Par ailleurs, en plus de favoriser la représentation de l'identité bisexuelle et de lutter contre la biphobie dans la presse et les médias, informer et prévenir sur le SIDA et les IST fait partie des objectifs prioritaires de Bi'cause1613. 2-2 - Le « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels » (2007)
Cinq ans après la parution de la première version du « Manifeste français des bisexuelles et des bisexuels » en 2002, un nouveau comité de rédaction composé de quatre membres – Éric et Nicolas, alors secrétaires de Bi'Cause, et deux membres de l'association, Michel et Frédéric –,
s'est réuni en 2007 pour perfectionner
le texte du
manifeste. On note d'
abord que
dans
la
pre
mière
partie intitul
ée «
De
l'
identité
bisexuelle », la notion de diversité
est davantage privilégiée
et
mise en avant : «
La
bi
sexualité
a toujours existé
. Elle
existe
parce que nous, bisexuel.le.s, dans notre diversité, déclarons l'
être
»1615. Si nous devions retenir un mot clé pour résumer les personnes bisexuelles, ce serait évidemment celui de « diversité » : la diversité de leurs profils, de leurs parcours, de leurs pratiques et de leurs expériences. Comme mentionné précédemment, l'identité bisexuelle est elle-même une identité basée sur la diversité et non sur l'uniformité. De plus, selon Michel, l'un des rédacteurs du manifeste, le texte de la version de 2007 introduit la préoccupation de la dimension familiale et de la parentalité des personnes bisexuelles, tout en conservant la structure originelle et l'esprit féministe de la version de 20021616. Avant même la légalisation du mariage pour tous en France, en 2013, le texte du 1614 Bi'Cause, « Manuel d'information contre les IST (Infections Sexuellement Transmissibles) », le site Web de Bi'Cause, sans date, < http://bicause.fr/bi-pan-et/sante-prevention/manuel-information-contre-les-ist/>
(
consulté le 12 juin 2019
).
1615 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. 1616 Propos tirés des entretiens avec Michel, le 4 a
2015 et le 26 juillet 2016, près de la gare Saint-Lazare, 473 manifeste présentait un caractère progressiste en élargissant le concept de la parentalité traditionnelle et en le complétant au moyen de différents modèles de relations d'alliance et de filiation. En plus de « pouvoir fonder la famille de notre choix (célibat, couple, multipartenariat) sans avoir à sacrifier notre bisexualité » 1617 les membres de Bi'Cause réclament le droit de voir reconnu leur rôle de parent, d'une part, mais également de « beau parent, parrain, éducateur »1618. Cette proposition reflète la multiplicité et l'inventivité des modes de parenté possibles dans la société contemporaine – des modes qui prennent en compte la création des liens entre les individus au sein des familles recomposées, adoptantes homoparentales ou pluriparentales1619. En outre, la version de 2007 du manifeste contient une partie supplémentaire « Des devoirs des bisexuel.le.s », en fin de texte. Pour bénéficier des droits, il faut rendre les devoirs correspondants. Cette partie précise comment les personnes doivent assumer leurs responsabilités à l'égard de leurs proches et de la société : « comme dans toute relation affective, nous devons le respect à nos partenaires. Cela oblige, au sein du groupe affectif ainsi constitué, à construire des valeurs/repères acceptées par tous »1620. Cette déclaration suggère non seulement qu'il existe, en plus du mariage, des modèles alternatifs de couples et une variété de manières de vivre les relations amoureuses, romantiques et sexuelles parmi les personnes bisexuelles, mais aussi que la fidélité conjugale, ou l'exclusivité sexuelle et/ou affective, n'est plus un dogme. Les entretiens réalisés auprès de plusieurs membres de Bi'Cause permettent de constater que la « relation ouverte » et la « polyamorie » sont deux pratiques remettant en cause le régime de la monogamie hétéronormatif, considéré comme au Paris.
1617 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. 1618 Ibid. 1619 François Provansal, « Filiation et parentalités aujourd'hui. Chronique d'un groupe de travail psychanalytique », Empan [en ligne], n° 100, 2015/4, <https://www.cairn.info/revue-empan-2015-4-page74.htm> (consulté le 9 juin 2017). 1620 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. 474 fondement des sociétés modernes1621 et de la civilisation juridique européenne1622. Selon Nadine Cattan et Stéphane Leroy, chercheur.se.s en géographie du genre et de la sexualité, polyamour et polyfidélité sont des termes apparus durant les années
. Ces pratiques peuvent être considérées comme un nouveau code amoureux pour vivre librement la sexualité et les relations intimes : [Polyamour et polyfidélité] [] prônent des relations sentimentales assumées avec plusieurs partenaires simultanément. L'un ne vient pas chasser l'autre, mais s'y ajoute au nom du principe de l'amour partagé et non exclusif. Les relations polyamoureuses sont fondées sur un attachement sentimental et le respect et la fidélité des engagements pris envers tous les partenaires. Ces pratiques amoureuses instaurent une égalité entre les hommes et les femmes, car les relations sont librement consenties avec un principe de liberté et de non-possession réciproque1623. Cette explication montre, certes, que la polyamorie offre un mode de vie fondé sur des principes différents du modèle monogame typique, mais que cette pratique se distingue de la polygamie, qui est le plus souvent un avatar de la domination masculine1624. 1621 Nadine Cattan et Stéphane Leroy, Atlas mondial des sexualités : libertés, plaisirs et interdits, Paris, Éditions Autrement, 2013, p. 15. 1622 Patrice Hilt, Le couple et la convention européenne des droits de l'homme : analyse du droit français, Aixen-Provence, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2004, <http://books.openedition.org/puam/1212> (consulté le 9 juin 2017). 1623 Nadine Cattan et Stéphane Leroy, Atlas mondial des, op. cit., p. 15. 1624 Id., p. 14. 475 2-3 - Le « Manifeste des personnes bisexuelles et pansexuelles » (2017) En 2017, le manifeste de Bi'Cause a été réactualisé à l'occasion des vingt ans de l'association, afin d'y inclure les personnes s'identifiant comme pansexuelles1625. La première partie « De nos identités » du « Manifeste des personnes bisexuelles
et pansexuelles
» définit
les
bi
sexuel
.
le.s
comme des personnes qui sont attirées
«
affect
ivement
et/ou
sexuellement
par
des
personnes de tout
e
identité de
genre » 1626, alors que les pansexuel.le.s
sont
att
irées affectivement
et/ou sexuellement par des personnes « sans considération de genre
»1627. Pourtant, il n'existe pas, dans la plupart des cas, de différences tranchées entre les bisexuel.le.s et les pansexuel.le.s
au niveau de l
'
expérience effective. Certes, « bi » signifie « deux », alors que « pan » veut dire « tous » en grec. Mais contrairement aux clichés portés par certains médias, un.e bisexuel.le n'aime pas « seulement les hommes et les femmes » 1628. Les personnes bisexuelles, tout comme les personnes pansexuelles, peuvent tomber amoureuses des hommes, des femmes, des travesti.e.s, des transgenres, des personnes non-binaires, sans genre ou autre. La clé de la distinction réside en grande partie dans les divergences des points de vue en matière de genre 1629 : pour les bisexuel.le.s, il y a une « différence » dans l'attirance qu'elles éprouvent pour les individus selon leur sexe et leur genre, tandis que, pour les pansexuel.le.s, le sexe biologique et le genre des individus ne constituent en aucun cas un critère de distinction ou de préférence. Les récents coming-out des chanteuses Miley Cyrus, Christine and the Queens, et Janelle Monae, 1625 Bi'cause, « Manifeste des personnes bisexuelles et pansexuelles », Site Web de l'association Bi'Cause, 2017, <http://bicause.fr/wordpress/wp-content/uploads/2013/01/Manifeste-BiCause-Mise-en-page-2017.pdf> (consulté le 11 mars 2018).
1626
Ibid. 1627 Ibid. 1628 Hélène Demarly, « Miley Cyrus, Christine and the Queensces stars pansexuelles », Les News d'Orange [en ligne], sans date, <https://tendances.orange.fr/people/news-people/article-miley-cyrus-christine-and-the-queensces-stars-pansexuelles-CNT000000vcxf7/photos/-203fe9ad989d68c171038dd5131f8154.html> ; A. S., « Qu'estce que la pansexualité, dont se revendique la chanteuse Janelle Monae? », Le Parisien [en ligne],
1629 Silvius, « Bisexualité et pansexualité », op. cit.
476 entre 2015
et 2018, par
exemple, montrent que les personnes pansexuelles préfèrent insister sur le fait que
leur choix porte sur
l'individu
et qu'elles sont attirées de la même façon quel que soit le sexe/genre de la personne1630
. Néanmoins, comme évoqué dans les chapitres précédents, certaines personnes bisexuelles partagent la même vision sur la sexualité que les personnes pansexuelles. Il convient de rappeler que ces définitions sont théoriques. En pratique, chaque personne vit son orientation sexuelle de façon différente. Le choix de s'identifier en tant que bisexuel.le ou pansexuel.le et les raisons de ce choix sont souvent diverses et personnelles. Comme l'indique Flora Bolter, co-directrice de l'Observatoire LGBT+ de la Fondation Jean-Jaurès et ancienne co-présidente du Centre LGBT Paris-Île-de-France, dans un entretien au magazine Elle : « la question des ''étiquettes'' est un faux problème : la manière dont chaque personne vit son orientation sexuelle et son identité de genre relève de l'intime et les mots que chacun ou chacune emploie pour se décrire sont à respecter »1631. Silvius, auteur du blog « Le Biplan » et membre de Bi'Cause, suggère aussi que, plutôt que de pointer les différences entre la bisexualité et la pansexualité, il s'agit de synthétiser leurs points communs. Selon lui, les personnes bisexuelles et pansexuelles mènent le même combat en remettant en cause la binarité de la monosexualité : Ce qui compte avant tout, c'est de faire comprendre à tout le monde que la « monosexualité » [] n'est pas le seul type de sexualité qui existe, et qu'
on
peut
être ailleurs que dans le « tout un ou tout autre » exclusif. Toutes sortes de
gens se sentent rég
ulièrement attirés par des personnes de tout sexe et de tout genre ; pour certains les catégories habituelles de genre comptent, tandis que d'autres ne se sentent pas du tout conditionnées par cela dans
leur
attirance
et leurs sentiments []
1632.
1630 Elodie Petit, « Miley Cyrus : ''Ma première relation, c'était avec une fille'' », Elle [en ligne], sans date, <https://www.elle.fr/People/La-vie-des-people/News/Miley-Cyrus-Ma-premiere-relation-c-etait-avec-une-fille3324739> ; La rédaction de FranceSoir.fr., « Janelle Monae dit être pansexuelle, mais qu'est ce que c'est? », France-Soir [en ligne], le 30 avril 2018, <http://www.francesoir.fr/culture-celebrites/janelle-monae-dit-etrepansexuelle-mais-est-ce-que-est> (consulté le 9 juin 2018). 1631 Arthur OEuvrard-Savouret, « 4 choses à savoir sur la pansexualité », Elle [en ligne], sans date, <https://www.elle.fr/Love-Sexe/Sexualite/Dossiers/Pansexualite-2980841> (consulté le 9 juin 2018). 1632 Silvius, « Bisexualité et pansexualité », op. cit. 477 Le nouveau manifeste annonce ainsi, au début de « De nos identités » : « nos identités ne sont ni plus dignes ni moins dignes que les identités monosexuelles »1633. On note que ce combat commun contre la norme
monosexuell
e
des
personnes
bisexuell
es et pansexuelles trouve son support jurisprudentiel
dans la Résolution 1728 adoptée le 29
avril 2010
par l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe1634, qui reconnaît la bisexualité au même titre que l'hétérosexualité et l'homosexualité. On note aussi que ce n'est pas seulement un combat contre la biphobie et la panphobie, mais avant tout une lutte collective et solidaire contre toute discrimination et contre toute violence en lien avec les orientations sexuelles et/ou affectives et les identités de genre non conformes à l'ordre normatif. Par rapport aux versions de 2002 et de 2007, le « Manifeste des personnes bisexuelles et pansexuelles » publié en 2017 se veut plus inclusif encore et, en plus des personnes asexuelles, transgenres et intersexuelles, les personnes « non binaires », « queer » et même celles encore « en questionnement », sont mentionnées comme des alliées dans cette lutte contre l'exclusion. En raison de la plus large diffusion de l'information via Internet, un glossaire des expressions de la communauté LGBTQIA+ anglophone a été traduit pour montrer l'étendue et la fluidité de l'identité et de l'orientation sexuelle. La désignation et l'usage de ces récentes identités, contribuent non seulement à rendre visibles ceux et celles qui se positionnent en dehors du cadre binaire de la différence sexuelle, mais aussi à « [montrer] à l'évidence une critique des catégories sociosexuelles et de l'hétéronormativité, de l'enfermement identitaire trop rigide »1635, selon le 1633 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. L'article 1 de la Résolution 1728 de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe relative à la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre, votée le 29 avril 2010 : « L'Assemblée parlementaire rappelle que l'orientation sexuelle est une fraction profonde de l'identité de chaque être humain et qu'elle englobe l'hétérosexualité, la bisexualité et l'homosexualité. L'Assemblée appelle également que l'homosexualité est désormais dépénalisée dans tous les États membres du Conseil de l'Europe. L'identité de genre désigne l'expérience intime et personnelle de son genre telle que vécue par chacun. Une personne transgenre est quelqu'un dont l'identité de genre ne correspond pas au genre qui lui a été assigné à sa naissance. » La rédaction de FranceSoir.fr., « Janelle Monae dit être pansexuelle, mais qu'est ce que c'est? » Site de l'Assemblée Parlementaire, le 29 avril 2010, <http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTMLFR.asp?fileid=17853&lang=FR> (consulté le 9 juin 2018).
1635 Daniel Welzer-Lang, « Le gueuloir bi ou comment la biphobie vient aux gais », in Christophe Bareille (dir.), Homosexualités : révélateur social, Paris, PURH, 2010, p. 91. 478 1634 sociologue Daniel Welzer-lang. Si l'identité est déterminante, elle n'est pas déterminée. Toute la diversité des expressions de la sexualité et du genre ne saurait être parfaitement rangée dans une case figée et réductrice. Ce nouveau manifeste de Bi'Cause cherche aussi à répondre à l'évolution des mentalités et aux nouveaux comportements sexuels qui ont émergés au cours de la dernière décennie, et à intégrer la pluralité et la diversité des situations que rencontrent les personnes bi, pan et + aujourd'hui. Comme exposé dans les chapitres précédents, depuis les années 2010, la bisexualité est présentée dans les médias, notamment la presse féminine, tantôt comme un phénomène de mode, tantôt comme une tendance forte au sein de la jeune génération. La mise à jour du texte en 2017 permet de nuancer le traitement superficiel et généralisant de la question, en précisant que les identités bisexuelle et pansexuelle « représentent nos êtres et notre rapport au monde, et non un effet de mode »1636. De plus, un autre phénomène remarquable depuis les années 2010, est la diffusion d'une multitude de termes pour désigner les nuances de l'amour et de la sexualité humaine, ainsi que l'émergence de nouvelles communautés d'identités sexuelles et de genre non binaires grâce à Internet. Selon Léa M, écrivaine et co-fondatrice du Cercle B de l'association MAG Jeunes LGBT1637, les sites, les blogs, les forums permettent aux minorités longtemps ignorées et mal représentées dans la communauté LGBTQIA+ – notamment les personnes trans, non-binaires et asexuelles –, d'échanger autour d'identités et de parcours personnels, et de se constituer en groupe à la fois dans le monde virtuel et dans la vraie vie1638. L'association AVA (Association pour la Visibilité Asexuelle), la première association asexuelle de France créée en 2010 1639, soutient que « l'asexualité est une orientation sexuelle,
tout comme 1636 Bi'Cause, « Manifeste français des », op. cit. Léa Marie et Charly Demay, « Ouverture du Cercle B », sans date, <https://www.magjeunes.com/2015/ouverture-cercle-b> (consulté le 11 janvier 2020). 1638 Léa Marie, « Yagg, le média », op. cit. 1639 Ibid. 479
1637 l'hétérosexualité, l'homosexualité, la bisexualité et la pansexualité » 1640. L'asexualité est caractérisée par le fait qu'un individu ne ressent d'attirance sexuelle pour personne1641. L'association Arobase (Association pour la promotion et la visibilité de l'aromantisme) précise que « l'aromantisme est une orientation romantique définie par l'absence d'attirance romantique » terme 1642 pour d'autres personnes. Néanmoins, il faut noter que tout comme le « bisexualité », l'« asexualité » et l'« aromantisme » sont tous deux des termes « parapluie » qui recouvrent divers degrés d'attirances qui se déclinent sur tout un spectre. Parmi les identités du spectre de l'asexualité, il y a des personnes qui ne ressentent pas d'attirance sexuelle mais qui éprouvent de l'attirance romantique en fonction du genre des personnes. personnes Elles peuvent « hétéroromantiques », alors se considérer « homoromantiques », comme « biromantiques », des « pan- romantiques », etc.1643. De même, sur le spectre de l'aromantisme, il existe plusieurs variantes, telles que : les personnes « demiromantiques », qui ne ressentent de l'attirance romantique qu'après avoir lié un lien émotionnel fort ; ou les personnes « grayromantiques », qui, elles, ne ressentent que très rarement de l'attirance romantique1644. L'association Arobase explique aussi qu'être aromantique ne présume en rien de l'orientation sexuelle. Une première enquête réalisée en 2018 montre que sur les 197 personnes aromantiques interrogées, âgées de 16 à 30 ans, 84,8 % se placent sur le spectre de l'asexualité ; 11,2 % se déclarent hétérosexuel.le.s ; 6,6 % se déclarent homosexuel.le.s et 47,2 % se déclarent bisexuel.le.s1645. Dans cette société de consommation où le sexe est omniprésent et libéré de toute contrainte, et où l'amour romantique est mythifié à outrance dans les médias, le cinéma, la 1640 AVA (Association pour la Visibilité Asexuelle), « En quelques mots Asexualité? », sans date, <http://www.asexualite.org/> (consulté le 11 janvier
2020). 1641 Cf. AVA (Association pour la Visibilité Asexuelle), « Asexualité », sans date, <http://www.asexualite.org/asexualite/> (consulté le 11 janvier 2020). 1642 L'association Arobase, « L'aromantisme et les revendications de la communauté aromantique », 2019, <https://aromantisme.org/doc/trac_aro_-_201918022257-1.pdf> (consulté le 11 janvier 2020). 1643 Asexualité-s, « FAQ orientations romantiques », sans date, <https://asexualite.wordpress.com/orientationsaromantiques/> (consulté le 11 janvier 2020). 1644 L'association Arobase, « L'aromantisme et les », op. cit. 1645 Ibid. 480 mode, etc., les revendications récentes des personnes asexuelles et aromantiques marquent une inflexion et une distance par rapport aux normes et aux valeurs dominantes. Leur existence révèle qu'il n'est pas obligatoire de s'engager dans des relations sexuelles et/ou romantiques pour vivre dans la normalité et s'épanouir. Les termes « virginité » et « abstinence » ne recouvrent que des connotations à la fois sexuelles et religieuses, alors qu'aujourd'hui, la pratique sexuelle n'est plus considérée comme un critère de classification pertinent dans la réflexion et la construction de l'identité. La rédaction des différentes versions du manifeste de Bi'Cause permet la production d'espaces discursifs sur la bisexualité et la pansexualité. Les textes du manifeste sont non seulement connus par les membres de l'association, mais aussi largement partagés et diffusés sur Internet dans les reportages sur Bi'Cause ou les entretiens avec ses militant.e.s1647, ce qui facilite la reconnaissance et la compréhension des personnes bisexuelles au sein et en dehors du milieu LGBTQIA+. Aussi ne doivent-ils pas seulement être considérés comme une déclaration dans laquelle les bisexuel.le.s et les pansexuel.le.s explicitent leur programme d'action, leur prise de position, leurs objectifs et leurs valeurs, mais aussi comme un « acte performatif »1648. En plus d'appeler à l'action et au rassemblement, le manifeste s'érige luimême comme une nouvelle forme d'action et opère lui-même ce rassemblement. Le
1646 Bi
'Cause, « Manifeste
français des »,
op.
cit. Sandra, « Bisexuels, les oubliés du débat », Agoravox, le média citoyen, le 17 décembre 2012, <https://
www
.agoravox.fr/tribune-libre/article/bisexuels-les-oublies-du-debat-127600> ; Anonyme, « Bisexualité, une identité », op. cit. ; Renan Benyamina, « La bisexualité sort du placard », Hétéroclite, le 14 octobre 2015, <http://www.heteroclite.org/2015/10/journee-de-la-bisexualite-26424>
(
consulté le 12 juin 2016). 1648 Serge Margel, « Le temps du manifeste », in Margel dir., dossier « Le manifeste. Entre littérature, art et politique », Revue Lignes n° 40, février 2013, <https://www.editions-lignes.com/LE-MANIFESTE-ENTRELITTERATURE-ART.html> (consulté le 12 juin 2016).
philosophe Serge Margel souligne bien l'aspect performatif du manifeste : Les manifestes, [] inventent une action spécifique que l'on nomme « collectif ». [] Sans la capacité, ou le pouvoir d'énoncer un discours qui « dit » le collectif, qui le nomme, le signifie, le montre, le situe, le démarque aussi, lui donne un espace et un temps, l'inscrit dans une écriture de l'histoire, sans ce pouvoir manifestaire du discours donc, aucun collectif n'aurait été possible. Autrement dit, sans manifeste, aucun collectif n'aurait acquis cette force discursive de légitimation, littéraire et artistique, sociale et politique, qui lui permet tout à la fois de s'inscrire dans son histoire, son époque, son temps, et de rompre avec son propre contexte socio-historique. F - La création des « espaces bisexuels » dans la capitale
Comme cela a déjà été signalé dans l'introduction et au début de ce chapitre, de 1649 Ibid. 482 nombreuses études scientifiques ont prouvé que l'urbanisation facilite l'expression de la diversité sexuelle et du genre, notamment par le biais des espaces et des cultures homosexuels. Néanmoins, la bisexualité, la pansexualité et toutes les autres formes d'orientations sexuelles, dites périphériques ou en marge, dans l'espace urbain, restent encore une problématique peu traitée qui mérite d'être approfondie. Pour ce faire, revenons donc aux questions initiales : existe-il des espaces bisexuels dans la ville? Une histoire de la bisexualité dans le contexte urbain est-elle possible? Depuis plus de vingt ans d'existence et de combat dans les milieux LGBTQIA+, l'association Bi'Cause contribue non seulement à construire des espaces discursifs autour de l'identité, de la dignité, des droits et des devoirs des personnes bisexuelles et pansexuelles à travers ses lettres d'information et son manifeste, mais aussi à créer des espaces d'échanges, de sociabilité et de solidarité, à la fois parmi ses membres adhérents et sympathisants, et entre ces derniers et les autres groupes militants, qu'ils soient LGBTQIA+ ou non. Selon le calendrier de Bi'Cause, les rendez-vous mensuels de l'association correspondent principalement à quatre types d'événements : ● Les soirées Bi'envenue (dernier jeudi de chaque mois) : La Bi'envenue est un temps d'accueil, d'échange, d'expression, d'information, sans thème défini à l'avance. Cette rencontre informelle est ouverte aux adhérent.e.s et sympathisant.e.s, nouveaux et nouvelles venu.e. s, ami.e.s et allié.e.s, et à ceux et celles qui veulent en savoir plus sur l'association Bi'Cause et sur la cause bisexuelle1650. Les participant.e.s sont accueilli.e.s par au moins deux membres de Bi'Cause. 1650 Informations recueillies sur les lettres d'information destinées aux membres de Bi'Cause, sur le tract « Calendrier 2018 » et sur le site Web de l'association : Bi'cause, « Les activités de l'association », le site Web de Bi'Cause, sans date, <http://bicause.fr/lassociation-bicause/les-activites-de-lassociation-2/> (consulté le 11 mars 2018). 483 ● Les Bi'Causeries (deuxième et quatrième lundi de chaque mois) : La Bi'Causerie est un débat ou un exposé organisé autour d'un thème annoncé à l'avance relevant de la « culture bi et pan » ou en rapport avec la sexualité en général. Elle est ouverte aux adhérent.e.s et sympathisant.e.s, ami.e.s et allié.e.s, ainsi qu'à ceux et celles qui s'intéressent à l'univers bisexuel, pansexuel et plus1651. ● Les dîners BIP (troisième vendredi de chaque mois) : Le dîner BIP « Bisexual Important Persons » est un dîner réservé aux membres adhérents de Bi'Cause pour leur permettre de faire plus ample connaissance lors d'une rencontre amicale et gourmande dans un restaurant chaque fois différent1652. ● Le Conseil d'administration (premier mercredi de chaque mois) : Les réunions du conseil d'administration sont les réunions de l'exécutif de Bi'Cause, qui ont lieu au Centre LGBT Paris-ÎdF. C'est l'occasion pour les membres du CA de développer les actions et les projets de l'association. Les membres adhérents peuvent assister aux réunions pour participer aux débats, proposer de nouveaux projets, donner leur avis, faire des suggestions, ou partager leurs savoirs et leur enthousiasme1653. En plus des rendez-vous mensuels, Bi'Cause propose d'autres initiatives ponctuelles hors du Centre LGBT Paris-ÎdF, entre autres : des soirées dansantes au Tango - La Boîte à frissons, une boîte de nuit aux allures de vieux dancing populaire ouverte dans le Marais depuis 1997 et surtout connue pour ses bals LGBT des vendredis et samedis soirs1654 ; des
1651
I
bid
.
Ibid
.
1653
Ibid
. 1654
Le Tango - La Boîte à frissons se trouve au 13 Rue au Maire, 75003 Paris. La Boîte à Frissons, « Présentation », La Boîte à frissons, sans date, <https://www.boite-afrissons.fr/tango/presentation.htm
> (
consult
é le
12
ja
nvier 2020). 484
1652 sorties au cinéma sur le thème LGBTQIA+ lors de projections de films organisées par le cinéclub « Le 7e genre » au cinéma Le Brady ; des concerts de Jann Halexander au bar à concerts Au Magique dans le 14ème arrondissement et dans d'autres théâtres parisiens ; des visites culturelles au Musée de l'érotisme et autour du cimetière de Montparnasse ; des pique-niques d'été ; des randonnées urbaines, etc. En outre, pour exprimer sa solidarité envers la communauté LGBTQIA+, tout en renforçant la visibilité bisexuelle et pansexuelle, Bi'Cause participe chaque année aux actions interassociatives suivantes : les Marches des Fiertés à Paris et en province, la Marche ExisTrans, la marche pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars, la marche pour la Journée mondiale de lutte contre le SIDA du 1er décembre, et les manifestations pour la Journée IDAHOT / IDABLHOT (La Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie / La Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie, la lesbophobie et la biphobie) 17 mai et pour la Journée internationale de la bisexualité du 23 septembre1655. Les activités et les événements organisés par Bi'Cause à Paris révèlent que les espaces bisexuels existent bel et bien au même titre que les personnes bi, pan et + dans la ville. S'ils semblent moins visibles et moins connus que les établissements gays du Marais et quelques bars lesbiens cités sur le site officiel de l'Office du Tourisme et des Congrès de Paris : La Mutinerie, Le Bar'ouf, le 3W Kafé et La Champmeslé1656, c'est sans doute dû au fait que les normes sexuelles et sociales constituent un point aveugle de notre conscience qui nous empêche de voir et de reconnaître cette réalité. 1 - Les soirées Bi'envenue 1655
1656 Bi'cause, « Les activités de », op. cit. Office du Tourisme et des Congrès de Paris, « Bars et clubs », op. cit. 485
Les soirées Bi'envenue se tiennent tout d'abord au Centre Gai et Lesbien de Paris1657 et dans les bars du même quartier, comme L'Indiana Jones1658, le Vingt Keller1659, rue Keller, et le Pop'in 1660, rue Amelot, dans le 11ème arrondissement. Selon les informations de Vincent/Viktoria et Nicolas/Gabriel.le, tou.te.s les deux bisexuel.le.s, transgenres et ancien.ne.s président.e.s de Bi'Cause, ces soirées informelles pour accueillir les nouveaux.elles arrivant.e.s se sont également tenues à La Petite Vertu, un resto-bar situé au 15 Rue des Vertus dans le 3ème arrondissement et fréquenté par une clientèle majoritairement gay et lesbienne, mais où les personnes bisexuelles étaient également bien accueillies1661. Après la fermeture brusque et définitive de La Petite Vertu en 2009, ces soirées se sont déplacées au Club Banana Café, Au Coeur Couronné1662, à La Venus noire et plus récemment au Pub Le Klein1663, à l'EP7 Guinguette Numérique et Gourmande1664 et au Maximilien1665 (Fig. 3-1-1). 1657 Bi'Cause – la lettre d'information, n° 1, Hiver 1996, p. 3, <http://bicause.fr/wordpress/wpcontent/uploads/2020/01/BiCause-lettre-information-hiver-96-n%C2%B01.pdf> (consulté le 12 juin 2019). 1658 L'Indiana Jones se situe au 21 rue Keller, 75011 Paris. Bi'Cause – la lettre d'information, n° 2, printemps 1997, p. 3, <http://bicause.fr/wordpress/wp-content/uploads/2020/01/BiCause-lettre-information-printemps-97n%C2%B02.pdf> (consulté le 12 juin 2019). 1659 Vingt Keller se situe au 20 rue Keller, 75011 Paris. Bi'Cause – la lettre d'information, n° 3, été 1997, p. 4, <http://bicause.fr/wordpress/wp-content/uploads/2020/01/BiCause-lettre-information-%C3%A9t%C3%A9-97n%C2%B03.pdf> (consulté le 12 juin 2019). 1660 Pop'in se situe au 105 rue Amelot, 75011 Paris. Bi'Cause News, n° 7, janvier 2001, p. 19, <http://bicause.fr/wordpress/wp-content/uploads/2016/02/bicause-news-numero-7.pdf> (consulté le 12 juin 2019). 1661 Propos tirés de l'entretien avec Vincent/Viktoria et Nicolas/Gabriel.le, le 31 août 2013, La CGT du ministère du Travail, Paris.
1662 Au Coeur Couronné se situe au 6 Rue de la Ferronnerie, 75001 Paris. 1663 Pub Le Klein se situe au 36 rue du Roi de Sicile, 75004 Paris. 1664 EP7 Guinguette Numérique et Gourmande se situe au 133 Avenue de France, 75013 Paris. 1665 Le Maximilien se situe au 28 Boulevard Diderot, 75012 Paris. 486
Fig. 3-1-1 Lieux bi-friendly à Paris
Contrastant avec la relative concentration des commerces LGBT emblématiques du Marais et de ses alentours – comme le montre le plan « Les lieux LGBT où faire la f à Paris » (Fig. 3-1-2) publié à la fois sur le site officiel du tourisme en France et sur le site officiel du tourisme de Paris1666 – les soirées Bi'envenue ont lieu dans des établissements mixtes et LGBTQIA+-friendly dispersés dans les différents arrondissements parisiens. 1666 Atout France (Agence de développement touristique de la France), « Les lieux LGBT », op. cit. ; Office du Tourisme et des Congrès de Paris, « Bars et clubs », op. cit. 487 élément sous droit, diffusion non autorisée
Fig. 3-1-2 Carte « Les lieux LGBT où faire la fête à Paris » sur le site Web de l'Office du tourisme et des Congrès de Paris
Les soirées Bi'envenue constituent souvent la première approche pour les membres adhérents de Bi'Cause. Il est donc fondamental pour l'association de choisir un lieu convivial pour que les nouveaux et nouvelles venu.e.s puissent y passer un moment agréable. Selon les conclusions du conseil d'administration de Bi'Cause de décembre 2015, un lieu convenable répond à plusieurs critères essentiels : la carte, le confort, la « biphilie » de l'établissement1667 – ou tout du moins l'absence de biphobie –, et la possibilité de pouvoir s'isoler dans une salle quasiment privatisée pour l'association – condition nécessaire pour pouvoir s'exprimer sans gêner les autres clients. L'idéal serait d'ailleurs que les soirées Bi'envenue se passent toujours dans le même bar, ce qui n'est pas facile à réaliser. Un autre critère majeur pour une inclusivité totale (qui n'a pu être atteint que dans certains lieux), est l'accessibilité aux 1667 Relevé des conclusions du CA du 02/12/2015 destiné aux membres de Bi'Cause. 488 personnes à mobilité réduite, ce qui n'a pas été réalisable chaque fois que les soirées avaient lieu en sous-sol1668. Entre 2010 et 2015, les soirées Bi'envenue ont eu lieu au Club Banana Café, qui se trouve au 13 rue de la Ferronnerie dans le 1er arrondissement, en plein coeur de l'effervescent quartier du Châtelet. en 1990, ce « monument hystérique » 1669 - selon la désignation propre du Club - est connu dans la capitale pour ses spectacles de gogo-boys et ses soirées à thèmes, et est considéré comme un bar incontournable des nuits gays parisiennes 1670. Chaque dernier jeudi de chaque mois, vers vingt heures, les participant.e.s des soirées Bi'envenue descendent un escalier spirale au sous-sol du Banana Café et se retrouvent dans un coin de la cave voûtée « piano bar », un peu à l'écart de l'ambiance électrique du rez-dechaussée. Pour les nouveaux et nouvelles venu.e.s, c'est le moment privilégié pour découvrir Bi'Cause et rencontrer ses membres : bisexuel.le.s, pansexuel.le.s, transgenres, non-binaires, gays, lesbiennes et personnes de toutes orientations sexuelles et identités de genre. Pour les Bi'Causien.ne.s d'Île-de-France ou de passage, il s'agit d'une occasion sympathique de se retrouver autour d'un verre. Au Banana Café, les Bi'envenue réunissent souvent une dizaine de participant.e.s. Après une brève présentation de l'association et de ses projets faite par le.la président.e de Bi'Cause, et un court tour de table pour faire connaissance, les gens papotent en petits groupes dans une ambiance décontractée : « quand et comment tu as découvert ta bisexualité? » « Est-ce que tu as fait ton coming-out auprès de tes proches? » « Est-ce que tu es célibataire ou marié.e, en couple exclusif ou ouvert? » « Est-ce qu'il existe des différences entre avoir une relation avec un homme, une femme ou une personne transgenre? » « Est-ce que tu as une préférence pour les personnes du même sexe, du sexe opposé ou non
1668 Propos tirés de l'entretien avec Astolphe, le 30 janvier 2020, par mail. Club Banana Café, « À propos de nous », Club Banana Café, sans date, <https://club-banana-cafe.com/fr/> (consulté le 12 janvier 2020). 1670 Office du Tourisme et des Congrès de Paris, « Banana Café », PARISINFO.com, sans date, <https://www.parisinfo.com/restaurant-paris/100466/Banana-Cafe> (consulté le 12 janvier 2020). 489 1669
bin
aires
? » Les gens parlent de sexualité, de santé, de relations, de rencontres, mais aussi de l'échelle de Kinsey et de la grille de Klein,
de l'actualité LGBTQIA+ en France et à l'étranger, de sorties culturelles ou de soirées festives à venir bref, de tout. Rien n'est interdit. Astolphe, adhérent de Bi'Cause et habitué des Bi'envenue, remarque l'évolution des participant.e.s et des sujets abordés dans ces soirées : S'agissant des premières années des Bi'envenue, et jusqu'en 2010 au moins, la proportion de transgenres et de personnes se déclarant nonbinaires était encore faible. Les échanges sur les orientations sexuelles, bisexuelles ou autres, ont surgi dès l'origine, alors que ceux sur l'identité de genre sont plus tardifs1671. Dans les soirées Bi'envenue, il y a un premier groupe qui se dit bisexuel et ne se pose pas de questions. Il y a un autre groupe de gens qui s'interrogent sur leur orientation sexuelle, et qui n'ont aucune autre occasion de s'exprimer. Les Bi'Causien.ne.s ont vu parfois des gens qui ne se qualifiaient pas de bisexuel.le.s venir décrire leurs pratiques et, en discutant avec des personnes qui assumaient mieux leur bisexualité, arriver à se rassurer, faire un travail sur eux-mêmes et accepter progressivement le fait qu'ils puissent se considérer comme bisexuel.le.s. Ces gens-là reviennent régulièrement aux Bi'envenue et les considèrent réellement comme un lieu d'échanges. Pourtant, selon Astolphe, certaines personnes encore en questionnement sur leur orientation sexuelle ont dit hésiter à venir et à se montrer dans des bars aussi « typés » que le Banana Café1672. Par ailleurs, selon Alba, la moyenne d'âge y est élevée et il y a une disproportion hommes/femmes à Bi'Cause. Cela rend l'association peu attractive et peut poser problème à certaines personnes jeunes, surtout aux filles1673. Le coin de rencontre privatisé par Bi'Cause au sous-sol du Banana Café n'est pas grand. Les gens sont obligés de se serrer les uns contre les autres sur les banquettes. Avec un nombre moins élevé de participant.e.s, il est plus facile d'échanger avec les autres et d'établir
1671
1673 Propos tirés de l'entretien avec Astolphe, le 30 janvier 2020, par mail. Ibid. Propos tirés de l'entretien avec Alba, le 7 juillet 2016, par mail. 490
un lien avec les habitué.e.s des soirées. Entre vingt et une heures et vingt-deux heures, au moment de la plus grande affluence, le.la président.e ou le.la co-président.e de Bi'Cause en profite pour prendre la parole et délivrer quelques informations sur les prochains rendez-vous de l'association et d'autres évenements LGBTQIA+ en région parisienne. Les soirées se ent généralement vers vingt-trois heures. Les gens se font la bise sous la lumière tamisée. Avant de remonter au rez-de-chaussée, les nouveaux et nouvelles venu.e.s sont libres de laisser leurs courriers électroniques pour s'inscrire sur la liste de diffusion. Peut-être certain.e.s d'entre eux.elles se reverront aux prochains rendez-vous de Bi'Cause ou ailleurs, si affinités. Les Bi'envenue au Banana Café sont des soirées chaleureuses et conviviales. Pour Laurianne, auteure du blog « Prose (et quelques vers) », c'est un lieu assez important pour la communauté bisexuelle à Paris1674. Mais les Bi'Causien.ne.s ne se contentent plus de rester dans une cave sombre sans connexion Internet. Pour être plus « visibles », en 2017, lors des travaux du Banana Café, les soirées se sont déplacées dans le 6ème arrondissement, au bar La Vénus Noire, 25 rue de l'Hirondelle, dans le quartier Saint-Michel. Niché dans l'ancien Caveau de la Bolée, ce n'est pas seulement un bar qui organise fréquemment des soirées et des expos LGBTQIA+1675, mais un haut lieu d'histoire qui a vu s'asseoir et boire Baudelaire, Rimbaud et Verlaine1676. D'un autre côté, du fait d'une meilleure utilisation des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Meetup au cours des années 2016 et 2017, Bi'Cause a su renforcer la transmission de ses informations et donner plus de visibilité à la bisexualité à travers son association et ses activités1677. Le choix des canaux de communication a d'ailleurs influé sur le profil des participant.e.s. À la suite des premiers signalements des Bi'envenue sur 1674 Propos tirés de l'entretien avec Laurianne, le 7 août 2013, Saint-Quentin en Yvelines. EP, « La Venus noire », Time Out, le 19 août 2014, <https://www.timeout.fr/paris/bar/la-venus-noire> (consulté le 12 janvier 2020). 1676
Le Parisien Etudiant, « La Vénus Noire
»,
Le Parisien Etudiant, sans date
, <http://www
.parisetudiant.
com
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etudiant
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lieu
/
venus
-
noire
.
html> (consulté le 12 janvier
2020). 1677 Bi'Cause, « Rapport d'activité 2017 et axes de travail », p. 6. 491
1675 Meetup1678 en avril 2016, les soirées à La Vénus Noire ont connu un moment de forte affluence d'étudiant.e.s étranger.ère.s et autres personnes du même âge, qui rendaient les soirées polyglottes1679. La petite salle du fond et le couloir étaient bondés. Les soirées se déroulaient alors la cave voûtée à arcades plus spacieuse, datant de 1290, souvent remplie par une quarantaine de participant.e.s désireux.ses d'échanger autour de la bisexualité, de faire de nouvelles connaissances et d'en revoir d'anciennes. Les tours de table(s) ne s'y font plus, en raison du nombre croissant des participant.e.s et par crainte de rendre certain.e.s nouveaux et nouvelles venu.e.s mal à l'aise. Bi'Cause profite aussi de ce lieu insolite et chargé d'histoire pour organiser d'autres événements, comme la dernière mise à jour du « Manifeste des personnes bisexuelles et pansexuelles » en novembre 2017, ou encore la soirée de poésie « Étranges étrangetés » le 2 juillet 2018, animée par le poète Alain Pizerra et le chanteur Jann Halexander1680. Concernant la diversité du public des Bi'envenue, on constate qu'une part non négligeable des participant.e.s n'est pas adhérente à Bi'Cause et n'y adhère jamais.
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Étude diachronique et comparée de l'alternance [article + possessif + nom] - [possessif + nom] en catalan, espagnol et portugais, du 13e au 20e siècle.
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3.4. Mise en relief
Comme nous l‘avons d‘ores et déjà fait à propos du possesseur, nous nous demanderons à présent si le possédé morphosyntaxiquement marqué par l‘emploi de la 389 structure possessive la moins fréquente acquiert un poids sémantico-pragmatique différent de celui des syntagmes accompagnés de la structure possessive non marquée. La plupart des auteurs de la bibliographie répondent par l‘affirmative, mais un certain nombre expriment tout de même des réserves sur cette hypothèse. En portugais, l‘alternance des variantes est relativement peu abordée sous cet angle. Nous trouvons chez Constancio (1831 : 58-59) l‘affirmation qu‘en portugais (du 19e siècle) la structure articulée sert à designer plus particulièrement une personne ou une chose que le possessif seul : « Os nomes appellativos pronomes pessoaes, possessivos, indicativos, partitivos e numeraes, não carecem de artigo421. Ex. Meu, teu, seu pai; este, aquelle sujeito; muitos, alguns homens; hum, dois, tres navios; nem os nomes precedidos do vocativo ó. Todavia esta regra tem excepções; e quando se quer designar com mais especialidade huma pessoa ou cousa, pode usar-se do artigo. Ex. A minha, a tua, a sua, a nossa, a vossa familia, casa, fortuna, sorte, etc.; o meu vino, o teu amigo, o seu protector, o nosso dinheiro, o vosso deber ». D‘après Ali (1931 : 101), lorsque le possessif est employé à des fins expressives, « é de praxe o emprego do possessivo reforçado » : « ―o nome do seu Pedro‖, ―não foi admirável o nosso santo velho porque isto fez‖ ». En espagnol, comme nous le verrons infra, cette hypothèse est plus répandue et développée. Pérez-Salazar Resano (1993 : 124) considère, par exemple, que la structure art+pos+N est emphatique en navarrais médiéval : « Puede aparecer en un texto el posesivo precedido o no de artículo dependiendo del grado de expresividad que se pretenda ». D‘après Charpentier, dans sa grammaire espagnole de la toute fin du 17e siècle, (2017 : 851 ; 853)422, la structure art+pos+N est employée « pour plus grande emphase ». Fray Diego de la Encarnación (1624 apud Martínez Alcalde 2008 : 179), dans sa Grammaire espagnolle expliquée en françois, affirme : « Quelques-uns usent des articles auec ces pronoms, à fin de declarer le grand plaisir que l‘on a de la posesion de [q]uelque chose ; comme el mi caballo [...] ». Benito de San Pedro (1769 apud Martínez Alcalde 2008 : 188) signale, pour sa part, que la structure art+pos+N s‘emploie pour « dar alguna mayor calidad u excelencia ». Terracini (1951 : 67) affirme qu‘en conséquence : « nelle espressioni in cui domina un tono di umiltà o di spregio l‘articolo quasi generalmente non appare –per più del 90 % delle volte su circa 50 esempi ». Par ailleurs, pour justifier certains exemples qui contredisent l‘emphase positive en général associée par les chercheurs à la structure articulée, Terracini (1951 : 84-85) signale « il valore accentuatore e grottesco dell articolo » et donc la possible polarité négative de l‘emphase. Pour sa part, Palacios Alcaine (2004 : 190) s‘attache 421 Au vu des exemples, nous comprenons « n‘ont pas besoin d‘article ». Le Dicionário Priberam da Língua Portuguesa donne comme étymologie de carecer : « (latim caresco, -ere, ter falta de, precisar) ». 422
Nous avons consulté l‘édition facsimil grâce à une mention de cette œuvre grammaticale dans Martínez Alcalde (2008 : 176). 390 à montrer que la structure est également emphatique, à l‘heure actuelle, dans les variétés où elle est encore employée : « En la actualidad, existen variedades peninsulares donde se sigue registrando la construcción de artículo definido + posesivo + nombre (el español noroccidental, algunas regiones de Castilla-León y Extremadura o algunas zonas hispanoamericanas). En todas ellas se atribuye un valor de intensificación afectiva o emotiva a esta construcción: la mi madre, la mi casa, la mi hija ». Notons que cette valeur n‘est pas propre de la structure articulée puisque c‘est la même qui est associée à la structure sans article en catalan actuel, de sorte que, si emphase il y a, elle est plutôt due à la marque [+ conservatrice, + dialectale], du moins dans les variétés péninsulaires, qu‘à la construction articulée en elle-même. Serradilla Castaño (2003 : 262) reconnaît pour sa part la même expressivité à la structure que Palacios Alcaine dans les variétés en question, en revanche, elle considère que la structure articulée et l‘emphase ne vont pas nécessairement de pair dans les variétés latinoaméricaines : « Se observa que, cuando se utiliza en la Península, el máximo grado de expresividad se hace imprescindible, a no ser en los casos ya señalados de contacto de lenguas, mientras que en América entra en ocasiones en expresiones carentes de énfasis ». De plus, la construction articulée est également associée à l‘emphase dans d‘autres langues romanes qui présentent ou ont pu présenter au cours de leur histoire cette combinaison morphosyntaxique. En effet, pour ce qui est de l‘occitan, Manzelli (1990 : 80) affirme que la différence entre pos+N et art+pos+N est due au caractère non emphatique de la première construction et emphatique de la deuxième. Florian Vernet (ms : 11), dans son memento grammatical sur l‘occitan actuel, soutient lui aussi que les formes possessives toniques « marquent souvent une insistance ». Or, ce « souvent » laisse entendre que l‘emphase n‘est pas nécessairement associée à la structure. Lausberg (1966 : 224), pour sa part, affirme qu‘en ancien provençal, « la forma tónica (antepuesta) con artículo (lo mieus cavals) [es], estilísticamente, un poco más enérgica423 que la forma átona ». Dans le cas de l‘ancien français, Brunot et Bruneau (1949 : 239) déclarent de manière quelque peu contradictoire qu‘ils n‘ont aucun doute que la structure articulée sert à la mise en relief alors qu‘ils avouent que cette nuance est très difficilement appréciable : « En ancien français, mien, à côté de mon, marquait une nuance particulière d‘insistance 424. [...] Il n‘est pas douteux que « la moie amie » ne fasse ressortir le sentiment d‘Enée avec plus de force que « m‘amie ». Il en est de même quand Roland (v. 2199) emploie l‘expression : « la mienne mort ». Il 423 Notons ici une certaine prudence de la part de Lausberg. Goyens et Van Hoecke (1991 : 12-13) pointent la même nuance lorsqu‘ils remarquent que dans la traduction en ancien français de De Inventione de Cicéron, réalisée en 1282 par Jean d‘Antioche, la structure art+pos+N (dont ils relèvent 15 occurrences) « correspond toujours à un possessif antéposé, c‘est-à-dire emphatique, dans le texte-source », ils en déduisent que le possessif « tonique » articulé et antéposé au nom « ne sert pas à établir simplement la relation possessive, comme le possessif « atone », mais à insister sur celle-ci ». Hélix (2014 : 120) considère également que : « sa valeur est plus insistante qu‘en FM, même s‘il est souvent maladroit de conserver cette insistance dans la traduction ». 424 391
nous est extrêmement difficile d‘apprécier ces nuances. La forme accentuée exprimait sans doute aussi quelque chose d‘analogue à ce qu‘expriment aujourd‘hui la formule familière : « mon livre à moi », ou des périphrases comme : « ma propre fille, mes effets personnels » ». Ils sont ainsi persuadés que la structure est emphatique mais ils reconnaissent en quelque sorte qu‘ils n‘en ont pas la preuve. Wunderli (1978 : 119) affirme à propos de l‘emploi de l‘article devant les formes atones : « [s]i dans un nombre limité de cas le possessif est accompagné d‘un article, il faut 425 interpréter ces constructions comme une sorte de mise en relief de l‘activation, comme une insistance sur le caractère particularisé ou individualisé du signifié ». Plus loin (ibid : 130) il ajoute : « C‘est ce caractère exceptionnel des formes toniques dans les contextes réservés normalement à la série atone qui leur donne un poids particulier et les rend capables d‘exprimer une sorte de mise en relief de la relation personnelle ». Cependant, il fait remarquer en note que d‘autres chercheurs comme Kramer, Foulet, Gamillscheg, Jansen-Beck « refusent [...] aux formes toniques toute aptitude particulière à la mise en relief ». Nous avons pour notre part rencontré dans la bibliographie d‘autres auteurs qui, tout au moins, doutent que la structure articulée serve à la mise en relief, parfois sans renoncer tout à fait à cette possibilité. C‘est notamment le cas de Lyons (1986 : 9) qui affirme à propos de l‘ancien français : « When accompanied by the definite article [...] the strong possessive may be emphatic, but it often seems indistinguishable in sense from the weak form ». Buridant (2007 : 156) fait également preuve de circonspection : « La concurrence entre l‘article et l‘adjectif possessif [il veut dire entre pos+N et art+pos+N] ne semble pas correspondre, de manière générale, à une insistance particulière dans l‘emploi de ce dernier. Cette valeur peut apparaître dans certains cas 426 ». Togeby (1974 : 100) lui aussi prudent : « Après un article défini, le possessif tonique apporte peut-être une nuance d‘emphase par rapport à l‘emploi du simple possessif atone. [...] Mais le plus souvent elle est difficile à distinguer »427. Vázquez Cuesta (1971 : 1229-1231 apud Spanoghe 1999 : 66) : en portugais du Cap Vert, « com los adjetivos posesivos la omisión del artículo es mucho más frecuente que en el portugués de Portugal pero no hemos podido determinar si en su empleo [(del artículo)] tiene valor enfático ». 425 Notons ici la nécessité d‘attribuer un sens différent à chacune des variantes pour satisfaire l‘axiome « deux formes – deux fonctions » (Barra Jover 2009 : 106). 426 Il donne comme exemple de « cas » ponctuel de possible emphase : « L‟autrui joie prise petit / Se il nen ad le suen delit (Lanval, 256-57) (La joie des autres ne l‘intéresse guère puisqu‘il n·a pas lui-même l‘objet de son désir) ». 427 Diez (1973III : 60) nie l‘existence d‘une quelconque emphase dans la structure art+N+pos par rapport à pos+N en espagnol. D‘après lui cette : « forme n‘est pas plus expressive que [le possessif seul], aussi les voyonsnous employées comme synonymes l‘une à cóté de l‘autre : mal tratas mi amor y la fe mia ». Or, cette structure où le possessif est postposé aurait pris le relais d‘art+pos+N, après sa dégrammaticalisation, pour exprimer l‘emphase, selon la plupart des chercheurs qui se sont penchés sur la question. 392 Certains auteurs précisent la notion d‘emphase en signalant que la structure articulée est utilisée pour marquer un contraste entre plusieurs possesseurs ou entre différents possédés.
3.4.1. Contraste
Selon Ali (1931 : 98) : « A differença entre os adjuntos o meu, o teu, etc. de um lado, e meu, teu, etc. do outro, baseou-se a principio num sentimento de linguagem que se foi esquecendo com o tempo. O possessivo, alliado ao que originariamente era um demonstrativo, devia melhor determinar o nome, chamar a attenção antes para o possuidor do que para a cousa possuida, e o seu emprego vinha muito a proposito onde se tornava necessario estabelecer
es ». De même, d‘après Terracini (1951 : 43), dans les situations de contraste, par exemple quand deux possessifs se réfèrent à deux possesseurs différents, « l‘articolo appare, sia una sola volta, sia tutt‘e due, semplicemente per sottolineare l‘opposizione che si delinea tra le due persone che svolgono l‘azione. L‘uso dell‘articolo in questi casi, come elemento che sottolinea la differenziazione, è assai frequente »428. Elle affirme que les cas d‘opposition ou de comparaison où seule la structure pos+N apparaît sont rares (ibid : 45). Terracini (1951 : 76) signale cependant que lorsque la comparaison se construit avec como ou por, l‘emploi de l‘article ne se développe que tardivement et il est rare, ainsi, la construction art+pos+N l‘est également dans ce contexte (voir la section II.2.5.3.4. sur l‘adverbe de comparaison). Delport (1992 : 19) affirme pour sa part qu‘il existe une congruence entre la structure art+pos+N et « les contextes de confrontation, de comparaison, de jugement relatif ». D‘après elle, les effets « emphatiques » et « de valorisation » « naissent de cette mise en contraste ». Elle précise cependant (1996b : 13) que toute situation de contraste n‘oblige pas à l‘emploi de la structure articulée, puisque le locuteur a toujours le choix. Elle conclut (ibid : 15) que : « [le locuteur] peut confier exclusivement au reste de l‘énoncé, voire à la seule situation, le soin de dire un contraste; il peut, au contraire, choisir d‘expliciter ce contraste dans l‘expression même de la relation personnelle, en mettant à profit l‘affinité qui existe, linguistiquement, entre une situation contrastive et l‘article qui, génétiquement, suscite l‘image d‘un contraste. l‘inverse, il se peut que rien, dans le contexte, ne propose au lecteur de représentation contrastive et que, pourtant, l‘article précède le possessif. Il faut alors admettre qu‘à chaque fois qu‘il comparaît l‘article fait naître, ipso facto, l‘image d‘un contraste et que c‘est à cette fin que le locuteur médiéval l‘a convoqué. // 429 D‘où ce róle ―emphatique‖ qu‘on a voulu lui reconnaître. Tout compliment, toute célébration d‘une vertu, d‘un pouvoir, d‘une qualité se trouve rehaussé du fait même qu‘on l‘exhibe en contraste avec d‘autres vertus, pouvoirs, qualités, moindres, qui, même laissées dans le non-dit, évoquées en creux, lui serviront de faire-valoir, de repoussoir ». Or, s‘il est effectivement possible de constater dans un texte que la structure articulée coïncide avec les structures qui expriment formellement un contraste entre deux entités, il 428 Eberenz (2000 : 294) attribue la valeur de contraste à la structure articulée avec le possessif postposé : « Entre las funciones textuales del tipo |el libro mío| destaca la del contraste con otra relación posesiva ». 429 Nous indiquons ainsi le retour à la ligne existant dans le texte original. 393 nous semble plus problématique de reconnaître, a priori, à toute structure articulée une valeur de contraste ou d‘utiliser une pure interprétation contrastive pour justifier l‘emploi ou le non emploi de la structure articulée. Par exemple, Albert Galera (2006 : 2637) tente d‘expliquer ainsi le seul cas où virtud (en référence à la Vierge) apparaît précédé du possessif seul : « parece que deberíamos esperar que apareciera con artículo y no es así. Pero aquí también trata de marcar la diferencia: no existe oposición sino contraste. Es decir, cuando aparece Cristo y la Virgen, aunque es en ella en quien se cumplen las profecías al dar a luz a Cristo, como dirá más adelante, el redentor es Cristo. [...] [D]e ahí que el artículo vaya –si se me permite decirlo así– con Cristo. El centro y el foco es Él ». Il est possible que l‘auteur du texte ait utilisé la structure articulée dans une perspective contrastive, comme dans l‘exemple que propose Moignet (1988 : 120) dans sa Grammaire de l‟ancien français : « Souvent, l‘emploi de cet adjectif correspond à une certaine insistance sur l‘idée du possesseur, p. ex. dans un contexte d‘opposition : Rol., 2 198 La meie mort me rent si anguissus! = « ma propre mort », opposée à celle des compagnons à qui Turpin vient de donner sa bénédiction ». Cependant, si nous n‘en avons pas d‘autre indice que la structure articulée elle-même, il nous semble impossible de stipuler cette intention. Ces considérations nous poussent à nous poser plusieurs questions qui devront, pour l‘instant, pour des raisons de temps, rester sans réponse. Par exemple, peut-on envisager que le changement de structure possessive aide à marquer le changement de référent? (909) (910) los caldeos y aegípcios, als primers reys que tingueren, los anomenaren Saturnos, y llurs fills que succehiren en lo regne [...] los anomenaren Júpiters, y als llurs fills, arctaules (Il·lustracions, p. 207, l. 15) si avía alguno dellos, cavallero o escudero perteneçiente, que dixese que el su rey de Portugal non avía començado aquella guerra [...] teniendo treguas con su señor el rey de Castilla e estando seguros e en paz, que él ge lo faría conosçer de su cuerpo al suyo, delante de su rey, [...] para lo cual envió su empresa (Victorial, p. 277, l. 10) Peut-on envisager qu‘elle marque un contraste par anticipation par rapport à la structure art+N+de+possesseur (912) ou art+de+possesseur (913)? (911) (912) quan los crestians ho viuren, giraren los llurs trabuquets devers aquella part on los trabuquets dels sarraïns eren, e puis tragueren-llur tant que tots lo llur hagren pecejats. Quan los sarraïns viuren llurs trabuquets trencats (CròDesclot, p. 96, l. 6) Y casi tothom ne ha pasat, [...] lo Jaume fontanals, yo y no sé qui més, los meus nois y los de la morana. (Maldà, p. 62, l. 19) Rappelons que dans le cas de la reprise pronominale du possédé par la structure art+pos, nous avons conclu en II.2.5.7.2. que ce contexte contrastif entre deux possesseurs favorise par anticip ation la présence de l‘article devant le possédé en catalan et au 16 e siècle en portugais (sans que l‘on n‘ait pu tirer de conclusion pour le Moyen-Âge). Il pourrait ainsi être particulièrement intéressant de reprendre nos données pour tester l‘impact de ces contextes 394 (art+N+de+possesseur et art+de+possesseur), que nous n‘avons pas envisagé dans un premier temps, et des structures similaires du type de (914) : (913) eu mais quesera ser ocupado em dar rrazão dos seus feitos que dos alheos (CróConde, p. 174, l. 21) Il serait également pertinent d‘étudier d‘autres contextes qui impliquent objectivement un contraste. Notons à titre indicatif que dans CróGeral, de notre corpus complémentaire, cette tendance est très marquée (13/17)431. Ainsi, il est possible que la structure articulée soit associée, du moins au début de la période étudiée, à une valeur de contraste, il est cependant nécessaire de 430 D‘autant que ces occurrences n‘appartiennent pas aux toutes premières pages du texte. Dans Ropica, l‘alternance est conditionnée par la reprise pronominale du possédé qui favorise l‘apparition de l‘article devant le possessif au 16 e siècle : por saberem e terem experiência d‟a minha parte ser mais substancial em o homem que a tua (Ropica, p. 30, l. 4) ; Quem os faz tanto amar a minha parte mais que a tua? (Ropica, p. 27, l. 24) ; cometeu-me se queria [...] sob color de embaixador ir visitar de sua parte [de Pêro de Faria] o rei dos batas (Ropica, p. 50, l. 36) ; com quantas cousas por sua parte movi (Ropica, p. 5, l. 22). 431 395 repérer d‘autres contextes pour tester cette hypothèse à plus grande échelle, parce qu‘il se peut également que, dans ce contexte précis, nous soyons face à une Tradition Discursive indifférente à toute valeur contrastive. Certains chercheurs éloignent la notion d‘emphase de celle du contraste et signalent que la structure articulée est utilisée pour mettre en relief certains possédés du texte sans les confronter nécessairement aux autres. C‘est notamment le cas de Terracini (1951 : 53), selon qui, en espagnol médiéval et en particulier dans le Libro de buen amor, « spesse volte l‘articolo ha la fuzione espressiva di sottolineare il possessivo, anche senza che esista una contrapposizione con altri possessori, e di separare il sostantivo da altri analoghi ». Nous étudierons ainsi, dans la section suivante, l‘impact de l‘importance sémantico-pragmatique de certains possédés sur la sélection des variantes432. 3.4.2. Notions clé et persistance référentielle
À propos des Soliloquios de Fray Pedro Fernández Pecha, Clavería Nadal (1992 : 350) affirme que la construction articulée accompagne des substantifs qui « constituyen conceptos de vital importancia en el entramado de la obra ». De même, Eberenz (2000 : 287) soutient dans le cas du Libro de Cetrería de López de Ayala :« [e]s significativo que los sustantivos precedidos del posesivo con artículo expresen precisamente las nociones esenciales para la obra ». Company (2005 : 47), qui reprend une idée d‘Albert (1998 : 328 apud Company : ibid), va dans le même sens que Clavería Nadal et Eberenz (qui lui aussi cite le travail d‘Albert) lorsqu‘elle assure que les structures art+pos+N fonctionnent « como expresiones enmarcadoras o realzadoras, elementos de focalización que centran la atención del lector u oyente sobre un personaje o una idea ». Par ailleurs, Eberenz (2000 : 287) établit un possible lien entre l‘idée de « notion clé » et celle de récurrence : « la recurrencia del PcA en un texto dado puede estar relacionada con los lexemas referentes a los entes más destacados del discurso. Lo que importa resaltar es que el PcA se emplea no sólo cuando los entes en 432 Pato Maldonado (2015 : 63-64) fait un constat similaire en espagnol septentrional, où, selon lui, les possessifs mí, tú, sú toniques peuvent avoir une valeur contrastive (notons que dans les emplois d‘art+pos tonique+N qu‘il rencontre dans le COSER, il ne relève pas cette valeur –ibid : 68–). Il signale (2015 : 61) cependant que « el posesivo tónico [mí, tú, sú, en espagnol septentrional] se puede emplear como tópico para resaltar el papel de lo poseído, generalmente sin contraposición alguna a otra persona o cosa
das ». 396 cuestión funcionan como núcleo del sintagma posesivo, sino también cuando ocupan el lugar del poseedor433 ». Company (2006b : 84) assure elle aussi qu‘en espagnol médiéval : « una de las propiedades referenciales más llamativas de la construcción artículo + posesivo es el mantenimiento léxico de las dos entidades que construyen la expresión posesiva: persiste léxicamente el poseedor y persiste también léxicamente el poseído, produciendo un notable efecto repetitivo léxico en los fragmentos discursivos en que aparecen sintagmas con doble especificador ». Elle associe ainsi (2006b : 73) persistance référentielle (voir définition en II.3.1.1.2.) du possédé et structure articulée434. En effet, dans son corpus du 13e siècle, Company (2006b : 87-88) trouve que la structure art+pos+N coïncide avec une persistance référentielle lexicale du possédé dans 51 % des cas. Au contraire, la structure pos+N coïncide avec une persistance référentielle lexicale du possédé dans 6 % des cas435. Des hypothèses similaires ont été formulées pour les deux autres langues de notre corpus. En effet, Pérez Saldanya (2009 : 289290) rejoint Company (2006a : 22-23) lorsqu‘il affirme qu‘en catalan médiéval, la structure articulée marque le syntagme nominal comme ayant « a higly thematic caracter, of a discourse topic or theme ». Les notions les plus importantes (et les plus récurrentes) du texte (ou d‘un passage) seraient plus à même d‘apparaître avec la structure articulée que n‘importe quel autre substantif qui n‘aurait pas d‘importance pragmatico-sémantique dans le texte. Ainsi, les propriétés secondaires apparaîtraient précédées du possessif seul et les propriétés centrales seraient précédées d‘art+pos. D‘après lui (2009 : 293), la structure art+pos+N sert à créer « une tension narrative » autour du possédé mis en relief par la structure. De même, en portugais, selon Rinke (2010 : 131) : « no século XIV, o artigo definido tem principalmente a função de um marcador discursivo e, ao longo da sua evolução diacrónica, é progressivamente gramaticalizado ». Ainsi Rinke rencontre cette valeur de marqueur discursif au Moyen-Âge et plus ensuite, tandis qu‘à l‘inverse, en espagnol, Serradilla (2010 : 70) affirme que l‘une des valeurs actuelles de construction art+pos+N est celle de « marcador del foco discursivo, del elemento más relevante », en revanche elle ne la relève pas dans le texte médiéval qu‘elle étudie : Calila e Dimna. Spanoghe (1996 : 76-77) affirme que la structure sans article est utilisée en portugais du 20e siècle dans les contextes où, au contraire, le narrateur souhaite indiquer qu‘un possédé n‘est pas important pour la narration [O Hóspede de Job] : « Para 433 Ainsi, un possédé sans importance pragmatique pourrait être précédé d‘une construction articulée parce que le possesseur en a une. Il s‘agit à notre sens de pouvoir justifier ainsi un certain nombre d‘emplois qui seraient injustifiables si l‘on testait uniquement l‘hypothèse des notions clés. 434 Cependant, l‘auteur souligne que la persistance référentielle lexicale peut aussi être accompagnée d‘une persistance référentielle par le biais de mécanismes dont le poids phonologique est faible (les affixes de concordance, les clitiques, les pronoms personnels toniques). Elle apporte également une seconde nuance (ibid : 86) lorsqu‘elle indique que la persistance référentielle, si elle est principalement « directe » dans le cas de la construction avec article, peut également être « associative » (dans ce cas, on noterait, dans le passage où se trouve la construction possessive, des substantifs associés au possesseur et / ou au possédé). 435 Rappelons qu‘elle n‘analyse que 200 occurrences de pos+N pour 10 textes. 397 além dos casos mais ou menos facilmente situáveis à luz do que encontramos nas gramáticas e nas publicações científicas, subsistem uns exemplos onde a ausência do artigo definido se poderia explicar pela vontade, da parte do narrador, de indicar que um referente carece de importância no decorrer do discurso ». Cette affirmation semble gratuite, tout simplement justificationniste. Nous reproduisons en note les exemples qu‘elle mentionne 436. Au contraire, au Brésil, d‘après Spanoghe (1996 : 77), la structure art+pos+N serait employée pour indiquer une information de premier plan : « O primeiro trecho mostra uma oposição entre um referente fazendo parte do primeiro plano do discurso (a sua realeza) e outro que se situa no telão de fondo (um famoso galgo de sua propriedade): Saía a passear pela praia a sua realeza, com um famoso galgo de sua propriedade, amarrado numa corda, e mal correspondia às mesuras do dono da pensão. (Sabino 87) ». Silva (1982 : 271 apud Schei 2009 : 23) affirme également à propos de l‘emploi en PB : « os [posesivos] sem artigo são aqueles em que o falante não necessita destacar elemento(s) do conjunto: a informação ou não é necessária ou, pelo contrário, já está bem clara ». Notons qu‘un certain nombre des chercheurs qui affirment que la structure articulée permet de mettre en relief certaines notions ne donnent pas d‘explication sur la sélection des données et la manière concrète dont ils ont testé leur hypothèse. Ils se contentent en général de présenter un voire deux exemples, qui se veulent illustratifs. Par exemple, Pérez Saldanya (2009 : 292-293), après la formulation de son hypothèse, n‘explique pas comment il l‘a testée (peut-être pour des raisons d‘espace –dans la mesure où l‘article est court–, ou peut-être parce qu‘elle ne l‘a pas été ou pas suffisamment rigoureusement pour dévoiler l‘expérience). Le chercheur offre deux exemples dont l‘extension donne l‘impression de solidité : « For example, while NPs that designate body parts are used in general with the unstressed possessive, the ―article + possessive‖ construction may be usual or even frequent in certain cases, as when the cos ̳body‘ of a dead important person is spoken of. We find another example of this informational relevance in the following passage from the Crònica by Bernat Desclot, where the ―article + possessive‖ is used with the noun llit ̳bed‘: (16) Ara yo se que·l rey ha afer ab aytal dona e que la·s fa venir en aytal castel, e vós sots-ne son privat. Hon yo us prec que quant que vós li dejats amenar la dona, que vengats a mi e tot privadament que·m metats en la cambra en loc d‟ela, e yo colgar-m‟é·e·l seu lit (Desclot, Crònica II [late 13th c.]: 22). The noun llit ̳bed‘ is typically constructed without an article, as seen by the fact that in the analyzed texts it only appears in this one occasion with ―article + seu‖ ̳his/her‘, in contrast the 14 cases with son ̳his/her‘. What is special about this sentence is the narrative tension that is created around the noun llit. The passage narrates how the queen Maria de Montpellier asks for help from the king‘s butler to occupy the bed of the king‘s concubine without him knowing in order to become pregnant. Note that the narrative key and tension of the passage is centered on the noun llit ̳bed‘ and the possessor of this bed, who will be replaced by the queen who consequently will give birth to the future king Jaume I. 398 construction contributes by reinforcing this tension inasmuch as this is the most grammatically and pragma-stylistically marked option ». Or, il nous semble tout aussi simple de trouver des exemples concrets qui pourraient illustrer cette hypothèse que des contre-exemples qui la remettraient en cause, sans que les exemples ou contre-exemples aient la capacité de démontrer, ni les uns ni les autres, sa véracité ou sa fausseté (ou plutôt sa solidité ou son inconsistance), dans la mesure où ils sont sélectionnés en tant qu‘exemples ou contre-exemples par l‘arbitraire de notre ressenti. Par exemple, dans MemòPallejà, on pourrait imaginer que la structure articulée qui précède le substantif décret est un marqueur discursif soulignant son importance pragmatique, dans la mesure où il émane du roi et surtout dans la mesure où il permettra désormais au notable barcelonais de faire vivre dignement sa famille en exil : (914) Després, al cap d‘alguns 15 dies que lo duc fou aquì, sabì que en Madrid havia exit un decret del rei remunerant tots los que érem exits de Barcelona i que entre altres hi era jo, dient lo rei en lo meu decret les formals paraules següents: A Don Honorata Pallejà y Riera (que se halla en el Rossellón) se ha recomendado a la Majestad Cristianíssima que en los bienes que se confiscaren en aquella parte mande atenderle (MemòPallejà, p. 135, l. 8) Au contraire, dans un contexte de guerre, l‘âne d‘un simple milicien anonyme ou les œufs pour l‘omelette du petit déjeuner437 (916-917) ont, à notre sens, une importance pragmatique très faible tandis que la douleur, la vie, l‘honneur, les biens du narrateur protagoniste ou encore la mort de son fils (918-919) nous semble, personnellement, avoir une importance pragmatique bien supérieure et pourtant les premiers sont construits avec la structure articulée (la forme possessive quée dans le texte) tandis que les seconds sont précédés du possessif seul (la forme non marquée) : (915) (916) (917) (918) Lo endemà, dit Jaume Baixeras la féu acompanyar a ella i a tots los altres sobredits per un miquelet a Sant Boi, ab lo seu burro, a on estigué dita ma muller i fills i criades ab dit nebot i filles de dits mestres Roc i Joan Bolsós, durant tot lo siti (MemòPallejà, p. 91, l. 29) I los fiu fer foc i férem una truita dels meus ous i, mirant-me mos dols, esmorzàrem (MemòPallejà, p. 137, l. 26) en concurs de ma vida ab l‘honra, és primerament ma honra (MemòPallejà, p. 104, l. 399 combiné avec un article dans 7/7 cas. Dans une perspective de justification de l‘alternance à l‘échelle du texte, certains auraient tót fait de considérer que le róle d‘adjuvant de ce personnage lui confère une importance pragmatique qui provoque l‘emploi de la structure articulée dans des proportions plus importantes qu‘avec les autres possédés. Or, signalons par exemple que des 13 occurrences de companyó (qui désigne toujours Alí Baxà, l‘ami intime et compagnon de fortune de Jacob Xalabìn) aucune n‘est articulée. Or, il n‘est pas possible d‘envisager que la hiérarchie pragmatique entre les deux possédés justifie ici l‘emploi de deux structures possessives différentes. De plus, pour observer l‘impact de la persistance référentielle du possédé ou d‘un champ lexical sur l‘alternance, nous pouvons détourner l‘étude d‘Albert Galera (2006) et nous servir de ses données sur Berceo pour les observer sous un angle différent. Elle analyse 11 notions assez récurrentes pour présenter l‘alternance (elle inclut parfois différents substantifs pas forcément récurrents et appartenant à un même champ lexical sous une même notion). D‘après nos calculs, ces 11 notions représentent 22 % des occurrences totales, elles sont combinées avec un article dans 49 % des cas, si la moyenne générale de proportion de structures articulées dans son corpus est de 42 %, on peut en déduire que les 494 autres occurrences qu‘elle ne traite pas (et qui ne sont pas ou sont peu récurrentes) se combinent avec un article dans 40 % des cas. L‘écart est faible. Eberenz (2000 : 282) émet lui aussi des doutes sur l‘hypothèse que nous abordons dans cette section : « esta función enfática, destacadora de nociones clave, dista de ser un criterio seguro y operativo pues también podría suponerse que mi sennior y mi maestro revisten cierta importancia en este contexto y, sin embargo, se actualizan sin artículo ». Notons que cette remise en question apparaît dans une autre section, et pas dans la partie où il la développe et l‘illustre. En effet, d‘après Eberenz (2000 : 289), dans Corbacho, parmi la liste des termes précédés d‘art+pos qu‘il atteste « hay algunos [términos] como ánima, canónica, planeta y, sobre todo, coamante, que se consignan más de una vez; se trata de conceptos importantes para el tratado ». Si l‘auteur a voulu mettre en relief ces deux occurrences, nous n‘en avons aucun indice. Par ailleurs, les deux seules occurrences articulées d‘ánima que nous relevons présentent toutes deux une structure syntaxique particulière « la su pobre de ánima », en revanche, les 17 autres occurrences qui ne présentent pas cette structure ne sont pas articulées. Il me semble donc également difficile de maintenir ici que ce soit l‘importance actantielle de ce substantif (que nous ne remettons pas en cause) qui favorise l‘apparition de l‘article : (922) (923) (924) (925) E ¿qué le aprovecha al triste o a la triste, sy su amor cunpliere e aun el universo mundo por suyo ganare, que la su pobre de ánima por ello después en la otra vida perdurable detrimento o tormento...? (Corbacho, p. 58, l. 3) Pues, ¿qué le aprovechó al triste su amar, o a la triste, [sy] su amor conpliere, e aun el universo mundo por suyo ganare, que la su pobre de ánima por ello después en la otra vida perdurable detrimento o tormento padesca? (Corbacho, p. 58, l. 20) mueren muchos de tal mal e otros son privados de su buen entendimiento, e sy mueren va su ánima donde penas crueles le son aparejadas (Corbacho, p. 58, l. 15) ¡Non aya más pena mi alma! (Corbacho, p. 147, l. 10) Pour notre part, nous n‘avons pas cherché à dresser a priori une liste de notions clé des textes de notre corpus puisqu‘il n‘est pas possible de déterminer objectivement l‘importance actantielle d‘un possédé, surtout s‘il n‘est pas récurrent ni central dans le texte pour tester empiriquement l‘hypothèse la structure articulée est ou a pu être, au cours de l‘histoire de la langue, un marqueur discursif permettant de mettre en exergue les notions essentielles d‘un texte. Ainsi, nous avons étudié l‘alternance avec les différents possédés et nous nous sommes contentée de relever les cas où la haute fréquence d‘emploi des structures art+pos+N coïncidait avec un même champ lexical ou un même possédé. Martí Mestre (1994 438 Nous signalons ainsi le retour à la ligne que l‘on observe dans le texte source, mais ces phrases apparaissent bien à la suite l‘une de l‘autre. 401 II : 150 apud Coba Femenia 2005 : 88-89)
semble avoir eu la même démarche puisqu‘il remarque, dans Les ordinacions de la costa marítima del regne de València, de 1673, que les formes pleines s‘emploient proportionnellement plus avec des substantifs qui dénotent des constructions militaires (torre, estància, quartell, etc.). Dans nos données, le premier constat que l‘on peut faire est celui de la très faible récurrence de l‘immense majorité des possédés dans un texte mais également à l‘échelle du corpus. En effet, ils sont nombreux à n‘apparaître qu‘à une ou deux occasions dans l‘ensemble de nos données pour une langue. En catalan, nous observons tout de même une tendance évidente dans Epistolari, où la structure articulée est employée avec l‘intégralité des termes en lien avec la grossesse de l‘épistolière (12/12) : sospita, prenyat, parir, part. Ces 4 lemmes représentent à eux seuls 39 % des possédés qui renvoient à la 1e personne de l‘auteur des lettres. Ce constat vient soutenir l‘hypothèse que dans ce texte le champ lexical de la grossesse a une importance paradigmatique considérable. C‘est lorsqu‘il ne s‘agit pas de la grossesse de l‘auteur mais de celle d‘une connaissance (938) que l‘on rencontre la seule occurrence de possessif non articulé avec les termes en question : (926) (927) (928) (929) (930) (931) (932) (933) (934) (935) (936) (937) i la mia sospita va avant (Epistolari, p. 55, l. 26) I la mia sospita va avant (Epistolari, p. 58, l. 11) i la mia sospita va avant (Epistolari, p. 59, l. 4) Quant al meu prenyat, ell se va adobant, que ja menge molt millor que solia (Epistolari, p. 18, l. 12) Jo compte lo meu prenyat de XXII de noembre [sic] (Epistolari, p. 130, l. 13) no tindrà vostra senyoria temps d‘anar a Barcelona abans de venir al meu parir (Epistolari, p. 79, l. 23) L‘anada de vostra senyoria a Barcelona tinc jo per dubtosa abans del meu parir (Epistolari, p. 119, l. 1) d‘acì a que sia temps de venir al meu parir perquè des d‘acì pogués vostra senyoria anar descansadament a sa casa (Epistolari, p. 119, l. 7) lo temps del meu parir s‘acosta (Epistolari, p. 123, l. 28) no deixarà per res de venir al meu part (Epistolari, p. 66, l. 22) jo tinc poca esperança de la venguda de vostra senyoria per al meu part (Epistolari, p. 146, l. 1) ella no ha publicat sa sospita, ni jo tampoc la mia (Epistolari, p. 8, l. 25) Précisons que la personne grammaticale n‘est pas en cause ici parce que les occurrences à la 1e personne (si l‘on exclut les T ) ne se combinent avec un article que dans 2/15 cas. De même, en portugais, dans Peregrinação, une chronique de voyage, tous les noms qui désignent une embarcation, à savoir, embarcação (6/6), fusta (6/6), nau (5/5), junco (4/4), navio (1/1), lorcha (1/1) et galé (1/1) se construisent avec la structure possessive articulée, à chaque fois qu‘ils apparaissent dans le texte, à l‘exception de l‘occurrence où deux noms sont coordonnées lancharas et jurupangos (946). Nous proposons un exemple par terme : (938) E mandando [a rainha Aaru] logo fazer prestes as suas embarcações (Peregrinação, p. 90, l. 18) 402 (939) (940) (941) (942) (943) (944) (945) Neste tempo chegaram as nossas fustas que vinham remando (Peregrinação, p. 41, l. 17) o qual Fernão de Morais, tanto que conheceu a nossa nau, requereu ao capitão (Peregrinação, p. 37, l. Nous avons dressé la liste des possédés qui présentent plus de 4 occurrences dans un texte. Or, seule une minorité se retrouve dans plusieurs textes, et souvent il n‘est pas clair que ces termes aient une importance sémantico-pragmatique particulière. En outre, il n‘y a pas de corrélation entre la récurrence dans un texte particulier et l‘emploi de l‘article devant le possessif. Par exemple, dans EvMateo, discipulo (0/46) est bien plus récurrent que nombre (11/11). Dans HisTroyana, il n‘est pas clair qu‘isla (7/7), ciudad (10/15) ou tierra (4/32) ait une importance pragmatique différente. Dans Corbacho, le terme voluntad (0/25) est tout aussi récurrent que coamante (7/26) et l‘importance sémantico-pragmatique de la volonté dans le traité n‘est absolument pas négligeable, à notre sens. Par ailleurs, le pendant masculin de coamante est amigo (0/18), qui n‘est jamais précédé d‘art+pos. Si certains pourraient affirmer qu‘aux yeux de l‘auteur l‘homme est moins coupable que la femme pour justifier l‘écart de proportion d‘art+pos+N entre les deux lemmes, comment justifier que des 7 occurrences de amante (au féminin), amada et amiga aucune ne soit articulée? 439 Signalons que, malgré l‘importance de la navigation dans la culture portugaise de l‘époque, le champ lexical des embarcations est très peu présent dans notre corpus. En outre, les occurrences antérieures au 16 e siècle, à une exception près, sont non articulées (14/15). Au 16 e-17e siècle (en dehors de Peregrinação), elles sont toutes articulées à une exception près également (8/9), et également du 18 e au 20e siècle (3/3). 403
En portugais, dans CróPedro, reino (0/47) est de loin le possédé le plus récurrent pourtant il n‘est jamais précédé d‘art+pos tandis que conselho (5/9), bien moins fréquent est combiné avec une structure articulée dans plus de la moitié des cas. Dans Menina, olho (15/19) et cuidado (6/17) sont les deux possédés les plus récurrents dans ce texte, pourtant ils ne présentent pas une même proportion de structures articulées. D‘autres possédés bien moins récurrents et pour lesquels il n‘y a pas de raison de supposer un degré supérieur d‘importance paradigmatique (cabelos : 4/4 et rosto : 8/8440) se combinent plus fréquemment avec la construction articulée. En catalan, dans Il·lustracions, Catalunya est précédé d‘art+pos dans 30/34 occurrences, comme nous l‘avons déjà signalé. C‘est le possédé le plus récurrent. Le deuxième est mar qui est également toujours construit avec une structure articulée (20/20). Les deux lemmes représentent à eux seuls 1/4 des substantifs articulés. Notons que dans les deux cas, le possessif qui accompagne le noyau est toujours à la 4e personne. Cependant, des termes bien moins récurrents, comme comtat, provincia, regió, Espanya, Europa, Pireneus, Rosselló et vall présentent la même tendance (17/17) et les possessifs de certains sont à la 6e personne (provincia, regió et vall). En revanche, montanya (-es) qui appartient au même champ lexical de la géographie naturelle que mar ne présente pas la même tendance (1/3 occurrence articulée). Dans Hereu, le substantif patrimoni renvoie toujours à Marçal, l‘héritier Noradell, comme possesseur. Il se combine avec une structure articulée dans 9/12 occasions (contre 17 % des possédés non Tpar dans le texte). C‘est 2e possessif le plus récurrent après cor dans tout le texte (en dehors des Tpar). Or, ce dernier se combine avec une structure articulée dans 5/17 occurrences, soit moins fréquemment que patrimoni. Ainsi, un certain nombre de chercheurs des trois langues soutiennent que la structure articulée est employée dans le but de mettre en relief les notions essentielles, souvent récurrentes, d‘un texte et pour créer autour d‘elles une tension narrative. Elle serait donc un marqueur discursif. Cependant, les chercheurs en question ne donnent en général pas d‘explication sur les critères qu‘ils ont utilisés pour classer les données (notions essentielles / non essentielles), ni sur la manière dont ils ont testé leur hypothèse. Or, si la classification ne repose que sur l‘arbitraire de notre ressenti, ni les exemples ni les contre-exemples ne prouvent la véracité ou la fausseté de l‘hypothèse en question. Par ailleurs, les hypothèses formulées sur la seule observation des variantes marquées ne sont pas recevables non plus, tandis que la considération des occurrences de pos+N permettrait de nuancer bien des 440 Notons que ces possédés sont associés à différents possesseurs. 404 affirmations. En outre, s‘il est ponctuellement possible d‘observer une importante fréquence d‘emploi de la structure articulée avec un même champ lexical, ce n‘est qu‘un nombre insignifiant d‘exemples qui sont concernés, dans un nombre restreint de textes, de sorte que l‘incidence générale de ce critère est très réduite. Par ailleurs, il n‘est pas clair que la récurrence d‘un possédé puisse être rattachée à l‘idée d‘importance pragmatique. De même, dans nos données, nous n‘avons pas détecté de corrélation entre la récurrence d‘un possédé dans un texte et l‘emploi de l‘article devant le possessif. En outre, ne perdons pas de vue que plus un substantif est récurrent et plus l‘alternance a l‘espace de s‘exprimer. C‘est une évidence, certains chercheurs, plus enclins aux interprétations sémantico-pragmatiques, l‘oublient parfois. Or, d‘après Company (2008 : 15) : « la bajísima productividad léxica es un indicador del estatus de construcción del sintagma » art+pos+N. Elle affirme (ibid : 19) : « con unos pocos sustantivos se construye la totalidad de estos sintagmas en el español medieval. La recurrencia y repetición de los mismos núcleos a través de los diferentes textos indica que se trata de un patrón de frase, con una composicionalidad léxica empobrecida o, al menos, muy restringida, tal como sucede con muchas construcciones, sean verbales o nominales (Goldberg 2006 : 55) ». Dans la section suivante, nous aborderons donc la question de l‘alternance à travers le prisme des Traditions Discursives.
3.5. Traditions discursives et sélection des variantes 3.5.1.
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Ce diagnostic médical leur semble cependant encore très flou ; on leur traduit le terme par « état-limite », que Sylvie traduit à son tour par « entre-deux », un diagnostic finalement assez proche de celui qu'elle a posé depuis longtemps. Ce diagnostic institutionnalise, officialise la situation intermédiaire de Frédéric, toujours entre deux états, mais aussi entre deux établissements. Avant ce premier diagnostic médical, Marc et Sylvie n'avaient eu accès à aucun diagnostic proprement dit ; à l'hôpital de jour, ils s'étaient notamment heurtés à des médecins refusant de mettre des « étiquettes » sur les enfants. Les effets d'un diagnostic médical sur le travail d'identification de l'entourage varie d'un diagnostic à l'autre. Certains diagnostics, relayés par un travail médical, associatif et institutionnel ont acquis une visibilité et une reconnaissance qui se traduit par des représentations assez détaillées chez les profanes, comme dans le cas de la trisomie 21. D'autres en revanche, qui prêtent souvent davantage à débat dans le champ médical, ou qui concernent des pathologies moins fréquentes, laissent aux profanes une marge d'interprétation plus importante. Le diagnostic de « borderline » fait partie de ces derniers et a surtout eu pour effet, dans le cas de Frédéric, de confirmer aux yeux de ses parents sa situation exceptionnelle, inclassable, « entre-deux ». Leur théorie diagnostique se trouve ainsi renforcée par la légitimation médicale induite par ce diagnostic. Par ailleurs, notons que ce diagnostic relève habituellement davantage de la logique de la maladie mentale que de celle du handicap mental. Il qualifie en effet des troubles de la personnalité, de l'humeur, apparaissant plutôt au cours de l'enfance ou de l'adolescence que dès la naissance. L'
opposition entre
handicap
et
maladie
mentale structure en partie, comme on l'a vu, le champ de prise en charge des enfants et adolescents atteints de problèmes mentaux, mais aussi les représentations des profanes, qui opposent couramment ce qui relève de la folie et ce qui relève de la limitation intellectuelle. Cependant, autour d'un cas singulier, la distinction n'est pas forcément évidente. Frédéric a commencé par être pris en charge dans des établissements accueillant plutôt des enfants atteints de troubles psychiques, relevant donc plutôt de la maladie mentale (hôpital de jour), avant d'être « réorienté » vers des établissements plutôt dédiés aux enfants et adolescents handicapés mentaux (les deux écoles privées hors-contrat, la classe de perfectionnement, l'IME). 2 Les modalités d'usage des théories diagnostiques
Pour saisir plus concrètement l'influence que peuvent avoir les théories diagnostiques, il faut s'interroger sur les manières dont les parents peuvent tenter de les imposer aux établissements envisagés. On se rend alors compte que les mêmes mécanismes que ceux décrits dans la partie précédente au sujet des rapports avec les professionnels de la santé réapparaissent : il s'agit largement d'imposer son point de vue sur l'enfant contre celui, potentiellement divergent, des responsables de l'établissement visé. Ceci apparaît par exemple clairement lorsque Marie Masure (enseignante), lors de notre quatrième entretien, me raconte les stages auxquels son fils Charles (syndrome d'Angelman, difficultés de compréhension, troubles du comportement, absence de parole) a été soumis dans l'espoir de quitter ABC École pour un IMPro10. Un premier stage durant l'été 2004 dans un IMPro parisien semblait 10 Marie Masure parle plutôt « d'EMPro » (établissement médico-professionnel), mais c'est la même chose qu'un IMPro (voir le glossaire en annexe pour plus de détails). pourtant devoir rapidement déboucher sur une prise en charge : le rapport de stage est bon et une lettre prévient Marie que Charles va être mis sur liste d'attente et qu'il pourra être intégré dès qu'une place se libérera. En attendant, un autre établissement, spécialisé à l'origine dans la surdité mais ouvrant une nouvelle section pour des adolescents ayant d'importants problèmes de communication (Charles ne parle pas), contacte Marie et propose lui aussi un stage à Charles. C'est alors que le premier IMPro rappelle Marie, lui demande si elle a trouvé une solution pour son fils puis, devant sa réponse négative, la prévient qu'elle va bientôt recevoir de leur nouvelles par courrier. On peut imaginer sa déception quand, ayant reçu quelques jours plus tard le courrier en question, elle apprend que Charles est invité à effectuer un nouveau stage dans l'établissement. Voici comment Marie raconte les discussions et décisions qui s'en sont suivies : « À l'issue de ce stage, alors je reçois une lettre beaucoup moins enthousiaste du directeur, disant qu'il pourrait avoir une place (réfléchit) alors comment il a entortillé ça? 'il est sur une (insiste sur ce mot) liste d'attente pour une place adaptée'. Alors c'était plus 'on a le plaisir de vous annoncer que'. (cherche ses mots) Ah oui! alors entre-temps, c'est vrai que je lui avais téléphoné, avant le deuxième stage, en lui disant : 'Mais est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi vous m'avez envoyé cette lettre-là en juillet et maintenant, vous voulez lui faire refaire le stage?' Il me dit : 'Non non non, (cherche ses mots) j'ai aucune raison de vous répondre. Non non non, je peux rien vous dire, je peux rien vous dire.' Je lui dis : 'Écoutez, est-ce que vous vous réservez le droit de revenir sur votre parole – alors ça lui a pas beaucoup plu – et de dire non?' 'Ah! mais je ne peux pas vous dire, c'est pas comme ça que ça se passe, vous comprenez.' Alors bon, au bout d'un moment de discussion, je lui avais dit : 'Écoutez, de toute façon j'ai pas le choix, (cherche ses mots) je suis aux abois, donc bien sûr, il va le faire, le stage.' Ce monsieur m'a très aimablement répondu : 'Madame, mais si vous avez le choix!', je dis : « Ah bon? Lequel?', 'De ne pas mettre votre fils chez nous si vous pensez qu'on ne fait pas les choses comme il faut.' Voilà! Bon! Donc là-dessus Charles fait son stage et j'ai la deuxième lettre, donc, qui était nettement moins enthousiaste. » C'est le moment que choisit le second IMPro
pour
revenir
à la charge et proposer lui aussi à Charles un deuxième stage, en précisant que le premier ne leur avait pas permis de se rendre bien compte de ses capacités. Au terme de ce second stage (le quatrième en quelques mois pour Charles), le directeur de l'établissement refuse d'intégrer Charles et informe sa mère qu'il va signaler à la CDES que cet enfant est mal orienté et relève selon lui d'un centre pour poly-handicapés et non d'un IMPro. Finalement, la CDES rassure Marie Masure en lui confirmant que Charles relève bien, selon eux, d'un IMPro et que le directeur 263 du second établissement n'a pas encore suffisamment l'expérience des enfants handicapés mentaux pour bien juger Charles, ce que sa mère s'empresse de lui faire comprendre lors d'une conversation téléphonique, en insistant sur la singularité de son fils : « Bon, il faut connaître Charles, faut avoir le mode d'emploi pour Charles. C'est sûr qu'il a une maladie rare, je veux dire, il réagit comme aucun autre enfant handicapé, enfin mis à part ceux de son syndrome et ils sont tellement peu nombreux que (s'arrête) Parce qu'avec le directeur, le deuxième là, on a eu une longue discussion au téléphone parce qu'il a été, en plus, pas très agréable. Et il me disait qu'il avait été évalué par vingt (insiste sur ce mot) spécialistes chez lui etc. Alors je finis par lui dire : 'Écoutez, tous vos beaux spécialistes, je suis désolée, ils n'ont jamais rencontré de leur vie un enfant qui a le syndrome d'Angelman et peut-être qu'ils n'en rencontreront pas d'autres que mon fils! Alors soyons sérieux, si y'a une personne qui connaît Charles, c'est moi! d'abord. Et les gens spécialistes d'Angelman. Mais ne dites pas que vos spécialistes, ils sont spécialistes en Angelman.' Enfin bon, une bonne discussion agréable! J'ai raccroché. (rires) » Marie décrit ici une véritable situation de lutte, entre autres verbale, avec les établissements envisagés pour son fils Charles. L'un des enjeux de ce conflit latent est de déterminer qui est responsable de cette situation critique ; Marie tente de la faire porter sur le directeur de l'EMPro en lui disant « qu'elle n'a pas le choix », donc que c'est lui qui tire les ficelles et peut opter ou non pour une issue favorable. Il lui rétorque alors qu'elle a le choix puisqu'elle peut se tourner vers un autre établissement, ce qui signifie que d'une certaine façon, c'est elle qui est responsable de la prise en charge que pourra finalement avoir son fils. Chacun cherche donc à garder dans les faits la marge de manoeuvre la plus grande possible pour agir et décider, tout en faisant porter dans le discours la responsabilité sur l'autre en lui imputant cette même marge de manoeuvre. On retrouve aussi l'idée que la légitimité des professionnels à se dire « spécialistes » de l'enfant peut être fortement contestée par les parents, comme ici la mère de Charles. Celleci estime en effet qu 'une batterie de tests ne peuvent permettre de cerner les capacités de son fils, qu'il ne dévoile que sur le long terme d'une relation personnelle, et donc pas dans n'importe quel contexte. C'est ce qu'elle exprime très clairement un peu plus tard dans l'entretien : « Mais bon, j'ai trouvé que le premier, ils avaient fait un bon bilan, j'ai pu voir ce qu'ils avaient fait. Le problème de Charles, c'est d'abord qu'il sait pas montrer et il ne veut pas montrer ce qu'il connaît, ce qu'il sait. L'autre jour, il a bluffé son orthophoniste parce qu'il a voulu aller absolument à l'orthophonie avec ce livre (me montre) qu'il avait eu à 264 ABC École l'année d'avant. En attendant, je lui demandais de montrer le cerveau, il le faisait. Quand l'orthophoniste arrive, je lui dis, je lui montre, elle en revenait pas qu'il soit capable de faire ça. (léger rire) Mais ça se voit pas. Quand il fait des stages, il fait un peu le bébé, il montre pas. C'est dans le long terme, faut qu'il soit en confiance, faut pas qu'il se sente en état de test. Si à l'EMP11, ils l'ont montré à vingt spécialistes, alors là c'est vraiment C'est la dernière chose pour lui qu'il faut faire, parce que je sais très bien que dans ce cas-là, il montre rien du tout. » Cet exemple fait par ailleurs bien apparaître le rapport de force qui se joue entre responsables des établissements et parents lors de la semaine d'essai qui précède en général une éventuelle intégration de l'enfant. C'est un moment où, malgré l'identification de l'enfant que synthétise son dossier administratif (lorsqu'il y en a un, ce qui est presque toujours le cas), se rejoue l'évaluation de ses capacités, ses difficultés et son comportement. La théorie diagnostique des parents, qui peut dans ce contexte être remodelée pour favoriser les chances de l'enfant d'entrer dans l'établissement désiré, se heurte alors éventuellement à l'évaluation faite pendant la semaine d'essai. Mais cette dernière peut aussi servir de prétexte pour refuser un enfant qui ne remplit pas certains critères plus officieux (sexe, âge, origine sociale etc.). Lors de notre deuxième (en juillet 2005), Mme Lescole, la directrice de l'IMPro Guy Môquet, dans lequel j'ai effectué une semaine d'observation et relevé des informations sur les jeunes accueillis, m'explique comment se sont faits les derniers recrutements. L'établissement a ouvert ses portes en 2001 en recrutant des jeunes qui avaient pour la plupart entre 14 et 16 ans et s'est donc retrouvé en 2004 et 2005 face à une augmentation des départs puisque l'âge limite, sauf dérogation, est de 20 ans dans ce type d'établissement. 265 au début à une réunion de directeurs, mais j'étais dégoûtée par les discours 'haut du panier','sélection'. Je sais que rue Madame, c'est le (cherche ses mots) haut niveau (s'arrête) Puis le mot 'niveau' déjà me gêne chez les autres jeunes, alors ici encore plus, quoi. Donc c'est vrai que nous, c'est assez spécifique comme population. () Toujours pour les entrants etc., est-ce que le sexe, ça joue? Est-ce que vous essayez d'équilibrer filles/garçons? Oui, (cherche ses mots) oui oui, j'ai fait attention à ça, parce que j'avais beaucoup plus de garçons, j'ai priorisé les nanas. J'ai besoin de filles quand même, il faut un équilibre. » Pauline Descamps (syndrome de WAGR, très mauvaise vue, difficultés intellectuelles, angoisses) est entrée dans cet établissement à la rentrée 2004. Ses parents (Élisabeth Descamps, ex-radiologue au foyer ; Emmanuel Descamps, ingénieur) habitent les Hauts-deSeine et occupent des positions sociales favorisées. Le profil de Pauline est donc atypique dans cet établissement, où l'on compte une majorité de garçons (environ 56%), de jeunes d'origine sociale moyenne ou modeste (environ 75%) et habitant à Paris (environ 90%). Lorsqu'Élisabeth Descamps me parle de l'arrivée de Pauline dans cet IMPro (lors de notre troisième entretien, en septembre 2005), elle évoque les critères qui ont pu faire pencher Mme Lescole pour ce recrutement atypique : « Ben c'est pour ça que Pauline, en fait, elle est arrivée une année où y'avait très peu d'arrivées de Bourneville12 et c'est pour ça qu'elle a été prise,
hein! C'est vraiment, je dirai, un coup de chance, un coup du hasard, voilà. Parce que cette année, elle aurait même pas pu postuler. Surtout que Mme Lescole, je crois, s'est fait taper sur les doigts parce que Pauline habite dans le 92. () Au niveau équilibre des sexes et (hésite) niveau social aussi, m'a dit Mme Lescole, et niveau donc des capacités. Ce que je peux comprendre, hein! Malheureusement (insiste sur ce mot), malheureusement le manque de places fait () qu'on a l'impression que quand on nous prend notre enfant en IMPro, c'est un cadeau. 266 l'influence que peuvent avoir les théories diagnostiques des parents sur leurs décisions effectives dans la mesure où celles-ci sont tout de même largement contraintes. Il est un cas particulier où la marge de manoeuvre des parents est cependant particulièrement visible, celui où l'enfant cumule différentes déficiences rarement associées. Pauline, qui est atteinte du syndrome de WAGR, a ainsi à la fois des difficultés intellectuelles et une déficience visuelle. Son parcours institutionnel, tel que le raconte sa mère ci-dessous13, reflète un balancement entre ces deux difficultés : « À six ans et demi – ou sept ans, enfin je sais plus – donc on lui a trouvé une (cherche ses mots) CLIS, () donc liée avec un SESSAD déficients visuels, une CLIS déficients visuels (insiste sur ce mot), toujours! – certaines personnes dans ma famille m'ont dit : 'T'as eu de la chance parce que Pauline n'aurait pas été déficiente visuelle, tu n'aurais pas trouvé de place.' Et sur le coup, je l'ai un peu mal pris, puis après je me suis dit : 'Tout compte fait, c'est peut-être vrai', parce que les (cherche ses mots) CLIS handicap mental étaient (cherche ses mots) complètes, tandis que là, la CLIS déficients visuels était pas du tout complète et Pauline est restée donc à C*** avec une maîtresse pendant trois ans, qui a été extraordinaire pour Pauline. Donc qui a bien vu que Pauline n'avait pas qu'une déficience visuelle, de toute façon elle (cherche ses mots) accueillait déjà des enfants qui n'étaient pas intégrables (insiste sur ce mot), donc qui avaient, je dirai, un retard scolaire important, plus leur déficience visuelle, mais qui n'étaient pas étiquetés handicapés mentaux . () La dernière année, là, avec la maîtresse, on a vu que les autres progressant plus vite que Pauline, (hésite) Pauline devait se sentir quand même en échec et du coup, (hésite) l'envie commençait un petit peu à décliner. () La maîtresse a cherché autre chose et elle a trouvé donc l'institut « Boucles de Seine ». () Et elle y est restée cinq ans. Voilà. Et c'est ce qu'on appelle donc (réfléchit) un institut pour déficients visuels avec handicap associé. () Et donc après l'institut « Boucles de Seine », depuis l'année dernière, elle a fait son entrée dans un IMPro14. 267 internat, eh ben y'avait pas de possibilité d'aller en IMPro, je lui dis : 'Ben moi je vais demander des IMPro non déficients visuels, y'a pas de raison, Pauline, elle peut quitter le milieu déficients visuels et l'IMPro peut prendre en compte (s'arrête) S'ils ont besoin d'aide, moi je peux (s'arrête)' De fait, on a donné un clavier gros caractères et puis en fait, ils grossissent les devoirs, quand y'a devoir, ils grossissent des choses, et Pauline se débrouille, là-bas ils ont pris en compte la déficience visuelle, je pense, correctement. Et puis voilà, elle se débrouille! » Cet exemple permet de mieux cerner ce que j'entends par « marge de manoeuvre ». D'un côté, on sent bien que la déficience visuelle de Pauline est ici « utilisée » par Élisabeth pour lui trouver une solution dans le contexte difficile qu'est la région parisienne. De même, à l'issue des années au Val Mandé, la déficience intellectuelle de Pauline est cette fois-ci utilisée pour éviter l'internat de l'IMPro de Chilly-Mazarin pour jeunes déficients visuels. Pour autant, il me semble difficile d'envisager ce par
cours
en termes purement stratégi
ques. La réaction d'Élisabeth à la remarque faite par un de ses proches sur la « chance » qu'a Pauline d'avoir une déficience visuelle en plus de sa déficience intellectuelle est de ce point de vue intéressante : elle la choque dans un premier temps, mais elle finit par la reprendre à son compte. La déficience visuelle n'est pas en soi un atout et complique à bien des égards la prise en charge institutionnelle de Pauline. Dans chaque établissement qu'elle a fréquenté, la présence de la seconde défi cience a compliqué sa prise en charge et obligé Élisabeth comme les différents éducateurs ou enseignants de Pauline à s'adapter, même si l'institut « Boucles de Seine » est explicitement destiné à accueillir des enfants déficients visuels ayant un second handicap associé. Mais dans le contexte particulier du manque de places pour enfants déficients intellectuels, la déficience visuelle de Pauline a effectivement fonctionné comme un atout lui ouvrant certaines portes. De plus, au moment même où Élisabeth « utilise » la déficience visuelle ou la déficience intellectuelle de Pauline, elle n'en a pas forcément conscience et ne fait que suivre les possibilités qui lui sont ouvertes. « Bon, moi je me rendais bien compte que y'avait pas que le problème oculaire, mais sans avoir notion de ce qui pouvait se passer ; vraiment c'était très flou, très flou dans notre tête! (réfléchit) Mon mari était très persuadé qu'il y avait rien, qu'elle rentrerait en CP normalement (s'arrête) voilà, bon. Et puis petit à petit, on s'est quand même rendu compte, la psychomotricienne nous a dit : 'Vous savez, il faudrait peut-être aller voir une psychologue, une psychothérapeute', bon, petit à petit, on s'est rendu compte que y'avait des troubles du comportement, qu'on nous disait liés à la malvoyance, mais on voyait bien qu'il y avait pas que ça, y'avait un tout qui ne collait pas bien. Moi je voyais bien, c'était ma quatrième, c'était pas du tout comme les autres. Ceci dit, elle avait des angoisses très fortes, des moments de colère énormes, mais aussi une enfant assez gaie, (hésite) bon, qui a marché à deux ans, bon voilà. Et puis petit à petit, s'est imposé à nous le handicap mental. Alors là, (hésite) on avait pris contact, au début, avec l'ANPEA, donc l'Association Nationale des Parents d'Enfants Aveugles, (se reprend) et malvoyants (se reprend) et gravement (insiste sur ce mot) déficients visuels – puisque Pauline n'est pas aveugle, elle est déficiente visuelle importante. Et puis petit à petit, on a pris (se reprend) enfin j'ai pris contact – mais bon, mon mari étant d'accord derrière, mais jamais (cherche ses mots) moteur dans cette histoire ; toujours d'accord mais jamais moteur ; bon!
– donc avec l'UNAPEI. » Cette « coïncidence » montre la complexité des liens entre théorie diagnostique des parents et parcours institutionnel des enfants. D'un côté, la théorie diagnostique oriente les recherches et les décisions des parents, principalement en leur faisant éliminer certaines solutions qu'ils jugent inadaptés à leur enfant. De l'autre, cette théorie diagnostique évolue avec le parcours institutionnel de l'enfant, au point que l'on peut parler d'un « effet retour » du parcours institutionnel de l'enfant sur la théorie diagnostique des parents, effet que l'on va maintenant examiner de plus près. 3 La théorie diagnostique : prédicteur ou révélateur?
Cet « effet retour » des solutions de prise en charge
vers
la théorie
diagnosti
que
est en fait
une
combinaison
de
plus
ieurs
phé
nomènes. Tout d'abord, c'est souvent en voyant l'enfant au milieu des autres enfants accueillis dans un établissement que ses parents (et les autres membres de son entourage) se formulent de manière plus générale les caractéristiques de son handicap. Les premiers temps dans un établissement sont ainsi très souvent des moments de redéfinition de la théorie diagnostique. Et accepter que l'enfant continue à fréquenter tel établissement va souvent de pair avec l'acceptation que l'enfant correspond bien, de près ou 269 de loin, à la population accueillie par l'établissement. C'est la plasticité des théories diagnostiques, que j'ai soulignée dans la deuxième partie, qui les rend ouvertes à de telles influences, au contraire par exemple du diagnostic médical, plus objectivé et donc aussi plus stable. Ensuite, la fréquentation d'autres enfants handicapés est presque toujours rendue responsable d'une évolution de l'enfant. On se souvient par exemple que Sylvie Manaud (institutrice ; mari informaticien), comme beaucoup d'autres parents rencontrés, craignait que la fréquentation des enfants accueillis à l'hôpital de jour « tire Frédéric vers le bas » (borderline, troubles du comportement, angoisses), jusqu'à le rendre incapable de changer d'établissement au fur et à mesure qu'un fossé grandissant le séparait du niveau attendu dans d'autres types d'instituts. De plus, le malaise supposé de Frédéric dans cet établissement était rendu responsable d'une accentuation de son instabilité psychologique, si bien qu'il risquait de finir par être à sa place à l'hôpital de jour, mais à cause de son séjour à l'hôpital de jour. On pour rait qualifier ce mécanisme de logique « performative » [Austin, 1991] dans la mesure où c'est la caractérisation de Frédéric comme relevant d'une prise en charge en hôpital de jour qui finit par le rendre adapté à une telle prise en charge. Et c'est bien sûr un mécanisme très craint par les parents, et qui fait peser chaque décision de prise en charge d'un poids particulier. Il faut dire que les enfants handicapés mentaux sont souvent conçus comme particulièrement sensibles à leur entourage, qui risque toujours de leur porter préjudice, voire de les « contaminer ». Ce problème de la contamination est un problème très général que l'on retrouve sous la plume d'Erving Goffman à propos des délinquants : « L'identité sociale de ceux avec qui se trouve un individu peut servir de source d'information sur son identité sociale à lui, partant de l'hypothèse qu'il est ce que les autres sont. C'est peut-être dans les milieux de délinquants que se rencontre le cas extrême : l'individu recherché contamine aux yeux de la loi tous ceux avec qui on le trouve, les exposant à être arrêtés comme suspects. (C'est pourquoi on dit dans le milieu d'une personne contre qui un mandat d'arrêt est délivré qu'elle est 'contagieuse'.) » [Goffman, 1975, p. 64] Dans le cas des enfants handicapés mentaux, cette « contamination » peut simplement consister en l'adoption de « mauvaises manières », comme le regrettent plusieurs parents en entretien. Mais s'il y a un mélange que les parents, surtout ceux qui appartiennent à un milieu social favorisé, craignent par-dessus tout, c'est bien celui des classes sociales, qui se traduit en l'occurrence par la fréquentation d'enfants en échec scolaire et potentiellement agressifs, caractériels. En somme, c'est la difficulté à contrôler la socialisation par les pairs de leur enfant, du fait que ses troubles restreignent 270 très fortement ses possibilités de scolarisation, qui inquiète souvent les parents. Et ceci pour trois raisons : 1) ils ont peur pour la sécurité de leur enfant ; 2) ils ont peur que leur enfant adopte certains de leurs comportements ; 3) ils ne veulent pas que l'on confonde mauvaise éducation et problèmes mentaux. Cependant, le mélange entre classes sociales n'est pas le seul qui pose problème. Le mélange de difficult de degrés différents pose lui aussi problème, dans la mesure où mettre son enfant avec des « plus handicapés », c'est aussi l'identifier à eux et donc en quelque sorte le « tirer vers le bas ». Très souvent, la visite des IME et hôpitaux de jour notamment, mais aussi d'autres types d'établissements, fait peur aux parents car ils ne veulent pas que leurs enfants soient mélangés avec d'autres enfants plus « atteints ». Mettre son enfant avec des plus handicapés, c'est prendre le risque qu'il devienne comme eux, soit par mimétisme, soit simplement parce qu'un des facteurs essentiels d'objectivation du degré de handicap, c'est le degré de handicap de ceux avec qui on est placé. Catherine Loski (journaliste ; ex-compagnon cadre bancaire) l'exprime clairement lorsqu'on lui propose de trouver un hôpital de jour pour sa fille Fanny (difficultés de compréhension, angoisses, aucun diagnostic) : « Je m'étais toujours refusée à l'hôpital de jour et comme Fanny était suivie parallèlement en psy, en CMPP, on m'a dit : 'Mais (cherche ses mots) si on vous trouvait un centre qui corresponde exactement aux enfants en difficulté comme Fanny?', parce que le principe (cherche ses mots) des hôpitaux de jour, c'est que tous les handicaps sont mélangés et on vous dit : 'Ah! mais c'est pas vrai qu'elle va souffrir avec des enfants encore plus handicapés qu'elle, au contraire, c'est bénéfique.' Bon ça, faudra qu'on me le prouve avant que je le fasse! » Il s'agit alors de trouver pour son enfant un établissement où il ne soit pas « enfoncé » par des enfants plus handicapés que lui, mais plutôt « tiré vers le haut », une expression qui revient souvent dans la bouche des parents que j'ai rencontrés. Enfin, je fais l'hypothèse que les théories diagnostiques varient en fonction des solutions de prise en charge anticipées, et non uniquement adoptées [Béliard, 2008]15. Malgré l'orientation précoce des parents de Frédéric vers une approche psychologique, ainsi que leur formulation progressive de ses difficultés en termes de « troubles de la personnalité », on peut remarquer qu'ils se sont toujours bien gardés de basculer du côté d'une approche en termes de maladie mentale. Ils adoptent tous deux le langage du handicap, de la limitation, du retard, et s'orientent de préférence vers des établissements dédiés à des enfants handicapés mentaux 271 (l'expérience de l'hôpital de jour étant plutôt repous soir). On peut raisonnablement supposer que le refus des prises en charge pour les malades mentaux a influencé la formulation d'une théorie diagnostique relevant davantage d'une logique de handicap mental. Il faut cependant se garder de caricaturer cette dernière forme de l'effet retour en considérant l'élaboration des théories diagnostiques uniquement comme des stratégies visant à obtenir la prise en charge souhaitée. Ce n'est pas pour échapper à l'hôpital de jour que les parents de Frédéric le décrivent avec le vocabulaire de la limitation, mais ce rejet de ce type de solutions influence néanmoins, parmi bien d'autres éléments, leur façon de considérer leur fils. C'est d'ailleurs l'objet central de mon propos de montrer que les théories diagnostiques sont à la croisée de nombreux enjeux (médicaux, institutionnels, familiaux). En définitive, les analyses qui précèdent montrent que les théories diagnostiques et les solutions de prise en charge envisagées sont étroitement interdépendantes. D'un côté, les premières orientent les recherches de prise en charge institutionnelle et permettent notamment d'éliminer a priori certaines solutions. De l'autre, l'entrée effective (voire envisagée) de l'enfant dans un établissement influence en retour la théorie diagnostique, soit parce qu'il semble aux parents que l'enfant lui-même évolue (en étant tiré vers le haut ou vers le bas, en imitant le comportement de ses nouveaux camarades ou par le biais des enseignements et activités proposés), soit parce que la plasticité de la théorie diagnostique la rend sensible au contexte dans lequel évolue l'enfant. Si le profil des autres enfants ou adolescents, tel que les parents peuvent l'observer ou le deviner, et les retours qu'ils obtiennent de la part des éducateurs ou enseignants correspondent à l'idée qu'ils se font de leur propre enfant, leur théorie s'en trouve renforcée. Elle s'en trouve même « confirmée », au sens fort, c'est-à-dire au sens où Max Weber [2003] l'emploie : de même que le protestant trouve dans sa réussite professionnelle la confirmation de son statut d'élu de Dieu, la théorie diagnostique ne vaut réellement, ne trouve son accomplissement que lorsqu'elle est mise à l'épreuve, confirmée par une expérience. C'est qu'avant d'être une construction intellectuelle visant à décrire de façon juste les choses, c'est une théorie orientée vers la pratique, qui n'a de valeur qu'à travers l'efficacité qu'elle peut avoir. Tant qu'elle ne se trouve pas confirmée par l'expérience, ou au moins utilisable avec efficacité dans telle ou telle situation, elle n'a pas de véritable raison d'être. La théorie diagnostique peut donc être considérée à la fois comme un prédicteur de la prise en charge institutionnelle, dans la mesure où elle l'influence, et un révélateur de celle-ci, puisqu'elle est en retour influencée par elle. Il reste cependant un dernier élément à prendre en compte pour cerner encore un peu mieux comment se fait l'adéquation entre théorie 15 Cette hypothèse est formulée conjointement avec Aude Béliard, qui traite dans sa thèse de sociologie en cours 272 diagnostique et prise en charge institutionnelle : le regard que les parents portent sur les établissements. 4 Quand les parents jugent les établissements
Les établissements susceptibles d'accueillir des enfants ayant des difficultés d'ordre mental sont, comme on l'a vu, extrêmement divers. Ceux qui sont publics ou qui ont passé un contrat avec l'État sont tenus de respecter certaines obligations, comme par exemple d'annoncer quel type d'enfants ou adolescents ils peuvent accueillir. Comme on s'en doute, ce genre d'informations reste insuffisant pour se faire une idée un peu précise du fonctionnement réel de l'établissement et la plupart des parents ne s'en contentent pas pour inscrire ou non leur enfant. Ils sont au contraire attentifs à de nombreux critères et souvent critiques, comme le montre une enquête par entretiens auprès de familles investies dans la réussite scolaire d'un enfant ayant une déficience motrice ou auditive [Garel et Lesain-Delabarre, 1999a]. Tout d'abord, on l'a déjà dit ci-dessus, ils sont généralement très sensibles au type de difficultés qu'ont les enfants accueillis, qu'ils jaugent non seulement en fonction de ce qu'annonce l'établissement, mais aussi en voyant si possible les enfants accueillis et en demandant des précisions aux responsables qui acceptent de les recevoir ou au moins de leur répondre par téléphone. faire nous-mêmes parce que (cherche ses mots) l'aller-retour, c'était une heure et demie de transports, donc ça deux fois par jour, ça faisait quand même beaucoup – donc au moment où Pierre-Yves avait huit ans, on s'est dit : 'Après tout, il sera mieux à (cherche ses mots) Verclos [une autre école spécialisée privée et hors contrat] où c'est un peu plus aéré, où ça a l'air plus familial, où à tout prendre, les enfants ont l'air moins marqués. » On voit bien ici combien l'aspect de l'école est assez étroitement lié à l'aspect des enfants qui la fréquentent. L'image repoussoir est celle d'un lieu qui n'a d'école que le nom et qui relève dans les faits davantage de la garderie, voire de l'hôpital psychiatrique, que d'une véritable institution scolaire. Comme le montre E. Becchi en analysant les écoles au XIXème siècle, une école, c'est d'abord un bâtiment, un certain type d'architecture, une certaine disposition intérieure des pièces et des meubles : « Dans le domaine du matériel et du symbolique associé, ce qui change le plus au XIXème siècle, ce sont les bâtiments scolaires, l'aménagement de la salle de classe, les instruments du maître et de l'élève. () Au début du siècle il s'agit encore de locaux de fortune, aux espaces étroits et mal répartis dans le tissu urbain, mais vers la fin du siècle, le bâtiment scolaire est devenu un édifice spécifique, de grandes dimensions et bien inséré dans la ville. » [Becchi, 1996, p. 170-171] Les parents qui recherchent pour leur enfant une classe ou un établissement spécialisé sont d'emblée dans une situation de méfiance, non ulement parce qu'ils ne connaissent en général pas bien ce champ, mais aussi parce que beaucoup de rumeurs circulent sur certains établissements (sur leur niveau, sur la sécurité des enfants en leur sein etc.). Ils cherchent donc avant tout à se rassurer à partir d'aspects observables. On sent bien dans leurs discours que l'on ne peut faire abstraction du « décor » et que mettre son enfant dans un lieu qui ne ressemble en rien à une « vraie » école peut donner l'impression soit qu'on l'abandonne à un triste sort, soit qu'on le considère comme très « anormal », c'est-à-dire autant que semble l'être « l'école » où on le met. Bref, comme le dit un autre père, Pascal Desesquelles (commerçant, comme sa femme), il faut au moins que « ça fasse école » : « Donc on est venus voir puis ça nous a (hésite) plus (insiste sur ce mot) plu, on dira, parce que ça faisait quand même (cherche ses mots) école! Je veux dire l'autre [l'école privée qu'ils ont visitée juste avant ABC École], c'était dans un appartement, là ça faisait quand même école donc (hésite) c'était pas complètement en dehors de la société, quoi. » 274 Pascal Desesquelles est le père de Julie, qui est née en 1986. Elle a de grandes difficultés scolaires mais s'exprime assez facilement. Elle est souvent anxieuse et peut être agressive par moments. Ses parents n'ont obtenu aucun diagnostic médical et penchent pour une origine psychologique inconnue de ses troubles. Ils ont tous deux été longtemps commerçants, avant de déménager en 2004 pour refaire leur vie en Normandie. Avant ce départ, Julie a été scolarisée dans une CLIS privée, puis plusieurs années à ABC École. Dans les propos de Pascal Desesquelles rapportés ci-dessus, on voit que les locaux de l'école sont cette fois-ci associés à l'idée d'intégration sociale. Pour lui, le fait qu'ABC École ressemble effectivement à une école permet de normaliser la situation de sa fille, de lui donner une place légitime dans la société. Cette réflexion permet de revenir sur la notion clef de la politique actuelle en matière de scolarisation des enfants handicapés, celle d'intégration scolaire. Éric Plaisance [1999] a déjà clairement montré combien cette expression pouvait recouvrir des situations extrêmement différentes les unes des autres, au sein d'un même pays et encore plus d 'un pays européen à l'autre, et comment une véritable politique d'intégration scolaire ne pouvait s'accomplir qu'en s'appuyant sur des équipes professionnelles déjà constituées et bien organisées. Cette critique peut être prolongée en s'appuyant sur les propos de Pascal Desesquelles. L'intégration scolaire n'a de prix aux yeux des parents que si elle représente une véritable intégration sociale de l'enfant handicapé, c'est-à-dire si elle lui permet une participation et une reconnaissance sociales jugées suffisantes et non stigmatisantes. On pourrait sur ce point faire un parallèle avec l'analyse que fait Abdelmalek Sayad [1994 et 1999] des politiques de l'intégration non plus des élèves en grande difficulté scolaire, mais des immigrés. Il montre que derrière les changements terminologiques en matière de politique de l'immigration (assimilation, insertion ou intégration), la question fondamentale est celle de la socialisation des immigrés via les institutions majeures que sont l'école, l'entreprise, l'église, les syndicats etc. Et de même qu'Abdelmalek Sayad pointe les déceptions des immigrés devant la réalité quotidienne de « l'intégration », les parents d'enfants handicapés mentaux ayant milité pour l'intégration scolaire sont eux aussi souvent déçus lorsqu'ils parviennent à leurs fins. C'est le cas de Danièle Tessard (publiciste, son mari est directeur administratif), la mère d'Arnaud (trisomique, difficultés de compréhension), qui se décrit elle-même comme une « déçue de l'intégration ». Lorsqu'elle trouve une place pour Arnaud dans une école Montessori qui amène les enfants jusqu'au niveau CM 1, elle pense avoir trouvé l'endroit dont son fils sortira en sachant se débrouiller dans la vie quotidienne, qui lui permettra donc d'éviter de passer par le circuit spécialisé. Quatre ans plus tard, lorsqu'il sort de cette école avec très peu 275 d'acquisitions, Danièle fait le constat de l'échec de cette tentative d'intégration, avec cependant quelques nuances, et se tourne vers l'éducation spécialisée : « Vous savez, j'étais comme beaucoup de parents qui pensent que s'ils veulent, ça marchera. () Et moi, je pensais qu'il y arriverait si on répétait beaucoup, si ceci, si cela et en fait, je me suis rendu compte après – on pourra y revenir – qu'il était bien mieux dans un enseignement spécialisé. Je suis une déçue de l'intégration. Par rapport peut-être à d'autres gens que vous verrez, ou que vous vus, qui veulent l'intégration scolaire à tout prix, pour qui ça marche etc., bon, nous, ça n'a pas marché. Ça n'a pas marché. Il était très bien dans son école, ils étaient adorables avec lui, les autres enfants étaient gentils avec lui, il a été invité à des anniversaires, à des tas de trucs, mais si j'avais su – mais ça, on le sait qu'après – je l'aurais mis directement, à la sortie de la crèche, (cherche ses mots) dans un IME comme il est maintenant. Là, il est dans un IME, il est heureux comme un roi, il fait des progrès vraiment sensibles. (hésite) Je vais pas dire qu'il a perdu quatre ans, parce qu'il s'est sociabilisé. Alors vraiment, (cherche ses mots) c'est un gamin qui est calme, bien élevé, parce que Montessori, c'est vraiment le respect de l'autre, le respect (s'arrête) enfin vous connaissez sûrement. (cherche ses mots) C'est vraiment un gamin qu'on peut emmener partout, on l'emmène au spectacle, on l'emmène au resto, enfin il est très accepté partout parce qu'il se tient bien etc. Mais je dirai que c'est majoritairement ça qu'on en a retiré. Au niveau scolaire, franchement, on n'en a rien retiré. Alors que l'école n'est pas mise en cause du tout, c'est une école relativement pilote, même dans les écoles Montessori, et moi j'ai vu des gamins de cinq ans qui savaient lire couramment, qui savaient faire des tas de choses, donc c'était pas adapté à Arnaud, voilà. » L'intégration aux yeux des parents est donc beaucoup plus que le simple accès à telle classe ou tel établissement. C'est la conformité entre leurs attentes, socialement situées, pour leur enfant et ce qui lui est offert sur le plan institutionnel. On comprend alors pourquoi, audelà du type d'établissement et de ses caractéristiques générales, les parents sont très sensibles à l'ambiance qui s'en dégage, et qui tient au moins aux éléments dont on a déjà parlé (les enfants ou adolescents accueillis, les locaux), mais aussi aux activités et enseignements proposés, ou encore au style de la direction et au discours que ses représentants tiennent. C'est ce que montre d'ailleurs Josephine Jenkinson [1998] dans une étude sur la scolarisation des enfants handicapés mentaux en Australie, puisqu'il souligne l'importance pour les parents du 276 caractère normalisateur des établissements, de la présen de véritables enseignements scolaires, mais aussi d'un certain climat social16. Selon les attentes des parents, mais aussi selon leur positionnement social, les mêmes éléments ne seront cependant pas appréciés de la même façon. On a vu ci-dessus que pour beaucoup des parents ayant inscrit leurs enfants à ABC École, il était essentiel que l'établissement « fasse école », donne des gages de sérieux et de « normalité ». Cité par [Lesain-Delabarre, 2003]. Voir le chapitre 3. « Voilà, (hésite) alors ce qui m'ennuie (se reprend) non, quand j'ai vu les ateliers, tout ça, j'ai dit : 'Attendez! est-ce qu'il y a des apprentissages derrière?', alors j'ai vu que sur le cahier de Fanny, effectivement, y'avait quand même beaucoup de scolarisation, c'està-dire (s'arrête) faut que je voie pendant l'année, hein! (cherche ses mots) Ce que je leur ai dit quand même à la réunion : 'Attention! les ateliers, c'est ce qu'on fait en hôpital de jour. On met pas nos enfants en hôpital de jour parce que justement, y'a pas de scolarité qui suit.' Si c'est pour faire des ateliers comme les hôpitaux de jour, alors là on n'a plus intérêt à payer trois mille balles par mois, hein! Faut être clair, quoi, je veux dire, on n'a plus intérêt à mettre(s'arrête) (cherche ses mots) Si c'est aller faire les courses au Franprix – parce qu'elles parlaient de l'atelier du quotidien, c'est par exemple aller faire des courses, bon – moi (cherche ses mots) j'ai quand même trouvé que c'est évidemment des choses que l'on fait nous (insiste sur ce mot), les parents, aussi. C'est-àdire que moi, je vais faire les courses au Franprix (s'arrête) tout est pédagogique avec un enfant handicapé, hein! On va faire les courses au Franprix, 'Va chercher du beurre' et puis 'Va chercher ça pour le chat' et (cherche ses mots) si elle se trompe : 'Non, c'est pas celui-là, c'est l'autre' et elle repart, et 'Non, c'est pas ça, regarde! c'est pas écrit, c'est pas ça que je veux', donc (cherche ses mots) on fait tout le temps ça! Donc je veux dire, si on les met encore à l'école pour qu'ils fassent ça, bon alors là, faut quand même qu'il y ait un travail d'écriture derrière, un travail de comptage et de calcul. Mais là, j'avoue que (hésite) j'étais tout à fait favorable à l'idée d'ateliers, mais je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus novateur, beaucoup plus dynamique. Et pas des lentilles qui poussent, franchement! honnêtement! C'est sûr que les enfants (se reprend) bon, Isabelle [l'une des directrices] disait : 'Mais ils sont étonnés de voir que d'arroser la terre et après (s'arrête)' mais ça c'est pareil, on lui fait comprendre ça à la maison, je veux dire, c'est (s'arrête) » À la fin de l'année scolaire 2003-2004, Catherine entend parler plusieurs fois de l'IMPro Guy Môquet et décide de prendre contact avec eux. Voici comment elle me décrit, lors de notre deuxième entretien (en juin 2004), sa première rencontre avec la directrice et les discussions ultérieures : « Donc on l'a rencontrée le 27 avril, sans Florian, avec Denis et Fanny, on a eu un super contact. Elle nous a expliqué tout ce qu'ils font pour l'extérieur, ils sont ouverts seulement depuis trois ans, ils ont l'air très dynamiques, on a posé toutes les questions qu'on avait envie de poser, donc ça c'était bien () Et puis après, donc on a visité le centre. Et là, on a vu les gamins (se reprend) enfin les jeunes, de 14 à 20 ans – on a vu que la moitié – les jeunes qui avaient des pathologies apparemment très lourdes (se 278 reprend) assez lourdes, quand même, par rapport à Fanny. C'est-à-dire que Fanny, même si elle a un retard des apprentissages, elle nous semblait (incompréhensible). C'est physiquement, ça se voyait beaucoup? Physiquement, dans le langage, le comportement, (réfléchit) par exemple quand Fanny rit, elle ne rit jamais pour rien ; quand vous voyez un gamin qui se met
à rire (s'arrête) Fanny, quand elle rit, c'est que quelque chose la fait rire, quoi, vous voyez? bon. C'est un exemple parmi d'autres, hein? Et donc on repart (se reprend) donc on avait décidé un stage. Denis me dit : 'Oh! moi, je la vois pas (cherche ses mots) là-dedans', moimême, j'étais un petit peu (s'arrête) bon. Et on devait quand même voir avant le stage la psychiatre. Donc rendez-vous avec la psychiatre ; autant l'accueil avait été chaleureux de la part de la directrice, autant la psychiatre a été fermée. Et on a compris pourquoi : parce que la directrice s'était engagée, nous avait dit oui pratiquement, elle était prête à prendre Fanny sans (cherche ses mots) avoir respecté les procédures. Donc la psychiatre était pas contente. () Et alors autant la directrice nous parlait des activités : musique – ils ont une salle de radio (se reprend) dans leur truc, y'a une salle de radio où les gamins émettent (cherche ses mots) une petite radio locale etc. – autant la directrice nous parlait de toutes ces activités artistiques – par exemple, les jeunes de l'IMPro ont peint dans le hall et la directrice de la crèche est venue avec les enfants de la crèche, elle trouvait ça tellement bien qu'elle leur demande de faire la même chose dans le hall de la crèche. C'est génial! – donc elle nous parlait de tout ça, alors que la psychiatre, elle, nous parlait de quoi? Couture, blanchisserie, (en riant) menuiserie, enfin toutes les activités qui sont peut-être nécessaires mais enfin bon, c'est vrai que la directrice ne les avait pas forcément mises en avant par rapport à ce qui se fait à l'IMPro, quoi, elle trouvait que c'était plus (cherche ses mots) innovant, enfin elle parlait de tout ce qu'elle faisait par rapport aux activités artistiques. » Malgré un profil de jeunes accueillis inquiétants pour les parents de Fanny, ceux-ci vont finir par accepter d'y inscrire leur fille, il est vrai sous l'impulsion de Catherine qui finit par convaincre son ancien compagnon. Ce qui « rattrape » le fait que Fanny ne sera pas forcément « tirée vers le haut » par les autres jeunes de l'établissement, aux yeux de sa mère, c'est qu'elle sent qu'elle a affaire à une équipe « dynamique », à une directrice avec qui elle perçoit des affinités, et surtout à un établissement qui propose des activités qui ne sont pas cantonnées aux tâches habituellement dédiées aux personnes handicapées (not amment dans les CAT) comme la couture, la blanchisserie et la menuiserie, mais qui sont bien plus valorisantes pour les jeunes accueillis (création d'émissions de radio, activités artistiques de toutes sortes). Catherine insiste aussi sur le fait que sa fille pourra être valorisée si elle peut aider d'autres jeunes plus en difficulté qu'elle. Bref, cet établissement offre selon elle une 279 possibilité de valorisation sociale à Fanny, ce qui constitue pour elle un pas en avant vers une véritable intégration sociale. Or cette forme de valorisation est évidemment socialement située. On sent bien que pour Catherine, faire pousser des lentilles comme Fanny le faisait à ABC École est une activité dévalorisante au contraire des activités artistiques que propose l'IMPro Faîtes des Couleurs. L'intégration sociale varie donc, et ce n'est pas difficile à comprendre, avec le milieu social auquel appartient l'enfant. L'exemple des discussions entre Caroline Lamy (fonctionnaire catégorie B, compagnon journaliste), la mère de Mickaël (troubles dyspraxiques, difficultés intellectuelles), et l'IME où est scolarisé son fils (l'institut Rouaud) est encore plus explicite sur ce point. Elle leur reproche clairement d'être arriérés et de faire évoluer les jeunes qu'ils accueillent dans un environnement social médiocre : « Alors l'ordinateur, pour eux, c'est (cherche ses mots) comme si on vous disait : 'Achète-toi une BMW', les pauvres! Ils en sont encore où l'ordinateur, c'est la Roll's, quoi! Ou alors c'est pour les jeux vidéo. Ils y connaissent rien, à l'ordinateur! Ils croient, les éducateurs, ils passent sur des ordinateurs dans leur travail, mais ils vont pas sur internet, ils sont pas outillés, ils connaissent pas les logiciels éducatifs. Alors ils connaissent rien! () Et alors moi je trouve qu'ils ont un niveau de scolarisation, on va dire, qui est vraiment ras des pâquerettes. Parce qu'ils vont passer une après-midi – il a 14 ans, quand même! – à coller des boulettes de papier crépon sur une feuille en carton. Alors moi, il me rapporte ça, il est content, mais moi je suis effondrée! Je suis effondrée. Y'a deux jours, je me suis dit
: 'Mais ils lui font faire des trucs de maternelle! Mon fils peut faire bien mieux, dix mille fois mieux!' Je le sais qu'il peut faire mieux! À la maison, on fait que des choses d'un niveau culturel et éducatif, mais cent fois ce qu'il fait à l'IME! () Et les sorties, c'est au ras des pâquerettes au niveau, (cherche ses mots) enfin ils leur parlent de Star Academy, (cherche ses mots) c'est des trucs de décervelage, des fois j (s'arrête) Mais parce qu'aussi, c'est pas la culture qui est valorisée, ils connaissent rien. Ils leur parlent jamais de Victor Hugo, ils apprennent des (se reprend) je sais pas pourquoi je dis Victor Hugo, mais même une récitation par un écrivain classique, c'est hors de leurs concepts et de leur (incompréhensible), c'est des milieux de (s'arrête) (soupire) le cerveau est vide. Et ce que je crains, c'est que ça soit l'antichambre de ce qui nous attend après. Je crains que dans les CAT, les IMPro, ça soit le niveau zéro de la culture. » Les souhaits des parents en matière de prise en charge institutionnelle dépendent donc, si l'on schématise, de deux grands ensembles de déterminants : d'une part de la théorie diagnostique que les parents ont développée à propos de leur enfant et de ses évolutions et 280 d'autre part de leurs préférences, socialement situées, qui donnent du sens à l'idée d'intégration scolaire ou plus largement sociale. Leurs jugements sur les établissements qu'ils sont amenés à fréquenter (avec ou non à la clef une inscription de l'enfant) s'expliquent par ces deux grands ordres de raisons. L'établissement idéal doit correspondre aux difficultés de l'enfant (telles qu'on se les imagine et explique), mais aussi permettre une intégration sociale de l'enfant dans un environnement adéquat, c'est-à-dire qui ne soit pas trop dévalorisant socialement. La forme d'autorité proposée (du laxisme au dirigisme), le niveau scolaire attendu (de l'ouverture la plus grande à l'élitisme), la nature des activités proposées (de l'archaïsme à la modernité) ou encore la proximité symbolique avec une prise en charge scolaire ordinaire (des institutions les plus fermées aux plus ouvertes) sont autant d'éléments qui sont pris en compte par les parents et jugés à partir de leurs propres attent , qui varient considérablement d'un milieu social à l'autre. Tous doivent cependant faire avec les possibilités de l'enfant, telles qu'ils les construisent à partir de leur théorie diagnostique, et avec les contraintes institutionnelles qui découlent de l'offre existante en la matière. Dans ces conditions, il est évident que la notion d'intégration, mise en avant par les politiques du handicap actuelles, est source de nombreux malentendus avec les parents d'enfants considérés comme handicapés mentaux. Les enseignements d'un choix atypique
Jusqu'à présent, j'ai présenté ma démarche essentiellement sous la forme de monographies de familles qui permettent, en offrant à la réflexion des exemples concrets et divers sur lesquels raisonner, de mettre en lumière des mécanismes généraux concernant la vie de familles avec un enfant ou adolescent qui entre dans le champ du handicap mental. La démarche qui soutient ce chapitre est quelque peu différente, puisqu'elle repose sur une monographie d'établissement, ABC École, qui est l'institution par laquelle j'ai contacté la première vague de familles que j'ai été amené à rencontrer. Il s'agit bien d'un travail monographique, et ceci à plusieurs égards. D'abord parce qu'il est le fruit de deux années de fréquentation assidue de l'établissement, qui m'ont permis de prendre part à certains aspects de la vie de l'établissement (enseignements, récréations, sorties, réunions de l'association de parents, « classe verte »), de collecter des données statistiques sur les élèves accueillis et de mener des entretiens avec un grand nombre de personnes gravitant autour de l'établissement (directrices, enseignants, parents y ayant inscrit leurs enfants). Ensuite parce qu'il est évident, sur cet exemple encore plus que sur un autre, qu'il n'est aucunement question de traiter ce matériau dans la logique de la représentativité. Bien au contraire, cet établissement est atypique à bien des égards, comme on le montrera en détail, et représente un cas particulier de prise en charge institutionnelle, si tant est que d'autres exemples auraient pu servir de cas standard, ce dont il est permis de douter. Enfin parce que l'intérêt d'un tel travail n'est pas de satisfaire une quelconque curiosité pour des « bizarreries », mais de montrer que de tels exemples, qui déc trent le regard, permettent de mieux voir les différentes attitudes possibles en matière de prise en charge institutionnelle et d'essayer de comprendre ces différences et leurs raisons. Parmi les 42 familles sur lesquelles a portées mon enquête, 18 ont été rencontrées par le biais d'ABC École, où un de leurs enfants a été scolarisé entre septembre 2002 et juin 2004. Parmi les cas qui ont été abordés jusqu'à présent, on trouve les enfants suivants : Axel, Adrien, Julie, Charles, Pierre-Yves, Mathias, Grégoire, Damien, Frédéric et Fanny. A. Un choix paradoxal
Par rapport à l'offre de prise en charge institutionnelle présentée précédemment1, ABC École, structure spécialisée privée mettant l'accent sur un enseignement scolaire presque 1 cf. chapitre 8. 283 ordinaire, apparaît comme une aberration. Selon la logique du champ de prise en charge de l'enfance handicapée actuelle, soit l'enfant est capable de retirer quelque chose d'une scolarisation ordinaire (ou presque) et il peut bénéficier d'une intégration scolaire (individuelle ou collective), soit il relève de l'éducation spécialisée, auquel cas sa prise en charge associe enseignement (parfois très léger), activités ludiques et soins. Un établissement spécialisé dispensant un enseignement scolaire le plus ordinaire possible n'a donc pas lieu d'être. En outre, du point de vue des parents, le choix d'une telle école apparaît paradoxal sur bien des plans : on a là une école payante, focalisée sur le scolaire, mélangeant les handicaps sans proposer de prise en charge particulièrement adaptée, s'appuyant sur des enseignants peu ou pas formés aux spécificités de ces enfants et offrant peu de débouchés. Et pourtant, beaucoup de ceux qui ont fait ce choix en sont satisfaits. 1 Une petite structure ABC École est une association de type loi de 1901, fondée à Paris en 1989 par deux enseignantes désireuses de s'intéresser aux enfants en échec scolaire. Elle a été reconnue par l'État en tant qu'association fonctionnant comme un établissement scolaire privé hors contrat. Jusqu'en 2003, quatre personnes sont dans l'établissement depuis sa création : Isabelle Lambert et Maria Santido, les deux directrices (l'une est en fait directrice tandis que l'autre est directrice-adjointe mais tout le monde (parents d'élèves, enseignants) les appelle « les directrices » sans distinction), Michèle Piel, une orthophoniste qui est présente à l'école une ou deux matinées par semaine (et qui prend individuellement quelques élèves dans un petit bureau), enfin Clotilde, une enseignante à mi-temps spécialisée dans les activités manuelles (dessin, collage, découpage etc.). Cette dernière quitte l'établissement en juin 2003. Les postes restants, dont le nombre a lentement augmenté au fil des années jusqu'en 2003, avant de décroître, ont donné lieu à un turn-over important, notamment en raison de la faiblesse des salaires. En 2002-2003, on compte trois autres enseignants (en plus des trois enseignantes déjà citées puisque les deux directrices font également cours), deux femmes, Annabelle et Caroline, et un homme, Vincent, plus jeunes et présents dans l'établissement depuis deux à quatre ans. Les formations de ces enseignants sont atypiques dans le milieu de l'éducation spécialisée, ce que leur reproche d'ailleurs l'Éducation Nationale, qui leur a refusé il y a quelques années un passage sous contrat. Les deux directrices ont fait des cursus universitaires allant jusqu'à la maîtrise ou au DEA. Parmi les quatre autres e s, deux 284 ont tenté pour l'instant sans succès des concours de l'enseignement et se sont retrouvés à ABC École un peu par hasard, une troisième possède un diplôme d'institutrice étranger et non reconnu en France, enfin la quatrième doit son recrutement au fait qu'elle est une amie d'enfance d'une des deux directrices. Voici, pour mieux se repérer au sein des professionnels d'ABC École dont il sera question par la suite, un tableau qui synthétise leur profil et leur parcours :
Tableau 7 : les professionnels d'ABC École en 2002-2003 Isabelle Lambert ≈ 40 Maria Santido ≈ 40 Clotilde 43 Annabelle 42 Caroline ≈ 25 Vincent ≈ 27 Michèle Piel Âge ≈ 45 Fonction dans l'école Ancienneté dans l'école Formation Enseignante dans un DEUG de psycho, établissement public à licence et maîtrise l'étranger, puis dans un de sciences de Directrice adjointe Depuis sa création établissement privé horsl'éducation, DEA de contrat en France pour enfants psychopathologie en difficultés scolaires, puis du langage ABC École Enseignante en collège, Licence de enseignante dans un géographie, licence établissement privé horsDirectrice Depuis sa création
de français
, maîtrise
contrat pour enfants en de portugais difficultés scolaires
,
ABC École. Enseignante à mi- Depuis sa création ABC École + centre aéré, temps (classe A + (d'abord deux cours particuliers, ABC École travaux manuels, jours par semaine Pas de diplôme à mi-temps + employée de puis à temps plein dessin dans les bureau (gestion) autres classes) puis à mi-temps) Enseignante Depuis quatre ans Six ans aux États-Unis à (classe 2 (un an comme enseigner dans des écoles Diplôme belge essentiellement + bénévole, un an à privées (enfants en difficultés d'institutrice anglais dans autres mi-temps, deux scolaires), dix ans hors de classes) ans à temps plein) l'enseignement
,
ABC
É
cole
Enseignante
Licenc
e de (classe 3 essentiellement, psychologie sociale, Monitrice, pionne, aideQuatre ans matières d'éveil échec au concours éducatrice en SEGPA de maître des écoles dans les classes A et 2) Enseignant de Classes mathématiques et préparatoires Moniteur de
aéré, pion histoire-géographie Deux ans littéraires, maîtrise (dans un collège avec SEGPA) (surtout classes 4 de géographie, et 5) échec au CAPES Orthophoniste Formation en (présente une ou orthophonie, DEA Depuis sa création Orthophoniste deux matinées par de neurolinguistique semaine à l'école) en cours L'organisation des cours oscille entre le système du primaire et celui du secondaire. L'école ouvre ses portes les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 8h30 à 16h30 comme une école 285 primaire, mais les enseignants tournent tous sur la totalité (ou la quasi-totalité) des classes, comme c'est le cas dans le secondaire. Certains sont plutôt spécialisés dans une matière (français, mathématiquess, matières d'éveil, travaux manuels etc.) mais tous enseignent plusieurs disciplines, qui peuvent d'ailleurs varier d'une année à l'autre.
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2006LIMO0013_7
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French-Science-Pile
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Cytomégalovirus humain et antiviraux : supports génétiques des résistances et cibles de nouveaux antiviraux
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>4 Introduction
A l’instar de pUL56, la protéine pUL89, grande sous-unité du complexe terminase, intervient dans l’encapsidation de l’ADN virale. Peu de données sont disponibles quant à sa fonction réelle, mais sa conservation chez les herpèsvirus a permis d’émettre l’hypothèse que pUL89 interviendrait dans le clivage et la translocation ATP-dépendante de l’ADN viral en collaboration avec pUL56. Des travaux réalisés sur la grande sous-unité du complexe terminase gp17 du bactériophage T4 et chez quelques terminases virales ont montré l’existence d’un ensemble de domaines conservés constituant ce que les anglo-saxons nomment "ATPase motor" : site catalytique de l’activité ATPasique (Mitchell, Matsuzaki et al. 2002). Michell et coll. ont ainsi identifié quatre domaines de cet ATPase motor au sein de pUL89. Malgré la présence de ces domaines, une étude de Bogner montre que pUL89 seule ne porte pas, in vitro, d’activité ATPasique (Bogner 2002) confirmant ainsi les observations de Mitchell et coll. quant à la nécessité d’un autre partenaire protéique pour l’acquisition de cette activité. L’objectif de notre étude était d’identifier les domaines fonctionnels et les régions variables de la protéine, à partir de l’étude de son polymorphisme naturel, par séquençage de la totalité du gène, puis d’identifier les régions conservées de la protéine par alignement de sa séquence en acides aminés avec celle d’homologues chez les herpèsvirus humains et animaux et par analyse de sa structure primaire. Nous avons donc développé le séquençage du gène UL89 sur le modèle des génotypes de UL56, UL97 et UL54. Nous avons étudié la conservation intra-espèces (pour l’identification du polymorphisme naturel) par séquençage du gène UL89 chez quatre souches de référence, et 25 isolats cliniques issus de patients naïfs de tout traitement et par comparaison à la séquence de la souche de référence AD169. Enfin, la troisième étape de notre travail était d’étudier la conservation inter-espèces de la protéine pUL89, par alignement de sa séquence en acides aminés avec celle d’homologues chez 17 herpèsvirus humains et animaux pour identifier les domaines fonctionnels importants. Matériels et méthodes : Développés dans l’article complet ci-après
Résultats et discussion
L’étude du polymorphisme naturel de pUL89 a révélé que pUL89 était très conservée avec des taux de conservation intra et inter-espèce de 99 % et 35 % respectivement. Nous avons décrit 26 polymorphismes au sein de pUL89, qui sont détaillés dans le tableau 8. Par alignement de la séquence de pUL89 avec celle de 17 homologues chez des herpèsvirus humain et animaux, nous avons décrit 12 régions conservées, que nous avons nommées régions conservées I à XI. L’analyse de la séquence de ces régions nous a permis d’identifier des domaines fonctionnels potentiellement impliqués dans les activités ATPasique et endonucéasique et dans l’interaction avec la capside et l’ADN. Concernant l’activité ATPasique, nous avons ainsi montré que les régions conservées I, II, III et V contiennent les domaines de l’"ATPase motor" décrits par Mitchell et coll. : Adenine Binding site (région conservée I), Boîte de Walker A (région conservée III), Boîte de Walker B (région conservée V), et ATPase coupling site (région conservée V). Par ailleurs, nous avons décrit, au sein des motifs d’acides aminés composant ces domaines, différents résidus potentiellement importants pour l’activité ATPasique : Lysine K218, Arginines R214 et R215 (Arginine finger -phophate sensor), Aspartate D309 (catalytic carboxylate aspartate), S337, S338 et T339 (ATPase coupling helicase site). S’agissant de l’activité endonucléasique, nous avons identifié deux domaines fonctionnels potentiels, localisés dans les régions conservées VIII et IX. Au sein de ces domaines, nous avons identifié deux résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus qui sont les homologues de résidus critiques pour l’activité nucléasique : aspartate D463 dans la région conservée VIII et histidine H494 dans la région conservée IX. Concernant l’interaction avec la capside, nous avons identifié deux domaines probablement impliqués dans l’interaction de pUL89 avec la protéine portail de la capside pUL104. Ces domaines sont localisés dans les régions conservées VI et XII. Enfin nous avons décrit l’existence d’un domaine dont la séquence pourrait permettre la constitution d’un doigt de zinc de type CHCC. Les acides aminés impliqués dans ce potentiel doigt de zinc (C367, H370, C383 et C385) sont parfaitement conservés chez les herpèsvirus. Ce doigt de zinc pourrait être impliqué dans l’interaction de pUL89 avec ’ADN comme le suggère sa proximité avec les domaines de l’ATPase motor et avec les domaines nucléasiques. Cette analyse de la conservation intraet inter-espèces de pUL89 nous a permis d’identifier différents domaines fonctionnels de la protéine probablement impliqués dans les activités ATPasique et endonuléasique et dans l’interaction avec l’ADN et avec la protéine portail de la capside. Enfin, à l’instar de pUL54 et de pUL97, nous avons construit un modèle théorique du site catalytique ATPasique de pUL89 qui pourra être utilisé à terme pour analyser l’effet de nouvelles mutations sur la fonction de la protéine.
Polymorphisme Présent sur les souches de Référence
Polymorphisme Présent sur les souches de Référence T37A Toledo/Davis/Towne N294D - L89P - S345A Toledo/Davis/Towne D94N Davis T448I - K95E Toledo/Davis/Towne C511F - H216R - I531V - G239C - L548V - Q244H - L548A - Q249H - L633V - K253Q - G635S - K253T - D665E Towne E254A - A668P - R258P - F671S - A283P - R672K Tableau 8 : Polymorphisme naturel de la protéine pUL89 La séquence de référence est celle de la souche AD169, PDB N° CAA35363. > New functional domains of human cytomegalovirus packaging protein pUL89 identified by sequence analysis, and three-dimensional modeling of the catalytic site DEXDc. G. Champier, S. Hantz, A. Couvreux, S. Stuppfler, M. C. Mazeron, F. Denis, and S. Alain. Soumis à Antiviral Therapy. Mai 2006. 8
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Introduction La
protéine portail du cytomégalovirus pUL104 se complexe sous forme d’oligomères au niveau de la capside permettant la constitution de canaux. C’est par l’intermédiaire de ces canaux qu’est réalisée la translocation ATP-dépendante de l’ADN par les protéines d’encapsidation pUL56 et pUL89 (Newcomb, Juhas et al. 2001; Newcomb, Homa et al. 2005). Les dérivés benzimidazolés D-ribonucléosidiques, BDCRB et TCRB, inhibent spécifiquement l’étape d’encapsidation de l’ADN viral, en ciblant les protéines pUL56 et pUL89 (Krosky, Underwood et al. 1998). Une étude plus récente a toutefois révélé que pUL104 jouait aussi un rôle dans le mécanisme d’action des dérivés benzimidazolés : il a en effet été démontré que la mutation L21F de pUL104 était associée à une compensation de l’effet des mutations de résistance de pUL56 et pUL89 aux dérivés benzimidazolés dextrogyres (Komazin, Townsend et al. 2004). L’existence d’une mutation compensatoire suggère une interaction directe ou indirecte entre pUL104 et les terminases. De ce fait, l’étude des mutations de pUL104 en réponse à l’administration de dérivés benzimidazolés est complémentaire de celle des terminases. Aussi, avons-nous développé une méthode de génotypage du gène UL104, sur le modèle des autres cibles antivirales, qui pourra être utilisée dans le cadre de la surveillance de la résistance à cette molécule. Dans un deuxième temps, nous avons utilisé la méthode de génotypage développée pour analyser le polymorphisme naturel de la protéine pUL104 afin de faciliter la détection des mutations potentiellement associées à des résistances ou à des effets de compensation. Enfin, afin d’identifier les régions conservées dont la connaissance pourrait être utile dans le cadre de l’étude de nouvelles mutations, nous avons analysé la conservation inter-espèces de la protéine.
Matériels et méthodes Amplification du gène UL104 : Après extraction de l’ADN viral à partir de cellules infectées selon la méthode de Hirt (Hirt 1967), l’
lification est réalisée par PCR nichée. Différentes conditions d’amplification ont été testées afin d’optimiser la méthode d’amplification en termes de spécificité et de sensibilité : concentration en DMSO, concentration en MgCl2 et cycle d’amplification. Le protocole retenu est cité ci-dessous. La PCR externe fait appel à deux amorces englobant largement le gène UL104, UL104-Ext1 et UL104-Ext2, permettant la constitution d’un fragment de 2841 pb. La PCR interne est basée sur deux amorces, UL104-Int1 et UL104-Int2, encadrant plus étroitement UL104 et permettant l’amplification d’un segment de 2658 pb. Ces amorces ont été sélectionnées grâce au logiciel Genwork® et sont synthétisées par Proligo. Leur séquence est présentée dans le Tableau 9.
Oligonucléotide Séquence taille Amplification UL104- sens Ext1 UL104- 5’-GCGATCACCGTGGTACCG-3’ 2841 pb antisens 5’-TGGAAGAGCACGAAGGTAGC-3’ UL104-Int1 sens 5’-ACCGGTGATCACGCAATCT-3' UL104-Int2 antisens 5’-ACTTGCGCGTTTAAGTTGCA-3' Ext2 2658 pb Séquençage UL104-1 sens 5'-GAGTGAACGGTCGTCGTTG-3' / UL104-2 antisens 5'-TTCTTGAAGACGCGTACCTCG-3' / UL104-3 sens 5'-CACCGAGACACACCCGCT-3' / UL104-4 antisens 5'-ACCAGGCGGTTGTCTTCCA-3' / UL104-5 sens 5'-CGAACTGCGCGACCTCGTCA-3' / UL104-7 antisens 5'-ACACGGCGGAGTAGCCTAGA-3'
/ Tableau 9 : Amorces utilisées pour le séquençage et l’amplification de pUL104
Les réactions d’amplification des deux PCR sont réalisées, sur 1 μL d’extrait d’ADN, dans un volume final de 50 μL en présence de polymérases Taq High FidelityTM, Roche Boehringher, 200 μM de dXTP, Roche Boehringher, 5 % de DMSO, 25 pmoles de chaque amorce, et 1.25 mM de MgCL2 et 10 % de tampon 10X. Les cycles d' amplification sont les mêmes pour les deux PCR: naturation de l’ADN matrice 3 mn à 94°C, puis 10 cycles de dénaturation 15 s à 94°C, 15 s d’hybridation à 57°C et 2 mn d’élongation à 68°C, suivent 20 cycles similaires avec une incrémentation de 5 s par cycle pour l’étape d’élongation. L’amplification se termine par une étape d’élongation finale de 10 mn à 70°C. Les réactions sont effectuées dans thermocycleurs Cetus 2700 ou 2400 (Applied Biosystems). L’efficacité de la réaction d’amplification est contrôlée par électrophorèse 25 min à 100 V, en gel d’agarose 1 % (Gibco) coloré au bromure d’éthidium (Eurobio) en tampon TBE 0,5 X. Cinq μL du marqueur de poids moléculaire et de quantification Smart Ladder, (Eurogentec) de titre connu sont déposés en parallèle afin de vérifier la taille du fragment amplifié et d' en évaluer la concentration. Les produits de PCR sont ensuite conservés à 20°C. Séquençage du gène UL104 : Après purification des produits d’amplification sur minicolonnes à l’aide des trousses PCR purification Kit, Qiagen ou PCR CleanUp PCR Purification System, Promega, le gène UL104 est séquencé à l’aide de 6 amorces décrites dans le tableau 8 et sélectionnées selon les mêmes critères que les amorces d’amplification. La réaction d’amplification est réalisée sur un volume final de 10,5 μL contenant 3μL de produit d’amplification purifié (100 à 200 ng d’ADN), 2,5 μL d’amorce (25 pMoles), 2,5 μL de tampon 5X (ABI Prism BigDye® Terminator v3.1, v1.1 sequencing buffer) et 2,5 μL de mélange réactionnel ABI Prism BigDye® Terminator v3.1 Cycle Sequencing Kit. L’amplification est réalisée par 25 cycles contenant une étape de dénaturation de 10 s à 96°C, une hybridation de 5 s à 50°C et une élongation de 2 mn à 60°C, puis l’amplification est achevée par une élongation finale de 10 mn à 60°C. Les produits de séquençage sont purifiés par précipitation dans une solution d’éthanol absolu, AcNa 60 mM et EDTA 2,5 mM puis analysés par électrophorèse en capillaire sur un séquenceur ABI Prism Sequence analyser 3100, Applied Biosystems. Les séquences sont corrigées à l’aide du programme Chromas 1.45 (McCarthy School of Health Science Griffith University, Australie), puis analysées à l’aide du logiciel GenObject 3.2, Bayer Diagnosis, comparaison à la séquence de la souche de référence AD169. Analyse du polymorphisme naturel de pUL104 : Nous avons utilisé la méthode de génotypage pour étudier la séquence de pUL104 des 4 souches de référence AD169, Toledo, Towne et Davis, et de 25 isolats cliniques provenant de patients naïfs de tout traitement. Identification des régions conservées de pUL104 : Les régions conservées de pUL104 ont été identifiées par alignement de la séquence protéique de pUL104 de la souche AD169 et de 13 homologues chez les herpèsvirus humains et animaux (tableau 10) à l’aide du programme ClustalW du portail Internet IBCP: NPSA: Network Protein Sequence Alignment du Pôle bioinformatique lyonnais: www.pbil.ibcp.fr (Thompson, Higgins et al. 1994) et contrôlées à l’aide du logiciel BioEdit version 7.0.0 (Isis Pharmaceuticals, Inc.). ne Lig Identificati on 1 HHV_1 Human herpesvirus 1 Minor capsid protein (697 résidus) 2 HHV_2 Human herpesvirus 2 Minor capsid protein (613 résidus) NP_044475 3 HHV_3 Human herpesvirus 3 Portal protein (613 résidus) NP_040176 4 HHV_8 Human herpesvirus 8 ORF 43, minor capsid protein homolog (613 résidus) AAB62639 5 HHV_4 Human herpesvirus 4 Unnamed protein product (613 résidus) CAA24820 6 EqHV_2 Equid herpesvirus 2 Minor capsid protein (598 résidus) NP_042640 7 BHV4 Bovine herpesvirus 4 Capsid protein (616 résidus) AAF07962 8 PoHV_4 Pongine herpesvirus 4 DNA packaging protein UL104 (671 résidus) AAM00741 9 MuridHV_2 Murid herpesvirus 2 pR104 (671 résidus) NP_064204 10 HCMVAD169 Human herpesvirus 5 HCMVUL104(697 résidus) CAA35341 11 MuHV_1 Murid herpesvirus 1 Structural protein (704 résidus) YP_ 214104 12 HHV_6B Human herpesvirus 6B U76 (662 résidus) AAB06359 13 HHV_6 Human herpesvirus 6 H76 (662 résidus) AAC 40326 14 HHV_7 Human herpesvirus 7 Minor capsid protein (640 résidus) YP_ 073816 Séquence N°Genban k NP
_044
607
Tableau 10 : Séquences utilisées pour l’alignement de pUL104 et des homologues chez les herpès virus
Résultat et discussion
Polymorphisme Naturel de pUL104 : L’étude du polymorphisme naturel de pUL104 a révélé que la protéine était bien conservée avec des taux de conservation intra et inter-espèces de 96,5 % et 23 % respectivement. Nous avons identifié 26 polymorphismes au sein de pUL104, (tableau 11) dont 4 sont présents sur les souches de référence. Identification des domaines conservés de pUL104 : Nous avons identifié 7 régions conservées chez les herpèsvirus humains et animaux, notées régions conservées I à VII à partir de l’alignement de pUL104 et de 13 homologues chez les herpèsvirus humaines et animaux (figure 32). Région conservée I : cette région localisée entre les résidus I58 et G73 contient 2 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus : la glycine G73, et la proline P60. La proline est localisée dans un domaine d’acides aminés conservés (en termes de propriétés physicochimiques), de motif 58OØP-S/T61 ou O est un résidu neutre apolaire, et Ø un résidu à chaîne latérale cyclique. Région conservée II : cette région localisée entre les résidus G80 et L97 contient 5 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus : L87, R88, V92, L97 et la glycine G80. Ce dernier est localisé dans un domaine d’acides aminés conservés, de motif 80G-Q/K-S/T-OØX2LR88. Région conservée III : cette région localisée entre les résidus Y171 et P185 contient 6 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus inclus dans le motif 171YX2YO DWX4GOOP185. Région conservée IV : cette région localisée entre les résidus H304 et V319 est très conservée chez les herpèsvirus humains et animaux. Elle contient 10 résidus parfaitement conservés inclus dans le motif : 304HXKOCQLLNTXPOKXO319. Région conservée V : cette région, localisée entre les résidus K329 et F387, contient 12 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus. K329, E336 et L352 sont disséminés dans la région ; les 9 autres résidus sont inclus dans deux motifs hautement conservés chez les herpèsvirus humains et animaux : 2 dans le motif 343DOKX2OO349 et 7 dans le motif N/S-K-T/S-X2GOXDOOEXFOX-D/E-X-S/T-X-N/S-OO-DX2-
/K-
LO387.
357D/
E-
Région conservée VI : cette région localisée entre les résidus V435 et R454 contient 5 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus : I450 et L453 et les 3 trois autres résidus sont inclus dans le motif hautement conservé 435OO-R/K-COX2QI445. Région conservée
VII : cette grande région, localisée entre les résidus V514 et R625, contient 17 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus. Trois d’entre eux sont localisés dans l’extrémité C-terminale de cette région (E604, Y610 et Y618). Les 14 autres sont inclus dans 4 motifs hautement conservés chez les herpèsvirus humains et animaux : SFOSQØOP530, 542LWEXEX4Ø-R/KO553, 557OX-N/H-QG561, 520OXN 568Y-S/T-X2-S/T-OX2OX2P Ø580. Par ailleurs, nous avons identifié, dans la région C-terminale de la protéine, un segment riche en résidus basiques dont la séquence pourrait correspondre à un signal de localisation nucléaire, motif 625RXKXRRRX3R635, dont la présence pourrait permettre sa localisation intranucléaire au même titre que les autres protéines impliquées dans l’encapsidation de l’ADN viral. Enfin, nous avons identifié, dans la région centrale de la protéine, une région riche en résidus hydrophobes : 390GPGGPGVVGPGGAVVGGPAGHVGLLPPPPGPAAP423 qui pourrait être impliquée dans la flexibilité de la protéine et donc dans sa structuration. L’étude du polymorphisme a été réalisée sur des isolats indépendants mais provenant du même laboratoire n’est ainsi probablement pas exhaustive, et devrait être étendue à d’autres régions françaises et européennes. Cette analyse de la conservation intra et inter-espèces de pUL104 a permis de décrire de 7 régions conservées portant des motifs d’acides aminés fortement conservés chez les herpèsvirus humains et animaux. Même si nous n’avons pas pu identifier la fonction de ces différentes régions, leur identification associée à la connaissance du polymorphisme naturel de la protéine, permettra à terme de faciliter l’identification de nouvelles mutations, potentiellement impliquées dans les résistances au BDCRB et au TCRB (associées à une résistance ou à une compensation d’autres mutations, à l’image de la substitution L21F). Polymorphisme Présent sur les souches de Référence
Polymorphisme Présent sur les souches de Référence T25P - P508L - G45D Davis R510L Davis A197S - P511S - A238L Toledo A513G - E258D - D516E - A272T Towne R518P - E273K - F528L - K345E - F528V - P394T - L539F - V464L - E544A - R477H - A617T - S500G - G640V - A506G - E669Q -
Tableau 11 : Polymorphisme naturel de la protéine portail pUL104 La séquence de référence est celle de la souche AD169, PDB N
° CAA35341. < '()* +. %$)&$ %, *& $'* #( $'''(. *%1 *+ (% $ "' % + ( @
Introduction L’analyse de souches de laboratoire résistantes au maribavir a permis de décrire des mutations associées à la résistance au sein du gène UL27. Ce gène de 1827 pb code pour un polypeptide de 608 acides aminés (pUL27) et s’exprime durant la phase précoce du cycle viral (Chambers, Angulo et al. 1999). Plusieurs mutations de résistance ont été décrites : R233S (IS50 5), L335P (IS90 6), W362R (IS50 2), A406V (IS50 C-terminale de la protéine à partir du résidu 415 (IS50 4) et la délétion de la partie 4). L’existence de ces mutations de résistance suggère l’implication de la protéine dans le mécanisme d’action de cette classe de molécules. Toutes ces mutations induisent cependant de faibles niveaux de résistance au MBV comparés à la mutation de résistance identifiée sur pUL97 : L397R, (IS90 20). Il a ainsi été suggéré que pUL27 était indirectement impliquée dans l’exportation extranucléaire des capsides néoformées par un processus encore inconnu. L’étude de Chou et coll. a aussi permis la description de 25 sites de polymorphisme naturel au sein de pUL27. Le maribavir est un agent antiviral qui est actuellement en phase II d’essai clinique. L’analyse des souches de laboratoire a rapidement révélé l’émergence de résistances aussi, avons-nous développé une méthode de génotypage du gène UL27, adaptable aux échantillons cliniques, sur le modèle des autres cibles antivirales. Cette technique pourra être utilisée, en parallèle du génotypage de UL97, dès la mise sur le marché du maribavir, dans le cadre de la surveillance de la résistance à cette molécule. Dans un deuxième temps, nous avons utilisé la méthode de génotypage développée pour analyser le polymorphisme naturel de la protéine par séquençage complet du gène UL27 à partir des 4 souches de référence et de 25 isolats cliniques issus de patients naïfs de tout traitement. Cette analyse du polymorphisme à pour objectif de faciliter la détection des mutations potentiellement associées à des résistances. Enfin, afin d’identifier les régions conservées, dont la connaissance pourrait être utile dans le cadre de l’étude de nouvelles mutations, nous avons analysé la conservation inter-espèces de la protéine.
Matériels et méthodes
Amplification de UL27 : Après extraction de l’ADN viral à partir de cellules infectées selon la méthode de Hirt (Hirt 1967), l’amplification est réalisée par PCR nichée. Différentes conditions d’amplification ont été testées afin d’optimiser la méthode d’amplification en termes de spécificité et de sensibilité : concentration en DMSO, concentration en MgCl2 et cycle d’amplification. Le protocole retenu est cité ci-dessous. La PCR externe fait appel à deux amorces, UL27-Ext1 et UL27-Ext2, englobant largement le gène UL27 et permettant la constitution d’un fragment de 2518 pb. La PCR interne s’appuie sur deux amorces, UL27-Int1 et UL27- 2, encadrant plus étroitement UL27 et permettant l’amplification d’un segment de 2155 pb. Ces amorces ont été sélectionnées grâce au logiciel Genwork® et sont synthétisées par Proligo. Leur séquence est présentée dans le Tableau 12. Oligonucléotide Séquence taille Amplification UL27-Ext1 sens 5’-TTCACGTACTGCTGTACGGTACG-3’ UL27-Ext2 antisens 5’-AGTTCTCACCGGCTGATCTCG-3’ UL27-Int1 sens 5’-CGTGAAGGAGGAGACTGTGA-3’ UL89-Int2 antisens 5’-CCACCAGCAGCTTCCAGTAT-3’ 2518 pb 2155 pb Séquençage UL27-1 sens 5'-GCACGACTGATCTCTGGCA-3' / UL27-2 antisens 5'-AGCTGTCTGGTCCATTCAGC-3' / UL27-3 sens 5'-GCAACAAAGAGGAGTGGTCA-3' / UL27-4 antisens 5'-TGACCACTCCTCTTTGTCGC-3' / UL27-5 sens UL27-7 antisens 5'-CGCCAGTATTACGTCACGACGAGT3' 5'-CCACCAGCAGCTTCCAGTAT-3'
/
/
Tableau 12 : Amorces utilisées pour le séquençage et l’amplification de pUL27
Les réactions d’amplification des deux PCR sont réalisées, sur 1 μL d’extrait d’ADN, dans un volume final de 50 μL en présence de polymérases Taq High FidelityTM, Roche Boehringher, 200 μM de dXTP, Roche Boehringher, 5 % de DMSO, 40 pmoles de chaque amorces, et 1.5 mM de MgCL2 contenu dans le tampon 1X. Les cycles d' amplification sont les mêmes pour les 2 PCR: dénaturation initiale 3 mn à 94°C, puis 10 cycles de dénaturation 15 s à 94°C, 15 s d’hybridation à 56°C et 2 mn d’élongation à 68°C, suivent 20 cycles similaires avec une incrémentation de 5 s par cycle pour l’étape d’élongation. L’amplification se termine par une étape d’élongation finale de 10 mn à 70°C. Les réactions sont effectuées dans thermocycleurs Cetus 2700 ou 2400 (Applied Biosystems L’efficacité de la réaction d’amplification est contrôlée par électrophorèse 25 min à 100 V, en gel d’agarose 1 % (Gibco) coloré au bromure d’éthidium (Eurobio) en tampon TBE 0,5 X. Cinq μL du marqueur de poids moléculaire et de quantification Smart Ladder, (Eurogentec) de titre connu sont déposés en parallèle afin de vérifier la taille du fragment amplifié et d' en évaluer la concentration. Les produits de PCR sont ensuite conservés à -20°C. Séquençage de UL27 : Après purification des produits d’amplification sur minicolonnes à l’aide des trousses PCR purification Kit, Qiagen ou PCR CleanUp PCR Purification System, Promega, le gène UL27 est séquencé à l’aide de 6 amorces décrites dans le tableau 11 et sélectionnées selon les mêmes critères que les amorces d’amplification. La réaction d’amplification est réalisée sur un volume final de 10,5 μL contenant 3μL de produit d’amplification purifié (100 à 200 ng d’ADN), 2,5 μL d’amorce (25 pMoles), 2,5 μL de tampon 5X (ABI Prism BigDye® Terminator v3.1, v1.1 sequencing buffer) et 2,5 μL de mélange réactionnel ABI Prism BigDye® Terminator v3.1 Cycle Sequencing Kit. L’amplification est réalisée par 25 cycles contenant une étape de dénaturation de 10 sec à 96°C, une hybridation de 5 sec à 50°C et d’une élongation de 2 mn à 60°C, puis l’amplification est achevée par une élongation finale de 10 mn à 60°C. Les produits de séquençage sont purifiés par précipitation dans une solution d’éthanol absolu, AcNa 60 mM et EDTA 2,5 mM puis analysés par électrophorèse en capillaire sur un séquenceur ABI Prism Sequence analyser 3100, Applied Biosystems. Les séquences sont corrigées à l’aide du programme Chromas 1.45 (McCarthy School of Health Science Griffith University, Australie), puis analysées à l’aide du logiciel GenObject 3.2, Bayer Diagnosis, par comparaison à la séquence de la souche de référence AD169. Identification des régions conservées de pUL27 : Les régions conservées de pUL27 ont été identifiées par alignement de la séquence protéique de pUL27 de la souche AD169 avec celle de 9 homologues (tableau 14) chez les herpèsvirus humains et animaux à l’aide du programme ClustalW du portail Internet IBCP : NPSA: Network Protein Sequence Alignment du Pôle bioinformatique lyonnais: www.pbil.ibcp.fr (Thompson, Higgins et al. 1994) et contrôlées à l’aide du logiciel BioEdit version 7.0.0 (Isis Pharmaceuticals, Inc.). Analyse du polymorphisme naturel de pUL27 : Nous avons mis à profit la méthode d’amplification et de séquençage développée pour analyser le polymorphisme naturel de la protéine pUL27 par génotypage des 4 souches de référence AD169, Toledo, Towne et Davis, et de 25 isolats cliniques naïfs de tout traitement.
Résultats et discussion
Polymorphisme Naturel de pUL27 : L’étude du polymorphisme naturel de pUL27 a révélé que la protéine était moins conservée que les autres cibles antivirales avec des taux de conservation intra et inter-espèces de 93 % et 20 % respectivement. Nous avons identifié 27 polymorphismes au sein de pUL27 (décrits dans le tableau 14) dont 17 sont présents sur les souches de référence. Onze sites n’avaient pas été identifiés par l’étude de Chou et coll., en 2004, tandis que 9 sites que nous n’avons pas retrouvé sur notre panel de souches avaient été identifiés (Chou, Marousek et al. 2004) portant à 38 le nombre de sites de polymorphisme au sein de pUL27. L’analyse de la localisation de ces polymorphismes révèle l’existence de deux régions variables : d’une part, une région localisée entre les résidus A83 et H97 qui tient 5 sites de polymorphisme pour 14 résidus et, d’autre part, une région localisée entre les résidus D288 et H313, qui contient 11 sites de polymorphisme pour seulement 25 résidus. Identification des domaines conservés de pUL27 : Nous avons identifié 6 régions conservées chez les herpèsvirus humains et animaux, notées régions conservées I à VI (figure 33). Région conservée I : cette région localisée entre les résidus V103 et A139 contient 8 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus. Cinq résidus sont disséminés dans la région (L110, A118, D132, W136 et A139) et 3 sont localisés dans un domaine fortement conservé chez les herpèsvirus (I124, G126 et L127). A noter la présence de trois sites de polymorphisme naturel de pUL27 dans cette région, L133, A134 et V135 correspondant à des résidus non conservés chez les herpèsvirus. Région conservée II : cette région localisée entre les résidus Y205 et L209 contient 2 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus : R207 et L209. Région conservée III : cette région localisée entre les résidus F280 et R287 contient 2 résidus cystéine parfaitement conservés chez les herpèsvirus : C281 et C283. Région conservée IV : cette région localisée entre les résidus L330 et L357 contient 7 résidus parfaitement conservés chez les herpèsvirus. Quatre sont localisés dans un domaine fortement conservé chez les herpèsvirus (335LPXXXHL341) : L335, P336, H340 et L341. Deux sont localisés dans un second domaine fortement conservé chez les herpèsvirus : D356 et L357. Enfin le dernier résidu conservé est la glycine G331. Cette région conservée contient l’un des sites de mutation associée à une résistance au MBV, qui touche un résidu parfaitement conservé, L335P, et est à proximité d’un autre site de résistance (W362R). Ce constat a duit Komazin et coll. à suggérer le rôle du domaine 335LPXXXHL341 dans le mécanisme d’action du maribavir. Région conservée V : cette région est localisée entre les résidus M388 et E411. Elle contient uniquement 2 résidus parfaitement conservés, N393 et E411, et un site de résistance au maribavir (A406V) qui concerne un résidu non conservé. Par ailleurs, cette région est localisée à proximité du site de résistance résultant de l’incorporation d’un codon stop en position 415. Région conservé VI : cette région est localisée entre les résidus E498 et R509. Elle contient seulement deux acides aminés parfaitement conservés : E498 et H503. Etrangement, les résidus de ces régions conservées ne correspondent pas aux 12 % de résidus homologues de pUL97 décrits par Montague et coll. (Montague and Hutchinson 2000) ; nous ne sommes toutefois pas en mesure de définir si cette homologie entre les deux protéines est un artefact, ou si elle a une signification biologique.
Analyse
de la
structure primaire
de
pUL27
: L’analyse de la séquence primaire de pUL27 nous a permis d’identifier deux domaines protéiques dont la séquence peut être assimilée à des signaux de localisation nucléaire : la première à l’extrémité N-terminale, correspondant aux motifs 560RXRRK564-X32-597RRXR600 ; la seconde correspondant au motif 89KKKX4HXKH99. Ces domaines pourraient être impliqués dans la localisation nucléaire de la protéine et, à ce titre, avoir un rôle dans sa fonction. L’étude de l’extrémité N-terminale de pUL27 nous a aussi permis de décrire une région riche en résidus acides (D ou E). Cette poche acide de 33 résidus (entre E17 et E50) contient près de 50 % de résidus acides (16). Nous n’avons pu déterminer la fonction de cette région qui est pourtant conservée dans les 100 premier résidus de tous les homologues de pUL27 étudiés. L’analyse de la région variable située entre les résidus D288 et H313 montre la présence de 11 résidus glycine ou sérine pour seulement 25 résidus. Cette région constitue ainsi une région variable riche en glycines et en sérines, et pourrait à ce titre constituer un domaine de flexibilité de la protéine et intervenir dans sa structuration. Cette analyse de la conservation intra et inter-espèces de pUL27 a permis la description de deux régions variables et de 6 régions conservées. Ces données, associées à la connaissance du polymorphisme naturel de la protéine, permettront à terme de faciliter l’identification de nouvelles mutations potentiellement associées à des résistances au maribavir. L’analyse de la structure primaire de la protéine a permis l’identification d’un domaine de flexibilité de la protéine, probablement impliqué dans sa structuration. Enfin, nous avons identifié des signaux de localisation nucléaire, dont la présence suggère que l’une des fonctions naturelles de la protéine est intranucléaire. L’identification de la fonction des différentes régions conservées décrites dans cette étude pourrait permettre, à terme, de mieux comprendre le rôle de la protéine dans le mécanisme d’action du maribavir. ne Lig N°Genban k Identification Séquence 1 HCMV-AD169 Human cytomegalovirus strain AD169 pUL27 (608 résidus) 2 HCMV-Merlin Human cytomegalovirus strain Merlin pUL27 (608 résidus) YP_081486 3 PoHV_4 Pongine herpesvirus 4 (Chimpanzee CMV) UL27 (640 résidus) NP_612671 4 Rh46-Rhesus Cercopithecine herpesvirus 8 Rh46 (579 résidus) YP_068140 5 GPM27_MURI D_1 Murid herpesvirus 1 gpM27 (682 résidus) YP_214040 6 R_27_MURID_ 2 Murid herpesvirus 2 pR27 (671 résidus) NP_064132 7 U7_HHV7 Human herpèsvirus 7 U7 (871 résidus) YP_073749 8 U5_HHV_7 Human herpèsvirus 7 strain JI U5 protein (865 résidus) P52522 9 U7_HHV_6B Human herpesvirus 6B U7 (903 résidus) AAD496341 10 T27_TUPAIA Tupaia herpesvirus T27 (636 résidus) AAK57065 NP_039961
Tableau 13 : Séquences utilisées pour l’alignement de pUL27 et des homologues chez les herpès virus
Tableau 14
: Polymorphisme naturel de la protéine pUL27
La séquence de référence est celle de la souche AD169, PDB N° CAA35426. Polymorphisme Identifié dans cette étude Identifié dans l'étude de Chou Présent sur les souches de Référence Polymorphisme Identifié dans cette étude Identifié dans l'étude de Chou Présent sur les souches de Référence P10L + - - D298G + + Toutes sauf AD169 L11P + + - N300G + + Toledo/Davis/Merlin P12L + - - D301N - + - G22D - + - P307L + + Davis/Toledo A58T + - - A309V - + - A83V + - Toledo V310A + + Davis/Toledo A84V + + - H313Y + - - K90R + + Merlin D351N + + Davis/Toledo P95A - + - S363W - - Towne H97R + - - I367V + + Toledo/Towne/Davis L133I + + - G421E + - - A134T + - - R465C - + - V135A - + - R531Q - + - L221I - + - T549A - - Merlin E229D + - Toledo H557Q + + Towne D288N - + - A558V + + - N289D + + Toledo/Davis/Merlin A565T + + Davis D294N + + Toledo/Towne/Merlin P571T + - - H297Y + + Merlin H606Y
+ - - L’ensemble des séquences utilisées dans les diverses publications a été déposé dans la GenBank ; les numéros d’accession de ces séquences sont listés dans le tableau 15. Les séquences relatives à UL89 seront disponibles en ligne en septembre 2006.
Tableau 15 : Numéros d’accession des séquences décrites dans cette étude et déposées dans la GenBank
Discussion
L’émergence de la résistance du cytomégalovirus aux antiviraux reste un problème d’actualité chez transplantés où elle participe à l’augmentation du nombre d’épisodes virémiques symptomatiques ou asymptomatiques débouchant généralement sur des maladies à CMV ou sur le rejet du greffon avec une élévation du risque de décès (Bhorade, Lurain et al. 2002). Il apparaît ainsi crucial de pouvoir diagnostiquer la résistance le plus précocement possible afin d’être en mesure d’adapter le traitement et d’éviter la survenue de complications graves. A l’heure actuelle, différentes techniques permettent la détection des souches résistantes. Les techniques phénotypiques consistent en la mise en évidence du phénotype de résistance de la souche responsable de l’infection. Ces techniques permettent de mesurer le niveau de résistance et d’évaluer sa capacité réplicative, mais elles nécessitent l’isolement de la souche à étudier et des délais importants pour obtenir un stock viral suffisant. La forte corrélation entre le phénotype de résistance et le génotype justifie l' utilisation de tests de résistance basés sur le génotypage des isolats de CMV. Les techniques de génotypage ont pour avantage de réduire fortement les délais d' analyse et de permettre la détection de la souche résistante directement au site d’infection à partir de prélèvements cliniques. Aussi apparaît-il intéressant de disposer d’un ensemble de techniques permettant l’étude des résistances à l’échelle génotypique, pour une détection rapide et exhaustive des mutations, et à l’échelle phénotypique pour une évaluation du niveau de résistance et de la capacité réplicative. Partant du constat de l’absence de techniques standardisées, rapides et reproductibles de génotypage et de phénotypage des souches, nous avions comme objectif le développement d’outils d’études génotypique et phénotypique des résistances du CMV aux antiviraux. L’un des axes de notre travail a ainsi été de développer des méthodes simples, fiables et standardisables de détection et d’étude des résistances aux antiviraux actuels (GCV, CDV et PFA) mais aussi à certains antiviraux en développement (BDCRB, TCRB et MBV). Seul le séquençage permet de détecter l’ensemble des mutations connues ou inédites et d’analyser le polymorphisme naturel des protéines cibles des antiviraux. Les méthodes développées s’appuient ainsi sur le séquençage complet des gènes cibles de ces molécules ou impliqués dans leur mécanisme d’action : UL97 pour le GCV et le MBV, UL54 pour le GCV, le CDV et le PFA, UL27 pour le MBV, et UL56, UL89 et UL104 pour le BDCRB et le TCRB. Ne disposant pas à ce jour des dérivés benzimidazolés, notre approche concernant ces molécules s’est limitée à l’échelle génotypique. Les méthodes de génotypage que nous avons développées répondent pleinement aux objectifs que nous nous étions fixés : elles sont rapides, fiables et reproductibles ; elles permettent l’étude des résistances à partir d’isolats mais aussi d’échantillons cliniques, rendant possible la détection des mutations directement au site d’infection ; elles nécessitent des délais courts pour l’obtention des résultats (2 à 3 jours) ; elles s’appuient sur une méthode d’analyse standardisée des résultats, grâce aux banques de données, qui simplifient la tâche des cliniciens ; elles peuvent s’adapter rapidement à la détection des nouvelles mutations de résistance, par simple remise à jour des banques de données ; et elles permettent l' analyse du polymorphisme naturel des protéines impliquées dans le mécanisme d’action des antiviraux (Article-1 et Article-5). Enfin, l’un des intérêts majeurs de nos méthodes de génotypage porte sur le système d’analyse des séquences. L’analyse est relativement simplifiée par le programme GeneLibrarian du logiciel GeneObject3.2TM (Bayer) et par l’utilisation des banques de données que nous avons constituées. Ce programme a la capacité d' aligner directement les contigues correspondant à chaque amorce et de compiler leur séquence en une séquence consensus qui sera à son tour alignée avec la séquence de référence et confrontée à la banque de données. Ce programme permet aussi d’éditer automatiquement les résultats sous forme d’un tableau dans lequel les mutations détectées sont classées en quatre catégories : mutations de résistance, mutations silencieuses (dont la connaissance peut avoir un intérêt dans le cadre d’études épidémiologiques), polymorphismes, et mutations localisées sur des sites de résistance mais non répertoriées comme des mutations de ré
. Comme précédemment abordé, ces méthodes génotypiques ne permettent pas de mesurer le niveau de résistance des souches étudiées et leur capacité réplicative, dont la connaissance est pourtant importante pour le clinicien. Aussi, avons-nous souhaité coupler ces techniques à des méthodes phénotypiques qui permettent d’accéder à ces informations. Les délais importants et le manque de standardisation des techniques classiques, reposant sur la culture virale, nous ont conduits à rechercher des méthodes alternatives, pouvant associer rapidité et standardisation. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers des méthodes permettant une étude phénotypique indirecte qui ne s’appuie pas sur la culture virale. Concernant la résistance au GCV, une méthode de référence permettant la mesure rapide de l’effet des mutations de pUL97 sur le phénotype de résistance au ganciclovir était déjà disponible. Cette méthode développée par Metzger et Michel permet de mesurer le niveau de phosphorylation du ganciclovir par la technique du virus vaccinal recombinant (Metzger, Michel et al. 1994). Associée à la mesure de la capacité d’autophosphorylation de pUL97 décrite par Michel et coll., cette méthode permet de mesurer rapidement et précisément le phénotype de résistance de la kinase pUL97 mutée, par comparaison à une kinase sauvage, et ainsi d’estimer le niveau de résistance de la souche portant cette mutation. Cette approche génotypique et phénotypique indirecte constitue un outil performant pour l’étude des mutations inédites détectées au sein de pUL97 comme le démontre l’Article-3 dans lequel nous avons, par cette approche, décrit une nouvelle mutation (délétion T601) et démontré son rôle dans la résistance au ganciclovir. Ce procédé sera appliqué à la mutation controversée H469Y décrite dans ’Article-1 et dans l’Article-5, et à la mutation inédite, T458I, décrite dans l’Article-5 après mutagénèse et clonage. Sur le modèle de l’étude de UL97, nous avons souhaité associer notre méthode de génotypage de UL54 à une technique phénotypique indirecte permettant d’apprécier la capacité réplicative et le niveau de résistance des souches portant les mutations étudiées. Aussi avons-nous associé notre méthode de séquençage du gène UL54 à une technique de mesure de l’activité polymérasique non radioactive développée au sein du laboratoire de Virologie de Lariboisière (Article-6). Nous avons montré dans l’Article-6 que cette technique permettait de mesurer efficacement l’effet d’une mutation sur la capacité réplicative et sur la résistance au foscarnet. Notre travail s’inscrit ainsi dans une vision globale de la résistance : les méthodes de génotypage que nous avons développées permettent de détecter les mutations qui constituent le support génétique des résistances, et les méthodes phénotypiques développées par des laboratoires partenaires permettent de mesurer le rôle de ces mutations dans la résistance et dans l’activité des protéines qui les portent. Toutefois, aucune de ces deux approches ne permet d’accéder aux supports moléculaires des résistances aux antiviraux, dont la connaissance est pourtant primordiale pour la compréhension des processus de résistance et pour le développement de nouvelles molécules ou l’amélioration des molécules actuelles. L’étude à l’échelle moléculaire des résistances nécessite en effet la connaissance de la structure des protéines impliquées dans le mécanisme d’action des antiviraux, pour réaliser une approche par le biais de la relation structure/fonction. Or, du fait de leur taille, ni la kinase pUL97, impliquée dans le mécanisme d’action du GCV, ni la polymérase pUL54, cible du GCV, du CDV et du PFA, n’ont pu être cristallisées. Aussi, avons-nous développé des modèles tridimensionnels théoriques des sites catalytiques de pUL97 et pUL54 destinés à évaluer l’effet des mutations inédites sur la fonction de chacune de ces protéines. Alors qu’il était connu depuis les années 90 que pUL97 était une sérine/thréonine kinase, l’utilisation du logiciel Cn3D nous a permis de déterminer qu’elle appartient à la famille des S_TKc serine/threonine kinases. Nous appuyant sur la forte conservation des séquences en acides aminés et la structure tridimensionnelle du domaine catalytique des protéines de cette famille, nous avons construit un modèle théorique du site catalytique de l’activité kinase de pUL97. Ce modèle permet de déterminer la localisation des résidus d’intérêt dans, ou à proximité, du site catalytique afin d’évaluer l’effet théorique des mutations détectées par l’étude génotypique. Nous avons ainsi montré (Article-1) que les sites de substitution H469Y et N467D sont théoriquement localisés à l’extérieur du domaine catalytique, contrairement à la substitution M460I qui touche un résidu situé au cœur du site catalytique en contact direct avec le substrat de la kinase. Ceci nous a permis de suggérer que H469Y ne pouvait avoir que peu d’effet sur la structure du site catalytique et donc sur l’activité de pUL97 et sur la phosphorylation du GCV confirmant les observations de l’équipe de Lurain et coll., qui a décrit cette mutation chez un isolat sensible (Lurain, Weinberg et al. 2001). Par ailleurs, l’utilisation de notre modèle théorique nous a permis de souligner le rôle potentiel de la substitution T458I décrite dans l’Article-5, dans la résistance au ganciclovir du fait de sa localisation théorique au cœur du site catalytique. L’application de cette démarche à l’étude de pUL54 nous a permis d’élaborer des modèles des sites catalytiques polymérasique et endonucléasique de pUL54. Nous avons utilisé ces modèles pour étudier diverses mutations décrites au cours de nos différentes études. Ainsi, avons-nous pu confirmer par ce modèle le rôle potentiel des mutations E756G et D717Y sur l’activité polymérase et la résistance au foscarnet du fait de leurs localisations respectives dans les régions conservées VI et II. Par ailleurs, nous avons suggéré que les substitutions S291P, A505V et K415R, respectivement localisées dans les domaines ExoI, ExoII et ExoIII, ne pouvaient avoir que peu d’effet sur la structure du domaine exonucléasique. Par contre, concernant l’association de mutations S291P/K415R, nous avons montré qu’une proline en position 291 pourrait provoquer un basculement du feuillet- constituant le domaine exonucléasique ExoI et cet effet pourrait être accentué par une répulsion entre l’arginine R415 et deux autres résidus basiques localisés dans le feuillet(R420 et K426). Dans notre modèle du site polymérasique, le résidu S771 est localisé dans une boucle à l’extrémité des doigts de la polymérase (Article-6). La présence d’une proline à cette position doit probablement provoquer la constitution d’un coude modifiant significativement l’agencement tridimensionnel des hélices constituant les doigts de la polymérase, expliquant ainsi la perte d’activité polymérasique associée à cette mutation. Enfin, nous avons montré que la substitution H495K pourrait être à l’origine d’une répulsion avec un résidu basique invariant (K811) localisé dans l’hélice P (héliceconstituant la région III) du domaine polymérasique qui est impliquée dans la fixation des nucléotides et du foscarnet (Article-7). Cette répulsion probable explique ainsi certainement la légère diminution de l’activité polymérasique et la perte d’affinité pour le foscarnet associée à cette mutation. Les modèles théoriques nous avons construits nous ont permis d’évaluer l’effet de certaines mutations sur la structure des domaines de la polymérase et donc sur l’activité polymérasique et sur la résistance au PFA. Cependant cette démarche s’appuie sur des modèles théoriques et seule la structure de pUL54 permettra de définir l’impact réel des différentes mutations. Toutefois la corrélation de nos résultats à ceux obtenus par l’approche phénotypique nous conforte dans notre démarche, d’autant que cette approche a été utilisée dans une étude récente, publiée en février 2006 (Tchesnokov, Gilbert et al. 2006), pour analyser l’effet de la substitution K805Q associée à une hypersensibilité au foscarnet. Ainsi, l’étude des mutations par une approche s’appuyant sur des modèles théoriques, apparaît-elle être une méthode complémentaire aux démarches traditionnelles pour l’étude des résistances.
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Les hostilités commencèrent le 1er janvier 1897, selon le plan prévu par les Français : deux colonnes, une par bateau, battirent les deux versants de l'île et convergèrent pour se retrouver sur les crêtes, tout en balayant les vallées, par coups de sondes (cf. carte). Les rebelles, qui refusèrent le combat, furent ainsi refoulés vers le sud. Chaque colonne conserva l'appui de son bâtiment qui arrosa le rivage de son artillerie, pour empêcher les rebelles de remonter vers le nord48. À lire la correspondance de l'administrateur des ISLV, la « rumeur publique » annonçait l'imminence de l'intervention armée. C'est pourquoi il recommanda aux marins de reprendre les mousquetons confiés au tiers parti, « aussi opposés à l'acceptation du pavillon français et à l'autorité française gouvernementale que les vrais rebelles conduits par Teraupoo »46. Les marins partageaient ce sentiment : Les deux navires ont commencé par mouiller à Tahaa, pour ouvrir le feu sur les habitations et les embarcations rebelles. Les torpilleurs débarqués « abattent le mât de pavillon au haut duquel était arboré le pavillon anglais, 44 Instructions du 20 novembre 1896 au commandant du Papeete. 45 SHD, BB4 1585, IDLS, rapport du commandant du Papeete, le 24 novembre 1896. 46 Ibid., le 26 novembre 1896. 47 Ibid., le 5 décembre 1896. 48 SHD, BB4 1603, « dossier de Raiatea-Tahaa, expédition de janvier 1897 ». « Nos protégés d'Avera, bien qu'ils aient été depuis le commencement de l'état de siège jusqu'à ce jour les plus favorisés sous tous les rapports, semblent plutôt vouloir se rapprocher de Teraupoo et du pavillon anglais que de vouloir se rallier aux couleurs françaises »47. ✐ ✐ Figure 1. Carte de Raitea pour préparer l'offensive de janvier 1897: les couleurs bleue (rayures horizontales) et rouge (rayures verticales) correspondent aux territoires battus par les deux colonnes de l'infanterie de marine. Seul le territoire d'Uturoa est donc considéré comme pacifié, à cette date (Archives du Service historique de la Défense, BB4 1603). détruisent le Farehau (maison commune) et 3 cotres, et incendient les habitations des rebelles ».
À 14 heures, les navires étaient revenus au soutien de leurs colonnes, à Raitea ; le Duguay-Trouin ouvrit le feu sur les habitations des rebelles et débarqua l'infanterie pour abattre le pavillon anglais. Le lendemain, une première escarmouche opposa les adversaires, lorsqu'une partie de la colonne de l'Aube alla « occuper le poste avancé des Teraupistes à la pointe Tereva et fouiller les vallées dans le nord de Tevaitoa ». « Tandis qu'elle campait [], la colonne a été attaquée par une petite reconnaissance teraupiste sans que le feu ait produit de résultats d'un bord ou de l'autre »49. ✐ ginaire de Tahaa ; quelques-uns étaient issus de Huahine, et même de Tahiti, sans que l'on sache si la rébellion avait pris une dimension « transnationale », ces résidents d'autres îles pouvant aussi bien être apparentés aux rebelles. Les détenus furent isolés de l'étroite population de l'île marquisienne, dans une vallée où ils s'occupèrent de monter le poste de gendarmerie, de construire leur village et d'étendre les cultures. Leurs premières lettres, où ils confièrent leur mal du pays, dissuadaient leurs proches de les rejoindre dans leur exil50. Au matin du 3 janvier, après que des signaux eurent été échangés entre les divers détachements, le village de Tevaitoa fut attaqué sous le feu de l'Aube. À l'entrée du village, les colonnes avancèrent à la baïonnette pour fouiller la pointe de Tevaitoa, où se trouvait un marae, lieu possible d'une embuscade. De fait, le combat principal s'y déroula : « Les Teraupistes, au nombre d'une quarantaine, blottis dans des retranchements d'un mètre de large et de 1,50 m de profondeur laissent passer le détachement de l'Aube puis ouvrent le feu en apercevant le gros de la colonne ». Le gouverneur choisit un châtiment plus radical, vers le bagne de Nouméa, pour « quelques chefs ou meneurs particulièrement dangereux ». Il aurait aimé châtier les étrangers impliqués dans la rébellion, mais il ne le put, faute de preuves, quoique les marins et l'administrateur aient été convaincus de l'implication de deux d'entre eux, au moins. En plus de l'exil, les rebelles durent abandonner une partie de leurs enfants. L'administrateur des ISLV s'inquiéta des adoptions forcées et refusa qu'un jeune homme de dix-neuf ans emmène, pour le compte de sa famille, un « petit enfant d'une famille rebelle », alors que Tati Salmon, une personnalité tahitienne, avait déjà reçu « cinq petits rebelles qui lui [avaient] été confiés sur sa demande ». Il relayait les rumeurs qui couraient à Uturoa : « M. Tati Salmon aurait payé le gouvernement français pour se faire livrer ces enfants comme esclaves ». Le retranchement est envahi « et les défenseurs sont tués à la baïonnette tant par les marins que par les soldats », qui coupent la retraite vers la brousse. L'offensive ne coûta aucune perte aux Français, mais causa la mort de 17 rebelles. Le reste des opérations consista en des battues, qui ne trouvèrent plus de résistance mais ne permirent pas de mettre la main sur Teraupoo et sa femme. Il fallut plusieurs semaines pour que des autochtones repèrent des signes de vie, venus d'une grotte, et que l'on se saisisse du couple – le 15 février 1897. Châtiment et nouvel ordre Embarqués sur l'Aube le 28 janvier 1897, 116 hommes, 29 femmes et 24 enfants furent exilés à destination d'Eiao, aux Marquises, et finalement débarqués sur l'île d'Ua Uka, dans la vallée de Katohau. La plupart des exilés venaient de Raiatea, mais une forte minorité était ori- 50 Ibid., lettres de février 1897. . Il est e de se représenter la place que Teraupoo occupa dans l'imaginaire politique des habitants de Raiatea, lors de son exil, puis à son retour. Quel crédit accorder au récit romancé de Jean Dorsenne, fondé sur des sources orales, lorsqu'il imagine son retour pitoyable d'exil? « Teraupoo revint à Raiatea en 1906. Il ne subsistait aucun vestige des troubles passés. L'autorité française s'étendait dans le pays, et nul ne semblait se souvenir des événements malheureux qui avaient éclaté huit ans auparavant. [] Il vécut dans l'isolement, fréquentant peu ses voisins, parlant le moins possible »53? « Je vous laisse d'ailleurs le soin, si vous le jugez convenable, de prévenir Tuarii que si elle nous crée la moindre difficulté sa pension lui est retirée, car elle ne la doit qu'à notre extrême bienveillance en sa faveur »51. Il y avait certainement un écart important entre le trentenaire, qui avait tenu tête pendant dix ans à la souveraineté française, et l'homme déjà âgé qui revint d'exil ; c'est aussi ce que nous dit une légende qui nous instruit sur la postérité de sa figure : « De nos jours, les habitants de Ra'iateaa continuent à propager la rumeur que Teraupoo aurait été tué par les Français et que la personne rentrée d'exil ne serait pas le chef insurgé »54. Teraupoo, le rebelle de Raiatea
S'il est difficile d'estimer l'autorité de Teraupoo au-delà de ses partisans, qui représentaient environ le tiers des habitants, les papiers saisis par les marins français à l'issue de l'assaut donnent à penser que le refus de la souveraineté française débordait largement au-delà de sa figure. De fait, sa légende a continué de produire des effets historiques, lorsque les mouvements Une lettre demandant la protection de la GrandeBretagne le montre, puisque l'administrateur des ISLV qui a émargé à l'intention du chef de la division du Pacifique, la liste des noms pour indiquer leur parti, a indiqué pour la moitié 52 Ibid., 14 février 1897. Probablement datée de 1896, soit après le nouveau pacte de protectorat passé avec la reine et le tiers parti lors de la mission Chessé. 53 Jean Dorsenne, Un fils de cannibales, op. cit. (cf. note 16).
54 Anne-Lise Pasturel, « Raiatea 1818-1945 », op. cit., p. 358, note 306 (cf. note 8). 51 Ibid., 15 février 1897. La nomination de nouveaux chefs de district, le 23 janvier, ayant « autorité absolue sur tous les indigènes de leur district quels qu'aient été antérieurement les dignités, grades, emplois ou fonctions de ces dits indigènes », marqua le nouvel ordre français. Sur proposition du chef de la division navale du Pacifique, l'ancienne reine du protectorat d'Avera reçut une pension annuelle de 2 400 francs, au titre de son (tardif) ralliement. Mais la France refusa sa demande de « pensions pour divers membres de sa famille », et le gouverneur ajouta : ✐ ✐ indépendantistes tahitiens les plus radicaux, dans les années 1970, se sont réclamés du « martyr » pour mener leurs actions violentes (assassinat d'un métropolitain). Les échos les plus récents de la guerre de ISLV se font entendre sur un ton plus pacifié, à travers une forme de « patrimonalisation » du souvenir. Une troupe de danse a, par exemple, choisi de raconter la guerre des ISLV, en 2009, lors du Heiva (festival annuel, comprenant notamment des spectacles de danses traditionnelles). Enfin, par un étonnant résumé de la dimension politique du renouveau identitaire polynésien, le nom du rebelle est revenu sous la forme d'un prénom, porté notamment par la légende vivante de la pirogue à voile tahitienne, Teraupoo Richmond..
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Le juge administratif et la séparation des Eglises et de l'Etat sous la IIIe République : un exemple des interactions entre les institutions républicaines et le contrôle juridictionnel de l'administration
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1 Voir Henri Doniol, « Les idées politiques et les partis en France durant le XIXe siècle », R.D.P., 1902, p 385438.
Dans cet article, Doniol retrace le développement de l’idée républicaine. Il défend une République organisée et stable, dans laquelle le suffrage universel serait canalisé et où l’exécutif aurait des facultés d’action suffisantes pour gouverner efficacement
. 2 Henri Doniol, « La question de l’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-
440. 3 Doniol explique que « L’Eglise catholique maîtrisera, quand elle ne les subordonnera point, tous les Etats qui lui laisseront occuper librement chez eux la place qu’elle prétend exigée par son institution propre. Ils subissent sa dépendance par cela seul qu’ils acceptent dans leur sein l’échelle des pouvoirs partant de Rome comme d’une source spirituelle instituée divinement. »
(Henri Doniol, « La question de
l
’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-440, p 409
). 4 Outre le Syllabus de Pie IX, le concile de Vatican I qui s’achève en 1870 pose le principe de l’infaillibilité pontificale en matière de foi. Sur Léon XIII, parfois faussement considéré comme un Pape libéral, voir Philippe Portier, « L’Eglise catholique face au modèle française de laïcité », Arch. sc. soc. des rel, 2005, n°129, p 117 et s. 81
64. Pour mener la lutte, l’arme du Concordat apparaît comme fondamentalement inadaptée. Le Concordat a créé « une forteresse » pour l’Eglise, qui maintient son organisation et son emprise sur la population grâce au soutien financier et administratif de l’Etat1. Aux yeux de l’Eglise, la convention de l’an IX n’est d’ailleurs qu’une concession au pouvoir civil, qu’il faut toujours interpréter au profit du pouvoir spirituel. Contrairement à tout un courant catholique qui fait du Concordat une arme de persécution de l’Eglise par l’Etat, Doniol estime donc sans nuances que le Concordat est nettement favorable à l’Eglise et défavorable à l’Etat. Il faut, écrit-il, « que le pouvoir civil vive côte à côte avec cette sorte d’Etat parallèle, qui est son adversaire de chaque moment! C’est un second Etat légalement institué. L’autre, l’Etat véritable, n’a que l’unique ressource de tenir ouverte contre celui-là une guerre irritante, blessant assez pour l’exciter, pas assez pour le détruire, l’entretenant donc en lutte, bien mieux lui permettant de saisir avec avantage les occasions de retour et l’invitant à les susciter. »2. 65. Malgré cette condamnation sans appel du système concordataire, Doniol ne préconise pas la séparation des Eglises et de l’Etat. Sa réfutation illustre encore une fois les grands traits des théories doctrinales du XIXe siècle qui ont été étudiés plus haut. La Séparation n’est pas concevable car la religion est un besoin politique et social que l’Etat doit soutenir et rémunérer, sous peine de susciter le mécontentement et le conflit au sein de la population. Selon Doniol, la religion tient lieu, pour la masse de la population inculte, à la fois « de cours de lettres, de science, de philosophie et de morale. »3. Elle informe les comportements moraux et contribue à déterminer l’attitude des citoyens envers l’Etat. Celui-ci ne peut donc s’en désintéresser en se séparant de l’Eglise. De plus, et dans le droit fil de sa perspective anticléricale, l’auteur estime que la Séparation, en abandonnant les contraintes du Concordat, favoriserait la puissance de l’Eglise. Même privée du budget des cultes, l’Eglise catholique ne serait pas affaiblie, car elle tire sa force « de son organisation bien davantage que de sa fortune. »4, et maintiendrait ses ressources en mettant les fidèles à contribution. Plus grave, grâce à la Séparation, elle disposerait d’un vaste champ de liberté qui lui permettrait d’étendre sa domination morale et politique et d’accentuer les fractures de la société française : « Non rétribuée, elle récupérera bientôt sa perte d’argent sur les fidèles. En échange, elle aura acquis le droit complet d’élever au sein de l’Etat gouvernement contre gouvernement, et le droit de couper de 1 Henri Doniol, « La question de l’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-440,
p
411
. Henri Doniol « La question de l’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-440, p 412. 3 Henri Doniol, « La question de l’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-440, p 418. 4 Henri Doniol, « La question de l’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-440, p 431. 2 82 plus en plus la France en deux Frances opposées entre elles par les notions morales, par les idées et les sentiments, par les aspirations et les conduites. »1. Si la séparation des Eglises et de l’Etat est à proscrire, quelle est la solution proposée par Doniol pour sortir de l’impasse concordataire? Le remède qu’il avance est fondé sur une critique de l’organisation hiérarchique de l’Eglise catholique qu’il identifie comme la cause de presque tous les maux des relations entre l’Etat et le catholicisme. Le Concordat est dépassé et doit être rompu par une dénonciation conforme au droit international. Doniol propose de réorganiser ensuite le culte à partir de la communauté des fidèles, sur le modèle du christianisme primitif. La hiérarchie de l’Eglise devra être supprimée, les archevêques et les évêques perdront leurs prérogatives. Seules les assemblées de fidèles pourront nommer les prêtres, qui devront obtenir leurs grades canoniques dans les séminaires gérés par les assemblées. En définitive, même marqué par les doctrines républicaines et l’anticléricalisme de la fin du XIXe siècle, un juriste comme Doniol écarte la Séparation comme solution à la crise qu’il constate dans les rapports entre l’Eglise et l’Etat. Il préconise à la place un retour aux sources du christianisme, en centrant la vie religieuse sur les fidèles à l’image des églises protestantes et en cassant les institutions ecclésiastiques accusées de tous les maux. L’article de Doniol illustre la prégnance des théories gallicanes parmi les juristes du XIXe siècle. Ses positions font écho à celles des gouvernements républicains de la même époque qui préfèrent maintenir le cadre concordataire comme un outil efficace d’action contre l’Eglise dont ils se méfient, plutôt que de réaliser la Séparation qui fait pourtant partie de leur programme politique2. * * *
66. La notion de séparation des Eglises et de l’Etat implique que les relations des cultes et de l’Etat soient pensées en fonction du simple jeu entre les libertés publiques et l’ordre public, selon l’expression de Jean-Michel Leniaud3 ; elle postule en outre une version compréhensive de la liberté de conscience, incluant l’ensemble des choix spirituels et conduisant logiquement à la remise en cause du statut de service public dont jouissent les cultes reconnus. Mais, au XIXe siècle, le thème séparatiste n’est pas reçu et développé par les juristes. La doctrine n’a pas construit juridiquement les notions de Séparation et d’Etat laïque, se maintenant ainsi dans un cadre théorique en partie
1 Henri Doniol, « La question de l’Eglise en France », R.D.P., 1894, p 405-440, p 432. Voir Jean-Marie Mayeur, La question laïque, XIXe-XXe siècle, Fayard, 1997, p 50 et s ; Chez Jules Ferry par exemple, la mé
fiance
envers l’Eglise s’accompagne d’
une
analyse de la société,
qu
’il
juge encore
trop attachée
à la
religion
pour réaliser la Séparation. 3 Jean-Michel Leniaud, L’administration des cultes pendant la période concordataire, NEL, 1988, p 27. 2 83
élaboré dans la seconde moitié du XVIIIe siècle1 et précisé par Portalis au moment de la construction du système concordataire. En fait, de même que, comme le note Maurice Larkin, la longévité et l’implantation du système concordataire ont atrophié les facultés d’initiative et d’imagination des prêtres2, le régime concordataire apparaît aux juristes du XIXe siècle comme un fait aussi évident que l’air ambiant ; manifestement, cela n’a pas favorisé la réflexion sur le droit des cultes. Dès lors, alors même que les débats politiques et philosophiques sur ce thème battent leur plein à partir des années 1850-1860, la doctrine ne saisit pas l’intérêt juridique des idées de laïcité et de séparation des Eglises et de l’Etat. Seuls quelques précurseurs, tel que Edouard de Laboulaye, développent une analyse juridique de la Séparation avant l’adoption de la loi du 9 décembre 19053. 1
Albert Mathiez, « Les philosophes et la séparation des Eglises et de l’Etat en France à la fin du XVIIIe siècle », Revue historique, 1910, p 63-79. 2 Maurice Larkin, L’Eglise et l’Etat en France, 1905 : l’année de la Séparation, Privat, 2004, p 62-63. 3 Laboulaye n’est pas un séparatiste de la première heure. Sa réflexion est partie, en 1845, d’une défense orthodoxe du régime concordataire et s’est poursuivie, à partir du milieu des années 1850, par une théorisation de plus en plus cohérente de la séparation des Eglises et de l’Etat. Dans un article de la Revue de législation et de jurisprudence d’avril 1845 (Edouard de Laboulaye, « De l’Eglise catholique et de l’Etat, à l’occasion des attaques dirigées contre les articles organiques du Concordat de 1801 », Revue de législation et de jurisprudence, avril 1845), Laboulaye réagit aux revendications séparatistes formulées par certains catholiques à la suite de Lamennais ou Lacordaire. A cette occasion, il mène un plaidoyer classique du système des cultes reconnus, fondé sur les arguments communément admis par la doctrine de l’époque. L’auteur se situe d’emblée sur le terrain de la distinction des pouvoirs spirituel et temporel. Il explique ainsi que : « l’Eglise et l’Etat sont deux sociétés différentes qui, n’ayant ni le même but, ni le même intérêt, ni les mêmes moyens d’action, peuvent coexister l’une dans l’autre ; chacune d’elle, indépendante dans sa sphère, peut se mouvoir librement sans contrarier la puissance voisine. » (Edouard de Laboulaye, « De l’Eglise catholique et de l’Etat, à l’occasion des attaques dirigées contre les articles organiques du Concordat de 1801 », Revue de législation et de jurisprudence, avril 1845, p 11). Le couple de notions est cependant interprété dans un sens gallican, en donnant la prééminence à l’Etat qui seul représente la nation, dispose de la sou aineté et de la puissance publique et délimite les frontières qui séparent les deux puissances. Pour assurer la nécessaire indépendance des deux pouvoirs, Laboulaye rejette la solution américaine de la séparation des Eglises et de l’Etat, car elle est désastreuse pour la religion et pour l’Etat, comme le prouvent l’expérience révolutionnaire française et les schismes qu’il impute à la vie religieuse des Etats-Unis. En France, où l’Eglise est une institution riche, puissante et concurrente de l’Etat, seule une alliance bien comprise entre le Saint-Siège et le gouvernement est envisageable. Le système concordataire permet ainsi à ce dernier de surveiller l’Eglise et de prévenir les assauts du pouvoir spirituel. Il permet en outre la protection de la religion, qui est un « besoin national ». Nous retrouvons ici l’idée de l’utilité sociale des cultes souscrite par toute la doctrine au cours du XIXe siècle, et vigoureusement défendue par Laboulaye : « Est-ce que la religion est moins utile que les arts ou les sciences et qu’elle a moins de titres pour réclamer une part du revenu national? Est-ce qu’elle est moins nécessaire pour l’éducation intellectuelle, cette éducation morale que seule peut donner complètement la religion, parce que seule elle a des réponses toutes faites pour des problèmes insolubles à toutes les philosophies, et une sanction intérieure pour toute les transgressions, même les plus secrètes, pour les révoltes même involontaires de la chair et de l’esprit? Il n’y a point dans le pays un intérêt qui soit plus grand, plus général, que l’intérêt religieux, et qui ait dans la société de plus profondes racines ; il n’y en a point, par conséquent, qui ait des droits plus réels à la protection du gouvernement. » (Edouard de Laboulaye, « De l’Eglise catholique et de l’Etat, à l’occasion des attaques dirigées contre les articles organiques du Concordat de 1801 », Revue de législation et de jurisprudence, avril 1845, p 17). Si le système concordataire donne des garanties à l’Etat et apporte les bienfaits de la religion à la société, il est aussi avantageux pour l’Eglise, car il prévient les schismes et l’abaissement du sentiment religieux. Sur la base de ces arguments, Laboulaye défend alors tous les aspects du droit des cultes de l’époque : les moyens de contrôle de l’Etat prévus par les Articles organiques, l’enseignement religieux, l’appel comme d’abus, le contrôle gouvernemental sur les congrégations. Ainsi, en 1845, Laboulaye se fond dans la masse des juristes de son temps, en proposant une lecture somme toute classique du régime des cultes reconnus. Sa position évolue en faveur de la séparation des Eglises et de l’Etat dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le changement d’orientation de Laboulaye repose sur une critique du droit concordataire, qu’il ne juge plus conforme à la liberté religieuse, et sur une conception renouvelée de la liberté de conscience. L’auteur dénonce d’abord le hiatus entre la proclamation constitutionnelle des libertés de conscience et des cultes et la réalité de la législation. « Nos lois, explique t-il, sont un démenti perpétuel donné à nos constitutions. Toutes nos chartes, celle de 1852 comme les 84 autres, garantissent les grands principes proclamés en 1789, et au premier rang la liberté religieuse ; mais les lois particulières tournent ces grands principes, et en les tournant les annulent. Toucher à la conscience, c’est un sacrilège, personne n’y songe ; mais au nom de l’intérêt de l’Etat, par crainte des associations politiques, par amour de la paix publique, pour ménager les âmes simples, pour prévenir le scandale, on soumet toute église, toute association, toute réunion, toute cérémonie religieuse à une autorisation préalable. » (Edouard de Laboulaye, Le parti libéral, son programme et son avenir, Paris, 1863, p 44-45). Le régime concordataire n’assure donc pas une protection efficace de la liberté de conscience. Celle-ci est toujours subordonnée au droit de l’Etat, ce dernier se contentant de pratiquer « une tolérance large, exercée en général avec douceur » (Edouard de Laboulaye, La liberté religieuse, 3ème éd, Paris, 1866, p 13), au lieu de strictement garantir les droits individuels. Si le système des cultes reconnus ne trouve plus grâce aux yeux de Laboulaye, c’est qu’il défend une conception exigeante de la liberté de conscience, avec laquelle le droit des cultes n’est plus compatible. Sa théorie, qui s’inspire des philosophes libéraux et républicains tel Jules Simon (Il écrit ainsi en 1857 un commentaire approbateur de l’ouvrage de Jules Simon sur La liberté de conscience, qui fait partie du recueil de Laboulaye sur La liberté religieuse), rompt avec l’idée d’une fonction sociale de la religion, si caractéristique de la doctrine du XIXe siècle. A l’affirmation du rôle bienfaisant la religion pour le développement de la morale et de la sociabilité, Laboulaye oppose une analyse épistémologique de la liberté de conscience. Celle-ci ne se réduit pas à pouvoir choisir entre plusieurs confessions ; elle consiste plus largement pour l’individu à pouvoir rechercher librement la vérité. Il faut donc pour le citoyen une indépendance complète à l’égard de l’Etat dans le domaine spirituel, qui lui permette d’examiner toutes les croyances, de les critiquer et de fonder en raison ses choix spirituels. En ce sens, il affirme que : « La raison seule peut nous mener au seuil du temple, par conséquent, la liberté de conscience n’implique pas seulement le droit de croire, elle emporte aussi le droit d’examiner. » (Edouard de Laboulaye, La liberté religieuse, 3ème éd, Paris, 1866, p 19). Cette théorie tire toutes les conséquences de la proclamation de la liberté de conscience comme droit individuel en affirmant l’autonomie intellectuelle du sujet de droit. En 1863, l’auteur marque bien cette vision nouvelle de la croyance comme pure affaire privée : « Ma foi ne regarde que moi ; mon église ne concerne que ceux qui partagent ma croyance. C’est mon droit d’adorer Dieu à ma guise et de faire mon salut comme je l’entends. L’Etat ne connaît pas le fidèle, il ne connaît que le citoyen. » (Edouard de Laboulaye, Le parti libéral, son programme et son avenir, Paris, 1863, p 46). Cette doctrine nouvelle conduit Laboulaye à condamner tous les aspects du droit concordataire qui, sous prétexte d’exercer une utile tutelle morale sur la population, restreignent l’autonomie intellectuelle du citoyen. Ainsi, la constatation de fait de la supériorité numérique du catholicisme en France ne permet pas de limiter la liberté de conscience de ceux qui ne professent pas cette religion : « je dis qu’alors même que la majorité serait certaine de posséder la vérité, cette conviction ne l’autoriserait ni à me gêner dans ma recherche, ni à m’imposer silence au nom de l’intérêt public. Tant que mon erreur ne se traduit pas en faits nuisibles à la société, tant qu’elle ne concerne que moi, personne n’est autorisé pour me violenter. En effet, pour que la majorité ait le droit d’invoquer l’intérêt général, il faut que l’acte qu’elle interdit soit un acte social, un acte qui tombe sous la juridiction de l’Etat. » (Edouard de Laboulaye, La liberté religieuse, 3ème éd, Paris, 1866, p 31). En définitive, pour garantir la é de conscience, il faut rompre les liens entre les religions et l’Etat, il faut supprimer la législation qui donne à l’Eglise l’appui de la puissance publique ; la séparation des Eglises et de l’Etat s’impose donc comme une nécessité, comme une question de principe. La Séparation s’impose par ailleurs en vertu des avantages pratiques qui résultent pour l’Etat et pour l’Eglise de la rupture des liens concordataires. Laboulaye est surtout attentif à la restauration de la dignité de la religion. 67. Les développements qui précèdent ont montré qu’à la veille de la Séparation, le système des cultes reconnus domine le droit positif en matière de cultes et apparaît comme l’unique horizon théorique des juristes. A ce moment, la notion de Séparation est quasiment absente du monde du droit. A cet égard, la loi du 9 décembre 1905 représente une coupure nette dans l’histoire du droit des cultes. D’une part, elle bouleverse la structure du droit positif en abandonnant la logique des cultes reconnus au profit de la notion d’Etat laïque. D’autre part, elle ouvre la voie au développement de la réflexion doctrinale sur la signification et la portée juridiques de la Séparation et de la laïcité. Pour bien comprendre le sens de l’œuvre législative dont le juge administratif a contribué au succès, il faut d’abord examiner la genèse politique de la loi de Séparation et l’enchevêtrement des péripéties politiques, des choix philosophiques et des stratégies gouvernementales et ecclésiastiques dont elle est le résultat (Section I.). Ensuite, il faudra analyser la formation de la théorie juridique de l’Etat laïque grâce à laquelle le nouveau régime des cultes s’est doté d’une densité doctrinale et intellectuelle (Section II.).
Section I. – La genèse politique de la Séparation. 68. Pendant plus de trente ans, les gouvernements républicains sont réservés voire hostiles face à la perspective d’une réalisation effective de la Séparation. Cette position n’empêche pas les républicains de défendre une ferme doctrine laïque qui trouve de multiples traductions législatives pendant les années 1880-1905. La République des origines est donc concordataire, créant la entretient de fortes affinités avec la démocratie lorsqu’elle est rendue à la liberté. Ce dernier argument trouve sa source chez Laboulaye dans l’étude des institutions américaines, dont il est un admirateur fidèle, comme nous l’avons vu. C’est l’observation de la prospérité du catholicisme aux Etats-Unis qui le convainc que la Séparation peut être un bienfait pour le culte. En matière de liberté religieuse cependant, sa conversion au modèle américain est tardive. En effet, dans son article de 1845, il repousse fermement l’exemple des Etats-Unis en pointant le danger du schisme. En 1857, dans son commentaire de Jules Simon, il exprime ses réserves sur la version américaine de la séparation, qui suppose la rémunération des prêtres par les seuls fidèles (Edouard de Laboulaye, La liberté religieuse, 3ème éd, Paris, 1866, p 68). C’est à partir des années 1860 que Laboulaye manifeste une adhésion complète au modèle américain de séparation (Edouard de Laboulaye, Le parti libéral, son programme et son avenir, Paris, 1863, p 63 ; Edouard de Laboulaye, « La République constitutionnelle », in Questions constitutionnelles, 2ème éd, Charpentier, 1873, p 322). En 1873, il consacre à cette question un article entier, dans lequel il vante la séparation américaine, qui facilite selon lui la vitalité de la religion et rend possible une protection véritable des libert de conscience et des cultes (Edouard de Laloulaye, « L’E
glise
et
l’Etat
en Amérique
», R.
D
.
M
.,
1873, p 721
).
Voir ainsi Prévost-Paradol, « De la
liberté des cultes
en France », R.D.M., 1853, p 342-366
, où l’auteur défend l’idée de séparation en montrant que le système des cultes reconnus viole les libertés de conscience et des cultes. 86 situation paradoxale d’une laïcité sans Séparation (§1.). A partir de 1903, le processus séparatiste s’enclenche à la faveur de circonstances politiques diverses qui s’enchaînent rapidement. A l’issue de débats historiques et difficiles, le législateur adopte finalement une loi d’inspiration largement libérale (§ 2.). Néanmoins, l’œuvre républicaine est aussitôt mise à l’épreuve par le refus catholique de la réforme (§3.).
§ 1. – La République concordataire ou la laïcité sans Séparation. 69.
La période de la République concordataire est fondamentale car elle met en lumière la complexité des liens entre les institutions républicaines et les notions de laïcité et de Séparation. Pendant cette trentaine d’années, de 1880 à 1905, la République n’a pas voulu la Séparation et s’est accommodée du maintien du système des cultes reconnus et du développement d’une politique anticléricale spécialement incarnée par la lutte contre les congrégations. Attachés au Concordat par prudence et anticléricalisme, les gouvernements ont pourtant préparé, malgré eux, les conditions politiques propices à la réalisation de la Séparation. Pour cerner l’importance de cette période dans la genèse de la loi de 1905, examinons d’abord les particularités de la doctrine laïque des républicains de gouvernement (A.), puis la politique anticongréganiste menée à partir de 1880 (B.) et, enfin, les évènements qui ont déclenché le processus séparatiste (C.).
A. – La laïcité sans la Séparation. 70. Alors qu’il s’agissait d’un élément essentiel du discours républicain sous le Second Empire1, il a fallu attendre plus de trente ans après l’instauration de la République pour que la séparation des Eglises et de l’Etat soit réalisée. Il est vrai que jusqu’en 1879, le rapport des forces politiques ne se prête guère à cette réforme, car les institutions républicaines échappent aux républicains. Depuis 1873, l’Etat est contrôlé par les monarchistes et les conservateurs qui, à l’initiative du président de la République Mac-Mahon, mènent une politique d’Ordre Moral. Celle-ci consiste notamment à rétablir l’influence de la religion dans l’Etat et la société pour permettre la régénération morale de la 1 Georges Weill, Histoire du parti républicain en France de 1814 à 1870, Paris, Félix Alcan, 1900 ; I. Tchernoff, Le parti républicain au Coup d’Etat et sous le Second Empire, Paris, Pédone, 1906. 87 France jugée nécessaire après la défaite contre l’Allemagne1. L’Ordre Moral perpétue en outre les atteintes aux libertés de conscience et des cultes pratiquées par les régimes antérieurs2. 71. En 1879, les républicains achèvent leur conquête de tous les rouages de l’Etat. Pourtant, la Séparation n’est pas à l’ordre du jour. Au contact des réalités de la conduite des affaires de l’Etat, les républicains de gouvernement, qualifiés « d’Opportunistes », se sont convaincus de la nécessité du maintien du Concordat, de sorte que jusqu’en 1905, la République va être concordataire et consacrer une laïcité sans Séparation. L’exemple de Jules Ferry permet de saisir les principales justifications de la continuation du système des cultes reconnus dans la République laïque3. Ferry part du constat que les conditions de la séparation des Eglises et de l’Etat ne sont pas remplies à la fin du XIXe siècle. L’abolition du Concordat se heurte d’abord à des considérations de politique constitutionnelle. En effet, la République est encore fragile et doit obtenir le soutien des « catholiques selon le suffrage universel », judicieusement identifiés par Emile Littré4, pour enfin devenir un mode de gouvernement stable et fort. Dès lors, le maintien du Concordat permet de rassurer la masse de la population et ménage les conditions d’un ralliement électoral des catholiques à la République. Pour Ferry, cette politique de prudence est d’autant plus justifiée que la période de l’Ordre Moral a illustré la vigueur du sentiment religieux en France. Il estime que la population, surtout rurale, n’est pas prête à abandonner le système concordataire et le service public des cultes. L’enracinement du sentiment catholique exclut donc la Séparation dans un avenir proche5. Enfin, fidèle à la tradition gallicane des juristes, Ferry fait du droit concordataire un outil précieux dans le combat de l’Etat contre l’Eglise et le cléricalisme. Comme la plupart des républicains, il juge l’Eglise encore trop puissante et agressive. Il craint que déliée du carcan concordataire, elle ne mette en danger l’Etat républicain et la société démocratique moderne auxquels elle est hostile, comme en attestent le 1 Jean-Paul Scot, « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle », comprendre la loi de 1905, Le Seuil, coll. Point-Histoire, 2005, p 89 et s. 2 Les cultes minoritaires et les enterrements civils sont principalement visés : voir Jacqueline Lalouette, La séparation des Eglises et de l’Etat, genèse et développement d’une idée, 1789-1905, Le Seuil, coll. L’Univers Historique, 2005, p 309 et s, qui rapporte les pratiques de nombreux maires n’autorisant les enterrements civils que tôt le matin ou après la tombée de la nuit, et le refus des honneurs militaires pour les défunts enterrés civilement. 3 Les positions de Jules Ferry sont partagées par des grands noms de la pensée républicaine comme Emile Littré, Auguste Scheurer-Kestner ou Charles Renouvier. Voir Emile Littré, De l’établissement de la IIIe République, Paris, 1880 ; sur Auguste Scheurer-Kestner, voir Jacqueline Lalouette, La République anticléricale, XIXe-XXe siècle, Le Seuil, coll. L’Univers Historique, p 48 et s ; sur Charles Renouvier, voir Marie-Claude Blais, Au principe de la République, le cas Renouvier, Gallimard, 2000, p 315 et s. 4
Emile Littré, De l’établissement de la IIIème République, Paris, 1880. 5 Jean-Michel Gaillard, Jules Ferry, Fayard, 1989, p 478 et s. 88 Syllabus de 1864
ou la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale de 1870. Pour tenir en respect le pouvoir catholique, il faut donc garder avec lui un « bon contrat »1. Chez les Opportunistes cependant, l’abandon de la Séparation n’est pas définitif – le principe est trop lié aux exigences de liberté de conscience, de libre examen et d’égalité des cultes attachées aux doctrines républicaines2 – mais la réalisation en est reportée vers un terme plus ou moins éloigné. Si, pour un farouche anticlérical comme Paul Bert, la tactique concordataire de la République doit mener à brève échéance à l’affaiblissement de l’Eglise et à la Séparation3, pour Jules Ferry, Emile Littré ou Charles Renouvier en revanche, la Séparation n’est pas exclue mais ne peut être qu’une perspective lointaine, car il faut d’abord séculariser la société en profondeur et réduire l’influence massive de l’Eglise sur la société et les institutions4. Dans la doctrine des républicains opportunistes, la Séparation est donc philosophiquement nécessaire mais demeure politiquement inopportune. Cette tension entre les exigences de la doctrine républicaine et les contraintes du gouvernement contribue d’ailleurs à expliquer la priorité donnée par les Opportunistes à la construction de la laïcité scolaire5. Cette dernière relève d’une stratégie de conquête du magistère moral sur la société par la République aux dépens de la religion catholique. En attachant les jeunes générations à la nation et à l’Etat plutôt qu’à l’Eglise, en inculquant aux enfants les idées de 1789 plutôt que le credo catholique, les républicains entendent créer les conditions d’une société sécularisée et laïque, qui permettra à terme la séparation définitive des cultes et de l’Etat. Les républicains de gouvernement, regroupés autour des figures de Léon Gambetta et de Jules Ferry, relèguent donc au second plan l’idée séparatiste mais restent des laïques et des anticléricaux Ils sont laïques car ils défendent la liberté de conscience, une stricte séparation du temporel et du spirituel, et défendent les principes démocratiques de 1789. Ils sont anticléricaux car ils souhaitent réduire l’influence de la religion catholique dans le pays et se méfient des empiètements des institutions catholiques sur le pouvoir civil. Paradoxalement, du reste, l’anticléricalisme conforte le statu quo concordataire car c’est dans le système concordataire que les républicains de
1 Jacqueline Lalouette, La séparation des Eglises et de l’Etat, genèse et développement d’une idée, 1789-1905, Le Seuil, coll. L’Univers Historique, 2005, p 324. 2
Dans les années 1870-1880, un auteur comme Jules Barni expose par exemple l’exigence de séparation des Eglises et de l’Etat qui découle de l’idée d’Etat laïque ;
voir
Jules Barni
,
Manuel républica
in, Paris, 1872 et La morale dans la démocratie, Paris, 1868. 3 Jacqueline Lalouette, La séparation des Eglises et de l’Etat, genèse et développement d’une idée, 1789-1905, Le Seuil, coll. l’Univers Historique, 2005, p 327. 4 Jean-Michel Gaillard, Jules Ferry, Fayard, 1989, p 487 ; Jean-Marie Mayeur, « Jules Ferry et la laïcité », in Jules Ferry, fondateur de la République, EHESS, 1985, p 147 ; Marie-Claude Blais, Au principe de la République, le cas Renouvier, Gallimard, 2000, p 315 et s. 5 Jean Rivero, « L’idée laïque et la réforme scolaire, 1879-1882 », R.P.P., 1931, p 367-380 ; et Pierre-Henri Prélot, « La liberté de l’enseignement dans la séparation des Eglises et de l’Etat (1879-1905) », R.D.P., 2006
p 617-635. 89 gouvernement trouvent les moyens nécessaires pour contrôler le clergé et mener le combat moral contre l’Eglise1. 72. A partir de 1880, la mise en œuvre du programme laïque se développe en marge de l’idée de séparation générale entre les cultes et l’Etat. Le mouvement de laïcisation conduit par les Républicains de gouvernement comporte plusieurs politiques sectorielles, autant de « séparations partielles »2 dont la plus ambitieuse et la plus importante est la politique scolaire. Dès le début des années 1880, l’exigence de laïcité se manifeste par une vaste politique de sécularisation de divers services publics, tels que les hôpitaux ou l’armée 3. De même, la loi du 28 juillet 1881 laïcise les cimetières, celle du 15 novembre 1887 laïcise les funérailles, garantissant le strict respect des dernières volontés du défunt, et loi du 28 décembre 1904 organise le monopole des pompes funèbres au profit des communes. Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1880 supprime l’interdiction du travail le dimanche et la loi Naquet du 27 juillet 1884 légalise le divorce. Enfin, la révision constitutionnelle du 14 août 1884 supprime les prières publiques qui devaient être prononcées à la rentrée des Assemblées en vertu de la loi du 16 juillet 1875. Dans le domaine scolaire, une quinzaine de textes, dont les importantes lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886, organisent la laïcisation des structures et du personnel de l’enseignement, du primaire au supérieur 4. L’école primaire est particulièrement importante dans le dispositif républicain. En effet, la défaite de 1870 est imputée par les élites aux carences de l’enseignement primaire français, qui, contrairement à celui de l’Allemagne, n’a pas su former des citoyens patriotes et combatifs, aptes à défendre leur pays. Alors que les conservateurs font de la défaite une punition divine du relâchement du sentiment religieux, nécessitant un enseignement d’expiation assurant l’inculcation de la foi, les républicains considèrent pour leur part que la faiblesse du niveau d’instruction a favorisé le désastre de 1870 ; il faut donc développer l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul,
de 1 Jean Rivero, « L’idée laïque et la réforme scolaire, 1879-1882 », R.P.P., 1931, p 367-380. Sur l’exemple de Léon Gambetta, voir Pierre Barral, Léon Gambetta. Tribun et stratège de la République (1838-1882), Privat, 2008. 2 Jacqueline Lalouette, La séparation des Eglises et de l’Etat, genèse et développement d’une idée, 1789-1905, Le Seuil, coll. L’univers Historique, 2005, p 305 3 Par exemple, Pierre-Yves Baudot, « La mort en attente de laïcisation, 1887-1904 », in Politiques de la laïcité au XXe siècle, Patrick Weil (dir), PUF, 2007, p 391. 4 Pierre Chevallier, La séparation de l’Eglise et de l’école, Jules Ferry et Léon XIII, Fayard, 1981 ; Mona Ozouf, L’école, l’Eglise et la République, 1871-1914, Le Seuil, coll. -Histoire, 1982 ; Dominique Gros, « La République laïque », in La République en droit français, Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux (dir), Economica, 1996, p 103 et s. 90 l’histoire et des sciences. De plus, l’école primaire doit dispenser un enseignement moral et civique permettant l’attachement des jeunes enfants à la patrie et au régime démocratique 1. 73. En lien avec la politique scolaire, la doctrine laïque s’enrichit de réflexions sur les conditions de possibilité et le contenu de la morale laïque. Depuis longtemps, des penseurs d’horizons divers entendent construire une morale « indépendante », débarrassée des sources religieuses et théologiques. L’entreprise n’est pas aisée car, au XIXe siècle, le sens commun associe volontiers la morale et la religion, celle-ci étant considérée comme le fondement de celle-là. L’enjeu des débats philosophiques s’accentue lorsque la loi du 28 mars 1882 impose l’éducation morale et civique aux élèves du primaire en remplacement de la traditionnelle éducation morale et religieuse. Dès les débats parlementaires, l’opposition entre Jules Ferry et Jules Simon sur la question de l’enseignement des devoirs envers Dieu illustre le sens de la conception opportuniste de la morale laïque2. En spiritualiste adepte de la religion naturelle, Jules Simon ne conçoit pas la morale sans soubassement religieux. Il dépose ainsi un amendement tendant à préciser que l’instituteur doit entretenir les enfants des devoirs envers Dieu à l’occasion de l’éducation morale et civique. Hostile à cette position, le positiviste Ferry veut imposer une morale « sans épithète » qui ne se rattache à aucune confession particulière. Cette formule exprime l’idée chère à Ferry de l’unité de la morale. Qu’elles soient chrétiennes, utilitaristes, scientifiques ou issues de la philosophie des Lumières, les morales produites par la civilisation occidentale ont toutes les mêmes résultats et les mêmes conséquences pratiques. Dès lors, l’enseignement laïque que le maître devra prodiguer n’abordera pas la question métaphysique des fondements de la morale et se limitera à la morale pratique et unanime, la « morale de nos pères » à laquelle il fait référence dans sa lettre aux instituteurs du 17 novembre 18833, la seule qui soit acceptable par tous, le catholique comme le libre-penseur. Pour Jules Ferry, cette doctrine est la clé de la morale laïque4. Pour autant, la morale républicaine ne sera ni politiquement, ni philosophiquement neutre. L’éducation morale et civique doit ainsi transmettre 1 Mona Ozouf, L’école, l’Eglise et la République, 1871-1914, Le Seuil, coll. Point-Histoire, 1982, p 21 et s. Finalement, la loi du 28 mars 1882 a été adoptée sans la référence aux devoirs envers Dieu, mais celle-ci sera présente dans les programmes de l’enseignement primaire adoptés la même année par le gouvernement. Pour respecter la neutralité de l’enseignement, l’administration scolaire interpréta cet aspect du programme comme une simple référence au respect dû à l’idée de Dieu et aux croyances religieuses d’autrui. Ferdinand Buisson écrit en 1911 que les devoirs envers Dieu doivent être entendus comme « les devoirs relatifs à la conduite religieuse » (Ferdinand Buisson, in Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Hachette, 1911, p 1404). Devant la difficulté de mettre en œuvre un tel enseignement, l’évocation des devoirs envers Dieu a peu à peu été abandonnée par les instituteurs.
3
Reproduite intégr
alement
in Jean
Michel Gaillard, Jules Ferry, Fayard, 1989, p 459 et s. 4 Jean-Marie Mayeur, « Jules Ferry et la laïcité », in Jules Ferry, fondateur de la République, EHESS, 1985, p 147 et s. 2 91 les valeurs de la Raison, du libre examen, les acquis politiques de la Révolution, l’amour de la République et de la nation. Expression de l’interprétation officielle de la morale laïque, la réflexion de
Jules Ferry
n’est pas la seule
. Ferdinand Buisson, protestant libéral et directeur de l’enseignement primaire de 1879 à 1896, Félix Pécaut, directeur de l’école normale de Fontenay-aux-Roses, Jules Steeg, auteur de plusieurs manuels d’instruction civique, le philosophe kantien Charles Renouvier, mais aussi Jules Barni, Léon Bourgeois, Célestin Bouglé ou Emile Durkheim1, contribuent chacun à leur façon à l’approfondissement de la notion de morale laïque et indépendante des dogmes religieux. Au-delà des différences doctrinales, une orientation générale se dégage de ces recherches éthiques. Pour les républicains, il s’agit de substituer une morale politique à une morale religieuse. Comme l’écrit Buisson, l’enseignement traditionnel prodigué par l’Eglise a pour seul but la religion, l’instruction n’étant « que le moyen de conduire à la religion »2. Dans une République, au contraire, il faut une éducation morale favorable au développement de la nation qui inculque aux enfants les valeurs de l’homme démocratique3 et l’attachement à la patrie4. 74. Même si elle est dominante, la doctrine laïque des Opportunistes n’est pas la seule qui subsiste pendant la République concordataire. Parmi les forces politiques et au sein de la société civile, nombreux sont ceux qui ne se satisfont pas des arguments avancés par les républicains de gouvernement pour justifier le maintien du système des cultes reconnus. Aussi, de 1880 à 1905, l’idée séparatiste poursuit une carrière politique florissante. Malgré des divisions internes et des ambiguïtés doctrinales, la Séparation fait partie du discours des radicaux et des socialistes5.
De 1 Sur le mouvement de réflexion sur la morale laïque, voir d’une manière générale Laurence Loeffel, La question du fondement de la morale laïque sous la IIIe République, 1870-1914, PUF, 2000 ; Jacqueline Lalouette, La République anticléricale, XIXe-XXe siècle, Le Seuil, coll. l’Univers Historique, 2002, p 142 et s ; et Claude Nicolet, L’idée républicaine en France, 1789-1924, Gallimard, 1982. Jules Barni et Charles Renouvier développent une morale fondée sur l’œuvre de Kant dès la fin du Second Empire (Jules Barni, La morale dans la démocratie, Paris, 1868 ; sur Charles Renouvier, voir Marie-Claude Blais, Au principe de la République, le cas Renouvier, Gallimard, 2000, p 332 et s
). Léon Bourgeois propose sa célèbre doctrine solidariste, qui a beaucoup inspiré le radicalisme (sur Bourgeois, voir Jean-Fabien Spitz, Le moment républicain en France, Gallimard, 2005). Quant à Emile Durkheim, il construit une pédagogie et une morale sociologiques qui ont eu un certain succès au sein de l’école primaire (voir Laurence Loeffel, La question du fondement de la morale laïque sous la IIIe République
,
1870
-
1914, PUF, 2000
). 2 Ferdinand Buisson, article « Laïcité », in Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Hachette, 1887, p 1469 et s. 3 Ferdinand Buisson, article « Laïcité », in Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Hachette, 1887, p 1473. Voir aussi Pierre Hayat, « Ferdinand Buisson et l’individualisme », Ach. sc. soc. des rel., 2003, n°124, p 5-18. 4 Ferdinand Buisson, La foi laïque, Hachette, 1918, p 156. 5
Au début du XXe siècle, les divers groupes socialistes s’organisent autour de deux grands partis : le parti socialiste de France, composé de socialistes révolutionnaires comme Jules Guesde ou Edouard Vaillant. Ces dernier sont violemment anticléricaux et souhaitent la disparition de la religion. Le parti socialiste français rassemble des réformistes qui acceptent de participer aux gouvernements républicains et qui professent un 92 même, la fin du XIXe siècle est marquée par un impressionnant bouillonnement de ligues, de sociétés de libre-pensée, de loges maçonniques, de journaux régionaux qui promeuvent la séparation des Eglises et de l’Etat et l’idée de laïcité1. Des protestants, des juifs et quelques rares catholiques, comme l’abbé Lemire, sont aussi séparatistes2. Mais si le camp séparatiste fait preuve d’une grande vitalité pendant la République concordataire, il est loin de partager les mêmes motivations. Par athéisme ou par irréligion, certains radicaux et nombre de socialistes ou de libres penseurs souhaitent rompre radicalement les liens unissant l’Etat aux cultes, et attendent de la Séparation la destruction du catholicisme, voire de toutes les religions. Pour d’autres, comme les libéraux ou les membres du centre-gauche, mais aussi certains socialistes comme Jean Jaurès, la Séparation doit être l’achèvement de la construction de l’Etat laïque et doit éviter toute persécution anti-religieuse. Pour des catholiques comme l’abbé Lemire , la Séparation permettrait de libérer les énergies d’un clergé depuis longtemps anesthésié par le cadre concordataire, permettant ainsi le renouveau de la pratique et du sentiment religieux. Mais si le thème séparatiste connaît une vitalité certaine sous la République concordataire, force est de constater que la tradition laïque s’est développée avant que la séparation des Eglises et de l’Etat n’en devienne la clé de voûte. Les mesures de sécularisation de la société, la législation scolaire et la réflexion sur les questions morales ont les premières tracé les contours de la notion de laïcité. Cette tradition est importante car elle a conditionné la perception et les conditions d’application de la loi de Séparation.
B. – La politique anticongréganiste. 75.
La
politique
la
ï
que ne se
limite pas
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qui viennent d’être
év
oqués
; elle comport
e en outre
une dimension anticléricale touchant principalement les congrégations. Les mesures anticongréganistes sont un épisode décisif de la République concordataire car c’est en partie leur escalade qui a rendu possible le déclenchement du processus séparatiste. L’hostilité des républicains envers le clergé régulier est ancienne et hérite d’ailleurs d’une méfiance traditionnelle de l’Etat français envers les congrégations. Elle se nourrit de la conviction anticléricalisme « modéré », hostile aux empiètements de l’Eglise sur la politique et aux doctrine rétrogrades qu’elle contribue à propager dans la nation.
1 L’apport de l’œuvre de Jacqueline Lalouette est ici décisif : Jacqueline Lalouette, La séparation des Eglises et de l’Etat, genèse et développement d’une idée, 1789-1905, Le Seuil, coll. l’Univers Historique, 2005, p 332 et s ; Jacqueline Lalouette, La libre pensée en France, 1848-1940, Albin-Michel, 2001, p 259 et s ; voir aussi JeanPaul Scot, « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle », comprendre la loi de 1905, Le Seuil, coll. Point-Histoire, 2005. 2 Jacqueline Lalouette, La séparation des Eglises et de l’Etat, genèse et développement d’une idée, 1789-1905, Le Seuil, coll. l’Univers Historique, 2005, p 359 et s ; Jean-Marie Mayeur, Un prêtre démocrate, l’abbé Lemire (1853-1928), Casterman, 1968. 93 que les membres des ordres religieux cultivent une doctrine particulièrement réactionnaire et ultramontaine (surtout les jésuites, qui sont spécialement détestés) et adoptent un mode de vie contraire aux valeurs de la société moderne, impliquant des vœux perpétuels qui mènent à l’aliénation de la conscience, à l’obéissance aveugle à l’autorité ecclésiastique et au renoncement à son rôle de citoyen actif dans la société1. Les républicains invoquent encore le danger de la mainmorte qui, par l’accumulation de richesses improductives, est supposée porter atteinte au fonctionnement de l’économie libérale2. Ces arguments traditionnels ont suscité depuis la Révolution une réglementation peu fournie mais restrictive. Dès la Révolution, la loi des 13-19 février 1790 supprime toute valeur légale aux vœux monastiques et la loi du 18 août 1792 interdit tous les ordres religieux. Au début du XIXe siècle, Napoléon rompt avec le système de la prohibition absolue et, par un décret du 3 Messidor an XII, soumet la formation des congrégations à autorisation du gouvernement. Plus tard, la loi du 2 janvier 1817 impose aux congrégations une reconnaissance par la loi. A la fin de la Restauration, une ordonnance royale du 16 juin 1828 interdit l’enseignement aux membres des congrégations non autorisées. La loi du 24 mai 1825 et le décret du 31 janvier 1852 confirment le régime antérieur tout en l’assouplissant en permettant aux congrégations féminines d’obtenir une autorisation par simple décret en Conseil d’Etat. Enfin, les congrégations entrent dans le champ des dispositions restrictives sur les associations, principalement les articles 291 à 294
1 Voir l’argumentaire caractéristique développé par Ferdinand Buisson en 1903 (Ferdinand Buisson, « La crise de l’anticléricalisme », R.P.P
, 1903, p 5-32 : « Qu’un homme ou une femme décide en son particulier de s’imposer jeûnes et macérations, de renoncer au mariage et à la vie ordinaire, de s’enfermer dans une retraite sévère ou de faire le sacrifice de ses biens, de sa santé, de sa vie, de se dépenser jusqu’à l’héroïsme, jusqu’à la folie pour se dévouer corps et âme à une cause qui lui est chère, ce sont là des actes de la liberté individuelle que nous n’avons nul droit d’entraver. 2
Voir par
exemple l’argumentaire de E. des Granges, « Le droit d’
association
et les
congrégations religieuses », R.P.P., 1901, p 34-74, où l’auteur reprend les thèmes classiques de l’anticongréganisme républicain. Pour l’argumentation développée par le camp catholique en faveur des congrégations,
voir
A.
Frétel
, «
Loi
sur les congrégations et politique religieuse », R.P.
P., 1905, p 387-419
. 94 du code pénal modifiés par la loi du 10 avril 1834. De ces diverses dispositions, il résulte donc qu’une autorisation est nécessaire pour qu’une congrégation jouisse de la personnalité juridique, et, selon certains auteurs, pour mener une existence de fait légale 1. Mais,
comme le
sou
ligne
la plu
part des auteurs du XIXe siècle, cette législation est peu effective et les congrégations ont pu se développer grâce à la tolérance implicite ou explicite des gouvernements. 76. Lorsque les institutions républicaines s’installent, l’action des congrégations dans la société est décisive. Elles gèrent des hôpitaux et des établissements d’assistance de toutes sortes et, surtout, elles jouent un rôle primordial dans l’éducation primaire et secondaire. D’abord, elles tiennent des écoles libres qu’elles contrôlent entièrement. Ensuite, les membres de certaines congrégations, comme les Frères des écoles chrétiennes, sont massivement présents dans l’enseignement public. L’influence morale des congrégations sur la jeunesse est donc considérable. Pour les républicains, il y a là un obstacle de poids à leurs projets de transformation démocratique de la nation.
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Les trajectoires des petites entreprises du numérique et de la création : enjeux des politiques publiques et rôle des acteurs financiers et industriels. Sciences de l'information et de la communication. Université Paris-Nord - Paris XIII, 2022. Français. ⟨NNT : 2022PA131080⟩. ⟨tel-04048196⟩
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Ont-elles un rôle structurant dans les déploiements technologiques et industriels ou accompagnent-elles les stratégies des acteurs privés en leur facilitant la tâche sur le plan financier? Ce travail de recherche a été entamé par une analyse des enjeux liés aux notions de créativité et d’innovation en trois temps et sur trois niveaux. Tant du côté des petites entreprises, que des pouvoirs publics, et des modèles socio-économiques, la créativité et Bouquillion P. (2016), « Introduction au supplément – Numérique et industries culturelles, une approche communicationnelle», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°17/3A 29 http://www.ifcic.fr/images/documents/ifcic-presentation.pdf consulté le 10/12/2021 30 https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/10/04/reconnaissance-des-industriesculturelles_2832889_1819218.html consulté le 10/12/2021 31 Bouquillion P. (2010), « Industries, économie créatives et technologies d’information et de communication », tic&société [Online], Vol. 4, n° 2 28 19 l’innovation sont mobilisées très régulièrement mais dans des acceptations et des objectifs parfois très divergents. Plusieurs auteurs, dont Bouquillion (2012), ont déjà procédé à l’interrogation des notions d’économie créative et d’industries créatives dans un cadre théorique, mais également au niveau des politiques publiques. Ces deux notions apparaissent comme très largement mobilisées mais très peu, voire pas du tout définies, « ni par les acteurs concernés ni même par une partie des chercheurs qui les mobilisent 32». Pour Moeglin et Tremblay (2012, page 193), il existe un contraste : « entre, d’un côté, l’amplification et la multiplication de ces références et, de l’autre côté, la faiblesse des notions et modèles organisationnels auxquels elles font appel 33» Plusieurs tensions entourent les notions d’industries créatives et d’économie créative. Un premier niveau concerne les origines de la notion. Pour George (2012, page 52), « un accord semble toutefois trouvé sur ses origines [de la notion d’industries créatives], britanniques, et sur des motivations concernant une mobilisation d’ordre sociopolitique visant à justifier un soutien des pouvoirs publics à certaines activités économiques » Un second niveau de tension est lié au lien ambigu entre les industries et l’économie créatives d’un côté, et les industries culturelles de l’autre. Pour les auteurs de l’ouvrage collectif, il semble s’opérer un mouvement de remplacement des industries culturelles par les industries créatives entretenu par les pouvoirs publics et certains acteurs académiques, sous l’impulsion d’experts et consultants. Toussaint (2012, page 62), souligne que ce remplacement s’opère : « afin d’obtenir, en contrepartie, l’appui de l’État et de dissimuler la nature capitaliste et néo-libérale des stratégies de sortie de crise 34 » La notion d’innovation intervient également dans les mouvements rapprochement des industries culturelles et créatives. Très liée au développement du numérique et des transformations technologiques, la notion d’innovation est de plus en plus présente dans l’ensemble des dispositifs de soutien public aux ICC et traduit un « ensemble de propositions idéologiques technico-déterministes » : « Ces mouvements sont présentés comme inséparables du développement du numérique, envisagé à la fois comme porteur d’un ensemble de transformations des conditions de création, production, diffusion, promotion et valorisation et comme vecteur d’un ensemble de proposions idéologiques techno-déterministes. Ces propositions survalorisent la créativité individuelle, que rendraient possible les techniques numériques, au détriment de la prise en compte des déterminants organisationnels et économiques des activités de création. 35 » Les différentes notions d’innovation, numérique et industries créatives sont mobilisées avec récurrence dans les rapports officiels et au sein des politiques publiques. vaste ensemble peu différencié, il est presque impossible de définir avec précision et clarté chacune des catégories évoquées. Ce flou semble entretenu par les acteurs eux-mêmes et déstabilise les pratiques établies au sein de chaque filière : « Les injonctions à la créativité déstabilisent donc les pratiques habituelles et privilégient la nouveauté technique, parfois au détriment même des innovations artistiques et culturelles. 36 » Malgré ce flou sémantique et l’apparente plasticité des dispositifs publics de soutien aux filières, une tendance se dégage tout de même : la nouveauté et le renouvellement technologiques sont privilégiés par les acteurs des ICC afin de bénéficier des financements publics disponibles, au détriment des activités culturelles. Ce mouvement peut s’observer à trois niveaux auxquels correspondent les trois parties de cette recherche doctorale : • Au niveau des petites entreprises : Pour Moeglin, les discours idéologiques sur la créativité sont des « récits enchantés et enjolivés ». Ces discours permettent de justifier de leur capacité à surmonter « des crises qui auraient pu leur être fatales », mais également d’obtenir de l’argent public. Cependant, mon étude montre que les dispositifs de soutien, malgré leur pluralité, leur plasticité, et le flou qu’ils entretiennent autour des définitions de l’innovation, ne financent pas toujours ce que Bouquillion (2012) nomme des « trajectoires fulgurantes » caractérisées par une très forte croissance et valorisation et un nombre important d’emplois créés. Même si plusieurs entreprises de mon panel répondent des caractéristiques de ces trajectoires fulgurantes (Deezer, Cafeyn – anciennement nommé Le Kiosque.fr, Meero, ou encore JellySmack) et ont bénéficié des dispositifs de soutien public à l’innovation, il semble que ce soit autre chose qui se joue au niveau du financement public des petites entreprises et que les références à la créativité et à l’innovation s’apparentent davantage à ce que Moeglin (2015) nomme : «(...) un miroir aux alouettes, voire un stratagème pour orienter les financements, notamment les financements européens, vers des projets n’ayant pas forcément toute l’utilité sociale requise.37 » Du côté de la recherche en SIC, l’innovation est appréhendée comme étant au cœur des enjeux de convergence entre les industries culturelles et les industries créatives. Cette notion n’est cependant jamais abordée en dehors des enjeux socio-économiques étudiés. Elle est généralement mobilisée avec les « no de changements technologiques (en particulier ceux qui découlent de la numérisation) (...) d’information, de réseaux, de connaissance et d’apprentissage 38» pour symboliser les mouvements de renouvellement technologique permanent à l’œuvre dans les ICC. Tremblay (2008) parle de « construction idéologique » dès lors qu’il évoque la notion de créativité en lien avec les industries de la culture. Bouquillon P., Miège B., Moeglin P., (2015), « Industries du contenu et industries de la communication. Contribution à une déconstruction de la notion de créativité », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°16/3B 37 Mœglin, P. (2015), « Pour une économie politique de la création. De la trivialité à la créativité. » Communication & langages, 185, 49-66. https://doi.org/10.4074/S0336150015013058 38 Tremblay, G. (2008), « Industries culturelles, économie créative et société de l'information. » Global Media Journal: Canadian Edition, 1(1). 36 21
La construction idéologique autour de la créativité englobe également celle d’innovation, considérée comme la « valeur centrale des théories sur la société de l’information, qui constituent le cadre général d’interprétation dominant des changements sociétaux en cours 39». Tremblay (2008), souligne également que cette : « opération idéologique présente donc toutes les apparences de la cohérence. Tant qu’on se satisfait de notions abstraites et qu’on se soucie peu de leur adéquation à la réalité.40 » Ce qui corrobore l’idée du flou de la définition de l’innovation, au profit de stratégies, tant du côté des acteurs publics du financement, que des entreprises des ICC. Moeglin (2012), lie l’innovation aux « stratégies singulières » à l’œuvre dans les industries de la culture et de l’information, en vue de gérer d’importantes incertitudes induites par le nécessaire renouvellement des talents et des idées. • Au niveau des pouvoirs publics : De très importantes enveloppes sont allouées chaque année au financement de l’innovation et de la recherche développement (R&D). Les dispositifs de crédit d’impôt recherche et innovation (CIR et CII) représentent ainsi plus de 7 milliards d’euros en 2020 afin d’accroître « la compétitivité de l'appareil productif français » et « d'inciter les entreprises à embaucher du personnel de formation et d'expérience scientifique41 ». Ce dispositif fiscal est la source de financement privilégiée des petites entreprises étudiées dans le cadre de cette recherche et participe du renouvellement technologique à l’œuvre dans les filières des ICC. Nous le verrons dans la première partie de ce mémoire, l’éligibilité aux dispositifs fiscaux de soutien à l’innovation et à la R&D est un enjeu décisif du développement voire de la survie, dans certains cas, des petites entreprises du numérique et de la création. Mais du côté des politiques publiques, la place toujours plus importante donnée à l’innovation ne servirait-elle pas surtout « à alimenter l’idéologie masquant de profondes tensions au cœur de l’activité économique en général et particulièrement des secteurs directement concernés. 42»? D’autres hypothèses et interrogations sont nées de l’étude des dispositifs publics de soutien auxquels prétendent les petites entreprises. L’importance des budgets alloués au financement de l’innovation se fait inéluctablement au détriment d’autres secteurs d’activités. J’ai notamment pu appréhender la relégation au second plan des dispositifs émanant du ministère de la Culture, du CNC et de l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) qui semblent beaucoup moins plébiscités par les petites entreprises étudiées, que les financements en faveur de l’innovation. Et si le CIR apparaît comme une mesure complémentaire aux modalités d’accompagnement offertes par l’IFCIC, qui se concentre sur l’accompagnement et la garantie bancaire des entreprises des industries culturelles, une tendance émerge d’après les résultats de l’étude : aucune des 60 petites entreprises n’a été accompagnée par l’IFCIC, alors que la totalité d’entre elles a bénéficié d’un Crédit d’Impôt. Un des objets de ma recherche est de comprendre pourquoi des acteurs comme l’IFCIC n’interviennent pas dans les entreprises de mon échantillon. Est-ce parce que ces entreprises ne sont pas des industries culturelles? Ou parce 22 est-ce parce que la garantie d’emprunt est une modalité de financement peu usitée? Il s’avère que la seconde hypothèse a pu être testée tout au long de ce travail de recherche, et que plusieurs éléments de réponse ont pu être apportés. Du côté des fondateurs, il semble notamment que dans leur stratégie de financement ils vont avoir tendance à privilégier des moyens de financements de leur activité autres que les garanties bancaires ou les prêts de l’IFCIC. Et, que du côté de l’IFCIC, les conditions d’attribution des financements ne correspondent pas nécessairement aux activités et aux caractéristiques des petites entreprises du numérique et de la création. Mes lectures sur le financement de la R&D dans les ICC ont également mis en exergue l’existence potentielle « d’effets d’aubaine ». Les projets de développement technologique menés par les petites entreprises des industries culturelles correspondent-ils réellement aux critères d’éligibilité des dispositifs de soutien de l’innovation et de la R&D? La citation de Moeglin (2012) permet de mieux comprendre la problématique du financement de ces structures : « Le manque de capacité innovatrice fragilise d’ailleurs bien des micro-acteurs de l’édition, de la musique enregistrée, de la presse et du jeu vidéo 43» Dans quelle mesure et pour répondre à quels objectifs les pouvoirs publics tolèrent-ils ces effets d’aubaine? Ces interrogations m’ont accompagné tout au long de ces trois années et des éléments de réponses seront apportés dans cette thèse. Bouquillion et Le Corf (2010) notamment, ont, dans leur étude des rapports officiels portant sur les industries créatives, apporté des premiers éléments de réponse : « Moins qu’un vaste plan d’aides publiques aux entreprises créatives, impossible à mettre en place, l’enjeu est de faciliter l’accès aux dispositifs d’aides publiques existants, d’en créer éventuellement de nouveaux plus adaptés aux spécificités des industries créatives (objectifs limités à l’aide à l’innovation et à la créativité) et de faciliter l’accès des entreprises créatives au système financier et bancaire. 44 » Cependant, les écrits abordant la question du financement de l’innovation sont rares dans les sciences de l’information-communication. Quelques références existent sur le financement des NTIC. Les chercheurs du CRICIS (Centre de recherche interuniversitaire sur la communication, l'information et la société) se sont notamment intéressés à : « l’étude des mutations des industries culturelles et médiatiques marquées par l’innovation technologique, de nouveaux modèles de financement, des mouvements de concentration de la propriété des médias, la convergence autour des “nouveaux médias” et des propositions d’organisations économiques alternatives 45 » Millerand (2008) a mené une étude des discours qui accompagnent les innovations. Pour elle : « Les discours qui accompagnent les innovations portent très souvent la marque du déterminisme technique; la technique se voit conférée des valeurs intrinsèques (progrès, modernité, etc.) et est présentée comme le remède aux maux de la société les plus divers. L'analyse de ces discours ne permet en rien d'expliquer l'usage social 43 Mo
egli
n
P. (2012)
,
« Une théorie pour penser les industries culturelles et informationnelles? » http://www.observatoireomic.org/pdf/1110743245Bouquillion_Ley 45 George E. (2012), « La théorie des industries culturelles : un « milieu » d’élaboration de connaissances dynamique » Canadian Journal of Communication, Vol 39 44 23
d'une technologie, mais elle permet en revanche de montrer en quoi ces discours participent de la construction de l'identité des objets techniques et comment ils contribuent à la construction d'une certaine image des usagers46 » L’imaginaire autour de la technologie et de l’innovation aurait participé, selon Millerand, et selon Lacroix, à la constitution d’un usager « hyperactif », « libre » et « autonome ». Ce discours : « laisse percevoir toute l'importance de la charge symbolique dont sont investis les objets technologiques et témoigne de la prégnance des mythes reliés à une technique salvatrice dans les représentations collectives. 47» Cependant, Millerand ne s’intéresse pas non plus aux enjeux du financement de l’innovation. Pour trouver des données en SIC sur le financement de l’innovation, des NTIC, et/ ou du numérique dans les ICC, il faut s’orienter vers des rapports officiels par secteurs d’activités. La plupart de ces rapports souffre d’un manque de données chiffrées ou s’intéressent aux modalités de financement d’acteurs de très grandes tailles ou à une filière spécifique. Cela est notamment le cas pour Farchy et Moreau (2016, page 4) qui ont mené un travail de collecte « des données agrégées sur le financement de l’amont par les acteurs numériques de l’aval48 » mais ces auteurs ont été confrontés au « secret fiscal » et au manque d’informations communiqués par les acteurs. Ce rapport officiel propose un état des lieux des dispositifs de soutien à l’industrie cinématographique et audiovisuelle, notamment l’étude des différentes taxes mises en place par le CNC. Un des résultats de l’enquête est l’inégale répartition des financements entre les acteurs de la filière : « les acteurs numériques auraient contribué au financement de l’amont à hauteur de 956 millions d’euros en 2014, dont 40% via des financements contraints et 60% via des financements contractuels » Mes lectures du côté des sciences économiques et des sciences de gestion sur la question du financement de l’innovation m’ont conduit vers un rapport de Bessière et Stéphany (2015). Les auteurs soulignent l’importance de « la fonction économique du financement » : « L’enjeu est important parce que, au-delà de ceux liés aux innovations elles-mêmes, leur sélection est réalisée par le financement. Sans capital, une idée, aussi innovante soit-elle, ne peut se développer. Ainsi, la fonction économique du financement n’est pas seulement d’apporter des fonds à un projet, mais bien d’en opérer la sélection.49» Cependant, il est ici question du financement de l’innovation par les acteurs de la sphère privée, en l’occurrence, celle des « apporteurs en capitaux », tels que les business angels, les fonds d’investissement et les plateformes de crowdfunding. La lecture d’auteurs comme Bessière et 46 Millerand, F. (2008), « Usages des NTIC: les approches de la diffusion, de
'innovation et de l'appropriation (2e partie). » Commposite, 3(1), 54-73. 47 Ibid 33. L’économie numérique de la distribution des œuvres et le financement de la création Bessière, V., & Stéphany, É. (2015), « Le Financement de l’innovation. Nouvelles perspectives théoriques et pratiques » Bruxelles, De Boeck Université. 49 24
Stéphany (2015), confirme que la question du financement de l’innovation est quasi systématiquement traitée dans le cadre de grandes, voire très grandes entreprises, françaises mais surtout internationales. Cette recherche porte sur les petites structures du numérique et de la création et permettra d’apporter un nouvel éclairage aux enjeux du financement de l’innovation. • Au niveau des modèles socio-économiques à l’œuvre dans les filières des ICC : Les allers retours entre les lectures dans les différentes disciplines ayant traité des questions de financement de l’innovation, et l’étude de terrain me laissent à penser que la réalisation d’une classification des 60 entreprises par secteurs d’activités n’est pas opérante. Ces petites structures répondent de plusieurs caractéristiques et questionnent les modèles socioéconomiques définis par les différents auteurs en SIC. Les données fiscales et comptables collectées pendant près de trois ans ont permis de définir sept trajectoires de développement des petites entreprises du numérique et de la création. Ce sont les montants issus des différents dispositifs publics : subventions et avances remboursables à l’innovation et à la R&D, prêts à taux zéro, CIR, CII, et autres crédits d’impôts qui ont d’abord été répertoriés. Et, dans un même temps, ce sont les chiffres d’affaires, résultats nets, montants des fonds propres, nombre de salariés, nombre de « chercheurs » et autres données liées à l’activité de l’entreprise qui ont été collectées. Enfin, dans un dernier temps, j’ai ajouté des données concernant les levées de fonds (montants et investisseurs). La question de la place des investisseurs dans la trajectoire des entreprises du numérique et de la création a été étudiée par des auteurs en SIC. Dans « Capitalisme et financiarisation des industries culturelles » (2005), C. Pradié évoquait déjà le rôle des « sociétés de capitaux » dans les secteurs du livre et de l’audiovisuel en affirmant que ces sociétés possèdent : « une liberté de manœuvre qui correspond à l’indépendance de leurs capitaux.» Les secteurs évoqués par Pradié n’étaient pas traversés par des enjeux de numérisation mais les acteurs à l’œuvre semblent sensiblement les mêmes que ceux qui interviennent dans les petites entreprises du numérique et de la création étudiées ici. Si Pradié a étudié l’impact de l’augmentation de capital dans la trajectoire de grandes firmes des industries culturelles, cette recherche s’intéresse aux très petites, petites, et moyennes entreprises du numérique et de la création. TION CENTRAL
Dans les premiers mois du contrat CIFRE j’ai voulu me confronter assez frontalement à la question de l’emploi et de l’activité des salariés dans les entreprises dites « innovantes ». L’idée centrale qui animait ma recherche était de mettre en exergue d’éventuels effets d’aubaine ou de « dérives » du financement de la R&D et de l’innovation. La démarche initiée de collecte des montants d’aides publiques obtenues par les 60 entreprises étudiées (CIR, CII, JEI, Aides Bpi France, aides régionales, aides émanant du CNC etc.) et, dans un même temps, du nombre d’emplois et de la typologie des emplois créés (techniciens, chercheurs, communicants, contrats CIFRE, « jeunes docteurs », etc.) avait pour objectif principal de répondre à la question : « L’activité et l’emploi au sein des entreprises innovantes dans le secteur des TIC : véritable innovation ou rationalisation économique? » Cette démarche ne s’est pas révélée opérante, tant ce qui semblait se jouer au travers des aides à l’innovation ne relevait pas uniquement de la création d’emplois qualifiés. Ce sont les trajectoires de développement des entreprises sur plusieurs années qui semblent influencées par les financements obtenus. Après avoir répertorié les données fiscales et comptables des 60 entreprises et traité les résultats, j’ai tenté d’affiner ma question centrale : « Quels sont les enjeux des dispositifs de financement public des entreprises dites « innovantes » et les tendances liées à l’activité et à l’emploi qui s’en dégagent? Comment se matérialise le positionnement “innovant” dans les TPE/ PME des secteurs de la création et du numérique en France? » Les allers-retours entre l’étude empirique et les lectures d’auteurs en SIC, tels que Bouquillion, Miège, Moeglin, Pradié, Tremblay, etc. m’ont alors permis de structurer davantage les enjeux liés à ma recherche. Derrière l’obtention des différents financements publics et privés, se jouaient certainement des stratégies mises en place par les fondateurs ou les dirigeants des petites entreprises. J’ai alors mené une dizaine d’entretiens avec des fondateurs d’entreprises et avec des acteurs du financement de l’innovation. Ces échanges semi-directifs ont confirmé une des hypothèses de départ : revendiquer un positionnement innovant – y compris quand l’activité répond à la définition des industries culturelles – permet de mieux « valoriser » son entreprise. J’ai ainsi identifié des caractéristiques spécifiques des petites entreprises étudiées qui ne correspondaient pas nécessairement aux caractéristiques des industries de la culture et de la communication, ni aux NTIC. La question centrale alors formulée est la suivante : « Quelles sont les caractéristiques spécifiques des petites entreprises aidées dans le cadre de dispositifs dits « de soutien à l’innovation »? Néanmoins, cette question centrale se concentrait sur les spécificités et les stratégies des entreprises mais n’intégrait pas les enjeux des politiques publiques en faveur du financement de l’innovation et de la R&D. Or, la réalisation de l’état de l’art et du cadre théorique, ainsi que l’étude approfondie des différentes trajectoires issues du terrain ont confirmé l’importance des financements publics dans le développement des petites entreprises. Au sein des autres disciplines comme en gestion et en économie, la question du financement de l’innovation est davantage traitée sous l’angle du rôle structurant des financeurs privés tels que les business angels et les fonds d’investissement. En SIC, c’est la question des évolutions des politiques 26 publiques en lien avec l’évolution des filières qui est l’objet principal des recherches sur les ICC et les TIC. Les thèmes du numérique, de l’innovation, et de la créativité sont traités dans leur dimension socio-économique et englobent les acteurs publics et privés. Les trajectoires issues de mon terrain ont mis en avant tant le rôle structurant des financeurs publics, que ceux de la sphère privée, en lien avec l’ambition innovante ou créative. Dans ma volonté d’englober l’ensemble de ces enjeux et thématiques, j’ai formulé la question centrale suivante : « Quels sont les enjeux des dispositifs dits de « soutien à l’innovation », à la recherche et au développement et à la « création » dans la structuration des trajectoires des « petites » entreprises aidées et, en amont, quelles sont les caractéristiques des petites entreprises des industries culturelles et de la communication qui pèsent sur l’obtention des aides? » Un des objets de cette recherche est d’apporter de nouvelles perspectives aux tensions liées à la promotion de l’innovation dans les filières des industries culturelles et créatives par les acteurs publics et privés. Les résultats de l’étude de terrain, les entretiens menés, et la lecture de Garnham (1995) notamment, montrent que les NTIC, les politiques publiques et les petites entreprises du numérique et de la création interagissent et sont reliées autour d’enjeux sociétaux et économiques. Les allers retours quotidiens entre mes lectures et les données fiscales et comptables des 60 entreprises du panel, ainsi que l’étude des parcours des fondateurs ont également eu pour conséquence la proposition de nombreuses propositions d’hypothèses centrales et de sous hypothèses. La toute première version de l’hypothèse centrale était la suivante : « Ce qui se joue dans le financement de l’innovation n’est pas tant l’innovation (au sens commun : développement d’entreprises entraînant de la disruption) mais plus un accompagnement du changement et une gestion du risque dans divers secteurs économiques dans lesquels les transformations des modes de création, production, diffusion, valorisation, promotions liées elles-mêmes à divers mouvements plus globaux dont la libéralisation et la mondialisation, à l’importance prise par le numérique dans les organisations. » Cependant, cette première version portait uniquement sur les dispositifs de soutien à l’innovation et à la R&D – notamment le CIR – et ne s’intéressait pas aux stratégies mises en place par les entreprises et les fondateurs en vue d’obtenir ces financements. La première version de l’hypothèse manquait de clarté et n’intégrait pas les enjeux liés à la R&D et à la créativité, qui sont apparus comme centraux dans les différentes trajectoires de mon terrain. De plus, après avoir collecté les données chiffrées relatives au financement des 60 entreprises, j’ai étudié les parcours antérieurs et postérieurs des fondateurs. Les diplômes obtenus, les expériences entrepreneuriales, les lieux d’implantation des sièges sociaux en fonction du lieu d’obtention du diplôme ont ajouté des niveaux d’analyse supplémentaires à prendre en considération dans les stratégies à l’œuvre. Quels sont les diplômes permettant de lever des fonds plus systématiquement? Les fondateurs dont c’est la première expérience entrepreneuriale privilégient-ils toujours le recours aux dispositifs de soutien public? Existe-t-il des stratégies dans l’implantation géographique de l’activité? Ces différents questionnements se sont ajoutés aux précédents et ont conduit à la réécriture de l’hypothèse centrale : « L’enjeu principal des dispositifs publics dits de soutien à l’innovation et à la R&D n’est pas de corriger les inégalités de départ des fondateurs et des entreprises, mais tendent à favoriser les activités dont l’objectif principal est de faire de la R&D au détriment des projets relevant de la « création » et de la « créativité ». Cette hypothèse, en cours, jusqu’à la rédaction de cette introduction, ne tenait néanmoins pas compte des enjeux centraux liés à la stratégie des entreprises, ni des effets d’aubaine liés aux dispositifs publics, ni encore de la plasticité et la pluralité des dispositifs de soutien à l’innovation et à la R&D. De fait, la version définitive de l’hypothèse centrale est la suivante : « La pluralité et la plasticité de certains dispositifs de soutien, en lien avec le caractère flou et pluriel de la notion d’innovation favorisent des stratégies et des « effets d’aubaine50 » de la part des entreprises qui s’emparent de ces dispositifs avec des En économie, un effet d’aubaine est un résultat indésirable et malencontreux d’une action économique. Dans le cadre du CIR et en lien avec l’emploi, les « effets d’aubaine » sont caractérisés par une augmentation « des dépenses de personnel hautement qualifié et en R&D (...) mais nettement inférieur à l’augmentation des aides reçues, notamment à partir de 2008. » 50 28 objectifs très différents. Du recrutement de chercheurs, à d’importants investissements dans le développement commercial et le marketing, en passant par l’achat de matériel informatique, les aides publiques servent à financer des projets parfois très divergents.» Cette hypothèse centrale a pu être testée tout au long de l’étude de mon terrain. En effet, j’y reviendrai dans la partie suivante sur la méthodologie de la recherche, mais un des apports principaux de cette recherche doctorale concerne la mise en lumière de sept trajectoires dans lesquelles s’inscrivent les 60 entreprises du numérique et de la création étudiées. Ces trajectoires permettant notamment d’expliquer certaines différences dans les stratégies et objectifs des politiques publiques de soutien à l’innovation.
SOUS HYPOTHESES
De l’hypothèse centrale précédemment évoquée, ont émané deux sous hypothèses : 1. La première concerne le fait que certaines caractéristiques socioéconomiques des entreprises et des fondateurs peuvent peser sur l’obtention des financements publics et sur la capacité à lever des fonds : - une entreprise co-fondée par un diplômé d’école d’ingénieur et d’école de commerce, communication, ou marketing a davantage de chance d’obtenir des financements publics et de rassurer des investisseurs, - les fondateurs issus de formation en commerce ou entrepreneuriat sont davantage à même de solliciter un accompagnement par des tiers (cabinets de conseil notamment) que les fondateurs issus de l’université, - les fondateurs d’entreprises dans les industries culturelles et de la communication n’ont pas nécessairement de diplômes spécifiques à ces disciplines, mais sont issues de formation de commerce et/ ou d’ingénieur. 2. Les politiques publiques de soutien à la R&D et à la créativité ne sont pas structurante dans la distinction entre les différentes filières des industries culturelles, des industries communicationnelles et les industries créatives. Ces politiques publiques sanctionnent les projets relevant du renouvellement technologique permanent plutôt que les projets relevant de la « créativité » et les projets dont l’objectif est la création d’emplois et la croissance économique. Ces deux sous hypothèses constituent le plan de cette recherche doctorale, j’y reviendrai plus tard.
Présentation de la recherche et du cadre scientifique
Les quatre années passées au sein de l’agence Ambroise Conseil, dans le cadre du contrat Cifre, en tant que consultant-doctorant, m’ont permis de prendre part au montage des différents dossiers de financements de la R&D, de l’innovation et de la « créativité ». J’ai ainsi pu participer à l’entreprise d’accompagnement et de conseil réalisée par Ambroise Conseil et ses consultants depuis la création du cabinet en 2003. J’ai pris part à la rédaction des dossiers dits « techniques et scientifiques » nécessaires à l’identification de l’éligibilité des petites entreprises accompagnées dans le cadre des différents dispositifs fiscaux de financement, tels que le Crédit d’Impôt Recherche (CIR), Innovation (CII), Métiers d’art (CIMA), ou Collection (CIC). Les positionnements dits « innovants » et « créatifs » leur permettent également d’obtenir d’autres avantages fiscaux tels que le statut fiscal de Jeune Entreprise Innovante (JEI) ou différentes subventions régionales ou nationales, portées par des acteurs comme BPI France, la Région Ile-de-France, ou encore le ministère de la Culture. Ambroise Conseil complète son accompagnement aux différents dispositifs publics de financement, par une activité de conseil dans la recherche de financements dits « privés », à laquelle j’ai également pu participer. Il s‘agit notamment de la recherche d’investisseurs dans le cas d’opérations de levées de fonds et de cession d’activités intervenant dans la trajectoire des petites entreprises étudiées, à différents stades de leur développement. Une partie du travail et du savoir-faire de Noëllyne Bernard et des consultants d’Ambroise Conseil consiste en la mise aux normes des projets dits « innovants » et « créatifs » des petites entreprises, afin de les rendre éligibles et conformes d’un point de vue fiscal, et « scientifique » aux différents dispositifs de financement. Cette mise en conformité suit une procédure mise en place par le ministère de la recherche et qui doit comporter la description des objectifs du projet, un état de l’art de la recherche existante, les verrous technologiques rencontrés, ainsi que la description des travaux entrepris par l’entreprise 51. Sur le plan épistémologique, ma démarche de recherche s’est articulée autour de deux objectifs principaux. En premier lieu, sur la volonté d’expliquer les stratégies socio-économiques des fondateurs d’entreprises agissant dans les secteurs du numérique et de la création en vue de financer le développement de leur activité. Et, en second lieu, sur une analyse des politiques publiques en faveur du soutien aux entreprises du numérique et de la création, et de leurs enjeux et de leurs conséquences sur la trajectoire des petites et moyennes entreprises du numérique et de la création. Méthodologie de la recherche et de l’étude de terrain
L’étude de terrain de cette recherche a été réalisée à trois niveaux : Premièrement, des données fiscales et comptables concernant 60 petites entreprises des secteurs du numérique et de la création ont été collectées. Ces données portent sur la période 2004-2020 et sont issues des archives de l’agence Ambroise Conseil. Grâce aux bilans comptables, aux liasses fiscales, aux différents dossiers de demandes d’aides (CIR, CII, JEI, subventions BPI France et CNC, etc.), et aux supports de présentation transmis à de potentiels https://www.finovup.fr/blog/dossier-technique-cir-cii-jei-les-avantages-et-elements-attendus/ 12/04/2022 51 consulté le 30 investisseurs lors d’une levée de fonds, les éléments collectés couvrent différentes étapes clés de la vie des entreprises étudiées. Les résultats de cette enquête quantitative se sont matérialisés par la définition de sept trajectoires de développement. Les 60 entreprises ont ainsi été rattachées à une des sept trajectoires. Des caractéristiques communes aux 60 structures ont également pu être identifiées par ce travail de collecte : • • Les petites entreprises ont en commun d’avoir mené ou de mener des opérations de recherche, d’avoir des dépenses de personnel et de matériel de recherche (au sens du CIR), et de fait, d’être éligibles à certains dispositifs de financement de l’innovation, D’avoir eu, ou d’avoir encore, une activité dans les industries de la culture et/ou de la communication, De financer leur activité par des dispositifs fiscaux tels que le CIR, CII, CIC, ou CIMA. Dans un second temps, j’ai collecté des données sur le parcours des fondateurs et co-fondateurs des 60 entreprises étudiées : L’année de création de l’entreprise, le nombre de co-fondateurs, le sexe du ou des fondateurs, le pourcentage de détention du capital, les diplômes obtenus, les écoles/ universités côtoyées, la discipline ou l’intitulé du diplôme obtenu, l’année d’obtention du dernier diplôme, le lieu d’obtention du diplôme. Troisièmement, une dizaine d’entretiens semi directifs ont été menés avec des fondateurs d’entreprises étudiées et des acteurs du financement de l’innovation (les restitutions apparaissent dans les annexes de la thèse). Ces échanges ont permis d’apporter un éclairage nouveau sur ce qui se joue lors d’une levée de fonds, et sur les critères centraux établissant la valeur de la petite entreprise. Les résultats de cette étude de terrain se sont matérialisés par l’identification de sept grandes trajectoires. La constitution du terrain de recherche et son analyse ont été complétées par une étude approfondie des critères d’éligibilité aux différents dispositifs de financement public de la R&D et de l’innovation auxquels ont postulé les 60 entreprises du panel. Cette démarche a fait émerger des évolutions en ce qui concerne les politiques de financement à la fois des industries culturelles, des industries dites « créatives », des industries de la communication et des NTIC, et a nourri ma réflexion sur le développement de cadres sociotechniques nouveaux. Des hypothèses de corrélations ont été testées afin de mieux appréhender l’impact des enjeux liés au numérique, à l’innovation, et à la créativité dans la structuration des trajectoires et des stratégies des petites entreprises, et pour tester l’efficacité et la cohérence des fs de soutien à la R&D, à l’innovation, et à la création dans leur ambition initiale de création d’emplois, de compétitivité, et de croissance économique. Mon rôle de consultant-doctorant en contrat Cifre
Dans cette introduction, il semble important d’interroger ma posture de doctorant en contrat Cifre au sein d’une entreprise bénéficiant elle-même du crédit d’impôt recherche et menant des travaux de R&D dans les industries culturelles et créatives. 31 Un des critères d’éligibilité principaux du CIR est la participation de « chercheurs 52» aux opérations de R&D des entreprises. Les « jeunes docteurs », ainsi que les doctorants en contrat « Cifre 53» sont assimilés à ce personnel de recherche. Du côté de la sociologie, F. Hellec (2014) s’est intéressée au rôle des doctorants en contrat Cifre dans les entreprises : « Ce type de thèse présente des difficultés spécifiques, liées à la nécessité de concilier des exigences et des temporalités différentes, voire contradictoires : au temps long de la recherche consacré à la réflexion distanciée s'oppose la rapidité d'analyse tournée vers l'action immédiate en entreprise. Ces difficultés ne constituent toutefois pas des obstacles insurmontables à la réalisation d'un travail scientifique de qualité (Gaglio, 2008). Au contraire, elles nourrissent la réflexion scientifique dès lors que le doctorant parvient à « tenir le cap épistémologique » de sa recherche (Foli, Dulaurans, 2013) 54 » Le crédit d’impôt recherche est le dispositif fiscal majeur du financement de la R&D et de l’innovation. Il a été créé en 1983 et dans sa conception initiale, a été pensé afin d’inciter les entreprises à embaucher du personnel de formation et d'expérience scientifique et surtout « de renforcer la compétitivité des entreprises au travers de la recherche et des partenariats public/privé 55». De fait, en tant que bénéficiaire du dispositif, je suis directement confronté aux enjeux de financement de la recherche, et des questions de production scientifique en entreprise. Un des premiers résultats de ma recherche, sur lequel nous reviendrons dans la première partie de la thèse, montre que très peu d’entreprises du numérique et de la création ont recours à l’embauche de contrats Cifre malgré les nombreux avantages fiscaux à la clé. Cette pratique est davantage courante dans les secteurs d'activité du « service R&D et ingénierie (23%), de l’électronique communication et informatique (21%), des services tertiaires (15%), et de la finance et du juridique (13%). » 56 Lors de ce contrat Cifre, j’ai pris part aux différentes missions d’accompagnement, et pu participer à l’élaboration des différentes productions comptables et fiscales, mais également à la rédaction des documents techniques nécessaires à l’éligibilité aux différents dispositifs de financement. Les missions citées ci-dessous ont été essentielles dans l’analyse du terrain, dans la connaissance des enjeux liés au financement des petites entreprises du numérique et de la création, et dans l’étude des évolutions socio-économiques à l’œuvre, tant du côté des politiques publiques, que du côté des entreprises. J’ai été, pendant trois ans, confronté à la 52 « Aux termes du 1 de l'article 49 septies G de l'annexe III au CGI, les chercheurs sont des scientifiques ou des ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs, les salariés qui, sans remplir les conditions de diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. La qualité de scientifique est reconnue aux titulaires d'un diplôme de niveau master au minimum ou d'un diplôme équivalent » 53 (« Le dispositif des Conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) permet à l'entreprise de bénéficier d' aide financière pour recruter un jeune doctorant dont les travaux de recherche, encadrés par un laboratoire public de recherche, conduiront à la soutenance d'une thèse. »), tout comme les jeunes docteurs (« Les dépenses de personnel qui se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat tel que défini à l'article L. 6127 du code de l'éducation, ou d'un diplôme équivalent, sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente ») , (2014), « Le rapport au terrain dans une thèse CIFRE : Du désenchantement à la distanciation. » Sociologies pratiques, 28, 101-109. https://doi.org/10.3917/sopr.028.0101 55 https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9dit_d'imp%C3%B4t_recherche consulté le 13/01/2021 56 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22130/les-cifre.html consulté le 21/04/2021
pluralité et à la plasticité des dispositifs de soutien à l’innovation et à la R&D et ai pu identifier les effets d’aubaine évoqués dans l’hypothèse centrale de cette recherche. C’est ce travail empirique qui a permis d’apporter des éléments de réponse à la question centrale : « Dans quelles mesures les dispositifs de financement de l’innovation concourent-ils à créer des emplois et de la croissance ou des dispositifs sociotechniques nouveaux? » Les missions qui ont été réalisées dans le cadre de la convention Cifre sont les suivantes : - - - - - - - - Assurer le suivi de l’activité de recherche des clients éligibles, par des entretiens pluri annuels avec différents responsables en entreprise : directeur général, directeur technique, responsable R&D/ innovation, data scientist/ analyst ; Participer à la rédaction de « rescrits fiscaux » au titre des Crédits d’Impôts Recherche (CIR) : réalisation d’un dossier administratif et technique de présentation des projets de Recherche et développement (R&D) de l’entreprise afin de solliciter une position de l’administration fiscale pour le bénéfice du CIR. Accompagner à la levée de fonds : pour certains clients, Ambroise Conseil réalise des missions d’accompagnement et de conseil dans les phases de levées de fonds. Les missions consistent en la recherche de contacts d’investisseurs potentiels, la réalisation des dossiers de présentation et de valorisation de l’entreprise, des résumés à destination « Le rescrit fiscal est une réponse de l’administration sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d
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fiscal. Cette procédure ouverte à tous concerne tous les impôts. Le rescrit « crédit d’impôt recherche » est une procédure fiscale de rescrit spécifique par laquelle une personne physique ou morale demande à l’administration si son projet de dépenses de recherches est éligible au bénéfice des dispositions de l’article 244 quater B du CG » https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid79473
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des investisseurs, à l’organisation de rencontres entre investisseurs potentiels et fondateurs. La difficulté principale à laquelle j’ai été confrontée avec cette posture particulière de doctorant-consultant est celle du passage permanent de l’empirique au théorique. J’ai ainsi dû apprendre à adopter une position réflexive à l’égard du travail de consultant en financement de l’innovation, dont la fonction se situe au carrefour de deux types de recherche, différentes, parfois complémentaires mais pas toujours évidentes à dissocier: la recherche dite « académique », et la recherche en entreprise, dite « privée ». La mission des cabinets de conseil en financement de l’innovation
Les données collectées et ayant permis la réalisation de cette enquête de terrain proviennent des archives de l’agence Ambroise Conseil. Ambroise joue le rôle d’agent d’intermédiation entre les entreprises clientes accompagnées, et les dispositifs de financement. D’autres acteurs d’intermédiations existent, comme les cabinets d’expertise comptable, les chambres de commerce, ou les avocats fiscalistes. La mission principale des intermédiaires dans la chaîne de financement est la mise en conformité des entreprises en vue de répondre aux critères d’éligibilité des dispositifs de soutien. Si les données issues de ce travail d’intermédiation sont d’une immense richesse, le fait qu’elles émanent toutes d’un seul et même acteur peut-il entraver la pertinence de la recherche? Plusieurs éléments de réponse peuvent être apportés. Comme cela a été évoqué dans le cadre théorique de cette thèse, la recherche en SIC ne s’est que très peu intéressée aux trajectoires des petites entreprises du numérique et de la création sous l’angle du financement. De fait, le matériau offert par les archives d’Ambroise Conseil permet de tester si les modèles et théories élaborées par les chercheurs en SIC sur les grandes entreprises du numérique nationales et internationales sont opérants dans le cas des petites voire très petites entreprises du numérique et de la création. De plus, tout au long de mes lectures, dans différentes disciplines, plusieurs auteurs semblaient souffrir d’un manque d’éléments fiscaux et comptables pour constituer un terrain de recherche exploitable. Les données fournies dans le cadre de cette recherche permettent de ne pas être confronté aux limites induites par le « secret fiscal » et la confidentialité des données économiques des entreprises. En concertation avec mon directeur de thèse et ma responsable scientifique, nous avons décidé d’exploiter toutes les données disponibles en les anonymisant. Ainsi, la possibilité de traiter les données fiscales et comptables aussi précises, sur plusieurs années et sur autant de structures est une opportunité scientifique pour contribuer aux réflexions sur les tendances à l’œuvre dans les filières des ICC. Comme je l’ai explicité dans le chapitre précédent sur la méthodologie, cette recherche a permis de définir des trajectoires originales. J’ai ainsi considéré qu’une des principales caractéristiques communes aux 60 petites entreprises étudiées, qu’importe leur trajectoire, est d’avoir été accompagnée par un cabinet de conseil dans la constitution des dossiers de financement. Avoir recourt à un accompagnement pour faire correspondre les travaux de R&D et les projets d’innovation aux critères d’éligibilité des dispositifs suppose que les entreprises du numérique et de la création n’étaient pas les cibles principales des plans de financement et que pour bénéficier des fonds disponibles elles doivent adapter leurs activités. Cela conforte également l’idée selon laquelle les dispositifs de soutien à l’innovation sont plus avantageux que les autres dispositifs de soutien à la créativité et aux industries culturelles notamment. Du point de vue de la recherche en SIC cela renvoie aux enjeux et aux tensions liés à ladite « innovation » dans les industries créatives. Les données collectées participent de la réflexion 34 sur l’évolution des filières du numérique et de la création en lien avec les changements technologiques, et le rôle des politiques publiques dans ces évolutions. L’originalité de cette recherche repose en grande partie sur la richesse des données collectées depuis vingt ans par les consultants d’Ambroise Conseil. J’ai pu avoir accès aux états de l’art des connaissances existantes, à des éléments financiers et comptables (fiches de salaires, factures, liste des amortissements, etc..), des indicateurs de R&D, une description des savoir-faire et de la démarche de recherche de chaque entreprise année par année, et d’autres éléments liés aux parcours des fondateurs. Tous ces éléments sont primordiaux pour étudier des contextes socioéconomiques et définir des trajectoires. Ces éléments, confidentiels, à destination de l’administration fiscale, et dans certains cas, du ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, sont très précieux pour mieux comprendre comment ont évolué le développement des NTIC dans les ICC.
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Austérité et aménagement du territoire : Diagnostic des inégalités d'accès aux services publics et développement de méthodes d'optimisation pour limiter les inégalités territoriales : Application à la région Sud. Géographie. Université d'Avignon, 2022. Français. ⟨NNT : 2022AVIG1003⟩. ⟨tel-04011204⟩
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Les principales limites de ces études sont directement liées aux aspects méthodologiques qui font également tout leur intérêt. Tout d’abord, s’intéresser à la rétractation des antennes d’un seul type de service ne permet pas d’identifier des logiques communes à différents services. La Cour des Comptes a d’ailleurs fait le même constat concernant les politiques publiques menées par les institutions visant à restructurer les services publics (2019). Celles-ci ont été menées en silo, sans aucune concertation entre les différents services de l’État. En rassemblant des travaux portés sur différents services publics sur un seul territoire, l’ouvrage dirigé par François Taulelle (2012) se dégage — au moins partiellement — des limites de cette approche en silo. Toutefois, du fait de leurs différences en matière de périmètres spatio-temporels pris en compte et de méthodologies, il reste difficile de distinguer les logiques cumulatives de rétractation des services publics dans les territoires. L’échelle d’analyse locale peut également conduire à certaines limites. S’appuyer sur un terrain restreint permet certes de percevoir les dynamiques de réallocation des services publics au plus près, en identifiant les rapports de forces entre les différents acteurs locaux, mais rend plus compliquée la montée en généralité à une échelle plus large. L’évolution de l’accessibilité aux maternités observée en Bourgogne (Combier et al., 2013) n’est pas forcément comparable à la situation d’une autre région, ou du pays de manière plus globale. Enfin, nous avons mentionné précédemment la richesse des données qui étaient parfois mobilisées dans certaines études. Si la qualité des données n’est donc pas remise en cause, leur quantité peut être un frein. Il est nécessaire d’avoir un nombre de données assez conséquent pour identifier des tendances et des profils précis des services qui ont fermé, ainsi que des informations concernant les territoires dans lesquels ils étaient localisés. En s’intéressant à un territoire assez restreint, la compréhension des dynamiques locales est donc importante, mais l’analyse de critères quantitatifs est limitée par l’accès aux données ou leur insuffisance limitant leur exploitation avec des méthodes quantitatives.
1.1.2 Une nécessité : Étudier des services de plusieurs types pour s’extraire d’une démarche en silo
Les limites méthodologiques et théoriques des approches mono service à échelle fine poussent à considérer l’intérêt d’un travail portant sur plusieurs services et à des échelles plus larges. Cela implique de choisir un ensemble de services à analyser conjointement, tout en maîtrisant les données permettant de les analyser et de les interpréter à l’échelle nationale. Une attention particulière sera accordée aux différences de distributions ou de dynamiques des services considérés.
1.1.2.1 Quels services publics choisir et pourquoi?
Afin d’avoir une approche renouvelée de l’étude de la fermeture des services publics, nous avons choisi de comparer et d’analyser les dynamiques de plusieurs services. Les services retenus l’ont été pour trois raisons. L’échelle d’analyse est le premier des critères permettant de sélectionner ou non des services publics. La volonté d’étudier à l’échelle nationale la fermeture des services publics implique de sélectionner des services présents sur l’ensemble du territoire, et ce dans des proportions relativement homogènes. Afin de conserver une pertinence de l’analyse à l’échelle nationale et d’éviter de tomber dans les particularismes locaux, nous avons décidé de nous concentrer uniquement sur les services qui sont administrés de manière nationale, même s’ils sont gérés de manière déconcentrée. Cela explique par exemple la non-prise en compte des crèches, dont la présence dépend essentiellement des politiques municipales, ce qui perturberait donc toute analyse à un niveau supérieur. Le second critère retenu pour sélectionner les services à étudier est l’importance qu’ils ont dans la société, et l’intérêt que leur portent les individus. S’intéresser aux services publics identifiés comme tels par la population permet de ne pas se limiter à une stricte définition de ces derniers. La Poste sera par exemple retenue, même si son statut juridique a évolué au cours du temps, pour être depuis 2010 une société de droit privée (LOI n° 2010-123, 2010 ; Zarifian, 2005). Pourtant, l’entreprise postale est considérée comme un des principaux services publics, même s’il est aujourd’hui davantage un service au public (Larcher, 1997a). Enfin, il est nécessaire de retenir des services relevant de domaines différents pour avoir une vision aussi large que possible des processus de restructuration et une vision la plus complète possible des éventuels effets cumulatifs de fermeture de ces services. Ont ainsi été sélectionnés :
Les Services li
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Pour représenter le secteur de la santé, les hôpitaux, maternités et services d’urgence ont été retenus. Trois services pour un même secteur, cela peut sembler important et conduire à des situations de redondance, d’ailleurs confirmées par le fait que la fermeture de la maternité, des urgences ou des blocs opératoires précède souvent la fermeture complète de l’hôpital (Nohuz et al., 2012). Toutefois, chacun de ces services présente des caractéristiques propres qu’il est intéressant d’étudier séparément. Le service que nous considèrerons comme « hôpital » regroupe des structures diverses, de courts, moyens ou longs séjours, qu’elles soient privées ou publiques7. Bien que ces établissements soient dissociés dans la base de données que nous utilisons (BPE, Base Permanente des Equipements), nous avons choisi de les regrouper en une seule entité. En effet, si notre démarche avait été exclusivement tournée vers le domaine de la santé, il aurait nécessairement fallu dissocier ces différents types de services, mais l’enjeu consiste ici à recenser les équipements d’une taille assez conséquente, permettant le soin dans de multiples dimensions. De la même manière, regrouper des établissements et publics peut interroger. Là encore, notre démarche est davantage tournée vers la dimension du service au public, même si ce n’est pas un service public. Par ailleurs, les missions des établissements hospitaliers sont largement encadrées par la loi de modernisation du s de santé (LOI n° 2016-41, 2016). Ne prendre en compte que les établissements publics reviendrait ainsi à occulter toute une partie de l’offre de soins, travaillant en étroite collaboration avec les Agences Régionales de Santé (ARS) (Routelous, Vedel et Lapointe, 2011). En outre, quel que soit le type d’établissement, s’intéresser aux fermetures des services publics de santé est nécessaire, tant ils ont connu d’importantes restructurations depuis les années 1990, ayant pour objectif de réduire le coût du système de santé, jugé trop onéreux par les différents gouvernements jusqu’à ce jour (Juven, Pierru et Vincent, 2019). Les étapes de réduction des moyens dans les hôpitaux publics ont été multiples. Cela a commencé par le financement des hôpitaux par projet dans les années 1990, qui a ensuite pris toute son ampleur avec la mise en place de la tarification à l’acte (T2A) en 2005 (Krief, 2011), au cœur du plan « Hôpital 2007 » 7 http://www.progedo-adisp.fr/documents/lil-1063/BPE15_Presentation.pdf (Consulté le 20/08/2021) 29 | P a g e (Matteï, 2003). Ce nouveau principe bouleverse le financement des hôpitaux. Ces derniers ne reçoivent plus de budget de l’État pour fonctionner, mais sont rémunérés en fonction des actes médicaux pratiqués. La T2A est un des principaux symboles du changement de gestion des hôpitaux, largement inspiré par les préceptes du New Public Management (NPM) (Amar et Berthier, 2007 ; Bonelli, Pelletier et Halimi, 2010 ; Van Haeperen, 2012). Les principaux indicateurs de gestion des hôpitaux sont aujourd’hui la T2A et le taux de remplissage des lits. Ce mode de management s’est répandu dans le secteur hospitalier, mais également dans d’autres services publics en France (Gilson, 2011 ; Mucchielli, 2008) et plus largement au sein de l’Union européenne (Simonet, 2008). Ce changement radical de fonctionnement se traduit également dans la stratégie de fermeture de certains établissements jugés trop coûteux et peu rentables (Domin, 2013 Bertillot, 2014). Du fait de leur caractère largement généralisé, il sera donc particulièrement intéressant d’identifier les logiques de fermetures engendrées par ces nouvelles politiques. Les hôpitaux ne sont pas les seuls établissements de soin en France. Il en existe de tailles diverses avec des organisations différentes. Toutefois, nous ne pouvons pas tous les retenir. Nous avons fait le choix de ne pas prendre en compte les centres de santé, malgré leur importance dans l’accès aux soins pour la population (Colin et Acker, 2009), car ce sont des établissements pratiquant des soins ambulatoires. Par ailleurs, les cabinets de chirurgiensdentistes sont pris en compte dans cette catégorie dans la Base Permanente des Équipements. Nous n’avons pas pris en compte les établissements psychiatriques, car ils ne concernent qu’une faible partie de la population, et que nous souhaitons nous focaliser sur les principaux services. Ces établissements devraient faire l’objet d’une démarche de recherche propre, tant les enjeux sont cruciaux, et la dynamique de désengagement de l’État profonde (Cases et Salines, 2004 ; Henckes, 2009). Ainsi, le nombre d’établissements compris dans ce que nous appellerons « hôpitaux » est donc grand, et recouvre des réalités diverses. Le point commun de toutes ces structures étant de soigner, et d’être dotées de lits d’hospitalisation. Le choix a été fait de rassembler les établissements de court, moyen et long séjour, pour avoir un effectif suffisant. Finalement, toutes les structures rassemblées sous la terminologie « hôpital » ont pour point commun de soigner des patients pour une durée supérieure à un jour. Au-delà des hôpitaux, il semblait nécessaire de cibler deux services spécifiques présents dans les établissements hospitaliers, qui ont une place particulière pour la population : les urgences et les maternités. Étudier les services d’urgences permet de se focaliser sur les établissements de santé d’assez grande taille. Par ailleurs, la distribution des maternités, ainsi que l’évolution 30 | P a g e de leur nombre sont également des éléments cruciaux, car il y a peu d’antennes sur le territoire. Il y en avait 498 en France en 2016 (Fresson et al., 2017), contre 814 en 1996 (DREES, 2017, 2018). Il est donc difficile pour la plupart des femmes de pouvoir choisir une autre maternité que celle étant la plus proche de leur domicile avec un temps d’accès raisonnable (Mari, 2019). Par ailleurs, inclure les maternités dans notre travail relève de l’évidence à plusieurs titres. C’est tout d’abord un symbole de service prenant en charge la population. Les maternités sont aussi le dernier chainon d’une politique nataliste dont les effets sont encore présents (Rosental, 2010). Les maternités sont également un lieu où se joue un moment central dans la vie d’une famille. Cet attachement singulier aux maternités a fait de ce service le symbole de la rétractation des services publics sur le territoire national et cristallisé le mécontentement populaire. Les journaux se sont également particulièrement emparés de la question des fermetures des maternités, ce qui a grandement contribué à répandre l’image des petites maternités fermant dans les espaces peu densément peuplés (Potet, 2019 ; Puech, 2019), et a attisé la colère des habitants, souvent fortement mobilisés pour éviter la fermeture prochaine de la leur. Cette médiatisation a également entraîné une politisation rarement vue pour les autres services impactés par les fermetures, ce qui a participé à l’engouement autour de ce service en particulier8.
Services de l’éducation
Un autre service, également emblématique de la rétractation de la présence publique, cristallise la colère des habitants impactés par des fermetures : les écoles élémentaires. Ces antennes relevant du domaine de l’éducation sont les plus nombreuses (28 982 en 2007). Elles maillent à une échelle très fine l’ensemble du territoire français, avec presque 24 000 établissements publics et plus de 5000 structures privées en 20199. Nous ne nous intéresserons pas aux maternelles, car jusqu’en 2019, même si l’extrême majorité des enfants y était scolarisée, elle n’était pas obligatoire. L’école élémentaire est donc le plus petit niveau des services scolaires étudiés. Tout comme les maternités, la fermeture des écoles est un enjeu politique, car la population est très souvent mobilisée pour éviter les fermetures de classes, et encore davantage les fermetures d’écoles (Decorme, Lécroart et Bertrand, 2020). Les écoles 8 Le maire de La Seyne-sur-Mer s’est rendu à Paris à vélo pour protester contre la fermeture de la maternité de la commune (https://www.lepoint.fr/societe/le-maire-de-la-seyne-sur-mer-fait-950-km-en-velo-pour-sa-maternite17-08-2011-1363525_23.php (Consulté le 24/07/2021)) 9 https://ville-data.com/ecole-France et https://www.education.gouv.fr/les-chiffres-cles-du-systeme-educatif-6515 (Consulté le 24/07/2021) 31 | P a g e élémentaires ont un mode d’administration particulier, car si leur fonctionnement est à la charge des communes, l’enseignement dispensé par les professeurs des écoles est à la charge du ministère de l’Éducation nationale, et donc de l’État (OECD, 2002). Malgré ce fonctionnement partagé, les fermetures d’écoles sont toujours décidées par l’académie, donc le ministère de l’Éducation, sans concertation avec les mairies, qui la plupart du temps y sont opposées. Les collectivités territoriales ayant l’obligation d’être dotées en équipements scolaires, regroupements pédagogiques intercommunaux dispersés ont été mis en place (Delort, 1992 ; Christiany, 2009). Ils sont le plus souvent issus du regroupement de plusieurs écoles, qui n’ont chacune plus assez d’élèves pour fonctionner de manière indépendante. Le regroupement peut être organisé par un enseignement tournant entre les différents sites, ou selon un éclatement des classes en fonction des niveaux dans les différents locaux. Bien que différents des écoles élémentaires classiques, ces établissements multipolarisés sont regroupés avec ces dernières, faute d’effectifs suffisants pour en faire une catégorie à part entière. Les collèges seront également intégrés à notre démarche. Du fait de l’évolution démographique de notre pays (et notamment la forte croissance de la natalité dans les années 2000 (Pison, 2009), provoquant l’augmentation du nombre d’élèves pour ces cohortes, qui ont ensuite progressé au fil des années dans le système éducatif, pour se retrouver au collège en plein milieu de la période étudiée (2007-2017) ; ces derniers présentent la particularité d’être plus nombreux en 2017 qu’en 2007. Cela n’empêche pas certaines fermetures. Les collèges sont, comme les écoles, gérés à la fois par le ministère de l’Éducation nationale pour la partie éducative et par les collectivités territoriales — les conseils départementaux — pour la gestion des locaux. L’intérêt de prendre en compte un service qui a connu peu de fermetures dans la période sera de comparer les circonstances et les lieux de ces fermetures, par rapport à d’autres services plus largement impactés. Par ailleurs, les collèges (7200 en 201810) sont implantés à une échelle différente de celle des écoles élémentaires, ce qui permettra de prendre en compte divers niveaux d’analyse. Encore moins nombreux que les collèges, les lycées sont le dernier type de service public dans le domaine éducatif que nous retenons. Les lycées généraux, technologiques et professionnels sont les trois types de lycées existants. Le choix a été fait de regrouper ces trois types d’établissements. Toutefois, cette association aura pour conséquence de surestimer le nombre 10 https://www.education.gouv.fr/les-chiffres-cles-du-systeme-educatif-6515 (Consulté le 15/08/2021) 32 a g e de lycées (4117 en tout en 1810), car avoir un établissement proche de chez soi ne signifie pas que ce dernier corresponde aux types d’études souhaitées. Les universités n’ont en revanche pas été retenues, car leur nombre est assez restreint (75 en 201511), et parce que l’offre de formations post-baccalauréat n’est pas uniquement composée de formations présentes à l’université. Par ailleurs, il existe une telle diversité parmi les universités (de taille, de complétude et de qualité des formations, etc.) qu’il serait trop réducteur de se limiter à ne prendre en compte que leur présence. Finalement, les services publics de santé et d’éducation représenteront les deux tiers des types d’équipements que nous avons retenus.
Services de sécurité
La sécurité est une prérogative centrale de l’État, qui est administrée par plusieurs services publics. Nous avons exclu les activités militaires, car elles n’ont — théoriquement — pas cours sur le territoire national12. Par ailleurs, les activités de l’armée n’apportent pas de service direct et régulier aux citoyens. Les bases militaires présentes sur le territoire français sont principalement des acteurs économiques locaux, qui peuvent avoir un poids important dans l’emploi direct et indirect local, notamment dans les espaces hors métropoles (Catin et Nicolini, 2005). La présence de ces installations permet de maintenir une activité sociale et économique dans des villes qui pourraient décliner sans les activités militaires (Ginet, 2011 ; Rapin, 2011). La Police et la Gendarmerie, quant à elles, mènent des missions régulières au service des habitants, qui sont largement similaires, mais qui s’exercent dans des espaces différents. La Police Nationale est chargée du maintien de l’ordre dans les espaces urbains et densément peuplés, tandis que la Gendarmerie s’occupe des territoires ruraux peu denses. Les zones sous l’autorité de la Police représentent 80 % de la population, pour 20 % du territoire, la Gendarmerie s’occupant de l’autre partie. L’implantation de ces deux services est donc totalement différente. Cette différence de localisation, mais aussi de culture hiérarchique (les chaines de commandement sont différentes) et historique, ne nous permet pas d’étudier simultanément ces deux services, qui remplissent pourtant la même fonction. Nous avons choisi de ne garder que les gendarmeries, qui couvrent 80 % du territoire, dans des espaces peu
11 http://www.cpu.fr/actualite/75-cest-le-nombre-duniversites-au-1er-janvier-2015/ (Consulté le 16/05/2021)
L’opération Sentinelle, mise en place en 2015 après les attentats perpétrés à Paris, fait intervenir des militaires sur l’ensemble du territoire pour lutter contre la menace terroriste. https://www.gmp.terre.defense.gouv.fr/index.php/fr/operations-idf/operations-sentinelle (Consulté le 16/05/2021) a g e densément peuplés où les services publics sont peu nombreux. La Gendarmerie a également une histoire, et une répartition sur le territoire qu’il est intéressant d’étudier à l’heure où cette administration ferme un grand nombre de casernes (Faure et al., 2008 ; Lizurey, 2006a, 2006 b). Elles ont par ailleurs la particularité d’être réparties de manière assez uniforme sur le territoire, puisqu’il y en avait théoriquement une par canton, ce qui les rend particulièrement intéressantes à étudier. Service judiciaire
Il existe plusieurs types de tribunaux, chargés d’affaires de différentes natures. Nous avons choisi de nous intéresser aux Tribunaux de Grande Instance (TGI), car ce sont les tribunaux qui gèrent le plus d’affaires, avec la plus grande variété de natures (Cahu, 2017). Tout comme pour le secteur hospitalier, un travail spécifique aux services de justice serait nécessaire pour étudier la répartition des tribunaux de différentes juridictions sur l’ensemble du territoire français. Le choix des TGI est aussi lié aux réformes de la carte judiciaire qui les ont impactés (Borvo Cohen-Seat et Détraigne, 2012). Par ailleurs, leur nombre d’implantations étant assez faible sur l’ensemble du territoire, leur localisation est un enjeu capital pour l’accessibilité des individus (Bastard et Guibentif, 2007 ; Barral, 2011). Service postal Enfin, le dernier service que nous avons retenu est celui de La Poste. La Poste n’est plus un service public au sens strict, depuis que l’entreprise est devenue une entreprise publique autonome en 1991, puis une société anonyme en 2010 (Larcher, 1997b). Toutefois, elle reste un service identifié par les Français comme public, auquel ils sont attachés (Fijalkow et Taulelle, 2012). Cette relation entre les usagers et les services postaux est en partie liée à l’ancienneté de ce service, qui n’a cessé d’évoluer au fil du temps. La Poste est un des services publics qui s’est le plus transformé ces trente dernières années. Elle a subi un changement radical de management depuis les années 2000, intensifiant les cadences et causant un mal-être des salariés (Zarifian, 2005), et mettant fin au statut de fonctionnaire pour les nouveaux arrivants depuis 2010. Ces différents changements de management, de statut de l’entreprise et des salariés, témoignent de l’évolution de la doctrine de l’État en termes de service public. Ces changements sont également impulsés par l’Union européenne, qui considère les services publics comme des services aux publics (Bauby, 1997, 2002, 2016 ; Sowels, Kober-Smith et 34 | P a g e Leydier, 2017). Pour pallier la réduction régulière de la distribution de courrier, cette institution essaye de s’adapter. Depuis les années 2000, La Poste diversifie ses activités. Cela a commencé par la livraison de colis, puis l’activité bancaire s’est développée à partir de 2006, ainsi que la téléphonie en 2010 (Lefebvre, 2011 ; Barnéoud, 2020). Dernièrement, La Poste a commercialisé un service aux personnes âgées, où les postiers viennent une ou plusieurs fois par semaine au domicile des personnes âgées ayant souscrit au service pour s assurer qu’elles vont bien et échanger quelques minutes. Ce dernier service mis en place par La Poste, et critiqué par la Cour des Comptes (2020), a provoqué le mécontentement d’une partie de la population, qui dénonce la commercialisation d’un service qui était auparavant assuré gratuitement par les facteurs (Abhervé, 2017 ; Dion, 2017). La Poste n’a pas fait que diversifier son offre, elle a aussi adapté sa présence sur le territoire (Chaize, Louault et Cardon, 2021). Traditionnellement très présente dans les territoires locaux, La Poste a essayé de réduire le coût important de cette présence. La solution la plus ancienne a été de réduire les horaires d’ouverture des agences postales recevant peu de public. Par ailleurs, depuis 2000 et la fin du monopole de l’entreprise, La Poste a diversifié ses modes d’implantation sur le territoire. Il n’y a plus seulement des bureaux de poste, mais aussi des agences postales communales créées en 2000 et des points relais commerçants en 2003. Ces contraintes contractuelles expliquent la mise en place d’alternatives aux bureaux de poste, plutôt que la fermeture pure et simple de ses agences. Cette solution a aussi permis d’étendre les horaires pendant lesquels il est possible de faire une opération postale. Les points relais étant tenus par des commerces, les activités postales sont assurées pendant toute la durée d’ouverture de l’officine, souvent bien plus étendue que celle des bureaux de poste. Les agences postales communales sont quant à elles assurées par la mairie, qui met à disposition des employés communaux pour gérer les activités postales, ainsi qu’un local pour accueillir ce service. En contrepartie, La Poste dédommage la collectivité du salaire de l’employé communal pour le temps consacré aux activités postales. Si les agences postales communales sont un bon moyen d’assurer un service postal dans les zones peu denses, elles sont aussi le signe de l’abandon d’une politique globale de la présence postale sur l’ensemble du territoire. Entre 2007 et 2017, le nombre de bureaux de poste traditionnels est passé de 15 700 à 10 500, alors que le nombre d’agences postales communales a large augmenté passant de 900 à 5000, tout comme les points relais commerçants, passant de 400 à 1500 sur la période étudiée (Fijalkow et Taulelle, 2012). Ouvrir une agence postale communale nécessite un local et du personnel municipal pouvant assurer ce service. Tout cela a un coût, que toutes les collectivités ne peuvent supporter, 35 | P a g e ce qui accentue les inégalités entre les territoires plutôt aisés, qui peuvent se permettre cette charge financière, et ceux ne pouvant la supporter. Enfin, La Poste a également été le premier service à initier le mouvement d’une diversification des services publics dans un même lieu. Ces lieux où l’usager pourrait trouver plusieurs services publics dans un même espace ont eu plusieurs appellations. L’État les a nommés « Maisons des services au public », puis ces lieux ont été rebaptisés « Maisons France service ». Il reste toutefois encore 1340 Maisons de Services Au Public. Ces structures ont également la particularité de ne pas toutes avoir le même statut juridique. Certaines sont portées par des associations comme l’ADRETS13, d’autres par des collectivités territoriales, et enfin certaines par un service présent dans la Maison des Services Aux Publics (MSAP) qui supporte la charge du fonctionnement et du personnel de la structure. Ces structures regroupant plusieurs services publics sont amenées à se multiplier, car c’est une solution permettant de favoriser l’accès aux principaux services de l’État, tout en mutualisant les dépenses de fonctionnement et de gestion (Zapalski, 2012). Par ailleurs, Emmanuel Macron a décidé en 2019 — pendant le mouvement des « Gilets Jaunes » — que chaque canton serait doté d’au moins une de ces structures. Toutefois, comme souvent, le financement de ces lieux étant en grande partie14 à la charge des collectivités territoriales, leur création dépend largement de la volonté des élus locaux. Cela explique que ces structures soient encore peu nombreuses. On dénombre aujourd’hui 460 établissements France Services, avec un objectif fixé par l’État de 2000 structures d’ici 202215. Ces nouveaux types de lieux rassemblant plusieurs services auraient enrichi notre approche. Toutefois, ces structures sont encore peu nombreuses, ont des statuts variables, et ne regroupent pas toujours les mêmes services publics. Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de ne pas les inclu dans notre démarche. Le choix des services publics retenus pour notre étude s’est donc fait selon plusieurs critères. Nous avons fait le choix de mettre l’accent sur les services de santé (hôpitaux, maternités
13 Association pour le Développement en Réseau des Territoires et des Services L’État verse une subvention globale de 30 000 € par an et par maison France services, somme insuffisante au fonctionnement d’une structure. 15 https://www.gouvernement.fr/2-000-maisons-france-service-d-ici-a-2022 (Consulté le 04/07/2021) 14 36 | P a g e services
d’urgences) et de l’éducation (écoles élémentaires, collèges, lycées), pour étudier en détail la répartition de l’offre sanitaire et scolaire sur l’ensemble du territoire. Enfin, les secteurs de la justice (TGI) et de la sécurité (Gendarmerie) ont été ajoutés en sélectionnant les services les plus pertinents dans chacun des deux domaines. Le choix des services s’est fait en fonction de critères thématiques, mais aussi en fonction de leur densité de présence sur le territoire (Tableau 1). L’objectif est d’analyser l’évolution de la localisation de plusieurs services publics entre 2007 et 2017, ayant potentiellement des logiques différentes. L’intérêt est d’étudier de manière croisée l’accessibilité des individus à différents services, en s’extrayant de l’analyse en silo de chacun d’eux. Enfin, étudier des services publics à différentes échelles permet d’identifier différentes logiques de répartition et de restructuration de ces derniers. Nombre d’équipements en 2007 Nombre d’équipements en 2017 Taux d’évolution entre 2007 et 2017 Collèges 6 827 6 925 1,4 Écoles élémentaires 28 982 25 672 ‐11,4 Gendarmeries 3 308 2 959 ‐10,6 Hôpitaux 4 586 3 799 ‐17,2 Lycées 4 325 4 127 ‐4,6 612 485 ‐20,8 Postes 11 747 8 622 ‐26,6 TGI 173 161 ‐6,9 Urgences 690 627 ‐9,1 Maternités Tableau 1 : Nombre d’équipements par type de services en 2007 et en 2017 en France métropolitaine 37 | P
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1.1.2.2 Analyse des services relevant d’échelles variées
Étudier les processus de rétractation de plusieurs services publics simultanément nécessite au préalable de connaître la distribution spatiale de chacun d’entre eux. Comme nous l’avons vu, les effectifs sont très différents selon les services, allant de 173 pour les TGI, à plus de 29 000 pour les écoles élémentaires en 2007. Toutefois, le nombre d’antennes ne laisse pas présager de leur distribution sur le territoire (Carte 1, Carte 2).
Carte 1 : Répartition des casernes de gendarmerie en France métropolitaine en 2007 38 | P a g e Carte 2 : Répartition des lycées en France métropolitaine en 2007
Ces cartes permettent d’identifier des distributions assez disparates entre les services (Annexes 1 à 9). Toutefois, une simple description de cartes ne permet pas d’objectiver et d’analyser finement la distribution des services publics. Depuis les années 1970, les géographes ont élaboré des indices statistiques permettant de décrire la localisation d’éléments dans l’espace (Haggett, Cliff et Frey, 1977). On peut différencier deux grandes catégories : les indices globaux et locaux (Cressie, 1993). Les premiers s’intéressent à la répartition des points dans leur ensemble, alors que les seconds étudient la localisation des points par rapport à leur voisinage proche ou un espace restreint autour d’eux. Qu’ils soient locaux ou globaux, ces indices sont extrêmement nombreux et ils sont notamment très mobilisés dans le domaine de l’écologie (Goreaud, 2000). Notre objectif n’étant pas de travailler sur le développement de méthodes de description des répartitions de 39 | P a g e points dans l’espace (ce qui constitue un champ de recherche en soi), mais bien de les mobiliser, nous avons choisi comme indice principal de description l’indice du Plus Proche Voisin (PPV) qui est un indice global facile à calculer et à interpréter, car il ne nécessite pas d’établir des choix arbitraires d’échelles d’analyses. Le PPV compare la distance théorique d’un point à son voisin le plus proche en fonction du nombre d’implantations et de la superficie de l’aire d’étude. Il est donc le rapport entre la distance moyenne théorique et la distance moyenne observée. Sa valeur est bornée entre 0 et 2,149 (Pumain et Saint-Julien, 1997). Les valeurs tendant vers 0 témoignent d’une situation de concentration des points, alors que celles proches de 2 indiquent une répartition régulière des points, symbolisant dans notre cas les services. La Figure 1 montre la diversité des implantations des services retenus. Alors que les hôpitaux et lycées ont un indice PPV assez faible montrant leur concentration, d’autres services, comme les gendarmeries ou les TGI sont répartis de manière plus uniforme sur le territoire. Ces indicateurs viennent donc confirmer les observations issues des cartes de localisation des différents services. Enfin, la plupart des services ont une valeur proche de 1, indiquant une localisation tendant vers la concentration. Ces distributions sont étiquetées « aléatoires », mais elles ne le sont pas, il s’agit simplement du fait que le PPV peine à discriminer ces situations proches. Ce dernier résultat met en évidence la principale limite de l’indice du PPV. Dans son calcul, il ne prend en compte que la distance au premier voisin. De fait, celui-ci distinguera mal des regroupements de plusieurs localisations proches (Taylor, 1977 ; Grasland, 2000). Afin de contourner cette difficulté, il est possible d’effectuer le même calcul en ne prenant pas en compte le voisin le plus proche, de rang 1, mais celui de rang 2, 3 ou n. Cette démarche permettra de percevoir davantage les regroupements de quelques entités, que l’indice prenant en compte seulement le voisin de rang 1 ne distingue pas. Dans notre cas, le calcul de l’indice PPV au voisinage de rang 2 et 3 a mis en évidence des regroupements pour les collèges (0,82 pour un voisinage de rang 3), et dans une moindre mesure pour les écoles élémentaires (0,80 pour un voisinage de rang 3). S’il n’y avait pas eu de regroupements pour ces services, la prise en compte d’un voisinage plus éloigné que le premier aurait dû induire une augmentation assez importante de l’indice (Zaninetti, 2005). Pour les deux services cités, l’augmentation est assez limitée, ce qui démontre l’existence de regroupements locaux.
Figure 1 : Indice du plus proche par type de service public en 2007, d’après (Pumain et Saint‐Julien, 1997)
Étudier plusieurs types de services est donc nécessaire afin d’avoir une diversité de nombre et de type d’implantations des services sur le territoire. Toutefois, multiplier les objets d’étude ne facilite pas l’accès à des données comparables entre chaque service et d’une qualité suffisante pour être exploitées. 1.1.3 Les données mobilisées pour analyser les dynamiques de fermeture des services publics à diverses échelles
« La qualité d’un chercheur s’apprécie en partie à son ingéniosité dans la collecte et le traitement des données, car celles-ci ne sont rien moins que données, leur conquête opposant parfois autant d’embûches que celles de la Toison d’Or et du Graal réunies. » (Brunet, Ferras et Théry, 2005, page 168, entrée donnée) En France, les sources de données pour étudier les caractéristiques des services sont multiples. L’administration de chacun des services bénéficie généralement de fichiers riches en données, mais qui ne sont pas disponibles librement. Par exemple, la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) compile chaque année à des niveaux agrégés des données sur les caractéristiques des élèves et des établissements scolaires16. Si ce genre de ressources est riche en informations pour chaque type de services, il ne permet pas d’avoir des a e éléments comparables d’un service à l’autre. L’enjeu a donc été de choisir une source de données regroupant l’ensemble des services, à la plus grande échelle possible. La seule base de données permettant de répondre à ces critères est la Base Permanente des Équipements (BPE). 1.1.3.1 La Base Permanente des Équipements : Une base de données riche, mais avec des limites
Étudier la dynamique des services publics à l’échelle nationale nécessite d’avoir accès à une base homogène et exhaustive sur l’ensemble du territoire français qui recense les différents services et les localise le plus précisément possible. La Base Permanente des Équipements répond à ce besoin, puisqu’elle recense une multitude de services, qu’ils soient publics ou privés, dans des domaines variés (enseignement, service à la personne, cabinets médicaux, petits commerces, etc.). Cette base de données vient remplacer l’inventaire communal, en centralisant les informations à l’échelle nationale, grâce à de multiples sources (bases Magic, Sirène, etc.). Elle est disponible depuis 2007, avec une mise à jour annuelle (Cotis, 2008). Toutefois, dans le cadre de l’étude de la fermeture des services publics, le choix de la BPE a contraint notre démarche. En effet, cette base de données recense uniquement la localisation des services ouverts. Aucun élément caractérisant davantage les équipements, comme leur capacité d’accueil, n’y figure, ce qui limite l’information disponible à la spatialisation des différents services. Notre démarche est donc portée sur l’étude des fermetures des services publics, et non sur leur rétractation progressive qui passerait par une réduction graduée de leur capacité, sans fermer complètement l’équipement. Cela limite considérablement le périmètre de ce travail, car la fermeture d’un établissement n’est bien souvent que la dernière étape d’un processus de dégradation des services qui se fait de manière progressive (Rainaud, 1999 ; Barrault-Stella, 2016 ; Conti, Baudet-Michel et Neindre, 2020). La qualité de la géolocalisation de chaque équipement est spécifiée dans la base, pouvant être bonne, acceptable, ou mauvaise, quand elle est présente17. Cette variabilité de la qualité de localisation s’explique par la multiplicité de ses sources, lesquelles ne sont pas toujours très exigeantes en la matière. Il convient cependant de noter que, pour tous les services que nous étudions, la qualité de la géolocalisation est toujours optimale. Cela s’explique par le fait que pour les services publics la géolocalisation est réalisée directement par les services de l’État, ce 17 https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/operation/s2027/processus-statistique#titre-bloc-11 (Consulté le 22/04/2021) 42 | P a g e qui n’est pas le cas pour les services privés présents dans la base. De plus, la localisation des équipements n’est disponible dans la base qu’à partir de 2013. Nous avons donc reconstruit la géolocalisation des équipements présents en 2007 à partir de la base de 2013. Il faut toutefois prendre quelques précautions pour utiliser cette base de données. L’aspect le plus délicat est que les typologies faites par la BPE pour répertorier les services ne sont pas toujours stables au fil du temps. C’est par exemple le cas pour les points postaux. Comme vu précédemment, on peut distinguer trois types d’implantation postale : le bureau de poste, l’agence postale communale et le point relais commerçant. Ces trois types d’implantations sont regroupés sous le même identifiant en 2007, alors qu’ils sont dissociés en trois codes différents en 2017. Les trois types de points de contact postaux ont donc été regroupés pour l’année 2017, pour correspondre à la typologie employée en 2007. La perte de l’information des types de présences postales est dommageable, puisque depuis 2010, La Poste ferme un nombre important d’agences postales pour les remplacer par des points de contact postaux présents dans des commerces, qui offrent un service postal moindre. Il aurait été intéressant d’étudier le remplacement d’un type de présence postale par un autre. Par ailleurs, les périmètres des typologies de la BPE sont parfois à géométrie variable. Alors que dans le domaine hospitalier les établissements privés et publics sont répertoriés ensemble, ce n’est pas le cas des établissements scolaires, pour lesquels ne sont comptabilisés que les établissements publics. Pour les écoles élémentaires, nous n’avons pris en compte que les établissements publics, le privé relavant d’autres logiques (Champion et Tabard, 1996). Pour les services hospitaliers, le biais qu’entraîne la comptabilisation de cliniques privées avec les hôpitaux publics a été considéré comme limité, car pour une personne souhaitant se faire soigner, la différence entre hôpital public et clinique privée est faible, puisque les soins sont remboursés de la même manière par l’assurance maladie. Comme cela a déjà été dit, les ARS ont en charge de répartir l’offre de soin en fonction des besoins sur l’ensemble du territoire, en coordonnant les ressources publiques et privées. En outre, certains types de services n’ont pas été répertoriés dès la création de la base de données, ce qui ne facilite pas l’utilisation dans le temps long de données issues de la BPE. C’est le cas des Tribunaux de Grande Instance, qui ne sont répertoriés que depuis 2010. Le nombre de TGI étant relativement limité, nous avons pu recréer manuellement la base pour l’année 2007. 43 | P a g e Enfin, nous avons dû prendre en compte les modifications de localisation parfois mineures. Pour savoir quelles antennes de services publics ont été fermées entre 2007 et 2017, nous avons comparé les bases de données pour chacune des deux années. Lorsqu’un point présent en 2007 ne l’était plus en 2017, il en a été déduit que ce service avait fermé. Inversement, lorsqu’un service était présent en 2017, mais absent en 2007, il a été considéré qu’il avait ouvert dans la période étudiée. Ce procédé a permis de prendre en compte un grand nombre de services, et de déterminer facilement s’ils ont ouvert, fermé, ou n’ont pas changé de statut. Toutefois, cela nécessite une localisation parfaitement identique entre les deux dates. Or, une évolution de la localisation de certains équipements a parfois été observée. Une faible variation de localisation peut s’expliquer par la destruction d’un équipement et de sa reconstruction sur le même emplacement. Une vérification a donc été nécessaire pour modifier le cas échéant ces problèmes de « fausses fermetures » et de « fausses ouvertures » liés à de très légères différences de localisation. Ces petites modifications, qui à l’échelle nationale et appliquée aux neuf services étudiés se sont révélées importantes, ont eu pour intérêt de tirer profit au maximum de l’intérêt de la BPE : la localisation précise des services. Le travail a été conséquent pour avoir une base qui permette de s’extraire des zonages avec une localisation précise de chaque antenne de service, en s’extrayant autant que possible des mailles administratives, de dimensions variables et sans cohérence territoriale et démographique (Rey et Saint-Julien, 2005). La localisation précise des services dans la BPE permettra de décrire précisément leur répartition et leur rétractation entre 2007 et 2017. Toutefois, il est nécessaire d’utiliser d’autres sources de données, permettant de décrire en particulier la présence de la population par rapport aux services étudiés. Puisque nous avons des données désagrégées pour les services, nous avons souhaité utiliser les données démographiques les plus fines possibles. Pour cela, le carroyage de l’INSEE est un moyen intéressant permettant d’étudier la population à une échelle fine. 1.1.3.2 Le carroyage de l’INSEE : Des données démographiques à échelle fine à manier avec précaution
Pour étudier la population française en s’extrayant des différentes mailles administratives, l’INSEE a commencé à mettre en place à la fin des années 2000 un carroyage régulier de 200 mètres couvrant l’ensemble du territoire national. Ce maillage servira dans notre démarche à localiser finement les individus dans l’espace, pour calculer dans un second temps leur accessibilité aux services publics. Ce nouveau découpage statistique du territoire présente de multiples intérêts. Il permet de s’affranchir des mailles administratives pour étudier des caractéristiques de la population, ce qui élimine en grande partie l’effet de MAUP dans l’analyse (Openshaw, 1981 ; Arbia et al., 1996). Par ailleurs, son découpage est stable au fil du temps, contrairement au découpage communal qui évolue chaque année, au gré des regroupements communaux qui se sont intensifiés avec la mise en place du statut des communes nouvelles (Pasquier, 2017). Enfin, il offre une précision dans la localisation des individus supérieure à tous les autres découpages utilisés et diffusés par l’INSEE. L’obtention de données de population à une échelle aussi fine a été possible en changeant de mode de collecte de l’information. Les données carroyées ne sont pas issues du recensement de la population, comme c’est le cas pour les informations disponibles pour les découpages administratifs, mais des déclarations fiscales des individus. C’est par l’intermédiaire des Revenus Fiscaux Localisés (RFL) que des données concernant la population ont été agrégées à une si grande échelle (INSEE, 2013). Toutefois, recueillir des données de population via des déclarations fiscales exclut de ces données toutes personnes qui ne payent pas de taxe d’habitation ou de taxe foncière. Cela ne comptabilise pas les personnes sans domicile fixe et provoque une mauvaise prise en compte des étudiants, qui la plupart du temps font encore partie du ménage fiscal familial, sans y habiter pour autant (Baronnet, Kertudo et Faucheux-Leroy, 2015). Ces données, certes très précises géographiquement, sont donc moins exhaustives et ne prennent pas toujours bien en compte certaines populations. Si cela altère nécessairement la qualité de la base carroyée, cela n’aura pas d’incidence majeure dans notre démarche, car les populations mal prises en compte restent marginales dans notre travail. Cependant, la précision, qui est l’intérêt principal du carroyage, peut aussi être un obstacle. Toutes les données diffusées largement par l’INSEE sont anonymisées. Or, dans un périmètre de 200 mètres de côté, le faible nombre de ménages peut parfois permettre d’identifier les individus d’après les informations contenues dans le carroyage. Pour éviter cela, seuls les carreaux qui contiennent au moins 11 ménages conservent leurs « valeurs naturelles ». Pour les autres, les valeurs sont « imputées », afin de garantir ’anonymat des individus résidant dans les carreaux peu peuplés (Branchub, Costemalle et Fontaine, 2018).
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,, et traduit le sont des paramètres permettant de
Figure 2.4
.1.e
:
Schématisation des deux régimes viscoplastiques
[16] Figure 2.4.1.f : Comparaison entre la loi de comportement et l'expérience de l'évolution de la limite d'élasticité avec la vitesse de déformation à différentes temp
ér
atures
[116]
2.4
.2.
Identification des paramètres de la loi de comportement élasto-viscoplastique
La finesse de la description du comportement du matériau va de pair avec le nombre de paramètres du modèle à identifier. Les deux difficultés majeures pour identifier les paramètres s'expliquent par le fait qu'il n'existe pas d'essai dynamique à vitesse de déformation constante et que les essais disponibles sont généralement unidimensionnels.
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
La caractérisation des lois de comportement des matériaux sur une plage de vitesse de déformation importante implique d'utiliser des techniques variées avec des précautions propres à chacune d'entre elles. Ainsi, les essais dont la mise en charge est quasi-statique se distinguent des essais dynamiques. Ces méthodes ne mettent pas en jeu les mêmes niveaux d'énergie et ne permettent donc pas de caractériser des échantillons de taille identique. La protection sismique, les crash-tests dans l'automobile, les procédés de mise en forme des métaux, ou encore les problèmes liés à la perforation des blindages impliquent des vitesses de déformation pouvant atteindre, respectivement 1 à 102 s−1, 103 s−1, 104 s−1 et plus de 107 s−1. Une fissure de clivage en propagation engendre des vitesses de déformation importantes autour de la pointe de fissure qui peuvent atteindre 104 à 105 s-1. La réalisation d'essais dynamiques repose sur l'utilisation de machines spécifiques différentes de celles utilisées pour des essais quasi-statiques. Les machines hydrauliques classiques, utilisées pour assurer une mise en charge quasi-statique, permettent d'imposer des déplacements à une vitesse de l'ordre du cm/s. Or, cette valeur est incompatible avec le caractère dynamique souhaité. Les essais dynamiques nécessitent des vitesses de déplacement du vérin de l'ordre de 10 m/s. Seules des machines hydrauliques spécialisées ou l'utilisation du système avec des barres d'Hopkinson peuvent imposer de telles vitesses aux différentes parties de l'éprouvette. Des machines hydrauliques spécialisées permettent d'atteindre des vitesses de déplacement du vérin de 20 m/s. Cependant, il n'est pas possible d'asservir la position du vérin avec la même qualité que sur une machine hydraulique classique. Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 2.4.2.1.a : Dispositif de compression dynamique Split Hopkinson Pressure Bar (SHPB)
Un projectile, propulsé par un canon à air comprimé constitué d'un compresseur et d'une électro-vanne, vient impacter la barre d'entrée. Une onde de compression élastique longitudinale (εl) se propage dans toute la chaîne mécanique provoquant la compression de l'échantillon. Cette onde incidente a l'allure d'un « créneau » dont la durée est égale au temps mis pour faire un aller-retour dans l'impacteur. Une partie de l'onde est réfléchie à l'interface « barre entrante-éprouvette » (εr) et l'autre partie est transmise à l'éprouvette et à la barre de sortie (εt). Les mesures sont effectuées sur le corps des deux barres au moyen de jauges de déformation afin d'obtenir l'enregistrement des déformations longitudinales associées aux bords gauche et droit de l'éprouvette. L'enregistrement typique d'un essai de compression dynamique sur un échantillon 16MND5 est représenté sur la figure 2.4.2.1.b. Figure 2.4.2.1.b : Enregistrement des ondes suite à l'impact du projectile avec le système SHPB Figure 2.4.2.1.c : Paramètres associés aux ondes
La mesure des ondes incidente, réfléchie et transmise permet de déterminer les vitesses des faces barres-échantillon et les forces exercées par les barres sur l'échantillon. Des barres de longue dimension autorisent l'approximation élastique unidimensionnelle. La nécessité de considérer la barre comme unidimensionnelle ne permet pas de placer les jauges de déformation trop près d'une extrémité. De plus, afin de différencier correctement l'onde incidente, induite par le choc de l'impacteur, de l'onde réfléchie, dépendant de la réponse de l'échantillon, les jauges de déformation sont placées au milieu de la barre entrante. Il en est de même pour la position de la jauge de déformation sur la barre sortante. En appliquant les équations unidimensionnelles des ondes élastiques (II.10) aux barres du système (figure 2.4.2.1.c), la vitesse et la force appliquées au matériau sont obtenues (II.11, II.12).
72 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve
16MND5 (II.11) (II.12) où C est la célérité des ondes de compression dans les barres (5000 m/s), les indices e, i, r et t signifient respectivement entrée, incident, réfléchi et transmis. E est le module d'Young des barres leur section. (2×1011 Pa) et La vitesse est la vitesse moyenne de la surface de la barre au contact avec l'échantillon. La force est la résultante des efforts axiaux appliqués à l'échantillon. Elle est supposée être le résultat d'une contrainte homogène appliquée à la surface de l'échantillon. Dans la mesure où l'échantillon ne possè pas le même diamètre que la barre, le déplacement moyen de la face de la barre en contact avec l'échantillon ne correspond pas exactement au déplacement de la face de l'échantillon du fait d'un poinçonnement local. Cet effet de poinçonnement n'est pas pris en compte et les déplacements induits sont des valeurs légèrement par excès entraînant une mesure par excès de la déformation de l'échantillon. Cependant, une correction de déplacement est effectuée connaissant le module élastique du matériau 16MND5 dans la mesure où les déplacements supplémentaires pris en compte sont élastiques et linéaires pour un diamètre d'échantillon donné. Il est à noter que le temps de mesure est limité par la longueur de la barre entrante. Tableau 2.4.2.1.a : Récapitulatif des essais de compression dynamique sur l'acier 16MND5
Le contrôle de la température, notamment pour les essais à basse température, impose un aménagement particulier du banc de mesure comme le montre la figure 2.4.2.1.d. L'éprouvette et le bout des barres sont isolés dans un tube en PMMA dans lequel est introduit l'azote liquide afin de refroidir l'échantillon. La mesure de la température est effectuée à l'aide d'un thermocouple soudée à la surface de l'échantillon. Le refroidissement de l'échantillon est toujours en excès par rapport à la température de consigne de l'essai à réaliser. En effet, l'échantillon se réchauffe légèrement une fois l'azote liquide versée. Le canon servant à lancer le projectile est préalablement gonflé à la pression requise. Du fait du lent réchauffement de l'échantillon (un-demi degré par seconde), le tir est de d' de sure dans de MND5 déclenché lorsque la température nominale de l'essai est atteinte. La durée très courte de l'essai ne permet pas d'échange de chaleur entre l'échantillon et les barres, ce qui assure une quasi-adiabaticité du chargement. En considérant que l'énergie dissipée plastiquement se convertisse en chaleur et sachant que la capacité calorifique moyenne volumique de l'acier 16MND5 est estimée à, il est possible d'évaluer l'élévation de température au cours d'un essai. Ainsi, une augmentation de température de 20°C voire 30°C se produit pour une déformation totale de 10% (pour ). L'énergie dissipée plastiquement augmente comme la contrainte pour une déformation totale donnée. Ainsi, l'effet de l' élévation de température est d'autant plus important que la vitesse de déformation est grande et que la température est basse. Figure 2.4.2.1.d : Mise en température de l'échantillon avec de l'azote liquide
2.4.2.2. Résultats et identification des paramètres
D'après la figure 2.2.a, l'augmentation de la température est associée à une diminution de la limite d'élasticité du matériau étudié en quasi-statique. Cette tendance demeure lors des essais dynamiques sur barres d'Hopkinson (figure 2.4.2.2.a). Par ailleurs, la figure 2.4.2.2.b montre que la contrainte augmente avec la vitesse de déformation. A de hautes valeurs de vitesses de déformation (5000 à 10000 s-1), il y a des oscillations pour les faibles niveaux de déformation (figure 2.4.2.2.b). L'exploitation des données pour les hautes vitesses de déformation est explicitée sur la figure 2.4.2.2.c où un lissage de la courbe expérimentale est effectué. Plus la vitesse de déformation augmente, plus le lissage est approximatif. Ces courbes lissées ont ensuite été utilisées pour identifier les paramètres de la loi de comportement élasto-viscoplastique. Il y a donc une incertitude non nulle sur l'effet de viscosité à vitesse de déformation élevée. 74 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 2.4.2.2.a : Evolution de la contrainte en fonction de la déformation totale à différentes températures pour une vitesse de déformation de 300 s-1 Figure 2.4.2.2.b : Evolution de la contrainte en fonction de la déformation totale à différentes vitesses de déformation à -50°C Figure 2.4.2.2.c : Lissage de l'évolution de la contrainte en fonction de la déformation totale à -50°C pour 5000 s-1
La pente des courbes d'écrouissage est plus faible en dynamique qu'en statique. Les essais dynamiques sont de durée suffisamment faible pour être considérés comme adiabatiques. Ainsi, la chaleur produite par la dissipation plastique élève la température et adoucit le comportement du matériau, surtout pour les essais à basse température et vitesse de déformation élevée. Rossoll [5] identifie les coefficients dynamique de l'acier 16MND5 (II.13). pour caractériser le comportement Dans le cadre de cette thèse, l'identification du modèle s'appuie sur les valeurs de contraintes et de vitesses de déformation plastique enregistrées pour des déformations inélastiques de 2%, 5% et 10%. Dans un premier temps, il faut chercher à faire correspondre au mieux le modèle aux résultats expérimentaux. Cependant, il est impossible d'identifier un unique couple de paramètres
75 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
permettant
d'avoir un modèle EVP robuste à toutes les
temp
ér
atures
. C'
est pourquoi
un
couple
a été identifi
é
à
chaque température
.
Le tableau
2.4.2.2
.a récapitule
l'ensemble des résultats
obtenus. Tableau 2.4.2.2.a : Couple
L'évolution obtenue des paramètres A et m avec la température n'est pas physique car elle doit être régulière. Un travail plus précis devra être effectué sur ce point afin de modéliser des essais anisothermes. Dans notre cas, comme nous travaillons à partir d'essais isothermes, ces identifications sont jugées satisfaisantes. Malgré une identification des paramètres à chaque température, il subsiste des difficultés pour reproduire correctement la pente de l'écrouissage. Cela est probablement dû à l'adoucissement thermique dont nous avons déjà parlé. Dans ce cas, il s'avère intéressant de réaliser une intégration indirecte de cet échauffement via la loi de comportement en faisant dépendre les paramètres A et m de l'équation (II.12) à la température. Cette approche a conduit Prabel [7] à modifier la loi originale de Cowper-Symonds sous la forme (II.14). Cette modification de la loi de CowperSymonds permet de prendre en compte l'écrouissage visqueux et l'adoucissement thermique via la déformation inélastique de manière simple. Les coefficients des équations (II.15) et (II.16) ont été identifiés par Prabel [7] et ceux de (II.17) et (II.18) ont été identifiés dans le cadre de cette thèse. où m dépend de la température (II.15) et H dépend de la température et de la déformation (II.16). avec où T est exprimé en °C et est sans unité. A partir des essais de compression dynamique réalisés, une optimisation des paramètres m (II.17) et H (II.18) a été réalisée afin de faire correspondre encore mieux le modèle EVP avec les résultats expérimentaux. avec La comparaison entre les résultats expérimentaux et les modèles EVP est présentée pour trois températures sur les figures 2.4.2.2.d à 2.4.2.2.f. La loi de Cowper-Symonds modifiée (II.14) avec les paramètres (II.17) et (II.18) permet de mieux approcher les résultats expérimentaux du fait d'un nombre plus important de paramètres ajustables (figures 2.4.2.2.d à 2.4.2.2.f). La loi EVP de CowperSymonds (II.13) à deux paramètres (tableau 2.4.2.2.a) reste cependant satisfaisante et sera utilisée pour l'ensemble des modélisations présentées au chapitre 3. Cette loi EVP à deux paramètres donne de moins bons résultats à 10% de déformation inélastique, mais on monte peu à ce niveau de déformation pendant les essais. 76 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 2.4.2.2.d : Comparaison avec l'expérience des modèles de Cowper-Symonds identifiés sur l'acier 16MND5 à -150°C pour 2%, 5% et 10% de déformation plastique
77 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 2.4.2.2.e : Comparaison avec l'expérience des modèles de Cowper-Symonds identifiés sur l'acier 16MND5 à -100°C pour 2%, 5% et 10% de déformation plastique
78 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 2.4.2.2.f : Comparaison avec l'expérience des modèles de Cowper-Symonds identifiés sur l'acier 16MND5 à -50°C pour 2%, 5% et 10% de déformation plastique 79
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5 3. Protocole expérimental 3.1. Généralités
Les essais de propagation de fissure de clivage ont été réalisés sur des éprouvettes Compact Tension CT25 sans entaille latérale (figure 3.1.a) respectant la norme ASTME1820 [31] mais avec une épaisseur réduite à 15, 10, 5 et 3 mm afin de favoriser un front de fissure rectiligne pendant la propagation par clivage et un arrêt plus facile (moins d'énergie stockée). Les méthodes de mesure de l'avancée de fissure (jauges à brins, caméra) ne sont pas compatibles avec des entailles latérales. Figure 3.1.a : Géométrie de l'éprouvette CT
3.1.1. Pré-fissuration
L'éprouvette est d'abord pré-fissurée par fatigue sous un chargement cyclique à la température ambiante afin de créer une fissure très aigüe à partir de l'entaille mécanique. La pré-fissuration permet de se dégager de la zone perturbée qui est présente au voisinage immédiat de l'entaille mécanique usinée. La procédure des essais de pré-fissuration est telle que l'amplitude de charge diminue de façon à ce que soit décroissant en maintenant le rapport de charges et la fréquence d'essai constants. Les paramètres utilisés sont les suivants : ; ; ; ; et. Environ 200 000 cycles sont nécessaires pour réaliser une pré-fissure comprise entre 2 et 3 mm. Un examen post-mortem du faciès de rupture de l'éprouvette permet de déterminer précisément la longueur de pré-fissure initiale.
3.1.2. Mise en place et en température de l'éprouvette
Après l'étape de pré-fissuration, l'éprouvette est préparée (polissage miroir) et équipée (jauges à brins) en vue des essais réalisés entre -150°C et -50°C. Un extensomètre, préalablement étalonné, ainsi que trois thermocouples de type K sont utilisés respectivement pour mesurer l'ouverture de la fissure et la température de l'éprouvette. L'éprouvette est ensuite installée sur la machine de traction hydraulique MTS avec une cellule de force de 500 kN par l'intermédiaire de chapes et de goupilles au sein d'une enceinte thermique dans laquelle est injectée de l'azote (figure 3.1.2.a). L'atteinte de la température de consigne s'effectue en 45 minutes. Ensuite, un palier en température d'une est respectée afin d'éviter un gradient thermique entre les bords libres et le coeur de l'éprouvette. Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve
16MND5 Chapes Goupille Extensomètre extensométrique Thermocouple
Figure 3.1.2.a : Mise en place de la CT
3.1.3. Mise en charge
La mise en charge de l'essai de traction est pilotée à l'aide du logiciel Wavemaker d'INSTRON. Il permet d'enregistrer le déplacement du vérin, la force appliquée, l'ouverture de la fissure ainsi que les tensions des jauges à brins. Le chargement s'effectue à la vitesse de déplacement imposé de 0.4 mm/min.
3.2. Méthodes de mesure de la propagation de fissure
Deux méthodes de mesure de l'avancée du front de fissure ont été utilisées durant cette étude. La première méthode standard repose sur l'utilisation de jauges à brins et la seconde méthode, utilisant une caméra rapide, a été mise en place durant ces travaux de thèse au sein du CEA/LISN.
3.2.1. Description des jauges à brins
Des jauges à brins ou à fils rompus, permettant de déterminer la vitesse d'avancée de la fissure, sont collées sur les faces de l'éprouvette CT perpendiculairement au plan de propagation. Des brins, espacés régulièrement, sont reliés entre eux comme autant de résistances en parallèle. Au cours des travaux de thèse de Prabel [7], des jauges des fabricants Vishay et HBN avaient été testées. Finalement, les jauges Vishay avaient été choisies car elles fournissent un signal moins bruité que les jauges HBN. Deux types de jauges à brins Vishay sont utilisés dans cette étude, à savoir une jauge 20 fils à 20 brins séparés sur une face de l'éprouvette (CPD, figure 3.2.1.a) et deux jauges 20 fils à 20 brins unis sur l'autre face la CT (CPA, figure 3.2.1.a). Les jauges à fils rompus sont câblées à un circuit électrique tel que présenté sur la figure 3.2.1.b. Vin et Vout sont respectivement les tensions d'entrée et de sortie du circuit électrique. Rs et Rp sont des résistances montées respectivement en série et en parallèle avec la jauge à fils rompus et ayant pour valeurs 82 et 180 Ohms. Ces valeurs de résistances ont été optimisées de manière à linéariser la réponse de la jauge avec le nombre de brin rompu et à utiliser toute la gamme de tension admise par les cartes d'acquisitions rapides (0 à 5 Volts). L'avancée de la fissure provoque la rupture des brins entraînant une augmentation de la résistance globale de la jauge. Figure 3.2.1.a : Jauges à brins Vishay de type CPD (a) et CPA (b) Jauge à brins Figure 3.2.1.b : Schéma du circuit électrique du montage Figure 3.2.1.c : Evolution des tensions de sortie expérimentales obtenues pour un essai à -150°C avec une jauge CPD (a) et une jauge CPA (b)
3.2.2. Traitement des données des jauges et détermination de l'avancée de fissure
Le déclenchement de l'acquisition rapide repose sur la voie de mesure de tension de la jauge CPA. En effet, cette jauge présente un espacement régulier entre chaque brin de 1.27 mm lui permettant de mesurer la propagation d'une fissure qui traverse complètement l'éprouvette CT25 le cas échéant.
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Une séquence de maintien en force est intégrée au dispositif afin de suspendre la mise en charge au moment où l'acquisition rapide se déclenche dans le cas de la rupture d'un brin sans pour autant que la fissure ne soit amorcée. Le système se réinitialise, puis la mise en charge peut alors continuer. Ce type de situation se rencontre lorsque les premiers brins de la jauge sont proches de l'entaille mécanique usinée. L'ouverture de la pré-fissure de fatigue suffit alors à les rompre. Par ailleurs, aux températures de -100°C, -75°C et -50°C, la plasticité autour de la pointe de fissure est responsable de l'allongement et de la rupture des premiers brins des jauges alors qu'il n'y a aucune avancée notable de la fissure. Le déclenchement de l'acquisition rapide entraîne le transfert des données de la mémoire vive à la mémoire dure. Cette étape, nécessitant un temps relativement conséquent (deux à trois minutes), justifie un maintien en force. La technique des jauges reste cependant associée à un certain nombre d'incertitudes difficilement quantifiables sur la corrélation exacte entre la vitesse de rupture des brins de la jauge et la vitesse de la fissure elle-même. En effet, une multiple fissuration dès l'amorçage ainsi qu'un décollage possible de la jauge sur les premiers brins suite à une plasticité importante sont à l'origine d'approximations de mesure. Des moyens optiques auraient pu permettre l'étude de la rupture fragile des aciers et offrir une alternative pour estimer la vitesse de propagation de fissure, mais les laboratoires sont confrontés à deux difficultés majeures. Le premier problème est relié au fait que les essais se déroulent dans une enceinte thermique à très basse température. Cela entraine de travailler avec une longue distance focale et la formation facile de givre sur le hublot de l'enceinte et sur la surface d'étude de l'éprouvette du fait de l'humidité environnante et des problèmes d'isolation de l'enceinte. La seconde difficulté s'explique par la nécessité de grande fréquence d'acquisition puisqu'une fissure de clivage atteint jusqu'à 1000 m/s. Il est nécessaire de filmer une zone de quelques centimètres carrés à une fréquence de plusieurs centaines de milliers d'images par seconde (ips). Or la résolution spatiale des caméras rapides décroît avec la fréquence d'acquisition. Ces exigences nous conduisent rapidement aux limites de performance des moyens disponibles dans le commerce et seules les caméras rapides de dernière génération permettent d'atteindre ces exigences de performance. Dans le cadre de cette thèse, un important travail technologique pour éliminer le givrage à l'intérieur d'enceintes thermiques de grande dimension a été effectué avec succès. La mise en place d'un procédé expérimental optimisé au sein du CEA/LISN associée à la dernière génération de caméra d'acquisition rapide ont permis l'étude directe de la propagation de fissures de clivage.
3.2.3. Description du procédé expérimental avec système d'acquisition rapide
Le recours à une caméra d'acquisition rapide a été fait afin de confirmer la validité des résultats obtenus avec les jauges à brins. Des améliorations ont été réalisées sur l'enceinte thermique (INSTRON) afin d'assurer une parfaite isolation et étanchéité. La formation de givre au sein de l'enceinte et sur l'éprouvette a ainsi été évitée. L'enceinte thermique ne dispose d'un hublot de ce qui donne très peu de latitude quant à la position de la caméra et de l'éclairage. Après analyse des différentes caméras d'acquisition ultra-rapide présentes sur le marché, quatre caméras ont présenté un intérêt par rapport à leur fréquence d'acquisition suffisante pour étudier la rupture par clivage. La plupart des caméras disponibles sur le marché ont rapidement été éliminés pour leurs capacités techniques insuffisantes et leurs coûts. Deux caméras ont été testées dans le cadre de cette thèse et le choix s'est finalement porté sur la caméra PHANTOM V710 de Vision Research pour sa meilleure fréquence d'acquisition toute chose étant égale par ailleurs et pour un logiciel d'acquisition et de post-traitement plus performant. Figure 3.2.3.a : Propriétés d'acquisition de la caméra rapide
Des tests préliminaires ont mis en évidence l'insuffisance de lumière pour filmer le phénomène de rupture lorsque la source de lumière et la caméra sont perpendiculaires à la surface de l'éprouvette CT. En effet, même le recours à deux lampes DEDOCOOL reste insuffisant. De plus, il est nécessaire d'utiliser une seule lampe DEDOCOOL pour éviter d'augmenter la température de la surface de l'éprouvette. La figure 3.2.3.b montre le dispositif expérimental. Le phénomène de rupture est observé en filmant le reflet de la lumière. Cette méthode requiert un polissage miroir de la surface de l'éprouvette CT. Des résolutions spatiales, comprises entre 256×32 pixels à 520 000 ips et 128×16 pixels à 1 100 000 ips, ont été choisies (figure 3.2.3.b). A 520 000 ips et 1 100 000 ips, une fissure ayant une vitesse de 600 m/s se propage respectivement sur 1.15 mm et 0.54 mm entre chaque image. Entre 40 et 60 images montrant l'avancée de la fissure sont obtenues par essai. La figure 3.2.3.d montre quelques images de l'enregistrement d'un essai à 520 000 ips pour une expérience à -150°C. La figure 3.2.3.c montre le principe de l'enregistrement. Afin de valider les mesures des jauges à brins, une jauge est collée sur la surface de l'éprouvette CT non filmée (figure 3.2.3.b). Sur la surface polie miroir de l'éprouvette CT, des marques ont été effectuées et les positions du bout de l'entaille mécanique et de l'éprouvette CT sont visible afin d'obtenir un facteur de corrélation entre les pixels et les millimètres. L'avancée de fissure est analysée à l'aide d'un logiciel d'analyse d'image. Chaque avancée de fissure est déterminée à l'aide du facteur de corrélation entre les pixels et les millimètres. La figure 3.2.3.e montre les vitesses de propagation de fissure instantanées données par une jauge à brins et par la caméra d'acquisition rapide pour un essai à -150°C avec un trajet de fissure rectiligne. La caméra est beaucoup plus précise sur les phases d'amorçage et d'arrêt de fissure que les jauges à brins. En effet, la caméra permet de filmer des phases d'arrêt-réamorçage en fin de propagation de fissure (figure 3.2.3.e). En termes de valeurs de vitesse, les principales différences sont observées sur la phase d'amorçage. Figure 4.1.a : Trajet de fissure rectiligne (a) et branché (b)
Quatre-vingt essais ont été réalisés au cours de cette thèse. Le tableau 4.1.a récapitule les données expérimentales concernant les longueurs de fissure à l'amorçage et à l'arrêt, le type de trajet de fissure (rectiligne ou branché) ainsi que la méthode de mesure de l'avancée de la fissure pour les essais réalisés à -150°C, -125°C, -100°C, -75°C et -50°C. Ce tableau intègre également les données expérimentales à -125°C issues de la thèse de Prabel [7]. Les tableaux suivants montrent que la fissure se propage entièrement ou s'arrête jusqu'à 2 mm du bord de l'éprouvette CT. Pour les fissures ayant entièrement traversé l'éprouvette, les enregistrements à la caméra mettent en évidence différentes phase d'arrêt-redémarrage dans la fin de propagation de la fissure. L'annexe B synthétise l'ensemble des données expérimentales. Chapitre II. acier de cuve 16MND5 87 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Tableau 4.1.a. : Trajet de fissure et longueurs initiale et à l'arrêt de fissure de -150°C à -50°C 88
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
La longueur de pré-fissuration est calculée comme étant le rapport entre l'aire pré-fissurée et sa largeur, constituant ainsi une longueur moyenne. Les mesures sont exploitables lorsque l'avancée de fissure en fonction du temps a pu être déterminée. La rupture des premiers brins des jauges avant la rupture de l'éprouvette CT a rendu l'exploitation de certains essais impossible. L'essai 520RX-S n'a pas réussi à être enregistré à l'aide de la caméra et les données de l'essai 520RX-Y n'ont pas été enregistrées.
4.2. Données d'amorçage
Les enregistrements effectués lors de la mise en charge permettent de tracer les courbes forceouverture pour les différentes éprouvettes. La figure 4.2.a présente les courbes obtenues à -100°C. Figure 4.2.a : Ensemble des courbes force-ouverture du clip à -100°C pour les éprouvettes CT d'épaisseur 10 mm (a et b), 15 mm (c) et 25 mm (d)
Les différences de pente observées sur la figure 4.2.a s'expliquent par des valeurs de pré-fissure initiales différentes. Les éprouvettes d'épaisseur 3, 5, 10 et 15 mm ont toutes présentées deux types de trajet de fissure (rectiligne ou branché). Les éprouvettes d'épaisseur 25 mm testées de -150°C à -75°C présentent des trajets de fissure rectiligne, ce qui peut s'expliquer par une plasticité plus faible (hypothèse de déformation plane vérifiée).
89 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
A partir de la courbe force-ouverture expérimentale, l'intégrale J (II.19) est déterminée en appliquant la norme ASTM E1820 [31]. où est la composante plastique de la largeur de l'éprouvette CT, son épaisseur, la longueur de la fissure, avec. courbe force-ouverture plastique et un coefficient fonction de et l'aire sous la Le facteur d'intensité des contraintes généralisé en élasto-plastique (II.21) est tel que : L'ensemble des données relatives à l'amorçage est résumé dans le tableau 4.2.a. Une forte dispersion dans les valeurs de facteur d'intensité des contraintes généralisé en élasto-plastique se distingue entre des trajets de fissure rectiligne et branché. On s'aperçoit que quelque soit l'épaisseur de l'éprouvette CT, le branchement de fissure apparaît pour les niveaux de force à rupture les plus élevées. La figure 4.2.b représente la sollicitation à l'amorçage en fonction de la température pour différentes épaisseurs d'éprouvette CT. Cette figure montre les fissures rectilignes sont obtenues plus faibles que celles des fissures branchées. pour des sollicitations à l'amorçage
90 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5 91 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Tableau 4.2.a : Valeurs des sollicitations à l'amorçage à -50°C Figure 4.2.b : Facteurs d'intensité des contraintes à l'amorçage de toutes les éprouvettes CT
Pour les trajets de fissure rectiligne, les niveaux de à l'amorçage sont plus bas pour les faibles épaisseurs. Pour les branchements de fissure, les niveaux de sollicitation à l'amorçage sont décorrélés de l'épaisseur de l'éprouvette dans la mesure où des éprouvettes d'épaisseur 5 mm ou 10 mm présentent des valeurs de plus élevées que des éprouvettes d'épaisseur 15 mm ou 25 mm. La figure 4.2.c superpose les essais réalisés dans le cadre de cette thèse et ceux réalisés au CEA/LISN au cours de trois campagnes expérimentales sur CT25 pour une gamme de température comprise entre -175°C et 200°C [263, 264, 269].
Les résultats du LISN ont été décalés de 2°C pour faciliter la lecture du graphique. D'une manière générale, ces essais réalisés sur des éprouvettes CT d'épaisseur 25 mm (symbole vert) présentant tous des trajets de fissure rectilignes sont associés à des niveaux de sollicitations à l'amorçage inférieurs à ceux qui ont menés au branchement de fissure dans cette thèse (symbole rouge).
92 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.2.c : Facteurs d'intensité des contraintes à l'amorçage de toutes les éprouvettes CT
De nombreuses éprouvettes ont présenté un trajet de fissure branché. Ce phénomène est plus particulièrement abordé au chapitre 5. Les éprouvettes n'ont pas d'entailles latérales qui réduisent l'épaisseur du ligament dans le plan de symétrie, ne créant ainsi pas de plan de rupture privilégié en raison des techniques d'identification de l'avancée de fissure. Cela peut justifier l'importance du branchement de fissure observé. De plus, la faible épaisseur des CT est à l'origine de zones plastiques plus étendues en pointe de fissure. Ainsi, un amorçage à un niveau de chargement élevé accentue l'influence de la plasticité sur le trajet de fissure.
4.3. Vitesse de propagation des fissures rectilignes
L'ensemble des données expérimentales obtenues avec la caméra rapide est illustrée par la figure 4.3.a. La mesure d'avancée de fissure en fonction du temps donne des tendances assez reproductibles. La propagation débute avec une vitesse de propagation élevée. Celle-ci est comprise entre 600 m/s et 1400 m/s. Ensuite, la fissure se propage à une vitesse relativement constante (500 m/s à 900 m/s), avant de décélérer sur les derniers millimètres précédant le bord de l'éprouvette, jusqu'à l'arrêt de fissure. Dans la dernière phase de propagation, des phénomènes d'arrêt-redémarrage de fissure sont observés. D'une manière générale, les vitesses instantanées sont d'autant plus élevées que la ténacité à l'amorçage est importante (tableau 4.2.a). A -150°C, les éprouvettes 520RX-I, 520RX-AN, 520RX-M et 520RY-AQ présentent les vitesses et les sollicitations à l'amorçage les plus élevées. A -125°C, les vitesses les plus élevées et les moins élevées sont respectivement obtenues pour l'éprouvette 520RX-BK ( élevée) et 520RX-AW ( plus faible). Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.3.a : Evolutions des longueurs de fissure et des vitesses de propagation pour différents essais analysés avec la caméra à -150°C (a,b), -125°C (c,d), -100°C (e,f), -75°C (g,h) et -50°C (i,j)
Finalement, trois phases se distinguent dans la propagation du clivage (figure 4.3.b) [6]. Une première phase transitoire juste après l'amorçage, caractérisée par des des vitesses de propagation très élevées (600 m/s à 1400 m/s). Une deuxième phase qui correspond à un régime établi de propagation du clivage, caractérisé par une vitesse de propagation pratiquement constante et assez élevée (500 m/s à 900 m/s). Enfin, la dernière phase est celle de l'arrêt, où l'énergie disponible dans la structure n'est plus suffisante pour maintenir le régime établi et où des étapes d'arrêt-redémarrage de fissure sont possibles. Figure 4.3.b : Trois phases de propagation du clivage
La figure 4.3.c montre l'évolution de la vitesse lissée sur le régime établi de propagation en fonction de la sollicitation à l'amorçage. Pour les faibles sollicitations à l'amorçage, la vitesse est et il y a une évolution croissante de la vitesse de la fissure allant de 400 m/s proportionnelle à jusqu'à 800 m/s. Puis, à partir de 200 MPa.m0,5, il y a une diminution de la vitesse de propagation autour d'une vitesse comprise entre 700 m/s et 750 m/s. Cela semble indiquer l'atteinte d'une valeur maximale de vitesse dans le régime établi de propagation inférieure à 900 m/s quelque soit la sollicitation à l'amorçage. De plus, la figure 4.3.c semble montrer une valeur de minimale à l'origine d'une vitesse limite minimale de propagation estimée ici à 400 m/s. Un surplus d'énergie permet donc de promouvoir la propagation du clivage. Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.3.c : Evolution de la vitesse de la fissure dans le régime établi de propagation en fonction de la sollicitation à l'amorçage 4.4. Analyses fractographiques 4.4.1. Objectifs des observations
Des observations des faciès de rupture des éprouvettes CT ont été réalisées par différentes méthodes afin de préciser les mécanismes physiques de la rupture. Il s'agit de déterminer le mode de rupture dans un premier temps, puis d'analyser les différentes phases de la propagation par clivage, à savoir la phase transitoire de l'amorçage, le régime établi de la propagation et la phase d'arrêt de fissure. Le phénomène de branchement de fissure est plus particulièrement étudié dans le chapitre 5. Un certain nombre de questions restaient en demeure : - Où sont localisés les sites d'amorçage? - Comment s'explique des vitesses non physiques (>1200 m/s) à l'amorçage dans certains cas? - Le faciès de rupture présente-t-il des marches de cisaillement ainsi que des ligaments ductiles non rompus en arrière du front de fissure, comme cela a déjà été observé par différents auteurs [165, 167, 213, 214]? - Quelles sont les caractéristiques des faciès de rupture pour les trois phases du clivage (amorçage, propagation et arrêt)?
4.4.2. Techniques d'observation et de mesure
Les observations fractographiques ont été effectuées à l'aide de différents microscopes optiques et microscopes électroniques à balayage (MEB) au laboratoire MSSMat de l'Ecole Centrale Paris et au CEA Saclay. Des reconstructions des faciès de rupture en 3D ont été réalisées à partir de l'appareil InfiniteFocus de chez Alicona qui permet de mesurer tridimensionnellent en optique la forme et la rugosité de matériau. Ce système permet de travailler sur des surfaces et des volumes de mesure de grande taille. L'InfiniteFocus utilise le principe de variation focale. Le principe de la variation focale est inclus dans la norme EN ISO 25178 [292]. La variation focale est une technologie de mesure matricielle des états de surface 3D de haute résolution verticale. Cette méthode optique fournit une densité de plus de 100 millions de points de mesure ce qui permet des mesures de forme et de rugosité
Essais Figure 4.4.2.a : Reconstruction 3D du faciès de rupture d'une éprouvette CT
4.4.3. Etude de l'amorçage 4.4.3.1. Position des sites de clivage
La position des sites de clivage a été étudiée sur dix éprouvettes à différentes températures dont le trajet de fissure est soit rectiligne, soit branché (tableau 4.4.3.1.a). Les observations sont synthétisées sur la figure 4.4.3.1.a. L'identification de site d'amorçage du clivage s'effectue en observant la convergence des lignes de cisaillement puis les directions des rivières de clivage. Les fractographies répertoriées mettent en évidence le site de clivage qui semble être le principal. D'une manière générale, le site de clivage principal se trouve à une distance comprise entre 50 et 190 μm de la préfissure de fatigue. D'après le tableau 4.4.3.1.a, il semble y avoir une augmentation de la position du site de clivage avec la température pour une épaisseur donnée de l'éprouvette CT. L'épaisseur de l'éprouvette CT n'a pas d'impact particulier sur la distance du site de clivage observé. Cependant, plus l'épaisseur de l'éprouvette augmente, plus il y a de sites secondaires de clivage. Rossoll trouve principalement des distances comprises entre 50 et 370 μm entre la pré-fissure de fatigue et le site principal de clivage pour 25 essais sur CT à -90°C [5]. Dahl identifie une distance comprise entre 25 μm et 990 μm sur des éprouvettes CT en acier 18MND5 testées entre -150°C et -50°C [6]. Figure 4.4.3.1.a : Distance du site principal de clivage à la pré-fissure de fatigue
97 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.3.1.a.a : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RY-BJ (150°C, ) Figure 4.4.3.1.a.b : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RY-BI (150°C, )
Les figures 4.4.3.1.a.b à 4.4.3.1.a.g semblent montrer un amorçage multiple avec différents plans de clivage et un relief qui sont nettement visibles. Ces éprouvettes présentent des valeurs de sollicitation à et. l'amorçage élevées comprises entre
98 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.3.1.a.c : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520ZY (-150°C, ) Figure 4.4.3.1.a.d : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RX-N (125°C, )
99 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.3.1.a.e : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RX-E (125°C, ) Figure 4.4.3.1.a.f : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RX-L (125°C, )
100 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.3.1.a.g : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RY-BK (100°C, ) Figure 4.4.3.1.a.h : Observations
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.3.1.a.i : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RX-AV (100°C, ) Figure 4.4.3.1.a.j : Observations fractographiques du site d'amorçage de l'éprouvette 520RX-AP (50°C, )
4.4.3.2. Origine des vitesses élevées à l'amorçage
Dans le régime transitoire de l'amorçage, des vitesses supérieures à 1200 m/s ont été observées à l'aide de la caméra rapide pour certaines éprouvettes. Ces vitesses ne sont pas fondées physiquement. En effet, la valeur de vitesse des ondes de Rayleigh est de 3000 m/s pour cet acier. Or, les observations expérimentales de propagation de fissure de clivage montrent des vitesses n'excédant pas 30% de la vitesse des ondes de Rayleigh [4-7]. C'est pourquoi, des études fractographiques ont été effectuées pour comprendre et expliquer ces hautes valeurs identifiées. Essais à -100°C : Les éprouvettes 520RX-AT et 520RX-AZ ont été analysées. Ces éprouvettes présentent des valeurs de vitesse de propagation instantanée de l'ordre de 1200 m/s selon les données de la caméra d'acquisition rapide. Figure 4.4.3.2.a : Observations du faciès de rupture à différents grossissements de l'éprouvette CT 520RX-AT (-100°C, ) Figure 4.4.3.2.b : Origine des vitesses élevées enregistrées par la caméra pour l'amorçage
La figure 4.4.3.2.c présente le faciès de clivage de l'éprouvette 520RX-AZ. Le site de clivage est situé dans la zone B avec une orientation du clivage vers la face filmée de l'éprouvette, ce qui explique des valeurs de vitesse de propagation instantanée élevées.
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.3.2.c : Observations du faciès de rupture de l'éprouvette CT 520RX-AZ (-100°C, )
Essai à -75°C: L'éprouvette 520RX-C présente des vitesses de propagation instantanées à l'amorçage aux alentours de 1200 m/s selon les données de la caméra d'acquisition rapide. La figure 4.4.3.2.d présente le site d'amorçage du clivage localisé en A sur l'éprouvette 520RX-C. Il est situé du côté opposé à la face filmée. Les orientations du clivage sont indiquées par des flèches. Les hautes valeurs de vitesse initiale détectées sont dues à l'apparition instantanée de la fissure sur la surface de l'éprouvette CT filmée. Figure 4.4.3.2.d : Observations du faciès de rupture à différents grossissements de l'éprouvette CT 520RX-C (-75°C, )
4.4.3.3. Analyses profilométriques et résultats
Dix éprouvettes CT ont été étudiées avec l'appareil InfiniteFocus de chez Alicona pour corréler les hauteurs et les densités de marches de cisaillement dans les différentes phases du clivage (amorçage, propagation, arrêt) aux ténacités à l'amorçage et aux vitesses de propagation. L'ensemble des éprouvettes testées sont regroupées dans le tableau 4.4.3.3.a. Le tableau 4.4.3.3.a et la figure 4.4.3.3.a montrent l'évolution du pourcentage de marches de cisaillement sur le faciès entier de chaque éprouvette. Les éprouvettes 520RX-AK et 520RX-BJ présentent une déchirure ductile avant la rupture par clivage. Ces éprouvettes ont été étudiées afin d'avoir une large gamme de ténacité à rupture à l'amorçage. 104 Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Tableau 4.4.3.3.a : Résultats sur l'ensemble du faciès de rupture Amorçage + Propagation + Arrêt
Figure 4.4.3.3.a : Evolution de la fraction surfacique totale de marche sur le faciès de rupture en fonction de la ténacité à l'amorçage
D'après la figure 4.4.3.3.a, il y a une croissance de la fraction surfacique de marches de cisaillement avec la sollicitation à l'amorçage qui augmente avant d'atteindre une valeur limite. Plus il y a d'énergie dans l'éprouvette, plus il y a une possibilité de formations de marches de cisaillement. La zone transitoire de l'amorçage a plus particulièrement été étudiée. Il s'agit d'une zone comprise entre 2 mm et 3 mm qui est située après la pré-fissure de fatigue. Cette zone se différencie nettement de la zone de propagation qui lui succède au microscope optique et au MEB ainsi que par des vitesses enregistrées très aléatoires d'un essai à l'autre. Le tableau 4.4.3.3.b et la figure 4.4.3.3.b rassemblent les valeurs obtenues pour la zone d'amorçage. Il y a une augmentation du pourcentage de marche de cisaillement avec la sollicitation à l'amorçage de manière analogue à la figure 4.4.3.3.a. D'après la figure 4.4.3.3.c, la hauteur des marches de cisaillement et les vitesses initiales ne sont pas corrélées à la sollicitation à l'amorçage. La pré-fissure de fatigue, très plane, a un effet "directeur" sur les sites d'amorçage qui sont en amont pratiquement dans ce même plan (émoussement peu marqué dans ce domaine de température). L amorçage se produit à partir du point le plus faible en amont de la fissure et les sites potentiels de clivage sont distribués aléatoirement. Cela explique qu'on n'observe pas de lien direct entre le niveau de sollicitation à l'amorçage et la hauteur des marches. Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Amorçage Figure 4.4.3.3.b : Evolution de la fraction surfacique de marche de cisaillement dans la zone d'amorçage en fonction de la ténacité à l'amorçage
Amorçage
Amorçage Figure 4.4.3.3.c : Evolution des hauteurs de marche de cisaillement et de la vitesse initiale lissée sur 5 mm en fonction de la ténacité à l'amorçage
4.4.4. Etude de la propagation en régime stabilisé
La propagation du clivage correspond à un régime établi où la vitesse de propagation est pratiquement constante et plutôt élevée (600 à 900 m/s). Les observations réalisées cherchent à caractériser les micro-mécanismes physiques de rupture de cette zone.
4.4.4.1. Observations MEB
Des éprouvettes à différentes températures ont été analysées. Les figures 4.4.4.1.a à 4.4.4.1.d présentent quelques fractographies MEB des différentes observations réalisées. Ces observations au MEB mettent en évidence l'existence de nombreuses marches de cisaillement orientées dans la direction de la propagation du clivage. Ce type d'observation a déjà été fait [165, 167, 213, 214]. En plus de la séparation des différents plans de clivage, l'énergie à rupture sert aussi à déchirer en cisaillement les différentes marches pour que les différents plans de clivage se rejoignent. La figure 4.4.4.1.e confirme ce phénomène avec une vue en coupe d'une éprouvette CT au cours de la propagation d'une fissure où se distinguent différents plans de clivage. La figure 4.4.4.1.f montre une vue dans l'épaisseur d'une éprouvette CT avec différents plans de clivage nettement visibles. Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.4.1.a : Fractographie de l'éprouvette 520RY-BI (-150°C, ) Figure 4.4.4.1.b : Fractographie de l'éprouvette 520RX-G (-125°C, )
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.4.1.c : Fractographie de l'éprouvette 520RY-BK (-100°C, ) Figure 4.4.4.1.d : Fractographie de l'éprouvette 520RX-BC (-75°C, ) Figure 4.4.4.1.e : Vue en coupe de l'éprouvette CT 520RX-N (-125°C, 108 )
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.4.1.f : Vue dans l'épaisseur de l'éprouvette CT 520RX-K (-125°C, ) 4.4.4.2. Analyses profilométriques et résultats
De même que lors de la phase transitoire de l'amorçage, la fraction surfacique de marche de cisaillement tend vers une valeur limite au cours de la propagation (figure 4.4.4.2.a). La figure 4.4.4.2.a semble mettre en évidence que la hauteur moyenne des marches et la vitesse moyenne dans la phase de propagation sont corrélées à la sollicitation à l'amorçage. Pour les faibles valeurs de sollicitation à l'amorçage, il semble y avoir une évolution linéaire de la fraction surfacique et de la hauteur moyenne des marches de cisaillement. La fraction surfacique est d'environ 3% pour 60 MPa.m0,5 et augmente jusqu'à 8% pour 123 MPa.m0,5 avant d'atteindre une limite supérieure de l'ordre de 9%. Il en va de même pour la hauteur des marches qui évolue de 115 μm à 190 μm avant d'atteindre une limite supérieure à environ 200 μm.
Propagation
Figure 4.4.4.2.a : Influence de ténacité à l'amorçage sur la fraction surfacique, la hauteur des marches de cisaillement et la vitesse moyenne pendant la phase de propagation de la fissuration
4.4.5. Etude de l'arrêt
La zone d'arrêt est la phase où il y a un effondrement de la vitesse liée à l'épuisement de l'énergie disponible, ce qui rend le clivage plus difficile.
4.4.5.1. Observations MEB
La figure 4.4.5.1.a montre deux fractographies MEB de la phase d'arrêt de différentes éprouvettes. D'une manière générale, le relief est plus régulier que sur les autres phases du clivage. Ce type d'observation a déjà été faite [4, 6, 7]. D'un point de vue énergétique, cela peut s'expliquer par le fait que seuls les plans favorablement orientés clivent du fait d'une diminution de l'énergie à rupture disponible dans l'éprouvette. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.5.1.a : Fractographies MEB de la phase d'arrêt des éprouvettes 520ZY (a : -150°C, ) et 520RX-E (b : ) 4.4.5.2. Analyses profilométriques et résultats
La fraction surfacique de marche de cisaillement augmente avec la ténacité à l'amorçage dans la phase d'arrêt (figure 4.4.5.2.a). Par contre, la sollicitation à l'amorçage a peu d'effet sur la hauteur des marches. L'énergie stockée a été dissipée dans le régime établi de la propagation. La phase d'arrêt apparait donc décorrélée des conditions d'amorçage et de propagation pendant le régime établi. Cette phase d'arrêt semble être pilotée par la microstructure du matériau puisque la hauteur moyenne des marches représente environ deux à trois fois la taille d'un ancien grain austénitique (110 μm) comme le confirment les observations en EBSD (normale de référence parallèle au chargement appliqué) et les micrographies réalisées sur la phase d'arrêt de l'éprouvette CT 520RX-K (figure 4.4.5.2.b).
Arrêt
Figure 4.4.5.2.a : Influence de ténacité à l'amorçage sur la fraction surfacique et la hauteur des marches de cisaillement
Les figures 4.4.5.2.c et 4.4.5.2.d présentent l'évolution de la hauteur et de la fraction surfacique de marche de cisaillement en fonction de la vitesse moyenne de la fissure dans les trois régimes de clivage. Une tendance d'évolution similaire se retrouve sur les deux graphiques reliant les phases de propagation et d'arrêt de fissure. Une continuité entre ces deux phases est mise en évidence. Par contre, la phase d'amorçage se distingue plus nettement des autres phases du clivage. Nous avons vu précédemment que la sollicitation à l'amorçage KJ a un effet sur la fraction surfacique de marche de cisaillement. Plus KJ augmente, plus le pourcentage de marche augmente. Par contre, les conditions d'amorçage ont peu d'effet sur les vitesses initiales et sur la hauteur de marche. Cela est certainement à mettre en relation avec la pré-fissure de fatigue qui impose un caractère rectiligne et les hauteurs de marche n'ont donc pas eu le temps de s'installer. Les figures 4.4.5.2.c et 4.4.5.2.d montrent que plus la vitesse initiale de la fissure est importante, plus la hauteur des marches de cisaillement et le pourcentage surfacique augmentent. Figure 4.4.5.2.b : Observation en EBSD (normale de référence parallèle au chargement appliqué) et micrographies de la phase d'arrêt de fissure de l'éprouvette CT 520RX-K (-125°C, )
Chapitre II. Essais de propagation et d'arrêt de fissure dans un acier de cuve 16MND5
Figure 4.4.5.2.c : Evolution de la hauteur des marches en fonction de la vitesse de propagation Figure 4.4.5.2.d : Evolution du pourcentage surfacique de marches en fonction de la vitesse de propagation
5. Conclusion
Dans un premier temps, l'acier 16MND5 a été présenté ainsi que son comportement mécanique en quasi-statique et en dynamique. L'étude du comportement du matériau aux grandes vitesses de déformation a été plus particulièrement décrite. Des essais sur barres d'Hopkinson jusqu'à ont permis d'identifier les paramètres de la loi de comportement élasto-viscoplastique qui est utilisée pour les modélisations numériques. La campagne expérimentale de propagation et d'arrêt de fissure a ensuite été présentée. Les techniques d'analyse de l'avancée de fissure ont été abordées. En plus de l'utilisation de jauges à brins standard, un protocole optimisé au CEA/LISN utilisant une caméra d'acquisition ultra-rapide a permis d'affiner les mesures dans les zones d'amorçage et d'arrêt de fissure. Des phénomènes d'arrêt-redémarrage ont été observés en fin de propagation, ce qui était jusque là inenvisageable avec les jauges.
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Avalappoq, prendre la mer et danser : migrations étudiantes et formation des positions dominantes entre Groenland et Danemark. Géographie. Université Bordeaux Montaigne, 2022. Français. ⟨NNT : 2022BOR30022⟩. ⟨tel-04416884⟩
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Le quatrième axe mérite un développement plus long. Encore peu abordé dans cette thèse, il s’articule avec l’axe précédent, puisqu’il exprime le rapport à l’identification autochtone. Catégorie d’action politique (Hirt et Collignon, 2017), le fait de se reconnaître dans la catégorie de peuples autochtones (oprindelige folk en danois) est loin d’être évident pour les étudiant·e·s. Elle est davantage associée aux Inuit du Canada, aux « aborigènes » ou aux « Amérindien·ne·s ». Parfois inconnue (« je n’arrive toujours pas à bien comprendre le mot autochtone »)393, il était fréquent qu’on me demande d’expliquer ce que j’entendais par-là. Si certain·e·s se présentent comme « Inuk du Groenland », ou comme « Kalaaleq, autochtone Groenlandais », nombreux et nombreuses sont les personnes qui considèrent la catégorie comme peu parlante : “We just talk about, we are Kalaallit. Eh... we are Greenlanders. When I was growing up, I never heard... I really never heard like, eh, indigenous, it’s not something... it’s not a term that we use to describe ourselves. It’s not something that I can relate to ». « On parle juste du fait que, nous sommes kalaallit. Euh... nous sommes Groenlandais·e·s. En grandissant j’ai jamais entendu... jamais vraiment, euh, autochtone, c’est pas un truc qu’on utilise pour se désigner. Ce n’est pas quelque chose dans quoi je me reconnais ». Nadine Korneliussen, master en commerce et design de la performance (RUC), mère institutrice (groenlandaise), père contrôleur des pêches (groenlandais), novembre 2019
Elle a également tendance à être associée à des significations bien loin de son usage politique et de sa compréhension comme produit de la colonisation (Smith, 2008), ce qui peut expliquer le fait qu’elle soit perçue comme inadéquate pour qualifier la situation groenlandaise. Une acception quantitative (« je l’entends par combien une population peut être petite sur son propre territoire ») la rend incompatible avec une situation où « nous sommes la majorité ». Des acceptions marquées par le nationalisme méthodologique (Wimmer et Glick-Schiller, 2002 ; 2003), peuvent paraître a priori antinomique avec le terme lui-même : “Because I grew up in an indigenous country, yeah you can put it like that. Well, of course I am also part Danish, so, I’m both, but definitely recognize myself as an indigenous people”. « Parce que j’ai grandi dans un pays autochtone, oui, tu peux le dire comme ça. Bon bien sûr je suis aussi en partie danoise, donc, je suis les deux, mais je me reconnais clairement comme faisant partie des peuples autochtones ». Nuka Larsen, licenc
e
d’humanités (RUC), père chirurgien (groenlandais), mère gestionnaire (groenlandaise), Copenhauge, février 2019
393
« I’m still very confused about the word indigenous ». 469
CHAPITRE 9 | Les directions contraires de la conversion
Mais plutôt que d’y voir une contradiction entre une identification qui porte la défense des droits contre les logiques assimilationnistes des États-nations et une identification par la nation, ce type d’acception me semble au contraire caractéristique de l’intériorisation du schème westphalien que j’évoquais plus haut. Enfin, d’autres acceptions, moins courantes, sont teintées d’universalisme : “Indigenous. It is the same word as oprindelige I guess. I think when I say indigenous I guess it’s kind of the same, it’s oprindelige, like those who were there before, or something. When I think indigenous... Well, I guess you, me, we all are from indigenous descent!” « Autochtones. Je crois que c’est le même mot qu’oprindelige [original]. Je pense que quand je dis autochtone, je pense que c’est genre la même chose, c’est oprindelige, genre celles et ceux qui étaient là avant, un truc comme ça. Quand je pense autochtone... ouais, je pense que toi, moi, on descend tous et toutes des autochtones! » Emil Jensen, master de psychologie (KU), mère juriste (groenlandaise) père ingénieur (danois), Copenhague, mai 2019 Ces dernières ne sont pas sans rappeler les ressorts du « nativisme de l’occupant » (settler nativism, Tuck et Yang, 2012), cette revendication blanche d’une descendance autochtone lointaine, verrou caractéristique d’un « mouvement vers l’innocence » qui permet le maintien de l’hégémonie blanche et la dissimulation du privilège en contexte settler (ibid.). À ce titre, cela ne me semble pas un hasard que cette remarque émane d’une personne mixte, ayant peu de liens avec son héritage groenlandais (voir infra). Par ailleurs, Emil est l’enquêté ayant passé le moins de temps au Groenland parmi l’ensemble du corpus, où il ne vit plus depuis plus d’une dizaine d’années. Le choix de l’une des quatre dénominations (Eskimo, Grønlænder, Kalalleq, Inuk) fait donc jouer ces quatre paramètres (voir tableau 9-1). Choisir l’un plutôt que l’autre renvoie ainsi à des dispositions linguistiques, à des connaissances plus ou moins approfondies de l’histoire coloniale et des mécanismes du racisme, à des rapports différenciés au schème westphalien, et révèle bien souvent une compréhension extrêmement hétérogène de l’identification minoritaire parmi les étudiant·e·s. Au-delà de l’identification au groupe en position subalterne dans les rapports de race, ce premier aperçu, constitué sur le mode de la photographie, sans profondeur biographique, permet de montrer deux choses. Il reflète tout d’abord l’intériorisation de certains schèmes d’interprétation du monde et de certaines pratiques pouvant être associées à la blanchité, et ce, sans être un effet spécifique de la socialisation propre à la migration étudiante, comme le montrent à la fois les temporalités des déclarations et les explications s’appuyant sur des pratiques et habitudes acquises antérieurement. Ensuite, il met en évidence que la façon même de désigner le groupe montre comment le rapport à son propre positionnement racial est influencé par les propriétés de classe des individus, et en particulier par le capital culturel. L’exemple de l’interaction avec Maja Steenholdt, et de l’inconfort de me trouver, blanche, dans une posture de donneuse de leçons de racisme, est à ce titre évocatrice. Maja est faiblement dotée en capitaux culturels : elle a un rapport distendu à l’institution scolaire, fait de multiples bifurcations. Cela crée des déséquilibres, notamment de goûts et de modes de vie, avec son petit ami qui vient ’être diplômé en ingénierie arctique après 7 ans d’études. Il convient désormais de réinsérer une dimension plus longitudinale, afin de voir quels sont les mécanismes qui vont contribuer à ces différentes façons de se penser minoritaire. Déplacements et traversée des frontières sociales
Usages Terme employé et traduction Grønlænder Groenlandais·e Kalaalleq Kalaalleq Inuk Personne/ Humain Eskimo Esquimau Caractéristiques dispositionnelles
Rapport à la langue Plurilinguisme (le danois et le kalaallisut sur les deux langues du Groenland). Usage dominant du kalaallisut comme langue du groupe. Revendication potentielle de l’usage de l’anglais plutôt que du danois. Revendication d’une inscription dans une aire linguistique localisée. Du fait des propriétés sociales des personnes mobilisant la catégorie, usage fréquent d’autres langues (anglais et danois). Revendication potentielle de l’abandon du danois au profit de l’anglais. Le kalaallisut est la langue principale et l’héritage culturel et distinctif du groupe. Rapport au racisme Cécité fréquente, racisme souvent envisagé comme expression d’actions individuelles. Lorsqu’absence de cécité, reconnaissance possible conscience du colorisme. Emploi euphémistique du terme d’ethnicité fréquent. Reconnaissance de l’existence d’un racisme « anti-blancs » possible. Cécité à la couleur rare, mais qui peut cohabiter avec une faible sensibilité aux discriminations. Emploi euphémistique du terme d’ethnicité fréquent. Compréhension systémique du racisme possible, mais pas systématique. Possible construction d’une anti-figure du danois et contribution aux discours sur « l’authenticité » kalaallit. Pas de cécité à la couleur. Compréhension systémique du racisme unanime, qui se traduit souvent par une forte sensibilité aux discriminations et une lutte active contre les discriminations et l’ordre colonial (sur les réseaux sociaux ou dans des organisations). Reconnaissance du colorisme. Cécité à la couleur fréquente, emploi euphémistique du terme d’ethnicité, refus de parler de race. Le racisme est envisagé comme expression d’actions individuelles. Pas de conception systémique.
Caractéristiques pratiques
Rapport à
l’identification autochtone Rapport au schème westphalien
Propriétés sociales des utilisateur·rices Faible. Méconnaissance du terme fréquente (renvoi à antériorité chronologique ou ailleurs géographique) Désignation par le national qui permet une logique assimilationniste : origine territoriale prévaut dans l’identification au groupe. Faible adhésion à l’indépendantisme. Particulièrement utilisé par les étudiant·e·s mixtes et les personnes nées de parents danois mais ayant grandi au Groenland. Présente, avec sentiment de proximité culturelle avec le monde Inuit. Méconnaissance possible de l’usage du terme (renvoi à antériorité chronologique ou ailleurs géographique) Reconnaissance du schème westphalien comme découpage pertinent, avec acception groupiste. Adhésion forte à l’indépendantisme. Forte, avec connaissances, comparaison et sentiment de proximité avec d’autres communautés autochtones (Sames, Maori, Inuit). Position particulièrement critique vis-à-vis du schème westphalien, qui s’accompagne d’une critique du modèle indépendantiste comme seule sortie envisagée de l’ordre colonial. Conception relationnelle de l’appartenance au groupe (liens familiaux ou liens à la terre), qui facilite les identifications multiples. Inexistante et méconnaissance du terme Peu de reconnaissance du schème westphalien, implication politique faible et reconnaissance d’une forme de distance vis-à-vis de la question de l’indépendance. Fréquence de l’usage + Particulièrement utilisé par les étudiant·e·s issues de familles, dont la langue unique (ou première) est le kalaallisut. Mobilisé comme catégorie anthropologique, il peut être utilisé comme façon d’insister sur sa spécificité dans le monde colonisé (discours ethnonationalistes mais aussi dans les rencontres pan-autochtones par exemple) ou pour qualifier son métissage (« I’m a Danish-kalalleq researcher ») Particulièrement utilisé par les étudiant·e·s bien dotés en capital culturel, exclusivement issu·e·s des SHS, ayant eu des expériences à l’étranger longues en contexte autochtone, et/ou étant engagés dans le militantisme anti ou décolonial. Utilisation extrêmement rare largement comprise comme stigmatisante et raciste. Usitée par les individus généralement peu dotés en capitaux culturels. _ Sources : entretiens et suivi des étudiant·e·s, 2018-2021 Tableau 9-1. Désignations du groupe et intériorisation de dispositions racialisées (M. Duc, 2022) 471
CHAPITRE 9 | Les
direction
s contra
ires de la
conversion
2. L’approfondissement des apprentissages du racisme Gérer le racisme : hétérogènes anticipations et mise en commun des tactiques
Lorsque sont évoquées en entretien les expériences de stigmatisation et de discriminations racistes, ces dernières sont régulièrement rapportées au passé des étudiant·e·s, ce dernier étant mobilisé comme une jauge du présent (« je savais à quoi m’attendre », « c’est pire que ce que j’imaginais », ou, au contraire, « finalement, je n’ai pas vraiment été discriminé, alors qu’on m’avait prévenu »). La mobilisation de ces points de comparaison exprime, chez certains individus, une forme d’anticipation de l’expérience raciste. Cette anticipation peut se faire au gré de la confrontation directe aux discriminations raciales, ou parfois, par l’exposition et la participation à des échanges à leur sujet. Ces derniers ont notamment lieu en famille, et peuvent être déclenchés par des évènements précis. Par exemple, Jonathan Kleist rapportait que certains reportages diffusés à la télévision danoise traitant de questions en lien avec le Groenland ou les Groenlandais·e·s étaient l’occasion de commentaires parentaux sur les représentations stigmatisantes. Ces échanges ont également lieu entre ami·e·s, et plus généralement au contact de celles et ceux s’étant déjà rendu·e·s au Danemark. Ils sont l’expression d’une intériorisation progressive des significations négatives associées au fait d’être originaire du Groenland. L’arrivée au Danemark se traduit par un approfondissement de ces apprentissages. Avant d’apprendre à se jouer des marques discréditantes dans l’acquisition d’une nouvelle hexis corporelle, le changement de contexte résidentiel et scolaire est l’occasion d’une prise de conscience, d’abord corporelle, de sa différence : “I think it was the first time that I went to my class, I looked all the people who were sitted, at the lecture hall, and there is some girls with brown hair, and there was another one with black hair. Otherwise, all girls had blond hair. So I felt very much... different. Very much alone. And, I was like...oh just one with very dark skin, and she looked Indonesian. And I found out that she was pretty much pure Danish. So, yeah, I think I felt very lonely also because of that, in that kind of studies”. « Je pense que c’était la première fois que je suis allée en classe, j’ai regardé tous les gens qui étaient assis, dans l’amphi, et il y avait quelques filles avec les cheveux bruns, et une autre avec les cheveux noirs. Sinon, toutes les filles avaient les cheveux blonds. Donc je me suis sentie vraiment très... différente. Et, je me disais... oh, juste une avec la peau très foncée, et elle avait l’air indonésienne. Et je me suis rendue compte qu’elle était purement danoise. Donc ouais, je pense que je me suis sentie très seule dans ce genre d’études aussi à cause de ça ». Nukannguaq Berthelsen, licence de littérature (KU), mère assistante de pharmacie (danoise), père charpentier (groenlandais), Copenhague, février 2019
Les cheveux constituent un marqueur racial particulièrement mobilisé par les enquêté·e·s, précisément parce qu’avec la forme et la couleur des yeux, ils sont souvent considérés comme plus distinctifs que la couleur de la peau. La première impression de l’interaction en classe rappelle bien que la perception de soi reste ici influencée par la matérialité du corps et les significations, négatives ou positives, qui lui sont associées. L’entrée en classe permet ainsi de prendre conscience non pas de l’existence théorique des discriminations, mais plutôt de sa propre vulnérabilité394 : comme l’expliquait une membre d’Avalak, rentrer en classe expose, et contribue à la compréhension de sa 394 Ces perceptions de soi sont aussi à lire à l’aune du passé biographique et en particulier de l’intensité des liens entretenus avec le Danemark, mais également à l’aune du recrutement des établissements. Si l’institution universitaire est « façonn[ée] » par la proximité de certains corps plutôt que d’autres : les corps blancs se rassemblent et donnent une impression de cohérence » (Ahmed, 2012 : 35), on remarque malgré tout que les effets de ces impressions sur la perception de soi sont également ajustés à la composition des publics, laquelle est dépendante de la position des établissements dans la hiérarchie scolaire (voir chapitre 3). En effet, les étudiant·e·s inscrit·e·s dans des formations courtes semblent moins exposé·e·s à ce sentiment d’étrangeté. peut être toi, directement, parce que tu es différent ». Pour celles et ceux qui sont perçu·e·s comme blanc·he·s au Groenland, l’arrivée et le séjour long au Danemark peut constituer la première confrontation à l’expérience de la discrimination ou de la stigmatisation, puisque le stigmate comporte une composante géographique (voir chapitre 8). Ils et elles vivent ce qu’on pourrait appeler une forme de déclassement racial – les personnes occupant la partie haute de la hiérarchie raciale au Groenland se trouvent ramenées à une image homogène et infériorisante du « Groenlandais ». Pour ces personnes qui passent aisément pour blanches, les premières confrontations au racisme constituent de brutaux rappels à l’ordre racial.395 C’est précisément ce qu’a vécu Emil Jensen lors d’une soirée chez des ami·e·s. Mixte, il a la peau et les cheveux clairs, et il est danophone, marqueurs qui lui ont garanti jusqu’alors le privilège d’échapper à la stigmatisation. Alors qu’il était parti chercher une bière, il entend derrière lui un couple le « surveiller », veillant à ce qu’il ne prenne pas d’alcool fort, au prétexte qu’il était groenlandais. Emil, qui a tout entendu, se met en colère et confronte le couple, qui dévie la conversation. C’est pour lui la première fois qu’il se « sentait mal ». Il ne « savait pas qu’il y avait des gens comme ça », et s’est senti « pas seulement personnellement, mais en tout, atteint, en tout [lui] même, en toute [son] identité ».396 Pour celles et ceux qui ont peu quitté le Groenland avant la migration, mais également pour les personnes, souvent mixtes, qui passent aisément pour blanches, ces évènements liés à l’entrée dans la vie étudiante, comme la première entrée en classe ou l’arrivée une soirée où on ne connait pas grand-monde, cristallisent pleinement ce que Maboula Soumahoro appelle la perte du « droit à la légèreté » que vivent les personnes racisées. Cette perte renvoie à l’inquiétude perpétuelle, provoquée par la peur d’être stigmatisé, l’appréhension de devoir désamorcer les marques disqualifiantes ou déconstruire les discours tenus à son égard, la préoccupation d’avoir à se justifier – autant de dimensions caractéristiques de l’incorporation d’une condition racialisée minoritaire (Soumahoro, 2020). Sur place, la construction des dispositions à faire face aux significations négatives associées à l’origine est influencée par plusieurs paramètres. La fréquentation de certains cercles de sociabilité joue un rôle central dans la construction de ces dispositions, d’abord parce qu’ils exposent à des intensités différentes du risque discriminatoire en fonction de leur composition (voir à cet égard la comparaison des sociabilités de Peter Frederiksen et de Nadine Korneliussen développée dans le chapitre précédent). Au fil du temps, certain·e·s sont à même d’adapter leurs stratégies de gestion du racisme en fonction des environnements dans lesquels ils évoluent : ne pas parler kalaallisut dans les cercles professionnels, y compris au téléphone ; utiliser tactiquement ses différents prénoms, comme dans l’exemple d’Inuk Rasmussen dans le chapitre précédent ; mentir sur son origine lorsque la question est posée par des inconnus, dans une soirée, ou encore, changer de groupe de travail ou plus radicalement de formation après avoir été exposé à des discriminations racistes, sont quelques exemples de pratiques mise en œuvre. De manière générale, on remarque que cette gestion se fait davantage sur le registre de la dissimulation ou de l’évitement que sur celui de la réponse ou de l’affrontement. Par ailleurs, les sociabilités avec les pairs constituent un espace de mise en récit et d’échanges autour des expériences de discriminations, et une instance où l’expérience individuelle est faite collective. C’est même le besoin de trouver des espaces pour partager ces expériences qui a fait naître l’organisation anticoloniale Nalik dont ont fait, ou font partie, plusieurs enquêté·e·s. Si la lutte contre les Les enfants de familles non-mixtes ou de parents « half-half » semblent ainsi avoir fait l’objet d’une meilleure préparation la gestion du racisme, point qui gagnerait à être approfondi par d’autres recherches. 396 « I feel bad for the first time, in all, eh, yeah. But that was too much. I didn’t know that they were people like these... * rires * I don’t know if it makes sense, but that was the first time I really felt just... not just personally, but in all, touched, like in all myself, all my identity » master de psychologie (KU), mère juriste (groenlandaise) père ingénieur (danois), Copenhague, mai 2019.
CHAPITRE 9 | Les directions contraires de la conversion discriminations racistes n’est pas considérée comme une mission officielle de l’organisation Avalak, cela n’empêche pas les échanges à ce propos dans le quotidien de la vie de l’association. Elle est ainsi, par conséquent, une instance parmi d’autres de
l
’apprenti
ssage de la
gestion
du racisme
. Dans les entretiens, la convocation des expériences du racisme subit par d’autres prend parfois le pas sur sa propre expérience. Alors qu’elle m’expliquait quelles conditions étaient susceptibles de déclencher la stigmatisation, Nuunu Geisler passait en revue différentes situations d’exposition au risque discriminatoire. Elle pointait notamment les configurations des rendez-vous amoureux suivant une prise de contact par applications, qui limitent la connaissance de l’interlocuteur, en s’appuyant sur l’exemple d’une amie d’Avalak : « elle est allée à son rendez-vous, et le mec est passé par Christianshavn, et alors elle lui a dit qu’elle venait du Groenland, et quand elle lui a dit ça le mec a juste sorti « oh je viens juste de passer à côté de ta cabane! ».397 Christianshavn, situé sur une île, est un quartier populaire historique de Copenhague longtemps dédié au commerce portuaire. C’est d’ailleurs dans ce quartier que l’on trouve les darses et entrepôts de l’ancien port colonial. La remarque fait probablement spécifiquement référence à Christianshavn Torv, la principale place du quartier. C’est l’un des lieux où se retrouvent les Groenlandais·e·s les plus marginalisés, notamment celles et ceux qui sont sans domicile. Ces partages permettent d’acquérir une forme d’expertise, qu’on lit dans la façon de décliner les différentes situations identifiées comme potentiellement exposantes. Le partage d’expériences négatives peut également devenir source d’exemples de réactions-types à adopter. La mobilisation de l’humour est ainsi particulièrement plébiscitée par les étudiant·e·s, parce qu’elle permet à la fois la critique malicieuse et la réduction des tensions : “The Danish colleagues, they say sometimes to me like, oh, you speak very well danish. For a But they wouldn’t say for a Greenlander you speak very well Danish. They implicize. My way of stopping that was to answer: thank you, you too. They were, like feeling stupid (...) So they were like ok, that’s funny. So, it ends, the discrimination right there, and make them aware of how stupid the comment was”. « Les collègues danois, ils me disent parfois genre, Oh tu parles très bien danois. Pour un Groenlandais. Mais, ils ne diraient jamais Pour un Groenlandais, tu parles très bien danois. Ils le font implicitement. Ma façon d’arrêter ça c’était de répondre, Merci, toi aussi. Ils étaient genre... ils se sentaient stupides (...) Donc ils étaient genre ok, c’est marrant. Donc là, ça bloquait la discrimination, et ils se rendaient compte à quel point leur remarque était stupide ». HP Lynge, master en administration des affaires (RUC), mère travailleuse sociale (groenlandaise), père chef de projet retraité (danois), Nuuk, mai 2018 Ces tactiques sont ainsi mises en récit et partagées entre pairs, puis réemployées. Il était ainsi bien connu parmi les étudiant·e·s groenlandais·e·s que « les Danois·e·s détestent qu’on se moque d’elles et eux ». Désamorcer une remarque désobligeante en allant dans le sens de l’agresseur·se est ainsi souvent mobilisé : faire croire que oui, on habite un igloo, ou qu’effectivement, il y a un ours polaire qui vient manger les restes du repas qu’on laisse sur le rebord de la fenêtre, sont par exemple des façons de répondre souvent reprises, des « recettes » (Ebherard et Rabaud, 2013) qui témoignent de la mobilisation des savoirs communautaires dans la gestion du stigmate. Cette intériorisation de dispositions à la gestion du racisme est également recomposée par les nouvelles sociabilités développées au fil de la migration, qui peuvent conduire à remettre en cause certaines transmissions parentales ou amicales : “N: A lot of my friends, who had been to efterskole, they usually tell me those stories about, when they first came to that school, eh... the Danish people usually ask them, you know, stigmatizing questions... and « N : Beaucoup de mes ami·e·s, qui sont allé·e·s en efterskole, me racontent généralement ces histoires, quand ils sont arrivés dans cette école, les Danois·e·s leur posent généralement, des questions stigmatisantes... tu
« She went to a date, and the guy passed by Christianshavn, and when she told him that she was from Greenland, he said oh! I just passed your loge before we meet! » 474 placements et des front then they... I think that it kind of start the... okay, vois, et puis... Je pense que ça a déclenché le... ok, ils they think that we can do anything and then I hate pensent que nous pouvons faire n'importe quoi donc je les déteste. En gros. Est-ce que tu vois ce que j'essaie de them. Ish. Do you get what I’m trying to say? dire? M: Not sure... like, a narrative? M : Pas sûr... c’est comme, un récit? N: Yeah, like... the unknowledge from both sides, is that a lot of Danish people don’t know that how... N : Ouais, comme... l'ignorance des deux côtés, c'est modern is actually is here in Greenland now, and, so, que beaucoup de Danois·e ne savent pas à quel point... also, when you have parents who don’t like Danish c'est moderne ici au Groenland maintenant, et, donc people, it affects the kids, after, they unlike them as aussi, quand vous avez des parents qui n'aiment pas les Danois·e·s, cela affecte les enfants, après, qui ne les well”. aiment pas non plus ». Naja Olsen, licence d’ingénierie arctique, mère institutrice, (groenlandaise), père prof. inconnue (mixte), Copenhague, mars 2019 Ce n’est pas explicitement la transmission d’une forme de préparation au racisme qui se trouve remise en cause, mais plutôt les façons de transmettre cette préparation. Elles sont perçues comme s’appuyant sur la construction d’une anti-figure du Danois, laquelle a des effets contreproductifs dans le développement de sociabilités locales : “There are also other Greenlandic students, and they give us tips to survive in this country jungle... and eh, they kind of put Danes off in a negative way. They were like, eh, you will notice that Danes don’t wait to you to finish your sentence, and when they get drunk, they yell and stuff like that, eh... I mean... it’s true, but, eh... it’s partly true for some... but it’s just really annoying that they have to put those prejudices into our minds before we had to go and experience yourselves, because I think it kind of make... it gives a distance, or make us wanting to not becoming friend with Danes”. « Il y a aussi d’autres étudiant·e·s Groenlandais·e·s, ils et elles nous donnent quelques conseils pour survivre dans la jungle de ce pays... et, ils et elles font un portrait négatif des Danois·e·s. C’était genre, tu verras que les Danois·e·s n’attendent pas que tu aies fini ta phrase, et quand ces gens sont ivres, ça crie et tout... euh... je veux dire, c’est vrai, mais... c’est en partie vrai pour certain·e·s... mais c’est juste vraiment embêtant qu’ils et elles nous mettent ces préjugés dans la tête avant qu’on parte et qu’on expérimente par nous-mêmes, parce que je crois que ça fait... ça met une distance, ou ça nous fait ne pas vouloir devenir ami·e·s avec des Danois·e·s ». Anna Kaspersen, licence en anthropologie (AU), mère institutrice (groenlandaise) père enseignant dans le secondaire (danois), Aarhus, mai 2019
La critique pointe une préparation généralisante, qui naturalise le racisme comme inhérent à un groupe social particulier. Le séjour au Danemark permet alors de se confronter aux dispositions antérieurement incorporées relatives à la gestion du racisme. Cette forme de réflexivité par rapport à la socialisation antérieure n’est pas uniformément partagée, et semble émaner en particulier de certains groupes d’étudiant·e·s : celles et ceux qui tissent des liens amicaux ou intimes avec des Blanc·he·s, ainsi que les personnes qui s’engagent dans des parcours facilitant la compréhension des mécanismes de systèmes oppressifs, notamment en sciences sociales. Renouvelant les formes d’exposition à la stigmatisation et aux discrimination raciales, mais permettant également l’ouverture à de nouvelles sociabilités et la mobilisation de ressources peu accessibles avant la migration, le séjour étudiant permet ainsi de poursuivre l’intériorisation de dispositions spécifiques à la gestion du racisme : anticipation des contextes d’émergence, maintien d’une « façade » (Goffman, 1973) ou encore, développement de tactiques de réponse, sont autant de modalités de l’approfondissement de cette socialisation minoritaire. CHAPITRE 9 | Les directions contraires de la conversion Le rôle des sciences sociales dans la gestion du racisme : éveil, lutte contre l’oubli et poids psychologique de l’expertise
De manière générale, la perception du racisme a tendance à évoluer au fil de la trajectoire, et les étudiant·e·s qui suivent des études longues, en particulier en sciences sociales, mais également celles et ceux qui ont connu des expériences à l’étranger, semblent plus prompt·e·s à qualifier certains propos, pratiques ou actions comme discriminatoires. Ces observations rejoignent d’autres analyses sur le rôle des cursus universitaires dans le développement d’une compréhension systémique du racisme (Essed, 1991), et sur le fait que le sentiment d’être discriminé augmente avec le niveau de diplôme, en France (Blassel, 2021 ; Dubet et al., 2013 ; Druez 2021) en Allemagne (Steinmann, 2019) mais également aux États-Unis et au Royaume-Uni (Druez, 2021 ; Hughes et al., 2006). Les étudiant·e·s en STIM ont davantage tendance à adopter une conception individualisante du racisme. Ce dernier est pensé comme étant le fruit de « mauvaises intentions ». Certains propos pouvant être considérés par d’autres comme spécifiquement racistes sont alors interprétés comme des maladresses, ou renvoyés à des formes d’humour : “J: I didn’t felt any discriminations. They kind of have jokes, about Greenland, but I don’t see them as a... they are not offensive. And I don’t see them as discrimination. « J : J’ai jamais senti de discriminations. Ils ont genre des blagues, à propos du Groenland, mais je ne vois pas ça comme... ce n’est pas insultant. Et je ne vois pas ça comme des discriminations.
M:
What kind of
jokes? M : Quel type de blagues? J: I don’t know, but...I don’t take them as personal. It’s just about Greenlandic persons becoming more... drunk than Danish persons. But * rires * You cannot take those things seriously!” J : Je sais pas... mais... je ne prends pas ça personnellement. C’est juste sur les Groenlandais·e·s qui se saoulent plus que les Danois·e·s. Mais *rires* tu ne peux pas prendre ces choses sérieusement! » Juuluunnguaq Kleinschmidt, master en ingénierie civile (DTU), mère institutrice (mixte), père ouvrier (groenlandais), Nuuk, décembre 2019
Il faut dire que les cursus en sciences sociales confrontent à différents éléments qui vont influencer la perception du racisme. Tout d’abord, les contenus pédagogiques peuvent venir faciliter la compréhension des discriminations, comme cela a été le cas pour Frederik Storch, qui m’expliquait qu’un cours sur les stéréotypes dans les médias l’avait amené à réfléchir à la façon dont il était perçu. Les contenus pédagogiques en sciences sociales semblent ainsi faciliter le développement d’une appréciation systémique du racisme, permettant de sortir d’une appréciation par « l’intensité » ou par les intentions que l’on retrouve plutôt chez les étudiant·e·s en STIM ou en formations courtes. Les contenus pédagogiques fonctionnent cependant davantage par détours, ou par découvertes de similitudes avec d’autres contextes, que directement, en raison de l’absence des questions groenlandaises dans les programmes scolaires (voir chapitre 7). La structure et l’architecture des cursus en sciences sociales et en humanités rentre également en jeu. Le nombre d’heures de cours, plus faible en sciences sociales et humanités, laisse plus de temps pour se consacrer à d’autres activités, dédiées au développement de pratiques culturelles ou militantes, qui ne sont pas directement liées aux cours. C’est ce à quoi Mathias Pedersen dédie son temps libre : étudiant en histoire engagé dans l’Operation Dagsværk (voir encart 7-1) il se consacre à la diffusion de connaissances sur le Groenland. Ce sont parfois les contenus pédagogiques eux-mêmes qui favorisent la mise en contact avec des réseaux militants. Le parcours de Nukannguaq Berthelsen, sur lequel je reviendrai plus tard, est emblématique de cette démarche. Elle rejoint l’association anticoloniale Nalik parce qu’elle veut « écrire son mémoire de licence sur la culture groenlandaise », « comprendre comment les Groenlandais·e·s se battent pour leurs voix ». Les étudiant·e·s en SHS sont par ailleurs des candidat·e·s de choix pour des emplois ou des stages proches du pouvoir groenlandais (dans les représentations du Groenland à l’étranger ou au Danemark, mais aussi comme assistant·e·s parlementaires des députées groenlandaises). Ainsi, lors de la première réunion des 476 QUATRIEME PARTIE | Déplacements et traversée des frontières sociales réseaux critiques des étudiant·e·s de l’Université de Copenhague, organisée en novembre 2019, l’absence totale des STIM était notable alors qu’étaient présents les réseaux critiques de littérature, d’anthropologie, d’économie, de droit, de science politique, ainsi que deux organisations de lutte contre les discriminations dans l’enseignement supérieur, et une seule étudiante en sciences infirmières. Je rejoins ainsi tout à fait les observations d’Élodie Druez sur la façon dont les sciences sociales « favorisent l’acquisition de connaissances académiques permettant d’étayer ses compétences politiques et facilitent la fréquentation d’étudiant·e·s politisé·e·s ainsi que l’exposition à des mobilisations collectives » (Druez, 2021 : 447). Du fait de cette plus grande sensibilité à percevoir les discriminations raciales, les étudiant·e·s issu·e·s des sciences humaines et sociales sont par conséquent beaucoup plus disposé·e·s à ne pas seulement se placer dans une logique de protection de soi par la dissimulation des marques disqualifiantes mais à y combiner, voire à y substituer, d’autres façons de gérer le racisme, qui vont explicitement s’appuyer sur une réappropriation des ressources académiques et du capital culturel légitime. Leurs réponses aux micro-agressions sont souvent plus régulières et frontales. Par ailleurs, elles sont marquées non seulement par un renvoi à l’expérience personnelle comme on peut le trouver chez l’ensemble des étudiant·e·s, mais par des mécanismes de rationalisation et de structuration du discours qui permettent de légitimer le contenu de la réponse. Par exemple, Camilla Lyberth Kielsen, étudiante en master de psychologie et de design, m’expliquait ainsi comment elle avait appris à « retourner la situation » en s’appuyant sur des techniques développées dans ses différents travaux de recherche, notamment le réflexe d’aller consulter les sites de statistiques et institutionnels. Répondant à une camarade de classe lui disant qu’elle ne voudrait jamais se rendre au Groenland car le nombre de crimes y est particulièrement élevé, elle développe son argumentaire en s’appuyant sur ces mêmes outils : « le taux de criminalité est élevé parce que ce sont les mêmes gens qui perpétuent les crimes, on n’a pas de système où ils vont dans une prison au sens danois du terme, donc ce sont les mêmes gens qui font les mêmes choses! »398 et elle m’explique avoir répondu en renvoyant son interlocutrice au site de la police groen landaise et à un article de presse sur la construction de la nouvelle prison de Nuuk, un établissement ouvert où les prisonnier·e·s doivent rentrer le soir. Parce que l’engagement dans un parcours universitaire, et en particulier en SHS, renforce certaines dispositions à expliquer et à argumenter, certain·e·s semblent avoir intériorisé le fait qu’ils et elles ont un rôle à jouer dans la transformation de l’image du groupe399. Il est d’autant plus difficile de s’échapper de ce rôle que les individus se retrouvent souvent seuls dans cette posture professorale, face un public demandeur, dont la curiosité est alimentée par la condition exotique dans laquelle se trouve placé le Groenland (voir chapitre 7) : “When I’m in different bars and... when they find out that I am from Greenland, they will suddenly eh... start asking me about politics in Greenland, and the stigma comes, and, yeah. Usually, the conversation will turn out to me lecturing the persons that I don’t know, that I met in a bar *rire gêné* with... eh... and at some point I was really tired of it, like, I was just like, google it, can you just google it? It seems that you don’t know anything about « Quand je suis dans différents bars et... quand on se rend compte que je suis du Groenland, on va soudain se mettre à me poser des questions sur la politique au Groenland, et puis le stigmate arrive, et ouais. Souvent la conversation se tourne en une situation où je vais me mettre à enseigner à des gens que je ne connais pas, que j’ai rencontré dans un bar... et à un moment j’étais vraiment fatiguée de ça, genre j’étais juste là, Google-le, mais tu peux pas googler? Tu as l’air de rien connaître 398 « The crime rate is so high it’s because it’s the same people doing the crime, we don’t have a system where they go to jail, so it’s the same people doing the same things Il ne faut pas oublier les effets des placements scolaires dans cet engagement. Les étudiant·e·s mixtes, souvent plus proches de la culture scolaire, sont nombreux et nombreuses à s’engager dans les parcours en sciences humaines et sociales, fortement demandeurs en capital culturel légitime. Leur proximité avec la culture scolaire peut également expliquer que le travail de soi à accomplir pour se mettre en conformité avec l’ethos d’étudiant étant moins important, ils et elles disposent de davantage de ressources pour s’engager dans un travail de représentation du groupe. Nuunu Geisler, licence en administration des affaires (RUC), mère secrétaire de gestion d’un supermarché (groenlandaise), père pêcheur (groenlandais), Copenhague, mars 2019
La mobilisation d’un vocabulaire pédagogique est particulièrement révélatrice de la « charge raciale », cette pression psychologique qui pèse sur les personnes racisées (Soumahoro, 2020) : il s’agit de « documenter » en permanence ses camarades sur le Groenland, de se retrouver à faire un « cours » sur l’histoire de son pays, de devoir « se justifier » d’être en décalage avec les représentations stéréotypiques qui circulent sur les Groenlandais·e·s, ou encore, de se « préoccuper des regards » lorsqu’on sort boire un verre et de se préparer à « éduquer » celles et ceux qui sont assis autour de soi. La pression psychologique de la charge raciale n’est ainsi pas seulement celle de l’anticipation ou de la gestion du racisme. Elle est également celle de la gestion de la condition exotique dans laquelle se trouve placé le Groenland, fruit de son invisibilisation dans l’espace public, notamment dans les programmes scolaires. Dans le cas de Nuunu Geisler, la lourdeur d’être placée contre son gré en posture professorale semble d’autant plus subie que la migration étudiante a tendance à provoquer chez les étudiant·e·s une forme de partition des espaces : le Danemark est l’espace étranger où l’on se forme, où il s’agit de se soucier de tenir la façade, et s’oppose au Groenland, l’espace familier où l’on se repose, se ressource, et où on travaille. Ainsi, ces injonctions didactiques viennent en quelque sorte troubler les « arrangements pratiques » (Pasquali, 2021) mis en place par les étudiant·e· , en particulier celles et ceux originaires de milieux populaires, afin d’éviter d’être moins perturbé·e·s par l’ambivalence de leur position transclasse. Enfin, le rôle spécifique des sciences humaines et sociales dans la recomposition du rapport au racisme s’incarne dans la mobilisation des contenus disciplinaires comme façon d’agir sur l’image du groupe. Ils donnent des armes pour renouer avec son héritage culturel, permettant ainsi de lutter contre l’invisibilisation de la spécificité du groupe par l’assimilation culturelle : “I was in a kaffemik in Copenhagen, and I’ve met someone who was studying eskimology. She said, we are so few, and there is so much knowledge about Greenland and the connexion with other Arctic People. And after, I reflected a lot, and I was like no, my country will not be forgotten. And I decided to study there”. « J’étais à un kaffemik à Copenhague, et j’ai rencontré quelqu’un qui étudiait l’eskimologie. Elle me disait, on est si peu nombreux, et il y a tant de savoir à propos du Groenland et de nos liens avec les autres peuples arctiques. Et après, j’ai beaucoup réfléchi, et je me suis dit : non, mon pays ne sera pas oublié. Et j’ai décidé d’étudier là ». Katrine Motzfeldt, licence d’études arctiques et groenlandaises (KU), mère femme de ménage (groenlandaise), père employé (groenlandais), Copenhague, avril 2019
Les contenus des travaux de recherche individuels sont aussi des occasions d’approfondir la connaissance des mécanismes du racisme, du monde social groenlandais et de son histoire. Il est en effet plutôt rare que ces étudiant·e·s ne choisissent pas un sujet en lien avec le Groenland, la communauté groenlandaise ou les peuples autochtones, et ce dans toutes les disciplines de sciences humaines et sociales. Travailler sur la mise en tourisme de la région de Qaqortoq, sur la communauté LGBT de Nuuk, sur la prise en charge psychologique des troubles de l’attention au Groenland ou encore sur l’utilisation d’instruments et de techniques de chants autochtones dans la musique contemporaine constituent quelques exemples des sujets choisis par les étudiant·e·s. Ces spécialisations peuvent être envisagées comme une façon d’agir sur la transmission d’une vision plus positive du groupe (voir encart 7-1) ou encore, comme une façon stratégique de mobiliser ses connaissances et le capital social lié à son origine dans la réalisation de travaux évalués en classe, comme l’a fait Frederik Storch dans la réalisation d’un podcast sur le métissage par exemple. D’autres encore espèrent par leurs mémoires rendre plus visibles les enjeux groenlandais dans le milieu académique, comme c’est le cas du travail d’Arnajaraq Rosing : “There is a Danish photographer, and he had an exhibition in Qaanaaq, about people from North Greenland. The photographer has been there a few times, and, taking pictures of bears and dog sledge, and ice, it’s very beautiful pictures. But, I wanna know how another nationality shows another, in art forms. And, if there is any eh.... misperceptions. It was very, very primitive way of showing people, even if we are in modern times, like, only pictures of bears, like, there is no modernity. (...) I choose the subject, it’s because, when we started in Art History, it’s only about European artists, from Italy, from Germany, and Denmark. It has never been about Greenland. And, I have seen art from Greenland in my life, but, I don’t know the history. So, I was like, maybe I could write about Greenland, and go back to the roots, kind of, and not only dealing with Europeans. « Il y a
un photographe D
anois, et il avait fait une exposition à Qaanaaq, à propos des gens du Nord du Groenland. Le photographe est venu là plusieurs fois, et a pris des photos d’ours et de chiens de traîneau, et de glace, ce sont vraiment de belles photos. Mais je veux comprendre comment une nationalité représente une autre dans les formes artistiques. Et voir s’il y a des perceptions fausses. C’était une façon très très primitive de montrer les gens, bien que l’on soit dans des temps modernes : genre, que des photos d’ours, genre, il n’y a pas de modernité (...). J’ai choisi ce sujet parce que quand j’ai commencé en histoire de l’art, c’était que des artistes européens, d’Italie, d’Allemagne et du Danemark. Jamais on n’a pas parlé du Groenland. Et j’ai vu de l’art groenlandais dans ma vie, mais... je ne connais pas son histoire. Donc je me disais, peut-être que je pourrais écrire à propos du Groenland, et en quelques sortes, retourner à mes racines, et pas seulement m’occuper des Européens (...). Et puis une copine a mentionné cette exposition, donc, j’ai regardé, et c’était des photos très dynamiques, avec du sang et des ours polaires... mais j’étais là, oh encore, montrer les peuples primitifs du Groenland, pourquoi jamais le moderne? (...) Donc peut-être que je peux écrire à propos de ça, à propos d’autres cultures qui ne veulent que montrer le côté primitif du Groenland. Genre, ils nourrissent ce côté primitif, tout le temps, et pas les temps modernes ». Arnajaraq Rosing, licence
d
’histoire
de
l’art
(
AU), mère fleuriste, (groenlandaise), père employé (groenlandais), Aarhus, avril 2019
L’exemple d’Arnajaraq est par ailleurs caractéristique de l’intériorisation d’une conception dualiste et diachronique du fait colonial, qui rejaillit parfois dans la gestion des stéréotypes dont les étudiant·e·s font l’objet. Ici, la déconstruction d’une vision « primitive » du Groenland et de sa culture se fait au gré de la remobilisation d’un dualisme diachronique opposant moderne et primitif (ou traditionnel). La culture locale (chasse à l’ours ou au phoque, ou le port de certains vêtements) est ainsi renvoyée à une absence de modernité, comme si ces pratiques étaient incompatibles avec le présent. Ce mode de gestion du stigmate est relativement fréquent chez les étudiant·e·s. Il se combine souvent à une conception individualiste du racisme, et à une forme de prévalence du schème national sur l’identification autochtone ou Inuit. Cette tendance, également présente dans certains travaux se revendiquant d’une approche post-coloniale, est bien résumée par la chercheuse danoise-Kalaalleq Naja Graugaard : « Les luttes discursives contenues dans les dualismes soit/ou (comme celui du « traditionnel vs moderne ») sont souvent résolues par des hybrides conceptuels de type soit/et, en se concentrant sur une démonstration des transfusions entre la Groenlandicité et la modernité, les chercheur·euse·s ont ignoré les relations constitutives de la colonialité et ont ouvert le chemin pour un récit célébrant la précipitation dans un monde moderne et globalisé » (Graugaard, 2020 : 33)400. Si la réappropriation des outils ainsi que des ressources de la culture légitime peut être mobilisée ponctuellement comme moyen de transformer l’image du groupe, elle ne préserve ni d’une lassitude, 400 « The discursive struggles embedded in either/or dualism (such as that of the ‘traditional’ vs ‘modern’) are often sought to be resolved in conceptual hybrid of both/and. Focused on demonstrating the transfusions between Greenlandicness and modernity, scholars have ignored the constitutive relations to coloniality and paved way for a celebratory narrative of moving forward through a globalized modern world ». 479 CHAPITRE 9 s contraires de voire d’
«
fatigue
», de se sentir tuellement en ation, ni d’ potenti d’une
ative
le support même de sa production
.
3. « Recoller les pièces » : deux dimensions de la transformation du rapport au colonial
L’exposition à certains contenus pédagogiques, certaines sphères militantes ou réseaux de sociabilité contribue également à transformer le rapport à deux instances de découpage du monde au cœur de la positionalité minoritaire : l’histoire coloniale et le modèle westphalien de l’État-nation. Elles sont significatives de cette socialisation qui travaille dans la direction d’un « retour aux origines » et dans une redécouverte des façons de penser autochtones, que l’assimilation culturelle a contribué à faire disparaître au fil des générations. Elles constituent à ce titre deux exemples princeps de ces directions contraires de la conversion, que je propose de mettre en avant dans le parcours de deux étudiant·e·s : Emil Jensen et Nukannguaq Berthelsen, tous deux tes et étudiant·e·s de l’université de Copenhague.
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I.3: Propriétés électroniques : transport classique - transport quantique
1 fS (E) = 1+e 1 fD (E) = E−μS kB T 1+e E−μD kB T (I.14)
Deuxièmement, ces réservoirs absorbent tous les électrons incidents et sont le siège de l'ensemble des interactions inélastiques responsables du retour à l'équilibre thermodynamique. Le modèle de Landauer-Büttiker propose de modéliser ce système unidimensionnel, sorte de boîte noire quantique, par une quantité, la matrice de diusion S, qui va embrasser l'ensemble des propriétés du centre diuseur présent dans le canal. Les coecients t et t0 représentent l'amplitude de probabilité pour une onde incidente d'être transmise respectivement de la source vers le drain et du drain vers la source ; r et r0 représentent l'amplitude de probabilité pour une onde incidente d'être rééchie respectivement vers la source et le drain :
17 S= SSS SSD! SDS SDD = r t0! (I.15) t r0
La matrice S, du fait de la conservation du courant, est unitaire [99, 118] ; en l'absence de champ magnétique, S est également symétrique (invariance par renversement du temps).
I.3.3.3 Quantication de la conductance 1988
L'étude du transport balistique dans des systèmes de faible dimensionnalité a pris un essort considérable dans les années 1980, en raison des progrès conjoints de l'épitaxie par jet moléculaire et de la nanofabrication. En particulier, en 1988, des résultats spectaculaires ont été simultanément publiés par deux équipes à Delft [52] et à Cambridge [53]. Les auteurs ont repris la technique de la grille fendue [24, 25] qui permet d'induire électrostatiquement une constriction dans le 2DEG, dont la largeur électrique W est modulable par la tension de grille VGS. La gure I.9 en donne une représentation schématique. Ce genre de dispositif permet de sonder la loi d'Ohm à l'échelle de la longueur d'onde de Fermi. Dans une approche classique du transport, nous pouvons dénir une conductivité locale σ et calculer très simplement la conductance de la constriction : e G(VGS ) = σWe (VGS ) Le (VGS ) (I.16) Si la variation des dimensions électriques est complexe, nous pouvons raisonnablement nous attendre, dans une approche classique, à obtenir une fonction G(VGS ) convexe. e I.10: Quantication de la conductance obtenu par Wees et al. [52] - "Philips Research Laboratories", Eindhoven. Fig. au formalisme de Landauer, la probabilité de transmission T pour qu'un électron issu d'un réservoir soit transmis à travers le centre diuseur. Dans la constriction (gure I.9), l'électron est conné selon deux directions de l'espace (y et z) et libre suivant la troisième (x). Son énergie s'écrit sous la forme : En, m (kx ) = En, y + Em,
z
+ ~2 kx2 2 m∗ (I.17) Les indices (n, m) repèrent ici un mode du canal 1D. Le nombre de bandes impliqué dans le transport dépend du niveau de Fermi : N= XX n θ(EF − En,y ) Θ(EF − Em,z ) (I.18) m En général, dans les 2DEG utilisés, le connement à l'interface GaAlAs/GaAs est sévère : la masse de l'électron dans GaAs étant très faible, l'écart énergétique entre les diérents niveaux du 2DEG est susamment important pour considérer que tous les électrons se situent sur le même niveau énergétique Em,z = E1,z, pris comme référence. Par la suite, nous nommerons En les niveaux quantiés En,y. La gure I.8-B montre les diagrammes de bandes 1D dans le conducteur quantique ; en gras ne sont indiqués que les vecteurs d'onde participant au transport côté source et côté drain. Comme le suggère cette gure, nous supposons, dans un premier temps, qu'il n'y a qu'un seul mode de conduction 1D. Autrement dit, les électrons dans le canal sont tous situés sur le même niveau énergétique En = E1. Les électrons se déplacent à la vitesse de groupe v(E) xée par la courbure de bandes. Dans le cas 1D, le produit de la vitesse v(E) et de la densité d'états g1D (E) est une constante (tableau I.1) : √ 1
dE ∝ E ~ dk 1 dk 1 g1D (E) = ∝ √ π dE E v(E) = (I.
19)
(I
.20) En appliquant une diérence de potentiel VDS entre les réservoirs, un déséquilibre est créé entre les potentiels électrochimiques du drain et de la source μS − μD = VDS /e. Les 24 I.
3: Propriétés électroniques : transport classique
- transport
qu
antique
contributions IS→D et ID→S, respectivement portées par des ondes provenant de la source et du drain, s'écrivent : Z ID→S = e g1D (E) v(E) fD (E) T (E) dE 0 Z IS→D = +∞ 0 (I.21) +∞ e g1D (E) v(E) fS (E) T (E) dE En raison de ce déséquilibre, un courant net s'établit entre les réservoirs. En se plaçant à T = 0 K, et en remplaçant le produit v(E) g1D (E) par les expressions établies en I.19 et I.20, nous pouvons simplier l'expression du courant total : 18 IDS = IS→D − ID→S Z μS 2e = T (E) dE μD h (I.22) En supposant que la tension VDS appliquée soit faible, nous pouvons émettre l'hypothèse que tous les électrons participant au transport sont à l'énergie de Fermi et ont la même probabilité de transmission T (EF ) = T Ainsi, la conductance liée à la bande n = 1 est donnée par : G= IDS 2 e2 = T VDS h (I.23) La gure I.10 montre que la conductance vaut 2e2 /h lorsque la tension de grille vaut VGS = −2.05 V. Le connement est important : seul le niveau E1 est accessible (E1 < EF < E2 < E3 < < En < ). Lorsque la tension de grille est moins importante, la largeur électrique W augmente et ouvre progressivement d'autres canaux de transmission. Plus généralement, lorsqu'il y a N canaux de transmission, la conductance est donnée par : e G= N X 2e2 n=1 h (I.24) T (EF ) Cette formule est dé nommée formule de Landauer, en référence aux travaux pionniers de Landauer [39]. Ainsi, les mesures expérimentales présentées en gure I.10 montrent une succession de paliers, témoin de la participation successive des modes électroniques. Il est remarquable de constater que la résistance du conducteur unidimensionnel balistique n'est pas nulle et dépend uniquement de constantes universelles (h, e), de sa probabilité de transmission T et du nombre de modes impliqué dans le transport. La nature du matériau, la géométrie du dispositif, exceptée son inuence éventuelle sur la probabilité de transmission, n'interviennent pas dans la conductance du point quantique ; les récents travaux de Wieser et al. [104] et de Rokhinson et al. pris en compte dans l'expression de g1D (voir tableau 25
Chapitre I: Présentation générale I.11: Évolution temporelle de la fonction d'onde à une position x déterminée du canal 1D : le courant électronique est porté par une succession de paquets d'ondes de largeur t = h/∆E = h/eVDS. Fig
. Des paliers non prévus
Les travaux de Landauer [39] avaient une conséquence éton- nante : la résistance d'un conducteur balistique de transmission T = 1 est nulle. Cette nouvelle approche n'a pas manqué d'animer les débats jusqu'au travaux d'Imry [97] et Büttiker [47] qui ont démontré que, si la résistance du canal est intrinsèquement nulle, la résistance totale ne l'est pas, en raison de la contribution des réservoirs. Une mesure 4 ls d'un QPC, réalisée dernièrement par Picciotto et al. [103], a permis de vérier in situ cette description. Ceci dit, malgré les progrès théoriques déterminants des années 1980 sur la physique des conducteurs balistiques, la découverte expérimentale de la quantication de la conductance n'a pas été prédite : l'obtention d'un conducteur balistique 1D parfait constitue une réalisation expérimentale tout à fait remarquable
20 Origine physique du quantum de résistance
Pour mieux saisir l'origine physique du quantum de conductance, nous devons revenir à la nature quantique des électrons. Nous supposons qu'aucun centre diuseur ne vient perturber le transport électronique de sorte que la probabilité de transmission T vaut 1. Les électrons étant des fermions, ils ne peuvent se trouver, en raison du principe de Pauli, à une même position x déterminée du canal 1D. Les électrons vont donc transiter un par un à travers le conducteur quantique. Lorsque nous appliquons une tension VDS entre les réservoirs source et drain, des paquets d'ondes de largeur ∆E = eVDS vont se propager entre les deux contacts. Selon le principe d'incertitude d'Heisenberg, nous pouvons évaluer leur largeur temporelle : 21 ∆t ∼ h eVDS (I.25) Le courant maximal qui peut passer à travers le point qu antique vaut simplement : I= e e2 = VDS ∆t h (I.26) La résistance du matériau provient donc des contacts : elle est la conséquence directe du fait que le courant est porté par des particules se déplaçant à une vitesse nie, la vitesse de Fermi vF. Dernièrement, en 2001, une mesure 4 ls [103] sur un canal 1D a pu mettre expérimentalement en évidence l'absence de chute de potentiel le long d'un canal 1D balistique prouvant par la même que la dissipation et la thermalisation des électrons (interactions inélastiques) a lieu dans les réservoirs. 20 Unexpectedly, 21 ∆E ∆t ∼ h 26 plateaus are found in the resistance, Wees et al. [52]. 22 Inférieur à 200 μV dans l'article. 23
AFM : Atomic Force Microscop ; STM : Scanning Tunneling Microscope.
24 Cette propriété est très peu robuste dans les 2DEG ; il est nécessaire, selon les auteurs, d'avoir un QPC parfaitement symétrique ne présentant aucune impureté à proximité du canal
.
27 Chapitre I: Présentation générale 28 Chapitre II Fabrication des échantillons
Nous donnons ici quelques éléments précis sur les 2DEG utilisés et sur les moyens technologiques du laboratoire mis en ÷uvre pour réaliser nos échantillons. Nous détaillerons certains protocoles, illustrerons certaines étapes dans un souci d'éclairer le lecteur peu familier de ces techniques expérimentales. Nous indiquerons quelques ouvrages et références, même si leur lecture ne peut remplacer la formation dispensée par les chercheurs, ingénieurs et techniciens du laboratoire.
II.1 Propriétés des couches utilisées
Les couches utilisées ont été élaborées au Laboratoire de Photonique et de Nanostructures (CNRS-LPN) par épitaxie par jet moléculaire (EJM) ou MBE (Molecular Beam Epitaxy). Contrairement aux hétérostructures couramment utilisées en physique mésoscopique, nous nous sommes restreints à l'étude de 2DEG très proches de la surface, obtenus plus facilement avec un dopage δ [70]. Les tableaux II.1 et II.2 présentent la structure épitaxiale des couches dénommées UA08 et U102. Nous indiquons également, dans les tableaux II.3 et II.4, les propriétés électriques des 2DEG utilisés au cours de la thèse.
1 1 Équipe MBE du groupe PHYNANO : Antonella Cavanna, Bernard Etienne, Ulf Gennser et Abdelkarim Ouerghi. Cap layer : GaAs 5 nm Barrière : Al0.215 Ga0.785 As 10 nm Dopage δ : SiAs (3.1 × 1013 atomes/cm2 ) Espaceur : Al0.215 Ga0.785 As 16 nm GaAs 1800 nm Substrat 450 μm Tab. II.1: Structure de la couche UA08 (voir gure I.6 page 19). 29 Chapitre II: Fabrication des échantillons
Cap layer : GaAs Barrière : Al0.33 Ga0.67 As Dopage δ : SiAs (4.2 × 1013 atomes/cm2 ) Espaceur : Al0.33 Ga0.67 As GaAs Super réseau 60 × (GaAs,Al Ga As) GaAs Substrat x Tab. Nom de la couche UA08 1-x 10 nm 10 nm 15 nm 360 nm 300 nm 720 nm 450 μm
II.2: Structure de la couche U
102
(voir gure
I.5
page 19).
ns (cm ) 5.7 × 1011 à 4.2 K 5.84 × 1011 à 4.2 K U102 5.04 × 1011 à 77 K 6.05 × 1011 à 300 K −2 μe (E0, E1, E2 ) (E 0, E 1, E 2 ) équation I.6 (cm /V/s) (meV) 9.3 ×105 à 4.2 K (76.8, 135.3, 182.8) 5.23 ×105 à 4.2 K (78.1, 137.5, 185.8) 1.67 ×105 à 77 K (70.8, 124.8, 168.4) 7.8 ×103 à 300 K (80, 140.7, 190.2) 2 calculs autocohérents (meV) (48.1, 74.0, 88.1) (52.3, 78.5, 92.9)
II.3: Propriétés des couches UA08 et U102 ; la formule du puits triangulaire surestime les valeurs des niveaux En, si on les compare aux données plus rigoureuses issues des calculs auto-cohérents (voir gures I.5 et I.6). Tab. Nom de Cap/Barrière/Espaceur/Buer Dopage Si la couche (nm) (atomes/cm2 ) 05No08 5/25/20/3600 1.6 × 1013 05No11 5/10/20/4800 3.2 × 1013 05No13 10/10/20/4200 3.2 × 1013 Al (%) 28 28 28 μe, 4.2 K n, 4.2 K (cm2 /V/s) (cm−2 ) 5.3 × 105 5.4 × 1011 2.76 × 105 5.42 × 1011 3.25 × 105 5.1 × 1011
s II.4: Structures et propriétés de quelques couches utilisées pour réaliser les interrupteurs des matrices de bolomètres (projet DCMB - voir chapitre III.5). Des HEMT ont également été fabriqués sur ces couches. Tab. II.2: Réalisation des échantillons II.2 II.2.1 Lithographie électronique Principe
La fabrication d'un échantillon se déroule en plusieurs étapes pour dénir suc- cessivement chaque élément (contacts, grilles, connexions) du composant. Ces dessins ont tous été réalisés par lithographie électronique [22, 27] en utilisant le masqueur JEOL JBX-5DII [11] (50 keV) du laboratoire. Le principe consiste à imager, sur la surface de l'échantillon, une ne source d'électrons au moyen d'un ensemble de lentilles électromagnétiques : nous pouvons alors dessiner facilement (logiciel L-Edit) et varier avec beaucoup de liberté les motifs géométriques des échantillons. Classiquement, nous utilisons la résine PMMA à 40 g/L ou 50 g/L. Nous étalons (tournette) la résine sur une hauteur d'environ 300 nm (vitesse de rotation ∼ 4000 rpm ). Après un recuit à 170C, il faut environ une dose de ∼ 500 μC/cm2 pour insoler le PMMA ainsi déposé. Le pas élémentaire du masqueur étant de 2.5 nm, la fréquence de balayage de 6 MHz, nous en déduisons le nombre de saut N entre deux shot : 2 3 pas "s
Npas = E
Courant f × (2.5 nm)2 Dose "s # +1≈E 2666 × Courant(nA) Dose (μC/cm2 ) # +1 (II.1)
Ré
solution
La résolution de la lithographie électronique dépend essentiellement des effets de proximité. En utilisant de fortes tensions d'accélération, les électrons atteignent des vitesses susamment importantes au niveau de l'échantillon pour pouvoir négliger l'élargissement du faisceau lors de la pénétration dans la résine. En revanche, les électrons vont se rééchir sur le wafer (plan GaAs dans not cas) et être en partie rétrodiusés avec un taux dépendant de la masse atomique des atomes de la surface : ils vont alors casser une partie des liaisons chimiques du polymère situé juste à côté du faiseau incident : c'est l'eet de proximité. D'une manière générale, avec le JEOL, nous pouvons atteindre, sans diculté particulière, une résolution d'environ 30 nm, légèrement inférieure aux spécications de l'appareil [11]. Pour réaliser de gros motifs, nous appliquons des courants de 1 à 10 nA ; pour des structures plus nes (grilles des QPC), des courants plus faibles (50 pA). Dans ce dernier cas, en raison des eets de proximité proportionnellement très importants sur de petites structures, il est souvent nécessaire de faire des tests avec diérentes doses et diérentes géométries initiales pour parvenir à la structure réelle souhaitée. II.2.2 RIE
La gravure ionique réactive ou R.I.E. est une gravure plasma sèche [27] couramment utilisée car elle permet à la fois de conserver la verticalité des ancs (contrairement à une gravure humide) et d'orir une forte sélectivité du matériau gravé (entre les diélectriques et 4 5 2 PMMA : Poly Métacrylate de Méthyle (PMMA). 3 rpm : rotation par minute. 4 Rective Ion Etching. 5 En utilisant conjointement des gaz réactifs (SF par exemple) et des gaz passivants présentant des 6 radicaux CH- tel CH-F3 pour créer des redépôts de polymère sur les ancs. Chapitre II: Fabrication
des échantillons les semiconducteurs notamment). En outre, les vitesses de gravure sont importantes, généralement de plusieurs dizaines de nm par minute. Nous avons utilisé le bâti Nextral-Unaxis NE100 du LPN qui permet de créer des plasmas uorés et oxygénés. Ces derniers types de plasmas permettent de graver des composés organiques (résines : PMMA, AZ5214). Nous donnons ici quelques idées générales sur le fonctionnement d'un bâti RIE en l'illustrant avec des valeurs numériques extraites du protocole de gravure qui nous intéresse. Le principe consiste à créer un plasma RF (13,56 MHz) dans une enceinte sous vide (∼ 30 mT) entre une anode située au dessus de l'enceinte et une cathode sur laquelle repose l'échantillon. L'anode est mise à la masse. L'application d'une tension alternative sur la cathode (puissance = 10 W) va mettre en mouvement les électrons initialement présents dans l'enceinte ; ils vont créer des ions et des radicaux : ces réactions en chaîne conduisent à la formation d'un plasma. Dans le même temps, la cathode attire et piége des électrons (plus mobile que les ions) à la surface de l'échantillon qui se charge négativement. La diérence de potentiel ainsi créée entre le plasma et l'échantillon (360 V), appelée tension d'autopolarisation, va accélérer les ions qui vont venir frapper la surface de l'échantillon (gravure mécanique). A cette gravure mécanique s'ajoute une gravure chimique entre les radicaux du plasma et le matériau gravé (résine) : les composés issus de cette réaction, fortement volatiles, se désorbent de la surface. Ces eets combinés complexes expliquent les grandes vitesses de gravure (environ 30 nm/min avec les paramètres indi ci-dessus). Cette vitesse dépend de l'énergie incidente des électrons et de la densité du plasma, deux paramètres qui sont corrélés dans le bâti Nextral-Unaxis NE100. Dans ce travail de thèse, la RIE est parfois utilisée pour nettoyer les résidus de résine qui peuvent subsister à l'issue de la révélation (gure II.2) ; cela s'avère notamment utile pour réaliser les grilles fendues des QPC, aux très faibles dimensions (∼ 30 nm). Nous appliquons simplement un plasma oxygéné tel qu'il est décrit dans le paragraphe précédent pendant 30 secondes ; nous ôtons ainsi les résidus de résine jusqu'à une hauteur d'environ 15 nm. 32 II.2: Réalisation des échantillons
Fig. II.1: Photo par microscopie optique du mésa d'un QPC. La région active étant de faible dimension au regard de la taille totale de l'échantillon (gures II.13), nous utilisons une résine négative [27] pour insoler uniquement les régions correspondantes au mésa. La résine AZ5214, standard de la lithographie optique, peut être insolée par lithographie électronique et être utilisée en résine négative en suivant le protocole suivant : dépôt d'AZ5214 (1400 nm) et recuit à 100 C pendant 60 secondes. insolation par lithographie électronique (dose de 45 μC/cm2, avec un courant de 0.2 nA). recuit à 120C pendant 90 secondes : la partie insolée "durcit" et va pouvoir résister plus fortement aux UV. lithographie optique : exposition de tout l'échantillon ("ood") pendant 40 secondes. développement dans le développeur MIF736 pendant 45 secondes puis rinçage (eau désionisée). À la suite de cette étape, une attaque chimique des zones non-protégées avec une solution de H2 O2 : H3 PO4 : H2 O (1 : 3 : 40) pendant 60 secondes permet de graver environ 50 nm de l'hétérostructure. En réalité, sans même graver le wafer jusqu'au plan de dopage (Si), le 2DEG est détruit à l'issue d'un tel traitement. Le fait d'ôter le cap layer et de réduire drastiquement la barrière a pour conséquence de rapprocher le plan de dopage de la surface. En raison du pinning évoqué au chapitre I, le champ électrique induit dans la barrière est très intense (niveau de Fermi piégé au milieu de la bande interdite) : un nouvel équilibre des charges s'établit dans l'hétérostructure, la majeure partie des électrons migrant vers des états de surface, dépeuplant ainsi entièrement le 2DEG. Notons enn que la faible gravure du wafer ore l'avantage de pouvoir connecter ensuite très facilement les pistes métalliques en déposant ∼ 40 nm de Ti/Au : les pistes suivent parfaitement le relief de l'échantillon.
8 II.2.3.3 Étape 3 : contacts ohmiques
Comment contacter le 2DEG enterré avec des contacts les moins résistifs possibles et éviter la formation d'une barrière Schottky à l'interface métal/semi-conducteur? La réponse technologique à ce problème est complexe, même si le procédé est désormais bien éprouvé. Il s'agit de réaliser un contact ohmique (relation linéaire courant-tension), faiblement résistif, en faisant diuser les éléments Ni, Au et Ge [13, 26, 45]. Chapitre II: Fabrication des échantillons
et permet ainsi de doper (germanium) l'ensemble de la structure, de la surface jusqu'au 2DEG enterré. La réalisation technologique des contacts ohmiques se fait en trois temps : 1. Dénition des contacts par lithographie électronique (IJEOL = 20 nA). 2. Dépôt des éléments Ni, Au et Ge : Au : 150 nm Ni : 20 nm Au : 120 nm Ge : 60 nm Ni : 10 nm GaAs 3. Recuit rapide à 420C pendant 30 secondes ; utilisation d'un four puissant (4 lampes à quartz de 1000 Watt chacune) pour obtenir des rampes en température très raides ; gaz utilisés lors des purges (azote et argon hydrogéné pour éviter toute oxydation de la surface). Les contacts ainsi réalisés sont souvent très peu résistifs si la densité n du 2DEG n'est pas trop faible. Nous protons également de cette étape pour réaliser une partie de la connexion des grilles (gures II.11 et II.12) et permettre ainsi de superposer par la suite la piste métallique de la source commune. Nous y reviendrons plus loin. Nous réalisons également les plots de connexion de la grille, de la source et du drain (gure II.11) : le contact ohmique résiste très bien, par sa nature même (alliage ayant diusé dans l'hétérostructure), à l'étape du bonding. La résistance R2 de ces pistes est de l'ordre de 0.5 Ω/carré.
s II.2.3.4 Étape 4 : grilles QPC
Comme nous l'avons vu au chapitre I, la disposition d'une grille fendue [24, 25] permet d'obtenir un connement 1D à partir d'un 2DEG (voir gure I.9 page 24). Ce matériau et cette technique orent de nombreux avantages de fabrication (technologie planaire) et permettent de faire varier simplement les dimensions ou la densité électronique [24, 25]. La réalisation la plus répandue et la plus commode à mettre en ÷uvre consiste à déposer une couche d'accroche de titane suivi d'un dépôt d'or [27]. Le LPN dispose d'un bâti qui permet de déposer cette bi-couche métallique. Nous détaillons en gure II.2 la procédure de fabrication des grilles des QPC. Nous pouvons mentionner en particulier l'étape de recess (voir étape 3 de la gure) : il s'agit de réduire le cap-layer par une gravure humide de manière à approcher plus fortement la grille fendue du 2DEG. 34 II.2: Réalisation des échantillons
Fig. II.2: Diérentes étapes lors de la fabrication des grilles.
bonne résolution de la lithographie électronique et de la résine PMMA, nous allons pouvoir fabriquer facilement des structures de quelques 20 nm sans aucune diculté apparente. Nous avons également réalisé des grilles de géométries diérentes avec l'espoir, nalement démenti, d'observer des diérences dans le transport électronique. Nous avons inclus, dans ce manuscrit, les images MEB de quelques-unes d'entre elles. Pour ce faire, il est nécessaire de maîtriser les eets de proximité lors de la lithographie électronique. Par exemple, pour une dose de 600 μC/cm2 et un courant de 50 pA, la réalisation de la grille de type 18 (gure II.7) nous contraint de commander un espacement d'environ 70 nm. Des procédés de fabrication diérents [28, 30, 31, 34, 36, 90, 96, 108, 110] orent des possibilités d'études nouvelles [120] même s'ils sont plus délicats à mettre en ÷uvre 11 11 MEB Hitach S800 ; responsable : Luc Le Gratiet. 35
Chapitre II: Fabrication des échantillons
II.4: Image du mésa à l'issue de l'étape 2 de fabrication ; en haut à gauche, une image AFM12 des grilles réalisées par LAO (WG ≈ 300 nm, LG ≈ 250 nm, largeur à mi-hauteur des lignes d'oxydation ∼ 80 nm). Fig. II.3: Image (microscope optique) d'une croix de Hall : on y distingue faiblement le mésa ainsi que 10 contacts ohmiques. Fig. et s'avérèrent souvent inadaptés à la réalisation d'échantillons plus complexes. Parmi ces techniques, nous mentionnons plus particulièrement le travail de Christophe David (CNRS/LPN/PHYNANO) qui a repris la technique proposée par l'équipe de K. Ensslin [31, 32, 37, 102], l'Oxydation Anodique Locale (LAO). Le balayage d'une pointe AFM polarisée à la surface d'un wafer de GaAs ou de Si va oxyder localement la surface. La pointe AFM joue le rôle de cathode et l'échantillon, d'anode (oxydation) ; l'électrolyte est formé par la ne couche aqueuse à la surface de l'échantillon, nécessitant donc de travailler en atmosphère humide (∼ 40%). L'oxydation (Ga2 O3, As2 O3 [32]) pénètre dans l'hétérostructure et peut dépléter le 2DEG, s'il est susamment proche de la surface [37], et créer ainsi une barrière de potentiel entre deux régions de la zone active. Il est ainsi possible de dessiner des grilles par lithographie-AFM en enfermant des zones du 2DEG entre des lignes d'oxydation : la prise d'un contact sur ces zones actives permettra de les polariser avec une tension VGS. Les gures II.3 et II.4 représentent des images, obtenues par microscope optique, de croix de Hall à partir desquelles Christophe David a fait des QPC pour valider la maîtrise de cette technique au laboratoire. Un nombre important d'échantillons a été réalisé avant d'obtenir les résultats positifs présentés en III.3. Cette technique originale a permis de fabriquer quelques standards de ces dernières décennies, tel des anneaux Aharanov-Bohm ou des transistors à un électron. L'enjeu de l'ensemble des nombreux essais réalisés repose sur le compromis à trouver entre le courant de fuite à travers la barrière d'oxyde (courant tunnel) et la capacité de contrôle des deux grilles. L'objectif est de pincer le canal pour une tension |VGS | inférieure à la tension de seuil du courant tunnel à travers la barrière. Une barrière épaisse permet d'augmenter la valeur seuil du courant de fuite mais réduit fortement la capacité de contrôle. À l'inverse, une barrière trop ne ne permet pas d'isoler les grilles du canal. Notons enn que cette méthode est mal adaptée pour structurer des 2DEG trop éloignés de la surface (> 50 nm) en raison des dicultés, au fur et à mesure que l'oxyde se forme, d'oxyder le wafer en profondeur. 36 II.2: Réalisation des échantillons
II.5: Image MEB d'une grille de type 5 : WG ∼ 40 nm. Fig. II.7: Image MEB d'une grille de type 18 : LG ∼ 175 nm, WG ∼ 50 nm. Fig. II.9: Image MEB d'une grille de type 25 : LG ∼ 170 nm, WG ∼ 50 nm. Fig. II.6: Image MEB d'une grille de type 10 : LG ∼ 80 nm, WG ∼ 30 nm. Fig. II.8: Image MEB d'une grille de type 20 : LG ∼ 400 nm, WG ∼ 50 nm. Fig. II.10: Image MEB d'une grille de type 28 : LG ∼ 320 nm, WG ∼ 65 nm. Fig. HEMT
La réalisation de la grille des HEMT n'a pas toujours été suivie de cette étape de recess : environ 4.4 nm du cap layer des HEMT des couches 05No08, 05No11 et 05No13 ont été retirés alors qu'aucune étape de recess n'a été appliquée sur les HEMT des couches UA08 et U102. En raison des forts rapports d'aspects WG /LG, les grilles sont
37 Chapitre II: Fabrication des échantillons fabriquées en une structure interdigitée (voir gure II.15). II.11: Image (microscope optique) de l'état de l'échantillon (3 QPC en parallèle) à l'issue de l'étape 4 (réalisation des grilles) ; le numéro 12 est un repère spécique à la géométrie de la grille. Fig
. II.12: Echantillon rigoureusement similaire à celui présenté sur la gure cicontre mais avec une grille de forme différente (type 14 ) ; vue correspondant au carré rouge de la gure II.11. Fig. II.2.3.5 Étapes 5 et 6 : protection, connexion
An de contacter la source commune des 3 QPC ou de relier les diérentes branches de la structure interdigitée des HEMT, il est nécessaire de réaliser une étape qui va permettre d'isoler des pistes réalisées lors de l'étape 2 (contact ohmique) de celles réalisées ultérieurement (étape 6). Pour cela, nous utilisons la résine SU-8 (épaisseur déposée 650 nm). Cette étape de protection est clairement visible sur la gure II.14 : elle permet de contacter la source commune (plot de droite des gures II.11 et II.13) sans court-circuiter les pistes de la grille fendue. Nous avons également proter de cette étape pour protéger le mésa et la grille en déposant de la Su-8 sur la région active (gure II.14).
II.13: Vue (microscope optique) de l'échantillon nal (3 QPC en parallèle). Fig. 38 II.14: Agrandissement de la gure II.13 (carré noir). Fig. II.2: Réalisation des échantillons II.15: Vue (microscope optique) d'une structure HEMT interdigitée ; les connecteurs sont, de gauche à droite, la grille G, la source S et le drain D. Fig. II.16: Zone active du HEMT ; nous reconnaissons les contacts ohmiques (alternativement source et drain) ainsi que la grille (trait n métallique). Fig. Chapitre II: Fabrication des échantillons 40 Chapitre III Transistor à contact ponctuel quantique : 1D-QBFET
Nous avons vu au chapitre I le principe général du transport balistique à travers un canal unidimensionnel. La quantication de la conductance (gure I.10 page 24) conduit à des non-linéarités dans les caractéristiques IDS (VGS ) (ou G(VGS )) qui interpellent naturellement le concepteur. Est-il possible d'utiliser ce phénomène physique nouveau pour fabriquer un transistor capable d'amplier un signal (gain > 1)? L'objectif de ce chapitre est d'étudier cette question d'un point de vue expérimental. Après une brève description qualitative des résultats obtenus, nous appliquerons ensuite le formalisme de LandauerBüttiker pour décrire plus précisément le transport électronique dans ces composants. Nous présenterons enn un exemple d'application des QPC : le multiplexage de matrices de bolomètre haute impédance (projet DCMB).
III.1 III.1.1 Fabrication 2DEG
Nous avons fabriqué des échantillons avec 3 QPC en parallèle comme il l'est décrit au chapitre II. Le succès des résultats obtenus s'appuie en grande partie sur la possibilité d'obtenir des gaz d'électrons bidimensionnels très proches de la surface. Ainsi, la couche utilisée pour réaliser les échantillons a été épitaxiée au LPN (couche UA08) par l'équipe MBE du groupe PHYNANO. Le 2DEG est à environ 36 nm de la surface si nous prenons en compte les 31 nm de l'hétérostructure (voir tableau II.1) et les 5 nm dus à la localisation du maximum de la fonction d'onde du niveau E1 (voir gure I.6 page 19). La densité du 2DEG à 4.2 K vaut 5.7×1011 électrons/cm2 ce qui équivaut à une énergie de Fermi d'environ 20 me V (voir annexe A) ; la forte mobilité du gaz, environ 0.93×106 (cm2 /V/s), correspond à un libre parcours moyen l d'environ 11.5 μm (annexe A).
1 e Les grilles
À ce succès de l'épitaxie moléculaire s'ajoute le reccess eectué avant le dépôt métallique : en gravant quelques nanomètres du cap layer, nous réduisons la distance surface-2DEG et augmentons ainsi la capacité de contrôle de la grille (CGS ∝ 1/d). Enn, nous avons intuitivement réalisé des QPC avec une faible distance entre les grilles de manière à accroître le connement électronique et espacer au maximum les niveaux
En
1
Voir note
1
page 29. 41 Chapitre III: Transistor à contact ponctuel quantique : 1D-QBFET (voir III.2.4.3).
Il était également intuitif de réaliser des constrictions plus longues que larges pour accentuer la quantication comme l'attestaient certaines simulations [63] : nous avons ainsi fabriqué des QPC de diérentes longueurs dans l'espoir, nalement déçu, de mesurer des variations signicatives de transmission.
2 III.1.2 Quantication de la conductance
III.1: A : Image MEB d'une grille de type 18 3 ; mesure de IDS (VGS ) (courbe rouge) de l'échantillon EA1811 (grille 18 ) pour VDS = 1 mV ; en bleu, la dérivée IDS (transconductance) ; T = 4.2 K B : Représentation schématique des diagrammes de bandes correspondant aux points de polarisation repérés en A. Fig. Nous présentons ici les mesures obtenues sur l'échantillon EEA1811 (grille 18, échantillon n1, grille n1/3). Les mesures ont été eectuées avec des Keithley-2400 polarisés en tension (Labview), à la température de l'hélium liquide (4.2 K). Sauf si nous l'indiquons, la source, le drain et la grille sont mis à la masse lors de la descente en température. Lors des mesures, la source reste xée à la masse (amplicateur source commune). Nous imposons donc la relation suivante : μS = EF (III.1) 3 4 La gure III.1-A fait clairement apparaître la quantication de la conductance dans le QPC. Sur le premier plateau, nous mesurons un courant drain-source IDS de 77.5 nA pour 2 van de Marel et al. [63] ont par ailleurs montré que le rapport W /L entre la largeur et la longueur e e électrique est assez peu restrictive pour observer la quantication de la conductance dans un QPC. 3 Voir gure II.7 page 37. 4 Appareil similaire à des SMU (Source Measure Unit) à l'exception de l'impédance d'entrée, plus faible. III.1: Résultats expérimentaux
une tension VDS de 1 mV, ce qui correspond à la résistance du quantum de conductance : 77.5 nA ≈ 1 ≈ 2 e2 (III.2) 1 mV 12.9 kΩ h Pour tracer précisément la conductance G en fonction de la tension de grille, il serait plus rigoureux d'appliquer une diérence de potentiel μS − μD plus faible, comme c'est généralement le cas dans les expériences de physique mésoscopique [92, 117]. En réalité, nous verrons que l'écart énergétique En+1 − En et l'énergie caractéristique de transition entre deux canaux de conduction sont susamment grands devant eVDS pour justier l'application d'une polarisation si forte. En outre, le mode transistor du QPC n'apparaîtra que pour des polarisations en tension élevées, de l'ordre de quelques mV. Nous nous restreignons donc volontairement à ce régime. La gure III.1-B décrit qualitativement la structure de bande dans le canal 1D pour 4 points de polarisation P1, P2, P3 et P4 repérés en III.1-A. La largeur électrique induite dans le 2DEG par la tension de grille VGS est d'autant plus petite que la tension est négative : le connement étant plus sévère, les niveaux énergétiques En sont plus élevés. Si la tension grille-source est très négative (< -100 mV), le premier niveau E1 dans la constriction est supérieure à l'énergie de Fermi EF ; aucun électron de la source n'a l'énergie susante pour satisfaire cette condition de quantication (point P1 ) : la probabilité de transmission T est nulle, il n'y a pas de courant drain-source. Lorsque nous diminuons la tension sur la grille, la largeur électrique du canal augmentant, les niveaux de quantication diminuent, ouvrant progressiv les canaux de transmission (points P2 et P4 ). Lorsque E = E2 (point P3 ), la probabilité de transmission du mode n = 2 vaut 1/2, alors que la probabilité de transmission du mode n = 1 vaut 1, menant à une conductance de (3/2)2e2 /h. Nous décrirons plus précisément la transition entre chaque plateau un peu plus loin dans le chapitre.
III.1.3 1D-QBFET
Fondamentalement, tout circuit électronique actif s'appuie sur la capacité du système à amplier une information entrante. m supplémentaire dans le transport. Ces pics augmentent avec la tension VDS jusqu'à atteindre une valeur de saturation proche de 20 μS pour une tension VDS ∼ 10 mV, la tension sourcegrille VGS valant environ -90 mV. Ces premières mesures nous laissent également entrevoir un phénomène plus complexe : le maximum de transconductance est plus important sur le premier pic que sur le deuxième, et plus important sur le deuxième que sur le troisième. Ce phénomène est très généralement observé jusqu'à des ordre plus élevés [73, 88, 102, 110, 112, 114], à quelques exceptions près [91]. Nous proposerons un peu plus loin quelques phénomènes physiques susceptibles d'expliquer ces comportements. Nous pouvons néanmoins déjà garder à l'esprit que le contrôle est plus ecace près de la tension de seuil.
5 E2 − E1
Nous distinguons nettement sur la gure III.2-B les pics de transconductance lorsque la tension eVDS est faible devant l'écart énergétique entre les sousbandes : le diagramme de bandes (gure III.2-C) correspondant au point de polarisation P1 en donne une illustration claire. De la même manière, la position des plateaux de conductance est bien repérée pour de faibles tensions drain-source (point P3 et P4). En revanche, plus l'écart entre les potentiels électrochimiques μS − μD est important, plus la distinction devient dicile. En particulier, les deux pics de transconductance disparaissent pour une tension VDS = 13 mV. Dans le cadre d'un modèle simple (décroissance linéaire Evaluation de 5 QPC 44 très longs : LG ∈ [400 nm ; 2 μm]. III.1: Résultats expérimentaux des bandes avec VGS, invariance de En+1 − En avec les tensions de polarisation), cette courbe est le reet direct de l'écart énergétique entre les deux premières sous-bandes, que nous estimons ainsi à 13 meV (voir gures III.26 et III.28). Notons enn que pour des tensions eVDS > E2 − E1, les deux maxima des deux premiers pics de transconductance se décalent et fusionnent pour ne former qu'un seul pic situé à un point de polarisation EF = (E1 + E2 )/2 : les schémas de bandes 1D permettent également de comprendre qualitativement cette évolution.
Tension de seuil
La tension de seuil peut varier d'environ 20 mV pour une même géométrie de grille (gure II.13 page 38) : la raison principale est imputable à la résolution de la résine PMMA. Nous pouvons néanmoins relier aisément la tension de seuil à la largeur entre les grilles splitées : la tension de seuil croît quand WG diminue (∼ 5 mV/nm). Les variations d'une descente en température à l'autre sont très faibles (quelques mV). Notons enn que le 2DEG étant proche de la surface et la largeur entre les grilles très faibles (∼ 30 nm) par rapport aux lithographies couramment pratiquées [52, 53, 78, 100] (WG ∼ 250/300 nm), les tensions de pincement sont réduites d'un facteur ∼ 10. Certains échantillons réalisés ont même un comportement normally o (voir III.5). Nous ne risquons donc pas d'observer d'hysteresis dans les mesures, comme c'est parfois le cas pour des échantillons qui nécessitent l'application de tensions VGS plus fortes [91].
Reproductibilité
Exceptée la tension de seuil, aucune diérence notable n'a pu être identiée entre les diérentes géometries testées (gures page 37). Les disparités observées s'expliquent en premier lieu par la non-uniformité des dispositifs (épitaxie et/ou nanofabrication) : une impureté localisée à l'entrée ou à l'intérieur du canal, peut fortement modier les propriétés de transmission [78]. Mais généralement, en l'absence d'impuretés visibles, les gures de transconductance g (VGS − Vseuil ) varient très peu d'un échantillon à l'autre. Les écarts énergétiques entre les deux premiers niveaux E1 et E2 sont compris entre 11 et 13 meV. Nous n'avons pas montré ici de grilles susamment espacées (page 37) pour présenter des diérences signicatives et présenter une courbe du type E2 − E1 = f (WG ). En ré , nous avions pour objectif d'obtenir des niveaux assez espacés pour observer aisément la quantication à la température de l'hélium liquide (E2 − E1 >> 4kB T ) : nous avons fabriqué d'emblée des constrictions très étroites [98]. Pour un échantillon donné, la reproductibilité d'une mesure à l'autre, pour des conditions identiques de descente en température, est très bonne : la tension de seuil peut varier de quelques mV et les maxima d'environ 10 %. m
III.1.3.2 IDS (VDS ) - gd Saturation de IDS
L'analyse de la transconductance nous a permis de quantier dans quelle mesure le QPC permet de contrôler le courant IDS induit entre les deux réservoirs. Nous avons clairement mis en évidence le rôle joué par les bandes 1D. 45 Chapitre III: Transistor à contact ponctuel quantique : 1D-QBFET
par la variation de tension en entrée (sur la grille) en polarisant, par exemple, la sortie par une résistance de charge. La qualité de la source s'avère donc primordiale : il faut un mécanisme de saturation ecace à fort VDS. Le transport à travers les bandes 1D ore-t-il cette saturation en courant dans des proportions susantes? Pour étudier cette question et quantier la saturation du composant, nous dénissons la conductance de sortie g : d gd = ∂ IDS ∂ VDS (III.5) VGS La gure III.3-A atteste eectivement de la présence d'une telle saturation [64] pour des tensions VDS ∼ 10 mV. Pour le même point de polarisation décrit précédemment (VDS = 7 mV, VGS = -90 mV), la conductance de sortie vaut environ 10 μS. Notons que les tensions appliquées sont très faibles par rapport aux tensions mises en ÷uvre dans les MOS (facteur 100) ou les HEMT à 4.2 K (facteur 10), rendant ces composants particulièrement prometteurs pour la cryoélectronique (très faible consommation). Nous pouvons décrire qualitativement l'origine physique de cette saturation [60, 64] très simplement à l'aide de diagrammes de bandes 1D, comme nous l'avons fait précédemment. Considérons les points de polarisation P4 et P5 de la gure III.3 correspondant à une tension VGS = -70 mV. Lorsque la tension drain-source est faible, les potentiels électrochimiques du drain de la source étant contenus dans la première sous-bande, la résistance du canal est donnée par le quantum de conductance (point P4 ). En augmentant la tension drain-source, le potentiel électrochimique du drain sort de la première sous-bande. Par con séquent, une partie de la tension VDS ne va pas injecter d'électrons supplémentaires dans le premier canal ; seuls les électrons d'énergie E ∈ [E1 ; μS ] sont transmis de la source vers le drain (point P5 ) : le système sature. DIBL Outre la saturation en courant, un phénomène a priori curieux est observé sur la courbe g |VGS = : la conductance de sortie augmente jusqu' à une tension drainsource d'environ 9 mV, traduisant une augmentation anormale du courant (visible sur la gure III.3-A), avant de diminuer avec la même pente que dans le cas précédemment décrit. Chapitre III: Transistor à contact ponctuel quantique : 1D-QBFET
Fig. III.4: Conductance de sortie g calculée pour une faible tension de polarisation (VDS = 1 mV - trait plein) et pour une tension de polarisation plus importante (VDS = 8 mV tirets.
turellement le terme de DIBL, emprunté à la microélectronique classique, pour le désigner. Le QPC, archétype du composant ultra-court, n'échappe donc pas à l'une des dégradations majeures des caractéristiques statiques des MOSFET traditionnels pour des longueurs de grilles. 40 nm [132, 134] : le DIBL est à l'origine de la mauvaise saturation des courbes IDS (VDS ). demi-plateaux Généralement, l'étude du transport dans le QPC se fait à l'aide d'une polarisation symétrique entre source et drain de sorte que μS = EF + βeVDS et μD = EF − (1 − β)eVDS. Le facteur β vaut approximativement 1/2 [64, 110]. Ainsi, comme il le fut prédit très tôt [60, 64], des demi-plateaux de conductance sont attendus (multiple de e2 /h) pour des tensions de polarisation importantes pour lesquelles μS et μD n'occupent pas le même nombre de sous-bandes. Cette quantication en pas de e2 /h dans les courbes g (VGS ) fut eectivement observée par la suite [71, 80, 81] ; la gure III.4 en donne une illustration. Ces demi-plateaux ne doivent évidemment pas être confondus avec la véritable quantication en pas de e2 /h sous fort champ magnétique (B & 5 T), dû à la levée de dégénérescence de spin [67, 80, 107].
d III.1.3.3 Gain en tension > 1
Dans les deux paragraphes précédents, nous avons mis en évidence un point de polarisation particulier (VDS = mV ; VGS = -90 mV) correspondant à une transconductance de 20 μS et une conductance de sortie de 10 μS. Le système peut donc idéalement amplier avec un gain = 20 μS/10 μS = 2. De manière plus complète, nous présentons, en gure III.5, le gain intrinsèque déduit des mesures précédentes. Nous remarquons clairement une région où le gain en tension est supérieur à 1. Cette région correspond au premier pic de transconductance. L'explication ne repose pas sur le fait que les maxima de transconductance soient légèrement plus prononcés à cet endroit, mais sur le fait que la conductance de sortie y est plus faible (voir gure III.3-B). par
:
gd (n) = 2e2
(
n
− 1) h (
III.
6) Ainsi, pour obtenir du gain en tension sur le deuxième pic, il est nécessaire d'appliquer une tension drain-source plus importante, de l'ordre de (E2 − E1 )/e, pour obtenir une conductance de sortie g susamment faible. Notons enn que nous n'avons pas de gain pour des tensions drain-source négatives, en raison de l'absence de saturation : le potentiel électrochimique du drain va pénétrer successivement dans les diérentes sous-bandes 1D. Les mesures de transonductance sont très similaires d'un échantillon à l'autre. Nous présentons en gure III.6 quelques courbes supplémentaires relatives à l'échantillon UA08_0202. La grille de type 2 est similaire à la grille de type 18 mais avec LG = 180 nm et WG = 60 nm. La gure III.7 montre clairement que le gain en tension est obtenu sur le premier pic de transconductance situé vers - 50 mV. Les mesures du gain sont naturellement bruitées pour de faibles courants, mais l'on distingue néanmoins la décroissance du premier pic de G0, comme nous distinguons nettement celles relatives aux pics n2 et n3. Ces pics correspondent rigoureusement aux pics de transconducance, prouvant ainsi que du gain en tension de plusieurs unités peut être obtenu en régime balistique 1D.
d III.1.3.4 Conclusion intermédiaire
Nous avons démontré, à l'issue de ces quelques pages, qu'il est possible, par une technologie adaptée, d'utiliser la quantication de la conductance pour réaliser un transistor. Il est d'ailleurs remarquable de constater que les tensions mises en jeu sont très faibles par rapport aux tensions d'une technologie classique. D'un point de vue cryogénique, les résultats sont donc très encourageants : à 4.2 K, pour une tension de grille de -90 mV, une tension drain-source de 7 mV, nous avons obtenu un gain de 2 pour un courant de 175 nA, correspondant à une puissance de consommation de seulement 1.2 nW. La dénomination 1D-QBFET (transistor quantique balistique 1D) est pour le moins tentante. Mais est-elle justiée? La physique quantique intervient dans la quantication transverse. Fig. III.6: Transconductance de l'échantillon UA08_0202 (grille 2 ) pour différentes tensions VDS variant de -10 mV à 20 mV (pas de 1 mV) ; T = 4.2 K. Fig. cative à un point de polarisation de gain G0 > 1? Une description semi-classique (structure de bandes 1D) ne serait-elle pas susante? Les réponses à ces questions sont relativement évidentes : comme il le fut évoqué dans ces premières pages descriptives, la quantication et la transmission jouent un rôle prépondérant dans le transport. Néanmoins, pour y répondre plus rigoureusement, nous allons tenter de modéliser aux mieux nos résultats.
III.2 Modélisation
Nous avons clairement montré que les caractéristiques statiques des QPC (g et g ) révèlent très fortement la nature unidimentionnelle et balistique du transport électronique. Pour modéliser ces résultats expérimentaux, nous allons mettre en ÷uvre le formalisme de Landauer-Büttiker. L'expression du courant IDS se met alors sous la forme :
m N 2e X IDS (VDS, VGS ) = h Z n=1 0 +∞ " Tn (E, VDS, VGS ) 1 E−EF 1 + e kB T 1 − 1+e E−EF +e VDS kB T # dE d (III.7)
La plus grande diculté reste à déterminer la probabilité Tn relative à chaque mode électronique. Idéalement, nous devrions calculer numériquement le potentiel induit dans le 2DEG [51, 84, 121] par les tensions de polarisation VGS et VDS pour déterminer, dans un deuxième temps, la probabilité de transmission T. Ce genre d'étude n'est évidemment pas l'objectif du travail de thèse. Nous allons eectuer le travail inverse : à partir des mesures de transport, nous en déduirons des propriétés sur le potentiel induit dans le 2DEG. Nous tenterons alors, dans un second temps, de proposer quelques explications physiques pour justier cette démarche inductive. 50
III.2: Modélisation III.2.1 Expression théorique du courant III.2.1.1 Expression de la transmission
Il est nécessaire de connaître l'expression de la transmission T (E) d'un électron d'énergie E à l'entrée du canal 1D. Même si l'approche d'un potentiel abrupt permet de décrire certaines tendances [57, 58, 63], elle n'est pas correcte. De manière évidente, le potentiel induit dans le 2DEG par les grilles est doux.
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2021ORLE3134_8
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Étude du mécanisme de dépôt de lithium par Résonance Magnétique Nucléaire operando pour optimisation de la charge rapide des batteries Li-ion
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None
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French
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Spoken
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Ils ont utilisé une cellule LCO/graphite à laquelle ils ont rajouté du LTO prélithié au préalable face à du
179 Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
lithium
méta
l. Ils viennent positionner l’électrode de référence au milieu de la cellule, entre deux séparateurs. Le fil en cuivre sert de collecteur de courant à l’électrode de référence et il est coincé lors de la fermeture du contenant, l’étanchéité étant assuré par de la résine époxy et le court-circuit est évité avec un petit morceau de séparateur.
Figure 29 : Schéma de la pile bouton à trois électrodes. 23
4. 4. 4. La cellule Swagelok® en forme de T
Ce design utilise une cellule Swagelok® en acier inoxydable en forme de T à trois électrodes 24. La troisième électrode en lithium métallique vient se glisser entre les deux électrodes, il faut alors deux séparateurs pour éviter tout court-circuit (Figure 30).
Figure 30 : Schéma de la cellule Swagelok® à trois électrodes. La Figure 31a,b présente des cycles effectués avec cette cellule sur le lot B, NMC/Graphite, avec une électrode de référence en lithium métal. Les mêmes essais sur le lot A2 n’ont pas été très concluants, mettant en lumière les difficultés à positionner de façon reproductible l’électrode de référence (Figure 31c,d). 180
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental (
a
)
(b) (c) (d) Figure 31 : Exemples de cycles électrochimiques sur NMC/Graphitepour la Swagelok® 3 électrodes. (a) les trois premiers cycles à C/10 avec les électrodes du lot B (cellule LA_009), (b) focus sur le cycle 2 de (a) ; (c) les quatre cycles de formation avec les électrodes du lot
1 (cellule LA_062), (d) focus sur le cycle 2 de (c), avec la charge en rouge et la décharge en vert. 4. 5. La modification de la cellule Kel-F RMN
Nous avons modifié la cellule Kel-F RMN initiale pour faire un montage fonctionnel pour une mesure à 3 électrodes par RMN operando. L’ajout d’une troisième électrode nécessite d’ajouter un fil supplémentaire pour la mesure de son potentiel par le galvanostat. Dans l’état actuel du montage, le câble coaxial in situ n’est constitué que d’une âme et d’une tresse, et ne peut donc contrôler que deux électrodes. Nous avons résolu ce point avec un changement des câbles de connexion entre le galvanostat et la cellule Kel-F RMN (cf. paragraphe 3). L’objectif est maintenant d’ajouter une électrode de référence à la cellule Kel-F RMN.
181
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental 4. 5. 1. Les contraintes géométriques
Cette cellule a de petites dimensions : diamètre intérieur de la cellule de 6 mm, diamètre extérieur de 1 cm. Ajouter une troisième électrode est donc un challenge (Figure 32). Nous ne pouvions pas mettre la troisième électrode dans la même configuration que la Swagelok® présentée plus tôt24. En effet, les parois de la cellule sont trop fines pour y faire passer un fil, et les dimensions ne laissent aucun espace libre entre la cellule et la paroi de la bobine RF (Figure 33).
Figure 32 : Schéma des dimensions de la cellule Kel-F RMN, avec zone de détection RMN (en rouge). Figure 33 : Photo de la cellule Kel-F RMN dans la bobine en selle de cheval avec les dimensions et la zone de détection (en rouge). 4. 5. 2. Les contraintes pour l’emplacement de l’électrode de référence
Viennent s’ajouter à cela les contraintes liées à la caractérisation RMN pour l’emplacement de l’électrode de référence. Nous nous intéressons à la RMN du lithium-7, et plus précisément au signal du lithium métallique. Si l’électrode de référence en lithium métal était dans la zone de détection, le pic correspondant sur le spectre masquerait le signal très faible du lithium déposé sur le graphite, malgré un léger décalage d’environ 30 ppm (cf. Chapitre 2. Paragraphe 4.2.1), ce qui résulterait en une dégradation de la limite de détection.
4. 5. 3. Le design final : la cellule Kel-F RMN à 3 électrodes
Nous sommes arrivés à un compromis où la troisième électrode est placée juste en-dessous d’une électrode de travail. Nous avons percé une nouvelle ouverture dans le fond de la cellule pour insérer un fil de cuivre de diamètre 0,7 mm (Figure 34). Ce perçage de diamètre 0,8 mm, a été réalisé de façon à déboucher le long de la paroi intérieure de la cellule. Pour une bonne conductivité, nous avons choisi d’utiliser un collecteur en cuivre comme support du lithium métal. Malheureusement, l’adhésion du lithium métal sur le cuivre n’est pas triviale. Nous avons donc trouvé une alternative d’ordre mécanique : nous venons encastrer par pression le lithium métallique dans un creux du fil en cuivre formé par pliage (Figure 35). Une fois ce fil inséré dans la cellule, pour garder l’étanchéité22,23, nous appliquons une résine époxy bicomposants SADER® afin de couvrir le trou dans le corps de cellule (Figure 36). Pour un séchage
182 Chapitre 4.
Le
d
éveloppement du
montage
expérimental optimal
, nous laissons reposer une nuit avant assemblage de la cellule (puisque la boîte à gants est sous atmosphère d’argon, nous avons observé un séchage plus long que les trois minutes annoncées à l’air). Nous avons testé le cyclage de la cellule en boîte à gants, puis hors atmosphère contrôlée (Figure 37), validant le design au vu des bonnes performances hors BAG. Nous retrouvons les mêmes tendances que pour la cellule à deux électrodes, même si l’on peut observer une tension de cellule légèrement différente. La cellule a cyclé sur les 2 premiers cycles et présente une capacité expérimentale de 2,51 mAh∙cm-2. Elle se rapproche des performances des cellules ayant le moins bien cyclées.
Figure 34 : Schéma de la cellule à 3 électrodes. Figure 35 : Li métal encastré sur un fil de cuivre. Figure 36 : Photo et schéma de la résine époxy permettant l'étanchéité au niveau du collecteur de l'électrode de référence. Figure 37 : Exemple de cycles électrochimiques NMC/Graphite pour la cellule Kel-F RMN à 3 électrodes hors BAG. (a) les quatre cycles de formation avec les électrodes du lot A2 (cellule LA_146), (b) focus sur le cycle 2 de (a). 4. 6. Le montage RMN operando à 3 électrodes
Maintenant que nous avons la cellule à trois électrodes est réalisée. Il nous faut adapter le circuit électrique pour avoir trois chemins électriques parallèles, un pour chaque électrode. Il nous faut alors modifier la connectique de la cellule électrochimique ❶ au câble in situ ❹ (jonction A, Figure 7), 183 Chapitre 4. Le développement du montage expérimental ainsi que la sortie du câble HDMI® in situ ❹ en direction du galvanostat (jonction B, Figure 7). Il faudra adapter également le système de filtres ❺. Par contre la bobine et la sonde ne sont pas modifiées, puisque la géométrie de la cellule n’est pas impactée.
4. 6. 1. La connexion de la cellule Kel-F au câble in situ : adaptation aux 3 électrodes
Nous modifions la connectique (jonction A, Figure 7) de la cellule électrochimique ❶ au câble in situ ❹ dans la sonde RMN pour l’adapter à la cellule trois électrodes. Nous utilisons alors trois paires de fils torsadés du câble. Le montage à 3 électrodes utilise 4 conducteurs : 3 fils doublement blindés pour chacune des électrodes et la tresse globale pour la mise à la terre du dispositif. Quant au montage à 2 électrodes, il utilise 3 conducteurs : 2 fils doublement blindés, un pour l’électrode positive et un second pour l’électrode négative connecté à la tresse globale au plus près de la cellule. Nous avons usiné une pièce en Kel-F® afin de servir de support à la cellule en bout du tube de laiton et permettre la connexion aux trois fils (Figure 39). Le support Kel-F® contient un connecteur SMA (« Subminiature version A ») femelle permettant d’insérer le collecteur négatif de la cellule Kel-F RMN directement, et d’assurer un bon contact sans soudure ou sertissage. Les deux autres fils sont blindés par leur tresse en aluminium et protégés par une gaine plastique, ainsi que par le tube en laiton.
Figure 38 : Schéma du support en Kel-F® (en noir) avec le connecteur SMA femelle (en jaune). Figure 39 : Schéma du passage des fils dans le support pour une cellule à trois électrodes. Nous faisons les connectiques nécessaires par brasure à l’étain. L’isolation entre les fils ainsi qu’avec les fils non utilisés est assurée par la pose de gaines thermo-rétractables diélectriques (Figure 42). La tresse global
e
est en contact
avec le tube en laiton. Ce tube
é
tant lui
-même en contact avec les parties méta
l
liques de la sonde
, il se retrouvera à la terre du spectromètre. Pour conclure, la Figure 42 présente les configurations pour un montage à 3 électrodes, en Figure 43 pour un montage à 2 électrodes.
184
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Figure 40 : Photo de la connectique pour le montage à 2 électrodes avec les gaines thermo-rétractables pour l’isolation. Figure 41 : Photos d’une connectique pour montage à 3 électrodes avec la tresse globale en contact direct avec le tube en laiton traversant la sonde RMN. Brass Figure 42 : Schéma et photo du support et de la connexion de la cellule 3 électrodes, avec mise à la terre de la tresse en contact par l’intérieur du tube en laiton. Figure 43 : Schéma et photo du support et de la connexion de la cellule 2 électrodes, avec mise à la terre de la négative en la connectant au tube en laiton.
4. 6. 2. La sortie du câble in situ vers le galvanostat : adaptation au montage à 3 électrodes
Nous modifions la connectique type HDMI (jonction B, Figure 7) du câble in situ ❹ (cf. paragraphe 3. 5. 1), pour l’adapter au montage à trois électrodes. Pour un montage à 3 électrodes (Figure 44), l’électrode positive correspondant au fil rouge a pour sortie la broche n°1, l’électrode négative correspondant au fil bleu la broche n°14, l’électrode de référence correspondant au fil vert la broche n°10.
185
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Figure 44 : Schéma d’un connecteur femelle d'un câble HDMI, avec les broches utilisées pour le montage à 3 électrodes : en rouge l'électrode positive, en bleu l'électrode négative, en vert l’électrode de référence et mise à la terre par la tresse.
4. 6. 3. La connexion au galvanostat
Ici deux problématiques apparaissent : comment connecter la sortie du câble HDMI à 3 conducteurs du DB25 en maintenant la mise à la terre pour le blindage et comment utiliser le filtre qui ne permet de transmettre qu’un seul signal en maintenant la continuité de la mise à la terre. Cela est rendu possible grâce au boîtier permettant d’effectuer la connexion au DB25 et de maintenir une mise à la terre pour les 3 conducteurs – positive, négative et référence. En ce qui concerne le reste de la connexion au câble du galvanostat ❻, puisque nous gardons le câble originel de la machine, il suffit de brancher les fiches bananes du câble ❻ aux sorties correspondantes sur les filtres ❺ (jonction C, Figure 7). 186
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental Le développement d’un montage in situ pour les basses températures
Pour pouvoir descendre à basses températures, il faut un système de refroidissement pour le montage in situ. Un système de contrôle de température existe déjà sur les sondes RMN : un dewar traverse la sonde et permet d’apporter un flux de gaz froid au plus près de l’échantillon (l’azote dans notre cas), avec une petite résistance de chauffe et un thermocouple pour la mesure et la régulation. Nous utilisons une unité de refroidissement, ou BCU (« Bruker Cooling Unit I »), permettant une sortie de gaz à -40 °C. Ainsi, la gamme de température accessible est de -40°C (azote gazeux réfrigéré) à +80°C (azote gazeux à l’ambiante ; réchauffé par résistance de chauffe).
Figure 45 : Schéma et photo de la sonde de diffusion et sa bobine en selle de cheval.
5. 1. Le choix de la sonde
Nous avons deux sondes « diffusion » au laboratoire. Sur la première sonde diffusion (dite modifiée) utilisée pour l’in situ, le dewar (en orange sur la Figure 45) a été ôté afin de laisser place au câble pour l’électrochimie. La deuxième sonde diffusion (dite commerciale), possède un dewar, permettant les expériences à température contrôlée. Si nous gardons le dewar, nous devons passer le câble électrique reliant la cellule au galvanostat par le haut de l’aimant RMN (manque de place). 5. 1. 1. La sonde diffusion commerciale : pour l’imagerie et la température
Comme mentionné en Chapitre 2. Paragraphe 3.1, ces sondes sont commercialisées avec un fourreau de gradient, permettant de faire des mesures de diffusion ou d’imagerie. Ainsi, le blindage de la zone de l’échantillon est effectué par ce fourreau, qui est installé même s’il n’est pas utilisé. Ce fourreau contient une bobine pour la création de PFG (gradients de champ pulsés) et est refroidie par un circuit d’eau réfrigérée. Refroidir en parallèle l’échantillon pour des basses températures peut être problématique et engendrer la cristallisation de l’eau dans le gradient, ce qui endommagerait le dispositif.
187
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Une alternative a été d’ôter le gradient de champ de la sonde diffusion modifiée afin de le substituer ultérieurement par une pièce dimensionnée sur mesure permettant la basse température. Pour cela nous avons effectué des spectres RMN in situ avec et sans le fourreau de gradient de champ. Nous avons fait le test sur une pastille de lithium métallique de diamètre 8 mm et d’épaisseur 440 μm dans un tube (Figure 46) ainsi que sur une cellule complète RMN in situ (LA_066, Figure 47). L’accord est fortement influencé par l’absence du gradient, mais reste possible. Nous ne voyons pas de différence majeure sur le spectre, au contraire le signal augmente, par la modification de l’accord de sonde. L’inconvénient majeur induit par l’absence du fourreau est que le quartz protégeant la bobine de la déformation, très fragile, n’est plus protégé ni guidé. Malgré les précautions prises, nous déplorons une casse du quartz lors de la désinstallation du montage, le fourreau de gradient n’étant plus là pour guider la tête de sonde. Figure 46 : Exemple de spectres pour une pastille de lithium métallique dans un tube RMN avec la sonde diffusion modifiée et sa bobine en selle de cheval : en rouge, avec le fourreau de gradient de champ ; en bleu, sans le fourreau de gradient de champ. Figure 47 : Exemple de spectres pour une même cellule en RMN in situ non connectée au galvanostat avec la sonde diffusion modifiée et sa bobine en selle de cheval : en rouge, avec le fourreau de gradient de champ ; en bleu, sans le fourreau.
188
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental 5. 1. 2. La sonde SOL5 : pour la basse température
En alternative plus viable, il existe des sondes robustes pouvant descendre à très basses (ou hautes) températures, mais sans possibilité de faire de l’imagerie, ce qui pour nous n’est pas le but premier. Nous utilisons dans notre cas (Figure 48 et Figure 49) une sonde Bruker statique monocanal SOL5, ancêtre de l’actuelle Bruker Wideline SB, conçue pour un aimant 9 T avec plusieurs bobines solénoïdes de diamètre 5 mm, d’où l’appellation SOL5 (la Figure 49 montre la bobine 9,5 tours) et plusieurs condensateurs permettant de couvrir toute la gamme de fréquence des noyaux RMN (6 MHz 200 MHz).
Figure 48 : Schéma de la sonde SOL5 et sa bobine solénoïde. Figure 49 : (à gauche) Photos de la bobine solénoïde de la sonde SOL5 ; (à droite) vue du dessus de la sonde SOL5 avec le capot. Ces sondes sont dotées d’un petit dewar en forme de cloche (en vert sur la Figure 48) au-dessus de l’échantillon, qui crée une chambre à basse (ou haute) température bien isolée du reste de la sonde pour éviter de refroidir/chauffer trop les shims de l’aimant RMN. Nous allons présenter les modifications du montage dans le paragraphe suivant pour le rendre compatible aux expériences operando, en s’inspirant du design de Grey et al25.
189
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental 5. 2. Les pouch cells RMN : modifications pour expériences operando (sonde SOL5)
Afin d’améliorer la résolution temporelle de nos spectres, nous devons gagner en sensibilité pour la RMN. Nous avons donc exploré les possibilités avec une cellule de type pouch cell avec un design similaire à celui du commerce. Cela permet d’avoir une surface d’échantillon beaucoup plus importante que les cellules Kel-F RMN (type swagelok), même si drastiquement réduit par rapport au commerce.
5. 2. 1. Une nouvelle cellule : le pouch cell RMN
Les dimensions du pouch cell RMN ❶ ont été optimisées selon l’espace disponible dans la tête de sonde ❸ et la bobine utilisée ❷. Nos pouch cells réalisés au laboratoire ont des électrodes rectangulaires de dimensions 15 mm x 30 mm (Figure 50 et Figure 51), dimensions très réduites vis-àvis des pouch cells commerciaux. Ils sont assemblés à l’air libre, puis séchés une nuit sous vide à 90°C, pour ensuite être introduits en boîte à gants pour l’activation et le scellage sous vide. Les pouch cells n’ont pas de système de pression inclus. Il faut alors utiliser des plaquettes associées à des pinces pour y remédier. Nous avons dû nous affranchir de l’usuel emballage en aluminium puisque ce métal engendre l’atténuation, voire le blindage, du champ RF excitateur à l’intérieur. Cela réduit alors fortement le signal obtenu pour les matériaux situés à l’intérieur de la batterie, ce qui complique grandement la caractérisation. Notre choix s’est alors tourné vers les plastiques à barrière 26,27 ayant une bonne imperméabilité à la vapeur d’eau et à l’oxygène. Ces plastiques sont notamment présents dans le commerce sous forme de plastiques alimentaires, conçus pour retarder au maximum l’entrée de l’air afin de conserver les aliments sur de plus longues durées. Le produit ESCAL® de Mitsubishi Chemical Gas est particulièrement adapté à l’application souhaitée. Un stage antérieur28 à ces travaux, fruit d’une collaboration entre le Groupe Renault et le CEA de Grenoble, a été réalisé démontrant notamment l’efficacité du plastique alimentaire ESCAL® pour cette application. Du nom de Escal Neo Foil®, il s’agit d’un composé tri-couches pour une épaisseur totale de 115 μm : un film de polyéthylène en face intérieure, une couche de céramique et un film en polyéthylène téréphtalate (PET) en face extérieure. Lors de l’étude de ce matériau, un échantillon de lithium métallique a été thermoscellé dans un pochon d’ESCAL® avec thermoscellage de 1 cm sur chaque côté. Une observation par microscope optique pendant 90 h n’a montré qu’une très faible contamination de l’échantillon (faibles traces noirâtres). L’utilisation de sachets souples ESCAL® pour réaliser les batteries est donc appropriée à cette application, permet de limiter les réactions parasites dues à l’environnement (humidité, air), et est inerte face à l’électrolyte utilisé.
Figure 50 : Photo d'un pouch cell RMN.
190
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Figure 51 : Schéma de coupe d'un pouch cell RMN. 5. 2. 2. La bobine plate fait-maison Développée simultanément au design du pouch cell RMN, la bobine plate ❷ vient épouser la forme du pouch cell et permet d’optimiser les performances d’acquisition en RMN (meilleur facteur de remplissage). Les caractéristiques électriques de cette bobine doivent être à peu près égales à celle de la bobine initiale pour permettre un bon accord de la sonde. Dans la suite, nous détaillons comment la géométrie de la bobine a été choisie pour respecter ce critère. Le canal d’une sonde RMN se comporte comme un circuit LC oscillant (avec une bobine et un condensateur en parallèle). Sa fréquence de résonance est notamment liée à l’inductance de la bobine : ν= 1 2π ∙ √LC (4) Avec ν la fréquence de résonnance, L l’inductance de la bobine RF, C la capacitance du circuit.
• L
’
inductance de la bobine RF solénoïde
Il est possible d’estimer l’inductance de la bobine, de façon simplifiée comme une série de boucles identiques conduisant le courant (Figure 52), ainsi29 : L≈ μ0 N 2 A l (5) Avec μ0 la permittivité du vide, N le nombre de spires, A l’aire de la section, l la longueur de la bobine. Les paramètres de la bobine (spires, section, longueur) influent donc sur la fréquence délivrée. Soit dans le cas de la bobine solénoïde originelle de diamètre 5 mm, longueur 1 cm et 9,5 tours (Figure 49) dimensionnée par le constructeur, nous avons une inductance estimée : L ≈ 222,68 nH.
Figure 52 : Illustration de la simplification d'une bobine solénoïde en une série de boucles circulaires. 191
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental • Les dimensions de la bobine RF plate et son inductance
Pour délivrer la même fréquence de résonance mais avec une bobine différente, il faut conserver la même inductance pour la bobine. De la même façon que pour la bobine solénoïde, mais avec une section rectangulaire (Figure 53), il est alors possible de lier l’inductance de la bobine rectangulaire à ses paramètres géométriques29 et d’en déduire le nombre de tours estimé. Ll N≈√ μ0 hw (6)
Avec
μ0
la
permittivité du vide, N le nombre de tours, h et w la hauteur et la largeur respectivement de la section, l la longueur de la bobine.
Figure 53 : Illustration de la simplification d'une bobine solénoïde en une série de boucles rectangulaires.
Nous avons dimensionné la largeur selon l’espace disponible dans la sonde en prenant en compte la présence du dewar en cloche et la hauteur selon les besoins pour la cellule. Nous avons donc une valeur fixée pour la section. Selon l’espace disponible, nous pouvons estimer la longueur de la bobine. Soit pour avoir la même inductance avec une bobine rectangulaire idéale de longueur 40 mm, largeur 30 mm et hauteur 5 mm, il faudrait environ 6,9 tours. Après plusieurs essais, nous avons utilisé une bobine rectangulaire de 8,5 spires (Figure 54), en utilisant un fil de cuivre argenté de diamètre 0,8 mm, aux dimensions approximatives car faite manuellement et ajustée pour accorder la sonde : longueur 35 mm, largeur 29 mm et hauteur 6 mm.
Figure 54 : Photo de la bobine solénoïde plate avec un pouch cell RMN entre deux lamelles de verre et enrubanné de Téflon®. 5. 2. 3. Les connectiques pouch cell RMN – câble in situ
Avec ce nouveau design de cellule ❶ et de bobine ❷, la configuration n’est pas idéale pour les connexions électriques (jonction A) avec le câble in situ ❹. La bobine étant solénoïde plate orientée horizontalement pour que le champ RF soit perpendiculaire à B0 (Figure 55), nous avons un espace très restreint pour dimensionner les collecteurs.
192 Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Figure 55 : Photo de la bobine solénoïde plate, illustration de sa zone de détection (tirets rouges), de l’orientation du champ RF émis B 1 (en bleu) et de l’emplacement où repose le bas du dewar en cloche (pointillés verts).
La présence du dewar en cloche permet d’isoler la cellule des parois métalliques du capot de la sonde. Malheureusement, en plus de nous contraindre géométriquement, le pouch cell RMN étant horizontalement positionné, nous sommes obligés de replier les collecteurs de courant vers le haut pour faire les connexions au câble in situ.
Figure 56 : Photo du système de connexion pour le collecteur en aluminium. Figure 57 : Photo du montage avant fermeture du capot de la sonde.
Cela implique une proximité des collecteurs de courant avec la bobine, ce qui engendre un fort risque de court-circuit s’ils rentrent en contact. Nous avons utilisé des matériaux diélectriques pour isoler de la bobine (Figure 57). Puis nous avons utilisé un point de brasure pour connecter le fil correspondant à l’électrode négative et la tresse du câble in situ au collecteur en cuivre. Pour l’électrode positive, le collecteur étant en aluminium et comme nous n’avons pas de système de soudure par ultrason au laboratoire, nous avons utilisé une vis en laiton et un écrou (Figure 56), afin de faire un contact par pression mécanique. 5. 2. 4. L’usinage d’un « chapeau » pour le capot de sonde sur-mesure
La manipulation du câble pour l’électrochimie ❹ lors de l’insertion de la sonde dans l’aimant RMN crée des efforts sur les connexions avec la cellule (jonction A), qui se déconnectent facilement, notamment au niveau de la brasure. Nous avons fait usiner une pièce venant se positionner sur le capot de la sonde pour immobiliser ce câble et permettre la manipulation de la sonde sans crainte. Nous appelons cette pièce « chapeau » (Figure 58), elle inclut notamment un presse-étoupe pour maintenir le câble. La base du support est percée de petites ouvertures afin d’assurer la sortie des gaz (flèches vertes dans la Figure 58).
193
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Figure 58 : (à gauche) Photo du "chapeau" seul, avec le presse-étoupe et les ouvertures pour le flux de gaz ; (à droite) Photo du "chapeau" en place sur le montage.
5. 2. 5. Le montage RMN bobine plate (flat coil) pour pouch cells RMN
Nous avons optimisé la cellule et le montage RMN pour une caractérisation RMN operando sur des pouch cells, avec création d’une cellule ❶ et sa bobine ❷ sur-mesure ainsi qu’une optimisation du système de connectiques au câble in situ ❹ (jonction A). Cette première optimisation du montage est schématisée sur la Figure 59.
Figure 59 : Le montage RMN operando pour les pouch cells RMN : du câble in situ à la cellule électrochimique. 5. 2. 6. La limitation du montage : le couplage bobine RF/circuit électrique
Dans notre cas, l’impulsion électromagnétique de la bobine provoque l’induction d’un courant dans le circuit électrique, alors détectée par le galvanostat. Nous n’observons ce phénomène parasite que pour le montage avec les pouch cells RMN et la bobine plate. En effet le champ B1 est fort dans la zone à l’extérieur des spires de la bobine solénoïde ou plate, ce qui implique que le couplage inductif est plus fort qu’avec une bobine selle de cheval30.
194 20200214_LA_222_pouch#6_testL_4_01_GCPL_C05.mpr
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Ewe vs. time <I> vs. time # 4,1 35s 1,5 NMR pulse stopped 1 4 <I>/mA Ewe/V 4,05 135s 0,5 3,95 7 000 8 000 9 000 0 10 000 tim e/s
Figure 60 : Observation du phénomène d’induction sur le cyclage d’un pouch cell RMN (LA_222) lors d’une expérience RMN operando avec la sonde SOL5 et la bobine solénoïde plate. La Figure 60 représente un test que nous avons effectué pour parvenir à cette conclusion. La durée sans fluctuations induites correspond à l’arrêt de l’acquisition RMN, et donc des impulsions.
La durée entre
deux
chutes de
tension
consécutives est d’environ 35 s, correspondant à la durée de deux scans (un scan dure environ 12,3 s). La résolution temporelle du galvanostat n’est peut-être pas suffisante pour enregistrer un point plus rapidement, et donc à chaque impulsion (chaque scan). La durée entre deux lots de fluctuations est d’environ 135 s (environ 2,5 min), ce qui est la durée entre deux spectres. Pour s’affranchir de ce couplage, il faudrait mieux blinder les connectiques à proximité
de
bobine. 5. 3. Les modifications pour expériences operando sur cellules Kel-F RMN (sonde SOL5)
La bobine solénoïde (diamètre intérieur : 5 mm) n’est pas compatible avec les cellules Kel-F RMN qui font 10 mm de diamètre extérieur. Comme expliqué précédemment, il serait très difficile de réduire le diamètre de la cellule Kel-F RMN. Pour pouvoir comparer avec nos expériences à température ambiante, nous avons donc décidé d’utiliser une bobine en selle de cheval similaire à celle utilisée pour la sonde diffusion, et avons réalisé un support adapté au corps de la sonde SOL5.
5. 3. 1. La bobine selle de cheval (saddle coil) et son support adapté
Nous utilisons la bobine selle de cheval ❷ utilisée précédemment pour le montage in situ sur la sonde de diffusion. Le support a été usiné dans une pièce en plastique et dimensionné sur-mesure au laboratoire pour notre application pour venir se fixer sur le support préexistant en céramique. La Figure 62 présente le support et les connectiques. Le support est fixé sur le réceptacle de bobine solénoïde, et il accueille la bobine selle de cheval qui se connecte à la RF par les câbles prévus pour la bobine solénoïde (flèches oranges sur la Figure 61). La bobine selle de cheval est une bobine en or prélevée sur une sonde développée pour les mesures à très haute température. La cellule se glisse dans la bobine de manière à ce que le cœur électrochimique soit situé au mieux au milieu de la bobine en selle de cheval.
195
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Figure 61 : Photos du montage de la bobine selle de cheval et son support, dans la sonde SOL5. 5. 3. 2. La connexion de la cellule au câble in situ
Nous avons alors adapté les connectiques de la cellule Kel-F RMN ❶ au câble in situ ❹ (jonction A). Les électrodes sont connectées à des pièces conductrices amagnétiques (laiton) pour un bon contact avec le câble arrivant du galvanostat. Une coupe a été effectuée à la base du support pour laisser l’espace au flux de gaz permettant le refroidissement. Les dimensions du dewar en cloche n’étant pas compatibles avec la hauteur de ce design modifié, nous avons utilisé un cylindre creux en Téflon pour limiter au maximum les transferts de chaleur/froid. Il faut cependant assurer un flux de gaz refroidisseur suffisant, d’où le perçage d’un trou sur le bord du support (flèches vertes sur la Figure 62).
Figure 62 : Photos du montage pour une cellule Kel-F RMN avec la sonde SOL5 et la bobine selle de cheval. (à gauche) Bobine et son support ; (à droite) Positionnement d'une cellule et connectiques électriques.
196
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
Le capot de la sonde ❸ est ensuite positionné au-dessus du montage. La connectique de l’électrode négative est en contact avec le capot (à la masse) grâce à une languette en laiton avec les connectiques du câble in situ (Figure 64). A contrario, nous prévenons tout contact de la connectique de l’électrode positive avec le corps de sonde par un isolement électrique effectué au ruban de Teflon (Figure 63).
Figure 63 : Pose de téflon pour isoler la jointure et second cylindre pour l’isolation thermique. Figure 64 : Montage avec capot de sonde et connexion du câble HDMI®. Nous venons souder le fil correspondant à l’électrode positive du câble in situ à la languette correspondante du nouveau support (en rouge sur la Figure 64). En ce qui concerne la tresse et le fil correspondant à la négative en provenance du câble in situ, ne pouvant souder, nous coinçons les fils entre deux écrous en laiton (en pointillé bleu sur la Figure 64).
197
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental 5. 3. 3. L’importance du centre magnétique
Dans notre cas, nous utilisons une sonde dimensionnée pour un aimant 7 T. Cela pourrait être un premier souci mais les centres magnétiques des spectromètres 400 MHz et 200 MHz du laboratoire sont situées à la même distance, donc la distance entre le point d’ancrage de la sonde et le cœur de la bobine est la même. En changeant la bobine solénoïde par la bobine plate, nous avons délibérément choisi de plaquer la bobine plate contre le support en céramique pour réduire au minimum le changement du centre de la bobine. Ce centre est légèrement surélevé (≈ 3 – 5 mm) mais rien de drastique sur l’homogénéité du champ magnétique au niveau de l’échantillon. Par contre, en changeant la bobine solénoïde horizontale pour notre bobine en selle de cheval verticale, nous éloignons l’échantillon du centre magnétique de plusieurs centimètres. Nous avons utilisé un collier pour accrocher la sonde plus bas, et ainsi placer la bobine et l’échantillon au niveau du centre magnétique. Pour ce faire, il suffit d’observer en temps réel un signal et de bouger simultanément la sonde dans l’aimant pour repérer la position qui donne le signal le plus intense. 5. 3. 4. Le montage RMN SOL5 bobine selle de cheval pour cellule Kel-F RMN
Nous avons développé un montage RMN pour une caractérisation RMN operando sur les cellules KelF RMN ❶, avec création d’un support pour la bobine ❷ et la cellule sur-mesure ainsi qu’une optimisation du système de connectiques au câble in situ❹ (jonction A). Cette première optimisation du montage est schématisée sur la Figure 65.
Figure 65 : Le montage RMN operando pour les cellules Kel-F RMN : du câble in situ à la cellule électrochimique.
198
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental Conclusion sur les montages développés
Nous avons donc à notre disposition trois sondes modifiées pour l’in situ : La sonde diffusion modifiée permettant de faire de l’imagerie ; La sonde diffusion commerciale permettant de faire de l’imagerie et un peu de température (limitée à l’ambiant) ; La sonde SOL5 permettant de faire de la basse température. Pour les deux premières sondes, nous utilisons une bobine en selle de cheval commerciale. Pour la sonde SOL5, nous avons 3 types de bobines à disposition : La bobine solénoïde ; La bobine solénoïde plate (flat coil) dimensionnée pour nos pouch cells RMN ; La bobine en selle de cheval (saddle coil) (même dimension que celle des autres sondes). Nous présentons ci-dessous les différents montages utilisés, avec leurs avantages et inconvénients. Le montage se subdivise systématiquement selon les points suivants (Figure 66) : La cellule électrochimique ❶ (2 ou 3 électrodes, cellule Kel-F RMN ou pouch cell RMN) ; La bobine RF ❷ (son support) et le support permettant les connectiques à la cellule ; La sonde ❸ (sonde diffusion modifiée ou commerciale ou sonde SOL5, avec ou sans fourreau de gradient de champ, avec ou sans système de refroidissement) ; Le câble in situ ❹ (coaxial ou HDMI, au travers la sonde ou par-dessus l’aimant) ; Le câble connecté au galvanostat ❻ (originel ou modifié avec son connecteur DB25) ; La connectique entre les deux câbles (BNC ou HDMI, fiches bananes) et le système d’atténuation du bruit ❺ (filtres passe-bas, boîtier cage de Faraday, mise à la terre) ; Le galvanostat ❼.
Figure 66 : Schéma des différents composants du montage.
199
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental 6. 1. 1. Le montage diffusion modifié, la caractérisation par RMN compatible à l’imagerie
Le montage avec la sonde diffusion modifiée ❸ est munie d’une bobine en selle de cheval ❷, permettant la caractérisation de nos cellules Kel-F RMN ❶, designées sur-mesure pour ce système. En effet, ce montage est le montage initial développé au laboratoire par des études antérieures.
Figure 67 : Schéma du montage diffusion modifié pour nos travaux,
permett
ant
de faire de l
’imagerie. Le montage diffusion modifié (Figure 67) utilise le système optimisé pour l’atténuation du bruit en utilisant le boîtier de connexion (jonction B). Ce boîtier fait la connexion entre le câble originel du galvanostat ❻ et le câble in situ optimisé ❹ (HDMI), nous permettant une versatilité pour nos cellules (2 ou 3 électrodes). Nous utilisons les filtres passe-bas ❺ au sein du boîtier, en les mettant à la terre par contact de la boîte. Le câble in situ ❹ passe au travers de la sonde et se termine par le connecteur à 3 connectiques, maintenu par le tube en laiton (jonction A). La bobine RF ❷ est donc la bobine en selle de cheval et nous avons la présence du gradient de champ pour blinder, et éventuellement faire de l’imagerie si nécessaire. Ce montage permet donc de faire nos expériences RMN operando avec une réduction du bruit sur nos spectres. Nous pouvons également faire de l’imagerie mais pas d’expériences en température.
6. 2. Le montage diffusion commercial, la caractérisation par RMN compatible à l’imagerie et la température
Le montage diffusion commercial (Figure 68) est très similaire au montage diffusion modifié (Figure 67). La seule différence est la présence du dewar de la sonde, obligeant à faire passer les câbles par le haut de l’aimant. L’attrait de ce système est sa versatilité, permettant de faire nos expériences RMN operando avec possibilité de faire de l’imagerie et de la température. Cependant, la présence du gradient de champ
200 Chapitre
4. Le développement du montage
expérimental
contraint la gamme de température, et limite
la possibilité de manipulation à froid, ce qui nous intéresse principalement. C’est pourquoi nous n’avons pas cherché à
développ
er ce montage.
Figure 68 : Schéma du montage diffusion commercial, permettant de faire de l'
rie et un peu de température. 6. 3. Le montage SOL5, la caractérisation par RMN compatible à la basse température
Pour descendre en température, nous avons choisi de changer de sonde pour une beaucoup plus robuste. Nous utilisons la sonde SOL5 avec le système de refroidissement à l’azote gazeux. Nous utilisons toujours le même système pour filtrer le bruit, avec un câble HDMI®.
6. 3. 1. Le montage SOL5 bobine plate, la caractérisation par RMN des pouch cells RMN
Nous avons développé de nouvelles cellules ❶, avec plus de matière active (plus grande surface) et une géométrie rectangulaire : les pouch cells. Le montage SOL5 – bobine plate (flat coil) (Figure 69) est alors composé de la sonde SOL5 ❸ très robuste, de la bobine solénoïde plate ❷ développée au laboratoire ainsi que du chapeau du capot de sonde pour immobiliser le câble HDMI® ❹ et permettre l’insertion dans l’aimant sans endommager accidentellement les connectiques de la cellule (jonction A). Ce montage permet donc une caractérisation RMN operando à basses températures avec une plus grande surface d’échantillon. Cela permet d’augmenter la sensibilité de la technique, et permettrait de réduire la durée d’un spectre et donc de gagner en résolution temporelle. Cependant, nous ne pouvons plus faire de l’imagerie. Nous n’avons pas de résultats concrets avec ce montage, car nous nous sommes confrontés à deux contraintes : L’apparition d’un phénomène d’induction visible sur l’électrochimie. L’insuffisante pression mécanique sur nos cellules, rendant le cyclage dans la sonde défectueux. Ces deux points sont à investiguer plus profondément pour pouvoir utiliser les pouch cells en RMN operando et profiter de l’apport avantageux que présente ce montage.
201
Chapitre 4. Le développement du montage
al Figure 69 : Schéma du montage SOL5 – flat coil, permettant de faire de la basse température. 6. 3. 2. Le montage SOL5 – bobine selle de cheval, la caractérisation par RMN des cellules Kel-F RMN
Le montage SOL5 – bobine selle de cheval (saddle coil) (Figure 70) est basé sur le montage SOL5 – Flat coil (Figure 69), utilisant le même système électrique et la même sonde avec son chapeau. Ce qui change cependant sont la cellule, Kel-F RMN ❶ au lieu du pouch cell RMN, et la bobine RF ❷, en selle de cheval au lieu de solénoïde plate. Un support a été développé pour supporter la bobine et effectuer les connectiques au câble in situ ❹. Ce montage permet donc une caractérisation RMN operando des cellules Kel-F RMN à basses températures. L’utilisation des mêmes cellules que les montages précédents permet une comparaison sans ajout de paramètres supplémentaires. Nous ne pouvons pas non plus effectuer d’imagerie avec ce montage.
Figure 70 : Schéma du montage SOL5 –
Saddle
coil, permettant de faire de la basse température.
202
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental Conclusions
Le montage initial à disposition permettait une caractérisation de cellules à 2 électrodes par RMN operando avec possibilité de faire de l’imagerie par RMN. À partir de là, nous avons cherché à développer les applications possibles pour l’étude du dépôt de lithium métallique dans les batteries Liion. Nous avons donc ajouté une troisième électrode à la cellule Kel-F RMN et modifié le circuit électrique afin d’avoir la possibilité d’ajouter une troisième électrode, tout en atténuant le bruit électrique sur les spectres. Nous n’avons cependant pas obtenu de résultats concluants pour notre étude, mais le dispositif électrique est optimisé et prêt pour les essais operando. Il est alors possible d’utiliser n’importe quel montage RMN. Batterie ou même supercondensateur, le circuit électrique est versatile et compatible aux technologies électrochimiques à deux ou trois électrodes. En ce qui nous concerne, les premiers tests ont été effectués sur le montage diffusion initial, puis nous avons utilisé le montage diffusion modifié (avec fourreau de gradient) avec des cellules Kel-F RMN à deux électrodes à température ambiante. Parallèlement, nous avons développé des montages pour basses températures. Nous avons donc adapté une sonde (SOL5) pour deux types de cellules (pouch cells RMN et Kel-F RMN). L’intérêt du montage SOL5 – saddle coil est de pouvoir utiliser les mêmes cellules Kel-F RMN que nos essais à température ambiante, ce qui est indispensable pour une comparaison viable. L’intérêt du montage SOL5 – Flat coil est de pouvoir utiliser un design de cellule pouch, qui se rapproche des cellules commerciales, mais surtout qui a une meilleure sensibilité et permettrait d’avoir une meilleure résolution temporelle. Malheureusement nous avons été limités par un manque de pression cruciale, bloquant le cyclage de nos cellules. Ce montage est toujours en développement pour ajouter la pression externe nécessaire. L’idée est de fabriquer une pièce sur-mesure pour venir épouser la bobine plate et surtout ne pas perdre en sensibilité (facteur de remplissage doit rester identique). En ce qui concerne le montage diffusion commercial, également compatible aux basses températures, des solutions alternatives existent, notamment en remplaçant l’eau du circuit de refroidissement par un liquide avec une solidification à plus basse température, comme le glycérol. Cependant, le système de refroidissement de l’échantillon étant ce circuit dans le gradient, la température au cœur de l’échantillon n’est pas nécessairement la température mesurée. Ne souhaitant pas risquer d’endommager ce dispositif (coûteux) et ayant d’autres solutions alternatives, nous ne l’avons pas développé. Les travaux présentés dans la suite de cette étude ont été réalisés avec le montage diffusion initial, le montage diffusion modifié et le montage SOL5 – bobine selle de cheval. Les autres montages ne sont pas développés suffisamment (montage diffusion commercial) ou sont toujours en cours d’amélioration (montage SOL5 – bobine plate).
203
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental Références
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. 204
Chapitre 4. Le développement du montage expérimental
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Chapitre 5. Les caractérisations ex situ et la mise en place du protocole Chapitre 5. Les caractérisations ex situ et la mise en place du protocole
Introduction............................................................................................................................ 211 La caractérisation électrochimique.......................................................................................... 212 2. 1. L’effet de la géométrie lors du cyclage........................................................................... 212 2. 2. L’effet de la pression lors du cyclage.............................................................................. 213 2. 3. Nos conclusions............................................................................................................. 215 La caractérisation par Résonance Magnétique Nucléaire 7Li ex situ......................................... 216 3. 1. L’acquisition des données RMN 7Li ex situ...................................................... ................ 216 3. 1. 1. Les séquences RMN utilisées.................................................................................... 216 3. 2. La détection des composés de l’électrode positive......................................................... 218 3. 3. Le graphite lithié............................................................................................................ 218 3. 3. 1. Les spectres RMN du 7Li statiques............................................................................ 218 3. 3. 2. Les spectres RMN du 7Li en MAS.............................................................................. 220 3. 4. Le lithium métal............................................................................................................. 221 3. 4. 1. L’attribution du spectre et l’effet de susceptibilité magnétique................................ 221 3. 4. 2. L’effet de peau......................................................................................................... 222 3. 4. 3. La quantitativité....................................................................................................... 224 3. 4. 4. L’effet de la température......................................................................................... 225 3. 4.
5.
Conclusions..............
................................
................
................................................
226 L’optimisation de l’acquisition et du traitement du signal pour une caractérisation du dépôt de lithium métallique par RMN operando............................................................................................ 227 4. 1. L’optimisation des paramètres d’acquisition.................................................................. 227 4. 1. 1. Le choix du temps de répétition (d1)........................................................................ 227 4. 1. 2. Le temps mort......................................................................................................... 228 4. 1. 3. L’accumulation du signal.......................................................................................... 228 4. 1. 4. L’effet de la durée d’acquisition (aq) sur le bruit...................................................... 228 4. 1. 5. La fréquence de la porteuse (SFO1).......................................................................... 229
209 Chap
itre 5. Les caractérisations ex situ et la mise en place du protocole 4. 1. 6. Le champ radiofréquence........................................................................................ 229 4. 1. 7. La valeur du gain du récepteur (RG)......................................................................... 230 4. 2. Le traitement de données.............................................................................................. 230 4. 2. 1. La durée effective d'acquisition pour réduire le bruit (TDeff).................................... 230 4. 2. 2. L’augmentation de la sensibilité : la fonction de pondération (LB)............................ 230 4. 2. 3. La correction de phases (phc1, phc0)....................................................................... 231 4. 2. 4. Le signal de référence (SR)....................................................................................... 232 La corrélation des données électrochimiques et spectroscopiques : l’exemple de l’analyse d’une cellule fonctionnelle........................................................................................................................ 233 5. 1. L’électrochimie : acquisition et exportation des données............................................... 233 5. 1. 1. 5.
2. La matrice des données électrochimiques................................................................ 233
La RMN : acquisition, traitement de données et exportation.......................................... 233 5. 2. 1. L’acquisition du signal.............................................................................................. 234 5. 2. 2. Le traitement des données RMN sur Topspin®......................................................... 235 5. 3.
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101 Associées au Deuxième Chapitre (étude de la conception de la façade) : • L'Annexe 8. propose une rapide analyse de l'influence du coefficient de convection sur la performance thermique des parois. • L'Annexe 9. détaille les modèles physiques utilisés pour le calcul du débit d'air dans la Shell. • L'Annexe 10. détaille la méthode de calcul du facteur solaire équivalent des vitrages de la Shell utilisés dans l'étude. • L'Annexe 11. présente les histogrammes de températures à l'intérieur de chaque type de Shell pour les trois modèles de bâtiments étudiés (ancien, rénové, neuf). • L'Annexe 12. présente l'évolution des températures à l'intérieur de chaque Shell entre le 4 et le 7 février pour chaque configuration de Shell et chaque type de bâtiments étudiés (ancien, rénové, neuf). Associées au Troisième Chapitre (modèle bâtiment objet) : • L'Annexe 13. rappelle la nomenclature utilisée dans la formulation mathématique du modèle simplifié du bâtiment résidentiel. • L'Annexe 14. synthétise les équations développées dans l'outil d'évaluation simplifiée de la performance énergétique totale des bâtiments résidentiels. • L'Annexe 15. détaille les calculs pour le dimensionnement des fondations. • L'Annexe 16. détaille les calculs pour le dimensionnement des murs de refend. • L'Annexe 17. donne quelques précisions sur les unités fonctionnelles de surface (surface hors oeuvre brute, surface hors oeuvre nette, surface habitable, surface utile). • L'Annexe 18. détaille les calculs pour le dimensionnement des panneaux solaires photovoltaïques en toiture. • L'Annexe 19. détaille les calculs du coefficient de déperditions par le sol. • L'Annexe 20. détaille les calculs des apports solaires passifs. • L'Annexe 21. détaille les calculs du flux lumineux équivalent. Associées au Quatrième Chapitre (m bâtiment situé) : • L'Annexe 22. décrit la première étape du programme d'optimisation mis en place, à savoir la lecture des données d'entrée. • L'Annexe 23. décrit la deuxième étape du programme d'optimisation mis en place, à savoir la récupération du patrimoine génétique. • L'Annexe 24. détaille l'algorithme de positionnement des bâtiments. • L'Annexe 25. est un extrait du rapport des étudiants de l'ENPC ayant travaillé au développement de l'outil d'évaluation de l'accès à l'ensoleillement direct. Premier Chapitre Section VI. 2 Études énergétique et spatiale d'une conception rationalisée de la façade
De l'intérêt du concept Core-Skin-Shell « Indépendante de la structure, l'enveloppe joue le rôle d'une peau et intègre plus aisément les fonctions d'éclairage, de paroi thermique, de paroi acoustique, de paroi perméable à l'air. » Alain Maugard [Maugard, 2007, p.15]
Objectif général du Deuxième Chapitre
Ce chapitre s'intéresse à la conception de la façade du bâtiment et plus précisément à l'étude du concept Core-Skin-Shell. Présenté comme une décomposition du bâtiment en trois couches, le concept Core-Skin-Shell se veut une rationalisation de la conception de l'enveloppe. L'objet de cette partie est d'analyser l'intérêt énergétique et spatial d'un tel dispositif constructif. Deux parties seront développées : (1) la description du concept Core-Skin-Shell, (2) l'analyse énergétique sous Pleiades+Comfie de deux déclinaisons possibles du concept Core-Skin-Shell pour trois performances de bâti (un bâtiment ancien, un bâtiment rénové et un bâtiment performant). Cette partie a bénéficié des résultats d'analyse et de recherche issus des études menées par Xavier Bucchianeri, élève ingénieur de l'ENTPE, dans le cadre d'un stage réalisé entre avril et août 2012.
Mots clés Enveloppe / Façade, Core-Skin-Shell, Espace, Énergie, Simulation. 103 Deuxième Chapitre Plan détaillé du Deuxième Chapitre Objectif général du Deuxième Chapitre 103 Mots-clés103 Section VII. Le concept Core-Skin-Shell : pour une conception rationalisée du contour de l'habitat Objectifs de la Section VII. 107 107
VII.A. Façade, espace et énergie : les origines du concept CoreSkin-Shell 107 VII.A.1. Le paradoxe de la surface 107 VII.A.2. Durée de vie et évolutivité des bâtiments : nécessité d'une réversibilité du processus constructif 108 VII.B. Description du concept
Core-Skin-Shell
109 VII.B.1. Les trois couches du concept Core-Skin-Shell 109 VII.B.2. La Shell : des enjeux et des rôles variés 109 VII.B.2.a. La « perméabilité » Protection incendie La protection phonique Le confort thermique Lumière du jour 110
110 110 110
111 VII.B.2.b. L'expression sociale et urbaine 111 VII.B.2.c. De l'épaisseur de la façade : les qualités spatiales de l'enveloppe 111 VII.B.2.d. Thermique passif 112 VII.B.2.e. Thermique actif 114 Bilan de la Section VIII. 115
Section VIII. Études énergétiques de deux configurations Core-SkinShell117 Objectif
de
la
Section
VIII
. 117 VIII.A. Introduction 117 VIII.A.1. Objectif 117 VIII.A.2. Les façades double-peau : des bénéfices controversés 117 VIII.A.3. La simulation de systèmes multicouches 118 VIII.A.3.a. Des systèmes complexes à modéliser VIII.A.3.b. La méthode utilisée 118 119 VIII.B. Description et schématisation du problème 120 VIII.B.1. Description géométrique du corps du bâtiment (Core + Skin) 120 105 VIII.B.2. Les trois performances de bâtiments étudiées 120 VIII.B.3. Les deux Shells déclinées 122
VIII.C. Méthodologie
VIII.C.1. L'outil utilisé : la suite Pleiades+Comfie 122 122 VIII.C.2. La simulation du comportement de la Shell :
des
phénomènes en jeu 122 VIII.C.2.a. Le transfert convectif VIII.C.2.b. Le débit d'air dans la Shell 122 124
VIII
.
C.2.c
. Les apports solaires passifs 126 En journée : le débit dû au tirage thermique La nuit : le débit dû au vent VIII.
C
.3. Simulation
du
comportement
de la Shell 125 126 128 VIII
.
C
.3.
a.
Situation
m
étéor
ologique et risques de surchauffes 128 VIII.C.3.b. Scénarios d'occultation et de ventilation de la Shell 128
Les scénarios de ventilation Les scén
arios d
'occultation
VIII.D. Ré
sultats
128 128
129 VIII.D.1. La performance initiale des bâtiments 129 VIII.D.2. La performance des bâtiments équipés d'une Shell 129 VIII.D.2.a. L'installation d'une Shell : intérêt général 130 VIII.D.2.b. Comparaison du fonctionnement des deux Shells 131
En
été (période de refroidissement) 132 - Les apports solaires à l'intérieur des appartements 132 - Ventilation et confort thermique à l'intérieur de la Shell 132 - Le confort thermique à l'intérieur de l'appartement témoin 132 En hiver (période de chauffage) 134 - Les apports solaires à l'intérieur des appartements 134 - Ventilation et confort thermique à l'intérieur de la Shell 134 - Les besoins de chauffage à l'intérieur de l'appartement témoin 136
VIII.E. Conclusion VIII.E.1. Bilan des préconisations 136 136 VIII.E.1.a. L'intérêt de la mise en place d'une Shell 136 VIII.E.1.b. Les différences de comportement entre la Shell corridor et la Shell multi-étages 137 En été (période de refroidissement) En hiver (période de chauffage) VIII.E.2. Limites et intérêts de l'étude Bilan de la Section VIII. 106 137 137 138 139 L. Arantes Deuxième Chapitre Plan détaillé Deuxième Chapitre Section VII. Le concept Core-Skin-Shell : pour une conception rationalisée du contour de l'habitat Objectifs
de la Section VII. Cette section a pour objectif de présenter le concept Core-Skin-Shell, depuis ses origines jusqu'à ses potentialités architecturales, spatiales, urbaines, énergétiques et techniques. Il présente également quelques exemples de projets d'architecture illustratifs du concept. L'hypothèse retenue pour gérer la conception du bâtiment est de décomposer ses fonctions en plusieurs « strates ». En ce sens, basé sur l'optimisation et la décomposition des fonctions du bâtiment en plusieurs « couches », le concept architectural Core-Skin-Shell permet d'envisager une spécialisation des différentes parties qui composent un bâtiment pour répondre de façon optimale à chacune des fonctions qu'il doit assurer.
VII.A. Façade, espace et énergie les origines du concept Core-Skin-Shell
Les origines de la formulation du concept Core-Skin-Shell sont multiples. La première relève de l'observation et l'analyse des différentes typologies d'enveloppes (voir Premier Chapitre - Introduction) : le concept Core-SkinShell propose de mettre en place une terminologie qui synthétise des systèmes constructifs somme toute différents mais basés sur des principes d'action similaires. Par ailleurs, nous lui identifions deux autres origines : le « paradoxe de la surface » et la prise en compte de la durée de vie des différents composants du bâtiment.
VII.A.1. Le paradoxe de la surface
Selon Carlo Ratti, il existe deux exigences paradoxales en matière d'énergie dans le bâtiment : (1) réduire l'enveloppe déperditive du bâtiment afin de réduire les besoins d'énergie ; (2) augmenter l'enveloppe du bâtiment afin de favoriser la pénétration de la lumière naturelle et la ventilation naturelle [Ratti, 2004]. Nous appelons ce paradoxe morphologique énergétique le « paradoxe de la surface ». Encore récemment, dans les façades « traditionnelles », ces deux fonctions étaient assurées par une seule et même surface. L'optimisation du fonctionnement thermique n'était alors pas évidente, un consensus devant être trouvé entre dilatation et rétractation de la surface. Ce paradoxe s'observe à plusieurs niveaux, que ce soit dans le monde de la construction ou simplement dans la nature, à l'échelle d'un organisme (bâtiment) ou d'un groupement d'organismes (quartier ou ville). Dans la nature, l'observation des organismes vivants montre notamment comment ils s'adaptent pour répondre au paradoxe de la surface (voir Annexe 4). Dans le domaine de la construction, le « bon sens » a souvent amené les concepteurs à imaginer des bâtiments compacts pour réduire les pertes de chaleur, tout en cherchant à maximiser les apports solaires hivernaux par de larges ouvertures (voir Premier Chapitre, §II.A.1.b.). Cette tension morphologique se retrouve également à l'échelle urbaine à travers le débat sur l'étalement et la compacité : si la compacité permettrait de réduire les consommations d'énergie et les dépenses liées au transport, l'étalement serait favorable à la pénétration de la ventilation naturelle, de la lumière et des radiations solaires. L'organisation spatiale et morphologique des quartiers conditionne ainsi leur performance énergétique, et largement, celle des villes [Ratti, 2005]. Par la décomposition en strates des fonctions de l'enveloppe du bâtiment, le concept Core-Skin-Shell entend répondre au paradoxe de la surface en séparant la surface de déperditions thermiques des surfaces de captage et de production d'énergie. Cette décomposition permet notamment d'aborder indépendamment les différents problèmes énergétiques et conceptuels de l'optimisation du bâtiment. Cette réflexion autour d'un éclatement des fonctions de la façade peut être réalisée à l'échelle du seul bâtiment ou d'un groupement de bâtiments 107 [Gaudi, 2012]. Le concept Core-Skin-Shell est à mettre en parallèle avec les travaux de Ralph Knowles sur les enveloppes solaires85 et l'« espace interstitiel ». Dans ses travaux, R. Deuxième Chapitre Section VII. VII.A.2. Durée de vie et évolutivité des bâtiments : nécessité d'une réversibilité du processus constructif
L'éclatement des fonctions de la façade présente aussi un intérêt vis-à-vis de l'évolutivité et de l'adaptabilité du bâtiment. La séparation de la façade et de la structure porteuse permet notamment le remplacement et le remaniement des composants de la façade afin d'adapter le bâtiment à de nouvelles normes (rénovation), de nouvelles fonctions (réhabilitation), voire à l'évolution des modes de vie, des transformations de la cellule familiale ou plus simplement au changement de destination d'un bâtiment. Ainsi, tout au long du cycle de vie du bâtiment, le concept Core-Skin-Shell intéresse par sa logique de dissociation : • Durant la phase de construction, dont la qualité de la mise en oeuvre et l'optimisation des temps de montage sont les maîtres-mots, le concept CoreSkin-Shell offre la possibilité de rationaliser les coûts de construction par le recours à la préfabrication de certains éléments et à la standardisation de systèmes d'assemblage. • Pendant la phase d'exploitation, l'enveloppe du bâtiment doit répondre à une série d'exigences et de contraintes qui seront traitées sous six catégories : mécanique, isolation, sécurité, étanchéité, qualité architecturale, énergie. La maintenance du bâtiment est facilitée par la dissociation des trois couches du concept Core-Skin-Shell, chacune étant associée à une échelle de temps différente. 1. La Shell, élément de protection périphérique, est le support de panneaux solaires photovoltaïques dont la performance décroît avec le temps, sa durée de vie est fortement liée à celle des panneaux solaires. Il est probable que la Shell se dégrade plus rapidement sous l'action des aléas climatiques. 2. L'enveloppe thermique (Skin) est constituée de matériaux plus pérennes. Sa durée de vie, estimée à trente ans environ pourra être prolongée sous les effets protecteurs de la coquille. 3. La structure (Core) du bâtiment bénéficie d'une durée de vie plus importante (de 50 à 100 ans pour une structure en béton armé [ACC, site]). Ainsi, la Shell est conçue comme un élément remplaçable et recyclable, dont le rôle de protection permet d'allonger la durée de vie de la structure et de l'enveloppe thermique du bâtiment. Par ailleurs, par l'espace qu'il permet de créer entre l'enveloppe thermique et la coquille, le concept Core-Skin-Shell facilite l'accès aux composants du bâtiment, leur maintenance et donc le maintien de leurs performances à un niveau élevé86. • En fin de vie du bâtiment, ou de l'un de ses composants, le recours au principe Core-Skin-Shell permet de faciliter la réutilisation et le recyclage des éléments et des matières. Par son principe de « réversibilité » et de « modularité », le concept Core-SkinShell répond aux objectifs de déconstruction posés par l'ADEME dans sa Feuille de route sur les bâtiments et îlots à énergie positive et à bilan carbone minimum. La déconstruction est le procédé inverse à celui de la construction ; elle suppose une démolition pièce par pièce du bâtiment, en tout ou partie, le but étant de faciliter le recyclage des matériaux. L'ADEME parle également de « démontabilité » ou de « séparabilité » [ADEME, 2010b]. Le principe Core-Skin-Shell contribue à la réversibilité du processus constructif.
108 L. Arantes
Voir Partie 2 pour plus de détails sur les enveloppes solaires et leur construction. 85
De la même manière que dans les limites de l'outil d'évaluation simplifiée de la performance énergétique des bâtiments (voir Premier Chapitre), nous réalisons une étude à un instant t d'un bâtiment et utilisons pour cela des équipements et systèmes dont les performances sont cohérentes à cet instant. Les technologies évoluant rapidement, la longue durée de vie des bâtiments pose la question de la pertinence des systèmes, matériaux et composants utilisés sur le long terme. 86
Deuxième Chapitre Section VII. VII.B. Description du concept Core-Skin-Shell
Le concept architectural Core-Skin-Shell consiste à considérer la conception du bâtiment avec une approche holistique. Il permet d'envisager une spécialisation des différentes parties qui composent un bâtiment pour répondre de façon optimale à chacune des fonctions qu'il doit assurer.
VII.B.1. Les trois couches du concept Core-Skin-Shell
Le concept Core-Skin-Shell propose de décomposer le bâtiment en trois couches, auxquelles sont associées les différentes fonctions du bâtiment et de son enveloppe identifiées dans le paragraphe II.C.1.d. (Premier Chapitre). Ces trois couches sont : • Le coeur, ou noyau (Core) : il est le système nerveux du projet, celui qui pourvoit les postes essentiels à la stabilité et au bon fonctionnement du bâtiment. Élément structurant qui centralise l'ensemble des fluides et systèmes actifs, le noyau est au centre de la construction. Il pompe l'air. Il fait circuler les fluides. Il assure la régulation des conditions de confort intérieur. Il peut être en matériau lourd pour contribuer à l'inertie du bâtiment. • L'enveloppe, ou la peau (Skin) : elle détermine les contours du volume habitable. Elle assure l'isolation, la mise hors d'eau et hors d'air du bâtiment, la transmission de la lumière naturelle, et contribue à la création de l'ambiance intérieure par la nature des matériaux qui la composent. • La carapace, ou la coque (Shell), est l'élément de protection périphérique qui englobe les deux éléments précédents, tout en s'en détachant physiquement. Bouclier ou blindage, elle protège l'habitat des aléas climatiques, assure sa sécurité et contribue à sa durabilité dans le temps. Pour cela, elle est conçue en fonction de l'ambiance intérieure désirée. Mais la coque bâtiment peut également devenir réactive et productrice de chaleur et/ou d'énergie, en accueillant sur sa surface des capteurs d'énergie renouvelable. De l'intérieur vers l'extérieur, cette décomposition suit une progression du plus chaud et doux au plus froid et dur ; du plus organique, humide et fragile, au plus minéral, sec et résistant. L'intérêt de ce feuilletage - jouant le rôle de filtres entre l'environnement extérieur et les ambiances intérieures - est qu'il permet de considérer distinctement chaque couche et d'y mettre en oeuvre les matériaux les plus appropriés pour un fonctionnement optimal. Le travail des concepteurs réside alors principalement dans la manière de penser et composer les articulations et les échanges entre ces différentes strates. Deuxième Chapitre Section VII. VII.B.2.a. La « perméabilité »
Autour des enjeux de « perméabilité », nous identifions deux phénomènes opposés : la protection (incendie, phonique, thermique, etc.) et la pénétration (solaire, lumineuse, etc.). La Shell doit assurer un double rôle : 1. protéger les locaux des aléas climatiques et des agressions extérieures : elle constitue en cela une barrière ; 2. laisser pénétrer les éléments essentiels au confort intérieur (la lumière, les apports solaires hivernaux, la ventilation, etc.) : elle constitue un filtre. L'enjeu réside donc ici dans la gestion des échanges au niveau de la Shell. Protection et pénétration se jouent sur quatre aspects : l'incendie, le son, le confort thermique, le confort lumineux.
Protection incendie
L'un des enjeux sous-jacents à la construction d'une Shell est la protection incendie. De nombreuses études portent sur la résistance au feu des façades double-peau [Chow, 2006 ; Poirazis, 2006 ; Ni, 2012]. Ces enjeux sont à mettre en relation avec ceux des façades double-peau (voir Annexe 5). Des recommandations sont faites en ce qui concerne les matériaux de construction (qui doivent être incombustibles en façade), la fixation des éléments vitrés, les formes constructives et les divisions verticales et horizontales. Néanmoins, il n'existe aujourd'hui aucune réglementation incendie spécifique aux façades double-peau et chaque projet doit donc être étudié au cas par cas. Dans le cas de notre étude, nous considérons deux déclinaisons de Shell : la Shell corridor et la Shell multi-étages. Tandis que la première présente un niveau de risque incendie intermédiaire, la conception de la seconde est à prendre avec plus de précautions [AECAI, 2001].
La protection phonique
La création d'une Shell e à améliorer l'isolation phonique de l'enveloppe puisqu'elle permet de réfléchir les bruits extérieurs. Le principe de réflexion des ondes a été utilisé par l'artiste Ned Kahn dans la conception de la façade cinétique de l'aéroport de Brisbane en Australie (Hassell Architecture et Urban Art Projects, Figure VII-2). Grâce à cinq mille panneaux cinétiques disposés sur la façade, la façade du bâtiment donne l'impression d'onduler sous la brise du vent [UAP, site]. Le confort thermique En hiver, la présence de la Shell contribue à augmenter l'isolation thermique du bâtiment87. C'est notamment le cas du mur manteau qui apporte une isolation par l'extérieur au bâtiment (voir §A4.A. de l'Annexe 4). La Shell ainsi construite revêt un enjeu particulier dans le cas de la réhabilitation thermique des bâtiments. Deuxième Chapitre Section VII. apportée par la Shell est liée à son ouverture et sa perméabilité à l'air. En hiver, les façades double-peau permettent d'éviter l'effet de paroi froide au niveau de l'enveloppe thermique du bâtiment (Skin). En été, leur principal avantage est de permettre l'installation de protections solaires extérieures et ainsi de réduire les apports solaires et les risques de surchauffes [Wigginton, 2000]. Le recours à la ventilation nocturne est également possible [Gratia, 2004 ; Pasquay, 2004].
Lumière du jour
La qualité de l'éclairement intérieur est un élément essentiel du confort des locaux. Le rajout d'une coquille extérieure au bâtiment et la mise en second jour des locaux n'est pas sans conséquences sur la qualité de la lumière naturelle. À cause de l'épaisseur de la double-peau, la quantité de lumière pénétrant dans le bâtiment est diminuée. Tout projet doit donc veiller à respecter la réglementation en vigueur, et plus particulièrement le Code de la Construction et de l'Habitation (voir §A4.F.5.a. de l'Annexe 4.). Pour compenser ces effets, le concepteur pourra avoir recours à des surfaces vitrées plus importantes, des systèmes de réflexion de la lumière orientés vers l'intérieur, etc. [Wigginton, 2000].
VII.B.2.b. L'expression sociale et urbaine
La Shell, en tant que façade visible du bâtiment, contribue à l'expression urbaine et sociale du bâtiment dans le quartier et plus largement dans la ville. Elle doit en ce sens répondre à des exigences esthétiques et dimensionnelles, définies au cas par cas, en fonction du site, de la nature du projet, et de l'impact désiré sur l'environnement urbain proche. Du point de vue de l'intégration urbaine, la création d'une Shell peut permettre d' ifier un ensemble de bâtiments. C'est notamment le cas pour le projet Airspace de Thom Faulders qui consiste à créer un « feuillage » architectural donnant une unité à l'ensemble des appartements et bureaux composant le bâtiment (Figure VII-3) [Faulders, site]. Un deuxième exemple est l'hôtel Viceroy à Abu Dhabi conçu par l'agence Asymptote Architecture (Figure VII-4) [Asymptote, site]. VII.B.2.c. De l'épaisseur de la façade : les qualités spatiales de l'enveloppe Décoller la Shell de la Skin
est également l'occasion de créer des espaces
et de
nouveaux
usage
s. C'est ce qui est avancé par l'agence Fact Architectes dans le projet du Centre Social Balzac de Vitry-sur-Seine (Figure VII-5) [Fact, site]. Figure VII-3 : Le projet Airspace, San Francisco, © Faulders Studio, architectes [Faulders, site] http://faulders-studio.com Figure VII-4 : L'hôtel Viceroy, Abu Dhabi, © Asymptote Architecture, architectes [Asymptote, site] http://www.asymptote.net
Dans le cadre du Core-Skin-Shell, les fonctions de délimitation gagnent en relief dans une décomposition du bâtiment en strates successives : la limite s'épaissit et se travaille en volume, les transitions se complexifient. Par la décomposition de la façade en trois entités distinctes, le principe Core-Skin-Shell permet de moduler les espaces et de créer des zones intermédiaires entre les couches. Si elles sont suffisamment grandes, ces zones intermédiaires peuvent constituer des espaces privés attenant aux logements. Le principe Core-Skin-Shell contribue ainsi à améliorer les qualités de l'habiter en termes d'usages et d'ambiances, effet d'autant plus apprécié que la densité est grande88. Les couches Skin et Shell permettent de délimiter un espace, dont les qualités spatiales, les usages et la perception vont varier selon l'épaisseur. Nous appelons cet espace la frange périphérique [Duplay, 1982]. Il est à mettre en relation avec l'espace interstitiel défini par Ralph Knowles [Knowkes, 2000 ; Knowkes, 2003]. Nous distinguons quatre cas de figure, établis à partir des recommandations d'Ernst Neufert dans Les Éléments des projets de construction [Neufert, 1996] : Deuxième Chapitre Section VII. 1. En dessous de 30 cm89 : l'espace de structure. L'interstice créé entre la Skin et la Shell est trop petit pour permettre le passage d'un homme. La Shell est perçue comme un revêtement de l'enveloppe ou un espace de structure, du fait de la proximité structurelle importante des deux couches et à l'absence de second jour. 2. Entre 30 et 60 cm : l'espace de structure et l'espace technique. L'espace formé en périphérie du bâtiment permet le passage d'un homme, sans pour autant être un espace de circulation satisfaisant90. Il peut accueillir de petites extensions de logement appropriables ou servir d'espace technique réservé à la maintenance et à l'entretien [Loncour, 2004]. Depuis l'intérieur, la perception de deux parois consécutives met à distance l'extérieur et modifie l'éclairement de manière sensible [EPFL, 1998a]. 3. Entre 60 et 170 cm : l'espace de circulation et l'espace mineur. L'espace formé en périphérie du bâtiment autorise la circulation d'une personne. Le processus d'appropriation par les usagers est facilité par la création d'espaces mineurs comme les dessertes ou les balcons [Duplay, 1982]. L'épaississement de la façade entraîne une mise en second jour des logements et une réduction de l'éclairement naturel intérieur. Néanmoins, cette épaisseur est suffisamment importante pour permettre la mise en place de dispositifs spatiaux comme des sas ou des balcons. Ils concourent à la mise à distance des logements vis-à-vis de l'extérieur et à la transition entre espace public et espace privé. 4. Au-delà de 170 cm : les espaces majeurs. L'espace formé en périphérie du bâtiment est suffisamment large pour devenir un espace à vivre et à s'approprier, grâce à l'installation de mobilier. L'éclairement direct reçu à 'intérieur des logements est faible devant l'éclairement diffus. Cela renforce le phénomène de mise à distance de l'environnement extérieur. La Shell créatrice d'espaces à vivre est très bien illustrée dans le projet de rénovation de la Tour Bois-le-Prêtre par Frédéric Druot, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal (Figure VII-6).
VII.B.2.d. Thermique passif
L'essentiel des exemples illustrant le concept de façade explosée font surtout référence aux rôles thermiques passifs de la Shell. Le premier est celui de protection climatique. L'isolation thermique de la façade intérieure est renforcée par la présence de l'écran (ou Shell). Un exemple est le dôme géodésique construit en 1967 par Buckminster Fuller pour le pavillon américain à l'Exposition Universelle de Montréal (Figure VII-7). 88 La largeur de 30 cm correspond au profil d'un homme, 60 cm à la largeur normalisée d'un homme de front, 170 cm à celle de trois hommes côte à côte de front. 89 La législation française utilise une valeur minimale de 90 cm pour les circulations intérieures [Article, 2006]. Section VII. Figure VII-5 : Le Centre Social Balzac, Vitry-surSeine, © Fact Architectes, architectes [Fact, site] http://fact-architectes.com Figure VII-6 : Les espaces à vivre extérieurs créés dans le cadre de la réhabilitation de la Tour Bois-le-Prêtre, Paris, © Frédéric Druot Architecture, © Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, architectes [Druot, site] http://www.druot.net http://www.lacatonvassal.com Figure VII-7 : Pavillon américain à l'Exposition Universelle de Montréal, Buckminster Fuller [Utopies, site] Figure VII-8 : G.I. School, Bombay, © Sanjay Puri, architecte [FacesOfDesign, site] http://www.sanjaypuriarchitects.com/nx/home.aspx 113
exemple ultime qui illustre l'ensemble du concept Core-Skin-Shell est le projet du cabinet D3 Architectes pour le Centre des Mémoires de Guyane qui se compose de trois éléments structurants : un coeur qui sert de zone de stockage au sein d'un monolithe compact, une ceinture périphérique composée des bureaux, et une carapace qui sert essentiellement de protection solaire (Figure VII-9) [d3architectes, site]. Dans ces trois projets, la Shell est un élément fixe qui joue uniquement un rôle passif dans l'amélioration du confort thermique intérieur.
VII.B.2.e. Thermique actif
Dans certains cas, la Shell peut devenir active en devenant le support de panneaux photovoltaïques comme dans le cas de l'immeuble MediaTic de l'agence Cloud9 à Barcelone (Figure VII-10) [BHD, site]. Une évolution du rôle de protection est celui d'adaptation au climat par l'utilisation de la domotique et des façades dites actives ou intelligentes. Par exemple, dans le projet du Kiefer Technical Showroom à Styria (Autriche), le cabinet Ernst Giselbrecht and Partner propose de réaliser une faça dynamique composée de panneaux d'aluminium qui bougent au gré des demandes des usagers et permettent ainsi un meilleur confort intérieur par une réduction ajustée des apports solaires (Figure VII-11) [Deadline6, site]. Figure VII-9 : Centre des Mémoires de Guyanne, © D3 Architectes, architectes [d3architectes, site] http://d3architectes.fr Figure VII-10 : MediaTic, Barcelone, © Cloud 9, architectes [BHD, site] http://www.ruiz-geli.com Figure VII-11 : Kiefer Technical Showroom, Styria, © Ernst Giselbrecht and Partner, architectes [Deadline6, site] http://www.giselbrecht.at
Deuxième Chapitre Section VII. Deuxième Chapitre
Section VII. Bilan de la Section VII. Inscrit dans une réalité constructive, architecturale et sociale, le concept Core-Skin-Shell répond à un triple constat : 1. Le premier, énergétique, est lié aux exigences de réduction des consommations du bâtiment et à l'amélioration de ses performances thermiques globales par l'augmentation des apports gratuits. 2. Le second, technique, relève de l'identification des différentes typologies constructives et à leurs potentialités énergétiques et spatiales. 3. Le dernier est lié au contexte culturel et social dans lequel a pris place une nouvelle considération pour la conception de l'enveloppe du bâtiment, considérée comme un élément déterminant de la construction écoresponsable. Par une décomposition du bâtiment et de ses fonctions en trois strates, le concept Core-Skin-Shell contribue à la gestion des déperditions, au contrôle des ambiances thermiques, esthétiques, lumineuses, etc., à la création de nouveaux espaces, et à l'insertion ou la réadaptation de nouvelles fonctionnalités au bâti (protection, captage, etc.). Deuxième Chapitre Section VIII. Études énergétiques de deux configurations Core-Skin-Shell Objectifs
de la Section VIII. L'objectif de cette section est d'analyser l'intérêt énergétique du concept architectural Core-Skin-Shell. Sur la base de l'analyse énergétique de deux déclinaisons de Shell mises en place autour de trois bâtiments de performances différentes (un bâtiment ancien, un rénové et un neuf), il s'agit de discuter la cohérence d'un tel dispositif constructif. Les deux configurations de coquilles étudiées sont la Shell multi-étages et la Shell corridor. Ce travail reprend les hypothèses et les résultats de l'étude réalisée par Xavier Bucchianeri dans le cadre d'un stage de deuxième année à l'ENTPE91 que j'ai rédigé et encadré entre avril et août 2012 [Bucchianeri, 2012]. Ce travail se base lui-même sur les hypothèses et scénarios définis dans le Deuxième Chapitre du manuscrit.
VIII.A. Introduction VIII.A.1. Objectif
L'objectif de cette étude est d'évaluer la pertinence de la construction d'une Shell au regard de la possible amélioration des performances énergétiques du bâtiment. Trois cas de figure sont étudiés sous les conditions climatiques de Mâcon (faute de données météorologiques pour Grenoble). Ils correspondent à trois performances thermiques de l'enveloppe du bâtiment : (1) sans isolation ; (2) isolation par l'intérieur ; (3) isolation par l'extérieur. La Shell mise en place correspond à une double-peau vitrée installée sur la périphérie du bâtiment. Elle se compose de trois éléments : une paroi extérieure entièrement vitrée, une lame d'air dont l'épaisseur varie selon l'orientation de la façade, et la paroi intérieure partiellement vitrée et dont les performances thermiques sont variables.
VIII.A.2. façades double-peau : des bénéfices controversés
École Nationale des Travaux Publics de l'État. Dans cette étude, nous faisons le choix d'analyser la déclinaison « double-peau » de la Shell. Très employée dans la construction, la façade double-peau a fait l'objet de nombreuses recherches, tant du point de vue de ses caractéristiques architecturales et spatiales que de ses intérêts supposés en matière de régulation et de confort (thermique, acoustique, lumineux, etc.). Dans son Analyse qualitative coûts – bénéfices de l'utilisation de doubles façades ventilées, le Centre Scientifique et Technique de la Construction établit une liste détaillée des arguments en faveur et en défaveur des façades double-peau selon des critères de coût, de besoin de chauffage, de besoin de refroidissement, de confort acoustique, d'éclairage, de protection solaire, ou encore de protection incendie [Loncour, 2004, pp.910]. Le Tableau VIII-1 résume quelques avantages et inconvénients associés dans la littérature aux façades double-peau. En pratique, les façades doublepeau sont souvent mobilisées pour leur effet tampon : par la réduction du différentiel de température entre l'intérieur du bâtiment et son environnement proche et l'augmentation des apports solaires passifs en hiver, elle permet de réduire les consommations de chauffage du bâtiment. En été, elles permettent de réduire les consommations d'énergie, grâce à une bonne ventilation naturelle et à leur rôle de protection solaire [Balocco, 2002]. Néanmoins, ces conclusions sont souvent controversées. En 1999, Karl Gertis détaille les avantages et les inconvénients des façades double-peau : il y dénonce des prévisions de performances énergétiques trop optimistes et questionne la pertinence de leur utilisation dans les constructions en climat continental [Gertis, 1999 ; Poirazis, 2006]. D'autres recherches portent sur l'importance du pilotage et du contrôle des façades ventil double-peau. En 2004, Élisabeth Gratia et André De Herde montrent qu'il est important d'adapter le régime de ventilation de la lame d'air aux conditions climatiques extérieures (éclairement, couverture nuageuse, direction et intensité du vent) [Gratia, 2004b]. La même année, Dirk Saelens et 117 al. montrent que la simulation du comportement thermo-aéraulique des façades double-peau est sensible aux conditions limites, et notamment à la température de l'air entrant [Saelens, 2004].
VIII.A.3. La simulation de systèmes multicouches VIII.A.3.a. Des systèmes complexes à modéliser
La simulation des systèmes multicouches est complexe car elle relève du couplage de trois phénomènes physiques [Fedorov, 1997 ; Zöllner, 2002 ; Collins, 2004 ; Manz, 2005 ; Gavan, 2009] : 1. La simulation du rayonnement solaire : la température de l'air à l'intérieur de la double-peau dépend du rayonnement solaire incident traversant les couches successives de la double-peau. La modélisation de la transmission lumineuse est en soi complexe car elle met en jeu de multiples interfaces et qu'elle dépend du spectre lumineux [Safer, 2006 ; Gondre, 2012]. 2. La simulation du comportement de la lame d'air : les écoulements d'air dans la double-peau (infiltrations, débit, pression, ventilation naturelle, ventilation forcée, etc.) vont avoir une influence sur les échanges thermiques entre la Skin et la cavité. Ces écoulements sont influencés entre autres par la taille des entrées et sorties d'air, la hauteur de la Shell, la présence de stores, ou encore la résistance des surfaces au mouvement de l'air [Kalyanova, 2009]. 3. La simulation des transferts thermiques : les échanges par rayonnement et les échanges par convection sont les deux phénomènes principaux à prendre en compte dans le bilan thermique d'une façade double peau. la cavité va influencer les conditions aux limites du système optique et thermodynamique [Manz, 2005]. Si, en pratique, chacun de ces phénomènes peut être étudié séparément grâce à des logiciels spécifiques, aucun logiciel ne permet à ce jour de les coupler et les étudier au sein d'un seul et même modèle [Manz, 2005]. Un exemple de couplage des trois modèles est donné en Figure VIII-1 : ce couplage procède par étapes, utilisant successivement et dans l'ordre : (1) le logiciel de simulation optique, (2) le logiciel de dynamique des fluides, et (3) le logiciel de thermique du bâtiment. Assez souvent, les chercheurs ne simulent que deux des trois aspects et ont recours à la modélisation CFD92 pour simuler avec précision le comportement thermo-aéraulique d'une façade double-peau [Pappas, 2006 ; Pasut, 2012]. Néanmoins, quelle que soit la méthode, elle exige du matériel informatique puissant et surtout des temps de calculs élevés. Qui plus est, il est à noter que la plupart des logiciels de simulation thermique ne permettent pas de définir manuellement certains facteurs dimensionnants de la doublepeau comme le coefficient de convection à l'intérieur de la double-peau, la température des stores, celle de la paroi extérieure ou encore la vitesse de l'air entre les deux façades. De fait, le couplage précis entre les résultats issus du logiciel de dynamique des fluides et ceux issus de la modélisation thermique du bâtiment peut mener à des erreurs d'estimation [Deuk-Woo, 2011].
VIII.A.3.b. La méthode utilisée
Faute de pouvoir coupler les trois phénomènes, les chercheurs effectuent souvent un couplage dynamique entre les logiciels de dynamique des fluides et ceux de thermique du bâtiment : d'une part, les ératures de surface déterminées par le logiciel de simulation thermique sont utilisées comme conditions aux limites dans la simulation aéraulique ; d'autre part, les débits déterminés par le logiciel de dynamique des fluides sont utilisés dans le calcul de l'équilibre thermique de la zone située entre la double peau (la Shell) et l'intérieur du bâtiment. En pratique, cette méthode est très chronophage et est de fait rarement employée dans les bureaux d'études.
Figure VIII-1 : Exemple de couplage de trois logiciels (optique, dynamique des fluides, thermique) pour la simulation du comportement d'un bâtiment [Manz, 2005, p.1118] En 2006, Aleka A. Pappas et John Z. Zhai emploient le couplage thermoaéraulique pour étudier le comportement d'une façade ventilée double peau. Une première modélisation sous le logiciel de simulation thermique EnergyPlus permet de déterminer les températures de surface et les flux thermiques à l'intérieur de la lame d'air. Une deuxième simulation sous le logiciel de CFD Phoenics détermine le débit d'air, la température moyenne et le coefficient de convection à l'intérieur de la cavité. Ces valeurs sont réinjectées pour une troisième simulation dans EnergyPlus. Ce processus de double simulation est réitéré jusqu'à ce que le modèle converge93. Les deux auteurs remarquent que deux à cinq itérations sont nécessaires à la convergence de leurs résultats. Ce couplage thermo-aéraulique est souvent réutilisé dans l'analyse des façades double-peau [Pappas, 2006]. En 2008, Valentin et Malorie Trillat-Berdal réalisent des simulations thermo-aérauliques d'une façade double-peau sous TRNSYS (thermique) et CFX (aéraulique) pour optimiser le gain énergétique en fonction du débit d'air à l'entrée de la doublepeau. Ils montrent ainsi qu'un débit de ventilation faible, assurant uniquement les besoins en air neuf du bâtiment, est bien plus intéressant qu'un débit élevé, car ce dernier nécessite le recours à un échangeur thermique et induit une augmentation des consommations énergétiques du bâtiment [Trillat-Berdal, 2008]. En 2012, Damien Gondre et al. utilisent les deux logiciels TRNSYS (thermique) et Contam (aéraulique) pour réaliser une étude paramétrique de l'influence de la perméabilité de la façade, de la vitesse du vent et de son orientation sur les besoins énergétiques du bâtiment. Il montrent que ces trois paramètres ont une influence négligeable sur le calcul des températures intérieures. Ils concluent ainsi sur la pertinence de la méthode et la simplification du paramétrage pour la modélisation du comportement macroscopique d'un bâtiment (et non de la façade en elle-même) [Gondre, 2012]. La modélisation que nous mettons en place pour l'étude énergétique du concept Core-Skin-Shell s'inspire de cette méthode (voir §VIII.C.). Deuxième Chapitre Section VIII. VIII.B. Description et schématisation du problème
La modélisation du bâtiment équipé d'une Shell a été réalisée en reprenant les hypothèses de simulation et les scénarios d'occupation et de fonctionnement définis dans le Deuxième Chapitre du manuscrit sur la modélisation simplifiée de la performance énergétique totale des bâtiments résidentiels « objets ».
VIII.B.1. Description géométrique du corps du bâtiment (Core + Skin)
Le bâtiment modélisé est un immeuble de logements collectifs de type « barre », identique à celui décrit dans la partie « Validation du modèle simplifié » (Troisième Chapitre, §X.C.2.b.). La Figure VIII-2 donne une perspective du corps du bâtiment (non équipé de Shell). La Figure VIII-3 donne des indications dimensionnelles sur l'organisation d'un étage du bâtiment. Il s'agit d'un bâtiment résidentiel de cinq étages identiques, comprenant chacun six appartements. Les logements sont traversants et leur profondeur est fixée à douze mètres pour des conditions d'accès à la lumière et la ventilation naturelle [Ratti, 2004 ; Avouac, 2009]. Les vitrages sont intégrés selon les proportions conformes à la Réglementation Thermique 2005 : la surface des baies vitrées représente 1/6ème de la surface habitable et les vitrages sont uniformément répartis sur les quatre façades du bâtiment [CSTB, RT - 2007]. Pour s'accorder avec les principes conceptuels du Core-Skin-Shell, les espaces de circulation et de desserte sont reportés en façade.
VIII.B.2. Les trois performances de bâtiments étudiées
Dans le cadre de l'étude, nous analysons trois modèles de bâtiment : le bâtiment « ancien », le bâtiment « rénové », le bâtiment « neuf ». Tous trois ont la même géométrie, la même composition matérielle, ainsi que les mêmes scénarios d'occupation, de chauffage, de refroidissement et d'apports internes. Ils se caractérisent par trois niveaux d'isolation et d'étanchéité à l'air de la Skin différents qui permettent d'atteindre trois classes de performance énergétique : A pour le bâtiment neuf, C pour le rénové, E pour l'ancien. Leurs équipements 120 L. Arantes Les deux auteurs considèrent que le modèle converge lorsque les débits calculés par le logiciel de CFD au cours de deux itérations successives diffèrent d'au maximum 20 %.
93 Deuxième Chapitre Section
VIII. de chauffage et de production solaire varient également. Alors que les bâtiments ancien et rénové ne sont équipés d'aucun système actif de production d'énergie, le bâtiment neuf supporte en toiture des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques. Les capteurs solaires thermiques sont installés sur 43 m2 : ils assurent ainsi environ un tiers des besoins de chauffage de l'eau chaude sanitaire (conformément aux hypothèses décrites dans le Deuxième Chapitre). Le reste de la surface de toiture est destinée à l'installation de panneaux photovoltaïques, soit 500 m2 94. Les caractéristiques des trois bâtiments sont résumées dans le Tableau VIII-2. Figure VIII-2 : Perspective du bâtiment seul [Bucchianeri, 2012b, p.16] Figure VIII-3 : Plan d'un étage du bâtiment [Bucchianeri, 2012b, p.16]
Caractéristiques des parois Bâtiment ancien R = 0,33 m2.K/W Qinf = 0,52 vol./h = 0,89 W/m.K Bâtiment rénové R = 2,55 m2.K/W Qinf = 0,26 vol./h = 0,89 W/m.K Bâtiment neuf R = 5,67 m2.K/W Qinf = 0,26 vol./h = 0,05 W/m.K Caractéristiques des vitrages Uv = 4,08 W/m2.K gv = 0,9 Uv = 2,76 W/m2.K gv = 0,81 Uv = 2,76 W/m2.K gv = 0,81 - - Panneaux solaires thermiques et photovoltaïques en toiture Échangeur double flux (v = 0,71) Autres 94 40 m2 sont réservés à des espaces de circulation pour l'entretien de la toiture.
Tableau VIII-2 : Les caractéristiques des trois modèles de bâtiment [
Auteur] Légende : R correspond à la résistance thermique de la paroi extérieure, Qinf le débit d'infiltration à travers la paroi, l le coefficient de transmission thermique linéique des ponts thermiques. Uv est le coefficient moyen de transmission thermique surfacique des vitrages, gv leur facteur solaire.
Section VIII. VIII.B.3. Les deux Shells déclinées
Pour pouvoir être mobilisée quelle que soit la construction (ancienne, rénovée, neuve), la Shell est pensée comme une structure autoportante et indépendante du reste du bâtiment. Elle repose sur une structure métallique et se matérialise par une paroi vitrée installée à 2 m de la Skin au Nord et à 2,4 m au Sud. Ces dimensions répondent à des contraintes d'usages et de définition de l'espace (conformément au paragraphe VII.B.2.c.). Au Nord du bâtiment, la Shell est surtout utilisée comme un élément de circulation et de desserte des logements. Au Sud, elle est utilisée comme une extension du logement, comme une pièce à vivre. Le travail repose sur l'analyse de deux types de façade double-peau (ou Shell) : une Shell multi-étages qui constitue une seule et même zone sur toute la hauteur du bâtiment, et une Shell corridor compartimentée au niveau de chaque étage. Dans chacun des deux cas, la Shell n'est installée qu'en façades Nord et Sud du bâtiment. La Figure VIII-4 est une perspective d'ensemble du bâtiment équipé d'une Shell corridor. La Figure VIII-5 en donne une vue en plan. La Figure VIII6 propose une coupe selon l'axe Nord-Sud du bâtiment équipé d'une Shell multiétages (à gauche) et corridor (à droite). En toiture, une structure supportant des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques intercepte une partie du rayonnement solaire. Dans le cas de la Shell multi-étages, l'entrée d'air est située au niveau du sol sur la peau extérieure et la sortie d'air au niveau du toit de la Shell. Nous considérons que l'entrée et la sortie sont distantes de 15 mètres. Dans le cas de la Shell compartimentée, chaque étage présente une entrée et une sortie d'air placées respectivement au niveau du plancher et au niveau du plafond de l' tage. Leur écart est réduit à 3 mètres. Dans le cas de la Shell corridor, les planchers des terrasses et coursives sont réalisés en structure et revêtement bois.
VIII.C. Méthodologie VIII.C.1. L'outil utilisé : la suite Pleiades+Comfie
Les simulations thermiques ont été réalisées sous la suite de logiciels Pleiades+Comfie 95. Trois étapes sont identifiées : 1. la géométrie du bâtiment a été définie sous le logiciel Alcyone ; 2. les données matérielles, les scénarios et les paramètres de la modélisation ont été renseignés à l'aide de l'interface utilisateur Pleiades ; 3. le moteur de calcul Comfie réalise la simulation thermique du bâtiment modélisé. Le choix d'utiliser la suite Pleiades+Comfie a été renforcé par les capacités de traitement de données de l'outil. En effet, Pleiades+Comfie possède une interface de traitement de données intégrée. Facile à utiliser, elle permet l'édition de courbes, la comparaison de projets et l'édition de diagramme de Sankey. Elle propose aussi l'exportation de données dans un tableur Excel.
VIII.C.2. La simulation du comportement de la Shell : analyse des phénomènes en jeu
La littérature sur les façades double-peau fait état de deux phénomènes prépondérants dans la simulation du comportement des double-peau : (1) l'écoulement du fluide et le transfert de chaleur entre les deux parois de la double-peau ; (2) l'influence des coefficients de transfert convectif et conductif de la façade vitrée [Fedorov, 1997 ; Zöllner, 2002 ; Collins, 2004 ; Popa, 2006 ; Chereches, 2009]. Nous identifions un troisième phénomène à considérer avec précaution dans la simulation du bâtiment équipé d'une Shell : les apports solaires à travers la double paroi vitrée (la Shell puis les vitrages).
VIII.C.2.a. Le transfert convectif
Le transfert thermique entre un fluide et une paroi est décrit par le coefficient de convection hc. coefficient de convection dépend du nombre de Nusselt Nu [Brau, 2006], qui varie lui-même selon le régime laminaire ou turbulent de 122 L. Arantes Au début de l'étude, nous avons hésité à utiliser le logiciel libre EnergyPlus pour réaliser les simulations thermiques du bâtiment. Néanmoins, le renseignement des données sous EnergyPlus est très laborieux et peu aisé, la principale difficulté étant liée au large champ d'application du logiciel et à la multitude de possibilités de simulation qu'il offre. En effet, pour modéliser un système, l'utilisateur a accès à pas moins de sept cents onglets, dédiés à un aspect spécifique du problème, chacun étant décrit par une à cinquante variables. Cette richesse du paramétrage d'un système fait d'EnergyPlus un outil peu convivial à utiliser, alors que le logiciel Pleiades bénéficie d'une interface très lisible. Section VIII. l'écoulement ou encore la géométrie du système [Peixinho, 2004]. Le grand nombre de facteurs influençant la valeur du coefficient de convection en font un facteur difficilement maîtrisable dans les simulations. Des études ont mis en évidence sa sensibilité et font apparaître une grande disparité dans les valeurs qu'il peut prendre. Certaines insistent même sur la limite des corrélations utilisées par les logiciels de simulation thermique dans le cadre de la modélisation de façades multicouches [Gratia, 2007]. En pratique, dans la suite Pleiades+Comfie, la représentation des échanges par convection et par rayonnement au niveau des surfaces se fait par l'utilisation
Figure VIII-4 : Perspective du bâtiment équipé de la Shell – cas d'une Shell corridor [Bucchianeri, 2012b, p.23] Figure VIII-5 : Plan du bâtiment équipé de la Shell [Bucchianeri, 2012b, p.23] Figure VIII-6 : Coupe selon l'axe Sud-Nord du bâtiment équipé de la Shell [Bucchianeri, 2012b, p.23] Légende : À gauche, la Shell multi-étages. À droite, la Shell corridor. 123 d'un coefficient d'échange superficiel global qui prend en compte les deux phénomènes. Le Tableau VIII-3 donne les valeurs du coefficient d'échange superficiel global hc issues de la documentation technique de Pleiades+Comfie. Ces valeurs dépendent de l'orientation de la paroi, de son émissivité, de sa position dans le bâtiment (en contact ou non avec l'extérieur) et de sa classe d'exposition au vent. Dans le cas de notre étude, l'espace formé entre la Skin et la Shell est considéré comme un espace intérieur. La valeur utilisée pour le coefficient d'échange superficiel global est donc de 8,13 W/m2.K. Dans la méthode de calcul utilisée par Comfie, le coefficient d'échange superficiel global n'intervient qu'au niveau du calcul du coefficient d'échange thermique des parois Uparois. En 2006, A.A. Pappas et J.Z. Zhai montrent que la différence entre la température de surface de la paroi et la température de l'air a une forte influence sur le facteur de convection [Pappas, 2006]. Or cette influence n'est pas prise en compte par le modèle de calcul de Pleiades+Comfie puisque la suite de logiciels ne permet pas de renseigner manuellement la valeur du coefficient d'échange superficiel. Néanmoins, une rapide analyse de sensibilité sur l'influence du facteur d'échange superficiel hc sur le coefficient d'échange thermique des parois Uparois a permis de mettre en évidence que la modélisation utilisée par Comfie sera peu sensible aux erreurs d'estimation du coefficient de convection. Pour plus de détails, se référer à l'Annexe 8.
Deuxième Chapitre Section VIII.
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Comparaison du tonomètre à rebond d'Icare versus le tonomètre aplanation de Perkins chez des enfants sous anesthésie générale Marion Chagny aplanation de Perkins chez des enfants sous anesthésie générale T H E S E A R T I C L E Présentée et publiquement soutenue devant LA FACULTÉ DES SCIENCES MEDICALES ET PARAMEDICALES DE MARSEILLE Le 4 Décembre 2020 Par Madame Marion CHAGNY Née le 25 décembre 1990 à Avignon (84) Pour obtenir le grade de Docteur en Médecine D.E.S. d' OPHTALMOLOGIE Membres du Jury de la Thèse : Président
Assesseur
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Madam
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cteur
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VAN Lauren Directeur A mon Maître et Président
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du
jury
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le Professeur
Danièle DENIS
Vous
me
fait
es Je
vous
remercie pour votre enseignement en ophtalmo-pédiatrie et votre bienveillance envers les internes. Vous êtes pour
nous
un exemple de travail et de passion
et
ce fût un réel plaisir de travailler
à vos côtés.
Soy
ez assurée de ma profonde gratitude et de tout mon respect
. A mon Maître et membre
du jury
, le Professeur Thierry DAVID marseilla
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compter dans
ses
rangs
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z recevoir le témoign
age
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mon
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mmense
considération
. A mon Maître et membre
du
jury, le Professeur Bernard RIDINGS à à la Timone Soyez assuré
de ma
profond
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reconnaissance
et de tout mon
respect. A mon Maître
et
Direct
rice de thèse
, le
Docteur
Lauren SAUVAN Je passionnantes
en
ophtalmologie. Je
suis
ative de tes connaissances en la matière, de ton travail et de ta rigueur. Au-delà de tes compétences scientifiques et médicales, j par ailleurs grandement apprécié ton humour et ta spontanéité. Que de fous rires avec toi! Merci pour ta gentillesse, et ton aide si précieuse travail de thèse. Ce fût un vrai bonheur de travailler à tes côtés. Au plaisir de te retrouver sur les pistes de ski! Avec toute mon amitié. née.! Tu voudras peut-être à ton tour devenir médecin ou! Avec beaucoup de travail et une détermination sans faille, on arrive à tout dans la vie! Suis tes rêves mon amour, papa et maman seront toujours à tes côtés. mon bébé. A toi, mon Amour, mon rérou, mon mari, mon pilier, mon fidèle allié depuis toutes ces années! Merci de Après le lycée, les années Montpelliéraines, nous voilà désormais mariés et merveilleux ninou! Je nous souhaite le meilleur pour la suite pour moi à chaque instant! Tu es ma famille, je veux vieillir à tes côtés. J A mes parents fort. merci pour votre amour et votre soutien indéfectible! Tu veux être docteur ma fille? Mais quelle mouche l? Qu accompagnée et soutenue. Ça y est, après des années de travail et des milliers de feuilles de cours imprimées (merci papa!), le jour de ma thèse est enfin arrivé. est loin le temps du foyer du carré du roi! Finalement, le jeu en valait la chandelle, et je suis heureuse de lire cette fierté dans vos yeux! Merci pour votre amour, je vous aime fort. A mes grands-parents. Une pensée émue pour mes papis qui ne sont tu aurais tant voulu, tu serais si fier dans ton beau costume! e avec mamie à contribuer à mais avec ce Covid et cette soutenance passée en pour haut. Tu me manques. A ma mamie Francine, valise pleine de tes petits Tupperware! Tu en auras passé des heures à te faire du je sais que tu es fière de ta petite fille, même si ce qui compte le plus désormais ce sont les gazouillis de ton arrière-petit-fils Marius nouveau! Merci pour tout. A mon papi Momo. La là. Je
me souviens que tu aimais pousser la chansonnette et que tu avais le sens de la formule. Nul doute que tu aurais écrit un joli mot en dû tirer ça de toi. ; ut-être dû publier ma thèse dans la Provence! Je sais que tu gardes précieusement la photo d soutenance de thèse à laquelle vous aviez assistée avec papi à Montpellier. Tu vas désormais pouvoir rajouter une nouvelle photo à ta collection, avec ta petite fille dessus cette fois ci. A mes arrière-grands-parents qui me manquent. A mon tonton Sylvain et Francine, un deuxième médecin dans la famille! Merci pour vos encouragements pendant toutes ces années, je vous embrasse. A mes oncles et tantes, mes cousins cousines Mélanie, Olivier, Yannick. Merci pour votre soutien, je vous embrasse. A mes filleules. A ma belle-famille. Merci pour votre gentillesse et votre soutien pendant toutes ces années. instruments chirurgicaux, « Docteur Marteau vous embrasse tous bien fort. : pour une ophtalmo et ses microles patients! Je A mes amies et amis les mauvais moments, je sais que je peux compter sur toi en toutes circonstances! ie aime. A Michèle et Laure, merci pour votre soutien et votre amitié depuis toutes ces années, je vous aime. A Jess, Sandra, Charlotte, Fiona, Morgane il va bien falloir fêter ça autour de quelques shooters de tequilas! I love you girls. A mes amies de Montpellier, ça y est nous sommes officiellement toutes devenues médecin! Morgane, ma fidèle alliée depuis la P1, que de chemin parcouru depuis le Carré du roi! Perfectionniste, attentionnée, et très dévouée dans ton travail, tu es une perle pour simplement. Je te souhaite tout le bonheur possible, tu le mérites vraiment! A Emily, the best in Montpellier, merci pour ta gentillesse passion et ton dévouement pour la médecine, je suis sûre que tu iras loin! Je. A mes chefs, où tout a commencé! Dr Antoine Khalil, ris à faire un FO et même avec un V3M!. Un stage qui se termine avec des fleurs et un bon resto, ça marque! Dr Hugo Castejon, Marie-Pierre, Céline, Dominique une équipe au top! Je garde un très bon souvenir de mon premier ne avec vous et je reviendrai travailler à vos côtés prochainement. : Dr Caroline Marc, Dr Céline Boulicot, Dr Marie Boulze-Pankert, formateur à vos côtés dur de tenir correctement cette foutue lentille! Merci pour votre gentillesse. Aux Marseillais : Dr Natacha Stolowy précieuse pour ce travail de thèse! Cultivée, brillante et un talent certain pour les imitations, tu es une battante, je suis très Dr Pierre Gascon! bord connu comme interne, et même référent des internes, pour finalement être ton binôme rétine. Merci pour ces quelques mois très formateurs et pour ta patience au bloc! Brillant dans ta surspé et apprécié des patients, ce fut un vrai plaisir de travailler à tes côtés! Dr Marie Beylérian! Dr Isabelle Rendu, entreprenez notamment pour le service. Merci pour vos enseignements et en particulier celui de la chirurgie de la cataracte en monomanuel! Dr Geneviève Darrason! Merci pour votre gentillesse et votre bienveillance
. Dr Alban Comet, merci beaucoup pour ta gentillesse, ton savoir et ta disponibilité pour circonstances. Dr Aurore Aziz beaucoup appris à tes côtés. Après quelques années passées avec Ambre, ce fut un vrai plaisir. Dr Emilie Zanin, merci pour votre savoir, votre rigueur, votre humanité et votre gentillesse. Je regrette de ne pas avoir eu la chance de passer en binôme avec vous. Dr Benjamin Donnadieu, merci pour ta gentillesse et ta disponibilité, ce fut un vrai plaisir de travailler avec toi. Dr Eve Hadjadj, une belle blonde montée sur talons, merci pour ta gentillesse et ta générosité. Très disponible et dévouée pour tes petits patients, je garde un excellent souvenir de mon semestre à Sainte Marguerite à tes côtés! : Corinne, une vraie ; Camille, un vraie bout en train ; merci de chouchouter les internes comme vous le faites si bien. Aux timoniens, Dr Frédéric Matonti, merci pour votre enseignement, votre gentillesse et votre disponibilité. Dr Louis Hoffart, merci pour votre expertise en segment antérieur. Merci aussi
aux docteurs Hélène Proust, Héléna Guigue, Magali Sampo, Gaëlle Ho semestre à la Timone. : Dr Christian Tort, Dr Fadi Alshawareb, Dr Omar Midoun : Comme! ces temps si particuliers marqués par le Covid. A mes cointernes
A la promo 2015 : Thomas, ça a été un plaisir de travailler avec toi, tu es un cointerne sur qui on peut compter. Régale-toi bien dans les montagnes. Rose te passe son bonjour de jolies paupières! Nathanael, merci pour ta gentillesse et ton dévouement dans ton travail, je suis sûre que tu seras un très bon assistant! Lorène, un petit bout de femme monté sur piles, tu as finalement quitté les bancs! Bonne continuation à toi! Aux plus vieux : Marie C. une gentillesse rare, un humour décapant et une grande générosité, bonne continuation chez les corses! Anne,! Francesco, toujours prêt à rendre service, merci pour ta grande gentillesse. Nico, le chirurgien inné, merci pour ton humour et ta décontraction. Mickaël, toujours dispo pour rendre service, merci pour les bons plans remplas! Aux plus jeunes : Emmanuelle, une belle brune bouclée, toujours disponible pour le service et tes! Arthur à côté des nuits que tu vas passer! Merci pour ta gentillesse. Allan, la force tranquille, ou comment croire, bonne continuation à toi. Hugo et Thibault, les deux accolytes, obligés de vous faire la dédicace en même temps! Toujours en train de faire des blagues ces deux-là. Pour autant, vous êtes toujours partant pour prêter main forte à vos co-internes, connus les gars!! Merci pour ta gentillesse, ta patience, et ton aide précieuse au bloc pour ma thèse. Kévin -ophtalmo, ce n pas donné à tout le monde! Merci pour ton aide au bloc pour mes mesures Icare. Mickaël, merci pour t. Mathilde remercie pas! Mon porte-monnaie, lui, ne te dévouement et ta volonté dans tout ce que tu entreprends, je suis sûre que tu iras loin! Prithvi, rétinologue en herbe. Bravo pour ton travail et ton implication dans la recherche médicale. Loïc, Victoire, Charles, Céline, Chafic (imitateur officiel de Michèle et ses anchgiooooos ), Ruben F, Ruben A. ce fut un vrai plaisir de vous connaître. ! 1. 2. MATERIEL ET METHODES 5
2.1. Schéma expérimental 5
2.2.
Objectif
5 2.3.
Population
5 2.3.1. 5 2.3.2. 5 2.4.
Protocole
5 2.5. Critère de jugement principal 7 2.6. Critère de ju
gement secondaire
7
2.7. Analyses statistiques 7 3. RESULTATS 8 3.1. Caractéristiques cliniques et démographiques de la population étudiée 8 3.2. Comparaison des deux méthodes de mesure de la PIO : corrélation et concordance des 2 méthodes de mesure 9 3.3. Recherche de facteurs explicatifs de la différence de PIO entre les deux méthodes de mesure 12
4. DISCUSSION 13 5. CONCLUSION 17 1
10
a PIO mesurée au Perkins selon
le
test
de Pe
arson dans la population
étudi
ée.
10 thode
s de mesure de la
PIO
selon le test de Bland-Altman dans la population étudiée : différence de PIO (
PIO
Icare
PIO
Perkins) en fonction de la
PIO
moyenne 11 Tableau 1 : Caractéristiques démographiques et cliniques des patients inclus 8 Tableau 2 : Paramètres mesurés au sein de la population étudiée 9 Tableau 3 : Bland-Altman pour les différents sous-groupes de patients étudiés 12 2
Objectif
Le but de notre étude était de comparer la tonométrie à aplanation de Perkins et la tonométrie à rebond Icare, en évaluant leur corrélation et leur concordance, au sein Matériel et méthodes 138 yeux de 72 enfants examinés sous anesthésie générale ont été inclus consécutivement. de 2.87 +/- 3.42 années. La pression intra- Perkins puis Ic200. Les mesures de pachymétrie centrale ultrasonique et de longueur axiale ont également été relevées. Résultats Les mesures de PIO obtenues avec les deux tonomètres étaient statistiquement et significativement fortement corrélées (r = 0.8, p < 0.001 en moyenne la PIO de 3,37 mmHg (DS+/-4,48). Le graphique de Bland-Altman a montré que la concordance entre les deux tonomètres était modérée ; les limites de -5.41 à +12.15 mmHg (r = 0.5, p < 0.001). La différence de PIO entre les deux tonomètres était faiblement mais significativement corrélée à la PIO moyenne (r = 0.52 ; p = 0.006) et à la pachymétrie (r = 0.38 ; p = 0.0007). Conclusion Dans notre étude, l de Perkins et à rebond Icare Ic200 étaient nation vait tendance à surestimer la PIO, en particulier pour les valeurs de PIO hautes. Cependant, aucune sous- le dépistage du glaucome chez les enfants. Mots clés : Glaucome congénital, Enfants, Tonomètre, Perkins, Icare Ic200 3
1. INTRODUCTION
Le glaucome est (1,2). Il est capital de pouvoir le diagnostiquer suffisamment tôt afin de le traiter efficacement. Pour cela, la mesure de la pression intra-oculaire (PIO) est primordiale. cette mesure de la PIO examen sous sédation ou anesthésie générale (AG) pour porter un diagnostic de glaucome. Actuellement, le gold standard repose sur la tonométrie à aplanation de Goldman (3). En décubitus dorsal, tonomètre à aplanation de Perkins (Perkins ; Clement- Clarke, Haag-Streit, UK) q un dérivé portable du tonomètre à aplanation de Goldman et leur fiabilité est comparable (4,5). De nouvelles technologies en matière de tonométrie, plus faciles à réaliser, sont désormais disponibles sur le marché. Parmi elles, le tonomètre à rebond Icare (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland) présente plusieurs avantages. Indolore, il ne nécessite aucune instillation de collyre anesthésique. Portatif et facile à utiliser, il ne nécessite pas de coopération particulière de la part du patient (6). Son utilisation pourrait donc être particulièrement intéressante dans le dépistage du glaucome chez les enfants facilement mesurable en consultation. De récentes études (7,8) montrent en effet des résultats prometteurs avec une bonne corrélation ent tonomètre de Perkins. Cependant, ces études ont été menées, pour la plupart, chez un faible nombre de patients (9), chez des patients sains (10,11), des adultes (8,12) ou bien uniquement (7,13). La présente étude a donc pour but de comparer la tonométrie à aplanation Perkins et la tonométrie à rebond Icare en évaluant leur corrélation et leur concordance des enfants examinés sous AG dans différentes populations pédiatriques rencontrées en pratique courante.
4 2. MATERIEL ET METHODES 2.1. Cette étude prospective de type cohorte analytique, monocentrique, a été menée au sein du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) Nord à Marseille, en France, entre Novembre 2019 et Mars 2020. Au total, 138 yeux de 72 enfants ont été inclus. 2.2. Objectif cette étude était de comparer et évaluer la corrélation entre les valeurs de pression intra-oculai (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland) versus le tonomètre à aplanation Perkins (Perkins ; Clement-Clarke, Haag- pédiatrique examinée sous AG. A terme, si les valeurs celles obtenues avec le Perkins, cela permettrait de sous AG et ainsi 2.3. s. Population 2.3.1. Etaient inclus tous les patients consécutifs âgés de 0 à 18 ans, devant bénéficier durant la période concernée et ayant PIO Icare ic200. 2.3.2. Cr Etaient exclus les patients âgés de plus de 18 ans et les enfants pour lesquels les données de mesure de pression intra-oculaire étaient insuffisantes. 2.4. Protocole
Les patients analysés étaient tous à jeun. Le protocole anesthésique consistait en sevoflurane uniquement. Après induction anesthésique, les enfants seul alors que les patients devant subir une intervention chirurgicale étaient intubés. 5 Toutes les mesures de notre étude ont été effectuées sous anesthésie profonde, -à-dire durant la phase de ventilation mécanique. Les mesures ont été réalisées par 8 opérateurs différents Pour chaque patient, le tonus oculaire était successivement tonomètre à aplanation de Perkins (Perkins ; Clement-Clarke, Haag-Streit, UK) puis du tonomètre à rebond Icare ic200 (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland). Cet ordre de mesure a été choisi de sorte que, lors de la mesure subjective de la PIO au Perkins, à La valeur de PIO retenue pour ce dernier appareil était la moyenne des 6 mesures effectuées automatiquement. Le tonomètre à aplanation Perkins (Perkins ; Clement-Clarke, Haag-Streit, UK), utilisable notamment en décubitus dorsal, constitue, à ce jour, le gold standard en tonométrie portable. tiliser, il faut instiller au préalable une goutte de collyre anesthésique et de fluorescéine puis tourner manuellement une molette afin que les deux demicercles de fluorescéine (ou hémi- symétriquement par leurs extrémités. 200 (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland) est, quant à lui, un tonomètre à rebond qui ne nécessite aucune anesthésie de contact. Son principe de fonctionnement repose sur la métallique après un impact sur la cornée. Plus la PIO est élevée, plus la vitesse de rebond sera rapide. Les mesures suivantes étaient également effectuées : pachymétrie centrale ultrasonique, longueur axiale (LA) avec ographie mode A, diamètres cornéens vertical et horizontal et mesure du rapport cup/disc. Par ailleurs, pour chaque patient, étaient relevés ses antécédents ophtalmologiques. En : le type de glaucome, un antécédent de chirurgie et son délai par rapport à notre examen traitement hypotonisant (classes médicamenteuses et nombre de molécules : un 6 antécédent de chirurgie et donc le statut cristallinien (phaque / pseudophaque / aphaque) Un consentement éclairé a été obtenu de la part de légaux des patients 2.5. ude a été menée en respectant les principes éthiques de la Le critère de jugement principal consistait à comparer les mesures pressionnelles obtenues avec le tonomètre Icare Ic200 et le tonomètre Perkins chez des enfants sous AG. 2.6. Les critères de jugement secondaires étaient la corrélation entre les deux méthodes de mesure de PIO au sein de différents sous-groupes (glaucomateux ou non, aphaques ou non, âge inférieur ou supérieur à 3 ans). 2.7. ggplot2, tidyr, dplyr, Rmisc, RColorBrewer et psych. Le test Kruskal-Wallis a été utilisé pour comparer les variables quantitatives continues entre plus de 3 sous-groupes. La du test de Pearson. La du graphique de Bland-Altman. Différentes analyses univariées et multivariées ont été réalisées pour tenter Des variables pertinentes ont été inclues dans un modèle de régression dure par étape. Une valeur de petit p<0.05 était considérée comme statistiquement significative.
3. RESULTATS 3.1. Caractéristiques cliniques et démographiques de la population étudiée
72 patients (138 yeux) Nombre de patients (%) 39 (54%) 33 (46%) 28 4 2 1 1 3 5 Sexe Glaucome N = 36 (50%) Cataracte congénitale N = 20 (28%) Autres N = 16 (22%) Congénital Aphaque Juvénile Sturge Weber Myope Phaques Pseudophaques Aphaques 12 Dépistage de glaucome (excavation papillaire / myopisation / antécédent familial) Atrophie optique Maladie de Coats Membrane pupillaire persistante Trisomie 21 Plaie du globe Aniridie Xanthogranulome juvénile irido-cornéen Syndrome de Crouzon Antécédent de chirurgie filtrante 1 2 2 1 1 1 2 1 32 (44.4%) Non Nombre de molécules traitement hypotonisant 5 Oui N = 15 Type de molécule Monothérapie Bithérapie Trithérapie Quadrithérapie Bétabloquant Prostaglandine carbonique Alpha-2-adrénergique 57 (79.2%) 8 (11.1%) 2 (2.8%) 4 (5.6%) 1 (1.4%) 7 (9.7%) 6 (8.3%) 13 (18.1%) 1 (1.4%) Tableau 1 : Caractéristiques démographiques et cliniques des patients inclus 8 Moyenne +/- écart-type (minimum ; Paramètres (unité de mesure) maximum) Age (années) 2.87 +/- 3.42 (0.15 ;17.4) Pachymétrie (um) 550.71 +/- 74.08 (423 ;800) 21.46 +/- 2.01 (16.14 ;28.5) Diamètre cornéen moyen (mm) 11.56 +/- 1.01 (8.25 ;15) PIO avec le tonomètre Perkins (mmHg) 10.06 +/- 5.20 (4 ;37) PIO avec le tonomètre Icare (mmHg) 13.43 +/- 7.43 (4 ;46)
Tableau 2 : Paramètres mesurés au sein de la population étudiée
Dans cette étude, après analyse de 88 patients, 138 yeux (70 yeux droits et 68 yeux gauches) de 72 enfants ont été inclus. 16 patients ont été exclus par insuffis de mesures. Parmi les 72 patients inclus dans notre étude, 54% étaient de sexe masculin (Tableau 1). de
2.87
+/- 3.42 années (
Tableau
2) La moyenne de PIO mesurée avec la méthode Icare était de 13.43 +/- 7.43 mmHg [min 4 ; max 46] versus 10.06 +/- 5.20 mmHg [min 4 ; max 37] avec la méthode de Perkins (p < 0.001), soit une différence moyenne de 3.37 +/- 4.48 entre les deux tonomètres (Figure 1).
3.2. Comparaison des deux méthodes de mesure de la PIO : corrélation et concordance des 2 méthodes de mesure, nous avons analysé la corrélation (test de Pearson) et la concordance (test de Bland-Altman) de leurs mesures respectives. Le test de Pearson retrouvait une forte corrélation entre les deux méthodes de mesure (Figure 2) avec un coefficient de corrélation r = 0.8, p < 0.001 9
Cette corrélation était meilleure dans le sous-groupe des patients suivis pour glaucome (r = 0.84, p < 0.001) que dans le sous-groupe autres (r = 0.67, p < 0.001).
Figure
1 : Comparaison de la PIO mesurée à Figure 2 PIO mesurée au Perkins selon le test de Pearson dans la population étudiée. Il a ensuite été évalué la concordance entre les deux méthodes de mesures grâce au test de Bland-Altman (Figure 3)
Le
couloir bleu
en
point
illés
représente la concord
ance moyenne
.
Le couloir vert
représente la limite de concordance maximale (moyenne + 2 déviations standard (DS)) tandis que le couloir orange représente la limite de concordance minimale (moyenne 2 DS). La droite bleue représente la corrélation entre la différence des PIO et la PIO moyenne.
Cette
corrélation est
de
r
= 0.5, p < 0.001. Pour la totalité de notre échantillon de patients, la différence moyenne des mesures était de 3,37 mmHg (SD +/- 4,48) et les limites de concordance montraient que 95% des mesures se situaient entre -5.41 et +12.15 mmHg. 10 Figure 3 de Bland-Altman dans la population étudiée : différence de PIO (PIO Icare PIO Perkins) en fonction de la PIO moyenne ; Une différence proche de zéro montre une bonne entente entre les deux mesures. Le couloir bleu en pointillés représente la concordance moyenne. Le couloir vert représente la limite de concordance maximale (moyenne + 2 déviations standard (DS)) tandis que le couloir orange représente la limite de concordance minimale (moyenne 2 DS). La droite bleue représente la corrélation entre la différence des PIO et la PIO moyenne (r = 0.5, p<0.001)
Concernant les analyses en sous-groupes, les résultats du test de Bland-Altman sont reportés dans le tableau 3. Les limites de concordance étaient variables en fonction des sous-groupes. En effet, certains sous-groupes présentaient des limites de concordance plus étroites. Ceci les deux tonomètres dans ces populations notamment le cas pour les patients de moins de 3 ans [-4.89 ;10.69] et les non glaucomateux [-3.75 ;10.48]. A inverse, les aphaques présentaient des limites de concordance beaucoup plus larges [-4.45 ;16.95], donc une moins bonne concordance. 11
Sous
-
groupes Glaucomateux Non glaucomateux < 3 ans Aphaques Différence moyenne de PIO (mmHg) Limite de concordance minimale Limite de concordance maximale 3.37 -6.86 13.59 3.37 -3.75 10.48 2.9 -4.89 10.69 6.25 -4.45 16.95 Tableau 3 : Bland-Altman pour les différents sous-groupes de patients étudiés
3.3. Recherche de facteurs explicatifs de la différence de PIO entre les deux méthodes de mesure es différences de mesure de PIO des analyses univariées puis multivariées ont été réalisées. Il a donc été testé de manière indépendante plusieurs variables telles que patient, la longueur axiale la pachymétrie, la PIO moyenne, glaucome, le type de glaucome, le nombre de traitement hypotonisants,. Parmi ces variables, seules la pachymétrie (r = 0.38 ; p = 0.0007) et la PIO moyenne (r = 0.52 ; p = 0.006) étaient faiblement mais significativement corrélées à la différence de mesure [Icare-Perkins]. Ces résultats montraient donc que plus la PIO moyenne et la pachymétrie augmentaient, plus la différence de PIO Perkins augmentait également. 12 4. DISCUSSION
Le gold standard actuel pour mesurer la PIO chez les enfants est le tonomètre à population pédiatrique, imposant souvent une anesthésie générale. Récemment, de nouveaux appareils de mesure pressionnelle ont été développés, no intérêt, à terme, serait de réduire le développement de ces nouveaux appareils de mesure. L cette étude était de comparer les mesures des deux tonomètres : le Perkins et lcare Ic200 une population pédiatrique examinée sous anesthésie générale. Dans la cohorte, les deux méthodes de mesures étaient bien corrélées (r = 0.8, p < 0.001). Cette corrélation était meilleure dans le sous-groupe des patients suivis pour glaucome (r = 0.84, p<0.001) que dans le sous-groupe autres (r = 0.67, p < 0.001). Cette différence pourrait être expliquée par une plus grande hétérogénéité des pathologies rencontrées au sein de ce dernier sous-groupe. ont retrouvé des résultats similaires au sein de différentes populations pédiatriques: en consultation (11), avec un antécédent de glaucome congénital sans (14) ou sous AG (17), présentant une aphaquie (15) ; mais également chez des adultes (16) tonomètres chez des enfants, toutes pathologies confondues, examinés sous AG. Ce travail montre pour la première fois la corrélation des deux méthodes dans une population pédiatrique de bas âge, diversifiée, et examinée sous AG. Concernant la concordance des mesures entre les deux appareils, nos résultats montraient une concordance modérée des mesures [-5.41 ; +12.15 mmHg] avec une surestimation de la PIO mesurée à Icare par rapport au Perkins. Dans notre cohorte, la moyenne de la différence de PIO entre les deux tonomètres était de 3.37 SD +/- 4.48. s ont également constat é cette surestimation de PIO par Icare mais celle-ci est un peu plus faible dans la littérature, aux alentours de 2 mmHg. Elle est 13 de 2.2 (+/- 3.4mmhg, p < 0.0001) dans étude de Mendez-Hernandez et al., chez des enfants glaucomateux en bas âge (17) e Serafino retrouve une différence moyenne de PIO de 1.97mmhg (+/- 1.23, p < 0.05) chez des enfants aphaques ou strabiques (7). Esmael A et al. (14) retrouvent une différence de moyenne des PIO bien moindre avec une valeur de 0.59 (+/- 2.59 mmHg, p = 0.001). Ces différences de surestimation de la PIO pourraien modèles différents e entre la cohorte et les différentes études précédemment citées. Dans la Mendez-Hernandez (17) et Serafino (7) (14) utilisait le tonomètre IcTA01. Pour expliquer la différence de mesures entre les deux appareils, les résultats ont retrouvé deux variables faiblement mais significativement corrélées à cette différence : la PIO moyenne (r = 0.52 ; p = 0.006) et la pachymétrie (r = 0.38 ; p = 0.0007). Ces résultats étaient concordants avec ceux retrouvés dans la littérature (9) ; la différence de PIO est encore plus importante lorsque les valeurs de PIO dépassent 20 mmHg (10) voire 23 mmHg (18). De la même façon, plus la pachymétrie était épaisse, plus la différence de PIO était importante entre les deux tonomètres (r = 0.38 ; p = 0.0007). Li Y. et al. retrouvent le même effet avec un faible coefficient de corrélation ( r = 0.408 p < 0.001) (15). Aucune autre variable expl cette étude. En effet, selon les résultats,. différence de PIO statistiquement significative. Daxer et al. (23) âge sur la différence de PIO. Ils ont montré dans une étude post mortem que le vieillissement modifie conséquences sur la mesure de la PIO. (15) vont dans le même sens que nos résultats et ne retrouvent pas 14 Mendez-Hernandez et al. (17) retrouvent un effet de la LA sur la différence de PIO dans la plupart des cas. Certains auteurs (22) ne retrouvent, quant à eux, une relation positive avec la profondeur de la chambre antérieure, paramètre qui pas été évalué dans notre étude. Différentes hypothèses ont été avancées dans la littérature Muttulevu (19) montre en effet que les mesures prises au centre de la cornée par le tonomètre Icare sont significativement supérieures de 3 à 4 mmHg par rapport aux sonde de 10°. différence de PIO (20). tonomètre de Perkins utilise une compression cornéenne constante qui pourrait entrainer une mesure prise. A, qui ne touche que superficiellement et plus brièvement la cornée, à une PIO sous-Pardo (11), Prabhakar (21) et Borrego Sanz (22). Cependant, nous avons également retrouvé une surestimation de e mesure était prise après le tonomètre de Perkins, Au final, plusieurs éléments font la force de la présente étude. nsécutive des patients, ce qui limite le biais de sélection. De plus, cet échantillon, recruté nombreux patients atteints de pathologies graves retrouvées en ophtalmopédiatrie 15 représentative de la population cible à laquelle nous souhaitons extrapoler nos résultats. En ce qui concerne les faiblesses de étude, on peut noter que le taux de patients exclus est de 18% (16 patients exclus sur 88 sélectionnés) ce qui est relativement par insuffisance de mesures. Par ailleurs, un seul opérateur était disponible par session avons décidé de mesurer systématiquement la PIO dans le même ordre : anation de Perkins puis avec le tonomètre à rebond Icare, lors de sa mesure subjective au Perkins. Nous aurions également pu choisir de par Serafino (7) ou celle de Molero et al. (8)., il est admis (24) que les anesthésiques utilisés en pratique courante induisent une baisse significative de la PIO chez les enfants. De plus, cette baisse pressionnelle est variable selon les temps anesthésiques. Pour limiter ce biais, nous profonde. Enfin, q relevés. Certaines études (8,25) ont en effet excluent les patients présentant un astigmatisme supérieur à 2 voire 3 dioptries car cette déformation cornéenne pouvait engendrer un biais dans la mesure de la PIO. Malgré une concordance modérée des deux appareils de mesure, retrouvant une hypert les PIO permettra de ne pas sous-diagnostiquer cette pathologie glaucomateuse. Nous recommanderions de confirmer les PIO au Perkins pour les PIO plus élevées.
16 5. CONCLUSION
En conclusion, notre étude a montré que les tonomètres à aplanation de Perkins et à rebond Icare Ic200 sont bien corrélées. à surestimer la PIO, en particulier pour les valeurs de PIO hautes. Cependant, aucune sous- avec cet appareil. En ce sens, le tonomètre portable Icare Ic 200 reste un outil facile à utiliser et particulièrement intéressant pour dépister des cas de glaucome, y compris chez les enfants. 1. Cécité et déficience visuelle [Internet]. [cité 28 sept 2020]. Disponible sur: https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/blindness-and-visualimpairment 2. OMS | Causes de la cécité et des déficiences visuelles [Internet]. WHO. World Health Organization; [cité 22 sept 2020]. Disponible sur: http://www.who.int/blindness/causes/fr/ 3. Hamard P. Que faire si la mesure de la pression intraoculaire semble peu fiable? J Fr Ophtalmol. 1 avr 2010;33(4):279 84. 4. Js B, Tm G, Je T. A comparison of Perkins and Goldmann applanation tonometry [Internet]. 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Comparison of the Icare rebound tonometer and the Perkins applanation tonometer in anesthetized children
Dr Chagny M. (1), Dr Stolowy N. (1), Pr Denis D. (1), Dr Sauvan L. (1) (1) Universitary Hospital Center Nord in Marseille, France
Objective The aim of the study was to compare Perkins flattening tonometry and Icare rebound tonometry, evaluating their correlation and agreement, in a diverse paediatric population examined under general anaesthesia. Materials and methods 138 eyes of 72 children examined under GA were included consecutively. The average age was 2.87 +/- 3.42 years. Intraocular pressure was successively measured using the Perkins flattening tonometer and then the Icare Ic200 rebound tonometer. Ultrasonic central pachymetry and axial length measurements were also taken. Results IOP measurements obtained with the two tonometers were statistically and significantly highly correlated (r = 0.8, p < 0.001) although the Icare overestimates IOP by an average of 3.37 mmHg (SD+/-4.48). Bland-Altman plot showed that the agreement between the two tonometers was moderate; the 95% agreement limits ranged from -5.41 to +12.15 mmHg (r = 0.5, p < 0.001). The difference in IOP between the two tonometers was weakly but significantly correlated with mean IOP (r = 0.52; p = 0.006) and pachymetry (r = 0.38; p = 0.0007). On the other hand, no correlation was found with axial length. Conclusion In this study, the IOP values obtained using the Perkins flattening tonometers and the Icare Ic200 rebound tonometer were well correlated. The Icare tended to overestimate the IOP, especially for high IOP values. However, no underestimation of IOP has been found with this device, hence its interest in screening
1. INTRODUCTION
Glaucoma is one of the main causes of visual impairment in children (1,2). It is vital to be able to diagnose it early enough to treat it effectively. For this, measuring intraocular pressure (IOP) is essential. However, in children, due to poor cooperation during the ophthalmological examination, this IOP measurement is not always easy and often justifies the use of an examination under sedation or general anaesthesia (GA) to make a diagnosis of glaucoma. Currently, the gold standard is based on Goldman's flattened tonometry (3). 2. MATERIALS AND METHODS
2.1. This monocentric, analytical cohort prospective study was conducted at the Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) Nord in Marseille, France, between November 2019 and March 2020. A total of 138 eyes from 72 children were included.
2.2. Objective
The aim of this study was to compare and evaluate the correlation between intraocular pressure values measured with the Icare Ic200 rebound tonometer (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland) versus the Perkins flattening tonometer (Perkins; Clement-Clarke, Haag-Streit, UK) in a paediatric population examined under GA. In the long term, if the IOP values measured with the Icare were comparable to those obtained with the Perkins, it could reduce the number of GA examinations and thus limit the impact of repeated anaesthesia in children.
2.3. Population 2.3.1. Criteria for inclusion
All consecutive patients between the ages of 0 and 18 years who were to be examined under general anaesthesia during the relevant period and had their IOP measured using both Perkins and Icare Ic200 measuring devices were included. 2.3.
2. Exclusion criteria
Patients over 18 years of age and children for whom there was insufficient data on intraocular pressure measurement were excluded. 2.4. Protocol
The patients analysed were all fasting. The anaesthetic protocol consisted of inhalation of sevoflurane only. After anaesthetic induction, children undergoing GA examination alone were ventilated using a laryngeal mask, while patients requiring surgery were intubated. All measurements in our study were performed under deep anaesthesia, i.e. during the mechanical ventilation phase. 23 The measurements were carried out by 8 different operators during the study. For each patient, eye pressure was successively measured using the Perkins flat tonometer (Perkins; Clement-Clarke, Haag-Streit, UK) and then the Icare Ic200 rebound tonometer (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland). This order of measurement was chosen so that when subjectively measuring IOP with Perkins, the operator is not influenced by the IOP value obtained automatically with the Icare. The IOP value selected for the Icare was the average of the 6 measurements taken automatically. The Perkins flattening tonometer (Perkins; Clement-Clarke, Haag-Streit, UK), which can be used in particular in the supine position, is currently the standard gold in portable tonometry. Its operating principle is based on Imbert and Fick's law. To use it, a drop of anaesthetic eye drops and fluorescein must first be instilled and then a knob must be turned manually so that the two semi-circles of fluorescein (or hemi-mires) face each other symmetrically at their ends. The Icare Ic200 (Icare, Tiolat Oy, Helsinki, Finland) is a rebound tonometer that requires no contact anaesthesia. Its operating principle is based on the measurement of the return speed of a thin metal rod after an impact on the cornea. The higher the IOP, the faster the speed of rebound will be. The following measurements were also carried out: ultrasonic central pachymetry, axial length (LA) with A-mode ultrasound, vertical and horizontal corneal diameters and cup/disc measurement. In addition, each patient's ophthalmological history was taken. In the case of a history of glaucoma, the following were specified: the type of glaucoma, a history of surgery and its delay in relation to our examination, the taking of a hypotonising treatment (drug classes and number of molecules administered). In the case of a congenital cataract, the following were specified: a previous history of surgery and therefore the crystalline status (phakic / pseudophakic / aphakic) and the delay of this surgery in relation to the examination. 2.5. Primary outcome measure
Primary outcome measure was a comparison of the pressure measurements obtained with the Icare Ic200 tonometer and the Perkins tonometer in children under GA. The difference of IOP measured between the Icare and the Perkins tonometer was defined by the following formula: [IC-PK].
2.6. Secondary outcome measure
Secondary outcome measure was to assess the correlation between the two methods of measuring IOP in different subgroups (glaucomatous or not, aphakic or not, age less than or greater than 3 years). 2.7. The statistical analyses were carried out using the R software using the ggplot2, tidyr, dplyr, Rmisc, RColorBrewer and psych functions. The Kruskal-Wallis test was used to compare continuous quantitative variables between more than 3 subgroups. The strength of the correlation between the two measurement methods was assessed using the Pearson test. The agreement between the two methods of measuring IOP was analysed using Bland-Altman plot. Different univariate and multivariate analyses were carried out to try to explain the difference in results between the IOP measurements obtained at Perkins and Icare. Relevant variables were included in a multiple linear regression model and selected in a stepwise procedure. A value of small p<0.05 was considered statistically significant.
3. RESULTS 3.1. Clinical and demographic characteristics of the study population
In this study, after analysis of 88 patients, 138 eyes (70 right eyes and 68 left eyes) from 72 children were included. 16 patients were excluded due to insufficient measures. Of the 72 patients included in our study, 54% were male (Table 1). The average age was 2.87 +/- 3.42 years (Table 2). The mean IOP measured with the Icare method was 13.43 +/- 7.43 mmHg [min 4 ; max 46] versus 10.06 +/- 5.20 mmHg [min 4 ; max 37] with the Perkins method (p < 0.001), i.e. a mean difference of 3.37 +/- 4.48 between the two tonometers (Figure 1). 3.2. Comparison of the two IOP measurement methods: correlation and agreement of the two measurement methods
In order to assess the agreement of the IOP measurements made by the two devices, we analysed the correlation (Pearson test) and the agreement (Bland-Altman test) of their respective measurements. The Pearson test found a strong correlation between the two measurement methods (Figure 2) with a correlation coefficient r = 0.8, p < 0.001 This correlation was better in the subgroup of patients followed for glaucoma (r = 0.84, p < 0.001) than in the other subgroup (r = 0.67, p < 0.001). Then, the agreement between the two measurement methods using the Bland-Altman test was assessed (Figure 3). The dotted blue corridor represents the average agreement. The green corridor represents the maximum agreement limit (average + 2 standard deviations (SD)) while the orange corridor represents the minimum agreement limit (average - 2 SD). The blue line represents the correlation between the IOP difference and the mean IOP. This correlation is r = 0.5, p < 0.001. For our entire sample of patients, the mean 26 difference of the measurements [IC-PK] was 3.37 mmHg (SD +/- 4.48) and the agreement limits showed that 95% of the measurements were between -5.41 and +12.15 mmHg. For the subgroup analyses, the results of the Bland-Altman test are reported in Table 3. The limits of agreement varied according to the subgroups. Indeed, some subgroups had narrower boundaries of agreement. This was in favour of a better agreement of IOP values between the two tonometers in these populations. This was particularly the case for patients under 3 years of age [-4.89 ; 10.69] and nonglaucoma patients [-3.75 ; 10.48]. Conversely, aphakic patients had much wider agreement limits [-4.45 ; 16.95], and therefore worse agreement.
3.3. Searching for factors explaining the difference in IOP between the two measurement methods
To try to explain the differences in IOP measurement between Icare and Perkins [ICPK], univariate and then multivariate analyses were performed. Therefore, several variables were independently tested such as: patient age, axial length, pachymetry, mean IOP, existence or not of glaucoma, type of glaucoma, number of hypotonic treatments, aphakia. Of these variables, only pachymetry (r = 0.38; p = 0.0007) and mean IOP (r = 0.52; p = 0.006) were weakly but significantly correlated with [IC-PK]. Therefore, these results showed that as mean IOP and pachymetry increased, [IC-PK] also increased.
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" "It's about being connected" : il est sept heures, New York s'éveille : Let the Great World Spin de Colum McCann ou la coïncidence entre un homme et une ville " Sophie Vallas Dans la nuit du 6 au 7 août 1974, Philippe Petit tendit son fil de funambule entre les deux tours du World Trade Center pour une promenade de 45 minutes à 450 mètres de haut audessus de la pointe sud de Manhattan. Ces pas aériens qui relièrent les deux tours à peine terminées, ces petits sauts accomplis dans un ciel brumeux, ce corps qui s'étendit sur un câble flottant accomplirent un double exploit. Un homme à la silhouette elfique fit lever le jour depuis le toit du monde, tandis que sa marche improbable et gracieuse fit entrer ces deux bâtiments mal aimés des New-Yorkais dans l'histoire de la ville : le fil du funambule avait réussi à attacher viscéralement les tours orphelines au corps boudeur d'un New York qui n'avait pas l'impression de les avoir conçues. « A stroke of genius » (248), estime le juge Soderberg qui, dans le roman de Colum McCann, va devoir trouver une sentence pour le lutin accoucheur qui comparaît devant lui quelques heures après son exploit : dans cette ville qui n'a pas d'histoire et qui n'éprouve aucun intérêt pour l'histoire, songe-t-il, le funambule a accompli un acte performatif. Au sommet des deux tours les plus arrogantes du monde, son corps a coïncidé avec la ville et s'est fait monument fugace : « He had made himself into a statue, but a perfect New York one, a one, up in the air, high above the city ». Et ce corps audacieux, comprend le juge, a magistralement signé une oeuvre jusque-là ignorée, deux tours inélégantes qui n'avaient pas encore trouvé leur place dans le paysage urbain. 2 Lorsque Colum McCann entreprend l'écriture de Let the Great World Spin, paru en 2009, le skyline au sud de Manhattan est amputé des tours jumelles et les New-Yorkais en 1 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t ressentent désormais l'absence dans leur chair. La performance de Philippe Petit a été exhumée des souvenirs nostalgiques des années 70, un peu comme on évoque la bonne fée qui s'est autrefois penchée sur un berceau désormais déshérité : un documentaire inspiré (James Marsh, 2008) en raconte l'histoire et l'exécution rocambolesques. Cette performance se trouve également au coeur du roman de McCann qui s'organise littéralement autour de cette petite heure qui ébranla New York, puisque tous les personnages sont tantôt témoins émerveillés, indifférents ou outragés de la scène, tantôt réceptionnaires d'un récit de l'événement. Lorsque le funambule, qui reste anonyme dans le roman de McCann, regarde les autorités new-yorkaises retirer son câble après son numéro, il le voit s'affiner tout doucement avant de disparaître tout à fait : la ligne est, en effet, démontée dans l'ordre inverse dans lequel elle avait été génialement et péniblement installée - le câble est tiré par une équipe sur l'une des tours tandis qu'une autre équipe, en face, l'empêche de tomber dans le vide grâce à la chaîne à laquelle il est attaché, suivie d'une corde et enfin d'un fil de pêche invisible qui, au début du processus, avait été lancé d'une tour à l'autre au moyen d'un arc : [] it was being hauled in, slowly, carefully, attached to a chain, to a rope, to fishing line. It was like watching a child's Etch a Sketch as the sky shook itself out: the line kept disappearing pixel by pixel. Eventually there would be nothing left there at all, just the breeze. (243) 3 Plus de 25 ans plus tard, McCann reprend « l'ardoise magique » et trace à nouveau le câble torsadé qui permit un jour à un homme de marcher au sommet du monde et à tant d'Américains, les yeux fixés dans les airs, de sentir New York sous leurs pieds. 1. Un câble tendu entre 1974 et 2001 : roman choral et roman reflet 4
Les 60 mètres d'acier et de nuages parcourus par le funambule ne sont, en effet, que l'une des lignes que trace le roman : sur sa carte de New York, McCann en place d'autres sur lesquelles il va faire évoluer ses personnages, comme si ceux-ci étaient inspirés par la marche de l'artiste, comme s'ils faisaient écho à ses pas précautionneux sur leurs pauvres câbles terrestres. Au fil du roman, le lecteur est amené à comprendre que ce câble artificiellement tendu au coeur de la ville comme du roman n'est qu'un des éléments d'une structure complexe qui va voir s'entrecroiser de multiples fils. Une scène, en particulier, suggère poétiquement ce principe organisationnel choisi par McCann : le funambule a tendu une corde entre sa fenêtre et l'échelle d'incendie de l'immeuble d'en face pour aller passer la nuit chez une femme. Lorsqu'il reprend son chemin de chanvre, il a la surprise de le retrouver décoré à la mode new-yorkaise: « [] when he emerged he found that some kids had tossed shoes up on the wire, a city custom, the laces tied together » (239). Autant de lacets à cheval sur la corde, autant de points semés sur la ligne de vie d'un homme qui, pendant quelques instants magiques, parviendra à lier sa trajectoire à la majesté d'une ville, comme le formulera l'un des personnages au sujet de cette traversée entre les deux tours jumelles : « The intersection of a man with the city, 2 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t the abruptly reformed, the newly appropriated public space, the city as art » (103). Le mot « intersection suggère ici deux sens différents : la coïncidence magistrale de l'artiste et de la ville, certes, mais l'image des paires de chaussures suspendues au fil du funambule permet aussi de concevoir, au coeur du roman, la façon plus ou moins fortuite dont se croisent les trajectoires et destins respectifs du funambule et d'une poignée de NewYorkais. 6 Pour le lecteur, néanmoins, un niveau supplémentaire de convergence apparaît rapidement : bien que se situant en 1974, l'intrigue du roman est, en effet, habitée par les événements du 11 septembre 2001, les deux époques figurant tout d'abord la naissance des tours célébrée par Philippe Petit puis leur destruction simultanée dans l'attaque terroriste du 11 septembre. Tout un système d'échos est mis en place entre 1974, qui voit la fin de la guerre du Vietnam, la chute imminente de Nixon (sa démission intervient deux jours après la performance de Petit) et les débuts de ce qui deviendra l'internet (appelé arpanet à l'époque), et 2001, avec le début de la guerre contre le terrorisme, la montée en puissance d'une nouvelle présidence impériale et l'omniprésence des communications virtuelles. La lecture est donc double, le lecteur de 2009 ne pouvant s'empêcher de lire 2001 toujours déjà là dans cette histoire de 1974, ni de déchiffrer 1974 comme l'annonce de 2001. « Sometimes you have to go up to a very high floor to see what the past has done to the present » (306), dit l'un des personnages qui valide ainsi une lecture partagée entre 1974 et 2001. A la silhouette espiègle du funambule qui, en 1974, défie les fières profondeurs du canyon new-yorkais, répond d'ailleurs, en 2001, l'image de l'homme qui tombe sans fin le long des parois éventrées des tours, image immortalisée 3 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t par la photographie iconique de Richard Drew, « The Falling Man », ou le roman éponyme de Don DeLillo (2007)1. 2. Le funambule et l'homme qui tombe 7
Or cet homme qui tombe, on le trouve aussi dans Let the Great World Spin, comme si le roman voulait également faire coïncider le funambule et l'homme qui chute au sens le plus propre du terme, en évoquant aussi directement que possible l'étymologie du mot latin, « coincidere » ou « tomber ensemble » : Corrigan, le moine irlandais installé dans un quartier mal famé du Bronx, est aussi charismatique que le funambule anonyme. Il côtoie lui aussi des abîmes, ceux de la prostitution, de la drogue et de la vieillesse, et dans ces bas-fonds, il resplendit comme une perle rare ( « the casts-off of New York - the whores, the hustlers, the hopeless - all of those who were hanging on to him like he was some bright hallelujah in the shitbox of what the world really was », 15). Ceux qui posent les yeux sur sa silhouette juvénile utilisent des comparaisons très similaires à celles que l'on trouve associées au funambule : un éternel enfant (« He was the type of child everyone smiled at. [] People fell for him », 13-14), un ange (« he was, to them, a mad, impossible angel », 17) ou un acrobate à la recherche d'un improbable équilibre (son frère se souvient de lui, enfant - « balanced on top of the seawall, arms held wide » [12] - tandis que Tillie conclut: « Too old to be an acrobat, too young to die » [29]). Le roman tout entier le présente comme un homme qui s'épuise à porter les autres (« my younger brother who sparked people alive », 18), un moine qui vacille sous sa croix et que sa foi torture, un ange déchu (« he had fallen from grace », 58) qui meurt avec, dans ses yeux émerveillés, l'image du funambule qu'il aperçu le matin même (« He had seen something beautiful, he whispered", 72). Aussi, la structure de Let the Great World Spin n'est-elle pas simplement conçue autour du personnage du funambule ; si celui-ci est indéniablement le clou du spectacle, l'axe autour duquel le vaste monde tourne pendant quelques heures, il partage néanmoins la page avec un jeune homme christique qui, à l'inverse, fracasse sa vie sur le bas-côté du Franklin Delano Roosevelt Drive. Le roman se développe donc autour de deux personnages, le funambule et Corrigan, qui peuvent apparaître comme une paire de jumeaux inversés : l'un, solitaire et entièrement dévoué à son art, aspire à s'élever audessus des hommes tandis que l'autre se débat au plus profond des bas-fonds newyorkais. Mais tous les deux sont engagés dans une quête mystique, que leurs pieds soient fermement posés sur un câble dans les nuages (« Walking was a divine delight. [] He felt for a moment uncreated. Another kind of awake », 164) ou que leurs mains soient résolument plongées dans la laideur du monde ( « What Corrigan wanted was a fully believable God, one you could find in the grime of the everyday », 20). 9 De ces deux silhouettes, découlent deux intrigues. Dans la première, celle que l'on pourrait baptiser l'intrigue « funambule », se déploie l'histoire des Soderberg, un couple aisé dont la vie se poursuit, dans leur appartement de Park Avenue, après la mort de leur fils au Vietnam. Claire, l'épouse dépressive, rencontre quatre autres mères de soldats disparus grâce à une petite annonce et, lors du brunch qu'elle organise chez elle afin de partager leurs peines, les cinq femmes en viennent à discuter de la performance du funambule que seulement l'une d'entre elles (Marcia) a vu le matin même depuis le ferry de Staten Island. Le juge Soderberg, lui, aura pour tâche de condamner le même funambule dans l'après-midi même de cette performance qu'il n'a pas vue, mais dont il « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t perçoit, fasciné, l'audace et l'intelligence. Dans cette intrigue, il faut également inclure le groupe de hackers californiens qui assistent au spectacle du funambule par procuration, grâce à l'une de leurs nombreuses communications téléphoniques piratées ; le lien qu'ils partagent avec les Soderberg s'établit grâce à Joshua, le fils Soberberg mort au Vietnam, qui était, lui aussi, un petit génie de l'informatique et travaillait sur les possibles utilisations de l'arpanet pour l'armée américaine. Enfin, on peut ajouter Tag, le gamin photographe qui prend le cliché du funambule figurant à la page 237 du roman. La seconde intrigue, elle, l'intrigue « Corrigan », tourne autour du moine irlandais, de sa famille proche (C iaran Corrigan, son frère, et Adelita, sa maîtresse) et de sa famille élargie (les prostituées du Bronx, et parmi elles Tillie et sa fille Jazzlyn, elle-même mère des petites Jaslyn et Janice). Lara, la jeune artiste dont l'amant est responsable de l'accident fatal de Corrigan sur le FDR, rejoint cette famille lorsqu'elle part vivre avec Ciaran. 3. Une carte de New York : parallèles et intersections 10
Lorsque l'on regarde de près le déroulement simultané des intrigues, on se rend compte que McCann place ses deux séries de personnages sur une carte de New York (où se déroule l'essentiel du roman), selon deux axes nord-sud qu'il dessine très clairement pour son lecteur, indiquant un nombre conséquent de points de repère (voir la carte en annexe à ce texte). L'intrigue « funambule », tout d'abord, s'égrène sur un axe dont la colonne vertébrale est dessinée par Park Avenue : l'appartement des Soderberg s'y trouve, et c'est aussi sur cette artère, un peu plus au nord (à l'intersection avec 116th street), que Gloria subit une agression qui la ramène vers Claire Soderberg et scelle leur amitié. Dans le prolongement sud de Park Avenue, l'on peut placer plusieurs points également liés aux Soderberg : le tribunal de Center Street, où exerce le juge, à côté de la prison, The Tombs, d'où sortent les criminels qui lui sont présentés, ainsi que Staten Island et sa ligne de ferry qui relie l'île à Manhattan, et qu'emprunte Marcia. L'axe « Corrigan », lui, se déploie de façon moins verticale depuis le sud du Bronx (où vivent le moine et les siens dans un quartier populaire proche du Concourse) jusqu'au sud de Manhattan, et son épine dorsale, plus sinueuse, est essentiellement composée par le Franklin Delano Roosevelt Drive qui longe la rive est de Manhattan, depuis Harlem jusqu'à Battery Park ; c'est sur cette voie à grande vitesse que Corrigan et Jazzlyn sont percutés par la voiture de Lara, et que se trouve également le Metropolitan Hospital où Corrigan est transporté et meurt sous les yeux de son frère et de sa maîtresse. 11 Si l'on poursuit cette étude topographique de Let the Great World Spin, on se rend compte que deux points de contact permettent à ces deux axes, a priori presque aussi verticaux et parallèles que les tours jumelles elles-mêmes, de coïncider. L'appartement des Soderberg, tout d'abord, est le premier lieu où les deux intrigues se croisent : Claire, de Park Avenue et Gloria, du Project du Bronx, s'y lient d'amitié le jour des événements et, le soir même, sont amenées, par le plus grand des hasards, à prendre en charge les deux orphelines de Jazzlyn. L'autre lieu qui permet aux personnages des deux intrigues parallèles de se croiser est le tribunal du juge Soderberg, puisqu'il accueille d'une part Tillie et Jazzlyn, accusées de cambriolage et soutenues par Corrigan et, d'autre part, le funambule que l'on vient d'arrêter pour être entré par effraction dans les tours et avoir organisé un spectacle illégal mettant en danger la vie d'autrui ; le juge traite les deux affaires dans la foulée, libère Jazzlyn qui se tuera quelques minutes plus tard avec Corrigan, condamne Tillie à 5 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t huit mois de prison au cours desquels elle se suicidera, et invente pour le funambule une peine symbolique qui fait de lui le héros de la ville. 12 Le juge Soderberg est donc celui entre les mains duquel le destin des personnages-clefs se concentre un bref instant : il y a en effet, dans le tribunal du juge, intersection fortuite des deux intrigues mais, au-delà de cela, une coïncidence dans le regard qu'il porte sur les deux affaires, si différentes, qui lui sont présentées. Dans les deux cas, en effet, Soderberg e les faits à l'échelle de la ville dont il estime avoir la charge et prononce une sentence qui, à ses yeux, fait sens dans cet univers qui en semble tant dépourvu. Soderberg, un conservateur qui soutient la guerre où son fils a pourtant trouvé la mort, porte tout d'abord un regard teinté de mépris sur le couple mère-fille qui comparaît devant lui pour cambriolage ; ces prostituées, songe-t-il, font partie de cet infini défilé qui traverse son tribunal chaque jour, paumés, drogués, violeurs, travestis, amants violents et parents maltraitants, petits voleurs et grands mafiosi, tous habitants de ce New York chaotique et sauvage des années 1970. Depuis son estrade, Soderberg analyse cette ville qu'il connaît intimement : [] he wondered how the city had become such a disgusting thing on his watch. [] the city burned down to the ground, got itself ready for its own little funeral of ashes, crime, crime, crime. There wasn't a bad thing in the city that didn't pass through Soderberg's gutter watch. (256-7) 13 Soderberg se considère comme le gardien de l'ordre précaire d'une véritable cour des miracles sur laquelle il rend une justice royale : la langue bien pendue de Tillie, qui ne le ménage pas, sa beauté défaite et sensuelle, qui le trouble, lui font, par exemple, prononcer une peine légèrement plus lourde qu'attendue en regard du crime commis. Certes, l'embrassade entre la mère et la fille, intense, l'émeut un instant, mais ne remet pas en question sa sévérité : n'est-il pas habitué à de telles démonstrations chez « ces gens-là »? Still, it always surprised him, the love these people could display for each other. It was one of the few things that still thrilled him about the courtroom - the raw edge it gave to life, the sight of lovers embracing after beating each other up, or families glad to welcome back their son the petty thief, the surprise of forgiveness when it shone in the core of his court. It was rare, but it happened, and like everything, the rarity was necessary. (269) 14 Lorsqu'il choisit, par contre, de faire du funambule le fou du roi, énonçant pour lui un verdict à la fois clément et spirituel dont il aime à penser qu'il est à la hauteur de l'exploit du saltimbanque, Soderberg sait que l'éclat de l'événement rejaillira ainsi quelque peu sur lui. Dans ce cas précis, c'est également la connaissance que Soderberg a de la ville qui l'aide à formuler sa sentence : il n'a pas vu la performance du funambule mais il en comprend intuitivement le caractère exceptionnel, un peu à l'image du jeune Hegel qui, en 1806, voit passer Napoléon dans les rues d'Iéna. Clément Rosset s'attarde sur ce moment bref pendant lequel Hegel, « qui n'admet le réel que pour autant que celui-ci signifie » (42), est impressionné par « le porteur d'histoire » : [] c'est l'Histoire qui passe, qui se sensibilise un instant, sous les yeux du jeune Hegel, en la personne de Napoléon. 16 Les époux Soderberg, points de croisement entre les deux intrigues, présentent donc deux points de vue radicalement différents sur cette coïncidence entre le funambule et la cité : pour le juge qui vient de se débarrasser des deux prostituées qui, à ses yeux, souillent la ville, le saltimbanque a trouvé un moyen flamboyant de célébrer New York par un acte seyant parfaitement à sa nature anhistorique et arrogante2 ; pour sa femme, il n'a fait que la violenter vulgairement et bouleverser ses habitants écorchés vifs. Et si Soderberg envoie sans états d'âme les prostituées vers un destin tragique, son épouse, qui n'en sait pourtant rien, rachète cette sévérité en prenant sous son aile Gloria, puis les fillettes orphelines. 4. Multiplication de lignes matérielles et immatérielles 17
Le lecteur comprend donc rapidement que le roman fonctionne sur tout un système d'intersections, de connections, de coïncidences qui lie les personnages les uns aux autres et qui impose un mode de lecture fondé sur la recherche d'indices et la reconnaissance des schémas. Parmi les images que McCann disperse au fil du roman, celle que le lecteur identifie le plus rapidement est d'ailleurs celle d'innombrables fils et lignes, autant d'échos au câble du funambule et d'incarnations du réseau de liens attachant les personnages les uns aux autres. Il semble difficile de les énumérer avec exhaustivité, mais on peut en mentionner quelques - uns parmi les plus structurels. Il y a, tout d'abord, les différentes lignes de transports urbains, si visibles sur la carte de New York précédemment utilisée, celles qui permettent les connections des boroughs de New York, telles que la mythique ligne de métro que prend Tag (premier chapitre du livre 2), qui part du Bronx, descend, entre cahots et pointes de vitesse, le long de Manhattan pour filer ensuite vers Brooklyn (ligne mythique qui fait l'ouverture magistrale de Libra, autre texte de DeLillo manifestement présent entre les lignes de McCann), ainsi que la ligne de ferry entre Staten Island et Manhattan (qui sera l'un des points de vue privilégié permettant une description de la performance du funambule), ou encore le Franklin 7 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t Delano Roosevelt Drive mentionné plus haut. Mais on peut également penser à toutes ces lignes immatérielles sur lesquelles le roman insiste tant : les fils de l'arpanet, quasi magiques à l'époque, qui autorisent les premières communications virtuelles et composent ainsi la première toile dans ce qui ne s'appelle pas encore le cyberspace, qui poussent les limites et font de Joshua Soderberg, par exemple, le « pilote d'une nouvelle frontière » (100) aux yeux fascinés de sa mère. Mais aussi le fil du téléphone, qui permet au Kid hacker de Californie de tomber amoureux de la voix d'une inconnue qui, depuis New York, lui décrit le spectacle du funambule ; lorsque cette voix emploie le mot « fortuitous », ce terme sonne si délicieusement à ses oreilles que le Kid panique à l'idée que cette femme découverte au hasard d'un de ses fréquents piratages de cabines téléphoniques, cette femme qui est son seul lien avec le spectacle du funambule mais qui est devenue bien plus pendant un bref instant, ne « s'évapore » sur la ligne (193). Ou encore les fils imaginaires, si saugrenus et pathétiques, auxquels se raccroche secrètement Claire Soderberg pour se sentir proche de son fils mobilisé : « It was as if she could travel through the electricity to see him. She could look at any electronic thing - television, radio, Solomon's shaver - and could find herself there, journeying along the raw voltage » (86). La nuit, Claire Soderberg s'assied donc près de son réfrigérateur, en ouvre parfois la porte, et voyage ainsi électriquement jusqu'au Vietnam, parle à son fils, lui caresse les cheveux Il faut également évoquer les fils qui lient Corrigan aux machines qui tentent de le maintenir en vie à l'hôpital et que son frère ne peut quitter des yeux ( « I ntraveinous lines », 71 ; « My brother's heart machine blipping. The line like water », 71 ; « Heart monitoring flickering », 72) ; ou encore les lignes de cocaïne qui structurent la vie de Lara, que son amant étale soigneusement sur son dos et qu'il aspire à même sa peau ( « I could feel the cocaine being sprinkled on my back [] a rough line that he licked with his tongue », 122), qu 'elle ne peut s'empêcher de voir lorsqu'un avion passe dans le ciel et laisse un sillage blanc ( « A single jet stream cut across the sky, like a line of disappearing coke », 127). 5. Lignes métaphoriques
19 La première est initiée par l'image des chaussons du funambule, que McCann (dont on connaît la passion pour la danse3) décrit avec précision. Accessoires essentiels à son art, véritables outils de travail, ces chaussons font l'objet de tous les soins du jeune homme : en peau de buffle, noirs ( « dark-slippered foot », 7), ils sont si fins qu'ils permettent au câble de se « nicher » dans le creux du pied ( « The cable nested between his big and second toes for grip », 163), et ainsi à tout le corps de ne faire plus qu'un avec le fil qui le soutient. D'emblée, ces chaussons semblent magiques : au moment même de sa 8 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t performance, le funambule semble d'ailleurs savoir qu'ils seront au centre de l'image qu'il gardera de son exploit : « For years afterwards he'd still be up there : slippered, darkfooted, agile » (242). Or, le roman ne cesse d'insister également sur les pieds des autres personnages grâce à des gros-plans similaires, à commencer par Corrigan, bien sûr, alterego du funambule et doté, lui aussi, d'étranges chaussures. Grand lecteur de François d'Assise, Corrigan porte en effet des sandales qu'il a fabriquées lui-même ( « He made himself sandals out of some scrap leather and wore wild-colored socks underneath », 21), dont son frère remarque l'extrême usure ( « The underside of his sandals were worn down. The sole had faded away, a little bubble of flat rubber », 41) et dont les prostituées se moquent avec tendresse ( « And those sandals! Man! We'd hear the slap of him coming », 225). A l'opposé, les filles qui l'entourent, elles, affichent toutes des talons aiguilles à la hauteur vertigineuse, et le texte ne laisse pas de mettre en valeur les stilettos jaune citron de Jazzlyn, dont un est retrouvé dans la camionnette accidentée aux côtés de la Bible de Corrigan (69), ou encore ceux, argentés, que sa mère porte au tribunal (266). Lors des funérailles de Jazzlyn, Lara remarque d'ailleurs la tenue décalée de toutes ces femmes rassemblées autour de la tombe d'un moine ( « the skirts too short, the heels too high », 144). Enfin, les chaussures de Gloria sont à l'origine d'un incident qui infléchit de façon décisive le cours du roman. Ces chaussures sont en effet trop grandes et la blessent lorsqu'elle repart vers le Bronx, à pied, depuis l'appartement de Claire ; volontairement choisies d'une demi-taille en dessus de sa pointure réelle pour lui permettre de les quitter facilement et ainsi de se sentir à l'aise lorsqu'elle va à l'opéra, son seul luxe, les chaussures de Gloria gênent sa marche comme celles qu'elle portait enfant, se souvient-elle, quand elle traversait les champs, dans le sud du pays, avec ses souliers achetés grands pour faire de l'usage, comprend le lecteur (307). Gloria chantonne un air de Nancy Sinatra ( « One of these days these boots are gonna walk all over you », 307) pour oublier la morsure des chaussures. Plus encore que l'agression dont elle est victime, le lecteur a l'impression que ce sont bien ses pieds entaillés par le frottement des chaussures (qui en dit autant sur elle que ce que les stilletos révèlent des prostituées) qui brisent Gloria ; ce sont ces talons à vif qui la ramènent vers Claire Soderberg, qu'elle avait pourtant fuie tant cette dernière lui semblait implorante et insistante ; ce sont encore eux qui incitent Claire à nettoyer et panser les plaies avec une sollicitude telle que Gloria redoute un instant de la voir lui sécher les pieds dans ses cheveux - image ironique qui permet néanmoins un retour aux sandales christiques de Corrigan, puis aux chaussons si souples du funambule lorsque Claire passe elle-même de consolantes pantoufles ( « slippers », 310) aux pieds de cette femme forte que seul le Vietnam a réussi à abattre ( « It was Vietnam that brought me to my kne es », 313). 20 Tous ces personnages sont les arpenteurs quotidiens de New York, des « pratiquants ordinaires de la ville », pour reprendre l'expression de Michel de Certeau (141), et c'est bien ce que le texte nous dit, qui insiste tant sur leurs pieds plus ou moins bien équipés pour une telle aventure ; s'ils n'ont pas la grâce aérienne du marcheur céleste grâce à ses chaussons magiques, leur chemin individuel, qu'arpentent leurs chaussures toutes terrestres, est pourtant, lui aussi, aussi étroit qu'une corde raide. Le funambule a soustrait son corps « à l'emprise de la ville » : il « n'est plus enlacé par les rues qui le tournent et le retournent selon une loi anonyme » (Certeau 140), ce qui est le lot de ceux qui restent en bas, des marcheurs de Manhattan dont les pas, « au ras du sol », « trament les lieux » (Certeau 147). Chacun, seul, trace sa route dans cette ville verticale, mais sur le fil horizontal de leurs pérégrinations, leurs pas se croisent et se font écho, comme le 9 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t suggère d'ailleurs une réflexion de Gloria lors de sa longue et douloureuse marche vers le Bronx : « It had never occured to me before but everything in New York is built upon another thing, nothing is entirely by itself, each thing as strange as the last, and connected » (306). N'est-ce pas aussi ce que dit, à sa façon, Jaslyn, la petite orpheline élevée par Gloria avec l'aide de Claire, en repensant à un jeu qu'elle aimait pratiquer, enfant? Dans le dernier chapitre du roman, qui lui est consacré, elle se revoit courant à toute allure le long de la chaussée, un pied sur le trottoir et l'autre dans le caniveau, attentive à coordonner ses jambes ainsi décalées ; « an extended entrechat », lui dit un jour Claire Soderberg, » half on, half off, half on, half off, half on « (330). Le double regard que portaient sur elle les deux femmes qui l'ont élevée, Gloria, noire et ronde dans sa robe à fleurs, et Claire, fine et élégante dans sa tenue de Park Avenue, semblait à Jaslyn, à l'époque, aussi boiteux et pourtant paradoxalement aussi harmoni eux que son étrange course sur deux niveaux : « They looked so different, Claire in her neat skirt, Gloria in her flowered dress », pense-t-elle alors, « as if they too were running on different levels of pavement, but in the same body, the two of them combined » (330). Ce qui unit Claire et Gloria, ce sont les deux orphelines dont ces deux mères, tout aussi orphelines, acceptent la charge ; deux coeurs gros d'un même chagrin qui désormais vont l'amble, et battent de conserve. Et l'on trouve là la seconde métaphore que McCann file tout au long de son roman, et qu'il rend particulièrement visible dans l'un des passages où l'on voit le funambule s'entraîner, au coeur de l'hiver, sur sa corde tendue en plein champ. Fasciné par la neige qui l'entoure ( « The whiteness thrilled him » ), transporté par l'intensité de sa blancheur toute melvillienne ( « He was exuberant, almost stoned »), ébloui par une lumière que la neige transforme ( « The snow reinstructed the light, bent it, colored it, bounced it » ), il fait un pas de côté qui manque lui être fatal ; tombé droit dans l'épaisse couche de neige, il se retrouve alors piégé dans un sarcophage blanc : « He could feel the crystals on his ribcage, his navel, his chest », dit le texte (159) avant que le funambule ne parvienne à se hisser jusqu'à son câble et prenne la décision de ne plus jamais s'entraîner dans la neige. Cet instant d'inattention lui rappelle sa seule chute, des années auparavant, qui, cette fois, lui avait brisé des côtes ( « smashed several ribs », 161) ; depuis, chaque inspiration importante ravive cette douleur initiale - « like a tiny reminder, a prod near his hear » (161). Si cette menace de voir sa cage thoracique emprisonnée, écrasée et brisée, est clairement identifiée par le funambule, c'est-à-dire par celui qui, dans le roman, est le plus attentif à son corps, elle pèse également sur l'ensemble des personnages, à commencer par Corrigan, son double inversé. Corrigan, si maigre que ses côtes pointent sous sa chemise ( « and the bones of his ribcage were like some odd musical instrument », 41 ), si violemment projeté en avant lors de l'accident que le volant lui écrase le sternum ( « caught his chest and shattered his breastbone », 69), dont l'état si désespéré pousse le chirurgien, à l'hôpital, à lui ouvrir ( « chest ripped open », 70) la poitrine dont ne sortiront plus que quelques phrases murmurées et à peine audibles. Comme le funambule et Corrigan, nombreux sont les personnages qui sentent leur poitrine oppressée, et le mot « ribcage » ainsi que ses déclinaisons ( « ribs », « breastbone », « chest » ) abondent, le plus souvent en association avec une douleur émotionnelle. Claire Soderberg, posant les yeux sur une photo de son fils, sent par exemple comme une voix timide dans sa poitrine ( « She feels a little murmur at her ribcage », 75), mais sait que la douleur n'est pas loin : « The simple things come back to us. They rest for a moment by our ribcages then suddenly reach in and twist our hearts a notch backward » (81). Lorsque Marcia, presque honteuse, confesse avoir pensé à un improbable retour de son fils en voyant le funambule, 10 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t et avoue même avoir fui la scène sans vouloir savoir s'il était sain et sauf parce que s'il était vivant, cela signifierait qu'il n'était pas son fils, Claire est sans doute la seule à comprendre parfaitement cette phrase dans sa violente et absurde logique : « All of it like a slam in the chest » (99), résume-t-elle. Lorsque l'amant de Lara tente de la ramener vers lui après l'accident, c'est également sa poitrine tremblante qu'il enserre tandis que sa bouche parcourt la colonne vertébrale qu'il a saupoudrée de cocaïne (« His arm draped around my ribcage and his mouth at the center of my spine », 122). Quant au juge Soderberg, il sait bien, lui, que c'est la ville qui, la première, broie en mille morceaux ces frêles poitrines dans lesquelles battent des chagrins trop violents, dont il égrène la liste dans une infinie litanie : [] he wondered how the city had become such a disgusting thing on his watch. How it lifted babies by the hair, and how it raped seventy-year-old women, and how it set fires to couches where lovers slep La marche et le souffle : les deux métaphores filées tout au long du roman finissent par coïncider, elles aussi, pour les personnages de McCann, en ouvrant brièvement une fenêtre sur une vision d'une beauté insoutenable - et le terme n'est pas trop fort. Quand le funambule tombe dans la neige et sent ce corset de glace enserrer ses côtes, il lutte pour remonter sur son fil, parvient à s'agenouiller puis à s'allonger dessus, et reprend finalement sa marche. Comme le funambule sur son fil devenu sa ligne de vie, les personnages terrestres de Let the Great World Spin empruntent, le souffle court dans leurs poitrines serrées, les câbles et les fils que McCann a tracés pour eux sur la carte de New York, les avenues, les rues, les autoroutes, les lignes de métro et de ferry - autant de lignes de crête solitaires mais qui, sur la carte, forment elles aussi une fragile cage thoracique dans laquelle bat le coeur de la ville. Le funambule a retenu la leçon si douloureusement apprise dans le champ de neige: « Never again did he walk in the snow: he allowed that sort of beauty to remind him of what could happen » (160). Si la raison même de son art est la beauté d'une marche littéralement céleste ( « The core reason for it all was beauty. Walking was a divine delight », 164), l'extrême beauté, celle que recèle la couleur blanche, dont Melville disait qu'elle était « moins une couleur que l'absence visible de couleur, et en même temps le mélange de toutes », provoque néanmoins en lui l'effroi salvateur - n'est-ce pas ce qu'Ishmaël comprend, lui aussi qui, épouvanté par l'extrême blancheur du cachalot, tente d'expliquer sa terreur en évoquant un paysage hivernal semblable à celui dans lequel McCann place son héros : « is it for these reasons that there is such a dumb blankness, full of meaning, in a wide landscape of snows - a colorless, all - color of atheism from which we shrink? »4 Le funambule se gardera bien, à l'avenir, de s'élancer sur son fil lorsque la neige immaculée scintillera autour de lui, ensorcelante de beauté. Corrigan, son malheureux jumeau, a -t-il su se protéger de cette puissante magie? Sur son lit d'hôpital, le moine dont la camionnette est sortie de l'axe du FDR Drive, ne songe qu'à la chose magnifique dont il a été le témoin, à cette « chose de beauté » proprement keatsienne : He was saying something in his morphine haze. He had seen something beautiful, he whispered. [] Corrigan whispered something to her again, the blood bubbling at his mouth. I touched her forearm. What's he saying? Nonsense, she said, he's talking nonsense. He's hallucinating. Her ear to his mouth now. Does he want a priest? Is that what he wants? She turned to me. Let the Great World Spin : carte de New York, axes et points principaux mentionnés dans les intrigues (Sophie Vallas). BIBLIOGRAPHIE Certeau (de), Michel. « Marches dans la ville », L'invention du quotidien. 1. Arts de faire. Paris: Gallimard, 1990. DeLillo, Don. Libra. New York: Viking, 1988. ---. Falling Man. New York: Simon and Schuster, 2007. 12 « It's about being connected »: il est sept heures, New York s'éveille: Let t Kachka, Boris. « Novelist Colum McCann on Let the Great World Spin and the 9/11 'Grief Machine'«, 6/23/09, HYPERLINK ». McCann, Colum. Dancer. Londres: Weidenfeld, 2003. ---. Let the Great World Spin. London: Bloomsbury, 2009. Melville, Herman. Moby - Dick, or The Whale [1851]. Penguin Classics, 1972. ---. Moby - Dick, ou le Cachalot. Trad. Philippe Jaworski, Paris : Gallimard (La Pléiade), 2006. Rosset, Clément. Le Réel. Traité de l'idiotie. Paris : Minuit, 1972/2004. Iconographie Drew, Richard. « The Falling Man », Associated Press, 9/11/2001. Marsh, James (dir.). Man on Wire. Wall to Wall Production, 2008.
NOTES DE FIN
1. Dans un entretien avec Boris Kachka, McCann a confié avoir longtemps pensé que la première phrase de son roman serait : « The prospect of a falling man ». Lorsque le roman de DeLillo est sorti, il a renoncé à sa phrase d'ouverture, mais l'image de l'homme qui tombe traverse bien entendu tout le roman. 2. " There was an arrogance in it, he knew, but on the wire the arrogance became survival ", 240. " The Twin Towers. Of all places. So brash. So glassy. So forward-looking " 248. 3. Voir son roman paru en 2003, Dancer.
4. Herman Melville, Moby-Dick, chapitre 42, " The Whiteness of
the Whale " (296). Le passage en français est emprunté à la traduction de Philippe Jaworski (224). RÉSUMÉS
Dans Let the Great World Spin (2009), la coïncidence est élevée au rang de système : roman choral, l'ouvrage de Colum McCann construit savamment un réseau d'intrigues, de reflets et d'échos au centre duquel se trouve la performance d'un funambule qui, le 7 août 1974 au matin, marche sur un câble tendu entre les deux tours jumelles du World Trade Center à peine érigé. Toute lecture de Let the Great World Spin ne peut que faire coïncider la naissance des tours ainsi célébrée par le funambule et leur destruction en 2001, d'autant que McCann crée, au coeur de son texte, la figure d'un homme qui tombe, reflet inversé de celle de l'acrobate. Une carte de New York se dessine au fur et à mesure du roman, sur laquelle l'ombre de l'intrigue aérienne se projette, se mêlant aux déplacements tout terrestres des personnages accablés par de bien lourdes vies : les silhouettes se meuvent le long de deux axes aussi verticaux et parallèles que les tours jumelles elles-mêmes et se croisent au hasard de points de contact et d'intersection, autant d'occasions pour ces destinées solitaires de réfléchir le moment magique pendant lequel un homme a tracé un trait d'union dans le skyline de New York. In Let the Great World Spin coincidence is structural: the choral novel rests on a complex network of plots, echoes and reflections hinging on the performance of a tightrope walker who, on 7 August 1974, crosses from the top of one of the brand new Twin Towers to the other. Reading Let the Great World Spin, one is bound to superimpose the birth of the towers in 1974, which the tightrope walker celebrates, and their destruction in 2001, especially since McCann creates the haunting figure of a falling man at the very heart of his text, as a mirrored and revers
| 14,535
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2013ECDL0011_8
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Modélisation de l'écoulement atmosphérique à l'échelle hectométrique
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None
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French
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Spoken
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Hauteur Longueur Expérience 0, 51h 1, 22L Fluent k − ε 0, 30h 0, 69L Fluent Ri j − ε 0, 43h 1, 00L Flowstar
TABLE 12.3 – Récapitulatif des dimensions de la zone de recirculation (la hauteur est calculée à x = 0, 963L).
12 SIMULATIONS ACADÉMIQUES CFD EN PRÉSENCE DE COLLINES 2D 213
Profil
s
d’
ECT
Le graphique 12.11 montre les différences d’ECT entres les modèles Fluent et Flowstar et les résultats expérimentaux : ces différences sont non négligeables. Cependant, en aval de la colline, bien que les taux d’ECT affichées par les deux modèles k − ε et Ri j − ε soient inférieurs à ceux de l’expérience, les altitudes du maximum d’ECT sont quasi-équivalentes. Ceci est dû à la simulation de la recirculation faite par Fluent. Cet effet n’est pas simulé par Flowstar, qui calcule un maximum d’ECT près du sol.
F IGURE 12.11 – Profils d’ECT adimensionnée pris à deux endroits : en amont du sommet (x = 0, 315L) et en aval du sommet (x = 0, 936L).
12.3.3 Résultats en présences de collines consécutives
On s’intéresse dans ce cas à la comparaison des résultats de vitesse et d’ECT dans la zone de vallées (figure 12.12). Les profils de comparaison sont affichés à x = 0, 963L et x = 1, 188L (graphique 12.12). F IGURE 12.12
–
Représentation schématique de l’emplacement des profils de comparaison du cas des collines consécutives. 12 SIMULATIONS ACADÉMIQUES CFD EN PRÉSENCE DE COLLINES 2D 214
Champ moyen A x = 0, 963L, les résultats en termes de vitesse moyenne et de hauteur de zone de recirculation sont similaires à ceux du cas de la colline isolée : les meilleurs résultats sont notés avec le modèle Ri j − ε, mais ceux du modèle k − ε sont également satisfaisants. La région de recirculation s’étend presque sur l’ensemble de la région de la vallée entre les deux collines d’après Fluent, comme le montre le graphique 12.14. Ceci est également le cas d’après l’expérience (cf. Almeida et al., 1993). Au contraire, Flowstar ne parvient pas à simuler l’effet de la recirculation dans la vallée. En effet, comme le montre le graphique 12.13, le profil de vitesse de Flowstar en début de montée (x = 1, 188L) est quasi-équivalent à celui de la colline isolée (vue précédemment, à x = 0, 315L) : par conséquent, l’effet de la colline précédente n’influe que très peu sur l’écoulement simulé par ce code.
F IGURE 12.13 – Profils de vitesse horizontale adimensionnée, pris à deux endroits en zone de vallée : en descente (x = 0, 397L), et en montée (x = 0, 782L). F IGURE 12.14 – Lignes de courant avec Fluent, coloriées par la norme de la vitesse : k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite).
12 SIMULATIONS ACADÉMIQUES CFD EN PRÉSENCE DE COLLINES 2D 215
Dans l’ensemble, les résultats obtenus avec Fluent pour la vitesse moyenne sont très satisfaisants. On note aussi que le modèle Ri j − ε permet une reproduction plus précise du champ moyen que le modèle k − ε, la pente des collines étant forte. Profils d’ECT
Les taux d’ECT calculés par les deux codes sont, d’une manière équivalente à la colline isolée, inférieurs à ceux de l’expérience. Toutefois, les résultats sont plus satisfaisants avec Fluent qu’avec Flowstar, en termes de valeurs et de l’altitude du maximum d’ECT.
F IGURE 12.15 – Profils d’ECT adimensionnée, pris à deux endroits en zone de vallée : en descente (x = 0, 397L), et en montée (x = 0, 782L).
12.3.4 Conclusion
La présente étude a démontré qu’en présence de collines à fortes pentes, les codes CFD permettent une bonne simulation du champ moyen de l’écoulement (en comparaison avec les résultats expérimentaux). Aussi, l’effet de décélération en montée, et le décollage en aval du sommet ont-ils été bien simulés par le code CFD. De plus, cette étude a montré que les deux modèles de turbulence permettent de simuler correctement la zone de recirculation. Toutefois, le modèle Ri j − ε permet une meilleure description de l’écoulement dans cette zone. D’autre part, les résultats avec Flowstar ne sont pas satisfaisants et montrent les limites de l’utilisation de ce modèle sur de tels reliefs. En ce concerne la turbulence, les résultats en termes d’ECT issus de Fluent ont été meilleurs que ceux issus de Flowstar, mais des différences non négligeables ont été notées en comparaison avec l’expérience. Conclusion de la quatrième partie
Dans cette partie, on a présenté des études qui ont porté sur la simulation CFD (code Fluent) de l’écoulement atmosphérique en présence de cas tests de forçage 2D au sol. Ces études, qui ont concerné un cas académique et un cas de mesures en soufflerie, ont permis d’atteindre trois objectifs : – Elles ont permis une description de l’écoulement en présence de forçages de nature et de caractéristiques différents. Dans cette optique, la prise en compte de forçages périodiques 2D (topographique, thermique et rugueux) ont permis de montrer que la hauteur de pénétration verticale de la perturbation, causée par la présence du forçage, était proportionnelle à son extension horizontale. Par conséquent, ce résultat intéressant trouve sont utilité dans des questions pragmatiques : il permet de fournir des informations sur la hauteur maximale du domaine de calcul et la résolution horizontale du maillage, en fonction de la nature du sol terrestre. – Ces études ont également permis la vérification de la méthodologie CFD dans la prédiction correcte de la structure verticale de la CLA en présence des forçages périodiques 2D. En effet, les résultats de comparaison avec des résultats analytiques simples, découlant d’observations et de travaux théoriques, ont montré que les tendances prédites par ces deux méthodologies étaient très similaires. Ceci a, par conséquent, permis de valider l’approche CFD sur de tels cas. – D’autre part, la deuxième étude a porté sur la vérification de la capacité de la méthodologie CFD « 1D-3D » à prédire des écoulements complexes en présence de collines rugueuses ou abruptes, ou de vallées. L’analyse, et la comparaison avec des résultats de mesures en soufflerie, ont démontré que la méthodologie CFD permet une bonne simulation des caractéristiques de l’écoulement en terme de vitesse moyenne et de zones de recirculation. Les résultats concernant la turbulence sont plus partagés : alors que des différences non négligeables sont notées en termes de valeurs d’ECT, la structure verticale de la turbulence est identique à celle mesurée en soufflerie. Aussi, cette étude a-t-elle montré la supériorité du modèle Ri j − ε dans les cas les plus complexes, mais les résultats du modèle k− ε sont globalement satisfaisants. Finalement, la comparaison avec un modèle diagnostique linéarisé (Flowstar) a permis d’identifier les limites de ce modèle en termes de pente et de rugosité de colline (pas de simulation de la zone de recirculation dans le cas de la colline raide, et faible sensibilité vis-à-vis d’une augmentation de la rugosité de colline).
Cinquième partie Méthodologies de réduction du temps de calcul CFD
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 221 13
Étude des calculs CFD partiellement convergés
Introduction : On s’intéresse dans ce chapitre au développement d’une méthodologie qui permet une réduction du temps de calcul des codes CFD. Dans cette optique, l’idée de l’utilisation de calculs CFD partiellement convergés est explorée dans ce chapitre. La méthodologie proposée est testée sur plusieurs cas tests (collines 2D, 3D, forçages thermiques, rugueux), afin de dégager des tendances pour une utilisation pratique. 13.1 Présentation de la méthodologie 13.1.1 Introduction : position de la problématique
La partie 4 a présenté une démonstration des bonnes performances des codes CFD (en l’occurrence Fluent) dans la simulation de cas de forçages complexes au sol. Le chapitre 12 a également mis en évidence la supériorité de ces codes par rapport aux modèles diagnostiques linéarisés lors de simulations de collines et de vallées à pente ou à rugosité fortes. L’utilisation des codes CFD permet de fournir des résultats précis dans des cas très complexes. Revers de la médaille, ces codes sont très consommateurs en temps CPU. En effet, ils reposent sur des solveurs itératifs, qui permettent de fournir une solution numérique aux équations de Navier-Stokes. Ceci n’est pas le cas des modèles diagnostiques, qui fournissent une solution quasi-instantanée, car ils sont basés sur des équations analytiques. L’utilisation d’un modèle d’écoulement atmosphérique, dans une optique de couplage avec un code de dispersion atmosphérique de polluants à des fins industrielles (surveillance de sites industriels, études d’impact, études de risques, etc.), requiert des temps de simulation relativement faibles, de l’ordre de quelques minutes. Or dès lors que le sol devient complexe (présences de collines, vallées, bâtiments, végétation, etc.), il y a nécessité d’utiliser un modèle atmosphérique précis, ce qui induit inexorablement un temps de calcul long. Ce point constitue la présente problématique.
13.1.2 Démarche et objectifs de l’étude
Dans la présente étude, on s’intéresse à la recherche d’un modèle capable de fournir une solution avec : – Un temps de calcul dont l’ordre de grandeur est jugé convenable pour des applications industrielles. – Une précision du résultat adaptée pour telles applications. 13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 222
Nous avons vu dans la partie 4 qu’une augmentation de la précision du résultat va de pair avec une augmentation du temps de calcul CPU. Par conséquent, l’objectif sera de rechercher un compromis optimal entre un résultat précis et un résultat rapide en temps CPU. La méthodologie choisie consiste en la recherche d’une réduction du temps de calcul des codes CFD. En fait, ceci reviendrait, en quelque sorte, à trouver un état médian entre les modèles diagnostiques et les codes CFD. La qualité du résultat final du code CFD se verrait inévitablement dégradée en conséquence, mais la précision voulue sera gardée suffisamment fine afin de simuler les effets locaux importants (zones de recirculation, terrain rugueux, etc.). Le graphique 13.1 montre de façon schématique la méthodologie en question. On présente dans la section suivante les différents moyens de réduction du temps de calcul CFD, ainsi que le choix de la méthodologie adoptée. Ensuite, on présente l’étude de l’influence de cette réduction sur la dégradation du résultat final, ainsi qu’une quantification de l’erreur induite en conséquence. Les cas tests incluront la colline 2D à pente forte de l’expérience d’Almeida, vue dans le chapitre 12. Le critère de précision se focalisera notamment sur la simulation adéquate de la zone de recirculation en aval de la colline Almeida.
F IGURE 13.1 – Schéma explicatif de la méthodologie choisie pour une simulation à la fois rapide et précise. 13.1.3 Les différentes méthodes de réduction du temps CPU
Tout calcul CFD dépend d’un certain nombre de paramètres physiques et numériques figurant dans le code et que l’utilisateur doit choisir. Un grand nombre de ces paramètres influe sur le temps de calcul final de façon plus ou moins forte. Parmi ces paramètres, on trouve : 1. Les équations et paramètres physiques à résoudre : suivant le type et et le nombre d’équations à résoudre, le temps CPU n’est pas le même. 2. Le maillage du domaine de calcul : le temps de calcul CPU est directement proportionnel aux nombre de mailles du domaine de calcul.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 223
3. L’initialisation du domaine de calcul : plus l’initialisation du domaine est proche de la solution finale, plus la convergence sera rapide. Plusieurs méthodes d’initialisation existent. La plus simple consiste en une initialisation grâce à une estimation initiale. Cette méthode est la plus couteuse en temps CPU. L’initialisation grâce aux profils d’entrées est une méthode qui permet de réduire considérablement le temps CPU. 4. Les schémas numériques de résolution : suivant le type de schéma numérique, qui peut être plus ou moins adapté à l’étude en question, la rapidité de la convergence sera différente. 5. Le degré de convergence de l’étude : plus le critère de convergence est sévère, plus le calcul est long. 13.1.4 Parallélisation du calcul
En plus des paramètres cités ci-dessus, les techniques de parallélisation du calcul permettent aussi de réduire significativement le temps de calcul, grâce à des architectures multi-coeur et/ou multiprocesseur. Ce sont des techniques très intéressantes, surtout en ce qui concerne les simulations CFD. Cependant, on s’intéresse dans cette étude aux paramètres intrinsèques aux codes de calcul qui peuvent influer sur le temps de calcul, et non à ceux qui concernent la machine de calcul. Par conséquent, la présente étude ne concernera donc pas les effets de parallélisation.
13.1.5 Présentation de la méthodologie
Tout utilisateur CFD est relativement conscient de l’impact des quatre premiers paramètres cités dans la section 13.1.3 sur le temps de calcul CPU. Au contraire, le dernier paramètre est plus subtil car la définition même d’un état convergé s’avère très complexe. En effet, la convergence d’un calcul ne semble pas présenter de caractère universel, mais son comportement dépend de chaque simulation, c’est-à-dire qu’elle doit être jugée au cas par cas. En fait, la convergence est généralement jugée par les utilisateurs des codes CFD en observant le comportement de différents paramètres en fonction des itérations du processus de calcul. Ces paramètres incluent généralement des paramètres physiques tels que la vitesse, la turbulence, le débit sur une section, etc. De plus, certains codes, tel que Fluent, permettent également de suivre le processus d’évolution des résidus du calcul (dont la définition est donnée plus loin). Plus précisément, un calcul est généralement jugé convergé si la valeur du paramètre observé ne varie plus en fonction du nombre d’itérations. Dans cette étude, on s’intéressera donc à la possibilité de l’utilisation des calculs partiellement convergés comme moyen de réduction du temps de calcul CFD. Cette idée découle du fait que le processus de convergence n’est pas linéaire : il est généralement plus rapide au début, et plus long à la fin. En effet, la phase finale de la convergence est longue et n’apporterait que très peu sur la précision finale de l’écoulement.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 224
Avant d’explorer et de démontrer le point évoqué ci-dessus, il est nécessaire de fournir tout d’abord un choix de définition approfondi pour la convergence.
Choix de définition des résidus
L’équation de Navier-Stokes, exprimée dans une formulation de volumes finis pour une variable φ quelconque dans une cellule P, est donnée par : aP φP = ∑ acv φcv + b (13.1) cv avec aP et φ p respectivement le coefficient et les valeurs de la variable au centre de la cellule, acv et φcv aux cellules voisines, et b le terme source. Dans le cas d’un solveur de pression, les résidus R sont définis comme le déséquilibre entre le membre de gauche et le membre de droite de la relation 14.1, et sommé sur toutes les cellules du domaine de calcul (cf. la documentation des codes CFD Fluent et OpenFOAM, et d’après Jasak et Gosman, 2001) :
Rφ = ∑ ∑ acv φcv + b − aP φP (13.2) cellules cv
On préfère généralement travailler avec des résidus adimensionnés, tel que :
Rφ = ∑cellules |∑cv acv φcv + b − aP φP | ∑cellules |∑cv aP φP | (13.3)
Choix
du critère
de
convergence
Il est communément admis par la communauté CFD qu’un calcul est convergé lorsque les résidus deviennent très faibles, ou dès lors que ces résidus atteignent un plateau inférieur, tel qu’affiché sur le graphique 13.2. Ce graphique nous montre les résidus atteignant des valeurs minimales très faibles (de l’ordre de 10−15 ), mais d’autres cas peuvent comprendre une solution convergée avec des résidus minimaux atteignant un plateau à seulement 10−3. En fait, les utilisateurs CFD rechercheront de préférence l’atteinte d’un tel plateau (stabilisation des résidus en fonction d’un certain nombre d’itérations), plutôt que dans la recherche de valeurs minimales pour les résidus. Afin que l’étude garde un caractère général, cette dernière définition sera choisie comme critère de convergence pour un calcul donné. On garde toutefois à l’esprit que cette définition n’est en aucun cas exhaustive, ni unique.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 225 F IGURE
13.2 – Exemple du suivi de l’évolution des résidus en fonction du nombre d’itérations pour un cas de
simulation (présence d’une colline, modèle k − ε ). Paramètres utiles
On définit le temps CPU de convergence d’une simulation donnée comme le temps nécessaire aux résidus pour atteindre le plateau inférieur, tel que décrit ci-dessus. Cet état convergé sera référencé par le symbole ∞. On introduit un nouveau paramètre τi, défini comme le ratio entre le temps CPU à un instant donné, et celui nécessaire pour atteindre la convergence : τi = tempsCPU tempsCPU∞ (13.4) On introduit également le concept d’erreur, défini comme la différence entre la valeur d’une variable quelconque φ (vitesse, ECT, température,....) à un instant τi quelconque, et sa valeur à τi = 1 (état convergé). On
a
:
Erreurτ = |φτ − φτ =1 | φτ =1 (13.5)
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 226
13.2 Résultats et validation sur le cas de la colline Almeida 13.2.1 Présentation du cas d’étude
On souhaite examiner le processus de convergence en présence d’une topographie plutôt complexe. Pour ce faire, on considère le cas de la colline Almeida isolée du chapitre 12. Ainsi, cette étude constituera-t-elle un exemple illustratif d’un cas de configuration donné. Une étude de sensibilité plus systématique, vis-à-vis des différents paramètres qui peuvent influer sur le résultat d’une étude à convergence partielle, sera effectuée dans la section suivante. Le code CFD Fluent sera utilisé, avec les modèles de turbulence k − ε et Ri j − ε. Le domaine de calcul et les conditions aux limites seront prises identiques à celles de le chapitre 12 (cf. graphique 12.2). En ce qui concerne les paramètres qui peuvent influer sur le temps CPU, on note que : – Les équations résolues porteront sur la conservation de la masse, la vitesse, la dissipation ε et l’ECT (éventuellement les termes du tenseur de Reynolds dans le cas du modèle Ri j − ε ). L’équation de l’énergie ne sera pas résolue. – Le domaine est 2D. – Le nombre de mailles du domaine sera de 12000, mais une étude de sensibilité sur le nombre et la forme du maillage sera effectuée par la suite. – L’initialisation se fera par la spécification d’une valeur moyenne prise sur le profil d’entrée (en l’occurrence sur la vitesse et la turbulence). Le domaine de calcul peut être initialisé par le profil d’entrée, mais ceci ne sera pas utilisé afin que l’étude reste dans un contexte général. – Les méthodes de résolution du code CFD seront celles prises par défaut : solveur de pression, schémas de résolution de type SIMPLE et une discrétisation spatiale du 1er ordre.
13.2.2 Caractéristiques du processus de convergence
Le graphique 13.3 montre l’évolution en fonction du paramètre temporel τi des résidus adimensionnés. Ces résidus atteignent un plateau inférieur, avec des résidus assez faibles (de l’ordre de 10−14 à 10−17 ). Comme le montre le graphique 13.4, les premières itérations sont les plus coûteuses en temps CPU. En fait, la première itération est presque aussi couteuse que les 5 suivantes et les 20 d’après. Finalement, le temps CPU par itération se stabilise très vite à une valeur constante (de l’ordre de 15% par rapport à la première itération). Ce résultat est intéressant, car on pourrait s’attendre à ce que plus la géométrie du domaine de calcul est complexe, plus le nombre d’itérations se verrait augmenté, éliminant par conséquence l’effet coûteux des premières itérations.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 227 F
IG
URE
13.3 – Processus de convergence pour le cas de la colline 2D Almeida avec le modèle k − ε. F IGURE 13.4 – Processus de convergence pour le cas de la colline 2D Almeida : temps CPU par itération, en fonction du nombre d’itérations, adimensionné par la valeur à la 1ère itération.
13.2.3 Évolution de l’erreur au cours de la convergence
Pour étudier le comportement des différentes variables (telles que la vitesse moyenne et l’ECT k) en fonction du paramètre temporel τi, on s’intéresse à l’évolution de ces variables à des endroits que l’on juge importants. En effet, c’est à ces endroits que le calcul sera, a priori, le plus difficile à converger et les résidus les plus forts.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 228
On choisit deux emplacements auxquels le comportement de l’écoulement semble a priori complexe : au sommet de la colline, à 10 m du sol (point 1) et en zone de recirculation, à z = h/2 (point 2). Le choix de l’emplacement de ces deux points-clés sera validé par la suite.
F IGURE 13.5 – Emplacement des deux points de contrôle du domaine de calcul. Évolution de l’erreur aux points de contrôle
Le graphique 13.6 montre l’évolution de l’erreur (par rapport à la solution convergée) aux 2 points de contrôle. L’erreur de vitesse et d’ECT faiblit rapidement et devient inférieure à 10% pour τi = 0, 1, et ceci pour les deux modèles de turbulence k − ε et Ri j − ε. Pour τi > 0, 15, l’erreur devient rapidement négligeable (< 1%). Cette première étude a ainsi mis en évidence la différence non négligeable entre l’ordre de grandeur du temps d’établissement des variables physiques (vitesse, ECT), situés à des endroits complexes, et celui des résidus (l’atteinte du plateau inférieur
). F IGURE 13.6 – Évolution temporelle de l’erreur aux points de contrôle considérés : modèles k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite).
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 229
Évolution des profils de vitesse
L’évolution des profils de vitesse horizontale situés dans la zone de recirculation (à z = L) et pris à différentes valeurs de τ, est tracée sur le graphique 13.6. Les résultats deviennent satisfaisants à partir de τi = 0, 05 pour les deux modèles de turbulence, en comparaison avec les données expérimentales. On remarque notamment que même les profils à τi = 0, 01 sont relativement bons, et sont de toute façon plus conformes aux résultats expérimentaux que ceux issus du modèle diagnostique Flowstar (graphique 13.7). Les résultats à τi = 0, 01 sont encore plus intéressants avec le modèle Ri j − ε qui calcule une hauteur de recirculation (vitesse négative) de l’ordre de 80 m à τi = 0, 01, alors qu’elle est de 130 m pour τi = 1 et de 140 m d’après l’expérience. Ainsi, les résultats à τi = 0, 01 sont-ils sensiblement meilleurs que ceux du modèle diagnostique Flowstar, car ce dernier ne permet pas le calcul d’une recirculation au delà de z ∼ 6 m (graphique 12.10).
F IGURE 13.7 – Évolution temporelle des profils de vitesse horizontale dans la zone de recirculation, et comparaison avec les résultats expérimentaux : modèles k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite). Résultats en terme de zones de recirculation
Les figures 13.8 et 13.9 permettent une visualisation qualitative des résultats à τi = 0, 05 et à τi = 1 : on affiche les lignes de courant en présence de la colline respectivement pour les modèles k − ε et Ri j − ε. On remarque notamment le développement de la zone de recirculation en son aval suivant chaque cas. Pour les deux modèles de turbulence, les résultats à τi = 0, 05 sont quasi-identiques à ceux de l’état convergé. Par conséquent, cette solution est intéressante car elle permet une simulation adéquate en termes de zone de recirculation.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 230
F IGURE 13.8 – Lignes de courant avec le modèle k − ε, coloriées par la norme de la vitesse : τi = 0, 05 (à gauche) et τi = 1(à droite). F IGURE 13.9 – Lignes de courant avec le modèle Ri j − ε, coloriées par la norme de la vitesse : τi = 0, 05 (à gauche) et τi = 1 (à droite). Évolution des profils d’ECT
En ce qui concerne la turbulence, le même comportement est noté pour l’ECT, comme le montre le graphique 13.10. En effet, le modèle s’établit rapidement, à partir de τi > 0, 05, ceci étant le cas pour les deux modèles de turbulence. Cependant, contrairement aux profils de vitesse moyenne, la différence entre les profils Fluent à τi = 0, 01 et τi = 0, 05 n’est pas négligeable dans ce cas. Par conséquent, la solution à τ = 0, 05 est la plus intéressante. 13.2.4 Champ de l’erreur
On s’intéresse à présent à l’estimation de l’erreur d’une solution (à un τ donné, tel que défini par la relation 13.5) par rapport à la solution convergée. Les graphiques 13.11 à 13.13 montre les contours d’erreurs de U, k et ε à τi = 0, 1 pour les deux modèles de turbulence. Ces contours permettront ainsi de localiser le maximum de l’erreur dans l’ensemble du domaine de calcul.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 231
F IGURE 13.10 – Évolution temporelle des profils d’ECT dans la zone de recirculation, et comparaison avec les résultats expérimentaux : modèles k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite). En ce qui concerne la vitesse moyenne, on
remar
que
sur
le graphique 13.11
que
les zones
à erreur maximale se situent en aval de la colline
,
surtout
dans la zone de re
circulation
, et plus précisément à l’endroit qui coïncide avec la
fin
de cette
zone
. En effet, ces zones de fortes erreurs correspondent exactement aux régions à très faibles vitesses (< 0, 1m.s−1) : il y est donc facile d’atteindre des taux d’erreurs forts. Si l’on exclue ce point, le champ d’erreur reste inférieur à 12% dans l’ensemble du domaine de calcul. On remarque également que l’erreur augmente vers l’aval, surtout en ce qui concerne les erreurs de k et de ε (graphiques 13.12 et 13.13), mais elle reste globalement inférieure à 10% dans le domaine de calcul.
F IGURE 13.11 – Contours d’erreur sur la vitesse (en norme) à τi = 0, 1, par rapport à la solution convergée : modèles k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite). 13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 232
F IGURE 13.12 – Contours d’erreur sur l’ECT k à τi = 0, 1, par rapport à la solution convergée : modèles k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite). F IGURE 13.13 – Contours d’erreur sur le taux dissipation turbulente ε à τi = 0, 1, par rapport à la solution convergée : modèles k − ε (à gauche) et Ri j − ε (à droite).
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 233
13.3 Cas tests et études de sensibilité 13.3.1 Introduction
On souhaite vérifier à présent la validité de l’utilisation des solutions partiellement convergées dans un contexte plus général. Pour ce faire, on effectue un test de sensibilité de cette méthodologie vis-à-vis d’un certain nombre de paramètres de simulation : – Paramètres concernant le domaine de calcul : on s’intéresse aux effets de la prise en compte d’un domaine 3D, et du nombre de mailles du domaine de calcul. – Paramètres physiques : on s’intéresse à la sensibilité de la méthodologie vis-à-vis de la complexité du phénomène à simuler. Dans le cas d’un forçage topographique, on étudiera notamment la sensibilité vis-à-vis de la pente du relief. De plus, on souhaite également vérifier le comportement en présence de forçages au sol de type thermique ou rugueux. Ces différents tests de sensibilité nous permettront ainsi de vérifier les performances en terme de gain en temps de calcul suivant le type de simulation pris en compte. Critère de précision Afin de pouvoir comparer de façon simple les différentes configurations, on souhaite définir un critère de précision, que l’on va juger satisfaisant. On raisonnera donc, par la suite, en termes de temps CPU nécessaire pour atteindre ce critère précision. Pour le cas d’un écoulement en présence d’une colline, il nous semble judicieux de choisir, quoique de façon purement arbitraire, une précision telle que l’on aie au maximum 1% d’erreur sur la vitesse à son sommet, par rapport à la solution finale (point 1 sur le graphique 13.5). En effet, ce choix est corroboré par le fait que, comme ce qui a été vu dans la section précédente, lorsque la solution à un τ quelconque affichait des taux d’erreur faibles au sommet de la colline, ces taux étaient du même ordre de grandeur dans le reste du domaine de calcul. En ce qui concerne les forçages thermique ou rugueux, on choisit le milieu de la zone de forçage (à 10 m du sol) comme emplacement pour le critère de convergence. On a donc le paramètre suivant : τ1% = tempsCPU (1% erreur) tempsCPU∞ (13.6) Ainsi, les performances seront examinées suivant chaque cas test en évaluant le terme τ1%.
13.3.2 Cas tests avec une colline 3D
Par souci de simplicité, on choisit de garder les mêmes caractéristiques de forme pour la colline Almeida (hauteur de 280 m et longueur de 1080 m), mais cette fois-ci avec une composante supplémentaire (colline 3D). Le domaine de calcul, ainsi que les conditions à ses limites, sont affichés sur
234 13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS
le graphique 13.14. Le domaine fait 5 km × 5 km suivant l’horizontale, et 3km suivant la verticale. Les conditions d’entrée et au sol seront gardées similaires à celles du cas 2D. Ceci sera également le cas pour le choix de l’initialisation et les schémas de résolution. Afin d’éviter la redondance des résultats, seul le modèle k − ε sera considéré dans cette étude, la section 13.2 ayant démontré que le gain en temps de calcul, pour une configuration donnée, était approximativement le même pour les deux modèles de turbulence. Seul un cas test, avec une comparaison entre les résultats issus des deux modèles de turbulence (k − ε et Ri j − ε ), sera présenté.
F IGURE 13.14 – Domaine 3D avec une colline « Almeida » positionnée en son milieu. Cas d’un maillage « type » Tout d’abord, on souhaite é
tudier le cas d’un maillage « type », c’est
-
à-dire un maillage structuré et régulier, avec 100 × 100 mailles horizontalement (△x = △y = 50m) et 50 mailles verticalement (première maille à 5m). Le tableau 13.1 montre une comparaison des résultats en termes de τ1% entre la configuration 2D et 3D :τ1% est légèrement supérieur dans le cas 3D mais on reste néanmoins dans les mêmes ordres de grandeur. En ce qui concerne le temps de calcul, on voit qu’il faut environ ∼ 1 h pour une solution convergée avec un ordinateur de bureau normal (dont les caractéristiques sont données en légende du tableau 13.1), alors qu’il en faut seulement ∼ 6 min pour une solution à 1% d’erreur. Nombre de mailles τ1% temps CPU (s) temps CPU àτ1% (s) Cas 2D 12000 0, 059 264 16, 1 Cas 3D 1480000 0, 100 3444 344, 4
TABLE 13.1 – Caractéristiques temporelles de simulation pour deux cas (2D et 3D) avec le modèle k − ε. Les temps de calcul affichés ont été calculés avec un processeur Intel Core i5 750 et une mémoire RAM de 3GB, en mono-processeur et en mono-thread.
13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS 235
Le graphique 13.15 montre que les valeurs de la vitesse et les lignes de courant affichées par la solution à 1% d’erreur (au sens vu précédemment) se rapprochent considérablement de celles de la solution convergée. De plus, bien que moins prononcée que dans le cas 2D, la zone de recirculation calculée à 1% d’erreur est très satisfaisante car elle quasi-similaire à celle prédite par la solution convergée. En ce qui concerne le champ turbulent, les taux d’erreur progressent le long de l’écoulement, et sont globalement acceptables dans l’ensemble du domaine (graphique 13.16).
F IGURE 13.15 – Lignes de courant : τ1% (à gauche) et τi = 1 (à droite). F IGURE 13.16 – Contours d’erreur pour une solution à 1% d’erreur : ECT k (à gauche) et taux de dissipation turbulente ε (à droite). Ainsi, note-t-on
des
résultats global
ement satisfaisants dans l’ensemble du
domain
e de
calcul
avec une solution
à
τ1%
.
Test de sensibilité vis-à-vis du maillage
On souhaite vérifier à présent la sensibilité vis-à-vis du nombre de mailles du domaine de calcul. Comme le montre le tableau 13.2, le taux de τ1% est très dépendant du nombre de mailles, mais aucune tendance claire ne semble se dégager quant à cette dépendance. Néanmoins, on souhaite ainsi souligner le fait qu’il y a, dans une optique de réduction du temps de calcul, un réel intérêt à étudier l’influence du nombre de mailles sur la convergence partielle.
236 13 ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS
Nombre de mailles τ1% temps CPU (s) temps CPU àτ1% (s) Cas 1 51900 0, 074 42 3, 1 Cas 2 265000 0, 039 636 24, 8 Cas 3 1480000 0, 100 3444 344, 4
TABLE 13.2 – Caractéristiques temporelles de simulation avec différents nombres de maillage, avec le modèle k − ε (processeur Intel Core i5 750 et une mémoire RAM de 3GB, en mono-processeur et en mono-thread). Test de sensibilité vis-à-vis du rapport h/L On
s’
intéresse
dans cette section
à
l’effet de la complexité du terrain (en
l
’occurrence, du rapport h/L) sur le gain en temps de calcul.
Les
résultats
affich
és sur
le tableau
13.3 montre que l’on note une légère tendance à l’augmentation de τ1% au fur et à mesure que h/L diminue. Cependant, si l’on se compare aux tests de sensibilité du nombre de mailles du domaine, ou de l’influence de la configuration 2D/3D, l’effet de la géométrie du sol a relativement peu d’influence sur le gain en temps de calcul. Bien que l’on garde le même maillage pour les 3 cas, on remarque que le temps de calcul global est plus long pour les pentes les plus raides. En effet, il faut un nombre total d’itérations plus important pour les collines les plus abruptes (le temps CPU par itération étant le même pour les 3 cas). Cette étude a finalement démontré qu’une simulation en présence d’un terrain plus complexe induira inexorablement un temps de calcul plus long. Nombre de mailles Rapport h/L τ1% temps CPU (s) temps CPU àτ1% (s) Cas 1 1480000 0, 050 0, 121 1937 234, 4 Cas 2 1480000 0, 100 0, 105 2296 241, 1 Cas 3 1480000 0, 259 0, 100 3444 344, 4
TABLE 13.3 – Caractéristiques temporelles de simulation avec différentes pentes de colline, avec le modèle k − ε (processeur Intel Core i5 750 et une mémoire RAM de 3GB, en mono-processeur et en mono-thread).
13.3.3 Exemple de résultats avec le modèle Ri j − ε
La comparaison du modèle k − ε avec les performances du modèle Ri j − ε, dans le cas de la colline et du maillage initiaux (section 13.3.2), montre que les résultats sont très différents à la fois en termes de τ1% et de temps CPU. Ce dernier est presque 6 fois supérieur dans le cas Ri j − ε. En effet, il faut non seulement résoudre plus d’équations avec ce modèle (11 équations, contre 6 pour le modèle k − ε ), mais le nombre d’itérations total pour atteindre la convergence est lui aussi supérieur (4400 itérations pour Ri j − ε contre 1200 pour k − ε ). Cependant, on voit que τ1% dans le cas du modèle Ri j − ε est très
237 13 ÉTUDE DES CALCULS CFD
PARTIELLEMENT
CONVER
G
ÉS
bas. Ceci permet d’atténuer considérablement le temps de calcul à τ1% : on a finalement une solution du même temps CPU que celle du k − ε (∼ 5min). En résumé, ce cas test a montré que le gain en temps de calcul, en utilisant les solutions partiellement convergées, est très intéressant dans le cas du modèle Ri j − ε. Nombre de mailles τ1% temps CPU (s) temps CPU à τ1% (s) Modèle k − ε 1480000 0, 100 3444 344, 4 Modèle Ri j − ε 1480000 0, 016 19810 317, 0
TABLE 13.4 – Caractéristiques temporelles de simulation avec les deux modèles de turbulence k − ε et Ri j − ε (processeur Intel Core i5 750 et une mémoire RAM de 3GB, en mono-processeur et en mono-thread).
13.3.4 Cas de forçages rugueux ou thermique
Le gain en temps de calcul par une utilisation de solutions partiellement convergées, en présence de forçages au sol de natures différentes, est étudiée dans cette section. Pour ce faire, on considère deux cas d’étude distincts : – Cas 1 : forçage rugueux avec un patch de 1km × 1km horizontalement. et avec une rugosité de z0 = 0, 1m. – Cas 2 : forçage thermique avec un patch de 1km × 1km horizontalement, et un flux de chaleur de H0 = 50W /m2. Le graphique 13.18 montre la face inférieure du domaine de calcul (les deux patchs sont placés au centre du domaine de calcul). Les conditions d’écoulement (profils d’entrée) sont strictement les mêmes que lors des étud
es
dans les sections précédentes
. F IGURE 13.17 – Description des forçage rugueux (à gauche) et thermique (à droite) : face inférieure du domaine de calcul. 238 13
ÉTUDE DES CALCULS CFD PARTIELLEMENT CONVERGÉS
Le tableau 13.4 montre une comparaison entre les résultats issus des trois types de forçage au sol : on remarque que le taux τ1% est relativement constant suivant les trois cas. Ceci corrobore les résultats de la section précédente : en effet, on peut conclure que la géométrie du sol (formes et types des forçages au sol) influe peu sur le facteur τ1%, contrairement à des paramètres d’ordre numérique tel que le maillage du domaine de calcul. En terme de résultats de temps de calcul, il faut environ 2, 87s par itération pour les cas de forçages topographique et rugueux, mais il faut environ 4, 21s par itération lors d’un forçage thermique car il faut résoudre en plus une équation portant sur l’énergie. Cependant, le nombre d’itérations total dans la cas du forçage thermique étant inférieur à celui du forçage topographique, le résultat final en terme de temps CPU à τ1% est de l’ordre de 5min dans les deux cas.
Nombre de mailles τ1% temps CPU (s) temps CPU àτ1% (s) Forçage topographique 1480000 0, 100 3444 344, 4 Forçage rugueux 1480000 0, 109 2124 231, 5 Forçage thermique 1480000 0, 093 3507 326, 1
TABLE 13.5 – Caractéristiques temporelles de simulation avec différents forçages avec le modèle k− ε (processeur Intel Core i5 750 et une mémoire RAM de 3GB, en mono-processeur et en mono-thread). 13.3.5 Aspects pratiques de la méthodologie
La présente étude de sensibilité a démontré que la méthodologie de l’utilisation de calcul partiellement convergés était intéressante dans la totalité des cas tests vus dans ce chapitre. En effet, sur les différents cas de configurations testés, il a été noté qu’une simulation pour un taux τ entre 0, 05 et 0, 1 permettait d’avoir une solution très intéressante car le taux d’erreur par rapport à la solution convergée était négligeable en ce qui concerne les champs moyen et turbulent. Par conséquent, cette méthodologie permet d’économiser environ 85% à 90% du temps de calcul CPU, tout en gardant une solution viable. Cependant, la démarche de l’utilisation de solutions partiellement convergées a été construite en relatif, i.e. par rapport à un temps total de convergence. Pour une utilisation pratique de cette méthodologie, ceci n’est pas valable car il faudrait effectuer un calcul convergé au préalable afin de pouvoir choisir, par exemple, la solution à τ = 0, 05 par la suite. En fait, afin de contourner ce point, on préconise de suivre l’évolution de la convergence de grandeurs physiques de l’écoulement à des endroits que l’on jugera comme important, plutôt que de suivre le processus de convergence des résidus. En effet, la présente étude a ainsi démontré que l’établissement des grandeurs physiques, même à des endroits complexes de l’écoulement, se faisait de façon beaucoup plus rapide que les résidus. Conclusion de la cinquième partie
La réduction du temps de calcul des codes CFD, par le biais de l’utilisation de calculs partiellement convergés, a été explorée dans cette partie. Il a été préalablement nécessaire de choisir un critère pour la définition d’un état convergé. Le critère choisi, majoritairement utilisé par la communauté CFD, consiste en l’atteinte d’un plateau inférieur par les résidus du calcul, i.e. à une stabilisation à des valeurs minimales en fonction du nombre d’itérations. Tout d’abord, on a montré que la stabilisation du processus de convergence (en fonction du nombre d’itérations), de grandeurs physiques telles que la vitesse moyenne et la turbulence, est plus rapide que celle des résidus. On choisit de suivre ces grandeurs préférablement à des endroits où l’écoulement semble être le plus complexe (sommet de colline, zone de recirculation,...). Ainsi, cette étude a-t-elle démontré qu’on peut atteindre une solution à taux d’erreur minime, avec un temps CPU faible par rapport à celui nécessaire pour atteindre la convergence. En effet, dans chacune des simulations, on a noté que 5-10% du temps CPU total est nécessaire pour fournir une solution acceptable, même dans les cas les plus complexes. De plus, on a noté que les solutions à 1% du temps CPU sont également intéressantes car, bien que moins précises, présentent quand même un avantage sur les modèles diagnostiques (notamment en ce qui concerne les zones de recirculation). Par conséquent, on démontre ainsi qu’il y a un réel intérêt à suivre l’évolution des grandeurs physiques importantes à des endroits-clés de l’écoulement. Pour un calcul sur un ordinateur de bureau « normal », d’un écoulement à l’échelle locale, avec un maillage « typique » (100 × 100 mailles horizontalement et 40 mailles verticalement), le temps CPU passe de ∼ 1h à ∼ 5min pour une solution partiellement convergée, avec un taux d’erreur faible. Ce temps CPU est adapté pour des applications pratiques et industrielles. Finalement, l’étude de sensibilité a montré que le gain en temps de calcul dépend faiblement de la nature de la physique à simuler (en l’occurrence le type et la nature du forçage au sol). En fait, ce facteur dépend plutôt de l’aspect numérique de la simulation : les tests de sensibilité ont montré que le maillage du domaine de calcul influe considérablement sur le gain en temps de calcul.
Conclusion générale et perspectives
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES 243
Conclusions
Les différents travaux présentés dans ce mémoire, et effectués au cours de cette thèse, avaient pour objectif de proposer une méthodologie et un savoir-faire pour la prédiction de l’écoulement atmosphérique à l’échelle locale, avec une précision de l’ordre de l’hectomètre horizontalement. Le développement de la méthodologie a tenu compte de deux contraintes majeures pour une utilisation pratique et opérationnelle dans le domaine de l’industrie. En effet, cette méthodologie doit être capable de fournir une solution à la fois précise, surtout en présence d’une topographie complexe, et rapide, fournissant une solution adaptée en un ordre de grandeur de quelques minutes tout au plus sur une station de travail « normale ». Ainsi, le travail de recherche s’est-il effectué dans cette optique. La simulation précise de l’écoulement à l’échelle locale ne peut se faire sans une modélisation adéquate de trois paramètres essentiels : la structure verticale de la CLA, la turbulence atmosphérique, et la représentation de la surface au sol. Aussi, a-t-on montré que parmi tous les modèles d’écoulement qui pourraient être utilisés à l’échelle locale, les codes CFD sont les plus à même de permettre la meilleure prise en compte des deux derniers points. En effet, ils permettent généralement le choix d’une large gamme de modèles de turbulence, plus ou moins complets, ainsi que de nombreuses options de maillage qui permettent une représentation très précise de la topographie. Cependant, au jour d’aujourd’hui, l’utilisation des codes CFD à l’échelle locale présente quelques inconvénients. En effet, la plupart des simulations CFD non académiques sont effectuées avec le modèle de turbulence RANS k − ε : ainsi, l’anisotropie de la turbulence n’y est-elle généralement pas prise en compte. De plus, le problème des constantes empiriques figurant dans les équations de ces modèles, et qui permettent de fixer le taux global de turbulence, reste ouvert. Finalement, les simulations CFD sont généralement mises en œuvre pour des conditions aux limites qui sont spécifiées grâce à des profils analytiques valables uniquement dans la CLS. Cette méthodologie, utilisée notamment lors des travaux de thèse de Vendel (2011), ne permet pas de prendre en compte toute l’épaisseur de la CLA, ce qui peut être limitant, notamment lors d’une atmosphère stable. Le travaux de recherche dans le cadre de cette thèse ont donc porté essentiellement sur le points suivants :
La modélisation de la turbulence atmosphérique
Cette étude a porté sur : – La modélisation de l’anisotropie de la turbulence : ainsi, en plus du modèle de turbulence RANS k − ε, on a choisit de prendre en compte le modèle RANS Ri j − ε car il permet de résoudre l’ensemble des termes du tenseur de Reynolds. Par conséquent, l’anisotropie y est CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES 244 modélisée de façon complète. De plus, nous avons montré l’intérêt de la prise en compte de la modélisation de Gibson et Launder (1978) du terme de pression dans les équations du tenseur de Reynolds.
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Connaissances et représentations de la goutte chez les conjoints de patients et les infirmiers : étude qualitative. Revue du Rhumatisme, 2020, 87, pp.279 - 285. ⟨10.1016/j.rhum.2020.03.006⟩. ⟨hal-03490901⟩
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Connaissances et
représent
ations de la goutte chez les conjoints de patients et les infirmiers :
étude qualitative
Camille Deprouw, Maxime Guignot, Céline Bougeois-Sarran, Constance Bougeois-Sarran, Laurence Coblentz Baumann, Hang-Korng
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onnaissances et représent
ations
de la
gout
te chez les conjoints de patients et les infirmiers :
étude qualitative
Camille Deprouw1, Maxime Guignot1, Céline Bougeois-Sarran1, Constance Bougeois-Sarran1, Laurence Coblentz-Baumann2, Hang-Korng Ea1, 3, 4 1Hôpital Lariboisière, service de rhumatologie, pôle locomoteur, APHP, 2
rue
Ambro
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Paré
75010 Paris, France 2 Université Paris Diderot, département de médecine générale, Paris, France 3Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France. 4Inserm U1132 Bioscar, Paris 75010, France Auteur correspondant : [email protected]
RÉSUM
Le traitement de la goutte est mal suivi par les patients. Les conjoints et les infirmiers étant les deux principaux interlocuteurs des malades, leur perception de cette maladie peut influencer le comportement des patients. Objectif : explorer les connaissances et les représentations de la goutte chez les conjoints de patients et les infirmiers. Méthodes : nous avons utilisé une approche de terrain qualitative avec des entretiens individuels semi-structurés sur un échantillon dirigé de conjoints de patients et d’infirmiers hospitaliers exerçant dans des services de rhumatologie et de médecine interne. Les entretiens ont été enregistrés et transcrits. Tous les auteurs se sont réunis régulièrement pour discuter du codage et de l’interprétation des données. Résultats : au total, 20 infirmiers et 12 conjoints ont participé aux entretiens. Quatre thèmes principaux ont été mis en évidence : manque de connaissances (cause de la goutte inconnue, méconnaissance des traitements hypo-uricémiants et de la guérison possible, focalisation sur les crises de goutte et l’alimentation) ; manque d’informations et de formation sur la goutte (connaissances acquises par l’expérience personnelle, les infirmiers ont déploré un manque de formation, les conjoints ont fait état d’informations insuffisantes et du manque de temps des praticiens pour informer les patients) ; conséquences et répercussions sociales de la goutte (maladie handicapante, nécessité d’éviter des activités sociales telles que des dîners entre amis) ; attitudes à l’égard des crises de goutte et de la prise en charge des patients (sentiment d’impuissance pendant la crise, sentiments négatifs tels que la honte conduisant à repousser une consultation médicale ou indifférence du conjoint à l’égard de la maladie). Les infirmiers ont déploré leur manque de temps pour discuter des difficultés avec les patients. Conclusion : les connaissances des conjoints de patients et des infirmiers sur la goutte proviennent de l’expérience du quotidien. Les participants ont exprimé le vif désir d’en savoir plus sur la goutte. Des programmes de formation des infirmiers et pédagogiques incluant les conjoints peuvent améliorer la prise en charge de cette maladie et l’observance du traitement. Mots-clés : goutte, information, perception, crise, acide urique 2
1. Introduction
La goutte a une image péjorative et on la décrit souvent comme la maladie des bons vivants. Sa prévalence mondiale est en hausse et elle touche 2,5 % des adultes au Royaume-Uni et en Espagne, 3,9 % aux États-Unis et plus de 10 % des adultes aborigènes taïwanais [1]. La goutte a été identifiée et décrite il y a plus de 2000 ans par Hippocrate et sa physiopathologie est parfaitement comprise, de même que sa cause et ses facteurs de prédisposition. Le diagnostic est facile à établir, la cible clairement définie, la prise en charge soutenue par une série de recommandations internationales et son traitement très efficace permet la guérison lorsqu’il est correctement utilisé [2–6]. L’adaptation progressive de la dose d’un traitement hypo-uricémiant (THU) dans une stratégie de traitement à la cible (TTT) réduit invariablement le taux d’urate sérique (US) sous le seuil de saturation et de formation des cristaux, entraînant la dissolution des dépôts cristallins et la guérison [2,7–9]. Or de multiples rapports montrent que la prise en charge de cette maladie guérissable se heurte à de nombreux obstacles [10]. À titre d’exemple, moins de 40 % des patients qui ont besoin d’un THU en reçoivent effectivement un et pour un grand nombre de personnes traitées, la dose est insuffisante pour amener la guérison [11–13]. On observe en conséquence une sévérité accrue de la goutte avec des résultats cliniques aggravés, augmentant les comorbidités médicales et le fardeau économique [14,15]. Les patients goutteux non traités ou recevant un traitement inadapté continuent de présenter des crises douloureuses récurrentes et des dépôts cristallins qui aboutissent à la formation de tophi cliniquement détectables, à des destructions articulaires et à un risque plus élevé de mortalité, d’événement cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire c bral [11,16–18]. Dans l’optique d’améliorer la prise en charge de la goutte, de nombreuses études qualitatives ont été menées afin de comprendre les connaissances, les opinions, les croyances et les freins des soignants et des patients [10,19–36]. Une revue a mis en évidence trois et quatre thèmes prédominants chez les professionnels de santé et les patients, respectivement [10]. Les freins chez les soignants comprennent : i) manque de connaissances et de formation sur la prise en charge de la goutte, conduisant à considérer cette affection uniquement comme une maladie aiguë ou à instaurer un THU sans prophylaxie des crises, sans évaluation du taux d’US ni ajustement de la dose ; ii) 3 conceptions erronées sur les connaissances des patients et l’observance du THU (les médecins surestiment l’observance) et iii) obstacles temporels (les soignants se plaignent de n’avoir pas suffisamment de temps pour accompagner et informer les patients). Les freins chez les patients comprennent : i) connaissance insuffisante de la goutte responsable d’une perception faussée de sa sévérité et de sa chronicité, confusion dans les traitements et conception erronée du régime alimentaire ; ii) interactions négatives avec les prestataires de santé ; iii) expériences négatives avec des THU (ne savent pas que des crises peuvent avoir lieu lorsqu’un THU est mis en place) et iv) réticence à prendre un traitement à long terme [10]. Ces freins peuvent expliquer pourquoi les patients goutteux ont le plus faible taux d’observance du traitement parmi les patients atteints de sept maladies chroniques dont l’ostéoporose, l’hypertension et le diabète sucré [37]. L’observance d’un traitement au long cours relève d’un comportement complexe qui fait intervenir les técédents et les expériences du patient, ses connaissances, ses perceptions et ses croyances concernant les traitements et la maladie, mais aussi ses interactions avec les professionnels de santé, son environnement socioprofessionnel et sa famille [38,39]. Certaines études suggèrent que l’intervention d’un infirmier ou du conjoint influence l’observance dans les maladies chroniques [9,36,38,40]. Par exemple, Rees et al. décrivent un programme conduit par des infirmiers ayant amélioré l’observance du traitement de la goutte à 91 % après 12 mois, 92 % des patients ayant atteint leur taux d’US cible [2]. En outre, parmi ceux respectant le traitement, plus de 90 % prenaient toujours le THU cinq ans plus tard [7]. 4 2. Méthodes 2.1. Conception de l’étude et participants 2.1.1. Approche
Nous avons adopté une approche de terrain pour explorer les connaissances et les représentations de la goutte.
2.1.2. Conditions
Nous avons conçu cette étude pour mieux appréhender les connaissances et les croyances sur la goutte afin d’élaborer plus efficacement le programme d’éducation thérapeutique « Parlons goutte » de l’hôpital parisien Lariboisière. Cette étude a été approuvée par le comité national Aeres (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). Tous les participants ont accepté et donné leur consentement par écrit. Un investigateur (C. D., interne en rhumatologie) a rencontré les infirmiers de rhumatologie et de médecine interne. Deux médecins généralistes (M. G. et C. B.-S., internes en médecine générale) recevant des patients goutteux en consultation ont recruté et rencontré les conjoints (le diagnostic de la goutte a été retenu si le patient remplissait les critères de Nijmegen [42] et le conjoint a été défini comme le mari ou l’épouse, sans être nécessairement l’aidant).
2.1.3. Échantillonnage
Nous avons utilisé un échantillon dirigé pour couvrir le plus largement possible les thèmes liés à la perception et aux croyances concernant la maladie. Pour les infirmiers : sexe différent, âge, lieu d’exercice, nombre d’années depuis le diplôme et ancienneté dans le service. Nous avons mené des entretiens avec neuf infirmiers de rhumatologie et onze de médecine interne. Les conjoints étaient onze femmes et un homme, la goutte touchant principalement les hommes.
2.1.4. Collecte et analyse des informations 2.1.4.1. Collecte des informations 5
Les caractéristiques démographiques et générales ont été collectées avant les entretiens : sexe, âge. Les données sur l’origine ethnique, la durée de la relation du patient avec son conjoint, les antécédents personnels ou familiaux de goutte et le nombre de crises de goutte ont été collectées pour les conjoints (tableau 1). Le service d’exercice, l’année d’obtention du diplôme et la durée de l’expérience professionnelle ont été enregistrés pour les infirmiers (tableau 2). Deux guides d’entretien semi-structuré ont été élaborés par six investigateurs (C. D., M. G., C. B.-S., C. B.-S., L. C.-B. et H.-K. E.). Les entretiens individuels ont eu lieu dans une salle spéciale des services de rhumatologie et de médecine interne de l’hôpital Lariboisière avec les infirmiers, et à domicile avec les conjoints. Après obtention du consentement écrit des participants, la partie audio des entretiens a été enregistrée. Les participants ont été informés que leur vie privée et leur identité seraient protégées et que les données seraient conservées de manière sécurisée et anonyme. Nous avons posé des questions ouvertes pour amener les participants à décrire leurs connaissances, leurs perceptions et leurs sentiments à l’égard de la goutte. Les thèmes abordés ont exploré les causes et les conséquences de la goutte, ses symptômes, ses répercussions sur la vie quotidienne et la famille, ses conséquences émotionnelles et psychologiques, les traitements, le régime alimentaire, la relation avec les prestataires de soins, les informations et les conseils reçus ou donnés. Lorsque les participants ne mentionnaient pas spontanément ces thèmes, des questions secondaires leur ont été posées pour les amener à aborder tous les sujets en question. Les entretiens ont été menés parallèlement à l’analyse et se sont poursuivis jusqu’à saturation des données (la collecte des données a été arrêtée lorsque le dernier entretien n’a fait émerger aucune nouvelle idée/opinion).
2.1.4.2. Analyse des données
Chaque entretien a été transcrit textuellement. Les participants ont accepté que leurs réponses soient citées de manière anonyme. L’analyse des données a été effectuée avec le logiciel Nvivo 10® après chaque entretien. Ce logiciel enregistre les données qualitatives, code les données et trie les codes et représente ces données sous forme de « nuages de mots », où la taille d’un mot est proportionnelle à la fréquence à laquelle il a été mentionné au cours des entretiens. Les données ont été codées par des groupes de deux à six investigateurs, en vérifiant que l’interprétation textuelle était similaire pour garantir la 6 validité interne. Pour assurer la crédibilité, nous nous sommes entretenus avec plusieurs participants de façon prolongée jusqu’à saturation des thèmes ; nous avons effectué une triangulation méthodologique avec des entretiens approfondis et une triangulation des investigateurs avec des réunions régulières pour effectuer le codage et l’analyse et arrêter les décisions d’interprétation. Chaque fois que nécessaire pour une transcription particulière, un consensus a été obtenu après discussion, avec ou sans intervention des auteurs principaux (L. C.-B. et H.-K. E.). Les codes ont été regroupés par induction dans plusieurs catégories selon l’approche de la théorie de terrain [43,44]. Pour chaque entretien, la transcription codée a été comparée aux thèmes et catégories précédents, jusqu’à saturation théorique. L’analyse comparative continue entre les données codées et les nouveaux entretiens a permis de générer des thèmes et des modèles à partir des données seules. Nous avons recodé les données et réétiqueté les codes, les concepts et les catégories centrales jusqu’à obtenir une théorie finale ap
une vision d’ensemble. 3. Résultats 3.1. Participants
Nous nous sommes entretenus avec 20 infirmiers (18 femmes, 9 en rhumatologie et 11 en médecine interne ; âge moyen 37 ans [plage 22 à 56]) et 12 conjoints de patients goutteux. L’ancienneté des infirmiers dans leur service s’étendait de un à 31 ans. Ils intervenaient dans des hospitalisations traditionnelles, de semaine ou de jour. Leur durée d’activité professionnelle était comprise entre un et 32 ans (moyenne 12,1 ans). Trois infirmiers de médecine interne travaillaient dans un service de consultation (tableau 2). Nous nous sommes entretenus avec 12 conjoints (dont 11 femmes ; âge médian 56 ans [plage 28 à 85]). La durée de la relation conjoint-patient était de 6 à 55 ans et de plus de 20 ans pour huit couples. Les patients avaient entre une seule (n = 1), 2 à 5 (n = 8) et plus de 5 crises de goutte (n = 3).
3.2. Thèmes 3.2.1. Lacunes de connaissances sur la goutte et sa prise en charge 7
Les infirmiers comme les conjoints connaissaient mal les causes, les conséquences et le traitement de la goutte. Des citations illustratives sont résumées dans le tableau S1 [Annexe A, voir le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article]. Certains conjoints considéraient la goutte comme une maladie d’apparition « spontanée » ou consécutive à la marche excessive ou à une élévation du taux d’urée ou d’acide dans l’organisme. D’autres conjoints et des infirmiers de rhumatologie croyaient que la goutte est liée à l’alimentation et ont incriminé la consommation excessive de viande, de charcuterie, de fruits de mer, de sodas, de certains légumes (chou, chou-fleur, lentilles) ou de sel. L’alcool a été cité mais dans un second temps, et certains infirmiers ont mentionné un rôle de la bière et des alcools forts. Seuls quelques conjoints et infirmiers ont évoqué l’hérédité, un rôle des médicaments ou des facteurs rénaux. Les infirmiers savaient que la goutte résulte d’une hyperuricémie, mais la plupart ne faisaient pas de différence entre hyperuricémie et dépôts de cristaux d’urate. Seuls quelques infirmiers du service de rhumatologie ont déclaré que la goutte était liée au dépôt de cristaux d’urate. De même, aucun conjoint ne connaissait le lien entre goutte, hyperuricémie et dépôt de cristaux. En outre, les infirmiers et les conjoints ignoraient que les dépôts cristallins continuent de s’accumuler et peuvent provoquer une destruction articulaire irréversible. Ainsi, la formation de tophi, la destruction articulaire, l’atteinte rénale et les risques cardiovasculaires été à peine mentionnés. Les méthodes de diagnostic de la goutte étaient inconnues. Les conjoints et certains infirmiers pensaient que le diagnostic peut se faire par analyse sanguine, par l’observation de signes cliniques ou par aspiration de liquide articulaire mais ils n’ont pas précisé la cible de ces examens. Enfin, la compréhension de la prise en charge de la goutte était médiocre et centrée sur le traitement des crises et les aliments à éviter, comme le montre le nuage de mots (figure 1). De fait, de nombreux conjoints croyaient que la goutte était une maladie chronique incurable et douloureuse marquée par des crises récurrentes. La plupart ont déclaré que la goutte n’était pas une maladie grave ni potentiellement mortelle. Une majorité ne connaissait pas l’existence des THU et a admis n’avoir jamais entendu parler de ces traitements (figure 2). 3.2.2. Manque d’information et de formation sur la goutte
Tous les conjoints et les infirmiers ont déploré un manque d’information sur la goutte. Des infirmiers ont déclaré n’avoir pas reçu d’enseignement sur la goutte au cours de leurs études. Leurs connaissances avaient été acquises pour l’essentiel au fil de la pratique et des 8 expériences professionnelles. Les conjoints ont indiqué que les médecins généralistes ne donnaient pas d’informations suffisantes sur la physiopathologie et la prise en charge de la goutte et qu’ils ne consacraient pas assez de temps à l’information des patients. La plupart n’avaient jamais entendu parler de rhumatologue ni de la nécessité de soins spécialisés. Leurs connaissances sur la goutte provenaient d’Internet, de la télévision, de la radio, du cercle familial ou de l’expérience de proches et, bien sûr, de leur propre histoire. Ainsi, certains conjoints ont expliqué qu’ils avaient appris à gérer les crises de goutte en observant le comportement de proches qui souffraient également de cette maladie. Ils ont aussi dit qu’après une première crise, ils avaient appris comment faire face à la suivante. En outre, certains conjoints savaient que le traitement des crises est plus efficace lorsqu’il est démarré dès les premiers symptômes. Tous les infirmiers ont exprimé le désir de participer à un programme éducatif. Ils souhaitaient améliorer leurs connaissances sur les symptômes de la goutte, son traitement et sa prise en charge. Les conjoints souhaitaient quant à eux en savoir plus sur les causes de la goutte et l’alimentation. 3.2.3. Conséquences de la goutte et répercussions sociales
Les conjoints et les infirmiers ont déclaré que les crises de goutte étaient invalidantes et se répercutaient sur les activités professionnelles, familiales et sociales. Ils avaient le sentiment que les patients avaient du mal à marcher et devaient rester alités pendant les crises. Des conjoints ont rapporté que les patients ne pouvaient pas s’occuper de leurs enfants ni jouer avec eux pendant les crises de goutte. Les crises se répercutaient aussi directement sur leurs vacances et leurs relations sociales. La possibilité et la crainte qu’une crise de goutte survienne les empêchaient de prévoir des vacances ou d’organiser des voyages prolongés. Les familles se déplaçaient donc peu pendant les vacances. De même, ils évitaient les activités sociales comme des dîners entre amis ou des rassemblements par crainte d’une crise de goutte, à cause de la nécessité de limiter la consommation de certains aliments et d’alcool et par appréhension des moqueries. 3.2.4. Attitudes à l’égard des crises de goutte et de la prise en charge des patients 9
Bien que la plupart des conjoints et des infirmiers aient admis que les crises de goutte provoquaient des douleurs sévères et intenses, certains conjoints avaient l’impression que le patient exagérait la douleur ressentie. Certains se sentaient tristes et impuissants à soulager la douleur de leur conjoint pendant les crises et appréhendaient la suivante, en particulier ceux qui pensaient que la goutte est incurable et qu’il faut s’attendre à des crises récurrentes. Les réactions émotionnelles et psychologiques des conjoints étaient variées et comprenaient indifférence, déni, peur, tristesse et honte. Certains conjoints ont dit avoir été surpris par le diagnostic de goutte car ils avaient une alimentation normale. La plupart ont reconnu que la société véhicule une image péjorative de la goutte, considérée comme le résultat d’excès de table et d’alcool. Ils ont souligné que cette maladie était trop souvent l’objet de moqueries et de remarques ironiques et ont reconnu qu’ils cachaient le diagnostic à leurs proches pour ne pas avoir l’air ridicules. Certains conjoints en avaient honte. À l’inverse, d’autres conjoints ont indiqué ne pas se sentir concernés ni touchés par la maladie et ne s’intéresser ni à sa prise en charge, ni à un programme d’information. Quelques-uns se demandaient même si la goutte pouvait être considérée comme une maladie. Il est intéressant de constater que l’implication des conjoints dans la prise en charge de la goutte variait de l’indifférence la plus complète à un contrôle total des soins. D’une manière générale, les conjoints se sentaient concernés et s’investissaient dans la prise en charge la maladie, notamment dans le contrôle de l’alimentation. Certains ont reconnu qu’il arrivait aux patients de ne pas respecter le régime alimentaire, en particulier lors de repas avec des amis. Tous les infirmiers ont eu une attitude professionnelle et aucun n’a exprimé de jugement négatif sur l’alimentation, le surpoids, la consommation d’alcool ou le mode de vie des patients. De nombreux infirmiers ont exprimé un malaise face à des patients goutteux. Ils ont rapporté que certains patients refusaient de parler ou de faire part de leurs réflexions sur la goutte. Certains infirmiers ont déploré un manque de temps pour discuter avec les patients et les informer. D’autres ont cependant admis que leurs connaissances étaient insuffisantes pour répondre aux demandes et aux interrogations des patients. Tous les infirmiers ont déclaré qu’ils pourraient gérer plus efficacement les préoccupations des patients s’ils connaissaient mieux la maladie. Tous ont admis que l’information et les connaissances des patients étaient fondamentales pour l’observance du traitement et le 10 succès de la prise en charge. Les infirmiers du service de rhumatologie estimaient que l’observance était médiocre chez les patients goutteux, contrairement à ceux de médecine interne, qui la jugeaient correcte.
4. Discussion
Il s’agit de la première étude qualitative menée en France pour explorer les connaissances et les croyances des infirmiers et des conjoints de patients sur la goutte. À l’instar d’autres études ayant évalué les freins des patients et des soignants à l’égard de la goutte, cette étude a confirmé le besoin non satisfait de programmes pédagogiques sur la physiopathologie et la prise en charge de la goutte ainsi que de stratégies de communication visant à mettre un terme à la stigmatisation qui accompagne cette maladie [10,19,21–36]. Nous avons observé que les connaissances des participants sur la goutte étaient insuffisantes et leurs conceptions erronées, qu’ils se focalisaient sur le traitement des crises et l’alimentation et ignoraient l’existence des THU. Ils avaient l’impression que la goutte est une maladie douloureuse incurable se répercutant fortement sur les activités familiales, sociales et professionnelles. Ils étaient affectés par l’image péjorative de la goutte dans la société où cette maladie est considérée comme le résultat d’une mauvaise hygiène de vie et d’excès alimentaires et d’alcool. Ces représentations négatives avaient des répercussions psychologiques sur les conjoints et les patients, dont l’embarras donnait lieu à des comportements délétères comme le fait de cacher le diagnostic et de retarder le recours à une aide médicale. Ces observations ont été abondamment décrites par diverses études évaluant des patients goutteux hommes et femmes, des prestataires de soins et des médecins généralistes [10,19,21,28,30–36]. Notre étude a également identifié des facteurs inexplorés qui constituent de véritables freins à l’observance du traitement : manque de temps des infirmiers pour informer les patients et discuter avec eux de la maladie ; sentiment d’incompétence pour informer et conseiller utilement leurs patients. Certains conjoints ont admis ne pas se sentir intéressés ni impliqués dans la prise en charge et nombre d’entre eux ne considéraient pas la goutte comme une maladie. À l’inverse, d’autres conjoints avaient la 11 volonté d’aider les patients mais se sentaient impuissants, ce qui pouvait provoquer gêne, stress psychologique et anxiété. Enfin, tous les infirmiers et les conjoints ont déploré le manque d’informations sur la goutte et estimé qu’une meilleure compréhension de la maladie aiderait les patients à respecter le traitement. Le manque d’information est également une conclusion récurrente d’autres études dans lesquelles des prestataires de soins et des médecins généralistes ont reconnu donner peu d’informations aux patients et aux soignants [10,19]. Ces problèmes pourraient être facilement résolus par des programmes d’éducation thérapeutique. Les infirmiers et les conjoints sont les deux plus proches interlocuteurs des patients goutteux et les conjoints sont les principaux aidants. Leur influence sur la prise en charge de la goutte dépend de nombreux facteurs, dont la gestion des attitudes, la relation dyadique et de couple, les connaissances, l’émotion psychologique et le stress. Leur rôle dans le suivi et l’observance du traitement a été mis en évidence dans de nombreuses maladies chroniques, notamment le diabète, le cancer, l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde, la fracture de hanche et l’ostéoporose [41,45–49]. Une attitude positive et de soutien favorise la confiance et l’observance du traitement chez les patients, tandis qu’à l’inverse, une attitude négative et stressante peut susciter des comportements inadéquats. Une revue systématique récente de 17 études qualitatives incluant 1 142 couples a montré que les interventions conjugales avaient des résultats positifs dans le cancer. Il s’agissait notamment d’améliorations dans la communication, de faire face à la maladie à deux, d’une amélioration de la qualité de vie des patients et de leur conjoint, d’une détente psychologique, d’une harmonie sexuelle et de satisfaction conjugale [46]. Dans le cas du diabète, plusieurs études ont montré que le comportement du conjoint a une influence aussi bien positive que négative sur le respect du régime alimentaire du patient [41,45,49]. Dans le même ordre d’idée, nous avons constaté que la goutte avait une influence psychologique négative sur les conjoints qui se sentaient honteux, gênés, impuissants, frustrés ou craignaient les crises. Ces influences négatives se répercutaient sur la relation de couple, le comportement des patients et la gestion du traitement. De plus, certains conjoints ne se sentaient pas concernés par la die et ne souhaitaient pas participer à un programme d’information thérapeutique. Ce comportement individuel peut également altérer les préoccupations des patients et la gestion de leur traitement. Au vu de nos observations, plusieurs propositions peuvent être faites pour améliorer l’observance du traitement chez les patients goutteux : une stratégie d’intervention de couple pourrait être mise en place comme dans d’autres maladies chroniques [46] ; parallèlement, les infirmiers et les conjoints devraient bénéficier d’une information pédagogique ; des cours en ligne de courte durée et d’accès libre devraient être proposés pour changer tous les stéréotypes négatifs véhiculés par de vieux dessins animés ; enfin, des stratégies devraient être mises en œuvre pour augmenter le temps que les infirmiers consacrent aux patients. Cette étude présente plusieurs limites. La première est que nous nous sommes entretenus avec des infirmiers d’un service de rhumatologie spécialisé dans la prise en charge de la goutte, où une formation animée par un spécialiste avait été organisée et un programme d’information thérapeutique sur la goutte venait d’être mis en place. Toutefois, un très petit nombre des infirmiers de notre étude avaient suivi cette formation et un seul participait au programme éducatif. Néanmoins, ces infirmiers travaillant dans le même service et les entretiens ayant été étalés dans le temps pour pouvoir coder et analyser les données des transcriptions, il est possible qu’ils aient échangé des informations ou des opinions. La deuxième limite est que les entretiens ont été menés par un interne de rhumatologie ayant travaillé dans ce service, ce qui a pu impressionner les infirmiers et compromettre la spontanéité de leurs réponses. Ils peuvent n’avoir pas osé répondre de façon stéréotypée. La troisième limite est que la plupart des participants étaient des femmes : seuls trois infirmiers et un conjoint hommes ont répondu aux entretiens. Cette situation résulte du caractère « féminin » de la profession d’infirmier et des caractéristiques épidémiologiques spécifiques de la goutte. Des conjoints de sexe masculin peuvent avoir des impressions différentes de celles des femmes à l’égard de la goutte, comme c’est le cas dans d’autres maladies chroniques, dans le cancer ou dans la fin de vie due au grand âge [50,51]. Notre étude avait plusieurs points forts, notamment la validité et la crédibilité internes garanties par les réunions régulières des investigateurs pour coder, recoder et relire les données et leur interprétation. L’implication de six investigateurs ayant des spécialités et des grades médicaux différents a permis une analyse e des codes, des concepts et des catégories centrales. 13 En conclusion, nous avons identifié un certain nombre de sentiments des conjoints et des infirmiers susceptibles d’influencer l’observance du traitement de la goutte par les patients. Nous avons confirmé les observations récurrentes de manque de connaissances, d’informations insuffisantes apportées par les prestataires de soins, de conceptions erronées sur la goutte et de focalisation sur le traitement des crises. Une stratégie d’intervention de couple s’avère nécessaire pour induire une relation conjoint-patient dyadique et susciter l’intérêt des conjoints pour la maladie. Une meilleure organisation du travail des infirmiers est nécessaire pour qu’ils aient le temps de discuter avec les patients et de les informer.
Déclarations Approbation éthique et consentement à la participation
Cette étude a été approuvée par le comité national Aeres (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). Tous les participants ont accepté et donné leur consentement par écrit.
Consentement à la publication
Sans objet Disponibilité des données et des supports La transcription textuelle des entretiens est disponible sur demande. Veuillez contacter le professeur Hang-Korng Ea ([email protected]).
Déclaration d’intérêt
s Aucun conflit d’intérêts. Sources de financement Aucun financement. 14 Contributions des auteurs C. D., M. G., Céline B.-S., Constance B.-S., L. C.-B. et H.-K. E. ont élaboré le guide d’entretien semi-structuré. C. D. a mené les entretiens avec les infirmiers, M. G. a mené les entretiens avec les conjoints. C. D., M. G., Céline B.-S. et Constance B.-S. ont effectué la transcription textuelle et le codage des entretiens. C. D. et H.-K. E. ont digé le manuscrit. Tous les auteurs ont contribué de manière importante à la conception des travaux ou à l’acquisition, à l’analyse et à l’interprétation des données. Tous les auteurs ont participé à la rédaction du projet de manuscrit et à la révision critique du contenu intellectuel important et approuvé la version à publier. Remerciements Laura Smales pour la relecture en . Nous remercions les infirmiers et les joint . 10.
Annexe A. Matériel complémentaire
Du matériel complémentaire (tableau S1) accompagnant cet article est disponible sur...
15 RÉFÉRENCES 1.
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Légende des figures
Figure 1. Perceptions de la goutte par les infirmiers et les conjoints. Les réponses des infirmiers et des conjoints ont été transcrites textuellement et représentées dans ce nuage de mots. La taille des mots correspond à leur fréquence dans l’ensemble des entretiens. Figure 2. Traitements de la goutte selon les infirmiers et les conjoints. Les déclarations textuelles sur les traitements de la goutte sont représentées. La taille des mots correspond à leur fréquence dans l’ensemble des entretiens.
Figure 3. Connaissances et méconnaissances sur la goutte. Les crises de goutte avec leurs aliments déclencheurs et leurs traitements efficaces, par exemple la consommation d’alcool et la colchicine, respectivement, constituaient la partie émergée des connaissances des infirmiers et des conjoints, tandis que le rôle du dépôt continu de cristaux et la possibilité de guérir la maladie par un traitement hypo-uricémiant représentaient la partie immergée. 20 Âge (ans) Sexe Origine ethnique 85 femme Nombre de Vie crises du commune patient (ans) caucasienne 2à5 > 20 59 femme caucasienne 2à5 > 20 43 homme caucasienne 2à5 > 20 41 femme asiatique 2à5 5 à 20 45 femme caucasienne >5 5 à 20 46 femme caucasienne 2à5 5 à 20 70 femme caucasienne 1 > 20 65 femme caucasienne 2à5 > 20 51 femme caucasienne 2à5 > 20 71 femme caucasienne 2à5 > 20 28 femme caucasienne >5 5 à 20 68 femme caucasienne >5 > 20
Tableau 1. Caractéristiques des conjoints
Âge (ans) Sexe Année Type d’activité d’obtention du diplôme Infirmiers de rhumatologie Ancienneté dans le service 55 homme 1984 HDS, HT 7 31 femme 2004 HT, HDS, HDJ 11 39 homme 2013 HT, HDS, HDJ 2 31 femme 2008 HDS, HT 7 28 femme 2007 HT, HDS, HDJ 8 23 homme 2014 HT 1 28 femme 2009 HDS, HT 4 54 femme 1986 HDS 13 55 femme 1982 HDJ 31 Infirmiers de médecine interne 26 femme 2011 HT 4 41 femme 2008 HT 7 26 femme 2012 HT 3 56 femme 2010 Consultation 5 44 femme 1993 Consultation 22 53 femme 1995 Consultation 20 37 femme 2002 HT 13 25 femme 2012 HT 3 27 femme 2011 HT 4 37 femme 2002 HT 13 22 femme 2015 HT 1 Tableau 2. Caractéristiques des infirmiers. HT : hospitalisation traditionnelle ; HDS : hospitalisation de semaine ; HDJ : hospitalisation de jour.
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V. ARTICLES EN LANGUE CHINOISE xix Droit chinois des investissements directs
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V. Rapports et études
European Chamber of Commerce in China: European Business in China Position Paper 2015/2016, xxi Droit chinois des investissements directs étrangers European Business in China Position Paper 2016/2017, European Business in China Position Paper 2017/2018 Business Confidence Survey 2015 Business Confidence Survey 2016 Business Confidence Survey 2017 Nations-Unies: World investment report overview 2015 World investment report overview 2016 World investment report overview 2017
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2017
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Doing Business 2016. Doing Business 2017. Do
ing Business
2018. VII. Textes juridiques de la République populaire de Chine A. Conventions et traités internationaux
Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissant d'autres États, Washington, 18 mars 1956 Convention sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, New xxii Droit chinois des investissements directs étrangers York, 10 juin 1958 Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République Populaire de Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 30 mai1984 (abrogé) Accord entre le gouvernement de la République de Lituanie et le gouvernement de la République Populaire de Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 8 novembre 1993 Accord entre le gouvernement de la Barbade et le gouvernement de la République Populaire de Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 20 juillet 1998 Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République Populaire de Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 26 novembre 2007 B.
Lois principales
Loi sur les Entreprises mixtes à capitaux sino-étrangère (EJV) 中華人民共和國中外合資經營企業
法
Adopt
ée par la 2e session de la 5
e
Assemblée
nationale
populaire
, le 1er juillet 1979, en vigueur depuis le 8 juillet 1979. Amendée le 4 avril 1990 et le 15 mars 2001. Adoptée le 1er juillet 1979 par la 2e session Loi sur l'organisation des tribunaux de la 5e Assemblée nationale populaire, en populaires vigueur le 5 juillet 1979. Amendée le 2 中華人民共和國人民法院組織法 septembre 1983, le 2 décembre 1986 et le 30 octobre 2006. Adoptée par le comité permanent de Loi sur les contrats économiques l'Assemblée nationale populaire le 13 中華人民共和國經濟合同法 décembre 1981, ée le 2 septembre 1983, et abrogée le 1er octobre 1999. Constitution de la République Populaire de Adoptée Chine populaire, en vigueur au 4 décembre 1982. 中華人民共和國憲法 Amendée le 12 avril 1988, le 29 mars 1993, par l'Assemblée nationale xxiii Droit chinois des investissements directs étrangers le 15 mars 1985, le 14 mars 2004. Adoptée le 21 mars 1985 à la 6e session du Loi sur les contrats économiques avec comité permanent du 6e congrès de l'étranger l'Assemblé populaire nationale. En vigueur 中華人民共和國涉外經濟合同法 depuis le 1er juillet 1985, abrogé le 1er octobre 1999. Loi sur les entreprises à capitaux exclusivement étrangers (WFOE) 中華人民共和國外資企業法 Principes généraux du droit civil 中華人民共和國民法通則 Adoptée le 12 avril 1986 par la 4e session de la 6e Assemblée nationale populaire. Amender le 31 octobre 2000 et 3 septembre 2016, en vigueur depuis le 1er octobre 2016. Adoptée par la 4e session de la 6e Assemblée nationale populaire, le 17 avril 1986. Loi sur les entreprises coopératives à Adoptée par la 1re session de la 7e capitaux sino-étrangers (CJV) Assemblée nationale populaire, le 13 avril 中華人民共和國中外合作經營企業法 1988. Amendée le 31 octobre 2000. Adoptée le 9 avril 1991 lors de la 4e session Loi sur la procédure civile de la 7e Assemblée nationale populaire. 中華人民共和國民事訴訟法 Amendée le 28 octobre 2007 et le 31 août 2012. Loi sur la concurrence 中華人民共和國反不正當競爭法 Adoptée le 2 septembre 1993 par la 3e session de la 8e Assemblée nationale populaire, en vigueur le 1er décembre 1993. Adopté par la 5e réunion du comité Loi des sociétés 中華人民共和國公司法 permanent de la 8e Assemblée nationale populaire, le 29 décembre 1993. mendée le 27 octobre 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2006. Adoptée le 31 août 1994 lors de la 9e Loi sur l'arbitrage réunion du comité permanent de la 8e 中華人民共和國仲裁法 Assemblée nationale populaire, en vigueur depuis le 1er septembre 1995. Loi sur les juges xxiv Adoptée le 28 février 1995 lors de la 12e Droit chinois des investissements directs étrangers 中華人民共和國法官法 session de la 8e Assemblée nationale populaire, amendée le 30 juin 2001. Loi sur les entreprises individuelles 中華人民共和國個人獨資企業法 Loi sur la législation 中華人民共和國立法法 Adoptée le 30 août 1999 par la 11e Réunion du 9e Congrès national populaire, en vigueur depuis le 1er janvier 2000. Adoptée par la 3e session de la 9e Assemblée nationale populaire le 15 mars 2000, en vigueur le 1er juillet 2000. Adoptée à la 17e session du comité Loi sur le droit international privé permanent de la 11e Assemblée nationale 中華人民共和國涉外民事關係法律適用法 populaire, le 28 octobre 2010, en vigueur depuis le 1er avril 2011.
xxv Droit chinois des investissements directs étrangers TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 1 1) Présentation du contexte de la Chine contemporaine 1 2) Problématique 4 3) Intérêts et actualité de l'étude 6 4) Sources de difficultés du droit des investissements directs étrangers 17 5) Méthodologie
24 TITRE 1. Environnement du droit des investissements directs étrangers 27 CHAPITRE 1. Histoire du droit des investissements directs étrangers 30 Section 1. Embryon du droit des investissements directs étrangers sous la période précommuniste
30 I. Naissance du droit des investissements étrangers sous la période précommuniste 31 A. Perte de souveraineté du gouvernement au lendemain des Guerres de l'opium 31 B. II. Rétablissement des relations internationales sous la période de la République 33 Développement du droit des investissements étrangers de la période précommuniste 35 A. Un chemin tortueux, mais continu du droit des investissements étrangers 35 B. III. Un développement passif du régime des
investissements
é
trangers 40 Caractéristiques du droit des
investissements étrangers sous la période précommuniste 41 A. Octroi de multiples avantages aux investisseurs étrangers 42 B. Absence d'efficacité du système juridique des investissements étrangers 45 C. IV. Raisons du refus d'application des lois et traités par les ressortissants étrangers. 47 Enseignements du droit des investissements étrangers de la période précommuniste 50 A. Insuffisance de la transplantation pure et simple d'un droit étranger en Chine 51 B. Protection nécessaire des intérêts nationaux 52
Section 2. Renaissance du droit des investissements étrangers sous le communisme
54 I. Contradictions entre l'État de droit et l'économie planifiée 54 II. Création du droit des investissements étrangers sous la politique de réforme et d'ouverture 61 A. Une réforme fondée sur une logique de pragmatisme 62 1) 2) B. III. xx
vi Application des Théories
du
touch
er et du Chat
. 62 Exemple concret de l'approche pragmatique : Zones économiques spéciales
66 Raison d'être de la politique d'ouverture : attirer les capitaux étrangers 70 Caractéristiques du droit des investissements directs étrangers sous la Chine communiste 72 A. Un régime juridique à coloration de la politique d'économie planifiée 72 B. Absence d'harmonisation judique en raison de la procédure législative àdouble voie 73 C. Obligation pour les investissements étrangers de créer une « entreprises » 76 Droit chinois des investissements directs étrangers Section 3.
droit chinois de la mondialisation des
investissement
s
étrangers
79 I. Transition progressive vers une économie de marché socialiste 79 A. Nécessité énoncée par le Congrès du Parti communiste en 1993 80 B. Introduction de l'économie du marché socialiste inspirée des expériences soviétiques 81 C. II. Transition fondée sur la stabilité politique et la sauvegarde de l'ordre public 82 Une réforme constitutionnelle nécessaire pour adopter l'économie de marché socialste 82 A. Transformation nécessaire de la Constitution chinoise sous l'économie de marché 83 B. Respect des caractéristiques essentielles d'une économie Conséquences de la transformation du droit des investissements directs étrangers 91 Effets de la mondialisation sur la structure du droit économique chinois 93 A. Réception des règles du droit international avec l'adhésion à l'OMC 94 B. Mise en conformité du droit chinois avec les règles de l'OMC 96
CHAPITRE 2. Cadre institutionnel et juridique des investissements directs étrangers 102 Section 1. Organisation des pouvoirs et des autorités 102
I. Concentration des pouvoirs étatiques dans les mains du Parti communiste chinois 103 A. Supériorité du Parti communiste chinois sur l'État 103 1)
2)
B.
Exercice
du
pou
voir
par le Parti communiste chinois
106 Concentration des pouvoirs exacerbée par la délégation législative à l'exécutif 108
C. II. Rôle esssentiel du Parti communiste chinois au sein de l'État 103
Instrumentalisation du droit des investissements étrangers par l'État chinois 109 1) Rôle central de l'État dans le secteur des investissements directs étrangers 109 2) Un droit des investissements directs étrangers à coloration politique112 Une décentralisation nécessaire du pouvoir législatif aux gouvernements locaux 113 A. Décentralisation souhaitable du pouvoir législatif central 114 1) Une tendance progressive de décentralisation115 2) Caractéristiques du pouvoir législatif local délégué 116 3) B. Absence de contrôle de la délégation législative par l'Assemblée nationale populaire 118 Difficultés pratiques de l'exercice du pouvoir législatif des autorités locales 120 1) Indétermination des trois limites de la délégation législative 120 2) Deux lacunes principales dans l'organisation du pouvoir législatif local 121 3) Pratique des affaires face à l'incertitude du pouvoir législatif local 122 Section 2. Une hiérarchie des normes différente de la conception
juridique occidentale
126 I. Application de l'État de droit socialiste en Chine 128 A. Un établissement difficile 2) B. Du refus initial de l'État de droit à la naissance de la Chine communiste
130 Caractéristiques de la notion d'État de droit socialiste en Chine 134
1) 2) C. Introduction de la notion d'État de droit en Chine
128 Composants de l'État de droit socialiste en Chine 134 Application difficile de l'État de droit socialiste en Chine 137 Développement de l'État de droit chinois avec la mondialisation
139 xxvii Droit chinois des investissements directs étrangers II. 1) Influence des investissements directs étrangers sur l'État de droit chinois 139 2) Vers un État de droit plus rigoureux en Chine 140
Sources du droit dans le domaine des investissements directs étrangers
142 A. Théorie unitaire des sources de droit en Chine : une conception légicentrique 143
1) Protection constitutionnelle des investissements directs étrangers 145 2) Encadrement législatif des investissements directs étrangers 147 a. Présentation des lois spéciales régissant les investissements directs étrangers 147 b. 3) Conflits de lois entre le droit des investissements étrangers et le droit des sociétés 149 i. i. Application prioritaire théorique de la Loi des sociétés 150 ii. ii. Résolution des conflits de lois nationales 152 Mise en oeuvre des lois sur les investissements directs étrangers par les mesures de nature administrative 155 4) B. Adaptation du régime des investissements étrangers par les normes locales 157 Un pluralisme juridique inavoué : vestiges de la culture juridique chinoise 159 1) Éléments issus de l'ordre aristocratique : place secondaire du droit 160 2) Influences du légisme : importance du respect absolu de la loi du Prince 165 3) III. Éléments du droit chinois des affaires issues de la tradition juridique 166 a. Une société fondée sur la sauvegarde des guanxi (cercle relationnel) 166 b. Une justice fondée sur le compromis en société comme en affaires 170 Vers la reconnaissance du pouvoir normatif de la Cour populaire suprême 172 A. Présentation de l'organisation du pouvoir judiciaire 173 1) Indépendance de jure du pouvoir judiciaire 173 2) Indépendance personnelle des magistrats 175 3) Indépendance interne des magistrats 176 4) B. Absence d'indépendance vis-à-vis des autres entités 177 a. Indépendance vis-à-vis du Parti communiste chinois 177 b. Indépendance vis-à-vis des Assemblées populaires 179 Exercice du pouvoir normatif par l'établissement d'un gouvernement des juges 180 1) 2) C. Reconnaissance de l'équité en Chine contemporaine 181 Un gouvernement des juges nécessaire, mais inconstitutionnelle 183 Exercice du pouvoir normatif par l'application des « Décisions d'orientation » 184 1) Rôle des précédents dans la Chine prémoderne 184 2) Reconnaissance limitée de la jurisprudence en Chine contemporaine 185 3) Origines du système des Décisions d'orientation 187 4) Nécessité des Décisions d'orientation de la Cour populaire suprême 188 5) Application des Décisions d'orientation de la Cour populaire suprême 189 6) D. Application des Décisions d'orientation par les juges étatiques 191 Exercice du pouvoir normatif par l'adoption d'interprétations judiciaires de la Cour populaire suprême 193 1) xxviii Naissance du pouvoir normatif de la Cour populaire suprême 193 Droit chinois des investissements directs étrangers 2) Statut juridique du pouvoir normatif de la Cour populaire suprême198 3) Interprétations judiciaires dans le domaine des investissements étrangers 204 E. a. Types d'interprétations judiciaires de la Cour populaire suprême 204 b. Interprétations judiciaires applicables aux entreprises à participation étrangère 206 Deuxième conclusion. 209
TITRE 2. Déroulement de la vie des investissements directs étrangers 211 CHAPITRE 1. Établissement d'une entreprise à participation étrangère 212 Section 1. Cadre juridique des entreprises à participation ère 212 I. Présentation introductive 213 II. Régime général des investissements directs étrangers à coloration politique216 A. Catalogue d'orientation des investissements étrangers : symbole du pouvoir exécutif 218 1) Raison d'être du Catalogue d'orientation 218 2) Catégories du Catalogue d'orientation et leur contenu 224 3) B. Catégorisation du champ d'activités selon le Catalogue d'orientation 229 Autorités de contrôle et d'approbation des investissements directs étrangers 233 1) Procédure devant la Commission nationale du développement et de la réforme235 2) Procédure devant le Ministère du Commerce 241 3) Procédure de contrôle et d'enregistrement devant l'Administration étatique de l'industrie et du commerce 247 C. III.
Introduction
de l'obligation de divulgation automatique des
entreprises
249 1) Présentation de la réforme sur la procédure d'enregistrement 250 2) Champ d'applicabilité de la nouvelle procédure d'enregistrement251 3) Nouvelle procédure d'enregistrement des entreprises à participation étrangère252 4) Une réforme encourageante, mais insuffisante253 Trois formes d'investissement direct : l'EJV, la CJV et la WFOE 254 A. Caractéristiques communes des joint-ventures et WFOE 258 B. Les caractéristiques des trois véhicules principaux d'investissement direct étranger 263 1) Spécificités des EJV 263 2) Spécificités des CJV sans personnalité morale264 3) Différence du niveau flexibilité structurelle entre les EJV et les CJV 266 4)
C. IV. Caractéristiques des entreprises à participation exclusivement étrangère (WFOE)270 Détermination du pouvoir de contrôle d'une entreprise à participation étrangère 274 Récapitulatif des éléments essentiels des entreprises à participation étrangère 277 Section 2. Litiges principaux afférents aux entreprises à participation étrangère
280 I. Loi applicable aux litiges relatifs à une entreprise à participation étrangère 282 A. Une liberté de choix de loi encadrée par la loi 283 1) 2) B. II. Une autonomie
de principe pour les contrats présentant un élément d'extranéité 283 Application impérative du droit chinois aux entreprises à participation étrangère 285 Détermination de la loi applicable en l'absence de choix des parties288 Constitution de la joint-venture sino-étrangère en Chine 290 xxix
Dro
it chinois des investissements directs
é
trangers
A. Importance des accords, des contrats de joint-venture et des statuts 290
1) Rapport entre le créancier et la société en formation 290 2) Litiges portant sur l'échec de la constitution de la société 291
3) B. 1) Conditions portant
sur
le capital social et sa
libération
294
2) Litiges entre e un associé et la société concernant la libération du capital social 296 3) Litiges entre apporteurs lors du versement des apports en capital social 297 4) Problème d'apport insuffisant de la part de l'investisseur étranger 297 5) Difficultés liées aux apports de licence d'usage sans titre de propriété 298 6) Dissolution de l'EJV en cas d'impossibilité des fondateurs de libérer les apports 299 7)
C
.
III. Conflits entre l'accord de joint-venture, le contrat de joint-venture et les statuts 292
Difficultés portant sur libération du capital social 294 Sort des apports non constitutifs du capital social 300
Conditions relatives à l'enregistrement administratif. 301 1) Inter
diction
pour un national chinois
d
'être un associé 302 2) Concept de la levée du voile social de la société 303 3) Effets des contrats conclus durant la formation sans approbation administrative 306 Déroulement de la
vie
d'une entreprise à participation
étrangère
306
A
. Mode de fonctionnement
de l'entreprise
307
B
.
Difficultés liées l'exécution d'une convention prêt-nom 307 C. Gouvernance d'entreprise des entreprises à participation étrangère 314 1) 2)
D
.
IV. Difficultés pratiques spécifiques aux entreprises à participation étrangère 318
Litiges de cessions de parts sociales au sein d'une entreprise à participation étrangère 326 1) Accord préalable des autorités compétentes 326 2) Cession de parts sociale selon la Loi des sociétés 327 3) Cession de parts selon les Lois sur les entreprises à participation étrangère 332 La dissolution amiable ou contentieuse de l'investissement étranger 336 A. Dissolution demandée par un associé en cas de blocage de la société 338 B. Ouverture de la liquidation après le prononcé de la dissolution de la société 340 1) 2) C. Encadrement de la gouvernance d'entreprise par la Loi des sociétés 314 Procédure de liquidation selon les dispositions législatives et réglementaires 340 Difficultés principales des entreprises à participation étrangère en liquidation 341 Mise en oeuvre de la responsabilité personnelle des dirigeants par les créanciers 343
CHAPITRE 2. Recours multiples offerts aux investisseurs étrangers 346
Section 1. Recours nationaux : le contentieux civil 350 I. Cadre juridique des recours civils
351 A. B. Compétence juridictionnelle 353
Statut de l'investisseur
étranger
de
vant
la juridiction
civil
e 356 II. Procédure juridictionnelle civile 358 III. Exécution des jugements chinois 360 Section 2. Arbitrage commercial international dans le cadre des investissements étrangers 363
xxx Droit chinois des investissements directs étrangers I
. Un recours limité de l'arbitrage commercial international
365 A. Licéité du recours à l'arbitrage international
365 B. II. Internationalité du litige soumis à l'arbitrage international 367 Une compétence encadrée de l'arbitrage commercial international368 A. Régime juridique la convention d'arbitrage
368 1) Principe de l'autonomie de la
claus
e compromissoire 368 a. b. 2)
B
. Autonomie par rapport à la validité du contrat principale 369 Autonomie par rapport à la lex contractus du contrat principal 372 Conditions de validité d'une clause d'arbitrage 375
Un
champ
d'arbitr
abilité large des
litiges
d
'investissements
directs étrangers 377 1) Absence d'encadrement de la capacité de compromettre377 2) C. Un champ d'arbitrabilité objective large 379 Définition restrictive du consentement à l'arbitrage 382 1) Champ d'
application ratione
persona
e
limit
é
du consent
ement
à l'arbitrage 383 2)
Champ ratione materiae limité du consentement
à
l'arbitrage
389 a.
Matières couvertes par la clause compromissoire du contrat de joint-venture390
b. Li
tiges
de
joint-ventures
nés
des contrats multiples
392
Section 3. Arbitrage d'investissement 396 I. Un système de TBI chinois de plus en plus modernisé 397 A. Finalités des TBI selon les autorités chinoises398 1) Finalités théoriques des TBI voulues par le gouvernement chinois 398 2) B. Effets réels des TBI sur le flux des investissements étrangers 400 Évolution des TBI en
Chino
is
404
1) Du lancement du programme de TBI à la dernière génération de TBI 405
2)
C. II. Évolution des clauses principales des TBI signés avec la Chine
412 a. Champ
d
'application des T
BI
: notion d'investissement 413 b. Clause du traitement juste et
éq
uitable
415
c. Clause d'
interdiction
des mesures discriminatoires et arbitraires 417 Caractéristiques chinoises du modèle de TBI actuel 418 Mise en oeuvre du mécanisme Cirdi par la Chine 421 A. L'adhésion partielle de la Chine au Cirdi 422 B. Cas de litiges investisseur-État impliquant la Chine en tant qu'État d'accueil 423 C. Exécution des sentences Cirdi en selon le droit chinois 428
1) 2) Position imprécise du droit chinois portant sur l'exécution des sentences Cirdi 429 Carence du droit chinois portant sur certaines questions relatives à l'exécution des sentences Cirdi 433
POSTFACE
435 Aperçu du projet de loi du 19 janvier 2015 435 I. Phases de
d
éveloppement du droit des investissements direct
s
é
trangers 437 xxxi Droit chinois des investissements directs étrangers II. Modifications nécessaires du droit positif des investissements directs étrangers 439 III. Nouveaux apports du projet de Loi des investissements directs étrangers 441 A. Un droit des investissements directs étrangers unifié 442 B. Introduction officielle de la Liste négative nationale 445 C. Introduction du système déclaratif 450 D. Dispositions transitoires 451 IV. Insuffisances du projet de Loi sur les investissements directs étrangers 452 V. Avenir incertain du projet de loi 457.
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Brownian Geometry Armand Riera
To cite this version: Armand Riera. Brownian Geometry. Probability [math.PR]. Université Paris-Saclay, 2021. English. NNT : 2021UPASM023. tel-03352756 HAL Id: tel-03352756 https://theses.hal.science/tel-03352756 Submitted on 23 Sep 2021
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Géométrie brownienne Brownian geometry Thèse de doctorat de l'université Paris-Saclay
École doctorale de Mathématiques Hadamard (EDMH) n°574 Spécialité de doctorat:
Mathématiques
fondamentales
Unité de recherche : Université Paris-Saclay, CNRS, Laboratoire de mathématiques d’Orsay, 91405, Orsay, France Référent : Faculté des
sciences
d
’Orsay
Thèse présentée et soutenue à Paris-Saclay, le 07/07/2021, par Armand RIERA Jean BERTOIN Professeur, Université de Zurich Thomas DUQUESNE Professeur, Sorbonne Université Grégory MIERMONT Professeur, ENS Lyon Nicolas CURIEN Professeur, Université Paris-Saclay Bénédicte HAAS Professeur, Université Paris 13 NNT : 2021UPASM023
Thèse de doctorat
Composition du Jury Président Rapporteur & Examinateur Rapporteur & Examinateur Examinateur Examinatrice Direction de la thèse Jean-François LE GALL Professeur, Université Paris-Saclay Directeur de thèse 2 3
Quel est l’objectif de cette thèse? Cette thèse s’inscrit dans l’étude de la sphère brownienne en utilisant le mouvement brownien indexé par l ’arbre brownien. Certaines variantes de la sphère brownienne sont apparues dans les dernières années, comme le plan brownien – qui est une version infinie de la sphère brownienne – et le disque brownien – qui apparaît comme limite d’échelle des quadrangulations avec frontière. Par analogie avec le mouvement brownien, nous parlerons de géométrie brownienne. L’objectif de cette thèse est de combiner différentes approches de cette théorie afin de développer une étude systématique de propriétés métriques de ces modèles telles que des propriétés de Markov spatiales, des formules explicites concernant des objets géométriques ou des propriétés isopérimétriques. REMERCIEMENTS Je me permets pour une fois de suivre ma nature; j’espère que le ̈a lecteur ̈rice pourra pardonner le côté baroque de ces remerciements. J’aimerais commencer par adresser ma plus profonde gratitude à Jean-François Le Gall pour la richesse des projets qu’il m’a proposé, la subtilité et le raffinement de tous ses raisonnements, sa générosité, sa patience et la profondeur abyssale et légère de tout ce qu’il fait. Je veux aussi le remercier pour toute la liberté qu’il m’a accordée tout en agissant en main invisible. En travaillant avec lui, j’ai compris que les mathématiques ne finissent pas quand elles sont dites, mais que c’est à ce moment-là qu’elles commencent. Il a été un directeur de thèse formidable, et après ces années je peux dire que le chercheur n’est dépassé que par la personne. Je suis aussi très reconnaissant envers Nicolas Curien. Son énergie et enthousiasme sont un pilier pour toute l’équipe de probabilités et statistiques d’Orsay et, grâce à lui, je commence à comprendre l’art de concevoir et de présenter les choses dans leur simplicité et l’effort merveilleux que cela demande. Après tout ce temps à Orsay, j’ignore encore combien de coups d’avance il anticipe. C’est un grand honneur pour moi d’avoir Thomas Duquesne et Grégory Miermont comme rapporteurs. Thomas fut le premier à m’enseigner la théorie de la mesure et les probabilités à l’ENS. Sans lui, l’aventure aurait sans doute été bien différente et je le remercie pour son passionnant cours ainsi que pour son travail avec Jean-François [50] qui ne me quitte jamais. Je suis aussi très heureux d’avoir Grégory parmi mes rapporteurs; lors de nos conversations j’ai toujours été impressionné par sa bienveillance et sa capacité ineffable à extraire la substantifique moelle de toutes les choses. Ses tournures artistiques m’ont aussi beaucoup frappé. Je remercie chaleureusement Jean Bertoin et Bénédicte Haas d’avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse, et de m’avoir invité dans le passé à donner un exposé au sein de leurs universités respectives. Cela constitue pour moi un énorme privilège puisque leurs travaux et personnes m’impressionnent. Je remercie doublement Jean de m’avoir donné l’opportunité de rejoindre son équipe en septembre. J’espère pouvoir travailler (et continuer à travailler) avec vous tous dans un futur proche. Je veux aussi profiter de cette occasion pour remercier les différentes institutions qui ont rendu cette thèse possible : la classe préparatoire au lycée Louis Le Grand, l’ENS Paris et tout particulièrement l’Université Paris-Saclay ainsi que tous ceux qui y travaillent avec une pensée spéciale pour Mathilde Rousseau dont l’efficacité nous impressionne tous. Je remercie aussi mes professeurs de mathématiques de première et terminale au lycée français de Barcelone : 5 6 Jean-François Sax et Esther Cohen-Bacri. Ils ont su m’insuffler l’existence et même le goût des mathématiques. Pendant ma thèse j’ai aussi eu le plaisir d’enseigner à mon tour probabilités et les statistiques à Paris-Saclay : cette expérience fut infiniment plus riche qu’attendu et j’espère pouvoir la revivre. Je voudrais également exprimer ma gratitude envers l’équipe de probabilités et statistiques d’Orsay pour m’avoir accueilli pendant ces années et pour l’ambiance légère et humaine qu’ils ont su faire régner : merci en particulier à Camille, Edouard, Elisabeth, Jérôme, Olivier, Sylvain et Vincent. J’ai aussi bénéficié de longues conversations de couloirs, de café, de RER avec les doctorants de Paris-Saclay. Je tiens aussi à remercier à tous les collègues avec qui j’ai pu avoir des discussions mathématiques pendant ces années de thèse, dont Raphaël Berthier, Pierre-Louis Blayac, Thomas Budzinski, Alice Contat, Jean Douçot, Hédi Hadiji, Thomas Lehéricy et Cyril Marzouk. Toutes ces années à Paris se sont remplies d’amitiés durables. Je serai toujours reconnaissant d’avoir pu compter sur Adrian, Aina, Clément, Elia, Etienne, François-Pierre, Gabriel, Guillaume, Hugo, Léa, Louise, Lucile, Margaux, Marie, Marion, Martha, Martin, Perrine, Théo, Thibaut et tout particulièrement sur Alice V. pour son lyrisme et intelligence. Merci Ulysse d’avoir été un ami indéfectible dont la conversation stimulante me remplit toujours de joie. Je remercie aussi Daniel et Vivianne pour toute leur aide et bienveillance. Cette thèse est elle-même et ses circonstances. Chaque espace blanc doit donc être considéré comme un hommage non dit mais sans lequel ce travail n’aurait jamais pris forme et reposerait dans le vide. Je voudrais simplement finir par remercier ma famille et Lisa pour tout leur soutien et pour élargir toujours la vie elle-même ; j’espère que nous continuerons à rire et à danser porque juntos somos una canción simple. 5.2 Preliminaries..................... 5.3 Distributional relations between coding processes. 5.4 From coding triples to random metric spaces... 5.5 Applications...................... 5.6 Consistency with previous definitions........ 6 Isoperimetric inequalities in the 6.1 Introduction........... 6.2 Preliminaries.......... 6.3 Separating cycles........ 6.4 Isoperimetric inequalities... Brownian plane............................................ random geometry........................................................................ 105. 106. 110. 120. 133. 152. 165. 173. 174. 177. 190. 211 III Calculs explicites concernant des longueurs de bords et des volumes en géométrie brownienne 223
7 Explicit distributions for Brownian motion indexed by the Brownian tree
7.1 Introduction...................................... 7.2 Preliminaries..................................... 7.3 The local time at 0.................................. 7.4 The joint distribution of the local time and the time spent above and below 0. 7.5 Conditional distributions of the local time at 0.................. 8 The 8.1 8.2 8.3 8.4 free Brownian disk with two distinguished boundary points Introduction................................ Preliminaries............................... Voronoï cells............................... The distribution of hulls......................... Bibliography. 225. 225. 228. 231. 237. 241. 249. 250. 254. 265. 277 299
PARTIE I INTRODUCTION
Cette introduction sera articulée en trois chapitres. Dans le chapitre 1, nous présenterons le contexte des cartes aléatoires ainsi que la célèbre bijection de Cori-Vauquelin-Schaeffer afin de définir l’objet central de la géométrie brownienne: la sphère brownienne. Les chapitres 2 et 3 regrouperont nos contributions principales à cette théorie. Nous insisterons principalement sur les techniques et idées développées et renverrons le ̈a lecteur ̈rice intéressé ̈e aux parties ultérieures pour plus de détails. Mentionnons aussi qu’afin de preserver la cohérence de l’introduction, certaines notations utilisées dans cette partie diffèreront des notations des articles associés. Le chapitre 2 sera centré sur nos travaux [77, 79, 93] ; ils représentent le cœur de cette thèse et rassemblent nos résultats liés à des propriétés de Markov spatiales en géométrie brownienne. Finalement le chapitre 3 sera centré sur des formules explicites concernant des quantités géométriques telles que les longueurs de bords ou les volumes en géométrie brownienne. Dans cette partie, nous présenterons notre travail [78] ainsi qu’un chapitre correspondant à un projet en cours, contenant d’autres résultats pouvant être obtenus en utilisant les techniques développ ées dans nos précédents travaux. 9
Chapitre 1 Cartes planaires aléatoires et sphère brownienne
Nous introduirons ici les cartes planaires et présenterons la construction de la sphère brownienne, à l’aide du mouvement brownien indexé par l’arbre brownien en imitant la bijection CVS. Nous rappelerons également certaines propriétés géométriques de la sphère brownienne.
1.1 Cartes planaires
Commençons par rappeler qu’un graphe G est la donnée d’un ensemble de sommets VpGq et d’un ensemble d’arêtes EpGq; chaque arête ayant comme extrémités des points de VpGq. Un graphe est dit planaire s’il existe un plongement propre de celui-ci dans la sphère 2-dimensionelle S2. Ici par plongement propre d’un graphe G on comprend tout plongement de ses sommets VpGq et de ses arêtes EpGq dans S2 tel que les arêtes ne se croisent pas sauf éventuellement en leurs extrémités. En reprenant une formulation de Gilles Schaeffer, le plongement d’un graphe planaire se "contente d’exister" et, de manière générale, un graphe planaire a plusieurs plongements dans la sphère. Ce fait rend l’étude des graphes planaires compliquée lorsque l’on s’intéresse à leurs propriétés géométriques. Introduisons maintenant les cartes planaires: Definition 1. Une carte planaire est la donnée d’un graphe planaire connexe fini enraciné et d’un plongement propre de ce graphe dans la sphère S2 – ce dernier considéré à homéomorphisme de la sphère conservant l’orientation près. Le terme enraciné signifie simplement que nous avons distingué une arête orientée. Le sommet duquel part cette arête orientée est appelé sommet racine de la carte. Il peut être interprété comme un point depuis lequel on observe la carte en question. L’avantage d’utiliser les cartes planaires réside dans le fait que le plongement dans la sphère devient fixe, rendant ces objets plus robustes géométriquement que les graphes planaires. De manière générale nous utiliserons la notation m pour nous référer à une carte planaire. Nous noterons respectivement Vpmq et Epmq l’ensemble des sommets et d’arêtes de m. Nous pouvons maintenant aussi définir Fpmq, l’ensemble
11 12
CHAPITRE 1. CARTES PLANAIRES ALÉATOIRES ET SPHÈRE BROWNIENNE
des faces de m, comme étant l’ensemble des composantes connexes de S2 après avoir retiré les sommets et arêtes de m. Le degré d’une face est alors défini comme le nombre de demi-arêtes adjacentes à celle-ci. Il est également possible d’interpréter ce nombre comme le périmètre de la face en question. Nous distinguons la face à gauche de l’arête orientée; cette face est appelée la face racine. Un bon exemple de la robustesse des cartes planaires citée précédemment est la célèbre formule d’Euler qui permet de relier le cardinal des ensembles Vpmq, Epmq et Fpmq par la relation: #Vpmq ́ #Epmq ` #Fpmq “ 2. (1.1) De manière peut-être plus imagée, une carte aléatoire peut aussi être définie comme un ensemble fini de polygones recollés le long de leurs arêtes de manière à obtenir topologiquement une sphère (l’un des polygones ayant une arête orientée distinguée). Cette deuxième définition a l’avantage de mettre en évidence le fait que l’ensemble des cartes planaires à n face est un ensemble fini. Grâce à cette remarque, on voit que les cartes planaires sont des objets adaptés aux probabilités discrètes. Figure 1.1 – Ces deux objets encodent le même graphe planaire mais sont différents en tant que cartes planaires. La figure de gauche est une quadrangulation.
Modèle de
cartes
planaires
Un modèle de cartes planaires est un sous-ensemble des cartes planaires vérifiant certaines contraintes combinatoires ou géométriques. On dira par exemple qu’une carte planaire est une p-angulation si toutes ses faces sont de degré p. Pour p “ 3 et p “ 4 on parlera respectivement de triangulations et de quadrangulations, voir figure 1.1 pour un exemple de quadrangulations. Remarquons que si m est une p-angulation alors on a #Epmq “ p{2 ̈ #Fpmq puisque chaque arête est à l’interface de deux faces. Par conséquent, la formule d’Euler (1.1) nous permet aussi d’obtenir Vpmq “ pp{2 ́ 1q#Fpmq ` 2. De manière plus conceptuelle et dans le cas des p-angulations, les trois paramètres donnant une notion naturelle de taille #Vpmq, #Epmq et #Fpmq n’ont qu’un seul degré de liberté. Ce petit fait est fondamental lorsque l’on parle d’une grande p-angulation. Les 1.1.
CARTES PLANAIRES
13 quadrangulations sont parmi les modèles les plus populaires et étudiés, du fait notamment de la bijection de Tutte, qui relie de manière bijective les cartes planaires aux quadrangulations comme suit: Bijection de Tutte. Soit m une carte planaire. Dans chaque face f de m, on rajoute un sommet que l’on relie par une arête à chaque coin de f de telle manière que les arêtes ne se croisent pas. Puis en effaçant les arêtes de m on obtient une quadrangulation (on distingue l’arête orientée partant du sommet racine et pointant vers le sommet rajouté dans la face racine de m). Le nombre de faces de la quadrangulation obtenue est
Epmq. De nombreuses propriétés des cartes générales peuvent alors être étudiées par l’intermédiaire des quadrangulations. Une autre bonne raison de considérer des quadrangulations est que ces objets peuvent être comptés très précisément. Notons Qn l’ensemble des quadrangulations à n faces. On a: ˆ ̇ 2n 2 n 1. (1.2)
3
#
Qn
“ n`2 n`1 n Nous renvoyons au census de Tutte [97] où l’on retrouve cette formule et bien d’autre résultats d’énumération de cartes. Pourquoi étudier des cartes planaires aléatoires? Les cartes planaires comme modèles de géométrie aléatoire
Les cartes planaires sont des objets apparaissant dans une multiplicité de problématiques différentes. Une des motivations pour les étudier est, d’une part, que l’espace de toutes les cartes planaires est un espace dénombrable et donc sur lequel il est simple de définir des mesures de probabilité et, d’autre part, que les cartes planaires peuvent être interprétées comme des espaces métriques compacts. Expliquons ce deuxième point plus précisément. Soit m une carte, alors pour chaque couple de points pu, vq P Vpmq2, on peut définir sa distance de graphe dm pu, vq comme le nombre minimal d’arêtes à emprunter pour aller de u à v. L’espace pVpmq, dm q est un espace métrique compact et pour simplifier nous utiliserons parfois la notation pm, dm q pour celui-ci. Les cartes planaires sont donc des modèles discrets de géométrie planaire nous permettant désormais de considérer des modèles de géométrie aléatoire. Une manière naturelle de faire cela est de fixer un modèle M de cartes puis, pour tout entier n ě 1, de définir une carte uniforme mn dans l’ensemble des cartes à n faces dans M (pourvu que cet ensemble soit fini et non vide). Les physiciens considèrent de tels modèles comme des modèles discrets de gravité quantique en dimension 2 et comme un moyen de donner sens à un analogue des intégrales de chemin de Feynman portant sur des surfaces (au lieu de l’intégrale de chemin plus "classique" portant sur des trajectoires). La sphère brownienne Un des aspects les plus remarquables de la théorie des cartes aléatoires est le fait que pour une grande variété de modèles, la suite mn admet une limite d’échelle universelle appelée la sphère
14 CHAPITRE 1. CARTES PLANAIRES ALÉATOIRES ET SPHÈRE BROWNIENNE
brownienne, un espace continu ayant la topologie de la sphère et qui peut être construit en utilisant le mouvement brownien indexé par l’arbre brownien. Nous expliquerons plus précisément ce que nous entendons par limite d’échelle (voir paragraphes 1.2 et 1.3). Mais de manière informelle le ̈a lecteur ̈rice pourra rapprocher naturellement ce résultat de la convergence des marches aléatoires sur Z (avec variance finie) vers le mouvement brownien. Parmi les modèles admettant la sphère brownienne comme limite d’échelle se trouvent les cartes uniformes, les triangulations et toutes p-angulations. Ce résultat constitue l’un des principaux accomplissements de la théorie et fut obtenu par Jean-François Le Gall [67] dans le cas des triangulations et des p-angulations pour p pair et de manière indépendante par Grégory Miermont [85] dans le cas des quadrangulations. Le cas des cartes uniformes sera traité postérieurement dans [21] et la convergence vers la carte brownienne des p-angulations pour p impair a été établi très récemment dans [6] par Louigi Addario-Berry et Marie Albenque. En fait, pourvu que le modèle considéré ne fasse pas intervenir de grandes faces, la sphère brownienne devrait apparaître comme limite d’échelle. Ceci peut être rendu rigoureux pour un grand nombre de modèles (voir [1, 4, 67, 82, 85] pour plus de détails). Par contre, dans le cas où le modèle présenterait de grandes faces nous sortirions du domaine d’universalité de la sphère brownienne. Nous renvoyons à [75] pour le cas "stable" qui reste encore très mystérieux. Les preuves de Jean-François Le Gall et de Grégory Miermont reposent toutes deux sur des bijections entre des cartes et des arbres planaires étiquetés. Cette étude permet de construire la sphère brownienne grâce au mouvement brownien indexé par l’arbre brownien.
Gravité quantique de Liouville
Il existe aussi une approche directement dans le continu pour aborder la sphère brownienne en utilisant le champ libre gaussien. Cette construction conçoit la sphère brownienne comme un objet muni d’une structure conforme, appartenant à la gravité quantique de Liouville. La gravité quantique de Liouville est une famille à un paramètre γ P p0, 2q, et la sphère brownienne est a apparentée avec le paramètre special γ “ 8{3, ce dernier étant associé au modèle de gravité dit pure. Elle fut définie en toute rigueur par François David, Anti Kupiainen, Rémi Rhodes et Vincent Vargas [44]. Associer une métrique à cette structure conforme a constitué l’un des grands problèmes de la théorie et a été résolu récemment dans [47, 48, 54, 57] en utilisant une procédure a de régularisation. Malgré cela, le fait que la gravité quantique de Liouville pour γ “ 8{3 et la sphère brownienne soient bien le même objet est un résultat extrêmement délicat et profond. Jason Miller et Scott Sheffield ont fait le rapprochement de ces deux constructions dans une série d’articles [86, 87, 88, 89] mais ce lien demeure assez mal compris. L’approche de Jason Miller et de Scott Sheffield est de parvenir à encoder les boules métriques à l’aide d’une exploration markovienne du GFF: la Quantum Loewner evolution ou QLE. Le QLE commençant en un point z du plan complexe peut être approché par un processus SLE6 commençant en z qu’on laisse a évoluer une courte durée de temps δ (encodé par la 8{3–gravité quantique de Liouville) puis en réechantillonnant le point de départ du SLE6 au hasard sur la zone découverte. Le QLE apparaît alors lorsque l’on considère la limite δ Ñ 0. Le lien entre cette métrique et celle obtenu par des 1.1. CARTES PLANAIRES 15 procedures de régularisation est rendu possible par une caractérisation axiomatique de ces deux distances établit dans [54]. Dans la suite de ce chapitre, nous décrirons le lien entre les quadrangulations et les arbres étiquetés. Nous définirons ensuite l’analogue continu des arbres étiquetés : le mouvement brownien indexé par l’arbre brownien. Nous donnerons aussi la construction de la sphère brownienne à partir de cet objet. Une fois ce contexte établi nous présenterons, dans les deux chapitres suivants, nos contributions à cette théorie.
Bijection de Cori-Vauquelin-Schaeffer
`
2n
̆
1
Les nombres de Catalan n`1 de manière naturelle dans de nombreux problèmes n ` apparaissent ̆ 2n 1 de comptage; en particulier n`1 n désigne le nombre d’arbres planaires à n arêtes. De ce fait, la formule (1.2) suggère qu’il existe une liaison dangereuse entre quadrangulations et arbres planaires. Trouver une telle relation a été le sujet d’une grande activité de recherche, en particulier puisque les arbres planaires sont beaucoup plus simples à étudier. Robert Cori et Bernard Vauquelin donneront la première interprétation dans ce sens en montrant que les quadrangulations peuvent être encodées par une classe d’arbres planaires étiquetés (voir [37]). Gilles Schaeffer popularisera et approfondira ces bijections en donnant surtout une interprétation métrique des étiquettes [94]. Le but de cette section est de présenter la bijection de Cori-Vauquelin-Schaeffer ou bijection CVS. Un arbre planaire est une carte planaire à une seule face ou, de manière équivalente, sans cycles. Nous enrichissons cette structure avec des étiquettes et appelons coin d’un arbre n’importe quel secteur angulaire entre deux arêtes adjacentes. Un étiquetage d’un arbre planaire T est une fonction ` : VpT q ÞÑ Z. Nous dirons qu’un arbre planaire étiqueté pT, `q est bien étiqueté si la fonction ` vérifie les propriétés suivantes: ‚ L’étiquette de la racine est 0 ; ‚ Pour tout u, v P T voisins, on a `puq ́ `pvq P t ́1, 0, 1u. Fixons T “ pT, `q, un arbre bien étiqueté et un entier ε P t ́1, 1u. Nous pouvons alors construire une carte planaire SpT, εq de la manière suivante. Commençons par introduire un nouveau sommet v ̊ ne touchant pas T. Ensuite, pour chaque coin c avec étiquette i, dessinons une arête reliant ce coin avec le premier coin d’étiquette i ́ 1 rencontré en suivant le contour de T (dans le sens des aiguilles d’une montre) à partir du coin c. S’il n’y a pas de tel coin, relions c avec v ̊. Ces nouvelles arêtes peuvent être dessinées sans croisement. Nous distinguons alors l’arête tracée à partir du coin gauche de l’arête racine de T : si ε “ 1, nous l’orientons vers la racine de T, et si ε “ ́1, nous l’orientons dans le sens inverse. En effaçant les arêtes de l’arbre T nous obtenons
16
CHAPITRE 1. CARTES PLANAIRES ALÉATOIRES ET SPHÈRE BROWNIENNE
alors une quadrangulation à #VpT q ` 1 sommets avec un point marqué v ̊. De plus, les étiquettes sur les sommets encodent les distances vers v ̊ dans la quadrangulation SpT, εq i.e. on a: dgr pv, v ̊ q “ `pvq ́ min ` ` 1, (1.3) pour tout sommet v de T. −2 −1 −1 0 0 −1 0 0 −1 1 1 1 0 1 1 1 0 1 1 0 0
Figure 1.2 – Illustration de la bijection CVS. Ici on a ε “ 1
L’application S définit une bijection entre les paires consistant en un arbre planaire bien étiqueté et un entier dans t ́1, 1u, et les quadrangulations avec un point marqué. En particulier, nous pouvons obtenir une quadrangulation aléatoire uniforme avec n ` 1 sommets en considérant une variable uniforme ε dans t ́1, 1u, un arbre planaire uniforme à n sommets, puis en tirant une variable uniforme dans l’ensemble t ́1, 0, 1u sur chaque arête de l’arbre. L’étiquette d’un sommet est alors la somme des étiquettes des arêtes sur la branche allant de la racine au sommet en question. Le ̈a lecteur ̈rice peut alors retrouver la formule 1.2.
Autres bijections
Depuis les travaux de Robert Cori, Bernard Vauquelin et Schaeffer, d’autres bijections ont été trouvées entre des modèles de cartes et des modèles d’arbres étiquetés. Citons quelques-unes des plus importantes. Jérémie Bouttier, Philippe Di Francesco et Emmanuel Guitter ont établi dans [26] une bijection de même nature pour toutes les cartes planaires sans restrictions. Cette bijection met en jeu des arbres avec quatre types de sommets mais elle prend une forme plus simple lorsque toutes les faces sont de degré pair. Grégory Miermont a établi une autre bijection entre les quadrangulations avec k points distingués et retards et les cartes planaires étiquetées à k faces [84]. Dans cette bijection les étiquettes permettent d’encoder des "cellules de Voronoï" par rapport aux k points distingués. Mentionnons finalement que Guillaume Chapuy, Michel Marcus et Gilles Schaeffer ont élargi la bijection CVS pour des topologies de genre supérieur [34]. 1.2. LE MOUVEMENT BROWNIEN INDEXÉ PAR L’ARBRE BROWNIEN 1.2 17 Le mouvement brownien indexé par l’arbre brownien
Introduisons désormais l’analogue continu des arbres bien étiquetés. Dans ce travail nous considérerons des limites d’échelle d’espaces métriques compacts avec un point distingué. Pour ce faire il est nécessaire d’introduire une bonne notion de distance entre de tels espaces. Nous utiliserons ici la distance de Gromov-Hausdorff.
Distance de Gromov-Hausdorff
Un espace métrique compact pointé pE, d, xq est la donnée d’un espace métrique compact pE, dq et d’un point x sur E. Le point distingué x est aussi interprété comme la racine de E. On appelle isométrie entre deux espaces métriques compacts pointés pE, d, xq et pE 1, d1, x1 q toute isométrie φ : pE, dq ÞÑ pE 1, d1 q vérifiant φpxq “ x1, et on note K l’ensemble des espaces métriques compacts pointés à isométrie près. Afin de munir l’ensemble K d’une structure d’espace métrique nous introduisons maintenant la distance de Gromov-Hausdorff. Commençons par considérer pF, dq, un espace métrique, et E, E 1 deux sous-ensembles compacts de F. La distance de Hausdorff entre E et E 1 est la quantité: dFH pE, E 1 q :“ inftε ą 0 : E Ă E 1,ε et E 1 Ă E ε u, où pour un sous-ensemble A de F, nous notons Aε le ε-voisinage de A dans F. Nous pouvons désormais définir la distance de Gromov-Hausdorff comme suit: Definition 2. Soient E :“ pE, d, xq et E1 “ pE 1, d1, x1 q deux espaces métrique s compacts pointés. La distance de Gromov-Hausdorff entre E et E1 est la quantité: ́ ` ̆ ` ̆ ̄ dGH E, E1 :“ inf dFH pφpEq, φ1 pE 1 qq _ δ φpxq, φ1 px1 q, où l’infimum est pris sur l’ensemble des espaces métriques pF, δq et des plongements isométriques φ : E Ñ F et φ1 : E 1 Ñ F. ` ̆ Une des propriétés intéressantes de la distance de Gromov-Hausdorff est qu’on a dGH E, E1 “ 0 si et seulement si il existe une isométrie entre E et E1. L’espace pK, dGH q est donc un espace métrique et il peut être démontré qu’il est même polonais. C’est donc un bon espace sur lequel définir des variables aléatoires. Nous avons aussi besoin d’élargir la distance de Gromov-Hausdorff au cas non-compact et pour cela nous restreignons notre attention aux espaces géodésiques localement compacts et complets. Pour fixer les notations, posons K8 l’ensemble des espaces géodésiques localement compacts, complets et pointés à isométrie près. Pour tout r ą 0 et E :“ pE, d, xq élément de K8, notons Br pEq :“ ty P E : dpx, yq ď ru. Munissons l’ensemble Br pEq de la restriction de la distance d et pointons-le en x. Comme E est localement compact et complet, l’ensemble Br pEq est un ensemble compact et Br pEq est donc un élément de K. Nous pouvons maintenant équiper K8 de la distance: 8 ÿ ` ̆ ` ̆ 1 dloc E, E “ 2 ́n ^ dGH Bn pEq, Bn pE1 q. GH n“1 18
CHAPITRE 1. CARTES PLANAIRES ALÉATOIRES ET SPHÈRE BROWNIENNE Le mouvement brownien indexé par l’arbre brownien
Introduisons maintenant formellement l’analogue continu des arbres bien étiquetés: le mouvement brownien indexé par l’arbre brownien. Commençons par la structure d’arbre. Soit Tn une variable aléatoire uniforme dans l’ensemble des arbres planaires à n sommets. Notons respectivement ρn et dTn sa racine et sa distance de graphe. L’espace pTn, dTn, ρn q peut alors être conçu comme? un élément de K. La distance typique entre deux points de Tn est d’ordre n et de manière 1 suprenante l’espace pTn, n ́ 2 ̈ dTn, ρn q converge en distribution vers un objet continu nommé arbre brownien. L’arbre brownien est aussi connu sous le nom d’arbre d’Aldous, du nom de David Aldous qui l’introduisit et l’étudia [8, 9]. Donnons une construction de cet objet à l’aide de l’excursion brownienne. Soit e une excursion brownienne de durée de vie 1. Nous pouvons alors utiliser l’excursion brownienne pour introduire la pseudo-distance: de ps, tq “ es ` et ́ 2 min e. rs^t,s_ts
Figure 1.3 – La figure de gauche est une approximation d’une excursion brownienne obtenue en utilisant une marche aléatoire. La figure de droite représente l’approximation de l’arbre brownien en utilisant l’excursion de gauche. En notant s „de t lorsque de ps, tq “ 0, on obtient une relation d’équivalence sur r0, 1s. De manière imagée, deux points s et t sont équivalents pour „de si es “ et et si le segment connectant ps, es q et pt, et q est entièrement sous le graphe de e (sauf évidemment à ses extrémités). Pour simplifier les notations, nous notons 0 la classe d’équivalence de 0 P R. L’espace pr0, 1s{ „de, de, 0q est l’arbre brownien; il jouera le rôle d’analogue continu de la structure d’arbre apparaissant dans la bijection CVS. L’arbre brownien peut-être obtenu comme limite d’arbre uniforme, mais aussi comme limite d’arbre de Galton-Watson plus génériques. Ces convergences peuvent être étudier à l’aide de 1.2.
LE MOUVEMENT BROWNIEN INDEXÉ PAR L’ARBRE BROWNIEN 19
certaines propriétés de branchement Markovienne [58]. Intéressons-nous maintenant aux étiquettes. Dans le monde discret, les étiquettes le long d’une branche décrivent une marche aléatoire à incréments uniformes dans t ́1, 0, 1u. De plus lorsqu’une branche fourche pour donner deux branches, la marche aléatoire se divise en deux marches indépendantes. Dans le monde continu on peut imiter cette dynamique en remplaçant les marches aléatoires par des mouvements browniens. Une manière de le faire est de remarquer que la fonction ps, tq ÞÑ min e est symétrique et rs^t,s_ts définie positive. On peut alors introduire pΛs qsPr0,1s un processus gaussien vérifiant Λ0 “ 0 et avec fonction de covariance ps, tq ÞÑ min e. La construction même de ce processus entraîne rs^t,s_ts que si s „de t alors Λs “ Λt, ce qui permet de factoriser le processus Λ par rapport à la relation d’équivalence „de. Nous obtenons ainsi un analogue continu des étiquettes. Cet objet est aussi connu sous le nom de mouvement brownien indexé par l’arbre brownien. Mentionnons qu’il est aussi possible de définir cet objet continu à l’aide d’un processus Markovien nommé le serpent brownien. Nous n’aurons pas besoin du serpent brownien dans cette introduction pour présenter nos résultats et nous ne l’introduisons pas ici pour ne pas alourdir la présentation. Mais il jouera un rôle fondamental dans les preuves de nos résultats. Au début de chaque article nous donnerons les préliminaires du serpent brownien nécessaires pour l’article en question. Pour le ̈a lecteur ̈rice intéressé ̈e nous renvoyons à [50, 65] pour plus d’informations concernant le serpent brownien.
Figure 1.4 – Approximation du mouvement brownien indexé par l’arbre brownien (ici nous utilisons l’arbre de la figure 1.3). Les couleurs représentent les étiquettes: les couleurs jaune et verte correspondent à des étiquettes négatives alors que les couleurs bleue et violette correspondent à des étiquettes positives. La couleur rouge correspond aux valeurs extrêmes. 20
1.3 CHAPITRE 1. CARTES PLANAIRES ALÉATOIRES ET SPHÈRE BROWNIENNE Construction de la sphère brownienne
Nous allons construire la sphère brownienne à l’aide du mouvement brownien indexé par l’arbre brownien. Pour cela nous utilisons les mêmes notations que dans la section précédente. Pour tout s, t P r0, 1s, introduisons la quantité: ` ̆ D ̋ ps, tq :“ Λs ` Λt ́ 2 max min Λ, min Λ (1.4) rs,ts rt,ss où l’on note ru, vs “ r0, vs Y ru, 1s si v ď u. Définissons ensuite pour tout s, t P r0, 1s: D ̊ ps, tq :“ inf s“s1,t1...,sn,tn “t n ÿ D ̋ psi, ti q (1.5) i“1 où l’infimum porte sur tous les entiers n ě 1 et sur toutes les suites s1,., sn telles que ps1, tn q “ ps, tq et ti „de si`1 pour tout 1 ď i ď n ́ 1. La fonction D ̊ est une pseudo-distance sur r0, 1s et, comme dans le cas de l’arbre brownien, nous pouvons introduire la relation d’équivalence „D ̊ en notant s „D ̊ t si et seulement si D ̊ ps, tq “ 0. En particulier, il est important de remarquer que si s „de t alors nous avons aussi s „D ̊ t. Il peut d’ailleurs être montré en utilisant (1.5) que D ̊ se factorise à travers la relation d’équivalence „de et nous pouvons donc directement interpréter D ̊ comme une pseudo-distance sur l’arbre brownien. C’est cette interprétation sur l’arbre brownien qui est souvent présentée. Il peut être montré qu’il existe un unique t ̊, tel que Λt ̊ “ minr0,1s Λ, voir [76]. Nous notons ρ ̊ la classe d’équivalence pour „D ̊ de t ̊. L’espace pr0, 1s{ „D ̊, D ̊, ρ ̊ q est connu sous le nom de sphère brownienne. Il est aussi courant de pointer la sphère brownienne sur la classe d’équivalence de 0, mais ces deux constructions sont équivalentes. Nous verrons plus tard pourquoi nous préférons faire ce choix de racine. Comme expliqué précédemment, Jean-François Le Gall et Grégory Miermont ont montré indépendamment que la sphère brownienne apparaît comme limite d’échelle de modèles de cartes. Quelques propriétés géométriques
La sphère brownienne peut donc être définie comme le segment r0, 1s quotienté par une relation d’équivalence (fermée). Comprendre la topologie de la sphère brownienne revient alors, par des arguments de compacité, à caractériser les points d’annulation de D ̊. Obtenir une telle caractérisation est le but de [66], où il est prouvé que: $ ̋ ’ & D ps, tq “ 0 D ̊ ps, tq “ 0 ðñ (1.7) ou ’ % de ps, tq “ 0.
1.3. CONSTRUCTION DE LA SPHÈRE BROWNIENNE 21
En utilisant (1.7), Jean-François Le Gall et Frédéric Paulin ont montré dans [76] que la sphère brownienne est presque sûrement homéomorphe à S2 (ils ont aussi établi que les deux conditions D ̋ ps, tq “ 0 et de ps, tq “ 0 sont mutuellement exclusives dès lors que s ‰ t). Mais la sphère brownienne est aussi un objet fractal et sa dimension de Hausdorff est presque sûrement égale à 4, voir [66]. Souvenons-nous maintenant que dans la bijection CVS les étiquettes encodent les distances au point d’étiquette minimale, voir (1.3). On montre alors facilement que pour tout t P r0, 1s nous avons D ̊ pt ̊, tq “ Λt ́ Λt ̊. Cette relation montre de plus que les étiquettes Λ peuvent aussi être factorisées par rapport à „D ̊ et donc définies sur la sphère brownienne. Les étiquettes représentent, à une translation près, les distances à ρ ̊. C’est pour cette raison que nous avons choisi de pointer la sphère brownienne en ρ ̊. Mentionnons aussi que la sphère brownienne est munie d’une mesure volume qui peut être définie comme la mesure image de la mesure de Lebesgue sur r0, 1s par la projection canonique associée à „D ̊. Cette mesure joue le rôle d’analogue continu de la mesure uniforme sur les sommets d’une carte aléatoire. Notons d’ailleurs que le volume total de la sphère brownienne est 1.
Figure 1.5 – Approximation de la sphère brownienne. Les couleurs représentent les distances au point racine, ce dernier est colorié en rouge. Autres modèles de géométrie brownienne
Les dernières années ont vu apparaître plusieurs variantes de la sphère brownienne comme limite d’échelle de modèles discrets. Faisons un très rapide récapitulatif des modèles de géométrie brownienne qui apparaîtront dans cette thèse. Rappelons d’abord que le facteur de changement
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CHAPITRE 1. CARTES PLANAIRES ALÉATOIRES ET SPHÈRE BROWNIENNE
1 d’échelle n ́ 4 dans (1.6) correspond au fait que la distance typique dans une quadrangulation à n 1 1 faces est d’ordre n 4. Si nous choisissons un facteur tendant vers 0 plus lentement que n ́ 4, nous sortons du domaine d’universalité de la sphère brownienne. Il y a encore une limite d’échelle mais qui est cette fois un espace géodésique aléatoire localement compact et complet appelé le plan brownien [39, 40]. D’autre part, nous pouvons aussi nous intéresser à des quadrangulations avec bord [7, 14, 20, 22, 55, 83]. Une quadrangulation avec bord est une carte planaire dont toutes les faces sont de degré 4 sauf éventuellement la face racine. Le bord est alors défini comme les arêtes adjacentes à cette face distinguée. Dans ce cas la limite d’échelle de ces objets dépend de la longueur du bord et du nombre total de faces. Plus précisément, si la longueur du bord est d’ordre n et le nombre de faces d’ordre n2, nous pouvons diviser les distances dans la carte 1 par le facteur d’échelle n ́ 2 pour trouver une nouvelle famille d’espaces compacts limite appelés disques browniens. Comme leurs noms le laissent deviner, ces objets ont la topologie du disque fermé du plan complexe. Le bord d’un disque brownien est alors défini comme l’ensemble de points sans voisinage homéomorphe au disque ouvert. De plus le disque brownien est équip é d’une mesure volume. La famille des disques browniens est une famille à deux paramètres pz, vq, où z correspond à une notion de "périmètre" du bord et v correspond au volume total. Mentionnons aussi que les disques browniens peuvent être obtenus comme des sous-ensembles spéciaux de la sphère brownienne [71]. Par contre, si le nombre de faces est d’ordre supérieur à n2, on obtient une famille d’espaces géodésiques localement compacts et complets appelées disques browniens de volume infini. Ces objets sont munis aussi d’une mesure volume mais le volume de chacun d’entre eux est infini. Changement d’échelle
Soit pE, D, ρE q un élément de K ou K8 muni d’une mesure volume VE. Pour tout λ ą 0, nous notons λ ̈ E l’espace pE, λD, ρE q muni de la mesure volume λ4 VE. Nous voyons cette opération comme une opération de changement d’échelle. Les modèles de géométrie brownienne sont stables par rapport à cette opération. Plus précisément, les lois du plan brownien et du demi-plan brownien sont invariantes par rapport à cette opération. Si E est un disque brownien de périmètre z et volume v, alors λ ̈ E est un disque brownien de périmètre λ2 z et volume λ4 v. Similairement, si E est un disque brownien de volume infini de périmètre z alors λ ̈ E est un disque brownien de volume infini de périmètre λ2 z. Enfin, si E est une sphère brownienne alors l’espace λ ̈ E est appelé sphère brownienne de volume λ4. Ce dernier espace peut être construit exactement comme 1.3.
CONSTRUCTION DE LA SPHÈRE BROWNIENNE 23
la sphère brownienne en utilisant le mouvement brownien indexé par l’arbre brownien mais en prenant une excursion brownienne de durée de vie λ4.
Modèles libres de géométrie brownienne
Pour des raisons techniques, lorsque l’on travaille avec des sphères browniennes ou des disques browniens, il est commode de considérer des versions de ces modèles où l’on ne fixe pas le volume. Ces modèles portent le nom de sphère brownienne et disque brownien libres et ils apparaissent aussi naturellement comme limite d’échelle de modèles de cartes aléatoires dont la taille n’est pas fixée (voir [22, 71] et section 2.1 ci-dessous pour un exemple). Concluons en donnant une définition de ces modèles. Une sphère brownienne libre est une sphère brownienne avec un volume? distribué selon p2 2πq ́1 v ́3{2 dv, pour v ą 0, et un disque brownien libre de périmètre z est un disque brownien de périmètre z dont le volume est distribué selon z 3 p2πv 5 q ́1{2 expp ́z 2 {2vq dv, pour v ą 0. La sphère brownienne libre peut aussi être obtenue de la manière suivante. On commence par introduire l’excursion brownienne e selon la mesure d’Itô n (avec normalisation npsup e ą 1q “ 1{2) et on note σ sa durée de vie. Nous pouvons alors utiliser cette excursion pour définir un arbre brownien (mais de volume σ) et lui associer des étiquettes Λ en adaptant la construction de la section 1.2. Notons N0 la loi du couple pe, Λq. Si on adapte la construction de la section 1.3 sous N0, nous obtenons la sphère brownienne libre. Nous concluons ce chapitre avec une remarque. Un disque brownien à périmètre et volume fixés est pointé sur un point de son intérieur. Plusieurs nomenclatures sont possibles dans le cas du disque brownien libre. Ici nous suivons [22] et oublions le point distingué. Le disque brownien libre est donc un espace métrique compact non-pointé. Chapitre 2 Propriétés de Markov spatiales
Nous présenterons ici nos résultats [77, 78, 93]. Nous commencerons par une introduction informelle aux processus de croissance-fragmentation. Nous donnerons aussi le lien entre ces processus et les triangulations à bords simples établis dans [19] de façon à motiver notre travail. Ceci permettra de donner une intuition dans le monde discret qui se rélèvera utile dans l’interprétation de certains résultats.
2.1 Processus de croissance-fragmentation et triangulations à bords simples
Soit X un processus de Markov prenant des valeurs positives. On suppose aussi que Xt Ñ 0 lorsque t Ñ 8 et que tous les sauts de X sont négatifs. Le processus de croissance-fragmentation induit par X commençant en x ą 0 peut être imagé comme suit : Commençons avec une particule de masse initiale x et dont la masse évolue suivant la dynamique de X. Cette particule est appelée la particule Eve. Lorsque la masse de cette particule a un saut de taille ́∆, une nouvelle particule, de masse initiale ∆, est produite. La masse de la nouvelle particule évolue alors de manière indépendante suivant la dynamique de X et commençant en ∆. Nous raisonnons alors par induction : chaque nouvelle particule a des enfants à ses instants de saut et nous réitérons la même construction (voir figure à gauche).
t01 x t001 t1 t2 25
26
CHAPITRE 2. PROPRIÉTÉS DE MARKOV SPATIALES
Pour tout t ě 0, posons: Xptq :“ Collection des masses à l’instant t dans l’ordre décroissant. Le processus X est le processus de croissance-fragmentation induit par X (commençant en x).
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1 Evaluation des diplômes Masters – Vague E
Evaluation réalisée en 2013-2014 Académie : Versailles Etablissement déposant : Université de Cergy-Pontoise - UCP Académie(s) : / Etablissement(s) co-habilité(s) au niveau de la mention : / Mention : Droit de l'entreprise Domaine : Droit, économie, gestion Demande n° S3MA150008097 et S3MA150008258 Université de Cergy-Pontoise Double diplôme avec l'Université de Dundee (GB) et la Vermont Law School Présentation de la mention La mention Droit de l'entreprise regroupe un ensemble de formations qui permettent aux étudiants d'acquérir des connaissances générales et spécialisées dans ce domaine juridique. Elle regroupe en première année de master deux spécialités (Droit des affaires et Droit et éthique des affaires - elle-même subdivisée en deux parcours : Finances et investissements responsables et Ressources humaines et emploi responsable) qui alimentent cinq spécialités en 2ème année (Droit des sociétés, Droit pénal financier, Diplôme juriste conseil d'entreprises, Droit et éthique des affaires, Droit du financement et des investissements immobiliers). L'étudiant, selon son parcours, est amené à exercer principalement des fonctions de juriste d'entreprise, une activité libérale (avocat), ou à envisager une poursuite d'étude en thèse de doctorat. Il est prévu que cette mention fasse l'objet d'une restructuration avec l'érection de la spécialité Droit social en mention et une nouvelle dénomination afin de renforcer son attractivité : Droit des affaires à la place de Droit de l'entreprise. Elle accueille entre 230 et 270 étudiants par an. Ce qui en fait un pôle attractif et important de la faculté de droit. La mention Droit de l'entreprise est une mention qui attire de nombreux étudiants. Elle a pour objectif principal de former des juristes d'entreprises ou des avocats dans des domaines classiques comme le droit des société, le droit fiscal, le droit social (à l'exemple du Diplôme de Juriste Conseil en Entreprise – DJCE -) ou dans des domaines revisités comme le droit du financement et des investissements immobiliers ou bien encore dans des domaines plus novateurs comme le droit pénal financier ou le droit et l'éthique des affaires. Il est proposé aux étudiants en première année de master des connaissances de base dans le cadre de deux spécialités : une spécialité Droit des affaires qui se présente comme un véritable tronc commun à la plupart des spécialités de la 2ème année et une spécialité Droit et éthique des affaires. Cette architecture souligne l'originalité de cette dernière formation et lui assure une particulière visibilité, originalité confortée par des enseignements portant sur la responsabilité sociale des entreprises ou l'éthique et les droits fondamentaux. Une troisième spécialité de M1 Droit du financement et des investissements immobiliers est mentionnée dans le dossier, mais n'est pas renseignée. Au regard des volumes horaires aux environs de 600 heures la part des travaux dirigés pourrait apparaître limitée. La 2ème année de master offre une grande variété de spécialités qui ont toutes une finalité exclusivement professionnelle à l'exception du master 2 Droit des sociétés qui à une finalité indifférenciée. Si la diversité des volumes horaires permet de mieux adapter les enseignements à chacune des formations, les 206 heures de la spécialité Droit des sociétés mériteraient d'être revues à la hausse alors que les 550 heures de la spécialité Droit et éthique des affaires mériteraient une attention renouvelée. La mention permet à ses diplômés d'acquérir des compét additionnelles en langue étrangère en 1ère et 2 année. Plus novateur, certains enseignements juridiques sont dispensés en anglais dans la spécialité Droit et éthique des affaires ou Droit pénal financier. Une certification informatique est possible. La mention permet également d'acquérir des compétences préprofessionnelles à l'occasion d'un stage. Possible en M1, il a été généralisé en M2 sur la base d'une durée d'au minimum trois mois. Cette durée est tout à fait adaptée pour permettre à l'étudiant de se familiariser avec le monde de l'entreprise. En outre, l'accent a été mis sur l'apprentissage s'agissant des spécialités Droit et éthique des affaires et Droit du financement et des investissements immobiliers. Une initiation à la recherche est réalisée à travers le mémoire. La mention Droit de l'entreprise tire profit de son adossement aux centres de recherches de l'université (centre de philosophie juridique et politique et principalement laboratoire d'études juridiques et politiques). Une présentation succincte de la production de ces centres aurait été utile. Les liens avec les milieux professionnels paraissent étroits compte tenu de la politique de stage et d'alternance. Ils auraient participé à l'affinement des spécialités. Pour autant, les renseignements demeurent généraux. La pratique du parrainage développée en master Droit et éthique des affaires est un moyen judicieux de créer des liens entre université et entreprises. La mention a développé un partenariat avec l'ESSEC au profit de la spécialité Droit et éthique des affaires. Au plan international, les étudiants bénéficient de partenariats nombreux avec des établissements étrangers favorisant une mobilité entrante ou sortante. Des précisions sur les flux auraient été éclairantes. Deux coopérations spécifiques se distinguent au profit des étudiants de M2 : la relation avec l'Université de Dundee (GB) et la relation avec la Vermont Law School, qui permettent l'obtention d'un double diplôme ou d'un Master of Laws (LLM). Cette mention constituée de formations classiques, élitistes (DJCE), originales et novatrices attire un flux important d'étudiants. Il est au plan local un mouvement d'attraction que l'on retrouve au plan national. Si au niveau de la première année ces étudiants sont principalement issus de Cergy, le recrutement est national en 2 ème année de master. La première année enregistre un peu plus d' centaine d'étudiants ; la spécialité Droit et éthique des affaires a multiplié par trois ses effectifs en 2013-2014 (45 étudiants) alors même que l'entrée se fait sur dossier. En M2, la plupart des formations enregistrent une vingtaine d'inscriptions. Seul le master Droit du financement et des investissements immobiliers est en retrait, probablement en raison d'une ouverture récente. Plus de précisions sur l'origine géographique des flux et le nombre de préinscription en M2 auraient été utiles à mieux mesurer cette attractivité. Une bonne insertion professionnelle contribue probablement à cet engouement. Il aurait été souhaitable de mieux appuyer ce constat. Cet engouement devrait encore reposer sur la qualité des enseignants-chercheurs. Une faiblesse relative sur les matières fondamentales. Une coordination générale de la mention à parfaire. Une faiblesse des résultats d'enquêtes en matière d'insertion. Il conviendrait d'améliorer la coordination globale de la mention et de renforcer les matières fondamentales. 3 Evaluation par spécialité Droit des sociétés
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université de Cergy-Pontoise Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Double diplôme avec l'Université de Dundee (GB) et la Vermont Law School Le master 2 Droit des sociétés offre une formation approfondie en droit des sociétés. Cette formation qui s'inscrit dans le prolongement du master 1 Droit des affaires met l'accent sur la dimension internationale et sur la dimension financière. Elle a une finalité indifférenciée. Appréciation : Cette spécialité s'inscrit logiquement dans l'offre de formation de l'Université de Cergy-Pontoise. Les matières qu'elle aborde sont usuelles pour ce type de spécialité (organisation et fonctionnement des sociétés, financement des sociétés, droit des procédures collectives, droit pénal des sociétés, droit des restructurations, etc.). Le volume horaire peut paraître limité (206 heures). La réalisation d'un stage de trois mois est un complément utile, mais elle ne dispense pas d'un complément de formation. La possibilité de suivre un parcours de droit anglo-américain (Université de Dundee (GB) ou Vermont Law School (EU)) pouvant déboucher sur l'obtention d'un LLM est un avantage majeur qu'offre cette formation. Aminée par une équipe composée de sept enseignants-chercheurs et de deux professionnels, disposant d'un bon adossement à la recherche, cette formation attire en moyenne 23 étudiants par an, ce qui est un dimensionnement pertinent pour un travail de qualité et leur permet une bonne insertion le marché du travail, six mois en moyenne après leur diplomation. Un nombre significatif d'étudiants poursuit chaque année en thèse de doctorat aidé en cela par la réalisation d'un mémoire. Une précision plus grande du dossier permettrait de mieux appréhender l'insertion de la spécialité dans son environnement socio-économique. Des matières qui investissent largement le champ de la spécialité. Un partenariat international ouvrant sur un LLM. Une bonne insertion professionnelle. Le faible volume horaire de la formation. Une finalité professionnelle à parfaire (notamment en ouvrant la place à des intervenants extérieurs). Un encadrement préciser. Un suivi des étudiants à compléter. Il conviendrait de conforter plus encore la finalité professionnelle de la spécialité et d'augmenter le volume horaire des enseignements.
4 Droit pénal financier
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université de Cergy-Pontoise Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Double diplôme la Vermont Law School Ce master à finalité professionnelle investit un champ très actuel : la délinquance financière. Il ambitionne de former par le biais de l'apprentissage, des juristes spécialisés tant dans la prévention que dans la répression de la délinquance financière. Appréciation : Cette formation très pointue accompagne et relaie une prise de conscience des méfaits de la délinquance financière. Les enseignements d'un volume important (550 h) sont bien structurés et font une place notable à la comptabilité et à l'analyse financière, compétences indispensables à qui souhaite se former dans ce champ disciplinaire. Pour autant, on pourrait s'étonner de voir apparaître à ce niveau des cours de comptabilité générale qui auraient plus leur place en 1ère année de master. Pour tenir compte du contexte international, certains cours sont dispensés en anglais et des voyages pédagogiques sont organisés sur certains sites étrangers (Bruxelles, Francfort ou Londres). L'ouverture internationale devrait être plus substantielle et pouvoir se concrétiser par des partenariats spécifiques. Aux compétences juridiques s'ajoutent des enseignements de langue avec une possible certification TOIEC, des cours d'informatique et une certification AMF. L'alternance a été privilégiée afin de structurer un lien avec les milieux professionnels déjà très fort puisque l équipe pédagogique intègre au côté de 10 enseignants-chercheurs, 34 intervenants extérieurs. L'attractivité de cette formation est grande (entre 250 et 300 demandes). Les effectifs en progression (30 étudiants). Les débouchés importants : 95 % des diplômés trouvent un emploi dans les trois mois de la sortie du diplôme et occupent notamment des emplois d'avocat, de responsable de la lutte contre le blanchiment, de juriste financier. Cette formation se révèle donc un des fleurons de l'université de Cergy en partenariat avec l'ESSEC. Une équipe pédagogique riche de compétences. L'alternance. Les partenariats professionnels. Un volume horaire lourd. Une ouverture à l'international à parfaire. Il conviendrait d'assurer une plus large ouverture à l'international et d'envisager le basculement de certains enseignements en master
1 5 Diplôme juriste conseil d'entreprise (DJCE)
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université de Cergy-Pontoise Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Double diplôme la Vermont Law School Cette spécialité vise à former des juristes d'entreprise disposant de compétences étendues en droit des sociétés, droit des contrats, droit fiscal, droit social, ainsi qu'en comptabilité. Le label DJCE nationalement reconnu lui donne un attrait supplémentaire. Appréciation : Cette spécialité, à caractère professionnel, est une formation devenue classique dont la réputation est bien assise. Elle est complète et intensive avec un volume horaire de 880 heures. Le stage de deux mois apparaît en deçà des exigences de la mention qui est de trois mois minimum. Il est vrai qu'avec une telle durée le volume horaire de la formation est difficilement tenable et porterait atteinte à la philosophie du DJCE. Avec un effectif raisonnable de 20 à 25 étudiants pour une bonne part provenant d'autres établissements que Cergy, une équipe pédagogique qui mêle quasiment à égalité enseignants-chercheurs et praticiens, un taux de réussite de près de 100 %, un partenariat avec la Vermont Law School permettant l'obtention d'un LLM pour quelques étudiants (et en retour l'accueil de deux étudiants américains), une bonne insertion professionnelle, l'attrait pour cette formation est constant. Le renforcement des cours en langue étrang qui est évoqué dans le dossier devrait conforter cette formation. Cette formation est une formation qui a fait ses preuves. Le label DJCE. Un programme adapté aux besoins des milieux professionnels. Un partenariat international. L'importance des intervenants professionnels. Le suivi de l'insertion des étudiants. Il faudrait améliorer le suivi de l'insertion des diplômés. 6 Droit et éthique des affaires
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université de Cergy-Pontoise Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Double diplôme avec l'Université de Dundee (GB) et la Vermont Law School Cette formation étalée sur deux ans vise à former des juristes spécialisés dans la prévention et dans la gestion des risques et de la responsabilité sociale de l'entreprise. Elle s'articule autour de deux parcours : Finances et investissements responsables ; Ressources humaines et emplois responsables. Cette formation a une finalité professionnelle. Appréciation : Cette formation investit un secteur peu abordé par les juristes, celui de la responsabilité sociale de l'entreprise et de la compliance. Après un M1 qui offre des connaissances préparatoires, la 2 ème année de master maintient les deux parcours initiaux qui partagent un bloc d'enseignements communs. Les volumes horaires sont importants. Une partie de la formation est en langue anglaise afin de tenir compte du contexte international. Cette maîtrise de l'anglais permet à certains étudiants de poursuivre leur formation au sein de l'Université de Dundee et d'obtenir un double diplôme. Les liens avec les milieux professionnels sont extrêmement forts, construits sur des partenariats nombreux, sur le parrainage des formations, et sur une place importante d'intervenants extérieurs au sein de l'équipe enseignante (75 % du corps enseignant). Le choix de l'alternance les conforte. La durée de l'alternance (12 mois) ne manque pas d'étonner et pose question sur la mise en oeuvre pratique de celle-ci. De plus, le volume horaire du M2 (550 heures) paraît une contrainte mise à la pleine réussite de l'alternance. Cette spécialité bénéficie d'une bonne attraction. Le partenariat avec l'ESSEC ouvre la voie du master aux étudiants de cet établissement. Le M2 accueille 29 étudiants en moyenne sur les trois dernières années qui bénéficient d'une bonne insertion professionnelle : 80 % à six mois et 100 % à 18 mois. Cette spécialité s'est dotée des outils d'un pilotage efficace et semble se les être appropriés. L'adaptation de la formation à des besoins nouveaux. La teneur du programme. La bonne insertion des étudiants. La liaison avec les milieux professionnels. Une adaptation insuffisante de la formation à l'alternance. Un programme très chargé. Il serait souhaitable d'envisager un allègement du programme en repensant l'articulation M1/M2 et d'améliorer le recours à l'alternance.
7 Droit du financement et des investissements immobiliers
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université de Cergy-Pontoise Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Double diplôme la Vermont Law School Le master 2 Droit du financement et des investissements immobiliers est une formation récente qui a ouvert en 2011 dont l'objectif est de former des spécialistes des questions financières en rapport avec le secteur immobilier. Nous sommes sur une formation hybride droit et gestion du patrimoine. Cette formation à une finalité professionnelle. Elle s'appuie sur l'apprentissage. Appréciation : Cette formation qui prend appui sur le master 1 de droit privé et sur le master 1 de droit des affaires s'inscrit dans un domaine abordé jusque-là, de façon diffuse, par des masters de droit immobilier, de gestion du patrimoine, de droit bancaire, etc. La formation est, à ce titre, originale. Elle prend place dans un volume horaire satisfaisant (420 h). La grille des enseignements semble cohérente. Une partie de la formation est en anglais. En sus des compétences strictement juridiques les étudiants sont préparés à diverse certification : le TOEIC, la certification AMF ou la certification RICS. Ce qui traduit d'emblée un double souci : le souci de l'internationalisation et le souci de l'insertion professionnelle. D'ailleurs, ce master mise sur l'alternance. L'insertion professionnelle paraît prometteuse. Les ifs sont pour l'instant réduits puisque nous sommes en phase de démarrage. Cette formation cherche à se positionner. La composition de l'équipe pédagogique est incertaine quant au nombre de professionnels, mais surtout il semblerait qu'il n'y ait qu'un seul spécialiste du financement. L'apprentissage. L'originalité et l'attractivité de la formation. La certification RICS. Une insertion professionnelle prometteuse. Points faibles : La qualité rédactionnelle du dossier. La présentation insuffisamment renseignée des enseignements (l'indication des volumes horaires serait une aide précieuse) et une organisation qui pourrait être affinée. Un nombre d'intervenants extérieurs praticiens limité. Il faudrait améliorer la lisibilité et la visibilité de cette formation. 8 Droit social
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université de Cergy-Pontoise Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / L'objectif de la formation est d'offrir aux étudiants des compétences embrassant l'ensemble du champ disciplinaire du droit social (le droit interne, communautaire et international du travail, le droit pénal du travail, ainsi que le droit de la sécurité sociale). Les perspectives professionnelles pour les diplômés consistent à intégrer les services juridiques ou de ressources humaines des entreprises, ou à poursuivre la préparation de concours administratifs (notamment celui de l'inspection du travail) ou de l'examen d'entrée à l'Ecole de Formation du Barreau. La spécialité ayant une finalité exclusivement professionnelle, les diplômés n'ont pas vocation à entreprendre la préparation d'une thèse de doctorat. La formation droit social est actuellement une spécialité de la mention Droit de l'entreprise. A l'avenir, afin de lui offrir davantage de lisibilité, notamment auprès des professionnels, elle devrait devenir une mention autonome, et non plus une simple spécialité. Dans le cadre de cette mention autonome deux parcours devraient être mis en place : un parcours professionnel, et un parcours recherche destiné aux étudiants désirant poursuivre leurs études par la préparation d'une thèse de doctorat. Le principal objectif de la formation consiste à préparer ses diplômés à l'accès à des emplois de niveau cadre supérieur dans le domaine du droit social (exemple : juristes d'entreprise, avocats spécialisés en droit social, directeurs des ressources humaines). La structure des enseignements est en adéquation avec cet objectif, puisqu'elle permet aux étudiants de maîtriser l'ensemble des matières relevant du champ disciplinaire du droit social. Ainsi, en première année de master, sont enseignés dans des blocs d'enseignements obligatoires les principales matières composant le droit social (droit du travail, droit pénal du travail, droit de la sécurité sociale, droit social international et européen), ainsi que, dans des blocs complémentaires, les principales matières du droit des affaires. Le volume horaire est cependant extrêmement élevé (531 h). Conformément au principe de spécialisation progressive, la deuxième année de master est exclusivement consacrée au droit social (droit du travail et de la sécurité sociale). La spécialité permet également à ses diplômés d'acquérir des compétences préprofessionnelles. Ainsi, la seconde année de master comprend un stage obligatoire d'une durée de trois mois, lequel est accompli durant le second semestre. A l'issue du stage, l'étudiant doit soutenir un rapport devant un jury composé d'un professionnel et d'un universitaire, cette soutenance étant valorisée par l'attribution de 12 ECTS (European Credits Transfer System). S'agissant du positionnement de la formation, l'adossement du master Droit social aux milieux socioprofessionnels est sans aucun doute un point fort du diplôme. La spécialité a ainsi conclu des partenariats avec des grandes entreprises privées (ex : Société Générale, Gaz de France, France Télécom), des cabinets d'avocats (ex : cabinet August et Debouzy, Francis Lefebvre), et des établissements publics ou parapublics (ex : Chambre de commerce et d'industrie du Val d'Oise et de Paris, l'Inspection du travail secteur Nord-Est Paris) ayant vocation à accueillir les étudiants en stage, et à les renseigner sur les principaux débouchés de leur formation. En revanche, la formation par la recherche n'a qu'une place assez restreinte : il n'existe aucun lien particulier entre la spécialité et le laboratoire de recherche auquel elle est adossée, à savoir le Laboratoire d'Etudes Juridiques et Politiques (LEJEP), ce qui peut sans doute s'expliquer par la finalité exclusivement professionnelle du master 2. Surtout, l'approfondissement des relations et échanges internationaux organisés au sein de la spécialité pourrait être poursuivi. A l'heure actuelle, l'ouverture internationale se résume à un partenariat avec l'Université de Düsseldorf, qui permet aux seuls étudiants de master 2 suivant des cours d'allemand de suivre un séminaire de droit social comparé et d'entreprendre un voyage d'études en Allemagne, au cours duquel ils sont accueil par des services juridiques d'entreprises allemandes et assistent à des audiences du Tribunal du travail. 9 L'attractivité de la formation ne cesse de s'améliorer. Ainsi, en première année de master, le nombre d'inscrits est passé de 15 en 2009 à 40 en 2013, et, en M2, pour 25 étudiants acceptés chaque année, le nombre de demandes est passé de 320 en 2009 à 420 en 2012. Cela s'explique sans doute par l'excellent taux de réussite (de l'ordre de 80 % en M1 et de 100 % en M2) et, également, mais de façon plus incertaine, par l'insertion professionnelle de diplômés. En effet, les renseignements du dossier quant au devenir des diplômés en M2 sont imprécis : le taux de réponses à l'enquête est assez faible, bien qu'en augmentation (de deux étudiants ayant répondu à l'enquête en 2008, on est passé à sept en 2013). Les étudiants diplômés au titre de la formation initiale ont ainsi indiqué avoir généralement trouvé un emploi dans une période de six à huit mois après leur sortie de la formation. Pour la plupart, il s'agit de contrats à durée déterminée (de six mois à un an en moyenne), même si certains ont obtenu des contrats à durée indéterminée au sein des entreprises qui les avaient auparavant accueillis dans le cadre du stage proposé et organisé par le master. D'autres diplômés étaient en stage. Les emplois occupés sont ceux de cadres supérieurs (ex : inspecteur du travail, juriste d'entreprise, employé à la direction des ressources humaines, avocat). Enfin, l'équipe pédagogique, bien que restreinte (en master 2, elle est composée de quatre enseignantschercheurs et sept intervenants extérieurs), veille à ce que la spécialité soit efficacement pilotée. A cette fin, une rigoureuse politique d'autoévaluation a été élaborée. Celle-ci est menée par l'ensemble des enseignants-chercheurs de la Faculté de droit réunis en Assemblée Générale avec présentation du bilan sur trois années du contrat d'établissement et discussions sur les points forts, les points faibles et les axes d'amélioration. Afin d'améliorer la qualité de la formation, l'équipe pédagogique a également mené une enquête auprès de ses anciens diplômés, en synergie avec l'association des anciens élèves. Les diplômés ont notamment demandé une meilleure li ibilité de la formation, ce qui est l'un des éléments ayant conduit la formation à solliciter sa transformation en une véritable mention, et non plus un simple parcours au sein du master Droit de l'entreprise. Certains étudiants ont également indiqué regretter ne pas avoir pu poursuivre leurs études par la préparation d'une thèse de doctorat. Enfin, et toujours afin de perfectionner la formation, l'équipe pédagogique a également pris en compte les recommandations émises par l'AERES lors de la précédente évaluation, notamment en augmentant considérablement le volume horaire des enseignements en master 1 (qui a été porté à 531 h). Points forts : La spécialité permet une véritable préprofessionnalisation des étudiants. La future mention pourrait accroître ses relations et échanges internationaux, et développer des liens pédagogiques avec d'autres universités. A l'avenir, il serait également souhaitable que les étudiants puissent bénéficier d'une dominante recherche, leur permettant, s'ils le souhaitent de poursuivre des études doctorales. Enfin, l'analyse du devenir des diplômés pourrait être améliorée.
10 Observations de l'établissement EVALUATION DES DIPLOMES MASTERS UCP, VAGUE E MASTER MENTION DROIT DE L'ENTREPRISE, SPECIALITE DROIT ET ETHIQUE DES AFFAIRES
Les remarques suivantes peuvent être formulées en complément ou en réponse, suite au rapport d'évaluation de cette spécialité.
1/ Adaptation insuffisante de la formation à l'alternance et recommandation de recourir à l'alternance
Le Master 2 Droit et Ethique des affaires est une formation en apprentissage depuis la date de sa création. Chaque année, 28 à 30 étudiants sont placés en apprentissage auprès du secrétariat général des conseils d'administration, les directions conformité, éthique et compliance, les responsables du développement durable, des relations sociales, du dialogue social, les autorités de régulation, L'alternance constitue le point fort de ce Master et pour l'année 2014-2015 il y a plus d'offres par les entreprises que d'étudiants admis au Master 2. C'est d'ailleurs cet apprentissage de douze mois ce qui contribue à la très bonne insertion professionnelle des étudiants relevée par les experts. Pour information, au titre de l'année 2013-2014, les entreprises ayant pris un étudiant du Master en apprentissage ainsi que les postes sur lesquels les étudiants sont recrutés en cette qualité sont :
DROUET Ope Randolph Sandrine Hélène Samir Omar Maximilien Philippine-Agathe Samy Manuela DUMAS-ROUSSEL Jérémy FRIZOT Laetitia GAGOS Caroline GELLA Morgane HASLE Mylène HENG Delphine KAM Chiming KHAMSYVORAVONG Soukny KIEFEL Perrine LAURENT Quentin LIEBER Ella MANCEL Valentin MOSCARDO Laure NOVAU Xavier ROCH Jérémy ADEGBULU AMILCAR BALTAZAR BERION BOUCHENTOUF BOUTALEB BROCHIN CAILLE DOSS SAINT OLIVE Caroline THOMAS Anna TOUITOU Myriam WADE Seyna Apprentie auprès du Directeur Ethique et Responsabilité d'entreprise, Thalès Assistant en Déontologie Financière et en Ethique Professionnelle, Natixis Apprentie Chargée de mission Déontologie, Groupe La Poste Assistante juridique/ RH, DigitasLBi Apprenti Corporate Legal Counsel, Dassault Systèmes Double diplôme Master Droit et éthique des affaires (UCP) /LL.M.in International Commercial Law (DUNDEE) Apprenti Cycle 2 au Controle Permanent (Méthodologie et Monitoring), BNP Paribas Cardif Attachée en Alternance auprès du Secrétariat Général du Conseil d'administration, EDF Apprenti Coordinateur Healthcare Business Integrity, Johnson & Johnson Apprentie Chargée Conformité Déontologie, LCL Apprenti Ressources Humaines, Groupe Flo Double diplôme Master Droit et éthique des affaires (UCP) /LL.M.in International Commercial Law (DUNDEE) Compliance Officer Apprentice, BNP Paribas Cardif Apprentie Juriste Droit Social International, Renault Apprentie Chargée de conformité et de déontologie Pôle Protection de la clientèle et des services d'investissements, LCL Apprentie Juriste Conformité Anti-Corruption et Antitrust, TOTAL Apprenti Chargé de Conformité, B
NP Paribas Cardif Assistant Ethics & Compliance Program Officer, Capgemini Alternante Compliance Officer, Natixis Apprentice - Ethics & Compliance Manager, Airbus Defence & Space Apprentie - Département juridique, Capital Market, Airbus Group Apprenti au Service Contrôle des Règles d'Investissements, Direction des Investissements, CNP ASSURANCE Apprentie auprès du Délégué à l'éthique, Vallourec Tubes Apprenti Ethique et Compliance, Alstom Apprenti Juriste Protection des données personnelles, Orange Compliance Officer Apprentice, BNP Paribas Cardif Double diplôme Master Droit et éthique des affaires (UCP) /LL.M.in International Commercial Law (DUNDEE) Apprentie Chargée des relations sociales, BNP Paribas Personal Finance Apprentie Juriste Alternante auprès de l'Adjoint au Secrétaire du Conseil d'administration, SNCF 2/ Allègement du programme et l'articulation du M1/M2 Le Master Droit et Ethique des affaires est une formation bâtie selon un schéma répondant aux besoins spécifiques de la profession et validé par les organismes professionnels dont le Cercle de l'éthique des affaires en France et Ethics and Compliance Officers association aux Etats-Unis. - En seconde année les étudiants abordent la spécialisation approfondie avec un tronc commun dédié à la gouvernance des entreprises suivi par tous les étudiants. Puis, en fonction de leur projet professionnel, les étudiants se subdivisent au sein des deux parcours avec un programme distinct. Le volume horaire indiqué n'est donc pas celui suivi par un étudiant mais le volume intégral du Master sur deux ans, soit les enseignements introductifs de la première année, le tronc commun/majeur et les deux parcours/mineurs de la deuxième année. Un allègement conduirait à dévaloriser le diplôme auprès de la profession très étroitement liée à la formation de nos étudiants.
EVALUATION DES DIPLOMES MASTERS UCP, VAGUE E MASTER MENTION DROIT DE L'ENTREPRISE, SPECIALITE DJCE
Trois remarques peuvent être formulées en complément ou en réponse, suite au rapport d'évaluation de cette spécialité : Concernant les enseignements juridiques en langue étrangère, il est d'ores et déjà acquis, en accord avec le comité de pilotage des DJCE, institué par la FNDE (Fédération nationale du droit de l'entreprise), que 18 heures de cours seront dispensés à partir de la rentrée 2014 en anglais (venant s'ajouter aux 60 h de cours d'anglais juridique). Ces cours porteront sur les contrats internationaux et la pratique de l'arbitrage international. Et l'intention des directeurs du diplôme est de multiplier le volume horaire de ces interventions en langue anglaise dans les années à venir. Concernant la durée du stage, qui n'est que de 2 mois, il faut simplement relever que telle est la politique des DJCE au niveau national, puisque de nombreux autres centres DJCE prévoient également dans leur maquette un stage de 2 mois. Ceci est justifié par le fait que d'une part, 80 % de nos diplômés vont faire ensuite l'école du barreau, dans laquelle ils cumulent un an de stage, et ensuite par la vocation pluridisciplinaire de notre formation, qui exige 880 heures de cours, comme le précise au demeurant le rapport. Concernant le suivi de l'insertion des diplô , nous sommes à l'oeuvre pour que les choses s'améliorent. A cette fin, nous avons réalisé cette année un audit sérieux à partir de la promotion 2010-2011, destiné à suivre précisément nos diplômés. Nous vous joignons ci-dessous le résultat de cette enquête, que nous renouvellerons chaque année à N + 3. I – Rappel des recommandations
A
ERES
: « La future mention pourrait accroître ses relations et échanges internationaux et développer des liens pédagogiques avec d'autres universités. A l'avenir, il serait également souhaitable que les étudiants puissent bénéficier d'une dominante recherche leur permettant, s'ils le souhaitent, de poursuivre des études doctorales. Enfin, l'analyse du devenir des diplômés pourraient être améliorée ».
II - Observations et précisions factuelles des directeurs et co-directeurs du diplôme
: A - Les responsables de la formation tiennent d'abord à souligner l'importance qu'ils portent à l'expertise de l'AERES. A ce sujet, l'équipe de direction continuera à s'employer à affermir les points forts soulignés par le rapport (réelle professionnalisation des étudiants, très bon adossement aux milieux socioprofessionnels, attractivité et taux de réussite de la formation et efficacité du pilotage pédagogique).
B – A propos du développement et de l'avenir du Master « Droit social »
:
1) L'équipe de direction du Master « Droit social » est consciente de l'intérêt que constitue pour les étudiants l'ouverture du diplôme à l'international : outre de pérenniser ses relations avec l'Université de Düsseldorf, elle entreprend actuellement de tisser des liens avec l' « Institut Jacques Delors », Institut qui entretient des relations étroites avec plusieurs Universités de l'Union Européenne. Ce faisant, des échanges pourraient voir le jour. 2) Le choix pédagogique de l'équipe de direction, choix qui consiste à demander l'édification de la mention « Droit social » en mention autonome dans l'offre Master Droit de l'UFR a précisément et notamment pour objet d'adosser davantage la formation « Droit social » à la recherche l'année de M2. En offrant aux étudiants la possibilité de s'orienter autant vers un cursus professionnalisant que vers un parcours à dominante « Recherche » afin qu'ils puissent poursuivre, à l'issue de leurs études de Master, un cursus doctoral. 3) Concernant l'analyse du devenir des diplômés, la conception d'un annuaire des anciens étudiants en droit social de l'UCP est d'ores et déjà en cours : à cette fin – et dès la fin du mois d'avril 2014 - contact a déjà été pris avec les promotions qui se sont succédées durant les dix dernières années. A ce jour, l'on décompte pour le moment une quarantaine de retours..
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III - 1 - 5 Conclusion de l'étude réalisée sur les neurones stochastiques
Avec cette étude, nous avons montré la faisabilité de simuler à l'aide de circuits neuromimétiques analogiques différents types de neurones stochastiques par simple injection du bruit sur le condensateur représentant la membrane. Différents comportements observés dans les neurones stochastiques biologiques ont été reproduits. L'effet du bruit sur les neurones a été aussi étudié. Ces premiers résultats prometteurs nous ont amenés, le Dr Hsin Chen et nous, à proposer un projet dans le cadre de l'appel d'offre international franco-taïwanais de l'Agence Nationale de la Recherche pour développer un système analogique intégré capable de simuler des réseaux de neurones stochastiques en temps réel. Nous reviendrons en détail sur ce projet dans le quatrième chapitre de ce manuscrit. III - 2 Comportements biologiquement réalistes des circuits neuromimétiques
Les travaux sur les neurones stochastiques du précédent paragraphe sont antérieurs à ceux présentés ici. Nous avions précédemment réglé les neurones avec une méthode manuelle. Ici, nous présentons les résultats que nous avons obtenus avec Filippo Grassia à l'aide notamment de la technique développée pour le réglage des circuits neuromimétiques présentée au chapitre 2. Ces travaux en cours de réalisation sont menés dans le cadre du projet ECRéN (Appel d'offre PIR NeuroInf - CNRS) en collaboration avec le Dr Alain Destexhe, Unité de Neurosciences Intégratives et Computationnelles, UPR 3293 CNRS. 70 Ce projet a pour objectif de calculer les fonctions de transfert de réseaux de neurones, de façon combinatoire et en utilisant des circuits neuromimétiques. La modélisation des neurones et de leurs entrées synaptiques est réalisée de façon réaliste, et est inspirée de données expérimentales in vivo et in vitro. Ces modèles sont implémentés sur nos circuits intégrés neuromimétiques et ils seront explorés de façon combinatoire en générant aléatoirement un grand nombre de réseaux possibles. La fonction de transfert de chaque réseau sera ensuite calculée. Le projet génèrera une grande quantité de données qui seront classifiées pour tenter de déterminer des règles générales concernant la relation entre structure (connectivité, propriétés neuronales intrinsèques) et fonction (excitabilité du réseau, capacité à répondre aux entrées synaptiques). Nous planifions aussi la création communauté scientifique. d'une base de données disponible pour la A l'heure actuelle, les modèles de neurones ont été implémentés, ce sont les résultats que nous présentons ici. III - 2 - 1 Les modèles de neurones corticaux implémentés dans nos circuits neuromimétiques
Nous avons sélectionné les quatre types de neurones les plus rencontrés dans le cortex : le neurone Fast Spiking (FS), le neurone Regular Spiking (RS), le neurone Intrinsically Bursting (IB) et le neurone Low-Threshold Spiking (LTS). La différentiation entre ces cellules correspond à trois critères qualitatifs : 1) la présence ou non de phénomène d'adaptation ; 2) la présence ou non de bouffée de potentiels d'action après l'application d'une stimulation dépolarisante ; 3) la présence ou non de bouffée de potentiels d'action après l'application d'une stimulation hyperpolarisante, on parle alors de réponse post-rebond. Dans le paragraphe I-2 consacré au modèle simplifié du formalisme d'HodgkinHuxley en vue de son implantation dans le silicium, nous utilisions des modèles où les cinétiques d'activation et d'inactivation étaient constantes. Notre premier travail fut de proposer un modèle correspondant à notre circuit en nous appuyant sur les modèles proposés par Pospischil et al. [POS 08]. Nous avons ensuite expérimenté plusieurs jeux de paramètres autour des valeurs d'origine pour simuler la tension de membrane. Le tableau 6 résume notre meilleur jeu de paramètres. Nous avons bien entendu comparé à l'aide de simulations logicielles 71 le comportement dynamique de la tension de membrane pour les modèles complet et simplifié du formalisme d'Hodgkin-Huxley. Cependant, conformément à notre propos exposé en introduction, nous cherchons à reproduire un comportement biologique et non pas celui obtenu par simulation numérique. Nous avons donc validé notre travail en comparant les réponses des tensions de membranes entre celle simulée par le circuit réglé avec le jeu de paramètres et celle ée sur des cellules biologiques [POS 08]. C'est ce que nous exposons dans les prochains paragraphes. Neurone FS Neurone RS Neurone IB Neurone LTS CMem (μF/cm2) Surface (cm2) 1 1.4*10-4 1 2.9*10-4 1 2.9*10-4 1 2.9*10-4 gNa (mS/cm2) ENa (mV) τm (ms) VOffset,m (mV) VPente,m (mV) τh (ms) VOffset,h (mV) VPente,h (mV) 50 50 0.065 -29.08 6.54 1.315 -33.31 3.98 50 50 0.065 -29.08 6.54 1.315 -33.31 3.98 50 50 0.065 -29.08 6.54 1.315 -33.31 3.98 50 50 0.065 -29.08 6.54 1.315 -33.31 3.98 gK (mS/cm2) EK (mV) τn (ms) VOffset,n (mV) VPente,n (mV) 10 -90 1.066 -29.08 8.05 5 -90 1.066 -29.08 8.05 5 -90 1.066 -29.08 8.05 5 -90 1.066 -29.08 8.05 gLeak (mS/cm2) ELeak (mV) 0.15 -70 0.1 -70 0.01 -70 0.01 -85 0.07 -90 100 -35.00 10.00 0.03 -90 100 -35.00 10.00 0.03 -90 100 -35.00 10.00 0.49 120 1.422 -33.00 4.20 750.4 -57.51 22.07 1.13 120 gslowK (mS/cm2) EslowK (mV) τn (ms) VOffset,n (mV) VPente,n (mV) gCa (mS/cm2) ECa (mV) τq (ms) VOffset,
q
(mV)
VPente,q
(
mV
)
τr (ms) VOffset,r (mV) VPente,r (mV
) Tableau 6 : Paramètres des modèles des neurones FS, RS, IB et LTS. 72 -59.00 6.20 21.00 -83.00 4.00
III - 2 - 2 Le réglage
Le système électronique utilisé pour cette étude est composé du circuit intégré Galway et de la carte Ekerö. La puce Galway a été conçue par le Dr Yan Bornat durant ses travaux de thèse [BOR 06]. Elle est basée sur la bibliothèque d'opérateurs mathématiques analogiques développée pendant mes travaux de thèse et elle contient 5 neurones : 1 FS, 3 RS et 1 IB ou LTS. La carte Ekerö supporte 4 circuits intégrés neuromimétiques et 1 circuit programmable FPGA (Field Programmable Gates Array), ce qui permet de créer un réseau de 20 neurones. Plusieurs cartes sont connectables entre elles grâce aux FPGAs. Des connecteurs sont aussi présents sur les cartes pour accéder aux différents signaux : tension de membrane et courants ioniques. Nous avons utilisé la variante de l'algorithme à évolution différentielle présenté au chapitre 2. En connectant la carte électronique à un ordinateur, nous pouvons envoyer les paramètres des neurones de façon automatisée. Cet ordinateur était aussi en charge du calcul de l'algorithme et du contrôle des appareils : un générateur pour imposer les sauts de tension suivant la technique du voltageclamp et un oscilloscope pour enregistrer les tensions et les courants. Le montage complet du système est présenté à la figure 33. 73 théoriques des courants ioniques puis envoie un premier jeu de paramètres au circuit. Ensuite, il stimule le circuit et enregistre les réponses. Enfin, suivant l'algorithme, il renvoie un nouveau jeu de paramètres et ce jusqu'à atteindre un des critères d'arrêt.
III - 2 - 3 Résultats pour le réglage suivant le modèle du neurone FS
Les neurones Fast Spiking sont de type inhibiteur. Ils répondent à une stimulation de courant dépolarisant par une production de potentiels d'action sans phénomène d'adaptation. Ils possèdent 3 conductances : sodium, potassium et fuite. La figure 34 présente la comparaison de la réponse dynamique du neurone simulé par le circuit neuromimétique et celle enregistrée à partir d'un neurone du cortex visuel du furet in vitro [POS 08]. Nous y observons des réponses similaires en termes de fréquence et de valeurs extrêmes pour la tension de membrane. Nous avons aussi comparé les courbes fréquence versus courant de stimulation de ces deux neurones (non présentés ici). Là aussi simplification nous du avons modèle obtenu et des son comportements implémentation similaires. dans nos Notre circuits neuromimétiques sont concluantes pour les neurones FS.
Figure 34 : Tension de membrane d'un neurone FS. A) Réponse d'un neurone FS biologique d'après un enregistrement dans le cortex visuel du furet suite à une injection d'un courant dépolarisant (0,7 nA). B) Mesures sur le neurone FS simulé par le circuit neuromimétique stimulé par un courant dépolarisant (0,7 nA). III - 2 - 4 Résultats pour le réglage suivant le modèle du neurone RS
Les neurones Regular Spiking sont quant à eux de type excitateur. Ils répondent à une stimulation de courant dépolarisant par une production de potentiels d'action avec un phénomène d'adaptation de la fréquence de décharge. Ils possèdent 4 conductances : sodium, potassium, fuite et potassium lent [YAM 89]. La figure 35 présente la comparaison de la réponse dynamique du neurone simulé par le circuit neuromimétique et celle enregistrée à partir d'un neurone du cortex sensoriel du rat in vitro [POS 08]. Là aussi les comportements sont similaires en termes de valeurs extrêmes de la tension de membrane, de fréquence initiale et de fréquence après adaptation. La comparaison des courbes fréquence versus courant de stimulation de ces deux neurones (non présentés ici) aussi bien pour les potentiels d'action avant et après adaptation nous a permis de valider notre simplification du modèle et son implémentation.
III - 2 - 5 Résultats pour le réglage suivant le modèle du neurone IB
Le troisième modèle de neurone que nous avons implémenté est dénommé Intrinsically Bursting. Si les neurones FS et RS représentent environ 20% et 80% respectivement de la population du cortex, les neurones IB n'en représentent
Figure 35 : Tension de membrane d'un neurone RS. A) Réponse d'un neurone RS biologique d'après un enregistrement dans le cortex visuel du furet suite à une injection d'un courant dépolarisant (0,7 nA). B) Mesures sur le neurone RS simulé par le circuit neuromimétique stimulé par un courant dépolarisant (0,7 nA) montrant sa réponse typique avec le phénomène d'adaptation. 75 que quelques pourcents. Ils présentent la particularité de générer avec une stimulation dépolarisante des bouffées de potentiels d'actions suivis brusquement par des potentiels d'action de fréquence plus faible. Pour reproduire ce type d'activité, nous avons ajouté au modèle du RS une conductance calcique de type L [REU 93]. La figure 36 présente la comparaison de la réponse dynamique du neurone simulé par le circuit neuromimétique et celle enregistrée in vitro à partir d'un neurone du cortex sensoriel du cochon d'Inde [MCO 85]. Nous observons dans les deux cas une bouffée initiale haute fréquence suivie de potentiels d'action de plus faible fréquence, ce qui permet de valider notre implémentation du modèle IB dans nos circuits neuromimétiques.
III - 2 - 6 Résultats pour le réglage suivant le modèle du neurone LTS
Le quatrième et dernier modèle de neurone implémenté est le dénommé Low Threshold Spiking. A l'instar des IB, ces neurones représentent quelques pourcents de la population totale. Ils présentent une activité en bouffée de potentiels d'action après une l'arrêt d'une stimulation hyperpolarisante. Cette fois-ci, nous avons enrichi le modèle du RS par une conductance calcique de type T [DES 96]. La figure 37 présente la comparaison de la réponse dynamique du neurone simulé par le circuit neuromimétique et celle enregistrée in vivo à Figure 36 : Tension de membrane d'un neurone
IB. A) Réponse d'un neurone IB biologique d'après un enregistrement in vitro dans le cortex sensoriel du cochon d'inde à une injection d'un courant dépolarisant (0,2 nA). B) Mesures sur le neurone IB simulé par le circuit neuromimétique stimulé par un courant dépolarisant (0,2 nA). 76 Figure 37 : Tension de membrane d'un neurone LTS. A) Réponse d'un neurone LTS biologique d'après un enregistrement in vivo à partir du cortex pariétal du chat après une stimulation hyperpolarisante (-0,1 nA). B) Mesures sur le neurone LTS simulé par le circuit neuromimétique après l'arrêt d'un courant hyperpolarisant (-0,1 nA). partir d'un neurone du cortex pariétal du chat [DEP 96]. Le même comportement post-rebond est observable dans les deux cas, ce qui nous a permis là aussi de conclure que notre implémentation était satisfaisante.
III - 2 - 7 Conclusion sur la simulation des neurones corticaux
L'implémentation des quatre types les plus communs de neurones corticaux dans nos circuits neuromimétiques et ce suivant le formalisme d'Hodgkin-Huxley n'a pu se réaliser que grâce à un travail et une collaboration pluridisciplinaire. Cette pluridisciplinarité a réuni la conception du circuit intégré, le développement de la technique d'optimisation basée sur l'algorithme à évolution différentielle et la modélisation des neurones suivant le formalisme d'Hodgkin-Huxley. L'ensemble des résultats de ce paragraphe III-2 montre la faisabilité de reproduire en temps réel les activités électriques plus ou moins complexes des neurones. III - 3 Le comportement des petits réseaux plastiques
Ces travaux sont antérieurs à ceux sur le réglage des circuits analogiques neuromimétiques. Ils ont été réalisés dans le cadre du projet européen FACETS 77 (FP7-PEOPLE-ITN-2008, n° 237955). Ce projet pluridisciplinaire s'inscrivait dans la thématique des Futur and Emerging Technologies (FET). Son objectif était de proposer des alternatives au paradigme de calcul de Turing qui est peut-être sommairement et maladroitement résumé à une exécution séquentielle des différents évènements à réaliser pour résoudre un problème donné. Des neuroscientifiques, des informaticiens, des modélisateurs, des ingénieurs ainsi que des physiciens se sont investis dans cet ambitieux projet. Le consortium formé de 15 équipes de recherche et de 2 sociétés industrielles comptait près d'une centaine de chercheurs qui se répartissaient en 3 niveaux et 2 échelles. On distinguait tout d'abord les niveaux biologique, modélisation et simulation logicielle et enfin le niveau de simulation matérielle. Puis nous avions l'échelle cellulaire d'un côté et l'échelle du réseau de l'autre. La première s'intéressait à une description précise de quelques cellules nerveuses tandis que la seconde s'intéressait aux dynamiques de plus gros réseaux de neurones (à partir de quelques milliers). Les chercheurs du laboratoire IMS étaient en charge de la réalisation d'un simulateur matériel de petits réseaux de neurones. Notre charge de travail était répartie en 3 tâches au sein du Workpackage 6. J'avais la responsabilité scientifique de la première. Les deux autres tâches sous la responsabilité du Dr Jean Tomas concernaient le développement matériel du système (nouvelle génération de CI et cartes électroniques). M'étant très peu investi dans ces deux dernières, je n'aborde pas ou très peu dans ce manuscrit les synapses, les cartes et le protocole de communication inter-neurones. Nous avions décidé d'étudier l'influence de la corrélation temporelle du bruit synaptique sur la plasticité au sein d'un petit réseau de neurones excitateurs. Parce qu'un petit réseau de neurones biologiques n'existe pas à l'état naturel sans être entouré par d'autres cellules biologiques, chacun des neurones du petit réseau reçoit potentiellement des informations en provenance, d'une part des autres neurones du réseau, et d'autre part des neurones situés à l'extérieur du réseau étudié. Autrement dit, chaque neurone est stimulé par les autres cellules et aussi par un pattern de bruit en substitution à la multitude de ses connexions en provenance de l'extérieur du réseau étudié. III - 3 - 1 Génération du bruit synaptique
Les patterns de bruit appliqués en entrée des neurones sont générés selon deux paramètres variables : la fréquence des évènements du pattern et la corrélation temporelle entre les différents patterns. Comme indiqué précédemment, il n'existe pas de méthode standard pour corréler de tels patterns. Par conséquent, nous avons développé la méthode présentée ici. Pour obtenir des patterns de bruit corrélés entre eux, nous utilisions initialement une distribution de Poisson à partir de laquelle les patterns corrélés ont été générés (voir Figure 38). L'écart temporel entre l'évènement de la loi de Poisson d'origine et celui d'un pattern de bruit est donné par la formule suivante : 0,1 m. 1 . 3 2 équation 40 où [0; 1] était le degré de corrélation des patterns de bruit. Le terme m correspondait à la période moyenne du pattern de bruit. 0,1 est une loi normale et 0,1 3 permettait d'avoir 99,7% du tirage entre -1 et 1. Si le tirage 5 La corrélation est le rapport entre deux phénomènes qui varient l'un en fonction de l'autre. Ici, nous pourrions parler de cohérence temporelle des bruits synaptiques. Cependant la notion de corrélation temporelle est utilisée dans les publications de neurosciences computationnelles. Nous nous permettrons alors d'utiliser aussi ce terme dans la suite de ce manuscrit.
79 Y 0 t P1 P
2 Figure 38 : Le pattern d'évènements Y suit une loi de Poisson. Les patterns de bruit Pi sont créés à partir de Y et d'une distribution basée sur une loi normale telle qu'exprimée à l'équation 40. était hors de l'intervalle ]-1;1[, il était ignoré et effectué à nouveau jusqu'à obtenir un tirage valide. Cette méthode de corrélation temporelle nous permettait de maîtriser le degré de corrélation grâce au terme même si elle nous éloignait des caractéristiques d'une loi de Poisson.
III - 3 - 2 La règle de plasticité implantée dans le système
Comme nous l'avions évoqué précédemment, ce travail a été mené par mes collègues de l'IMS. Je présenterai donc ici uniquement les notions essentielles à la compréhension de la suite de mes travaux. Parmi toutes les règles de plasticité au sein d'un réseau de neurones, la Spike Timing Dependent Plasticity (STDP) se base sur la différence des temps d'émission des potentiels d'action émis par deux neurones reliés par une synapse [ABB 00] [CHE 00] [FEL 00] [ROB 02] [KEP 02]. Cette règle dérive des études liées aux phénomènes de Long Term Potentiation (LTP) et de Long Term Depression (LTD) [SON 01]. Le principe général est qu'en se référant à une connexion synaptique entre deux neurones, si le neurone présynaptique émet un potentiel d'action avant le neurone postsynaptique dans une fenêtre temporelle suffisamment petite, l'efficacité synaptique est alors augmentée (mécanisme de LTP). Alors que si le neurone postsynaptique émet un éventuel potentiel d'action avant le présynaptique, dans une courte succession temporelle, l'efficacité de la synapse est dans ce cas réduite (mécanisme de LTD). Ce modèle de plasticité résulte d'expérimentations menées à l'échelle de potentiels d'action individuels et a été observé dans différentes structures comme le cortex [MAR 97], l'hippocampe 80 [LEV 83] [MAG 97] et dans des cellules en culture [BIP 98]. Ce modèle a été enrichi dans des travaux plus récents avec par exemple, l'introduction dans le modèle de l'effet des potentiels d'action précédents d'un même neurone [FRO 02]. D'un point de vue fonctionnel, la STDP est connue pour augmenter l'efficacité synaptique de neurones synchronisés [VRO 01] [SON 01]. Ajoutons qu'elle semble jouer un rôle dans la synchronisation des assemblées de neurones [SIN 95]. III - 3 - 3
Les données recueillies après une simulation fournissent le temps au cours duquel le poids d'une synapse a été recalculé suivant la règle de STDP, la nouvelle valeur du poids, ainsi que les numéros des neurones pré et postsynaptique. Afin d'évaluer la convergence des poids synaptiques, nous superposions dans un premier temps toutes les valeurs de poids sur un même graphique tout au long de la simulation. Puis nous réalisions un histogramme qui nous permettait de visualiser la répartition des poids synaptiques sur la durée d'une simulation de manière plus synthétique. Le graphique a été obtenu en divisant l'axe des poids synaptiques en plusieurs sections (Figure 39-A). Le numéro de section était relatif à la valeur des poids. Autrement dit, plus le numéro était élevé et plus les valeurs de poids qu'elle représentait l'étaient également. Pour chaque section, nous effectuions le compte du nombre de poids. Cela correspondait au nombre de résultats des calculs effectués grâce à la STDP, compris dans la section concernée. Nous avions alors des informations sur la présence plus ou moins importante de synapses ayant eu, durant la simulation, une valeur de poids qui variait à l'intérieur de cette plage de valeurs. Dans la figure 39, le nombre de valeurs de poids de chaque section, noté Σpoids, a été reporté à droite dans le graphique A. Le graphique B était obtenu en calculant le nombre de valeurs de poids en fonction du numéro de section. Puis la répartition des poids était générée par normalisation du graphique B dans le graphique C. Le graphique construit par cette méthode fournit alors la distribution normalisée en ordonnée en fonction du numéro de la section de poids en abscisse, autrement dit en fonction de la valeur du poids. Si la partition sur la partie C de la figure tendait vers 0, cela indiquait une distribution des poids avec des faibles valeurs. 81 B) A) poids poids 35 21 53 17 32 5 b6 b5 b4 b3 b2 b1 t C) poids 53 50 0,5 35 32 25 5 poids normalisé 17 21 1 2 3 4 5 6 0,25 N° de section 1 2 3 4 5 6 N° de section
Figure 39 : Construction de l'histogramme des poids synaptiques. A) Sommation du nombre de poids dans chaque section. B) Représentation du nombre de poids en fonction du numéro de section. C) Normalisation du nombre de poids en fonction du numéro de section. Inversement, si la répartition tendait vers les plus fortes valeurs, cela indiquait une distribution des poids avec des fortes valeurs
. Pour nos études, nous avions besoin d'observer l'évolution de la répartition des poids synaptiques. Il a donc fallu représenter graphiquement l'information de la répartition des poids synaptiques. La distribution des poids pouvait se situer près des valeurs maximales, près des valeurs minimales, les 2 à la fois (répartition bimodale), ou confinée autour d'une plage de valeurs (répartition unimodale). Pour représenter ces 4 catégories par un seul point sur un graphique, nous avions besoin de deux coordonnées que nous appelions pF pour poids forts et pf pour poids faibles. Autrement dit, la coordonnée de pF caractérisait la quantité de synapses ayant un poids fort, et celle de pf la quantité de synapses ayant un poids faible. Ces deux coordonnées ont été créées en pondérant deux fois les histogrammes de poids présentés ci-dessus. La première pondération renforçait l'influence des poids forts, ce qui donnait la valeur de pF, et la seconde pondération renforçait l'influence des poids faibles pour donner la valeur de pf. La discrimination des 4 types de convergence était donc possible en fonction des coordonnées pF et pf comme é à la figure 40. III - 3 - 4 Résultats à propos de la corrélation temporelle du bruit dans des petits réseaux de neurones plastiques
Nous avions réalisé deux études. La première était à propos d'un réseau dont le bruit synaptique avait le même degré de corrélation pour chaque neurone. La seconde portait sur l'interaction entre deux réseaux de neurones recevant chacun un bruit synaptique avec un degré de corrélation différent. Pour des raisons 82
B
)
C) D) Distribution Distribution Distribution Distribution normalisée des poids normalisée des poids normalisée des poids normalisée des poids A) 1 1 0,8 0,8 0,6 pF 0,4 0,2 0 0 0,6 0,4 0,2 10 20 0 0 30 35 Numéro de section 1 1 0,8 0,8 0,6 pF 0,4 0,2 0 0 10 20 0 0 30 35 Numéro de section 0,8 0,6 pF 0,4 0,2 1 1 pf 0,6 0,4 0,2 10 20 0 0 30 35 Numéro de section 1 1 0,8 0,8 0,6 pF 0,4 0,2 0 1 0,2 0,8 0 0,6 1 0 1 pf 0,4 1 0 pf 0,6 0,4 0,2 10 20 30 35 Numéro de section 0 0 pf
Figure 40 : Pour chaque paire de graphiques, à gauche nous avons l'histogramme de répartition des poids normalisé et à droite le graphique pF vs pf. A) Convergence bimodale : (pf ; pF) tend vers (0,5 ; 0,5). B) Convergence confinée : (pf ; pF) tend vers (0 ; 0). C) Convergence vers des valeurs minimales : (pf ; pF) tend vers (1 ; 0). D) Convergence vers des valeurs maximales : (pf ; pF) tend vers (0 ; 1). matérielles, nous avions dû limiter notre étude à de très petits réseaux, à savoir 6 neurones. Cependant, l'utilisation de notre système temps réel avait gardé son intérêt car nous avions reproduit les expériences avec différentes configurations initiales, ce qui nous avait amené à plusieurs centaines de simulations de quelques minutes. De plus, cela nous a permis d'acquérir un savoir-faire dans ce domaine en attendant la mise au point du nouveau système avec un plus grand nombre de neurones. 83 Influence du degré de corrélation temporelle du bruit synaptique sur un petit réseau de neurones
Nous avions reproduit la première expérience avec quatre fréquences différentes pour le bruit synaptique (5, 8, 10 et 15 Hz) afin d'observer si la fréquence influençait la plasticité du réseau. Pour chaque fréquence de bruit, tous les neurones ont été stimulés par des patterns de bruits corrélés de manière identique. Onze degrés de corrélation différents ont été testés en allant de 0 à 1. Dans chaque cas, les poids synaptiques initiaux ont été initialisés avec différentes configurations : tous nuls, tous maximaux, aléatoirement choisis. Une simulation durait 6 minutes, ce qui permettait d'avoir un réseau stabilisé sur une longue partie de la simulation. Ainsi 220 simulations ont été réalisées pour cette étude. Durant la simulation, l'algorithme de STDP influençait l'évolution des poids synaptiques reliant les 6 neurones interconnectés en all-to-all. Ajoutons que les neurones étaient stimulés par des courants constants compris entre 0,4 et 0,5 nA. Avec ces réglages, les neurones soumis à un pattern de bruit de 5 Hz, oscillaient spontanément à une fréquence d'environ 3 Hz, ce qui était conforme au contexte d'observations de la plasticité de type STDP dans les systèmes biologiques [BAD 06]. Certaines de ces expérimentations ont été simulées avec le logiciel Neuron pour vérifier que les résultats étaient cohérents et pour déterminer quel était l'influence du bruit électronique dans les composants analogiques sur les résultats obtenus. Cette première étude étant un préliminaire à la seconde, que nous présentons ici, nous n'en donnerons que les conclusions. Lorsque le degré de corrélation augmentait, et ce quelque soit la fréquence du bruit nous allions progressivement d'une répartition des poids confinée (unimodale) à une répartition bimodale en passant par une répartition mixte (répartition des poids en trois endroits : les deux extrêmes et une plage centrale). Nous retrouvions les mêmes comportements avec les simulations logicielles. Cependant il fallait que le degré de corrélation soit plus élevé dans les simulations logicielles pour retrouver le même type de comportement. La différence entre les deux environnements de simulation est la présence d'un bruit intrinsèque aux neurones électroniques dû au caractère analogique de ces derniers. Avec ce système nous n'avions pas le contrôle du bruit électronique généré. D'autres études avaient été déjà menées sur le sujet. Elles ont montré que la STDP était bien influencée par la corrélation temporelle du bruit synaptique. Influence de la différence du degré de corrélation temporelle du bruit synaptique entre deux groupes de neurones
Nous avions ensuite étendu notre étude à un réseau dont les neurones étaient séparés en deux groupes, avec un degré de corrélation distinct pour chacun. Nous nous étions alors intéressés à l'influence de la différence du degré de corrélation sur les synapses à l'intérieur d'un groupe ainsi que celles allant(venant) vers(de) l'autre groupe. Ainsi, nous considérions quatre catégories de synapses relativement aux deux groupes de neurones. En prenant le Groupe 1 (G1) comme référence, les synapses reliant les neurones de G1 aux neurones du Groupe 2 (G2) sont appelées synapses sortantes ; celles connectant les neurones de G2 à celles de G1 sont appelées synapses entrantes. Les synapses connectant les neurones à l'intérieur de G1 sont appelées synapses internes, et celles à l'intérieur de G2, synapses externes. Dans cette étude, le réseau utilisé était toujours composé de six neurones tous interconnectés en all-to-all. Cependant, cette fois-ci les neurones étaient répartis en deux groupes en fonction du degré de corrélation du pattern de bruit auquel ils étaient soumis. Nous faisions varier le nombre de neurones dans chaque groupe (entre 2 et 4). Nous avions testé également différents degrés de corrélation G1 et G2 caractérisant respectivement le bruit de G1 et de G2. Pour éviter de reproduire les expériences deux fois, nous avions toujours G1 ≥ G2. Nous avions aussi permuté les neurones entre les deux groupes afin d'observer l'effet éventuel de la variabilité des neurones électroniques sur re étude. Enfin, nous avions testé plusieurs tirages aléatoires pour l'initialisation des poids synaptiques. Les données enregistrées à chaque émission de potentiel d'action étaient le temps de l'évènement, le numéro du neurone concerné, ainsi que tous les poids de ses synapses afférentes et efférentes recalculés par la STDP. Au total nous avions réalisé près de 1000 simulations avec une durée de six minutes 85 chacune, ce qui correspond à près de 100 heures de simulation en temps réel. La capacité de calcul de notre système avait là aussi était fort appréciable. Nous ne présenterons pas en détail ici tous les résultats obtenus. Nous nous arrêterons avec les figures 41 et 42 sur quelques résultats afin de comprendre ce que nous avions obtenu. Nous donnerons ensuite les conclusions de cette étude. pF 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 pF 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 pf pf (a) G2 = 0 pF 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) (a) G2 = 0,2 pF 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) pf (a) G2 = 0,5 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) pf (a) G2 = 0,7
Figure 41 : Synapses entrantes : répartition des poids synaptiques du réseau avec 4 neurones dans le G1 et 2 neurones dans le G2 en fonction de G1 et G2. 86 pF
1
0,8 0,6 0,4 0,2
00 pF 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 pf pf (a) G2 = 0 pF 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) (a) G2 = 0,2 pF 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20 G1 (%) 1 0,8 0,6 0,4 0,2 00 pf 100 80 60 40 0,2 0,4 0,6 0,8 10 20
G
1 (%)
pf (a)
G2 = 0,5 (a) G2 = 0,7 Figure 42 : Synapses sortantes : répartition des poids synaptiques du réseau avec 4 neurones dans le G1 et 2 neurones dans le G2 en fonction de G1 et G2. Dans cette étude, nous avions considéré deux groupes de neurones soumis à un bruit synaptique. Tous les neurones d'un même groupe recevaient un bruit ayant un degré de corrélation qui lui était propre. De plus, les bruits synaptiques de chaque groupe étaient indépendants de ceux de l'autre groupe. Une règle de STDP était appliquée à toutes les synapses du réseau constitué par les deux groupes. Quand le degré de corrélation de G1 et son nombre de neurones sont supérieurs à ceux de G2, la STDP mène à une distribution des poids vers les valeurs minimales pour les synapses entrantes (de G2 vers le G 1), et vers les valeurs maximales pour les synapses sortantes. Ceci montre le rôle moteur du groupe ayant le plus de neurones et le plus fort degré de corrélation de ses entrées. Concernant les synapses à l'intérieur des groupes, la répartition passe du type unimodal au type bimodal. Autrement dit, on observe que la convergence des poids synaptiques à l'intérieur d'un groupe semble indépendante du degré de corrélation de l'autre groupe. Seules les synapses intergroupes sont affectées par le degré de corrélation temporelle des deux groupes. Dans l'ensemble, l'état initial des poids synaptiques n'a pas eu d'effet significatif sur les observations. De plus, le fait que le G1 possédait 3 ou 4 neurones n'a pas eu d'influence remarquable.
III - 5 Conclusions sur les simulations biologiquement réalistes
Avec ce troisième chapitre, nous avons pu apprécier l'intérêt de nos circuits neuromimétiques. Nous avons reproduit avec une grande similitude le comportement électrique des quatre neurones les plus fréquemment rencontrés dans le cortex. Nous avons aussi utilisé ces circuits pour reproduire l'activité stochastique telle que celle observée dans les cellules vivantes. Afin de préparer les recherches futures, nous avons utilisé les circuits neuromimétiques d'une précédente génération pour étudier l'effet de la corrélation du bruit synaptique dans un petit réseau de neurones excitateurs interconnectés sur le calcul de la STDP. Aujourd'hui, notre expertise dans le domaine de l'ingénierie neuromorphique biologiquement réaliste est établie. L'approche de cette recherche et le caractère multidisciplinaire des chercheurs qui y évoluent en font toute l'originalité. Nous allons maintenant voir comment cette compétence acquise peut-être exploitée dans les perspectives de recherche présentées au chapitre suivant. La conception matérielle des réseaux de neurones analogiques est dénommée dans la littérature scientifique internationale Neuromorphic Engineering. Deux approches distinctes peuvent y être identifiées : la conception bio-inspirée et la conception neuromimétique. Les concepteurs bio-inspirés cherchent à résoudre des problèmes d'ingénierie en s'inspirant de principes biologiques moyennant quelques approximations [LAN 97]. A l'heure actuelle, leurs travaux concernent principalement les capteurs pour la vision [BOA 96] [CUL 01] [LIC 08], les capteurs pour l'audition utilisés dans l'analyse des scènes auditives [LAZ 95] ou dans la localisation sonore [VSC 04], mais aussi le traitement du signal pour l'apprentissage [DIO 02]. L'approche neuromimétique, quant à elle, cherche à reproduire avec précision l'activité des cellules biologiques. La plupart de ces recherches concernent l'étude de l'activité de réseaux de neurones identifiés comme par exemple le Control Pattern Generator [CAL 95] [SIM 04] [TEN 04] [SIM 06], les principes d'apprentissage [IND 06] [ZOU 06] ou les prothèses : rétines artificielles, implants cochléaires et interfaces cerveau-machine [LOE 90] [MAR 02] [NIC 03] [SCO 06] [HOC 06]. Avec notre expérience acquise depuis dix ans dans le Neuromorphic Engineering, nous pouvons aujourd'hui affirmer que ces deux approches, neuromimétique et bio-inspirée, sont en fait deux domaines de recherche distincts. Le bio-inspiré demande une capacité de compréhension des phénomènes naturels pour les transposer dans son propre champ de recherche. Si nous prenons l'exemple des algorithmes génétiques, présentés en partie dans ce manuscrit, notre culture générale nous suffit pour comprendre les notions associées à ces algorithmes : population 'individus, mutation d'un ou de plusieurs gènes chez les individus, sélection des meilleurs individus. Cependant, à aucun moment les algorithmes génétiques ne permettent d'expliquer la théorie de l'évolution. Ce propos peut-être illustré aussi par les réseaux de neurones, qui est un deuxième exemple encore plus proches de nous. Les informaticiens utilisent des réseaux de neurones artificiels (ANN pour Artificial Neural Networks) 91 notamment pour les tâches de classification, de reconnaissance d'images. Le modèle de neurone implémenté se résume à une fonction non linéaire, souvent une sigmoïde, de la sommation des informations arrivant sur le neurone. La simplification majeure est la non prise en compte de la dimension temporelle de l'information. Si cette approximation donne des résultats satisfaisants pour les tâches citées ci-dessus, nous accepterons aisément que ces réseaux de neurones ne permettent pas de comprendre les mécanismes neuronaux. IV - 1 Perspectives de recherches dans le domaine neuromimétique IV - 1 - 1 A court terme :
Le projet NeuroStoc Ce projet est la suite logique des travaux menés en collaboration avec le Dr Chen lors de son séjour de trois mois en 2008 à l'IMS. Ce projet répond à l'appel d'offre Blanc International Franco-Taïwanais de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR). Il impliquera les équipes ElIBio et AS2N de l'IMS et les équipes des docteurs Chen, Yeh et Lu du Neuro-Engineering Research Group, National Tsing Hua University, Taïwan. L'interaction entre les neurones biologiques pour former des fonctions de haut niveau cognitif reste encore mal comprise. Notamment, pour déterminer comment l'information est codée dans les variations de leurs potentiels de membrane où il existe des fluctuations non négligeables. Nous appellerons par la suite ces dernières « bruit » [ERM 08] [STE 05] [SAL 06]. Ce bruit est-il nuisible ou bénéfique pour le calcul neuronal? Les études théoriques et des observations physiologiques suggèrent que le bruit pourrait jouer un rôle bénéfique dans les fonctions cognitives [SAL 06] [MAB 06], et pourrait se rapporter aux troubles du système nerveux tels que la maladie de Parkinson, l'épilepsie, etc [VEL 00] [UHL 06] [HAM 07]. La compréhension de l'effet du bruit pourrait être utile non seulement pour faire progresser les neurosciences, mais aussi pour améliorer les traitements des maladies neurodégénératives. Du point de vue des sciences et des technologies de la communication et de l'information, une meilleure compréhension de la façon dont le cerveau utilise le bruit présente également un intérêt. La technologie microélectronique réduit la taille des transistors et la tension d'alimentation tandis que les niveaux de bruit des transistors restent les mêmes ou même empirent [TSA 94] [WON 83]. Cela conduit à la dégradation du rapport signal sur bruit dans les circuits électroniques. Des approches alternatives à la conception avec des transistors bruyants sont donc fortement demandées, en particulier pour les technologies de pointe [GHI 02] [CEL 02]. De plus, les fluctuations des courants ioniques d'un neurone présentent un spectre de fréquence analogue à celui du bruit dans les transistors classiques [STE 72] [CON 80]. Tout ceci renforce notre intérêt pour l'étude du calcul neuronal en présence de bruit. 93 Circuit neuromimétique stochastique
Ordinateur pour le contrôle Instrumentation d'électrophysiologie VSyn V M,Bio V Syn VM,Bio VM,Bio I Syn
Figure 43 : Le système simulant des neurones stochastiques pour l'étude de l'effet du bruit sur le calcul neuronal.
Ce projet interdisciplinaire vise à exploiter les avantages intrinsèques des circuits intégrés analogiques pour réaliser un simulateur temps réel d'un réseau de neurones stochastiques (d'où le nom de NeuroStoc pour le projet). Un ordinateur contrôlera les paramètres des neurones stochastiques implantés dans le silicium afin de reproduire le comportement des neurones biologiques (voir Figure 43). Grâce à la technique hybride, ce réseau sera ensuite connecté à des neurones biologiques pour étudier comment le bruit influence le calcul neuronal. Notre équipe AS2N aura pour tâche la réalisation de la plate-forme de simulations à base de neurones stochastiques. L'équipe ElIBio dirigée par le Dr Noëlle Lewis sera en charge de l'insertion de ce simulateur dans une boucle temps réel vivantartificiel. L'équipe du Dr Chen aura pour responsabilité la définition et l'analyse des comportements des modèles stochastiques ; tandis que les équipes des Drs Yeh et Lu auront respectivement la charge de mener les expérimentations avec le vivant et la modélisation des neurones. L'originalité et l'innovation de ce projet de recherche par rapport à notre expertise actuelle résident dans : - L'utilisation de circuits intégrés analogiques pour simuler en temps réel des réseaux de neurones stochastiques ; 94 - L'application de la méthode automatisée de réglage des circuits intégrés à des modèles stochastiques ; - L'utilisation potentielle du bruit intrinsèque des transistors pour générer un comportement stochastique dans les circuits neuromimétiques semblables aux neurones biologiques ; - L'utilisation de la technique hybride pour er l'étude de l'effet du bruit dans le calcul neuronal. Les résultats attendus de ce projet seront utiles aussi bien pour les neurosciences que pour la conception de circuits intégrés. La simulation de grands réseaux de neurones stochastiques en temps réel permettra éventuellement aux neuroscientifiques de comprendre comment le bruit améliore le calcul neuronal. Cette compréhension est importante non seulement pour les neurosciences computationnelles, mais aussi pour améliorer éventuellement les traitements de la maladie de Parkinson, de l'épilepsie, etc. Pour les applications d'ingénierie, cette recherche permettra le développement de nouveaux systèmes bio-inspirés qui utiliseront le bruit dans le calcul comme le font les neurones biologiques. Ce concept est particulièrement important pour les nouvelles architectures de calcul utilisant les technologies submicroniques, dans lesquelles les transistors sont bruyants, les courants de fuite sont non négligeables, et la dynamique et la linéarité de fonctionnement sont limitées. IV - 1 - 2 A moyen terme : la suite du projet ECRéN
Nous ne reviendrons pas en détail sur ce projet en cours de réalisation et mené en collaboration le Dr Alain Destexhe car il a déjà été présenté au paragraphe III-2. Nous rappellerons uniquement ici son objectif qui est la création d'une base de données composée des fonctions de transfert de réseaux de neurones générés aléatoirement. Alors que ce projet apportera de nouvelles connaissances à la communauté des neurosciences, il est déjà possible d'envisager de le poursuivre de deux façons : - Les paramètres de la génération des réseaux de neurones dans le projet en cours sont le type de neurone mis en jeu, la connectivité du réseau et les valeurs des poids synaptiques. Une des améliorations possibles serait d'ajouter 95 les délais de propagation de l'information le long de l'axone. Cela permettrait de tenir compte aussi de l'arrangement spatial du réseau. - La seconde amélioration de ce projet serait d'étendre la technique d'optimisation, exposée au chapitre II, à un réseau. Au lieu d'explorer de façon combinatoire des réseaux de neurones neuromimétiques pour essayer de trouver celui qui fournit la même réponse que le réseau de neurones biologiques étudié, nous optimiserons les paramètres d'un réseau neuromimétique pour retrouver l'activité observée dans le vivant. IV - 1 - 3 Les projets neuromimétiques à plus long terme
Le projet NeuroStoc et la continuité du projet ECRéN ont un point commun, les réseaux de neurones artificiels mis en jeu ne possèdent pas de plasticité. Il est alors légitime de s'interroger sur l'intérêt de notre simulateur pour mener ces travaux sachant : - le nombre d'années de travail nécessaires pour aboutir à un système fonctionnel ; - la capacité de calcul des ordinateurs de bureau actuels qui peuvent calculer en temps réel un millier de conductances ioniques [HUG 08]. La simulation de réseaux de neurones stochastiques en temps réels apporte déjà un plus par rapport aux simulations logicielles. Cependant, notre simulateur focalisera toutes les attentions lorsque toutes les fonctionnalités prévues à l'origine seront opérationnelles. La plasticité sous forme de STDP (présentée succinctement au chapitre III-3-2), a déjà été incluse dans notre simulateur. Nous envisageons l'utilisation ultérieure de cette fonctionnalité pour deux types de projets : - L'extension de la technique hybride à des Multi-Electrode Arrays (MEA) en collaboration avec l'équipe ElIBio. Les MEA sont des dispositifs conçus à base de matériau biocompatible sur lequel sont déposées des électrodes qui permettent l'enregistrement ou la stimulation des cellules vivantes. Ces électrodes sont reliées par des fils à des plots qui permettent la connexion vers l'électronique de traitement de l'information (amplification, filtrage, détection des potentiels d'action ou des potentiels des champs locaux). L'équipe ElIBio vient de recevoir le financement de la part de l'ANR pour le 96 projet HYRENE. Ce projet vise à développer de nouvelles technologies de communication hybride entre réseaux de neurones vivants et réseaux de neurones artificiels matériels. Chaque équipe devrait être prête 'ici 3 ans pour envisager un nouveau projet réunissant l'ensemble des compétences. La réhabilitation fonctionnelle des organes ayant subi une lésion sera un objectif intéressant d'un point de vue scientifique mais aussi sociétal. - La seconde déclinaison possible est l'utilisation de notre système avec la STDP en vue du contrôle de robot. Comme nous l'avions évoqué précédemment, la dimension temporelle est importante dans les performances du réseau de neurones. L'objectif ici serait d'évaluer les performances d'un tel réseau par rapport aux méthodes courantes de contrôle des robots, qu'elles soient séquentielles ou faisant appel aux réseaux de neurones de type ANN. Ce deuxième projet commence déjà à quitter le champ de recherche neuromimétique pour se rapprocher de celui bio-inspiré. IV - 2 Perspectives de recherches dans le domaine du bio-inspiré IV - 2 - 1 A court terme : le nanoneurone à base de CNTFET
Les CNTFET (Carbon NanoTube Field Effect Transistor) sont des dispositifs électroniques de type transistor à effet de champ utilisant des nanotubes de carbone. Le nanotube de type semi-conducteur est utilisé comme canal, à travers lequel les électrons peuvent se déplacer de manière contrôlée, suivant la tension
97 Figure 44 : Transistor à nanotube d'après [WAL 07]. appliquée sur une troisième électrode.
IBM a été le premier à annoncer en mai 2002 la réalisation d'un CNTFET. La figure 44 représente un transistor à nanotube [WAL 07]. Hormis le fait que nous pouvons identifier la structure d'un transistor à effet de champs avec les trois électrodes (drain, source et grille), nous remarquons que la longueur du canal est de l'ordre de quelques nanomètres. Sachant que le soma d'un neurone a un diamètre de l'ordre de 20 m pour une épaisseur de membrane d'environ 5 nm [BEA 97], nous comprenons l'intérêt que nous pouvons porter à cette technologie dans le cadre de la conception neuromorphique. Avant d'envisager l'utilisation des CNTFET pour des circuits neuromimétiques d'une taille proche de celle des cellules nerveuses - ce qui laisserait entrevoir la création de prothèses neuronales de nouvelle génération - il nous faut apprendre à concevoir des circuits avec ces composants. Pour cela, nous collaborons actuellement avec l'équipe COMPACT du laboratoire IMS, dirigée par le Dr Cristell Maneux, et plus particulièrement avec le Dr Montassar Najari post-doctorant dans cette équipe. Nos collègues ont déjà proposé une modélisation de ces transistors [FRE 08] [MON 11]. Ce modèle a été intégré à la suite logicielle ence que nous utilisons pour la conception de circuits intégrés. Comme indiqué ci-dessus, nous avons fait le choix de nous éloigner des circuits neuromimétiques pour ce projet. Cependant, nous souhaitons proposer un circuit qui permet de générer des potentiels d'action suivant les modèles de neurones FS et RS en se rappelant que ce dernier possède un phénomène d'adaptation de la fréquence de décharge. Pour cela, nous avons décidé de nous appuyer sur les 98 travaux de l'équipe du Dr Indiveri qui propose un circuit composé de 21 transistors et 4 condensateurs [LIV 09]. Ce projet n'aboutira pas à une réalisation concrète car les processus technologiques ne sont pas encore suffisamment maîtrisés et nous ne possédons pas ces derniers à l'IMS. Notre objectif ici est d'étudier la faisabilité de réaliser un nanoneurone (neurone artificiel à base de CNTFET). Ces résultats préliminaires nous permettront d'être en capacité de répondre à un prochain appel à projet ANR ou européen.
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233 s'avère très difficile de l'affirmer avec certitude en l'absence de traces écrites ; c'est pour cela que l'existence d'une telle modalité d'élevage est en revanche attestée sans aucun doute à l'époque romaine républicaine et impériale (grâce aux traces retrouvées dans la législation), ce qui fait supposer à d'autres chercheurs qu'« un allevamento transumante su vasta scala nell'Italia centro-meridionale si è venuto a costituire nel 111 a. C. »288. Pasquale Di Cicco, voulant dater la présence de la pratique transhumante avant le III siècle av. J-C, fait l'hypothèse, certes fascinante, que les migrations saisonnières des bergers sont déjà à la base des incompréhensions entre les populations italiques. Il en trouve des traces dans un épisode survenu lors de la deuxième guerre samnite en 326 av. J-C lorsque « i Dauni289, volendo protezione contro le minacce dei Sanniti290, 'incomodi vicini', sollecitarono l'intervento di Roma nella loro terra, e questa circostanza [] pare potersi collegare alla transumanza di quei tempi, [vale a dire] alla necessità che avevano i pastori sannitici di portare le greggi a svernare in Apulia »291. Au-delà de cette hypothèse, pour laquelle l'auteur ne fournit pas de documents d'appui, l'historien romain Tite-Live présente les Samnites comme des populations pratiquant le pastoralisme horizontal déjà au IVe siècle av. J-C. En effet, à la même époque, remonte une « iscrizione, oggi scomparsa, rinvenuta tra il fiume 288 AROMATARIO Maria Maddalena, « Transumanza e civiltà sannitica » dans Giovanni Antonio Fiorilli, La civiltà della Trans
umanza, op. cit., page 50. Trad. fr. : « une forme d'élevage transhumant à grande échelle en Italie centre-méridionale s'est constituée en 111 av. J-C ». 289 Populations du Nord-Est de la région des Pouilles, ce qui correspond aux Monti Dauni et au Tavoliere. Les Samnites étaient des populations italiques habitant la vallée du Sannio dans l'Apennin centre-méridional. Cette zone correspond aujourd'hui au Molise et à la région sud-ouest des Abruzzes. 25. Trad. fr. : « Les Dauni, en demandant protection contre les menaces des Samnites, "voisins pénibles", exhortèrent Rome à intervenir sur leur terre, et à cette occasion [] il semble que la transhumance soit liée à cette époque-là, [c'est-à-dire] à la nécessité des bergers samnites d'amener leur troupeaux à passer l'hiver en Apulie
». 291 234 Biferno e Termoli, l'antica Buca, e datata al VI secolo a. C. »292 concernant l'existence du trait littoral du tratturo de l'Aquila-Foggia. C'est donc plutôt dans des sources littéraires et épigraphiques remontant au IIe siècle av. J-C qu'on retrouve des aspects précis de la transhumance. Marco Porcio Catone en parle dans son ouvrage De agri cultura (160 av. J-C environ), en évoquant la possession d'un troupeau comme une nécessité permettant à chacun de gagner sa vie, témoignant ainsi du rôle fondamental du pastoralisme à l'époque romaine. Il s'agit de ce que les Romains appellent la « familia pecuniaque, gli schiavi e il bestiame, vale a dire il nucleo più importante della ricchezza mobiliare. Più tardi il significato dei due termini [] viene ad abbracciare l'intero patrimonio, compresi i beni immobili, e suona come conferma della più antica limitazione della proprietà [] alle cose mobili »293. Marcus Terentius Varro est le premier à consacrer à la culture agro-pastorale un ouvrage littéraire. Dans Res rusticae (37 av. J-C), l'auteur latin loue l'agriculture dans toutes ses formes, économique, technique et culturelle, portant un regard nostalgique sur une réalité porteuse des bonnes vieilles valeurs (mos maiorum), bien-être et sérénité, bien que désormais vouée selon lui au déclin. C'est à partir de cet ouvrage qu'on peut retracer un cadre organique de l'économie pastorale à l'époque républicaine dans les zones centrales et méridionales de la péninsule, que l'auteur connait par expérience personnelle. Il mentionne en effet de manière très détaillée la transhumance, en fournissant des indications précises sur les mouvements des troupeaux entre l Apulia et le Reatino (la zone de Rieti, ville du Latium) et entre l'Apulia et la Sabine, attestant ainsi de l'existence des tratturi et du pastoralisme vertical, à travers la description des flux entre la plaine 292 AROMATARIO Maria Maddalena, « Transumanza e civiltà sannitica », op. cit., page 46. Trad. fr. « inscription aujourd'hui disparue, retrouvée entre les fleuves Biferno et Tremoli, l'ancienne Buca, datée du VIe siècle av. J-C ». [] le atrimoine entier, y compris les biens immobiles, ceci jadis la propriété était limitée [] aux choses mobiles 235 de Sabine et les monts qui l'entourent. La pratique de la transhumance est confirmée par la lex agraria de 111 av. J-C qui réglemente l'ager romanus à l'époque des Gracques. Il s'agit en effet de la première loi officielle pour la réglementation juridique de l'utilisation des zones de pâturage ainsi que des déplacements saisonniers des troupeaux sur les voies publiques (publicae calles294). La loi impose aux bergers le paiement d'une impôt (scriptura) calculé sur le péage et l'utilisation du pacage au-delà d'un certain nombre d'animaux. À partir de ce document, émergent deux réflexions très importantes. En premier lieu, la nature législative du document nous fait réfléchir sur l'ampleur et le poids non négligeable que le pastoralisme revêt à cette époque dans l'Italie du Centre et du Sud. Celui-ci sort en effet du domaine des coutumes et des habitudes locales, pour entrer dans celui de l'économie, sanctionné définitivement par l'activation d'impôts spécifiques. Ce faisant, la loi impose des limites légales et territoriales à cette activité qui probablement a des proportions spatiales bien plus vastes. Il est donc fortement probable que la lex agraria ait eu pour effet de favoriser et de consolider certains chemins au détriment d'autres, plus périphériques ou mois parcourus. En effet, suite à la Deuxième Guerre punique, qui oppose Rome à Carthage de 218 à 202 av. J-C, la République romaine, afin de punir les populations du sud de l'Italie ayant soutenu Hannibal, confisquent leurs terres ; « ne consegue il ricorso al pascolo di ovini e quindi della transumanza, da un lato, e all'emigrazione e al brigantaggio, dall'altro » 295. De plus, cette que est marquée par un certain immobilisme dans les techniques d'élevage, ce qui semble avoir favorisé la persistance du pastoralisme vertical296. Ce qui apparaît déjà à partir de l'époque romaine est certainement la présence conjointe dans les territoires abruzzains de deux formes d'élevage : une forme 294 Plus tard, dans les codes de Théodose et Justinien, elles seront appelées tractoria et ensuite, tratturi par altération phonique dialectale. donc autre l'émigration et le brigandage ». Cf. LOSCHIAVO Luca, « "In terra d'Abruzzi". La pastorizia abruzzese tra profili istituzionali e spunti storico giuridici » dans Antonello Mattone et Pinuccia Simbula (eds.), La pastorizia mediterranea. Storia e diritto (secoli XI-XX), Rome, Italie, Carocci, 2011, p. 510-530.
profilent aussi des isant à la progressive juxtaposition entre la zone littorale et l'arrière-pays, ce qui atteint son apogée lors des migrations des peuples nomades qui caractérisent l'Antiquité tardive. À l'issue de cette période, « la contrapposizione fra costa ed entroterra è ancora più aspra, poiché la fascia sul mare è sotto il controllo bizantino e l'interno è longobardo » 4.2. La confirmation de la fluidité territoriale
Pendant la période carolingienne, on observe une nouvelle tentative de créer un équilibre entre littoral et montagne. Cette démarche est surtout favorisée par la réorganisation de la production agricole selon le modèle féodal. En ce qui concerne l'économie de subsistance, fortement basée sur les échanges en nature, les populations de l'époque vivent davantage de la production dérivée de l'exploitation des terrains. Celle-ci étant toutefois limitée dans le temps et dans l'espace, s'impose à nouveau l'exigence de déplacements recourant à la recherche de pâturages fertiles. Il vient ainsi se reconstituer une interaction entre mer et montagne, en outre avantagée par les nouvelles frontières qui séparent le duché lombard de Spolète (comprenant les Abruzzes) de celui de Bénévent (comprenant le Molise et les Pouilles) et qui coupent les réseaux routiers des tratturi reliant les hauts-plateaux abruzzains au Tavoliere des Pouilles. Néanmoins, cet équilibre est rapidement déstabilisé par le déclin de l'empire carolingien. Ces territoires sont à nouveau fractionnés lors de la venue de nouvelles populations : Sarrasins, 297 ZAGANELLA Marco, L'Aquila e l'Abruzzo nella storia d'Italia, op. cit. [Version Kindle]. Trad. Fr. : « la juxtaposition entre la côte et
l'arrière-pays
est d'autant plus marquée que
le bandeau
litt
oral est sous
c
ontrôle byzantin
, alors
que
l'arrière-pays est
lombard ». 237 Hongrois, Slaves et Normands. Par conséquent, l'interaction entre la côte et la montagne se réduit davantage. C'est à ce moment précis que s'impose définitivement la transhumance entre les zones des actuelles provinces de L'Aquila et Foggia, ce qui aura pour effet de développer les activités et les réseaux commerciaux sur la dorsale longitudinale des Apennins centre-méridionaux. Il faut attendre le XVe siècle pour que ces territoires, qui abritaient déjà une activité économique homogène (le pastoralisme), se retrouvent réunis politiquement, sous l'égide du Royaume de Naples. Les Aragonais, titulaires depuis 1442 du trône de la cité parthénopéenne, ont le mérite de consolider l'économie herbagère transhumante, et par conséquent de fixer ces réseaux routiers déjà longuement pratiqués. Sous le Royaume aragonais, on remarque une division très nette entre côte et montagne. Le littoral adriatique, bien que peu exploité, est principalement consacré aux échanges commerciaux avec la République de Venise et la République de Raguse, tandis que les zones internes des Abruzzes, du Molise, et des Pouilles dépendent de la transhumance et des migrations saisonnières vers Rome et Naples. La raison de cette différence d'aménagement territorial est à rechercher dans les changements de politique de la maison aragonaise. Après l'union des couronnes de Castille et d'Aragon, la plupart des efforts économiques et politiques espagnols se concentrent davantage sur la construction du nouvel axe commercial apparu suite à la découverte par les Européens, du continent américain. Les intérêts maritimes se déplacent ainsi d'Orient en Occident et abandonnent progressivement la perspective méditerranéenne. Le royaume de Naples devient donc de plus en plus marginal dans le grand empire espagnol : il est réduit à la seule fonction auxiliaire de source de s, nécessaire pour alimenter les politiques d'expansion territoriale espagnoles, ainsi que d'avant-poste stratégique pour la défense de la Chrétienté, rôle confié à la côte adriatique. Cette zone se présente donc comme peu peuplée, dans un état d'abandon. Les officiaux du Royaume relatent l'existence de villes littorales dépourvues d'infrastructures portuaires298, dont le contrôle est assuré par un système de tours de surveillance 298 Cette politique d'abandon du littoral est au coeur des préoccupations aragonaises. Elle fait 238 déployées sur la ligne littorale. Daniel
Trad. fr. : « la structure capillaire de la douane aragonaise prépare, dans le Royaume de Naples, un vaste réseau d'institutions ainsi qu'un solide système de sauvegarde de l'union entre les intérêts souverains et le profit du pastoralisme. L'élevage ovin devient ainsi la ressource principale de l'économie méridionale et il rentre dans le circuit productif d'une économie dynamique qui dépasse les simples structures de subsistance des troupeaux et de leurs bergers pour évoluer au fur et à mesure vers un capitalisme pastoral. Le tratturo devient
a
insi
une
grande artère de connexion et d'échange interrégion
al
, ce qui donne lieu à un processus long et durable, jusqu'à la législation du nouveau Parlement italien, désormais orienté vers le développement d'autres formes économiques
, dans le cadre de l
ergence
du
problème
agricole
et
de
la
nouvelle classe
ouvrière
». Les bases d'une refondation du pastoralisme dans une perspective capitaliste ont déjà été mises en place par Frédéric II au XIIIe siècle, lorsque celui-ci constitue une réglementation de la grande transhumance et redéfinit les territoires de pacage des Pouilles à travers deux actions conjointes. D'un côte, il renforce la présence de la Couronne dans le secteur de l'élevage, de l'autre il refonde le système des impôts et les droits de fiscalité. Cette oeuvre est ensuite reprise un siècle et demi plus tard sous le règne de Jeanne II, lorsque pour la première fois la Couronne devient le seul intermédiaire entre les éleveurs, les propriétaires fonciers et l'administration fiscale. Le but est de réorganiser les vastes extensions de terre, entourées par des collines et des montagnes, et d'en faire une énorme réserve capable d'accueillir jusqu'à deux millions d'animaux. Lors de leur arrivée au pouvoir, les Aragonais prennent le relais en la matière et, en 1447, Alphonse Ier institue la Dohana Menae Pecudum Apuliae, sorte de magistrature chargée de la gestion du patrimoine pastoral de la Couronne. La Douane alphonsine s'avère plus organique et efficiente que les expériences précédentes, en garantissant ainsi une homogénéité inédite aux politiques encadrant ce type de sujet. La loi de 1447 entérine l'obligation pour tous les bergers possédant plus de vingt animaux de conduire annuellement, entre septembre et octobre, leur bétail dans la plaine du Tavoliere. Cette systématisation de l'élevage transhumant permet également de contrôler l'économie liée à la location annuelle de terrains plats aux bergers provenant des montagnes. Ne possédant pas assez de terrains pour couvrir une si vaste demande, la Couronne oblige les propriétaires iers à louer les terres à l'institution de la Dohana ; de cette manière, elle met fin aux inégalités et aux spéculations sur les prix de location des terres privées et publiques. Il s'agit en effet d'un « duplice accordo contrattuale che la monarchia stringeva da un lato con i latifondisti e dall'altro con gli allevatori. I primi erano obbligati a cedere in perpetuum allo Stato il diritto di pascolo sulle loro terre in cambio del versamento di una somma annuale. Forte di questo il sovrano poteva così impegnarsi con gli allevatori, garantendo loro una serie di vantaggi a coloro che avevano deciso di condurre il loro gregge a svernare nel Tavoliere pugliese. L'accordo
con gli allevatori
prese la forma di un vero e proprio contratto: contratto di fida »301.
(Luca Lo sSch
i
avo, 2011. p
.
516) 301 LOSCHIAVO Luca,
« "
In terra d'
Abruzzi" », op. cit.
, p
. 516. Trad. fr. : «
double accord
contractu
el
que la monarch
ie concluait
d'un coté avec les propriétaires fonciers et de
l'autre avec les éleveurs. Ces premier
s étai
ent obligés de céder à 240 Pour la première fois ces réseaux routiers, les tratturi, sont définitivement consolidés : on établit ainsi quatorze artères principales, couvrant une extension de 1 360 kilomètres, chacune de soixante pas de largeur. En complément, on trace un réseau de chemins secondaires (i tratturelli) permettant d'y accéder et de relier les villages les plus éloignés et difficiles à rejoindre. La gestion de la Dohana est confiée à des officiers royaux, ce qui a pour effet d'éliminer les pressions des éleveurs locaux. En fin, pour améliorer la productivité de l'industrie de l'élevage, Alphonse Ier introduit les moutons de race mérinos, déjà largement répandus en Espagne, produisant plus de laine et de meilleure qualité. Ce faisant, la douane alphonsine a pour effet de consolider les migrations saisonnières vers la plaine du Sud, ce qui permet également de renforcer l'économie des Pouilles. En effet, le contrat de la fida oblige les éleveurs à vendre leurs produits, tels que la laine, le fromage, ou le cuir, exclusivement à la foire de Foggia ; en échange ils bénéficient de prix avantageux sur le sel nécessaire à la production de la présure. Cette organisation présente l'avantage d'amener les marchandises in loco, là où le territoire dispose des infrastructure nécessaires aux échanges commerciaux. Se développe ainsi un système reposant sur les spécificités de chaque région, ce que lui permet de perdurer pendant plus de trois siècles et qui a l'avantage de'« accrescere in modo esponenziale gli affari legati alla pastorizia e gli introiti del fisco regio »302. perpétuité à l'État le droit de pacage sur leurs terres en échange du versement d'une somme annuelle. Avec ce contrat, le souverain pouvait ainsi s'engager auprès des éleveurs, en garantissant d'importants bénéfices à ceux qui décidaient de conduire leur bétail à passer l'hiver dans le Tavoliere des Pouilles. Cet accord avec les éleveurs prenait la forme d'un vrai contrat : le contrat di fida ». 4.3. La fin d'un système
Au fil des siècles, l'institution de la dohana est de plus en plus considérée par la Couronne comme une source inépuisable de financements, ce qui la pousse à augmenter de plus en plus la fida au détriment des bergers. Cela a pour effet d'alimenter le brigandage et les actions illégales. À la fin du XVIIIe siècle, la dohana n'est plus qu'une vieille institution désordonnée. Dans une tentative de mettre fin à cette décadence, Ferdinand des Bourbons met en place en 1804 un projet de réforme comportant l'aliénation des terrains destinés au pastoralisme. C'est la dernière action de la dohana avant l'arrivée des Français en 1806, qui sanctionne la fin définitive de l'institution. Celle-ci est supprimée le 21 mai par ordre de Joseph Bonaparte, qui décrète la division des terres domaniales, princières, ecclésiastiques et communales. Les possessions de la dohana royale des zones de Melfi, Leonessa et Cisterna sont reconverties en plantations céréalières extensives. Cette conversion est tellement radicale qu'à la fin du XIXe siècle, même les terres appartenant aux tratturi sont utilisées à des fins agricoles, transformant définitivement le paysage rural. Les zones de la transhumance se préparent ainsi à vivre une nouvelle époque entrainant une nouvelle redéfinition des rapports territoriaux entre les régions, ainsi que de nouveaux équilibres entre la côte et la montagne. En brisant les liens territoriaux, on efface donc ce « veicolo di cultura [che] è il tratturo, unico secolare canale di trasmissione degli elementi vitali del mondo pastorale, straordinario serbatoio antropico che determina luoghi di tangenza e sintesi di modelli culturali; è un fattore di civiltà, insomma, che vincola in modo intimo, profondo aree e gruppi umani centromeridionali, correla eterogenee componenti mediterranee e sviluppa una forte tradizione unitaria interregionale»303. (Daniela Tessitore 1992) 303 Trad. fr. : « accroitre de manière exponentielle les profits tirés du pastoralisme, ainsi que les revenus de la fiscalité royale ». TESSITORE Daniela, « I tratturi e il territorio: le reintegre, op. cit., page 63. Trad. fr. Ces zones sont progressivement fractionnées et découpées jusqu'à présenter une nouvelle configuration politique, imposée par la constitution du Royaume d'Italie en 1861. Le Royaume de Naples, auparavant devenu Royaume des deux Siciles (18161861), s'écroule lors de l'unification de la péninsule italienne, et de ses vestiges émergent entre autres les Abruzzes, la Campanie, la Calabre et les Pouilles. Chacune de ces régions se dote d'une nouvelle administration locale oeuvrant dans les limites géopolitiques imposées par le nouveau régime. Un nouveau modèle territorial s'impose. En ce qui concerne le modèle abruzzain, comme on l'a évoqué plus haut, les politiques locales s'orientent vers une littoralisation de la région. Entre les deux guerres, ce qui reste de l'économie pastorale est fortement influencé par cette nouvelle perspective maritime. Les flux internes à la région se modifient encore une fois : progressivement les sites du pastoralisme s'établissent dans les zones de plaine à partir desquelles, pendant la période estivale, les troupeaux se déplacent vers les terrains de montagne de l'Apennin abruzzain et du Molise, pour y revenir en automne. Une nouvelle vocation industrielle s'installe sur un territoire qui, pendant des siècles, avait fondé sa subsistance sur le rapport fusionnel entre l'humain et la nature, déchirant ainsi des liens séculaires qui reliaient les populations locales à leur territoire. Cette mutation accentue le fractionnement territorial en réduisant au maximum les interactions entre la côte et l'arrière-pays. 5. LA PRATIQUE DU JEU COMME RETOUR À LA TERRE
À travers cet excursus géohistorique, nous avons pu voir comment les aménagements territoriaux, au cours des différentes époques, influencent et sont à la fois l'expression de pratiques bien consolidées qui façonnent les rapports au territoire des populations locales. En particulier, nous avons constaté que l'économie locale et l'interaction montagne/plaine ont depuis des millénaires reposé sur la pratique du pastoralisme transhumant. Cette manière de vivre le milieu rural est rompue par les politiques napoléoniennes et celles de l'État unitaire, qui déterminent un changement profond dans la connotation régionale et les équilibres ville/campagne, en donnant lieu, sur la longue durée, à des activités locales qui révèlent désormais une manière tout à fait différente d'appréhender le territoire. Les villages ruraux portent aujourd'hui des traces de ces bouleversements profonds qui sont parfois difficiles à déceler. Quel sens prennent donc les peintures murales d'Azzinano, dans un contexte rural si fortement transfiguré?
5.1. De l'enfance à l'âge adulte
Les peintures murales d'Azzinano racontent une époque définitivement disparue, fondée sur un mode complètement diffèrent de vivre le territoire. Le village est l'un des protagonistes du récit, car il y figure de manière débordante dans toutes ses différentes implications. Il nous apparaît dans toute sa connotation rurale, lorsqu'on évoque constamment aux champs cultivés présents dans l'arrièreplan de nombreuses peintures, ainsi qu'aux animaux d'élevage, tout comme dans sa connotation géographique, évidente dans le rappel recourant à cette présence majestueuse qui surplombe le petit village : le Corno Grande du Gran Sasso. Le paysage qui occupe l'arrière-plan de chaque peinture murale représente une terre généreuse, travaillée par les anciennes générations, et aménagée de manière ordonnée, avec ses arbres fruitiers bien alignés en rangs réguliers, ses champs cultivés en parcelles parallèles. Tout ici suggère un ordre séculaire, des collines s'élevant vers les sommets des montagnes aux architectures typiques des constructions de montagne abruzzaines. Bien que l'enfance dominée par le jeu soit le sujet officiel de la narration qui est toujours présent en premier plan, sur le fond du récit on aperçoit une presentia in absentia, à savoir l'âge adulte, évoquée de manière suggestive par la présence constante du travail. On la retrouve dans les champs travaillés selon la tradition savante des paysans, ainsi que dans de rares représentations des villageois. Tout ici laisse pressentir une transmission presque naturelle d'un tel ordre des choses qui se déploie de l'enfant au futur paysan et berger. Toutefois le village, désormais affaibli par le dépeuplement, ainsi que son atmosphère raréfiée, ramène soudainement les visiteurs à la réalité immanente. La comparaison avec le paysage actuel se fait donc marquante : là où se trouvaient les champs cultivés il n'y a aujourd'hui que des forêts, là où l'ordre demeurait inchangé, règne maintenant l'entropie naturelle qui a repris sa place. Bien loin de vouloir mener une analyse documentaire des transformations territoriales mises en scène par ces peintures murales, nous souhaitons ici souligner la césure que ces peintures reflètent aux yeux des visiteurs. Cette réalité désuète du paysage rural ne fait que ramener à la surface la fracture, désormais consolidée, entre passé et présent, un pass rural et un présent moderne. Cette fracture est ensuite atténuée par la narration d'un monde vécu à cheval entre le rêve et la réalité et qui continue de vivre seulement dans une autre dimension : celle de la mémoire. C'est à travers le thème du jeu qu'on peut faire la transition entre ces deux dimensions des peintures murales d'Azzinano. À l'intérieur de ce cadre de vie réel, en émerge donc un autre, plus intime, porteur d'un regard enchanté, le connotant d'une dimension féerique. Le jeu transforme ainsi le paysage en Éden de l'enfance, qui est soudainement investi par le regard rusé des enfants. Cet espace devient la 245 scène de choix d'un nombre potentiellement infini d'expériences sociales et naturelles pour se faire source inépuisable de divertissement. 5.2. L'espace dans le jeu
Vient ainsi se dessiner le premier élément rendant le jeu possible : un espace défini. Le jeu se déroule en effet dans un espace distinct au sein duquel les règles du monde extérieur ne sont plus valables. À leur place existent de nouvelles règles, propres à chaque jeu. Cet aspect peut se déployer seulement à l'aide d'un espace et d'un temps bien définis. Ces peintures murales sont en effet révélatrices d'une certaine manière de se rapporter à l'espace qui nous renseigne sur les relations entre la communauté 304 Ce jeu se fait à l'aide de plusieurs briques, chacune désignant un joueur, ainsi que des schiazze, pierres plates, une pour chaque participant. On aligne les briques verticalement, l'une à coté de l'autre ; après avoir préparé le terrain de jeu on lance les schiazze pour déterminer l'ordre du jeu et la position de tir. Chaque joueur doit donc tirer sa pierre en visant une brique. Le propriétaire de la brique touchée est éliminé, mais a le droit d'imposer un gage à son adversaire. 305 Ce jeu est d'ailleurs, à notre avis, à l'origine de la représentation de la jeune fille qui urine accostée à un mur en second plan dans le tableau Les jeux d'enfants de Pieter Breughel l'Ancien (1560, huile sur toile, Kunsthistorisches Museum, Wien). azzinanoise et son environnement. Pour aboutir à un tel niveau d'analyse, il s'avère nécessaire d'examiner la relation qui s'instaure entre le jeu et l'espace représenté. Dans le cas d'Azzinano, tout type d'espace ouvert devient source d'inspiration pour les jeux. Une pente ou un virage sont la scène parfaite pour le passage d'un train à vapeur, simulé à l'aide d'arbustes qui, trainés dans la terre, soulèvent des nouages de poussière semblables à ceux produits par la vapeur. Les terres non cultivées aux limites du village conviennent parfaitement aux jeux de glissade pendant les hivers neigeux, ou à la construction de circuits de billes, ou encore à des jeux d'équipes demandant des terrains assez étendus. Dans les ruelles du villages, l'on s'occupe de préférence avec des jeux impliquant une structure réglementaire bien plus articulée, comportant une maitrise du lieu plus précise et restreinte, comme dans le cas de Sandrine, ou bien avec des jeux demandant des outils plus complexes, comme dans le cas de lu telefene (figura 55)306. « C'est tout l'environnement qui est soumis à la logique du jeu307 », aucun espace ne gardant sa fonction originelle. Qu'il s'agisse de lieux intimes ou privés, comme la chambre parentale ou le jardin de la maison, ou de lieux publics, le jeu s'y infiltre pour plier l'espace à ses exigences, en donnant ainsi une nouvelle configuration à l'ordre établi. L'espace se transforme ainsi en « terrain de jeu dès qu'on filtre sa constitution perceptive avec une attribution fictive de valeurs à ces composants et dès qu'on offre une ré-conceptualisation de ses liens syntaxiques »308. Ce glissement de signification est bien montré par la peinture
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trene (figura 52
),
dans laquelle
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, et donc codifié comme lieu ayant
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306 Le jeu de lu telefene consiste à reproduire l'appareil téléphonique avec des objets trouvés. À l'époque (autour des années 1960) aucune famille d'Azzinano ne possède de téléphone. Les enfants ainsi que les adultes ont déjà entendu parler de ces appareils par ceux qui se sont déplacés à Rome pour aller servir auprès de familles riches. Il demeure donc un objet mystérieux, qu'on cherche à reproduire à l'aide des descriptions imprécises et fantastiques. On se sert d'habitude d'un fil électrique et de boites de conserve de tomates. Suite à un tel assemblage la conversation peut enfin avoir lieu. 307 BROUGÈRE Gilles, « Espace de jeu et espace public », Architecture and Behavior, 1991, vol. 7, no 2, age 166. BASSO-FOSSALI Pierluigi, « L'espace du jeu », Actes Sémiotiques [En ligne], 2009, vol. 112, page non renseignée. 308 247 fonction pratique bien déterminée, est transformé en lieu de passage d'un train imaginaire
. Dans cet exemple, un lieu si représentatif de la vie quotidienne du petit village est relu selon de nouvelles catégories d'interprétation, suivant les exigences de l'imagination. À travers la pratique du jeu, il est enfin réinvesti de nouvelles significations, complètement étrangères à celle imposées par la communauté. Tout lieu ou objet dont s'empare le joueur peut ainsi avoir sa place dans cet espace et être doté d'un nouveau sens. 5.3. Le jeu dans l'espace
Le processus décrit précédemment est possible dans la mesure où car le jeu n'est pas seulement une forme d'action, il est aussi imagination, ce qui constitue son aspect symbolique. À l'action s'ajoute donc une fiction, le fait d'intégrer les actes dans des significations. L'espace offre des occasions de production d'images par ce qu'il offre comme support, événement. L'espace est marqué de valeurs liées à ce qu'il contient et à ceux qui l'utilisent »309. On remarque donc une sorte de dichotomie entre l'espace et le jeu : le jeu a besoin de l'espace pour s'alimenter et en même temps il le reconfigure en permanence en lui donnant de nouveaux sens. Toutefois, l'espace joue lui aussi un rôle actif dans ce processus car il peut déterminer, avec ses caractéristiques, la pratique de certains jeux. « Dans l'espace se trouve l'environnement qui oriente, conditionne, organise les jeux de l'enfant. La configuration des trottoirs, la présence d'équipements, la forme des bâtiments qui meublent un espace et deviennent les supports (ou les obstacles) du jeu. »310 Ceci est évident par exemple dans le cas de lu carrette (figure 56). Ce jeu se compose d'une planche en bois faisant office de siège pour une ou deux personnes, posée sur quatre roues en bois et dotée d'un guidon actionné par les 309 310 248 pieds. Le divertissement consiste à faire descendre lu carrette sur une pente à toute vitesse. Le même principe vaut pour le jeu schiuppitte pour lequel la présence d'un mur s'avère nécessaire, ce jeu se chargeant ainsi, contrairement à lu carrette, d'une connotation « urbaine », car il prend du sens seulement dans un espace construit. Le caractère fluide du jeu, son adaptabilité à que environnement, repose essentiellement sur une démarche d'annulation de l'espace donné. Qu'il s'agisse de s'adapter, d'exploiter, de reconfigurer les caractéristiques d'un lieu, « les joueurs transforment leurs actes en leur donnant un sens autre. Ils créent un non-lieu extérieur au monde quotidien dont la logique obéit aux règles que suivent ou se donnent par négociation les joueurs. Les actions prennent leur sens dans la logique du jeu qui modifie ainsi le monde extérieur créant un espace et un temps spécifique »311. Pour toute la durée du jeu, les espaces de la vie quotidienne prennent donc une forme autre ainsi qu'une dimension différente : ils se dilatent ou rétrécissenten fonction des exigences des joueurs. 5.4. Du jeu à l'appropriation de l'espace
C'est donc ce processus qui est à la base d'une appropriation des lieux de la part de l'enfant, qui prépare celui-ci à devenir un adulte et donc un individu actif dans son milieu. C'est une expérience qui est à la fois individuelle et collective. Il ne s'agit pas simplement d'un processus d'adaptation au monde entourant les enfants, leur développement passe réellement à travers l'appropriation active de l'expérience cumulée au fil de l'histoire des générations précédentes. Celle-ci est incarnée par les objets. Voila donc l'exigence de retravailler non seulement les lieux, mais aussi les objets de la vie quotidienne. Le cerceau d'un tonneau devient ainsi le jeu de lu circene (figure 57)313, comme un escalier peut faire office de traineau et servir pour les jeux de glissade. « Questa attività di appropriazione del bambino è mediata dalla sua società [] attraverso un processo di relazione »314 avec les adultes, ce qui replace les actions de l'enfant à l'intérieur d'un cadre normatif réel en validant ainsi une dimension formative et éducative. Toutefois « la dimension ludique est vulnérable parce qu'elle manque de motivations, voire d'arguments fondateurs. Donc, les jeux ne sont pas capables de fonder une généralisation des expériences et donc de valider épistémiquement une connaissance de l'environnement. »315. D'où la nécessité de jouer encore et encore. Or, dans le cas d'Azzinano, cette démarche d'appropriation des lieux est brutalement interrompue lors du grande capovolgimento, c'est-à-dire lorsque le dépeuplement du petit village a entrainé inéluctablement son déclin. Celui-ci avait déjà été annoncé par l'imposition d'une manière de vivre son territoire, non plus basée sur le rapport à la terre et donc à la nature environnante, mais davantage orientée vers les nouveaux centres de production installés sur le littoral. Par conséquent, se transforme aussi le paysage de ce petit village. Les lieux de rencontre et de divertissement sont progressivement confinés aux marges de son 313 Le jeu du circene consiste à faire rouler un cerceau à l'aide d'une tige, sans le faire tomber.
DI GIORGI Piero, Persona, globalizzazione e democrazia partecipativa, Milan, Italie, Franco
Angeli
, 2004, page 108. Tr
.
fr
. : « Cette activité d'appropriation de l'enfant est réglée par la société [] par le biais d'un processus de relation
». BASSO-FOSSALI Pierluigi, « L'
espace
du jeu », op. cit., page
non
rense
ignée. 250 centre actif, éloignés des points de rassemblement, selon un mode de vivre moderne. Au travers d'une certaine institutionnalisation des lieux, on cherche ainsi à définir précisément la nature et la destination d'usage de chaque lieu, afin de gérer et de contrôler la polysémie du site. Toutefois la structure rurale et archaïque de ce lieu demeure et Azzinano n'en arrive jamais à connaître les contraintes effectives qu'un territoire urbain impose à ses habitant ; cette institutionnalisation de l'espace se pose en effet en contradiction manifeste avec la nature intime du lieu. Les personnes qui habitent à présent Azzinano ont elles-mêmes retrouvé une nouvelle orientation dans le secteur industriel, ce qui a contribué à transformer le rapport à l'environnement. De petit village agricole, Azzinano est devenu un « village dortoir », quartier périphérique des modernes centres actifs de la zone de Teramo. Ceux qui sont à l'origine de l'initiative artistique sont des témoins de ces changements capitaux, des témoins involontaires du passage d'une époque à l'autre. Les protagonistes des peintures murales, prototypes universels de l'enfant, sont en réalité la dernière génération ayant connu Azzinano avant que celui-ci ne soit phagocyté par la modernité, avant sa définitive désagrégation. C'est donc le récit de ceux qui allait bientôt devenir les acteurs inconscients de la nouvelle société productive. Ces peintures évoquent donc une ultérieure dimension de transition, non seulement celle de l'enfance vers l'âge adulte, mais aussi celle d'une société préindustrielle vers une société industrialisée. Tout semble avoir été figé dans l'immédiateté précédant cette révolution. Il émerge donc la volonté de récupérer les éléments évocateurs de la société rurale, notamment sa dimension agrégative, dimension sans doute majoritairement sacrifiée par le nouveau style de vie. Les récits se font par conséquent choraux et visent à recomposer une trame des relations désormais définitivement perdues : relation à l'autre mais aussi relation à l'espace de vie, car c'est là que tout se concrétise. Les liens ont en effet besoin d'espace pour s'alimenter (des espaces physiques aux espaces immatériels). L'enfant et le jeu comme vecteurs de nouvelles spatialités
Cet environnement dévitalisé devient aujourd'hui la destination d'un retour aux origines de la part de ces générations qui en avaient été exclues. Celles-ci recherchent dans leur environnement originaire la candeur enfantine qu'elles ont dû abandonner. Mais le rapport avec leur terre d'origine est désormais définitivement compromis. À l'intérieur de ses mailles, ils ne peuvent que lire la nostalgie d'un temps perdu, de cet Éden si longuement rêvé. En revenant aux origines, elles ne parviennent pas à se libérer des schémas qui les ont façonnées en tant qu'individus modernes. Le recours à l'enfant revêt donc un rôle symbolique. Celui-ci incarne une nouvelle potentialité, il est le seul capable de redéfinir à nouveau ces lieux grâce à sa capacité intrinsèque à être vecteur d'une plus ample spatialité. Grâce à sa pratique totalisante du jeu, l'enfant peut recomposer et réinventer de nouveaux liens avec son territoire et avec la communauté. Ayant été vidé de toute interaction entre les habitants et leur territoire, Azzinano a en effet perdu le statut de lieu, pour devenir tout simplement un espace vide de sens. Pour redonner un sens à cet espace, on sollicite alors la seule pratique permettant cette démarche : le jeu comme « échappatoire continue qui nous re-destine aux valeurs quand l'espace semble mal aménagé, peu calibré par rapport aux exigences d'une forme de vie »316. Il est essentiel car il redéfinit « les valeurs en champ (en acte) pour renégocier les niveaux d'implication dans le devenir d'un espace peu coercible »317. À travers cette pratique sublimée, les peintures murales d'Azzinano tentent en somme une « processo di riappropriazione dei oghi che è un bisogno primario di ogni essere umano »318. Ce processus permet donc à la communauté 316 317 318 Ibidem. Ibidem. PECORIELLO Anna Lisa, « Spazi di gioco e autocostruzione » dans Daniela Poli (ed.), Il bambino educatore. Progettare con i bambini per migliorare la qualità urbana, Florence, Italie, Alinea, 2007, page 119. Trad. fr. : « processus de réappropriation des lieux qui est une nécessité primaire de tout être humain ». 252 azzinanoise dans son intégralité d'« interagire profondamente con i processi di costruzione e ricostruzione dell'identità che si inscrivono negli spazi e nei tempi della vita quotidiana »319. Cette démarche est d'autant plus nécessaire à une époque où « l'appartenenza ai luoghi e alla comunità non sono più determinate in maniera statica e soprattutto non fanno più riferimento a sistemi di significato comuni; per questo possono essere solo esiti di un processo di costruzione comune che passa dal diretto coinvolgimento delle soggettività e dalla costruzione di nuovi luoghi di incontro e di socialità attraverso processi che non scindano le forme fisiche dai contenuti appropriativi»320. (Lidia Decandia, 2000. p. 124)
6. LE STYLE NAÏF COMME ENCHANTEMENT DU MONDE
Le recours au style de l'art naïf des peintures murales d'Azzinano est lui aussi fonctionnel quant à ce processus de réappropriation et de redéfinition collective du lieu, car il accomplit une double fonction. D'un côté il permet de mettre en forme l'univers fantastique de l'enfance, de reproduire cet enchantement du monde dont il ne reste pas de traces dans les actes quotidiens des adultes. Il fait cela en opérant un glissement subtil qui transpose le souvenir dans la dimension onirique. Les couleurs se font alors vivaces, quasi symboliques. Elles ne décrivent pas simplement le monde dans sa manifestation physique ; elles représentent l'expression enthousiaste de ce nouveau regard porté sur le monde, privé d'a 319 Ibidem. Tr. fr. : « interagir profondément avec les processus de construction et de reconstruction de l'identité qui s'inscrivent dans les espaces et dans les temps de [leur] vie quotidienne ». priori. On se détache ainsi de la réalité pour représenter l'horizon du possible. La taille même des personnages en interaction avec leur environnement rompt avec les règles d'or de la proportion : ils se déforment pour investir ce dernier d'un regard subjectif. À travers cette nouvelle perspective, on rétablit un nouveau centre gravitationnel, une nouvelle hiérarchie permettant à l'individu de se recentrer dans son espace et de donner à celui-ci une dimension humaine. D'un autre côté, le langage de l'art naïf veille à ce que ce discours de réappropriation se déroule selon des valeurs écologiques. Ce style figuratif est en effet lui-même inspiré et orienté par la dimension locale dans laquelle il opère. Comme on l'a vu précédemment, ces peintures s'inspirent de l'art d'Annunziata Scipione, né et développé dans ce même milieu rural. Cet art, tout comme celui des peintures murales d'Azzinano, s'est nourri de ces lieux, il est l'expression la plus proche des horizons culturels, des expériences et des existences qu'il met en scène de par sa représentation. C'est donc un art qui partage les mêmes valeurs symboliques que les récits qu'il évoque car il est « surdeterminato dall'ambiente, dalle forme espressive mentali e locali»321. Il s'agit donc d'un art écologique au sens où ce langage surgit et parle à « un'area di vita, contadina o urbana, una periferia, interna o esterna »322, à un lieu fermé, c'est-à-dire géographiquement délimité. L'art des peintures murales parle en somme une « lingua figurativa del posto, una lingua legata alle figure e alle forme reali dell'ambiente, una lingua minore, un dialetto. Capaci di parlare del sogno e di tanti stati simbolici del sogno»323. C'est justement cet aspect qui permet d'ancrer la narration dans un univers non qui n'est pas commun, mais éminemment particulier, celui de la communauté 321 FAZIA Salvatore, Ingenuità dell'arte [En ligne], Vicenza, Italie, Editrice Veneta, 2014, page non reinsegnée. Trad. fr. : « surdéterminé par le milieu, par les formes expressives mentales et locales ». 322 Ibidem. Trad. fr. : « un espace de vie, paysan ou urbain, une périphérie, interne ou externe ». 323 Ibidem. Trad. fr. : « langue figurative locale, une langue liée aux figures et aux formes réelles du milieu, une langue mineure, un dialecte. Capable de parler du rêve et des nombreux états symboliques du rêve ». 254 azzinanoise. C'est une narration qui exprime la candeur du souhait, épurée de toute acception contestataire envers l'ordre établi, contrairement aux peintures murales d'Orgosolo, qui ont fait de l'opposition de sa communauté l'objet principal de leur manifestation artistique. En effet dans ce cas-là, la fracture est envisagée principalement par un seul événement : la constitution du Parco Nazionale del Gennargentu, entrainant une transformation sans doute radicale et révolutionnaire qui aurait soudainement changé les habitudes de la communauté orgolaise. Cet épisode, bien que douloureux, a eu par ailleurs l'avantage de faire comprendre tout de suite à la population locale l'enjeu d'un tel changement, et ainsi d'envisager une cible bien déterminée contre laquelle se battre pour la survie de sa propre identité. Dans le cas d'Azzinano, ces mêmes changements n'ont pas découlé d'un événement isolé, mais sont le fruit d'un processus bien plus long et articulé, plus fluide et pour cela plus difficile à saisir dans son immédiateté et dans sa complexité. Cette perspective se reflète aussi dans le corpus des peintures muralistes azzinanoises, qui met en place un discours à la fois isolé et isolant, concernant l'imminence de la communauté locale, sans le recours à d'autres mythes ou à d'autres systèmes de valeurs universels. Les peintures utilisent donc de formes répétitives et caractéristiques pour mettre en scène une interruption, une fracture advenue dans la vie, à laquelle on cherche une alternative par la recréation de nouveaux types de rapport entre l'homme et son environnement. L'ART MURAL COMME MOYEN DE RECOMPOSITION DES FRACTURES
Ce chapitre est consacré à l'analyse des éléments reliant les trois cas de figure détaillés précédemment. Il a été conçu en deux grandes parties. La première partie porte sur l'analyse des facteurs ayant déterminé, à l'échelle nationale, trois types de fractures : territoriale, identitaire et écologique. La première fracture concerne les changements d'approche à la terre, passée de collective à individuelle, auxquels font suite de nouveaux équilibres territoriaux qui brisent les interactions séculaires entre ville et montagne. La deuxième fracture, d'ordre identitaire, consiste en l'abandon de l'agriculture et le déracinement d'une grande partie de la population rurale, concernée par l'exode massif vers d'autres pays européens ou bien d'outre-mer. La troisième et dernière fracture, que nous avons définie comme écologique, se définit comme la somme des deux autres, et représente le dernier acte de l'extraction des humains de leur environnement naturel, sanctionnée par les politiques environnementales de protection de la nature. Dans la deuxième partie, à travers une analyse pointue des éléments communs aux trois expériences muralistes, nous expliquerons comment les peintures murales en milieu rural constituent à la fois l'expression et la recomposition de ces trois fractures. Au travers des trois études de cas des peintures murales du village d'Orgosolo, et des deux petites bourgades d'Azzinano et Cibiana, nous avons pu analyser le contexte spécifique et les conditions particulières ayant donné lieu au recours de l'expression muraliste dans chacune de ces trois différentes réalités. Au-delà des narrations particulières, demeurent de nombreux points de contact reliant ces trois 257 expériences, qui nous permettent de donner un sens profond à phénomène artistique qui traverse la péninsule italienne du Nord au Sud. Dans ce chapitre, nous tâcherons donc de les porter à l'évidence. 1. UNE APPROCHE COLLECTIVE À LA TERRE
En posant un regard transversal sur l'ensemble du corpus muraliste, on peut remarquer que la narration mise en place concerne essentiellement le récit d'une société archaïque, basée sur un système de pratiques communautaires qui reposent sur un rapport à l'environnement presque fusionnel – caractéristique par ailleurs constitutive de toutes les sociétés rurales préindustrielles. Les peintures murales de Cibiana décrivent des métiers désormais désuets, exercés selon des logiques coopératives, tant dans le cas du travail dans les champs que dans celui des pratiques artisanales dans le clos des ateliers du village ; celles d'Orgosolo nous montrent les rapports séculaires ayant lié l'homme aux animaux domestiques, essentiels dans une économie pastorale ; les oeuvres d'Azzinano di Tossiccia, elles, montrent des formes de loisir archaïques, mais pourtant efficaces (dont on retrouve plusieurs également dans le tableau « Jeux d'enfants » du peintre flamand Brueghel, datant de 1560), où la pratique collective était une condition sine qua non pour le divertissement des enfants. Dans tous ces cas de figure, l'environnement naturel ne constituait pas simplement le décor de l'action quotidienne, ni une source d'alimentation nécessaire à la survie, mais il représentait justement le domicile de ces communautés, où l'on pouvait y trouver tout ce dont on avait besoin : des matériaux pour construire un abri pour les hommes tout comme pour les animaux, des outils de travail, mais aussi des jouets, comme les peintures murales d'Azzinano le décrivent bien. 258 Tout cet univers correspondait à une manière « de faire avec » l'environnement, reposant essentiellement sur la jouissance collective des biens naturels. Ceci était un trait constitutif de la péninsule italienne même s'il prend des formes différentes du Nord au Sud. En effet, ces trois cas montrent des systèmes variés de gestion du territoire, dont le dénominateur commun est son usage collectif, appelé en italien « uso civico » (du latin civis : citoyen, ce qui concerne l'intérêt commun), ce qui a déterminé de fait la nature intrinsèquement communautaire des populations rurales. Cette approche à la terre se divise en deux formes principales : les « usi civici » sur la propriété privée et les propriétés collectives. La première forme d'accès aux biens communs accorde à la collectivité la jouissance des multiples utilitiates (par exemple la possibilité de chasser) à l'intérieur d'une propriété privée, dont font également partie les propriétés communales.
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La promenade dans Les Rêveries de Rousseau et les Petits poèmes en prose de Baudelaire Guilhem FARRUGIA
Pratique tantôt sociale tantôt solitaire, la promenade génère également au « tournant des Lumières1 » une expérience d'écriture, en particulier à l'oeuvre dans Les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau. Pas d'écriture vagabonde sans posture de l'écrivainmarcheur : l'ethos du déplacement dans l'espace influence tout à la fois le mode de pensée et d'écriture. La promenade n'est cependant pas univoque d'un siècle à l'autre. Pour Rousseau, elle doit être effectuée dans la nature, alors que la première moitié du XIXe siècle consacre la figure du flâneur urbain, qui deviendra plus tard le « rôdeur » baudelairien : « Si les promenades, rurales ou urbaines, diffèrent à ce point, tout se passe comme si le promeneur à la manière de Jean-Jacques se convertissait en flâneur - figure qui deviendra centrale [] : du promeneur au flâneur2 ». Employé dans sa forme pronominale (« se promener »), le verbe désigne, outre le déplacement qu'il implique, une « marche effectuée par plaisir3 ». Si l'on dispose du loisir et du temps pour se promener, la marche plaisante peut devenir flânerie, ce qui implique d'avancer lentement, sans avoir ni but précis à atteindre ni impératif temporel à respecter. Aussi la flânerie suppose-t-elle une forme de « farniente4 », justement décrite par Rousseau dans la cinquième promenade des Rêveries. Attesté par l'Académie à partir du siècle suivant, en 1808, « flâner » suppose en effet d'avoir le loisir de perdre son temps, tout au moins de pouvoir « avancer lentement, sans hâte, au hasard5 ». Dans les Petits poèmes en prose, Baudelaire qui avait projeté pour titre « Le Rôdeur parisien », met en scène ce vagabondcriminel dont la présence est furtive mais obsédante, « [] qui [] rôde lâchement une heure devant sa porte []6 ». D'allure suspecte, souvent repéré la nuit, le rôdeur a pour caractéristique d'être louche, doté d'intentions malveillantes ou hostiles qui ne sont pas sans rappeler « la morale désagréable » que revendique Baudelaire pour ses poèmes « inintelligibles et répulsifs7 ». La modification de la manière de se promener, des Rêveries de Rousseau au Spleen de Baudelaire, fait surgir des enjeux propres à cette période. Enjeu culturel avant tout, puisque la promenade suppose au niveau sociologique l'essor du loisir et du temps libre. Social : la solitude, revendiquée tant par Rousseau que par Baudelaire, fait du poète un être isolé, parfois exclu, dans tous les cas marginal. Esthétique et poétique : la modification de la promenade et du statut du poète génère l'essor d'une prose poétique libre, qui devient avec Baudelaire poésie en prose. Éthique et moral : cette transformation de la promenade innocente dans la nature en vagabondage du rôdeur urbain génère une poésie agressive et désagréable pour le lecteur. Politique enfin : cette promenade est érigée en « droit de s'en aller8 » par un poètedandy fondamentalement provocateur et révolté. Quelles sont par conséquent les changements induits par cette nouvelle expérience de la promenade littéraire de Rousseau à Baudelaire?
Michel Delon, L'idée d'énergie au tournant des Lumières, coll. « Littératures modernes », PUF, 1988, p. 23. Guilhem Farrugia, Pierre Loubier et Marie Parmentier, « Promenade et flânerie au tournant des Lumières », Promenade et flânerie : vers une poétique de l'essai entre les XVIIIe et XIXe siècles, La Licorne, n° 124, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, p. 9. 3 Trésor de la Langue Française Informatisé, article « Promenade », [en ligne], http://atilf.atilf.fr/tlf.htm, (Page consultée le 23/11/2020). 4 J.-J. Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, V, OEuvres complètes, t. I, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1959, p. 1042. Dorénavant : J.-J. Rousseau, Les Rêveries, p. 1042. 5 Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, article « Flâner », t. I, Paris, Le Robert, 2016, p. 904. 6 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, Petits po èmes en prose, « Le Mauvais vitrier », édition présentée par J.-L. Steinmetz, Paris, Le livre de poche, Classiques, 2003, p. 78. Dorénavant : Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, p. 78. 7 Charles Baudelaire, Correspondance, OC, t. I, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1975, p. 534. 8 Charles Baudelaire, Préface aux Histoires Extraordinaires d'Edgar Allan Poe, Ibid., t. II, p. 306. 1 2
1 I) Du promeneur au rôdeur : la modification de la
posture
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l'écrivain-
marche
ur
Marcher, penser, écrire « Vous dire en me promenant9 » : la formule anodine de J.-J. Rousseau devient progressivement l'emblème d'une pratique poétique qui perdure de Rousseau à Baudelaire et qui permet de reconstituer la filiation entre Les Rêveries de Rousseau et Le Spleen de Paris de Baudelaire. La période est aux bouleversements, et la poétique des genres ne sera pas épargnée par une reconfiguration fondamentale des pratiques d'écriture, des écrits qui en résultent et du statut de cet auteur. « Marcher-penser-écrire10 » : l'écriture devient le terme d'une triade sans laquelle elle n'existerait pas sous cette forme libre, digressive et divagatrice. Cela désacralise bien évidemment la figure académique de l'homme de lettres, honnête homme au siècle précédent, mais à présent simple promeneur méditant, ayant eu la présence d'esprit de prendre avec lui une plume, et du papier. Aborder la poésie rousseauiste et baudelairienne au prisme de la promenade permet donc d'établir « le dispositif marcher-penser-écrire comme invariant de ce type d'écrit11 » dans cette période de refondation de la pratique poétique. La promenade demeure cependant une promenade à pied, gratuite et sans but. Aussi est-ce cette triade qui demeure le dénominateur commun de cette évolution du genre, de l'ethos du poète qu'il véhicule et de textes poétiques du XVIIIe puis du XIXe siècle : « Je marche, je pense et j'écris : tout se passe comme si la figure de l'écrivain-marcheur provoquait l'actualisation, la littéralisation de la métaphore de l'écriture vagabonde : dans une équation à la fois chronologique et logique, la triade marcher-penser-écrire semble être devenue la formule de base d'un certain nombre de textes littéraires au XVIIIe siècle puis au XIXe siècle12 ». Une tradition de l'écrivain-marcheur : « le droit de s'en aller » Ce nouveau dispositif, marcher-penser-écrire13, est un pont qui permet de relier deux siècles trop souvent analysés séparément et qui permet de mettre en parallèle Les Rêveries de Rousseau Le Spleen de Baudelaire. Ce dernier ambitionne de renouveler la prose poétique rousseauiste et de lui donner une nouvelle forme, celle du poème en prose. Pour ce faire, il prend avant tout pour objet d'écriture les rêveries d'un « promeneur solitaire et pensif ». Les titres successivement envisagés par Baudelaire, en particulier « Le promeneur solitaire », allusion directe à l'ouvrage de Rousseau, signalent au lecteur tout à la fois la dette et l'héritage du XVIIIe siècle dans cette entreprise d'écriture. Rappelons qu'en 1860, Baudelaire projette d'écrire des « méditations en prose14 ». Il s'agit d'un recueil qui restera inachevé, comme Les Rêveries du promeneur solitaire. Le projet est de transcrire des rêveries, pour 9 J.-J. Rousseau, Lettre à M. le Marquis de Mirabeau du 31 janvier 1767, n° 3238, t. XVI, Correspondance Générale de Jean-Jacques Rousseau, collationnée sur les originaux, annotée et commentée par T. Dufour, Armand Colin, 1933, p. 246. 10 « C'est chez Rousseau que culmine ce lien fécond entre marcher, penser et écrire. Précisons : la marche certes, mais seulement dans la nature, la pensée assurément, mais uniquement la rêverie et la méditation, et l'écriture incontestablement, mais seulement l'écriture essayiste ». Guilhem Farrugia, « L'essai-promenade chez Rousseau », Promenade et flânerie : vers une poétique de l'essai entre les XVIIIe et XIXe siècles, La Licorne, n° 124, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017. 11 Guilhem Farrugia, Notice sur Promenade et flânerie, site Internet de la Région académique Nouvelle-Aquitaine, section Lettres : espace pédagogique, <http://ww2.ac-poitiers.fr/lettres/spip.php?article474>, 2018. 12 Guilhem Farrugia, Pierre Loubier et Marie Parmentier, Promenade et flânerie : vers une poétique de l'essai entre les XVIIIe et XIXe siècles, p. 7. 13 « Rousseau marche []. Ou il s'évade. Flâne [] il marche, se recueille, écrit, se souvient []. Lire. Écrire. Marcher ». Lionel Bourg, La croisée des errances, Lyon, La fosse aux ours, 2012, p. 11-19. 14 Charles Baudelaire, Lettre à Poulet-Malassis du 11 mars 1860, OC, t. II, op. cit., p. 8. 2 Rousseau comme pour Baudelaire, ce dernier affirmant en 1861 souhaiter écrire « les rêveries philosophiques d'un flâneur parisien15 ». Le dernier poème du recueil, « Les bons chiens », expose une
de théorie poétique du poème en prose : les sujets choisis par le poète pour servir de matière à ses poèmes en prose seront en mouvement. Ils seront seuls, déambulant souvent de manière erratique : « Je chante les chiens calamiteux, [] ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes16 [] ». Deux ans auparavant, dans le Salon de 1859, Baudelaire avait décrit cette posture du rêveur mélancolique en mouvement, éthos qui se trouve caractériser le poète du Spleen de Paris : « Et le rêveur qui passe, attristé et charmé, contemplant []. Vous traversez une grande ville vieillie dans la civilisation17 [] ». Il envisage comme titre « Le Promeneur solitaire » puis « Le Rôdeur parisien ». Ces titres convoquent le champ lexical de la marche, de la flânerie, voire de l'errance. Tous expriment l'importance déterminante de la promenade dans le rapport particulier qui lie la marche, la pensée et l'écriture. Dans « Les Bons chiens », on décèle une posture qui pourrait être considérée comme celle de Baudelaire lui-même : « Je chante le chien crotté, le chien pauvre, le chien sans domicile, le chien flâneur []. Ils vont, ils viennent, ils trottent, ils passent [] pour venir, à la ville, gambader18 ». Dès 1857, dans la préface de Baudelaire aux Histoires extraordinaires d'Edgar Poe, Baudelaire rappelle l'importance cruciale du droit de flâner, de se promener : « Parmi l'énumération nombreuse des droits de l'homme que la sagesse du XIXe siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s'en aller19 ». Promenade spleenétique et errance mélancolique : la figure de la « passante » Baudelaire rejette le lyrisme de la prose poétique antérieure et y substitue une poésie dissonante dont l'errance mélancolique est l'un des principes esthétiques. La promenade était parfois « mélancolique20 » chez Rousseau. Avec Baudelaire, elle devient « spleenétique », le vocable d'origine anglaise qui a donné son titre au recueil faisant référence à un état affectif caractérisé par une tristesse vague, parfois dépressive. Les Petits poèmes en prose proposent une poétique de la discordance, caractérisée par de brusques ruptures, comme dans « La Chambre double », où l'écriture devient une expérience du choc et de la dissonance. Cette prose rompt par conséquent, non seulement avec celle de Victor Hugo, mais également avec celle de Rousseau, qu'il entend dépasser par l'invention du poème en prose. Même s'il déclare faire des « is poétiques dans le genre de Gaspard de la nuit, il se détache par la suite de la prose du XVIIIe siècle. L'invention du poème en prose surprend les lecteurs de l'époque : ses caractéristiques « d'unité », de « brièveté » et de « gratuité21 » donnent à voir une poétique provocatrice et expérimentale. C'est avant tout l'errance mélancolique qui est au principe de la composition de ce recueil, la promenade sinueuse dans Paris donnant sa forme au Spleen et faisant émerger le type d'une beauté fugitive, à l'image de la figure déterminante de la « passante ». C'est Dorothée qui incarne ce personnage typique de la « passante », c'est-à-dire de celle qui se déplace à pied dans une rue, la plupart du temps dans une agglomération. 15 Ibid., p. 670. Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Les bons chiens », p. 214. 17 Charles Baudelaire, Salon de 1859, OC, t. II, op. cit., p. 666. 18 Ibid., p. 214-215. 19 Charles Baudelaire, Préface aux Histoires Extraordinaires d'Edgar Allan Poe, op. cit., t. II, p. 18. 20 «
Je fus pris,
non
de
l'ennui
, mais
de la mélancolie
;
les vapeur
s
suc
cédèrent aux passions ; ma langueur devint tristesse ; je pleurais et soupirais à propos de rien, je sentais la vie m'échapper sans l'avoir goûtée ». J.-J. Rousseau, Les Confessions, OC, t. I, op. cit., p. 221. 21 Suzanne Bernard, Le poème en prose de Baudelaire à nos jours, Paris, Nizet, 1959, p. 14-15. 16
L'isotopie de la marche et la répétition insistante du verbe s'avancer dans le poème « La Belle Dorothée » insiste sur son statut de passante : elle « s'avance dans la rue déserte []. Elle s'avance []. Elle marche sans souliers. Elle s'avance ainsi harmonieusement [] dans l'espace d'un miroir reflétant sa démarche []. Quel puissant motif fait donc aller ainsi la paresseuse Dorothée? [] si on peut y aller pieds nus22 ». Cette figure-type de la passante se répand dans le recueil de Baudelaire, comme dans « Le désir de peindre » : « Je brûle de peindre celle qui m'est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit23 ». Lorsque la passante n'est pas évoquée, c'est la promenade, parfois mélancolique ou « spleenétique24 », qui s'impose comme idée-force du recueil poétique , comme par exemple dans « Portraits de maîtresses » : « [] un interminable voyage sur une surface pure et polie comme un miroir [] après une mélancolique promenade25 [] ».
II) De Rousseau à Baudelaire : l'éthos différencié du promeneur Environnement naturel et urbain
Au tournant des Lumières, c'est chez Rousseau que culmine le lien fécond entre marcher, penser et écrire. À la condition que cette marche soit réalisée dans la nature et non en ville, où la rêverie et la méditation ne peuvent s'épanouir. Sans promenade bucolique, pas d'écriture. Il le répète incessamment dans Les Confessions : « Je ne fais jamais rien qu'à la promenade, la campagne est mon cabinet26 ». Sa correspondance confirme que la méditation produite par la marche dans la nature est le ressort de l'écriture. Il écrit par exemple à Du Peyrou en 1766 : « Je me promène, je médite le grand projet dont je suis occupé », à savoir la rédaction des Confessions. La nature est source d'inspiration et s'avère condition du cheminement de la pensée, la cadence des pas donnant un rythme à la méditation : « Mon esprit veut marcher à son heure []. Je destinai [] mes après-dinées à la promenade, muni de mon petit livret blanc et de mon crayon : car [je ne peux] écrire et penser à mon aise que sub dio27 [] ». Pour Baudelaire au contraire, l'écriture exige le spectacle de la ville, seul apte à donner de la matière à une rêverie qui est fondamentalement urbaine : « |] genre que j'appellerais volontiers le paysage des grandes villes, c'est-à-dire la collection des grandeurs et des beautés qui résultent d'une puissance agglomération28 ». Première rupture dans la pratique de la flânerie : ce n'est plus la promenade dans l'environnement naturel qui produit la rêverie philosophique ou littéraire. La flânerie baudelairienne est urbaine et vise à produire des « Tableaux parisiens » et à faire état de « choses parisiennes ». La « tortueuse fantaisie » de la prose serpentine du Spleen de Paris provient de « la fréquentation des villes énormes29 ». Les poèmes en prose de Baudelaire décrivent souvent une journée de flâneur parisien, comme dans « À une heure du matin », où le poète associe son lecteur à une telle revue : « Récapitulons la journée » déclare-t-il avant d'énumérer les différents évènements, lieux et actions qui ont rythmé sa journée. Cette inspection de la ville permet un nouveau regard, une « revue » citadine : « Pour moi, je ne man jamais, en vrai Parisien, de passer la revue de toutes les baraques30 ». C'est dans « Les Veuves » que cette promenade s'assume
22 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « La belle Dorothée », p. 132-134. Ibid., « Le désir de peindre », p. 175. 24 Ibid., « Chacun sa chimère », p. 74. 25 Ibid., « Portraits de maîtresses », p. 190-191. 26 J.-J. Rousseau, Mon portrait, OC, t. I, op. cit., p. 1128. 27 J.-J. Rousseau, Les Confessions, op. cit., p. 404. 28 Charles Baudelaire, Salon de 1859, OC, t. II, op. cit., p. 666. 29 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « À Arsène Houssaye », p. 60. 30 Ibid., « Le vieux saltimbanque », p. 97-98. 23 4
filature citadine voyeuriste, presque espionnage : « Il m'est arrivé une fois de suivre pendant de longues heures une vieille affligée []. Je la suivis au cabinet de lecture, et je l'épiai longtemps [] elle s'assit à l'écart, dans un jardin []. Et elle sera rentrée à pied, méditant et rêvant, seule, toujours seule31 ». Innocence et « noirceur32 » La deuxième rupture qui oppose Rousseau et Baudelaire provient d'une divergence métaphysique et anthropologique. Selon Baudelaire, la nature est habitée par le mal alors même que l'un des postulats irréductibles du système de Rousseau consiste à considérer que « tous les mouvements de la nature sont droits33 ». Pour l'auteur du XVIIIe siècle, la « bonté naturelle » caractérise l'état originel de l'homme, tout comme les passions « douces », dénuées de perversité, sont celles qui « plaisent naturellement aux hommes ». Pour Baudelaire, la « perversité naturelle » doit être substituée à ce qu'il considère comme un dogme erroné du système de Rousseau : « Nous sommes tous nés Marquis pour le mal34 ». Mais l'un et l'autre se rejoignent sur la thèse de la corruption de l'homme social : « Que celuici [Jean-Jacques] eût raison contre l'animal dépravé, cela est incontestable35 ». Pour Jean-Jacques, la nature est le support d'un bonheur de l'innocence : « J'étais là dans le paradis terrestre ; j'y vivais avec autant d'innocence, et j'y goûtais le même bonheur ». Pas de bonheur sans expérience de l'innocence, raison pour laquelle les deux concepts sont souvent associés : « Ce séjour est celui du bonheur et de l'innocence37 » écrit-il par exemple. Pour l'auteur des Rêveries, toute inspiration s'enracine dans une sorte de société heureuse avec la nature, dans ce que Jean Starobinski a nommé « les amitiés végétales38 ». Rousseau déclare en ce sens pouvoir « jouir de la campagne » mais non « de la ville39 ». Les angoisses d'une marche urbaine génèrent un sentiment intime d'oppression, alors que la déambulation tranquille au sein de la nature le fait respirer et lui permet de se sentir pleinement libre40. 31 Ibid., « Les veuves », p. 94-96. « À travers la noirceur de la nuit, il avait regardé [] ». Charles Baudelaire, Fusées, OC, t. I, op. cit., p. 664. 33 J.-J. Rousseau, Émile, op. cit., p. 502. 34 Charles Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe, OC, t. II, op. cit., p. 323. 35 Ibid., p. 325. 36 J.-J. Rousseau, Les Confessions, op. cit., p. 521. 37 Ibid., p. 224. 38 Jean Starobinski, La transparence et l'obstacle, Paris, Gallimard, 1971, p. 291. 39 J.-J. Rousseau, Les Confessions, op. cit., p. 107. 40 « []
avant de pouvoir respirer à mon aise je trouve en mon chemin mille objets qui me serrent le coeur, et la moitié de la journée se passe en angoisses avant que j'aie atteint l'asile que je vais chercher
». J.-J. Rousseau, Les Rêveries, op. cit., p. 1082. 41 J.-J. Rousseau, Lettre à M. Du Peyrou du 16 septembre 1769, n° 3844, t. XIX, op. cit., p. 154. 42 J.-J. Rousseau, Lettre à M. le Marquis de Mirabeau du 25 mars 1767, n° 3314, t. XVII, Ibid., p. 4. 43 J.-J. Rousseau, Les Confessions, op. cit., p. 447. 44 J.-J. Rousseau, Les Rêveries, op. cit., p. 1094. 32 5
La poésie du Spleen repose essentiellement sur une thématique urbaine, à rebours de la poésie qui célèbre la nature. La prose se fonde alors sur une musicalité dissonante, qui célèbre des « cris lugubres et discordants », ce que le « Cré cule du soir » nomme une « lugubre harmonie », une « sinistre hululation45 ». La posture baudelairienne rejette avec cynisme l'innocence. Le parti pris est de produire une prose aussi noire et cruelle que le poète est devenu rôdeur, criminel se complaisant dans sa « manie crépusculaire46 », jouissant alors de sa propre méchanceté, comme le narrateur du poème « Le mauvais vitrier », qui jubile de sa cruauté : « Qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance47? ». Le mal se répand dans le Spleen : le diable est une figure présente dans nombre de poèmes, comme dans « Les tentations » ou « Le joueur généreux », de la même manière que le motif du serpent innerve l'esthétique du Spleen de Paris. Le promeneur se perd volontairement et devient « poète erratique48 », la trajectoire de sa déambulation n'étant jamais une ligne droite comme celle des boulevards d'Haussmann mais une ligne arabesque, tortueuse et serpentine, un vagabondage comme celui des « chiens » parias du dernier poème de l'oeuvre. La modernité de la poésie de Baudelaire mise en oeuvre dans Le Spleen de Paris trouve une image dans le thème du « déplacement », dans le motif de la sinuosité de la ligne serpentine. La lettre-dédicace à Arsène Houssaye présente cette poésie comme essentiellement sinueuse, sa composition pouvant être découpée en « morceaux », en « tronçons » : « Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine49 ». Cette esthétique de la ligne serpentine, présentée au début du recueil comme « une tortueuse fantaisie » se résorbe à la fin dans l'isotopie de la flânerie, qui permet de décrire le « thyrse » dans le poème éponyme : « Autour de ce bâton, dans des méandres capricieux, se jouent et folâtrent des tiges et des fleurs, celles-ci sinueuses et fuyardes []. Ne dirait-on pas que la ligne courbe et la spirale font leur cour à la ligne droite50? ». La flânerie hasardeuse du sujet poétique imprègne la forme même du recueil, qui trouve dans ce poème une image emblématique. C'est l'errance mélancolique qui est au principe de la composition de ce recueil, le spleen et la désespérance donnant son élan à une esthétique de la « ligne arabesque » et de la « sinuosité du verbe ». Mais « en quelque lieu que vous soyez », dans « les brumes des pays rêveurs » ou ailleurs51, la promenade reste le principe moteur de cette esthétique de la ligne serpentine : « Les fleurs, c'est la promenade de votre fantaisie autour de votre volonté52 ». De l'homme naturel vivant dans l'état de société à l'aristocrate dandy Troisième rupture : deux éthos radicalement distincts séparent Rousseau et Baudelaire dans leur pratique de la promenade. Celui du premier peut être trouvé dans le modèle d'un « homme naturel vivant dans l'état de société53 ». La posture de Baudelaire est très différente : elle peut davantage être assimilée à celle du dandy : « [] le type du Dandy n'est pas à négliger dans ce sujet54 [] ». La figure de « l'homme naturel vivant dans l'état de société », élaborée de manière abstraite et fictive doit en effet être mise en relation avec l'expérience concrète de Jean45
Charles
Baudel
aire, Le Spleen de Paris, « Le crépuscule du soir », p. 123. Ibid., p. 124. 47 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Le mauvais vitrier », p. 82. 48 J.L Steinmetz, Préface du Spleen de Paris, op. cit., p. 43. 49 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « À Arsène Houssaye », p. 60. 50 Ibid., « Le thyrse », p. 166. 51 « N'importe où! N'importe où! Pourvu que ce soit hors du monde! ». Ibid., « Any where out of the world », p. 207. 52 Ibid., « Le thyrse », p. 166. 53 J.-J. Rousseau, Émile, op. cit., p. 483. 54 Charles Baudelaire, Fusées, X, OC, t. I, op. cit., p. 657. 46 6
Jacques : l'auteur des Rêveries du promeneur solitaire y met en quelque sorte en pratique les acquis de sa théorie anthropologique. L'opposition anthropologique entre l'homme civil et l'homme naturel doit être nuancée, car pour l'auteur de l'Émile, ce dernier se dédouble en homme sauvage et en homme naturel vivant dans l'état social : « Il y a bien de la différence entre l'homme naturel vivant dans l'état de nature et l'homme naturel vivant dans l'état de société55 ». Jean-Jacques devient le produit d'une expérimentation opérée sur lui-même, après l'avoir produite de manière fictive dans l'Émile. Il incarne cette figure de l'homme naturel dans l'état social : « Si vous ne m'eussiez dé peint votre Jean-Jacques j'aurais cru que l'homme naturel n'existait plus, mais le rapport frappant de celui que vous m'avez peint avec l'auteur dont j'ai lu les livres ne me laisserait pas douter que l'un ne fut l'autre56 ». Émile est une sorte d'alter ego fictif de Jean-Jacques, ce dernier souhaitant vivre selon les préceptes donnés par la voix de la nature. Comme Émile, il est seul en société : « Émile n'est qu'un autre Jean-Jacques [] en réalisant son voeu d'une existence selon la nature57 ». À la fois bohème et pauvre, vivant dans une mansarde comme le poète de « À une heure du matin », c'est la figure du dandy qui émerge pour sa part dans le recueil du Spleen. Railleur, épris d'une « tristesse froide et railleuse58 », doté d'une capacité à mettre ses émotions à distance, le dandy se montre enclin à la mélancolie. Compatissant pour les pauvres, il dédaigne décoder la joie des riches, se satisfaisant alors du « reflet de la joie des riches dans l'oeil des pauvres59 ». Assez méprisant comme le narrateur du poème « À une heure du matin », qui prie Dieu de lui accorder la « grâce de produire quelques beaux vers, pour me prouver que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise », le dandy se délecte également du « plaisir aristocratique » de contempler un paysage, comme le narrateur du poème « Le port » qui se complait dans ce « plaisir mystérieux ». Provocateur mais élégant, cruel et révolté, le dandy incarne une figure dont le Spleen est imprégné. Dans le domaine esthétique, l'originalité du dandysme poétique consiste à mettre à distance la définition platonicienne du beau : « La beauté absolue et éternelle n'existe pas ». C'est une nouvelle pratique poétique et une définition historique et subjective de la beauté, fondée sur la promenade, qui émerge grâce à cette posture du poète-dandy dans « le transitoire, le fugitif, le contingent ». Dans Le Peintre de la vie moderne, Baudelaire théorise sa propre posture, celle d'un flâneur devenu rôdeur parce qu'intéressé avant tout par la production de la beauté moderne : « Ainsi il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il? À coup sûr, cet homme, tel que je l'ai dépeint, ce solitaire doué d'une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d'hommes, a un but plus élevé que celui d'un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu'on nous permettra d'appeler la modernité60 ». Cette posture, qui peut qualifier l'éthos de Baudelaire, implique une originalité esthétique, y compris dans la production d'une beauté nouvelle et moderne : « J'ai trouvé la définition du beau, de mon beau : c'est quelque chose d'ardent et de triste, qui laisse carrière à la conjecture61 ».
III) Le renouvellement de l'essai-promenade et de l'essai-rêverie
L'essai-promenade chez Rousseau et Baudelaire 55 J.-J. Rousseau, Émile, op. cit., p. 483. « [] il est seul dans la société humaine ». Ibid., p. 488. 57 Marcel Raymond, Jean-Jacques Rousseau : la quête de soi et la rêverie, Paris, José Corti, 1986, [1962], p. 81. 58 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Portraits de maîtresses », p. 186. 59 Ibid., « Les veuves », p. 95. 60 Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, IV, OC, t. II, op. cit., p. 694. 61 Charles Baudelaire, Fusées, X, OC, t. I, op. cit., p. 657. 56 7
Le modèle pérégrin fondé par J.-J. Rousseau fait émerger une nouvelle pratique d'écriture, celle de l'essai, écriture vagabonde, libre, naturelle, spontanée, sans normes, sans méthode, ne visant initialement qu'à transcrire des rêveries, des errances de l'esprit. L'essai de tradition humaniste se cristallise en particulier dans une oeuvre qui ne porte pas le titre d'essai, mais qui peut être considérée comme relevant de cette forme : Les Rêveries du promeneur solitaire. Nombre d'interprètes ont déjà identifié le dernier écrit de Rousseau comme un essai : « Les Rêveries sont proprement des essais62 », ou encore : « La meilleure contribution de Rousseau à l'évolution de l'essai [est à chercher] dans Les Rêveries63 ». Cet ouvrage constitue un accomplissement de la tradition de l'essai inaugurée par Montaigne. C'est l'oeuvre dans laquelle se cristallise de manière exemplaire « l'esprit de l'essai64 » au tournant des Lumières. Il est à ce titre particulièrement emblématique et révélateur d'une dynamique de cette forme au cours de cette période. Même si Les Rêveries et Le Spleen ne portent pas le titre d'essai, ces écrits comportent toutes les caractéristiques de ce que nous considérons aujourd'hui comme un essai65. L'un et l'autre ont en commun d'être constitués d'unités poétiques brèves. Rousseau souligne pour sa part l'aspect désordonné, discontinu et erratique de son texte qui ne relève a priori d'aucune forme canonique et qui est généré par la libre association d'idées, par une écriture libre, créatrice et spontanée. La dernière oeuvre de Baudelaire relève également d'une prose discontinue, erratique, voire d'une « tentation de l'informe [] une forme sans forme66 ». Le Spleen reste caractérisé par une esthétique du mélange et de la bigarrure : cette « pensée rhapsodique » et instable contient une variété de registres et de tons. La caractéristique principale de l'essai tel qu'il est pratiqué par Rousseau et Baudelaire peut cependant être trouvée dans la marche, véritable présupposé et condition nécessaire de ce type d'écrit. Les Rêveries ont en effet été écrites en se promenant. En témoigne le titre : ce sont les rêveries d'un promeneur solitaire, mais également les cartes à jouer, sur lesquelles Rousseau a noté ce qui lui passait par la tête chemin faisant. Sur l'une de ces cartes à jouer, il lie promenade, écriture et méditation : « Ma vie entière n'a guère été qu'une longue rêverie divisée en chapitres par mes promenades de chaque jour67 ». Les Petits poèmes en prose relèvent également de l'essai-promenade et mettent à ce titre au jour une beauté en mouvement : « Pour le parfait flâneur, pour l'observateur passionné, c'est une immense jouissance que d'élire domicile dans le nombre, dans l'ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif68 ». La promenade innerve nombre de poèmes du Spleen. Dans « Les Vocations » par exemple, le récit des quatre enfants est amorcé par des scènes de promenades : « Hier on m'a mené au théâtre » dit le premier enfant admirateur des acteurs, quand les autres introduisent également l'exposition de leur vocation respective par une référence à la promenade : « [] ce petit nuage, qui marche doucement [], il voyage, pour visiter tous les pays » déclare l'enfant prédisposé à la religion. Le troisième enfant, séducteur par nature, trouve lui aussi sa vocation au terme d'un voyage : « Mes parents m'ont emmené en voyage avec eux [] ». Quant au quatrième enfant, sorte de double du poète69, homme « incompris » par définition, la déambulation est en soi une finalité, même si cette finalité est sans fin et sans but.
La 62 Michaël Biziou, article « Essai », Dictionnaire européen des Lumières, PUF, Quadrige, Dicos Poche, 1997, p. 495. J. F. Louette et P. Glaudes, L'Essai, Armand Colin, 2011 [1999], p. 108. 64 « [] ce sont Les Rêveries qui seront perçues [] comme l'entreprise la plus proche de Montaigne []. Le fameux "esprit de l'essai", esprit de finesse et d'errance, régnerait en Rousseau sans son nom ». Marielle Macé, Le temps de l'essai, Paris, Belin, 2016, p. 26. 65 « Prose non fictionnelle, subjective, à visée argumentative, mais à composition anti-méthodique, où le style est déjà en luimême une pratique de la pensée : ce sera, par provision, notre définition de l'essai littéraire ». J.-F. Louette et P. Glaudes, L'Essai, op. cit., p. 10. 66 Henri Scépi, Baudelaire et les formes poétiques, « Face à l'informe », La Licorne, n° 83, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 22. 67 J.-J. Rousseau, Ébauches des rêveries, OC, t. I, op. cit., p. 1165. 68 Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, IV, OC, t. II, op. cit., p. 691. 69 « [] je pouvais avoir un frère à moi-même inconnu ». Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Les vocations », p. 163. 63 8 référence au Rousseau errant
se fortifie d'un plaidoyer de l'errance, Le Spleen jouant alors de l'intertexte des Confessions : « Il m'a toujours semblé que mon plaisir serait d'aller toujours droit devant moi, sans savoir où []. Je ne suis jamais bien nulle part, et il me semble toujours que je serais mieux ailleurs que là où je suis70 ». Qu'il s'agisse de la prose rousseauiste ou des poèmes en prose baudelairiens, c'est la forme de l'essai qui s'impose : il s'agit initialement pour Baudelaire de produire des « essais de poésie lyrique en prose71 ». Ce dernier fait volontairement écho au dernier ouvrage de Rousseau et confie par exemple à Sainte-Beuve en 1862 qu'il écrit des « Rêvasseries en prose72 ». Le Spleen de Paris restitue le regard d'un poète-flâneur parfois rôdeur et voyeur, qui trouve souvent la matière de ses propos poétiques au cours de ses déambulations dans les quartiers de Paris. Aussi les personnages des poèmes sont-ils souvent en train de se promener, comme dans « Le Tir et le cimetière » : « Singulière enseigne, se dit notre promeneur73 [] », ou bien dans « Perte d'auréole » : « Je puis maintenant me promener incognito74 ». Il n'est d'ailleurs pas rare qu'un poème commence par une référence à la promenade et s'achève également par une mise en scène de la flânerie. Dans « Mademoiselle Bistouri », Baudelaire commence par mettre en scène une telle situation de promenade : « Comme j'arrivais à l'extrémité du faubourg ». Il conclut ce même poème par une mise en valeur de la promenade parisienne : « Quelles bizarreries ne trouve-t-on pas dans une grande ville, quand on sait se promener et regarder75? ». Peut-être est-ce une référence implicite à l'auréole tombée sur le « macadam » du « boulevard » dans le poème « Perte d'auréole ». Le dandy qui « sautillait dans la boue » aurait symboliquement perdu son emblème de poète lyrique76. La question pourrait également s'adresser au lecteur et qualifier la posture, pas seulement d'un personnage de poème, mais de Baudelaire lui-même, poète-flâneur et écrivain-promeneur. La flânerie est bien souvent le point de départ d'une journée riche en observations et s'avère nécessaire pour traduire le monde en poésie. C'est la démarche de Baudelaire observateur de Paris et de ses alentours. C'est également la démarche qu'il suppose être celle de son lecteur. Aussi, lorsqu'il s'adresse au lecteur dans « Le Joujou du pauvre », l'exhorte-til à la flânerie : « Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes [] ». Parfois, le poète ne restitue pas sa propre expérience et se fait narrateur d'histoires inventées et imaginées, mais dans lesquelles les personnages se promènent toujours, comme dans « l'Horloge » : « Un jour, un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s'aperçut qu'il avait oublié sa montre et demanda à un petit garçon quelle heure il était77 ». C'est également le cas par exemple dans « Assommons les pauvres! », qui, « dans une banlieue déserte », montre un personnage en mouvement, dont le lecteur peut suivre les pérégrinations parisiennes : « Et je sortis []. Comme j'allais entrer dans un cabaret78 [] ». Dans « Les projets », le lecteur est associé à la promenade parisienne d'un narrateur dont les jalons de l'histoire qu'il raconte sont justement les étapes de sa promenade. Le poème commence par faire référence à une déambulation, qui déclenche elle-même une scène fictive de marche : « Il se disait, en se promenant dans un grand parc solitaire : "Comme elle serait belle" [] descendant à travers l'atmosphère d'un beau soir'79 [] ». C'est encore le motif de la promenade qui amorce le deuxième paragraphe et la représentation d'un nouveau 70 Ibid., p. 162.
Charles Baudelaire, Lettre à Poulet-Malassis du 11 mars 1860, op. cit., t. II, p. 128. 72 Charles Baudelaire, Lettre à Sainte-Beuve du 3 février 1862, Ibid., t. II, p. 229. 73 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Le tir et le cimetière », p. 196. 74 Ibid., « Perte d'auréole », p. 198. 75 Ibid., « Mademoiselle Bistouri », p. 204. 76 Steve Murphy, Logiques du dernier Baudelaire, Paris, Champion classiques, 2007, p. 191. 77 Ibid., « L'horloge », p. 104. 78 Ibid., « Assommons les pauvres! », p. 208-209. 79 Ibid., « Les projets », p. 129. 71
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: « En passant plus tard dans une rue, il s'arrêta devant une boutique80 [] ». Ce qu'il nomme à fin du poème son « troisième domicile » est à nouveau produit par une déambulation, la cadence de la marche donnant un rythme à l'imagination : « Et plus loin, comme il suivait une grande avenue [] ». La conclusion du poème est encore amorcée par une promenade nocturne : « En rentrant seul chez lui [], il se dit81 ». Le procédé est réitéré : dans « Le Joueur généreux », la promenade parisienne permet par exemple au narrateur de rencontrer le diable en sa demeure : « Hier, à travers la foule du boulevard, je me suis senti frôlé par un Être mystérieux []. Je le suivis attentivement et bientôt je descendis derrière lui dans une demeure souterraine []. Il me parut singulier que j'eusse pu passer si souvent à côté de ce prestigieux repaire [] dans ma promenade82 ». Soulignons que la promenade rousseauiste ne devient délicieuse que lorsqu'elle s'achève en errance. Il faut se perdre en route et joindre au plaisir « d'aller sans savoir où » le bonheur de défricher des parcours inconnus, de déambuler sans but mais non sans détours : « Je perdis plusieurs fois ma route ; et j'eusse été fort fâché d'aller plus droit [] dans mes voyages je ne sentais que le plaisir d'aller83 ». Baudelaire reformule dans « Any where out of the world » ce que Rousseau nomme sa « manie ambulante » lorsque ce dernier déclare par exemple dans Les Confessions : « la vie ambulante est celle qu'il me faut84 » : « Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme85 ». Cette question de l'errance et de l'asile hante Rousseau, qui ne cesse d'y faire référence, tant dans Les Confessions que dans sa Correspondance : « En quelque asile que je voulusse me réfugier [] je ne pouvais donc compter sur aucune retraite assurée [] me faire errer incessamment sur la terre, en m'expulsant successivement de tous les asiles que j'aurais choisis86 ». Baudelaire et la nouvelle subjectivité essayiste Grâce aux Rêveries, Rousseau donne un nouvel essor à la subjectivité et rénove en ce sens l'essai, au point de lui donner une nouvelle forme, une nouvelle acception moderne. Cet ouvrage inaugure en effet une nouvelle pratique d'oeuvres ne visant pas à l'exhaustivité, fondées sur la méditation, elle-même tributaire d'une promenade dans l'intériorité du moi. Non plus auteurs mais essayistes, des écrivains majeurs des Lumières comme Rousseau et Diderot s'affirment ainsi comme les artisans de cette nouvelle pratique, liée à une nouvelle pensée de la subjectivité et à l'émergence d'une démarche vagabonde proche de la rêverie, d'une promenade intérieure. C'est cette tradition de l'essai-promenade que Baudelaire réinvestit. C'est la promenade qui génère la pensée mouvante nécessaire à la production d'un tel essai, le projet étant d'« accroch[er] sa pensée rapsodique à chaque accident de sa flânerie 87 ». Ainsi, comme dans le poème « Les Projets », la marche réelle se transmue en déambulation mentale, Baudelaire parlant en ce sens de pensée vagabonde : « Il faut - se dit-il - que ma pensée soit une grande vagabonde pour aller cherche si loin ce qui est si près de moi 88 ». Au vagabondage du corps correspond une divagation de l'esprit, l'errance n'étant pas seulement corporelle mais spirituelle, intérieure : « J'aime à rêver, mais librement, en laissant errer ma 80 Ibid., p. 129. Ibid., p. 131. 82 I
bid., « Le joueur généreux », p. 147-149. 83 J.-J. Rousseau, Les Confessions, op. cit., p. 59. 84 Ibid., p. 172. 85 Charles Bau aire, Le Spleen de Paris, « Any where out of the world », p. 205. 86 J.-J. Rousseau, Les Confessions, op. cit., p. 647. 87 Charles Baudelaire, Lettre à Sainte-Beuve du 15 janvier 1866, OC, t. II, op. cit., p. 583. 88 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Les projets », p. 130. 81 10 tête, et sans m'asservir à aucun sujet89 » écrivait Rousseau.
À la déambulation correspond donc une marche intérieure, produit d'une imagination fertile, abondante et variée, faculté que Rousseau et Baudelaire ont en commun de promouvoir : « Rousseau et Baudelaire ont chacun dans leur siècle contribué à rétablir l'autonomie de l'imagination90 ». Cette marche intérieure permet d'accéder au « miracle d'une prose poétique » grâce aux « ondulations de la rêverie91 ». Pour le poète du Spleen, le mouvement des nuages devient par exemple le support idéal de la rêverie, à condition qu'ils soient mobiles, qu'ils se promènent. Aussi « Les vocations » font-elles allusion à ce « nuage couleur de feu, qui marche doucement92 », de la même manière que « Le port » fait référence à « l'architecture mobile des nuages » ou bien encore « La Soupe et les nuages » aux « mouvantes architecture », aux « merveilleuses constructions de l'impalpable93 ». Rousseau et Baudelaire partagent, en dépit de leurs divergences, cette pratique, cette écriture et cette acception de l'essai, comme ouvrage méditatif et de forme non rigide et non méthodique, lié à une expérience subjective et existentielle de l'essai-promenade, de l'essai-rêverie et de la marche intérieure, mobilisant davantage l'imagination que la raison. Cette nouvelle subjectivité essayiste, mise au jour par Rousseau et réinvestie par Baudelaire suppose enfin la conciliation d'un rapport subjectif à soi-même et d'une relation objective au monde. Selon Jean Starobinski, la dynamique fondamentale d'un essai réside dans son double versant « l'un objectif, l'autre subjectif », dans « cet intérêt [à la fois] tourné vers l'espace intérieur [et] une curiosité infinie pour le monde extérieur94 ». Les Rêveries constituent un accomplissement de l'essai, précisément parce que Rousseau infléchit ce double rapport à soi et au monde. Dans ce texte, la conciliation de l'extase rétractive dans l'intériorité et de l'extase expansive dans l'extériorité est actualisée et produit précisément le bonheur d'exister95, qui est « dans la conciliation entre repli sur soi et ouverture au monde96 ». Baudelaire formalise lui aussi cette dynamique de la traction-expansion, Le Spleen manifestant également ce double rapport à soi et au monde. C'est pourquoi, quand il aborde cette dialectique, Baudelaire incorpore entre parenthèses une discrète référence à l'expérience de la rêverie chez Rousseau : « Toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd si vite97!) ». Lorsque le narrateur du poème « Le Port » se délecte par exemple « du scintillement des phares », qui « entretiennent dans l'âme le goût du rythme et de la beauté », cette dynamique du contact entre l'intériorité méditative et l'extériorité expansive est en action : « De la vaporisation ou de la concentration du moi, tout est là » déclare Baudelaire dans Mon coeur mis à nu. Cette dialectique de la rétractionexpansion, caractéristique de l'essai, permet au poète-marcheur de dépasser l'opposition entre solitude et sociabilité et d'expérimenter ainsi, selon les mouvements de son âme, tantôt les délices de l'introspection, tantôt ceux de la vaporisation dans l'extériorité. C'est dans « Les Foules » que Baudelaire formalise cette théorie poétique de la rétraction-expansion : « Multitude, solitude, termes égaux et convertibles par le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut, à sa guise, être lui-même et autrui. Comme ces âmes
89 J.-J. Rousseau, Lettre à Victor Riquetti du 31 janvier 1767, n° 5695, t. XXXII, op. cit., p. 82. Marc Eigeldinger, Baudelaire juge de Jean-Jacques, Études Baudelairiennes, vol. 9 : « Baudelaire, Rousseau et Hugo », Paris, Honoré Champion, 1981, p. 18. 91 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « À Arsène Houssaye », p. 60. 92 Ibid., « Les vocations », p. 160. 93 Ibid., « La soupe et les nuages », p. 195. 94 Jean Starobinski, « Peut-on définir l'essai? », Approches de l'essai , François Dumont (éd.), Québec, Nota Bene, 2003, p. 175. 95 Pour un développement plus approfondi du bonheur chez Rousseau, en particulier cette dynamique de la rétractionexpansion, voir Guilhem Farrugia, Bonheur et fiction chez Rousseau, Classiques Garnier, « L'Europe des Lumières », n° 19, 2012, 361 p. 96 Michel Delon, Dictionnaire européen des Lumières, article « Bonheur », Paris, PUF, 197, p. 191. 97 Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Le "confiteor" de l'artiste », p. 64. 90 11 errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun []. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion98 ».
Conclusion En écrivant Le Spleen de Paris, Baudelaire renouvelle la promenade littéraire et modifie la posture du poète-promeneur réinventée par Rousseau avec Les Rêveries.
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468 ANNEXES ANNEXES Annexe 1 : portait sociodémographique des musiciens 473 Annexe 2 : enquête qualitative 1. Présentation des entretiens 2. Tableaux des entretiens 3. Guides d‟entretien 4. Tableaux des observations 5. Grille d‟observation 479 479 480 484 487 489 Annexes 3 : juridique et chronologique 1.
Le CDD d‟usage
2.
Annexes
VIII et X de l‟Une
dic
: ce qui a changé 3. Repères chronologiques 491 491 499 502 Annexe 4 : droits d’auteur et droits voisins 1. Contrat de cession 2. Déclaration SACEM 3. Feuille de présence SPEDIDAM 4. L‟économie d‟un album 505 505 513 514 515 ANNEXE 1 Portrait sociodémographique des musiciens
Statist
iques en pourcentage issues de l‟article de P. Coulangeon, « Les musiciens interprètes », Développement culturel, n°140, juin 2003
Les musiciens sont à 78 % des instrumentistes, à 71 % des interprètes de musiques populaires (jazz, rock, variétés, rap, etc). C'est l'une des professions artistiques les moins féminisées (24 % de femmes), exception faite des chanteurs parmi lesquels les femmes sont majoritaires (57 %). Cette sousreprésentation des femmes est nettement plus marquée chez les interprètes de musiques populaires (17 %). La moyenne d'âge est de 38 ans pour les s et de 36 ans pour les femmes. Le poids des héritiers est sensible: 6 % ont un père lui-même musicien, 26 % sont fils ou filles de cadres et 35 % des musiciens sont bacheliers. Une minorité d'entre eux (38 %) fait état d'une formation musicale spécialisée de niveau supérieur. Mais cette proportion varie très nettement selon le type de spécialisation musicale (75 % pour les interprètes de musique savante et 23 % chez les interprètes de musiques populaires). Ils vivent à 69 % en couple. Chez les interprètes de musiques populaires 15 % ont un conjoint lui-même musicien, et 44 % chez les interprètes de musique savante; 51 % ont un ou plusieurs enfants. Un quart des musiciens sont nés en Ile de France et 37 % y résident (17 % à Paris même), ce qui fait de cette profession l'une des plus décentralisées du domaine artistique. L'âge moyen du premier contrat de travail est de 23 ans quelque soit le type de spécialisation musicale. 80 90 70 80 60 70 60 50 40 Musique populaire 30 Musique savante 20 Intermittent 50 40 Autre (permanent, indépendant) 30 20 10 10 0 0 Univers musical Statut Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence 90 80 80 70 70 60 60 50 50 40 Instrumen tistes 40 musique populaire Chanteurs 30 musique savante 30 20 20 10 10 0 Univers musical 0 Catégorie d'interprète 70 70 60 60 50 50 40 40 Diplômés Bacheliers 30 30 Non bacheliers 20 Non diplômés 20 10 10 0 0 Enseignement général 474 Formation musicale supérieure Annexes 80 70 60 50 40 Musique savante 30 Musique populaire 20 10 0 Formation musicale supérieure 90 80 70 60 Musiciens interprètes 50 40 Interprètes de musique populaire 30 Chanteurs 20 10 0 Femmes Hommes 475 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence 80 70 70 60 60 50 50 40 40 I.D.F. Province I.D.F. 30 Province 30 20 20 10 10 0 0 Lieu de naissance Lieu de résidence 80 50 70 45 40 60 35 50 30 40 30 En couple 25 Musique populaire Célibataires 20 Musique savante 15 20 10 10 5 0 Situation matrimoniale 476 0 Conjoint musicien Annexes 51,5 51 50,5 50 Au moins un 49,5 Aucun 49 48,5 48 Nombre d'enfants 477 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence 478
Annexes ANNEXE 2 Enquête qualitative 1. Présentation des entretiens
Le tableau des caractéristiques socio-économiques des musiciens interviewés comprend plusieurs variables : le prénom fictif, l‟âge, le statut matrimonial, le nombre d‟enfants, l‟instrument principal (celui qui permet de vivre de son métier), les instruments secondaires (sur scène ou pour composer), la formation scolaire, la formation musicale et le statut professionnel. Pour ce qui est des lieux d‟entretien, ils se sont effectués pour la plupart dans des cafés et pour certains d‟entre eux au domicile des interviewés. 71 entretiens ont été effectués (certains musiciens ont été interrogés plusieurs fois et d‟autres une deuxième fois deux ans après le premier entretien) auprès de 62 musiciens 393 répartis entre 41 instrumentistes et 21 chanteurs interprètes, soit 15 batteurs, 9 pianistes (dont 2 femmes), 8 bassistes, 9 guitaristes (dont 2 femmes), 21 chanteurs interprètes (dont 9 femmes) âgés de 25 à 50 ans. Concernant leur situation matrimoniale et familiale, 37 sont célibataires, 11 séparés, 10 en concubinage et 4 sont mariés ; 21 ont au moins un enfant (seulement un peu plus d‟un tiers de l‟échantillon). La quasi-totalité des musiciens est poly-instrumentiste et, en moyenne, les musiciens ont des connaissances musicales sur 3 instruments. Le niveau scolaire est très hétérogène, il varie de l‟arrêt des études en seconde à la Maîtrise, mais il convient de noter que près de la moitié des musiciens interrogés est sortie du système scolaire en ayant atteint un certain niveau scolaire sans obtenir le diplôme correspondant. À peine une dizaine d‟entre eux a suivi un cursus scolaire en rapport avec la musique, l‟art ou l‟audiovisuel. La formation musicale est également hétérogène : de l‟autodidaxie (22 d‟entre eux, essentiellement les chanteurs et bassistes) au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (pour 2). Nombreux sont ceux issus d‟écoles de musique ou de Conservatoires. Pour ce qui est du statut, 41 sont intermittents du spectacle (beaucoup ont perdu une ou plusieurs fois leur statut durant leur trajectoire professionnelle), 10 des musiciens n‟ont jamais obtenus le statut d‟intermittent, 1 refuse le statut, 7 sont « sortis du statut par le bas », 1 est « sorti par le haut » et 2 ont le statut d‟indépendants. 393 Cinq managers, deux éditeurs, un producteur de spectacle, un directeur artistique de Major et un directeur de projets en Major ont également été interrogés. 479 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence 2. Tableau des entretiens Prénom Age Situation familiale Instrument principal Instruments secondaires Formation scolaire Formation musicale Michel 37 Batteur (accompagnateur) Percussions, piano, basse CAP pâtissier Ecole musique Stéphane 31 Célibataire Sans enfant Célibataire Sans enfant Batteur (accompagnateur) BTS audiovisuel Ecole nationale de musique Intermittent depuis 6 ans Manu 40 JeanFrançois 34 Batteur (accompagnateur) Batteur (accompagnateur) 2nd musicale Diplôme d‟infirmier Conservatoire et école de batterie Conservatoire et école de batterie Intermittent depuis 15 ans Intermittent depuis 6 ans Christophe 50 Célibataire 1 enfant Célibataire Sans enfant Séparé 1 enfant Percussions, piano, basse, réalisateur, arrangeur, compétences d‟ingénieur du son Percussions 2nd générale Conservatoire, école de batterie en France et aux Etats-Unis Intermittent depuis 26 ans David 34 Séparé 1 enfant 2nd générale conservatoire Intermittent depuis 12 ans JeanPhilippe 40 Divorcé 1 enfant Bac gestion Ecole batterie de Intermittent depuis 17 ans Marc 39 Séparé 2 enfants Batteur, percussionniste (accompagnateur) Batteur, percussionniste (accompagnateur) Batteur (accompagnateur) Composition, piano, guitare, compétences d‟ingénieur du son (homestudio) Guitare, piano, composition, réalisation _ Piano, guitare, composition 2nd générale Intermittent depuis 19 ans Yann 29 Célibataire Sans enfant Batteur (accompagnateur) 1ere générale Damien 26 Célibataire Sans enfant Batteur (accompagnateur) Guitare, basse, chant, clavier, réalisateur, arrangeur Piano, guitare, basse, compétences d‟ingénieur du son (homestudio) Ecole de batterie et cours particuliers Ecole de batterie 2nde générale Ecoles musique Intermittent depuis 7 ans Jonas 25 Célibataire Sans enfant Batteur d‟un groupe signé en Major, compositeur Batteur (accompagnateur) Bac autodidacte Flûte traversière, composition, réalisateur, arrangeur, compétences d‟ingénieur du son (homestudio) Percussions, piano Percussions Bac particulier 1ere générale Bac Ecole musique Ecole batterie de Percussions, basse 2nde générale Ecole batterie de PierreEtienne 36 Marié 1 enfant Charles 42 Sébastien 29 Divorcé 1 enfant Célibataire sans enfant André 39 ans David 480 27 Séparé sans enfant Célibataire Sans enfant Batteur (accompagnateur) Batteur (accompagnateur) Batteur d‟un groupe signé dans un label indépendant Batteur (accompagnateur) Pianiste Accompagnateur Percussions Statut de de BTS audiovisuel Intermittent depuis 8 ans N‟a jamais obtenu le statut d‟intermittent ; double activité Intermittent depuis 10 ans _ Batterie, Ondes martenot, réalisateur, Intermittent depuis 15 ans de Conservatoire national supérieur de musique Intermittent depuis 17 ans Intermittent depuis 3 ans Intermittent depuis 14 ans Intermittent depuis 2 ans Annexes Magalie 27 Rémi 40 Mathieu arrangeur, compétences d‟ingénieur du son Accordéon 2nd générale Célibataire Sans enfant Séparé 2 enfants Pianiste Accompagnatrice Pianiste accompagnateur et en autoproduction 34 Célibataire Sans enfant Pianiste, compositeur, arrangeur, chef d‟orchestre, directeur musical, répétiteur Lucie 47 Marié 2 enfants Pianiste (accompagnatrice) Guitare chant et Niveau Bac Thierry 38 En concubinage Sans enfant Pianiste (accompagnateur) Deug d‟économie Conservatoire Tom 32 Célibataire Sans enfant Pianiste (accompagnateur) Basse, guitare, compétences d‟ingénieur du son Batterie, percussions 2nde générale Ecole musique Jules 27 2nde générale Conservatoire 35 Pianiste, compositeur Pianiste (accompagnateur) Guitare, chant Sacha Célibataire Sans enfant concubinage Bac Conservatoire Frédéric 28 Célibataire Sans enfant Batterie, piano 2nde générale autodidacte Denis 35 Guitare 43 Niveau Bac Bac autodidacte Thierry Divorcé 2 enfants Marié 2 enfants Bassiste, contrebassiste (accompagnateur) Bassiste (accompagnateur) Bassiste (accompagnateur) Laurent 42 Jonathan 33 Niveau Bac Bac Ecole de musique conservatoire Michel 24 Composition 2nde générale autodidacte Fabrice 37 Séparé Sans enfant Bassiste (accompagnateur) Bassiste (accompagnateur) Bassiste d‟un groupe signé en Major Bassiste (accompagnateur) Piano, guitare Deug d‟anglais Ecole musique Franck 31 Célibataire Sans enfant Bassiste (accompagnateur) Guitare, composition, compétences d‟ingénieur son Niveau Bac autodidacte Yannick 32 Célibataire Sans enfant Séparé 1 enfant Célibataire sans enfant Concubinage 1 enfant Guitariste Accompagnateur Chant, guitare, basse, compétences d‟ingénieur du son (homestudio) Saxophone American school Cours par correspondance Accordéon Guitare, percussions, chant, piano Guitare, composition Piano Cours particuliers Conservatoire Intermittente depuis 9 ans Sorti « par le bas » de l‟intermittence depuis 5 ans Ecole Normale de Musique, puis Conservatoire National supérieur de Musique de Paris Ecole de musique Refuse le statut d‟intermittent (par conviction) de Intermittent depuis 19 ans ayant perdu plusieurs fois le statut Intermittent depuis 13 ans Sorti « par le bas » de l‟intermittence depuis 2 ans Intermittent depuis 2 ans Intermittent depuis 9 ans Sorti « par le bas » après 6 ans d‟intermittence Intermittent depuis 12 ans Intermittent depuis 21 ans Cours particuliers de Intermittent depuis 20 ans Intermittent depuis 9 ans N‟a jamais accédé au statut d‟intermittent Intermittent depuis 13 ans ayant perdu plusieurs fois le statut Intermittent depuis 9 ans du Basse, batterie, piano, compétences d‟ingénieur du son (home- Licence d‟anglais autodidacte Intermittent depuis 10 ans 481 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence Emilie 28 Concubinage Sans enfant Guitariste Accompagnatrice Alain 35 Tom 37 Concubinage 1 enfant Célibataire Sans enfant Guitariste Accompagnateur Guitariste Accompagnateur Yann 29 Célibataire Sans enfant Valérie 27 Guillaume 31 Célibataire Sans enfant En concubinage Guitariste d‟un groupe signé uniprojet) et compositeur Guitariste (accompagnatrice) Guitariste d‟un groupe signé en Major Pierre 41 Marié 1 enfant Guitariste (accompagnateur) Jack 25 Célibataire Sans enfant Guitariste d‟un groupe non signé studio) Chant conservatoire Intermittente depuis 5 ans Chant Collège musiqueétude 1ere générale autodidacte Batterie 2nd générale autodidacte Basse, clavier, réalisateur, arrangeur et ingénieur du son Chant Bac ES autodidacte BTS action commerciale Bac Ecole de musique autodidacte Intermittent depuis 9 ans A perdu son statut d‟intermittent RMIste, n‟a jamais eu le statut d‟intermittent Intermittente depuis 5 ans Intermittent depuis 3 ans 2nde générale autodidacte Niveau bac Cours particuliers Composition, arrangement, compétences d‟ingénieur du son Basse, piano composition Sophie 43 Célibataire 1 enfant Chant et chœur (accompagnatrice) Richard 33 Célibataire Sans enfant Chant formation) Emilie 25 Célibataire Sans enfant Eva 34 Fabrice 28 Célibataire 1 enfant Célibataire Sans enfant Chanteuse, auteur, compositeur (uniprojet non signé) Chanteuse signée JeanJacques 47 Concubinage 1 enfant Chanteur, auteur, compositeur en autoproduction après signature en Major Olivier 34 Célibataire Sans enfant Chiara 26 Célibataire Sans enfant Chanteur (autoproduction et comédie musicale) Chanteuse (autoproduction et comédie musicale) Stéphane 30 Célibataire Sans enfant Chanteur, auteur, compositeur (autoproduction et comédie musicale) et pianiste arrangeur Patricia 33 Chanteuse Piano Aurélien 27 Célibataire Sans enfant Célibataire 482 (propre Chanteur, auteur, compositeur, signé en Major Chanteur (comédie Intermittent depuis 18 ans ayant perdu plusieurs fois le statut RMIste n‟ayant jamais obtenu le statut Piano, guitare, trombone, saxophone Guitare, basse, batterie Guitare Brevet de technicien de la musique Cours Intermittente depuis 23 ans 2nd générale Autodidacte Intermittent depuis 8 ans Bac ES Autodidacte percussions BEP comptabilité Bac L et Bac américain Autodidacte N‟a jamais eu le statut (chômage d‟un emploi jeune) Intermittente depuis 9 ans RMIste, n‟a jamais eu le statut d‟intermittent Niveau Bac S Autodidacte Sorti « par le haut » de l‟intermittence, a monté son propre label 2nd générale Ecole de musique et conservatoire Perte du statut d‟intermittent Licence histoire du théâtre et du cinéma Maîtrise de Lettres Modernes Cours de chant et de théâtre Pas de statut d‟intermittent car vit en Italie Cours de piano et de chant BTS action commerciale DEUG de Conservatoire RMIste n‟ayant jamais obtenu le statut d‟intermittent ; petits boulots alimentaires Intermittente depuis 12 ans Chômeur du Guitare, batterie, réalisateur, arrangeur, compétences d‟ingénieur du son Guitare, piano, réalisateur, arrangeur, éditeur, producteur Saxophone, coach vocal Piano, guitare Autodidacte Ecole de comédie Annexes Sans enfant musicale) et auteur de comédies musicales Célibataire Sans enfant Séparé 1 enfant Parolier, auteur Yves 43 Philippe 40 Alain 29 Célibataire Sans enfant Jérôme 29 Célibataire Sans enfant Marc 39 Séparé 1 enfant Sabine 27 Julien 39 En concubinage Sans enfant Séparé 1 enfant Patrick 44 En concubinage Sans enfant Chanteur (accompagnateur et comédies musicales) Noa 24 Célibataire Sans enfant chanteuse claire 34 Célibataire Sans enfant Chanteuse, auteur, compositeur, en autoproduction (anciennement signé en Major après avoir gagné un jeu de téléréalité) Prénom Age Bertrand 44 YvesMichel JeanPierre 42 Marie 37 Jeff 34 Bertrand 44 Olivier 38 32 Chanteur, auteur, compositeur, en auto (anciennement signé en Major) Chanteur, auteur _ Chanteur, scénariste Guitare et piano pour la composition _ physiquechimie musicale Maîtrise de Lettres Niveau Bac BTS Studio des variétés cours de perfectionnement en chant, puis studio des variétés Cours de chant Chanteur, auteur, compositeur, signé en Major (groupe signé) Chanteur, auteur, compositeur, signé en Major (signature de groupe) chanteuse Guitare Niveau Bac autodidacte Guitare Niveau DEUG d‟architecture autodidacte Piano, guitare Niveau Bac autodidacte Chanteur, auteur, compositeur en autoproduction Percussions 2nde générale Cours de chant CAP Cours de perfectionnement Piano Bac Ecole de musique Guitare Bac autodidacte _ régime général n‟ayant jamais obtenu le statut d‟intermittent Statut d‟indépendant Perte du statut d‟intermittent depuis 3 ans A perdu plusieurs fois le statut d‟intermittent Intermittent depuis 4 ans Intermittent depuis 10 ans, mais perte 2 fois du statut Intermittent depuis 3 ans Intermittent « sorti par le bas » depuis 3 ans Intermittent depuis 19 ans mais a perdu plusieurs son statut RMIste n‟ayant jamais obtenu le statut Sorti « par le bas » de l‟intermittence Situation familiale Concubinage Sans enfant Profession Formation scolaire Type d’entreprise Manager, éditeur et producteur Sans formation Célibataire Sans enfant Célibataire Sans enfant Manager, éditeur, producteur Manager, éditeur, producteur Bac général Concubinage 1 enfant Concubinage Sans enfant Marié 2 enfants Célibataire sans enfant Manageuse Institut d‟Etudes supérieures en industrie musicale Bac manager Bac Co-fondateur d‟un label de management, d‟édition et de production depuis 2 ans
Label de management, édition et production depuis 10 ans Co-fondateur d‟un label de management, d‟édition et de production depuis 2 ans Manageuse d‟un groupe signé en Major Manager d‟un artiste signé en Major Directeur artistique Directeur projets Niveau Bac, ancien bassiste professionnel Sans formation Directeur artistique de plusieurs groupes ou artistes en Major Directeur de projets en Major de 483 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence 3. Guides d’entretien Pour les musiciens ➢ Rapport à la musique et formation musicale
De quel instrument joues-tu (principal, secondaire et chant)? À quel âge as-tu commencé à pratiquer la musique? À quelle occasion? Quelle est ta formation musicale? Écoles et diplômes? À quels styles musicaux te rattaches-tu? Quel a été le rôle de ton entourage dans cet apprentissage? Dans ton enfance, y avait-il des musiciens professionnels ou amateurs dans ton entourage? Quand as-tu décidé d‟en faire ton métier?
➢ Le travail artistique
Activités professionnelles et carrière: En quoi consiste le métier de musicien, comment le définirais-tu? Peux-tu me décrire ce travail (description des tâches) et les différentes activités qui s'y rattachent (composition, studio, répétitions, scènes)? Es-tu également arrangeur? Mixeur? Es-tu affilié à la SACEM? Sous quel titre (auteur, compositeur, arrangeur)? À la SPEDIDAM? À l‟ADAMI? À combien d'enregistrement as-tu participé? Pourrais-tu me décrire une journée de travail type, une semaine ou un mois type?
Trajectoire et statut professionnel
Vis-tu uniquement de la musique? Depuis combien de temps? À quel âge as-tu effectué ton 1er cachet en tant que musicien? As-tu exercé une profession parallèlement à la musique? Peux-tu me retracer ton parcours professionnels par grandes étapes? Y a-t-il eu dans ton parcours professionnel un élément clef qui a «lancé» ta carrière? Lequel? À quel âge? Quels sont tes projets futurs? Tes aspirations professionnelles? Comment envisages-tu le développement de ta carrière? Es-tu intermittent ou l'as-tu déjà été? Si non, quel statut? Dans quelle tranche se situent tes revenus musicaux dans l‟année? Revenus «fixes», revenus annexes tels que les «droits voisins» (depuis combien de temps, combien? Astu rencontré des problèmes avec ces organismes?) Y a-t-il des cachets non déclarés? Si oui, lesquels, pourquoi et dans quelles circonstances? Les rapport
s
sociaux Quels rapports entretiens-tu avec les maisons de disque? Les producteurs? Les managers? Le public? Les autres artistes? Avec les chanteurs? Y a-t-il des rapports de force? Lesquels? Y a-t-il une hiérarchie implicite entre le chanteur (vedette, prestige) et les musiciens (accompagnateurs). Peuxtu décrire les relations (professionnelles ou extra-professionnelles) entre chanteur et instrumentistes? Quelle est l'ambiance de travail?
484 Annexes
Y a-t-il parfois des conflits avec ces différents acteurs? De quelles natures? Comment sont-ils gérés? Temps de travail et temps sociaux En moyenne combien effectues-tu d‟heures de travail par jour? Par semaine? Par mois? Est-ce régulier? Combien d‟heures consacres-tu en moyenne chaque semaine à chaque activité: travail de l‟instrument, composition, répétition, concerts, cours ou animation, démarches diverses en rapport avec la musique (appels téléphoniques, entretien du matériel, tâches administratives) Est-ce qu‟il t‟arrive de penser à ton travail lorsque tu ne travailles pas? Les lieux de travail Quels sont tes différents lieux d‟activité professionnelle et de représentation (clubs, salles de concert, Festivals en France ou à l‟étranger)? Déplacements de quelle durée? Travailles-tu chez toi? ➢ Le non-travail (période entre deux contrats) En moyenne quelle est la durée d‟une période entre deux contrats? La plus longue? Comment gères-tu ces périodes (artistiquement et psychologiquement)? Que fais-tu pendant ces périodes? Est-ce difficile à gérer psychologiquement? ➢ Le hors-travail (temps social, loisir, mode de vie) Ton métier te laisse-t-il suffisamment de temps libre? Qu‟en est-il de ton temps familial? Conjugal? Amical? Comment se structurent tes différents temps sociaux (travail, famille, loisir): description d'une semaine type Est-ce difficile de concilier vie professionnelle, familiale et personnelle? Ces deux dernières années es-tu parti en vacances? Combien de semaines? ➢ Le réseau professionnel -As-tu un réseau professionnel important (quantité)? De qui se compose-t-il (musiciens, managers, directeurs artistiques)? Comment l‟as tu constitué? Quel est son rôle? Comment obtiens-tu des dates de concert? Le réseau professionnel peut-il être amical, affectif?
➢ Corps et image
Dimension physique, répétitivité et pénibilité au travail: comment gères-tu la fatigue physique (studio, scène) et parfois psychologique (stress, trac)? Est-il courant de glisser vers des comportements déviants (substances pour aider à tenir)? L'image par rapport au public : comment gères-tu ton image? Te poses-tu cette question? En quels termes? Se pose-t-on la question pour toi (chanteur, manager, maison de disque)? ➢ Plaisir,
satisfaction
au
travail
Comment conçois-tu ton travail? Ressens-tu du plaisir, de la satisfaction à exercer cette profession? À quelles occasions éprouves-tu le plus de plaisir?
485 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence
Y a-t-il des activités pesantes, que tu fais par obligation, par déplaisir? Si oui, lesquelles? Si c‟était à refaire, choisirais-tu la même profession? Que changerais-tu? ➢ Renseignements signalétiques Prénom, âge, situation matrimoniale, profession du conjoint, nombre d‟enfants Profession des parents ; frères et sœurs (âge, professions) Type de logement: locataire, propriétaire, à crédit, maison, appartement, résidence secondaire? Lieu d'habitation? Parcours scolaire? Equipement musical possédé et budget? Pour les chanteurs, une rubrique a été ajoutée : Signature en maison de disque -Es-tu signé? Chez qui? Depuis combien de temps? Quel type de contrat? Comment cela s'est-il passé? Dans quelles circonstances? Quels sont les changements depuis la signature? Quels en sont les avantages et les inconvénients? Pour les manager, deux rubriques ont été ajoutées : Activités professionnelles, parcours professionnel et statut professionnel: Comment en es-tu venu à ce métier? À quelle occasion? Comment as-tu rejoint tes projets artistiques? En quoi consiste le métier d'agent artistique, de manager? Quel est ton rôle au sein des projets? Et auprès des artistes? Peux-tu me décrire ce travail (description des différentes tâches)? Comment définirais-tu ton métier? Pourrais-tu me décrire une journée de travail type, une semaine ou un mois type? Peux-tu retracer ton parcours professionnel par grandes étapes? Quels sont tes projets futurs? Tes aspirations professionnelles? Comment envisages-tu le développement de ta carrière? Quel est ton statut professionnel? Dans quelle tranche se situent tes revenus dans l‟année ➢ Signature, contrats Quel est ton rôle dans la signature de tes projets auprès des éditeurs, des producteurs phonographiques et scénographiques? Quel est le type de contrat qui te lie autres artistes? Et aux producteurs?
486 Annexes 4. Tableaux des observations
Observations des situations de travail Type d’activité Type d’observation Fréquence de l’immersion Une vingtaine de fois Entrée de terrain Café-concert Non clandestine, non participante Soirée privée Non-clandestine, non-participante Une quinzaine de fois Pianiste et batteurs Concert en tête d‟affiche Non-clandestine et clandestine, « semiparticipante » et non participante Clandestine, « semiparticipante » Une dizaine de fois Pianiste et batteurs 5 fois Pianiste et batteurs Studio Non clandestine, non participante Une quinzaine de fois pianiste et batteurs Composition et maquettage Non clandestine et clandestine Une dizaine de fois Pianiste, batteurs et guitariste Clandestine, participante Une dizaine de fois Batteur Un musicien Master-class Clandestine, nonparticipante 2 fois Batteur Un musicien Répétitions non rémunérées Clandestine et non-clandestine, non-participante Une vingtaine de fois Batteurs et pianiste Uniquement les membres du groupe (entre 3 et 5 musiciens) Répétitions rémunérées Non-clandestine, non-participante 4 fois Batteur Travail de l‟instrument Clandestine et non-clandestine 5 fois Batteurs Les membres (entre 3 et 5 musiciens), un chef d‟orchestre et parfois l‟équipe technique et la production Travail solitaire Travail des Clandestine Une Batteurs Travail solitaire Première partie d‟un artiste Cours particuliers pianiste et batteurs Nombre d’acteurs en présence En moyenne 3-4 musiciens Membres du groupe (entre 5 et 8 musiciens) et équipe technique Membres du groupe (entre 3 et 6 musiciens), manager et équipe technique Membres du groupe (entre 3 et 6 musiciens), manager et équipe technique Un musicien, un ingénieur du son, un réalisateur et parfois le chanteur et manager Seul ou en binôme Tâches exercées Installation du balances, concert, repas, discussions Installation du balances, concert, repas, discussions matériel,
étitions, rangement, matériel, répétitions
,
rangement, balances, répétitions, concert, repas, discussions balances, répétitions, concert, repas, discussions Prise de son, coaching vocal, arrangement, réalisation, travail de recalage et de recherche artistique Travail individuel sur l‟instrument, prise de son en home-studio ; recherche de « couleurs » et de l‟univers artistiques Transmission d‟un savoir technique et artistique ; importance de la pédagogie Transmission d‟un savoir technique et artistique ; démonstration, réponses aux questions des participants « faire tourner le set », trouver des idées de scènes, discussions sur les mises en place, les idées musicales et organisationnelles Mise en place d‟une émission de téléréalité où les musiciens « font tourner » les morceaux avant de répéter avec les chanteurs Répétitivité des exercices ; travail de la technicité et de la musicalité Écoute plusieurs fois des 487 Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence répertoires Débriefing après concert Clandestine et non-clandestine, « semiparticipante » Tournage d‟un clip Clandestine, participante (en tant qu‟opérateur magnétophone) vingtaine de fois Une dizaine de fois Une fois Batteur Membres du groupe, manager, chef d‟orchestre et/ou directeur de projet, directeur artistique, producteur Batteur Membres du groupe et équipe technique titres, relevés, déchiffrages, travail de mémorisation Discussions faites de remontrances et/ou de compliments concernant les dimensions artistiques, techniques, visuelles et comportementales du concert. Discussions artistiques, stratégiques, organisationnelles, musicales, conflictuelles Travail de l‟instrument, écoutes musicales, entretien de la culture musicale Compositions personnelles et pour un projet musical précis Discussions sur les problèmes rencontrés clandestine Une cinquantaine de fois Batteurs et pianiste Plusieurs musiciens entre du Un musicien Nombreux appels téléphoniques pour se rappeler au souvenir des membres du réseau (entretenir le réseau, obtenir des informations et contrats) Discussions sur les difficultés du projet, de la carrière, des rapports humains, de statut (problèmes avec les Assédic) Observations des périodes de hors-travail Type d’activité Soirées entre amis Type d’observation Clandestine, participante Entrée de terrain batteur Nombre d’acteurs Tâches exercées Plusieurs musiciens avec leurs compagnes Loisirs Clandestine, participante Clandestine, participante batteur seul batteur seul
Les soirées entre amis se résument pour la plupart en soirées entre musiciens, car sociabilité professionnelle et amicale se confondent Les loisirs extra-musicaux n‟existent pratiquement pas Les vacances sont très rares, très peu programmées à l‟avance et parfois annulées au dernier moment si un contrat se présente
Vacances 488 Annexes
Deux années d‟immersion quasi-quotidienne pendant lesquelles trois situations d‟observation ont été distinguées : les situations de travail, les périodes chômées ainsi que le hors-travail. Les situations de travail représentent la sphère la plus observée, comportant 14 types d‟activités différentes rendus possible par trois entrées dans le terrain (un pianiste et deux batteurs). Le type d‟observation est très hétérogène et varie en fonction des types d‟activités ; il recouvre ainsi l‟observation clandestine, nonclandestine, non-participante, « semi-participante » et participante. Les fréquences d‟observation varie de une à vingt selon les situations de travail. Le nombre d‟acteurs observés varie également d‟un seul musicien à un groupe musical auquel peuvent s‟ajouter des acteurs annexes (manager, équipe technique, directeur de projet, directeur artistique de maison de disque et producteur).
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64/hal.univ-lorraine.fr-tel-02071555-document.txt_14
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constitue pas une filière complète, elle permet un accès au supérieur à des publics faiblement dotés et à la mobilité réduite ou choisie. Concernant le choix de l'alternance pour le niveau III en transport et logistique dans le département, il est possible d'opter pour une formation en IUT ou dans un lycée public, mais seulement en seconde année ou encore le TSMEL en alternance sur deux ans proposé par un seul organisme dans le département. Les autres possibilités sont l'IUT ou la STS sous statut scolaire. Ce qui laisse peu d'alternatives quand on souhaite ou on doit avoir une indépendance financière immédiate. Évidemment (quelle que soit la spécialité) il existe la possibilité de suivre une formation sous statut scolaire tout en occupant un emploi étudiant. Si cette possibilité est exceptionnellement évoquée par les alternant-e-s, c'est surtout pour l'écarter, car elle ne procure pas une expérience professionnelle valorisable dans les emplois visés. Ainsi, les aspirations genrées et les ressources des alternant-e-s déterminent des possibilités envisageables dans une offre des formations territorialisées (Triby, 2012). Par ailleurs, on constate, pour la population étudiée, que plus d'un tiers des alternant-e-s ont changé de spécialité, par rapport à leur précédente formation (ou leur bac 269 ), en s'inscrivant dans une formation en alternance (souvent pour la première fois) (cf. annexe I). Ce choix est guidé par leurs aspirations, mais aussi par une préoccupation de s'insérer dans le monde du travail. Ce qui suggère l'importance du poids du marché du travail sur les nouvelles aspirations. Ainsi, en regardant de plus près, on remarque que le changement de spécialité relève plutôt d'un glissement modéré que d'une inscription dans une carrière « atypique ». Car les hommes ou les femmes qui changent de ité s'inscrivent le plus souvent dans une formation en alternance généralement dans des spécialités traditionnellement attribuées à leur sexe. Par exemple un détenteur d'un BTS agricole s'inscrit en TSMEL ou une détentrice d'un bac pro commerce en STS AG. D'autres peuvent faire des changements plus complexes comme une alternante en STS AG qui passe par un an en IUT mesure-physique puis prépare pendant un an par correspondance un BTS management. Cependant, il existe des exceptions comme cette alternante qui après une période de travail et le refus d'une proposition d'un CDI, souhaite reprendre ses études en alternance en STS négociation et relation client (NRC). Mais avec simplement le niveau du bac ES, elle a peu de chance d'intégrer la formation souhaitée. On lui conseille alors de s'inscrire en TSMEL. Cette formation l'intéresse notamment pour ses nombreux débouchés. Dans ce cas, si le changement est plus radical, il est tout de même le résultat d'une opportunité que lui offre le TSMEL (spécialité plus investie par les hommes) en termes d'accès au supérieur et d'accès à un emploi. Finalement, le choix de la spécialité se fait par rapport au rendement attendu au vu d'une biographie genrée sous la contrainte d'un marché de l'alternance qui traduit peu ou prou les besoins en main-d'oeuvre d'un marché du travail à la répartition différenciée des femmes et des hommes. Ainsi, le marché de l'emploi donne à voir des possibilités de carrières professionnelles genrées qui influencent à la fois les carrières scolaires (Masson, 2012) et les choix des Au vu des deux tableaux de l'annexe I concernant la spécialité du bac et de la dernière formation fréquentée en fonction de l'inscription en TSMEL ou STS AG, on peut se demander si le bac ne constitue pas un point d'ancrage qui conditionne la spécialité pour les retours ou les poursuites de formation après un échec dans le supérieur ou une expérience professionnelle non satisfaisante. Par exemple une alternante en STS AG (bac STMG) qui arrête son cursus dans une école de photographe ou une autre en TSMEL (bac pro transport et logistique) qui abandonne une STS en management. Il est question certainement d'aspirations mais aussi d'un souci de ne pas perdre les acquis initiaux (éviter un retour en arrière). formations professionnelles (Stevanovic & Mosconi, 2007a) notamment en alternance. L'un et l'autre contribuent à un renforcement d'un devenir genré tout comme la socialisation ciée des filles et des garçons (Vouillot, 2010). Dans ce processus, l'alternance – modalité de formation – est un catalyseur270. Ce qui est aussi le cas pour le lycée professionnel selon Moreau (1995). Cependant, Kergoat (2014) montre que la ségrégation des filles suivant les spécialités est plus importante dans l'apprentissage. Et dans notre population, on peut difficilement attribuer cet effet à un secteur d'activité précis au vu de la répartition des alternant-e-s dans les différents secteurs d'activité des entreprises d'accueil. Ce qui laisse supposer que ce renforcement est commun à nombre de spécialités. Ces résultats montrent la fragilité d'une catégorisation des publics sur un territoire restreint suivant : la formation fréquentée initiale et continue, le type de contrat d'apprentissage et de professionnalisation ou le secteur d'activité. Car les contextes locaux de l'offre de formations professionnelles scolaires et en alternance en même temps que les usages par les entreprises des différents contrats d'alternance (Arrighi & Mora, 2010a, 2010b) se conjuguent avec les aspirations des individus produisant des populations d'alternant-e-s de niveau III hétérogènes et spécifiques. Notre démarche rejoint alors les intentions de Moreau qui s'attache plus au sens donné par l'individu à son expérience qu'aux catégories « institutionnelles ». Néanmoins, on peut considérer les effectifs des hommes et des femmes dans les formations en alternance et leur progression au niveau national pour en relever les grandes tendances. En France, l'alternance est une voie encore minoritaire d'accès à une certification par la voie de la formation initiale. On pourrait s'attendre à quelques changements si cette voie se généralise, par exemple : un rééquilibrage de la répartition des hommes et des femmes fréquentant cette voie et donc espérer des effets de genre atténués suivant les spécialités. En effet en Suisse271 (Lamamra et al., 2014) et en Allemagne272 (Granato & Kroll, 2013) où cette voie est très développée, la répartition des femmes et des hommes est plus équilibrée, cependant la proportion d'hommes est toujours supérieure à celle des femmes. Et l'occupation par les femmes et les hommes des formations suivant les spécialités ainsi que le marché du travail pour les emplois sont fortement différenciées comme en France273 (Ananian & Pons, 2017; Lamamra et al., 2014). Ces systèmes de formation en alternance sont à bien des ég différents du système d'apprentissage et du contexte français (organisation du système éducatif et orientation en aval, financement274 et organisation de 270 Comme en chimie où le catalyseur est une « substance qui augmente la vitesse d'une réaction chimique sans paraître participer à cette réaction » (Source : encyclopédie Larousse) 271 En Suisse, en 2011, en fin de scolarité obligatoire 64% des femmes et 77% des hommes s'inscrivent dans une formation duale. (Lamamra, Fassa, & Chaponnière, 2014) 272 En Allemagne, en 2010, 43% des jeunes en formation duale sont des femmes et 57% des hommes. Par exemple, en Allemagne, en 2010, dans les formations en alternance sur 2 ans menant au métier de vendeur-euse, les femmes occupent 61% des places et les hommes 39% ou inversement dans les spécialités du bâtiment, les hommes occupent 99,6% des places et les femmes 0,4%. (Granato & Kroll, 2013) 274 Par exemple : en Allemagne, l'alternance est presque intégralement financée par les entreprises et la formation à la plupart des certifications menant à un métiers sont accessible uniquement par la formation duale. (Delautre, G. (2014). Le modèle dual allemand. Caractéristiques et évolutions de l'apprentissage en Allemagne (Document d'études No. 185). DARES. Consulté le 28/12/2015 à l'adresse http://www.epsilon.insee.fr/jspui/handle/1/28316) 307 / 387 l'alternance, marché du travail). Cependant, ces constats montrent qu'une implantation forte de l'alternance peut augmenter l'occupation de la part des femmes dans l'apprentissage tout en conservant une répartition genrée suivant les spécialités. C'est aussi ce que l'on remarque avec l'évolution des effectifs en France en augmentation (essentiellement dû à la progression des effectifs dans les formations du supérieur), mais qui ne bouleverse pas la répartition genrée de l'apprentissage (cf. chapitre IV). Les résultats de l'enquête s'inscrivent dans cette tendance générale tout en décrivant des mécanismes en oeuvre sur un territoire à la fois bassin d'emploi et de formation et espace de mobilité limité envisagé et envisageable par les alternant-e-s.
Une alternance avec des horizons différents
Le vécu de l'alternance permet souvent : de favoriser un intérêt pour les savoirs professionnels, modifier ses motifs d'engagement dans la formation essentiellement extrinsèques vers des motifs plus intrinsèques, une construction de soi que l'échec scolaire a mise à mal (Guichard, 2012) et de nouvelles ambitions. Mais ces ambitions sont différenciées et s'arrêtent souvent au bac+2 comme pour les lycéen-ne-s des lycées professionnels (Palheta, 2015a). Aussi, quelques mois après l'obtention de leur titre ou diplôme, le niveau III devient le nouveau plafond de verre pour la grande majorité des possesseur-euse-s d'un bac pro et pour d'autres le bac+3 reste le niveau de qualification maximum envisageable. Les possesseur-euse-s d'un bac général ou technologique quant à eux sont plus fréquemment inscrit-e-s dans des formations de niveau bac+3, avec souvent des intentions de poursuite de formation et sont les seul-e-s à augmenter encore leurs ambitions. Orange (2018) décrit la vision dévalorisée de l'entrée dans le supérieur par les candidat-e-s aux DUT (reprenant l'expression de Lafarge et Marchetti) alors que ceux qui ont l'intention d'entrer dans une STS construisent une vision plus valorisante de ces formations « isolées » du supérieur, peu comparées et comparables, « [] envisagées comme le point culminant d'une trajectoire scolaire [] » (parag. 23). Ce construit s'élabore pour des populations différentes avec la complicité du jeu des acteurs et actrices du système éducatif. D'une tactique au marché du travail Enfin, les alternant-e-s procèdent à petits pas dans leur projet tant dans leur réalisation que dans leur projection à l'image des STS sous statut scolaire (Orange, 2013). Et le vécu de l'alternance, porte d'entrée dans un monde du travail de plus en plus mouvant, n'incite certainement pas à changer de comportement. Car, nous avons mis en lumière deux moments clés de la relation à l'entreprise, facteurs d'imprévisibilités et peu étudiés du point de vue de l'alternant-e-s : l'entretien de recrutement et la sortie de formation (négociée ou pas). Ces deux moments sont intimement reliés par le contrat psychologique tacitement créé lors de l'entretien de recrutement par la mise en présence du candidat et du/de la futur-e employeur-euse. En effet, nombre d'alternant-e-s expriment en début de formation la perspective de rester dans l'entreprise d'accueil, mais cette proportion diminue en fin de formation. Ainsi, les attentes au-delà du contrat transactionnel276 portent tacitement sur un contrat relationnel (Rousseau, 1989) pourvoyeur dans le cas des alternant-e-s d'une promesse implicite d'emploi ou d'une poursuite de formation. C'est une perception subjective de l'alternant-e vis-à-vis de la contractualisation opérée autour de l'alternance. Du point de vue de l'entreprise, il peut y avoir aussi une intention d'un investissement qui se concrétiserait par un recrutement de fin de formation. Cependant, il se forme déjà à ce moment un hiatus entre les alternant-e-s et nombre d'entreprises d'accueil qui se placent souvent, dans le meilleur des cas, dans un contrat de développement de compétences (Coyle-Shapiro & Kessler, 2000). Dans ce type de contrat, l'entreprise joue le rôle d'un environnement propice aux apprentissages et à la professionnalisation gages d'une augmentation de l'employabilité de l'alternant-e sur le marché du travail. Or, nombre d'alternant-e-s constatent (souvent en début de formation) que le contrat tacite de développement de compétence est en deçà de leurs attentes, alors que d'autres sont agréablement surpris. C'est l'échange d'une rémunération contre une production utile à l'entreprise d'accueil dans le cadre d'un contrat en alternance. Une autre partie du contrat porte sur le suivi de l'alternant-e par un tuteur ou une tutrice. Il faut noter que dans cet engagement le référentiel des compétences de la formation suivie n'est pas un élément contractualisé ni même annexé. 277 Certaines entreprises d'accueil n'assurent pas un réel tutorat tout au long de la formation, provoquent des absences répétés aux cours théoriques ou proposent des missions déclassées à l'alternant-e. 276 L'alternance a la particularité d'associer deux modes d'apprentissage, pratique et théorique, dans deux lieux différents, « l'entreprise » et l'organisme de formation. Ce qui fait de l'alternance un objet complexe qui est ancré dans le monde du travail et fortement dépendant du monde économique. Dans ce contexte l'alternance cristallise nombre d'attentes tant de la part des institutions, des entreprises que des jeunes. Pour s'adapter à un monde en mouvement permanent chaque acteur-trice use ou « abuse » de stratégies, de dispositifs ou de réglementations chacun-e avec ses propres objectifs. Dans le même temps, on constate la montée en qualification des jeunes sous la pression de l'injonction à l'employabilité. Et nombre d'acteur-trice-s promeuvent l'alternance comme la « solution » au décrochage scolaire, à l'accès à la formation et à la certification des moins bien doté-e-s, aux manquements d'un système éducatif « classique », à l'adaptation formationemploi, au chômage des jeunes Or dans ce contexte, si l'alternance montre des résultats positifs, ne répond pas à toutes les attentes. Et deux grandes critiques nous interrogent : la mission plus ou moins bien assumée du caractère diplômant de ces formations et leur efficience quant à l'insertion dans l'emploi, surtout vis-à-vis des moins bien doté-e-s. En effet, le public accueilli n'est plus celui de naguère, notamment suite au développement des formations dans le supérieur de ces 20 dernières années (Demongeot, 2017). Et la population des alternant-e-s ne constitue pas un miroir fidèle de la composition des jeunes en formation sur le territoire national en termes de mixité sociale, de sexe ou d'origine (Kergoat, 2015). D'autre part, parmi les formations menant à des certifications du supérieur, les formations courtes (sur deux ans) ont une place particulière, entre le secondaire et le « vrai » supérieur et elles sont souvent occupées par des populations moins bien dotées scolairement et d'origines sociales plus modestes. Ces éléments nous ont conduit à nous interroger sur le parcours, le vécu, les attentes et l'élaboration des projets des alternant-e-s en sections de technicien-e-s supérieur-e-s (STS) ou préparant un titre professionnel de niveau III. Nous avions l'intuition (suite à l'étude exploratoire) que la fréquentation de ces formations avait un impact sur le projet des alternant-e-s et leur devenir en fonction notamment de leur parcours scolaire, de la spécialité et de leur sexe. Le travail préparatoire nous a permis de formaliser la question qui nous a guidé tout au long de cette recherche : En quoi la fréquentation des formations courtes du supérieur en alternance impacte-t-elle les projets professionnels et de formation des alternantes et des alternants? Le travail exploratoire sur le terrain et la revue de la littérature (cf. deuxième partie) organisée autour de trois axes (l'alternance, l'orientation et le projet) ont conjointement servi à construire deux hypothèses secondaires et une hypothèse principale. La première hypothèse dépend fortement de la spécialité fréquentée et de l'environnement ce qui nous situe plutôt dans les contraintes qui construisent les paramètres objectifs de l'élaboration du projet. Ainsi, on suppose qu'indépendamment des secteurs d'activité, la spécialité de formation et le recrutement des structures d'accueil (les entreprises ou les associations) accentuent les inégalités de perspectives d'emploi ou de poursuite de formation différemment suivant le sexe, le niveau de formation et la filière d'origine (scolaire général e, technologique, professionnelle ou en alternance). La seconde hypothèse dépend plus particulièrement de la personne et de son comportement. Ce qui se traduirait par une prise en compte du soi et de ses aspirations influencées par la perception toute personnelle de l'environnement. On serait alors sur le versant subjectif de l'élaboration du projet. Ainsi, l'évolution des intentions serait en partie dépendante de facteurs liés à la 313 / 387 personne (la biographie personnelle, scolaire et professionnelle et de l'origine socioculturelle) en interaction avec le vécu de la formation en entreprise (lié à la taille, au tutorat, aux missions) et dans l'organisme de formation (lié aux résultats des évaluations et à l'intérêt pour les enseignements). Ce qui nous permet de formuler l'hypothèse générale : la fréquentation des formations courtes du supérieur en alternance entraîne des changements dans les intentions et les perspectives d'avenir qui influencent les projets des alternant-e-s tout au long de la formation. Dans la logique de notre questionnement, notre travail s'articule autour du témoignage des alternant-e-s qui est empreint d'une inévitable subjectivité. C'est justement cette vision personnelle qui construit les représentations de chacun-e et influence les projets personnels et professionnels. Or ces représentations se construisent dans un contexte biographique et géographique. Aussi, les limites choisies de l'enquête reposent sur ces spécificités de localisation, de spécialités (relativement transversales aux secteurs d'activité des entreprises) et d'âge (entre 18 et 25 ans à l'entrée de la formation) avec un nombre d'individus restreint (n=36). Il n'était donc pas recherché une généralisation, mais plutôt une étude qualitative des processus en jeu dans ces formations en essayant de se soustraire au facteur du secteur d'activité des entreprises, tout en observant ce que pouvait générer des répartitions différentes de mixité tant en formation que sur le marché de l'emploi. Aussi, le terrain de recherche embrasse deux formations en alternance à la répartition des femmes et des hommes contrastée. La première formation mène au brevet de technicien-e supérieur-e assistant-e de gestion PME-PMI (BTS AG) investie presque exclusivement par des femmes. La seconde vise l'obtention du titre professionnel de technicien-e supérieur-e en méthodes et exploitation logistique (TSMEL) qui est très majoritairement occupée par des hommes. Ces formations sont dispensées dans des organismes privés d'une même ville du sud de la France. Afin d'observer les dynamiques à l'oeuvre durant la formation et pour limiter une reconstruction à ériori par les personnes, nous avons choisi de mettre en oeuvre un dispositif de suivi longitudinal et qualitatif sur deux ans et demi (deux entretiens semi-directifs, en début et fin de formation, et un entretien directif quelques mois après la formation). Dans le contexte du terrain de recherche, ce travail permet de conclure que l'alternance au niveau bac+2 permet un accès et l'obtention d'un niveau III pour les détenteur-trice-s d'un bac pro, les populations les moins bien dotées (accès avec le niveau bac) et les personnes en reprise de formation après des parcours difficiles ou interrompus. Et on constate que dès l'entrée en formation, suivant le sexe et le type de bac, les projets sont différents en termes de poursuites de formation. Les femmes ont plus souvent des ambitions moins élevées que les hommes et les détenteur-trice-s d'un bac pro moins que les détenteur-trice-s d'un bac général ou technologique. Exceptionnellement, ils/elles envisagent une possibilité de poursuite sous statut d'étudiant-e en dernier recours. Car presque toutes et tous sont dans une logique de recherche de revenus nécessaires pour conserver ou conquérir leur indépendance en début comme en fin de formation. Pour la plupart, l'avenir s'envisage dans un territoire proche rejoignant le constat classique d'une plus faible mobilité des populations populaires. Et pour beaucoup, il est difficile de parler d'un projet professionnel tant il s'imagine assez flou. En examinant la situation et les projets des alternant-e-s quelques mois après la formation, il ressort que les perspectives semblent déjà conditionnées par la spécialité de formation et la taille de la structure d'accueil. Par exemple quand les STS AG sont sélectionné-e-s par 314 / 387 les structures conséquentes, c'est sur une expérience du supérieur et un âge plus avancé alors que les TSMEL sont plutôt recruté-e-s pour leur connaissance du monde du travail et de la spécialité. Et la répartition des alternant-e-s suit largement la répartition « traditionnelle » des femmes dans les bureaux et des hommes sur le terrain, illustrée plus particulièrement par la répartition des TSMEL. Ce qui fait que d'une manière ou d'une autre les emplois et les poursuites d'études sont favorisés pour les mieux doté-e-s (différemment suivant le sexe) par les entreprises disposant des ressources conséquentes pour des postes genrés. Ce qui confirme en grande partie notre première hypothèse. Cependant, la détermination de certain-e-s alternant-e-s et les contextes singuliers peuvent donner voir des situations différentes contrecarrant (parfois de façon heureuse) la sobriété simplificatrice de notre formulation. Aussi dans cette recherche, ce « mécanisme » peut confirmer la sursélection des femmes dans l'alternance, mais de notre point de vue, elle montre surtout un parcours scolaire et une sélection différenciée suivant le sexe, les ressources et la spécialité (dans les formations transversales aux secteurs d'activité des entreprises). Nous avons constaté que suivant l'origine du bac et la spécialité de formation, les intentions de poursuites d'études des alternant-es n'évoluent pas de la même façon. Ainsi les détenteur-trice-s d'un bac général et technologique changent moins fréquemment leur projet plus souvent porteur d'ambition de poursuite de formation alors que les bacs pros révisent leur projet plus fréquemment à la hausse. Les raisons avancées sont essentiellement l'intérêt pour les savoirs professionnels, une confiance en soi renouvelée et la possibilité de poursuivre dans la spécialité. Seuls, des alternant-e-s de TSMEL revoient leurs ambitions de niveau de formation à la baisse entre le début et la fin de la formation soumis-e-s à une double contrainte de la sphère privée et de la sphère professionnelle. Ainsi, les formations étudiées jouent pour les bacs pros le rôle de révélateur de leur capacité ou d'un retour à la réalité après une réambition éphémère. C'est parfois aussi l'attrait d'un emploi dans l'entreprise d'accueil qui incite l'alternant-e à ne pas trop sortir de sa classe sociale. Or les conditions d'apprentissages dans l'entreprise (et parfois la présence dans l'organisme de formation) sont souvent dépendantes de la taille de la structure d'accueil qui conditionne les moyens dont elle dispose et qu'elle mobilise pour le suivi de la l'alternant-e. Ainsi, les mieux doté-e-s semblent moins influencés par les conditions de l'alternance que les plus fragiles. Ce qui va dans le sens de notre seconde hypothèse bien que certaines conditions, telles que la santé économique de la structure d'accueil et des changements dans les aides de l'état, peuvent nuancer ce constat. La combinaison des deux ensembles de relations tant à montrer que l'alternance est propice dans des conditions particulières à une (ré)ambition qui se concrétise par des poursuites d'études. Cependant, elle a tendance à favoriser les mieux doté-e-s dans l'accès aux entreprises qui offrent le plus d'opportunités d'emploi ou de poursuite de formation vers le niveau II. En effet, les entreprises sélectionnent les alternant-e-s différemment suivant les spécialités ou l'expérience « scola » et du monde du travail qui jouent comme autant de signaux. Ce qui génère un processus de « réambitionnement » (Orange, 2011) discriminant en fonction des parcours de formation genrés et de la taille de l'entreprise d'accueil (qui est inscrite dans un agencement économique du territoire et une carte des formations, tout comme les alternant-e-s). In fine, l'entrée et la fréquentation des formations en alternance de niveau III fait souvent évoluer les intentions et changent parfois les projets (d'un arrêt à la concrétisation de poursuites de formation) des alternant-e-s les moins bien doté-e-s. Les mieux dotè-e-s changent rarement le niveau de formation visé entre le début et la fin de la formation. Ainsi, même si la médiation des organismes de formation peut contrer exceptionnellement les habitus de genre dans certaines spécialités, l'alternance n'en reste pas moins un des engrenages de la reproduction de la répartition des hommes et des femmes dans les spécialités et les postes ce qui rejoint les conclusions de plusieurs auteur-e-s (Kergoat, 2015). Car abondée par des formations scolaires et professionnelles, investies différemment par les filles et les garçons, sollicitées par des hommes et des femmes anticipant un marché du travail différent suivant le sexe et soumise à un recrutement genré par les entreprises, l'alternance participe au prolongement de la répartition différenciée des femmes et des hommes suivant les spécialités de formation et ne bouleverse pas les habitus de genre du monde du travail. Enfin, avant l'entrée en formation, presque un tiers des alternant-e-s de l'enquête a réussi au moins partiellement dans le supérieur, un tiers est issu du système scolaire et un tiers des alternant-e-s était en recherche d'emploi. Ce qui place l'alternance à ce niveau de qualification comme une alternative à la fois au système scolaire et de formation « classique » et à l'inactivité. Ainsi l'alternance au niveau III est pour une part le produit palliatif de l'enseignement supérieur court (STS et IUT) permettant de (re)diplômer les déçu-e-s du supérieur. Elle est aussi une réponse (alternative et concurrente) à une lassitude du système scolaire et aux « fenêtres aveugles » du supérieur, en même temps qu'un système rémunérateur permettant une indépendance financière souvent considérée comme indispensable. Et pour certain-e-s, elle est la dernière voie encore « accessible » menant à une « réconciliation » avec une ambition de qualification. Notre travail contribue aux connaissances dé accumulées sur les populations d'alternant-e-s plus spécifiquement au niveau III par une description détaillée de leur parcours permettant d'en dégager une typologie et des éléments comparatifs avec d'autres populations notamment sous statut scolaire. Ces données confirment le caractère hétérogène de ces populations, questionnent les modes de recrutement des entreprises – peu abordé dans la littérature (Kergoat, 2014) – et plus largement la gestion du marché de l'alternance sur un territoire donné. Nous décrivons aussi des logiques enchâssées qui répondent quelque peu à une méconnaissance des processus qui participent de l'élaboration du projet de ces alternant-e-s en soulignant l'importance de deux moments. Le premier, en aval de la formation, est constitué par l'entretien de recrutement et le contrat psychologique qu'il génère. Le second correspond à la sortie de la formation, moins formalisé (bien que contractualisé) et assez peu traité par ailleurs, notamment à travers la négociation entre l'entreprise et l'alternant-e qui participe au devenir de ce/cette dernier-ère. Finalement, ce travail contribue à la compréhension du vécu de l'alternance et des parcours qui y conduisent et en émergent à ce niveau de formation. Enfin, il nous faut rappeler les limites de cette recherche et avancer les prolongements qu'elle pourrait susciter. Si l'enquête suit plusieurs promotions, elle passe sous silence tous ceux et celles qui pour une raison ou une autre n'ont pas pu s'inscrire dans les formations de l'enquête (ou participer à l'enquête). Une étude des demandes et de leur devenir pourrait apporter un éclairage intéressant à la fois sur les populations éconduites et sur les motifs de non-inscription. Ce qui pourrait mettre en perspective la population des alternant-e-s tout en précisant le rôle de ces formations à la fois dans le système de la formation professionnelle initiale et continue ainsi que leurs articulations avec les dispositifs d'aide à l'insertion des jeunes et sur le marché de l'emploi. Une autre limite est constituée par la taille de la population, sa constitution et l'attrition tout au long de 316 / 387 l'enquête. Une étude longitudinale plus conséquente combinant méthodes quantitatives et qualitatives pourrait confirmer certains résultats et apporter d'autres enseignements. Car les tendances et les logiques explicitées sont pour la plupart connues pour des populations plus ou moins proches. Cependant, l'imbrication dévoilée dans ce travail n'est pas extensi à l'ensemble des alternant-e-s des différentes spécialités, à tous les niveaux de formation ou sur tous les territoires. D'autre part, nous avons effleuré les usages différents que peuvent avoir les entreprises des titres professionnels et des diplômes. Aussi, les interactions des différentes logiques méritent d'être étudiées dans d'autres territoires et formations, car le caléidoscope des contextes locaux en France devrait générer des variantes et des régularités qui permettraient de définir des modèles spécifiques. Ce travail pourrait tirer parti d'une enquête questionnant les vécus des autres acteurs/trices de l'alternance (les formateurs/trices, le tuteurs/trices et employeurs/euses) en les croisant avec celui des alternant-e-s. Cette piste de recherche mérite d'être explorée afin d'éclaircir les modes de gestions des alternants-e-s, en constante évolution (Riant, 2010). Abriac, Rathelot, R., & Sanchez, R. (2009). L'apprentissage, entre formation et insertion professionnelles. Formations et emploi, Dossier-L'apprentissage, entre formation et insertion professionnelles, 57‐ 74. Agulhon, C. (2000). 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Caractérisation des neurones bulbo-spinaux PKD2L1+ qui contactent le liquide céphalo-rachidien
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80 Introduction
Dans les cellules HEK293T (pour "human embryonic kidney cells"), l'expression de la forme murine de PKD2L1 induit la formation d'un canal cationique non sélectif, perméable au calcium et qui, comme la forme humaine exprimée dans les ovocytes, est ouvert de manière constitutive (Shimizu et al., 2009). L'étude des perméabilités ioniques révèle une perméabilité majeure pour le calcium (Pion/PNa = Ca (3,96) > Cs (1,02) ≈ Na (1) > NMDG (0,36)). De manière similaire à la forme humaine de PKD2L1 exprimée dans les ovocytes, le courant cationique porté par le canal est rectifiant entrant. Ainsi, la conductance du canal est supérieure pour des potentiels membranaires négatifs (≈ 184 pS) que pour des potentiels membranaires positifs (≈ 105 pS). Et l'activation du canal présente une sensibilité au voltage (Shimizu et al., 2009). Cependant, contrairement à la forme humaine, la forme murine de PKD2L1 n'est pas activée par le calcium. De plus, la forme humaine PKD2L1 semble plus perméable au calcium avec un rapport PCa/PNa autour de 6,3 (DeCaen et al., 2013). Ces différences peuvent être liées aux variations existant entre ces diverses formes de PKD2L1. En effet, il existe non seulement des différences de longueur et de séquences entre les deux isoformes de la protéine humaine (l'isoforme 2 correspond à une protéine plus courte de 758 acides aminé vs. 805 pour l'isoforme 1 ; numéro d’accession NP_057196.2 : isoforme 1 ; NP_001240766.1 : isoforme 2; base de données GenBank ; NCBI ) mais également entre ces isoformes et la protéine murine (760 acides aminés ; numéro d’accession NP_852087.2 ; base de données GenBank ; NCBI). Ces différences peuvent avoir des effets sur les propriétés structurales et fonctionnelles de ces protéines, malgré la grande similarité entre ces séquences (87 % d'identité entre la forme murine et l'isoforme 1 et 90 % avec l'isoforme 2). Une analyse plus précise des acides aminés et des sites de variations permettrait de vérifier s'il existe des conséquences fonctionnelles liées à ces différences de séquences. Enfin, dans ce système d'expression, le canal PKD2L1 présente différents états : ouvert, fermé et inactivé. L'état d'activation et d'inactivation du canal semble être modulé par le voltage mais également par le pH extracellulaire (Shimizu et al., 2011). La modulation de l'activité canal est essentiellement étudiée dans les cellules HEK293T où la majorité des recherches concerne l'effet du pH acide sur les canaux hétéromériques PKD2L1/PKD1L3. Ceci provient du fait que ces deux protéines semblent participer à la détection de stimuli acides par les cellules gustatives mais également car la localisation membranaire de PKD2L1 et donc la constitution d'un canal fonctionnel est dépendante de la présence de PKD1L3 (Ishimaru et al., 2006; Huang et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009). 81
Introduction
Les résultats obtenus dans ce système d'expression montrent que le canal PKD2L1 est activé après l'exposition à un pH acide, lors du retrait de ce stimulus, mais que l'exposition initiale à l'acide reste essentielle ce qui qualifie cette réponse de "réponse de type off" ou en rebond (Inada et al., 2008) (Figure 15. C-E). L'étude des propriétés du canal réalisée pendant la "réponse off" à l'acide montre que le complexe PKD2L1/PKD1L3 constitue un canal qui partage de nombreuses caractéristiques avec le canal PKD2L1. Ce complexe est de type cationique non sélectif, est perméable au Na+, au K+ et au Ca++ avec une perméabilité majeure pour le calcium et est inhibé par le Mg++ (Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009). Les différences sont que d'une part, la perméabilité calcique est doublée par rapport à celle calculée pour le canal homomérique, d'autre part, ce canal présente une forte perméabilité au Mg++ (PNa : PK : PCa : PMg = 1 : 1,1 : 11,0 : 1,8) (Inada et al., 2008) et enfin que le canal homomérique présente une plus forte conductance (198 ± pS) que le canal hétéromérique constitué de PKD2L1/PKD1L1 (103 ± 3 pS) (DeCaen et al., 2013). Le complexe PKD2L1/PKD1L3 présente une rapide désensibilisation à l'acide qui dépend de l'amplitude de la réponse lors de la première stimulation à l'acide. Ainsi, si une première stimulation induit une forte réponse, un deuxième stimulus n'engendrera que peu ou pas de réponse (Inada et al., 2008). Cet effet activateur de l'acide sur l'activité canal du complexe PKD2L1/PKD1L3 n'est pas retrouvé dans le canal homomérique où le pH acide (pH 2,8) bloque l'activité canal tandis que le pH basique (pH 9) l'active. Propriétés dans des modèles natifs : Une étude récente réalisée sur des cultures de cellules ciliées de l’épithélium pigmentaire de la rétine (homme, souris) et sur les fibroblastes embryonnaires (souris) a permis de mettre en évidence la présence d’un courant enregistré au niveau du cil (Icilia). Ce courant est sous-tendu par l’ouverture de canaux hétéromériques PKD2L1/PKD1L1 localisés sur le cil primaire de ces cellules. A ce niveau, PKD2L1 est à l’origine d’un courant activé de manière constitutive. La relation courant/voltage montre que ce courant rectifiant sortant, est de type cationique non sélectif avec une perméabilité majeure pour le calcium. Les perméabilités relatives sont Ca++ ≈ Ba++ > Na+ ≈ K+ > NMDG. Ce courant peut être modulé par différents facteurs, il est activé par l’uridine phosphate et l’adénosine phosphate (UDP, ADP, ATP) et l’ajout d’ATP dans le bain multiplie par sept la probabilité d’ouverture du canal (N.P0). Les auteurs suggèrent que cet effet n’est pas direct mais passe par l’intermédiaire de l’activation 82 Introduction d’un récepteur purinergique de type métabotropique. L’activité canal est également augmentée par les antagonistes de la calmoduline, elle est bloquée par le Gd3+ et le rouge de ruthénium (DeCaen et al., 2013). Ce courant est également enregistré au niveau rénal, dans les cils des cellules principales des tubes collecteurs de la zone médullaire interne, où l’expression de PKD2L1 a également été mise en évidence (Basora et al., 2002). Le canal PKD2L1 pourrait donc être responsable de ce courant au niveau des cellules épithéliales rénales. Les résultats obtenus à ce jour montrent que les propriétés du canal sont modifiées en fonction du système d'étude, de l'origine (humaine ou murine) de la protéine PKD2L1 utilisée et de la présence ou non de partenaires protéiques. De manière générale, le canal constitué de la protéine PKD2L1 est un canal cationique non sélectif présentant une perméabilité majeure pour le calcium et doté d'une grande conductance. Ce qui diffère essentiellement, c'est la modulation de son activité en fonction du système utilisé (voir ci-dessous).
b) Modulation du canal PKD2L1
Les canaux PKD2L1 semblent être ouverts de manière constitutive (Chen et al., 1999; DeCaen et al., 2013) mais leur probabilité d'ouverture peut être modulée par des stimuli très divers dont la fixation d’un messager extra/intracellulaire, des changements de température ainsi que par un choc osmotique (Figure15). Modulation par le calcium : De nombreuses études montrent que l’activité du canal PKD2L1 est fortement augmentée par la présence de calcium extracellulaire (Figure15. A) (Chen et al., 1999; Li et al., 2002; Liu et al., 2002). L’enregistrement en configuration cellule entière du courant porté par le canal PKD2L1 dans les ovocytes, montre que l’application de calcium dans le milieu extracellulaire induit un courant entrant de forte amplitude (de l’ordre du μA) qui désensibilise pendant l’application (Chen et al., 1999; Liu et al., 2002). L’effet du calcium sur l’activité du canal PKD2L1 est un résultat constant qui est observé dans les différents modèles d’expression de PKD2L1 (ovocytes de xénopes, cellules HEK293T). Seule une étude récente réalisée dans les cellules HEK293T exprimant la forme homomérique de PKD2L1 ne montre pas d’effet activateur du calcium sur le canal (DeCaen et al., 2013). Cette différence de résultat peut provenir du fait que l'ensemble des études utilisant les cellules HEK293T, s'intéresse à la
83 Introduction
modulation du canal hétéromérique PKD2L1/PKD1L3. L’effet du calcium sur les canaux homomériques est généralement observé lors de l’utilisation d’ovocytes comme système d’expression. Ces différences de résultats peuvent donc s’expliquer par le type de modèle expérimental utilisé. Le mécanisme d’action du calcium sur l’activité canal n’est pas encore élucidé à ce jour. La majeure partie des études sont basées sur l’effet de l’élévation de la concentration calcique extracellulaire ([Ca++]e), ce qui laisse supposer qu’un site de modulation existe sur la partie externe du canal. Une autre possibilité, serait que l'augmentation de la [Ca ++]e induit une augmentation de la force efficace (Vm-ECa) à l'origine d'un courant entrant calcique (ICa) de forte amplitude. Cette importante entrée de calcium pourrait alors moduler l'activité du canal par une action sur un site de régulation intracellulaire de PKD2L1. En effet, des enregistrements en configuration inside-out montrent que l’augmentation de la concentration intracellulaire de calcium induit également un effet activateur sur le canal PKD2L1 (Chen et al., 1999). De plus, la forte conductance des canaux PKD2L1 et leur forte perméabilité au calcium pourraient expliquer l'augmentation de la concentration calcique intracellulaire à l’origine de cette activation. Les expériences utilisant du calcium radiomarqué témoignent de cette augmentation de la concentration calcique intracellulaire suite à l’application de calcium dans le bain (Li et al., 2002, 2003b; Yang et al., 2011). Ce site de régulation intracellulaire semble être porté par le domaine EF-hand, situé dans la partie C-terminale de PKD2L1 (Figure 13) (Chen et al., 1999; Murakami et al., 2005; Nilius et al., 2007; Molland et al., 2010) et qui a la capacité de fixer le calcium avec un Kd de 0,51 μM (Molland et al., 2010). Une étude montre que l'interaction de la troponine I avec la partie C-terminale de PKD2L1 contenant le domaine EF-hand, réduit de 60 % l'activation du canal PKD2L1 par le calcium (Li et al., 2003b) quant que le blocage de l'accessibilité du domaine EF-hand pourrait interférer avec le mécanisme d'activation calciumdépendante du canal PKD2L1. Il a également été suggéré que le domaine EF-hand est impliqué dans une réduction de l'activité canal (Li et al., 2002), ainsi l'interaction entre ce domaine et la troponine I pourrait augmenter l'effet inhibiteur du domaine EF-hand sur le canal PKD2L1. Quoi qu'il en soit, à ce jour, si l'effet du calcium sur l'activité canal semble être établi, l'implication du domaine EF-hand dans cette régulation parait plus incertaine. En effet, l'utilisation de variants ne contenant pas le motif EF-hand ou des protéines chimériques contenant le motif EF-hand muté montrent que ces modifications n'ont pas d'impact sur la régulation de l'activité canal par le calcium (Zhou et al., 1997; Li et al., 2002). Ainsi, le mécanisme
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Introduction de régulation des canaux PKD2L1 par le calcium intracellulaire n'est pas encore élucidé à ce jour. Il peut être envisagé que le mécanisme d'activation calcium-dépendante du canal PKD2L1 fasse intervenir d’autres partenaires protéiques agissant sur divers domaines de PKD2L1. Enfin, puisque l’essentiel des études pour démontrer la modulation calcium-dépendante sont réalisées suite à l'augmentation de la concentration extracellulaire en calcium, l’existence de divers sites d’action du calcium, au niveau intraet extracellulaire ne peut être écartée. Modulation par le pH : La première étude qui a montré l’effet du pH acide sur l’activité du canal PKD2L1 date de 1999. Dans cette étude, l’expression hétérologue de PKD2L1 dans les ovocytes de xénope conduit à la formation d’un canal homomérique inhibé par les protons. Les résultats révèlent qu'une faible diminution du pH extracellulaire (pH 7,5 à pH 6) inhibe non seulement l'activité basale du canal PKD2L1 mais également celle induite par l’application de calcium dans le milieu extracellulaire (Figure 15. A) (Chen et al., 1999). Dans les systèmes hétérologues et dans les cellules natives co-exprimant PKD2L1/PKD1L3, de nombreuses études électrophysiologiques et d'imagerie calcique montrent qu'au contraire, ce complexe protéique forme un canal calcique activé par le pH acide (Ishimaru et al., 2006; Huang et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009; Yu et al., 2012). L'application d'une solution acide de pH inférieur à 3 génère un courant entrant (Figure 15.C et D) qui s'inactive rapidement et qui est corrélé à l'augmentation de la concentration calcique intracellulaire (Figure 15. E) (Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009; Kawaguchi et al., 2010). Cette réponse n'est pas spécifique de l'acide utilisé puisqu'elle est observée aussi bien lors de l'application d'acides forts que d'acides faibles (voir Tableau 9) (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008). La caractéristique majeure et atypique de cette réponse est qu'elle n'est pas induite directement par l'acidification mais par le lavage de l'acide lors de la neutralisation (Figure15. E) (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009; Kawaguchi et al., 2010; Yu et al., 2012). De ce fait, le terme de "réponse off" est utilisé pour caractériser cette réponse du complexe PKD2L1/PKD1L3 au pH acide (Inada et al., 2008). De manière surprenante, la "réponse off" est inhibée par la capsaïcine, un agoniste des récepteurs TRPV1 (Ishii et al., 2012). 85
Introduction
A B F O1 O2 F O1 O2 O3 Neutralisation pH 9 O1 N.P0 pH 8 pH F PDF, pA-1 O1 PDF, pA-1 pH 7,4 PDF, pA-1 5s F Acide PKD1L3/ PKD2L1 pH 1 nA F Contrôle PKD2L1 D E Δratio (F340/F380) C pH 6 Densité de courant, pA/pF pH 7,5 F O2 O1 F O3 O2 O1 Courant, pA G Hypertonicité Courant, pA Hypotonicité Temps, min
FIGURE 15. MODULATION DES CANAUX PKD2L1 PAR LE CALCIUM, LE PH ET L’OSMOLARITE
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Introduction FIGURE 15. MODULATION DES CANAUX PKD2L1 PAR LE CALCIUM, LE PH ET L’OSMOLARITE.
A, L’application de calcium (5 mM) à pH 7,5 induit un fort courant entrant porté par les canaux PKD2L1. L’acidification à pH 6 bloque l’ouverture constitutive des canaux PKD2L1 et inhibe l’activation calcium-dépendante. Enregistrement en configuration cellule entière et en mode voltage imposé à -50 mV. Ovocytes de xénopes transfectés avec la forme humaine de PKD2L1. Adapté de Chen et al., 1999. B, L’application de solution d’acide citrique (pH 2, 7 ; 25 mM ; barre noire horizontale) inhibe la forme murine du canal PKD2L1 (enregistrement en configuration cellule entière à -60 mV ; transfection dans les cellules HEK293T). Les déflexions vers le bas observées en condition contrôle et lors du lavage correspondent à l’activité canal. D’après Shimizu et al., 2009. C, Distribution de la densité de courant induit par différentes valeurs de pH. Les cellules exprimant PKD2L1/PKD1L3 (cellules HEK293T) sont exposées à différentes valeurs de pH (2,5 ; 2,75 ; 3,0 ; 3,5 ou 4,0) pendant 5 s (insert). D, Courant enregistré dans les cellules PKD2L1/PKD1L3+ après leur exposition à une solution acide à pH 2,5 pendant 5 s puis à une solution à pH 6 (trace du milieu) ou pH 3 (trace de droite) pendant 5 s chacune montrant que la neutralisation de l’acide est indispensable à l’activation du complexe PKD2L1/PKD1L3, ce qui caractérise la réponse off. C-D : PKD2L1 et PKD1L3 de souris. Adapté de Inada et al., 2008. E, En haut : images montrant l’évolution de la fluorescence émise par des cellules chargées en Fura-2 en condition contrôle, lors de l’application d’acide (Acide citrique, pH 3 pendant 8s) et lors de la neutralisation de l’acide. La panneau du haut correspond aux résultats obtenus dans les cellules cotransfectées pour PKD2L1 et PKD1L3. 87
Introduction
L'enregistrement en configuration cellule attachée ou outside-out, montre que la "réponse off" est sous-tendue par une augmentation de la probabilité d'ouverture du canal (Inada et al., 2008). Cette réponse n'est pas enregistrée en configuration inside-out et la présence intracellulaire de tampon bloquant l'acidification ne modifie pas la réponse des cellules gustatives à l'acide (Inada et al., 2008; Chang et al., 2010). Il peut donc être suggéré que le domaine senseur du pH se trouve dans les parties extracellulaires des protéines PKD2L1 ou PKD1L3 et ne nécessite pas d'acidification du milieu intracellulaire. L'absence de calcium dans le milieu extracellulaire abolit également cette réponse (Ishii et al., 2009; Kawaguchi et al., 2010), ce qui suggère que suite à l'application d'acide, l'augmentation de l'activité du canal PKD2L1/PKD1L3 qui est fortement perméable au calcium, induit un fort flux calcique dans le milieu intracellulaire à la base de la "réponse off". Ces résultats montrent qu'en fonction du système d'expression utilisé, ovocytes ou cellules HEK293T, le pH induit des effets opposés et la valeur de pH à l'origine de cet effet passe de 6 pour les ovocytes à moins de 3 pour les cellules HEK293T. Cette différence de résultats peut s'expliquer par la différence de constitution du canal puisqu'il est de type homomérique dans les ovocytes et associé à PKD1L3 dans les cellules HEK293T. Ceci est vérifié par une étude montrant que la co-expression de PKD2L1/PKD1L3 dans les ovocytes induit la présence d'une "réponse off" lors de l'application d'une solution d'acide citrique à pH 2,8 (Yu et al., 2012). Et inversement, l'expression unique de PKD2L1 dans les cellules HEK293T amène à un effet inhibiteur du pH acide (2,8) sur le canal homomérique (Figure 15. B) (Shimizu et al., 2009). De plus, les cellules gustatives PKD2L1+ des papilles fongiformes qui n'expriment pas PKD1L3 ne présentent pas de "réponse off" à l'application de solution acide (Kawaguchi et al., 2010). Il semblerait donc que l'environnement cellulaire et la présence de partenaires protéiques aient un effet majeur sur la nature de la réponse au pH acide. Enfin, il peut également être envisagé que lors de l'application du pH acide, l'absence d'effet direct sur l'activité canal dans les cellules HEK293T soit comparable à l'effet inhibiteur observé dans les ovocytes. Inada et collaborateurs ont montré que l'application d'une solution acide pendant la "réponse off" inhibe cette réponse (Inada et al., 2008). L'effet de la solution acide sur le canal PKD2L1 pourrait donc être de deux types, un inhibiteur passant par PKD2L1 à l'origine de la fermeture du canal, suivit d'un effet activateur faisant appel à PKD1L3 et induisant l'effet activateur à la base de la "réponse off". 88
Introduction Enfin, il semble que le canal PKD2L1 ne soit pas impliqué que dans la détection du pH acide mais serait un senseur de variation de pH, détectant également les pH basiques (Figure 15.F) (Shimizu et al., 2009, 2011). Ainsi, l'application d'une solution de perfusion dont le pH est compris entre 8 et 9 induit une forte augmentation de la probabilité d'ouverture du canal PKD2L1 homomérique (Figure 15. F) de manière pH-dépendante sans modifier la conductance du canal. Cependant, l'effet du pH alcalin est double puisqu'une solution à pH 10 induit l'effet inverse et inactive le canal (Shimizu et al., 2011). Le canal PKD2L1 serait ainsi activé par des alcalinisations modestes (passage d'un pH 7,4 à 8 ou 9) et inhibé par de fortes alcalinisations autour de pH 10 (Figure 15. F). De plus, l'alcalinisation accélérerait les cinétiques du processus d'inactivation/activation du canal. L'ensemble de ces travaux montrent que le canal PKD2L1 constitue un senseur complexe des variations du pH extracellulaire (impliqué dans les détections de pH acide et basique). Les conséquences fonctionnelles physiologiques qui découlent de cette capacité sont encore inconnues. L'ensemble de ces études pointe l'importance du modèle utilisé, puisque celui-ci influe fortement sur les propriétés du canal PKD2L1 ainsi que sur ses modulations. Enfin, il en ressort que les modulations du canal PKD2L1, dépendent de l'environnement cellulaire et de partenaires protéiques, augmentant la complexité de cette étude. Il ne serait donc pas étonnant que l'expression de PKD2L1 dans les systèmes natifs ait un impact fonctionnel propre et spécifique de la structure cellulaire considérée. Effet du choc osmotique sur l’activité du canal PKD2L1:
Les canaux PKD2L1 sont activés par l'application d'un choc hypo-osmotique de 40 à 100 mosmol/kg H2O, qui entraine une augmentation de la probabilité d'ouverture et de la concentration calcique intracellulaire (voir un exemple de tracé Figure 15. G) (Murakami et al., 2005; Shimizu et al., 2009). Au contraire, l'application d'une solution hyper-osmotique de 50 mosmol/kg H2O conduit à une diminution de l'activité canal (voir un exemple de tracé Figure 15. G) (Shimizu et al., 2009). Ces effets de la variation de la pression osmotique sur la probabilité d'ouverture du canal n'apparaissent qu'après un certain délai (≈ 3 min) et sont par contre synchrones avec les déformations cellulaires : gonflement (choc hypo-osmotique) ou rétrécissement (choc hyper-osmotique). L'effet activateur du choc hypo-osmotique semble être lié à l'activation de la voie de la phospholipase A2, connue pour être impliquée dans l'activation du canal TRPV4 lors du gonflement cellulaire (Vriens et al., 2004). La participation de la 89 Introduction phospholipase A2 est également supportée par le fait que l'application d'acide arachidonique (produit lors de l'activation de cet enzyme) induit également une augmentation de l'activité canal (Shimizu et al., 2009). Autres modalités sensorielles : D’autres modulateurs plus inattendus viennent récemment d’être mis en évidence. L’enregistrement du courant porté par le canal hétéromérique PKD2L1/PKD1L1 au niveau du cil primaire des cellules de l’épithélium pigmentaire de la rétine ou dans des systèmes d’expression (cellules HEK293T) a montré que l’activité canal est augmentée sous l’application de forte pression (80-100 mmHg ; 11-13 kPa) et par l’augmentation rapide de la température du bain (de 22 à 37 °C) (DeCaen et al., 2013; Higuchi et al., 2014). Ces données suggèrent que PKD2L1 pourait avoir un rôle dans la mécanodétection et dans la thermodétection au niveau des cellules ciliées. Cependant, comme pour le pH, l'effet de la température sur l'ouverture du canal est double, puisque des températures élevées et autour de 40 °C, induisent un effet inverse et diminuent la probabilité d'ouverture du canal PKD2L1 (Higuchi et al., 2014). Enfin, d’autre substances sont décrites comme augmentant l’activité du canal PKD2L1, telle que l’uridine et l’adénosine phosphate (UDP, ADP et ATP) (DeCaen et al., 2013), ou la vasopressine (Geng et al., 2006). La présence de partenaires protéiques intracellulaires tels que la troponine (Li et al., 2003b), l'alpha-actinine (Li et al., 2007) et la protéine RACK1 (Yang et al., 2011) participent également à cette modulation. Pharmacologie des canaux PKD2L1: La pharmacologie des canaux PKD2L1 est pauvre et à ce jour, il n'existe pas d'antagonistes spécifiques. On dénote une grande diversité de cations parmi les bloqueurs du canal PKD2L1, tels que le Mg++, La3+, le Gd3+ et le ruthenium, (Chen et al., 1999; Liu et al., 2002; DeCaen et al., 2013). L’inhibition par le Mg++ extracellulaire est dépendante du voltage ainsi, le pouvoir bloquant du Mg++ est d’autant plus important que le potentiel membranaire est hyperpolarisé (IC50 à -120 mV < IC50 à -50 mV). Ceci montre que les potentiels négatifs facilitent la liaison du Mg++ avec le canal PKD2L1. Ce phénomène est similaire à celui observé lors du blocage des récepteurs glutamatergiques de type NMDA par le Mg++ (McBain & Mayer, 1994) et permet de suggérer que le mécanisme soit similaire. Ainsi, le Mg++ inhiberait le canal en obstruant le pore et la dépolarisation membranaire induirait une répulsion de type électrostatique. Cependant, un phénomène de compétition entre les ions Mg++ et les autres 90 Introduction cations transitant à travers le pore du canal ne peut être écarté. Des cations de grosse taille bloquent également l’activité canal PKD2L1, c’est le cas du N-méthyl-D-glucamine (NMDG), du tétraéthylammonium (TEA ; 6,1-8,2 Å), du tétra-propylammonium (TPA ; 9,8 Å), du tétrabutylammonium (TBA ; 11,6 Å) et du tétra-pentylammonium (TPeA ; 13,2 Å). Cette inhibition est positivement corrélée à la taille du cation, qui est elle-même corrélée à l’hydrophobicité de la molécule, ainsi plus le cation est de grosse , plus il est hydrophobe et plus il a un pouvoir bloquant important (faible EC50) (Chen et al., 1999; Liu et al., 2002; Dai et al., 2006). Cette inhibition agit essentiellement sur N.P0 et sur la durée moyenne d’ouverture du canal ce qui laisse suggérer que le site d’action de ces ions est éloigné du pore du canal (Dai et al., 2006). D’autres inhibiteurs non sélectifs bloquent l’activité du canal PKD2L1 comme le flufenamate (Chen et al., 1999), l'amiloride et ses analogues (Dai et al., 2007; Shimizu et al., 2009), la capsaïcine et les molécules associées telles que la dihidrocapsaïcine, et la nonivamide (Ishii et al., 2012) (Tableau 9). L'application de ces composés dans le milieu extracellulaire inhibe l'activité canal de manière réversible. 91 Introduction Effet sur le Substance canal Système d’étude Référence
((Chen et al., 1999; Liu et al., Calcium Activateur Ovocytes, 2002; Li et al., 2003b; Dai et al., 2006; Yang et al., 2011)
Cellules ciliées de la rétine, UDP, ADP, ATP Activateur AVP Activateur LLC-PK1 Mg++, La3+, Gd3+ Inhibiteur Ovocytes Flufenamate Inhibiteur Ovocytes Inhibiteur Ovocytes ; HEK
239
T fibroblastes embryonnaires H+, acide citrique, acide acétique (pH 6) (DeCaen et al., 2013) (Geng et al., 2006) (Chen et al., 1999; Liu et al., 2002) (Chen et al., 1999) (Chen et al., 1999; Shimizu et al., 2009) (pH < 3) acide acétique, acide chlorhydrique, acide citrique, acide malique, Activateur acide sulfurique, acide (réponse off) HEK293T (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009) phosphorique, acide succinique ou acide tartarique Sans effet (sur Amiloride, 100 μM la réponse off HEK293T (Ishimaru et al., 2006) à l'acide) Amiloride, phenamil, benzamil, EIPA (5-N-éthyl- (Dai et al., 2007; Shimizu et al., Inhibiteur Ovocytes ; HEK293T Inhibiteur HEK293T (Ishii et al., 2012) Activateur Ovocytes (Li et al., 2003b) N-isopropyl)amiloride) 2009) Capsaïcine, dihidrocapsaïcine, nonivamide Trop
onine MD
CK
II Alpha-actinine Activateur (Madin-Darby
canine
(Li et al., 2007) Kidney) RACK1 Inhibiteur Ovocytes (Yang et al., 2011) Inhibiteur HEK293T* (Shimizu et al., 2009) Activateur HEK293T* pH
basi
que (
pH
) Activateur HEK293T* (Shimizu et al., 2009, 2011) pH basique (pH 10) Inhibiteur HEK293T* (Shimizu et al., 2011) Choc hyper osmotique (+50 mosmol/kg H2O) Choc hypo osmotique (-40 à -100 mosmol/kg H2O)
TABLEAU 9. SYNTHESE DES MODULATEURS REPERTORIES DE (Murakami et al., 2005; Shimizu et al., 2009) PKD2L1.
Dans les cellules HEK293T, les études sont réalisées sur le complexe PKD2L1/PKD1L3, excepté HEK293T* où PKD2L1 est exprimé seul, enfin dans les oocytes seul PKD2L1 entre dans la constitution du canal. 92 Introduction
PKD2L1 est un canal cationique non sélectif, doté d'une large conductance et d'une perméabilité majeure pour le calcium. Son activité est modulée par de nombreux stimuli sensoriels (pH, osmolarité, température) et par la présence de partenaires protéiques (Schéma bilan, Figure 16). Cependant, les études réalisées sont essentiellement basées sur des systèmes d'expression, et du fait de la grande conductance de ce canal cationique perméable au calcium, il apparait important d'analyser sa modulation dans des systèmes natifs, puisque cette modulation pourrait entrainer des effets importants sur l'homéostasie calcique et par conséquent, sur la physiologie cellulaire. La mise en évidence des modulateurs de ce canal est donc un premier pas indispensable pour la caractérisation de sa fonction physiologique. Cependant, un des manques majeurs dans ces études est l'absence de bloqueur spécifique des canaux PKD2L1 (TRPP3). En général, excepté pour TRPV1 et TRPM8 qui ont des activateurs et des bloqueurs spécifiques, les autres canaux TRP en sont dépourvus. Les études utilisent donc essentiellement des approches génétiques (mutations, knock-out) pour évaluer le rôle de ces canaux (Flockerzi, 2007). Mais ces approches peuvent entrainer des mécanismes de compensation ou des modifications secondaires dans le système d'étude à la base de biais sur les résultats obtenus. Enfin, ces études sont essentiellement réalisées sur des systèmes d'expression hétérologue qui ne peuvent donner qu'une vision certes essentielle mais simplifiée de cette modulation. 93
Introduction
PKD
2
L1 PKD1L3 pH, osmolarité N-term pH acide Na+, Ca++, K+ +/-? -Expression à la membrane -Réponse off au pH acide -Participation à la formation du pore du canal RACK1 + C-term N-term α-actinine + + - Troponine Microfilament d’actine? pH acide [Ca++]i
FIGURE 16. PARTENAIRES ET MODULATIONS DES CANAUX PKD2L1. Schéma représentant les divers partenaires protéiques ainsi que les principaux modulateurs de PKD2L1.
PKD2L1
est un canal
cationique non sélectif, activé par le choc hypotonique et inhibé par le choc hypertonique
.
Le pH acide
peut être
activateur (réponse off) ou inhibiteur
, la
présence de partenaires protéiques
dont
PKD1L3
semble
jou
er un rôle majeur dans cette régulation.
Le site d’action du pH acide
est encore non
identifi
é,
il
pour
rait agir
dans
le milieu intracellulaire ou extracellulaire
. La
présence de PKD1L3
semble être impliquée dans le transport membranaire de
PKD2
L1 et la formation du
por
e du
canal
. L'effet du
pH
alcalin est double, il est activateur autour de 9, tandis que les solutions à pH 10 inhibent l’activité canal. Le calcium est un autre activateur du canal PKD2L1. D’autres protéines interagissent avec PKD2L1 et modulent son activité, c’est la cas de RACK1 et de l’alphaactinine qui activent le canal mais également de la troponine dont l’interaction inhibe l’activité de PKD2L1. Les effets activateurs sur le
canal
sont représentés par le signe + et les inhibiteurs
par
le signe -
.
94
Introduction
5. DU GENE A LA FONCTION
Les canaux PKD2L1 sont codés par un gène localisé sur le chromosome 10 chez l'homme (Wu et al., 1998a) et 19 chez les murins (Murakami et al., 2005). La protéine PKD2L1 est le fruit d'un épissage alternatif (Li et al., 2003a; LopezJimenez et al., 2006) donnant lieu à la formation de divers transcrits. Le gène pkd2l1 humain code pour deux isoformes (numéro d’accession NP_057196.2 : isoforme 1 ; NP_001240766.1 : isoforme 2; base de données GenBank ; NCBI) partageant respectivement 87 % et 90 % d’identité avec la protéine PKD2L1 murine (numéro d’accession NP_852087.2 ; base de données GenBank ; NCBI). L’isoforme 2 du gène pkd2l1 humain code pour une protéine plus petite que l’isoforme 1 (758 acides aminés vs. 805 ; base de données GenBank ; NCBI) et que la forme murine qui est constituée de 760 acides aminés. Les conséquences fonctionnelles de ces variations ne sont pas connues, il est juste établi que le raccourcissement de l’isoforme 2 concerne la partie N-term de la protéine. A ce jour, aucune étude ne s'est intéressée à d’éventuels phénomènes de régulation au niveau de la transcription ou de la traduction. Même si l'étude de la séquence protéique à permis de mettre en évidence la présence de nombreux sites de modification post-traductionnelles (Nomura et al., 1998; Wu et al., 1998a), leur action sur la protéine ou sur le canal reste inconnue. De même, l'effet de la présence de la séquence de rétention au RE sur l'homéostasie calcique intracellulaire n'est pas . Toutefois, les études in vitro révèlent que la protéine PKD2L1 constitue un canal dont l'activité peut être modulée par la variation de divers facteurs externes tels que le calcium, le pH, l'osmolarité mais aussi la température et la pression. La présence d'un tel canal peut donc donner des capacités de senseurs environnementaux aux cellules qui l'expriment. Au cours de cette partie, nous verrons les fonctions suggérées du canal PKD2L1 ainsi que les pathologies associées à cette protéine. Rôle de PKD2L1 dans la détection et la transduction du goût aigre
: La plupart des études fonctionnelles portant sur PKD2L1 découlent des travaux réalisés par l'équipe du Pr. Zuker, qui a montré en 2006 que cette protéine est exprimée au niveau des cellules gustatives activées par le pH acide et représente un bon candidat pour la détection du goût aigre (Figure 17. B et C) (Huang et al., 2006). Cette détection semble faire intervenir PKD1L3 (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009) puisque d'une part, les protéines PKD1L3 sont associées à PKD2L1 dans les cellules gustatives au niveau des papilles foliées et caliciformes (Figure 17. B) (LopezJimenez et al., 2006; Ishimaru et al., 2006; Huang et al., 95 Introduction 2006; Kawaguchi et al., 2010). Et d'autre part, cette interaction est associée à la capacité de PKD2L1, dans les cellules gustatives ainsi que des systèmes d'expression (cellules HEK293T) qui co-expriment PKD2L1 et PKD1L3, à détecter et à répondre à l'acidification du milieu extracellulaire (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishimaru & Matsunami, 2009; Ishii et al., 2009; Kawaguchi et al., 2010). Dans les systèmes d'expression il est mis en évidence que le complexe protéique PKD2L1/PKD1L3 est à l'origine d'une réponse de type "off" au pH acide qui nécessite un pH seuil inferieur à trois (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008). Cette caractéristique s'accorde avec les études physiologiques chez l'homme qui indiquent que la détection du goût aigre induite par des solutions contenant de l'acide chlorhydrique dont le pH est autour de 3 (Taylor, 1928). L'implication de ce complexe protéique dans la détection du goût aigre est également confortée par le fait que dans les bourgeons du goût, PKD2L1 et PKD1L3 sont localisées spécifiquement dans les cellules sensibles au pH acide et sont absentes au niveau des cellules gustatives détectant les autres modalités sensorielles (LopezJimenez et al., 2006; Ishimaru et al., 2006). De plus, l'absence de PKD1L3 dans les cellules HEK293T exprimant PKD2L1 seule est associée à la perte de la sensibilité au pH acide (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008; Ishii et al., 2009). D'autres études réalisées chez l'homme et l'animal supportent l'hypothèse d'une implication du complexe PKD2L1/PKD1L3 dans la détection du goût aigre. Premièrement, les souris délétées pour PKD2L1 (knockout : KO-PKD2L1), présentent des déficits dans la détection du goût aigre (Figure 17. D) (Horio et al., 2011) et l'ablation des cellules gustatives PKD2L1+ abolit la réponse aux stimuli acides (Huang et al., 2006; Chandrashekar et al., 2009). Deuxièmement, dans les cellules HEK293T transfectées pour PKD2L1 et PKD1L3, la capsaïcine bloque la réponse off à l'acide, phénomène retrouvé au niveau des cellules gustatives (Ishii et al., 2012). De plus, il a été montré que chez les patients atteints de perte du goût (agueusie), PKD2L1, PKD1L3 et de nombreux autres canaux activés par l'acidité (canaux ASICs) n'étaient pas exprimés au niveau de leurs cellules gustatives (Huque et al., 2009). Enfin, les cellules gustatives exprimant PKD2L1 présentent une réponse à l'acide similaire à celle observée dans les systèmes d'expression hétérologues exprimant le complexe PKD2L1/PKD1L3 (Kawaguchi et al., 2010). 96
Introduction
Cependant, de nombreuses études vont à l'encontre de l'implication de PKD1L3 dans cette détection. En effet, si dans les modèles d'étude utilisant comme système d'expression les cellules HEK293T, PKD1L3 semble nécessaire à la localisation membranaire de PKD2L1 et à la formation de canaux fonctionnels sensibles au pH acide (Ishimaru et al., 2006; Inada et al., 2008), dans les systèmes natifs le fonctionnement est différent. En outre, PKD1L3 n'est pas retrouvée dans l'ensemble des cellules gustatives exprimant PKD2L1 et est te dans les papilles fongiformes et dans le palais (Ishimaru et al., 2006) où la réponse aux stimuli acides n'est pas affectée (Horio et al., 2011), laissant ainsi supposer que PKD2L1 pourrait fonctionner différemment dans ces cellules et avoir d'autres partenaires protéiques. Ceci est conforté par les études réalisées dans les ovocytes de xénope, où l'expression de PKD2L1 conduit à la formation d'un canal de type homomérique (sans PKD1L3) qui est inhibé par le pH acide (Chen et al., 1999). Le rôle de PKD1L3 est également remis en question par le fait que la délétion de cette protéine n'entraine pas d'effet significatif sur la détection du goût aigre chez les souris (Nelson et al., 2010; Horio et al., 2011) et l'émission de potentiel d'action, dans les cellules gustatives PKD2L1+ ou dans les nerfs contactant ces cellules, suite à l'acidification n'est pas altérée (Nelson et al., 2010; Chang et al., 2010). Ainsi, le rôle de PKD1L3 dans la détection du goût aigre ne peut être exclu, il est envisageable que d'autres protéines viennent compenser la fonction de PKD1L3 dans les animaux KO-PKD2L1. Il convient de noter que des études récentes suggèrent l'implication d'un autre type de récepteur dans cette modalité sensorielle. Dans les cellules gustatives PKD2L1+, ce récepteur est ionotropique et serait à l'origine d'un courant proton dont l'amplitude suffirait à induire l'ouverture de canaux calciques voltage-dépendants à l'origine des résultats obtenus en imagerie calcique (Chang et al., 2010). Cette hypothèse provient du fait que le courant entrant dû à l'application d'acide (pH 5) n'est pas porté par le Na+ et le Ca++, deux ions jouant un rôle majeur dans l'établissement des courants portés par les canaux PKD2L1 (Chen et al., 1999; Inada et al., 2008). De plus, le potentiel de réversion du courant varie en fonction du pH de la solution acide appliquée. Ce courant est maintenu en présence d'amiloride, un bloqueur non spécifique des canaux TRP (Dai et al., 2007) mais est bloqué par le zinc, qui est un bloqueur des récepteurs canaux aux protons (Decoursey, 2003; Ramsey et al., 2006; Sasaki et al., 2006).
97
Introduction A B Papilles Caliciforme Caliciforme Fungiforme Palais PKD1L3 Foliée Fongiforme Cellule gustative C Foliée PKD2L1 Pore gustatif Aigre Sucré Unami Amer Salé WT 60 s PKD2L1DTA Ac. Citrique Ac. Acetique HCl Saccharine AceK Glutamate Quinine NaCl PA/10 s D WT PKD2L1-/- PA/10 s PA/10 s HCl, mM Ac. citrique, mM Ac. acétique, mM E Cellule contrôle pH 7,4 pH 6,9 NcLCR spinal PKD2L1+ 40 pA 5s
FIGURE 17. MODULATION PAR L’ACIDE DES CANAUX PKD2L1 DANS LES TISSUS
IFS : UN ROLE DANS LA DETECTION DU GOUT AIGRE. 98
Introduction FIGURE 17. MODULATION PAR L’ACIDE DES CANAUX PKD2L1 DANS LES TISSUS NATIFS : UN ROLE DANS LA DETECTION DU GOUT AIGRE. A, Un bourgeon du goût (dessin de gauche) est constitué de 50 à 150 cellules gustatives (en fonction de l’espèce), distribuées dans les différentes papilles gustatives (caliciformes, foliées et fongiformes) ainsi que dans le palais (dessin au centre). A droite, sont représentées les localisations des différentes papilles gustatives. Les papilles caliciformes sont localisées à l’arrière de la langue et contiennent des centaines (souris) à des milliers (homme) de bourgeons gustatifs. Les papilles foliées sont présentes dans les parties latérales postérieures et contiennent une douzaine à une centaine de bourgeons gustatifs. Les papilles fongiformes contiennent un ou très peu de bourgeons gustatifs et sont localisées dans la partie antérieure de la langue. Les cellules gustatives projettent des microvillosités sur la face apicale du bourgeon du goût, où elles forment le pore gustatif qui est le site d’interaction avec les molécules gustatives. Adapté de Chandrashekar et al., 2006. B, PKD2L1 est exprimée dans les cellules gustatives. Hybridation in situ de PKD2L1 et de PKD1L3 au niveau des papilles gustatives et du palais montrant la présence de PKD2L1 dans l’ensemble des bourgeons du goût et l’absence de PKD1L3 dans les cellules gustatives des papilles fongiformes et du palais. La ligne en pointillée délimite la partie externe d’un bourgeon du goût. Barre d’échelle : 25 μm. C, Les cellules gustatives exprimant PKD2L1 sont sensibles aux stimuli du goût aigre. La délétion des cellules gustatives PKD2L1+ par l'expression sélective de la toxine diphtérique A (DTA) produit des animaux (PKD2L1-DTA) ayant un déficit sélectif dans la détection du goût aigre. Les souris sauvages (WT) montrent une réponse à l’ensemble des stimuli des diverses transductions sensorielles gustatives. Réponses enregistrées au niveau de la chorde tympanique. B et C : Adapté de Huang et al., 2006. D, Enregistrement
de la réponse à l’acide des cellules gustatives GAD67-GFP constituant les bourgeons du goût des papilles fongiformes provenant de souris sauvages (WT, photo de gauche) ou délétées pour PKD2L1 (PKD2L1-/,
de droite). Traces de gauche : réponses des cellules gustatives à 10 mM d’acide chlorhydrique (HCl), 10 mM d’acide citrique (CA) et 30 mM d’acide acétique (AA). Barre rouge horizontale : durée de la stimulation. A droite sont représentées les réponses des cellules gustatives GAD67-GFP en fonction de la concentration d’acide utilisée pour chaque acide testé. Adapté de Horio et al., 2011.
E, Au niveau spinal, PKD2L1 est exprimée par les neurones qui contactent le LCR (NcLCR), qui répondent au stimulus acide par une augmentation de l’émission de potentiel d’action. Enregistrements en configuration cellule attachée montrant la réponse d’un NcLCR à l’application de solution à pH 7,4 et 6,9. Les traces montrent les potentiels d’action enregistrés dans une fenêtre de 25 s environ au sein d’un NcLCR spinal d’animaux PKD2L1:EGFP. Adapté de Huang et al., 2006. 99
Introduction Enfin, la présence de canaux calciques voltage-dépendants dans les cellules gustatives exprimant PKD2L1 a été démontrée (Medler et al., 2003; DeFazio et al., 2006; Gao et al., 2009). Cependant, ce système pose la question de la conservation de l'intégrité cellulaire en présence de tels canaux ioniques dont l'activation peut conduire à de fortes acidifications intracellulaires et ne permet pas d'expliquer la perte de transduction sensorielle dans les modèles KO pour PKD2L1. Un autre récepteur ionotropique semble également impliqué dans cette transduction, il s'agit du canal HCN4 (hyperpolarisation-activated and cyclic nucleotide gated type 4) (Gao et al., 2009). Ce canal ne serait pas le premier senseur mais permettrait d'amplifier la dépolarisation induite par le stimulus acide et d'activer les conductances voltage-dépendantes indispensables à la libération de sérotonine.
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L'oeuvre d'art à l'époque de la reproduction informatique de la réceptivité
Marcin Sobieszczanski, 39 av. Aimé Martin, 06200 Nice, France
Abstract This article consists of a creative detour through the benjaminian argumentation in order to presenting certain artistic experiences and scientific research as a situational exercise of the aura, which is at work in the process of the perception and cognition of the infinite world by one unique subject. Résumé Cet article constitue un détournement créatif de l'argumentation benjaminienne afin de présenter certaines expériences artistiques et recherches scientifiques en tant que situations de l'exercice de l'aura qui serait à l'oeuvre dans le processus de la perception et de la cognition du monde infini par un sujet unique. La littérature en sociologie et psychanalyse, autour du célèbre essai de Walter Benjamin « L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée » est immense. Pour notre part, en y constatant un certain défaut d'approches objectivantes, nous avons essayé de nous concentrer sur les bases épistémologiques des affirmations de Benjamin et de relever le défi des concepts servant de fond à ses spectaculaires figures de pensée en art et en communication. C'est par cette démarche, et dans le cadre d'un vaste projet d'esthétique cognitiviste, au-delà des seules extrapolations socio-politiques et communicationnelles, que nous espérons de procéder à l'actualisation de la pansée benjaminienne et par là à la reformulation des critères esthétiques applicables à la situation de l'art et de la pensée actuels. Sur le modèle des différentes étapes historiques des techniques de production, la donnée sociologique pertinente est devenue celle qui paramètre « les masses ». Habituellement, la méthode de Benjamin consiste à cheminer depuis les procédés artistiques vers les techniques de diffusion, tout en définissant, à l'endroit de ce passage, les processus aux dont les masses sont à la fois acteurs, instruments et patients. Un sous-entendu marxiste préside à l'observation de ces parallélismes, le constat d'une sorte de solidarité entre différents processus socialement impératifs et inconscients, hors des volontés particulières, incarnant une intelligence du collectif. Mais « marxiste » ne veut pas dire plus que « scientiste » car un autre sous-entendu, socio-cognitif, forgé sur la base de la biologie comportementale des « populations », règle les rapports des masses à l'objet. Pensée et réceptivité vont de pair. La réceptivité c'est l'art. L'art est affaire de perception et non de symbolisme ou de signification des formes. Dans sa circulation sociale, l'art est communication, et la communication est, encore une fois, non affaire de grammaire des formes, mais l'inter-perception, c'està-dire le processus de monstrations et de réceptions, d'exhibition de la vue et du regard. On déchiffre assez facilement l'enchaînement intellectuel figurant sous l'enseigne de la réceptivité, ainsi que son fondement, le réductionnisme biologicosociologique. Benjamin, dans son esthétique, suit la lignée de Riegl et Wölfflin, et outrepassant son ami Adorno, se projette, par la pensée de Scholem et d'Arnheim, vers les balbutiements des sciences cognitives des années 50. Mais le domaine de la pensée précise, c'est-à-dire la théorie de la science, ne se clarifie pas, chez Benjamin, avec la même évidence. Nous sommes particulièrement marqués quand Benjamin, presque sans nécessité, apporte à sa théorie de diffusion d'images, un complément d'argumentation épistémologique. La nature du lien entre, d'un côté, l'exercice social de la souveraineté autocoercitive des masses et, de l'autre, l'épistémologie des sciences, relève de la « juridiction » d'une épistémè institutionnalisée, ou en phase de l'être. Ce serait alors, de nouveau, affaire de communication, de diffusion et de réception des idées scientifiques. Mais cette communication peut être pensée de deux manières différentes. Au premier abord, on peut dire que la diffusion serait le facteur de l'affaiblissement épistémologique du contenu de la science. On observera qu'à l'issue du processus de socialisation, le résultat, au niveau du « » scientifique, s'imprègne du principe qui anime le milieu social qui en est le réceptacle. Les masses sont de nature statistique et la science, en se divulguant, change sa position épistémologique absolue et devient un jeu d'échantillonnage. Serait-ce là l'explication de la relativisation sociale de l'objectivité scientifique? L'analyse plus « objectiviste » révèle néanmoins, que les régimes respectifs des relations sociales et des contenus scientifiques seraient disjoints. La science s e diffuse-t-elle en gardant son noyau épistémologique intact, au risque de ne pas pouvoir se diffuser au-delà d'un certain seuil d'intelligibilité sociale? L'affaiblissement épistémologique est affaire de limites subjectives, éventuellement socialement motivées. La conciliation de ces deux conceptions vient des intelligences que la science de la nature pourrait entretenir avec la science sociale. Il y va du partage de la force épistémique entre les concepts sociaux et les concepts naturels. l'importance toujours croissante de la statistique. » [1]. D'abord, le « ce » de Benjamin est amodal et commun à tous les élans de l'esprit humain. C'est le « ce » de l'héritage mutualisé des poste-hégéliens, une sorte de supra-instance, une inclination du sens, en dehors des spécificités domaniales. Ce supra-domaine est le rapport du sujet à la réalité, l'affectation la plus primitive d'un être par ce qui n'est pas lui. Cette disposition générale que l'homme éprouve dans son rapport au monde, s e traduit simultanément, selon Benjamin, sur l'ensemble des plans de l'implication présentielle et consciente de l'homme dans le monde. C'est pour nous faire sortir des considérations vagues, bien que pertinentes, que Benjamin introduit le terme concret de statistique. Mais qu'est alors la statistique dans notre rapport au monde, dans notre science, dans nos communications et nos manifestations artistiques? Pour y répondre, nous avons besoin d'une doctrine de la contingence, c'est-à-dire d'une théorie de l'advenu, de la rencontre, de l'unique et du momentané, du particulier et du privatif. Remarquons, toutefois, que le fond contrastif de toutes ces notions est le concept d'infini. Le monde rendu infini, s'est détaché définitivement des sujets qui le pensent. Le concept d'infini est faramineux, comme l'était, dans les fondements scolastiques des croyances judéo-chrétiennes, le concept de Dieu Tout-puissant. C'est un concept qui consacre la cession de l'objet, son abandon en tant que partie de notre monde, de notre environnement. La pensée magique et cosmologique étendait le monde de l'homme bien au-delà de la perception sensorielle et offrait au sujet une prise quasiinfinie sur le réel, en participant au domaine couvert par ce que Benjamin appelle l'inconscient optique. Le grand défaut de cette prise a été son manque de précision et la pauvreté des concepts spécifiques qui en découlait. La science objective, au sens kantien, manipule les concepts plus riches qui portent donc sur des domaines plus restreints et démontent la naïveté des termes infinis non précis. Elle est plus proche de l'environnement humain et accuse même une tendance à se replier dans une nomenclature symbolique qui représente sans reste cet environnement. Pourtant, misant sur le versant empirique de ses épistémologies historiques, la science contemporaine multiplie ses concessions à l'objectivité et tend, à partir de statistiques des cas constatés, vers la probabilité théorique globale. Le monde est connu à travers l'environnement dont la pensée circonscrit les limites. en se référant aux fétiches précis qui n'ont que de vagues références au monde, la science procède avec ceux des représentants du monde qui garantissent des références précises. En même temps, pour ne pas se laisser scléroser dans le cercle environnemental, la science exerce une sorte de « veille épistémologique », à travers différents réductionnismes scientifiques. Son astuce consiste justement en ceci, que les objets sur lesquels elle a une prise par les opérations d'observation, de mesure ou de reconnaissance causale, les objets de l'environnement humain, tout en offrant des références précises au monde en tant que totalité, cèdent et abdiquent devant l'impérieuse force du monde en tant qu'Objet. De ce fait découle l'infinie interchangeabilité progressive, et pas forcement ascendante, des réductionnismes. La science place à la limite de sa visée un horizon, la frontière de notre environnement qui s'éloigne à mesure de son rapprochement, jusqu'à devenir le monde. Le réel est infini non seulement par son étendue spatiale, en tant qu'Univers physique, mais par l'infinitude de ses attributs et de leurs caractéristiques. Nous parlons ainsi de l'inépuisable richesse du monde. L'infinité du monde réel est aussi une infinité originelle, c'est sur elle que se règlent les concepts mathématiques de l'infinité absolue. En revanche, ce que l'on appelle notre environnement, relève d'un autre concept de l'infini. L'infini du monde réel constitue le fond de l'infini de l'environnement. Dynamiquement, ce dernier est en posture de poursuite par rapport à ce premier. Alors que les moments et les paramètres du monde n'ont pas de référents précis, distinguables ou dénombrables, ils sont absolus, au sens qu'audelà d'eux il 'y a proprement rien à rechercher, les unités de l'environnement adhèrent aux items du monde. L'environnement des êtres (si on prêtait à l'ensemble des choses la faculté d'être un soi par rapport à un non-soi, c'est-à-dire à un contexte, soit-il externe ou interne) et en particulier des êtres vivants, est indexable, d'une manière précise, dans les éléments formant le corps ouvert du monde. C'est ainsi qu'il nous arrive de stabiliser ou de refermer momentanément notre monde puisque le lieu de notre demeure n'est pas à proprement parler un monde mais un environnement. La notion de contingence exprime peut-être le mieux le sens de l'infini propre à l'environnement. L'infini de l'environnement est un infini de l'ouverture vers le monde, mais chaque ouverture advenue réellement conduit à une immobilisation, à une saisie, une demeure auprès des choses (cohaerere latin). C'est ce dernier processus qui conduit à la typicalisation des objets. Comme l'exprime Petitot [3], sur le terrain des relations entre le jugement et la perception : « [] la perception singularise et individue alors que le jugement désingularise et typifie. ». L'action mémorielle du sujet n'est pas la même quand il s'agit du monde et quand il s'agit de l'environnement. Si c'est le monde qui est visé, le sujet enregistre son parcours perceptif à travers les différences distinguées, si c'est l'environnement qui est l'objet de l'attention, le sujet reconnaît ses objets, objets qui se répètent ou s e ressemblent à travers des situations. La pluralité de situations débouche sur les types tandis que la visée du monde débouche sur la différence ultime. La différence est un concept mondain, le type est un concept environnemental. Les deux sont intimement consignés dans le concept d'item statistique. L'expérience perceptive, en tant que rafraîchissement des données du monde, glisse sur les différences et s'attache aux types. Elle progresse autant qu'elle s'alourdit d'acquisitions. J.-F. Lyotard explicite, en 1971, dans Discours, figure, les principes de la perception en tant que tension entre type et différence : « Essayons de repérer la modalité de la différence dans l'espace perceptif. Le champ visuel fait l'objet d'une "correction", d'un aplatissement constant, qui visent à éliminer la différence et à homogénéiser l'espace en système d'oppositions. Pour l'animal qui parle, le traitement le plus spontané de 'espace perceptif, c'est l'écriture, c'est-à-dire l'abstraction. La spontanéité conduit à construire le champ comme un fragment de système qui "parle" par couleurs, lignes, valeurs. L'attention a pour fin de reconnaître. Reconnaître ne va pas sans comparer. L'oeil court ici et là, et compose sa toile familière. Par cette course qui consiste à la fois dans le balayage du champ et dans l'accommodation de l'appareil optique, chaque partie est tour à tour placée au foyer, identifiée en vision centrale et ordonnée aux autres dans une composition de part en part intelligible, qui est euclidienne. L'attention écrit l'espace ; elle y trace des lignes, des triangles ; les couleurs pour elle sont comme des phonèmes, unités valant par opposition et non par motivation. » [4]. annoncées par Benjamin, en 1935, et qui continue à en avoir, non sous une forme changée mais plutôt d'une manière évoluée, à partir de la nouvelle révolution technique qui est l'invention de l'informatique, accomplie aux alentours de l'année de la mort de l'écrivain. Tout d'abord, de quoi, précisément, parle Benjamin dans l'exemple heuristique qu'il donne de l'« apparition unique d'un lointain, si proche soit-il »? La figure de la présence inatteignable recèle un fond philosophique largement discuté depuis la ème siècle. La dialectique du proche et du lointain n'a rien première décade du 20 d'une banalité. Elle réalise le lien intime qu'ont, dans la perception, l'immanence et la transcendance. Merleau-Ponty dit ceci de ce paradoxe : « [] si nous réfléchissons sur cette notion de perspective, si nous reproduisons en pensée l'expérience perspective, nous verrons que l'évidence propre du perçu, l'apparition de "quelque chose" exige indivisiblement cette présence et cette absence. » [5]. Le croquis minimaliste que Benjamin fait, enferme une situation, du point de vue cognitif, très complexe. L'homme suit du regard la montagne et l'arbre qui jette sur lui son ombre. Sur les deux plans, dont il est le centre, il suit respectivement le profil d'un horizon et la ligne d'une branche. Le regard qui en tant que sens distant, aussi rapproché soit-il, est un médium de distance, c'est-à-dire un médium à transformation projective de l'information, organise la projection qui permettra de prélever l'information cognitivement exploitable. Cette dernière s'agence différemment quand il s'agit de la 2 figure (ligne) et quand il s'agit du fond (horizon) [6]. C'est une scène spatiale à plusieurs épaisseurs et avec un cadre temporel dynamique. La singularité de la trame de temps et d'espace est la condition de l'apparition de l'objet. C'est aussi l'espace de résolution du problème pratique fondamental, dont la philosophie des sensations, depuis la Grèce Antique jusqu'à nos jours, en passant par toutes les époques, distingue la signification et la difficulté capitale, le problème du hiatus entre la limitation ponctuelle et momentanée de notre position spatio-temporelle et la plénitude de l'être en tant que connaissable. 2 Les liens entre Benjamin et la gestalt-théorie
sont
discutés réc
emment par Annette Simonis [6]. Comme cela est le cas dans la Machine à renverser le temps de Pierre Kowalski, exposée en 1996 à la Biennale de Lyon. 3 6 Thwaites, H., (ed.), 2003, Proceedings to Ninth International Conference on Virtual Systems and Multimedia (VSMM). Hybrid Reality and the Hyman Factor, Montréal, Canada.
Figure 1. Photo Marcin Sobieszczanski. Figure 2. Photo Marcin Sobieszczanski. Figure 3. Photo Marcin Sobieszczanski.
En quelque sorte
, la branche nous impose son temps par la pérégrination de son ombre,
et
nous, nous imposons notre temps perceptif en déambulant sur la crête de plusieurs montagnes alignées par la projection.
7 Thwaites, H., (
ed
.), 2003, Proceedings to Ninth International Conference on Virtual Systems and Multimedia (VSMM). Hybrid
Reality
and the Hy
man Factor
, Montréal, Canada. En dialecticien, Benjamin distingue alors plusieurs périodes de la perception considérée comme mécanisme objectif, comme instrument de possession du monde par distanciation. Sur le terrain social, cet aboutissement stabilisé de l'évolution biologique, ne cesse, en effet, d'évoluer et de fluctuer. Tout d'abord, dans le travail d'enrichissements souterrains, la réceptivité subit le retour du milieu humain, de cet artifice auquel elle a contribué grandement. A force de fabriquer ce milieu, les techniques successives apposent à la réceptivité leurs contraintes directionnelles. La production et la reproduction sont ainsi intimement attachées à la cognition. Les techniques deviennent interprétables en termes de solution des rapports dans le couple, massifié, du sujet et de l'objet. C'est la période moderne, la pratique simultanée de la peinture, de la photographie et du cinéma, qui est le théâtre de ces processus historiques. C'est aussi le moment de l'émancipation de l'art en dehors des moyens de production de la culture. Dans le cas de ces derniers, l'aura est irrémédiablement déchue. Ils s'objectivent dans leur institutionnalisation et deviennent instruments de répression. C'est là, également, par le fait de la conservation de la propriété par l'état totalitaire, qu'advient le processus d'esthétisation de la politique qui culmine dans la guerre, dans la destruction du corps social. L'art seul garde sa réactivité et il peut répondre à l'esthétisation de la politique par sa propre politisation. Sur le terrain de l'art, la question de l'aura reste ouverte, sauf dans l'univers de l'art-marchandise où elle se réduit à l'épreuve de 4 l'original et de la copie, et ne concerne plus que les commissaires priseurs. Sur le terrain des moyens de diffusion, tels les journaux illustrés, photographie publicitaire ou la signalétique graphique, l'aura est irréparablement trahie. Le dernier épisode de cette dialectique s'est déroulé devant les yeux de Benjamin. « Seule la guerre permet de mobiliser la totalité des moyens techniques de l'époque actuelle en maintenant les conditions de propriété. » Ce qui fut fait. Suite à la formidable mobilisation des mathématiciens, des logiciens, des linguistes, des physiciens, des biologistes, et d'autres, tous affectés de près ou de loin au génie militaire, la machine à simuler le système nerveux et les contrôles qu'il peut exercer sur les différents aspects du réel, a vu le jour. Le programme intellectuel et pragmatique de la première cybernétique atteint, encore assez naïvement, l'objectif de la recréation de l'intelligence humaine. nouveau système technique (numérisation-convergence des supports), dans une nouvelle économie (mondialisation) et, depuis la fin des années 70, dans un nouveau modèle de communication (réseau), l'informatique demande à réinterroger justement la question de l'aura. La dialectique de l'aura est aujourd'hui, de nouveau possible. On peut trouver ici le même clivage qu'à l'époque moderne. En se déplaçant depuis les conditions de production vers les conditions de réception, on voit deux processus pratiquement symétriques. D'un côté, avec la possibilité accrue de reproduction des codes numériques, la question de l'aura est définitivement close. D'un autre côté, on entrevoit plusieurs ouvertures qui laissent la question en suspens, et donc aptes à devenir un enjeu politique, une scène encore instable, sujette aux actions et non au déterminisme techniciste. Les ouvertures qui se dessinent aujourd'hui portent sur le rapport que le récepteur pourrait avoir à l'objet d'art. Plusieurs types d'interaction sont envisageables. Maignien [9] en analyse un large éventail, mais en se cantonnant à la valeur « médiatique » du réseau numérique. Le langage (code) et la logistique du système numérique distribué ordonnent le vecteur du jeu d'interprétations qu'effectuera l'instance de réception publique. Quelques hypothèses semblables apporte Rieusset-Lemarié [10]. Or, pour Couchot, le travail accompli dans cette sphère de nouvelle réceptivité de l'oeuvre aménage la valeur créative même de cette oeuvre, et la fait progresser sur une pente ascendante de classement de modèles d'inspiration : « [] tandis que la première interactivité s'intéressait aux interactions entre l'ordinateur et l'homme sur le modèle stimulus-réponse ou action-réaction, la seconde activité s'intéresse davantage à l'action en tant qu'elle est guidée par la perception (l'"énaction"), à la corporéité et aux processus sensori-moteurs, à l'autonomie (mais on dira aussi plus précisément l'"autopoïèse", concept que l'on doit au neurobiologiste Francisco J. Varela). Aux modèles physiques de la première s'opposent et/ou s'ajoutent les modèles issus des sciences cognitives ou des sciences du vivant. » [11]. Reconnaître ce qui donne sens à cette dernière affirmation, c'est rejoindre ce qui semble être l'ultime et le plus complet édifice théorique d'une vision « additionnelle » du rapprochement entre l'art et la technologie. Le rapprochement en question s'accomplit, pour l'art, à partir des opérations heuristiques qui lui sont propres. d'un monde qui se déploie de notre milieu vers l'univers. Ici, l'artiste, qui éventuellement accuse une tendance à penser explicitement par modèles et par simulations, n'aménage pas, tel un scénographe, l'accès à sa production, mais il progresse sur la voie d'un autre statut de la réceptivité dans l'art. La jouissance du statut inhérent de la réceptivité assure à l'agent esthétique sa place de concepteur et d'expérimentateur de modèles, et ceci à partir d'une position intime, c'est-à-dire propre, subjective et originale. Dans cette situation, il n'y a plus lieu de parler des relations science-art, puisque les deux n'ont plus à échanger leurs légitimités respectives : ils concourent à croiser leurs visées cognitivistes. Au lieu de leurs intelligences historiques, on peut parler d'une union structurelle, de l'épistémologie et de la praxie. Si cette cohérence de deux grands flots d'énergies spirituelles de l'humain présente le trait de généricité, il n'en est pas moins que l'histoire leur donne des impulsions conjoncturelles. Ainsi, depuis l'époque benjaminienne, ce n'est pas l'aura qui est déchue, mais c'est l'oeuvre comme condition indispensable de l'expérience artistique qui est déposée - et en son absence, il n'y a plus lieu de parler de l'aura. L'art est un procédé soutenu de perceptibilité, dans son essence-même, et en tant que tel il n'est peut pas être producteur d'objets (de représentants du monde). L'art est un rapport au monde et n'offre guère de terminaux auxquels s'attacher. L'objet d'art accomplit le mystère du fait que l instance subjective, dont l'identité est à la fois stable et historicisée, assume cognitivement la versatilité du flux incessant de la donnée – l'objet d'art est un sujet. Il l'était toujours à la manière de l'inconscient optique, et l'époque dont Benjamin a été le témoin l'a tiré de cet inconscient au grand jour de l'esthétique politisée. L'art de la plus récente révolution technique ne saura pas être la véritable réceptivité s'il ne renoue pas avec ce qui a été le projet le plus intime de l'informatique : la reproduction du rapport du subjectif à l'objectif, de la condition de l'unique à l'ouverture de l'universel. Cet art est autant une science. Non seulement parce que la technologie participe du contrat de mutuelle stimulation de la technique et de la science, mais aussi et avant tout parce qu'elle institue des relations perceptives précises. il est aujourd'hui extrêmement délicat de les chosifier en les déferant sur la place publique de la critique d'art qualifiante. La difficulté de les exposer est irréductible. Ce ne sont pas des works in progress mais des situations organisant une progression de la sensibilité à travers le monde : des dispositifs processuels dans leur fonctionnement et, en conséquence, instables dans leur façon d'agir. Il est aussi bien de les suivre à partir de certains faits artistiques qu'à partir d'agissements qui ne s e réclament pas de l'art. En effet, l'expérience esthétique de ce type est aujourd'hui vécue dans les laboratoires de la sensorialité artificielle, surtout ceux de la vision. Le temps est venu que l'esthétique, elle aussi fasse sienne la formule de L'oeil et l'Esprit de Merleau-Ponty : « Il faut prendre à la lettre ce que nous enseigne la vision » [12]. Qui pourrait mieux que les inventeurs de la rétine artificielle ou des systèmes experts de reconnaissance d'objets et de personnes, affirmer aujourd'hui que l'esthétique, d'après la leçon de son fondateur, Alexandre Gottlieb Baumgarten, est la connaissance sensible (sinnliche Erkenntnis). Essayons d'apercevoir ce principe dans les objectifs déclarés de la réalisation EyeBox de Simon Greenwold d'Aesthetics and Computation group au MIT Media Lab, qui trente ans plus tard, répondent en détail (voir les précisions sur le site de MIT [13]) au programme procédural tracé par Lyotard : différence / type, extraction de l'information pertinente à partir des couleurs, contours / plages chromatiques, discrimination / identification, reconnaissance et comparaison, balayage du champ et accommodation, vision centrale et ordonnancement euclidien de l'espace visuel. « EyeBox is a component technology in a larger project under development called The , which aims to use physical objects instead of names as referents for digital information. You place an object from your environment into The Associate (a box much like EyeBox). The object is quickly scanned and matched against other objects that have been placed in before. If the object is new, you are prompted to pull on top of it any set of files or information that you want to permanently associate with it. Figure 4. Simon Greenwold, EyeBox, Whole Box. Figure 5. Simon Greenwold, EyeBox, Calibration software. Figure 6. Simon Greenwold, EyeBox, Box with calibration object. 12 Thwaites, H., (ed.), 2003, Proceedings to Ninth International Conference on Virtual Systems and Multimedia (VSMM). Hybrid Reality and the Hyman Factor, Montréal, Canada. Figure 7. Simon Greenwold, EyeBox, Reconstruction of a small flexible camera tripod. Thèses sur l'art « objectal », à l'époque de sa conquête de l'informatique
Il existe plusieurs métaphores de l'intelligibilité de l'informatique dans le domaine de l'art. La métaphore mécano-computationnelle correspond à la refonte des anciennes techniques de représentation sur le fond de l'unification du format des différents supports. La dynamique de la machine informatique épouse ici les dynamiques inhérentes aux supports traditionnels, les stimule et les étend au-delà de certaines limites, circonscrites d'ailleurs, pour la plupart, par les expérimentations des ème siècle. Des mouvements avant-gardistes de la première moitié du 20 transformateurs et des générateurs d'images et de sons font partie de ce type d'usage artistique de l'ordinateur. Mais on n'y dénombre aussi les générateurs d'espaces sonores, de formes graphiques et d'objets volumiques, de vidéo et d'univers virtuels. Dans le domaine des arts du langage, l'informatique procure le support et les générateurs d'hypertextes. La métaphore communicationnelle replace les productions numérisées ou celles dont la conception à été assistée par l'ordinateur, dans le contexte de la communication réseautique. Ici, on rejoue les expériences du mail art, de l'esthétique de la communication ou de l'art relationnel, dans le cadre politique et éthique de l'émergence d'une intelligence collective et distribuée des réseaux numériques. La métaphore robotique semble couronner cet édifice du nouveau système des beaux-arts, puisque sans se désister des avantages des précédentes elle achève et parfait la conception objectale de l'oeuvre d'art dans la civilisation occidentale. L'oeuvre qui devient un scénario ou encore un programme génératif et évolutif de l'interaction avec son milieu d accueil et de réception étend, explicite, dynamise et agence les circonstances de sa production, de son être et de la production de son sens. En tant qu'entreprise d'usinage de nouveau type, l'informatique a su se rendre solidaire des processus collaboratifs et duratifs de la genèse de l'oeuvre. En tant qu'outil de 13 Thwaites, H., (ed.), 2003, Proceedings to Ninth International Conference on Virtual Systems and Multimedia (VSMM). Hybrid Reality and the Hyman Factor, Montréal, Canada. connaissance, c'est-à-dire technique de mémorisation et de calcul logique, le principe de son rapport au réel, la simulation, a épousé et stimulé les caractères de l'éphémère, de l'ubiquité et de l'instabilité de l'oeuvre d'art. Dans sa dimension créative, l'informatique a consacré, finalement, l'émancipation homéostatique et l'autonomie quasi-morale de l'oeuvre, qui s'engage en tant qu'agent dans l'expérience de l'interactivité herméneutiquement ouverte. L'oeuvre fluctuant et évoluant, échangeant avec les individus et avec le tissu social, est un Super-Objet qui incarne et chosifie le plus ancien rêve de l'esthétique occidentale – celui de la véracité atteinte dans le processus de complétion des attributs objectaux. Rappelons nous de la pensée platonicienne. L'oeuvre d'art de la Grèce Antique est un objet, un vrai objet, tellement vrai que vivant. Le peintre et le poète sont exclus de ce système des beaux-arts. Le premier, par son incomplétude, de par le caractère partiel de sa réceptivité, et en conséquence, de sa production, le seconde, à cause de son attitude irréductiblement non-objective. Le programme du rendement réaliste dans la représentation et le postulat de l'objectivation scientiste, ainsi que la répression des attitudes contraires, sont inscrits dans le premier traité de la politique esthétique, la République. Si on replaçait cette discussion dans notre situation contemporaine, il faudrait relever la différence philosophique entre, d'une part l'idée de l'autonomie autoapprenante et évolutive, et d'une autre part l'exercice souverain de l'expérience cognitive à visée limitée et radicalement subjective. Les avantages de la première position sont évident . Mais quel gain gnosique peut-on escompter en affirmant la limitation et la localisation subjective de la connaissance? Rien d'autre que la sauvegarde du caractère expérientielle de toute intramise mondaine. Certes, on perd la force de l'objet qui résiste du haut de son homéostasie de complexité et de complétude, on perd la rationalité sociale de l'intelligence collective (des insectes), mais à la place de cela, à la place de la véracité, on renoue avec la possibilité de vérification gnosique de tous les sens d'être établis. La limitation de la visée et l'unicité de la propre situation du sujet, sont les caractéristiques essentielles de toute action gnosique et en tant que telles elles sont le mécanisme local le plus à même de garantir au vivant, au niveau individuel et au niveau de populations, la fabrication des homéostasies non seulement interactives, mais réellement adaptatives. La conception objectale de l'oeuvre d'art a provoqué, à l'époque des avant-gardes, une farouche réaction révolutionnaire visant à de-chosifier la production artistique par la remise en question de sa matérialité et de sa dimension représentationnelle. L'époque post-moderne a instauré, à l'endroit de l'oeuvre déposée, l'objectivation des processus créatifs, communicationnels et interprétatifs. La conquête de la techno-science et de la techno-culture informatique par les artistes, depuis le computer-art, les environnements immersifs, jusqu'au web-art et la vie artificielle, est un processus parallèle aux deux précédents. Pourtant, sa signification politique est loin d'être définitivement fixée. Les adversaires et les partisans de l'art numérique citent souvent Paule Valéry et Walter Benjamin. Les premiers pour avertir de l'ubiquité dématérialisant et de la fin de l'oeuvre propre et originale, les seconds pour affirmer que les attributs non-triviaux, communicationnels, interactifs, hybrides et polysémiques de l'oeuvre numérique, procurent à cette oeuvre le caractère auratique, perdu par l'époque de reproductibilité mécanique. Ou bien, l'aura en tant qu'accompagnement de l'objet-substitut authentifié par l'informatique réputée non standard, ou bien, l'action du sujet sensible à travers le monde auratique de la poursuite respectueuse de l'infini – tel est l'enjeu de la question de l'art qui s'avise à investir les potentialités théoriques et pratiques de l'informatique. C'est, d'ailleurs, l'informatique elle-même qui suggère la réponse. Non l'informatique du système technique ou celle du montage social du consensus de fabrication d'usages massifs, mais le domaine de la « réflexion pratique pure ». Depuis son programme original, elle se voulait une technique dressant la esse sémantique limitée des algèbres en face d'une infinie richesse du monde. Sa visée et son problème fondateur sont alors analogues à ceux du peintre de Merleau-Ponty : le modélisable et le simulable de l'informatique sont à l'image du perceptible d'un peintre qui possède uniquement un « monde visible, rien que visible, un monde 6 presque fou, puisqu'il est complet n'étant cependant que partiel » [12]. L'informatique se voulait bio-inspirée et en tant que telle elle a inscrit en elle le principe évolutif de réactivité. Ce programme, sans se prévaloir, pour l'instant, des résultats décisifs et sans pouvoir s'imposer dans l'économie mondiale de la recherche, est en train de se réaliser dans des laboratoires des sensorialités artificielles où s'élabore la naturalisation du phénomène originel de la conscience.
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Si l'obligation est violée, il est impossible de dériver des obligation avec des échéances plus lointaines, à cause de la nature de la borne de l'opérateur U −. Nous nommerons cette propriété la semi-monotonie. Cette propriété peut au final s'avérer plus intéressante que la monotonie stricte, car elle permet d'éviter qu'un nombre infini de violations ne soient générées pour une seule obligation initiale violée, tout en conservant la possibilité de dériver des obligations avec des échéances plus lointaines lorsque celles-ci sont effectivement respectées. L'opérateur de Brunel et al. Le dernier opérateur évalué, Obγ, est une proposition de Brunel et al. [BBF06]. Il est d'ores et déjà exprimé dans un formalisme proche du nôtre, mais raisonne sur des durées plutôt que sur des échéances. Nous respectons ce choix en nous appuyant sur les opérateurs X i et les propositions-dates δi déjà définies, en supposant que l'obligation avec échéance est actée à la date de référence δ0 17. L'obligation avec échéances est ici fondée sur un opérateur intermédiaire ′ Obγ (4.72), destiné à être utilisé au moment où l'obligation avec échéance est actée18. Cet opérateur est monotone, mais il ne permet pas la propagation des obligations.
γ′ def Ob (φ, δk ) = X k δk ∧ Ob k−1 _ i=0 X iφ! (4.72)
Cet opérateur intermédiaire (appelons-le une obligation primaire avec échéance) définit l'échéance en tant qu'elle se trouve à k pas de temps du présent, ainsi qu'une obligation que φ soit vraie à un instant entre le présent et cette échéance. Afin d'assurer la propagation des obligations, l'opérateur final Obγ est défini
de la
manière suivante :
17 k X δk k′ V def ′ ′ Obγ (φ, δk ) = ∃k ′ ∈ N, X −k Obγ (φ, δk ) ∧ X −i ¬φ i=1 ′′ ′ ′ 6 ∃k ′′ < k, X k δk′′ ∧ X −k Obγ (φ, δk′′ ) (4.73)
Dans la formulation originale, les auteurs s'appuient sur des opérateurs temporels U, G et F indexés par des durées, qui sont présentés comme des extensions au langage original. Néanmoins, dans le cas de durées finies (ce qui est également le cas dans la communication originale), ces opérateurs peuvent être définis comme des abréviations de modalités déjà existantes, c'est pourquoi nous ne les introduirons pas ici, préférant nous reposer sur un langage déjà suffisamment expressif. Nous ne suivons pas strictement la démarche de construction de l'opérateur suivie par les auteurs, pour des raisons de lisibilité dues aux notations choisies. L'obligation Obγ de φ associée à l'échéance δk est donc définie par la conjonction des faits suivants : – δk est située à k pas de temps dans le futur ; – Il y a eu, il y a k ′ pas de temps, une obligation primaire de φ avec la même échéance, obligation qui n'a pas encore été satisfaite ; – Il n'y avait pas, à cette même date passée, d'obligation primaire de φ avec une échéance antérieure à δk (mais toujours située dans le futur). ′ Lors de l'utilisation de cet opérateur, l'obligation primaire Obγ est posée au moment où la norme apparaı̂t, et c'est l'obligation Obγ qui est propagée par sa définition même. Le formalisme utilisé pose un problème technique dans le cadre de la logique DLP : il utilise une quantification existentielle explicite sur les durées (du type ∃k) qui ne peut être traduite directement par les modalités temporelles que nous nous sommes autorisées, à cause des conditions qui sont posées par la suite sur les variables quantifiées. L'utilisation de l'opérateur Obγ nécessiterait donc une extension du langage de DLP. Cette remarque mise à part, voyons comment Obγ satisfait aux critères que nous avons définis : 1. − La date d'échéance étant définie explicitement par la durée la séparant du présent, elle existe et est unique. On peut donc considérer qu'elle correspond à une proposition-date. 2. − Par construction, l'échéance est bien située dans le futur. 3. ∅ − À cause de la quantification existentielle niée dans la définition de Obγ, les obligations sur ne peuvent être des théorèmes. ′ 4. − À cause de la construction de Obγ à partir d'une modalité d'obligation immédiate sur une contradiction, les obligations sur ⊥ sont bien contradictoires. ′ 5. − Par construction, une obligation (que ce soit Obγ ou Obγ ) ne peut être maintenue après son échéance. 6. − Les auteurs ne donnent pas de définition formelle d'une violation de Obγ dans leur communication originale. Il est néanmoins possible de définir une violation ponctuelle, située à l'échéance, sur la base de leur formalisme. 7. − Le principe de propagation est respecté par construction, Obγ pouvant être dérivé depuis l'apparition de l'obligation primaire jusqu'à l'échéance ou à la satisfaction de l'obligation. 8. ∅ − L'opérateur final interdit, par construction, toute monotonie (tant dans le cas d'un respect que d'une violation de l'obligation avec échéance).
Synthèse de l'évaluation
Le tableau 4.3 résume le respect de nos huit critères par les trois opérateurs évalués. On constate que les seuls critères partagés par les trois opérateurs sont le fait que l'obligation doive être abandonnée après l'échéance (alors que c'est un choix qui pourrait être débattu dans certains cas de figure) et la propagation (qui semble par contre une propriété fondamentale de l'obligation avec échéance). Forts de cette évaluation, il nous faut maintenant construire sur cette base un opérateur, adapté à la logique DLP, qui respecte au mieux les huit critères sur lesquels nous avons choisi de travailler.
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW
Critère 1 2 3 4 5 6 7 8 Obα Obβ 116 Obγ Tab.
4.3 – Comparaison d'opérateurs existants pour l'obligation avec échéances Conception d'un opérateur adapté
Notre évaluation nous amène à penser que l'opérateur Obγ serait le plus adapté à nos exigences. Néanmoins, nous avons également vu qu'il posait, au même titre que Obα, des problèmes conceptuels qui le rendaient incompatibles avec une utilisation en l'état dans la logique DLP19. En réalité, le seul opérateur dont la transcription en DLP soit satisfaisante est Obβ. Même s'il est loin de remplir tous nos critères, le travail qui nous en sépare est conceptuellement beaucoup plus abordable que pour les deux autres opérateurs. Il est possible en effet d'imposer l'utilisation d'une proposition-date comme échéance, de la fixer dans le futur strict (assurant par là l'inconsistance des obligations sur ⊥ dans tous les cas de figure) et d'utiliser des violations ponctuelles comme nous avons déjà vu que c'était possible. En conséquence, notre opérateur d'obligation avec échéance Obνa (φ, δ) est défini par la formule (4.74).
date(δ) def Fδ Obνa (φ, δ) = Obνa (F − (φ ∧ F δ)) U − (φ ∨ δ) (4.74)
Concernant la définition d'une violation associée à cet opérateur, nous avons vu qu'il était possible de définir une violation ponctuelle, située dans le temps à l'instant de l'échéance. Pour faire correspondre correctement la violation avec la norme datée qui l'a engendrée, nous paramétrons la violation par la formule sur laquelle porte l'obligation ainsi que par l'échéance (même si elle correspond forcément à l'instant de la violation). Paramétrer la violation par la date à laquelle l'obligation a été mise en place est peu porteur de sens, à cause même du principe de propagation qui nous ferait définir une multitude de violations simultanées. En conséquence, nous définissons la violation violObνa (φ, δ) comme suit :
date(δ) def δ violObνa (φ, δ) = P (Obνa (φ, δ) ∧ ¬φ U − δ) (4.75)
Une violation de l'obligation de φ à une échéance de δ est donc définie seulement à l'instant δ, si par le passé il y a eu une obligation de φ à une échéance de δ et que φ n'a pas été vraie entre ce moment et δ. 19 Pour mémoire, Obγ travaille sur une quantification explicite des durées qui n'existe pas en DLP, et Obα, parce que non fondée sur une primitive déontique, permet des dérivations abusives. 117 On peut maintenant caractériser formellement la manière dont l'opérateur Obνa (φ, δ) vérifie nos huit critères (à l'exception de la monotonie à laquelle nous préférerons la semi-monotonie pour les motifs déjà exprimés). Théorème 4.1 (Obligations avec échéances). L'opérateur d'obligation avec échéance Obνa (φ, δ) et sa violation violObνa (φ, δ) respectent les propriétés suivantes : 1. Les échéances sont des proposition-dates ; Obνa (φ, δ) → date(δ) 2. Les échéances sont toujours situées dans un futur strict ; Ob νa (φ, δ) → F δ 3. Les obligations sur des tautologies sont toujours dérivables pour des échéances bien définies ; date(δ) ∧ F δ → Obνa (, δ) 4. Les obligations sur des contradictions sont des antilogies ; ¬Obνa (⊥, δ) 5. Les obligations sont abandonnées après l'échéance ; δ → G− ¬Obνa (φ, δ) 6. Les violations sont ponctuelles ; violObνa (φ, δ) → G¬violObνa (φ, δ) H¬violObνa (φ, δ) 7. Le principe de propagation est respecté ; Obνa (φ, δ) ∧ ¬(φ ∨ δ) ∧ ¬Xδ → XObνa (φ, δ) 8. Le principe de semi-monotonie est respecté. Obνa (φ, δ) ∧ date(δ ′ ) ∧ F (δ ∧ F − δ ′ ) ∧ ¬(¬φ U − δ) → Obνa (φ, δ ′ ) Démonstration. On pourra observer que la plupart des démonstrations ne sont valides qu'à cause de la nature des propositions-dates que nous avons définies, qui ne sont vraies qu'à un seul instant du flot de temps. 1. Trivial, par définition de l'opérateur. 2. Trivial, par définition de l'opérateur. 3. Si l'on dispose bien de date(δ) ∧ F δ (c'est-à-dire si l'échéance est correctement définie), alors Obνa (, δ) se réduit à Ob(F − ( ∧ F δ)) U − (), soit U −, soit. 4. Par définition, Obνa (⊥, δ) implique Ob(F − (⊥)) U − (δ). F − (⊥) implique F (⊥), qui implique ⊥ à cause de l'axiome (H-D). Par l'axiome (Obνa -D), l'ensemble se réduit à ⊥ U − δ, donc, puisque Obνa (⊥, δ) → F δ, on obtient Obνa (⊥, δ) → ⊥. 5. Obνa (φ, δ) → F δ, donc F − Obνa (φ, δ) → F δ. À cause de la dualité entre F − et G−, (¬G− ¬Obνa (φ, δ)) → F δ. δ étant une proposition-date, F δ → ¬δ et donc (¬G− ¬Obνa (φ, δ)) → ¬δ. On obtient ensuite l'implication voulue par contraposition. 6. violObνa (φ, δ) → (δ ∧ date(δ)), donc la violation n'est dérivable que lorsque la propositiondate associée l'est, donc une seule fois dans le flot de temps (la démonstration formelle utilise également une contraposition). 7. Si l'on accepte l'antécédent de l'implication logique à démontrer : – Xdate(δ) est dérivable, via (4.64) et la règle de nécessitation appliquable à X ; – ¬Xδ ∧ F δ permet de dériver XF δ ;
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW 118
– En conséquence de ¬(φ ∨ δ) (¬δ pouvant d'ailleurs être dérivé de Obνa (φ, δ)), la borne du U − n'est toujours pas atteinte, donc l'ensemble du U − sera vraie à l'instant suivant à cause de la sémantique de l'opérateur. En conséquence, l'ensemble de l'obligation par échéance est bien propagée à l'instant suivant : XObνa (φ, δ).
8. Nous considérons donc maintenant que nous disposons d'un opérateur d'obligations avec échéances Obνa (φ, δ) qui constitue une transcription efficace en logique DLP de la notion normative intuitive.
4.3.2.4 Interdictions maintenues sur une période
Un autre opérateur déontique et temporel qui nous sera utile est le maintien d'une interdiction sur une période donnée. On peut rencontrer cette notion dans des retranscriptions de normes du type de celle-ci (complètement fictive, mais se rapportant tout de même au traitement des données personnelles) : Un utilisateur doit être informé au moins une semaine à l'avance de tout traitement utilisant son numéro de sécurité sociale. Si l'on veut utiliser cette norme pour contraindre le fonctionnement de l'agent de service, ce dernier doit en effet pouvoir s'interdire de procéder à un tel traitement pendant une certaine période (dépendant de la date à laquelle il a éventuellement informé l'agent utilisateur). Plutôt que de définir une interdiction maintenue sur une période, on aurait pu concevoir un opérateur d'obligation maintenue sur une période. Néanmoins, à cause du sens des prédicats liés à la protection des données personnelles, un tel opérateur aurait moins de sens. En effet, les prédicats performatifs de LDLP, sur lesquels sont susceptibles de porter les normes, représentent des actions ponctuelles. Il est donc plus intuitif de considérer la proposition suivant laquelle une telle action est menée ou non à un instant d'un intervalle de temps particulier, plutôt que celle suivant laquelle cette action est menée en continu pendant ce même intervalle de temps. En tout état de cause, les deux notions sont équivalentes à une négation logique près. Le choix que nous faisons a donc une portée limitée à la lisibilité des formules
. Critères pour la correction de l'opérateur
La notion d'interdiction maintenue sur une période est curieusement beaucoup plus simple à formaliser que l'obligation avec échéance. En effet, elle consiste en une conjonction d'obligations immédiates portant sur des instants définis à l'avance : la propagation y est facile à mettre en oeuvre et la ✭✭ pression normative ✮✮ est inévitablement présente. Le concept a d'ailleurs moins 119 motivé la communauté scientifique, cet opérateur semblant suffisamment immédiat pour que nous n'ayons pas de propositions variées à comparer. Nous établissons néanmoins, par souci de symétrie, les critères à respecter pour un opérateur d'interdiction maintenue. Par cohérence avec l'opérateur Obνa (φ, δ), nous travaillons sur un opérateur F oraν (φ, δ) travaillant également sur des propositions-dates. La sémantique de l'opérateur serait la suivante : il est interdit, à partir du présent compris et jusqu'à δ non comprise, que φ devienne vraie. Nous ne nous apesantirons pas sur la justification des critères évidents au regard des caractéristiques défendues pour le premier opérateur. 1. La limite de l'interdiction doit être une proposition-date. 2. La limite de l'interdiction doit être située strictement dans le futur. 3. Les interdictions sur ⊥ doivent être des tautologies. 4. Les interdictions sur doivent être des antilogies. 5. Les interdictions violées doivent cependant être maintenues jusqu'à la date limite : ce point est sujet à débat. Nous choisissons de prendre cette position qui peut sembler incohérente au regard des critères de l'obligation avec échéance car le problème nous semble différent dans sa nature. En effet, dans le cas de l'obligation avec échéance, qu'il y ait eu violation ou pas, rien n'indiquait au départ l'existence d'une quelconque obligation à une date postérieure à l'échéance. Dans le cas de l'interdiction maintenue, en revanche, l'existence de l'interdiction est annoncée dès lors que la norme est actée. C'est pourquoi nous choisissons d'ignorer l'existence de violations dans le maintien des interdictions. Bien évidemment, la date limite échue, aucune norme ne persiste pour autant20. 6. Les violations ne sont définies qu'aux instants où la norme est violée : en effet, ces violations sont potentiellement multiples si φ survient plusieurs fois (ou est maintenue) pendant sa période d'interdiction. Ceci doit pouvoir être détecté. Il n'est donc pas possible d'imposer (comme on serait tenté de le faire par symétrie avec Obνa (φ, δ) que les violations ne surviennent qu'une et une seule fois. 7. Le principe de propagation doit être respecté. Dans le cadre de l'interdiction maintenue, nous le définissons comme le fait que si une interdiction de φ jusqu'à δ existe et que l'instant suivant n'est pas δ, alors l'interdiction est propagée à l'instant suivant21 : F oraν (φ, δ) ∧ ¬Xδ → XF oraν (φ, δ) (4.76) 8. Le principe de monotonie doit être respecté. Ce principe nous dit ici que si une interdiction de φ existe avec une limite δ, alors il existe une interdiction de φ avec une limite antérieure22 : F oraν (φ, δ) ∧ date(δ ′ ) ∧ F (δ ′ ∧ F − δ) → F oraν (φ, δ ′ ) 20 (4.77) Cela signifie que cet opérateur est une interdiction maintenue sur une durée entre deux dates prédéterminées : il ne saurait représenter (sans l'aide d'une modalité temporelle supplémentaire) une norme du type ✭✭ il est obligatoire que pendant une période de tant (la date de début de la période restant indéterminée), φ reste fausse ✮✮. 21 La trivialité de ce principe comparé à son dual pour l'obligation avec échéance exprime toute la différence d'intérêt qu'il existe entre les deux opérateurs. 22 À condition cependant qu'il existe au moins un instant entre le présent et δ. DLP ne travaillant pas sur un flot temporel dense, cela a son importance.
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW 120 Conception d'un opérateur adapté
Nous proposons l'opérateur défini par la formule (4.78) pour représenter le maintien d'une interdiction. La formule (4.79) définit sa violation violF oraν (φ, δ), qui prend sa valeur de vérité à chaque fois que φ survient dans l'intervalle de son interdiction23. date(δ) def ν Fδ (4.78) F ora (φ, δ) = (F oraν φ) U − δ date(δ) Fδ def (4.79) violF oraν (φ, δ) = φ − P F oraν (φ, δ) Théorème 4.2 (Interdiction maintenue). L'opérateur d'interdiction maintenue F oraν (φ, δ) et sa violation associée violF oraν (φ, δ) vérifient les propriét és suivantes : 1. La limite de l'interdiction est une proposition-date ; F oraν (φ, δ) → date(δ) 2. La limite de l'interdiction est située strictement dans le futur ; F oraν (φ, δ) → F δ 3. Les interdictions sur des contradictions sont toujours dérivables pour des échéances bien définies ; date(δ) ∧ F δ → F oraν (⊥, δ) 4. Les interdictions sur des tautologies sont des antilogies ; ¬F oraν (, δ) 5. Les interdictions, mêmes violées, sont maintenues jusqu'à la date limite ; P − F oraν (φ, δ) ∧ F δ → F oraν (φ, δ) 6. Les violations ne sont définies qu'aux instants où la norme est violée ; violF oraν (φ, δ) → φ 7. On considère donc maintenant que l'on dispose d'un opérateur F oraν (φ, δ) permettant de décrire l'interdiction pour φ de devenir vraie entre l'instant présent (compris) et l'instant caractérisé par δ (non compris). 4.3.3 Exemples de normes
Nous nous proposons maintenant d'expliciter, en fonction des formalismes que nous avons introduits, la traduction en logique DLP de quelques normes fictives traitant de la protection des données personnelles. Nous nous placerons dans le cas d'un agent PAw (représenté par self) appartenant à un employé de la société ✭✭ groupe W ✮✮ travaillant en Syldavie. Nous utiliserons les autorités normatives fictives suivantes : – la législation syldave : syldavianLaw ; – le réglement de la société ✭✭ groupe W ✮✮ : wGroupReg ; – le directeur du groupe pour la branche ✭✭ Syldavie ✮✮ : wSylChair – le contrat entre M. Pignon et le groupe W : wPignonContract ; – les préférences de l'utilisateur : user. Nous proposons une norme fictive pour chacun des six axes réglementaires et discutons de sa traduction en logique DLP. Pour chaque norme, nous donnerons une ou plusieurs formules DLP. La traduction effective de la norme sera la conjonction de ces formules. Les normes étant à l'origine exprimées en français, elles sont sujettes à interprétation avant d'être traduites en logique DLP. Cette nécessaire interprétation est sujette à discussion, et nous ne nous prétendons pas compétents pour expliciter tout élément de règlementation d'une manière inattaquable. Nous souhaitons seulement mettre en lumière la nécessité d'une intervention humaine lorsque les normes préexistantes n'ont pas été formulées de manière à être aisément traduites dans un langage formel. Cette étape d'interprétation peut être évacuée lorsque les normes ne proviennent pas d'un texte en langue naturelle mais d'un éditeur de préférences, ce dernier permettant de contraindre la forme des phrases et autorisant un traitement ement automat
ique. 4.3.3.1 Robustesse des formules au dynamisme du contexte normatif
Comme nous l'avons déjà vu, le contexte normatif dans lequel évolue l'agent PAw est dynamique. De nouvelles normes ou autorités normatives sont susceptibles d'apparaı̂tre, d'autres peuvent disparaı̂tre. À chacune de ces modifications du contexte normatif (qui sont cependant supposée survenir assez rarement dans le cas où l'agent PAw ne se place pas de lui-même dans un nouveau contexte), la base de normes de l'agent correspondant à ce contexte sera réinitialisée, et
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW 122
l'ensemble des formules dérivées sera recalculé. En conséquence, les formules DLP représentant les normes doivent prendre en compte le fait que leur existence dans le système logique peut être postérieure à certains faits sur lesquels elles portent. Si l'on prend l'exemple d'une norme d'obligation qui a pour condition d'application le fait qu'un traitement ait été opéré par l'agent dans le passé, la traduction de cette norme doit permettre de dériver l'obligation correspondante même si la base de norme a été réinitialisée entre le moment auquel le traitement a eu lieu et l'instant présent (quitte à rendre partiellement redondante la traduction de la norme24 ). Nous verrons dans les exemples comment prendre cela en compte. Le dynamisme du contexte normatif entraı̂ne donc une certaine volatilité de la base de normes. En conséquence, la caractérisation des violations effectuées par un agent à des dates déterminées du flot temporel est également volatile. Afin de permettre à l'agent PAw de raisonner tout de même sur ses violations passées (même si les normes qui les ont engendrées ne sont plus en vigueur), nous supposons l'existence d'un procédé de stigmatisation des violations : lorsqu'une violation est dérivée, elle est extraite du système logique DLP pour être introduite dans la base de croyances de l'agent avec toutes les informations nécessaires s'y rattachant25. L'agent PAw peut ainsi raisonner efficacement dans un contexte normatif dynamique tout en restant conscient de ses violations passées.
4.3.3.2 Exemple sur l'axe ✭✭ Information ✮✮ Extrait du règlement intérieur du groupe W :
✭✭ Les clients doivent être informés au moins une semaine à l'avance de la nature de tout traitement utilisant leurs données personnelles. ✮✮ Cette norme est formulée de manière simple, sous une forme qui peut apparaı̂tre couramment dans des règlements ou des contrats. Elle présente néanmoins des difficultés d'interprétation non triviales pour un agent artificiel. Cette obligation concerne en effet direct les capacités de planification de l'agent : il doit la considérer seulement s'il a prévu de mettre en oeuvre un traitement utilisant des données personnelles.
La norme vue comme une interdiction
Une première interprétation de cette norme consiste à la voir comme une interdiction de procéder au traitement si la condition n'a pas été respectée. Trois cas sont alors à considérer, suivant les actions déjà menées par l'agent : 1. Le client n'a pas encore été informé : la norme exprime alors une interdiction de procéder au traitement, interdiction dont on sait qu'elle peut être maintenue au moins une semaine, indépendamment des actions futures de l'agent. Il paraı̂t donc naturel ici d'utiliser l'opérateur d'interdiction maintenue. Si nous considérons qu'il faut également exprimer la relation entre le client et le traitement (via le prédicat d'état owner qui l'identifie comme propriétaire d'une donnée utilisée dans un traitement particulier), nous représenterons 24 Il est possible de s'affranchir de cette redondance en introduisant dans les conditions d'application des normes une formule temporelle détectant une éventuelle réinitialisation de la base dans le passé (via l'introduction d'une nouvelle proposition dédiée). Pour ne pas alourdir inutilement des notations déjà complexes, nous nous accomoderons de cette redondance purement formelle. 25 Il faut toutefois noter que si le procédé de stigmatisation permet un raisonnement sur les violations passées dans la couche cognitive (doxastive) de l'agent PAw, il ne permet pas toujours de fonder des normes sur ces violations. L'utilisation de normes contrary-to-duties, par exemple, est donc limité par le dynamisme du contexte normatif. 123 Utilisation de la logique DLP donc cette situation de la manière suivante en SDL :
actionType(ProcessID, ActionType) H¬informActionType(self, Client, wGroupReg ProcessID, ActionType) (perform(self, ProcessID), δ) → F orself owner(ProcessID, DataID, Client) date(δ) ∧ X 7∗24 δ
(
4.80
) 2. Le client a été informé il y a moins d'une semaine : la norme interdit alors que le traitement ait lieu avant un certain délai, dépendant de la date à laquelle le client a été informé. Si l'on considère que l'agent a toujours été conscient de cette norme, alors on sait qu'à cause du premier cas de figure, une obligation maintenue a été générée et qu'il existe une obligation immédiate de procéder au traitement (et ce jusqu'à une semaine après l'information du client). Cependant, si la norme est récente (i.e. si la base de normes a été réinitialisée il y a moins d'une semaine), aucune obligation maintenue n'a été générée. Il paraı̂t donc prudent ici de générer automatiquement une interdiction immédiate, même si potentiellement redondante avec la précédente formule : actionType(ProcessID, ActionType)
P informActionType(self, Client,
ProcessID, ActionType)
w
Group
Reg
perform(self, ProcessID)
→ F orself
−7
∗24 − X H
¬informActionType
(
self, Client,
ProcessID
, Action
Type)
owner(ProcessID, Data
ID
, Client) (4.81) 3. Le client a été informé il y a une semaine ou plus : la norme n'interdit plus la mise en oeuvre du traitement. Il paraı̂trait donc naturel dans ce cas de générer une permission immédiate de procéder au traitement. Néanmoins, dans certains cas de figure cela pourrait amener à l'inconsistance du système. En effet, si le traitement en question utilise les données de deux clients et que seul le premier a été informé dans les temps, alors la norme engendrera à la fois une interdiction et une permission sur la même formule. Afin que l'agent puisse raisonner convenablement dans les cas plus complexes, nous nous contenterons donc de ne générer aucune notion déontique dans ce cas d'espèce, qui ne sera donc pas représenté par une formule DLP. Ainsi, dans le cas simple où un seul client, correctement informé, est concerné, la permission (et même la gratuité) de l'action pourra être dérivée au besoin par une négation par l'échec. Dans le cas complexe que nous avons évoqué, l'agent ne verra qu'une interdiction et aucune permission : le système logique restera cohérent et lui interdira de procéder au traitement26.
La norme vue comme une obligation
La manière complémentaire de considérer cette norme est de la voir d'un point de vue plus téléologique : si l'agent a déjà pour but de procéder au traitement dans un futur identifié, alors la norme lui dicte une obligation d'informer le client. Il peut donc être intéressant de générer des formules d'obligation dans les cas où celles-ci font sens, et ce même si elles sont redondantes avec 26 Cette prise de position est tout-à-fait cohérente avec la vision philosophique que nous avons des modalités déontiques dans le cadre de l'agent PAw : elles servent à contraindre son comportement. Ainsi, une permission (au sens du dual logique de l'obligation) ne lui donne pas un droit à l'action, elle dénote simplement l'absence d'interdiction.
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PA
les interdictions conditionnelles déjà établies. En effet, suivant les cas il peut être plus pratique pour l'agent de raisonner à partir d'obligations ou d'interdictions. Encore une fois, plusieurs cas sont à considérer : 1. Le client n'a pas été informé et le traitement est prévu à une semaine ou plus dans le futur. Dans ce cas de figure, il faut signifier à l'agent qu'il a l'obligation d'informer le client avant une certaine date limite δ (située une semaine avant le traitement). La formule suivante permet de caractériser cette date limite et de générer une obligation avec échéance27 :
actionType(ProcessID, ActionType) date(δ) F (δ ∧ X 7∗24−1 perform(self, ProcessID)) H¬informActionType(self, Client, ProcessID, ActionType) owner(ProcessID, DataID, Client) wGroupReg (informActionType(self, → Obself Client, ProcessID, ActionType), δ) (4.82)
2. Le client n'a pas été informé et le traitement est prévu à moins d'une semaine dans le futur. Dans ce cas de figure, aucune obligation ne permettra à l'agent de respecter la norme. Le caractère contrevenant de cette intention est déjà caractérisé par la première des interdictions que nous avons générées, nous n'ajoutons donc pas ici de nouvelle formule à la traduction de la norme. 3. Le client a été informé et le traitement est prévu une semaine ou plus après la date de cette information. Ici, l'agent a déjà tout fait pour se conformer aux prescriptions de la norme. Il n'y a pas d'obligation supplémentaire à exprimer, seule une permission pourrait décrire la situation et nous avons déjà vu qu'il est préférable de s'en abstenir. Nous n'ajoutons donc pas de nouvelles formule. 4. Le client a été informé et le traitement est prévu moins d'une semaine après la date de cette information. Encore une fois, aucune obligation ne peut caractériser un comportement de l'agent qui serait compatible avec la norme. Sa violation est caractérisée soit par l'interdiction maintenue qui a été générée à l'instant précédent l'information du client, soit (dans le cas limite d'une réinitialisation récente de la base de normes) par l'interdiction immédiate qui surviendra au moment du traitement. Encore une fois nous n'ajoutons donc pas de nouvelle formule à la traduction.
4.3.3.3 Exemple sur l'axe ✭✭ Consentement ✮✮ Extrait du contrat entre M. Pignon et le groupe W
:
✭✭ L'accord exprès et préalable de M. Pignon est nécessaire à toute
utilisation
qui
pourrait
être
fait
e
de son numéro de compte bancaire.
✮✮ Ici encore, la norme peut être considérée avec deux optiques différentes : ou bien c'est une restriction sur la mise en oeuvre du traitement, ou bien c'est une obligation inhérente à la planification du traitement. Dans le premier cas, on interdit les traitements auxquels M. Pignon 27 Le −1 peut sembler étrange dans l'exposant de l'opérateur X. Il est dû au fait que dans l'opérateur d'obligation avec échéance, δ est une limite stricte alors que la norme précise que l'intervalle de temps entre information et traitement doit être d'une semaine ✭✭ au moins ✮✮, ce qui suggère une inclusion des bornes. Le lecteur pourra vérifier par lui-même d'une part que ce −1 permet de satisfaire à ces exigences, et d'autre part que les autres formules précédemment proposées correspondent bien à cette sémantique temporelle précise de la norme exprimée. 125 n'a pas déjà consenti (traitements dans lesquels son numéro de compte bancaire est impliqué, bien évidemment28 ) : owner(ProcessID, Account, pignon) dataType(ProcessID, Account, Ecom.Payment.Bank.PayerAccountNumber) H¬consent(pignon, self, ProcessID)) wPignonContract → F orself perform(self, ProcessID) (4.83) Dans le second cas, on connaı̂t déjà la date future à laquelle le traitement est prévu. On peut donc générer une obligation avec échéance sur le consentement de M. Pignon. Il est intéressant de noter que l'obligation engage l'agent PAw (self), mais que le consentement est une action de M. Pignon. L'agent PAw devra donc, dans sa couche cognitive de planification, tout mettre en oeuvre pour que M. Pignon donne son consentement dans les temps (faute de quoi c'est bien self, et pas M. Pignon, qui se trouvera en violation de la norme).
δ perform(self, ProcessID) owner(ProcessID, Account, pignon) date(δ) ∧ F dataType(ProcessID, Account, Ecom.Payment.Bank.PayerAccountNumber) wPignonContract → Obself 4.3.3.4 (4.84) (consent(pignon, selfProcessID), δ)
Exemple sur
l'axe ✭✭ Mise à jour ✮✮ Extrait du règlement intérieur du groupe W : ✭✭ Il est obligatoire de fournir aux clients un moyen de communication permettant de faire valoir leur droit de rectification des données personnelles les concernant. ✮✮ Cette norme traite à la fois de l'axe ✭✭ Information ✮✮ et de l'axe ✭✭ Modification ✮✮. Elle illustre bien le type de traitement superficiel des normes en matière de contrôle des données par leurs propriétaires qui a notamment été valorisé en France depuis 1978. La formulation de la norme, exempte de toute notion temporelle, en devient ambiguë : quelle est l'élément déclencheur de l'obligation, sa condition d'application? En fait, à quel moment le client doit-il être informé? Dans la traduction de cette norme, nous choisissons de lever cette ambiguı̈té afin de permettre à un agent PAw de mettre en place un plan d'action de manière déterministe. Nous décidons d'interpréter cette norme comme une obligation d'informer le client avant de lui réclamer une donnée personnelle29. Encore une fois, cette norme peut être vue soit comme une interdiction de réclamer une donnée au client sans l'avoir informé de l'agent à contacter en cas de requête de mise à jour (4.85), soit comme une obligation d'informer le client avant un traitement déjà programmé, si 28 Le type de donnée utilisée ici (comme dans certains autres exemples) est décrit en utilisant la transcription en schéma de données P3P du langage ECML, proposée par le W3C [Wor99]. 29 On pourrait également fonder la condition d'application sur la transmission effective de l'information par le client, mais l'esprit des réglementations en Europe et en France va dans le sens d'une information de l'utilisateur préalable à toute collecte.
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW 126 cela n'a pas encore été fait (4.86).
H − ¬informContact(self, Client, ProcessID, Contact) wGroupReg request(self, Client, ProcessID, DatatType, DataID) → F orself date(δ) F (δ ∧ request(self, Client, ProcessID, wGroupReg (informContact(self, → Obself DatatType, DataID)) Client, ProcessID, Contact), δ) H − ¬informContact(self, Client, ProcessID, Contact) 4.3.3.5 (4.85) (4.86)
Exemple sur l'axe ✭✭ Justification ✮✮ Ordre direct du directeur de la branche ✭✭ Syldavie ✮✮ : ✭✭ Vous n'êtes pas autorisé à utilis
er v
otre
e-mail professionnel pour
des
jeux
en
ligne
.
✮✮ La norme exprimée ici peut se voir soit comme une interdiction de transmettre son e-mail à un tiers mettant en oeuvre
un
service, soit comme l'inter diction de mettre en place un tel service. Ici il nous semble que le chef de service interdit à ses subordonnés d'utiliser de tels services existant sur Internet avec leurs données professionnelles, c'est donc sur le prédicat performatif tell que portera l'interdiction, ici indépendante de toute notion temporelle.
dataType(GameID
,
Email, user.business-info.online.email) wSylChair tell(self, → F orself actionType(GameID, gaming) ThirdParty, GameID, Email) ∨ actionType(GameID
,
gambling
)
(4.87)
4.3.3.6 Exemple sur l'axe ✭✭ Transmission ✮✮ Extrait du règlement intérieur du groupe W : ✭✭ Il est interdit de vendre les adresses de courrier électronique personnelles de nos clients à la société MarxBros Inc. ✮✮ Dans ce cas également on se trouve devant une norme indépendante de toute notion temporelle. Nous ferons donc en sorte de pouvoir déduire des interdictions immédiates, comme dans le cas de l'exemple précédent. Pour rappel, le concept de transmission des informations à la société tierce se modélise en DLP par une mise en relation de deux données utilisées dans deux traitements différents via le prédicat performatif forward. Un souci d'interprétation demeure, celui de la notion de ✭✭ client ✮✮. En effet, le langage DLP ne permet pas d'associer une formule à cette sémantique. D'une manière générale, l'expression de normes très dépendantes de notions liées aux spécificité d'un scénario nécessite de se reposer sur des ontologies ad hoc et d'étendre le langage de prédicats pour les représenter. Nous supposerons donc ici que le schéma propositionnel Client représente l'ensemble des propositions décrivant les agents identifiés comme des clients, et ce par des moyens externes à DLP.
responsible(self, Process1) responsible(marxBros, Process2) wGroupReg forward(Process1, Email1, → F orself dataType(Process1, Email1, (4.88) Process2, Email2) user.home-info.online.email) owner(Process1, Email1, Client) 127
Utilisation de la logique DLP 4.3.3.7 Exemple sur l'axe ✭✭ Rétention ✮✮ Extrait du code du commerce syldave :
✭✭ Il est interdit de conserver le numéro de carte de crédit d'un tiers plus d'une semaine après la transaction pour laquelle elle a été utilisée. ✮✮ Cette norme est relativement simple à traiter. La mise en oeuvre d'un traitement déclenche simplement une obligation avec échéance de détruire (d'oublier) une donnée personnelle30. On remarquera que comme la norme parle de ✭✭ tiers ✮✮, il est nécessaire de s'assurer que ce n'est pas l'agent lui-même qui est le propriétaire de l'information à supprimer. En effet, dans ce cas, l'obligation de suppression ne s'appliquerait pas. perform(
self
,
ProcessID) date(δ) 7∗24+1 X δ
syldavian
Law
(
forget
(
self
,
→ Obself owner
(ProcessID, CreditCard, Tiers
)
(4
.89)
ProcessID, CreditCard),
δ)
¬
owner(ProcessID, CreditCard,
self
)
dataType(ProcessID, CreditCard,
Ecom.Payment.Card.Number) Il nous faut également considérer le cas de figure dans lequel la base de norme a été réinitialisée récemment, mais qu'un traitement utilisant le numéro de carte de crédit d'un client a été réalisé il y a moins d'une semaine. 4.3.4 Synthèse
Nous avons montré comment le formalisme de la logique DLP pouvait être utilisé pour représenter des normes traitant de la protection des données personnelles. Nous avons mis en avant la grande expressivité du langage, permettant la définition d'opérateurs déontiques datés autorisant la représentation correcte de concepts complexes. Nous avons vu comment les politiques P3P pouvaient être utilisées pour extraire des informations sur les traitements, et ainsi servir à la construction de formules DLP, tout en pointant les objectifs différents poursuivis par ce standard W3C. Nous avons enfin montré que les normes exprimées en langage naturel devaient être interprétées par un expert humain afin de limiter leur ambiguı̈té, avant de les traduire de manière satisfaisante en normes DLP. 30 Encore une fois, le +1 dans l'exposant de l'opérateur X est dû au fait que l'échéance de l'opérateur daté est stricte, alors que la norme semble autoriser une conservation des données pendant exactement une semaine.
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW Conflits d'obligations
Comme nous l'avons déjà suggéré, les ensembles de normes DLP provenant d'autorités normatives distinctes peuvent comporter des incohérences, empêchant ainsi un agent cognitif de construire un modèle comportemental adapté de manière déterministe. Nous allons donc maintenant voir comment traiter ce que nous appellerons des conflits d'obligation afin d'arriver à un ensemble de normes cohérent et directement utilisable par l'agent PAw. Nos travaux sur la définition, la détection et l'arbitrage des conflits d'obligations ont été partiellement présentés à l'occasion d'une communication scientifique [PD08c]. 4.4.1 Aperçu d'approches existantes
Plusieurs travaux traitent de la gestion des conflits normatifs. On peut citer les approches de Laurence Cholvy et Frédéric Cuppens sur la résolution des incohérences dans une politique de sécurité hétérogène par la fusion de rôles [CC97], avec une approche fondée sur l'origine des normes [CC98] ou encore par l'algorithme dit de SOL-résolution [Cho99]. Martin J. Kollingbaum, Wamberto Weber Vasconcelos, Andrés Garcı́a-Camino et Timothy J. Norman ont proposé en 2007 une méthode de résolution de conflits normatifs utilisant l'unification logique et la résolution de contraintes [KVGC07]. Comme dans nombre de travaux, les aspects normatifs ne sont pas traités en se basant sur l'inférence déontique modale, et seuls les conflits binaires (mettant en jeu deux normes uniquement) sont traités. Néanmoins, le formalisme proposé, en logique du premier ordre, est suffisamment expressif pour permettre d'exprimer des politiques de résolution complexes et qui pourront être proches de celles que nous proposerons. Récemment, Nir Oren, Michael Luck, Simon Miles et Timothy J. Norman ont présenté une évaluation de plusieurs heuristiques visant à arbitrer des conflits binaires dans des ensembles d'obligations atomiques, représentés comme des problèmes d'argumentation [OLMN08]. Ces travaux comparent trois méthodes, respectivement fondées sur l'abandon aléatoire de normes, la recherche d'extensions préférées et la recherche d'un ensemble non-conflictuel maximal. Les conclusions montrent que cette dernière méthode est celle qui permet de désactiver le moins de normes, et donc potentiellement qui permet à un agent d'éviter le plus grand nombre de violations. 4.4.2 Insuffisance de la notion existante de conflit normatif
Les solutions déjà proposées pour résoudre les conflits normatifs dans un ensemble de normes ne conviennent pas à notre problème, à cause de l'utilisation que nous faisons des normes, incompatible avec la notion de conflit telle qu'elle est couramment utilisée. Dans tous les travaux existants, le conflit normatif est défini sur la base de l'inconsistance d'un système de logique déontique fondé sur une axiomatique KD. Ceci veut notamment dire que les ensembles de normes suivants sont des conflits normatifs : – Une obligation et une interdiction sur la même formule : {Ob φ, Ob ¬φ} ⊥ ; – Une interdiction et une permission sur la même formule : {F orφ, P er φ} ⊥ ; – Une obligation et sa négation (ce qui revient au même que le cas précédent) : {Ob φ, ¬Ob φ} ⊥. Le premier exemple est absolument indiscutable. Un agent obligé à la fois à une chose est son contraire est dans une situation inextricable, il n'a aucun moyen de dériver un plan d'action cohérent en se fondant sur l'ensemble de normes qui lui est fourni. Il est dans une situation de 129 Conflits d'obligations dilemme, et c'est ce terme que nous utiliserons pour désigner ce type de problème31. Les deux derniers exemples sont plus discutables dans le cas d'une application de la logique déontique à un agent PAw. Supposons qu'une autorité ν1 autorise l'agent à utiliser une information donnée alors qu'une autorité ν2 le lui interdise. L'agent ne se trouve pas alors dans une situation désespérée, même d'un point de vue strictement logique. Tout d'abord, nous avons vu que comme les modalités d'obligation sont différenciées par autorité normative, nous pouvons représenter cette situation sans déclencher l'incohérence du système, puisque les deux opérateurs Obaν1 et Obνa2 sont indépendants (aucun axiome ne les lie l'un à l'autre). D'un point de vue pratique ensuite, il reste un moyen à l'agent PAw de respecter l'ensemble des normes formulées : il lui suffit de ne pas utiliser l'information en question. Il respecte bien ainsi l'obligation et ne viole pas la permission. En effet, une permission ne peut être violée car elle ne contraint pas le fonctionnement de l'agent. 4.4.3 Définitions 4.4.3.1 Conflits normatifs
En logique DLP, nous considérons qu'il y a conflit normatif dans les cas restreints où une autorité en particulier devient incohérente. Ces cas engendrent forcément l'inconsistance du système, mais la définition suivante vise à se limiter aux inconsistances dues aux notions normatives. En effet, une formule strictement temporelle peut rendre le système inconsistant mais cela ne doit pas pour autant être considéré comme un conflit normatif. Définition 4.7 (Conflits normatifs en DLP). Un ensemble de formules DLP contient un conflit normatif si et seulement si : – Il permet de dériver ⊥ à l'aide de l'axiomatique de la logique DLP ; – Dans toute dérivation possible de ⊥ à partir de cet ensemble, l'un des axiomes (Obνa -K) ou (Obνa -D) est impliqué. 31 La précision lexicale a ici son importance. Certains auteurs réservent le terme de dilemme à l'obligation simultanée d'une formule et de sa négation, comme nous ici, alors que d'autres l'utilisent pour couvrir toute situation donnant lieu à une inconsistance en logique déontique standard.
Conflits d'obligations
La définition qu'il nous faut poser pour le conflit d'obligations doit donc respecter les deux principes que nous avons intuitivement dégagés : les dilemmes sont des conflits d'obligations, mais les conflits normatifs reposant nécessairement sur des permissions n'en sont pas. Pour arriver à ce résultat, nous utilisons une logique de transition, que nous nommerons DLP+. Dans la logique DLP, les conflits d'obligations ne devront pas déclencher l'inconsistance du système. Par contre, nous construirons logique DLP+ de manière à rendre le nouveau système inconsistant en cas de conflit d'obligations. Ainsi, la caractérisation des conflits d'obligations pourra être décrite ainsi : si un ensemble de normes est consistant en DLP mais inconsistant en DLP+, alors il comporte un conflit d'obligations. Définition 4.8 (Logique DLP+). La logique DLP+ est définie de la même manière que la logique DLP, et augmentée de l'axiome d'absence de conflit d'obligations : n ^ ν Obνai φi → P erai+1 n ^ φi (DLP+-AC) i=1 i=1 Ce schéma axiomatique, qui est une adaptation de celui présenté en 2005 par Philippe Balbiani [Bal05] permet de couvrir les conflits mettant en cause deux autorités, mais également davantage. 4.4.4 Détection des conflits d'obligations
Nous avons donné une caractérisation purement formelle, axiomatique des conflits d'obligations. Si nous supposons disposer d'une procédure permettant de décider la satisfaisabilité d'une formule du langage (⊥ en l'occurence), alors nous savons théoriquement détecter les conflits d'obligations, ainsi que l'incohérence d'une autorité normative. Cependant, cette hypothèse implique que la procédure en question prenne en compte tous les axiomes et règles d'inférence des logiques modales entrant en jeu dans DLP, ce qui n'est pas chose facile. En effet, la décidabilité 131 Conflits d'obligations n'est pas acquise (même si elle reste fortement plausible pour la formule ⊥ en particulier), et la complexité du problème de satisfaisabilité est souvent au minimum PSPACE-difficile. Les logiques déontiques et temporelles dotées d'axiomes de conversion peuvent atteindre des complexités NEXPTIME-complètes. Par conséquent, lorsque nous mettrons en oeuvre une procédure de décision, celle-ci sera sans doute une réduction de cette procédure de décision théorique. Ses capacités d'inférence modale (et donc de détection des conflits d'obligations) seront donc limités. Il nous faudra donc alors caractériser et évaluer cette limitation. 4.4.5 Arbitrage des conflits d'obligations
Nous disposons maintenant des moyens théoriques pour détecter si un ensemble de normes ∆ contient des conflits d'obligations. L'objectif de l'agent PAw à ce stade est alors d'arbitrer ces conflits, c'est-à-dire de décider lesquelles de ces normes doivent être conservées, lesquelles doivent être ignorées et lesquelles, éventuellement, doivent être modifiées, afin d'obtenir un nouvel ensemble de normes ∆′ exempt de conflits. À partir d'un tel ensemble ∆′, l'agent PAw pourrait en effet adapter son comportement de manière cohérente pour respecter les normes, en ayant la garantie de pouvoir n'en violer aucune32. Nous allons maintenant voir comment il est possible de construire un ensemble de normes exempt de conflits, en proposant une procédure d'arbitrage fondée sur une relation entre les différentes autorités normatives du contexte de l'agent PAw.
4.4.5.1 Principe des arbitrages de conflits
S'il existe un conflit d'obligations dans l'ensemble ∆, c'est qu'un ou plusieurs sous-ensembles de ∆ permettent de dériver ⊥ à l'aide des règles d'inférence et des axiomes de la logique DLP+. Nous avons ici intérêt à détecter les sous-ensembles conflictuels minimaux, qui sont tels que si une seule des normes les composant en était retirée, le conflit disparaı̂trait. L'idée générale de l'arbitrage est donc la suivante : pour chaque sous-ensemble conflictuel minimal identifié dans ∆, l'agent PAw choisit de désactiver une norme. Lorsqu'une norme a été désactivée dans chacun de ces sous-ensembles, alors l'agent dispose d'un ensemble ∆′ exempt de conflits d'obligations33. Le point de choix majeur est donc ici la procédure de décision, que nous appelerons politique d'arbitrage, qui permettra à l'agent d'identifier la norme à désactiver dans chacun des sousensembles conflictuels minimaux. Kollingbaum et al. ont mis en lumière trois politiques pouvant être utilisées pour l'arbitrage des conflits normatifs, en se basant sur les pratiques juridiques les plus courantes [KVGC07] : – legis posterior : cette politique stipule que la loi (la norme) la plus récente est prioritaire (et doit donc être conservée) ; – legis specialis : cette politique stipule que la loi la plus spécialisée (celle considérée comme pouvant constituer une exception à une règle générale) est prioritaire ; 32 Ou tout du moins la garantie que si une norme de ∆′ est violée, ce ne sera pas une conséquence des autres normes de l'ensemble. En effet, des circonstances externes pourraient contraindre l'agent PAw à violer certaines normes. L'arbitrage des conflits et l'élaboration d'un ensemble de normes cohérent ne le prémunira pas contre une telle éventualité. 33 Nous ne donnons ici que l'idée générale de l'algorithme d'arbitrage. Une mise en oeuvre complète doit prendre en compte le fait que les sous-ensembles conflictuels minimaux ne sont pas forcément indépendants les uns des autres, et donc procéder à une réévaluation de ces sous-ensembles après chaque désactivation de norme.
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PA
W 132 – legis superior : cette politique stipule que la loi émanant de la plus haute autorité (la norme édictée par l'autorité normative considérée comme la plus importante) est prioritaire. Le formalisme de la logique DLP ne nous autorise pas à mettre en place une politique de type legis posterior, qui supposerait de toute manière que la dernière autorité normative connue aurait priorité sur les autres. Dans un environnement ouvert, où les croyances d'un agent PAw sont limitées et incomplètes, cette politique ne semble de toute manière pas judicieuse. La politique de legis specialis est celle qui est tout naturellement mise en place par défaut dans les logiques défaisables, qui représentent bien la notion d'exception ou de cas particulier [Nut01]. Cependant, il paraı̂t clair qu'un conflit entre plusieurs normes émanant de plusieurs autorités indépendantes ne peut être considéré comme la coexistence d'une règle générale et d'une exception. En effet, la règle d'exception, pour être considérée comme telle, devrait être formulée par la même autorité qui a édicté la règle générale (ou bien par une autorité jouissant auprès de cette dernière d'un statut particulier et reconnu). La politique de legis superior semble plus adaptée à la résolution des conflits d'obligations entre autorités distinctes car elle permet à l'agent PAw de raisonner sur les relations explicites qu'il entretient déjà avec les autorités. Nous pensons qu'un agent humain, placé dans la situation d'un conflit d'obligations, aura sans doute tendance à se fonder sur l'importance de l'autorité de la norme pour en déduire sa priorité, privilégiant par exemple la loi de son pays d'origine à la loi d'un pays étranger, ou une clause contractuelle à un texte réglementaire, et ce selon sa sensibilité et sa relation aux diverses autorités normatives en jeu34. Il nous faut donc définir, à l'aide d'une nouvelle relation binaire que nous appelerons prévalence normative, le fait qu'une autorité soit considérée par un agent PAw comme plus importante qu'une autre. 4.4.5.2 Notion de prévalence normative
Nous introduisons donc le concept de prévalence normative, que nous notons à l'aide de l'opérateur ✁a. Définition 4.10 (Prévalence normative). On dit qu'une autorité normative ν1 prévaut, pour l'agent a, sur l'autorité normative ν2 (et on notera ν1 ✁a ν2 ), lorsque l'agent considère que les normes émanant de l'autorité ν1 doivent être respectées prioritairement aux normes émanant de l'autorité ν2. Si l'on considère chaque norme comme étant rattachée à une autorité normative, on pourra également parler, pour des raisons de lisibilité, de la prévalence des normes en se référant à la prévalence des autorités correspondantes. Il est important de noter que la prévalence normative est subjective. Deux agents humains placés dans la même situation de conflit d'obligations ne l'arbitreront pas forcément de la même manière, chacun ayant un point de vue différent sur les autorités du contexte normatif. Pour refléter cette subjectivité, chaque agent PAw dispose de sa propre définition de la relation de prévalence normative, et en conséquence, l'opérateur associé est indexé par l'identifiant de l'agent. L'autonomie de l'agent PAw, que nous avons mise en avant dans notre définition d'un système multi-agent normatif, prend donc corps ici dans la relative liberté dont il dispose dans le cadre de l'arbitrage des conflits. Cette liberté (et cette autonomie) 34 Notons que d'autres politiques pourraient être considérées, fondées par exemple sur des préférences entre actions (pour nous des formules de LDLP ) ou entre mondes sémantiques, comme le suggère Sven Ove Hansson [Han02]. Cela impliquerait toutefois l'existence d'un de vue spécifique de l'agent sur la qualité, l'utilité, la désirabilité d'une action ou d'une situation, ce qui reviendrait à considérer une nouvelle autorité normative. Il semble donc que ce type de politique puisse être simulé par une politique de legis superior appliqué à de plus nombreuses autorités, bien que cette intuition mérite sans doute une étude plus approfondie. 133 Conflits d'obligations n'est que relative, car dans le but que les agissements de l'agent PAw reflètent les intentions de son utilisateur humain (condition nécessaire pour engager la responsabilité juridique de ce dernier, comme le souligne par exemple Manuel Martinez Ribas [Mar03, Mar]), cette relation de prévalence normative est définie par l'utilisateur humain et ne peut être modifiée par l'agent lui-même. ∀ν1, ν2 ∈ N, ν1 ✁a ν2 ou ν2 ✁a ν1 ∀ν ∈ N, ν ✁a ν ∀ν1, ν2, ν3 ∈ N, si ν1 ✁a ν2 et ν2 ✁a ν3 alors ν1 ✁a ν3 (4.93) (4.94) (4.95) Notre hypothèse ne va pas jusqu'à considérer la relation comme un ordre (ce qui impliquerait l'antisymétrie), car on estime que l'on peut mettre deux autorités normatives sur un pied d'égalité. Dans le cadre d'une application distribuée mettant en jeu des agents PAw dépendant de deux États distincts par exemple, les agents peuvent choisir de considérer les deux systèmes législatifs associés comme aussi importants l'un que l'autre. Nous pensons que si l'hypothèse du préordre total doit être attaquée, elle doit l'être en priorité sur la propriété de transitivité, avant de l'être sur son caractère total. En effet, lorsque l'on considère des relations de préférences exprimées par des agents humains, on n'a en général pas de problème à faire exprimer une préférence pour tout couple donné (surtout si l'on autorise la relation de préférence à ne pas être antisymétrique), alors que l'ensemble des couples exprimés ne satisfait pas toujours la propriété de transitivité. C'est un problème comparable à celui que l'on retrouve en théorie de la décision dans le cas des préférences multimodales. Néanmoins, cette hypothèse de transitivité semble pour l'instant nécessaire au fondement d'une politique d'arbitrage cohérente, qui doit pouvoir identifier les autorités qui sont des minima de la relation de prévalence normative.
4.4.5.3 Pseudo-algorithme d'arbitrage
Nous présentons ici un pseudo -algorithme de principe permettant d'arbitrer les conflits présents dans un ensemble de normes ∆ afin d'obtenir un ensemble ∆′ exempt de conflits (algorithme 1). Cet algorithme utilise une primitive ssensemble conflictuel minimal, qui extrait un sous-ensemble conflictuel minimal à partir d'un ensemble de normes conflictuel. Si, comme on l'a supposé, on peut s'appuyer sur une procédure de décision pour la satisfaisabilité des formules DLP et DLP+, il est aisé de concevoir une version naı̈ve de cette primitive. On utilisera également une primitive de tri, paramétrée par une relation binaire qui sera ici la prévalence normative. Le principe de l'algorithme d'arbitrage est le suivant : on initialise ∆′ à partir de l'ensemble ∆, et pour chaque sous-ensemble conflictuel minimal encore présent dans ∆′, on supprime une norme issue d'une autorité normative de prévalence minimale. On s'assure ainsi que les normes désactivées seront en nombre minimal, et qu'à chaque fois c'est la norme de prévalence minimale qui sera désactivée. Cet algorithme revient donc intuitivement à la recherche d'un ensemble 4.
APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW 134
consistant maximal dans la logique DLP+, assortie d'une politique de priorité utilisant la notion de prévalence. Algorithme 1 arbitrer(∆) Précondition : ∆ est un ensemble fini de formules DLP Postcondition : ∆′ est un ensemble de formules DLP exempt de conflits d'obligations
′ ← ∆
tant que
∆′ DLP + ⊥
faire ListeConflit ← ssensemble conflictuel minimal(∆′ ) ListeConflit ← trier(ListeConflit, ✁a )
∆′ ← ∆′ \{
ListeConflit
[0]}
fin tant que retourner
∆
′ Au sein d'un même sous-ensemble conflictuel minimal, il peut y avoir plusieurs normes issues d'une même autorité. En outre, plusieurs autorités peuvent être de prévalence normative comparable (on peut avoir, pour ν1 et ν2 distincts, ν1 ✁a ν2 et ν2 ✁a ν1 ). Pour ces raisons, le choix de la norme à désactiver n'est pas forcément déterministe : il peut y avoir plusieurs normes de prévalence minimale dans le sous-ensemble conflictuel minimal considéré. On considère alors que le choix de la norme à désactiver est sans importance. Dans le pseudo-algorithme tel qu'il est présenté, ce choix est déterminé par les détails de conception des primitives ssensemble conflictuel minimal et trier. La terminaison de l'algorithme est triviale à démontrer : l'ensemble de départ est fini, et à chaque passage dans la boucle un élément en est retiré. L'ensemble vide étant exempt de conflit, le nombre de passages dans la boucle est donc borné par le cardinal de ∆.
4.4.5.4 Spécificité de la procédure d'arbitrage proposée
Le pseudo-algorithme que nous proposons se distingue de celui proposé par Kollingbaum et al. [KVGC07] en ceci qu'au lieu d'ajouter une à une des formules dans un ensemble initialement vide, on les retire d'un ensemble initialement plein. On perd ainsi un invariant (la cohérence de l'ensemble en cours de construction), mais cela permet de prendre en compte l'inférence modale dans la détection des ensembles conflictuels. En effet, Kollingbaum et al. ne considèrent que des conflits binaires : à chaque inclusion, la formule candidate est comparée deux à deux à toutes les formules déjà présentes pour détecter ces incompatibilités et les arbitrer. Notre pseudo-algorithme, quoique purement théorique pour l'instant, permet de prendre en compte des conflits mettant en jeu un nombre plus élevé de normes, pour lesquels les incompatibilités binaires ne peuvent être détectées qu'après un travail de dérivation. Il serait sans doute possible de mettre en oeuvre notre pseudo-algorithme d'arbitrage à l'aide de celui de Kollingbaum et al., après une phase de génération de nouvelles formules (impliquées dans des conflits binaires) à partir des normes initiales (impliquées dans des ensembles conflictuels). Nous nous situons donc à un niveau d'abstraction supérieur, nous autorisant ainsi à raisonner directement sur les normes originales et non sur leurs conséquences, de manière à pouvoir éventuellement prodiguer à l'utilisateur des explications plus facilement compréhensibles sur les arbitrages. Nous nous plaçons donc dans un modèle compatible avec l'idée défendue par Jan Broersen, Mehdi Dastani, Joris Hulstijn, Zisheng Huang et Leendert van der Torre suivant laquelle la prise en compte des conséquences des obligations exprimées est essentielle à la résolution d'un conflit normatif [BDH+ 01].
Conflits d'obligations 4.4.5.5 Exemple
Nous proposons un exemple simple mettant en oeuvre la procédure d'arbitrage des conflits d'obligations. Dans cet exemple, on considérera des normes édictées sous la forme d'une seule modalité déontique portant sur une formule du fragment temporel de DLP35. Situation Plaçons-nous dans le cas où un agent PAw a considère un traitement process auquel son utilisateur (l'autorité self) lui demande de procéder immédiatement. Ce traitement utilise une donnée data, de type datatype. Cette activité sera représenté dans notre exemple par la variable φ, définie comme suit : perform(a, process
def φ= (4.96) datatype(process, data, datatype)
La requête de l'utilisateur s'exprime donc comme l'obligation Obself φ. Nous représenterons a ensuite par ψ l'éventuelle action de suppression de la donnée data par l'agent a dans le futur : def ψ = F forget(a, process, data) (4.97) Nous supposons dans notre exemple que l'utilisateur interdit à l'agent, pour des raisons qui lui sont propres, de supprimer cette donnée dans le futur. Cette norme se notera donc F oraself ψ. Nous supposons maintenant que l'agent a est placé dans un contexte normatif comprenant une autorité syldavianLaw, représentant la législation syldave, à laquelle l'agent est soumis. Nous supposons que les schémas normatifs de cette autorité permettent dans la situation actuelle syldavianLaw (φ → ψ), imposant à l'agent a de supprimer l'information de dériver la norme Oba mise en cause dès lors que le traitement a eu lieu. Nous introduisons enfin une dernière norme syldavianLaw ¬φ, exprimant le fait que la loi syldave autorise explicitement l'agent a à ne pas P era procéder au traitement.
Détection du conflit
L'ensemble de normes ∆ sur lequel s'appuie l'agent a contient donc les formules suivantes : Obself φ a (4.98) F oraself ψ ObsyldavianLaw (φ → ψ) a syldavianLaw P era ¬φ (4.99) (4.100) (4.101) On peut vérifier très rapidement qu'aucun couple de formules de cet ensemble ne contient de conflit. Par contre, l'ensemble de ces quatre normes, pris globalement, est conflictuel. En effet, si l'on se place dans le cadre axiomatique de DLP+, on peut déduire la formule P eraself (¬φ ∨ ψ), soit ¬Obself (φ ∧ ¬ψ), à partir de (4.100) et de l'axiome (DLP+-AC). D'autre part, à partir a (φ ∧ ¬ψ)36, ce qui constitue une inconsistance avec la de (4.98) et (4.99) on peut dériver Obself a 35 Lorsque nous traiterons la mise en oeuvre de l'algorithme d'arbitrage, nous discuterons des restrictions nécessaires – ou tout du moins utiles – à apporter à la syntaxe des normes afin de les traiter efficacement. 36 (φ ∧ ψ) → (φ ∧ ψ) est en effet un théorème de toute logique modale normale. La démonstration, laissée au lecteur intéressé, part de la tautologie φ → (ψ → (φ ∧ ψ)) et utilise des instances particulières de l'axiome (K) (à savoir, (φ → (ψ → (φ ∧ ψ))) → (φ → (ψ → (φ ∧ ψ))) et (ψ → (φ ∧ ψ)) → (ψ → (φ ∧ ψ))).
4. APPROPRIATION DES NORMES PAR L'AGENT PAW 136
formule précédemment déduite, dont elle est la négation. On peut donc considérer qu'il existe un conflit binaire dans l'ensemble de formules formé de la conséquence de ∆ en DLP+, ce qui est une autre manière de dire que ∆ contient un conflit d'obligations. On pourra aisément vérifier que l'ensemble conflictuel { (4.98), (4.99), (4.100) } ainsi mis en valeur est minimal, l'inconsistance ne pouvant être mise en évidence si l'on retire l'une des trois formules. On notera par contre que l'ensemble { (4.98), (4.101) } ne présente pas de conflit d'obligations, de par le rôle particulier que nous avons donné à la notion de permission. Les axiomes de DLP+ n'aboutissent pas à une contradiction, alors que la plupart des autres systèmes de résolution de conflits normatifs considèreraient ce couple comme inconsistant (car {Ob φ, P er ¬φ} est inconsistant en SDL).
Arbitrage du conflit
Pour arbitrer le conflit afin de construire un ensemble de normes ∆′ exempt de conflits d'obligations, on peut considérer deux cas de figure37 : – Soit la loi syldave a été définie par l'utilisateur comme plus importante que ses propres préférences (syldavianLaw ✁a self) ; – Soit l'utilisateur a défini ses préférences comme prévalant sur la loi syldave (self ✁a syldavianLaw). Dans chacune de ces deux hypothèses, la désactivation d'une seule des trois normes du sousensemble conflictuel minimal identifié rendra le nouvel ensemble exempt de conflits. Dans le premier cas, une des deux normes de l'utilisateur, (4.98) ou (4.99), doit être désactivée. Le pseudo-algorithme d'arbitrage que nous proposons ne permet pas de décider laquelle, c'est donc à l'agent de décider si la suppression des données présente pour lui un risque suffisamment important pour motiver un renoncement au traitement. Dans le cas contraire, qui semble le plus probable, l'agent procèdera au traitement mais supprimera les données, conformément à la loi syldave. Les deux ensembles de normes que l'on peut théoriquement obtenir sont donc les suivants :
F oraself ψ (4.102) ∆′1 = syldavianLaw (φ → ψ) Oba Obself φ a (4.103) ∆′2 = syldavianLaw (φ →
) Oba Dans le second cas, c'est la norme correspondant à la loi syldave qui est ignorée. L'agent procédera au traitement et conservera les données. L'ensemble de normes correspondant est le suivant :
Obself φ a (4.104) ∆′3 = F oraself ψ
4.4.6 Synthèse
Nous avons posé une définition des conflits d'obligations permettant de caractériser, parmi les incohérences du contexte normatif d'un agent PAw, celles qui l'empêchent de construire un modèle de comportement ne violant aucune des normes. Nous avons donné un moyen formel, 37 À cause de la non-antisymétrie de ✁a, on peut également avoir le cas où les deux autorités prévalent mutuellement l'une sur l'autre, elle sont alors sur un même pied d'égalité.
| 8,998
|
036c72d7398d19a8a08c1dea4e9bf3d6_7
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,009
|
Panorama des statistiques de l'OCDE
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,832
| 17,274
|
0.3 1.8 0.9 2.8 0.1 11.9 0.7 5.5 0.4 0.7 1.4 0.0 0.5 3.8 3.7 0.2 2.5 1.0 0.2 3.8 1.0 0.6 0.4 0.9 4.9 0.2 1.4 1.6 0.8 44.8 73.6 0.5 0.9 6.9 1.7 0.8 0.6 9.2 1.0 1.4 2.9 3.6 0.4 1.9 0.8 2.3 0.1 10.2 0.6 4.9 0.3 0.7 1.1 0.0 0.4 3.4 3.1 0.2 2.7 0.9 0.2 3.8 1.4 0.5 0.6 1.1 4.1 0.2 1.3 1.8 0.9 41.7 67.9 0.5 1.1 9.8 2.2 1.2 0.7 8.8 1.1 1.3 2.8 3.7 0.4 1.9 0.7 2.0 0.1 10.5 0.5 4.5 0.2 0.6 0.9 0.0 0.4 3.0 3.1 0.2 3.0 1.1 0.2 3.8 1.4 0.4 0.6 1.1 4.0 0.2 1.2 1.9 0.9 39.5 66.5 0.5 1.2 9.7 2.5 1.2 0.8 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038818 Pays partenaires commerciaux de l’OCDE En pourcentage du total des échanges de marchandises de l'OCDE 2002 2012 Chine, 5.0% Chine, 9.7% Autres pays de l'OCDE, 29.0% Autres pays de l'OCDE, 29.0% OCDE G7, 48.2% OCDE G7, 37.6% Autres pays hors OCDE, 17.8% Autres pays hors OCDE, 23.8% 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933036253 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 83 MONDIALISATION • ÉCHANGES ÉCHANGES EN VALEUR AJOUTÉE Les données sur les échanges en valeur ajoutée offrent des estimations statistiques de la (des) source(s) de la valeur ajoutée (par pays et par secteur) lors de la production de biens et de services qui sont exportés (et importés). L’initiative conjointe de l’OCDE et de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC) sur les échanges en valeur ajoutée (ÉVA)
permet de remédier à ce problème en mesurant la valeur ajoutée par chaque pays dans la production des biens et services
qui sont consommés à l’échelle mondiale.
Définition
La base de données OCDE-OMC comprend un certain nombre
d’indicateurs qui permettent de mieux comprendre la nature
des chaînes de valeur mondiales, ainsi que la façon dont la
valeur est créée et le lieu où elle est créée. Les indicateurs présentés sont élaborés à partir de tableaux d’entrées-sorties à
l’échelle mondiale et offrent pour chaque économie une estimation de la valeur ajoutée totale produite en amont à l’étranger qui résulte de la demande finale intérieure, et de la valeur
ajoutée totale produite en amont dans l’économie considérée
qui résulte de la demande finale étrangère.
La part de la valeur ajoutée étrangère intégrée dans les exportations indique dans quelle mesure les exportations brutes
d’un pays reposent sur une valeur ajoutée qui est produite en
dehors de l’économie considérée (et importée).
La valeur ajoutée locale intégrée dans la demande finale étrangère indique quel est le poids relatif de la valeur ajoutée locale
intégrée, via des exportations finales directes ou des exportations indirectes de produits intermédiaires passant par
d’autres pays, dans la demande des consommateurs finals
étrangers (consommation des ménages, des organisations
caritatives, des administrations publiques et investissement).
La valeur ajoutée étrangère intégrée dans la demande intérieure finale indique quel est le poids relatif de la valeur ajoutée d’origine étrangère qui est intégrée dans les biens et
services finaux (achetés par les ménages, les administrations
publiques, les institutions sans but lucratif au service des
ménages comme produits de consommation ou acquis aux
fins d’investissement).
Comparabilité
Il importe de souligner que les indicateurs présentés dans la
base de données ÉVA sont des estimations. Les statistiques
officielles brutes sur les échanges internationaux produites par
les organismes statistiques nationaux débouchent en effet sur
une incohérence entre les données relatives aux exportations
totales et aux importations totales à l’échelle mondiale,
sachant que cette divergence est encore plus marquée
lorsqu’on examine les échanges bilatéraux entre pays partenaires. Les tableaux d’entrées-sorties à l’échelle mondiale à
partir desquels sont élaborés les indicateurs ÉVA éliminent
naturellement ces écarts, notamment ceux imputables à des
différences de traitement national des réexportations et du
commerce de transit (via des plaques tournantes comme les
Pays-Bas ou Hong Kong, par exemple), afin de donner une
image cohérente des échanges mondiaux. Les exportations et
importations totales des pays pour lesquels des données sont
présentées concordent avec les estimations des comptes nationaux officiels. En revanche, les positions commerciales bilatérales qui figurent ici peuvent différer de celles publiées par les
organismes statistiques nationaux.
En bref
Le contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations a
globalement augmenté au cours des vingt dernières
années, portant la moyenne non pondérée de l’OCDE à
29 %. Néanmoins, on observe des différences marquées
entre les économies à cet égard. La part de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations dépend clairement de
la taille des économies et de leur structure de spécialisation. Les petites économies tendent à se caractériser par
des exportations intégrant une plus forte proportion de
valeur ajoutée étrangère, tandis que les grandes économies se distinguent par une plus grande diversité de l’offre
de biens intermédiaires d’origine locale et sont donc moins
tributaires des importations étrangères de produits intermédiaires.
Pour des pays d’Asie comme la Chine, l’Inde et la Corée en
particulier, mais aussi pour la Pologne, la Hongrie, la
Turquie et le Luxembourg, la part de la valeur ajoutée
étrangère dans les exportations a sensiblement augmenté
depuis le milieu des années 90. Les effets prononcés qu’a
eus la crise économique sur les échanges internationaux
ressortent aussi clairement du tableau, compte tenu de la
baisse de la part de la valeur ajoutée étrangère dans les
exportations brutes entre 2008 et 2009.
84
Sources
• OCDE (2013), Statistiques du commerce international par produit,
Éditions OCDE.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
• OCDE (2013), Interconnected Economies: Benefiting from Global
Value Chains, Éditions OCDE.
Publications statistiques
• OCDE (2013), Statistiques de l’OCDE sur les échanges
internationaux de services, Éditions OCDE.
Publications méthodologiques
• OCDE (2013), OCDE-OMC Note conceptuelle: Trade in value-added:
concepts, methodologies and challenges, Paris, OCDE.
Bases de données en ligne
• OCDE/OMC (2013), OCDE-OMC : Statistiques du commerce en
valeur ajoutée, (Base de données).
Sites Internet
• Mesurer les Échanges en Valeur Ajoutée : Une initiative
conjointe de l’OCDE et de l’OMC, http://oe.cd/tiva-fr.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
MONDIALISATION • ÉCHANGES
ÉCHANGES EN VALEUR AJOUTÉE
Part de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations brutes
En pourcentage
Allemagne
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
Corée
Danemark
Espagne
Estonie
États-Unis
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Islande
Israël
Italie
Japon
Luxembourg
Mexique
Norvège
Nouvelle-Zélande
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République slovaque
République tchèque
Royaume-Uni
Slovénie
Suède
Suisse
Turquie
UE-28
OCDE
Afrique du Sud
Brésil
Chine
Fédération de Russie
Inde
Indonésie
1995
2000
2005
2008
2009
18.7
11.8
27.2
39.0
23.5
15.1
23.7
30.1
20.6
37.2
8.4
26.5
17.8
13.3
26.6
38.4
33.2
28.6
21.9
6.9
42.8
26.5
19.3
17.4
34.7
15.4
28.9
35.6
32.1
20.7
30.7
27.8
23.2
11.2
..
..
11.8
9.7
11.9
10.7
9.7
14.7
24.4
13.5
31.8
42.7
30.9
18.0
32.9
26.2
27.0
50.1
8.9
31.4
24.5
25.3
46.2
50.6
37.2
33.8
25.3
9.9
55.5
31.8
14.7
20.2
38.2
23.3
27.1
48.3
39.2
18.4
37.5
31.6
27.8
15.3
..
..
16.1
11.5
18.8
12.5
12.8
19.3
25.6
13.0
32.3
42.2
25.1
17.6
37.7
32.0
27.8
47.9
11.1
34.1
24.8
24.0
49.1
47.0
38.9
38.0
27.1
13.8
56.9
30.7
14.5
19.6
34.4
30.7
26.4
48.0
40.6
20.3
41.1
32.8
29.3
20.8
..
..
16.6
13.0
36.4
8.2
19.5
17.8
27.8
13.9
35.3
40.4
21.3
20.7
43.4
33.9
24.9
38.2
14.6
36.7
27.3
25.8
45.0
45.6
35.7
34.9
22.8
19.4
59.5
30.6
14.8
21.4
36.7
30.6
35.5
48.4
39.8
18.9
39.0
35.0
30.4
26.3
..
..
21.1
11.5
33.3
7.4
23.7
17.4
26.6
12.5
31.6
35.0
19.5
18.5
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20.7
33.2
11.3
33.8
24.8
23.2
39.9
42.3
36.6
30.6
20.1
14.8
58.9
30.3
15.3
18.4
35.9
27.9
32.4
44.4
39.4
17.3
34.4
33.6
28.5
21.8
..
..
16.5
9.0
32.6
6.9
21.9
14.4
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038837
Valeurs ajoutées domestiques et étrangères
En pourcentage du PNB, 2009
Valeur ajoutée domestique contenue dans la demande finale étrangère
Valeur ajoutée étrangère contenue dans la demande finale domestique
70
60
50
40
30
20
10
0
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933036272
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
85
MONDIALISATION • ÉCHANGES
ÉCHANGES EN VALEUR AJOUTÉE : RÔLE DES BIENS INTERMÉDIAIRES
ET DES SERVICES
Les données sur les échanges en valeur ajoutée (ÉVA) soulignent
l’importance que revêtent dans de nombreuses économies les
importations intermédiaires utilisées pour produire des biens et
services destinés à l’exportation. Elles mettent en évidence la
nécessité d’avoir accès aux productions intermédiaires les plus
efficientes – qu’elles soient d’origine locale ou importées – pour
être compétitif sur les marchés internationaux, et le fait que les
droits de douane prélevés sur les importations peuvent nuire à la
compétitivité des exportateurs des secteurs d’aval. Ces données
soulignent également le rôle crucial joué par les services d’amont
dans la production des biens exportés et, par conséquent,
l’importance de garantir l’accès des producteurs aux services les
plus efficients (qu’ils soient, là encore, fournis par des entreprises
nationales, par des filiales étrangères ou sous forme d’importations directes).
Définition
Les produits intermédiaires réexportés correspondent à la part
des importations intermédiaires qui sont utilisées (indirectement
et directement) pour produire des biens et services destinés à
En bref
Dans la plupart des économies, environ un tiers des importations intermédiaires est destiné au marché d’exportation.
Comme on pouvait s’y attendre, plus la taille d’une économie est réduite, plus cette part est élevée. Néanmoins,
même aux États-Unis et au Japon, les deux pays de l’OCDE
pour lesquels cette proportion est la plus faible, elle s’établit
respectivement à 17 % et 23 % à l’échelle de l’ensemble de
l’économie, sachant que ces pourcentages sont nettement
plus élevés pour certains produits importés. Ainsi, au Japon,
près de 40 % de toutes les importations intermédiaires de
matériel de transport sont intégrés in fine dans les exportations.
Dans d’autres pays, la part des importations intermédiaires
intégrées dans les exportations est sensiblement plus élevée. En Hongrie, par exemple, deux tiers de l’ensemble des
importations intermédiaires sont destinés au marché
d’exportation après avoir subi des opérations de transformation, cette proportion atteignant 85 % pour les importations intermédiaires de produits électroniques. En Chine, en
Corée et au Mexique, environ trois quarts de l’ensemble des
importations intermédiaires de produits électroniques sont
intégrés dans les exportations. La base de données ÉVA
révèle également que près de 80 % des importations intermédiaires chinoises de produits textiles sont intégrés in fine
dans des exportations.
Les services représentent environ deux tiers du PIB dans la
plupart des économies développées. Pourtant, en termes
bruts, les échanges déclarés de services représentent à
peine plus d’un quart du commerce total de biens et services des pays de l’OCDE. La prise en compte de la valeur
ajoutée imputable aux services dans la production de biens
montre cependant que le secteur des services contribue à
hauteur de plus de 50 % aux exportations totales des
États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et
de l’Italie, et à hauteur de près d’un tiers dans le cas de la
Chine, la part des services – fournis tant par des prestataires
étrangers que nationaux – dans les exportations étant significative (généralement un tiers) pour tous les produits
manufacturés.
86
l’exportation, en pourcentage des importations intermédiaires
totales (par catégorie d’importations).
La valeur ajoutée totale imputable aux services locaux intégrée
dans les exportations brutes mesure la contribution totale du secteur des services aux exportations en termes de valeur ajoutée,
que celle-ci corresponde à des exportations directes de services
ou qu’elle soit intégrée dans des exportations de biens dont la
production fait appel à des services intermédiaires. Les données
relatives à l’indicateur présenté sont ventilées en deux catégories,
permettant de distinguer la valeur ajoutée attribuable aux exportations directes de services et celle intégrée dans les exportations
de biens.
Comparabilité
Il importe de souligner que les indicateurs présentés dans la base
de données ÉVA sont des estimations. Les statistiques officielles
brutes sur les échanges internationaux produites par les organismes statistiques nationaux débouchent en effet sur une incohérence entre les données relatives aux exportations totales et
aux importations totales à l’échelle mondiale, sachant que cette
divergence est encore plus marquée lorsqu’on examine les
échanges bilatéraux entre pays partenaires. Les tableaux
d’entrées-sorties à l’échelle mondiale à partir desquels sont élaborés les indicateurs ÉVA éliminent naturellement ces écarts,
notamment ceux imputables à des différences de traitement
national des réexportations et du commerce de transit (via des
plaques tournantes comme les Pays-Bas ou Hong Kong, par
exemple), afin de donner une image cohérente des échanges
mondiaux. Les exportations et importations totales des pays pour
lesquels des données sont présentées concordent avec les estimations des comptes nationaux officiels. En revanche, les positions commerciales bilatérales qui figurent ici peuvent différer de
celles publiées par les organismes statistiques nationaux.
Sources
• OCDE (2013), Statistiques du commerce international par produit,
Éditions OCDE.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
• Beltramello, A., K. De Backer et L. Moussiegt (2012), "The export
performance of countries within global value chains (GVCs)", OECD
Science, Technology and Industry Working Papers, No. 2012/02.
• De Backer, K. et N. Yamano (2012), "International comparative
evidence on global value chains", OECD Science, Technology and
Industry Working Papers, No. 2012/03.
• OCDE (2013), Interconnected Economies: Benefiting from Global Value
Chains, Éditions OCDE.
Publications statistiques
• OCDE (2013), Statistiques mensuelles du commerce international,
Éditions OCDE.
Publications méthodologiques
• OCDE (2013), OCDE-OMC Note conceptuelle: Trade in value-added:
concepts, methodologies and challenges, Paris, OCDE.
Bases de données en ligne
• OECD/OMC (2013), OCDE-OMC : Statistiques du commerce en valeur
ajoutée, (Base de données).
Sites Internet
• Mesurer les Échanges en Valeur Ajoutée : Une initiative
conjointe de l’OCDE et de l’OMC, http://oe.cd/tiva-fr.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
MONDIALISATION • ÉCHANGES
ÉCHANGES EN VALEUR AJOUTÉE : RÔLE DES BIENS INTERMÉDIAIRES ET DES SERVICES
Intermédiaires réexportés en pourcentage du total des importations de biens intermédiaires
En pourcentage pour les industries selectionnés, 2009
Transport et
Textiles, articles
Production du bois, Produits chimiques et Métaux de base et
Véhicules
Agriculture, chasse, Produits alimentaires,
Machines et matériel
entreposage, postes Activités du secteur
d'habillement, cuir et papier et du carton, produits minéraux
fabrication
automobiles et
sylviculture et pêche boissons et tabac
d'équipement
et
des entreprises
chaussures
imprimerie et édition non métalliques d'ouvrages en métaux
matériels de transport
télécommunications
Allemagne
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
Corée
Danemark
Espagne
Estonie
États-Unis
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Islande
Israël
Italie
Japon
Luxembourg
Mexique
Norvège
Nouvelle-Zélande
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République slovaque
République tchèque
Royaume-Uni
Slovénie
Suède
Suisse
Turquie
UE-28
OCDE
Afrique du Sud
Brésil
Chine
Fédération de Russie
Inde
Indonésie
26.0
27.6
46.5
57.4
34.9
35.9
21.8
60.4
20.0
62.8
15.0
27.9
31.6
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42.1
85.3
55.7
19.4
21.8
5.4
77.7
13.8
34.2
54.1
73.3
32.1
24.8
48.8
34.0
23.5
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35.1
45.1
11.9
..
..
19.6
20.7
44.1
11.1
18.1
16.8
25.2
21.4
38.3
48.5
26.9
32.5
16.7
49.3
14.5
49.1
9.6
20.7
22.5
8.3
37.7
64.2
41.9
17.1
17.3
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14.8
36.1
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41.5
30.0
16.7
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22.4
38.5
10.9
..
..
19.4
16.5
32.1
8.7
17.6
15.1
49.1
20.0
71.9
69.2
34.4
19.9
50.2
59.2
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36.1
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62.0
85.3
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34.7
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..
..
23.6
11.7
80.6
18.9
33.1
38.0
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14.2
52.8
43.2
25.4
41.6
35.1
32.5
23.8
61.7
12.4
34.1
26.4
14.7
47.4
63.6
21.7
43.6
29.0
12.2
81.7
30.8
19.6
29.6
40.3
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60.5
45.7
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..
22.9
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49.2
22.0
27.4
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56.7
21.8
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22.1
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31.0
42.3
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72.9
42.0
36.6
63.1
60.5
32.3
59.5
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..
24.3
16.4
49.1
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29.0
62.3
59.6
36.4
72.4
27.5
52.7
47.1
21.7
69.9
49.8
43.0
42.4
52.0
38.6
88.8
45.0
62.8
37.3
63.8
59.3
51.5
73.4
68.6
53.5
76.9
69.6
74.0
50.2
..
..
34.0
19.3
52.3
37.5
19.8
10.7
64.5
25.2
64.9
63.3
38.9
32.7
54.5
54.2
26.5
63.2
18.8
49.6
43.4
22.5
72.7
50.4
40.5
29.4
41.6
32.1
80.9
53.6
51.8
26.6
59.2
43.6
34.4
67.9
55.5
35.6
62.3
60.6
63.2
28.3
..
..
34.4
18.4
48.8
32.1
37.5
33.3
68.3
19.1
78.2
83.1
57.5
31.0
54.2
59.3
44.5
56.2
19.5
48.3
63.1
27.4
74.2
60.7
34.8
38.6
37.7
38.3
86.9
56.9
33.7
24.0
63.3
59.5
74.4
83.4
70.9
35.0
77.3
66.8
50.2
42.4
..
..
26.2
13.9
37.9
24.0
27.7
16.2
42.8
18.2
41.6
50.4
20.9
33.4
49.0
71.8
29.1
59.3
10.7
33.5
27.1
45.3
45.7
69.3
34.8
33.2
24.0
12.6
87.8
29.1
43.9
27.7
39.3
34.7
34.6
40.3
38.8
23.2
47.9
39.1
46.1
23.6
..
..
32.2
10.6
37.7
23.6
20.2
16.3
36.1
13.6
49.8
42.7
21.1
28.3
43.6
27.0
21.0
46.2
9.6
60.6
24.2
15.8
43.5
71.3
47.8
51.3
23.8
9.1
75.7
18.2
34.3
27.3
46.1
28.3
23.1
38.0
31.8
21.3
32.1
44.7
49.1
17.6
..
..
15.9
9.1
42.1
17.1
41.2
10.8
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038856
Valeur ajoutée domestique directe provenant du secteur des services contenue
dans les exportations brutes
En pourcentage des exportations brutes
% Valeur ajoutée étrangère provenant du secteur des services contenue dans les exportations
% Valeur ajoutée domestique indirecte provenant du secteur des services contenue dans les exportations brutes (provenant des intrants domestiques)
% Valeur ajoutée domestique directe provenant du secteur des services contenue dans les exportations
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933036291
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
87
MONDIALISATION • IDE ET BALANCE DES PAIEMENTS
INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER
IDE et balance des paiements
L’investissement direct étranger (IDE) est un élément central
du processus d’intégration économique internationale. L’IDE
crée des liens directs, stables et durables entre les économies.
Il favorise les transferts de technologies et de savoir-faire entre
les pays, et permet à l’économie d’accueil de promouvoir plus
largement ses produits sur les marchés internationaux. L’IDE
représente aussi une source de fonds supplémentaire pour
l’investissement productif, et peut constituer, dans un cadre
d’action publique adéquat, un vecteur important de développement.
Définition
L’IDE se définit comme un investissement réalisé par une
entité résidente d’un pays donné dans le but d’acquérir un
intérêt durable dans une entreprise résidente d’un autre pays.
La notion d’intérêt durable suppose qu’il existe une relation à
long terme entre l’investisseur direct et l’entreprise, et que
l’investisseur exerce une influence notable sur la gestion. Cette
influence est évaluée à l’aune de la participation au capital, qui
doit représenter au moins 10 % des droits de vote.
Les stocks d’investissements entrants à une date donnée
désignent les investissements directs détenus par des nonrésidents dans l’économie déclarante ; les stocks d’investisse-
En bref
L’IDE a reculé en 2012, après deux années consécutives de
reprise. Les sorties d’IDE au niveau mondial ont diminué
de 20 % en 2012 pour s’établir à 1 331 milliards USD, alors
qu’elles avaient augmenté de 20 % en 2010 et 2011, demeurant à un niveau comparable à l’IDE sortant enregistré en
2010 mais bien en-deçà de leur pic historique de 2007
(2 173 milliards USD). Les investisseurs de l’OCDE représentent 74 % environ des sorties mondiales d’IDE
(982 milliards USD), soit une baisse de 23 % par rapport à
2011. Les trois premiers pays investisseurs sont les ÉtatsUnis, le Japon et le Royaume-Uni, qui totalisent 44 % des
sorties mondiales d’IDE. Les investisseurs de l’Union européenne ont réalisé globalement 21 % des sorties mondiales
d’IDE (soit 282 milliards USD), un repli par rapport au pourcentage constant observé depuis 2009 (autour de 30 %) et
un niveau bien inférieur à celui de 2008, lorsque l’UE réalisait à elle seule 51 % de l’IDE sortant au niveau mondial.
En 2012, quatre pays ont accueilli à eux seuls 40 % des
e n t r é e s m o n d i a l e s d ’ I D E : l a C h i n e q u i , av e c
253 milliards USD, se taille la part du lion, les États-Unis
(166 milliards USD), le Brésil (65 milliards USD) et le
Royaume-Uni (63 milliards USD). Les pays de l’OCDE ont
été destinataires de 42 % seulement des entrées mondiales
d’IDE (contre 87 % en 2000), qui se sont établies à
578 milliards USD, soit un repli de 37 % par rapport à 2011.
L’indice de restrictivité de la réglementation de l’IDE de
l’OCDE montre que des différences majeures subsistent
entre les pays eu égard aux restrictions appliquées à
l’investissement direct étranger. Les pays d’Asie et ceux
disposant d’importantes matières premières appliquent
généralement plus de restrictions. Lorsqu’il est combiné à
des indicateurs mesurant d’autres aspects de l’IDE, cet
indice aide à expliquer les différences dans la capacité des
pays à attirer les investisseurs étrangers.
88
ments sortants sont les investissements directs détenus par
l’économie déclarante à l’étranger. Les flux correspondants se
rapportent aux investissements réalisés pendant une période
donnée. Un solde négatif des flux témoigne généralement de
cessions d’actifs ou de remboursements de montants importants au titre de prêts interentreprises.
L’indice de restrictivité de la réglementation de l’IDE de l’OCDE
mesure le caractère restrictif des règles d’un pays en matière
d’IDE, en fonction de quatre types de restrictions : seuils autorisés pour les participations étrangères, mécanismes de filtrage ou d’autorisation, restrictions à l’emploi d’étrangers à
des postes clés et restrictions à l’exploitation.
Comparabilité
La comparabilité des statistiques d’IDE s’est beaucoup améliorée ces dernières années, mais des asymétries demeurent
entre les entrées et les sorties d’IDE.
La composition de l’agrégat UE a varié dans le temps : EU 15
jusqu’en 2003 ; EU 25 entre 2004 et 2006 ; puis EU 27 pour 200712. Les données ne tiennent pas compte des entités à vocation
spéciale (EVS) pour ce qui concerne l’Autriche, la Hongrie, le
Luxembourg (stocks d’IDE uniquement) et les Pays-Bas.
L’indice de restrictivité de la réglementation de l’IDE de l’OCDE
est appliqué à 22 secteurs. Il a été établi à ce jour pour six
exercices : 1997, 2003, 2006, 2010, 2011 et 2012. Les restrictions
sont notées sur une échelle de 0 (secteur ouvert) à 1 (secteur
fermé). L’absence de note correspond à l’absence de restrictions.
Sources
• OCDE (2013), Statistiques de l’OCDE sur l’investissement direct
international (Base de données).
Pour en savoir plus
Publications analytiques
• OCDE (2013), Examens de l’OCDE des politiques de
l’investissement, Éditions OCDE.
Publications statistiques
• OCDE (2010), Measuring Globalisation: OECD Economic
Globalisation Indicators 2010, Éditions OCDE.
Publications méthodologiques
• OCDE (2010), Définition de référence de l’OCDE des
investissements directs internationaux 2008, Quatrième édition,
Éditions OCDE.
Sites Internet
• Investissement international, www.oecd.org/daf/
investissement.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
MONDIALISATION • IDE ET BALANCE DES PAIEMENTS
INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER
Stocks d’IDE sortants et entrants
Millions de dollars des EU
Stocks d'IDE sortants
Stocks d'IDE entrants
1990
1995
2000
2010
2011
2012
1990
1995
2000
2010
2011
2012
Allemagne
130 760
Australie
37 491
Autriche
4 747
Belgique
40 636
Canada
84 813
Chili
..
Corée
..
Danemark
..
Espagne
15 652
Estonie
..
États-Unis
616 655
Finlande
11 227
France
110 121
Grèce
..
Hongrie
..
Irlande
..
Islande
75
Israël
..
Italie
60 195
Japon
201 440
Luxembourg
..
Mexique
..
Norvège
10 889
Nouvelle-Zélande
3 320
Pays-Bas
105 085
Pologne
..
Portugal
..
République slovaque
..
République tchèque
..
Royaume-Uni
236 118
Slovénie
..
Suède
50 720
Suisse
66 087
Turquie
..
Zone euro
..
UE-28
..
OCDE
1 786 030
Afrique du Sud
15 010
Brésil
..
Chine
..
Fédération de Russie
..
Inde
..
Indonésie
..
233 107
60 484
11 832
80 690
118 106
..
..
..
31 037
..
885 506
14 993
204 430
..
278
..
179
758
106 319
238 452
..
..
22 521
7 676
172 348
539
..
139
345
330 665
727
73 143
142 481
..
..
..
2 736 756
23 301
..
..
2 420
..
..
486 750
95 978
24 820
179 773
237 647
11 154
..
73 117
129 192
256
1 531 607
52 109
445 087
5 852
1 279
27 925
663
9 091
180 274
278 441
..
..
22 937
6 065
305 458
1 018
19 793
373
738
923 366
870
123 260
232 176
3 668
..
..
5 410 736
32 325
..
..
20 141
2 609
..
1 365 645
413 525
176 510
873 864
636 712
54 772
143 160
222 242
653 228
5 698
4 273 559
137 662
1 482 281
42 623
20 435
340 110
11 466
68 973
489 654
831 110
176 516
108 717
188 002
16 101
956 025
44 444
66 732
3 334
14 923
1 626 819
8 179
372 955
1 032 802
22 509
..
9 099 676
16 881 287
89 453
191 349
317 210
366 301
96 911
6 672
1 356 021
378 671
189 546
943 201
660 746
74 889
171 530
231 081
656 690
4 729
4 663 142
133 773
1 478 618
48 041
23 861
330 793
11 521
70 815
519 977
955 854
156 644
98 520
207 342
18 843
981 283
52 849
72 225
4 209
13 214
1 696 243
7 821
376 677
1 063 132
27 681
..
9 297 425
17 680 184
78 473
206 187
424 780
361 452
109 519
6 204
1 461 761
424 489
212 269
911 609
715 053
91 847
196 410
248 890
635 605
5 879
5 077 750
151 374
1 540 087
44 960
34 079
379 982
12 165
73 978
559 132
1 037 700
159 322
131 039
236 524
19 019
988 550
57 367
71 253
4 412
15 176
1 793 240
7 387
402 782
1 129 376
29 668
..
9 700 880
18 860 133
..
270 864
502 750
387 217
118 167
12 394
74 067
80 333
11 098
58 388
112 850
..
..
..
65 916
..
505 346
5 132
84 931
..
569
..
147
365
60 009
9 850
..
22 424
12 404
8 065
68 699
109
..
..
..
233 305
..
12 636
34 245
..
..
..
1 460 888
9 198
..
..
..
..
..
104 367
111 310
21 363
112 960
123 182
..
..
..
110 291
..
680 066
8 465
191 433
..
11 304
..
129
5 741
65 347
33 508
..
41 130
19 836
25 728
115 756
7 843
18 973
1 297
7 350
226 626
2 617
31 089
57 064
..
..
..
2 134 773
15 014
..
..
345
..
..
462 564
118 858
31 165
181 650
212 723
45 753
..
73 585
156 347
2 611
1 421 017
24 272
259 773
14 113
22 856
127 088
497
22 367
121 169
50 322
..
97 170
25 282
28 070
243 730
34 233
32 043
4 761
21 647
463 134
3 278
93 998
86 810
18 812
..
..
4 501 698
43 451
..
..
32 204
20 278
..
943 791
508 794
161 144
950 027
591 873
154 646
134 230
140 250
628 333
16 474
2 623 646
86 697
955 138
35 025
90 780
285 572
11 784
60 237
328 055
214 890
156 589
363 010
174 569
67 706
586 069
215 639
111 685
50 283
128 505
1 162 649
14 598
347 163
617 703
186 980
..
7 569 970
13 104 535
153 133
682 346
1 569 604
490 560
205 603
160 735
927 452
546 024
153 060
1 002 717
586 999
168 338
133 660
140 092
617 031
16 960
2 879 531
89 227
953 938
29 058
84 541
290 479
12 656
65 014
339 250
225 785
180 791
350 977
182 581
73 641
606 956
203 111
111 822
51 290
120 569
1 184 547
15 157
344 100
644 912
134 665
..
7 643 400
13 466 932
134 350
695 103
1 906 908
454 949
206 454
185 804
980 687
604 257
164 380
968 338
636 972
201 300
147 230
145 958
627 661
19 349
3 057 326
96 636
997 854
24 763
102 512
339 727
10 065
74 403
363 677
205 754
117 436
402 949
211 764
81 358
611 231
235 113
117 149
55 810
136 443
1 341 827
15 467
378 344
665 596
183 736
..
8 034 994
14 323 071
..
718 870
2 159 551
497 820
226 370
211 900
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038875
Stocks d’IDE
En pourcentage du PIB, 2012 ou dernière année disponible
IDE sortants
250
IDE entrants
310
200
150
100
50
0
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933036310
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
89
MONDIALISATION • IDE ET BALANCE DES PAIEMENTS
INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER
Flux entrants et sortants d’investissement direct
Millions de dollars des EU
Flux sortants d'investissement direct
Flux entrants d'investissement direct
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Allemagne
170 650
Australie
16 972
Autriche
39 034
Belgique
80 141
Canada
64 621
Chili
2 573
Corée
19 720
Danemark
20 624
Espagne
137 078
Estonie
1 746
États-Unis
414 039
Finlande
7 202
France
164 341
Grèce
5 247
Hongrie
3 622
Irlande
21 150
Islande
10 181
Israël
8 604
Italie
90 795
Japon
73 545
Luxembourg
73 364
Mexique
8 256
Norvège
10 442
Nouvelle-Zélande
3 702
Pays-Bas
55 618
Pologne
5 410
Portugal
5 494
République slovaque
600
République tchèque
1 621
Royaume-Uni
325 473
Slovénie
1 865
Suède
38 811
Suisse
51 036
Turquie
2 106
Zone euro
..
UE-28
1 252 662
OCDE
1 935 681
Afrique du Sud
2 966
Brésil
7 067
Chine
17 155
Fédération de Russie
44 927
Inde
17 281
Indonésie
4 675
72 617
33 921
29 395
220 595
79 236
8 041
20 251
13 264
74 573
1 112
329 080
9 279
154 747
2 413
2 230
18 912
-4 206
7 210
66 870
127 981
11 737
1 157
20 376
-239
68 202
4 413
2 736
529
4 322
182 437
1 465
31 298
45 312
2 549
..
977 925
1 643 813
-3 134
20 457
56 742
56 736
19 257
5 900
69 647
15 470
10 007
7 527
39 660
7 256
17 197
6 320
13 072
1 549
310 383
5 681
107 142
2 055
1 885
26 617
2 291
1 695
21 277
74 698
6 709
9 604
19 159
-308
34 473
4 701
817
905
950
39 325
260
25 910
26 428
1 554
..
387 322
911 915
1 151
-10 084
43 890
34 450
15 928
2 249
121 533
24 957
9 995
24 538
34 721
8 331
23 278
-109
37 846
142
301 079
10 168
64 576
1 558
1 149
22 350
-2 357
9 088
32 657
56 276
20 842
15 050
23 238
591
68 345
7 228
-7 494
946
1 168
39 489
-212
20 193
79 342
1 464
..
477 943
1 051 965
-76
11 589
57 954
41 116
15 346
2 664
52 215
13 814
21 896
96 875
52 144
19 539
20 355
13 347
36 611
-1 454
409 005
5 016
59 609
1 774
4 682
-1 166
23
5 329
53 677
114 300
9 053
12 636
26 514
2 520
41 049
8 169
14 919
491
-328
106 663
118
28 207
53 500
2 349
..
553 875
1 283 451
2 785
-1 029
48 400
48 635
12 608
7 713
66 951
13 430
15 310
-33 820
55 457
20 063
23 627
5 386
-4 081
952
388 293
7 546
37 210
678
11 152
18 526
-3 197
2 352
29 767
122 515
9 688
23 404
20 766
-509
4 352
728
1 916
-74
1 343
77 723
-273
30 511
30 081
4 074
..
281 828
981 844
4 369
-2 832
62 400
28 423
8 553
5 422
80 223
45 530
31 159
93 448
116 809
12 534
1 784
11 815
64 277
2 725
221 166
12 455
96 240
2 112
5 447
24 712
6 822
8 798
40 209
22 548
-28 265
31 552
7 993
3 440
119 406
23 582
3 063
3 583
10 446
200 068
1 515
28 849
32 446
22 047
..
856 720
1 360 535
5 695
34 585
156 249
54 468
25 483
6 929
8 093
46 801
6 845
193 575
61 520
15 150
3 311
1 827
76 843
1 729
310 091
-1 142
64 060
4 490
6 313
-16 421
917
10 877
-10 814
24 417
11 195
27 729
10 237
4 984
4 540
14 833
4 656
4 685
6 449
88 678
1 944
36 855
15 137
19 504
..
538 522
1 059 904
9 007
45 058
171 535
75 856
43 407
9 318
22 461
27 472
9 304
60 966
22 733
12 911
2 249
3 942
10 406
1 839
150 443
718
24 216
2 435
1 997
25 717
86
4 438
20 078
11 938
20 667
16 605
16 637
-1 293
38 612
12 936
2 707
-6
2 929
76 375
-653
10 034
28 945
8 409
..
359 860
649 252
5 696
25 949
131 057
27 752
35 597
4 878
57 432
36 685
838
77 020
28 399
14 244
1 094
-11 549
39 875
1 600
205 851
7 359
33 628
330
2 204
42 807
246
5 510
9 179
-1 251
35 661
22 563
17 043
636
-7 325
13 879
2 646
1 770
6 147
50 587
359
-64
32 161
9 036
..
371 722
736 597
1 228
48 506
243 703
31 668
27 396
13 771
48 982
66 076
10 628
119 130
39 667
22 096
4 661
12 712
26 841
341
230 224
2 552
38 582
1 144
5 856
23 566
1 108
10 765
34 355
-1 758
13 302
23 553
19 617
4 312
19 924
20 652
11 160
2 145
2 323
51 133
999
9 262
23 854
16 047
..
465 500
915 808
6 004
66 661
280 000
36 868
36 498
19 242
6 567
56 422
5 762
-36 603
43 034
29 296
4 999
1 309
27 063
1 517
166 411
3 553
25 094
1 741
13 786
38 329
1 087
9 482
16 026
1 730
-1 690
15 453
12 732
2 201
11 661
6 067
8 919
2 827
10 614
62 683
-59
16 149
1 177
12 519
..
230 349
577 857
4 572
65 263
253 400
30 188
23 996
19 404
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038894
Flux des investissements directs
Milliards de dollars des EU, 2012
IDE sortants
140
IDE entrants
253
282 388 982
230 166 578
120
100
80
60
40
20
0
-20
-40
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933036329
90
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
MONDIALISATION • IDE ET BALANCE DES PAIEMENTS
INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER
Indice de restrictivité de la réglementation de l’IDE
2012
Allemagne
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
Corée
Danemark
Espagne
Estonie
États-Unis
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Islande
Israël
Italie
Japon
Luxembourg
Mexique
Norvège
Nouvelle-Zélande
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République slovaque
République tchèque
Royaume-Uni
Slovénie
Suède
Suisse
Turquie
UE-28
OCDE
Afrique du Sud
Brésil
Chine
Fédération de Russie
Inde
Indonésie
Total index IDE
Secteur primaire
Industries
manufacturières
0.023
0.128
0.106
0.040
0.173
0.057
0.143
0.033
0.021
0.018
0.089
0.019
0.045
0.032
0.029
0.043
0.167
0.118
0.052
0.265
0.004
0.225
0.085
0.240
0.015
0.072
0.007
0.049
0.010
0.061
0.007
0.059
0.083
0.059
..
0.076
0.055
0.101
0.407
0.180
0.280
0.318
0.069
0.078
0.150
0.035
0.198
0.150
0.250
0.056
0.011
0.023
0.181
0.015
0.155
0.079
0.000
0.135
0.241
0.060
0.130
1.000
0.000
0.394
0.156
0.325
0.062
0.050
0.006
0.000
0.025
0.160
0.000
0.138
0.000
0.013
..
0.128
0.010
0.188
0.454
0.157
0.407
0.324
0.000
0.075
0.000
0.023
0.110
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.009
0.000
0.000
0.000
0.000
0.112
0.020
0.000
0.077
0.000
0.103
0.000
0.200
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.023
0.000
0.000
0.000
0.000
..
0.022
0.010
0.025
0.189
0.092
0.053
0.070
Électricité
Distribution
Transport
Média
Communication
0.000
0.075
1.000
0.023
0.110
0.000
0.417
0.000
0.000
0.000
0.197
0.084
0.000
0.000
0.000
0.000
0.562
0.770
0.000
0.000
0.000
0.100
0.000
0.200
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.023
0.000
0.000
0.500
0.000
..
0.119
0.010
0.025
0.463
0.030
0.064
0.110
0.000
0.075
0.000
0.023
0.110
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.009
0.000
0.000
0.000
0.000
0.112
0.020
0.000
0.000
0.000
0.175
0.000
0.200
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.023
0.000
0.000
0.000
0.000
..
0.022
0.010
0.025
0.233
0.050
0.250
0.435
0.200
0.267
0.182
0.114
0.277
0.413
0.508
0.083
0.075
0.150
0.550
0.092
0.150
0.150
0.167
0.125
0.204
0.403
0.200
0.667
0.075
0.528
0.350
0.283
0.083
0.092
0.083
0.075
0.075
0.114
0.150
0.292
0.250
0.383
..
0.230
0.193
0.275
0.633
0.350
0.179
0.423
0.025
0.200
0.000
0.023
0.710
0.188
0.563
0.000
0.225
0.000
0.250
0.009
0.048
0.113
0.000
0.000
0.112
0.264
0.363
0.200
0.000
0.663
0.125
0.200
0.000
0.298
0.000
0.000
0.000
0.248
0.000
0.200
0.467
0.200
..
0.167
0.298
0.550
1.000
0.350
0.395
1.000
0.000
0.400
0.000
0.023
0.575
0.000
0.500
0.000
0.000
0.000
0.110
0.009
0.000
0.000
0.000
0.000
0.112
0.395
0.000
0.480
0.000
0.350
0.000
0.400
0.000
0.075
0.000
0.000
0.000
0.023
0.000
0.200
0.000
0.000
..
0.107
0.010
0.025
0.750
0.100
0.425
0.410
Services financiers Services marchands
0.005
0.133
0.002
0.024
0.077
0.017
0.050
0.002
0.002
0.002
0.042
0.011
0.054
0.020
0.005
0.009
0.119
0.037
0.018
0.000
0.002
0.133
0.067
0.233
0.002
0.003
0.017
0.002
0.010
0.024
0.002
0.002
0.067
0.000
..
0.035
0.052
0.108
0.510
0.432
0.329
0.206
0.000
0.078
0.322
0.248
0.110
0.013
0.000
0.363
0.113
0.000
0.000
0.046
0.003
0.056
0.000
0.000
0.112
0.020
0.000
0.000
0.000
0.100
0.313
0.200
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.023
0.000
0.051
0.000
0.125
..
0.067
0.260
0.025
0.350
0.175
0.563
0.579
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038913
Indice de restrictivité de la réglementation de l’IDE
2012
0.45
Fermé = 1; Ouvert = 0
0.40
0.35
0.30
0.25
0.20
0.15
0.10
Moyenne de l'OCDE
0.05
0.00
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933036348
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
91
MONDIALISATION • IDE ET BALANCE DES PAIEMENTS
BALANCE DES PAIEMENTS
Le solde des opérations courantes correspond à la différence
entre les recettes courantes en provenance de l’étranger et les
paiements courants à destination de l’étranger. Si ce solde est
positif, l’économie pourra utiliser l’excédent pour rembourser
une partie de sa dette extérieure, acquérir des actifs étrangers
ou prêter des fonds au reste du monde. S’il est négatif, ce déficit devra être financé par des emprunts extérieurs, ou par la
liquidation d’avoirs extérieurs acquis antérieurement.
Définition
Les opérations courantes sont constituées des opérations
suivantes : exportations et importations de biens, importations
et exportations de services (voyages, transport international de
marchandises et de passagers, assurances et services financiers, etc.) ; flux de revenus, composés de salaires et traitements, de dividendes, d’intérêts et d’autres revenus
d’investissement (à savoir les revenus de la propriété dans le
système de comptabilité nationale) ; transferts courants, tels
que les transferts des administrations publiques (la coopération internationale), les envois de fonds des travailleurs et
d’autres transferts comme les dons, les héritages, les prix de
loteries.
En bref
Les soldes des opérations courantes en pourcentage du PIB
sont négatifs depuis 2000 pour les pays de l’OCDE suivants
: Australie, République tchèque, Grèce, Italie, Mexique,
Nouvelle-Zélande, Pologne, Portugal, Espagne, RoyaumeUni et États-Unis. La raison tient en partie au mode de traitement des bénéfices des entreprises d’investissement
direct, mais aussi à la crise financière mondiale et à ses
effets persistants sur les flux d’échanges mondiaux. La
balance des investissements de portefeuille ainsi que la
balance des échanges de biens ont eu un impact significatif sur l’évolution des soldes des opérations courantes,
jusqu’à la crise récente qui a frappé l’économie mondiale.
Les pays de l’OCDE qui ont enregistré un excédent de leur
balance des opérations courantes tout au long de la
période de crise (depuis 2007) sont l’Autriche, le Danemark,
l’Allemagne, Israël, le Japon, la Corée, le Luxembourg, les
Pays-Bas, la Norvège, la Suède et la Suisse.
La balance des opérations courantes, selon la moyenne
établie pour la période 2009-12, présente un déficit qui
atteint 5 % du PIB, voire plus, en Grèce, en Islande, au
Portugal et en Turquie. Des excédents de plus de 5 % ont
été enregistrés au Danemark, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède, en Suisse et
dans la Fédération de Russie.
S’agissant des économies émergentes, l’Indonésie a enregistré en 2012 le premier déficit de ses paiements courants
depuis le début de la série statistique, en 2000. La balance
des opérations courantes de l’Afrique du Sud est en déficit
depuis 2002, tandis que celle de la Chine et de la
Fédération de Russie est excédentaire depuis 2000, signe
dans le cas de cette dernière de la bonne santé de ses
exportations de ressources naturelles et, dans le cas de la
Chine, de l’importance de ses exportations manufacturières.
92
Les revenus d’investissement comprennent les bénéfices réinvestis (c’est-à-dire non distribués sous forme de dividendes à
l’investisseur direct) des filiales étrangères. En général, les
bénéfices des entreprises d’investissement direct sont traités
comme s’ils étaient transférés à l’étranger à l’investisseur
direct, la partie qui reste effectivement dans l’économie de
résidence des entreprises d’investissement direct apparaissant
sous la forme d’un revenu d’investissement direct bénéfices
réinvestis (débit) dans les comptes courants et, (avec le signe
opposé) comme des investissements directs étrangers dans le
compte financier.
Comparabilité
Les données sont empruntées aux statistiques de la balance
des paiements, établies conformément à la 5e édition du Manuel
de la balance des paiements (MBP5) du Fonds monétaire international (FMI). Les données concernant l’Australie, le Canada, le
Chili et la Corée (en partie) sont déjà actualisées et présentées
conformément à la nouvelle édition du Manuel (MBP6). D’ici la
fin de 2014, la plupart des pays de l’OCDE seront passés de la 5e
à la 6e édition du Manuel. Le FMI assure un suivi rigoureux des
statistiques de la balance des paiements publiées par ses pays
membres, dans le cadre de réunions régulières de statisticiens
spécialistes de la balance des paiements. Les données sont
donc relativement comparables d’un pays à l’autre.
Étant donné que tous les bénéfices des entreprises d’investissement direct sont considérés comme étant rapatriés vers
l’investisseur direct – alors que ces entreprises peuvent en pratique en conserver une grande partie dans leur économie de
résidence – l’existence d’entreprises de ce type dans une économie tend à réduire le solde de ses opérations courantes.
Il convient aussi de noter que les revenus des investissements
de portefeuille jouent un rôle d’importance croissante dans le
solde des opérations courantes.
Sources
• OCDE (2013), Principaux indicateurs économiques, Éditions
OCDE.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
• OCDE (2012), Les systèmes de financement des crédits à
l’exportation dans les pays membres et les économies non membres
de l’OCDE, Éditions OCDE.
Publications méthodologiques
• Fonds monétaire international (FMI) (2009), Balance of
Payments and International Investment Position Manual, 6ème
édition, FMI, Washington DC.
• OCDE, et al. (2002), Manual on Statistics of International Trade in
Services, Les Nations-Unies.
Bases de données en ligne
• Principaux indicateurs économiques
• Perspectives économiques de l’OCDE : statistiques et projections
Sites Internet
• Sources & méthodes des Perspectives économiques de
l’OCDE, www.oecd.org/fr/eco/perspectives/sources-etmethodes.htm.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014
MONDIALISATION • IDE ET BALANCE DES PAIEMENTS
BALANCE DES PAIEMENTS
Balance des opérations courantes
En pourcentage du PIB
Allemagne
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
Corée
Danemark
Espagne
Estonie
États-Unis
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Islande
Israël
Italie
Japon
Luxembourg
Mexique
Norvège
Nouvelle-Zélande
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République slovaque
République tchèque
Royaume-Uni
Slovénie
Suède
Suisse
Turquie
UE-28
OCDE
Afrique du Sud
Brésil
Chine
Fédération de Russie
Inde
Indonésie
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..
..
| 12,286
|
0bd9dc168cc886ffab57a1287df265d2_3
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 1,999
|
Comparaison de populations de carpe commune (Cyprinus carpio) à taille commerciale : intérêt d'une approche globale
|
None
|
French
|
Spoken
| 4,338
| 5,313
|
S u r la b a s e d e l ' e n s e m b l e d e s p a r a m è t r e s é t u d i é s , d e s d i f f é r e n c e s a p p a r a i s s e n t
e n t r e les d e u x lots i s s u s d e la D o m b e s. C e r é s u l t a t p o u r r a i t ê t r e u n effet de l'âge m a i s
é g a l e m e n t u n e t r a d u c t i o n d e s c o n d i t i o n s d ' é l e v a g e d i f f é r e n t e s p o u r l e s d e u x l o t s. 5. C O N C L U S I O N
Le p o l y m o r p h i s m e
enzymatique apparaît c o m m e
une b o n n e représentation
des
é c h a n g e s génétiques mais ne s e m b l e pas être a d a p t é p o u r caractériser différents stocks
d e c a r p e s . L e s t e c h n i q u e s r é c e n t e s d e la g é n é t i q u e m o l é c u l a i r e f o n d é e s s u r l'étude d e
[ ' A D N m i t o c h o n d r i a l o u l'utilisation d e m i c r o s a t e l l i t e s s u r l ' A D N g é n o m i q u e p o u r r a i e n t p a r
c o n t r e f o u r n i r u n e m e i l l e u r e d e s c r i p t i o n d e la v a r i a b i l i t é g é n é t i q u e.
C o n c e r n a n t l e s a u t r e s p a r a m è t r e s , d e s d i f f é r e n c e s o n t p u ê t r e n o t é e s e n t r e les l o t s
et p e r m e t t e n t s o u v e n t d e s é p a r e r les é l e v a g e s a x é s s u r la p r o d u c t i o n d e c a r p e s ( D o m b e s ,
F o r e z , L o r r a i n e ) et les é l e v a g e s o ù la p r o d u c t i o n d e c a r p e s r e s t e n t e n c o r e s e c o n d a i r e
(Allier, B r e n n e , P o i t o u - C h a r e n t e s ).
U n e a p p r o c h e approfondie intégrant plusieurs critères pourrait s a n s doute permettre
de
préciser
ces
premiers
résultats.
Ainsi,
en
parallèle
à
ce
travail,
une
m o r p h o l o g i q u e d e t y p e g é o m é t r i q u e a p e r m i s d ' a b o u t i r à la d é f i n i t i o n d ' u n
analyse
morphotype
c a r a c t é r i s a n t les c a r p e s d e la D o m b e s ( B O B E , 1 9 9 6 ) . D e m ê m e , u n e relation entre la
m o r p h o l o g i e d e s p o i s s o n s a n a l y s é s a p r è s t r a i t e m e n t a u t o m a t i q u e d e l ' i m a g e d e leur p r o f i l
( m a s q u e ) et leur a p t i t u d e a u f i l e t a g e a p u ê t r e m i s e e n é v i d e n c e ( C I B E R T et al., 1 9 9 9 ).
C e t t e é t u d e illustre l'intérêt d ' u n e a p p r o c h e g l o b a l e d a n s le c a d r e d e la c o m p a r a i s o n
d e d i f f é r e n t e s p o p u l a t i o n s d e c a r p e s et c o n s t i t u e u n e b a s e d e r é f l e x i o n i n t é r e s s a n t e p o u r
l ' é l a b o r a t i o n d u p r o t o c o l e d e t e s t a g e d e s o u c h e s e n v i s a g é d a n s la s u i t e d u p r o g r a m m e.
C e l u i - c i d e v r a i t p e r m e t t r e d e m i e u x é v a l u e r l'effet d e s c o n d i t i o n s d ' é l e v a g e , d é j à s o u l i g n é
p a r c e t t e é t u d e , s u r les p e r f o r m a n c e s d e c r o i s s a n c e et l ' a p t i t u d e à la t r a n s f o r m a t i o n d e s
carpes.
6. R E M E R C I E M E N T S
L e s a u t e u r s t i e n n e n t à r e m e r c i e r le M i n i s t è r e d e l ' A g r i c u l t u r e et d e la P ê c h e , le
M i n i s t è r e d e l ' E n s e i g n e m e n t S u p é r i e u r et d e la R e c h e r c h e et le C o n s e i l r é g i o n a l de la
R é g i o n R h ô n e - A l p e s p o u r la p a r t i c i p a t i o n a u f i n a n c e m e n t d u p r o g r a m m e « A g r i c u l t u r e
D e m a i n » dans lequel prend place notre étude. N o u s remercions é g a l e m e n t toutes les
personnes
F.J.
qui n o u s
MEUNIER,
C.
o n t a s s i s t é t a n t s u r le t e r r a i n q u ' a u
CIBERT,
B.
BROHON
et
Y.
laboratoire,
FERMON.
Enfin,
particulièrement
nous
remercions
— 418 —
Bull. Fr. Pêche Piscic. ( 1999) 355 :403-420
B.
BABOUIN,
Directeur
de
Coopepoisson,
pour
nous
avoir
mis à
disposition
ses
installations, ainsi que J e a n - L u c , pour les opérations de filetage.
7. B I B L I O G R A P H I E
BOBE
J . , 1 9 9 6 . Variabilité m o r p h o l o g i q u e et r e n d e m e n t s d e f i l e t a g e c h e z la c a r p e
c o m m u n e (Cyprinus
carpio) : c a r a c t é r i s a t i o n d e la p o p u l a t i o n d e la D o m b e s à taille
c o m m e r c i a l e . M é m o i r e E N I T A B o r d e a u x , Prix A c a d é m i e A g r i c u l t u r e 1 9 9 6 , 1 0 6 p.
B O U V E T Y., S O E W A R D I K., P A T T E E E., 1 9 9 1 . T h e d i s c r i m i n a t i o n of r o a c h Rutilus
rutilus
(L., 1 7 5 8 ) p o p u l a t i o n s in d i f f é r e n t parts o f a river S y s t e m . A n i n v e s t i g a t i o n
using
b i o c h e m i c a l m a r k e r s . Hydrobiologia,
209, 1 6 1 - 1 6 7.
C A T A U D E L L A S . , S O L A L., C O R T I M . , A R C A N G E L I R., L A R O S A G . , M A T T O C A M.,
COBOLLI-SBORDONI
M . , S B O R D O N I V., 1 9 8 7 . C y t o g e n e t i c , g é n i e a n d
m o r p h o m e t r i c c h a r a c t e r i z a t i o n of g r o u p s of c o m m o n c a r p , Cyprinus
carpio.
S é l e c t i o n , H y b r i d i z a t i o n a n d G e n e t i c E n g i n e e r i n g in A q u a c u l t u r e . T i e w s K. S c h r i f t e n
d e r B u n d e s f o r s c h u n g s a n fur Fischerei Publ. Berlin, Vol 1, 113-130.
C I B E R T C , F E R M O N Y., V A L L O D D., M E U N I E R F.J., 1 9 9 9 . M o r p h o l o g i c a l s c r e e n i n g of
c a r p Cyprinus
carpio : r e l a t i o n s h i p b e t w e e n m o r p h o l o g y a n d fillet y i e l d . Aquat.
Living Resour., 12 (1), 1-10.
C.I.E.,
1 9 7 6 . Colorimetry. Publication n ° 1 5 . Bureau central du Comité International de
l'Eclairage. Vienne, Autriche.
C O O P E R E.F., 1 9 8 7 . C a r p in N o r t h A m e r i c a . Amer. Fish. S o c . B e t h e s t a , M a r y l a n d U S A , 8 4 p.
DE
D R O U I N D E B O U V I L L E M.R., 1928a. Alfred M E U G N I O T (1857-1928)
r e s t a u r a t i o n d e la c a r p i c u l t u r e e n F r a n c e a u d é b u t d u X X
S i è c l e . Bull. Fr.
è m e
e t la
Piscic,
1, 2 - 6.
DE
D R O U I N D E B O U V I L L E M.R., 1928b. Alfred M E U G N I O T (1857-1928)
r e s t a u r a t i o n d e la c a r p i c u l t u r e e n F r a n c e a u d é b u t d u X X
S i è c l e . Bull. Fr.
2, 3 0 - 3 4.
è m e
e t la
Piscic,
D E D R O U I N D E B O U V I L L E M . R . , 1 9 3 0 . L e c r o i s e m e n t B e a u v o i r n ° 1 . Bull. Fr. Piscic,
169-176.
20,
DE
20,
NEUFBOURG,
182-183.
1 9 3 0 . L e s l e ç o n s d e la c a m p a g n e c a r p i c o l e.
Bull.
Fr. Piscic,
F A U C O N N E A U B., A L A M I - D U R A N T E H., L A R O C H E M . , M A R C E L J . , V A L L O D D., 1 9 9 5.
G r o w t h a n d m e a t q u a l i t y r e l a t i o n s in c a r p . Aquaculture,
G O U L D S.J., 1966. Allometry
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129, 2 6 5 - 2 9 7.
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41,
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129, 2 1 5 - 2 1 9.
I R N A Z A R O W I., B I A L O W A S H . , 1 9 9 4 . G e n e t i c c h a r a c t e r i s t i c s of c a r p b r e d i n g lines at t h e
I n s t i t u t e of I c h t h y o b i o l o g y a n d A q u a c u l t u r e of t h e P o l i s h A c a d e m y of S c i e n c e s
G o l y s z . 1 P o l i s h l i n e s . Acta Hydrobiol., 36, 1 2 5 - 1 4 2.
L E F R A N C E., 1 9 9 2 a . M i s e a u p o i n t d'un outil i n f o r m a t i q u e p o u r la s a i s i e d e la
c o n f o r m a t i o n d e p o i s s o n s v i v a n t s . R e l a t i o n a v e c l'aptitude à la t r a n s f o r m a t i o n.
R a p p o r t S Y S A A F , R e n n e s , 2 2 p.
L E F R A N C E., 1 9 9 2 b . E C P : O u t i l d e s t i n é à l'étude d e la c o n f o r m a t i o n d e p o i s s o n s v i v a n t s.
R a p p o r t D E S S « I n f o r m a t i q u e a p p l i q u é e a u x s c i e n c e s e x p é r i m e n t a l e s ». U n i v e r s i t é
P a u l S a b a t i e r , T o u l o u s e , 2 5 p.
L E Q U E R E G . , 1 9 9 7 . S i t u a t i o n et p e r s p e c t i v e s d e la p i s c i c u l t u r e f r a n ç a i s e e n é t a n g s.
R a p p o r t E c o l e S u p é r i e u r e d ' A g r i c u l t u r e d ' A n g e r s , 2 0 p.
L E V R A T R., 1 9 6 5 . L a p i s c i c u l t u r e e n D o m b e s . Bull. Fr. Piscic,
216, 7 7 - 1 0 0.
— 419 —
Bull. Fr. Pêche Piscic. (1999) 355 :403-420
MEUNIER
F., P A S C A L M . ,
rayons
de
Aquaculture,
nageoire
1 9 8 1 . E t u d e e x p é r i m e n t a l e d e la c r o i s s a n c e c y c l i q u e
de
la
carpe
(Cyprinus
carpio).
Résultats
des
préliminaires.
26, 2 3 - 4 0.
P A S T E U R G., 1 9 8 5 . Les p a r a m è t r e s statistiques c o m m u n é m e n t utilisés d a n s l'exploitation
d e s résultats de l'électrophorèse
d e s p r o t é i n e s et leur a v e n i r e n
systématique.
Extrait d e : M . G O Y F F O N , E l e c t r o p h o r è s e et t a x i n o m i e , S o c i é t é Z o o l o g i q u e
de
France, Paris.
PASTEUR
N., P A S T E U R
G., B O N H O M M E
F,
CATALAN J., BRITTION-DAVIDIAN
J.,
1987. M a n u e l t e c h n i q u e de génétique par e l e c t r o p h o r è s e d e s protéines. Technique
et d o c u m e n t a t i o n , L a v o i s i e r , P a r i s , 2 1 7 p.
PEREIRA
V.,
1996.
Comparaison
c o m m u n e s (Cyprinus
carpio)
à
taille
commerciale,
issues de différentes
de
populations
régions d'élevage.
m o r p h o l o g i q u e et r e n d e m e n t a u f i l e t a g e . R a p p o r t D E S S
de
carpes
Variabilité
« eaux continentales :
p o l l u t i o n s et a m é n a g e m e n t s », U n i v e r s i t é d e B e s a n ç o n , 6 5 p.
R O U L E L., 1 9 3 2 . L e s c a r p e s d ' é l e v a g e . Bull. Fr. Piscic,
44, 2 2 9 - 2 3 3.
S C H À P E R C L A U S W . , 1 9 6 2 . T r a i t é d e p i s c i c u l t u r e e n é t a n g . In : V I G O T f r è r e s ( E d s . ).
6 0 3 p.
Annexe 1
Liste d e s variables m o r p h o l o g i q u e s sélectionnées.
Annex 1
List of selected morphological variables.
Abréviations
Intitulé exact de l'abréviation
SCA
STE
Surface carcasse
Surface tête
SVI
SVIP
SVIA
Surface viscérale
Surface viscérale postérieure
Surface viscérale antérieure
Surface musculaire
Surface musculaire dorsale antérieure
Surface musculaire dorsale postérieure
Surface musculaire ventrale postérieure
SM
SMDA
SMDP
SMVP
SA
SP
Surface antérieure
Surface postérieure
LTE
LA
LPN
LTOT
LST
LTN
LAT
LP
Longueur tête
Longueur antérieure
Longueur postérieure sans nageoire caudale
Longueur totale
Longueur standard
Longueur sans tête et sans nageoire caudale
Longueur antérieure sans tête
H1
Hauteur 1
Hauteur 11
Hauteur 12
Hauteur 4
Hauteur 41
Hauteur 42
Hauteur 43
Hauteur 5
H11
H12
H4
H41
H42
H43
H5
H6
DH41
DH42
Longueur postérieure
Hauteur 6
Demi hauteur 41
Demi hauteur 42
Bull. Fr. Pêche Piscic. (7999/355:403-420
—
420
Annexe 2
L i s t e d e s v a r i a b l e s utilisées p o u r décrire l ' a s p e c t d e s f i l e t s.
Annex 2
L i s t o f v a r i a b l e s u t i l i z e d t o d e s c r i b e filet a s p e c t s.
Abréviations
Intitulé exact de l'abréviation
Hfil
Hauteur du filet
Lfil
Longueur du filet
Lext
Luminance face externe
Uni
Luminance face interne
a'ext
Coloration rouge face externe
a*int
Coloration rouge face interne
b'ext
Coloration jaune face externe
b*int
Coloration jaune face interne.
| 42,033
|
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Open Science
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85 A la suite de cette séance, il est convenu avec les pensionnaires souhaitant continuer l'atelier, qu'ils s'engageront pour toute sa durée (5 mois). C'est de cette façon que Thomas s'inscrit dans le processus de soin. 2. Une recherche de repères et de limites
Chaque semaine, au moment de se réunir avant de partir pour l'atelier, Thomas se trouve dans la salle informatique, devant son ordinateur. Cet espace est ouvert et donne sur le hall d'entrée où il peut voir les autres pensionnaires se regrouper à l'heure prévue. Cependant, il ne se présente pas de lui-même dans le hall, mais attend que nous le sollicitions pour nous rejoindre. Cet espace paraît continu, il n'y a pas de séparation concrète entre une pièce et une autre. Ainsi Thomas n'a pas l'air d'avoir conscience que se rejoindre dans le hall est symboliquement différent que d'être dans la salle informatique. L'éducatrice et moimême jouons le rôle de lien entre les deux espaces en l'invitant chaque semaine à nous rejoindre. De cette façon, nous marquons la différence entre ces deux espaces et permettons le passage sécure et accompagné d'un lieu à un autre. Thomas est souvent le premier à investir l'espace de la salle. Il entre rapidement et s'assoit sur un des coussins disposés en cercle, toujours au même endroit. De façon semblable, pendant le temps de relaxation il s'installe de manière assez rapide et décidée sur son tapis, toujours dans la même moitié de pièce, située près de la fenêtre et de la porte. En fin de séance, il range sans attendre son tapis, son coussin et demande immédiatement « on peut y aller? ». Ainsi, il est toujours le premier à quitter la pièce. A travers ces situations, Thomas interroge les notions de dedans, de dehors et de continuité. Dans les espaces/temps non définis, Thomas a du mal à s'inscrire dans le temps, dans la relation à l'autre. Dans ces moments, il a besoin de matérialiser son espace rapidement, de prendre une place physique. C'est ce qu'il fait avec le coussin et son tapis de relaxation. Cet espace, ce territoire contenant ainsi délimité, lui permet d'investir l'environnement et la relation à autrui, dans une plus grande sécurité psychique. La continuité spatiale paraît impossible à penser pour lui, renvoyant probablement à un vécu du corps sans limite, très angoissant. D'ailleurs, Thomas éructe souvent sans pouvoir contrôler ces sorties intempestives de sa bouche. Il ne maîtrise pas ce qui sort de son corps et cela interroge la manière dont il se vit en tant qu'être délimité, différencié. En effet, s'il ne peut contrôler ce qui sort de son corps, l'angoisse qui en résulte peut aussi être celle de ne pas maîtriser ce qui y entre, laissant place aux fantasmes d'intrusion et à la persécution. La fonction de maintenance du psychisme du Moi-peau semble ici défaillante. A la fin d'un travail sur les appuis, le dos au mur, puis le corps au sol, Thomas exprime une « impression de stabilité, de sécurité », son titre de fin de séance est évocateur : « paisible ». Ainsi, le dispositif de soin mis en place peut permettre à Thomas de retrouver un appui et une sécurité interne, premier support pour différencier les espaces intérieurs et extérieurs, donnant lieu à la mise en place de limites corporelles. 3. Maîtrise corporelle et défense tonique
: Lors du travail corporel, Thomas est particulièrement attentif aux mouvements et aux démonstrations du thérapeute. Ce dernier apparaît comme un support visuel qu'il tente d'imiter le plus fidèlement possible. Cela se retrouve lorsque nous invitons chaque participant à choisir un objet et à l'explorer visuellement, tactilement, et par les sons qu'il peut produire. Thomas reprend à l'identique ce que nous montrons mais n'initie aucune action. Lors d'une proposition de percussions et de frottements sur l'ensemble du corps, Thomas regarde ce que le psychomotricien réalise sur lui-même. Il le reproduit brièvement et se met en retrait au moment où l'exploration est plus libre. De manière générale, Thomas stoppe ses mouvements dès que le thérapeute n'est plus dans la démonstration malgré des consignes et un étayage verbal. Il n'ose que très peu d'explorations spontanées. Il reste alors debout, immobile et observe ses camarades mais ne s'appuie pas sur ce qu'ils proposent. Au cours d'un moment de relaxation, en position allongée nous induisons des mouvements lents d'ouverture et de fermeture des bras (les bras repliés sur le buste puis reposés le long du corps), ceci en faisant le moins d'effort possible et en conscience du mouvement. Thomas effectue le geste à deux reprises, puis s'arrête en s'étirant les épaules et en grimaçant. Visiblement, cette expérience a provoqué chez lui des tensions dans la totalité de ses bras. Ici, pour effectuer le mouvement, Thomas contracte l'ensemble de la partie sollicitée. Cette tension excessive entraîne probablement une sensation dure dans le bras et une impression de maîtrise corporelle le raccrochant à un vécu connu occupant alors tout son espace psychique. En même temps cette contraction rend la proposition insupportable et semble provoquer une crampe, une sensation désagréable par les mimiques qu'il exprime. Cette hypertonie observable chez Thomas lui sert sans doute de protection lors de situations inconnues. Lors du temps de parole suivant cette expérience, il exprime s'être bien détendu. Nous lui faisons part du moment que nous avons perçu comme désagréable pour lui mais cela le laisse indifférent. Ici, le thérapeute soutient le vécu corporel de Thomas. Le but est de lui permettre de relier états toniques et affectifs en mettant du sens sur les sensations observées. Les remarques du thérapeute tendent à investir l'expérience d'affect pour qu'elle devienne signifiante pour Thomas. Une autre séance est l'occasion d'explorer un enroulement du buste, la tête venant progressivement se pencher vers l'avant jusqu'à arriver au niveau du bassin. Thomas commence à enrouler la tête et les cervicales lentement puis se redresse rapidement en disant « ça tourne la tête », sans pour autant qu'une appréhension ou une peur soit perceptible dans sa prise parole. Il dégourdit ses membres, les étire comme pour mettre en mouvement, en tension, ce corps alors immobile. Les participants sont ensuite invités à commencer l'enroulement sur l'expiration, pour une prise de conscience du mouvement physiologique ouverture/inspiration, fermeture/expiration. Thomas essaye alors en demandant au bout de quelques secondes « quand est-ce qu'on peut respirer? » et s'arrête à nouveau. Ici, le mouvement proposé ne permet pas d'observer et de reproduire ce qui est montré, l'appui est uniquement verbal, Thomas ne peut s'en saisir. 88 Ces mouvements d'ouverture et de fermeture impliquent les notions de dedans symbolisant le retour du soi et de dehors signifiant l'ouverture sur l'extérieur. 4. Vers une unité psychocorporelle
La suite des rencontres permet à Thomas d'investir les propositions plus longuement. Il demande souvent l'autorisation avant d'initier une action, à la recherche d'un appui, d'un soutien de la part du thérapeute. Cet étayage permet à Thomas de réaliser des explorations spontanées. A la fin d'une séance, il décrit un état à mi-chemin entre la veille et le sommeil, qu'il évoque comme « pas complètement endormi, mais pas réveillé non plus ». Il exprime avoir vécu des allers-retours entre une écoute attentive des « consignes » et des moments où il entendait juste ma voix, sans réellement se souvenir de ce que j'ai pu dire. « Je me sens pourtant détendu » dit-il en fin de séance. A partir de cette prise de parole, Thomas prend plus le temps de s'installer dans la position qu'il souhaite en réajustant son coussin ou son tapis si besoin. Il n'est plus dans la maîtrise visuelle de l'espace et il peut se saisir des inductions invitant à fermer les yeux. Nous précisons que chacun peut, quand il le souhaite, les rouvrir. En fin de séance, il affirme « j'ai essayé de fermer les yeux, c'était mieux ». 89 Il évoque également qu'il a « les pieds bizarres qui partent sur le côté, en canard ». Les temps de parole sont désormais l'occasion pour Thomas de parler de lui. Il se dégage progressivement du discours impersonnel pour se situer en tant que sujet. Il s'exprime alors en son nom et ose livrer des éléments plus personnels. Il lui arrive par moment de soutenir ses camarades quand ils s'expriment, pendant le temps d'accueil en s'intéressant à leurs loisirs ou durant le temps de parole après relaxation. Il paraît impliqué et participe à la dynamique de groupe. Après quelques semaines de groupe, il arrive dans la pièce en début de séance, se rapproche du miroir et s'y regarde pendant un instant. Il confie à l'éducatrice spécialisée sa satisfaction d'avoir de nouveaux vêtements, « j'aime bien mon T-shirt, non? » dit-il. En effet, Thomas porte un jean foncé à sa taille, un T-shirt à motifs et une veste de blazer. Il s'est également coiffé et rasé ce qui éclaire son visage. Ce jourlà, contrairement à son habitude, il ne s'installe pas immédiatement sur un coussin mais reste un moment débout avec les autres participants. 5. pour une ouverture relationnelle
Après une démonstration de mouvements simples à reproduire plusieurs fois, Thomas s'autorise alors à répéter à voix haute l'ordre des différents mouvements, en les effectuant, et soutient ainsi le reste du groupe. Sur cette même séance, nous proposons un titre qu'un des participants ne comprend pas. Nous demandons alors aux autres patients quel sens ils lui donnent. De façon assez juste, Thomas fait remarquer qu'« un mot a plusieurs sens, on ne peut pas savoir ce que vous avez voulu exprimer en le disant », et s'autorise à proposer ce qu'il a saisi dans l'énoncé de ce mot. A travers ces situations, nous remarquons que Thomas a pu s'appuyer sur l'étayage proposé par le thérapeute et le dispositif de soin. Ainsi soutenu et valorisé dans ses choix potentiels, il peut désormais les exprimer par son engagement corporel sans crainte. Il a pu intérioriser les éléments « bons à penser » qui lui étaient adressés. Sur un temps où chacun est amené à proposer une position et imiter celle des autres, Thomas se tient les jambes un peu écartés, l'air réellement planté dans le sol, les bras croisés et le regard vers le haut. C'est une attitude très « virile ». Les différentes postures qu'il prend ensuite peuvent être en ouverture mais aussi en fermeture. Il choisit une position les jambes serrées et les bras qui s'enlacent, en riant et s'exclamant « allez, on dirait qu'on se fait un câlin tout seul ». Dans cette séquence Thomas explore les schèmes d'enroulement/fermeture et de déroulement/ouverture (axialité). Comme chez l'enfant, Thomas réunit ici ses différents espaces corporels constituant les fondements de son unité psychocorporelle. Nous comprenons cette mise en jeu corporelle de Thomas comme l'expression de la possibilité de s'ouvrir à l'extérieur sans risque. Cela est permis par une contenance et une sécurité interne symbolisée par les mouvements de fermeture. Ceux-ci soutiennent également un retour sur soi sque l'environnement paraît menaçant. Il se place progressivement en tant que sujet, ce qui lui permet d'envisager la relation à autrui. Lorsqu'il se plante dans le sol avec conviction, il semble que Thomas manifeste une présence incarnée. III. Réflexion et perspectives
Thomas arrive au foyer après un long parcours institutionnel. Au départ, il apparaît assez angoissé, replié sur lui-même. Il est pris dans une relation ambivalente avec sa mère, dont il parvient difficilement à se dégager. Progressivement, il réussit à prendre appui sur l'institution, les soins qu'elle propose, représentant un réel étayage pour lui. Les échanges avec les autres pensionnaires ou le reste de l'équipe sont plus nombreux. Il peut solliciter l'attention des membres de l'équipe. Il parvient à prendre de la distance avec sa mère, ses visites sont moins déstructurantes pour Thomas. C'est dans cette même dynamique que Thomas s'inscrit dans l'atelier relaxation En début d'atelier Thomas semble tester le cadre, sa solidité, s'il est possible d'y prendre appui sans risque. Cela se manifeste alors par une posture passive de sa part, dans laquelle il observe, est attentif à ce qui se passe pour les autres participants. Après s'être assuré de la continuité et de la sécurité du dispositif du soin, Thomas ose s'y engager et investir les différentes expériences corporelles. A cette période, il est dans la reproduction, le mimétisme, ne pouvant se dégager d'un modèle. Thomas est également hypertonique. De cette manière, il se rassure et a sans doute l'impression de maîtriser son corps à partir de sensations qu'il connaît. Cela lui permet aussi de limiter les échanges entre l'intérieur et l'extérieur. Il semble se défendre d'un environnement et de nouvelles expériences potentiellement menaçantes. Contrairement au début de l'atelier, Thomas peut investir les mises en jeu corporelles mais il le fait sur un mode très défensif, stoppant les échanges entre le dedans et le dehors issant apparaître des limites corporelles peu établies. Progressivement, les différentes propositions sont investies de manière plus subjective, moins en miroir. La contenance du dispositif de soin semble réaliser pour Thomas une enveloppe corporelle de suppléance, suffisamment stable, sécure et bordante pour lui permettre de se dégager d'un modèle, et réaliser ses propres expériences corporelles. A ce moment-là, nous remarquons que les temps de parole deviennent moins impersonnels, sont en lien avec ce qu'il ressent et son histoire. Finalement, il échange plus avec les autres participants, s'exprime en son nom, peut intervenir lorsqu'il le souhaite. Sa posture est plus érigée. Pendant les moments de travail corporel il peut effectuer des explorations spontanées, mais aussi s'appuyer sur ce que les autres membres du groupe proposent. Il effectue ainsi un aller/retour entre relation à soi et relation aux autres. Une dynamique relationnelle s'instaure progressivement, rendant les échanges entre le dedans et le dehors plus fluides. Ces observations témoignent du fait que, dans l'espace/temps contenant du groupe, les différentes expériences corporelles semblent lui avoir permis de restaurer des limites corporelles défaillantes, et de les intérioriser. Enfin, ce que nous pouvons penser comme une reconstruction de ses enveloppes corporelles et psychiques ayant permis une pacification de l'angoisse, se manifeste dans l'établissement d'échanges avec son environnement. Conclusion
Nous avons pu appréhender la schizophrénie sous différents aspects et considérer qu'elle définit une maladie multiple tant dans ses causes potentielles, que dans ses explications psychopathologiques, ses traitements possibles et son expression clinique. Depuis quelques années, la schizophrénie devient une pathologie de plus en plus connue. Paradoxalement, les recherches et nouvelles connaissances sur la maladie ne véhiculent pas un regard différent auprès de la population. Le schizophrène reste un fou, une personne dangereuse et menaçante qu'il faut maintenir à l'écart. Cette vision négative renforce les stéréotypes et a des répercussions sur l'entourage et le malade, ce qui contribue à l'isoler. La société actuelle met en avant les compétences personnelles, s'inscrit dans un besoin de performance, face à laquelle le sujet malade se trouve en marge et n'a que très peu de place. C'est dans ce contexte que se réalise le soin auprès de ces sujets. Nous entrevoyons ainsi la richesse, mais aussi la difficulté d'accompagner par une approche clinique cohérente et la plus pertinente possible de tels patients. La construction de leur personnalité est établie sur des bases peu fiables et l'environnement qui les entoure est en constant changement, en permanente évolution. Nous devons à chaque instant nous attacher à instaurer ou restaurer un milieu suffisamment sécure pour qu'ils puissent investir l'environnement et la relation à autrui. L'élaboration de ce mémoire a été l'occasion de m'interroger sur le sujet schizophrène, les problématiques corporelles, psychiques et relationnelles auxquelles il se confronte et les enjeux qu'elles soulèvent. La survenue de la maladie entraîne une déstructuration psychocorporelle. Le schizophrène n'a plus conscience de son unité. Le corps ne représentant plus un contenant sé et délimité, le sujet perd son sentiment continu d'exister à la fois corporel et psychique. Le patient est aux prises avec un vécu du corps morcelé et des limites non fiables. De cette façon, l'investissement corporel et le rapport à autrui sont sources d'angoisses majeures pour le patient. C'est donc autour des notions d'enveloppes corporelle et psychique, particulièrement fragilisées chez le schizophrène que j'ai abordé une réflexion sur le soin psychomoteur auprès de cette population. Cette approche corporelle me semble importante en complément des thérapies médicamenteuses et psychothérapeutiques. La relaxation accompagne le sujet vers une prise de conscience corporelle de ses propres sensations. C'est l'occasion pour lui d'éprouver une limite corporelle qui différencie l'intérieur de l'extérieur, le soi du non soi. Un tel dispositif de soin me semblait privilégié pour rencontrer le sujet schizophrène en psychomotricité. Dans le cadre de ce mémoire, j'ai pu expérimenter cette technique de soin et me l'approprier au service de ma pratique auprès de ces patients. Ainsi, nous avons pu nous rendre compte qu'avec un aménagement intégrant la spécificité des caractéristiques cliniques de cette population, la relaxation, souvent non préconisée dans cette pathologie, voire contre-indiquée, était envisageable et pertinente avec ces sujets. Le dispositif de soin élaboré et mis en place à travers la situation de groupe nous semble intéressant dans la mesure où il soutient un réinvestissement corporel et relationnel participant à la (re)construction de la personne. Il rend possible l'expérience corporelle dans un travail d'attention, d'écoute, pour amener le sujet à être sensible à lui-même, à l'autre, en pacifiant ses angoisses. Nous avons pu illustrer cliniquement l'hypothèse selon laquelle la relaxation s'inscrirait dans un processus thérapeutique de restauration des enveloppes corporelles et psychiques, favorisant l'individuation du sujet et son autonomisation progressive. Cette approche n'est pas la seule. L'élaboration d'une réflexion et d'une pratique autour d'autres médiations est bien sûr sageable, pouvant également contribuer à la restauration d'un contenant psychocorporel pour ces patients schizophrènes. Quels que soient les médiations ou le cadre instauré, il s'agit en psychomotricité d'accueillir le sujet tel qu'il est, dans l'ici et le maintenant de son histoire, d'entendre sa souffrance, parfois celle insupportable d'exister, afin de rendre la rencontre et un parcours thérapeutique possibles..
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formation du radicalisme philosophique.
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None
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Jusque-là, le mieux que je puisse faire, c’est d’utiliser les circonstances. A côté de
toutes ces circonstances, que tes conseils sont peu de chose ! Prodigue-les moi
cependant, car ils sont une partie, et la meilleure, de ma destinée. Que faut-il écrire ? Une critique du libertisme ? une « Vie de Socrate » ? l’esquisse d’une psychologie rationnelle ? — quand les hommes et les circonstances cesseront
d’abuser de moi, bien entendu...
A C. Bouglé, Portofino, mardi 29 [octobre 1901]
... Mon troisième volume est resté en souffrance, depuis le moment où le problème du mariage s’est posé à moi d’une façon pressante : et, depuis que je me
suis remis au travail, j’ai jugé plus sage, pressé que j’étais par le cours, de remettre le livre à plus tard : nous irons l’achever en Angleterre *, au printemps prochain, une fois mon cours terminé...
* En juillet, Elie Halévy avait rencontré Florence Noufflard. Ils viennent de se marier, sont en
voyage de noces à Portofino, et c’est en effet avec l’aide de sa femme que, au printemps suivant,
Elie Halévy consultera encore une fois, à Londres, les documents nécessaires à son ouvrage.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 315
III. Le radicalisme philosophique
A C. Bouglé, Sucy, vendredi (probablement octobre 1902)
Mon cher ami,
Je ne me borne pas à repeigner, je refais mon troisième volume. Je m’étais
proposé, en revenant ici, de mettre d’abord mon esprit en repos, en jetant les bases
de mon prochain cours économique. J’ai ouvert le Capital de Karl Marx, qui m’a,
par le chemin que tu devines, ramené à Ricardo ; et me voici travaillant à remanier complètement le premier chapitre de mon troisième volume. J’arrive, je crois,
à des conclusions très nouvelles par le rapprochement des Principes avec les petits essais de circonstance, et des ouvrages imprimés avec les lettres à divers
contemporains. Plus je vais, plus j’admire Ricardo ; le tapage de ses disciples intempérants a discrédité injustement le plus impartial des logiciens. Puis, sur James Mill, tout à refaire ; et, sur la notion de travail dans ses Éléments, des choses
jadis non aperçues, aujourd’hui aperçues. — A propos de MacCulloch, toutes
sortes de choses à dire sur l’attitude des utilitaires par rapport au droit
d’association. — j’ai toujours eu l’intention de récrire le chapitre relatif à James
Mill psychologue. — J’ai écrit plusieurs pages hier (pour la conclusion) sur le
rationalisme des utilitaires. Est-il à présumer que je paraîtrai avant le 31 décembre ?
A C. Bouglé, Paris, 8, quai de la Mégisserie, lundi [24 novembre 1902]
... Je compte être libre de mon volume III, d’ici deux à trois mois...
A C. Bouglé, Paris, le 8 janvier [1903]
... Mon petit volume * est bon à mettre en pages. — Mon gros volume avance
plus lentement. J’espère avoir fini, dimanche soir, de récrire deux chapitres, sur
trois et une conclusion. Avec un mois de liberté absolue, tout serait fini...
* Thomas Hodgskin.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 316
III. Le radicalisme philosophique
A C. Bouglé, Paris, 15 mars [1903]
... J’ai envoyé à l’impression — Ton troisième volume ? — Non, la plus grande partie de mon troisième volume. Reste la conclusion, développée, à récrire :
j’ai bien envie de remettre ce travail au mois de juin, quand il ne me tombera plus
sur la tête une conférence par semaine...
A C. Bouglé, Paris (probablement fin 1903 ou début 1904)
... Tu perdrais ton temps, évidemment, à relire mon livre. J’attends l’opinion
circonstanciée des gens qui ne m’ont pas encore inondé de cartes de visite « avec
sincères remerciements ». Et puis, ce livre m’importe déjà si peu ! Il me semble
qu’il a paru il y a deux ans...
A C. Bouglé, Paris, mercredi 30 décembre [1903]
Le reproche que tu me fais de n’avoir pas fait place, dans la partie II du chapitre troisième, à l’interprétation « sociologique » de l’utilitarisme, ne me paraît pas
fondé. En tant qu’historien, je ne pouvais examiner que les prolongements immédiats, historiquement immédiats, de l’utilitarisme orthodoxe.
Le « sociologisme » dérive en droite ligne, et même sans beaucoup d’idées
nouvelles, du positivisme saint-simonien et comtiste ; et ce positivisme lui-même
n’a subi que bien faiblement l’influence de l’utilitarisme de Bentham ; il constitue, en tous cas, une transplantation, hors d’Angleterre, dans un milieu très différent, de l’économisme anglo-saxon. Je ne pouvais en parler que dans ma conclusion ; et je ne pouvais en parler dans une conclusion, que d’une façon trop sommaire.
A C. Bouglé, Haute-Maison, Sucy-en-Brie, mardi 30 août 1904
... Oui, mon troisième volume est meilleur que les deux premiers, et beaucoup,
parce que j’ai eu le temps de le récrire tout entier. Mes deux premiers volumes me
laissent et me laisseront toujours, pour leur inachèvement, des remords cuisants...
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 317
III. Le radicalisme philosophique
Table des matières
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 318
III. Le radicalisme philosophique
Table des matières
DOCUMENT 5
Lettres de Leslie Stephen et de Henri Bergson
(1901-1904)
22, Hyde Park Gate, S.W.
2 June 1901
My dear Sir,
I have to thank you most sincerely for your works upon Bentham and the utilitarian doctrine. I have read them with great interest and admiration and in most
respects with general agreement.
I hope that I may consider myself to be an ally not a competitor. We have, it is
true, told the same story in different ways : but the ways are so different that we
do not interfere with each other ; and anybody interested in the utilitarians — if
any such person exists now ! — ought to read us both. My own design, as you
will have seen, was to lay a special stress upon the social and personal conditions
of the rise of the sect. I have therefore given much less space than you have done
to some of their general philosophical ideas and the relation of their theories to the
abstract principles of to time. I do not think that my method is superior to yours
on the contrary. The two books may very well be side by side and I only wish that
both of them might belong to that class of books « without which no gentleman’s
library can be complete ».
I ought to say that I admire the industry with which you have summoned the
sources, the mess (?) at Gower Street, etc. (?) and to confess that you have noticed
some points of biographical interest which I had overlooked though completely
(?) in my line. Had your book appeared before mine, I should have tried to make
my own more complete by pillaging you.
I was, I must confess, so heartily tired of the whole subject that I had scarcely
the spirit to work it out thoroughly at the end. I was interrupted by great troubles,
by ill health and various accidents and when I got to the end, I said « I will never
again look at a page of any utilitarian ». I feel myself now growing old and shall, I
suspect, keep this resolution pretty faithfully. Perhaps you may go on some day
and deal with J. S. Mill and his contemporaries. You would, I can see, do it excellently.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 319
III. Le radicalisme philosophique
I should have written sooner but have been very busily occupied in editing
some letters of J. R. Green for his widow...
Yours very truly
Leslie Stephen
22, Hyde Park Gate, S.W.
30th Nov. 1903
Dear M. Halevy,
I thank you sincerely for the third volume of your book and congratulate you
upon having finished it. I hope that you and I together may be considered as having done sufficient justice to the worthy persons of whom we have treated. I am
sorry to say that my health is worse since I saw you and that I am now confined to
my bed and more competent to study fiction than philosophy. I hope however that
I shall be able before long to read your book and improve my estimate of the Utilitarians.
Yours very sincerely,
Leslie Stephen
Paris, le 16 juin 1901
Mon cher Collègue,
Je viens d’achever la lecture des deux volumes que vous avez bien voulu
m’envoyer, et je tiens à vous dire le plaisir et le profit que j’ai trouvés à cette lecture. J’ignorais à peu près tout de la question que vous traitez ; il me semble que
je la connais bien après vous avoir lu. Mais le livre n’est pas simplement instructif
Par l’intermédiaire des faits et des doctrines qu’il expose, il est, avant tout, suggestif d’idées.
J’ai été très frappé de voir dans votre ouvrage quel parti la législation et la politique peuvent tirer de l’idée d’une harmonie naturelle des intérêts. Il semble bien
que les penseurs dont vous parlez aient accepté cette harmonie comme un fait,
sans en chercher la racine. Cependant, en lisant autrefois La richesse des nations
d’Adam Smith et surtout sa Théorie des sentiments moraux j’avais cru remarquer
qu’un courant de déisme circule à travers les deux livres, courant souterrain en
général, mais qui devient apparent en plusieurs endroits. Dans la Théorie des sentiments moraux, la « sympathie » m’apparaissait comme une espèce de boussole
que Dieu aurait mise en nous pour servir à l’orientation de notre conduite. Et dans
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 320
III. Le radicalisme philosophique
La richesse des nations, j’avais noté plus d’un passage où l’harmonie des intérêts
était présentée comme providentielle. Mais, je le reconnais, cette explication ne
doit pas convenir à Bentham et à son école, étant donné ce que vous rapportez de
ses vues sur la religion en général, et sur la religion naturelle en particulier.
Toutes mes félicitations, mon cher Collègue, et bien cordialement à vous,
Henri Bergson
2 janvier 1904
Mon cher Collègue,
Je ne veux pas tarder davantage à vous dire avec quel grand plaisir j’ai lu le
troisième volume de votre Radicalisme philosophique. Ce qui m’intéresse particulièrement dans cette dernière partie, c’est le rapport que vous établissez entre les
théories économiques ou juridiques que vous étudiez et la philosophie associationniste : surtout vous nous présentez cette dernière doctrine sous une forme très
neuve en la rattachant à ses origines. Du reste, vous me paraissez avoir renouvelé
presque tous les points auxquels vous avez touché. Et cela tient d’abord au soin
que vous avez pris de remonter toujours aux textes, ensuite et surtout à l’habitude
que vous avez de rechercher les postulats latents des doctrines auxquelles vous
avez affaire. Vous leur découvrez ainsi, le plus souvent, des tendances bien différentes de celles qu’on leur prête d’ordinaire. — A côté de ces qualités philosophiques de premier ordre, j’admire l’aisance avec laquelle vous vous mouvez au milieu d’une si extraordinaire accumulation de documents.
Je vous envoie, mon cher Collègue, tous mes compliments pour ce nouveau
travail, et je vous prie de croire à mes sentiments dévoués.
Henri Bergson
Table des matières
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 321
III. Le radicalisme philosophique
Table des matières
Table des noms propres
cités dans les 3 tomes de l’édition d’origine
A
ABERCROMBY, II, 188.
ADAM, architecte, II, 127.
ADDINGTON, II, 127.
ALEMBERT (D’), II, 170.
ALEXANDRE Ier, empereur de Russie, II, 181.
ALLEN (William), quaker, II, 167-168, 179,
186.
ANDERSON, économiste, II, 156.
ARISTOTE, I, 46, 139, 187 ; — II, 9, 165 ; —
III, 201-202.
ARKWRIGHT, III, 6.
ASHHURST (sir William), magistrat, I, 103 ; —
II, 185.
AUSTEN (miss), le mot « utilitarian », II, 196.
AUSTIN (Charles), benthamite, III, 210, 213,
248.
AUSTIN ( John), disciple de Bentham, juriste ;
I, 33 ; — III, 211.
B
BACON, I, 29 ; — III, 153, 226.
BAILEY (Samuel), critique de Ricardo, III, 5354, 209.
BAIN (Alexander), II, 179.
BARING, banquier, III, 250.
BARRÉ (colonel), client de lord Shelburne, II,
17.
BAYLE, I, 176.
BEATTIE, I, 16 ; — II, 124.
BACCARIA:
— disciple d’Helvétius, I, 31 ; maître de Bentham, 31, 32 et 45 (principe du plus grand
bonheur) ; 68, 74-77, 83, 89-92 (droit pénal) ; 98 (codification) ; v. encore p. 75,
99, 101 ;
— II, 184 ;
— III, 80, 217 ; sur les preuves judiciaires,
100,102.
BEDFORD (duc de), II, 14.
BELGRAVE (lord), II, 128.
BELSHAM (Thomas), unitaire, disciple de Hartley, III, 157-159.
BELL (Dr Andrew), et l’éducation populaire,
II, 167,169, 172.
BENTHAM ( Jérémie) :
— naissance, I, 13 ; première éducation, 2829 ; premiers travaux, 33-34, 37 ; Introduction to the Principles of Morals and
Legislation, 33-46 ; Traités de législation
civile et pénale, Théorie des peines et des
récompenses, 47-49 ; droit civil, 49-70 ;
droit pénal, 70-95 ; codification, 95-109 ;
réforme pénitentiaire, le Panopticon, 103108 ; recherche d’un éditeur et découverte
de Dumont, 95, 109 ; économie politique,
Bentham et Adam Smith, 112, 135-136,
146-151 ; Manual of Political Economy,
136-151 ; Defence of Usury, 138-151 ;
Emancipate your Colonies, 143-146 ;
théories politiques, critique de la théorie
du contrat originel et du gouvernement
mixte, le Fragment on Government, 163,
167-170, 179-181 ; Bentham se lie avec
lord Shelburne, 181 ; l’Essai sur la représentation, première ébauche d’une théorie
de la démocratie, 183-184, 186-187 ; Bentham compte sur le despotisme éclairé
pour réaliser son programme de réformes,
187 ;
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 322
III. BENTHAM (général Samuel), frère de Jérémie
Bentham, I, 34, 105, 109-110, 187 ; — II,
126,181.
BERKELEY, III, 161-162, 172.
BICKERSTETH (Henry), avocat, II, 138.
BINGHAM, benthamite, III, 77, 248.
BLACK (John), publiciste, II, — 195.
BLACKSTONE:
— professeur de Bentham, I, 28, 47-48 ; réfuté
par Bentham, 33 ; droit pénal, 47-48, 75,
93, 97, 147 ; réforme des prisons, 104 ;
droit constitutionnel, 162-163, 167168,177,179 ;
— II, 16, 34, 57, 126, 184 ;
— III, 85 ; procédure, 88 ; preuves, 102 ; jury,
110.
Blaquière (Edward), II, 182.
BOLIVAR, II, 182.
BONAPARTE, III, 116.
BOWRING (John), II, 179, 184, 189 ; — III,
151, 178, 207, 212, 250.
BRISSOT, conventionnel, II, 28, 29.
BROUGHAM (Henry), II, 132, 137, 141, 168,
190 ; — III, 211, 245, 248.
BROWN (John), précurseur de l’utilitarisme, I,
22, 25, 32 ; — II, 62.
BROWN (Thomas), philosophe écossais ; influence sur James Mill, III, 152, 154, 161162, 164, 170, 173-175 ; influences subies, françaises, 154 ; écossaises, 154,
175 ; de Darwin, 159, 160-161, 162, 164 ;
de Hartley, 161, 162, 175 ; critique de
Kant, 155.
BUCHANAN (David), économiste, II, 158.
BUCKLE (H. T.), II, 49, 156 ; — III, 250.
BULLER (Charles), benthamite, III, 247.
BURDETT (sir Francis), politicien radical, II,
123, 130, 131 ; 133-142 ; relations avec
Bentham, 132, 134, 136, 138-139, 140141 ; — III, 115-117, 129-130, 132, 144145, 147.
BURKE (Edmund) :
— économe politique, I, 132, 138 ; contre la
théorie des droits de l’homme, 155, 171,
175 ; avocat du gouvernement par partis,
182-183 ; dénonce Warren Hastings, 185 ;
— contre la Révolution française, II, 5, 7-8,
11-17, 26, 29, réfuté par Mackintosh, Paine et Godwin, 37-41, 43, 46, 50, 59, 91 ;
sur le luxe, 80 ; opinions économiques,
98-101, 116 ;
— défense des institutions complexes, III, 79 ;
136, 155, 226.
BURR (colonel Aaron), aventurier américain,
II, 182.
BYRON, II, 123.
C
CABANIS, II, 170 ; — III, 156.
CAMDEN (lord), I, 152, 181 ; — III, 92.
CAMERON (Charles Hay), III, 211.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 323
III. Le radicalisme philosophique
CAMPBELL (George), philosophe, II, 124.
CAMPBELL (Thomas), poète, III, 211.
CANARD, économiste, II, 147.
CANNING, II, 61, 123.
CARLILE (Richard), publiciste, II, 179.
CARPENTER (Dr Lant), unitaire, disciple de
Hartley, III, 157.
CARTWRIGHT (major John) :
— fondateur du radicalisme anglais, I, 153,
156-158, 163, 172-175, 183 ;
— II, 126, 137, 138 ; relations avec Bentham,
136, 138-142 ;
— défense des institutions simples, III, 84,
115,131, 144, 248.
CATHERINE, impératrice de Russie, I, 109,
187 ; — III, 114, 221.
CHADWICK (Edwin), benthamite, la réforme
administrative, III, 147, 248-251.
CHANNING, Unitaire, III, 157.
CHASTELLUX (chevalier de), I, 28.
CHATHAM (lord), I, 155, 183.
CHAUVELIN, ambassadeur de France à Londres, II, 28.
CLAVIÈRE, II, 36,
COBBETT (William), publiciste, II, 33, 123,
130, 134, 141, 190 ; — III, 115.
COCCEJI, I, 187.
COCHRANE (lord), politicien, II, 137.
COGAN (Eliezer), unitaire, disciple de Hartley,
III ,157.
COLERIDGE (S. T.), poète et métaphysicien, I,
33 ; — II, 9, 16, 61, 123 ; — III, 210.
COLLS (John J.), secrétaire de Bentham, II,
189.
COLQUHOUN (P.), II, 126.
COMTE (Auguste), II, 153 ; — jugement sur
Bentham, III, 218.
CONDILLAC, II, 100 ; — III, 153, 156, 170.
CONDORCET:
— I, 158 ;
— II, 44 ; sa théorie du progrès et de la population et les théories de Godwin et de Malthus, 85-91, 97, 104-111, 113, 115 ; rôle
dans la formation de la nouvelle économie
politique, 147, 153-155 ;
— III, 65-67.
CONSTANT (Benjamin), II, 189.
COOPER, unitaire, disciple de Hartley, III, 157.
COUSIN (Victor), III, 5.
CRUIKSHANK (George), II, 179.
D
DARWIN (Charles), II, 97 ; — III, 250.
DARWIN (Erasme) : médecin philosophe, II,
170 ; — son système, influence sur James
Mill, III, 152, 156, 159-l66.
DESCARTES, I, 17.
DESTUTT DE TRACY, III, 10, 153-154.
DISRAELI, I, 103.
DUMONT, de Genève (Etienne) :
— éditeur de Bentham, I, 36, 94-95, 109,
136,179,187 ;
— à Paris pendant la Révolution, II, 17, 18, 19,
34-37, relations avec Bentham, 124, 129,
149, 181, 183, 184, 190, 195, 196 ;
— III, 77, 81, 83 ; brouille avec Bentham, 207.
DUNDAS, II, 26,126.
DURHAM (lord), leader du parti radical, III,
247.
DUROVERAI, II, 36.
E
EDEN (William), et la réforme pénitentiaire, I,
104 ; — II, 126.
EDGEWORTH (R. L), III, 154.
ELDON (lord), chancelier, II, 191.
ELLIS (William), benthamite, III, 208.
ERSKINE, avocat, II, 60.
EYTON (William), benthamite, III, 208.
F
FILMER (sir Robert), théoricien du droit divin,
II, 8 ; — III, 114.
FITZHERBERT, II, 34.
FOX (Henry), premier lord Holland, I, 158.
FOX (Charles), fils du précédent, leader du
parti whig, I, 157, 164, 185 ; — II, 18, 24,
116, 130, 137.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 324
III. Le radicalisme philosophique
FOX (Joseph), quaker, II, 180.
FRANKLIN, II, 89.
FRÉDÉRIC II, roi de Prusse, I, 100, 154, 187 ;
— III, 114, 221.
G
GARNIER (Germain), II, 147.
GAY (John), premier théoricien de la morale de
l’utilité et du principe de l’association des
idées, I, 15, 20, 32, 33 ; — III, 157.
GEORGE (Henry), III, 62.
GEORGE III, roi d’Angleterre, I, 153, 158 ; —
III, 79, 129.
GILBERT (Thomas), la loi des pauvres, II, 68.
GODWIN (William) :
— utilitaire et anarchiste, I, 25, 30, 59 ;
— II, 5 ; Inquiry on Political Justice, 38, 5064, 71-91, 93, 95, 99, 103 ; réfuté par Malthus, 104-110, 113-115, 117, 119, 142 ;
133, 151, 154 ;
— III, 66 ; défense des institutions simples, 79,
210, 218, 232.
GRAHAM (George John), benthamite, III, 208.
GREGORY, philosophe écossais, I, 36.
GRENVILLE (lord), II, 24 ; — III, 73.
GROENVELT, pseudonyme de Dumont, II, 34.
GROTE (George) :
— rédige le Influence of Natural Religion de
Bentham, II, 175, 179 ; sur James Mill,
194 ;
— théorie du radicalisme, III, 132, 137, 140143 ; propagande benthamique, 53, 209,
211, 213 ; action politique, 246-248, 250.
GROTE (Mrs.), II, 179.
GUSTAVE III, roi de Suède, I, 100, 154, 187.
H
HALLAM, Sur Malthus, II, 117.
HALLER (Louis de), II, 16.
HARRIS (James), Hermes, III, 166.
HARTLEY (David) :
— Observations on Man, I, 13, 15-17, 45 ;
Hartley et Priestley, théorie du progrès,
16-17, 26-27, 69 ;
— Hartley et Godwin, II, 51, 84, 119 ; Hartley,
Priestley et Condorcet, 86, 118, 119, 154 ;
Hartley et James Mill, 187 ;
— III, 65 ; doctrine philosophique, influence
sur Priestley et ses successeurs Erasme
Darwin, Thomas Brown et James Mill,
151-152, 154, 156-163, 166, 168, 169,
170, 172-174, 176-177, 179, 209, 211,
213, 216, 236.
HAZLITT (William), II, 188.
HELVÉTIUS:
— De l’esprit, influence sur Bentham et le
mouvement utilitaire, I, 27-32, 35, 37, 38,
68, 74, 86, 94-95, 104, 108, 186 ;
— Helvétius et Godwin, II, 51-52, 62-63, 80,
90 ; Helvétius et Robert Owen, 90, 167 ;
influence sur Bentham et James Mill, 163,
166, 170-171 ;
— III, 64, 82, 103, 142, 151, 156, 158, 168,
218, 223, 233.
HOBBES, I, 14, 41, 45, 63, 173 ; — II, 165 ; —
III, 134-135, 149, 153, 166, 194, 206, 217,
225, 247, 249.
HOBHOUSE (J. C.), élection au Parlement, II,
195 ; — III, 115 ; réforme des vestries,
147, 247.
HODGSKIN (Thomas), ricardien égalitaire, II,
90 ; — III, 26, 45.
HOLCROFT (Thomas), agitateur révolutionnaire, II, 90.
HOLLAND (lady), III, 223.
HOLLIS (Brand), propagandiste républicain, I,
95, 100, 183.
HONE (W.), publications antireligieuse, II, 178.
HOPKINS (Thomas), économiste, III, 25.
HORNE TOOKE, agitateur politique, I, 155,
183 ; — II, 132-133, 137 ; — philologue
et philosophe, III, 152, 159, 166-169.
HOWARD (John), philanthrope, la réforme des
prisons, I, 103-104, 107 ; — II, 68, 126.
HULLOCK (John), II, 188.
HUME (David) :
— philosophie, influence, I, 13, 17-20, 25, 27,
28, 29, 56, 61-62, 68, 74, 94, 99, 111 ;
théories politiques et critique de la théorie
du contrat originel, 152, 153, 160, 162,
163, 164, 175-178, 185 ;
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 325
III. Le radicalisme philosophique
— II, 9, 14, 16, 48, 49, 51, 56, 57, 62, 90, 95,
145-146, 149 ; sur le problème de la population, 93 ; sur la rente foncière, 156 ;
— III, 6, 153, 172, 190, 213, 216, 223.
HUME (Joseph), radical, relations avec James
Mill, II, 194, 195 ; — III, 122, 123, 146,
208, 211, 250.
HUMPHREYS (James), III, 212.
HUNT (Henry), agitateur radical, II, 137, 141 ;
— III, 144.
HUTCHESON (F.), philosophie morale, I, 22,
32, 45 ; droit civil, 62 ; droit pénal, 75 ;
théories économiques, 115, 121, 130.
J
JEBB (John), agitateur démocrate, I, 157.
JEFFERIES (lord), II, 191.
JEFFREY, directeur de la Revue d’Edimbourg,
III, 186.
JEKYLL, II, 116.
JUNIUS, auteur des Lettres, I, 153, 155.
K
KAMES (lord), II, 97.
KANT, I, 19 ; — III, 157, 173, 238.
KEATS, II, 123.
L
LA FAYETTE, II, 43 ; — III, 115.
LANCASTER (Joseph), l’éducation populaire, II,
167-168, 172, 180.
LANSDOWNE (lord), v. lord Shelburne.
LA ROCHEFOUCAULT (duc de), moraliste, II,
52.
LA ROCHEFOUCAULT (duc de), II, 18, 20.
LAROMIGUIÈRE, III, 154.
LASSALE (Ferdinand), III, 45.
LAVOISIER, I, 46.
LAW (Edmund), évêque de Carlisle, II, 62.
LÉOPOLD II, grand-duc de Toscane, I, 100,
109, 187.
LIND ( James), ami de Bentham, I, 36, 181.
LIVERPOOL (lord), III, 139.
LLOYD (Charles), homme de lettres, II, 61.
LOCKE:
— philosophie, influence, I, 13-17, 33 ; théories juridiques, 57-58 ; théories économiques, 122 ; théories politiques, 152, 163,
172-173 ;
— théories économiques, II, 74, 143 ;
— III, 114, 153, 157, 167, 169, 172, 182, 184,
210, 224, 226.
LOLME (DE), « Constitution de l’Angleterre »,
I, 101 ; — III, 87, 111, 113.
LOUIS XIV, I, 13 ; — II, 27, 123.
LOUIS XVI, I, 187 ; — II, 24.
M
MACAULAY (T. B.), relations avec les utilitaires, III, 137, 143-144, 178, 213, 214, 226,
MACAULAY (Mrs), républicaine, I, 183.
MACCULLOCH (J. R.), économiste, disciple de
Ricardo, II, 195 ; — III, 6, 39, 40 ; théorie
de la valeur, 41, 46-51, 54-56 ; théorie de
la distribution des richesses, 55-56, 6973 ; 209, 233.
MACKINTOSH (James) :
— I, 176 ;
— II, 28 ; les Vindiciæ Gallicæ, théories politiques, 37-42, 61, 91 ; sur Bentham et ses
disciples, 191 ;
— réformateur du droit pénal, III, 77, 178-179,
245 ; réfute le radicalisme, 133-134, 139,
140 ; attaque la morale utilitaire, est réfuté
par James Mill, 178-179, 193-195, 196197, 199, 202-203, 214 ; 155, 211.
MADAN (Martin), I, 102.
MAISTRE (Joseph de), II, 16.
MALEBRANCHE, II, 85 ; et l’idée de loi naturelle en économie politique, 145, 149.
MALESHERBES, I, 74.
MALTHUS (T. R.) :
— I, 25, 33 ;
— Essay on the Principle of Population, II, 66,
91, 97, 104-121, 142 ; Malthus, Ricardo,
James Mill, 154-163 ; théorie de la rente
foncière, 157-163 ; influence sur James
Mill, 173, 187, 192-193 ;
— III, 6, 9, 39, 56, 58, 65-67, 117, 152, 220 ;
polémiques avec Ricardo, 3, 15-16, 41-
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 326
III. Le radicalisme philosophique
51 ; dépassé par James Mill et Francis
Place, 65-67.
MANDEVILLE, Fable of Bees, I, 25, 45, 114,
158.
MANSFIELD (lord), III, 92.
MARCET (Mrs), économiste, III, 6.
MAUPERTUIS, I, 28, 45.
MERCIER DE LA RIVIÈRE, physiocrate, II, 146.
MILL (James) :
— I, 20, 30, 51, 129, 131, 133 ;
— se lie avec Bentham, II, 124-125 ; opinions
politiques, influence sur Bentham, 131134, 136-137, 140-142 ; théories économiques, influence sur Ricardo, 143-145,
149-163 ; opinions pédagogiques et campagne pour l’éducation du peuple, 163174, 180 ; anticléricalisme 174, 178-179 ;
lieutenant de Bentham, 185-187, 192196 ;
— économie politique, III, 6-7, 26, 28, 39-40 ;
théorie de la valeur, 47-49, 53-55 ; théorie
de la distribution des richesses, 55-76 ;
droit constitutionnel, 80, 110, 123, 129,
132, 134-143, 145-146, 149 ; psychologie,
138, 153, 155-159, 161-166, 168-169,
171-177 ; morale, 153,177-191, 193-206 ;
refroidissement avec Bentham, 207-208,
211-212 ; et 1, 2, 78, 81, 82, 89, 208-210,
213-215, 216, 218, 226, 236, 246.
MILL (John Stuart), II, 150, 152 ; éducation,
164-166 ; 179, 195 ; le mot « utilitaire »,
196 ; — III, 18, 40, 49, 53, 62, 67, 78, 81,
84, 89, 99, 156, 173, 178, 195 ; Stuart Mill
et ses amis, la propagande benthamique,
208-210, 212, 213, 224, 246, 248, 250.
MIRABEAU, économiste, II, 145.
MIRABEAU, homme politique, relations avec
Dumont, I, 95-96, 187 ; — II, 18-19, 36.
MIRANDA (général), II, 174,182.
MITFORD, historien, III, 213.
MOLESWORTH (sir William), III, 246-247, 250.
MONTAIGNE, I, 19,176-177.
MONTESQUIEU:
— I, 28, 29 ; opposition entre son point de vue
et celui de Bentham, 71, 81, 83, 93 ; 180 ;
— sur le gouvernement complexe, II, 39 ;
population, 100 ; idée de loi, 145 ;
— opposition entre son point de vue et celui de
Bentham, organisation judiciaire et politi-
que, III, 80, 84-85, 102-103, 107-108,
109-110, 113, 121 ; 132.
MORDVINOFF (amiral), II, 181.
MORELLET (abbé), I, 31, 74, 135, 146, 148 ; —
II, 19.
N
NAPIER, publiciste, II, 187 ; — III, 213.
NAPOLÉON, II, 123.
NEWTON, conception de la science universelle,
influence, I, 14, 16, 17, 29, 126, 133 ; —
II, 34 ; — III, 160.
O
O’CONNEL (Daniel), et Bentham, III, 207.
OSWALD, philosophe écossais, I, 16.
OSWALD (Richard), client de lord Shelburne,
II, 17.
OWEN (Robert), I, 30 ; — II, 87, 90, 126 ;
relations avec Bentham, 167, 179 ; — III,
26, 36, 63, 209.
P
PAINE (Thomas) ;
— I, 162, 171 ;
— The Rights of Man, II, 26, 38, 39, 43-51,
53 ; et Agrarian Justice, 70-71 ; citoyen
français, 28 ; défendu en justice par Erskine, 60 ; 113, 114,132 ; The Age of Reason,
178 ;
— III, 79, 116, 218, 233.
PALEY (William) :
— Principles of Moral and Political Philosophy, I, 32-35, 108 ; sur le droit pénal, 101102, 167 ;
— II, 51, 57 ; population, 84, 86 ; machines,
88 ; Paley et Malthus, 104, 118 ;
— III, 105 ; jurys, 111 ; 153, 210, 211, 213.
PARKES (Joseph), benthamite, III, 248.
PARNELL (sir John), II, 127.
PARR (Dr Samuel), II, 130.
PEEL (Robert), réforme du droit pénal, III, 77,
208, 245.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 327
III. Le radicalisme philosophique
PELHAM (lord), II, 127.
PITT (William), L, 185 ; — II, 17, 61 ; « Poor
Bill » de 1797, 69, 98, 101-102, 104, 116 ;
126, 128, 130.
PLACE (Francis) ;
— II, 62 ; se lie avec Bentham, agitation politique à Westminster, 136-137, 140-141 ;
Place et J.-B. Say, 151 ; sur la crise agraire, 157 ; le plan chrestomathique, 167169, 180 ; 166, 168, 189, 190, 195 ;
— III, 26 ; néo-malthusien, 66-69 ; 74, sur les
droits des majorités, 122-123 ; 144 ; réforme des vestries, 146-147 ; 172, 208,
211, 246 ; le Chartisme, 248.
PAYFAIR (William), I, 143.
PORTLAND (duc de), II, 127, 185.
PESCOTT, benthamite, III, 208.
PRICE (Dr R.), propagande démocratique, I,
153, 157-158, 160, 172, 183, 185 ; — son
sermon de 1789, II, 6-8 ; 86 ; population,
107.
PRIESTLEY (Dr J.) :
— disciple de Hartley, I, 16-17, 20, 26 ; le plus
grand bonheur du plus grand nombre, 3233 ; 34 ; droit de propriété, 58 ; démocrate, 153, 157, 158, 160-161, 172 ; Priestley
et lord Shelburne, 183, 185 ;
— citoyen français, II, 28 ; 48, 62 ; progrès
indéfini, 86, 118, 119, 154 ; 134 ;
— III, 65, 151, 157-158, 170, 197.
PRYNN, III, 6.
PUFENDORF, théorie de la Valeur, I, 121 ; —
II, 16, 30, 41.
Q
QUESNAY, I, 130, 131 ; — II, 41, 145, 146,
152 ; — III, 33, 135.
QUINCEY (Thomas de), homme de lettres et
économiste, III, 52-53.
R
RAYNALD (abbé), II, 114.
REID (Thomas), I, 16 ; — II, 124 ; — III, 158,
172.
RICARDO (David) :
— I, 131, 133 ;
— II, 66, 90, 117 ; formation de sa doctrine
économique, 142-145, 147, 149 ; relations
avec Say, 151-152 ; relations avec Malthus, 154, 156, 158 ; la loi de la rente foncière, 161-163 ; 174, 179, 188, 193, 195 ;
— III, 6 ; sa doctrine économique, 7-39 ; ses
disciples, 38, 39 ; polémique sur la théorie
de la valeur, 40-55 ; 56, 60, 62, 69-74 ;
opinions politiques, 132, 137 ; 146, 152,
153 ; sa mort, 208 ; 209, 212, 218, 225,
228, 237, 241,250.
RICHMOND (duc de), démocrate, I, 157, 183.
RIDAVAVIA, disciple sud-américain de Bentham, II, 182.
ROEBUCK (J. A.), benthamite, homme politique, II, 194 ; — III, 208, 247, 249, 250.
ROLAND, ministre français, II, 28.
ROMILLY (Samuel) :
— avocat, I, 92 ; relations avec Bentham, 93,
95-96, 183 ;
— Romilly et la Révolution française, II, 18,
24-26 ; Romilly et Dumont, 34, 36 ; réformateur du droit pénal, 123, 183-185,
128, 129, 132, 140, 188 ;
— III, 95,144, 212.
ROUSSEAU (Jean-Jacques), I, 13, 177, 183,
184 ; — II, 104 ; — III, 238.
S
SALISBURY (lord), II, 18.
SAVIGNY, III, 155.
SAWBRIDGE (Alderman), I, 154, 163.
SAY (J.-B.), théorie des débouchés, II, 144,
151 ; Traité d’économie politique, 147149 ; relations avec les benthamites, 151152 ; 162 ; — III, 5, 26, 28.
SCHWEDIAUR (Dr), I, 135.
SENIOR (N. W.), économiste, III, 6.
SERVAN (Antoine), I, 92.
SHAFTESBURY (lord), moraliste, I, 22.
SHAFTESBURY (lord), homme politique et
philanthrope, III, 251.
SHARPE (Grenville), I, 163.
SHELBURNE (lord), protecteur de Bentham, I,
34, 95, 135, 146, 181 ; — devient marquis
de Lansdowne, II, 17 ; appartient àla frac-
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 328
III. Le radicalisme philosophique
tion jacobine, son activité, 17, 18, 20, 2324, 26, 27, 32 ; 96, 116, 174.
SHELLEY, II, 123.
SIDNEY (sir Philip Algernon), philosophe politique, I, 153, 162.
SIEYÈS, II, 100.
SHERIDAN, I, 157.
SISMONDI, III, 7.
SMITH (Adam) :
— I, 19, 23, 26 ; théories économiques, 58-59,
111-151 ; Adam Smith et Bentham, 135,
138, 140-151 ; utilitarisme, 159, 162 ;
opinions politiques, 177-178 ; 185 ;
— II, 9, 12, 18, 32, 41, 46, 47 ; Adam Smith et
Godwin, 52, 63, 74-76, 80-81, 87-90 ;
Adam Smith et Malthus, 66, 94-95, 107110, 112, 118-121, 161-162 ; 142, 147150, 152, 155, 158-162 ;
— III, 9, 12, 19, 23, 28, 33-35, 40-42, 46-48,
58, 62, 68, 105, 152, 153, 190, 218, 221,
228, 245-246, 250.
SMITH (Richard), benthamite, III, 77.
SMITH (Dr Southwood ), benthamite, III, 207,
249.
SOUTHEY (Robert), II, 61, 123.
SPENCE (Thomas), communistes, II, 126, 143 ;
— III, 67.
SPENCER (lord), II, 128.
SPENCER (Herbert), II, 49, 97 ; — III, 199,
250.
SPERANSKI, II, 149, 181.
STAËL (Mine de), II, 189.
STANHOPE (Earl), démocrate, I, 157,
STANHOPE (Leicester), benthamite, II, 182.
STEPHENSON (George), III, 6.
STEWART (Dugald), II, 151 ; — III, 154, 156,
158, 171, 172, 175.
STEWART (sir James), économiste, II, 100.
T
TALLEYRAND (duc de), II, 27.
THOMPSON (Perronet), III, 212.
THOMPSON (William), économiste radical, II,
90 ; — III, 26.
THOMPSON (Thomas), chimiste, ami de James
Mill, II, 124 ; -III, 171.
THORNTON (Samuel), économiste, II, 143.
TORRENS (colonel), économiste, III, 6, 36, 39 ;
polémique avec Ricardo et ses disciples,
40-41, 46-49, 51.
TOWNSHEND (James), démocrate, I, 183 ; —
II, 17.
TOWNSHEND (John), précurseur de Malthus, II,
96-97, 105 ; le mot « utilitaire », 196.
TRAIL (James), II, 18.
TROWER (Hutches), II, 162 ; — III, 132.
TUCKER (Josiah), publiciste, économiste, I,
138 ; — II, 17, 18.
TURGOT, II, 147,153.
V
VALLE (José del), disciple sud-américain de
Bentham, II, 182.
VAUGHAN (Benjamin), démocrate, I, 95 ; — II,
17.
VILLER (C. F. D. de), philosophe, II, 152, 155 ;
— III, 155.
VILLIERS (Charles), benthamite, III, 247, 250.
VOLTAIRE, I, 13, 28, 92, 101, 176, 186.
W
WAKEFIELD (Edward), économiste, ami de
Francis Place, II, 157, 166, 168, 169.
WAKEFIELD (Edward Gibbon), fils du précédent, réformateur colonial, III, 246-247.
WALLACE (R.), le problème de la population,
II, 84, 97.
WASHINGTON, II, 28, 43, 44 ; — III, 116.
WALPOLE (Horace), I, 158.
WARD, radical, II, 138.
WATSON (bishop), II, 70.
WELLINGTON (duc de), III, 208.
WEST (sir E.), économiste : sur la rente foncière, II, 159, 161 ; — III, 59.
WHISHAW, II, 132,188.
WHITBREAD (Samuel), la loi des pauvres, II,
116.
WILBERFORCE (W.), II, 28, 126 ; relations avec
Bentham et les benthamites, 128, 180,
188.
Elie Halévy — La formation du radicalisme philosophique 329
III. Le radicalisme philosophique
WILKES (John), I, 154-155, 158, 180.
WILSON (George), avocat, ami de Bentham, I,
34, 36, 96, 108.
WOLLSTONECRAFT (Mary), féministe, I, 30 ;
— II, 62.
WOOLER (T. J.), publiciste, II, 140.
WORDSWORTH (W.), II, 61, 123.
WYCOMBE (lord), fils de lord Lansdowne, II,
17.
Y
YOUNG (Arthur), II, 33, 69, 102.
Table des matières.
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